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DIHSR

La
Lettre d’Information N°17 –
Rédaction : Département Interfacultaire d’Histoire et des Sciences des Religions
Responsable de ce numéro : Sarah Ljubibratic, assist. décembre 2006

Chères et chers ami-e-s du DIHSR,

Grâce à vous, l’Université de Lausanne est l'un des centres privilégiés pour
l’étude de l'Histoire et des Sciences des religions. Au DIHSR, nous nous
efforçons de maintenir ce cap et cherchons à ce que notre offre d'enseignements
et nos recherches ne cessent de s’améliorer.

Aujourd'hui, j’aimerais attirer votre attention sur les points suivants:

(1) Nous avons cherché à rendre notre site (www.unil.ch/dihsr) toujours plus
attractif pour mieux présenter les atouts de nos activités. Je vous conseille
vivement d'y jeter un oeil.

(2) Le nouveau règlement du DIHSR, qui rendra notre fonctionnement plus


efficace, a été accepté par les trois facultés partenaires (Lettres, SSP, TSR) et la
direction de l’Unil. Il pourra entrer en vigueur dès l'année prochaine. À RETENIR :
(3) En 2006, 239 étudiant-e-s étaient inscrit-e-s dans nos différents cursus (187 PROCHAINE
en Lettres, 24 en SSP et 22 en Théologie et sciences des religions). Nous nous ASSEMBLÉE
réjouissons de ce très fort intérêt et surtout du succès de la nouvelle mineure en GÉNÉRALE DU DIHSR
sciences des religions offerte pour les étudiant-e-s de SSP.
LE 16 FEVRIER 2007
(4) Une délégation du Grand Conseil du Canton de Vaud a rendu visite au A 12H15
DIHSR le 16 novembre dernier et s'est montrée très impressionnée par notre
travail et notre offre.

(5) L’année 2006 a également vu se concrétiser de nombreux colloques et


conférences : Les colloques Théories et pratiques du yoga en Suisse (février
2006), William James ou encore La construction du Genre dans les systèmes
religieux (mai 2006) ; sans oublier les ateliers de l’ORS sur les méthodes
qualitatives avec la venue de Susan Palmer, ainsi que plusieurs conférences
(Christoph Uehlinger, Michael Stausberg, Jean-Pierre Bastian).

Je me réjouis du travail du DIHSR de cette année 2006 et remercie tous ceux


qui ont travaillé dur pour le département, d'abord le coordinateur Yvan Bubloz
ainsi que la conseillère aux études Sarah Ljubibratic; ensuite les membres de
notre comité et enfin vous tous, chercheur-euse-s et enseignant-e-s affilié-e-s au
DIHSR.

Je vous souhaite de joyeuses fêtes et une très bonne nouvelle année !

Jörg Stolz

Il est possible de s'abonner à la Lettre d’Information du DIHSR en nous contactant:


par téléphone au ++41(0)21 692 2720, par fax au: ++41(0)21 692 2725, par e-mail :
coordination@unil.ch, à partir de notre site web : www.unil.ch/dihsr ou encore par
courrier en écrivant à notre centre de coordination: Département Interfacultaire
d’Histoire et des Sciences des Religions – Université de Lausanne – Anthropole –
Bureau 5011 - CH-1015 Lausanne-Dorigny.
Département Interfacultaire
d’Histoire et de Sciences
Décembre 2006 – n°17 La Lettre d’Information du des Religions

RÉTROSPECTIVE DU COLLOQUE « LA CONSTRUCTION DU GENRE DANS LES


SYSTÈMES SYMBOLIQUES RELIGIEUX. PERSPECTIVES D’HISTOIRE DES
RELIGIONS », 18-20 MAI 2006, UNIVERSITÉ DE ZURICH

C’est à l’Université de Zürich que s’est tenu du 18 au 20 mai 2006 un


colloque, en collaboration avec l’Université de Lausanne, axé sur la
construction du genre dans les systèmes religieux. Sujet encore par trop
marginalisé, l’interaction entre les catégories de genre et les systèmes religieux
dans le cadre de la Religionswissenschaft a été, durant ces quelques jours, le
centre de la réflexion des participant-e-s.

Outre la qualité des conférences présentées, il faut également relever la


diversité dans les approches culturelle et scientifique des différentes
contributions. Ainsi, la perspective historique a permis de dégager les aspects
de l’évolution des relations et des rôles entre les sexes. D’un point de vue
méthodologique, l’accent a été mis sur l’influence de la recherche sur les débats
contemporains touchant la question du genre dans la Religionswissenschaft. Ont
également été examinées les hypothèses herméneutiques et les conséquences
de l’emploi des problématiques spécifique au genre. La variété des cas d’étude
– traditions indiennes, l’Antiquité classique, le bouddhisme chinois, le judaïsme
ou encore les cultures religieuses contemporaines – a implicitement dirigé le
colloque vers une perspective comparatiste, qui mériterait d’être abordée de
manière spécifique.

Quatre thématiques ont orienté le colloque: perspectives historiques et


herméneutiques de recherche; la transmission diachronique des rôles
spécifiques au sexe dans les systèmes symboliques religieux ; la transmission
synchronique du message religieux et de la construction du genre ; les Ce compte rendu se base
représentations dominantes et marginalisées du monde et de l’humain dans les sur le rapport détaillé du
systèmes symboliques religieux. Enfin, le colloque s’est conclu par la colloque, rédigé par la
conférence d’Ursula King (SAOS, London), “Meandering through the Gender Prof. Daria Pezzoli-
Maze. Frustrations and Surprises in the Transformation of the Academic Study Olgiati. Il est disponible
of Religion”. dans le bulletin 2006 de la
Société suisse pour la
Il convient de souligner la place toute particulière qui a été donnée aux Science des religions
jeunes chercheurs-euses en Sciences des religions. Un atelier de travail – atelier (SSSR) sur le site
également ouvert aux étudiant-e-s des différentes universités suisses – a été www.sgr-sssr.ch
proposé, durant lequel les échanges entre doctorant-e-s et chercheurs-euses se
sont avérés très enrichissants du point de vue scientifique.

Une publication est actuellement en cours de préparation. Les membres du


groupe de recherche "Image et texte comme plan de codage du message
religieux" de l'université Zürich (Prof. Dr Daria Pezzoli-Olgiati, Anna-
Katharina Hoepflinger, Carmen Moser Nespeca) en collaboration avec le Prof.
Dr. Ann Jeffers (Heythrop college, University of London) travaillent sur ce
projet. L’ouvrage devrait paraître fin 2007.

Afin de vous faire patienter jusque-là, vous trouverez dans les pages suivantes
la contribution d’Olga Serbaeva, chargée de cours à l’Unil, dont la thèse a été
présentée en juillet 2006 : «Yoginīs in Śaiva Purāas and Tantras: Their Role in
Transformative Experiences in a Historical and Comparative Perspective »,
sous la direction de la Prof. Maya Burger.

Sarah Ljubibratic

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Décembre 2006 – n°17 La Lettre d’Information du des Religions

LES YOGINīS ET LE PROBLÈME DU GENRE DANS LES TEXTES DE TRIKA ET DE 1


Résumé du matériel concernant
KĀLīKULA* la position des femmes
provenant de Agni, Kūrma,
Matsya, Liga, Vāyu, Śiva et
Le canon shivaïte, ainsi que presque toute la littérature en sanskrit en Skanda purāas. Pour les détails
Inde médiévale, est écrit sans aucun doute pour les hommes et par les hommes. voir Serbaeva Olga, Yoginīs in
La femme, si nous résumons les règles puraniques, ne doit avoir ni dieu, ni Śaiva Purāas and Tantras.
religion autre que son propre mari. Ayant une autre religion que lui avant le Their role in transformative
mariage, la femme ne doit pratiquer que l'adoration mentale de son ancienne experiences in a historical and
comparative perspective. Doct.
divinité. En aucun cas, la femme ne peut trouver d’excuse d'ordre religieux diss., Université de Lausanne,
pour transgresser la parole de son mari. Voici donc les conditions de base qui 2006, p.158-165. Il est clair que
sont applicables à tout le monde, y compris les initiés shivaïtes.1 cette représentation est confinée
Paradoxalement, dans les textes tantriques shivaïtes les plus extrêmes à des sources de nature
prescriptive, écrites en sanskrit
en ce qui concerne la pratique rituelle, on trouve des idées sans précédent dans et appartenant surtout à la
la littérature religieuse.2 Le féminin y est représenté comme un modèle pour les culture brahmanique et, donc, il
hommes, la femme jouit d'une autorité sans pareille, elle peut même être un est probable que les femmes
guru. Une yoginī (le terme le plus souvent est traduit par "le féminin de yogin", auraient pu jouer un rôle plus
la pratiquante du yoga) possède un statut presque égal à celui d'une divinité. important dans les pratiques
rituelles selon les sources non-
Cette position très élevée du féminin dans les textes tantriques radicaux, surtout sanskrites ou bien la tradition
dans les traditions de Trika et de Kālīkula (y compris Krama)3, mérite donc orale.
d'être décrite en détail. 2
VT, BY, NS, SYM, TS, MVT,
(1.) La source de la doctrine sont les yoginīs elles-mêmes.4 La déesse se KS, KSB, VS, DPS, NT, TA.
révèle à Śivānandanātha, qui initie ensuite les trois premières yoginīs (Les abréviations se réfèrent à la
(auparavant les trois femmes historiques, dont nous ne connaissons que les bibliographie en fin de texte)
noms: Keyūravatī, Madanikā et Kalyāikā) de la tradition Krama.5 En ce qui 3
Les premiers signes de la
concerne Trika, ces textes sont présentés sous forme de dialogues entre position élevée du féminin se
Bhairava et la Déesse, qui le provoque par ses questions.6 Ensuite, les deux trouvent déjà dans les Yāmalas,
surtout dans le BY.53, 54 et 56.
doctrines sont protégées et transmises par les yoginīs, soit directement (dans les
4
rêves et visions révélatrices), soit par la voie plus habituelle (à travers KSB.2.12, 3.3, 4.13, TS.6.173-
178, DPS.1.14-15, 50, 2.20-22,
l'initiation et la pratique rituelle sous la direction d'un maître initié). Les yoginīs YSP.9.4-5, 42, VS.1.6a.
protègent ces doctrines et punissent tous ceux qui les transmettent aux non- 5
initiés. La peine pour une telle transgression est une mort atroce.7 TA.4.171-172 et commentaire.
(2.) Dans le domaine institutionnel, ce sont les yoginīs qui donnent la 6
Dans les textes de Krama cette
permission de donner et de recevoir l'initiation. Elles communiquent leur hiérarchie même est renversée:
c'est la Déesse qui enseigne la
volonté soit à travers des animaux qui se comportent de manière inhabituelle, doctrine à Bhairava dans DPS.
soit dans les rêves et visions.8 L'initiation la plus haute que l’on puisse avoir 7
n'est pas celle donnée par un guru humain, mais celle qui est reçue directement JY.4, f.224v2-3, TS.1.482,
5.49-51, 16.218-220a, 28.100
des yoginīs. L'initiation directe par les yoginīs, si on lit ensemble les textes de
8
Krama et le Netra tantra, a toutes les caractéristiques d'une possession.9 Les SSS.3.1-14.
yoginīs contrôlent tous les aspects de la pratique rituelle qui se déroule après 9
SYM.2, MM et commentaire,
l'initiation. Elles attestent notamment l'obtention des niveaux par les NT.19-20.
pratiquants.10 10
KT.8.103, 107, 10.120-123,
(3.) Sur le plan rituel, les substances impures ou dangereuses, les animaux, 11.25, 90-95, YSP.8.24-44, 9.3-
les sons, les arbres sacrés, les places et les moments du temps, les gens avec des 5, TS.9.540-560, TA.15.552c-
557a.
particularités physiques ou psychiques, sont tous en relation avec les yoginīs.11
11
Les rencontres avec les yoginīs constituent l'essence de la pratique rituelle. Le Serbaeva 2006, ch.3.
but des rites transgressifs n'est rien d'autre que la rencontre avec elles.12 Cette 12
MVT.10, TS.16.
pratique n'est pas possible sans connaissance des mantras. Les mantras les plus 13
KT.15.79.
puissants sont soit ceux des yoginīs, soit ceux qui sont transmis par les
14
yoginīs.13 De plus, une identification interne avec les yoginīs, et même parfois BY.56.90-101, DPS.5, JY.4
f.224r2, f.225r2, TS.15.78,
externe, est exigée de la part d'un pratiquant masculin.14 Rien n'est dit MVT.10.30-31, 22.25cd.
clairement en ce qui concerne la pratiquante. Il semble que la frontière qui 15
sépare les yoginīs surréelles et les femmes réelles soit très floue dans ce type de TS.16.1-49.
pratique. * Je tiens à remercier Sarah
(4.) En ce qui concerne les représentations du micro- et du macrocosme, les Ljubibratic, dont l'aide a été
yoginīs non seulement envahissent tout l'univers manifesté, mais elles en indispensable pour rendre lisible
cet article.
constituent même les éléments (tels que la terre, l'eau, le feu, l'air, l'éther).15 Les
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yoginīs sont aussi présentes dans les cakras du corps, liés à ces éléments. Elles
sont appelées pour symboliser les états de conscience, toujours en relation avec
les éléments mentionnés.16 Toutes les transitions et transformations du corps, de
l'univers ou de la conscience même du pratiquant se passent à travers les 16
KS, KT, KMT.14-16.
yoginīs. Cette structure, qui relie le corps humain et l'univers, est également
transposée sur la carte géographique de l'Inde. Un réseau des lieux de pouvoir
(pīhas – les "trônes" des yoginīs) couvre tout son territoire. Les frontières de
Madhyadeśa (l'Inde centrale, siège de la culture brahmanique) ont une relation
privilégiée avec les yoginīs. La présence des yoginīs marque les frontières de
l'habitat humain: elles apparaissent aux cimetières, dans les maisons où les
femmes donnent naissance, elles peuvent être vues au bord des fleuves et au
croisement des routes.17 Finalement, les yoginīs constituent le pouvoir même de
17
ces traditions radicales: leurs noms servent à encoder les syllabes des mantras Serbaeva 2006, App. 6.3 et 6.4.
les plus secrets et donc les plus puissants.18 18
Ibid., App. 6.8 et 6.9, TS.2.
(5.) Le résultat de la pratique est aussi sous le contrôle des yoginīs. Tous
d'abord, les capacités surnaturelles qu'un pratiquant peut obtenir sont ceux que
les yoginīs possèdent déjà.19 On peut dire que le pratiquant masculin, dans un
certain sens, perd son identité pour s'envoler avec les yoginīs en devenant
exactement comme elles.20 Une fois ces capacités acquises, le pratiquant peut se
permettre de rencontrer les yoginīs d’un niveau plus élevé. Finalement, même la 19
KSB.2.18, 124, 4.98, 5.38,
libération dans ces traditions shivaïtes prend la forme de l'immersion totale dans 7.9, JY.4 f.225r1-2, DPS.5.52,
une sorte de conscience cosmique, présentée dans les deux traditions par la YSP.4.57-58, 5.25-26, 8.55-56
Yoginī suprême, la Déesse, une seule existante et unique, qui est caractérisée etc. Les siddhis (pouvoirs
dans les textes par des adjectifs opposés.21 Elle est, par exemple, libre de toutes surnaturels) des yoginīs sont
décrits dans TS.16.50ff.
catégories, le zéro absolu, qui en même temps englobe tout l'univers, elle est
20
absolument libre de prendre n'importe quelle forme, par delà le bien et le mal, Voir la note 14.
elle peut même assumer simultanément les formes qui se trouvent sur les pôles 21
Surtout dans Krama: voir DPS
opposés de n'importe quelle dimension. et KS.
Mais comment une telle vision a-t-elle pu apparaître dans le contexte
d’une tradition dominée par les hommes? Est-ce que la yoginī est une vraie
femme ou bien une projection masculine? Comment une femme peut-elle
survivre dans un monde où toutes doivent être mariées et avoir des enfants?
Comment une femme, sans presque aucune possibilité d'éducation, peut-elle
connaître des textes au point de pouvoir les "révéler" aux hommes? Pourquoi
n'avons-nous rien d’écrit par les femmes? Avaient-elles une tradition orale?
Non sanskrite? Pourquoi la position très élevée du féminin dans ces traditions
va de pair avec les rites les plus extrêmes, comme la manipulation de cadavres,
de substances impures, ou les sacrifices humains? Est-ce qu'on peut voir ces
traditions comme des traditions de femmes à l'origine? Voilà une petite
sélection des questions dont j'espérais trouver les réponses en présentant ma
recherche sur la position des yoginīs dans les tantras shivaïtes de Trika et de
Kālīkula à Zürich.
Le matériel unique et mal étudié, les problèmes de langue et de
l'accessibilité des textes, l'impossibilité d'extrapoler les règles provenant des
autres traditions n'ont pas permis de trouver ces réponses. Mais la participation
au colloque m'a ouvert de nouvelles perspectives offertes par la comparaison
qui pourraient aboutir finalement à l'éclaircissement de mes questions.
Finalement, dans l'état actuel de mes recherches et avec les sources qui
sont à ma disposition, je pense qu'il est possible de répondre à la question de la
"réalité" des yoginīs de la manière suivante: tout d'abord, il faut distinguer au
moins quatre aspects différents de la signification du terme yoginī.
(1.) La femme réelle. On peut supposer qu'effectivement en Inde, entre le
VI et le XIIIème siècle, existaient des groupes de gens initiés aux traditions les
ème

plus extrêmes, telles que Trika et Kālīkula. Ces hommes et ces femmes
(appelées yoginīs) étant en dehors de la société brahmanique, n'étaient pas

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soumis aux règles de cette culture dominante. Cela veut dire que cette position
marginale, l'absence de structures comme la famille et les castes, auraient pu
permettre d'avoir une mini-société où la femme peut vraiment occuper les
positions les plus hautes, être guru par exemple. Il ne faut pas oublier que ces
gens n'avaient rien à voir avec le monde dit "normal" : ils habitaient dans les
champs de crémation, sans rien, donc sans relation à la propriété. Ils étaient
parfois sollicités par les rois qui cherchaient une solution magique à leurs
problèmes de guerres, par des gens désespérés souffrant de maladies incurables,
ou par les proches des possédés pour les faire exorciser. Ces gens croyaient que
ces initiés pouvaient entrer en contact direct avec leurs dieux (la plupart sont
terribles) pour trouver une solution rapide à des problèmes décrits. Ce contact
direct, comme on lit dans les tantras anciens, pourrait prendre la forme d’une
possession – cette fois d'initié – par une divinité. Les femmes sont généralement
considérées comme ayant la possibilité d'entrer dans ce type d'état plus
facilement que les hommes.
Cette vision hypothétique permet d'expliquer la haute position des
femmes dans ces cultes charismatiques. Néanmoins, il ne faut pas oublier que
ces gens, habitant dans les champs de crémation, ont toujours servi d'écran pour
la projection de toutes les peurs et toutes les fantaisies de la société
brahmanique. Ceci peut être comparé à la représentation de la sorcière en
Europe médiévale. C'est une figure imaginaire composée de toutes les peurs et
les désirs de la société. Le monde des initiés tantriques pour la culture
brahmanique, c'est le monde à l’envers. Il n'est pas étonnant que cette société
qui se considère comme pure, dominée par les hommes, respectant l'ordre des
stades de vie et des castes, aille projeter ailleurs, sur les "autres", toute
l'impureté, le chaos, la possession, y compris la domination des femmes.
La situation se complique par le fait que nous n'avons pas beaucoup de
mentions relatives aux femmes réelles dans les textes tantriques. Nous ne
savons pas comment une femme aurait pu être initiée, comment elle aurait pu
pratiquer les exercices yogiques, car tout ce que nous avons dans les textes est
écrit pour le corps masculin. Les vraies femmes apparaissent, mais elles ne sont
pas nommées des yoginīs, mais les dūtīs (les messagères). Elles sont appelées
pour servir les initiés masculins, y compris dans les rites sexuels. Leur position
est nettement inférieure à celle de n'importe quelle yoginī. On voit ceci par
exemple dans l'histoire de l'apparition d'une yoginī à Maheśvarānanda, initié de
l'école Krama.22 On peut donc présupposer que yoginī c'est aussi une 22
MM, commentaire.
construction mentale des initiés masculins qui leur sert à changer le plus
rapidement possible le modèle de fonctionnement de leur propre conscience.
Les trois autres aspects de la signification du terme yoginī rejoignent cette
vision.
(2.) Yoginī signifie aussi une sorte d'être imaginaire ou bien esprit
possessif qui apparaît surtout quand la conscience humaine est à ses frontières.
L'apparition d'une yoginī peut être provoquée par une situation grave, un danger
de mort, la maladie, un trauma psychologique naturel, ou bien provoquée
artificiellement par la pratique rituelle transgressive. C'est exactement ce type
de yoginī que le pratiquant masculin imite dans sa pratique. Ces yoginīs sont les
agents de la transformation rapide : elles amènent les pouvoirs surnaturels, elles
transmettent la doctrine directement "de coeur à coeur" sans passer par le
support des lettres et donc des textes. Elles se révèlent en visions et en rêves et
c'est aussi leur méthode pour révéler la doctrine. On peut aussi imaginer que le
pratiquant dans l'état de conscience modifié soit capable de voir une femme
réelle en tant que yoginī.
(3.) Les yoginī, même dans les tantras anciens, sont des concepts abstraits,
les symboles. Les yoginī en tant que symboles sont présentes même à l'intérieur
du corps humain, dans les cakras énergétiques.

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En conduisant le principe de la conscience du pratiquant de centre en centre, les


yoginīs marquent ainsi les étapes du progrès sur le chemin de la libération
finale, qui est l'ouverture totale de la conscience. Ce progrès est facilité par
l'utilisation des mantras, donc toutes les syllabes et les symboles sont de
nouveau les yoginīs.
(4.) Finalement, le terme dénote la conscience suprême qui dans ces
traditions est la Déesse.23 Cette Yoginī suprême symbolise l'étape finale de la
transformation de la conscience humaine en conscience divine. Comme les
deux traditions mentionnées sont fortement marquées par les idées non- 23
Cette vision de la conscience
dualistes, cet état de la conscience suprême est souvent décrit comme englobant est expliquée dans PH.
tout, y compris la conscience dite "normale" du non illuminé.
Il devient clair que nous ne pouvons pas réduire la figure de la yoginī à
une femme réelle : c'est plutôt un mécanisme encodé de la transformation de la
conscience humaine en conscience dite divine. En tant que représentations de
ce mécanisme de la transformation, les yoginīs ne possèdent que le genre
grammatical. Leur féminité est plutôt un moyen pour cette contre-culture
tantrique de se distinguer encore une fois de la culture brahmanique.

Olga Serbaeva

Les sources (dans l'ordre de l'alphabet sanskrit)

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Kubjikāmatatantra. Leiden: E.J. Brill, 1988.
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occupies ff.108r3-118r1. Dyczkowski, M.S.G. (ed.) E-text, 2004:
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d’Histoire et de Sciences
Décembre 2006 – n°17 La Lettre d’Information du des Religions

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MM Mahārtha Mañjarī. Silburn, L. (ed., tr.) La Mahārtha Mañjarī de
Maheśvarānanda. Paris: Boccard, 1995.
MVT Mālinīvijayottara tantra. Kaul Madhusudan Shastri (ed.) Śrī
Mālinīvijayottara Tantram. Shrinagar, 1922. Vasudeva, S. (ed., tr.) The
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d’Extrême-Orient, 2004.
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Tantra of the Left Current. Delhi, Varanasi: Motilal Banarsidass, 1985.
SSS asāhasra sahitā. Schoterman, J.A. (ed., tr.) Leiden: Brill, 1982.

Echos du sixième congrès de l’EASR et conférence spéciale IAHR


Bucarest, 20-23 septembre 2006

Une délégation de Lausanne était présente à Bucarest pour ce congrès intitulé


« Histoire religieuse de l’Europe et de l’Asie ». La Prof. Maya Burger et le
Prof. Pierre-Yves Brandt de la Section des sciences des religions de la Faculté
de théologie et de sciences des religions ont chacun présenté une contribution,
ainsi que Bogdan Diaconescu de la Section des langues et civilisations
orientales de la Faculté des Lettres. Voici quelques grandes lignes de ce congrès
et de ces quelques jours passés dans la capitale roumaine.

En plus de huit conférences plénières sur des sujets aussi variés que les disputes
théologiques du Moyen Âge ou le mysticisme juif, les religions et la violence
ou la place des penseurs espagnols dans la réflexion historico-religieuse de
Mircea Eliade, nous avions l’embarras du choix lors des sessions en parallèle :
religions gréco-romaines, religions de l’Antiquité tardive, monothéismes au
Moyen-Âge, religions indiennes et études bouddhiques, religions iraniennes,
Eliade et son héritage, interactions religieuses entre l’Europe de l’Est et
l’Europe de l’Ouest, réception de l’Orient en Occident, religions et modernité,
courants hermétiques et ésotériques. Pour plus de détails, vous pouvez consulter
le site de l’Association roumaine pour l’histoire des religions,
http://www.rahr.ro ainsi que le site de la European Association for the Study
of Religions http://www.easr.de, qui contiendra bientôt les archives du congrès
de Bucarest.

Malgré quelques flottements au niveau de la tenue de l’horaire – difficile avec


un programme aussi bien rempli – les jeunes organisateurs roumains (Eugen
Ciurtin, Gabriela Cursaru, Mihai Neamţu et Mihaela Timuş) ont fait un brillant
travail. C’est en effet la première fois qu’un congrès d’histoire des religions
avait lieu en Roumanie. Il se déroulait juste avant le « Sommet de la
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francophonie », ce qui a permis d’aménager plusieurs activités en collaboration


avec les organisateurs de cet autre événement majeur. Le trilinguisme du
congrès lui a donné une touche vraiment européenne, et ce dès la séance
d’ouverture qui a eu lieu à l’Athénée roumain, en plein cœur de Bucarest. Un
des moments forts et surprenants fut la réception par le Président roumain en
personne, Traian Băsescu, au somptueux palais Cotroceni. Plusieurs chercheurs
– notamment l’éditeur en chef de la New Encyclopedia of Religion, Lindsay
Jones – se sont vu remettre une distinction. La session de l’après-midi du jeudi
21 septembre a été tenue dans ce même endroit, permettant ainsi aux
participants de découvrir d’autres salles étonnantes du palais. Imaginez des
chercheurs communiquant leur recherche dans des salons, assis sur des canapés,
dans des salles de réception, ou encore depuis une scène de théâtre, ceci sans
rétroprojecteur ni beamer.

Au niveau du contenu des conférences, la vie et l’œuvre et surtout l’héritage de


Mircea Eliade ont occupé tant les détracteurs que les chercheurs se situant dans
la ligne d’Eliade. Quelques contributions ont présenté des réflexions
méthodologiques sur le comparatisme, mais globalement il y a eu peu de
contributions sur les théories et les méthodes de la discipline. D’autres
conférences, très peu nombreuses, se sont centrées autour d’une thématique
« genre ». Il est par ailleurs réjouissant de compter un bon nombre de femmes
qui ont présenté leurs travaux, même si on reste loin d’une représentation égale
entre hommes et femmes.

D’autre part, le fait que certaines sessions étaient dominées par une seule
langue était particulièrement frappant pour qui passait d’une session à l’autre.
Par exemple, la plupart des présentations sur les religions gréco-romaines
étaient en français, tandis que celles sur les religions de l’Inde étaient en
anglais. Globalement, il semble que l’usage de l’une ou l’autre langue reflète
les présupposés théoriques et méthodologiques, quand bien même ceux-ci ne
sont pas explicitement exprimés.

C’était seulement le sixième congrès de la European Association for the Study


of Religion, alors peut-on déjà dégager des tendances ? Il est trop tôt pour tirer
des conclusions hâtives, mais on peut déjà noter une certaine propension à
adopter une méthodologie conservatrice dans certains champs d’études, par
exemple un usage limité et restrictif de la comparaison. De tels congrès
devraient être justement l’occasion pour les chercheurs-euses d’être confronté-
e-s à plusieurs types de discours, or certaines sessions enchaînaient des
présentations assez uniformes. D’où l’intérêt de visiter plusieurs sessions en
parallèle pour avoir une vision plus diversifiée et enrichissante d’une discipline
académique qui peine encore à se définir.

Au-delà de la possibilité de présenter les recherches en cours, le congrès de


Bucarest a aussi été l’occasion pour la délégation lausannoise de renforcer ou
nouer des contacts avec d’autres universitaires européens et même américains.
Les échanges ont également eu lieu tant à l’issue des conférences que pendant
les moments plus informels. Nous avons hâte de concrétiser, par exemple, les
invitations d’enseignant-e-s d’autres universités à venir donner des conférences
à Lausanne.

Tant le cadre que le contenu des conférences ont fait que le déplacement
jusqu’à Bucarest en valait vraiment la peine. Le prochain congrès de l’EASR se
tiendra à Brême (Allemagne) du 23 au 27 septembre 2007. La délégation de
Lausanne sera-t-elle encore plus nombreuse l’an prochain ?

Florence Pasche
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PUBLICATIONS

La fabrication du psychisme. Pratiques rituelles au carrefour des sciences


humaines et des sciences de la vie. sous la direction de Silvia Mancini,
Paris : La Découverte, 2006

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*L’ouvrage est disponible à


la librairie Basta.

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Réédition de Comparer les comparatismes , sous la dir. de Maya Burger et


Claude Calame, Edidit/Archè, 2006

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Comparer les comparatismes
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