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Rosa Luxemburg
4/ Mário Pedrosa adhère au parti communiste fort critique envers le PCB, influencée par Rosa
(PCB) en 1926. En 1927 il est envoyé à l’école du Luxemburg. En 1947 il entre au Parti socialiste (PSB)
parti à Moscou, mais tombé malade, il doit inter- d’où il est exclu en 1956. Pendant la dictature mili-
rompre le voyage à Berlin, où il entre en contact taire (1964-1984), Pedrosa part en exil, d’abord au
avec l’opposition trotskiste. Il quitte alors le PCB et Chili (où Salvador Allende lui demande d’organi-
prend part à la fondation du mouvement trots- ser le Musée de la Solidarité), ensuite à Paris. En
kiste en Allemagne et en France, dont il assume 1977 il rentre à nouveau au Brésil. A partir de 1980
la direction au Brésil en 1929. En 1933 il commence Mário Pedrosa s’engage dans la fondation du PT,
son travail de critique d’art avec un article sur dont il a été le premier à signer le manifeste de
Käthe Kollwitz. En 1934 il participe à un front de fondation le 10 février 1980. Il est mort le 5 dé-
gauche contre le fascisme brésilien (« integra- cembre 1981.
lismo ») et en octobre il est blessé dans un combat 5/ Voir José Castilho Marques Neto, Solidão revo-
de rue à São Paulo sur la Praça da Sé [Place de la lucionária. Mário Pedrosa e as origens do trots-
Cathédrale]. Pendant la dictature de Getúlio Var- kismo no Brasil, São Paulo, Paz e Terra, 1993, p. 295,
gas (1937-1945) il s’exile à Paris et New York. En 1941 296. C’est probablement Lucien Laurat (pseudo-
il est arrêté en rentrant au Brésil et il est forcé à un nyme d’Otto Maschl), que Pedrosa a connu à Pa-
nouvel exil. En mai 1940 il s’éloigne de la IVe Inter- ris, qui lui a présenté les idées économiques de
nationale, en désaccord avec la caractérisation Rosa Luxemburg. En 1930 il a publié un livre sur le
de l’URSS par Trotsky comme « Etat ouvrier dégé- sujet, L’Accumulation du capital d’après Rosa
néré » et l’idée de la « défense inconditionnelle de Luxemburg. Beaucoup plus tard Pedrosa a lui aussi
l’URSS ». En 1945 il rentre au Brésil et fonde le jour- écrit un livre sur le même sujet en rapport avec
nal Vanguarda Socialista où il prend une position l’Amérique latine, A crise mundial do imperialismo
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e Rosa Luxemburg, Rio de Janeiro, Civilização Bra- Mário Pedrosa e o Brasil, São Paulo, Editora Fun-
sileira, 1979. dação Perseu Abramo, 2001. Paul Singer, juif au-
6/ Ce texte, traduit par Miguel Macedo, a été pu- trichien, a émigré en 1939 à São Paulo avec sa
blié en deux parties, en avril et en mai 1946. Dans mère. Dans sa jeunesse il a commencé à lire
la préface à la traduction brésilienne du livre de l’œuvre de Rosa Luxemburg dans le journal Van-
Jörn Schütrumpf, Rosa Luxemburg oder Der Preis guarda Socialista. Il était militant du PSB (1950-1965)
der Freiheit, Berlin, Dietz, 2006, Michael Löwy écrit : jusqu’à ce que la dictature militaire interdise le
« Je me souviens encore de l’enthousiasme, de la multipartisme et introduise le bipartisme. Paul Sin-
ferveur même avec laquelle nous lisions cet écrit ger a été co-fondateur du PT et il est actuellement
précieux quand j’ai participé, aux alentours de secrétaire d’Etat à l’Economie solidaire du gou-
1956 à São Paulo à la fondation d’un petit groupe vernement Lula. Pour plus d’informations sur lui
« luxemburgiste » avec des amis et des camarades et sur l’influence de Rosa Luxemburg sur ses idées,
d’une grande valeur comme Paul Singer, les frères voir son interview dans David Muhlmann, Ré-
Eder et Emir Sader, Mauricio Tragtenberg, Hermi- concilier marxisme et démocratie, Paris, Seuil,
nio Sachetta, les avocats Renato Caldas e Luis Car- 2010.
valho Pinto. […] Je suis convaincu que cette bro- 8/ « Nota explicativa, A revolução russa », in A crise
chure de 1918 est l’un des textes indispensables mundial do imperialismo e Rosa Luxemburgo, Rio
non seulement pour comprendre le passé, mais de Janeiro, Paz e Terra, 1979, p. 119-20.
aussi et surtout pour une refondation du socia- 9/ Ibid., p. 129.
lisme (ou du communisme) au XXIe siècle. » 10/ Rosa Luxemburg, « Die Krise der Sozialdemo-
7/ Voir Paul Singer, « Mário Pedrosa e o Vanguarda kratie », Gesammelte Werke, t. IV, Berlin, Dietz Ver-
Socialista », in José Castilho Marques Neto (éd.), lag, 1987, p. 149.
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cialismo », Vanguarda Socialista (9 août 1946). tischen Dialetktik von Spontaneität und Organi-
13/ Mario Pedrosa, « A luta quotidiana das massas sation » in Claudio Pozzoli (éd.), Rosa Luxemburg
e o Partido Comunista », Vanguarda Socialista oder Die Bestimmung des Sozialismus, Suhrkamp,
(14 juin 1946). Frankfurt, 1974, p. 190.
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16/ Mário Pedrosa, A opção imperialista, Rio de kusbund ? » [1918], Gesammelte Werke t. IV, p. 442
Janeiro, Civilização Brasileira, 1966, p. 438. et seq.
17/ Ibid., p. 324. 22/ Pasquim (18 novembre 1981).
18/ Mário Pedrosa, « Vanguardas, partido e so- 23/ « […] On n’apprend pas à faire la révolution
cialismo », Vanguarda Socialista (9 août 1946). dans les livres […] pour sacrés qu’ils soient, de
19/ Rosa Luxemburg, « Sozialreform oder Revolu- Marx ou de Lénine. Elle est dictée par les choses
tion » [1899], Gesammelte Werke t. I/II, p. 400. de notre terre, par la qualification des hommes
20/ Voir Isabel Loureiro, « Rosa Luxemburg und die qui la font, par les classes en mouvement, par la
Bewegung der Landlosen in Brasilien », Utopie- réalité historique d’où elle vient et où elle agit.
kreativ 185 (mars 2006) ; Gilberto López y Rivas, L’interprétation des textes sacrés ne remplace
« Democracia tutelada versus democracia auto- pas l’expérience vécue ni la pratique […] » (Má-
nomista », Rebelión (28 mars 2006). rio Pedrosa, Folha de São Paulo, 21 novembre
21/ Voir Rosa Luxemburg, « Was will der Sparta- 1982).
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lent pas travailler, sur quoi Mário Pedrosa attirait aussi l’attention 34/. Rap-
pelons-nous que dans son œuvre Introduction à l’économie politique Rosa
Luxemburg prend position pour les victimes de la modernisation capitaliste :
« Pour tous les peuples primitifs dans les pays coloniaux, le passage de leur
état communiste primitif au capitalisme moderne est intervenu comme une
catastrophe soudaine, comme un malheur indicible plein des plus effroyables
souffrances 35/. » Et elle voit dans la résistance de ces peuples contre les mé-
tropoles impérialistes une lutte digne d’admiration.
Michael Löwy a été le premier (pour autant que je sache) à proposer une
interprétation très originale et féconde de ce livre 36/ presque ignoré des
commentateurs 37/, peut-être parce que c’est un livre inachevé. Mais c’est
plus probable que l’exposé de Rosa Luxemburg, non conventionnel d’un point
de vue marxiste, en est la raison. Les chapitres sur le communisme primitif
et sa destruction y prennent beaucoup plus de place que ceux sur la pro-
duction de marchandises et le mode de production capitaliste. L’ère capi-
taliste de l’histoire de l’humanité y apparaît comme une époque brève,
condamnée à disparaître. En décrivant les communautés paysannes Rosa
Luxemburg montre que ces vieilles formes sociales « communistes » possé-
daient des qualités que les sociétés modernes ont perdues et qu’elles peu-
vent servir d’inspiration à des perspectives alternatives. Autrement dit, les
peuples premiers peuvent apprendre aux « civilisés » une manière de vivre
où les intérêts de la communauté déterminent de façon harmonieuse et dé-
mocratique la vie de ses membres.
Dans cette perspective, Rosa Luxemburg refuserait une conception té-
léologique de l’histoire selon laquelle il y aurait déjà dans le passé « bar-
bare » de l’humanité des tendances inéluctables vers la civilisation capita-
liste. Son admiration pour le passé non capitaliste de l’humanité donnerait
des éléments pour une conception ouverte de l’histoire, qui s’opposerait
de façon critique à l’idée de progrès linéaire adoptée par la social-démo-
cratie allemande. Michael Löwy écrit : « En confrontant la civilisation in-
dustrielle capitaliste avec le passé communautaire de l’humanité, Rosa
Luxemburg rompt avec l’évolutionnisme linéaire, le « progressisme » positi-
viste, le darwinisme social et toutes les interprétations du marxisme qui le
réduisent à une version plus avancée de la philosophie de Monsieur Ho-
34/ Voir Rosa Luxemburg, « Die Akkumulation des Voir Rosa Luxemburg, sa vie et son œuvre, Paris,
Kapitals » [1912], Gesammelte Werke t. V, Berlin, Dietz Maspero, 1965, p. 189-191. Voir aussi J.-P. Nettl, La Vie
Verlag, 1985, p. 311. Voir aussi Mário Pedrosa, A et l’Œuvre de Rosa Luxemburg, Paris, Maspero,
crise mundial do imperialismo e Rosa Luxem- 1972, p. 818-822. En tout cas aucune de ces œuvres
burgo, op. cit., p. 58-59. n’accorde d’importance à la perspective « tiers-
35 / Rosa Luxemburg, « Einführung in die Natio- mondiste » de Rosa Luxemburg. Annelies Laschitza
nalökonomie », Gesammelte Werke t. V, p. 717. par contre dans sa biographie de Rosa Luxem-
36/ Michael Löwy, « Le communisme primitif dans burg (Im Lebensrausch trotz alledem, Berlin, Auf-
les écrits économiques de Rosa Luxemburg », in bau Taschenbuch Verlag, 1996, p. 326) observe
C. Weill, G. Badia (org.), Rosa Luxemburg aujour- « que les développements de Rosa Luxemburg
d’hui, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, comprennent le Proche Orient, l’Asie du Sud,
1986. l’Afrique du Nord, l’Amérique du Sud, l’Australie
37/ Paul Frölich en est une exception, bien que fait partie de la supériorité de sa recherche. Cette
nous ne soyons pas d’accord avec son interpré- perspective externe à l’Europe a trouvé un inté-
tation économiste de l’œuvre de Rosa Luxemburg. rêt toujours plus grand au XXe siècle. »
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et la « civilisation ». Ces œuvres en tant que telles, chael Löwy, Daniel Bensaïd, Marxismo, moderni-
greffées dans des conditions primitives, ne signi- dade e utopia. São Paulo, Xamã, 2000, p. 64.
fient ni progrès ni civilisation, parce qu’elles sont 42/ Voir International Ecosocialist Manifesto de
toutes les calamités et toutes les horreurs de deux nambás » [1975] in Otília Arantes (éd.), Política das
époques : celle des rapports de domination de artes, São Paulo, Edusp, 1995, p. 335.
l’économie naturelle traditionnelle et celle de l’ex- 44/ Les descendants des anciens esclaves qui ha-
ploitation capitaliste la plus moderne et la plus bitent les « quilombos », lieux où se réfugiaient au-
raffinée. » (« Die Krise der Sozialdemokratie », Ge- paravant les esclaves qui fuyaient les grandes
sammelte Werke t. IV, p. 160-161). propriétés foncières.
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décennies et de leurs effets dans les pays du sud. Cette nouvelle théorie cri-
tique, c’est au moins ce que pense Paulo Arantes, professeur universitaire
et militant de la gauche radicale, ne viendra – si elle vient – que d’un nou-
veau type d’intellectuel de gauche, ayant une bonne formation universi-
taire, ayant assimilé la tradition radicale brésilienne, ayant des liens avec
les mouvements sociaux, de sans emploi ou emploi précaire, c’est-à-dire
relativement marginal par rapport à la société de consommation. Ce nou-
veau type d’intellectuel connaît la misère brésilienne des deux côtés, celui
de l’Etat et celui des mouvements sociaux et ne nourrit d’illusions vis-à-vis
d’aucun d’eux. Mais Paulo Arantes le reconnaît, malgré tous les problèmes
des mouvements sociaux c’est en eux et à partir d’eux que « quelque chose
de révélateur et de frappant du point de vue politique » peut naître 45/. Il se
peut que cette nouvelle génération d’intellectuels de gauche produise fi-
nalement ce que Rosa Luxemburg caractérisait comme le noyau dur du
marxisme : le lien indissoluble entre la théorie et la pratique.
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