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L’AUTORITÉ DES ARRÊTS DE LA COUR

INTERNATIONALE DE JUSTICE

Leonardo N em er C aldeira B ran t'

L’analyse de l’autorité des arrêts de la C our internationa le de


Justice doit se foca lise r a p rio ri esse ntie llem ent sur la distinction nette
e ntre le p rin c ip e de 1’a u to rité de la chose ju g é e et le p rin c ip e de
l’e xécu tion 1. D estinées toutes deux à assurer l’efficacité du jugem ent,
la force exécutoire et Tautorité de la chose jugée le font à des points
de vue divers et m anifestent Tautorité des arrêts de la C .I.J. d’une
m anière com plém entaire.

En réalité, Tautorité de la chose jugée représente une qualité


spécifique de la décision jurid ictio n n e lle de la Cour alors que la force
exécutoire est un ordre qui lui est surajouté. Ainsi, si, d’une part, Tétude
de la chose ju g é e des décisions de la C.I.J. porte sur Tinsertion du
ju g e m e n t d a n s T ordre ju rid iq u e in te rn a tio n a l et c o n s titu e le tra it
spécifique de Tacte ju rid iction n e l, d ’autre part, Tanalyse de Texécution
de la sentence internationale porte su r la conform ation des parties au
d ispositif de la sentence et ne représente pas une condition sine qua
n o n du rè g le m e n t ju d ic ia ire . En d ’ a u tre s te rm e s , d a n s le d ro it
international, la chose jugée se rapporte au caractère o blig a to ire et
d éfin itif de la sentence selon ce qui a été prévu par les a rticle s 59 et
60 du Statut de la C .I.J2, alors que la notion d ’exécution relève du fa it
que les parties doivent se conform er au jugem ent et lui donner de bonne

* Juriste A djoint à la C o u r in ternational de Justice. Professeur à 1'Université Federale de M inas G erais -


Brésil. Les propos tenu s et les opinions ém ises n e n g a g e n t que 1’auteur.
1 « En droit in tern atio n al, la distinction entre autorité de la chose ju gée et force exécutoire é ta it alo rs si
nette dans les esprits que la Cour perm anente refusa à plusieurs reprises d ’envisager 1’év en tu alité de
l'in exécu tio n d ’un arrêt ». Voir 1’affaire du vapeur Wimbledon, C.P.J.I., Série A, n° 1, p. 32 ; 1’affaire de
1'Usine de Chorzow, C.P.J.I., Série A , n ° 17, p. 63 ; 1’affaire des Concessions Mavrommatis à Jérusalem
(réadaptation), C.P.J.I., Série A , n ° 11, p. 14. Voir A lain Pillepich, « Com m entaire de 1’article 94 de la
C h arte des N a tio n s U n ies », La C h arte des N a tio n s U nies, com m entaire article par article, sous la
direction de Jean -P ierre C o t et A lain Pellet, E conom ica, Paris, 1991, p. 1276.
2 Selon 1’article 59 du S ta tu t de la C .I.J. : « La décision de la Cour n’est obligatoire que pou r les parties en
litige et dans le c as qui a été décidé ».
Selon 1’article 60 du S ta tu t de la C .I.J. : « LIarrêt est défin itif et san s recours. En cas de co n testatio n sur
le sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la C our de 1’interpréter, à la dem ande de to u te partie ».
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foi les suites nécessaires selon 1’article 94 de la Charte des Nations


Unies3.

D’a ille u rs , dans le d ro it des gens, la séparation e n tre le


prononcé de la sentence et son exécution constitue le postulat essentiel
du contentieux international. Le principe de l’autorité de la chose jugée
se limite donc à la manifestation, dans 1’univers juridique, de la décision
juridictionnelle par laquelle la contestation entre les parties aura pris
fin, ce qui permet au juge de se dessaisir de 1’affaire. En rendant son
arrêt, la Cour internationale de Justice accomplit son devoir. Sa tâche
en tant que principal organe judiciaire de 1’Organisation des Nations
Unies s’arrête là. L’exécution de ses arrêts constitue en revanche un
tout autre problème qui doit être réglé par des moyens politiques4

Cette approche conduit naturellement à la question prélim inaire


de savoir quelle est la vraie portée de la notion d’autorité des décisions
de la principal juridiction de Nations Unies.

En ce qui concerne 1’autorité de la chose jugée, il est parfaitement


accepté qu’en droit international ce principe signifie 1’effet définitif et
obligatoire d’une décision juridictionnelle. En outre son application au
contentieux international est parfaitement justifié et son caractére relatif
égalem ent reconnu. En revanche, si on sort du terrain de la définition
du principe pour se placer sur celui de la détermination de la portée de
ce qui a été jugé de manière obligatoire définitive et relative (petitum,
causa petendi, parties), le doute sMnstalle. Ici, le principe de 1’autorité
de la chose jugée n’est plus entendu par rapport à l’effet de la sentence
internationale, mais par rapport à la détermination du champ de son
autorité. Cela signifie que la délimitation de la portée des élém ents qui
com posent la chose jugée cherche précisément à établir 1’étendue de
sa force norm ative, nullem ent son être, sa réalité ou son contenu
sémantique. En fait, quelles sont les limites de la chose jugée ? Quel

3 Selon 1’article 94 : « C haque membre des N ations Unies s ’engage à se conformer à la décision de la Cour
internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie ».
4 « La fonction du juge se limite, apparemment, au prononcé des décisions. II dit le droit, m ais ne fait pas
de droit, car 1’exécution volontaire ou forcée des obligations qui incombent à Ia partie qui a succombé
en justice semble relever du domaine du règlement politique ». Shabtai Rosenne, « L’exécution et la
mise en vigueur des décisions de la Cour Internationale de Justice », R.G.D.I.R, 1953, pp. 532 à 583.
Voir également E. Tuncel, LIExécution des décisions de la C .I.J selon la Charte des N ations U nies, Thèse,
Neuchâtel, 1960, p. 59.

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danger fait-elle courir aux Etats tiers ? Quelle est sa portée vis-à-vis
de la chose demandée ? Quelle est sa portée vis-à-vis de la décision
précédente ? (Partie I).

Ensuite, la question centrale sera plutôt celle de savoir de quelle


sorte d'autorité la sentence de la Cour bénéficie-t-elle. Cette quête
dem anderait que l’on s’attache à quantifier en puissance juridique la
force de la décision juridictionnelle de la Cour. L’autorité de 1’arrét de
la Cour doit être vue ici sur le plan de 1’autorité d’un tiers dans un droit
encore décentralisé, faiblem ent hiérarchisé et limité pour ce qui est de
1’exécution forcée de la sentence juridictionnelle. (Partie II).

Partie I

La portée de 1’autorité de la chose jugée des arrêts de la Cour


internationale de Justice

La délim itation de la portée de 1’autorité des arrêts de la Cour


internationale de Justice ne constitue pas une tache sim ple. En effet:
qu’entend-on par autorité, vu que le problème est abordé sous des
angles très différents par les juristes anglophones et par les auteurs
continentaux ?

II est vraie que sous sa form e négative, 1’autorité de la chose


jugée se résum e à em pêcher que soit jugé à nouveau ce qui aura déjà
fait l’objet d’une décision judiciaire de la Cour, une fois que les éléments
objectifs et subjectifs qui com posent la procédure (petitum , causa
petendi, parties) auront été identifiés. En fait, ce principe oblige la Cour
à opp o se r une fin de n o n -re c e v o ir à to u te s re q u ê te s ou to u te s
c o n c lu s io n s te n d a n t à re m e ttre en q u e stio n ce qui a d é jà été
définitivem ent jugé entre les mêmes parties sur le même objet et sur la
même cause. Ce ci étant, 1’autorité négative de la chose jugée se
présente comm e une exception prélim inaire qui empêche un nouveau
débat, une fois constatée 1’identité des éléments qui composent la chose
jugée d’une décision préalable. Ainsi, sous le couvert protecteur de
1’effet obligatoire et définitif d’une décision antérieure, le principe de
1’autorité de la chose jugée préserve le dispositif juridictionnel d ’une
certaine décision, garantissant la sécurité juridique.

Cette perspective propre au common law méconnaít la discussion


relative à 1’autorité de la décision et se limite uniquement au caractère

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procédural du principe de 1’exceptio rei ju d ica ta e 5. Cela signifie q u’il ne


sera pas convenable d’accepter passivem ent 1’identité entre le principe
de la chose jugée et la notion d’autorité en droit international. II est
clair que, l’autorité d’une sentence de la C our est le fruit d’une obligation
form elle ayant force de chose jugée, mais la chose jugée n’a pas autorité
en soi : 1’autorité découle de la décision jurid iction nelle dont elle est
une conséquence. En réalité, la chose jugée existe indépendam m ent
des moyens perm ettant d’exécuter la sentence. Le respect de la régle
de droit, son effectivité, voire son efficacité n’influent pas directem ent
sur la préservation des caractères essentiels de la norme et notam m ent
sur sa juridicité6. Entendu notamment du point de vue procédural com m e
intégrant les qualités propres à un acte juridictionnel, le principe de la
chose jugée reste indifférent aux suites de la sentence internationale.

C e la é q u iv a u d ra it à p o s e r q u ’en d ro it in te rn a tio n a l e t to u t
particulièrem ent au sein de la C.I.J., la nom enclature idéale s e ra it soit
la res judicata, soit la chose jugée. Dès lors, il conviendrait de supprim er
le concept d’a u to rité que le dro it international ne re co n n a ítra it pas
spécialem ent à la chose jugée. En effet, cette notion d’autorité liée au
principe de la chose jugée existe plutôt dans les systèm es de droit
interne continental, et ceci parce que les sentences prononcées par
des tribunaux nationaux sont rendues au nom d’un Etat souverain qui
en assure le respect et confie 1’autorité nécessaire à cet égard soit au
juge lui-m éme, soit à Tautorité adm inistrative7. D’ailleurs, le droit rom ain
n’a longtem ps connu que 1’exception de la chose jugée8 qui, au contraire
de la notion d’autorité, n’a pour but que d’éviter le renouvellem ent d ’une
action dans des h ypothèses déterm inées. Par conséquent, sa fonction

5 La res judicata apparaít, dan s les conditions et selon les m odalités fixées par le droit, comme 1’interdiction
faite à une personne de contredire ou de contester en ju stice un point de fait ou de droit précédem m ent
tranché par une d écision ju diciaire. Voir Spencer Bower, G eorge et Turner, Th e Doctrine o f R es Ju d ic ata,
Butterw orth, Londres, 1969, pp. 17-29.
6 Denys de Béchillon, « Q u ’est-ce qu’une règle de droit », O dile Jaco b , Paris, 1997, p. 60.
7 Selon la jurisprudence du C on seil d ’E tat français, le défaut d ’exécution d ’une décision de ju stic e engage
la responsabilité de 1’E tat (C o u itéas - 30 novem bre 1992, décisions du Conseil d ’Etat. Paris 1923, 789 :
Recueil des décisions du C on seil d ’Etat, Paris 1923, p. 789 ; So ciété la Cartonnerie et rim prim erie
Saint-C h arles, 3 juin 1938, Recueil des décisions du C onseil d ’Etat, Paris 1938, p. 521), C e tte solution a
été consacrée par une loi du 9 juillet 1991, selon laquelle «L’Etat est tenu de prêter son co n co u rs à
1'exécution des jugem ents, le refus de 1’Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation» Journal
Officiel de la République française, Paris, le 12 juillet 1991.
8 H. Roland, Chose jugée e t tierce opposition, Paris, 1958, p. 181. Paul, U lpien, Julien , De exceptione rei
ju d icatae, D. 4 4 . l t . 14.

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est négative et ne pourrait se confondre avec 1’action positive inhérente


au co n ce p t cTautorité. La co nfusio n e ntre la notion cTexception et
d ’autorité a été opérée à 1’origine par Pothier, qui à partir du droit romain,
a développé le principe de la res ju d ic a ta sous le titre de 1’autorité de
la chose ju g é e. C ette notion fut u ltérie u re m en t tra n sp o sé e au droit
internation a l.

À 1’opposé, cependant on doit égalem ent reconnaítre que l’effet


positif de 1’a u to rité de la chose jugée aura pour fonction d ’assurer une
fin et une réponse à la dem ande des parties dans un litige précis. II
c a ra c té ris e le fa it q u e , à p a rtir de c e t in s ta n t-là , u n e s o lu tio n
ju rid ic tio n n e lle aura été donnée, ce qui e n tra ín e ra 1’o b lig a tio n de
1’exécution9. C om m e l’a dit la C.P.J.I. par son arrêt du 15 juin 1939,
dans 1’affaire de la Société com m erciale de B elgique, « Si les décisions
sont définitives, il est certain que le gouvernem ent hellénique est tenu
de les e xécuter, et de les e xé cu te r te lle s q u e lle s »10. Son a u to rité
correspond à la force que 1’ordonnancem ent juridique accordera au
résultat de 1’activité ju ridiction nelle et, dans ce sens, elle se présente
dans le cadre de la C .I.J. com m e une présom ption de droit rattachée à
un acte ju rid ictio n n e l ayant force de v é rité 11. En d ’autres term es, la
chose jugée exprim e et m atérialise l’attribution d’ un droit particulier,
reconnu et protégé par les sources du droit international. Dans ce sens,
1’au to rité de la chose ju gée fo n c tio n n e ra it com m e une ju s tific a tio n
jurid iq u e qui so u tie n d rait 1’autorité de 1’exécution et l’efficacité de la
sentence soit d’ un point de vue form ei, grâce à l’effet d’autorité de la
ju rid ic tio n , s o it d ’ un p oint de vue m a té rie l, par 1’ in te rm é d ia ire de
l’application du principe de la bonne foi et de 1’intérêt des Etats à avoir
un certain cré dit auprès de la com m unauté internationale.

En effet, ces deux vecteurs répondent à la nécessité sociale qui


ju stifie d’un cô té 1’im m utabilité du d ispositif d ’une sentence de la C our
et, d’un autre côté, autorise son e xécution. En sachant que 1’autorité
de la chose ju g é e agit dans les lim ites d’ un litige donné et touche

9 « U autorité de la ch ose ju gée met fin au différend ; la sentence d essaisit le tribunal ; elle co n state les
o b lig atio n s qui s ’im p o sen t aux E tats et s ’en rem et à ceux-ci de 1’ex écu tio n ». Paul R euter, D ro it
in ternational public, P.U.F., Paris, 1983, p. 450.
10 C .P J.I, Série A /B n_ 78, p. 176.
11 D ans son Dictionnaire de droit international, B asdev an t définit 1’autorité de la chose ju gée en tan t que
présom ption de d ro it exprim ée par 1’adage res ju dicata pro veritate habetur. Basdevant, D ictionnaire de la
term inologie du d roit in ternational, Sirey, Paris, 1960, p. 114.

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uniquem ent les parties représentées à 1’instance, il faut reconnaítre la


distin ction entre 1’autorité ratione personae (Section I) et 1’a u to rité
ratione m aterai des arrêts de la Cour (Section II).

Section I

Uautorité ratione personae des arrêts de la Cour

Bien entendu, dans le contentieux devant la C.I.J., la chose jugée


entre certaines parties ne peut ni nuire ni profiter à des tiers. La relativité
de la chose jugée apparaít ainsi comme un m écanism e de protection
des intérêts des tiers qui ne sauraient être liés par le résultat d ’une
instance à laquelle ils n’étaient pas obligés de participer12. En d ’autres
term es, on ne peut opposer 1’autorité de la chose jugée qu’aux parties
présentes à 1’instance à 1’issue de laquelle une décision ju ridiction nelle
à été rendue. C ’est bien là, sem ble-t-il, le contenu de l’adage « res
in te ra lio s jud ica ta aliis neque n o ce tp ro d e st », qui prévoit que, lorsqu’un
E tat n’est pas c o n s id é ré com m e une partie en litig e , la d é c is io n
juridictionnelle sera pour lui une « res in te r alios acta », c’est-à-dire
sans aucune existence juridique. Tel est le sens de 1’article 59 du Statut
de la C.I.J. selon lequel le prononcé juridictionnel n ’est obligatoire et
d é finitif « que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé ».
Tel est aussi le but ultim e de 1’article 36 du Statut de la C.I.J, c ’est-à-
dire em pêcher que les droits des tiers ne soient définitivem ent tranchés
sans leur consentem ent.

Cela signifie to ut sim plem ent que si la com pétence de la Cour


dép e n d du c o n s e n te m e n t des g o u v e rn e m e n ts , ses d é c is io n s ne
sauraient s ’étendre aux prétentions ou aux obligations d’un Etat qui ne
serait pas partie au procès et n’aurait, par hypothèse, pas accepté de
se soum ettre au fu tu r jugem ent. Comme le note la C.P.J.I., dans l’affaire
de /'U sine de C horzow « le but de l’article 59 est seulem ent d’éviter
que des p rin c ip e s ju rid iq u e s adm is p a r la C our dans une a ffa ire
déterm inée soient obligatoires pour d’autres Etats ou d’autres litiges »13.
Cette règle, en principe, ne pose pas de problèm e et la Cour dans la

12 Selon C harles R ousseau, cette relativité apparaít à deux points de vue, l ’un, pourrait-on dire étan t a
priori et, 1’autre a posteriori. Voirr C . R ousseau, « Le règlem ent arbitrai et judiciaire et les E tats tiers »,
Problèmes de“droit d e s gens, M élanges offerts à Henri R olin, Pédone, Paris, 1964, p. 301.
13 Voir 1’affaire de 1’lnterprétation des arrêts 7 et 8 relative à 1’affaire de 1'Usine de Chorzow, C.P.J.I., Serie A
n°13, p. 21.

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plupart des cas se contentera d’exclure de son prononcé les questions


qui touchent des Etats tie rs 14.

T outefois, dans une certaine m esure, il faut poser la question de


savoir si Tarticle 59 du Statut offre une protection suffisante à des tiers
vue que 1’intérêt juridique d’un Etat tiers n’a pas toujours la m êm e portée.
Le problèm e de 1’étendue de la chose jugée soit aux tiers (§1), soit aux
Etats intervenants est alors posé (§2).

§1 - L’étendue de 1’autorité de la chose jugée aux tiers

Pour répondre à la question de savoir quelle est 1’étendue de


1’autorité de la chose jugée vis-à-vis des Etats tiers la C our a distingué
les tiers à une instance qui justifie nt d’un intérêt juridique co nstituant «
1’objet m êm e de la décision » (a), des tie rs à une instance dont un
intérêt ju rid iq u e est susceptible d’être « touché, ou affecté » par une
décision de la C our (b).

(a) II est certain que le consentem ent est toujours requis pour
que la Cour puisse se prononcer. C ela signifie que “la C our saisie d ’un
d iffé re n d e n tre d e u x ou p lu s ie u rs E ta ts, d o it d é c lin e r sa p ro p re
com p é te n ce à 1’é g ard d u d it d ifféren d ou, selon le cas, de c e rta in s
aspects de ce m êm e différend si, en s ’en tenant aux term es en lesquels
le différend lui a été déféré, la C our était am enée à se prononcer -
e x p re s s é m e n t ou im p lic ite m e n t - su r des d ro its, des p ré te n tio n s
jurídiques ou encore sur des devoirs d’ Etats par rapport auxquelles
elle n’a pas le pouvoir de juger, étant donné que la base consensuelle
fait défaut »15. A insi, dans Taffaire de l ’O r m onétaire p ris à R om e en
1943'e la C our cherche à fixe r le principe général de T im possibilité de
s ta tu e r s u r la r e s p o n s a b ilité d ’ un tie r s au p ro c è s s a n s son
consentem ent, lorsque Fexamen de cette responsabilité con stitu e «
1’objet mêm e » de la décision future. Ceei étant, la Cour re co n n a it que
« les intérêts ju rid iq u e s de PAIbanie seraient non seulem ent touchés
par une d é c is io n , m a is c o n s titu e r a ie n t 1’ o b je t m ê m e de la d ite
décision »17, e lle conclut que « le Statut ne peut être considéré com m e

14 Etienne G riesel, « Res judicata : Pautorité de la ch ose jugée en droit in ternational », M élanges G eorges
Perrin, Payot, L au san n e, 1984, "p. 158.
15 G iuseppe Sperduti, « L intervention de PEtat tiers dans le procès international: une nouvelle orientation »,
A.F.D .I., 1986, p. 291.
16 C .I.J., Rec. 1954, pp. 9ss.
17 C .I.J., Rec. 1954, pp. 19 ss.

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autorisant implicitem ent la poursuite de la procédure en 1’absence de


1’Albanie »18. Un nouvel arrêt de la C.I.J. rendu le 30 juin de 1995 dans
Taffaire du Timor oriental qui opposait le Portugal à 1’Australieappliquera
les bases du principe de l ’Or monétaire et de celui de la protection des
intérêts de tierces personnes19. En fait la Cour a reconnu qu’elle « ne
saurait rendre une telle décision en Pabsence du consentem ent de
1’lndonésie »20.

(b) En revanche la Cour a considérée que les Etats tiers à une


instance dont un intérêt juridique est susceptible d’être « touché, ou
affecté » par une décision de la Cour sont protégés par Tarticle 59 du
S ta tu t. C’est-à-dire que « les intérêts des tiers sont déjà préservés par
les frontières assignées à la juridiction du Tribunal »21. Dans ce cas,
les Etats tiers ne peuvent em pêcher la Cour de statuer sans leur
consentem ent, mais ont la faculté d’intervenir aux débats, com m e
Tindiquent les articles 62 et 63 du Statut de la Cour.

Dans 1’arrêt du 21 mars 1984 dans Taffaire du Plateau continental


(re q u ê te de 1’ lta lie à fin d ’ in te rv e n tio n ), la C our re p re n d son
raisonnement et précise que « les droits revendiqués par 1’ltalie seraient
sauvegardés par 1’article 59 du Statut ». Ainsi, selon la Cour, « quand
un Etat estime que, dans un différend, un intérêt d’ordre juridique est
pour lui en cause, il « peut », selon les term es de 1’article 62, soit
soumettre une requête à fin d’intervention et réaliser ainsi une économie
procédurière de moyens (comme l’a relevé le Conseil de 1’ltalie), soit
s ’abstenir d ’intervenir et s’en remettre à 1’article 59 »22. Dans Taffaire
de Certaines terres à phosphates à Nauru la Cour a considérée que
les intérêts de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni ne constituaient
pas 1’objet même de la décision à rendre sur le fond de la requête de
Nauru et 1a situation était à cet égard différente de celle dont la Cour
a connu dans Taffaire de l ’Or monétaire. La Cour a ainsi soutenue que
“dans la présente espèce, la détermination de la responsabilité de la

18 Ibid, p. 32.
19 Jean-M arc Thouvenin, « U arrêt de la C.I.J. du 30 juin 1995 rendu dans Taffaire du Timor oriental (
Portugal c. A ustralre) », A.F.D .I., 1995, p. 334.
20 C.I.J. Rec. 1995, p. 102.
21 Etienne Griesel, « Res judicata : 1’autorité de la chose jugée en droit international », Mélanges Georges
Perrin, , Payot, Lausanne, 1984, p. 143.
22 C .I.J., Rec. 1984, p. 26.

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Leonardo Nem er Caldeira Brant

N ouvelle-Zélande et du Royaume-Uni n’est pas une condition préalable


à la déterm ination de la responsabilité de 1’Australie, seul objet de la
demande de N auru” .23.

La C our suit la même ligne d’argum entation dans 1’affaire du


Différend Frontalier (Burkina Faso/République du Mali)24. Pour ce qui
est de sa com pétence, la Chambre a considèrée que «Les droits de
1’Etat voisin, le Niger, sont sauvegardés en tout état de cause par le jeu
de 1’article 59 du Statut de la Cour »25. Quant au fait de savoir si des
considérations liées à la sauvegarde des intérêts de 1’Etat tiers concerné
devraient 1’am ener à s’abstenir d ’exercer sa compétence, la Cour a
soutenue que cela supposerait que « les intérêts juridiques de cet Etat
seraient non seulem ent touchés par sa décision mais constitueraient
1’objet même de la décision. Tel n’est pas le cas en 1’espéce »26. La
Cour rem arque ainsi que « conform ém ent à 1’article 59, le présent arrêt
ne sera pas non plus opposable au Niger en ce qui concerne le tracé
de ses propres frontières »27.

(c) La face cachée de cette jurisprudence soulève la question de


savoir si la C our peut bien être amenée à se prononcer indirectem ent
sur la situation juridique d’un Etat tiers parce qu’elle s’est prononcée
sur celle des parties. En réalité, bien que la Cour a insisté à plusieurs
reprises sur le fait que les intérêts juridiques du tiers qui sont « touchés »
par sa décision sont en tout état de cause sauvegardés par le principe
de la relativité de la chose jugée énoncé à 1’article 59 de son Statut, il
est clair qu’il y a des situations oü 1’article 59 n’offre qu’une protection
imparfaite aux intérêts des Etats tiers28. Comme le remarque Sir Robert
Jennings, « il est vrai que les droits et obligations particuliers créés
par le dispositif visent les parties à 1’instance, et elles seulem ent, et
seulement pour ce qui concerne 1’affaire jugée[...]. II serait néanmoins
imprudent, même sur le plan strict des principes juridiques, de supposer

23 C.I.J., Rec. 1992, p. 261.


24 Arrêt du 22 décembre 1986. C .I.J., Rec. 1986 , pp. 547ss.
25 Ibid, p. 555.
26 Ibid, pp. 557-559.
27 Ibid, pp. 554-559. Voir aussi Ia jurisprudence de la Cour, C.I.J.» Rec. 1963, pp. 25-33.
28 Selon le juge Mbaye : « II y a en effet des circonstances oü la décision de la Cour pourrait porter un
préjudice irréparable à un Etat tiers ». Voirr 1'oppinion individuelle du Juge Mbaye dans 1’affaire du
Plateau continental, requête de 1’ltalie à fin d'intervention, C .I.J., Rec. 1984, pp. 46-47.

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que les effets d’un arrêt sont parfaitem ent lim ités par les dispositions
de Tarticle 59 »29.

La Cour dans Taffaire des A ctivités m ilitaires e t pa ram ilitaires au


N icaragua et contre ce lu i-ci rappelle « q u ’elle se prononcé avec effet
obligatoire pour les parties en vertu de Tarticle 59 du Statut et que les
Etats qui pensent pouvoir être affectés par la décision ont la faculté
d’introduire une instance distincte ou de recourir à la procédure de
1’intervention ». M algré cela, en 1986, la C our n’a pas hésité à trancher
la question de savoir si une attaque arm ée du N icaragua contre Tun
des trois Etats (Honduras, El Salvador, Costa Rica) avait vraim ent existé
et si, p a r c o n s é q u e n t, Tun d ’ e n tre e u x a v a it le d ro it d ’ a g ir en
autodéfense. En réalité, lorsque la Cour - a rejeté le droit individuel à
Tautodéfense, a défini la nature d’une attaque arm ée selon Tarticle 51
de la Charte des N ations Unies et a répondu à la question de savoir si
Taction du N icaragua en soutenant les forces rebelles à El S alvador
c o n s titu a it une so rte d’atta que arm ée, - il sera d ifficile de ne pas
constater une certaine atteinte au droit d ’EI S alvador « de voir la Cour
s’abstenir de tra nch er un différend qu’ il ne lui a pas soumis ». La Cour
en arrive même à rem arquer « qu’il est donc indéniable que ce droit
d’EI S alvador (et donc cet Etat lui-m êm e) se trouverait affecté par la
décision de la C our »30.

Finalem ent dans sa requête à fin d’ intervention dans Taffaire de


la F rontière terrestre et m aritim e entre le Cam eroun et le Nigéria, la
G uinée équatoriale cite le § 116 de Tarrêt rendu par la Cour le 11 juin
1998 dans T a ffa ire de la F ro n tiè re te rre s tre e t m a ritim e e n tre le
C a m ero u n e t le N ig é ria 3’ . En effet, la C our note que la s itu a tio n
géographique des te rrito ire s des autres Etats riverains du golfe de
Guinée, et en p a rticulier de la Guinée équatoriale et de Sao Tom é-et-
P rincipe, d é m o n tre q u ’en to u te p ro b a b ilité le p ro lo n g e m e n t de la
frontière m aritim e entre les parties [...] fin ira par atteindre les zones
m aritim es dans le squ elles les droits et intérêts du Cam eroun et du
N igéria ch evaucheront ceux d’Etats tiers. Ainsi, les droits et intérêts

29 Voirr 1’oppinion dissidente du Ju ge Jenn ings dans Taffaire du Plateau continental, requête de 1'ltalie à f in
d’intervention, C .I.J., R ec. 1984, pp. 157-158.
30 C .I.J., Rec. 1986, p. 36.
31 C .I.J. Rec 1999, § 2.

190
Leonardo N em er C aldeira Brant

cTEtats tiers seront touchés, sem ble-t-il, si la C our fait droit à la dem ande
du Cam eroun »32.

Ceei a co nduit une partie de la doctrine à adm ettre que, dans


certaines circonstances, la décision internationale aura une autorité
qui dépassera les lim ites réservées aux parties en litige. C om m e le
note G eorges S celle, « il est en dro it international, com m e en droit
interne, des décisions à caractère objectif qui valent pour tous les sujets
de droit de la com m unauté internationale considérée »33. En effet, bien
q u ’en règle g é n é ra le , le d ro it in te rn a tio n a l ne c o n n a is s e pas la
distinction entre les décisions « in p ersonam » et les décisions « in
rem »34, C harles de V isscher soutient que « les arrêts qui sta tuen t sur
la souveraineté territo ria le d’un Etat ou sur la délim itation des frontières
entre deux Etats, font exception à la relativité de la chose ju g é e »35.
Selon lui, « la raison en est que ce qui est ici 1’objet de la décision, le
statut territo rial, se présente dans les rapports internationaux com m e
une situation objective ayant effet « erga om nes »36. Ainsi, pour C harles
de Visscher, « alors mêm e que du point de vue procédural ou form ei,
1’instance ne m et en cause que deux Etats, une sentence te lle que
1’arrêt de la C our perm anente de Justice internationale dans 1’affaire
du S ta tu t ju rid iq u e du G ro e n la n d O rie n ta l37 est o p posable à toutes
revendications d ’Etats tiers ; elle agit « in rem » et non seulem ent « in
persònam »38.

C harles de V isscher n’a pas été le seul à suivre cette voie.


Ainsi, C harles R ousseau, tout en adm ettant que la décision rendue par
la C our n ’a pas d ’effet jurid iq u e à l’égard des Etats tiers, réserve le cas
oü celle-ci est relative à une situation objective créée par tra ité (cas
d ’un traité éta b lissan t un statut territo rial, d ’un tra ité de lim ite s)39.

, 32C.I.J. R ec 1998, p. 324.


33G. Scelle, « E ssai su r les sou rces form elles du droit in tern atio n al », M élanges Geny, Paris, 1935, p. 426.
34S pencer Bower and Turner, « T h e D octrine o f Res Judicata », Butterw orths, Londres, 1969, p. 198.
35C h arles de Visscher, « L a chose jugée devant la C o u r in tern atio n ale de Ia H aye », R .B .D .I., 1965-1, p. 9.
36Ibid, p. 9.
37D an s sa plaidoirie dan s 1’affaire du Statut juridique du Groenland oriental, Charles de V isscher soutient
quer « en droit la question de savoir si une région doit être considérée comme terra nullius ou si, au
contraire, elle d o it être considérée com m e su je tte à une sou verain eté, est une q uestio n qui, par sa
nature même, se pose à 1’égard de tous les États. Elle se pose erga omnes et non dans la persp ective des
relations particulières qui peuvent exister entre un É tat et un autre État ». C .P J.L , Série C , n°6 6, p.
2794.
38 C h arles de Visscher, « La chose jugée devant la C o u r in ternationale de la H aye* , R .B .D .I., 1965-1, p. 9.
39 C h arles R ousseau, D ro it international public, T. V, Sirey, Paris, 1983, p. 143.

191
Revista da Faculdade de Direito da Universidade Federal de Minas Gerais.

Dans le même sens, mais un peu plus nuancé, Roger Pinto


soutient « qu’un arrêt déterminant les limites territoriales d’un Etat peut
exceptionnellem ent avoir force obligatoire pour les Etats tiers. Selon
lui « ces lim ite s s ’ im posent aux E tats tie rs - sous ré s e rv e des
re ve n d ica tio n s te rrito ria le s q u ’iIs p ré te n d ra ie n t eux-m êm es fa ire
valoir »40. En d’autres termes, Roger Pinto prétend que « 1’Etat tiers ne
pourrait contester le tracé judiciaire d’une frontière sans contact avec
son te rrito ire . Mais il pourrait revendiquer comm e relevant de sa
souveraineté les territoires - une íle ou des ílots - que la Cour a attribués
par un arrêt à l’un des deux Etats parties au différend »41.

Sans doute, comme le fait remarquer Jean Salmon, on voit mal


en quoi la déterm ination par la Cour de La Haye de la frontière terrestre
entre deux Etats pourrait intéresser les tiers, « puisqu’ils n’ont aucun
droit propre à faire valoir »42. Mais, en considérant que cet intérêt
juridique existe, comm e c’est bien le cas de la fixation d’un point triple,
une partie de la doctrine soutient qu’il serait imprudent, même sur le
plan strict des principes juridiques, de supposer que les effets d’un
arrêt seront parfaitem ent limités par les dispositions de Tarticle 59.

A ce sujet, Sir Robert Jennings, dans son opinion dissidente dans


Taffaire du Plateau continental, (requête de IMtalie à fin d’intervention),
s’interroge sur la question de savoir si le fait de « donner à Tarticle 59
la très large interprétation que la Cour semble retenir - et qui ferait de
chacune de ses décisions quelque chose d’analogue à un accord
bilatéral, « res in te r alios acta » pour les Etats tiers - n’aurait-il pas
pour effet d’interdire dorénavant à la Cour tout prononcé utile et concret
sur les questions de souveraineté et de droits souverains »43. Selon
lui, parler de « droits souverains » opposables à une partie seulem ent
ressemble fort, en effet, à une contradiction dans les termes »44.

V irally va encore plus loin. En effet, dans sa plaidoirie dans


Taffaire du Plateau continental, il remarque que « la réalité, c ’est que
Tarrêt de la Cour, dans un cas de délimitation, crée directem ent ou

40 Roger Pinto, Jurisclasseur du droit international, fascicule 218, n°28, p. 9.


41 Ibid, p. 9.
42 Jean Salmon, « Autorité des prononcés de la Cour internationale de La Haye », Arguments d ’autorité et
arguments de raison en droit, N em esis, Bruxelles, 1988, -p. 31.
43 Voir 1’opinion dissidente du Juge Jennings. C .I.J., Rec. 1984, p. 158.
44 Ibid, p. 158.

192
.Leonardo Nem er Caldeira Brant

indirectem ent une situation objective qui se concrétise sur la carte et


sur le terrain »45... c’est à partir de cette présom ption qu’il pose la
question de savoir « comment en définitive peut-on soutenir qu’une
délimitation de zones de plateau continental est une opération purement
bilatérale dans une région comme celle-ci oü s ’entrecroisent et se
superposent les droits d’une pluralité d ’Etats riverains et insulaires dans
des espaces m aritim es étroits »46.

Cependant, la Cour à juste titre ne semble pas accepter partager


1’opinion d’une partie de la doctrine qui accepte le cas d’exception à la
relativité de la chose jugée. Évidemment, comme la Cour arrive même
à le reconnaitre, les délimitations judiciaires des frontières terrestres
et maritimes apportent en elles-mêmes « un élément inhérent de stabilité
et de p e rm a n en ce »47. M ais a d m e ttre l’é la rg is s e m e n t du cham p
d’application de la chose jugée im pliquerait qu’aucun Etat, qu’il soit
partie à 1’instance ou tiers, ne pourra plus jam ais discuter à nouveau le
cas déjà décidé. C ette conclusion n ’est pas acceptable. En effet,
comm ent adm ettre qu’en droit international le jugem ent rendu sur un
point déterminé pourra s’imposer à tous les tiers au procès et que,
dans ce cas, lorsqu’un tiers, à 1’occasion d’un litige, souhaite rem ettre
en cause la chose précédemm ent jugée en son absence se heurtera à
une exception de la chose jugée ?

L’idée que la souveraineté d ’un Etat a un caractère objectif


ind énia ble et que, de ce fait, elle d o it p ouvoir être opposée non
seulem ent à ses voisins immédiats, mais aussi aux autres mem bres de
la comm unauté internationale, n’a rien d ’exceptionnel. II est vrai qu’un
titre de souveraineté territoriale vaut « erga omnes ». Mais comme le
remarque Etienne Grisel, « il ne s’ensuit pas qu’une décision qui a
trait, de près ou de loin, à une délim itation de frontières, soit chose
jugée vis-à-vis des tiers. Les deux idées sont bien distinctes et la
seconde ne découle nullement de la première. Q u’une frontière ait été
fixée par un accord bilatéral, ou par un prononcé juridictionnel, ou
encore par un traité fondé sur un jugement, de toute manière, les droits
d’autrui ne peuvent pas être affectés; ils sont forcém ent réservés, et ils

45 C .R . 1984/6, p. 62.
46 C .R. 1984/6, p. 68.
47 C.I.J.,R ec. 1978, p. 36.

193
R evista da Faculdade de D ireito da U niversidade Federal de M inas Gerais.

p o u rro n t to u jo u rs être re ven diqu és d e va n t un trib u n a l, sans que jo u e «


l ’e x c e p tio re i ju d ic a ta e ». Le point e sse n tie l est qu’un arrêt, quel que
so it son objet, n’a pas de ca ra ctè re d é fin itif à 1’égard des tie rs »48. En
fa it, la ju ris p ru d e n c e de la C our re n fo rce le p rincipe de la re la tiv ité
ju rid iq u e de la ch o se ju g é e et n’a dm e t pas 1’extension du ca ra c tè re
o b lig a to ire et d é fin itif d ’a ucune décision ju rid ictio n n e lle à 1’ég a rd des
tie rs 49.

§2 - L’autorité de la chose jugée et 1’Etat intervenant

R em arquant donc que la protection des intérêts des tie rs en vertu


de la re la tivité de la cho se ju g é e n’est pas absolue, le S tatu t de la
C .I.J. lui-m êm e a cce p te e xp re ssé m en t ia p o ssibilité d ’in te rve n tio n d ’un
tie rs 50 lo rsq u e c e lu i-c i « e stim e que, dans un différend un in té rê t d ’ordre
ju rid iq u e est p o u r lui en ca u se »S1. C e tte fa culté est c e p e n d a n t a s s o rtie
d ’une double lim ita tio n . En effet, à plu sie u rs reprises, la C our a in sisté
d ’abord sur les c o n d itio n s fo n d a m e n ta le s de la dem ande d ’in te rv e n tio n
et en suite sur ses con sé q u e n ce s, c ’e s t-à -d ire 1’autorité des a rrê ts vis-
à-vis de la p a rtie in tervenante.

a) Les c o n d itio n s d ’a d m issib ilité de i'interve n tio n d ’ un E tat tie rs


so n t c la ire m e n t pré vu e s par Tarticle 81, §2, du R èglem ent de la C o u r52.
A insi, lorsq u ’un E tat n ’a rrive pas à é ta b lir Texistence d ’un in té rê t d ’ordre

48 Eienn e G risel, « Res ju d icata : 1'autorité de la ch o se ju gée en droit in tern atio n al» , M é la n g es G eorges
Perrin, Payot, L au san n e, 1984, pp. 156-157.
49 Le problèm e de Teffet ju rid iqu e d ’ un arrêt qui sta tu e su r la sou verain eté territoriale d ’ un E ta t ou su r la
délim itatio n d e s fro n tière s en tre deux E tats a été po sé d an s Taffaire du Plateau continental (T u nisie/
Libye). L a C ou r a rem arqu ée q u a u c u n e in férence ni d éd u ctio n ne sau rait légitim em ent être tirée de ces
co n clu sio n s ni de c e s m o tifs pour ce qui est des d ro its ou p rétentions d 'E tats qui ne so n t p as parties à
T affaire ». C .I .J., R ec. 1981, p. 20. II est alors clair, q ue si la décision de la C o u r peut to u ch er q uelq ues
in térêts ju ridiqu es d e M alte, elle n ’est p as ch ose ju gée à son égard. D an s 1'arrêt du 21 m ars 1984 dan s
Taffaire du Plateau continental (requ ête de T Italie à fin d 'in terv en tio n ), la C ou r rem arqu e en co re que
1’arrêt à venir ne se ra p as seu lem en t lim ité dans ses effe ts par Tarticle 59 du S t a t u t ; il se ra exprim é san s
préju dice des d ro its et titres d ’E ta ts tiers. C .I.J., R ec. 1984, pp. 26-27.
50 G. M o re lli, « F o n ctio n et o b jet de T intervention d an s le procès in tern atio n al »—, M é la n g e M alfred
L ach s, J. M akarczyk 1984, p. 40 4 . G . S p e rd u ti, « L a sau v egard e des droits de TE tat tiers d an s le procès
d e v a n t la C o u r in te rn atio n a le de Ju stic e », R .D .I., vol. 71, 1988, p. 90.
51 t » L o rsq u u n E tat estim e q u e, d an s un différend, un in térêt d ’ordre ju ridiqu e est pour lui en cau se, il peu t
ad resser à la C o u r u ne requ ête, à fin d ’in tervention ». A rtic le 62 du Sta tu t de la C .I.J.
52 U article 81, §2, du R èglem en t de la C o u r prév o it que :t
« La requête (à fin d ’in terv e n tio n fondée sur T article 62 du S ta tu t) indique le non de T agen t. Elle
précise Taffaire q u ’elle co n cern e e t sp écifie :
a) - Tintérêt d ’ordre ju ridiqu e qui selon T E tat d em an d an t à intervenir, est pour lui en ca u se ;
b) - Tobjet précis de T intervention ;
c) - to u te base de co m p éte n ce qui, selo n T E tat dem an dan t à intervenir, ex isterait entre lu i et les p arties. »

194
Leonardo N em er C aldeira Brant

ju rid iq u e et lo rsq u e 1’objet de la d e m a n d e est to ut à fa it é tra n g e r au


m ode d ’in te rv e n tio n visé à l’a rticle 62 du S tatut de la C our, la C ou r
rejette la d e m a n d e d ’in te rve n tio n . C e tte attitu d e de la C ou r n’est pas
a lé a to ire . A u c o n tra ire , s y s té m a tiq u e m e n t, la C o u r p re n d soin de
d é m o n tre r q u ’e lle en te n d p ré se rve r les inté rê ts des tiers. En réalité,
lorsque la C o u r re fuse 1’ inte rven tion e lle so u lig n e que 1’in té rê t ju rid iq u e
de 1’Etat tie rs se ra protégé par la re la tivité de la chose ju g é e selon
1’a rticle 59 du S tatut. C ette a ttitu d e c e p e n d a n t so ulève e n co re une fois
la q u e stio n de s a v o ir si la C our ré p o n d de m anière s u ffis a n te aux
b esoins q u ’o n t les Etats tiers d ’a vo ir leurs intérêts ju rid iq u e s protégés.
Le doute pè se s u r la c o e xiste n ce e n tre les a rtic le s 59 et 62 du S tatut
de la Cour. En réalité, 1’ lta lie arrive m êm e à ju s tifie r sa re q u ê te à fin
d ’in te rve n tio n en a rg u m e n ta n t que : « si 1’a rtic le 59 fo u rn it to u jo u rs
une p rote ction s u ffis a n te aux Etats tie rs et si la protection q u ’il donne
est te lle qu ’e lle e m p ê ch e que 1’in té rê t de 1’Etat tiers soit ré e lle m e n t en
cause dans une a ffa ire pendante, a lo rs... 1’a rticle 62 n’a p lu s aucu n e
utilité , ni aucu n cha m p d ’a p p lica tio n »53.

En effet, la C o ur n’é c la irc it pas les rapports entre les a rtic le s 59


et 62 du S tatut et se borne à co n s ta te r que: « quand un E tat estim e
que, dans un d iffé re n d , un intérêt d ’ordre ju rid iq u e est pour lui en cause,
il peut selon les te rm e s de 1’article 62, soit so u m e ttre une re q u ê te à fin
d ’inte rve n tio n et ré a lis e r a insi une é co n o m ie p ro cé d u ra le de m oye n s...
soit s ’a b s te n ir d ’ in te rv e n ir et s’en re m e ttre à 1’article 59 »54. La C ou r
essaie, ainsi d ’é q u ilib re r la p ro te ctio n des tie rs to u t en re fu s a n t son
intervention au procès. Ces raisonnem ents perm ettent alors de con clure
que la m aniè re d o n t la C our a in te rp rété en 1981 et en 1984 l’institu tion
de 1’in te rv e n tio n « te n d a it à rassure r sa c lie n tè le p o te n tie lle q u ’il ne
se ra it point q u e stio n d ’une intro m issio n que lcon q u e des tie rs d ans ce
qui d e vra it ê tre le respect sacré du b ila té ra lis m e ju rid ic tio n n e l »55.

b) T o u te fo is , d a n s 1’a ffa ire du D iffé re n d fr o n ta lie r te rre s tre ,


in su la ire e t m a ritim e , une C ha m bre de la Cour, pour la p re m iè re fois

53 C .I.J. R ec. 1984, p p . 6 9 -7 0


5 4 C .I.J., R ec. 1984-, pp. 41 0 -4 1 1 . Pour la C ou r « il n ’y a pas un droit d ’in tervention, m ais se u lem en t une
fa c u lté ». Voiir E m m an u e l D e c a u x , « L’arrêt de la C o u r in tern atio n ale de ju stice sur la re q u ête de 1'Italie
à fin d ’in terven tio n dan s 1’affaire du Plateau continental entre la Libye et M alte * , A .F .D .I., 1985, p. 298.
55 M arce lo : G . K oh en, « L a req u ête à tfin d ’in tervention du N ic a ra gu a dans 1’affaire du Différend frontalier
terrestre, insulaire et m aritim e(El Salvador/H onduras). L o rd o n n a n ce de la C o u r du 28 fév rier 1990 et 1’ arrêt
de la ch am bre du 13 septem b re 1990 ». A .F.D .I., 1990, p. 343.

195
Revista da Faculdade de Direito da Universidade Federal de Minas Gerais.

dans son histoire et celle de sa devancière, a autorisé un Etat à


intervenir en vertu de Tarticle 62 du Statut56. La question qui se pose
alors est celle de savoir si Tintervention a pour effet d’élargir 1’autorité
de 1’arrêt. En effet, étant donné les arguments par lesquels le Nicaragua
a justifié sa demande et le succès de Tintervention, au moins en ce qui
concerne la situation juridique des eaux du « G olf de Fonseca », on
peut penser qu’en autorisant Tintervention, la Chambre de la Cour a
reconnu, sinon les limites formelles, du moins les limites m atérielles
de Tarticle 59 comm e moyen de protection des intérêts juridiques des
Etats tiers. Mais cela n’est pas tout. La manière dont la Chambre dispose
que 1'intervenant n’est pas partie et que, par conséquent, il n’acquiert
pas les droits et n ’est pas soumis aux obligations qui s’attachent à la
qualité des parties57, cherche encore une fois à préserver le form alism e
et la relativité.

Ceei étant, la Chambre de la Cour a établit une distinction entre


TEtat qui a réussi à intervenir, malgré 1’absence de lien juridictionnel
entre lui et les parties à 1’instance, et TEtat intervenant qui a été capable
de prouver le lien juridictionnel entre lui et les parties en 1’instance.
Dans le premier cas, 1’absence de consentem ent des parties fait que
TEtat in te rv e n a n t ne d e vie nt pas p a rtie à 1’instance et que, par
conséquent, il n’acquiert pas les droits ou obligations qui découlent de
cette capacité58. Cela signifie que la décision juridictionnelle n’aura
pas autorité de la chose jugée à son égard. Les intérêts juridiques de
TEtat intervenant sont ainsi protégés par Tarticle 59 du Statut. En
re v a n c h e , si les p a rtie s à 1’ in s ta n c e ne fo n t pas d ’o b je c tio n à
Tintervention, TEtat intervenant peut se voir accorder la perm ission
d’intervenir et dans ce cas la décision juridictionnelle lui sera opposable.
Cependant, comme le démontre Tintervention de la Guinée équatoriale
dans Taffaire de la Frontière terrestre et maritim e entre le Cameroun et
la Nigéria, si les parties ne s’opposent pas à Tintervention59 et si TEtat

56 L’arrêt du 13 septembre 1990 a autorisé le N icaragua à intervenir dans 1’instance, mais a limité son
intervention au régime juridique des eaux du golfe de Fonseca. Voir Taffaire du Diffrérend frontalier
terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à fin d’intervention, C .I.J., 1990 p. 134.
57 C.I.J., Rec. 1990, pp. 134-136.
58 C .I.J., Rec. 1990, p. 135.
59 Voir Taffaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, Requête de la Guinée équatoriale
à fin d'intervention, C .I.J, R ec. 1999, § 2.

196
Leonardo Nem er Caldeira Brant

intervenant indique expressém ent q u ’il entend ne pas être iié60, la


décision juridictionnelle ne lui sera pas opposable.

Section li

L’autorité ratione materiae de 1’arrêt de la Cour Internationale de


Justice

II est clair que les décisions précédentes n’assujettit pas la Cour


de manière obligatoire, car le droit judiciaire international ne connaít
pas le systèm e de précédents au sens du droit anglo-saxon. La règle
de procédure du « stare decisis » demeure donc limitée au « common
law », et n’est pas appliquée dans le cadre du droit international61. Ainsi,
la Cour ne peut considérer ses décisions antérieures comm e faisant
loi pour elle dans Tavenir. Cette même règle est partagée par la C.P.J.I.
qui, dans 1’affaire des Intérêts allem ands en Haute-Silésie polonaise, a
considéré que « 1’article 59 du Statut a pour but d’éviter que les principes
juridiques admis par elle dans une affaire déterminée soient obligatoires
pour d’autres Etats ou d’autres litiges »62. Comme le remarque Jennings,
« cela revient à dire sim plem ent que les principes qui inspirent la
décision de la Cour dans un arrêt ne sont pas obligatoires au sens oü
ils pourraient 1’être dans certains régimes de « common law », en vertu
d’un système plus ou moins rigide de précédents judiciaires »63.

Les conséquences de 1’im possibilité d ’application de la règle du


« stare decisis » en droit international ne sont pas négligeables En
réalité, bien q u ’elles ne soient pas dotées d’autorité de la chose jugée,
les décisions précédentes ont une qualité directive co nsid érable ,
clairem ent reconnue par 1’article 38, §1, (d) du Statut de la C.I.J., par
les affirm ations de la Cour64, par les plaidoiries des parties65 et par les

60 Ibid, §12.
61 H. Lauterpacht, « T h e D evelopm ent o f Internacional Law by the International Courts », Stevens and
Sons, Londres, 1958, p. 13.
62 C.RJ.I., Serie A, n°18, pp. 20-21.
63 C.I.J., Rec. 1984, p. 158.
64 Voirr 1’affaire de ilnterprétation de 1'accord gréco-turc du I o décembre 1926, C .P J.L , série B, n°16, p. 15 ;
voir 1’affaire de TU sine de Chorzow, C .P J.L , série A , n°17, p. 7. voir 1’affaire relacive à Certains emprunts
norvégiens C .I.J., Recr. 1957,p. 60; voir 1’affaire 1’avis consulracif relacif aux Conséquences juridiques
pour les Etats de la présence continue de 1’Afrique du Sud en Namibie (Sud^Ouest Africain), C .I.J., R ec.
1971.p. 19.
65 Voirr 1’affaire du P lateau Continental (Tu nisie-Jam ah iriya A rab e Libyen ne), C .I.J., R ecr. 1981, p.
11 .

197
R ev ista d a Facu ldade d e D ireito da U n iv ersid ad e Federal de M in as G erais

o b s e rv a tio n s de la d o c trin e d e s p u b lic is te s les p lu s q u a lifié s 66. La


q u e s tio n qui se p o s e a lo rs e st c e lle d e s a v o ir q u e l e st le p o id s et
1’a u to rité d ’une d é c is io n p ré c é d e n t v is -à -v is d ’une d e m a n d e p o s té rie u re
a n a lo g u e . C o m m e re m a rq u e la C o u r : « il ne s a u ra it être q u e s tio n
d ’o p p o s e r [à un E ta t p a rtie à un d iffé re n d ] les d é c is io n s p ris e s pa r la
C o u r d a n s des a ffa ire s a n té rie u re s , la q u e s tio n e s t en ré a lité de s a v o ir
si, d a n s [1’e sp è ce q u ’e lle e x a m in e ] il e x is te p o u r la C o u r des ra is o n s de
s ’é c a rte r des m o tifs e t des co n c lu s io n s a d o p té s d ans ces p ré c é d e n ts »67.
O n c o m p re n d to u t d e s u ite T in té rê t du s u je t q u i a p p a ra ít en d ro it
in te rn a tio n a l so u s u ne d o u b le p e rs p e c tiv e .

La p re m iè re m e t 1’a c c e n t s u r le fa it q u e 1’a u to rité des d é c is io n s


p ré c é d e n te s e st p a rta g é e e n tre la non a p p lic a tio n de la règ le du “ s ta re
d e c is is ” en d r o it in te rn a tio n a l et la fo r te v a le u r p e rs u a s iv e d e la
ju ris p ru d e n c e in te rn a tio n a le 68. C e la ve u t d ire que, bien que le p ré c é d e n t
ju r id ic tio n n e l ne s e ra ja m a is n é g lig é , T in te rp ré ta tio n du p o te n tie l
d ’a u to rité des d é c is io n s p ré c é d e n te s se re s tre in t d o n c a u x lim ita tio n s
im p o s é e s par les a rtic le s 59 et 38, §1 (d), du S tatut de la C .I.J .69.

En re v a n c h e , il e s t in d é n ia b le q u e , d a n s d e n o m b r e u s e s
c irc o n s ta n c e s , la s o lu tio n d ’ un c a s c o n c re t e n tra ín e ra une s é rie d ’e ffe ts
q ui d é p a s s e n t les lim ite s du ca s d é cid é p ré v u e s d ans T article 38, §1,
(d) » 70. La p ro b lé m a tiq u e s u rg it lo rs q u e les p ré cé d e n ts o n t u n e te lle

6 6 Voir S h a b ta i R o se n n e , « A rtic le 27 o f th e S ta tu te o f th e In te rn a tio n al C o u rt o f Ju stic e * , V irg. J .I .L ., 32,


1991, pp . 2 3 0-231. V o lk er R o b e n , « Le p ré cé d e n t d a n s la ju risp ru d en c e de la C o u r in te r n a tio n a le »,
G .Y .I.L ., B erlin, V ol. 32 , 1989, p. 3 9 8 . R.Y. Je n n in g s, « G en era l C o u rse on P rin cip ies o f In te rn a tio n al
L aw », R .C .A .D .I ., v o l. 121, 1967, pp . 3 2 3 -6 0 6 . Ju lie t A . B arb eris, « L a Ju risp ru d ê n cia In te rn a cio n a l
c o m o F u en te de D e re c h o d e G e n te s S e g u n Ia C o rte d e la H aya », ZoV, v o l. 31, 1971, pp. 6 4 1 - 6 7 0 .
67 Voir Taffaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, C .I.J. R ec 1998, §. 28.
6 8 C o m m e le so u lign e S h a b ta i R o se n n e , « with th e p a ssa g e o f tim e and a ccu m u latio n o f re a so n e d d é c isio n s
o f in te rn atio n a l C o u r t (a n d o th er in te rn atio n a l c o u rts an d trib u n ais follow ing it), in te r n a tio n a l case -
law, w ith o u t b ein g a fo rm al so u rc e o f in te rn atio n a l law, is b eco m in g all-p ersu asiv e ». S h a b ta i R o se n n e , «
A rtic le 5 9 o f th e S ta tu te o f th e In te rn a tio n a l C o u rt o f J u s tic e R ev isited », Le dro it in te r n a tio n a l d an s
u n m o n d e en m u ta tio n , L ib e r A m icoru m , E d u a rd o Jim é n e z d e A r é c h a g a , F u n d a t io n d e C u ltu r a
u n iv ersitaria , M o n te v id e o , 1991, p. 1133.
6 9 E n effet, co m m e le re m a rq u e L. C o n d o re lli, « le rap p o rt en tre T article 38 e t T article 59 est ain si c la ir : la
ré fére n ce qui e st fa ite au d e u x iè m e par le p rem ier in d iq u e q u e T article 38 co n cern e T effet d e s d é c isio n s
ju d ic ia ire s a u -d elà d e la sp h ère p r écisée p a r T article 5 9 , e t q u e ce t effe t “ e x o rb ita n t ” n e s a u r a it ê tre
co n fo n d u av ec c elu i, o b lig a to ire inter partes d e la ch o se ju g é e in tern atio n a le , b asé sur la v o lo n té co m m u n e
d e s p a rtie s en d iffé ren d ». Voir L uigi C o n d o re lli, « U au to rité d e la dé cisio n des ju rid ictio n s in te rn a tio n a le s
p e rm a n e n te s » , L a ju rid ic tio n in te r n a tio n a le p e rm a n e n te , C o llo q u e de Lyon, S.F .D .I., P é d o n e, Paris,
1987, p. 309.
70 V olker R o ben , « ^ e p r é c é d e n t d a n s la ju risp ru d en ce d e la C o u r in te rn atio n a le », G .Y .I.L ., B e rlin , VoI32,
1989, p. 3 98 . C o m m e le fa it rem arq u er C h a rle s de V issch e r : « c ’e st un fait in d én iable que le s é n o n c ia tio n '
d e dro it c o n te n u e s d a n s le s a rrêts d ’ une C o u r in stitu tio n n a lisé e co m m e Test la C .I.J. em p o rte n t so u v en t

198
L eo n ard o N e m e r C a ld e ir a B ran t

a u to r ité q u ’ils p e u v e n t c o n d itio n n e r e t lie r d e fa c to la ju r id ic tio n


in te rn a tio n a le p o u r 1’a v e n ir. II e x is te d e u x h y p o th è s e s q u ’on p o u rra it
c o n s id é re r c o m m e é ta n t de ce type.

§1 - L’in te rp ré ta tio n d es p rin c ip e s e t rè g ie s du d ro it c o u tu m ie r


in te rn atio n al

II e s t c o n c e v a b le d ’a d m e ttre q u e lo rs q u e la C o u r é n o n c e et
e x p liq u e le c o n te n u d ’u ne c o u tu m e in te rn a tio n a le ou q u ’e lle in te rp rè te
u n e rè g le de d ro it in te rn a tio n a l g é n é ra l, e lle d it ce q u ’e lle e n te n d par
d ro it in te rn a tio n a l71. A u tre m e n t dit, lo rs q u e la C o u r in te rp rè te u ne règ le
c o u tu m iè re , s a d é c is io n a ffe c te la s ig n ific a tio n du d ro it in te rn a tio n a l
c o m m u n ou g é n é ra l et p ro je tte son c o n te n u bien a u -d e là d e s ra p p o rts
e n tre le s p a rtie s en lit ig e 72. A in s i, lo r s q u ’e lle s s o n t s u ffis a m m e n t
c o n s ta n te s p o u r r e flé te r T a c c o rd g é n é ra l d e s E ta ts , le s d é c is io n s
p ré c é d e n te s s ’im p o s e ro n t s im p le m e n t co m m e é lé m e n ts de la c o u tu m e 73.
C o m m e re m a rq u e L u ig i C o n d o re lli: « Les d é c is io n s d e s ju rid ic tio n s
in te r n a t io n a le s p e r m a n e n te s , to u t en é ta n t d é p o u r v u e s d ’e ffe ts
o b lig a to ire s p o u r les tie rs , s o n t in c o n te s ta b le m e n t à m ê m e d e d é p lo y e r
u n e a u to rité s ig n ific a tiv e e n -d e h o rs d e s re la tio n s in te r p a r te s : les ju g e s
s o n t a m e n é s à e x e rc e r u ne « fo n c tio n d e s u p p lé a n c e lé g is la tiv e » d o n t
1’u tilité s o c ia le n ’e s t n u lle m e n t c o m p ro m is e par le fa it q u ’e lle ne re p o s e
pas s u r un p o u v o ir c o rre s p o n d a n t »74.

D ans ce c a s , il p e u t a rriv e r que , lo rs q u e la C o u r d é c id e en a c c o rd


a v e c une d é c is io n a n té rie u re , e lle ne re c o n n a ít pas fo rc é m e n t p a r là le
c a ra c tè re o b lig a to ire d ’une d é cisio n a n a lo g u e ni n ’a p p liq u e la rè g le du
« s ta re d e c is is » en d ro it in te rn a tio n a l. En ré a lité , la C o u r ne fa it q ue
ju g e r « c o n fo rm é m e n t au d ro it in te rn a tio n a l », c o n fo rm é m e n t à ce qui

u ne fo rce d e c o n v ic tio n et, d e c e fait, a cq u iè ren t u n e a u to r ité qui v a b ien a u - d e là d u « c a s d é c id é » .


C h a rle s de V issch er, « L a ch o se ju g é e d e v a n t la C o u r In te rn a tio n a le de Ju s tic e de la H a y e » , R .B .D .I.,
1965, p. 7.
71 C o m m e le re m a rq u e Je n k s : « A d é c isio n c o n c e rn in g th e e x iste n c e o r sc o p e o f a ru le o f c u stu m a ry
in te rn a tio n a l law h a s a tw ofold ch aracter. W h ile te c h n ic a lly b in d in g only b etw een th e p a rtie s a n d in
re sp e ct o f th e p a rtic u la ry c a se (a rt. 5 9 ), it n e v e rth e le ss te n d s to se ttle (o r so m etim e s to u n se ttle ) th e
law u p o n th e s u b je c t » W. Je n k s, « T h e P ro sp ects o f In te rn a tio n a l A d ju d ic a tio n », S te v e n s an d S o n s,
L o n d res, 1964, p. 6 7 1 .
72 C h a rle s de V issch er, P ro b lè m es d ’in terp ré ta tio n ju d ic ia ir e en d ro it in te rn a tio n a l p u b lic, P é d o n e , Paris,
1963 t , pp . 4 7 -4 8 .
73 Voirr M o u sta p h a S o u ra n g , « L a ju risp ru d e n c e e t la d o c trin e », D ro it in te rn a tio n a l. B ila n e t p e rsp e c tiv e s,
T. I, M o h am m ed B e d ja o u i, P éd o n e, Paris, 1991, p. 2 9 9 .
7 4 Voir L u igi C o n d o re lli, « L’a u to r ité de la d é c isio n d e s ju rid ic tio n s in te r n a tio n a le s p e r m a n e n te s » , L a
ju rid ic tio n in te r n a tio n a le p e rm a n e n te , C o llo q u e d e L yon, S.F .D .I., P éd o n e, P aris, 1 9 8 7 , p. 3 1 2 .

199
R evista J a Faculdade de D ireito da Universidade Federal de M inas Gerais

est prévu dans 1’a rticle 38 de son Statut. C ela signifie que dans certains
cas, on voit mal com m ent, dans une affaire postérieure, la C our peut
d é cider différem m e nt de sa déclaration précédente, car 1’autorité du
précédent est pratiquem ent obligatoire pour les différends à venir, parce
que ces décisions sont 1’expression des règles de droit in tern a tio n a l75.
La C our ne re ste pas inse n sib le à ces argum ents. C om m e le fait
rem arquer le Juge A zevedo dans Taffaire du D roit d ’a s ile : « n’oublions
pas d’autre part que la solution d ’un cas d ’espèce, en droit international
su rto u t, a de p ro fo n d e s répe rcu ssio n s ; les concepts rete n u s vont
p re n d re une v a le u r p re s q u e lé g is la tiv e en d é p it de to u te s les
explications ju rid iq u e s qui veulent que la sentence ne fasse loi q u ’entre
les parties (Statut, Art. 59) »76.

Dans son arrêt sur Taffaire du Plateau Continental de la M e rE gé e,


la C.I.J. a e xplicitem ent adm is qu’en dépit de Tarticle 59 de son Statut,
un raisonnem ent et une conclusion juridiq u e s de sa part p o u rraien t
être invoques directem e nt dans les rapports entre des Etats tiers. Ainsi,
pour la C o u r : « il est évident que tou t prononcé sur la situation de
1'Acte de 1928 par lequel la Cour déclarerait que celui-ci est ou n’est
plus une convention en vigueur pourrait influencer les relations d ’ Etats
autres que la G rèce et la T urquie »77.

Dans Taffaire des Pêcheries Tattorney général du R oyaum e-U ni,


au début de sa plaid o irie devant la Cour a d i t : « il est notoire que cette
a ffa ire p ré s e n te non s e u le m e n t une g ra n d e im p o rta n c e p o u r le
Royaum e-U ni et p our la Norvège, m ais encore que la décision que
re ndra la C our en la m a tiè re sera, e lle aussi, de la plus g ra n d e
im portance pour le m onde en général, en tant que précédent, étant
d o n n é que la d é c is io n de la C o u r en T e s p è c e , c o n tie n d r a
nécessairem ent des déclarations im portantes quant aux règles du droit
international qui ont tra it aux eaux côtières »78. La preuve peut être

75 Com m e le remarque Sh ah ab ud deen , « It is not then a question whether the décision per se applies as a
binding precedent, b u t w hether the law which it lays down is regarded as part o f in tern ation al law »
M oham ed Sh ah abuddeen , « Precedent in the World C ou rt », G rotius Publications, C am bridee 1996 p
109.
76 C .I.J., Rec. 1950, p. 332.
77 C .I.J., Rec. 1978;‘ p. 17.
78 C .I.J. R ec. 1951, p.145.

200
Leonardo N em er C aldeira Brant

trouvée dans la rapidité avec laquelle les prononcés de la C our ont été
transposés vers la C onvention de G enève de 195879.

§2 - L’interprétation des principes et règles du droit conventionnel


international

Dans le m êm e sens, on constate que, lorsque la C our interprète


des conven tion s m ultilatérales, sa décision pourrait in flue ncer d’une
m anière assez convaincante les relations d ’ Etats autres que les parties
en litige.

C ertes, com m e le note la C our : « On ne voit pas pourquoi les


Etats ne pourraient pas dem ander à la Cour de donner une interprétation
abstraite d’une convention ; il sem ble plutôt que c’est une des fonctions
les plus im portantes q u ’elle puisse rem plir »80. N éanm oins, la question
qui se pose est celle de savoir quelle sera Tautorité d’une sentence
ju r id ic tio n n e lle re n d u e da ns un d iffé re n d e n tre d e u x d e s E ta ts
contractants, vis-à-vis des autres parties contractantes. Ou, com m e le
souligne S candam is : « le problèm e se pose là oü il faut d é term iner la
force o b ligatoire d’ un arrêt déclaratoire portant interprétation abstraite
d’un traité m ultilatéral à 1’égard de ceux des cosignataires qui n’auraient
pas exercé leu r droit d ’intervention au p rocès81. L’arrêt d écla ra to ire
re ste ra it-il po u r ceux-ci une « res in te r alios acta » ? Ou fau drait-il
a ttribuer à un tel jugem ent une force accrue »82?
I
Nous nous trouvons ici devant un problèm e assez épineux qui
peut être résum é par une équation antinom ique83. « Si la sentence
ju rid ic tio n n e lle entre les Etats A et B, qui donne 1’interprétation des
dispositions du tra ité sur lesquelles ces Etats n’étaient pas d ’accord,
devait être considérée par les autres Etats contractants com m e une «
res in te r a lio s a c ta ’, le traité n’aurait plus le mêm e sens pour toutes les

79 Voirr M oham ed Sh ah ab uddeen , « P recedent in the World C ou rt », G rotius P ublication s, Cam bridge,
1996, p. 209. H ubert Thierry, « Llévolution du droit in ternational », R .C .A .D .I., vol. 222, 1990, p. 42.
80 Affaire des Intérêts allemands en 1’H aute'Silésie Jwlonciise, C.P.J.I. Série A , n ° 7, pp. 18-19.
81 Selon 1’article 63 du S ta tu t de la C .I.J - « Lorsqu’il s ’agit de 1’in terprétation d ’une conven tion à laquelle
ont participé d ’autres Etats que les parties en litige, le G reffier les avertit sans délai. - C h acu n d'eux a le
d roit d ’in tervenir au procès et s ’il exerce cette faculté, 1’in terprétation contenue d an s la sentence est
égalem en t o b ligato ire à leur égard ».
82 N ico las Scandam is, Le jugem ent d écclaratoire entre Etats ; La séparabilité du con ten tieu x in ternational,
Pédone, Paris, 1975, p. 289.
83 J. Limburg, « LIautorité de Ia ch ose ju gée des décisions des ju ridiction s internationales », R .C .A .D .I., vol.
30, 1929, p. 551.

201
Revista da Faculdade de Direito da Universidade Federal de M inas Gerais.

parties contractantes, et le même article serait interprété peut-être par


deux des parties contractantes dans un sens diamétralement opposé à
l’interprétation qu’en donnent les deux autres »84. « Si, au contraire, la
sentence juridictionnelle ayant autorité de chose jugée vis-à-vis de tous
les Etats qui étaient parties au traité, une interprétation sollicitée par
deux des parties avait force obligatoire pour toutes les autres parties
contractantes, celles-ci pourraient prétendre qu’elles n’ont eu aucune
action sur la procédure qui vient d’être term inée; ou bien, q u ’elles
n’a v a ie n t besoin d ’a u cu ne in te rp ré ta tio n ju d ic ia ire ou a rb itra le ,
puisqu’elles étaient d’accord entre elles sur le sens des dispositions
qui ont donné lieu au procès de leurs cocontractants»85.

Face à cette impasse, la position de la doctrine est divisée. D’une


part, George Scelle soutient que: « Si l’arrêt international aboutit à
1’interprétation abstraite d’une règle de droit positif [...] conventionnel,
l’on doit admettre que cette interprétation objective s’incorpore à la
règle de droit puisqu’il ne peut pas y avoir ou qu’il n’y a pas interprétation
législative [...] C’est un effet qui tend à devenir la règle en m atière
d’interprétation des traités à signatures multiples. En ce cas, on aboutit
à une autorité absolue de la chose jugée »86.

L’opposition à cette thèse paraít avoir plus de crédibilité en droit


international. La Cour accorde la préférence à la préservation des limites
objectives de la chose jugée, assurant « qu’à défaut d’accord préalable,
les non-intervenants ne sont pas tenus par la décision d’une juridiction
internationale»87. Donc, ce n’est qu’au cas oü il y a intervention de la
part d ’un ou de plusieurs cosignataires que la décision de la Cour pourra
s’étendre en-dehors du cercle des parties qui avaient mis le procès en
train. A utrem ent d it, sans intervention des autres sig n a ta ire s, la
sentence entre les parties en litige restera pour elles une « res inter
alios acta ». Dans ce cas, bien que 1’autorité de la chose jugée reste
limitée au cas décidé, comme 1’affirme Tarticle 59 du Statut de la Cour,
1’autorité de facto d ’une décision précédente peut aller bien au-delà
d’un simple éclaircissem ent du droit. Le besoin social plus que jam ais

84 Ibid. p. 551
85 Ibid, p. 551.
86 Georges Scelle, Príncipes de droit public, Cours D.E.S., Paris, 1942-43, p. 244.
87 Jean Salmon, « Uautorité des prononcés de la Cour Internationale de la Haye », Arguments d ’autorité et
arguments de raison en droit, études publiées par Patrick Vassart, Nemesis, Bruxelles, 1988, p. 27.

202
.Leonardo Nem er C aldeira Brant

augmente la puissance de 1’autorité de la décision antérieure sans


obliger pour autant la juridiction internationale à la suivre form ellem ent.
La jurisprudence de la Cour démontre clairem ent cette dualité.

Pour établir la com pétence de la C.I.J., dans 1’affaire relative aux


actions armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua et Honduras)
(c o m p é te n c e e t re c e v a b ilité )aB, le N ic a ra g u a en a p p e lle « aux
dispositions de 1’article XXXI du Pacte de Bogota et aux déclarations
par le s q u e lle s la R é p u bliq u e du N ica ra g u a et la R é p u b liq u e du
Honduras ont respectivem ent accepté la juridiction de la Cour dans les
conditions prévues à l’article 36, paragraphes 1 et 2 respectivem ent,
du Statut de la Cour »89. Pour ce qui est de la déclaration d ’admission
de la juridiction, le Nicaragua invoque sa déclaration de 1929, acceptant
la juridiction obligatoire de la C .P J .l., dont la validité avait déjà été
préalablem ent analysée et reconnue par la C.I.J. lors de Taffaire des
A ctivités m ilita ire s et param ilitaires au N icaragua et contre celui-ci
(com pétence et recevabilité). En réalité, comme les relations entre les
Etats-parties au Pacte de Bogota sont régies par ce seul pacte, la Cour
recherche et établit sa com pétence sur la base de Tarticle XXXI du
même pacte, évitant ainsi d’être confrontée à une nouvelle analyse de
la déclaration d ’acceptation de la juridiction obligatoire, en accord avec
Tarticle 36, § 2, du Statut.

Dans la décision de la C ham bre de la Cour dans Taffaire de


l ’Elettronica Sicula S.P.A. (ELSI)90, on retrouve un problème similaire.
A in si, d evant les a llé g a tio n s des E ta ts-U n is, la C our a n a ly s e et
interprète les dispositions contentieuses en question, c’est-à-dire les
articles III, V et VII du traité d’amitié, de commerce, et de navigation
(FCN) et conclut que la République italienne n’a commis aucune des
violations alléguées au regard dudit Traité (FCN), signé à Rome le 2
février 1948, ni de Taccord com plétant ce traité, signé par les Parties à
W ashington le 26 septem bre 1951. Or, les disp osition s jurid iq u e s
figurant dans les articles III, V et VII du FCN ont constam m ent été
réaffirm ées dans de nom breux tra ité s (FCN) aux ca ra cté ristiq u e s
sem blables et elles ont été ratifiées par les Etats-Unis auprès des

88 C .I.J., Rec. 1988, pp. 69-107


89 Ibid,, p. 70.
90 C .I.J., Rec. 1989, pp. 15-82.

203
Revista da Faculdade de Direito da Universidade Federal de Minas Gerais

différentes parties91. La question qui se pose alors sera celle de savoir


jusqu’oü va Tinfluence de 1’interprétation donnée par la Chambre. La
Cour n’a pas encore eu 1’occasion de se prononcer à ce sujet,
cependant, elle a eu 1’occasion d’analyser diverses dispositions figurant
dans différents traités d’amitié, de commerce et de navigation (FCN).

Ainsi, dans Taffaire relative au Personnel diplom atique et


consulaire des Etats-Unis à Téhéran, la Cour avait reconnu que le Traité
d'amitié, de commerce et de droits consulaires de 1955 entre les Etats-
Unis et Tlran était à la base de la compétence de la Cour pour connaítre
la demande du plaignant92. Plus récemment, la C.I.J. a eu encore
Toccasion d’analyser et d’interpréter différentes dispositions figurant
sur des traités (FCN) dans Taffaire de l ’lncident aérien du 3 juillet 198833.
Dans Taffaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, le Nicaragua invoque aussi dans son mémoire comme
« base subsidiaire » de compétence de la Cour en Tespèce, le Traité
d’amitié, de commerce et de navigation qu’il a conclu à Managua avec
les Etats-Unis le 21 janvier 1956 et qui est entré en vigueur le 24 mai
195894.
Partie II

L’exécution de la sentence de la Cour International de Justice

Les interrogations et les particularités qui entourent la mise en


oeuvre d’ une sentence de la Cour dépassent les frontières des

91 Seize instrum ents de ce type se ro n t co n clu s par les E ta ts-U n is - avec, notam m ent, 1’A llem agn e, la C h in e,
le D an em ark , 1’Iran, T Irlande, TItalie et le Jap on ». Voir Patrick Ju illard , « Uarrêt de Ia C our In tern atio n ale
de Ju stic e (C h am bre) d u 2 0 ju ille t 1989 dan s Taffaire de U Elettronica Sicula (E tats-U n is c. Ita lie) p rocès
su r un traité ou p rocès d ’ un tr a ité ’ ?, A .F .D .I., 1989, pp. 2 8 8 -2 8 9 .
92 La C o u r con sid ère que « T attitu d e des au to rités iraniennes co n stitu e une violation grave et m anifeste
d es ob ligation s d o n t T lran e st ten u face aux E tats-U n is en vertu , entre au tres, de Tarticle II (4 ) d u traité
de (F C N ) de 1955 ». A ffaire Relative au personnel diplomatique et consulaire des E tats-U nis à Téhéran, arrêt
du 24 mai 1980. R ec. 1980, pp. 2 8 -33, pp. 33-37.
93 Voir G en evièv e G uyom ar, « U o rd on n an ce du 13 décem bre 1989 d an s Taffaire de l'Incidentr aérien du 3
juillet 1988, Iran c . E ta ts-U n is », A .F .D .I., 1990, pp. 3 9 0-394.
94 L a C o u r co n clu t q u ’elle a c o m p é ten c e en vertu du traité de 1956 pour con n aítre d es d em an d es form u lécs
par le N icaragu a dans sa req u ête et ajo u te que, de son avis, « parce q u ’un E tat ne s'est pas e x p ressém en t
référé dans d es n ég o c ia tio n s av ec un au tre E ta t à un traité particu lier qui aurait été violé par la co n d u ite
de celui-ci, il n ’en d éc o u le p as n écessairem en t que le prem ier ne serait pas adm is à in vo qu er la clau se
com prom issoire d u d it tra ité . A ffaire d es Activités Militaire et Paramilitaire au N icaragua et contre celui-ci,
R ec. 1984, pp. 4 2 8 -4 2 9 . V oir aussiv P ierre M ich el E isem ann , « U arrêt de la C .I.J. du 26 n ovem bre 1984,
(com péten ce et rece v ab ilité) d a n s Taffaire d es Activités militaires et param ilitaires au N icaragu a et contre
celui-ci », A .F.D .I., 1985, pp. 3 7 3 -3 9 0 .

204
Leonardo Nemer Caldeira Brant

considérations procédurales au sujet de 1’effet obligatoire et définitif


de la sentence et se placent notamment dans 1’analyse des suites de
la décision juridictionnelle. Ceei étant, les effets découlant de 1’arrét
de la Cour peuvent être également extérieurs à la procédure et son
autorité se manifeste non pas uniquement par la reconnaissance des
effets procéduraux de Tacte juridictionnel mais, soit par 1’adéquation
de 1’action des parties au dispositif de la sentence internationale95, soit
par des com portem ents juridiq uem en t m otivés par la sentence
internationale. Uautorité de la chose jugée reste donc préservée dans
les limites du consentement de la décision juridictionnelle, alors que
l’efficacité de 1’arrêt est variable et procède des éléments de droit propre
à chaque espèce, car elle ne reléve ni d’un ordre souverain ni d’une
délégation de justice.
Mais oü réside alors la source de 1’autorité de 1’arrêt de la Cour ?
Quels sont les mécanismes adéquats pour am éliorer le système
d’implémentation de la sentence internationale96 ? En effet, est-il

95 C e rte s, il existe d es d éc isio n s de la C o u r qui n’im pliqu en t p as d ’a cte p o sitif de la part d e s p a rtie s et qui se
réalisen t par 1’ a b sen c e de su ites. II en est ainsi le plu s so u v en t d es arrêts rejetan t les p réten tio n s de
1’E ta t requ éran t. II en e s t de m êm e d es d écisio n s pu rem en t d éc larato ires c o n sta tan t q u ’ une a ctio n m enée
par un E tat ou u ne a ttitu d e ad op tée par lui éta it ou n é t a it pas conform e au droit in te rn a tio n a l. C om m e
le sou tien le ju ge Je ssu p : «si I’ on d ev ait co n sid érer qu e 1’article 6 0 et P article 94, b, 1, n e s ’appliqu en t
en réalité q u ’au x a rrêts ap p elan t T ad op tion d ’ une m esure positiv e, la portée de ces a rticle s serait très
dim in u ée» A ffaire du S u d -O u e st A fricain , opinion d issid en te Je ssu p , C .I.J., Rec. 1966, , p. 337. A in si,
dan s 1'affaire du Détroit de C orfou, la C o u r a décidé q u ’il y a v a it eu «v io latio n par 1'action de la m arin e de
1 g uerre britan n iqu e de la so u v erain eté de l’A lb a n ie». (C .I.J., R ec. 1949, p. 3 5 ). C é t a i t là un arrêt, bien
q u a u c u n e m esure d 'e x é c u tio n n’ait été n écessaire. D a n s 1’affaire relative aux Droits des ressortissants des
E tats-U n is d ’Am érique au M aroc (C .I.J., Rec. 1952, p. 2 1 3 ). la C o u r a d écid é que le s resso rtissa n ts
am éricain s n ’é ta ie n t p a s ex em p tés de certain s im pôts. C é t a i t là une d écisio n d éfin itive qui n’appelait
au cu n e m esure d 'e x é c u tio n si ce n ’est un a cq u iescem en t, lequ el est égalem en t requ is p ou r les arrêts
affirm an t la co m p é te n c e . La d écision de la C o u r d a n s l'affaire du Cam eroun septentrional é ta it d éfin itive
m ais n ’ap p elait au cu n e m esure de m ise en oeuvre, h orm is un acq u iescem e n t (C .I.J., R e c. 1963, p. 3 8 ).
96 L. G oodrich e t E . H am bro, C h arter o f U n ited N ation s, C olum b ia U niversity Press, N ew York, 1969, p. 263.
«It has been su ggested th at m easures to secure co m plian ce with ju d gm en ts o f the C o u rt may be o f greater
im portance in th e future if, becau se o f g reater use o f the C o u rt’s com pulsory juridiction, a high er percentage
o f ca ses are subm ited by unilateral subm issions». S . R osen n e, Law and P ractice o f In tern atio n al C ourt,
M artinu s N ijh off, L a H aye, 1997, p. 145. O . Sch ach ter, «T h e E nforcem ent o f In tern ation al Ju d icial and
A rbitrai D écisio n s», A .J.I.L ., 1960, p. 54. W.M. R eism an a suggéré que 1’article 60 «m ight be am ended to
perm it the prevailing party, after the expiry of fixed tim e lim its, to apply to th e C ourt for a «d éclaratio n of
n o n -co m p lian c e ». W. M . R eism an , N ullity and R e v isio n , Review and E n fo rcem en t o f In te rn a tio n a l
Ju d gem en ts and A w ards, Yale U niversity Press, N ew H aven and Lon don, 1971, pp. 6 7 1 -6 7 2 . E. L. Kerley
rem arque que : «It is urged in favor o f this proposal th at su ch a déclaration would exert public pressure on
the defaulting party, and th at it would enable the C o u rt to recon sid er its judgm rnen t or to allow su bstitu ted
com pliance by th e d efaultin g party. On the other h an d , it seem s unwise to establish a proced u re where the
losing party can se ek to ch an ge the judgm ent again st it sim ply by n ot com plying with it. O n balan ce, the
ben efíts flowing from th is proposal seem too qu estion able to justify the risk o f opening the C o u rt’s S ta tu te
to am endm en t». E .L . Kerley, «E nsuring C om pliance with Ju d gem en ts o f the In ternational C o u rts o f Ju stic e»,
T h e Future o f th e In tern ation al C ou rt o f Ju stice, D ob bs Ferry, N ew York, 1974, p. 283.

205
R evista da Faculdade de D ireito da U niversidade Federal de M inas G erais

possible cTaccepter que l’e ffica cité de la norm e ju rid ic tio n n e lle réside
dans la léga lité de la décision, c ’e st-à -d ire dans la norm e p a c ta su n t
s ervanda, ainsi que le sou lig n e A n z ilo tti97 ? De plus, e st-ce p o s s ib le de
ju s tifie r 1’a u to rité de la sen te n ce in te rn a tio n a le en prenant a ppui su r la
c o n s ta ta tio n q u ’e lle co n stitu e un fa it socia l, com m e le prétend S c e lle 98
? E st-ce qu ’on pe u t c o n sid é re r encore que 1’a u to rité d ’une se n te n c e
in te rn a tio n a le se tro u ve dans 1’a bstraction d ’une norm e d’o rig in e et de
base qui co n stitu e le fo n d e m e n t du ca ra ctè re o b lig a to ire des norm es
p o sté rie u re s, com m e le p réconise K elsen ? " Ou bien, p o u vo n s-n o u s
a d m e ttre que «les norm es co n stitu tive s d ’un ordre ju rid iq u e p re scrive n t
la c on train te » et que, «si la société ne co n n a is s a it pas la c o n tra in te , le
rè g le m e n t des a c tio n s h um a ine s ce sse ra it d ’être du d ro it» 100, com m e
le prétend la d octrine norm ativiste ? Finalem ent, pouvons-nous a cce p te r
le fa it que 1’au to rité d ’ une sentence in te rn a tio n a le soit le fru it d ’un ordre
n a turel, com m e le pen se n t les jus n a tu ra liste s 101?

En réalité, bien que chacune de ces p ro positio ns a p p o rte des


c o n trib u tio n s qui se rve n t en quelque so rte à d é m on tre r le c a ra c tè re
tra n s c e n d a n ta l de 1’a u to rité de la s e n te n c e ju rid ic tio n n e lle , le d ro it
in te rn a tio n a l d é c le n c h e un m o u v e m e n t de c o m p e n s a tio n q u e se
tra d u ira , en p rin cip e , par un m inim um de force de coercitive (S e ctio n I)
et p a r un m a x im u m de fo rc e c o n te n u e d a n s 1’ h o m o g é n é ité de la
c om m unauté inte rn atio nale, capable d’in cite r TEtat récalcitrant à se te n ir
dans les lim ites de la léga lité (S ection II).

S ection I

La faiblesse du systèm e d ’exécution fo rcée des arrêts de la C our

C ertes, les ju g e m e n ts de la C our son t oblig a to ire s et d é fin itifs


p o u r les p a rtie s e t ils c o n s titu e n t sans aucun d oute une o b lig a tio n
ju rid iq u e . M ais, si la C o u r tire des a rticle s 59 et 60 du S tatut une te lle

97 D io n isio A n zilotti, C o rso di D iritto Internazionale, O p ere di D ion isio A nziolotti, vol. I, Padova, 1964, p.
45.
98 G eo rge Scelle , P récis de dro it des gens, vol. I, Sirey, Paris, 1932, p. 31.
99 H an s Kelsen, «T héorie de dro it in tern atio n al public», R .C .A .D .I, vol. 84, 1953, pp. 357 -3 5 8 .
100 H . Kelsen, «L a v alid ité du dro it in tern atio n al», R .C .A .D .I., vol 42, 1932, p. 124.
101 Le Flir, «L a T h éorie du d ro it n atu rel depuis le X V IIèm e sièc le et la doctrine m o d e m e», R .C .A .D .I ., vol.
18, 1927. A lfred V erdross, «F o n dem en t du droit in tern atio n a l», R .C .A .D .I., vol. 16, 1927. J. L. Brierly,
«L e fondem en t du c a ra c tè re o b ligato ire du droit in tern atio n a l», R .C .A .D .I, vol. 58, 1936.

206
Leon ardo N em er C ald e ira Brant

co m p é te n ce, e lle ne tie n t du m êm e S ta tu t aucun p o u vo ir p o u r p re s c rire


le s m e s u re s n é c e s s a ir e s à 1’ e x é c u tio n d e s e s a rr ê ts . En d ro it
in te rn a tio n a l, m a lg ré le fa it q u ’il soit bien c la ir q u ’une norm e o b lig a to ire
d o it être re sp e cté e , que les o b lig a tio n s qui en d éco u le n t d o iv e n t être
e x écutée s et q u e la v io la tio n d ’une o b lig a tio n in te rn a tio n a le c o n stitu e
un fa it illicite s u r le plan in te rn a tio n a l102 qui eng age la re s p o n sa b ilité
in te rn a tio n a le de son a u te u r103, la ju rid ic tio n in te rn a tio n a le d isp o se de
la capacité de d ire le d ro it avec l’au to rité de la chose ju g é e, m ais elle
e s t lim ité e p o u r ce qu i e s t du p o u v o ir de fa ire s a n c tio n n e r 1’ E ta t
récalcitrant p o u r a ss u re r le respect de la règle et g a rantir son ap plication
correcte. En réa lité, si d ’une part la C our peut être saisie de 1’inexé cution
de ce rta in e s o b lig a tio n s et a insi e n g a g e r la re sp o n s a b ilité de TEtat
dé fa illa n t, d ’a u tre part, e lle n ’a pas en th é o rie le pouvoir de co n n a ítre
de 1’exécution de ses p ro pres dé cisio ns.

En o u tre les d is p o s itio n s de la C h a rte de N a tio n s U n ie s ne


p e rm e tte n t pas de c o n c lu re que, d a n s le u rs ra p p o rts m u tu e is les
M em bres de T O rg a n isa tio n p e u ven t se fa ire ju s tice à e u x-m ê m e s ou
u se r in d iv id u e lle m e n t de la v io le n ce en vue d ’a ssu re r 1’e xé cu tio n des
s e n te n c e s ju d ic ia ir e s re n d u e s à le u r p r o fit104. «Les s e u le s v o ie s
d ’e xé c u tio n à c a ra c tè re non c o lle c tif qui d e m e u re n t lic ite s da ns le
systèm e de la C h a rte so n t ce lle s qui a p p a rtie n n e n t à la c a té g o rie des
m esures de ré to rs io n , c ’e st-à -d ire qui, dans leur p rincipe co n s titu e n t
1’exe rcice de fa c u lté s do n t les Etats peu ve n t user dans leurs rapports
en tem ps de p a ix » 105.

C ela ne v e u t pas dire que le reco urs à la co n tra in te n ’e xiste pas


en dro it in te rn a tio n a l. En fait, rien dans le S tatut de la C o ur ni dans la
ju ris p ru d e n c e é ta b lie ne s ’o p p o se à ce que les Etats p a rtie s à un
d iffé r e n d c o n fie n t p a r v o ie de c o m p r o m is à la C o u r c e r ta in e s

102 Voir les articies 1 et 3 de la prem ière partie du projet d ’articles su r la respon sabilité, a d o p té en prem ière
lectu re par la C .D .I. Pour le te x te et le com m entaire de ces articies, voir le rapport d e la C .D .I. su r les
trav au x de sa tre n te -d eu x ièm e sessio n . A nn uaire C .D .I ., 1980, vol. II, p. 33 ss.
103 L E ta t plaideur, qui ne c o n sid érait pas com m e lié par la sentence, en gagerait sa respon sabilité in tern atio n ale.
La C.P.J.I. en a po sé le principe dan s son arrêt du 15 ju in 1939, d an s Taffaire de la Société commerciale de
Belgique.
104 D an s 1’A ffaire du Détroit de Corfou, la C .I.J. d éclare illicite T op écration de décm in age effe ctu ée par la
m arine de tjgu erre b ritan n iq u e d an s le s eaux a lb a n a ise s à la su ite d es explosions de m in es su b ies par
deux d e ses c o n tre-to rp illeu rs. C.I.J-, R e c .; 1949, p p . 32-35.
105 Voirr Jean L H uillier, É lém en ts de droit in tern atio n al pu b lic, c é d . R o u sseau , Paris, 1950, p. 4 1 1 .

207
R ev ista da F acu ld ad e de D ireito d a U n iv ersid ad e Federal d e M in a s G erais

c o m p é te n c e s en c e qui c o n c e rn e l’e x é c u tio n des ju g e m e n ts 106. C o m m e


le s o u tie n t W. J e n k s 1’E tat p e u t d ’a b o rd u tilis e r d e s m e su re s d ’a u to -
tu te lle et de ré to rs io n et que , u lté rie u re m e n t, il p o u rra d e m a n d e r la
c o o p é ra tio n d ’E ta ts tie rs , v o ire m êm e fa ire a p p e l a u x trib u n a u x in te rn e s
de c e s E tats p o u r o b te n ir 1’e x é c u tio n de la s e n te n c e 107. E n su ite on d o it
a d m e ttre a u ssi q u e , m ê m e si la c o n tra in te in te rn a tio n a le est lim ité e , la
p re s s io n q ue l’o p in io n p u b liq u e peut e x e rc e r ne sa u ra it ê tre n é g lig e a b le .

En fa it, le c a ra c tè re d é c e n tra lis é de la co m m u n a u té in te rn a tio n a le


m a r q u é e p a r 1’ a b s e n c e d ’ un o r g a n e c e n t r a lis a t e u r d o té d ’ u n e
c o m p é te n c e fo rm e lle e t m a té rie lle de c o e rc itio n 108, bien com m e la n a tu re
de 1’a rtic le 94, §2, d e la C h a rte , q u ’à 1’im a g e de 1’a rtic le 13 du P a c te de
la S o c ié té des N a tio n s 109, c o m p o s e n t un e n v iro n n e m e n t in a d é q u a t à
1’u tilis a tio n de la fo rc e p o u r e x ig e r la m is e en oeuvre de la s e n te n c e
in te rn a tio n a le 110. En fa it 1’a rtic le 94, §2, de la C h arte d é lè gu e u n iq u e m e n t
au C o n s e il de S é c u rité , «s’ il le ju g e n é c e s s a ire » , le p o u v o ir d e fa ire
de s re c o m m a n d a tio n s ou de d é c id e r des m e su re s à p re n d re p o u r fa ire
e x é c u te r 1’a rrê t. D ’a ille u rs , il n ’e st pas c e rta in q u e 1’in e x é c u tio n d ’une
d é c is io n ju d ic ia ire c o n s titu e ra it une d e s s itu a tio n s p ré vu e s à 1’a rtic le
39 de la C h a rte , s itu a tio n s qui ju s tifie ra ie n t l’a p p lic a tio n des m e s u re s

--------------------------
106 V oir d a n s 1’arb itrage in tern ac io n a l 1'affaire d e la frontière Tacna/A rica, se n ten ce d u 4 m ars 192^, R ecu eil
d e s se n ce n ce s arb icrales d e s N a cio n s U n ie s, v o l. II, N ew Y ork, 1949, p. 9 5 2 . A ffa ire de Ia Frontière entre
le C hili et 1'Argentine, R e c u e il des se n ce n ce s arb icrales d e s N a c io n s U n ies, vol X V I, N ew Y ork, 1969, p.
120 .
107 C .W . Je n k s, «T he P ro sp ec cs o f In ce m acio n al A d ju d ic a tio n » , O c e a n a , N ew York, 1964, pp . 3 0 5ss.
108 «D a n s le droic privé, la ré alisac io n d e s droics in d iv id u els p a r v o ie de concrain ce esc in d isso lu b le m en c liée
à 1’in cervencion du ju g e . N u l n e peuc u ser d e la v io len ce po u r obcenir de se s d ébiceu rs q u 'ils exécucen c
le u rs o b ligacio n s, m ais couc ju scicia b le qui a obcenu une d é c isio n d e ju scice définicive à 1’e n c o n tre de
1’au tre ju sciciab le peuc o b cen ir le c o n c o u rs d e Taucoricé p u b liq u e en v ue d ’obcenir 1'exécucion fo rcée de
cecce d é c isio n . L e s v o ie s d ’e x é c u tio n a p p a ra isse n c a in s i c o m m e écanc le p ro lo n ge m e n c d e 1’ accio n
c o n cen cieu se. Cecce co n c e p c io n esc lo n gcem ps dem eu rée éc ran gère au x rapporcs d e s E c ta ts en cre e u x » .
Voirr Je a n L H u illier, E lé m e n cs d e droic in cern acion al p u b lic, ée-d. R o u sse au ec C o , Paris, 1 9 5 0 , p. 4 0 6 .
109 « L e pacce o b lig e a ic re n effec le s m em b res de la S o cié cé à soum eccre «soic à la p ro cé rd u re de 1’a rb icrage ou
à un règlem enc ju d ic ia ire , soic à 1’e x a m e n du C o n seil» les d iffé ren d s qui s ’élèv eraien c en cre e u x ec qui
seraien c su sc ep cib les d ’entraTÍner une rupcure (arc 12). II le u r in cerdisaic d e 're co u rir à la q g u e rre m oins
d e tro is m o is a v an t 1’issu e d e I’une q u e lc o n q u e d e ces p ro cé d u re s ainsi q u e co n tre tou t a u tre m em b re de
la S o c ié té q u i se c o n fo rm e ra it a u x se n te n c e s arb itrale o u ju d ic ia ire , (a rt 13 § 4 )»- Voirr M .O . H u d so n , La
C o u r p e rm a n e n te d e ju s t ic e in te r n a tio n a le , P éd o n e, P aris, 19 3 6 , p. 5 9 6 .
110 «T h e fo rm u la fin ally a g re e d u p o n fo r A rtic le 94, (2) is co n sid e rab ly w eaker th a n th e c o rre sp o n d in g
p rov isio n in the C o v e n a n t in th a t th e la tte r p la ce d an o b lig a tio n on th e C o u n c il to a ct, w h ere as the
C h a rte r em p h asizes th e d isc re tio n a ry au th o rity o f th e S e c u rity C o u n cil. In effe ct, A rtic le 9 4 , (2) m erely
a ssu re s th e aggriev ed party o f re c o u rse to th e S ecu rity C o u n c il in th e e v e n t th e o th er p a rty fails to
p erfo rm its o b lig a tio n s u n d er a ju d g m e n t o f th e C o u rt». L .M . G o o d rich , E .H am b ro , A .P S im o n s, C h a rte r
o f th e U n ited N a tio n s, C o m m en tary and D o cu m e n ts, C o lu m b ia U n iversity P ress, N ew York, 1969, p.
556.

208
L eo n ard o N em er C a ld e ira B ran t

c o lle c tiv e s , m ilita ire s ou non, q u e le C o n s e il de S é c u rité est a u to ris é à


p re n d re en v e rtu du c h a p itre V II de la C h a rte . La C h a rte n ’é ta b lit pas
de lien e n tre i’a c tio n qui p e u t a v o ir lie u en ca s de m e n a ce c o n tre la
p a ix et le s m e s u re s à p re n d re à la s u ite de 1’in e x é c u tio n d ’une d é c is io n
de la C o u r1" .

D ans la p ra tiq u e , le C o n se il de S é c u rité n ’a é té sa isi q u ’ une se u le


fo is s u r la b a se d e T a rticle 94, §2, de la C h a rte d e s N a tio n s U nies.
C e tte s a is in e a é té o p é ré e par le N ic a ra g u a à la su ite de la d é c is io n
p rise par la C o u r au fo n d le 27 ju in 1 986, d a n s Taffaire T opp osant aux
E ta t s - U n is p o u r c e q u i e s t d e c e r t a in e s a c tiv ité s m ilit a ir e s e t
p a ra m ilita ire s c o m m is e s s u r son te rrito ire ou c o n tre c e lu i-c i112. De to u te
é v id e n c e , la ré s o lu tio n p ro p o s é e par M a n a g u a s ’e st h e u rté e à un vo te
n é g a tif d e s E ta ts -U n is e t n ’a de ce fa it pas été a d o p té e . La q u e s tio n
v in t a lo rs d e v a n t T A sse m b lé e g é n é ra le q u i, s u r la b a se de T article 10
d e la C h a rte , fo r m u la d iv e rs e s re c o m m a n d a tio n s à T in te n tio n d e s
p a rtie s . La fo rc e de ce s re c o m m a n d a tio n s est é vid e m m e n t lim ité e 113.
En ré a lité , on v o it m a l c o m m e n t un E tat m e m b re du C o n se il de S é c u rité
p o u rra it ne pas o p p o s e r de ve to à une ré s o lu tio n d o n t le c o n te n u s e ra it
« c o n d a m n a to ire » e t d e s tin é à ré p rim e r un c o m p o rte m e n t ré c a lc itra n t.
D e p lu s , d a n s un c o n te x te in te rn a tio n a l oü les in té rê ts d e s p a y s
m e m b re s du C o n s e il de S é c u rité d é p a s s e n t les lim ite s te rrito ria le s , il
s e m b le n a tu re l de p ré v o ir que, m êm e fa c e à la n o n -e x é c u tio n d ’une
o b lig a tio n ju rid ic tio n n e lle d ’un a u tre E ta t q u i n ’e st pas un m e m b re
p e rm a n e n t du C o n s e il de S é c u rité , le v e to p u is s e se ju s tifie r pa r le
d e g ré de tu te lle ou pa r de s im p le s in té rê ts s tra té g iq u e s , é c o n o m iq u e s ,
c o m m e rc ia u x o u m ilita ire s .

P o u r c e tte ra is o n , le se u l e x e m p le d ’une in te rv e n tio n p o s itiv e


d e s N a tio n s U n ie s d a n s le b u t de v é rifie r T exé cution d ’un a rrê t de la
C .I.J . se tro u v e d a n s T affaire du d iffé re n d te rrito ria l e n tre la J a m a h iriy a
A ra b e L ib y e n n e e t le T c h a d 'u . Le 4 a vril 1994, le T chad et la L ib y e o n t
c o n clu un a cco rd s u r les m o d a lité s p ra tiq u e s d ’e x é cu tio n de Tarrêt rendu

111 Paul G u g ge n h eim , T ra ité d e d ro it in tern atio n a l p u b lic, T. II, G eo rg &. C ie , G en èv e, 1954, p . 170.
112 D o c u m e n ts S /1 8 2 3 0 , 1 8 2 5 0 et 18428 ; S /P V 2 7 0 0 -2 7 0 4 e t 2 7 1 8 ; A /4 1 /L 2 2 , A / 4I/P V 5 2 -5 3 , A /4 2 /L 2 3 ,
A /4 2 /P V 6 8 ; r é so lu tio n s 4 1 /31 e t 4 2 /1 8 , ju ille t, o c to b re , n o v em bre 1986 e t n o v em bre 19 8 7 .
113 G ilb e rt G u illau m e , « D e T e x é c u tio n d e s d é cisio n s de la C o u r I n te r n a tio n a le d e Ju s tic e » , R e v u e S u isse de
D ro it In te rn a tio n a l, 4 , 19 9 7 , pp. 4 3 1 -4 3 7 .
1 14 A rrê t d e la C .I.J. d u 3 fév rier 1994, C .I .J., R ec.r 1994, pp. 6 -4 2 .

209
Revista da Faculdade de Direito da Universidade Federal de Minas Gerais,

par la Cour internationale de Ju stice115. Par cet accord, la Libye a


a c c e p té de re tire r ses tro u p e s de la B ande d ’A ouzou, sous la
surveillance d’observateurs des Nations Unies, à la fin du mois de mai
1994. Les d eux Etats ont é g a lem e n t convenu de p ro c é d e r à la
démarcation de la frontière en conformité avec 1’arrêt de la Cour, à la
constitution de patrouilles mixtes afin de contrôler la frontière, à la
déterm ination de certains points de passage et à la définition d’un
processus devant perm ettre le déminage du territoire. Le Conseil de
Sécurité a, de son côté, autorisé le déploiement, pour une période de
quarante jours, d ’une équipe d’observateurs (le Groupe d’observateurs
des Nations Unies dans la Bande d’Aouzou - GONUBA), conformément
à une recom m andation du Secrétaire Général. Par une déclaration
c o m m u n e du 30 m ai 1994, les d e u x E ta ts o n t c o n s ta té que
Tadministration et les forces libyennes s’étaient retirées de la Bande
d’Aouzou «à la satisfaction des parties»116.

Ceei étant, il semble douteux que le problème de 1’application


des sentences internationales puisse être résolu sim plem ent par le
recours à des moyens de contrainte117. II faut bien reconnaítre que la
sanction n’est pas le seul instrument garant de l’effectivité du droit.
Cela pose la question de savoir pourquoi les sentences de la Cour
sont exécutées dans la plupart des cas, alors qu’elles peuvent même
contrarier la position de 1’une des parties.

Section II

L’autorité de facto d ’une sentence de la Cour internationale de Justice

II est vrai que le refus de reconnaissance d’un acte juridictionnel


de la Cour relève de la compétence discrétionnaire conservée par son
destinataire118. Ainsi, bien qu’une règle de droit ne cesse pas d ’être
une règle de droit parce qu’il n y a pas de moyens pour contraindre à
son application et que sa violation peut rester en principe dépourvue

115 S / 1994/402 et 424, 13 avril 1994, Texte publié dans la R.G .D.I.R, 1994, pp. 801-802.
116 Martti Koskenniemi, «Laffaire du différend territorial (Jamahiriya Arabe Libyenne c. Tchad, arrêt de la
C.I.J. du 3 février 1994». A.F.D .I., 1994, pp. 442-464.
117 Philippe Weckel, «Les suites des décisions de la Cour internationale» de Justice», A.F.D.I., 1996, p. 438.
118 Cependant : «dans la pratique internationale, les Etats ne se contentent pas de refuser purement et
simplement d’exécuter un jugem ent ; ils invoquent toujours un m otif particulier que les em pêcherait de
satisfaire à 1’obligation de droit international qui leur incombe et qu’ils reconnaissent souvent en principe».
Paul Quggenheim, Traité de droit international public, T. II, G eorg & Cie, Genève, 1954, p. 169.

210
Leonardo Nemer Caldeira Brant

de sanction, le respect ou le non-respect du dispositif de la sentence


internationale est une affaire de choix qui dépend évidem m ent de
1’appréciation subjective de TEtat de ce qu’il perd et de ce qu'il gagne
en exécutant la décision juridictionnelle. Comme le souligne Prosper
Weil, «dans une conjoncture donnée, un gouvernem ent pèsera les
avantages que peut lui valoir le respect du droit en comparaison du
prix que pourrait lui coüter la violation du droit»119.

En effet, Tefficacité de la sentence transcende Tacte juridictionnel


et subit les effets de la notion de souveraineté. En droit international,
le rôle joué par la notion de souveraineté est inversement proportionnel
à sa conception en droit interne. Ainsi, si, en droit interne, la nature de
la sentence juridictionnelle correspond à un acte de souveraineté, en
d ro it in te rn a tio n a l le s s u ite s d e s d é c is io n s des ju r id ic tio n s
internationales subiront de façon importante Tappréciation des parties
pour ce qui est de Tévaluation des conséquences de son effectivité,
justem ent en fonction des prérogatives de cette souveraineté. Cela
signifie que dans des circonstances exceptionnelles, la juridicité de la
sentence internationale peut se dissocier largement de son effectivité.

En fait, dans les «highly sensitive issues», Tintérêt bien compris


peut peserdavantage dans la balance que les considérations d ’éthique
ou le souci de la rule o f law. Comme le dit Charles de V is s c h e r: «plus
on se rapproche des questions vitales, comme le maintien de la paix et
la guerre, moins la Communauté exerce d’action sur ses m em bres ; les
s o lid a rité s fa ib lis s e n t à m esure que grandisse nt les périls qui la
m enacent»120. A ce propos, comment ignorer la politique des Etats-Unis
dans Taffaire des Activités militaires et param ilitaires au N icaragua et
c o n tre c e lu i-c i121 ? La po sitio n de T lslande dans T a ffa ire de la
Compétence en m atière de pêcheries122 constitue un exemple encore
plus singulier de Tappréciation politique de TEtat et de la condam nation
d ’une sentence internationale123. L'attitude de la France dans Taffaire
des Essais N ucléaires124 est tout aussi caractéristique125.

119 Prosper Weil, «C ours général de droit international public », R .C .A .D .I., vol. 237, 1992, p. 50.
120 Charles de Visscher, Théories et réalitécs en droit international public, Pédone, Paris, 1970, p. 112.
121 Affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, arrêt du 27 juin 1986. C.I.J.
Rec. 1986, pp. 14-150.
122 Affaire de la compétence en matière de pêcheries, arrêt du 25 juillet 1974, C .I.J., Rec. 1974, p .3.
123 En effet, à la suite de Tarrêt ainsi rendu, Tlslande, qui a refusé de participer à Tinstance, a fait savoir par

211
R evista da Faculdade de D ireito da U niversidade Federal de M inas G erais

Mais, si 1’e ffe c tivité ne constitue pas la condition de la ju rid ic ité 126,
le com p ortem ent négatif d ’un Etat n’affe cte pas la portée de la sentence,
p u is q u e c e tte p o rté e ne d é p e n d pa s de T a c c e p ta tio n o u de la
ré c e p tio n 127. B re f, les d é lits n ’a n n u le n t pas le d ro it128. La q u e s tio n
p rin cip a le alors e st ce lle de sa voir po urq uoi les Etats vie n n e n t plus
s o u ve n t à la C our q u ’au tre fo is et exé cu te n t souvent sans d iffic u lté les
ju g e m e n ts re n d u s 129.

II est vrai q u ’à Tépoque des trib u n a u x arbitraux, Louis R enault


p o u v a it déjà n o te r q ue les cas d ’in e x é c utio n é ta ie n t ra ris s im e s . En
ré a lité , com m e le re m a rq u e G. G u illa u m e : «en ce qui c o n c e rn e la
C .P .J.I., ce fut s e u le m e n t dans le cas du va p e u r W im bledon q u ’aucune
indem nité ne fut versée au G ouvernem ent français par le G ouvernem ent
a llem an d , le C om itê des G aran ties de la C om m ission des R é p a ratio n s
(au sein duquel la France était repré se ntée) n’ayant pas co n se n ti à ce
que 1’A lle m ag ne o p è re le versem ent de Tindem nité fixée. Par a illeurs,
du fa it de la se co n d e G ue rre m ondiale, 1’arb itrag e d ont la C o u r avait
co n firm é la v a lid ité dans Taffaire S ociété co m m e rciale de B e lg iq u e ne
fu t ja m a is e xé c u té . M alg ré ces deux c a s trè s p a rtic u lie rs , le bilan
dem eure p o s itif» 130.

En ce qui c o n c e rn e la C .I.J. le bilan est égalem ent très positif.


En fa it, seules tro is a rrê ts ont re n co n tré p ro viso ire m e n t de ré e lle s
d iffic u lté s d 'e x é c u tio n . Dans Taffaire du D é tro it de Corfou, TAIbanie a
pend ant de longues années refusé de ré g le r Tindem nité a ttrib u é e par

portan t sur les «d ifférend s n és d ’une guerre ou d ’h ostilités in tern ation ales», les «différends n é s à 1’o ccasion
d ’une crise in téressan t la sécu rité de la nation ou toute m esure ou action s ’y rapportant» et les «d ifféren ds
co n cern an t des a c tiv ités se rapp o rtan t à la défense n a tio n ale». N o n o b stan t cette dernière réserve, la
Cour, en 1973, se recon nu t co m p éten te prima facie. A la su ite de ce tte décision, le G o uv ern em en t fran çais
a décidé de procéder au re tra it pur e t sim ple de cette d éclaratio n . A ffaire des Essais N ucléaires, m esures
co n serv ato ires, ò rd o n n a n c e du 22 ju in 1973, C .I.J., R ec. 1973, pp. 328-331.
125 J.F. G uilh audis, «E ssa is n u cléaires : su sp en sion ? term inaison ? in terdiction ?» R .G .D .I.R , 1994, p p . 154-
163. Voir aussi V in cen t C o u ssira t-C o u stère, «L a reprise des essais nu cléaires français d e v a n t la C o u r
in tern atio n ale de Ju s tic e » , A .F .D .I., 1995, pp. 355-364..
126 D enys de Béchillon, Q u e s t- c e q u ’u ne règle de droit ?, Ed O d ile Jaco b , Paris, 1997, p. 61.
127 Philippe W eckel, «L e s su ite s d e s d é cisio n s de la C ou r in tern atio n ale de Ju stic e », A .F.D .I., 1996, p. 4 37.
128 Karl Strupp, «R ègles g é n é rales du D ro it de la p aix», R .C .A .D .I, vol. 47, 1934, p. 207.
129 G ilbert G uillaum e, «L a C o u r in tern atio n ale de Ju stice, Q u elq u es propositions co n crètes à 1’o ccasio n du
cin q u a n te n a ire », R .G .D .I.R , vol. 100, 1996, 2, p. 32 6 . Ju lio D. G onzalez C am p os, Luis t I . S a n c h e :
Rodriguez, Paz A n d res S a en z de S a n ta M aria, C u rso de D ere ch o Internation al Público, C iv ita s, M adrid,
1998, p. 851.
130 G ilbert G uillaum e, «D e 1’e x é cu tio n des décision s de la C o u r iín tern atio n ale de Ju stice », R ev u e S u isse de
D ro it Internation al, 4 , 1997, pp. 4 3 1 -4 4 7 .

212
Leonardo N em er C aldeira Branr

la C our au R o ya u m e -U n i. Toutefois, un accord est fin a le m e n t interven u


e ntre les deux P artie s le 8 m ai 1992131. Dans l’a ffaire de la C om p étence
en m a tiè re de s p ê ch e rie s, les so lu tio n s retenues par la C o u r ont été
rap id e m e n t d é p a s s é e s par 1’évo lution du droit de la m er et n ’ont de ce
fa it pas été m ise s en a pplication par 1’ lsla n d e . E nfin, dans le d ifférend
a ya n t opp o sé le N ic a ra g u a aux E ta ts-U nis, le ju g e m e n t de la C our du
27 ju in 1986 n ’a été que p a rtie lle m e n t e xé cu té et T affaire ne s ’est
co n clu e par un d é s is te m e n t du N ic a rag u a q u ’après un c h a n g e m e n t de
d ire c tio n p o litiq u e à M anagua, une ré o rie n tatio n des re la tio n s entre
le s d e u x p a y s e t la re p ris e de 1’ a id e fin a n c iè r e a m é r ic a in e au
N ic a ra g u a » 132.

Face à c e tte co n sta ta tio n il fa u t poser la question de sa vo ir oü,


en réalité, résid e Tautorité de la s e n te n ce internationa le . É videm m ent,
on peut p ré te n d re que Tautorité n’est pas conçue u n iquem ent com m e
force brute. E lle peut être soit in s titu tio n n a lis é e (being a u thority), soit
co n stitu é e par la position hié ra rch iq u e fon d é e su r la su p é rio rité de fait
(b e in g an a u th o rity ). En effet, dans les deux cas, Tautorité n’est pas
im posée. En d ’a u tre s te rm e s, si la ju rid ic tio n représente le d é sir et
T in té rê t de T E tat à ré s o u d re les c o n flits de m a n iè re o b lig a to ire et
d é fin itiv e en se s o u m e tta n t à Tautorité de Tacte ju rid ic tio n n e l, la source
o rig in a le de c e t in té rê t réside m oins dan s le souci de re sp e cte r le droit
que dans Tobligation m orale de m a in te n ir la paix et Tintérêt po litique
d ’o b te n ir du c ré d it auprès de la co m m u n a uté in tern atio nale.

En Tabsence d ’instrum e nts a d équa ts de sanctions ca p a b le s de


c o n va in cre Tune des p a rtie s q u ’elle n’a pas in térêt à s’a ffra n c h ir de la
règle, Tautorité de la ju rid ic tio n rep osera p lu tôt dans Tintérêt q u ’a TEtat
à d é m o n tre r sa bonne foi et à a ssu re r sa co e xiste n ce pa cifiq u e avec
d ’autres Etats de la com m unauté internationale. Sa justifica tio n dépasse
a lors les lim ite s de son c a ra c tè re ju rid iq u e et perm et de c o n s ta te r que

131 «S e lo n le M ém oran du m d ’acco rd du 8 m ai 1992 le go u v ern em en t du R oyaum e-U n i ap p ro u v era la rem ise
à 1’A lban ie d e n v iro n 1574 K ilogram m es d o r précéd em m en t réservés pour attrib ution à 1’A lban ie su r la
m asse d ’or c o n se rv é e par la C o m m issio n T ripartite. U accord règle co rré lativ e m e n t les ré clam atio n s
b ritan n iq ues par un forfait. En liaison av ec la rem ise de l’or, le gou vernem ent de 1’A lb a n ie v ersera au
gou vernem ent d u R oyaum e U ni la som m e de 1 m illion de livres, alors que 1’A lban ie a v a it été co n dam n ée
à payer 842.142 liv res». Le règlem ent av ec les E tats-U n is su it 1'accord de T iran a du 10 m ars 1995, tan d is
que le règlem ent a v e c la France su it 1’acco rd du 22 février 1996 signé à T iran a. R aym ond Goy, «L e sort
de l’o r m onétaire pillé par 1’A llem agn e p en d an t la se co n d guerre m o n diale», A .F.D .L , 1995, pp. 390 -3 9 1 .
132 G ilbert G uillau m e, «D e 1’ex é cu tio n d es décisions de la C o u r ifn tern atio n ale de Ju stic e » , R ev u e S u isse de
D roit In tern ation al, 4 , 1997, pp. 4 3 1 -4 4 7 .

213
R ev ista da Facu ldade de D ireito da U n iv ersid ad e Federal d e M inas G erais.

1’a u to r ité de la ju r id ic tio n re flè te la d im e n s io n p o litiq u e d u d ro it


in te rn a tio n a l. A in s i, m ê m e si n o u s p o u v o n s a ffirm e r que la s o u rc e
ju rid iq u e de la res ju d ic a ta est la m êm e q u e c e lle du pa cta su n t s e rva n d a ,
c e la ne v e u t pas d ire p o u r a u ta n t que la s e n te n c e n ’e s t e x é c u té e que
p a rc e que, d ’un p o in t de vue fo rm e i, e lle p ro v ie n t du c o n s e n te m e n t.
D a n s c e c a s , la s o u r c e p r im a ir e d e T a u to r ité d e la s e n te n c e
ju rid ic tio n n e lle e s t p lu s p ro c h e de T auto rité de la s o ft la w q u e de la
fo rc e ju rid iq u e du p a c ta s u n t s e rv a n d a p ro p re m e n t d ite. C o m m e le fa it
re m a rq u e r V ira lly : « da ns une s itu a tio n d o n n é e , en to u t cas, la g a ra n tie
ré s u lta n t d ’un e n g a g e m e n t p o litiq u e , s u r leq uel il n ’e s t pas p o s s ib le de
re v e n ir sa n s p a y e r un p rix p o litiq u e e x c e s s if, p e u t ê tre b e a u c o u p plus
fo rte q ue c e lle d é riv a n t d ’ un e n g a g e m e n t ju rid iq u e (qu e s a n c tio n n e
se u le une re s p o n s a b ilité d iffic ile à m e ttre en oe uvre)»133.

De c e tte m a n iè re , T a u to rité de la s e n te n c e in te rn a tio n a le e st


d ir e c te m e n t p r o p o r tio n n e lle à T h o m o g é n é ité de la c o m m u n a u té
in te r n a tio n a le 134. C e la s ig n ifie q u e , b ie n q u ’e lle s o it fo r m e lle m e n t
re v ê tu e de T o b lig a tio n ju rid iq u e , T a u to rité de fa it d ’ u ne s e n te n c e
in te rn a tio n a le se m a n ife s te pa r Tintérêt p o litiq u e de T a p p ré cia tio n de
d e u x v a le u rs d is tin c te s . D 'un cô té, TEtat se re tro u v e fa c e à la p o s s ib ilité
d ’e x é c u te r la s e n te n c e in te rn a tio n a le d e b o n n e foi et, par là, de se
p ré s e rv e r en se m e tta n t à Tabri de la lé g a lité , ce qui lui p e rm e t de
ré c u p é re r ou de g a rd e r la c o n fia n c e d e s a u tre s a c te u rs de la s c è n e
in te rn a tio n a le ; d ’un a u tre côté , en ig n o ra n t Texécution d ’ une o b lig a tio n
n o rm a tiv e ju rid ic tio n n e lle , TEtat o pte p o u r la p ré s e rv a tio n des v a le u rs
s o u v e ra in e s te n u e s p o u r h ié ra rc h iq u e m e n t s u p é rie u re s à son im a g e
e t au c ré d it fo n d é s u r la lé g a lité de son g e s te . Le le itm o tiv de T e ffic a c ité
de la se n te n c e in te rn a tio n a le p a ra ít p a rtir de la fu s io n de T évo lu tio n du
v o lo n ta ris m e a v e c T in té rê t s o c ia l p ro p o s é par S ce lle . Ce s e ra d o n c
a p rè s T a n a ly s e e n tr e la d é p e n d a n c e d ’ un E ta t v is - à - v is d e la
c o m m u n a u té in te rn a tio n a le et les p ré ju d ic e s c a u s é s p a r une o b lig a tio n
ju rid ic tio n n e lle , q u e c e t E ta t p re n d ra la d é c is io n de re s p e c te r ou
d ’ig n o re r une s e n te n c e in te rn a tio n a le d é te rm in é e .

133 M ich ael Virally, «S u r la n o tio n d ’a c c o rd » , F estsc h rift fu r R u d o lf Bin dsch edler, B erne, S ta e m p fli e C ie,
S .A , 1980, p. 169.
134 «It is thereforeT h ardly su rp risin g th a t th e heyday o f a rb itra tio n w as th e p erio d betw een th e tw o World
W áfs, w hen W estern S ta te s still m a d e up a relativ ely h o m o g e n eo u s gro u p a n d w ere still p a ra m o u n t in
th e w orld co m m u n ity ». A n to n io C a ss e s e , In te rn a tio n al L aw in a D iv id e d W orld, C lare d o n P ress, O x fo rd
1986, p. 202.

214
L eo n ard o N em er C a ld e ira B ran t

C eei é ta n t, à 1’e xce p tio n de cas e x trê m e s , 1’in te rd é p e n d a n c e e ntre


les E tats a de n o s jo u rs a tte in t un p o in t tel q u ’e lle c o n d itio n n e 1’a ctio n
de s p a rtie s en litig e de m a n iè re s ile n c ie u s e m ais re m a rq u a b le '35. C e lles-
ci p ré fè re n t s y s té m a tiq u e m e n t soit e x é c u te r la s e n te n c e en a ffic h a n t
le u r b o n n e fo i, s o it ig n o re r la d é c is io n ju rid ic tio n n e lle , m ais u n iq u e m e n t
m o m e n ta n é m e n t, d a n s 1’a tte n te de c irc o n s ta n c e s plus p ro p ic e s à de
n o u v e lle s n é g o c ia tio n s 136.

C e la re v ie n t à dire que la notion de ch o s e ju g é e fo nd e son a u to rité


m o in s s u r le fa it q u e la n o n -e x é c u tio n de la s e n te n c e in te rn a tio n a le
e n g a g e ra it la re s p o n s a b ilité in te rn a tio n a le de 1’E tat fa u tif, m a is p lu tô t
s u r le fa it que, lo in d ’ê tre la n é g a tio n d e la rè g le de d roit, sa v io la tio n
c o n s titu e une o c c a s io n e t un m oyen d e c o n firm e r son e x is te n c e , par
un ritu e l d ’ a ffir m a tio n de sa p u is s a n c e e t p a r u ne ré p a ra tio n d e s
c o n s é q u e n c e s du m a n q u e m e n t137. En e ffe t, la ré a lité du d ro it ne d e v ie n t
v is ib le q u e lo rs q u ’e lle e st nié e par la ré s is ta n c e q u ’e lle o p p o s e à c e tte
n é g a tio n ’ 138. C e la s ig n ifie q u e la re la tio n a u to rita ire e n tre c e lu i qui
c o m m a n d e e t c e lu i qui o b é it re p o s e s u r la h ié ra rc h ie e lle -m ê m e , do nt
ch a cu n re c o n n a ít la ju s te s s e e t la lé g itim ité , et oü to u s deux ont d ’ava nce
le u r p la c e fix é e . B re f, il e x is te une a u to rité qui é m a n e de la c h o s e ju g é e

135 C *e st en p a rtan t d e ce prin cipe q ue, d an s Taffaire du Temple de Préah Vihear, le go u v ern em en t de T h a íla n d e ,
m êm e s ’il h ésita it, a v a it fléch i d e v a n t 1’a u to rité de la d é c isio n ju rid ictio n n elle . A u le n d e m ain d u p ron on cé
d e I*arrêt de la C o u r au su je t d u tem ple de Préah-V ihéar, le go u v ern e m e n t th a ilan d ais a d é c la ré q u ’il ne
p o u v a it a c c e p te r e t n’ a c c e p te r a it p a s c e tte d écisio n m ais p ren d rait au co n traire les m e su res m ilitaires
n é c e ssa ire s pou r e n em p ê ch er T e xé cu tio n . Par la su ite , le m êm e g o u v ern e m e n t m e n a ça de rom p re le s
re la tio n s d ip lo m a tiq u e s a v e c les pays d o n t le p résid en t d e la C o u r e t les a v o c a ts de so n a d v e rsa ire é ta ie n t
le s re sso r tissa n ts (le C a m b o d g e ). F in alem en t, il d é c la ra , a v e c plus d e d ip lo m a tie, q u ’il se c o n fo rm e ra it à
la d é c isio n d e la C o u r, m ais ne vo yait au c u n m oyen p ratiq u e d ’en assu re r T exécu tio n . II m a in tin t sa
p r o te sta tio n c o n tre T arrêt et se réserv a le d ro it d ’en a p p e le r d e v a n t une au tre ju rid ic tio n in te rn a tio n a le ,
a u ssitô t q u ’il en se ra it cré ée une. A rrê t d u 15 ju in 1962. C .I .J ., R ec. 1962. pp. 6-36.
136 Par co n tre, d a n s c e rta in e s o cc a sio n s, bien que les E ta ts se m b le n t répo n dre à T appel e x é c u to ire d ’une
se n te n c e in te r n a tio n a le , en ré alité ils a tte n d e n t le m o m en t a d é q u a t po u r réviser le c o n te n u de T acte
ju rid ic tio n n e l e t p ré se rv e r p a r là leurs in térêts so u v e ra in s. A in si, ap rè s la se n te n ce de la C .I.J. d a n s
T affaire du Droit de p a ssa ge su r territoire indienqui a v a it co n firm é la so u v era in eté p o rtu g aise su r c e rta in e s
e n c la v e s du te rrito ire in d ie n ain si que le s d ro its lim ités a c c o rd é s à so n ex ercice, le g o u v e rn e m e n t in dien
a n n e x a c e s zo n es e t a d o p ta par c o n sé q u e n t des a ttitu d e s m ilita ires co n tre T a d m in istra tio n p o rtu g aise en
In d e . A in si, bien q u ’au sein d u C o n seil d e S é c u rité , le re p ré se n ta n t fra n ça is p rése n tât c e s fa its com m e
m e su res de n é g a tio n d u droit, te lles q u ’elles so n t d é fin ie s par la C o u r in tern atio n a le d e Ju s tic e , une
ré so lu tio n qui d e m a n d a it la fin d e s h o stilités e t le re tra it de T arm ée in d ie n n e s ’e st h e u rté e au v e to
so v ié tiq u e . A rrê t d u 12 avril 1960. C .I .J ., R ec. 1960, pp . 6-46.
137 Prosper. W eil, « V ers un e n o rm ativ ité re lativ e en d ro it in te rn atio n a l », R .G .D .I.R , 1982, p. 1. C h a rle s
Leb en , « U n e n o u v e lle co n tro v e rse su r le po sitiv ism e en d ro it in te rn atio n a l », D roits, n ° 5, 1987, p. 121.
L . C a v a r é , « Líidée d e sa n c tio n et sa m ise en ceuvre en D ro it in te rn atio n a l pu b lic », R .G .D .I.R , 1937, p.
385.
138 Voir S e rg e Sur, S y stè m e ju rid iq u e in te rn atio n a l e t u to p ie , A rc h iv e s de p h ilo so p h ie d u d ro it, T 32, Le
D ro it in te rn a tio n a l, Sirey, Paris, 1987, p. 37.

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Revista da Faculdade de Direito da Universidade Federal de Minas Gerais.

et qui réside dans 1’acceptation du pouvoir hiérarchique du tribunal


vis-à-vis des parties. Comme le constate Hannah Arendt : « puisque
Tautorité requiert toujours 1’obéissance, on la prend souvent pour une
forme de pouvoir ou de violence. Pourtant Tautorité exclut 1’usage de
moyens extérieurs de coercition ; là oü la force est employée Tautorité
proprement dite a échoué »139.

139 Hannah Arendt, « Q u ’est-ce que Tautorité », La crise de la culture, folio Gallimard, Paris, 1972, p. 123.

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