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Prospérité. Cette prospérité s’arrête brutalement lors de la guerre : considérés comme ennemis,
ces premiers immigrants sont envoyés dans des camps en Australie, avant d’être rapatriés au Japon
en 1946, laissant femmes et enfants en Calédonie. Ces descendants seraient aujourd’hui « entre
10 000 et 12 000 », disséminés sur le Caillou (comme les Takamatsu à Canala ou les Watanabe à
Ponérihouen), estime Marie-José Michel, qui appartient elle-même à cette troisième génération.
A Thio, cette mémoire vivante a disparu avec le départ de presque tous les métis. Mais le cimetière,
où 223 Nippons ont été enterrés, a gardé une trace de ce passage. Plus de soixante-dix tombes
japonaises y subsistent, dont une grande stèle datant de 1933, en bon état de conservation. C’est
là qu’un mémorial, financé par la SLN et des sociétés japonaises, sera érigé en septembre. La
première pierre, un gros bloc de garniérite, sera posée ce 5 juillet, entre une messe mi-bouddhique
mi-catholique, et une prestation de tambours japonais.
Symbole. Un symbole fort, puisque le monument, qui reliera la croix chrétienne à l’épée des
samouraïs, sera conçu par Yukiyoshi Matsuda, résidant à Okinawa et fils d’un émigré qui a travaillé
à la SLN. « Yukiyoshi a deux demi-sœurs qui vivent à Nouméa et qu’il a pu rencontrer en 2007 »,
précise Marie-José Michel. A Thio, les générations ont passé et les vieux qui ont côtoyé les Japonais
ont déjà emporté leurs souvenirs avec eux. Restent quelques réminiscences et des noms de lieux
intacts, confie Mamie Georgette : « Wakuda, Miaki… Ils ont habité avec nous là-haut. Certains
étaient mariés à des Mélanésiennes. Les endroits où ils restaient portent toujours leur nom. A la
rivière où on prend le bateau, on dit encore chez Wakuda. Je me souviens aussi d’un grand-père
Kosako… Ça fait du bien de réveiller ce passé. »
Mais de nos jours, pour la plupart des habitants, qui dit Japonais dit touristes. Thio espère d’ailleurs
que ce mémorial, en plus de réveiller son histoire, renforcera son attrait en vue de l’après-nickel.
Marie-Jo Michel suggère même un jumelage avec une ville du pays du Soleil-Levant.
Repères
Les Tatura Kids
Parmi les délégations japonaises attendues pour cet anniversaire, les Tatura Kids seront les
témoins directs de ce lien entre les deux pays. Nés en Nouvelle-Calédonie, ils sont issus de familles
japonaises déjà composées, arrivées dans les années 1920 à 1940. Déjà venus à l’occasion du
centenaire de la présence japonaise, ils ne sont plus qu’une vingtaine, âgés de 75 à 86 ans.
Envoyés dans des camps en Australie durant la guerre, ils ont souffert de revenir dans un Japon
dévasté, accusés de ne pas être de vrais Japonais.
« La génération ou jamais »
Après le centenaire célébré en 1992, Marie-José Michel justifie cette nouvelle commémoration :
« Nous avons tous la soixantaine et nous sommes la troisième génération, ce sont nos grands-
pères qui sont venus. On a épousé la souffrance de nos parents, qui ont dû arrêter l’école d’un seul
coup et gagner leur vie. On a bien conscience d’être la génération charnière pour faire perdurer
cette histoire. Après, nos enfants, c’est fini : ils sont devenus complètement calédoniens. »
Un programme riche
Ce 120e anniversaire s’étalera du 26 juin au 8 juillet, avec plusieurs manifestations prévues à
Nouméa et à Poindimié par l’Amicale japonaise de Nouvelle-Calédonie et ses partenaires :
expositions de photos et d’estampes, concerts, conférences, et en clôture, un grand festival japonais
au château Hagen, les 7 et 8 juillet (ateliers culturels, arts martiaux, restauration japonaise…