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Algèbres

et modules
Cours et exercices
DANS LA M~ME COLLECTION

Les différentielles, par F. Pham. 1996, 152 pages.


Algèbre linéaire, par R. Goblot. 1996, 288 pages.
Calcul des probabilités. Cours et exercices corrigés, par D. Foata et A Fuchs. 1996, 320 pages.
Problèmes corrigés d'analyse numérique, par J.-E. Rombaldi. 1996, 304 pages.
Algèbre commutative. Cours et exercices résolus, par R. Goblot. 1996, 288 pages.
Analyse de Fourier et applications. Filtrage, calcul numérique, ondelettes, par C. Gasquet et
P. Witomski. 1995, 2e tirage, 368 pages.
Analyse de Fourier et applications. Exercices corrigés, par R. Dalmasso et P. Witomski. 1996,
256 pages.
Algèbre pour la licence. Cours et exercices corrigés, par M. Reversat et B. Bigonnet. 1997,
208 pages.
Éléments d'analyse fonctionne/le, par F. Hirsch et G. Lacombe. 1997, 348 pages.
Exercices de calcul intégral, avec rappels de cours, par J. Benoist et A Salinier. 1997,
224 pages.
Théorie de Galois. Cours avec exercices corrigés, par J.-P. Escofier. 1997, 288 pages.
Intégration pour la licence. Cours avec exercices corrigés, par J. Gapaillard. 1997, 256 pages.
Enseignement des MATHÉMATIQUES

Algèbres
et modules
Cours et exercices

Ibrahim ASSEM
Professeur agrégé
à l'université de Sherbrooke, Canada

Les Presses
MASSON Il de l'Université
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Patrimoine canadien et l'Université d'Ottawa pour le soutien constant qu'ils apportent à leur programme
éditorial.

Données de catalogage avant publication (Canada)


Comprend des références bibliographiques et un index.
Pour les étudiants du 2e cycle universitaire.
Publ. en collab. avec: Masson.
ISBN 2-7603-0461-2 (Presses de l'Université d'Ottawa).
ISBN 2-225-83148-3 (Masson)

1. Algèbres non commutatives. 2. Algèbre homologique. 3. Modules (Algèbre). 4. Algèbres non commutatives -
Problèmes et exercices. S. Algèbre homologique - Problèmes et exercices. 6. Modules (Algèbre) - Problèmes et
exercices. I. Titre.

QA2Sl.4.A87 1997 Sl2'.24 C97-90114S-O

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays.
Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit des pages
publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur, est illicite et constitue une
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(art. L. 122-4. L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).

©Les Presses de l'Université d'Ottawa, 1997

ISBN Masson: 2-225-83148-3


ISBN PUO: 2-7603-0461-2

MASSONS.A. 120, bd Saint-Germain, 75280 Paris Cedex 06


LES PRESSES DE L'UNIVERSITÉ D'Ü1TAWA 542, rue King Edward, Ottawa, Ont. Canada KIN 6N5
Table des matières

Introduction 1

Chapitre I : Algèbres 3
1. Structure de K-algèbre 3
2. Morphismes d'algèbres 12
Exercices du chapitre I 16

Chapitre II: Modules sur une K-algèbre 19


1. Définition et exemples 19
2. Applications linéaires 25
3. Suites exactes 28
4. Théorèmes d'isomorphisme 34
5. Modules d'homomorphismes 37
Exercices du chapitre II 40

Chapitre III: Catégories de modules 47


1. Catégories et foncteurs 47
2. Produits et sommes directes 53
3. Modules libres 60
4. Catégories linéaires et abéliennes 66
5. Produits fibrés et sommes amalgamées 75
6. Équivalences de catégories 80
Exercices du chapitre III 86

Chapitre IV: Foncteurs Hom, modules projectifs et injectifs 95


1. Exactitude de foncteurs 95

iii
iv TABLE DES MATIÈRES

2. Modules projectifs 100


3. Modules injectifs 103
4. Extensions essentielles et enveloppes injectives 110
Exercices du chapitre IV. 115

Chapitre V : Produits tensoriels.


Algèbres tensorielle et extérieure 119
1. Produit tensoriel de modules 119
2. Propriétés fonctorielles du produit tensoriel 126
3. Théorèmes de Watts 131
4. Algèbre tensorielle, graduations 136
5. Algèbre extérieure, déterminants 139
Exercices du chapitre V 146

Chapitre VI : Conditions de finitude. Modules simples


et semisimples 151
1. Modules artiniens et noethériens 151
2. Algèbres artiniennes et noethériennes 154
3. Décomposition en blocs 160
4. Modules simples 165
5. Suites de composition, théorème de Jordan-Holder 166
6. Modules semisimples 170
7. Algèbres semisimples 173
Exercices du chapitre VI 179

Chapitre VII: Radicaux de modules et d'algèbres 183


1. Radical d'un module 183
2. Socle d'un module 188
3. Radical d'une algèbre 189
4. Modules artiniens et algèbres artiniennes 191
5. Radical d'une catégorie K-linéaire 194
6. Modules indécomposables 196
Exercices du chapitre VII 203

Chapitre VIII: Modules projectifs. Équivalences de Morita 205


1. Idempotents et projectifs indécomposables 205
2. Couvertures projectives 210
3. Équivalences de catégories de modules 212
TABLE DES MATIÈRES V

4. Dualité et modules injectifs 219


5. Groupe de Grothendieck et matrice de Cartan 224
Exercices du chapitre VIII 227

Chapitre IX : Foncteurs Ext et Tor 229


1. Foncteurs d'homologie 229
2. Foncteurs dérivés 236
3. Foncteurs d'extension 245
4. Foncteurs de torsion. 252
5. Suites exactes courtes et extensions 260
Exercices du chapitre IX 268

Chapitre X : Dimensions homologiques de modules


et d'algèbres 273
1. Dimensions homologiques de modules 273
2. Dimensions homologiques d'une algèbre 280
Exercices du chapitre X 286

Chapitre XI : Homologie et cohomologie des algèbres 289


1. Cohomologie de Hochschild d'une algèbre 289
2. Algèbres séparables 298
Exercices du chapitre XI 304

Chapitre XII : Algèbres héréditaires, tensorielles


et auto-injectives 305
1. Algèbres héréditaires 305
2. Algèbres tensorielles 309
2. Algèbres auto-injectives 316
Exercices du chapitre XII 323

Bibliographie 325

Index 327
Introduction

Pendant plusieurs années d'affilée, j'ai enseigné deux cours de deuxième cycle à
l'Université de Sherbrooke. Ces cours, portant les titres respectifs d"'Algèbre
non commutative" et de "Théorie des catégories", sont conçus comme des cours
d'introduction pour étudiants postulant une maîtrise en algèbre. Je me suis
alors trouvé confronté au problème constitué par l'absence de manuel de cours
(a fortiori en français) reflétant exactement l'esprit de ces cours ainsi que mes
propres goûts. J'en suis venu à rédiger mes notes de cours. Celles-ci, évoluant
au fil des années, sont devenues le volume que voici. En le rédigeant, je m'étais
fixé comme but de donner au. lecteur une base solide pouvant être employée
aussi bien dans ma propre spécialité (la théorie des représentations des algèbres
associatives) que dans plusieurs autres domaines de l'algèbre moderne, comme
par exemple la théorie des anneau~, l'algèbre homologique ou la théorie des
catégories.
Le contenu de ce volume reflète ces choix. Si le fil conducteur en est l'étude
des modules sur une K-algèbre (où K est un anneau commutatif, associatif et
unifère), il se divise en trois parties. Les chapitres I à V contiennent les notions de
base. Les chapitres VI à VIII sont consacrés aux grands théorèmes de structure.
Enfin, les chapitres IX à XII portent sur les notions homologiques en théorie
des modules. Ce volume pourrait être utilisé comme manuel pour deux cours
différents d'un semestre chacun : un cours d'algèbre non commutative (basé
sur les deux premières parties) et un cours d'algèbre homologique (basé sur la
première et la troisième). Le contenu de ce volume n'est en rien original et
a paru sous diverses formes dans plusieurs manuels, dont j'ai donné une liste
partielle dans la bibliographie. Ma contribution se limite au choix et à la mise
en forme du contenu. Conformément à une tendance bien établie dans mon
domaine, l'approche choisie est résolument homologique, d'où l'introduction très
tôt du langage catégorique. Cela permet d'unifier la présentation et de donner
des preuves plus élégantes et intuitives des résultats de base. Je me suis efforcé
de conserver à ce volume son caractère initial, celui de notes de cours.
J'ai supposé que le lecteur connaissait déjà les notions d'algèbre ordinairement
enseignées au premier cycle dans les universités (voir, par exemple, le premier
volume d' Algebra de P.M. Cohn, cité dans la bibliographie). En particulier,

1
2 INTRODUCTION

j'ai supposé qu'il connaissait le théorème fondamental de structure des groupes


abéliens de type fini et qu'il avait une idée de ce qu'est un module sur un anneau
commutatif (même si cette notion est reprise depuis le début).
La section V.4 de ce livre n'est utilisée qu'au chapitre VII. Les sections V.3 et
V.5 ne sont plus utilisées par la suite et ne sont incluses que pour leur intérêt in-
trinsèque. La section VIl.5 n'est utilisée que pour prouver VIIl.6.16 et VIll.6.17,
qui ne sont plus utilisées par la suite. La section VIII.4 n'est utilisée que pour
prouver V.2.14 qui, de même, ne servira plus par la suite.
Je voudrais remercier tous ceux qui m'ont permis de mener ce travail à bien.
Avant tout, je voudrais exprimer ma gratitude à ma femme Luci, qui m'a per-
mis d'utiliser mes vacances pour rédiger ce volume. Je voudrais remercier mes
étudiants Daniel Brodeur, Diane Castonguay, James Castonguay, Chantal Gau-
vreau, Jasée Hamel, François Huard et Jessica Lévesque, dont les commentaires
m'ont permis de grandement améliorer ce texte et de dépister les erreurs qui
s'étaient glissées dans une première version. Enfin, je voudrais remercier Sylvie
Savage qui s'est acquittée avec compétence et efficacité de la tâche ingrate de
dactylographier ce texte, ainsi que l'Université de Sherbrooke pour son soutien
financier.

Ibrahim Assem
Sherbrooke, avril 1995
CHAPITRE 1

Algèbres

L'étude de l'algèbre élémentaire se résume à celle des polynômes et des matri-


ces à coefficients dans un anneau K: que l'on suppose généralement associatif,
commutatif et unifère. Ces deux ensembles ont en commun d'être munis d'une
structure de K-module ainsi que d'une multiplication K-bilinéaire, en faisant ce
qu'on appelle des K-algèbres ou algèbres sur K. La structure d'algèbre est une
généralisation naturelle de celle d'anneau : on verra en effet que toute algèbre
est en particulier un anneau tandis que, réciproquement, tout anneau peut être
considéré comme une algèbre sur son centre (et, en fait, sur tout sous-anneau
de son centre). Dans ce chapitre d'introduction, nous définissons la structure
d'algèbre, étudions ses propriétés les plus élémentaires et présentons plusieurs
exemples.

1. Structure de K-algèbre
Nous commençons par rappeler brièvement les définitions d'un anneau com-
mutatif, d'un module et d'une application linéaire. Un anneau K est un ensemble
muni de deux opérations K x K --+ K notées respectivement + et ·, et appelées
respectivement l'addition et la multiplication de l'anneau telles que
(1) K muni de l'addition (a, b) 1-+ a+ b est un groupe abélien, c'est-à-dire
vérifie les axiomes :
(i) a+ (b + c) =(a+ b) + c pour tous a, b, c E K.
(ii) a+ b = b +a pour tous a, b E K.
(iii) Il existe un élément neutre 0 ou OK pour l'addition de K, c'est-à-
dire que pour tout a E K, on a

a+O = O+a =a.


{iv) À chaque élément a E K est associé son opposé, ou négatif (-a) E
K qui satisfait à

a+ (-a) = (-a) +a = O.

3
4 1. ALGÈBRES

(2) La multiplication (a, b) 1-+ a· b ou ab de K est doublement distributive


sur l'addition +, c'est-à-dire que l'on a
a(b + c) = ab+ ac
et
(b + c)a = ba + ca
pour tous a, b, c E K.
Dans ces notes, on supposera toujours que K est un anneau associatif et unifère,
c'est-à-dire que la multiplication de K satisfait aux axiomes :
(i) a(bc) = (ab)c pour tous a, b, c E K.
(ii) Il existe un élément neutre 1 ou lK pour la multiplication de K, c'est-
à-dire que pour tout a e K, on a
a·l=l·a=a.
En d'autres termes, K muni de sa multiplication est un monoïde.
L'élément 0 est appelé le zéro de K, l'élément 1 son identité. Si la multipli-
cation de K est commutative, on dit que K est un anneau commutatif. Si tout
élément non nul de K admet un inverse pour la multiplication, on dit que K
est un corps commutatif. Par la suite, et sauf mention expresse du contraire, la
lettre K désignera toujours un anneau commutatif. On peut donc par exemple
prendre K égal à Z (anneau des entiers) ou bien à un corps commutatif tel que
Q (corps des rationnels), ~ (corps des réels) ou C (corps des complexes).
Un anneau qui n'est pas commutatif et dans lequel tout élément non nul admet
un inverse pour la multiplication est appelé un corps gauche.
Étant donné un anneau commutatif K, un K-module M est un ensemble muni
de deux opérations, la première Mx M -+ M étant notée + et appelée l'addition,
et la seconde Mx K-+ M étant notée·, et appelée la multiplication externe (à
droite}, telles que :
(1) M muni de l'addition (x, y) 1-+ x +y est un groupe abélien, c'est-à-dire
vérifie les axiomes :
(i) x +(y+ z) = (x +y)+ z pour tous x, y, z e M.
(ii) x +y= y+ x pour tous x, y e M.
(iii) Il existe un élément neutre 0 ou ÜM pour l'addition, c'est-à-dire
que pour tout x E M, on a
x+O = O+x =x.
(iv) À chaque élément x E M est associé son opposé, ou négatif (-x) E
M qui satisfait
X + (-X) = (-X) + X = Ü.
(2) M muni de la multiplication (x, a) 1-+ x ·a ou xa vérifie les axiomes :
(i) x(ab) = (xa)b pour tous x E Met a, be K (associativité mixte).
(ii) x · 1 = x pour tout x e M.
(3) La multiplication externe est doublement distributive sur l'addition,
c'est-à-dire que l'on a
(i) x(a + b) = xa + xb pour tous x e Met a, be K.
1. STRUCTURE DE K-ALGÈBRE 5

(ii) (x + y)a = xa + ya pour tous x, y E Met a E K.


Si K = Z, un K-module n'est donc autre qu'un groupe abélien, tandis que,
si K est un corps commutatif, un K-module est un K-espace vectoriel. Pour
deux K-modules Met N, une application f: M--+ N est dite K-linéaire (ou
homomorphisme de K -modules, ou encore morphisme de K-modules) si, pour
tous x, y E M et a, b E K, on a
f(xa + yb) = f(x)a + f(y)b.
Après ce bref rappel, nous en venons à la définition d'algèbre.
DÉFINITION. On appelle K-algèbre (ou algèbre sur K, ou simplement algèbre
lorsque aucune confusion n'est à craindre) un ensemble A muni de deux opéra-
tions internes, la première étant notée + et appelée l'addition, et la seconde
étant notée · et appelée la multiplication, ainsi que d'une multiplication externe
{à droite) A x K--+ A, également notée· et telles que:
(1) A muni de son addition (a,b) ~a+ b et de sa multiplication externe
(a, a) ~ a· a ou aa est doté d'une structure de K-module (à droite)
c'est-à-dire vérifie les axiomes :
(i) a+ (b + c) = (a+ b) + c pour tous a, b, c E A.
(ii) a+ b = b + a pour tous a, b E A.
(iii) Il existe un élément neutre 0 ou OA pour l'addition, c'est-à-dire
que, pour tout a E A, on a
a+O = O+a =a.
(iv) À chaque élément a E A est associé son opposé, ou négatif (-a) E
A qui satisfait à
a+ (-a) = (-a) +a = O.
(v) a(a/3) = (aa)/3 pour tous a E A et a, f3 E K.
(vi) a· 1 =a pour tout a E A.
(vii) (a+ b)a = aa + ba pour tous a, b E A et a E K.
(viii) a(a + /3) = aa + a/3 pour tous a E A et a, f3 E K.
(2) A muni de sa multiplication (a, b) ~ a· b ou ab satisfait les propriétés
suivantes:
(i) a(b + c) = ab + ac pour tous a, b, c E A.
(ii) (a+ b)c =ac+ be pour tous a, b, c E A.
(iii) (ab)a = a(ba) = (aa)b pour tous a, b E A et a E K.
En d'autres termes, A est à la fois un K-module et un anneau, et le dernier
axiome (2)(iii) exprime que ces deux structures sont compatibles.
L'anneau K étant commutatif, une K-algèbre A est aussi munie canonique-
ment d'une structure de K-module à gauche : en effet, on définit une multipli-
cation à gauche K x A--+ A par (a, a) ~ aa pour tous a E A et a E K. On dira
simplement que A est un K-module.
Lorsque le produit de A admet une identité, c'est-à-dire s'il existe un élément
1 ou lA dans A tel que a· 1 = 1 ·a = a pour tout a E A, on dit que A est
une K -algèbre unifère. Lorsque le produit de A est associatif, c'est-à-dire si
6 1. ALGÈBRES

a(bc) = (ab)c pour tous a, b, c E A, on dit que A est une K-algèbre associative.
Enfin, lorsque le produit de A est commutatif, c'est-à-dire si ab= ba pour tous
a, b e A, on dit que A est une K -algèbre commutative.
Notre objectif est l'étude des algèbres associatives et unifères. Par la suite, le
terme "algèbre" désignera donc toujours une algèbre associative et unifère.
On voit immédiatemment que l'anneau de base K ainsi que l'anneau K(t]
des polynômes à une indéterminée t à coefficients dans K sont des exemples
de K-algèbres. De même, l'ensemble à un élément {O} est évidemment muni
d'une structure de K-algèbre, dite triviale. Ces trois exemples sont des exemples
de K-algèbres commutatives. Nous verrons plus loin plusieurs autres exemples
d'algèbres, commutatives ou non.
Une K-algèbre étant en particulier un anneau et un K-module, toute propriété
arithmétique d'une de ces structures est également valable dans une K-algèbre.
On a ainsi, dans une K-algèbre A :
(i) a{-b} = (-a)b =-(ab} pour tous a, b E A.
(ii) (-a){-b) =ab pour tous a, b E A.
{iii) a(b- c) =ab- ac et (a - b}c =ac - be pour tous a, b, c E A.
(iv) DA· a= a· OA = OA pour tout a E A, et OA ·a= OA pour tout a E K.
{v) a· OK = OA pour tout a E A.
(vi} a· (-a)= (-a)· a= -(aa) pour tous a E A et a E K.
{vii} Si {a.xheA et (.Bu)ueE sont deux familles d'éléments de K et {a.xheA
et (bu }ueE sont deux familles d'éléments de A telles que les familles
{a,xa.xh.eA et (bu.Bu)ueE d'éléments de A sont à support fini {c'est-à-dire
telles que les ensembles {À E A 1 a,xa,x =F O} et {O' E E 1 bu.Bu =F O},
respectivement, sont finis}, alors on a les formules générales de distribu-
tivité:

Les démonstrations des propriétés précédentes sont élémentaires et peuvent


être laissées au lecteur. Une remarque importante doit être faite au sujet de
(vii). Chaque fois que nous considérerons une somme de la forme L
x,x, il sera
.Xe A
nécessaire de spécifier que la famille {x.xheA est à support fini, c'est-à-dire telle
que l'ensemble {À E A 1 x.x =F O} est fini (ou, ce qui revient au même, telle que
tous les x,x, sauf au plus un nombre fini, sont nuls). Cette condition est en effet
nécessaire pour que la somme L x.x ait un sens .
.XEA
Si K est un corps commutatif, toute K-algèbre A est en particulier un K-
espace vectoriel. On peut donc parler de sa dimension, notée dimK A, et définie
comme étant la cardinalité d'une base du K-espace vectoriel A. L'algèbre A est
dite de dimension finie si dimK A < oo. Si dimK A = n < oo et {e 11 e2 , ••• , en}
est une base du K-espace vectoriel A, il existe une famille unique ht 11 ~
i,j, k ~ n} d'éléments de K tels que, pour chaque paire (i,j) avec 1 ~ i,j ~ n,
1. STRUCTURE DE K-ALGÈBRE 7

on a
n
eie; = L 1tek.
k=l

Les 1t sont appelées les constantes de structure de l'algèbre A par rapport à


la base donnée {ei, e2, ... , en}, et les relations précédentes constituent la table
de multiplication de A (relativement à cette base). Réciproquement, toute K-
algèbre de dimension n peut être réalisée, à un isomorphisme près (la notion,
par ailleurs évidente, d'isomorphisme d'algèbres est définie rigoureusement dans
la section 2), par un choix des 1t. Il s'ensuit que, pour tout corps commu-
tatif K et tout nombre naturel n ;::: 1, le nombre cardinal de l'ensemble des
classes d'isomorphisme de K-algèbres de dimension n est plus petit ou égal à
(cardK)n8 • En particulier, il est fini si K est un corps fini. Notons, pour
terminer, que les constantes de structure ne sont pas arbitraires : en effet, les re-
lations d'associativité ei(e;ek) = (eie;)ek impliquent que l'on a, pour tous i,j, k
etm
n n
2: "Yf;1rtc = 2: r;k 1~.
l=l l=l
Afin d'éclaircir la relation entre une K-algèbre A et son anneau de base K,
nous allons montrer que la donnée d'une structure de K-algèbre sur un anneau
A équivaut à la donnée d'un homomorphisme d'anneaux de K dans le centre
Z(A) ={a E A 1 ab= ba pour tout b E A} de A. Rappelons que, si K,K' sont
deux anneaux, une application cp: K-+ K' est un homomorphisme d'anneaux si
cp(a + .B) = cp(a) +cp(,B), cp(a.B) = cp(a)cp(,B) pour tous a, .B E K et cp(lK) = lK'.

PROPOSITION 1.1. {i) Soit A une K-algèbre. L'application cp : K -+ A définie


parcp: a 1-+ lA ·a (pour a E K) est un homomorphisme d'anneaux dont l'image
est contenue dans le centre Z(A) de A.
(ii) Soient A un anneau et cp: K-+ Z(A) un homomorphisme. La multipli-
cation externe A x K-+ A définie par (a,a) 1-+ acp(a) {pour a E A, a E K)
confère à A une structure de K -algèbre.

DÉMONSTRATION. (i) Il est facile de vérifier que cp est un homomorphisme


d'anneaux. Pour prouver que cp(a) E Z(A) pour tout a E K, prenons un a E A
arbitraire, alors

acp(a) = a (lA ·a)


= (aa) · lA
= aa
= lA · (aa)
= (lAa) ·a
= cp(a)a.

Notons qu'à la deuxième et à la cinquième égalité, on a utilisé la compatibilité


des multiplications interne et externe de A.
8 1. ALGÈBRES

(ii) II est facile de vérifier que la multiplication externe donnée définit bien
une structure de K-module. Il reste à montrer la compatibilité de cette structure
avec la structure d'anneau de A. Soient donc a,b E A et a E K. On a
a(ba) = a (bcp(a))
= a (cp(a)b)
= (acp(a)) b
(aa)b
puisque cp(a) E Z(A). De même
(ab)a = (ab)cp(a)
a (bcp(a))
a(ba). D
Par exemple, l'anneau commutatif Zn des entiers modulo n est une Z-algèbre :
on prend l'homomorphisme cp : Z --+ Zn défini par a 1-+ a, la classe de a modulo
n.
Comme, avec les hypothèses de la proposition, on a cp (OK) = DA et cp (lK)
= lA, on peut identifier les zéros de K et de A, ainsi que leurs identités. On
notera simplement 0 et 1, respectivement, ce zéro et cette identité.
Il suit évidemment de la proposition que tout anneau A est une Z-algèbre (on
définit cp: Z--+ Z(A) par n 1-+ nlA) et aussi que tout anneau est une algèbre sur
(tout sous-anneau de) son centre. Observons également que si K est un corps,
alors cp : K --+ A est nécessairement injective et donc K peut être identifié à un
sous-anneau de A.
Afin d'énoncer les définitions suivantes, on rappelle que, si M est un K:.
module, une partie N Ç M en est un sous-module si N est elle-même un module
pour les opérations héritées de M.
DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Une sous-algèbre B de A est un sous-
K-module de A, stable pour la multiplication de A et contenant l'identité de
A.
En effet, la multiplication de A induit alors, par restriction à B x B, une
structure de K-algèbre sur B.
Il est clair que toute intersection de sous-algèbres de A est une sous-algèbre de
A. L'intersection des sous-algèbres de A contenant une partie donnée X Ç A est
donc une sous-algèbre, dite engendrée par X. D'autre part, si A est commutative,
il en est de même de toute sous-algèbre de A.
DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un idéal à droite (ou à gauche) 1 de A
est un sous-K-module de A tel que x E 1 et a E A entraînent xa E 1 (ou ax E 1
respectivement). Un idéal bilatère 1 de A est une partie qui est à la fois un idéal
à droite et un idéal à gauche.
Considérant un anneau comme une Z-algèbre, on a là les définitions classiques
d'idéal à droite, à gauche et bilatère d'un anneau. Il est important de remarquer
que, pour toute K-algèbre A, la notion d'idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère)
1. STRUCTURE DE K-ALGÈBRE 9

de l'anneau A coïncide avec la notion d'idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère)


de l'algèbre A : en effet, cela résulte de ce que, pour a E K et a E A, on a
aa = a(l ·a) = {1 · a)a.
Les idéaux {bilatères) 0 et A d'une K-algèbre A sont parfois dits impropres
(tout autre idéal étant alors dit propre). Si (I.xheA est une famille d'idéaux à
droite (ou à gauche, ou bilatères) de A, il en est de même de leur intersection
n.xeA I.x et de leur somme L h {laquelle est, par définition, l'ensemble des
.\EA
sommes L x.x avec (x.xheA une famille d'éléments de A à support fini telle
.\EA
que x.x E I.x pour tout À E A). L'intersection des idéaux à droite (ou à gauche,
ou bilatères) contenant une partie donnée X Ç A est donc un idéal à droite
(ou à gauche, ou bilatère, respectivement) dit engendré par X et noté {X}.
Soient 1, J deux idéaux bilatères de A. L'ensemble IJ des sommes L
x,xy,x (où
.\EA
{x.xheA et (Y.xheA sont respectivement des familles d'éléments de 1 et J telles
que (x.xy.xheA soit à support fini) est un idéal bilatère de A, appelé produit de
1 et J.
EXEMPLES 1.2. (a) Soit K = R Mentionnons deux exemples importants de
IR.-algèbres. L'algèbre C des complexes est la IR.-algèbre de dimension 2 munie
d'une base {1, i} telle que i 2 = -1. L'algèbre llil des quaternions d'Hamilton est
la IR.-algèbre de dimension 4 munie d'une base {1, i, j, k} telle que i 2 = j 2 = k 2 =
-1, ij = -ji = k, jk = -kj = i, ki = -ik = j. Notons que C est commutative,
alors que nn ne l'est pas.
(b) Soit A une K-algèbre. On note Mn(A) l'ensemble des n x n matrices à
coefficients dans A. Si on munit Mn(A) des opérations matricielles ordinaires,
on voit immédiatemment que Mn(A) est une K-algèbre. Un rôle particulier est
joué par les matrices ei; E Mn(A) définies par la condition que eij admet pour
coefficient 1 à l'intersection de la ligne i et de la colonne j, et 0 partout ailleurs.
En effet, si a= [ai;] E Mn(A), alors
n
a= L ei;ai;
i,j=l

(toute matrice est une combinaison linéaire des ei;, à coefficients dans A). On
vérifie d'autre part de suite que l'on a

eil si j = k
e··ekl - {
IJ - 0 Sij::f:k

{où 0 désigne la matrice nulle).


Soit A un corps, peut-être gauche. Alors {ei; l 1 ::::; i, j ::::; n} est évidemment
une base de Mn(A) en tant que A-espace vectoriel. On a donc dimA Mn(A) = n 2 •
En outre, dans ce cas, Mn(A) est une K-algèbre simple, c'est-à-dire n'admettant
pas d'idéal bilatère propre. Soit en effet 1 un idéal bilatère de Mn(A). On
suppose 1 ::/: 0 et on veut montrer que 1 = Mn(A). Prenons a= [akzl E Mn(A).
10 1. ALGÈBRES

Comme I =F 0, il existe 0 =F b = [bki) El. Supposons br8 =F O. Pour toute paire


{i,j) avec 1 :5 i,j :5 n, on a

(puisque I est un idéal bilatère). Par conséquent


n
a= L e;,;ai; E I.
i,j=l

Par contre, sin > 1, l'algèbre Mn(A) admet des idéaux à droite {ou à gauche)
propres : en effet, pour tout 1 :5 i :5 n, l'idéal à droite euMn(A) = {eiia 1
a e Mn{A)} est évidemment propre. De même, l'idéal à gauche Mn(A)eu est
propre.
{c) La partie Tn(A) de Mn(A) définie par Tn(A) = {a = [aï;] E Mn(A) 1
ai; = 0 pour j > i} est une sous-algèbre de Mn(A), dite algèbre des matrices
triangulaires inférieures. Un autre exemple de sous-algèbre de Mn(A), dans le
cas n·= 3, est fourni par l'ensemble

muni des opérations matricielles ordinaires. En fait, B est aussi une sous-algèbre ·
de Ta(A).
{d) Soit E un ensemble fini partiellement ordonné par$. L'algèbre d'incidence
K E de E est l'ensemble des combinaisons linéaires des paires (i, j) E E x E avec
j :5 i, à coefficients dans K, où le produit de deux telles paires est défini par

(i ")(k l) = {(i,l) si j = k,
'3 ' 0 sij:f:k

et se prolonge aux autres éléments de K E par distributivité. Il est par exemple


immédiat (en comparant avec {1.2)(b) plus haut) que si E = {1,2, ... ,n} est
ordonné par l'ordre naturel, alors KE est isomorphe à l'algèbre Tn(K).
(e) Soit G un groupe fini. L'algèbre du groupe KG est l'ensemble des combi-
naisons linéaires des éléments de G à coefficients dans K, où le produit de g e G
par h e Gest leur produit gh dans G et s'étend aux autres éléments de KG par
distributivité. En d'autres termes, si L ga.9 et L
hf3h sont deux éléments de
gEG hEG
KG, on a

(f) Soit Mun K-module. L'ensemble EndK M des applications K-linéaires de


M dans lui-même (ou endomorphismes de M) admet une structure de K-algèbre
1. STRUCTURE DE K-ALGÈBRE 11

pour les opérations suivantes


(f + g)(x) = f(x) + g(x)
(/o:)(x) = f(x)o:
(f g)(x) = f(g(x))
pour tous f,g E EndK M, x E M et o: E K. L'identité de EndK M est
l'application identique lM : x 1-+ x (pour x E M). On définit sur M une multi-
plication externe (à gauche) EndK Mx M---+ M par(/, x) 1-+ f(x) {l'évaluation).
Cette multiplication confère à M une structure de EndK M-module à gauche,
laquelle est compatible avec la structure de K-module à droite
f(xo:) = f(x)o: = (/{x))o:
(pour x E M, f E EndK M, o: E K) puisque f est K-linéaire.
(g) Soient Ai, A2, ... , An des K-algèbres. L'ensemble produit
n
II Ai= {{ai, a2, ... , an) 1 ai E Ai}
i=l

admet une structure de K-algèbre pour les opérations suivantes:


(a1, a2, ... 'an)+ (bi, b2, ... 'bn) = (a1 + bi, a2 + b2, ... 'an+ bn)
(a1, a2, ... , an) o: = (a10:, a2o:, ... , ana:)
(ai, a2, ... 'an) (bi, b2, ... 'bn) = (a1b1, a2b2, ... 'anbn)
n
pour tous ai,bi E Ai {où 1 ~ i ~ n) et o: E K. On dit que II Ai est l'algèbre
i=l
produit de Ai, A2, ... , An.
{h) Soient A une K-algèbre et 1 un idéal bilatère de A. Il est facile de voir que
l'ensemble A/1 des classes résiduelles modulo 1 de la forme a+l = {a+x 1xE1}
{où a E A) est muni d'une structure canonique de K-module par
(a+ l)o: + (b + 1){3 = (ao: + b{j) + 1
(pour tous a, b E A et o:, {3 E K) et d'une structure canonique d'anneau par
(a+ l)(b + 1) = ab+ 1
(pour tous a, b E A). Il se fait que ces deux structures sont compatibles, en effet,
si a, b E A et o: E K, on a
((a+ l)(b + 1)) o: = (ab+ l)o:
= (ab)o: + 1
= a(bo:) + 1
= (a+ l)(bo: + 1).
De même, (a+l)(bo:+l) = (ao:+l)(b+l). Par conséquent, A/1 est muni d'une
structure canonique de K-algèbre. On dit que A/1 est l'algèbre quotient de A
par 1.
12 1. ALGÈBRES

(i) À toute algèbre A correspond son algèbre opposée A0 P qui est munie de la
même structure de K-module que A (en particulier a le même ensemble sous-
jacent), mais dont la multiplication * est définie par a* b = ba (pour tous
a, b E A). Il est clair que A est commutative si et seulement si elle coïncide avec
son opposée.

Il existe, bien entendu, beaucoup d'autres exemples. Nous en verrons quel-


ques-uns dans les exercices.

2. Morphismes d'algèbres
DÉFINITION. Soient A,B deux K-algèbres. Un morphisme, ou homomor-
phisme, de K -algèbres de A dans B est une application cp : A --+ B telle que :
(i) cp (ai + aa) = cp (ai) + cp (a2)
(ii) cp(aa) = cp(a)a
(iii) cp (aia2) = cp (ai) cp (a2)
(iv) cp(l) = 1
pour tous ai,a2 E A et a E K.

En d'autres termes, cp est un morphisme de K-algèbres si et seulement si cp


est K-linéaire et est un homomorphisme d'anneaux. Si A est une K-algèbre,
un morphisme d'algèbres cp : A --+ A est parfois appelé un endomorphisme de
A. Il est clair que l'identité lA : A--+ A est un morphisme d'algèbres et que la
composition de deux morphismes cp : A --+ B et 'l/J : B --+ C de K-algèbres est
aussi un morphisme de K-algèbres de A dans C, que l'on note ,,Pep ou 'l/J o cp.

DÉFINITION. Un morphisme de K-algèbres cp: A--+ Best appelé un isomor-


phisme s'il existe un morphisme 'l/J : B --+ A tel que cp o 'l/J = ls et 'l/J o cp = lA.
Les algèbres A et B sont alors dites isomorphes, ce que l'on note A.=. B.

On voit que, si cp : A --+ B et 'l/J : B --+ A sont comme dans la définition


précédente, alors 'l/J est aussi un isomorphisme et est uniquement déterminé par
cp : en effet, si ,,P', ,,P": B--+ A sont des morphismes d'algèbres tels que 'f/J'cp = lA
et cp'l/J" = ls, on a

'l/J 1 = 'f/J'ls = 1// (cp'f/J") = ('l/J' <p)1/J" = lA1/J11 = 1/J11 •


L'isomorphisme 1/J : B --+ A est alors appelé l'isomorphisme inverse ou réciproque
de cp.
On vérifie immédiatemment que la composition de deux isomorphismes est
un isomorphisme. Par conséquent, la relation .=. est réflexive, symétrique et
transitive. Un isomorphisme de A avec elle-même est parfois appelé un auto-
morphisme.

LEMME 2.1. Soit cp : A --+ B un morphisme de K -algèbres. Alors cp est un


isomorphisme si et seulement si cp est bijectif.
2. MORPHISMES D'ALGÈBRES 13

DÉMONSTRATION. La nécessité étant évidente, montrons la suffisance. Soit


cp : A --+ B un morphisme bijectif. Pour montrer que cp est un isomorphisme,
il faut et il suffit de montrer que l'application réciproque cp- 1 : B --+ A est un
morphisme d'algèbres. Or on a, par exemple, pour bi, b2 E B,
cp (cp- 1 (b1) 'P-l (b2)) = cp (cp- 1 (b1)) cp (cp- 1 (b2)) = blb2
et donc cp- 1 (b1) cp- 1 (b2) = cp- 1 (b1b2). Les autres propriétés se vérifient de
même. D
EXEMPLES 2.2. (a) Soient A, B deux K-algèbres, avec B une sous-algèbre de
A. L'inclusion i : B --+ A, définie par b 1-+ b (pour b E B) est un morphisme,
appelé inclusion ou injection canonique.
(b) Soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. L'application 11': A--+
A/I, définie par a 1-+ a+I (pour a,E A) est un morphisme, appelé projection ou
surjection canonique.
Un morphisme de K-algèbres cp: A--+ B n'étant autre qu'un homomorphisme
d'anneaux qui est aussi K-linéaire, les propriétés suivantes sont vérifiées :
(i) Imcp = {cp(a) 1 a E A} est une sous-algèbre de B.
(ii) cp(O) = O.
(iii) cp(-a) = -ip(a) pour tout a E A.
(iv) Si A est commutative, Imcp l'est aussi.
(v) Le noyau Kercp ={a E A 1 cp(a) = O} est un idéal bilatère de A.
(vi) Le morphisme cp est injectif si et seulement si Ker cp =O.
Les démonstrations de ces propriétés sont élémentaires et peuvent être laissées
au lecteur.
Nous arrivons ainsi aux théorèmes d'isomorphisme.
Nous aurons besoin de la convention suivante : si par la suite un énoncé affirme
l'existence d'une application complétant un diagramme, celle-ci sera représentée
en pointillé sur le même diagramme (c'est le cas pour le morphisme ëp dans le
théorème suivant).
THÉORÈME 2.3. Soit cp : A --+ B un morphisme de K -algèbres. Il existe un
unique morphisme ëp : A/Ker cp --+ lm cp rendant commutatif le diagramme

"'
---+ B

iii
Î'
A/Kercp ----+ lmcp
c'est-à-dire tel que cp = iëp11'. Ici, i: lmcp--+ B désigne l'inclusion canonique et
11' : A --+ A/ Ker cp la projection canonique. En outre, ëp est un isomorphisme (et
donc A/Kercp=+ Imcp).

DÉMONSTRATION. Posons I = Kercp. Un élément de A/I est de la forme


a+ I = 7r(a), où a E A. On doit donc avoir
ëp(a + I) = cp7r(a) = (icp7r)(a) = cp(a).
14 1. ALGÈBRES

Ceci montre l'unicité de ip. Son existence découle du fait que la formule précé-
dente définit bien une application A/1 - lm cp : en effet, a+ 1 = b + I implique
a - b E I et donc cp(a - b) = 0 (car I = Kercp), par conséquent cp(a) = cp(b). Il
est facile de vérifier que ip est bien un morphisme d'algèbres.
Comme il est clair que ip est surjectif, montrons qu'il est injectif. Si ip(a+l) =
0, alors cp(a) = O. Par conséquent, a E 1 et donc a+ 1 = 1. D
En particulier, si cp: A - Best un morphisme surjectif, alors,,= ls, et donc
ip définit un isomorphisme d'algèbres A/Ker cp .::+B.
Le second théorème est une application directe du premier. Notons que si B
est une sous-algèbre d'une K-algèbre A et 1 est un idéal bilatère de A, l'ensemble
B + 1 = {b +X 1 b E B, X E 1}
est une sous-algèbre de A, dont 1 est un idéal bilatère. D'autre part, B n 1 est
un idéal bilatère de B. Les démonstrations de ces énoncés sont élémentaires et
laissées au lecteur.

THÉORÈME 2.4. Soient A une K -algèbre, B une sous-algèbre et 1 un idéal


bilatère de A. On a un isomorphisme de K-algèbres

(B + I)/1-=+B/(Bn1).
DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après (2.3), de construire un morphisme surjec-
tif cp: B + I - B/(B n 1) dont le noyau est 1. Posons, pour b E B et x E 1,
cp(b+x)=b+Bnl.
Il faut vérifier que cette définition n'est pas ambiguë. Or b + x = b' + x' (avec
b, b' E B et x, x' E 1) implique b - b' = x' - x E (B n 1) et donc b + (B n 1)
= b' + (B n I). On vérifie immédiatemment que cp est un morphisme. Enfin,
comme cp(b + x) = B n 1 si et seulement si b E (B n 1) Ç 1 si et seulement si
b + x E I, on a bien Kercp = 1. D
Une autre preuve de (2.4) partirait du morphisme 1/J: B - (B + 1)/1 donné
par b 1---t b + 1, et consisterait à vérifier que 1/J est un morphisme surjectif de
noyau Bnl.

THÉORÈME 2.5. Soient A une K-algèbre, 1, J deux idéaux bilatères de A tels


que 1 Ç J. Il existe un unique morphisme cp : A/1 - A/ J rendant commutatif
le diagramme
A

/~
"'
A/1 - - - - - - A/ J
c'est-à-dire tel que cp7r1 = 'TrJ. Ici, 'TrJ et 'TrJ désignent les projections canoniques
respectives. En outre, cp est surjectif et son noyau est l'idéal bilatère J / 1 de A/ I.
Il induit donc un isomorphisme de K -algèbres (A/ I) / ( J / I) .::+A/J.
2. MORPHISMES D'ALGÈBRES 15

DÉMONSTRATION. Un élément de A/I est de la forme a+ I = 11"1(a) (où


a e A). On doit donc avoir
cp(a + I) = cp11'1(a) = 11'J(a) =a+ J.
Ceci montre l'unicité de cp. Son existence s'explique par le fait que la formule
précédente définit bien une application A/I --+ A/ J : en effet, a + I = b + I
implique a - b E I Ç Jet donc a+ J = b + J. On vérifie facilement que cp est
un morphisme d'algèbres.
Comme il est clair que cp est surjectif, calculons son noyau. On a a+l e Kercp
si et seulement si a+ J = J, c'est-à-dire a e J et donc a+ I e J / I. Cela montre
que Ker cp = J / 1. Le dernier énoncé résulte de (2.3). D
THÉORÈME 2.6. Soient A une K -algèbre, I un idéal bilatère de A et 11' : A --+
A/I la projection canonique. L'application J 1-+ 11'(J) est une bijection crois-
sante de l'ensemble ordonné par inclusion des idéaux à droite (ou à gauche, ou
bilatères} de A contenant I sur l'ensemble des idéaux à droite (ou à gauche, ou
bilatères, respectivement) de A/I. La bijection réciproque est 11'- 1 •
DÉMONSTRATION. Soit J un idéal à droite de A contenant I. Il est clair
que 11'(J) = Jf I = {x + I 1 x E J} est un idéal à droite de A/I. En outre,
on a que 11'-l (11'(J)) ;;;2 J. Montrons l'inclusion inverse. Un élément a e A
appartient à 11'-l (11'(J)) si et seulement s'il existe x E J tel que 11'(a) = 11'(x),
c'est-à-dire a - x E Ker11' = I Ç J, par conséquent a E J. Cela montre bien
que 11'- 1 (11'(J)) = J. Réciproquement, si J est un idéal à droite de A/J, il est
clair que 11'-l (J) = {x E A 1 x + I E J} est un idéal à droite de A contenant
I = 11'- 1 (0). D'autre part, 11' étant surjectif, on a 11' (11'- 1 (J)) = J.
On montre de même l'énoncé pour les idéaux à gauche ou bilatères. D
On termine par un exemple classique. Soient K un corps, et K[t] l'algèbre
des polynômes en t. Fixons un scalaire À e K. Le théorème de la division pour
les polynômes implique que tout p e K[t] s'écrit
p = (t - À)q + p(À)
où q E K[t] est de degré plus petit que celui de p, et p(À) E K est l'évaluation
du polynôme p en À. L'application K[t] --+ K définie par p 1-+ p(À) est un
morphisme de K-algèbres, ainsi qu'il est aisé de le vérifier. Il est surjectif (car
tout a E 1( est l'image du polynôme constant égal à a) et son noyau est l'idéal
de K[t] engendré part - À. Il suit de (2.3) que l'on a K[t]/ (t - À}-=. K. D'autre
part, étant un corps, K n'a pas d'idéaux propres. Par conséquent, il résulte
de (2.6) que K[t] n'a pas d'idéaux propres contenant strictement (t - À} : on
exprime cela en disant que (t - À} est un idéal maximal de K[t] (voir l'exercice
5).
16 1. ALGÈBRES

Exercices du chapitre 1
1. Soit A une K-algèbre associative et non unifère. Considérons l'ensemble

A= A x K = {(a,a) 1 a E A,a E K}
muni des opérations suivantes :

(a, a)+ (b, .B) =(a+ b, a+ ,8)


(a, a),8 = (a,8, a,8)
(a,a)(b,,8) = (ab+a,B+ba,a,8)

(où a, b E A et a, ,8 E K). Vérifier que A est une K-algèbre associative admettant


(0, 1) comme identité.
2. Soit G un monoïde multiplicatif (c'est-à-dire un ensemble muni d'une
opération associative notée multiplicativement et admettant un élément neutre
1). On considère l'ensemble KG des combinaisons linéaires d'éléments de G à
coefficients dans K, où le produit de 91 1 92 E G dans KG est égal à leur produit
9 192 dans G, et se prolonge aux autres éléments de KG par distributivité.
a) Montrer que KG est muni d'une structure de K-algèbre.
b) Soit G le monoïde libre sur t, c'est-à-dire G = {tn 1 n E N} muni de
l'opération définie par tm · tn = tm+n (pour m, n E N). Montrer que
KG-=+ K[t). Le symbole N désigne l'ensemble des entiers naturels, c'est-
à-dire des n E 7l tels que n ~ O.
c) Soient A une K-algèbre et r.p: G-+ A un morphisme de monoïdes, c'est-
à-dire une application telle que r.p (9192) = r.p (91) r.p (92) (pour 91, 92 E G)
et r.p(l) = 1. Montrer qu'il existe un unique morphisme de K-algèbres
Tp: KG-+ A prolongeant r.p, c'est-à-dire tel que cp(g) = r.p(g) pour tout
9EG.

3. Soit G un groupe cyclique d'ordre n < oo. Montrer que

KG-=+ K[tJ/ (tn - 1).

4. Soient K un corps de caractéristique 2 et G = {1, 9, h, 9h} le groupe de


Klein. Montrer que le morphisme r.p : K[s, t] -+ KG défini par r.p(s) = 1 + 9,
r.p(t) = 1 + h est surjectif de noyau (s 2 , t 2 ) et en déduire que

KG-=+ K[s, tJ/ (s 2 , t 2 ).

5. Soit I un idéal bilatère d'une algèbre A. On dit que I est maximal si I =/: A
et, pour tout idéal bilatère J tel que I Ç J Ç A, on a J = I ou J = A.
a) Montrer que I est maximal si et seulement si A/I est un corps (non
nécessairement commutatif).
b) Montrer que toute algèbre admet des idéaux maximaux.
EXERCICES DU CHAPITRE I 17

6. Soit {lÀheA une famille d'idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères) d'une
algèbre A. Montrer que L h est égal à l'idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère
ÀEA
respectivement) engendré par UÀEA h.
7. Soit {lÀheA une famille d'idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères) d'une
algèbre A, que l'on suppose totalement ordonnée par inclusion (c'est-à-dire telle
que, si À =F µ, on a lÀ Ç 1µ ou 1µ Ç lÀ)· Montrer que LJ
lÀ est un idéal à droite
ÀEA
(ou à gauche, ou bilatère, respectivement) de A.
8. Soient 1, J deux idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères) d'une algèbre A.
Montrer que lUJ est un idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère, respectivement)
si et seulement si 1 Ç J ou J Ç 1.
9. Soit 1 un ensemble non vide d'une algèbre A. Montrer que 1 est un idéal
bilatère de A si et seulement si, pour tous xi. x2 E 1 et ai, a2, b1, b2 E A, on a
a 1x1b1 + a2x2b2 E 1. Quel est l'énoncé correspondant pour les idéaux à droite?

10. Soit E = {1, 2, 3} muni de l'ordre partiel défini par 1 ::; 3, 2 ::; 3. Montrer
que KE est isomorphe à l'algèbre

11. Montrer que l'ensemble des matrices de la forme

0 0
0 0
0

où ai,a2, ... ,an E K, muni des opérations matricielles ordinaires, est une sous-
algèbre de Tn(K), isomorphe à K[tJ/(tn}.
12. Soient n, m deux entiers tels que m divise n. Montrer que l'on a un
isomorphisme de Zr-algèbres

13. Soit Kun corps. Montrer que l'on a un isomorphisme de K-algèbres

K[s,t]/(s- t} ..=:.K[t].

14. Soient A, B deux K-algèbres, cp: A--+ Bun morphisme, 1, J des idéaux
bilatères respectifs de A et B tels que cp(l) Ç J. Montrer qu'il existe un unique
18 1. ALGÈBRES

morphisme de K-algèbres ëp: A/I--+ B/J rendant commutatif le diagramme

-"' B

lw'
ijS
----+ B/J
c'est-à-dire tel que 7r 1cp = ëp7r. Ici, 7r et 7r1 désignent les projections canoniques
respectives.
15. Soient A une K-algèbre et AMA un (A-A)-bimodule (voir (II) Exemple
(1.3}(h)). On définit une multiplication sur le K-module A EB M par
(a,x)(b,y) = (ab,ay+xb)
(où a, b E A et x, y E M). Montrer que :
a) AEBM muni de cette loi devient une K-algèbre (appelée extension triviale
de A par M et notée A ~ M).
b) Il existe des morphismes de K-algèbres <T : A --+ A ~ M et
7r: A~ M--+ A tels que 7r<T = lA.
c) M se plonge en un idéal bilatère 0 EB M de A~ Met (0 EB M) 2 =O.

16. Soient A une K-algèbre commutative et A[t) la K-algèbre (commutative)


des polynômes en t à coefficients dans A. Montrer que, pour toute K-algèbre
commutative B, tout morphisme cp : A --+ B et tout élément b E B, il existe un
unique morphisme de K-algèbres cp: A[t] --+ B tel que ëp(a) = cp(a) pour tout
a E A, et cp(t) = b.
17. Soient A, B deux K-algèbres, et X Ç A un ensemble de générateurs de
A contenant 1. On se donne une application cp: X--+ B telle que cp(x 1 + x2) =
cp(x1) +cp(x2) pour tous xi, x2 E X ; cp(x1x2) = cp(x1)cp(x2) pour tous xi, x2 E X
et cp(l} = 1. Montrer qu'il existe un unique morphisme de K-algèbres ëp: A--+ B
prolongeant cp.
CHAPITRE II

Modules sur une K-algèbre

La notion de module est une généralisation fructueuse et naturelle des notions


de groupe abélien, de groupe avec opérateurs, d'idéal et d'espace vectoriel. Elle
apparaît entre autres en théorie des représentations des groupes finis. Soient
K un corps et G un groupe fini. Une représentation K-linéaire de G est par
définition un homomorphisme du groupe G dans le groupe des automorphismes
d'un K-espace vectoriel. On démontre que la classification des représentations
de Gest équivalente à la classification des modules sur l'algèbre du groupe KG
(voir (I.1.2)(a)). Or, c'est cette dernière qui s'exprime de la manière la plus
élégante. En fait, la notion de représentation est définie de façon semblable
pour plusieurs autres structures algébriques, et leur étude se ramène à l'étude de
modules sur une algèbre. Notre objectif par la suite sera d'étudier les modules et
les applications entre eux. Comme toujours, K désignera un anneau commutatif
et toutes nos algèbres seront des K-algèbres.

1. Définition et exemples
La définition d'un module sur une K-algèbre est la même que celle d'un mo-
dule sur un anneau. Nous croyons utile néanmoins de la donner de nouveau.
DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module à droite est défini par la
donnée d'un groupe abélien M, noté additivement, et d'une opération externe
Mx A__. M notée (x, a) 1-+ xa et appelée multiplication externe, telles que
(i) x(ab) = (xa)b
(ii) X• 1 =X
(iii) x(a + b) = xa + xb
(iv) (x + y)a = xa + ya
pour tous x,y E Met a,b E A.
Par analogie avec les espaces vectoriels, on appelle parfois les éléments de M
des vecteurs et ceux de A des scalaires.
On définit de même la notion de A-module à gauche. On écrira MA (ou AM,
respectivement) pour indiquer que M est un A-module à droite (ou à gauche,
respectivement). Il existe une façon naturelle de ramener l'étude des modules

19
20 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

à gauche à celle des modules à droite et réciproquement : soient en effet A0 P


l'algèbre opposée de A (voir (I.1.2)(i)) et M un A-module à gauche ; on définit
sur M une structure de A0 P-module à droite en posant

X*a=ax
(pour x E M et a E A). Il suffit en effet de vérifier l'axiome (i) de la définition
précédente :

x *(a* b) = (a* b)x = (ba)x = b(ax) = (x *a)* b


pour x e M et a, b e A. Cette remarque nous permet de ne considérer par
la suite que des A-modules à droite, sauf dans les questions où interviennent
simultanément des modules à droite et des modules à gauche. Bien sûr, si A
est commutative, la distinction entre module à droite et module à gauche n'est
qu'une question d'écriture.
Il suit directement de la définition que tout A-module M est également muni
d'une structure de K-module à droite, par
xa = x(l ·a)
où x e M, a e K et 1 désigne l'identité de A. Comme K est commutatif, M
est aussi un K-module à gauche. Notons que, par suite de l'axiome (i) de la
définition précédente,
(ax)a = a(xa) = x(aa)
pour x e M, a e K et a E A.
Quand nous travaillerons sur un A-module M, deux éléments zéro paraîtront
dans nos discussions : le zéro scalaire (celui de A) et le zéro vecteur (celui de
M). Nous les noterons tous deux O, sauf s'il est nécessaire de les distinguer,
auquel cas on les notera OA et OM respectivement. Le module M ne contenant
que l'élément 0 est appelé le module nul et noté O. On a les propriétés suivantes :
(i) xOA =DM pour tout x e M.
(ii) OMa = DM pour tout a E A.
(iii) x(-a) = -(xa) = (-x)a pour tous x e M et a e A.
(iv) Si (x..\heA et (Y..\heA sont deux familles d'éléments de M à support fini,
on a

(~xA) + c~YA) ~ ~(x>+Y>)·


(v) Si (x..\heA est une famille d'éléments de M à support fini et a e A, on
a

( Lx") a = L (x..\a) .
..\EA ..\EA
Les démonstrations sont aisées à faire et peuvent être laissées au lecteur.
Une définition équivalente de module fait intervenir la notion de représentation
d'une algèbre.
1. DÉFINITION ET EXEMPLES 21

DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Une représentation K-linéaire de A est


la donnée d'une paire {M,p), où M est un K-module, et p: A---+ EndK Mun
morphisme de K-algèbres.
LEMME 1.1. Soient A une K-algèbre et M un K-module. La donnée d'une
représentation (M, p) de A équivaut à la donnée d'une structure de A-module à
droite sur M.
DÉMONSTRATION. Supposons donnée une représentation {M, p). Alors p :
A ---+ EndK M est un morphisme d'algèbres. On peut définir une opération
externe M x A ---+ M par
xa = (x)p(a)
pour x E M et a E A, où l'on note l'action des endomorphismes à droite (de sorte
que (x)p(a) désigne l'image de x E M par p(a) E EndK M). Il est aisé de vérifier
que cela munit M d'une structure de A-module à droite. Réciproquement, si M
est un A-module à droite, on définit pour a E A une application K-linéaire p(a) :
M ---+ M par p(a) : x 1--+ xa. Il ne reste plus qu'à vérifier que p: A---+ EndK M
est un morphisme d'algèbres, ce qui se fait sans aucune difficulté. D
DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun A-module. Une partie N de
M est appelée un sous-module de M si N est lui-même un A-module pour les
opérations induites de celles de M.
Il est manifeste que tout A-module M contient deux sous-modules au moins,
à savoir 0 et M. Ces deux sous-modules sont parfois qualifiés d'impropres, tout
autre sous-module étant alors dit propre. On a la caractérisation suivante.
LEMME 1.2. Soient A une K -algèbre, M un A-module et N une partie non
vide de M. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) N est un sous-module de M.
(ii) N est un sous-groupe additif de M et x EN, a E A entraînent xa EN
(ce que l'on note NA Ç N).
(iii) Pour tous x, y EN et a, b E A, on axa+ yb EN.
DÉMONSTRATION. Facile à faire et laissée au lecteur. D
EXEMPLES 1.3. (a) Si A est un corps (peut-être gauche), la notion de module
(à droite) se confond avec celle d'espace vectoriel (à droite), celle de sous-module
avec celle de sous-espace. La théorie des modules généralise donc celle des espaces
vectoriels.
(b) Tout groupe abélien peut être considéré comme un Z-module: six E M
et n E Z, on définit en effet xn comme suit : si n ~ 0, par récurrence au moyen
de x · 0 = 0 et x(n + 1) = xn + x, et sin < 0 au moyen de xn = (-x)(-n). La
notion de sous-module coïncide alors avec celle de sous-groupe. La théorie des
modules généralise donc celle des groupes abéliens.
(c) Soit A une K-algèbre. Le produit de A définit une structure de A-module à
droite sur A de façon évidente : l'opération A x A ---+ A est donnée par (a, b) 1--+ ab
(pour a, b E A). Ce module est noté AA. Les sous-modules de AA ne sont autres
que les idéaux à droite de A, ainsi qu'il résulte de (1.2). De même, le produit
de A induit une structure de A-module à gauche sur A, que l'on note AA. Les
22 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

sous-modules de AA ne sont autres que les idéaux à gauche de A. Il est évident


que, si A est commutative, ces deux notions coïncident et coïncident avec celle
d'idéal bilatère.
(d) Soient K un corps commutatif, E un K-espace vectoriel et u : E -+ E
une application linéaire. On donne à E une structure de K[t]-module à gauche
de la façon suivante : soient x E E et p(t) = ao + a 1t + · · · + adtd un élément de
K[t], on définit
p·x = (aolE+a1u+ .. ·+adud)(x)
= aox + a1u(x) + · · · + adud(x).
L'étude de cette structure est particulièrement importante pour la description
des modules sur les domaines d'intégrité principaux (cette classe importante
d'algèbres sera définie en (IV.3}}.
(e) Soient A une K-algèbre, n > 0 et An= {(xi, ... ,xn) 1 Xi E A} le produit
de n copies de A (voir (I.1.2}(g)). On donne à An une structure de Mn(A)-
module à droite comme suit : six= (xi. ... ,xn) E An et a= [ai;] E Mn(A},
on pose

x ·a= (txiail, ... , txiain) ·


i=l i=l
(En d'autres termes, le produit x ·a n'est autre que leur produit en tant que
matrices.)
(f} Soient A une K-algèbre, Mun A-module, et N un sous-module de M.
Construisons le groupe abélien quotient M/N : c'est l'ensemble des classes
résiduelles de la forme x + N = {x +y 1 y E N} (où x E M) muni de la
loi
(x + N) + (x' + N) = (x + x') + N
(où x, x' E M}. On en fait un A-module en posant
(x + N)a = xa + N
(où x E M et a E A). Cette opération est définie sans ambiguïté, en effet
x + N = x' + N entraîne x - x' E N et donc (comme N est un sous-module de
M}, pour tout a E A, nous avons xa-x'a = (x-x')a EN, d'où xa+N = x'a+N.
La vérification (immédiate) des axiomes montre que M/N est un A-module, dit
module quotient de M par N.
Par exemple, supposons que I est un idéal bilatère de A. On définit MI
comme étant l'ensemble des sommes L X>.a>., où (x>.heA est une famille d'élé-
>.eA
ments de M, (a>.heA une famille d'éléments de I telle que (x>.a>.heA est à
support fini. On voit tout de suite que MI est un sous-module de M. On peut
donc former le A-module quotient M/MI comme plus haut. En outre, M/MI
admet une structure naturelle de A//-module définie par
(x + MI)(a+ J) = xa +MI
(où x E Met a E A).
1. DÉFINITION ET EXEMPLES 23

(g) Soient A, B deux K-algèbres et cp : A --+ B un morphisme. Alors tout


B-module admet une structure naturelle de A-module: en effet, on définit une
multiplication des éléments de MB par ceux de A au moyen de
xa = xcp(a)
(où x E M et a E A). On dit alors que la structure de A-module de M est
induite de celle de B-module par changement des scalaires. Il existe deux cas
particuliers importants. Le premier est celui où A est une sous-algèbre de B, et
cp l'inclusion. Le second est celui où B = A/1, pour un idéal bilatère l de A, et
cp : A --+ A/I est la projection canonique : dans ce dernier cas, l'action de A sur
le A/1-module M est donnée par xa = x(a + 1) (où x E M, a E A).
(h) Soient A, B deux K-algèbres. Un ensemble M muni à la fois d'une struc-
ture de A-module à gauche et d'une structure de B-module à droite est un
(A - B)-bimodule si ces deux structures sont compatibles, c'est-à-dire si
a(xb) = (ax)b
pour a E A, x E Met b E B. On note alors AMB. Par exemple, tout A-module à
droite est un (K -A)-bimodule. Tout idéal bilatère de A est un (A-A)-bimodule.
En particulier, A a lui-même une structure naturelle de (A - A)-bimodule.
Soient A une K-algèbre et M un A-module. On note S(M) l'ensemble des
sous-modules de M ordonnés par inclusion. Soit (M.xheA une famille de sous-
modules de M. Il suit de (1.2) que n.xeA M.x est un sous-module de M : c'est
évidemment le plus grand sous-module de M contenu dans tous les M,x. La
notion duale de l'intersection est celle de somme. On définit la somme M.x L
.\EA
de la famille (M.xheA comme l'ensemble des sommes de la forme L x,x où
.\EA
(x.xheA est une famille d'éléments de M à support fini telle que x,x E M.x pour
tout À E A. Il est facile de vérifier que L M.x est bien un sous-module de M
.\EA
et, en fait, le plus petit sous-module contenant les M,x.
LEMME 1.4. L'ensemble S(M) des sous-modules du A-module M ordonné par
inclusion est un treillis complet, admettant 0 comme plus petit élément, M
comme plus grand élément et satisfaisant la propriété modulaire : si Mi, M2, Ma
E S(M) sont tels que Mi Ç M2, alors

M2 n (M1 +Ma) = M1 + (M2 n Ma).


DÉMONSTRATION. En effet, on vient de montrer que toute famille (M.xheA
d'éléments de S(M) admet un infimum n.xeA M.x et un suprémum L
M.x dans
.\EA
S(M). Donc S(M) est un treillis complet. Il est évident que 0 est le plus
petit élément de S(M) et M son plus grand élément. Il ne reste plus qu'à
prouver la modularité. Soient Mi, M2, Ma E S(M) tels que M1 Ç M2, alors
M1 Ç M2 n (M1 +Ma) et M2 n Ma Ç M2 n (M1 +Ma) donnent
M1 + (M2 n Ma) Ç M2 n (M1 +Ma).
24 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

Réciproquement, soit x2 = xi+ xa un élément de M2 n (M1 +Ma) (où xi E


Mi,x2 E M2,xa E Ma}. Alors xa = X2 - xi. Comme xi E Mi Ç M2, on
a x2 - x 1 e M2 et donc xa E M2 n Ma. Par conséquent, x2 = xi + xa E
Mi + (M2 n Ma). D
Soit maintenant X une partie quelconque du A-module M. On vient de voir
que l'intersection de tous les sous-modules de M contenant X est un sous-module
de M contenant X. Ce sous-module est noté (X) et est dit engendré par X, ou
admettre X comme ensemble de générateurs. Nous allons maintenant montrer
que (X) est en fait égal à l'ensemble X A des combinaisons linéaires d'éléments
de X, c'est-à-dire des sommes de la forme L xÀaÀ où (xÀheA est une famille
ÀEA
d'éléments de X, et (aÀheA une famille d'éléments de A telles que (xÀaÀheA
soit à support fini.
LEMME 1.5. Soit X une partie d'un A-module M. Alors (X)= XA.
DÉMONSTRATION. En effet, (X) doit contenir, avec toute famille d'éléments
de X, toute combinaison linéaire de ceux-ci, par suite de (1.2), donc (X) d XA.
L'inclusion inverse provient de ce que X A est évidemment un sous-module de
M contenant X. D
Par exemple, si X ne contient que le seul élément x, alors (1.5) entraîne que
{X) = xA = {xa 1 a E A}. Un tel sous-module est dit cyclique engendré par x
et est encore noté (x). De même, si (MÀheA est une famille de sous-modules
de M et si X = UÀeA MÀ, alors XA = L MÀ. Si, pour une partie X de M,
ÀEA
on a X A = M, on dit que X engendre M ou est un ensemble de générateurs
pour M. Un A-module M tel qu'il existe un ensemble fini de générateurs pour
M est dit être un module de type fini. Si M = ({xi. ... ,xn}) (ce qu'on note
n
plus simplement M = (x1, ... ,xn)), on a alors M = L:x,A. Par exemple, tout
i=l
A-module cyclique est de type fini. Les modules de type fini joueront un rôle
très important dans la suite. Le premier résultat que nous montrons à leur sujet
est l'existence de sous-modules maximaux : un sous-module N de M est dit
maximal si N =FM et si Lest un sous-module de M tel que N Ç L Ç M, alors
L= N ou L =M.
PROPOSITION 1.6. Soit M un A-module de type fini. Tout sous-module stric-
tement contenu dans M est contenu dans un sous-module maximal. En parti-
culier, M a des sous-modules maximaux.
DÉMONSTRATION. Soient M = (x1, ... , Xm) et N ~ M un sous-module.
Notons e l'ensemble des sous-modules propres de M contenant N. Alors e =/: 0
car N E e. Cet ensemble est inductif : si (NÀheA est une chaîne de sous-
modules danse, il s'ensuit que UÀeA NÀ est un sous-module de M ; supposons
UÀEA N À = M, alors, pour chaque 1 ~ i ~ m, il existe Ài tel que Xi E N Ài ;
prenons Nµ. le plus grand des NÀ; (un tel Nµ. existe puisque (NÀheA est une
chaîne) alors le fait que xi ... , Xm appartiennent à Nµ. entraîne M = Nµ., ce qui
2. APPLICATIONS LINÉAIRES 25

contredit le fait que, par définition, Nµ ~ M ; par conséquent, UÀEA NÀ =/: M


est un sous-module propre et e est bien inductif. D'après le lemme de Zorn, e a
un élément maximal, qui est le sous-module cherché. O
COROLLAIRE 1. 7. Soit A une K -algèbre non nulle. Tout idéal à droite distinct
de A est contenu dans un idéal à droite maximal. En particulier, A a des idéaux
à droite maximaux.

DÉMONSTRATION. En effet, AA = (1} est de type fini (et même cyclique). O

2. Applications linéaires
De même que les espaces vectoriels s'étudient par le biais des matrices, de
même les modules s'étudient par le moyen des applications linéaires. Soit A une
K-algèbre.

DÉFINITION. Soient M, N deux A-modules à droite. Une application f :


M--+ N est appelée application linéaire (ou application A-linéaire, ou morphisme
de A-modules, ou homomorphisme de A-modules) si:
(i) f(x +y) = f(x) + f(y) pour tous x, y E M.
(ii) f(xa) = f(x)a pour tous x E M,a E A.
Nous voyons tout de suite que les deux conditions de la définition se laissent
condenser en une seule :
f(xa + yb) = f(x)a + f(y)b
pour tous x, y E M et a, b E A. Cette remarque peut être généralisée : soient
(xÀheA une famille d'éléments de M et (aÀheA une famille d'éléments de
A telles que (xÀaÀheA soit à support fini, alors la somme L
xÀaÀ est par
ÀEA
définition une combinaison linéaire d'éléments de M, et une récurrence immé-
diate sur la formule précédente donne

f (L:
ÀEA
xÀaÀ) =L
ÀEA
f (xÀ) aÀ.

Autrement dit, une application f : M --+ N est linéaire si et seulement si elle


préserve les combinaisons linéaires.
Il est à remarquer aussi que toute application A-linéaire f : M --+ N est
K-linéaire, puisque

f(xa) = f(x(l ·a)) = f (x)(l · a) = f (x)a

pour x E M et a E K.
Une application linéaire f : M--+ M est parfois appelée un endomorphisme
de M. Il est clair que l'identité lM : M--+ M est une application linéaire et que
la composition de deux applications linéaires f : L --+ M et g : M --+ N est une
application linéaire g f ou g o f de L dans N.
26 Il. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

DÉFINITION. Une application A-linéaire f : M --+ N est appelée isomor-


phisme s'il existe une application A-linéaire g : N --+ M telle que f o g = lN et
go f = lM. Les A-modules Met N sont alors dits isomorphes, ce qu'on note
M..::+N.
Si f : M --+ N et g : N --+ M sont comme dans la définition précédente, alors
g est aussi un isomorphisme et est uniquement déterminé par f : en effet, si
g',g": N--+ M sont des applications linéaires telles que g'f = lM et fg" = lN,
alors
9 1 = g'lN = g'{fg") = (g' f}g" = 1M911 = g".
L'isomorphisme g: N--+ M est alors appelé l'isomorphisme inverse, ou récipro-
que, de f.
On vérifie sans peine que la composition de deux isomorphismes est un isomor-
phisme. Par conséquent, la relation ...::+ est réflexive, symétrique et transitive.
Un isomorphisme d'un module M avec lui-même est parfois appelé un automor-
phisme.

LEMME 2.1. Une application A-linéaire f : M--+ N est un isomorphisme si


et seulement si elle est bijective.

DÉMONSTRATION. La nécessité étant immédiate, montrons la suffisance. Pour


ce faire, il faut montrer que si f est une application linéaire bijective, alors 1- 1
est aussi linéaire. Or on a, pour x E M et a E A

On montre de la même façon que 1- 1 préserve les sommes. D

EXEMPLES 2.2. (a) Si A est un corps, nous avons là la notion classique d'appli-
cation linéaire entre espaces vectoriels.
(b) Si A = Z, la définition précédente se ramène à celle d'homomorphisme de
groupes (abéliens).
(c) Pour tout A-module M, il existe une unique application linéaire du module
nul 0 dans M : c'est celle définie par 0 1-+ O. De même, il existe une unique
application linéaire M--+ 0, définie par x 1-+ 0 pour tout x E M. On les appelle
toutes deux applications nulles et on les note O.
(d) Soit N un sous-module de M. L'inclusion jN : N --+ M définie par
jN(x) = x pour x E N est une application linéaire. On l'appelle l'inclusion ou
l'injection canonique.
(e) Soit N un sous-module de M. L'application PN : M --+ M/N définie
par PN(x) = x + N pour x E M est une application linéaire (par définition de
la structure de module sur M/N). On l'appelle la projection ou la surjection
canonique.
(f) Soient A, B deux K-algèbres, M, N deux (A - B)-bimodules. Un homo-
morphisme de groupes abéliens f : M--+ N tel que f(axb) = af(x)b (pour tous
a E A, x E M, b E B) est A-linéaire et B-linéaire: on dit que c'est un morphisme
de (A - B)-bimodules.
2. APPLICATIONS LINÉAIRES 27

Quelques propriétés découlent immédiatement des définitions. En effet, si


f :M --+ N est linéaire, on a :

(i) /(0) =o.


{ii) f(-x) = -f(x) pour tout x E M.
{iii) L'image lm/= {f(x) 1 x E M} est un sous-module de N.
{iv) Le noyau Ker f = {x E M 1 f(x) = O} est un sous-module de M.
(v) f est injective si et seulement si Ker f = (0).
Les démonstrations de ces propriétés se font aisément et peuvent être laissées
au lecteur.
Il existe une terminologie associée aux applications linéaires.
DÉFINITION. Soit f: M--+ N une application A-linéaire:
{i) f est appelée un monomorphisme si fg = 0 implique g =O.
{ii) f est appelée un épimorphisme si gf = 0 implique g =O.
LEMME 2.3. Soit f : M --+ N une application A-linéaire :
(i) f est un monomorphisme si et seulement si elle est injective.
{ii) f est un épimorphisme si et seulement si elle est surjective.
(iii) f est un isomorphisme si et seulement si elle est un monomorphisme et
un épimorphisme.

DÉMONSTRATION. {i) Supposons que f est un monomorphisme. Alors l'inclu-


sion j : Ker f --+ M satisfait certainement à la condition f j = O. Par suite, on a
j = 0, c'est-à-dire Ker f = 0 : cela montre bien que f est injective.
Réciproquement, si f est injective, supposons f g = O. Alors pour tout x dans
le domaine de g, les égalités 0 = (f g)(x) = f(g(x)) entraînent que g(x) = O.
Donc g =O.
(ii) Supposons que f est un épimorphisme. La projection p : N --+ N /lm f
satisfait alors certainement à la condition pf =O. Mais alors p = 0, c'est-à-dire
N /lm f = 0 : cela montre que N = lm f et donc f est surjective.
Réciproquement, si f est surjective, supposons que gf = O. Alors, pour tout
y dans le domaine N de g, il existe x E M tel que y = f (x). Mais alors
g(y) = g(f(x)) =O. Donc g =O.
(iii) Découle de (i), (ii) et de {2.1). D
L'intérêt de ce qui précède réside dans le fait qu'on a énoncé deux propriétés
ensemblistes (injectivité et surjectivité) en termes d'applications (monomor-
phisme et épimorphisme). Comme on le verra, cela permettra de rendre les
démonstrations plus transparentes. C'est la première étape d'un programme qui
nous amènera à étudier les catégories.
Il suit de la démonstration du lemme que le module quotient N /lm f de N
joue dans la partie (ii) un rôle analogue à celui du sous-module Ker f de M dans
la partie (i). Cela nous amène à la définition.
DÉFINITION. Soit f: M--+ N une application A-linéaire. Le module quotient
N /lm f est appelé conoyau de f et noté Coker f. La projection canonique N --+
N /lm f est appelée le morphisme conoyau de f et notée coker J.
28 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

De même que f est un monomorphisme si et seulement si son noyau est nul,


de même f est un épimorphisme si et seulement si son conoyau est nul : en effet,
f: M-+ N est surjective si et seulement si N =lm/, c'est-à-dire N/lmf =O.
Soit N un sous-module de M. Nous savons que le noyau de la projection
canonique PN : M-+ M/N est égal à N. De même, comme l'inclusion canonique
iN : N -+ M induit un isomorphisme N .=. lmjN, le conoyau de l'inclusion
n'est autre que Coker iN .=. M/N. Nous verrons plus loin d'autres propriétés des
conoyaux.

3. Suites exactes
DÉFINITION. Une suite de A-modules et d'applications A-linéaires

--+ M i --+
. . . --+ M i+ 1 fi+1 fi M i-1 --+ ...

est dite exacte en Mi si lm /i+1 = Ker k Elle est dite exacte si elle l'est en
chaque Mi.

Notons que, si la suite précédente est exacte en Mi, alors /di+l = 0 (ce qui
équivaut à lm fi+i Ç Ker fi)· Une suite comme plus haut telle que fifi+i = 0
pour tout i est appelée un complexe. Il est évident que toute suite exacte est un
complexe, mais l'inverse n'est pas vrai.
Les propriétés suivantes d'une application linéaire f : MA -+ NA découlent
directement de la définition :
(i) f est un monomorphisme si et seulement si 0--+ ML N est une suite
exacte.
(ii) f est un épimorphisme si et seulement si M L N--+ 0 est une suite
exacte.
(iii) f est un isomorphisme si et seulement si 0 --+ M L N --+ 0 est une
suite exacte.
(iv) La suite 0 --+Ker f __}__. M L N, où j est l'inclusion canonique, est
exacte.
(v) La suite ML N ...!..+ Coker f--+ 0, où p est la projection canonique,
est exacte.
(vi) Avec jet p comme dans (iv), (v) respectivement, la suite 0 --+Ker f __}__.
M L N ...!..+ Coker f --+ 0 est exacte.
Les démonstrations se font aisément et peuvent être laissées au lecteur.

PROPOSITION 3.1. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de A-mo-


dules et d'applications linéaires

0 ----+ L
1
lu
- f
M

lv
g
----+ N
lw
0 ----+
!
L'
- !'
M'
g'
----+ N'
3. SUITES EXACTES 29

Il existe une unique application linéaire u : L --+ L' rendant le carré de gauche
commutatif (on dit alors que u est déduite de v, w par passage aux noyaux). En
outre, u est un monomorphisme si v l'est.
DÉMONSTRATION. Si une telle application u : L --+ L' existait, la commuta-
tivité du carré de gauche donneràit f'u = vf. Afin de vérifier son existence,
montrons que, pour tout x EL, on a vf(x) E lm/'. Or g'vf(x) = wgf(x) = 0
(puisque g'v = wg, par commutativité du carré de droite) donc vf (x) E Ker g' =
lm/'. Comme f' est injective, on peut définir u(x) comme étant l'unique x' e L'
tel que vf(x) = f' (x'). Pour s'assurer que u est linéaire, prenons xi, x2 E Let
ai, a2 E A. Il existe xL x~ E L tels que vf (xi) = f' (xi) et vf (x2) = f' (x~).
Mais alors on a
!' (x~ ai + x~a2) !' (xD ai + !' (x~) a2 = vf (xi) ai + vf (x2) a2
=
= vf (xiài + x2a2).
Par conséquent, u (xi ai + x2a2) = x~ ai + x~a2 = u (xi) ai + u (x2) a2. Enfin, le
dernier énoncé découle évidemment de ce que f' u = v f. D

COROLLAIRE 3.2. Soit 0 --+ L ~ M -...!!...+ N une suite exacte de A-modules


et d'applications linéaires. Il existe un unique isomorphisme u : L --+ Ker g
rendant commutatif le diagramme
L

u! "'ZM
K:rg _/;
Ici, j désigne l'inclusion canonique.
DÉMONSTRATION. La proposition donne une unique application linéaire u
rendant commutatif le diagramme
f g
0 -----+ L -----+ M -----+ N
1

!
lu
liM
j g
0 -----+ Ker g -----+ M -----+ N.
En outre, u est un monomorphisme. Soit x E Ker g. Alors j(x) E M est tel que
gj(x) = O. Donc il existe y E L tel que f(y) = j(x). Par suite de la définition
de u, nous avons u(y) = x. Donc u est un épimorphisme. D
PROPOSITION 3.3. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de A-mo-
dules et d'applications linéaires
f g
L M -----+ N ---+ 0
1
wl
!
!' g'
L' -----+ M' -----+ N' ---+ 0 .
30 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

Il existe une unique application linéaire w : N -+ N' rendant le carré de droite


commutatif (on dit alors que w est déduite de u, v par passage aux conoyaux).
En outre, w est un épimorphisme si v l'est.
DÉMONSTRATION. Supposons qu'une telle w existe et prenons z E N. Comme
g est un épimorphisme, il existe y E M tel que g(y) = z. La commutativité du
carré de droite donnerait alors w(z) = wg(y) = g'v(y). Or cette dernière formule
définit bien une application, puisque g (Yi)= g (y2) donne Yi -y2 E Ker g =lm/
et il existe x E L tel que Yi - Y2 = f(x) d'où
g'v (Yi) = g'v (y2) + g'vf(x) = g'v (Y2) + g' f'u(x) = g'v (y2)
(par suite de la commutativité du carré de droite et de l'exactitude de la suite
du bas). Il est facile de vérifier (comme dans (3.1)) que w est linéaire. Enfin le
dernier énoncé suit évidemment de wg = g'v. D

COROLLAIRE 3.4. Soit L ~ M ....!!...+ N --+ 0 une suite exacte de A-modules


et d'applications linéaires. Il existe un unique isomorphisme w : N-+ Coker f
rendant commutatif le diagramme
N
g/ 1
M/ iw
p'\. !
Coker f
Ici, p désigne la projection canonique.
DÉMONSTRATION. La proposition donne une unique application linéaire w
rendant commutatif le diagramme

N ---+ 0
1
lw
!
Coker f ---+ 0 .
En outre, w est un épimorphisme. Soit z EN tel que w(z) =O. Alors il existe
y E M tel que z = g(y) et donc p(y) = wg(y) =O. Mais alors y E Kerp =lm/,
donc il existe x EL tel que y= f(x). Par conséquent, z = g(y) = gf(x) =O. D
DÉFINITION. Une suite exacte de la forme
0--+L~M..i!...+N--+O
est appelée une suite exacte courte.
Comme on l'a vu, tout épimorphisme g : M -+ N induit une suite exacte
courte
0 --+ Ker g _.!__. M ....!!...+ N --+ 0
où j est l'inclusion, et tout monomorphisme f : L -+ M induit une suite exacte
courte
0 --+ L ~ M ....!!..+ Coker f --+ 0
3. SUITES EXACTES 31

où p est la projection et Coker f .:=. M / L. Réciproquement, si 0 --+ L L


M ....!.+ N --+ 0 est une suite exacte courte, f est un monomorphisme, g est un
épimorphisme, L .:=. Ker g et N .:=. Coker f .:=. M / L.
Par exemple, considérons la suite de Z-modules (groupes abéliens)

où f est l'isomorphisme entre Z2 et l'unique sous-groupe propre 2Z4 de Z4, et g


est la multiplication par 2. Il est évident que cette suité est exacte courte.
Nous allons maintenant montrer deux lemmes fondamentaux sur les suites
exactes, qui permettent de remplacer la construction explicite de morphismes
par des raisonnements de nature visuelle. Le procédé que nous emploierons pour
les prouver est connu sous le nom de diagmm chasing.

LEMME 3.5 (LEMME DES 5). Soit un diagmmme commutatif à lignes exactes
de A-modules et d'applications linéaires

(i) Si fs est un monomorphisme et fa, /4 sont des épimorphismes, alors /a


est un épimorphisme.
(ii) Si fi est un épimorphisme et fa, f4 sont des monomorphismes, alors fa
est un monomorphisme.
(iii) Si fs est un monomorphisme, fi est un épimorphisme et fa,f4 sont des
isomorphismes, alors fa est un isomorphisme.

DÉMONSTRATION. (i) Soit Ys E Na. La surjectivité de /4 donne X4 E M4


tel que va(Ys) = /4(x4). Or V4V3 = 0 implique 0 = V4V3(ys) = v4/4(x4) =
/5u4(x4). Comme fs est un monomorphisme, u4(x4) =O. Donc X4 E Keru4 =
lm us, et il existe xa E M3 tel que X4 = u3(x3). On a V3/3(xs) = /4u3(x3) =
f4(x4) = va(Ys). Donc Ys - fa(xs) E Ker va = lm v2, et il existe Y2 E N2 tel
que Ys - fa(xs) = v2(Y2). Comme fa est un épimorphisme, il existe x2 E M2
tel que Y2 = fa(x2). Donc Ys - fa(xs) = v2fa(x2) = fau2(x2) et par conséquent
Ys= fa(xs + u2(x2)). Cela montre bien que fa est un épimorphisme.
(ii) Soit xa E Ms tel que fa(xs) = O. Alors f4ua(xs) = vafa(xs) = 0 donne
ua(x 3) = 0 car f4 est un monomorphisme. Donc xa E Ker ua =lm u2, et il existe
X2 E M2 tel que xa = u2(x2). Alors v2fa(x2) = fau2(x2) = fa(xs) = 0, ce qui
donne fa(x2) E Kerv2 = lmvi. et il existe Yi E Ni tel que fa(x2) = vi(Yi).
Comme fi est un épimorphisme, il existe xi E Mi tel que fi(xi) = Yi· Donc
fa(x2) = vifi(xi) = faui(xi). Comme fa est un monomorphisme, on a x2 =
ui(xi). Donc X3 = u2(x2) = u2ui(xi) =O.
(iii) Résulte de (i), (ii). D
32 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

LEMME 3.6 {LEMME DU SERPENT). Soit un diagramme commutatif à lignes


exactes de A-modules et d'applications linéaires
u V
L ---+ M ---+ N ---+ 0

11 gl hl
u' v'
0 ---+ L' ---+ M' ---+ N'
Il existe une suite exacte
Ker f ~ Ker g ~ Ker h ~ Coker f ~ Coker g ~ Coker h
où ui, v1 sont déduites par passage aux noyaux, u2, v2 sont déduites par passage
aux conoyaux, et 6 sera explicitée plus bas. En outre :
(i) Si u est un monomorphisme, il en est de même de u 1 •
(ii) Si v' est un épimorphisme, il en est de même de v2.
DÉMONSTRATION. Soient i : Ker f --+ L, j : Ker g --+ M, k : Ker h --+ N les
injections canoniques et p : L' --+ Coker f, q : M' --+ Coker g, r : N' --+ Coker h
les projections canoniques. On essaie de construire un diagramme commutatif à
lignes et colonnes exactes :

0 0 0

l Ut
Kerg
l V1
l
Kerh ---
Ker/ ---+ ---+ .....
1
li lj lk 1
u V
L ---+ M ---+ N ---+ 0 1

6r - - - - -lL - - - - -
u'
J 9_ - - - -
v'
- ~h- _ _ _ _ j
10 ---+ L' ---+ M' ---+ N'
1
lp lq lr
u2 112
1.... ----+ Coker f ---+ Cokerg ---+ Cokerh

l
0
l
0
l
0

(le tracé de la ligne en pointillé représentant 6 explique le nom du lemme). On sait


déjà que les colonnes sont exactes. Les applications u 1, v1 sont déduites respec-
tivement de u, u' et v, v' par passage aux noyaux, tandis que u 2, v2 sont déduites
respectivement de u, u' et v, v' par passage aux conoyaux. Par conséquent, le
diagramme est commutatif. Il reste donc à prouver les énoncés suivants :
(1) La 1re ligne est exacte.
En effet, kv1 u1 = vju1 = vui = 0 donne v1 u1 = 0, car k est un
monomorphisme. Donc lm u1 Ç Ker v1. Soit donc x e Ker v1, alors
vj(x) = kv1(x) = 0 donne j(x) e Kerv = Imu, et il existe x' e L tel
que j(x) = u(x'). Comme on a 0 = gj(x) = gu(x') = u' f(x') alors
3. SUITES EXACTES 33

f(x') = 0 {car u' est un monomorphisme) et x' E Ker f = Irai : on


a donc x' = i (x') d'où j(x) = u (x') = ui (x') = ju 1 (x'), qui donne
x = u1(x') {car j est un monomorphisme). Donc x E Imu1.
(2) La 4me ligne est exacte.
La démonstration est semblable à la précédente et sera omise.
(3) Il existe une application linéaire 6 : Ker h--+ Coker f.
Pour x" E Kerh, il existe x E M tel que k(x") = v(x), puisque v est
un épimorphisme. En outre, on a v'g(x) = hv(x) = hk(x") =O. Donc
g(x) E Kerv' = Im u'. Comme u' est injectif, il existe un unique y' EL'
tel que g(x) = u'(y'). On pose
ô(x") = p(y') =y'+ Imf E Coker f.
Il faut montrer que p (y') ne dépend pas du choix de x. Supposons que
v(x1) = v(x2). Alors x1 - x2 E Ker v = Im u : il existe x' E L tel que
x1 - x2 = u(x'). Donc g(x1) - g(x2) = g(x1 - x2) = gu(x') = u' f(x').
Soient y~, y~ correspondant à x 1, x 2 respectivement. Alors u' (y~ - y~) =
u'(yD-u'(y~) = g(x1)-g(x2) = u' f(x') donne y~ -y~= f (x'), puisque
u' est un monomorphisme. Par conséquent, p (yD = p (y~ + f (x')) =
p (y~)+ pf (x') = P (y~).
Nous avons donc bien défini une application 6: Ker h--+ Coker f.
Pour montrer que 6 est linéaire, soient xf, xq E Ker h, a1, a2 E A et x" =
xfa1 + xqa2. Soient x1,X2 E M tels que v(xi) = k(xf), v(x2) = k(xq).
Alors v(x1a1 + x2a2) = k(x"). Soient YLY~ E L' tels que g(x1) = u'(yD,
g(x2) = u'(y~). Alors
g (x1a1 + x2a2) = u' (y~ a1 + y~a2)
donne 6 (x") = p (y~ a1 + y~a2) = p (yD a1 + p (y~) a2 = 6 (xq) a1 +
6 (xq) a2.
(4) La suite Ker g ~ Ker h ~ Coker f est exacte.
a) Imv1 Ç Kerô. Supposons que x" = v1(x) pour un x E Kerg. Alors
x" = k (x") = kv 1(x) = vj(x). On prendra donc j(x) E M. Or gj(x) =
O. Donc y' = 0 et 6 (x") = p (y') = O.
b) Ker 6 Ç Im v1. Soit x" tel que 6 (x") = O. Alors y' E Im f et il existe
x' E L tel que y' = f (x'). Donc g(x) = u' (y') = u' f (x') = gu (x') et
x - u (x') E Ker g : il existe xo E Ker g tel que x = xo + u (x"). On
a donc k (x") = v(x) = v (xo) +vu (x') = v (xo) = vj (xo) = kv1 (xo).
D'où x" = v1 (xo) puisque k est un monomorphisme.
(5) La suite Ker h ~ Coker f ~ Coker g est exacte.
La démonstration est semblable à la précédente et sera omise.
{6) Si u est un monomorphisme, u1 l'est aussi.
Cela découle de ui = ju1.
(7) Si v' est un épimorphisme, v2 l'est aussi.
Cela découle de v2q = rv'. D
34 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

Une façon simple de se rappeler la construction de 6 est la suivante : pour


x" E Kerh,
6 (x") = u'- 1gv- 1 (x") +lm f.
Il faut néanmoins garder à l'esprit que, alors que u' est un monomorphisme
(et donc u'- 1 est défini sans ambiguïté sur l'image de u'), v- 1 correspond au
choix d'un antécédent quelconque. On verra plusieurs applications du lemme du
serpent dans la suite, la plus immédiate étant le lemme suivant.
LEMME 3.7 {LEMME DES 3 x 3). Soit un diagramme commutatif à colonnes
exactes de A-modules et d'applications linéaires :
0 0 0

0 ---+
l
L' ---+
l
M' ---+
l
N' ---+ 0

0 ---+
l
L ---+ M
l ---+ N
l ---+ 0

0 ---+
l
L" ---+
l
M" ---+
l
N" ---+ 0

l0 l0 l0
{i) Si les deux lignes supérieures sont exactes, alors la ligne inférieure est
exacte.
(ii) Si les deux lignes inférieures sont exactes, alors la ligne supérieure est
exacte.
DÉMONSTRATION. Pour (i), on applique le lemme du serpent aux deux lignes
supérieures, et pour (ii), on l'applique aux deux lignes inférieures. O

4. Théorèmes d'isomorphisme
THÉORÈME 4.1. Soit f : MA --+ NA une application A-linéaire. Il existe
une unique application A-linéaire J : M /Ker f --+ lm f rendant commutatif le
diagramme
J
---+ N
îj
M/Kerf
--- ï
Imf
c'est-à-dire telle que f = jfp, où j désigne l'inclusion canonique et p la projec-
tion canonique. En outre, J est un isomorphisme.
DÉMONSTRATION. Si J existe, elle est uniquement déterminée : en effet, po-
sant L = Ker f et prenant x = x + L E M / L, on doit avoir
7(x) = f(x + L) = fp(x) = f(x).
4. THÉORÈMES D'ISOMORPHISME 35

Or cette formule définit bien une application puisque, si xi, x2 E M satisfont


à xi + L = x2 + L, alors xi - X2 E L = Ker f, donc f (xi - x2) = 0 et donc
f (xi) = f (x2). Il est clair que 1 est linéaire, puisque, si xi, x2 E Met ai, a2 E A
1 (xi ai+ 'X2a2) = 1 (xi ai+ x2a2 + L) = fp (xi ai+ x2a2)
= f (xi ai + x2a2) = f (xi) ai + f (x2) a2
= 1 1
(xi) ai + (x2) a2.
La surjectivité de f vient de ce que si y E lm f, il existe x E M tel que y =
f(x) = f(x + L). Enfin, son injectivité vient de ce que, si, pour x E M, on a
Ï(x+L) = O, alors f(x) = 0 et donc x E Ker f = L. Par conséquent x+L = L.O

L'isomorphisme 1:M/ Ker f-=+ lm f construit dans le théorème s'appelle iso-


morphisme canonique. La décomposition de l'application linéaire f en l'épimor-
phisme p, l'isomorphisme 1 et le monomorphisme j est appelée la décomposition
canonique de f.
En particulier, si f : M--+ N est un épimorphisme, alors j = lN et donc 1
définit un isomorphisme M /Ker f -=+ N.
Comme application immédiate de ce théorème, nous donnons une caractérisa-
tion des modules cycliques.
PROPOSITION 4.2. Un A-module M est cyclique si et seulement s'il existe un
idéal à droite 1 de A tel que M-=+AA/I.
DÉMONSTRATION. Si 1 est un idéal à droite, alors A/I est évidemment cy-
clique, puisqu'il est engendré par 1+1. Réciproquement, soit MA = xA un
module cyclique. L'application f: AA--+ MA définie par a 1--+ xa est A-linéaire
et surjective. Soit IA =Ker f. Le théorème (4.1) donne MA -=+AA/I. D
THÉORÈME 4.3. Soient M un A-module et L, N deux sous-modules de M.
Alors
(L + N)/L-=+N/(L n N).
DÉMONSTRATION. On a un diagramme commutatif à lignes exactes :
J g
0 ---+ LnN ---+ N ---+ N/(LnN) ---+ 0
1
wl
!
!' g'
0 ---+ L ---+ L+N ---+ (L + N)/L ---+ 0
où u, v, f, f' sont les inclusions, et g, g' les projections canoniques. D'après (3.3),
il existe une unique application linéaire w : N / (L n N) --+ (L + N) / L rendant le
diagramme commutatif. Pour montrer que w est un monomorphisme, supposons
que w(x +Ln N) = 0, avec x E N. Alors x + L = 0 donne x E L, c'est-à-dire
x EL n N. Il reste à montrer que w est un épimorphisme. Soit (x +y)+ LE
(L + N)/L (avec x EL, y EN). Alors
(x +y)+ L =y+ L = g'(y) = g'v(y) = wg(y)
donc w est surjective. D
36 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

Ce théorème (dû à Emmy Noether) est appelé la loi du parallélogramme, car


il s'exprime par le diagramme

où les côtés opposés du parallélogramme représentent les modules quotients res-


pectifs. Ces côtés opposés sont deux à deux isomorphes, et ils sont indiqués
ici au moyen de barres semblables. Rappelons que dans le treillis modulaire
S(M) des sous-modules de M, le suprémum et l'infimum de la partie {L, N}
sont respectivement L + N et L n N.
Notre troisième théorème d'isomorphisme peut être démontré sans difficulté
comme l'énoncé correspondant pour les K-algèbres (I.2.5). Afin d'illustrer l'utili-
sation du lemme du serpent (3.6), nous en donnons une démonstration reposant
sur l'emploi de ce dernier.

THÉORÈME 4.4. Soient M un A-module, L et N deux sous-modules tels que


L Ç N. Il existe une unique application linéaire f : M / L -+ M / N rendant
commutatif le diagramme
M

~!~
M/L - - - - - - + M/N
c'est-à-dire telle que f PL = PN1 où PL1PN sont les projections canoniques. En
outre, f est surjective de noyau N / L et induit un isomorphisme

M/N..::. (M/L) j(N/L).

DÉMONSTRATION. Considérons le diagramme commutatif à lignes exactes

0
- - - - L

lj
iL
M

llM
PL
M/L
1
If
0

0
- - - - N
jN
M
PN
M/N
!
0

où j,jL,iN sont les inclusions canoniques. D'après (3.3), il existe une unique ap-
plication linéaire f : M / L -+ M / N rendant le diagramme commutatif. Complé-
tant ce diagramme en calculant noyaux et conoyaux, on obtient un diagramme
à lignes et à colonnes exactes :
5. MODULES D'HOMOMORPHISMES 37

0 ---+ 0 ---+ 0 ---+


l
Ker/ - - - - "'\

0 ---+
l
L ---+
l
M ---+
l
M/ L ---+ 0
1
1
1
1
,-----~----i-----i------ ..)

0 ---+ N ---+ M ---+ M/N ---+ 0

l,... __ __.
l
N/L ---+
l0 ---+
l
Coker f ---+ 0

l
0
l0
Le lemme du serpent donne donc Coker f = 0 et Ker f -:+ N / L. D
THÉORÈME 4.5. Soient M un A-module, N un sous-module et p : M --+ M / N
la projection canonique. L 'application L 1-+ p( L) est une bijection croissante
de l'ensemble ordonné par inclusion des sous-modules de M contenant N sur
l'ensemble des sous-modules de M / N. La bijection réciproque est p- 1 .

DÉMONSTRATION. Soit L un sous-module de M contenant N. Il est clair que


p(L) = L/N est un sous-module de M/N. En outre, p- 1 p(L) 2 L. Montrons
l'inclusion inverse. Un élément x E M est dans p- 1p(L) si et seulement s'il
existe y E L tel que p(x) = p(y), c'est-à-dire x - y E Kerp = N Ç L, par
conséquent x E L. Cela démontre que p- 1p(L) = L. Réciproquement, si Lest
un sous-module de M/N, il est visible que p- 1 (L) = {x E M 1 x +NE L} est
un sous-module de M contenant N = p- 1 (0). D'autre part, pétant surjective,
on a pp- 1 (L) = L. D

5. Modules d'homomorphismes
Soient M,N deux A-modules. On note HomA(M,N) (ou Hom(M,N) si au-
cune ambiguïté n'est à craindre) l'ensemble des applications A-linéaires de M
dans N. Nous allons définir des opérations dans HomA(M, N) comme suit : on
définit la somme de f, g : M --+ N par
(! + g)(x) = f(x) + g(x)
(où x E M} et le produit de f: M--+ N par o: E K par
(/o:)(x) = o:/(x)
(où x E M). On aboutit au lemme suivant.

LEMME 5.1. Avec les opérations précédentes, HomA(M, N) a une structure


de K -module.
38 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

DÉMONSTRATION. On voit aisément que la somme et le produit externe définis


plus haut sont bien des opérations sur HomA(M, N}, que la somme est commu-
tative et associative, qu'elle admet l'application nulle 0 : M -+ N (définie par
x 1--t 0 pour tout x E M) comme élément neutre et que, pour toute application
linéaire f: M-+ N, l'application (-!} : M-+ N (définie par x 1--t -f(x) pour
tout x E M) est l'opposée de f. D'autre part, on vérifie trivialement la double
distributivité de la somme sur le produit externe, ainsi que f · 1 = f. Quant à
l'associativité mixte, on a, pour tous x E M et a, (3 E K

(! · (af3))(x) = af3f(x) = {3af(x) = (3 · (fa)(x) = ((fa)f3)(x)


d'où f · (af3) = (fa)f3. D
Nous avons employé de façon essentielle la commutativité de K. Il n'est
donc pas toujours vrai que HomA(M, N) soit un A-module. Pour cela, on doit
supposer l'existence de structures de bimodules.

LEMME 5.2. Soient A, B deux K-algèbres.


(i) Pour AMB et NB, HomB(M, N) est un A-module à droite par
(fa)(x) = f(ax)
{où f: M-+ N, x E M, a E A).
(ii) Pour AMB et AN, HomA(M, N) est un B-module à gauche par
(bf)(x) = f(xb)
{où f: M-+ N, x E M, b E B).
(iii) Pour AM et ANB, HomA(M,N) est un B-module à droite par
(fb)(x) = f(x)b
{où f: M-+ N, x E M, b E B).
(iv) Pour MB et ANBI HomB(M,N) est un A-module à gauche par
(af)(x) = af(x)
{où f: M-+ N, x E M, a E A).
DÉMONSTRATION. Très aisée à faire et laissée en exercice. D

En particulier, si pour une algèbre A, on considère le (A-A)-bimodule AAA,


nous en déduisons que, pour tout module MA, le K-module d'homomorphismes
HomA(A, M) a une structure canonique de A-module à droite par
(fa)(x) = f(ax)
(où f : A-+ M, x E A et a E A). On a un isomorphisme utile.

THÉORÈME 5.3. Soit MA un A-module. On a un isomorphisme de A-modules


HomA(A, M) ..=.MA.
5. MODULES D'HOMOMORPHISMES 39

DÉMONSTRATION. On définit une application cp : HomA(A,M) --+ M par


f ......
/(1). Pour montrer que cp est linéaire, prenons fi,'2 e HomA(A,M) et
a 11 a2 E A, alors
cp (fiai + '2a2) = {fiai + '2a2) (1)
= fi (ai)+ h (a2)
= fi{l)ai + '2{l)a2
= cp {fi) ai + cp (h) a2.
On vérifie d'autre part que l'application 'l/J : M --+ HomA(A, M) définie par
x ...... (a ...... xa) est la réciproque de cp. D
Soient L, M, N trois A-modules, f, fi. h des éléments de HomA(L, M), g, gi,
92 des éléments de HomA(M, N) et o:i, 0:2 E K. On vérifie aussitôt les relations:
(i) g 0 (fio:i + '20:2) = (g 0 fi) o:i + (g 0 '2) 0:2.
{ii) (gio:i + 920:2) 0 f = (gi 0 !) O:i + (92 0 !) 0:2.
(iii) g 0 ( - !) = (-g) 0 f = -(g 0 !).
En particulier, ces relations, avec l'associativité de la composition des appli-
cations, définissent une structure de K-algèbre sur le K-module End MA, dont
l'identité est lM. Cela implique que tout A-module M a une structure naturelle
de (End M - A)-bimodule puisque la relation
(f(x))a = f(x)a = f(xa)
(pour f E EndM, x E Met a E A) résulte de la linéarité de f.
Encore une fois, on s'intéresse au cas particulier où MA = AA. On a alors un
isomorphisme d'algèbres.
THÉORÈME 5.4. On a un isomorphisme de K -algèbres

EndAA-=.A.
DÉMONSTRATION. On a construit en (5.3) un isomorphisme de K-modules
cp : EndA --+ A défini par f ...... /(1). Il reste à vérifier que cp préserve la
multiplication. En effet,
cp(f o g) = (! o g)(l) = /(g(l)) = /(1 · g(l)) = /(l)g(l) = cp(f)cp(g). D
40 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

Exercices du chapitre II

1. Soient M un A-module et X Ç M une partie quelconque. On définit


l' annulateur Ann X de X comme étant l'ensemble

Ann X = {a E A 1 xa = 0 pour tout x E X}.

(i) Montrer que Ann X est un idéal à droite de A.


(ii) Montrer que, si X est un sous-module de M, alors AnnX est un idéal
bilatère de A.
(iii) Montrer que M admet une structure naturelle de A/ AnnM-module.
(iv) Un module MA est dit fidèle si Ann M = O. Montrer que tout A-module
M devient fidèle s'il est considéré comme A/ Ann M-module.

2. Soient A,B deux K-algèbres, BMA un (B - A)-bimodule. On considère


l'ensemble

R= [~ ~] = {[: ~] !aeA,beB,xeM}
muni de l'addition ordinaire des matrices et de la multiplication induite de celles
de A et B, et de la structure de bimodule de M. Montrer que Rest une K-
algèbre. Montrer que les idéaux à droite de R sont de la forme

[.i ~]={[: ~]laeI,xeX,beJ}


où IA est un sous-module de AA, JB un sous-module de BB et XA un sous-
module de MA tel que JM Ç X (où JM est l'ensemble des sommes finies de
termes de la forme bx avec b E J et x E M).
3. (i) Soit MA un module de type fini. Montrer que toute image de M est de
type fini.
(ii) Soit 0 --+ LA --+ MA --+ NA --+ 0 une suite exacte de A-modules.
Montrer que si L et N sont de type fini, M est alors de type fini.
4. Soient K un corps et t une indéterminée. Montrer que K[t], considéré
comme un K-module, n'est pas de type fini.
5. Soient A une K-algèbre arbitraire et Mun A-module de type fini. Montrer
que tout ensemble de générateurs de M contient une partie finie qui suffit pour
engendrer M.
6. Soient M, N deux modules, et f :M -+ N une application linéaire.
(i) Montrer que, pour tout sous-module M' de M, l'image f(M') = {f(x) 1
x e M'} est un sous-module de N.
(ii) Montrer que, pour tout sous-module N' de N, la pr~image /- 1 (N') =
{x E M 1 f(x) EN'} est un sous-module de M.
7. Soient U, V, W trois sous-modules de M. Montrer que si U +V= W +V,
Un V = W n V et U Ç W, alors U = W.
EXERCICES DU CHAPITRE II 41

8. Soient M un A-module, N un sous-module et x E M tel que x ri N.


Montrer que M a un sous-module L maximal pour N Ç L et x ri L.
9. Dessiner les treillis de sous-modules des Z-modules Zs, Z24, Z1s, Zao.
10. Soit f : M --+ N une application linéaire. Montrer que le noyau L de f
est uniquement déterminé par la propriété suivante (dite universelle).
(i) Il existe une application linéaire i: L--+ M telle que fi= O.
(ii) Si i' : L' --+ M est une application linéaire telle que fi' = 0, il existe
une unique application linéaire u : L' --+ L telle que i' = lu.
L ~ M _L, N

Ur
L'
/r
11. Soit f : L --+ M une application linéaire. Montrer que le conoyau N de f
est uniquement déterminé par la propriété suivante (dite universelle).
(i) Il existe une application linéaire g : M--+ N telle que gf =O.
(ii) Si g' : M --+ N' est une application linéaire telle que g' f = 0, il existe
une unique application linéaire v : N--+ N' telle que g' = vg.

L-LM~N

""'g'" l N'
V

12. Soient Mun A-module et a un élément du centre Z(A) de A. Montrer


que l'application fa : M--+ M définie par x 1-+ xa est A-linéaire.
13. Soit f : M --+ N linéaire.
(i) Montrer que f est un monomorphisme si et seulement si fg = fh im-
plique g = h.
(ii) Montrer que f est un épimorphisme si et seulement si gf = hf implique
g= h.
14. Soient f : M --+ N un épimorphisme, L un sous-module de M et j : L --+
M l'inclusion. Montrer que:
(i) Si Ln Ker f = 0, alors fj: L--+ N est un monomorphisme.
(ii) Si L +Ker f = M, alors fj: L--+ N est un épimorphisme.
15. Soit n un entier positif. Montrer qu'il existe une suite exacte courte de
Z-modules
0 ---+ Z ---+ Z ---+ Zn ---+ O.

16. Soit n = rs un entier positif. Montrer que la suite de Zn-modules

0 ---+ rZn -L Zn ~ sZn ---+ 0


42 Il. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

(avec f l'inclusion et g la multiplication par s) est exacte.


17. Soit p un nombre premier. Construire une suite exacte de Z-modules :

et en déduire une suite exacte infinie

18. Montrer que la donnée d'une suite exacte de modules

... --+ Mi+l /&+1


--+ 14"
lV.li
fi
--+ 11
lV.li-1 --+ ...

équivaut à la donnée pour chaque i d'une suite exacte courte

0--+ Ker fi--+ Mi--+ Ker fi-1--+ O.

19. Soient K un corps et Ei. E 2, Ea des K-espaces vectoriels tels que la suite

soit exacte. Montrer que dimK E2 = dimK E1 +dimK Ea. En déduire que si l'on
a une suite exacte de K-espaces vectoriels

0 --+ Eo --+ E1 --+ · · · --+ En --+ 0


n
alors :~::)-l)idimKEi =O.
i=O

20. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de modules et d'applica-


tions linéaires :
L - M - N -o
1l gl hl
L' - M' -N'-o.
Si f, g sont des isomorphismes, montrer qu'il en est de même de h.
21. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de modules et d'applica-
tions linéaires

0 - L - M
1l gl
O - L' - M'
Sig, h sont des isomorphismes, montrer qu'il en est de même de f.
EXERCICES DU CHAPITRE II 43

22. On considère un diagramme commutatif à lignes exactes de modules et


d'applications linéaires :

J
---+

!' g'
L' ---+ M' ---+ N'

Démontrer que lm v n lm/' = v(Ker wg) et Ker v + Ker g = v- 1 (lm f' u), et que
lm/' n lm v _ Ker(wg)
lm(vf) -+ Kerv +Ker g ·
23. On considère un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes de
modules et d'applications linéaires :

0 0 0

l !'
l g'
l
0 ---+ L' ---+ M' ---+ N'

u'l J
ul g
u" l
0 ---+ L ---+ M ---+ N

v'l !"
vl g"
v" l
0 ---+ L" ---+ M" ---+ N"

Montrer que lm(u/') = KergnKerv.


24. On considère un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes de
modules et d'applications linéaires :

!' g'
L' ---+ M' ---+ N' ---+ 0

u' l J
ul g
u" l
L ---+ M ---+ N ---+ 0

v'l vl v"l
!" g"
L" ---+ M" ---+ N" ---+ 0

l0 l0 l0
Montrer que Ker( v" g) = lm u + lm f.
44 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE

25. On considère un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes de


modules et d'applications linéaires :

L
11
---+ M
w
---+
l
N
gl hl kl
u' 11' w'
H' ---+ L' ---+ M' ---+ N'

l'l g'l h'l


u" u"
0 ---+ H" ---+ L" ---+ M"

!" l u'"
g"l
Hm ---+ Lm
l0
Montrer que u 111 est un monomorphisme.
26. Démontrer le lemme des 3 x 3 sans utiliser le lemme du serpent.

27. Soit un diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires

où f, g, h sont des isomorphismes. Si la ligne supérieure est exacte, montrer qu'il


en est de même de la ligne inférieure.

28. Soit un diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires

0 ---+ L ---+ 0
1l
0 ---+ L' ---+ 0

avec g un isomorphisme. Montrer que :


(i) f est injective, et h surjective.
(ii) f est surjective si et seulement si h est injective.
29. On considère le diagramme commutatif de modules et d'applications
linéaires où les deux lignes sont exactes :
EXERCICES DU CHAPITRE II 45

0 0
"" L' N
/'

1 Î "" M /' ln
L
/' "" N'
/'

Montrer que Ker g .::. Coker f.


0 "" 0

30. Soit un diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires


f g
L ----+ M ----+ N ----+ 0
ul vl
!' g'
L' ----+ M' ----+ N'
où la ligne du haut est exacte, et g' /' = O. Montrer qu'il existe une unique
application linéaire w : N---+ N' telle que wg = g'v.
31. Soit un diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires
!' g'
L' ----+ M' ----+ N'
lv
f g
0 ----+ L ----+ M ----+ N
où la ligne du bas est exacte, et où g' f' = O. Montrer qu'il existe une unique
application linéaire u: L' ---+ L telle que fu = vf'.
32. Soient M, M' deux A-modules, f : M ---+ M' une application linéaire,
N,N' deux sous-modules de M et M' respectivement, tels que f(N) Ç N'.
Montrer qu'il existe une unique application linéaire 1: M/N---+ M' /N' telle que
le diagramme
f
M ----+ M'
lp'
7
M/N -----+ M'/N'
soit commutatif (où p,p' désignent les projections canoniques).
33. Soit A une K-algèbre commutative. Montrer que HomA(M, N) a une
structure naturelle de A-module.
CHAPITRE III

Catégories de modules

Pour avancer dans notre étude, nous introduirons maintenant un nouveau lan-
gage. Remarquons que l'algèbre étudie à la fois des ensembles munis d'une struc-
ture donnée et des applications préservant cette structure. Par exemple, l'étude
des groupes implique celle des homomorphismes de groupes, alors que l'étude des
espaces vectoriels implique celle des applications linéaires. D'autre part, dans
une structure algébrique donnée, deux objets isomorphes ont les mêmes pro-
priétés, et les êtres mathématiques à étudier ne sont pas les objets eux-mêmes,
mais les classes d'objets isomorphes. Il paraît donc nécessaire de travailler dans
un cadre où les raisonnements se font à isomorphisme près (et donc fournissent,
en même temps qu'un objet, tout objet isomorphe). Ce cadre, qui est celui des
catégories, permet d'utiliser de façon optimale les propriétés des applications
sans supposer grand chose à leur sujet : il suffira de supposer l'existence de
l'application identité et d'une composition associative (mais il ne sera pas même
nécessaire de supposer qu'il s'agit d'applications au sens strict du terme).

1. Catégories et foncteurs
Cette première section est entièrement consacrée à définir les notions de
catégorie, de foncteur et de morphisme fonctoriel, puis à les illustrer sur des
exemples.
DÉFINITION. Une catégorie C est définie par la donnée:
(i) d'une classe Co ou ObC, appelée classe des objets de C,
(ii) pour chaque paire (X, Y) d'objets de C, d'un ensemble noté Homc(X, Y)
ou Morc(X, Y) dont les éléments sont appelés morphismes (de C) de X
vers Y tel que si (X, Y)# (X', Y'), alors Homc(X, Y) n Homc(X', Y')
= 0,
(iii) pour chaque triplet d'objets (X, Y, Z) de C, d'une application
o: Homc(Y, Z) x Homc(X, Y)--+ Homc(X, Z)
(où l'image du couple (g, f) est notée go fou simplement gf) appelée
la composition des morphismes et satisfaisant aux deux conditions sui-
vantes:

47
48 III. CATÉGORIES DE MODULES

(Cl) Si f E Homc(U, V), g E Homc(V, W), h E Homc(W,X), alors


h(gf) = (hg)f.
(C2) Pour chaque objet X de C, il existe un morphisme

lx E Homc(X, X)

appelé l'identité ou le morphisme identique sur X et tel que, si


f E Homc(X, Y) et g E Homc(W, X), alors /lx = f et lxg = g.

On n'examinera pas ici les fondements logiques de la théorie : le terme de


"classe", comme celui d"'ensemble", sera pris comme notion première. On
réservera cependant le terme d' "ensemble" aux classes assez petites pour avoir
un nombre cardinal. Par contre, on parlera de la "classe" de tous les ensembles
ou de tous les groupes.
Si, dans une catégorie C, on a un morphisme f E Homc(X, Y), on notera
f :X --+ Y ou X .L Y. L'objet X est appelé la source de f, et l'objet Y son
but. Il suit immédiatement de (ii) que tout morphisme détermine uniquement sa
source et son but. Si X est un objet de C, le morphisme lx est défini de manière
unique: en effet, si lx possède les mêmes propriétés, on a lx = lxlx =lx.
On a donc une correspondance biunivoque X 1-+ lx entre la classe des objets
de C et la classe des morphismes identité : on pourrait définir C uniquement en
termes de morphismes et de compositions. On retiendra de ce qui vient d'être dit
l'idée que, dans les constructions catégoriques, seuls les morphismes comptent.
Un morphisme f : X --+ X est parfois appelé un endomorphisme de X.
L'ensemble Homc(X,X) est alors noté EndcX.
Un morphisme f : X --+ Y est appelé un isomorphisme s'il existe un mor-
phisme f' : Y --+ X tel que f f' = ly et f'f = lx. Un tel morphisme f'
est alors unique : si f' et f" sont· tels que f' f = lx et f f" = ly, alors
f' = f'l y = f' (f !") = (!' f) !" = lx f" = f". On appelle f' le mor-
phisme inverse ou réciproque de f et on le note 1- 1 • S'il existe un isomor-
phisme f: X--+ Y, les deux objets X et Y sont dits isomorphes, ce qu'on note
X ~Y. On vérifie aisément que la composition de deux isomorphismes est un
isomorphisme, et que la relation ~ est réflexive, symétrique et transitive. Un
isomorphisme f : X --+ X est parfois appelé un automorphisme de X.

EXEMPLES 1.1. (a) La catégorie Ens des ensembles admet pour objets les
ensembles, pour morphismes les applications et pour composition la composition
usuelle des applications.
(b) La catégorie Gr des groupes admet pour objets les groupes, pour mor-
phismes les homomorphismes de groupes et pour composition la composition
usuelle des applications.
(c) La catégorie Ab des groupes abéliens admet pour objets les groupes
abéliens, pour morphismes les homomorphismes de groupes et pour composi-
tion la composition usuelle des applications.
(d) La catégorie Top des espaces topologiques admet pour objets les espaces
topologiques, pour morphismes les applications continues et pour composition la
composition usuelle des applications.
1. CATÉGORIES ET FONCTEURS 49

(e) Soit Kun anneau commutatif. La catégorie AlgK des K-algèbres admet
pour objets les K-algèbres, pour morphismes les morphismes de K-algèbres et
pour composition la composition usuelle des applications.
(f) Soit A une K-algèbre. La catégorie ModA des A-modules à droite admet
pour objets les A-modules à droite, pour morphismes les applications A-linéaires
et pour composition la composition usuelle des applications. On définit de même
la catégorie ModA0 P des A-modules à gauche (ces derniers en effet coïncident
avec les A0 P-modules à droite).
(g) Soit G un monoïde. On fait de G une catégorie C comme suit : C n'a
qu'un seul objet X et Homc{X, X) = G, la composition des morphismes étant
alors l'opération de G.
(h) Un ensemble partiellement ordonné E peut être considéré comme une
catégorie C dont les objets sont les éléments de E, et Homc(a, b) est un ensemble
à un élément p~ si a:::; b et vide sinon. Il résulte alors de la transitivité de l'ordre
partiel sur E que p~p~ = p~, ce qui définit la composition.
{i) Soit Kun corps. On considère la classe e de tous les triplets (E, F, !) où
E, F sont des K-espaces vectoriels et où f: E--+ Fest K-linéaire. On considère
la catégorie dont la classe d'objets est e, et un morphisme (E, F, f) --+ (E', F', f')
est une paire (u, v) où u : E --+ E' et v : F --+ F' sont K-linéaires et telles que
f'u = vf.
J

!'
E' ---+ F'
Si on définit la composition de (u, v) : (E, F, !) --+ (E', F', f') et (u', v') :
(E', F', f') --+ (E", F", f") par (u', v')(u, v) = (u'u, v'v), on est bien en présence
d'une catégorie.
DÉFINITION. Soit C une catégorie. La catégorie duale ou opposée C0 P de C
est définie comme suit: les objets de C0 P sont ceux de C, et
Homcop (X, Y) = Homc(Y, X)
pour toute paire (X, Y) d'objets de C, le composé de f E Homcop(X, Y) et de
g E Homcop(Y,Z) étant alors l'élément fg E Homc(Z,X) = Homcop(X,Z).
Si par exemple C est construite à partir d'un monoïde G comme dans l'exemple
{1.l)(g), alors C0 P est construite à partir du monoïde opposé G0 P.
Une propriété de C0 P est dite duale d'une propriété de C si elle est obtenue à
partir de cette dernière par inversion du sens des morphismes. Cette notion sera
évidente dans chaque cas particulier. On remarque que (C 0 P) 0 P = C.
DÉFINITION. Soient C, 'D deux catégories. On dit que 'D est une sous-catégorie
de C si tout objet de 'D est un objet de C, si tout morphisme de 'D est un
morphisme de Cet si la composition est la même dans 'D et dans C.
Ainsi, si X, Y sont deux objets de 'D, on a
Homv(X, Y) Ç Homc(X, Y).
50 III. CATÉGORIES DE MODULES

Si cette inclusion est une égalité pour tous X, Y dans 'D, en d'autres termes si
tout morphisme X -+ Y de C est aussi un morphisme de 'D, on dit que V est
une sous-catégorie pleine.
Une sous-catégorie de Ens (non nécessairement pleine) est parfois appelée
une catégorie concrète. Dans l'exemple {1.1), {b) (c) {d) (e) montrent des
catégories concrètes, dont aucune n'est pleine dans Ens. La catégorie Ab est
une sous-catégorie pleine de la catégorie concrète Gr. De même, Alg K est une
sous-catégorie de la catégorie concrète ModK, qui n'est pas pleine puisqu'un
morphisme d'algèbres, en plus d'être K-linéaire, préserve produits et identité.
L'idée d'une application préservant les structures se généralise aux catégories.
Une catégorie étant définie par objets, morphismes et composition, il faudrait
qu'à chaque objet ou morphisme de la première catégorie, on fasse correspon-
dre un objet ou un morphisme de la seconde, et cette correspondance doit être
compatible avec la composition des morphismes.
DÉFINITION. Soient C, 'D deux catégories.
1. Un foncteur covariant F : C -+ V est défini par la donnée pour chaque objet
X de C d'un objet F(X) ou FX de 'D, et pour chaque morphisme f: X-+ Y
de C d'un morphisme F{f) ou Ff: FX-+ FY de V tel que:
{Fl) Si gf est défini dans C, alors F(g)F(f) est défini dans V et F(gf) =
F(g)F(f).
{F2) Pour tout objet X de C, F {lx)= 1Fx·
2. Un foncteur contravariant F : C -+ 'D est défini par la donnée pour chaque
objet X de C d'un objet F(X) ou F X de 'D, et pour chaque morphisme f : X -+
Y de C d'un morphisme F(f) ou Ff: FY-+ FX de V tel que:
{Fl) Si gf est défini dans C, alors F(f)F(g) est défini dans V et F(gf) =
F(f)F(g).
{F2) Pour tout objet X de C, F {lx)= 1Fx·
Un foncteur contravariant C-+ V n'est autre qu'un foncteur covariant C0 P-+
V ou qu'un foncteur covariant C -+ 'D0 P. Chaque fois que l'on parlera de foncteur
sans autre précision, il s'agira d'un foncteur covariant. Un foncteur F : C-+ C
est parfois appelé un endofoncteur.
EXEMPLES 1.2. (a) Soit C une sous-catégorie de V. Il existe un foncteur
naturel, dit d'inclusion, J: C-+ 'D défini pour tout objet X de C par J(X) =X
et pour tout morphisme f de C par J{f) = f. Si, par exemple, C =V, le foncteur
d'inclusion s'appelle foncteur identité et est noté le : C-+ C.
(b) Si C = Gr,Ab,ModA,AlgK, il existe un foncteur U: C-+ Ens, appelé
foncteur oubli, qui associe à chaque objet son ensemble sous-jacent, et à chaque
morphisme l'application sous-jacente. De même, si A est une K-algèbre, il existe
un foncteur oubli U: ModA-+ ModK.
{c) Soient C, 'D, & trois catégories, et F : C -+ V et G : V -+ e deux foncteurs.
Le foncteur composéGoF ou GF deC danse est défini par (GF)(X) = G(F(X))
pour tout objet X de Cet (GF)(f) = G(F(f)) pour tout morphisme f de C.
{d) Soient C une catégorie et X un objet de C. Le foncteur Homc{X, -) : C-+
Ens associe à chaque objet M de C l'ensemble Homc{X, M) et à chaque mor-
1. CATÉGORIES ET FONCTEURS 51

phisme f : M --+ N l'application Home(X, f) : Home(X, M) --+ Home(X, N)


définie par Home(X, f)(g) = f g.

Ce foncteur est covariant. Un cas particulier à signaler est celui où C = Mod A,


avec A une K-algèbre. Alors, pour un A-module X, le foncteur HomA(X, -) est
un foncteur de ModA dans ModK (voir (II. 5.1)).
(e) Soient C une catégorie et X un objet de C. Le foncteur Home(-, X) : C--+
Ens associe à chaque objet M de C l'ensemble Home(M, X) et à chaque mor-
phisme f: M--+ N l'application Home(f,X) : Home(N,X) --+ Home(M,X)
définie par Home(!, X)(g) = gf.

Ce foncteur est contravariant. Un cas particulier digne de mention est celui


où C = ModA avec A une K-algèbre. Alors, pour un A-module X, le foncteur
HomA(-,X) est un foncteur de ModA dans ModK (voir (II. 5.1)).

On exprime parfois la situation des exemples (d) et (e) ci-dessus en disant que
Home(-,-) est un bifoncteur (ou foncteur de deux variables) covariant dans la
seconde variable et contravariant dans la première.
Afin de comparer deux foncteurs, nous aurons besoin d'une notion de mor-
phisme entre eux.

DÉFINITION. Soient C, 'D deux catégories.


1. Soient F, G : C --+ V deux foncteurs covariants. Un morphisme fonctoriel
(ou transformation naturelle) cp : F --+ G est défini par la donnée pour chaque
objet X de C d'un morphisme <px : FX--+ GX de 'D tel que, si f: X--+ Y est
un morphisme de C, on a cpyF(f) = G(f)cpx, c'est-à-dire que le carré suivant
est commutatif:
'PX
FX ---+ GX
F(f) l 'PY
l G(f)

FY ---+ GY

2. Soient F, G : C --+ V deux foncteurs contravariants. Un morphisme foncto-


riel (ou transformation naturelle) cp: F--+ Gest défini par la donnée pour chaque
objet X.de C d'un morphisme <px : FX--+ GX de 'D tel que, si f: X--+ Y est
un morphisme de C, on ait <pxF(f) = G(f)cpy, c'est-à-dire que le carré suivant
52 III. CATÉGORIES DE MODULES

est commutatif :
'l'X
FX ---+ GX
F(/)î
tpy
î
G(/)

FY ---+ GY .
Soient F, G, H : C --+ 'D trois foncteurs covariants, ep : F--+ G et 1/J : G--+ H
deux morphismes fonctoriels. Le morphisme fonctoriel composé .,Pep : F --+ H est
défini par
(.,Pep)x = 'l/Jxepx
pour tout objet X de C. Pour tout foncteur covariant F: C--+ 'D, on définit un
morphisme fonctoriel identité IF : F--+ F par la condition (lF)x = lFx· On
définit de même les notions correspondantes pour les foncteurs contravariants.
Soient F, G : C --+ 1J deux foncteurs et ep : F --+ G un morphisme fonctoriel.
On dit que ep est un isomorphisme fonctoriel si ep x est un isomorphisme pour
chaque objet X de C. On voit alors aisément que les morphismes epX.1 définissent
un morphisme fonctoriel G --+ F noté ep- 1 et appelé l'inverse de ep. Donc ep :
F --+ G est un isomorphisme fonct<:>riel si et seulement s'il existe un morphisme
fonctoriel 1/J : G --+ F tel que ep'l/J = la et .,Pep = lF. Enfin, le composé de deux
isomorphismes fonctoriels est aussi un isomorphisme fonctoriel.
EXEMPLES 1.3. (a) Soit u: M --+ N un morphisme d'une catégorie C. On
considère les foncteurs covariants Homc{M, - ), Homc(N, -) : C --+ Ens. On
associe à u un morphisme fonctoriel Homc(u, -) : Homc(N, -) --+ Homc(M, -)
comme suit: pour un objet X de C, Home(u, X) : Home(N, X) --+ Home(M, X)
est défini par Home(u,X)(/) = fu.
M~N

';;, 11
'\, X

Il faut montrer que, pour tout morphisme f: X--+ Y de C, le carré suivant est
commutatif
Homc(u,X)
Home(N,X) Home(M,X)
Homc(N,J) l Homc(u,Y)
l Homc(M,J)

Home(N,Y) Home(M,Y)
et cela résulte de ce que, pour tout g E Home(N,X), on a
Home(u, Y) Home(N, f)(g) = fgu = Home(M, f) Home(u,X)(g).
La composition commune Home(u, Y)Homc(N, f) =Home(M, !)Home(u, X)
(où u : M --+ N et f : X --+ Y sont des morphismes de C) est une application
de Home(N,X) dans Homc(M,Y), notée Home(u,f). Si L ....!..+ M ~Net
X ~ Y ~ Z sont des morphismes de C, on a Home(v,g)Home(u,/) =
Homc(uv,gf).
2. PRODUITS ET SOMMES DIRECTES 53

(b) De même, u : M -+ N définit un morphisme fonctoriel Home ( - , u) :


Home(-, M)-+ Home(-, N) entre foncteurs contravariants.
(c) En (a) et (b), on voit que Home(u, -) et Home(-, u) sont des isomor-
phismes fonctoriels si u est un isomorphisme de C.
(d) Soient A une K-algèbre, F,G : ModA -+ ModA les foncteurs F =
HomA(A, -) et G = lModA· Le morphisme fonctoriel cp : F -+ G défini par
'PM : HomA(A, M) -+ M, f 1-+ /(1) est un isomorphisme fonctoriel d'inverse
'l/J : G -+ F défini par 'l/JM : M -+ HomA(A, M), x 1-+ (a 1-+ xa). En effet, on
sait déjà que, pour chaque M, 'PM et 'l/JM sont des isomorphismes inverses (II.
5.3). Il reste à vérifier la fonctorialité : soit donc u : M -+ N une application
A-linéaire, on doit montrer que le carré suivant est commutatif :

HomA(A,M)
HomA (A,u) l
Or, pour tout f
HomA(A,N)

E HomA(A, M), on a
--
l/)N

'PN HomA(A, u)(f) = 'PN(uf) = (u/)(1) = u(/(1)) = ucpM(/).

2. Produits et sommes directes


La notion de produit existe dans les catégories d'ensembles, de groupes,
d'espaces vectoriels, etc. Nous allons la formuler en termes catégoriques, c'est-
à-dire, nous le rappelons, en termes d'objets et de morphismes.

DÉFINITION. Soit {M.xheA une famille d'objets d'une catégorie C. Un produit


(M, (P.xheA) de cette famille est la donnée d'un objet M et d'une famille de
morphismes (p,x : M-+ M.xheA telle que, si (M', (p'.xheA) est la donnée d'un
autre objet M' et d'une autre famille de morphismes (PÀ : M'-+ M.xheA• alors
il existe un unique morphisme f : M' -+ M tel que p,xf = PÀ pour tout À E A.
M ~ M.x
,r fa
1 PA

M'

On exprime cette propriété en disant que M est un objet universel {plus


précisément, un objet universellement attirant). Il est utile de reformuler l'énoncé
d'unicité dans la propriété universelle précédente comme suit : si f et g sont deux
morphismes tels que p,xf = p,xg pour tout À E A, alors f = g.

LEMME 2.1. Si une famille d'objets (M.xheA admet un produit, celui-ci est
unique à isomorphisme près.
54 III. CATÉGORIES DE MODULES

DÉMONSTRATION. Soient (M, {p>.heA) et (M', (P'.>.heA) deux produits de la


famille (M>.) >.eA. Alors il existe des morphismes f : M' - M et f' : M - M'
tels que P>.f = p). et p).f' = P>. pour tout À E A.
P>.
M ----+ M>.
/1
T
1
p~
îlM>.

M' ----+ M>.


T
!' 1
1
P>.
îlM>.

M ----+ M>.
Il s'ensuit que P>.f f' = P>. pour tout À E A. Comme P>.lM = P>. pour tout À E A,
l'unicité dans la définition donne If'= lM. De même, f'f = lM'· D

Par abus de langage, on dit que M, s'il existe, est le produit de la famille
n
(M>.heA• ce qu'on note M = II M>.. Si A= {1, 2, ... , n}, on note M =II Mi
>.eA i=l
ou M = Mi x · · · x Mn. Si tous les M>. sont égaux à N, on note M = NA (ou
Nn si A= {1,2, ... ,n}). Les (p>.: M- M>.heA sont appelés les projections
canoniques.

THÉORÈME 2.2. Soit A une K-algèbre. Toute famille (M>.heA de A-modules


admet un produit dans ModA, unique à isomorphisme près.

DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après le lemme, d'établir l'existence. Posons


M = {(x>.heA 1 X>. E M>.} et P>.: (xµ)µeA 1-+ X>.. On définit des opérations sur
M par

(x>.heA + (Y>.heA = (X>. + Y>.heA


(x>.heA a= (x>.aheA
pour (x>.heA et (Y>.heA dans M et a E A. Alors M est muni d'une structure
de A-module et chaque P>. : M - M>. est A-linéaire. Soit {M', {p).) >.eA) comme
dans la définition. Alors, pour x' E M', la formule f (x') = (p). (x')heA définit
évidemment la seule application A-linéaire telle que P>.f = p). pour tout À E A.D

La notion de somme directe, ou coproduit, est la notion duale de celle de


produit, au sens où on l'a vu dans la section précédente.

DÉFINITION. Soit (M>.heA une famille d'objets d'une catégorie C. Une som-
me directe, ou coproduit (M, (q>.) >.eA) de cette famille, est la donnée d'un objet M
et d'une famille de morphismes (q>.: M>. - MheA telle que, si (M', (qÀheA) est
la donnée d'un autre objet M' et d'une autre famille de morphismes (qÀ: M>. -
M')>.eA, alors il existe un unique morphisme f: M - M' tel que fq>. = qÀ pour
tout À E A.
2. PRODUITS ET SOMMES DIRECTES 55

M
1

V
M'

On exprime cette propriété en disant que M est un objet universel (ou plus
précisément universellement repoussant). L'unicité dans la propriété universelle
précédente peut être reformulée comme suit : si f et g sont deux morphismes
tels que fq>. = gq>. pour tout À E A, alors f = g.

LEMME 2.3. Si une famille d'objets admet une somme directe, celle-ci est
unique à isomorphisme près.

DÉMONSTRATION. Duale de celle de {2.1) et laissée en exercice. O


Par abus de langage, on dit que M, s'il existe, est la somme directe, ou le
coproduit, de la famille (M>.heA· On note alors M = E9M>. ou M>.. SiIl
>.eA >.eA
n n
A= {1, 2, ... , n}, on note M = E9 Mi, Il Mi, Mi E0 M2 E0 · · · E0 Mn, ou encore
i=l i=l
MiIIM2II·· ·IIMn. Si tous les M>. sont égaux à N, on note leur somme directe
N(A) (ou N(n) si A= {1,2, ... ,n}). Les (q>.: M>. - MheA sont appelés les
injections canoniques.

THÉORÈME 2.4. Soit A une K-algèbre. Toute famille (M>.heA de A-modules


admet une somme directe dans Mod A, unique à isomorphisme près.

DÉMONSTRATION. Il suffit d'établir l'existence. Soit M le sous-ensemble de


II M>. formé des (x>.heA dont le support est fini : on voit aisément que M est
>.EA
un sous-module de II M>.. On définit, pour chaque À E A, q>. : M>. - M par
>.EA
q>.(x) = (yµ)µEA où Y>. = x et Yµ = 0 pour µ ~ À. Il est évident que q>. est
A-linéaire. Soient M' et (q).: M>. - M'heA comme dans la définition. Alors,
pour (x>.heA E M, on a (x>.heA = L q>. (x>.) (en effet, la somme a un sens
>.EA
car (x>.heA est à support fini). Donc f ((x>.heA) = L q). (x>.) définit la seule
>.EA
application A-linéaire telle que fq>. = q). pour tout À E A. O
On remarque que les définitions de produit et de somme directe (qui sont
purement catégoriques) sont duales, mais que les constructions des objets cor-
respondants de Mod A (qui, elles, dépendent des propriétés particulières de
Mod A) ne le sont pas. Ce phénomène se présentera à plusieurs reprises dans
l'étude de ModA et il s'exprime en disant que la catégorie ModA n'est pas auto-
duale (c'est-à-dire n'est pas identique à la catégorie opposée). Notons aussi que
somme directe et produit coïncident lorsque l'ensemble d'indices est fini.
56 III. CATÉGORIES DE MODULES

Soit (MÀheA une famille de sous-modules d'un module MA. On rappelle que
leur somme L
MÀ est définie comme étant l'ensemble des sommes de la forme
ÀEA
L xÀ où xÀ E MÀ pour tout À E A, et où la famille {xÀheA est à support
ÀEA
fini. Par la définition de somme directe appliquée aux injections canoniques
Mµ ---+ L MÀ, il existe une application A-linéaire f :
ÀEA
MÀ ---+ L MÀ définie œ
ÀEA ÀEA
par
(xÀheA 1--+ L xÀ.
ÀEA

En particulier, f est évidemment un épimorphisme. Si f est un isomorphisme,


de telle sorte que œ
MÀ .=. L MÀ, on dit que la somme L MÀ est directe.
ÀEA ÀEA ÀEA

PROPOSITION 2.5. Soit {MÀheA une famille de sous-modules d'un module


M. Les conditions suivantes sont équivalentes :
{i) La somme L MÀ est directe.
ÀEA

(ii) Pour tout À E A, on a MÀ n ( L Mµ) = O.


µ'#À
{iii) Si L xÀ = 0 avec (xÀheA une famille à support fini telle que xÀ E MÀ
ÀEA
pour tout À E A, alors xÀ = 0 pour tout À E A.
(iv) Tout x E L MÀ s'écrit uniquement sous la forme x = L xÀ avec
ÀEA ÀEA
(xÀheA une famille à support fini telle que xÀ E MÀ pour tout À E A.

DÉMONSTRATION. {i) implique (ii). Supposons la somme L MÀ directe et


ÀEA

soit xÀ = Lx,.,. E MÀ n (LM,.,.). Alors -xÀ +LXµ= O. Soit y= (Y11) 11eA


µ'#À µ# µ'#À
défini par yÀ = -xÀ et Yv = X11 pour v 1' À, alors f(y) = O. Comme f est un
isomorphisme, y= 0 et donc xÀ =O.
(ii) implique (iii). Si L xÀ = 0 alors, pour tout À E A, on a -xÀ = LXµ E
ÀEA µ'#À

MÀ n (LMµ) =o. Donc XÀ =o.


µ'#À
(iii) implique (i). En effet, (iii) exprime exactement que le noyau de f est nul.
(iii) et (iv) sont équivalentes. En effet, si L xÀ = L yÀ avec (xÀheA
ÀEA ÀEA
et (YÀheA à support fini et telles que xÀ, yÀ E MÀ pour tout À E A, alors
2. PRODUITS ET SOMMES DIRECTES 57

L (xÀ - yÀ) = 0 donne xÀ = yÀ pour tout À E A. Réciproquement, si xÀ = L


ÀEA ÀEA
0, l'unicité de l'écriture de 0 E M donne xÀ = 0 pour tout À E A. D
Si un module M est la somme directe de deux sous-modules Mi et M2, on dit
que Mi et M2 sont supplémentaires (dans M). D'après la proposition précédente,
c'est le cas si et seulement si M =Mi +M2 et Mi nM2 =O. Enfin, on dit qu'un
sous-module N de Men est un facteur direct s'il existe un sous-module L de M
tel que M .=. N E9 L.

THÉORÈME 2.6. Soient, dans une catégorieC, deux familles d'objets (MÀheA

et (Na)aeE• (qÀ: MÀ---+ Ef)Mµ) les injections associées à la somme di-


µEA ÀEA

recte de la première famille, et (Pa : II Nw ---+ Na) les projections associées


weE aEE
au produit de la seconde famille. Alors il existe une bijection canonique

Home (E9 MÀ, II Na) .=. II Home (MÀ, Na)


ÀEA aEE (À,a)EAxE

donnée par f 1-+ (pafqÀ)(À,a)eAxE·

DÉMONSTRATION. En effet, le diagramme

-- /

p.,/q>.
-----+

montre bien qu'on a affaire à une application. Elle est surjective, car si

(gaÀ: MÀ---+ Na)(À,a)EAxE

est un élément de II Home (MÀ, Na), alors, pour chaque À E A, la pro-


(À,a)EAxE
priété universelle de IINw permet de définir un morphisme hÀ: MÀ---+ IINw
~E ~E

tel que PahÀ = 9aÀ pour tout u E E, et puis la propriété universelle de E9 Mµ


µEA
permet de définir un morphisme f : E9 Mµ II Nw tel que f qÀ = hÀ pour
---+
µEA wEE
tout À E A. On a bien 9aÀ = PahÀ = PafqÀ pour tous À E A et u E E. Enfin,
cette application est injective, car si PafqÀ = Paf'qÀ pour tous À E A et u E E,
l'unicité dans la définition du produit entraîne que fqÀ = fq). pour tout À E A
et l'unicité dans la définition de la somme directe entraîne que f = f'. D
58 III. CATÉGORIES DE MODULES

COROLLAIRE 2.7. SoientA uneK-algèbre, (MÀheA et(N.,.).,.e-r; deuxfamilles

de A-modules, (qÀ : MÀ -+ E9 Mµ) les injections associées à la somme di-


µEA ÀEA
recte de la première famille et (p.,. : II Nw -+ N.,.) les projections associées
wE'E aE'E
au produit de la seconde famille. Il existe un isomorphisme de K -modules

HomA (E9MÀ, N.,.) .::. II II


HomA (MÀ,N.,.)
ÀEA aE'E (À,a)EAX'E
donné par f 1-+ (p.,.fqÀ)(À,a)eAx'E'
DÉMONSTRATION. Il suffit d'établir que l'application donnée est K-linéaire,
ce qui se fait aisément au moyen des formules de (11.5). D
COROLLAIRE 2.8. Soient A une K-algèbre, (N.,.).,.e-r; une famille de A-modu-

les, (p.,.: II Nw-+ N.,.) les projections associées à son produit et M un


wE'E aE'E
A-module. Il existe un isomorphisme de K-modules

HomA (M, II N.,.) -=. II HomA (M, N.,.)


aE'E aE'E
donné par f 1-+ (p.,.J).,.e-r;· D
COROLLAIRE 2.9. Soient A une K -algèbre, (MÀ) ÀEA une famille de A-modu-

les, (qÀ : MÀ-+ E9 Mµ) les injections associées à sa somme directe et N


µEA ÀEA
un A-module. Il existe un isomorphisme de K -modules

HomA (œ ÀEA
MÀ, N) .: . ÀEA
II HomA (MÀ, N)
donné par f 1-+ (f qÀ) ÀEA · D
Notons que le foncteur covariant HomA(M, -) préserve les produits et que le
foncteur contravariant HomA (- , N) transforme les sommes en produits.
Il existe un cas particulier dont l'étude nous permettra d'utiliser une notation
matricielle. Soient M11 ... , Mm et N11 ... , Nn des A-modules. On note
H = (HomA (M;, Ni)]
HomA (Mi, Ni) HomA (M2, Ni) HomA (Mm, Ni)]
[ HomA (Mi,N2) HomA (M2, N2) HomA (Mm, N2)
=
HomA (Mi,Nn) HomA (Mm, Nn)
2. PRODUITS ET SOMMES DIRECTES 59

l'ensemble des n x m matrices de la forme


fu /12
[J,,··]-
- [ h1
: h2
:
fim]
hm

fnl fn2 fnm


où fi;: M;--+ Ni est A-linéaire. Si on définit, pour [fi;], (gi;] EH et a,{3 E K
[fi;]a + [gi;]/3 = [fi;Ot. + 9i;/3]
il est clair que H est muni d'une structure de K-module.
COROLLAIRE 2.10. Avec les notations précédentes, on a un isomorphisme de
K-modules

n
donné par f 1-+ [pifq;] où Pi : EJ1Nk --+ Ni est la projection canonique et
k=l
m
q; : M; --+ E9 Mt l'injection canonique.
l=l
n n
DÉMONSTRATION. En tant que A-modules, on a EJ1 Ni = II Ni. Il ne reste
i=l i=l
plus qu'à appliquer (2.6) en retenant que H est isomorphe (en tant que K-
module) au produit II
HomA (M;, Ni).D
(i,j)

Le corollaire précédent revêt toute son importance si les M; coïncident avec


les Ni. Dans ce cas, on a un isomorphisme de K-modules

H-=. HomA ($ $
3=1
M;,
3=1
M;) = EndA ($ 3=1
M;) .

Or le terme de droite est une K-algèbre. Nous allons montrer que H est aussi une
K-algèbre et que l'isomorphisme précédent est un isomorphisme de K-algèbres.
En effet, on peut définir une multiplication dans H comme on le fait ordinaire-
ment pour les matrices, c'est-à-dire par la règle

m
où hi;= L9ikfk; E HomA (M;, Mi)·
k=l

PROPOSITION 2.11. Avec les définitions précédentes, H est une K-algèbre

isomorphe à EndA ($
1=1
M;) .
60 III. CATÉGORIES DE MODULES

DÉMONSTRATION. Il est facile de vérifier que H est une K-algèbre. Pour


montrer le deuxième énoncé, il faut montrer que l'isomorphisme de K-modules

tp: EndA ($M;)


3=1
-+ H défini dans (2.10) par f 1-+ [pdq;] est un morphisme

d'algèbres. Pour cela, observons que les Pi et q; satisfont aux identités Q1P1 +
Q2P2 + · · · + QmPm = lœM; 1 P;Q; = lM; pour tout j et PiQi = 0 pour i ~ j. On
voit donc immédiatement que tp {lœM;) = [piq;] est la matrice identité. Soient

donc /, g E EndA ($ 3=1


M;) . Alors

ip(gf) = [Pi9/q;] = [Pi9 (2:;;'=1 QkPk) fq;]


= [2:;;'=1 (pigqk) (pkfq;)] = [Pi9Qk] [Pkfq;]
= ip(g)ip(f). D
COROLLAIRE 2.12. Soient A une K-algèbre, M un A-module, alors
EndA ( M(n)) ..; Mn (EndA(M)). 0
COROLLAIRE 2.13. Soient A une K-algèbre, Mi, ... , Mm des A-modules tels

queHomA(Mi,M;)=Opouri~j. AlorsEndA(~Mi)..; fiEndAMi. 0

3. Modules libres
Soit M un A-module. Un ensemble (xÀheA d'éléments de M est dit libre ou
linéairement indépendant si, pour toute famille (aÀheA d'éléments de A telle que
(xÀaÀheA soit à support fini, la relation L xÀaÀ = 0 entraîne aÀ = 0 pour tout
ÀEA
À E A. Un ensemble X qui n'est pas libre est dit lié ou linéairement dépendant.
Une base d'un module M est par définition une famille libre d'éléments de M
qui engendre ce dernier. Bien sûr, il n'est pas vrai que tout module ait une base.
Par exemple, si M est un groupe abélien d'ordre fini n, toute famille non vide
d'éléments est liée (car, pour x dans cette famille, on a xn = 0), donc M n'a pas
de base. La notion de base est liée à la propriété universelle suivante.
DÉFINITION. Soit X un ensemble. Un A-module libre sur X est la donnée
d'un A-module L(X)A et d'une application jx : X-+ L(X) telle que, si M est
un A-module et si f : X -+ M est une application, alors il existe un unique
morphisme de A-modules 1: L(X) -+ M tel que f jx = f.
X ~ L(X)

~ M
11
Il est utile de reformuler l'unicité comme suit : si /, g : L(X) -+ M sont deux
applications linéaires telles que f ix = gjx, alors f = g.
3. MODULES LIBRES 61

LEMME 3.1. Soit X un ensemble. Un module libre sur X, s'il existe, est
unique à isomorphisme près.

DÉMONSTRATION. Nous avons déjà utilisé ce raisonnement (voir (2.1)), nous


allons néanmoins le répéter. Soient L, L' deux modules libres sur X et j : X-+ L,
j' : X -+ L' les applications correspondantes. Il suit de la définition qu'il existe
des applications A-linéaires f : L -+ L' et f' : L' -+ L telles que j' = fj et
j = f'j'.
j
X ---+ L
lx 1 j'
11
X ---+ L'
lx 1 j
l1'
X ---+ L
Mais alors ld = j = f' fj et l'unicité donne f' f = lL. De même, f f' = lL. D
THÉORÈME 3.2. Pour tout ensemble X, il existe un A-module libre sur X,
unique à isomorphisme près.

DÉMONSTRATION. Il suffit d'établir l'existence. Soit L(X) = A~x) (à savoir


une somme directe de copies du A-module AA, indexée par X (voir la section
2)) et jx : X -+ L(X), À 1--+ eÀ = (e~) µEX où e~ = 1 tandis que e~ = 0 siµ =f. À.
En particulier, tout élément de L(X) s'écrit L eÀaÀ avec (aÀhex une famille
ÀEX
d'éléments de A à support fini. Si f est une application de X dans un A-module,
la seule application linéaire 7: L(X)-+ M telle que lix = f est définie par

Comme çette dernière formule définit bien une application linéaire, la démons-
tration se trouve achevée. D

Par abus de langage, on appellera L(X) le module libre sur X. Un module L


est dit libre s'il existe un ensemble X tel que L ..::+ L(X).
Donnons un exemple. Un élément du module libre L(N)K = K(N) est une
suite (xn)neN d'éléments de K telle que Xn = 0 sauf pour un nombre fini de
n, ce qui revient à dire qu'il existe no E N tel que n ~ no entraîne Xn = O.
Comme par ailleurs les opérations de K(N) se font par coordonnées, on en déduit
un isomorphisme de K-modules K(N) ..::+ K[t].
Comme nous l'avions dit, la notion de module libre est liée à celle de base.

THÉORÈME 3.3. Un A-module Lest libre si et seulement s'il possède une base.
62 III. CATÉGORIES DE MODULES

DÉMONSTRATION. Si L = L(X) pour un X, alors L..::.A<x>. On affirme que


l'ensemble des éléments eÀ = ( e!) µEX définis par e~ = 1 et e! = 0 si À =F µ,
constitue une base de L. Comme tout élément de L(X) s'écrit sous la forme
L eÀaÀ avec (aÀhex une famille d'éléments de A à support fini, alors les eÀ
ÀEX
engendrent L. Quant à l'indépendance linéaire, on observe que eÀaÀ = 0 L
ÀEX
signifie que (aÀhex = 0 dans A(X) Ç Ax. Donc aÀ = 0 pour tout À.
Réciproquement, si L admet une base notée (eÀ) ÀEX' on affirme que L..::.L(X).
Soit en effet j : X --+ L donnée par À 1-+ eÀ. Si f est une application de X dans
un A-module M, on prend, pour chaque i E L, sa décomposition (unique par
définition) en combinaison linéaire des termes de la base i = L
eÀaÀ. Alors 7
ÀEX
donnée par

](i) = 7 (L
ÀEX
eÀaÀ) = 7 (L
ÀEX
j(À)aÀ) = L
ÀEX
(lj) (.X)aÀ = L
ÀEX
f(.X)aÀ

est la seule application A-linéaire telle que ]j = f

X ~L
~17
M.O
On voit que, si L = L(X) est un module libre sur X, alors X s'identifie à
une base de L. La propriété universelle définissant un module libre consiste en
ce qu'une application linéaire dont la source est un module libre est uniquement
déterminée par les valeurs qu'elle prend sur une base de celui-ci. C'est ce qu'on
appelle en algèbre élémentaire le théorème du prolongement linéaire.
Nous avons un théorème classique d'existence.

PROPOSITION 3.4. Soit A un corps (peut-être gauche). Si X engendre le A-


module M et E est une partie libre contenue dans X, alors il existe une base B
de M telle que E Ç B Ç X.

DÉMONSTRATION. On considère l'ensemble e


des parties E' de M qui sont
e
libres et telles que E Ç E' Ç X. Cet ensemble est ordonné par inclusion et
non vide (car E E &). Si :Fest une chaîne contenue danse et E" = UYe:F Y,
alors E" est libre (car toute partie finie de E" est dans un Y), donc E" est un
e
majorant pour :F. Le lemme de Zorn entraîne que a un élément maximal B.
Comme B est libre, il reste à montrer que B engendre M, et pour cela il suffit de
montrer (puisque X engendre M) que tout x E X est une combinaison linéaire
d'éléments de B. Six E B, il n'y a rien à prouver. Six</. B, la maximalité de
B entraîne que BU {x} n'est pas libre, donc il existe une combinaison linéaire
3. MODULES LIBRES 63

xa +L xÀaÀ = 0 avec 0 =F a E A, aÀ E A et xÀ E B. Par conséquent


À
x = - ExÀaÀa-i. D
À

COROLLAIRE 3.5. Soit A un corps (peut-être gauche). Tout A-module est


libre. D
Dans cette situation, tout A-module est un A-espace vectoriel et on vient de
montrer que tout A-espace vectoriel admet une base.
PROPOSITION 3.6. Tout A-module M est quotient d'un A-module libre L. En
outre, si M est de type fini, L peut aussi être choisi de type fini.
DÉMONSTRATION. Soient MA un A-module et X une partie de M qui engen-
dre celui-ci (par exemple X= M). L'inclusion i: X-+ M induit un morphisme
f : A (X) -+ M rendant commutatif le diagramme

X ~ A(X)

~ M.
11
Comme tout x E M est une combinaison linéaire des éléments de X (et l'image
de f contient X), alors f est un épimorphisme.
Si M est de type fini, et engendré par {xi, ... , Xn}, on peut appliquer le
même raisonnement avec L = A(n) de base {ei. ... , en}· Le morphisme f est
alors défini par f (ei) = Xi (où 1 ~ i ~ n) et la propriété universelle de A (n). D
COROLLAIRE 3.7. Soit M un A-module. Il existe une suite exacte Li --+
Lo --+ M --+ 0 avec Lo et Li libres.
DÉMONSTRATION. On applique la proposition successivement à M et au
noyau de l'épimorphisme Lo-+ M. D
Une telle suite exacte s'appelle une présentation libre de M. Si en outre Lo et
Li sont de type fini, on dit que M est de présentation finie. S'il est évident que
tout module de présentation finie est nécessairement de type fini, la réciproque
n'est pas vraie : si M est de type fini, on peut, d'après {3.6), choisir Lo de
type fini, mais le noyau de Lo -+ M n'est généralement pas de type fini et par
conséquent Li non plus n'est généralement pas de type fini. Ce point sera traité
plus longuement au chapitre VI.
Une présentation libre d'un module peut être considérée comme une approxi-
mation de ce module par des modules libres. L'existence de présentations libres
est utile quand un calcul s'opère plus facilement sur un module libre que sur un
module arbitraire, à condition, bien sûr, que ce calcul soit compatible avec le
passage aux conoyaux. Nous verrons plusieurs exemples de tels calculs.
Il existe un procédé standard d'utilisation de la propriété universelle définis-
sant un module libre pour construire un foncteur Ens -+ Mod A. Ce procédé
s'appelle la Jonctorisation.
64 III. CATÉGORIES DE MODULES

Soient X, Y deux ensembles et f: X-+ Y une application. Il suit de la pro-


priété universelle définissant les modules libres qu'il existe un unique morphisme
de A-modules L(f) : L(X) -+ L(Y) rendant commutatif le carré
jx
X -----+ L(X)

il lL(!)
1

jy
y -----+ L(Y)

Il est évident que L(lx) = lL(X)· Soient d'autre part deux applications f :
X -+ Y et g : Y -+ Z. On a un diagramme commutatif :
jx
X -----+ L(X)

il lL(!)
1

jy
y -----+ L(Y)

gl lL(g)
1

jz
z ----+ L(Z)

Donc L(g)L(f)jx = jzgf = L(gf)jx et, par suite de l'unicité, L(gf) =


L(g)L(f). Ainsi L: Ens-+ ModA est un foncteur covariant.
Cela nous permet d'énoncer de façon élégante la propriété universelle : en
effet, celle-ci dit que, pour tout A-module M et tout ensemble X, on a une
bijection
HomEns(X, M)..::. HomA(L(X), M)
où, à gauche, M est considéré comme un ensemble (c'est-à-dire est l'image du A-
module M par le foncteur oubli ModA-+ Ens). Cela nous amène à la définition.
DÉFINITION. Soient C, 'D deux catégories, F : C -+ 'D et G : 'D -+ C deux
foncteurs. On dit que F est adjoint à gauche de G ou que G est adjoint à droite
de F, ou que la paire (F, G) est une paire adjointe si, pour chaque objet X de C
et chaque objet M de 'D, il existe une bijection

'PX,M: Homc(X,GM)..::. Homv(FX,M)


et si celle-ci est fonctorielle en chaque variable.
Si par exemple F et G sont covariants, la dernière phrase s'explicite en disant
que, si f : X -+ Y est un morphisme de C et si u : M -+ N est un morphisme de
'D, les diagrammes suivants sont commutatifs:
'PX,M
Homc(X,GM) ----+ Homv(FX,M)
Homc(/,GM) î 'PY,M
î
Hom'D(Fl,M)

Homc(Y,GM) ---+ Homv(FY,M)


3. MODULES LIBRES 65

'PX,M
Homc(X,GM) ---+ Homv(FX,M)
Homc(X,Gu) l 'PX,N
l Homv(FX,u)

Homc(X,GN) ---+ Homv(FX,N)


On a vu plus haut que le foncteur module libre L : Ens -+ Mod A est adjoint
à gauche du foncteur oubli (la démonstration de la fonctorialité est un exercice
facile laissé au lecteur). Nous verrons d'autres exemples d'adjonctions plus loin.
Pour clore cette section, nous montrerons que l'on peut définir une notion
d'objet libre dans la catégorie des K-algèbres, de la même façon que nous avons
défini la notion de module libre.

DÉFINITION. Soit X un ensemble. Une K-algèbre libre sur X est la donnée


d'une K-algèbre K(X) et d'une application j : X -+ K(X) telle que, si A est
une K-algèbre et si f : X -+ A est une application, alors il existe un unique
morphisme de K-algèbres J: K(X)-+ A tel que fj = f.
X ~K(X)

~il A

THÉORÈME 3.8. Pour tout ensemble X, il existe une K-algèbre libre K(X)
sur X, unique à isomorphisme près.

DÉMONSTRATION. L'universalité garantissant l'unicité, il suffit de montrer


l'existence. Soit M(X) l'ensemble des mots sur l'alphabet X = {x..\ 1 À E A}, à
savoir l'ensemble des suites finies d'éléments de X, y compris la suite vide (notée
1). On définit K(X) comme étant le K-module libre de base M(X) : donc
K(X) = K(M(X)) en tant que K-module. Si on note Xu = X,\ 1 • • • X..\m pour
toute suite d'indices a= (..Xi. ... , Àm}, chaque élément de K(X) s'écrit unique-
ment x = LXuau, où la somme porte sur toutes les suites finies a d'éléments
U
de A, et (au )u est une famille d'éléments de K à support fini. On définit la
multiplication de deux vecteurs de base par juxtaposition : si a= (..Xi, ... , Àm)
et p = (pi, ... , Pn) alors XuXp = Xup où ap = (..X1 1 ••• , Àm, pi, ... , Pn) et on pro-
longe par bilinéarité : si x = L Xuau et y = L Xp{Jp, alors xy = L Xupauf3p·
U p u,p
Il ne reste plus qu'à vérifier la propriété universelle. On prend évidemment j
égale à l'inclusion canonique de X dans K(X). Si la paire (A,!) est comme
dans la définition, le seul morphisme de K-algèbres J : K (X) -+ A tel que

fj = f est donné par J ( ~ Xuau) = ~ auau où, pour a = (..Xi, ... , Àm) 1 on

a au = f (xu) = f (X,\ f (x..\


1) 2) • • • f (x..\m). D

Par abus de langage, on dira encore que K (X) est l'algèbre libre sur X.
66 Ill CATÉGORIES DE MODULES

Par exemple, si X= {t}, alors K(X} = K[t). Notons que, six et y sont deux
éléments distincts de X, alors xy-:/:- yx dans K(X} : par conséquent, K(X} n'est
pas commutative si card X > 1.

4. Catégories linéaires et abéliennes


DÉFINITION. Soit K un anneau commutatif. Une catégorie C est dite K -
linéaire (ou simplement linéaire, si aucune confusion n'est à craindre) si :
{Ll) Pour toute paire d'objets X, Y de C, l'ensemble Homc{X, Y) est un K-
module.
{L2) La composition de C est compatible avec la structure de K-module des
ensembles de morphismes (c'est-à-dire est K-bilinéaire) :

9 0 (/10:1 + /20:2) = (9 0 fi) 0!1+(90 h) 0!2


(91/31 + 92/32) 0 f = (91 0 !) /31 + (92 0 !) /32

si /,fi, h : X-+ Y, 9, 9i. 92 : Y-+ Z et o:i, 0:2, /3i. /32 E K.


{L3) Toute famille finie d'objets de C admet un produit et une somme directe
dans C.

Une catégorie Z-linéaire est dite additive. Donc, pour tout K, une catégorie
K-linéaire est additive.
Soit X un objet d'une catégorie K-linéaire C. Il suit de {Ll) et {L2) que
le K-module Endc X est une K-algèbre. Cette remarque nous sera d'un grand
service par la suite.

EXEMPLES 4.1. (a) Pour toute K-algèbre A, ModA est K-linéaire.


{b) Ens et Gr, comme Top, ne sont pas linéaires.
(c) On sait que Ab{= ModZ) est Z-linéaire. Soit DivZ la sous-catégorie
pleine de Ab formée des groupes abéliens divisibles, c'est-à-dire des groupes G
tels que nG = G pour tout n e N. Alors Div Z est aussi Z-linéaire : il suffit de
vérifier que toute famille finie de groupes divisibles a une somme directe et un
produit qui sont divisibles. Soient G, H deux groupes divisibles. Alors nG = G
et nH = H pour tout n EN. Soient 9 E G, h EH. Pour tout n EN, il existe
9 1 e G et h' e H tels que 9 = n9', h = nh'. Donc 9 + h = n(9' + h') e n(G œH)
et G œH Ç n(G œH). Comme l'inclusion inverse est triviale, on a l'égalité. De
même pour le produit.
{d) On considère, pour un corps K, la catégorie des triplets (E,F,f) où E,F
sont deux K-espaces vectoriels et f: E-+ Fest linéaire (voir exemple {1.l){h)).
Cette catégorie est K-linéaire.
(e) Soient K un corps et I un ensemble ordonné fini. Un espace vectoriel
filtré est la donnée d'un K-espace vectoriel E muni d'une famille de sous-espaces
(Ei)iel compatible avec l'ordre de I, c'est-à-dire telle que i:::; j entraîne Ei Ç E;.
Un morphisme f : {E, (Ei)iel) -+ (F, (Fï)iei) est une application K-linéaire
f: E-+ F telle que f (Ei) Ç Fi pour tout i et la composition est la composition
usuelle des applications. Cela donne une catégorie I-Esp qui est K-linéaire.
{f) Si C est K-linéaire, C0 P l'est aussi.
4. CATÉGORIES LINÉAIRES ET ABÉLIENNES 67

La notion naturelle de foncteurs entre catégories linéaires est évidemment celle


qui préserve la structure de K-module des ensembles d'homomorphismes.

DÉFINITION. Soient K un anneau commutatif et C, V deux catégories K-


linéaires. Un foncteur F : C -+ V (covariant ou contravariant) est dit K -linéaire
si, pour chaque paire de morphismes f, g : X -+ Y de Cet chaque paire d'éléments
a,{3 E K, on a
F(fa + g{3) = F(f)a + F(g){3.

En d'autres termes, un foncteur covariant (ou contravariant) F: C-+ V est K-


linéaire si et seulement si, pour chaque paire d'objets X, Y de C, l'application de
Home (X, Y) dans Homv (F X, FY) (ou Homv (FY, F X), respectivement) définie
par f 1-+ Ff est K-linéaire (c'est-à-dire est un morphisme de K-modules).
Par exemple, si C est une catégorie K-linéaire et Mun objet de C, les foncteurs
C -+ Mod K définis par

Home(M,-): X-+ Home(M,X), f 1-+ Home(M,f)


Home(-, M) : X -+ Home(X, M), f 1-+ Home(!, M)

(voir exemple (1.2)(e)) sont K-linéaires.


À moins d'indication contraire, tous les foncteurs entre catégories K-linéaires
que nous verrons par la suite sont K-linéaires.
Venons-en à l'axiome (L3) qui affirme l'existence de sommes et de produits
finis. Si on applique l'axiome (L3) à la famille vide, on voit que le produit de cette
famille (unique à isomorphisme près) est un objet F tel que, pour tout X dans
C, il existe un unique morphisme X-+ F (qui, d'après (LI), est nécessairement
le morphisme nul) : F est appelé objet final. De même, la somme directe de
la famille vide est un objet I tel que, pour tout Y dans C, il existe un unique
morphisme I-+ Y (nécessairement nul) : I est appelé objet initial. Donc toute
catégorie K-linéaire contient un objet initial et un objet final (nous verrons plus
loin qu'ils sont isomorphes). Par exemple, dans ModA, l'objet 0 est à la fois
initial et final. Par analogie, on appelle objet nul (et on note 0) l'objet initial et
final d'une catégorie linéaire.
Nous avons déjà vu que, dans Mod A, la somme directe et le produit d'une
famille finie coïncident. Nous montrerons qu'il en est de même dans toute
catégorie linéaire (ce qui entraînera qu'objet initial et objet final coïncident).
Pour ce faire, nous aurons besoin d'une définition.

DÉFINITION. Soit {Xi,X2, ... ,Xn} une famille finie d'objets d'une catégorie
linéaire C. Un biproduit de cette famille est la donnée d'un objet X et de mor-
phismes Pi: X-+ Xi, qi: Xi-+ X (où 1 ~ i ~ n) tels que
(1) Q1P1 + q2P2 + ·· · + qnPn =lx
(2) PiQj = 0 si i i j
Piqi = lx, pour tout i.

Notons que cette notion est auto-duale (c'est-à-dire est identique à sa duale).
68 III. CATÉGORIES DE MODULES

n
Par exemple, si C = ModA, où A est une K-algèbre, on prend X= IJ Xi=
i=l
n
œxi avec Pi : X --+ Xi, et qi : Xi --+ X, respectivement la projection et
i=l
l'injection canoniques.

THÉORÈME 4.2. Soient C une catégorie linéaire et {X1, ..• , Xn} une famille
finie d'objets de C. Alors (x, (pi)l::5i::5n) est un produit des Xi si et seulement
s'il existe des morphismes (qi: Xi--+ X) 1::5i::5n tels que (X, (pi, qi)l::5i::5n) soit un
biproduit des xi.

DÉMONSTRATION. Nécessité. Afin de définir les qi, on considère pour 1 ::;;


j ::;; n, les morphismes Ôji : Xi --+ X3 définis par Ôii = lx, et Ô3;, = 0 si i f:. j.
Par définition du produit, il existe un unique morphisme q;, : Xt. --+ X tel que
p3q;, = Ôji•

n n
Il reste à montrer que LqiPi = lx. LPjqiPi =
i=l i=l
n
L ô3;,Pi = p3 = P3 · lx pour chaque 1 ::;; j ::;; n, et l'unicité dans la définition du
i=l
n
produit donne bien L q;,pi = lx.
i=l
Suffisance. Il suffit de vérifier que {X, (p;,)i) satisfait à la propriété universelle.
Or, si{/;,: Y--+ Xi)i<i<n est une famille donnée de morphismes et si f: Y--+ X

est tel que pif = /~ ~our tout i, alors nécessairement f = (t


i=l
q;,pi) f =

n
Réciproquement, f = L qifi satisfait à p3/ = fj pour tout j. D
i=l
4. CATÉGORIES LINÉAIRES ET ABÉLIENNES 69

THÉORÈME 4.3. Soient C une catégorie linéaire et {X1 , ••• , Xn} une famille
finie d'objets de C. Alors (X, (qi)i:::::;i:::::;n) est une somme directe des Xi si et seule-
ment s'il existe des morphismes (pi : X --+ Xi) l:5 i:5 n tels que (X, (Pi, qi) 1:5i:5n)
soit un biproduit des Xi.
DÉMONSTRATION. Duale de la précédente et laissée au lecteur. O
On déduit de ces deux théorèmes le corollaire suivant :
COROLLAIRE 4.4. Soit C une catégorie linéaire. Pour toute famille finie d'ob-
jets de C, le produit et la somme directe sont isomorphes. En particulier, l'objet
initial et l'objet final de C sont isomorphes. O
Ce résultat justifie d'appeler objet nul de C (et de noter 0) tout objet initial
et final de C. Il est clair que, si F : C --+ V est un foncteur linéaire entre deux
catégories linéaires C, V, on a F{O) =O.
La terminologie employée pour les applications linéaires s'applique manifeste-
ment aux morphismes d'une catégorie linéaire.
DÉFINITION. Soit C une catégorie linéaire.
{i) Un morphisme f de C est un monomorphisme si f g = f h implique g = h
ou, de façon équivalente, si f g =::= 0 implique g = O.
(ii) Un morphisme f de C est un épimorphisme si gf = hf implique g = h
ou, de façon équivalente, si gf = 0 implique g =O.
Ces notions sont évidemment duales l'une de l'autre.
EXEMPLES 4.5. (a) Dans Mod A, les monomorphismes (ou les épimorphismes)
coïncident avec les morphismes injectifs (ou surjectifs, respectivement) (voir
(II. 2.3)). Plus généralement, dans une catégorie concrète, les morphismes injec-
tifs (ou surjectifs) sont des monomorphismes (ou des épimorphismes, respective-
ment), mais la réciproque est fausse comme le montre l'exemple suivant.
(b) On considère la catégorie Z-linéaire Div Z de l'exemple {4.l){c). Il est aisé
de voir que Q est un objet de Div Z et que, si G est un groupe abélien divisible,
alors tout quotient de G en est un aussi (par exemple, Q/Z est divisible). Le
morphisme canonique p : Q --+ Q/Z est un monomorphisme dans Div Z. En
effet, si f : G --+ Q est un morphisme non nul, alors il existe a E G tel que
f(a) = ; =f. 0 et s =f. ±1 (sinon, en effet, lm/ Ç Z, qui n'est pas divisible, alors
que lm/ l'est). Soit b E G tel que rb = a. Alors rf(b) = f(a) = ; donne
f(b) = !· Par conséquent (pf)(b) =f. O. On a montré que f =f. 0 implique pf =f. 0:
p est bien un monomorphisme, mais n'est pas injectif.
(c) Pour les lecteurs quelque peu familiers avec les groupes topologiques, on
prend C la catégorie dont les objets sont les groupes abéliens topologiques séparés,
et les morphismes sont les homomorphismes continus. Cette catégorie est Z-
linéaire. On affirme qu'un morphisme f : X --+ Y de C est un épimorphisme
si et seulement si lm/ est dense dans Y. En effet, si la fermeture Y' de lm/
est distincte de Y, le quotient Y/Y' est un objet de C. Soit g : Y --+ Y/Y'
l'application canonique. Comme Y' =f. Y, on a g =f. O. Mais gf = 0, donc f
n'est pas un épimorphisme. Réciproquement, supposons que Z est un objet de
70 III. CATÉGORIES DE MODULES

C et que g : Y ---+ Z est tel que gf = 0 =Of. Alors les applications continues
g et 0 coïncident sur Im f qui est dense dans Y. Donc g = O. Par conséquent,
considérons l'inclusion Q---+ ~- On vient de montrer qu'elle est un épimorphisme.
Elle est aussi un monomorphisme, mais, bien sûr, pas un isomorphisme.

Les propriétés suivantes des monomorphismes et épimorphismes sont faciles


à vérifier.
{i) Si fg est un monomorphisme, g en est un aussi.
{ii) Si f et g sont des monomorphismes et si fg existe, alors fg est un
monomorphisme.
(iii) Si fg est un épimorphisme, f en est un aussi.
(iv) Si f et g sont des épimorphismes et si fg existe, alors fg est un épimor-
phisme.
(v) Si f est un isomorphisme, alors f est un monomorphisme et un épimor-
phisme.
La démonstration est laissée au lecteur. Notons que la réciproque de (v)
n'est pas vraie en général, comme le montrent les exemples (4.5){b){c). Elle est
cependant vraie dans la catégorie Mod A, où A est une K-algèbre.

DÉFINITIONS. Soit X un objet d'une catégorie linéaire C. Un sous-objet de


f : Y ---+ X un monomor-
X est une paire {Y,!) telle que Y soit un objet de C et
phisme. Un objet quotient de X est une paire (Z,g) telle que Z soit un objet de
C et g : X ---+ Z un épimorphisme.
Ces notions sont encore duales l'une de l'autre. Si par exemple C = Mod A, on
retrouve les notions usuelles de sous-module et de module quotient. De même,
on peut définir des notions de noyau et de conoyau dans une catégorie linéaire.

DÉFINITION. Soit f : X ---+ Y un morphisme d'une catégorie linéaire C. Un


noyau de f est une paire (U, u), où U est un objet de C et u : U ---+ X un
morphisme tel que :
i) fu =O.
ii) Si u' : U' ---+X est un morphisme tel que fu' = O, il existe un unique
morphisme g: U'---+ U tel que u' = ug.
u f
U ---+ X ---+ Y

î /.
g 1 u
U'
Il n'est pas évident qu'un morphisme donné fait un noyau dans C mais, si
tel est le cas, celui-ci est unique (par un raisonnement maintenant familier) à
isomorphisme près. On note alors U = Ker f et u = ker f. Dans Mod A, on a
vu (exercice {II.10}} que cette notion coïncide avec la notion classique de noyau.
Si (U, u) est un noyau de f : X ---+ Y, alors il est un sous-objet de X : en
effet, pour montrer que u : U ---+ X est un monomorphisme, supposons uv = 0
avec v : V ---+ U. Alors uv = 0 = uO donne, par l'unicité, v = O.
4. CATÉGORIES LINÉAIRES ET ABÉLIENNES 71

La notion duale est la suivante.


DÉFINITION. Soit f : X -+ Y un morphisme d'une catégorie linéaire C. Un
conoyau de f est une paire {U, u), où U est un objet de C et où u : Y -+ U est
un morphisme tel que :
i) uf =O.
ii) Si u' : Y -+ U' est un morphisme tel que u' f = 0, il existe un unique
morphisme g : U -+ U' tel que gu = u'.

X__!__

Il n'est pas évident qu'un morphisme donné fait un conoyau dans C mais, si
tel est le cas, celui-ci est unique à isomorphisme près. On note alors U = Coker f
et u = coker f. Dans ModA, on a vu (exercice (11.11)) que cette notion coïncide
avec la notion classique de conoyau.
Enfin, on montre aisément que tout conoyau de f : X -+ Y est un objet
quotient de Y.
LEMME 4.6. Soit C une catégorie linéaire.
(i) f est un monomorphisme si et seulement si Ker f =O.
(ii) f est un épimorphisme si et seulement si Coker f =O.
DÉMONSTRATION. Résulte immédiatement des définitions. D
Pour arriver à la notion de factorisation canonique d'un morphisme, nous
devons d'abord définir la notion d'image (ainsi que la notion duale).
DÉFINITION. Soient C une catégorie linéaire et f : X -+ Y un morphisme de
C. On définit l'image lm f et la co-image Coim f de f par :
lm/= Ker{coker /),
Coim f = Coker{ker !) .
Ces objets n'existent pas toujours mais, s'ils existent, ils sont uniques à iso-
morphisme près. On affirme que dans le diagramme résultant :
u f V
Ker/ -----+ X -----+ y -----+ Coker f
pl îj
7
Coim/ ---+ lm/
{où p: X -+ Cokeru, j : Kerv-+ Y sont les morphismes dont l'existence est
assurée respectivement par la définition du conoyau et par celle du noyau) il
72 III. CATÉGORIES DE MODULES

existe un unique morphisme f: Coim/--+ lm/ tel que f = jfp. Le morphisme


f est dit canonique, et la factorisation f = jfp est appelée la factorisation ou la
décomposition canonique de f.
En effet, comme vf = 0, il existe un morphisme h: X--+ lm/ tel que f = jh
(car j = kerv). Alors jhu = 0 donne hu = 0 car j est un monomorphisme.
Donc il existe f : Coim/ --+ lm/ tel que fp = h (car p = cokeru). On a
bien jfp = jh = f. Cela donne l'existence. L'unicité vient de ce que j est un
monomorphisme et p un épimorphisme.
Par exemple, si C = Mod A, alors

Coker(ker /)-=+X/Ker f
tandis que
Ker(coker !) = f(X)
et il résulte de (II. 4.1) que f est un isomorphisme. Cela nous conduit à donner
la définition.

DÉFINITION. Une catégorie K-linéaire C est dite K -abélienne (ou simplement


abélienne, si aucune confusion n'est à craindre) si :
(Abl) Tout morphisme de C admet un noyau et un conoyau.
(Ab2) Pour tout morphisme f de C, le morphisme canonique f est un isomor-
phisme.

Par exemple, Mod A est abélienne. Le lemme suivant montrera que Div Z ne
l'est pas. D'autre part, une catégorie C est abélienne si et seulement si C0 P l'est
aussi.
Dans une catégorie abélienne, si f : X --+ Y est un monomorphisme, on note
souvent Y/ X le conoyau de f.

LEMME 4. 7. Soient C une catégorie abélienne et f un morphisme de C qui est


à la fois un monomorphisme et un épimorphisme. Alors f est un isomorphisme.

DÉMONSTRATION. Si f est un monomorphisme, alors Ker f = 0 et lx : X --+


X est le morphisme canonique p : X --+ Coim f. De même, 1y est le mor-
phisme canonique j: lm/--+ Y. L'unicité de f donne f = f, et donc f est un
isomorphisme. 0

La notion de suite exacte se définit comme dans une catégorie de modules :


une suite d'objets et de morphismes dans une catégorie abélienne

· · · -+
X Hl J.+1
-+ xi -fi+ xi-1 - + · · ·
est un complexe si fdï+i = 0 pour tout i. Elle est dite exacte en Xi si lm /i+ 1 =
Ker k Enfin, elle est dite exacte si elle est exacte en chaque Xi. Notons que
cette définition a du sens dans des catégories telles que seul l'axiome (Abl) est
satisfait (existence de noyaux et de conoyaux) : de telles catégories sont parfois
dites pré-abéliennes.
4. CATÉGORIES LINÉAIRES ET ABÉLIENNES 73

EXEMPLES 4.8. (a) La suite 0--+ X L Y est exacte en X si et seulement


si f est un monomorphisme.
{b) La suite X L Y --+ 0 est exacte en Y si et seulement si f est un
épimorphisme.
(c) La suite 0 --+ X L Y --+ 0 est exacte si et seulement si f est un
isomorphisme.
{d) Une suite exacte de la forme

o-x...l..+y...!.....+z-o
est dite courte. Pour une telle suite, f est un monomorphisme, g un épimorphisme
et X-=. lm/= Kerg (de même, Z-=. Coker !). On dit aussi que cette suite est
une extension de X par Z.
(e) Soient X, Z deux objets d'une catégorie abélienne C, q1 : X --+ X œZ,
q2 : Z --+ X œZ les injections canoniques et P1 : X œZ --+ X, P2 : X œZ --+ Z
les projections canoniques. On affirme que la suite

o-x ~xœz ~ z-o


est exacte. En effet, il suit de p1q1 = lx que q1 est un monomorphisme et de
P2q2 = lz que P2 est un épimorphisme. Il reste à montrer que X-=. Ker P2·
On a p2q1 =O. Soit f : Y --+ X œZ tel que P2f = O. Alors f = lxœz/ =
(q1p1 + q2p2) f = q1pif = q1 (pif) avec pif: Y--+ X.
Le dernier exemple peut être généralisé.
DÉFINITION. Soit C une catégorie linéaire.
{l) Un morphisme f : X --+ Y est appelé une section de C s'il existe un
morphisme g: Y--+ X de C tel que gf =lx.
(2) Un morphisme f: X--+ Y est appelé une rétraction de C s'il existe un
morphisme g: Y--+ X de C tel que f g = ly.
Ces deux notions sont duales. Toute section est un monomorphisme et toute
rétraction est un épimorphisme. Tout isomorphisme est à la fois une section et
une rétraction. Dans l'exemple (4.B){e), q1 et q2 sont des sections tandis que
Pl et P2 sont des rétractions. En fait, nous montrerons que ces notions sont
étroitement liées à celle de somme directe.
DÉFINITION. Soit C une catégorie abélienne. Une suite exacte courte

o-xLy...!.....+z-o
est dite scindée s'il existe un isomorphisme h : Y --+ X œZ tel que le diagramme

0 -----+ X
J
-----+ y g
-----+ z -----+ 0
lx l lh llz
91 P2
0 -----+ X -----+ xœz -----+ z -----+ 0
74 III. CATÉGORIES DE MODULES

soit commutatif, où q1 : X - X E9 Z et P2 : X E9 Z - Z désignent respectivement


l'injection et la projection canoniques.
THÉORÈME 4.9. Soit 0 ---+ X L Y _!!__., Z ---+ 0 une suite exacte courte
dans une catégorie abélienne C. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) La suite est scindée.
(ii) f est une section.
(iii) g est une rétraction.
DÉMONSTRATION. On prouve l'équivalence de (i) et de (ii), celle de (i) et de
(iii) se montrant dualement.
Nécessité. Supposons la suite donnée scindée, notons q1 : X - X E9 Z,
q2 : Z - X E9 Z les injections canoniques et Pi : X E9 Z - X, P2 : X E9 Z - Z
les projections canoniques. Alors f' : Y - X définie par f' = p1h satisfait à
f' f = P1hf = P1Q1 =lx. Donc f est une section.
Suffisance. Soit f' : Y - X telle que f' f = lx. On considère 1y - f f' : Y -
Y. On a (ly - ff') f = f - f =O. Comme g = coker f, il existe un unique
g': Z - Y tel que ly - ff' = g'g. Il suffit de montrer que (Y,f,g',f',g) est
un biproduit de X et Z (d'après (4.3) ). Or on a f' f = lx, gf = O. D'autre
part, lzg = g = gly = g(ff' +g'g) = gg'g. Comme g est un épimorphisme,
gg' = lz. Enfin, g' = lyg' =(if'+ g'g)g' = ff'g' + g' donne ff'g' = 0 donc
f' g' = 0, car f est un monomorphisme. O
Si la suite exacte 0 - X - Y - Z - 0 est scindée, on a Y-=+ X E9 Z.
On dit qu'un sous-objet X de Y dans C en est un facteur direct s'il existe un
sous-objet X' de Y tel que X E9 X'-=+ Y. Si une suite exacte courte est scindée,
ses termes extrêmes sont isomorphes à des facteurs directs du terme médian.
Afin de montrer à quel point les calculs dans les catégories abéliennes ressem-
blent à ceux dans les catégories de modules, nous concluons cette section en
donnant une version catégorique (et très simplifiée) du lemme des cinq (11.3.5).
Elle nous sera utile en (5.4) et (5.9) plus bas.
LEMME 4.10. Soit, dans une catégorie abélienne C, un diagramme commutatif
à lignes exactes
U V
0 ---+ X ---+ Y ---+ Z ---+ 0
1
1
u'
gl v'
hl
0 ---+ X' ---+ Y' ---+ Z' ---+ 0 .
Si f eth sont des isomorphismes, il en est de même de g.
DÉMONSTRATION. Soit w : W - Y tel que gw = O. Alors 0 = v' gw = hvw
donne vw = 0 puisque h est un isomorphisme. Donc il existe w' : W - X tel que
w = uw'. Mais alors u' f w' = guw' = gw = O. Comme u', f sont des monomor-
phismes, w' = 0 et donc w = O. Cela montre que g est un monomorphisme.
Supposons maintenant w : Y' - W tel que wg = O. Alors 0 = wgu = wu' f
donne wu' = 0 puisque f est un isomorphisme. Donc il existe w' : Z' -
W tel que w = w'v'. Mais alors w'hv = w'v'g = O. Comme v, h sont des
5. PRODUITS FIBRÉS ET SOMMES AMALGAMÉES 75

épimorphismes, w' = 0 et donc w = O. Cela montre que 9 est un épimorphisme.


Par le lemme (4. 7), 9 est un isomorphisme. D
Donnons une application directe. Si, dans la définition d'une suite exacte
scindée (voir plus haut), il existe un morphisme h : Y --+ X œZ rendant le
diagramme donné commutatif, alors h est nécessairement un isomorphisme.

5. Produits fibrés et sommes amalgamées


Dans toute cette section, C désigne une catégorie K-linéaire.
DÉFINITION. Soient fi : X1 --+ X, h : X2 --+ X deux morphismes de C.
Un produit fibré de fi eth est la donnée d'un objet Pet de deux morphismes
Pl : P--+ Xi. P2 : P--+ X2 tels que
(i) fip1 = f2p2,
(ii) pour tout objet Y et toute paire de morphismes 91 : Y--+ Xi, 92: Y--+
X2 tels que fi91 = /292, il existe un unique morphisme 9 : Y --+ P tel
que P19 = 91 et P29 = 92·

Il résulte de l'universalité dans la définition que, si un tel produit existe, il est


unique à isomorphisme près.
EXEMPLES 5.1. (a) Soit f: X--+ Y un morphisme. Le diagramme

p -- 0
lp
J
1
X -- y
définit un produit fibré si et seulement si (P,p) est un noyau de f : les noyaux
sont donc des cas particuliers de produits fibrés.
(b) Soient Xi,X2 deux objets et Pl: X1 x X2--+ Xi, P2: X1 x X2--+ X2 les
projections canoniques. Le diagramme

-- P2

----+

définit un produit fibré : les produits sont donc des cas particuliers de produits
fibrés.
76 III. CATÉGORIES DE MODULES

Nous montrerons que, réciproquement, tout produit fibré peut être construit
à l'aide de produits et de noyaux.
THÉORÈME 5.2. Soit C une catégorie linéaire dans laquelle tout morphisme
admet un noyau. Alors toute paire de morphismes de C admet un produit fibré.
DÉMONSTRATION. Soit fi: X1-+ X, h: X2-+ X une paire de morphismes.
Notons ici ?r1 : X1 x X2-+ X1et11"2: X1 x X2-+ X2 les projections canoniques.
Nous montrerons que le noyau (P,p) de fi7r1 - f27r2 : X 1 x X2 -+X définit le
produit fibré cherché.
P2
P X2
',P ~
P>l \. X1 X X2 "> lh
X1
/wi X
fi
Posons Pl= 7r1P et P2 = 7r2P· On a bien (/111"1 - h7r2)P = 0, donc
fip1 = /i7r1P = h1r2P = hP2·
Supposons (Y, gi, g2) comme dans la définition. Il existe un unique
u: Y-+X1 X X2

tel que 11"1 u = g1, 7r2u = g2. Donc fig1 = f2g2 entraîne (/111"1 - f27r2) u = 0, d'où
un unique g : Y -+ P tel que pg = u. Par conséquent, p1g = 7r1pg = 7r1 u = g1
et de même p2g = g2. Enfin, si P19 = p1g' et p2g = p2g', alors Pl (g - g') = 0
et P2 (g - g') = 0 donnent 7r1P (g - g') = 0 et 7r2P (g - g') = O. Par conséquent,
p (g - g') = O. Comme p est un monomorphisme, g - g' = 0 et g = g'. D
COROLLAIRE 5.3. Dans une catégorie abélienne, toute paire de morphismes
admet un produit fibré. D
Par exemple, dans Mod A, toute paire de morphismes (/i. h) admet un pro-
duit fibré P et la construction précédente donne
P = {{xi,x2) E X1 x X2 I fi (x1) = h (x2)}
et pi, P2 ne sont autres que les restrictions à P des projections canoniques de
X 1 x X 2 sur X1 et X2 respectivement.
LEMME 5.4. Soient C une catégorie abélienne et
P2
---+

un produit fibré de fi et fa. Alors :


(i) Si fi est un monomorphisme, P2 l'est aussi.
(ii) Si fi est un épimorphisme, P2 l'est aussi.
5. PRODUITS FIBRÉS ET SOMMES AMALGAMÉES 77

DÉMONSTRATION. (i) Si u : U --+ P est tel que P2U = 0, alors fip1u =


f2P2u = 0 donne P1 u = 0, car fi est un monomorphisme. L'unicité donne alors
u=O.
(ii) Soit la suite
0 ---+ P -E..... X1 x X2 --!...+ X ---+ 0
où v = fi7r1 - /27r2 (comme dans la démonstration de (5.2), 7r1 : X1 x X2--+ X1
et 7r2 : X1 x X2 --+ X2 désignent les projections canoniques) et p = kerv.
Elle est exacte, car v est un épimorphisme (si en effet 11:1 : X1 --+ X1 x X2
désigne l'injection canonique, alors v11: 1 = fi est un épimorphisme) et d'autre
part p est le noyau de v. Soit w : X2 --+ W tel que wp2 = O. Alors P2 = 7r2P
donne W7r2P = O. Par conséquent, il existe g : X --+ W tel que gv = W7r2. Or
gfi = gv11:1 = W7r211:1 = O. Comme fi est un épimorphisme, g = O. Mais alors
W'Tr2 = 0 donne w = 0, puisque 7r2 est un épimorphisme. D
THÉORÈME 5.5. Soit C une catégorie abélienne. À un diagramme
X2

112
0 - Xo
- Io
- - 0 X
avec la ligne du bas exacte correspond un diagramme commutatif à lignes exactes

- l - - - PO
p
P2
0 Xo X2 0

Pll 121
- - - -
lxo
Io fi
0 Xo X1 X 0

où (P,p1,P2) est un produit fibré de fi et f2.


Réciproquement, tout diagramme commutatif à lignes exactes

0
- Xo
l
- - -p~
P'
lp~
p;
X2

112
0

- - -
lxo

0
- Xo
Io
X1
fi
X

est de cette forme : il existe un isomorphisme f : P'..; P tel que Po =


0

fp~,
Pd = Vt1 P2f = P~·
DÉMONSTRATION. Soit un diagramme à ligne exacte
X2

112
O - Xo - Io
- X
Pour compléter ce diagramme comme requis, on utilise le fait que, par (5.4), P2
- 0.

est un épimorphisme, et la propriété universelle de P appliquée à f o : Xo --+ X 1 et


78 III. CATÉGORIES DE MODULES

au morphisme nul Xo --+ X2. Il reste à prouver que Po = ker P2· Par construction,
P2Po = O. Soit u : U -+ P tel que P2U = O. Alors fiP1 u ='= f2p2u = O.
Donc il existe u' : U -+ Xo tel que fou' = P1 u. On a P2Pou' = 0 = p2u et
P1Pou' =fou'= P1U. Par l'unicité, pou'= u. Cela montre l'existence de u'. Son
unicité vient de ce que, p 1po = f o étant un monomorphisme, Po l'est aussi.
Pour la réciproque, on note que le diagramme commutatif à lignes exactes
Po P2

o~r1-~-L~
~ ,;,;~
~r\.~o
12
,//,~ Io ,/ P li
h
,/ J:
0----+ Xo X1 X----+ 0
et la propriété universelle du produit fibré donnent un morphisme f : P' -+ P
tel que pif = Vi. et P2f = P2· D'autre part, P1 (fp0) = P!Po = fo = P1Po
et P2 UPO) = P2Po = O = P2Po d'où, par l'unicité, f Po = Po· Le diagramme
ci-dessus est donc commutatif. D'après (4.10), f est un isomorphisme. D
La notion duale de celle de produit fibré est la suivante :
DÉFINITION. Soient fi : X -+ X1 1 h : X -+ X2 deux morphismes d'une
catégorie linéaire C. Une somme amalgamée de fi eth est la donnée d'un objet
Q et de deux morphismes q1 : X1 -+ Q, q2 : X2 -+ Q tels que :
(i) qif1 = q2h1
(ii) pour tout objet Y et toute paire de morphismes g1 : X1-+ Y, g2: X2-+
Y tels que gif1 = g2/2, il existe un unique morphisme g : Q -+ Y tel
que gq1 = g1 et gq2 = g2.

X _!!_. X2
1il 192

Si la somme amalgamée de deux morphismes existe, elle est unique à iso-


morphisme près. On montre que conoyaux et sommes directes sont des cas
particuliers de sommes amalgamées. En outre, on a le théorème suivant.

THÉORÈME 5.6. Soit C une catégorie linéaire dans laquelle tout morphisme
admet un conoyau. Alors toute paire de morphismes admet une somme amal-
gamée.

DÉMONSTRATION. Soient K1 : X1 -+ X1 E9 X2, K2 : X2 -+ X1 E9 X2 les


injections canoniques. Une démonstration duale à celle de (5.2) montre que Q
est fourni par le conoyau de Ki/1 - K2h : X-+ X 1 E9 X2. D
5. PRODUITS FIBRÉS ET SOMMES AMALGAMÉES 79

COROLLAIRE 5. 7. Dans une catégorie abélienne, toute paire de morphismes


admet une somme amalgamée. D

Par exemple, dans Mod A, toute paire de morphismes admet une somme
amalgamée, et la construction de (5.6) donne Q = (X1 ffJ X2) /X' avec X' =
{[ !i!c;>] E X1 ffJX2 I x EX}·
LEMME 5.8. Soient C une catégorie abélienne et
12
---+

une somme amalgamée de fi et f2. Alors:


{i) Si h est un épimorphisme, q1 l'est aussi.
(ii) Si h est un monomorphisme, qi l'est aussi.

DÉMONSTRATION. Duale de celle de (5.4) et laissée au lecteur. D

THÉORÈME 5.9. Soit C une catégorie abélienne. A un diagramme


fi Io X
---+ X1 ---+ 0 --> 0

avec la ligne du haut exacte correspond un diagramme commutatif à lignes exactes


li Io
0 ---+ X ---+ X1 ---+ Xo ---+ 0

121 q2
1 qi
qo
1 lxo

0 ---+ X2 ---+ Q ---+ Xo ---+ 0

où (Q,q11q2) est une somme amalgamée de fi eth·


Réciproquement, tout diagramme commutatif à lignes exactes
li Io
0 ---+ X ---+ X1 ---+ Xo ---+ 0

121 1q~ 1 lxo


q~ q~
0 ---+ X2 ---+ Q' ---+ Xo ---+ 0

est de cette forme, il existe un isomorphisme f : Q ..=. Q' tel que qo = q6f,
f qi = q!, f q2 = q~.

DÉMONSTRATION. Duale de celle de (5.5) et laissée au lecteur. D


80 III. CATÉGORIES DE MODULES

6. Équivalences de catégories
Dans cette dernière section, nous considérons la notion d'équivalence entre
catégories. Celle-ci correspond à la notion d'isomorphisme entre objets. Il existe
une généralisation évidente de cette dernière notion : deux catégories C et V sont
dites isomorphes s'il existe un foncteur F: C-+ V admettant un inverse (à savoir
un foncteur G: V-+ C tel que FG = lv et GF =le}. Malheureusement, cette
définition est trop restreinte pour la plupart des applications que nous avons en
vue, car elle ne tient pas compte du fait essentiel qu'à l'intérieur d'une catégorie,
deux objets isomorphes devraient être à toutes fins utiles interchangeables. Pour
expliquer ce point, considérons une catégorie C : on appelle squelette de C une
sous-catégorie pleine S de C dont la classe d'objets contient un objet et un seul de
chaque classe d'objets isomorphes dans C. Par exemple, si C est la catégorie des
espaces vectoriels de dimension finie sur un corps commutatif K, un squelette
de C est fourni par la sous-catégorie pleine formée des K-espaces vectoriels de la
forme Kn (avec n EN). Il suit de l'axiome du choix que toute catégorie C admet
un squelette. D'autre part, deux squelettes de C sont isomorphes. Si on veut
travailler à isomorphisme près, une catégorie C et un squelette S de C devraient
avoir les mêmes propriétés. Or S n'est généralement pas isomorphe à C, car un
isomorphisme induirait une bijection entre les classes d'objets de Cet de S. Par
contre, C et S sont équivalentes au sens de la définition suivante.

DÉFINITION. Deux catégories C et V sont dites équivalentes s'il existe deux


foncteurs F : C -+ V et G : V -+ C et deux isomorphismes fonctoriels FG...:; lv
et G F...:; le. Les foncteurs F et G sont alors dits quasi-inverses.

Notre objectif est de donner un critère permettant d'établir quand deux


catégories sont équivalentes. Pour cela, nous avons besoin de quelques définitions.
On sait que tout foncteur covariant F : C -+ V induit, pour chaque paire d'objets
X, Y de C, une application F : Home{X, Y) -+ Homv(FX, FY} définie par
f 1-+ F f. Le foncteur F est dit fidèle {ou plein) si cette application est injective
(ou surjective, respectivement). Il est dit dense si, pour chaque objet M de V,
il existe un objet X de C tel que M ...;px.
Un exemple permettra d'illustrer notre propos. Soient A, B deux K-algèbres,
et <p: A-+ Bun morphisme d'algèbres. On définit un foncteur F: ModB-+
ModA comme suit: à tout B-module M, on associe un A-module FM ayant la
même structure de K-module que M, mais où la multiplication par les éléments
de A est définie par
xa = x<p(a)
(pour x E M, a E A). Ce foncteur est parfois appelé foncteur de changement
des scalaires (voir {Il.1.3}{g)). Un cas particulier important est celui où <p est
surjectif: c'est le cas si et seulement si B...:; A/1, pour 1 un idéal bilatère de A.
On a le lemme suivant :

LEMME 6.1. Soit <p: A-+ B un morphisme d'algèbres, et soient M, N deux


B-modules.
6. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES 81

(a) Si f : M -+ N est B-linéaire, alors f : M -+ N est aussi A-linéaire.


Si cp est surjectif, le foncteur de changement des scalaires induit une
bijection HomA(M, N) .=. Homs(M, N).
(b) Si Ns est un sous-module de Ms, alors NA est aussi un sous-module
de MA. Si cp est surjectif, les treillis de sous-modules de Ms et de MA
sont égaux. D

La démonstration, facile à faire, est laissée au lecteur. En particulier, si cp est


surjectif, on voit que le foncteur de changement des scalaires Mod B -+ Mod A
est plein et fidèle. Il est toutefois évident que ce foncteur n'est généralement pas
dense : ÂA n'est isomorphe à aucun B-module muni de la structure induite ; en
effet, si c'était le cas, il suivrait de (b) que Ker cp = 0 et donc A.=. B.
Nous arrivons au critère cherché.

THÉORÈME 6.2. Soient C, V deux catégories. Un foncteur F : C -+ V est une


équivalence si et seulement si F est fidèle, plein et dense.

DÉMONSTRATION. Nécessité. Il est trivial que F soit dense : si G : V -+ C


est un quasi-inverse de F, on n'a qu'à poser pour un objet M de V, X = GM,
et alors on a FX .=.M.
Montrons la fidélité. Soient fi, fa : X -+ Y deux morphismes de C tels
que F fi = F fa. Alors G F .=. le donne des isomorphismes cp x : G F X .=. X et
cpy: GFY .=.Y tels que li= cpy (GFli) cp··i/ et fa= cpy (GF/2) cp''i/.
"''l'X
GFX ---+ X
GF/;l
"''/'Y
l/;
GFY -----+ y

Par conséquent, li= cpy(GF/1)cp'}/ = cpy(GFh)cp')/ =fa. Donc Fest


fidèle. De même, G l'est aussi. Soit u: FX-+ FY un morphisme de V. Pour
Gu: GFX-+ GFY, on pose f = cpy(Gu)cpX-1 : X-+ Y.
"''l'X
GFX ---+ X
1
1/

"''l'Y
!
---+ y

Comme G F f = cpY, 1 f cp x = Gu et G est fidèle, u = F f. Donc F est plein. De


même, G est plein.
Suffisance. Soit F : C -+ V plein, fidèle et dense. Pour montrer que F est une
équivalence, il faut construire un foncteur quasi-inverse G: V-+ C. Soit Mun
objet de V. Il existe X dans C tel que M .=.FX. On se fixe un isomorphisme
'PM : M.=. FX et on pose X = GM. Soient u : M -+ N un morphisme de
V, X= GM et Y= GN. On cherche f: X-+ Y tel que Gu=/. On veut
82 III. CATÉGORIES DE MODULES

que la famille (cp M) définisse un morphisme fonctoriel. On doit avoir un carré


commutatif
...., 'PM
M---t FGM
lFGu=Ff
...., 'PN
N---t YFGN
et donc F f = cp NW.P AJ. Comme F est plein, il existe un tel f. Comme F est
fidèle, f est unique. Cela définit bien G.
Il faut maintenant vérifier que Gest un foncteur, c'est-à-dire que G(vu) =
G(v)G(u) où u : L --+ M et v : M --+ N sont deux morphismes de 'D. Puisque
Fest fidèle, il suffit pour cela de vérifier que FG(vu) = F[G(v)G(u)], ce qui se
fait au moyen du diagramme commutatif
...., 'PL
FX
lFGu
"''PM
1JU FY FG(vu)

lFGv
,,, 'PN
FZ
Par définition de G, la famille (cpM) définit un isomorphisme fonctoriel de lv
dans FG.
Il reste à définir un isomorphisme fonctoriel GF-=. le. Soit M = F X, où X est
un objet de C. Il existe un isomorphisme 'PM : M-=. FY, où Y= GM. Puisque
Fest plein et fidèle, il existe un unique morphisme 1/Jx : X --+ Y = GF X tel que
F'l/Jx ='PM· On prouve que 1/Jx est un isomorphisme: soit, en effet, l'inverse cp].l
de cp M, comme F est plein et fidèle, il existe un unique morphisme 1/J'x : Y --+ X
telqueF'l/J'x = 'P°'i,/. AlorsF('l/Jx'l/J'x) = F'l/Jx·F'l/J'x = 'PM'P/.l = lFY = F(ly).
Comme Fest fidèle, 1/Jx'l/J'x = ly. De même, 1/J'x'l/Jx =lx.
Enfin, on doit vérifier que, pour tout morphisme f: X--+ Y, le diagramme
,,, 'l/Jx
x- GFX
11 ,,, 'l/Jy
lGFJ

y - GFY
est commutatif. Comme F est fidèle, il suffit de vérifier que FGF(f)F.,Px =
F.,Py ·Ff, c'est-à-dire que FGF(f) ''PFX = 'PFY ·Ff, et cette égalité résulte de
la commutativité du carré

-
"''PM

,,, 'PN
FX
lFGu=FGFJ
N - FY
où M = F X, N = FY et f = Fu. D
6. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES 83

Pour mieux saisir ces concepts, voyons un exemple en détail.

EXEMPLE 6.3. Soit K un corps commutatif. On considère la catégorie C


dont les objets sont les triplets (E, F, !) avec E, F deux K-espaces vectoriels
et f : E --+ F une application K-linéaire. Comme on l'a vu en (4.l)(d), cette
catégorie est K-linéaire. On peut en fait démontrer qu'elle est abélienne. Nous
montrerons que C est équivalente à la catégorie des modules sur l'algèbre de
matrices triangulaires A= T2(K) =[~~]=Hi~] I a,b,c E K}.
Notons d'abord que les matrices eu = [â 8J, e22 = [8 ~]et e21=[~81 forment
une K-base de A, que 1 = eu + e22 et que
eu e22 e21
eu eu 0 0
e22 0 e22 e21
e21 e21 0 0
est la table de multiplication de la base. Soit MA un A-module, on a une
égalité de K-espaces vectoriels M = Meu œMe22 : en effet, tout X E M
s'écrit x = x · 1 = xeu + xe22 1 et xeu = ye22 donne xeu = xe~ 1 = ye22eu = O.
Posons E = Me22 et F =Meu, on a alors une application K-linéaire f: E--+ F
définie par f (xe22) = (xe22) e21 = (xe21) eu. Pour un morphisme de A-modules
u : M --+ N, où M donne (E, F, !) et où N donne (E', F', /'), on a, pour x E M,

u(x) = u (xeu + xe22) = u(x)eu + u(x)e22


avec u(x)eu E F' et u(x)e22 E E'. On a donc deux applications K-linéaires
définies comme les restrictions de u à E et F : w = ulF : F --+ F' et v = ulE :
E --+ E'. Il faut montrer que le carré suivant est commutatif.

-- f

!'
E' - - F'
Or, pour xe22 E E, on a (f'v) (xe22) = f' (v(x)e22) = u(x)e21 et (wf) (xe22) =
w (xe21) = u(xe21) = u(x)e21· Par conséquent, f'v = wf et (v,w): (E,F,f)--+
(E',F',f') est bien un morphisme de C.
On pose donc il>(M) = (E, F, !) et il>(u) = (v, w). Il est évident que cela donne
un foncteur Mod A --+ C. On démontrera que c'est une équivalence. Montrons
d'abord qu'il est plein et fidèle. Si u: M--+ N est tel que il>(u) = (v,w), alors,
pour tout x E M, x = xeu + xe22 donne

u(x) = u (xeu + xe22) = u (xeu) + u (xe22) = w (xeu) + v (xe22).


Or cette formule donne une unique application K-linéaire u : M --+ N, dont
il reste à montrer qu'elle est A-linéaire. Pour ce faire, il suffit de montrer que
u(x)eu = u (xeu), u(x)e22 = u (xe22), u(x)e21 = u (xe21). La première égalité
suit de u (xeu) = w (xe 11 ) e 11 = u(x)eu. De même pour la seconde. Quant à la
troisième, u(x)e21 = v (xe22) e21 = (f'v) (xe22) = (wf) (xe22) = w (xe22e21) =
84 III. CATÉGORIES DE MODULES

w (xe21 ) = u (xe21 ) (où f et f' représentent respectivement les applications


structurelles de <P{M) et <P{N}).
Il reste à montrer que <P est dense. Soit (E, F, !) un objet de C. On munit le
K-espace vectoriel M = F œE d'une structure de A-module par

xeu = (z, y)eu = z, xe22 = (z, y)e22 = y et xe21 = (z, y)e21 = f (y)
pour x = (z, y) E M (où z E F et y E E).
Donc, pour x = (z,y) E Met !i ~] E A, on a

(z, y) [~ ~] = (za + f(y)b, yc).

Il est clair que <P{M) ..=. (E, F, !).

Nous terminerons cette section avec l'étude des notions d'idéal et de quotient
d'une catégorie K-linéaire, lesquelles nous permettront de démontrer un analogue
du théorème d'isomorphisme pour les K-algèbres.

DÉFINITION. Soit C une catégorie K-linéaire. Un idéal bilatère Ide C est


défini par la donnée pour chaque paire X, Y d'objets de C d'un sous-K-module
I(X, Y) de Homc{X, Y) tel que :
{i} f E I(X, Y) et g E Homc(Y, Z) entraînent gf E I(X, Z),
{ii) f E I(X, Y) eth E Homc(W,X) entraînent fh E I(W, Y).

En d'autres termes, I est stable à gauche et à droite pour la composition des


morphismes.
Étant donné un idéal bilatère I de C, on définit la catégorie quotient C/I :
c'est la catégorie dont les objets sont les mêmes que ceux de C, et les morphismes
de X vers Y sont donnés par

Homc1z(X, Y) = Homc{X, Y)/I(X, Y).

Enfin, la composition des morphismes est induite de celle de C. On vérifie sans


peine que C/I est bien une catégorie K-linéaire et que le foncteur F: C--+ C/I
(dit de projection) appliquant chaque objet sur lui-même et chaque morphisme
f E Homc{X, Y) sur sa classe f + I(X, Y) E Homc1z(X, Y) est un foncteur
K-linéaire, plein et dense (mais évidemment non fidèle).
Soient par exemple C, 'D deux catégories K-linéaires et F: C--+ 'Dun foncteur
K-linéaire. On définit le noyau de F comme étant l'idéal Ker F de C formé de
tous les morphismes f tels que F(f) = O. On voit aisément que Ker F est bien
un idéal bilatère de C. Par exemple, si I est un idéal bilatère de C, le noyau de
la projection C--+ C/I est égal à I.

PROPOSITION 6.4. Soient C, 'D deux catégories K-linéaires et F : C --+ 'D


un foncteur K -linéaire, plein et dense. Alors il existe une unique équivalence
F' : C/Ker F ..=. 'D telle que F' P = F où P : C --+ C/Ker F est la projection.
6. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES 85

F
C----+ V
pl /
//
/ F'
C/KerF

DÉMONSTRATION. Il est évident que si F' est un foncteur tel que F' P = F,
alors, pour tout objet X de C/KerF, c'est-à-dire de C, on a F'X = FX, et,
pour tout morphisme f E Homc(X, Y), on a F' (!+(Ker F)(X, Y)) = Ff.
Comme ces relations définissent évidemment un foncteur K-linéaire et que celui-
ci est manifestement plein et dense (parce que F l'est}, il reste à montrer que
F' est fidèle. Mais F' (!+(Ker F)(X, Y)) = 0 donne Ff = 0, et donc f E
(Ker F)(X, Y). Cela achève la démonstration. O
86 III. CATÉGORIES DE MODULES

Exercices du chapitre III


1. Montrer que dans Ab, les épimorphismes sont les morphismes surjectifs et
les monomorphismes sont les morphismes injectifs.
2. Soit, dans une catégorie C, une relation d'équivalence,....., définie sur chaque
ensemble Homc(X, Y) et compatible avec la composition (c'est-à-dire que si f,.....,
g et f',....., g', alors ff',....., gg', si ces compositions existent). Montrer comment
former une catégorie quotient Cf,.....,, dont les objets sont ceux de C et dont les
morphismes sont les classes d'équivalence de morphismes de C.
3. Montrer que Ens a un objet initial et un objet final, mais pas d'objet nul.-
4. Supposons que toutes les faces du cube suivant (d'une catégorie K-linéaire),
excepté peut-être celle du haut, sont commutatives
Xi X2

f\.-f"x.
\_r\1X1-----+Xs
et que X4 --+ Xs est un monomorphisme. Montrer que la face supérieure est
commutative.
5. Montrer que, dans Alg K, un nombre fini d'objets admet un produit.
6. Soient M un A-module et f E End M tel que J2 = f (on dit que f est
idempotent). Montrer que M = lm f EB Ker f. Réciproquement, s'il existe une
décomposition M = Mi EB M2 avec Mi -::/: 0, montrer que la composition f de
la projection de M = Mi EB M2 sur Mi avec l'inclusion Mi --+ M satisfait à
lm/..:::. Mi, Ker f..:::. M2 et J2 = f.
7. Soit (M.\heA une famille de sous-modules d'un module M. Montrer que
M = œ M.\ si et seulement si
.\EA

(i) M =LM.\, et
.\EA
(ii) M.\o n (M.\ 1 + · · · +M.\,.) = 0 pour toute partie finie {Ài. ... , Àn} de A
et Ào f/. {Ài. ... , Àn}·

8. Soit A une K-algèbre commutative. Montrer que deux bases d'un A-module
libre ont un même cardinal.
9. Supposons que M = LEBN et L ç L' ç M. Montrer que L' = LEB(L' n N).

10. Soient (L.\heA• (M.\heA• (N.\heA trois familles de A-modules telles que,
EXERCICES DU CHAPITRE III 87

pour chaque À E A, il existe une suite exacte


!>. M >. ---+
L >. ---+ 9" N
>. .
Montrer que les suites

11 L >. L 11 M,,. _!_.. 11 N >.


>.EA >.EA >.EA
et
ffi I' ffi g' ffi
'17 L >. ---+ '17 M >. ---+ '17 N >.
>.EA >.EA >.EA
(où f, g, f', g' sont induites de f>., 9>. et des propriétés universelles) sont exactes.
11. Pour un entier positif n = rs, montrer que la suite exacte de ModZn

0 ---+ rZn ...!_. Zn -2.... sZn ---+ 0


(! l'inclusion, g la multiplication par s) est scindée si et seulement si r et s sont
copremiers.
12. Montrer qu'une suite exacte courte de modules

0 ---+ L L M _!_.. N ---+ 0


est scindée si et seulement s'il existe des morphismes g': N-+ Met f': M-+ L
tels que f f' + g'g = lM.
13. (Petit lemme des cinq.) Soit, dans une catégorie abélienne C, un dia-
gramme commutatif à lignes exactes
u 11
0 --+ X --+ y --+ z --+ 0

11 gl hl
u' 11'
0 --+ X' --+ Y' --+ Z' --+ 0
Montrer que, si f, h sont des monomorphismes (ou des épimorphismes), il en est
de même de g.
14. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de Mod A
u 11
0 --+ L --+ M --+ N --+ 0

11 gl hl
u' 11'
0 --+ L' --+ M' --+ N' --+ 0
Montrer que, étant donné f et h, le morphisme g est uniquement déterminé
modulo un morphisme arbitraire N -+ L'.
15. Soient L, N deux sous-modules d'un module M. Montrer qu'il existe des
suites exactes courtes
0---+ LnN---+ LœN L L+N---+ o
88 III. CATÉGORIES DE MODULES

0-+ M/LnN-+ M/LœM/N ...!....+ M/(L+N)-+ 0

où f ([:]) = x -y et g(x + L,y + N) = (x -y)+ (L + N).

16. Soient L, N deux sous-modules d'un module M. Montrer que, si L +N


et L n N sont de type fini, alors L et N sont aussi de type fini.
17. Soient l, J deux idéaux à droite d'une K-algèbre A tels que I + J = A.
Montrer que I œJ ~Aœ (In J).
18. Soient L, N deux sous-modules de M tels que L n N est facteur direct de
Let N. Montrer que Ln N est facteur direct de L + N.

19. Soient L, N deux sous-modules de M. Montrer que le diagramme

0 0 0

0--+
1
LnN --+
1
L --+
1
L/(LnN) --+ 0

0--+
1
N --+
1
M --+
1
M/N --+ 0

0--+
1
N/(LnN) --+
1
M/L --+
1
M/(L+N) --+ 0

1 0
10
1 0

avec tous les morphismes induits des inclusions et des projections, est commutatif
et à lignes et colonnes exactes.

20. Soit C une catégorie linéaire. Montrer que si f, g sont deux morphismes
tels que fg est une rétraction (ou une section), alors f est une rétraction (ou g
est une section, respectivement).

21. Soit C une catégorie linéaire. Montrer que si f, g sont des sections (ou
des rétractions) de C, alors fg l'est aussi (s'il existe) mais que la réciproque est
fausse.
22. Soit C une catégorie linéaire. Montrer que toute section (ou rétraction)
est un noyau (ou conoyau, respectivement).

23. Soit M un A-module. Montrer que tout épimorphisme MA --+ AA est une
rétraction, mais qu'il existe des monomorphismes AA--+ MA qui ne sont pas des
sections.
24. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de A-modules et d'applica-
tions linéaires
EXERCICES DU CHAPITRE III 89

u V
0 ---+ L ---+ M ---+ N ---+ 0

11 gl hl
u' v'
0 ---+ L' M' ---+ N' ---+ 0 ---+
Montrer que, si f est une rétraction et g est une section, alors h est une section.
25. Formuler_ et résoudre le dual de l'exercice précédent.
26. Soit un diagramme à lignes exactes de Mod A
0 ---+ L ---+ M ---+ N ----+ 0

f
l
0 ---+ L' ---+ M' ~ N' ----+ 0
avec M libre. Trouver des morphismes M --+ M' et L --+ L' rendant le diagramme
commutatif. Si /i./2 sont deux tels morphismes M--+ M', montrer qu'il existe
h : M --+ L' tel que fi - fa = f h.
27. Soit Mun A-module. Montrer qu'il existe une suite exacte
· · · ----+Ln ----+ Ln-t ----+ • • • ----+Li ----+Lo ----+ M ----+ 0
avec les Li des modules libres.
28. Montrer que Q n'est pas un Z-module libre.
29. Si cardX > 1, montrer que le centre de K(X) est égal à K.
30. Montrer que, dans K(s, t), les éléments stn engendrent une sous-algèbre
qui est libre sur ces générateurs.
31. Si les M>. et les Na sont des bimodules, montrer que l'isomorphisme de
(2.7} est un isomorphisme de modules sur les K-algèbres appropriées.
32. Soient M un A-module de présentation finie, et (N>.)>.eA une famille
arbitraire de A-modules. Montrer que l'on a un isomorphisme fonctoriel de K-

modules HomA (M, E9N>.) -.::+ E9HomA(M,N>.)·


>.eA >.eA
33. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de Mod A
f g
0 ---+ L ---+ ---+ ---+ 0

!' g'
0 -----+ L' ---+ M' ---+ N' ---+ O .
Démontrer l'exactitude de la suite

0 ----+ M x L' 3!..+ M x M' ~ N' ----+ 0


90 III. CATÉGORIES DE MODULES

où cp (x, x') = (x, v(x) + f' (x')) et 'l/J (y, y') = wg(y) - g' (y').
34. Soit G un groupe noté multiplicativement. On note G' le sous-groupe de
G dont les éléments sont des produits finis de commutateurs [x, y] = x- 1 y- 1 xy
avec x,y E G.
(a) Montrer que G' est un sous-groupe distingué de G et que G/G' est
abélien. On note Pa : G -+ G / G' la surjection canonique.
(b) Montrer que, pour tout homomorphisme f : G -+ A avec A un groupe
abélien, il existe un unique homomorphisme 1 : G/G' -+ A tel que
fpa = f.
(c) Construire un foncteur F : Gr -+ Ab tel que F(G) = G/G' pour tout
groupe G.
(d) Montrer que Fest adjoint à gauche du foncteur inclusion Ab-+ Gr.

35. Soient A une K-algèbre arbitraire, et I l'idéal bilatère de A engendré par


les éléments de la forme ab- ba (où a, b E A).
(a) Montrer que A/I est une K-algèbre commutative.
On note 7r : A -+ A/I la surjection canonique.
(b) Montrer que, pour tout morphisme de K-algèbres cp : A -+ B, avec B une
K-algèbre commutative, il existe un unique morphisme de K-algèbres
rp : A/I -+ B tel que cp7r = cp.
(c) Construire un foncteur F de la catégorie Alg K dans la catégorie Algc K
des K-algèbres commutatives, tel que F(A) = A/I.
(d) Montrer que Fest adjoint à gauche du foncteur d'inclusion AlgcK-+
AlgK.
36. Soient C, V deux catégories, et F : C -+ V, G : V -+ C deux foncteurs
tels que (F, G) est une paire adjointe. Démontrer l'existence de morphismes
fonctoriels FG --+ 1v et le ---+ G F.
37. Soit C la catégorie dont les objets sont les morphismes de ModA, un mor-
phisme (! : L-+ M) -+ (!': L'-+ M') étant une paire d'applications linéaires
(u, v) telle que u : L-+ L' et v : M-+ M' satisfont à vf = f'u. Montrer que
Ker et Coker définissent des foncteurs C -+ Mod A.
38. Soit C une catégorie K-linéaire et f: M-+ N un morphisme.
(a) Montrer que (L, i) est un noyau de f : M-+ N si et seulement si la suite
de K-modules
Homc(L',t) Homc(L',f)
0---+ Home(L',L) Home(L',M) Homc(L',N)
est exacte pour tout objet L' de C.
(b) Montrer que (Q,q) est un conoyau de f: M-+ N si et seulement si la
suite de K-modules
Homc(q,Q') Homc(f,Q')
0----+ Home (Q,Q') ----+ Home (N,Q') ----+ Home (M,Q')
est exacte pour tout objet Q' de C.
EXERCICES DU CHAPITRE III 91

39. Soit X _..!__. Y ~ Z une suite dans une catégorie abélienne. Montrer que
gf = 0 si et seulement s'il existe un monomorphisme h : Im f --+ Ker g tel que
kh = j, où j : Im f --+ Y et k : Ker g --+ Y sont les morphismes canoniques.
40. Démontrer (5.6) (5.7) (5.8) (5.9).
41. Soit un diagramme de A-modules et d'applications A-linéaires
v' V
P' ----+ p ----+ u
11· f
lg' g lu
L ----+ M ----+ N
Montrer que, si (P, v, g') est un produit fibré de u, g et (P', v', f') est un produit
fibré de g',f, alors (P',vv',f') est un produit fibré de u,gf. Montrer ensuite
que, si (P',vv',f) est un produit fibré de u,gf et si v est un monomorphisme,
alors ( P', v', !) est un produit fibré de g' et f.
42. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent.
43. Soit
Pl
----+

-- h

un produit fibré de ModA avec fi,h des monomorphismes. Montrer que l'on
peut identifier P à Min M2. En outre, dans ce cas, il existe une somme amal-
gamée
M ----+ M/Mi

M/M2
l ----+
l
M/(Mi +M2)

44. Soit
P2
p ----+ M2
Pt l !1
112
Mi ----+ M
un produit fibré de Mod A. Si fi est le noyau d'un morphisme f : M --+ N,
montrer que P2 est le noyau de f h: M2--+ N.
45. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent.
46. Montrer que, si
f
-- M

g
M ----. N
92 III. CATÉGORIES DE MODULES

est un produit fibré de Mod A, alors f est un monomorphisme.


47. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent.
48. Soient f, g : M -+ N deux morphismes d'une catégorie K-linéaire C.
Montrer que
h

(1,g)
l (1,J)

M ----+ MxN
est un produit fibré si et seulement si (L, h} est un noyau de f - g.
49. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent.
50. On considère le diagramme commutatif à lignes et à colonnes exactes de
ModA
0 ----+ L ----+ p ----+ V ----+ 0

11 l lv
0 ----+ L ----+ M ----+ N ----+ 0
Montrer que v se factorise par M si et seulement si la ligne supérieure est scindée.
51. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent.
52. On considère la catégorie C formée des quadruplets (E, F, u, v) où E, F
sont deux espaces vectoriels sur un corps K et u, v : E -+ F deux applications
linéaires. Un morphisme (E,F,u,v)-+ (E',F',u',v') est la donnée d'une paire
(f,g) d'applications K-linéaires f: E-+ E', g: F-+ F' telles que u'f = gu,
v'f = gv. La composition de (f,g) : (E,F,u,v) -+ (E',F',u',v') et (f',g') :
(E',F',u',v')-+ (E",F",u",v") est donnée par (f',g') (f,g} = (f'f,g'g). Mon-
trer que C est abélienne.
53. Montrer que la catégorie C de l'exercice précédent est équivalente à la
catégorie des A-modules, où

A= [%a i]
avec l'addition matricielle et la multiplication définie par

[(b~c) ~] [w:~) ~,] = [(ba',ca')a~'(db',dc'} d~1] •

54. Soient C, V des catégories, F, F' : C -+ V et G, G' : V -+ C des foncteurs


covariants avec F ..=. F', G ..=. G'. Montrer que si F et G sont des équivalences
quasi-inverses, il en est de même de F' et G'.
55. Soit F: C-+ V une équivalence de catégories K-linéaires. Montrer qu'un
morphisme f de C est un monomorphisme (ou un épimorphisme) si et seulement
si Ff en est un.
EXERCICES DU CHAPITRE III 93

56. Soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. On note A(I) la sous-


catégorie pleine de ModA formée des A-modules M tels que MI= O. Montrer
que A(I)-=+ Mod (A/ I).
57. Soient A, B, C des catégories, Fi, F2, Fa : A - B et Gi, G2 : B - C des
foncteurs. Montrer que :
(a) Si cp : Fi - F2, 1/; : F2 - Fa sont des (iso)morphismes fonctoriels, il en
est de même de 1/;cp: F 1 - Fa, et de cp- 1 : F2 - F 1 (où cp- 1 est défini
par (cp-1)x = 'Px1).
(b) Fi -=+ F2, G1 -=+ G2 entraînent G1F1 -=+ G2F2.

58. Soient C, V deux catégories K-linéaires, F, G : C - V deux foncteurs


K-linéaires, avec F covariant et G contravariant.
(i) Si M = Mi œ · · · œ Mn dans C avec injections qi, q2, . .. , qn et pro-
jections Pi.P2, ... ,pn, alors F(M) est une somme directe de F (M1),
F (M2), ... , F (Mn) avec injections F (q1), F (q2), ... , F (qn) et projec-
tions F (p1), F (p2), ... , F (Pn)·
(ii) Avec la même hypothèse, G(M) est une somme directe de G (M1),
G (M2), ... , G (Mn) avec injections F (p1), F (p2), ... , F (pn) et pro-
jections F (q1), F (q2), ... , F (qn)·
(iii) Supposons que C et V sont abéliennes et posons que 0 --+ L --+ M --+
N --+ 0 est une suite exacte et scindée de C. Montrer que les suites
induites
0--+ FL--+ FM--+ FN--+ 0
et
0 --+ GN --+ GM --+ GL --+ 0
sont exactes et scindées dans V.
CHAPITRE IV

Foncteurs Hom, modules projectifs et injectifs

Il est naturel de se demander quels foncteurs préservent l'exactitude d'une suite.


Un tel foncteur est dit exact. On pourrait s'attendre qu'un foncteur qui "se
comporte bien" soit exact. Malheureusement ce n'est pas le cas, et nous ver-
rons que les foncteurs les plus naturels, les foncteurs Hom, ne préservent qu'une
partie de l'exactitude. Afin de corriger cette situation, nous sommes amenés à
considérer les modules ayant la propriété que le foncteur Hom covariant (ou con-
travariant) correspondant est exact. De tels modules sont appelés projectifs (ou
injectifs, respectivement). Ainsi que nous le verrons dans les chapitres suivants,
l'étude des modules projectifs et injectifs est très utile pour la compréhension de
la catégorie des modules.

1. Exactitude de foncteurs
DÉFINITION. Soient C, 1J deux catégories abéliennes. Un foncteur linéaire
covariant (ou contravariant) F: C--+ 1J est dit exact si l'exactitude de la suite

x-Ly~z
de C implique l'exactitude de la suite induite de V

F X .!.f.+ FY .!.!.+ F Z
(ou F Z .!.!.+ FY .!.!.+ F X, respectivement).
Par exemple, tout isomorphisme fonctoriel est exact. Un autre exemple de
foncteur exact est le foncteur oubli Mod A --+ Mod K. Malheureusement, les
foncteurs exacts sont relativement rares, et nous serons obligés de considérer des
propriétés plus faibles.
DÉFINITION. Soient C, 1J deux catégories abéliennes et F: C--+ V un foncteur
linéaire.
(1) Si F : C --+ V est covariant, F est dit exact à gauche si l'exactitude de
la suite de C

95
96 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

implique l'exactitude de la suite induite de 'D

0- F X .!..!..+ FY .!.!.+ F Z.
De même, Fest dit exact à droite si l'exactitude de la suite de C

xLv~z-o
implique celle de la suite induite de 'D

F X .!..!..+ FY .!.!.+ F Z - O.
(2) Si F : C --+ 'D est contravariant, F est dit exact à droite si l'exactitude
de la suite de C
o-xLv~z
implique celle de la suite induite de 'D

FZ .!.!.+ FY .!..!..+ FX - O.
De même, F est dit exact à gauche si l'exactitude de la suite de C

xLv~z-o
implique celle de la suite induite de 'D

0- FZ .!.!.+ FY .!..!..+ FX.


On voit donc qu'un foncteur covariant Fest exact à gauche si et seulement
s'il préserve les noyaux, c'est-à-dire que, pour tout morphisme g de C, on a
F(ker g) = ker F(g) ; il est exact à droite si et seulement s'il préserve les conoy-
aux, c'est-à-dire que, pour tout morphisme f de C, on a F(coker !) = coker Ff.
De même, un foncteur contravariant F est exact à gauche si et seulement s'il
transforme les conoyaux en noyaux, c'est-à-dire que, pour tout morphisme f de
C, on a F(coker !) = ker Ff ; il est exact à droite si et seulement s'il trans-
forme les noyaux en conoyaux, c'est-à-dire que, pour tout morphisme g de C,
on a F(ker g) = coker Fg. Il est raisonnable de penser qu'un foncteur est exact
si et seulement s'il est exact à la fois à gauche et à droite. C'est ce qu'affirme
la proposition suivante, que nous ne formulerons et ne montrerons que dans le
cas covariant, le cas contravariant étant laissé au lecteur. Un foncteur covariant
F : C --+ 'D sera dit préserver les suites exactes courtes si pour toute suite exacte
courte
o-xLv~z-o
de C, la suite exacte courte induite

0- FX .!..!..+ FY .!.!.+ FZ - 0
de 'D est exacte.
PROPOSITION 1.1. Soient C, 'D deux catégories abéliennes et F : C --+ 'D un
foncteur covariant. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(i) F est exact.
1. EXACTITUDE DE FONCTEURS 97

(ii) F préserve les suites exactes courtes.


(iii) F est exact à gauche et à droite.

DÉMONSTRATION. Il est trivial que (i) implique (ii) et que (ii) implique (iii).
Il reste à montrer que (iii) implique (i). Soit donc une suite exacte de C,

xLy~z.
Alors
lm F f = Ker( coker F !) = Ker F( coker !) = F(Ker( coker !) )
F(Im/) = F(Kerg) =Ker Fg. D
L'exemple le plus important de foncteur exact à gauche est le foncteur Hom.

THÉORÈME 1.2. Soient A une K -algèbre et

0-+LLM~N
une suite de A-modules. Cette suite est exacte si et seulement si, pour tout
module XA, la suite induite de K -modules
HomA(X,/) HomA(X,g)
o-- HomA(X,L) HomA(X,M) HomA(X,N)
est exacte.

DÉMONSTRATION. Nécessité. On démontre d'abord que HomA(X,f) est un


monomorphisme: soit u: X --+ L tel que HomA(X, f)(u) = fu = 0 ; comme
f est un monomorphisme, on a bien u = O. D'autre part, gf = 0 implique
HomA(X,g)HomA(X,f) = HomA(X,gf) = 0, donc

lmHomA(X,/) Ç KerHomA(X,g).
Enfin, si v : X --+ M est telle que 0 = HomA(X,g)(v) = gv, la propriété
universelle de L = Ker g donne un morphisme u : X --+ L tel que v = f u =
HomA(X, f)(u).
Suffisance. Pour montrer que f est un monomorphisme, on prend X = Ker f
et j = ker f : X --+ L l'inject~on canonique. Alors 0 = fj = HomA(X, f)(j) et
l'injectivité de HomA(X, f) do~nent j = 0 et donc X= O.
On a gf = 0 : en effet, prenons X = L et h E HomA(L, L). Alors
gf = HomA(X,g) HomA(X, !) (lL) = O. Enfin, pour montrer que f = kerg
(ce qui achèvera la démonstration), soit v : X --+ M tel que gv = O. Alors
v E KerHomA(X,g) = ImHomA(X,/), et il existe u: X--+ L tel que v = fu.
Comme f est un monomorphisme, u est unique. On a bien f = ker g. D
La suffisance se montre aussi en posant XA = AA et en utilisant l'isomor-
phisme fonctoriel cp : HomA(A, -)-'.:dModA de (11.5.3) : en effet, on a un dia-
gramme commutatif à ligne supérieure exacte, dans lequel les flèches verticales
sont des isomorphismes :
98 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

HomA(A,/) HomA(A,g)
0 --+ HomA(A,L) HomA(A,M) HomA(A,N)

~L 12 ~M 12 ~N 12
f g
0 --+ L M N
Par conséquent, la ligne inférieure est exacte.
Cette seconde démonstration, simple et conceptuelle, présente cependant un
inconvénient : la démonstration correspondante de l'énoncé dual utilise la notion
de cogénérateur injectif et elle ne pourra être faite avant la fin de la section 3.
Il suit immédiatement du théorème que le foncteur HomA(X, -) est exact
à gauche, pour tout A-module X. Ce foncteur n'est généralement pas exact
à droite, et donc pas exact : posons A = Z, X = Z2, M = Z, N = Z2 et
f : Z -+ Z2 l'épimorphisme canonique ; on a Homz (Z2, Z) = 0 tandis que
Homz (Z2, Z2) '=/: 0, de sorte que Homz (Z2, f) : Homz (Z2, Z) -+ Homz (Z2, Z2)
ne peut être un épimorphisme. On a toutefois.

COROLLAIRE 1.3. Soit A une K -algèbre. Une suite de A-modules

0--+L~M~N--+O
est exacte et scindée si et seulement si, pour tout A-module X, la suite induite
de K -modules
HomA(X,/) HomA(X,g)
0----+ HomA(X,L) HomA(X,M) HomA(X,N)----+ 0
est exacte.

DÉMONSTRATION. Suffisance. Par suite du théorème (1.2), la suite 0 --+


L ~ M ~ N est exacte. Prenant X = N, il existe v : N -+ M tel que
lN = HomA(N,g)(v) =gv. Doncgestunépimorphismeetmêmeunerétraction.
Nécessité. Il suffit de montrer que HomA(X,g) est un épimorphisme. Comme
g est une rétraction, il existe v: N-+ M telle que gv = lN. Pour tout u: X-+
N, on a vu: X-+ Met HomA(X,g)(vu) = gvu = u. D

Notons qu'avec les hypothèses du corollaire la suite induite est également


scindée, puisque gv =IN implique HomA(X,g)HomA(X,v) = luomA(X,N)·
On a les duals des résultats précédents.

THÉORÈME 1.4. Soient A une K -algèbre et

L~M~N--+O
une suite de A-modules. Cette suite est exacte si et seulement si, pour tout
module XA, la suite induite de K-modules
HomA (g,X) HomA (/,X)
0----+ HomA(N,X) HomA(M,X) HomA(L,X)
est exacte.
1. EXACTITUDE DE FONCTEURS 99

DÉMONSTRATION. Nécessité. On démontre d'abord que HomA(g, X) est un


monomorphisme : soit u : N -+ X tel que ug = 0 ; comme g est un épimorphisme,
on a bien u =O. D'autre part, gf = 0 implique HomA(/,X)HomA(g,X) =
HomA(gf,X) = 0, donc ImHomA(g,X) Ç KerHomA{/,X). Enfin, si v: M-+
X est telle que 0 = HomA(/, X)(v) = vf, la propriété universelle de N = Coker f
donne un morphisme u: N-+ X tel que v = ug = HomA(g,X)(u).
Suffisance. Pour montrer que g est un épimorphisme, on prend X = Coker g,
et p = cokerg: N-+ X la projection canonique. Alors 0 = pg = HomA(g,X)(p)
et l'injectivité de HomA (g, X) font que p = 0 et donc X = O.
On a gf = O. En effet, soient X = N et IN E HomA(N, N). Alors gf =
HomA(/,X)HomA(g,X) (IN) = O. Enfin, pour montrer que g = coker f (ce
qui achèvera la démonstration), soit v : M -+ X tel que vf = O. Alors v E
KerHomA(/,X) = ImHomA(g,X) et il existe u : N -+ X tel que v = ug.
Comme g est un épimorphisme, u est unique. On a bien g = coker f. O
Notons que cette démonstration est exactement duale de celle du théorème
{1.2). On voit donc que le foncteur contravariant HomA{-, X) est exact à gauche.
Il n'est généralement pas exact à droite (et donc pas exact) : soient A = Z,
X = Z, L = Z, M = Q et f : Z -+ Q l'inclusion. On sait que Homz{Q, Z) = 0
(en effet, si g : Q -+ Z est un morphisme non nul, ag (~) = g(I) pour tout
0 =Fa E Z fait que tout 0 =Fa E Z divise g(I) E Z, une absurdité), tandis que
Homz(Z, Z)..::; Z =F 0, de telle sorte que Homz(/, Z) : Homz(Q, Z) -+ Homz(Z, Z)
ne peut être un épimorphisme.
COROLLAIRE 1.5. Soit A une K-algèbre. Une suite de A-modules

0 -----+ L L M ...!!...... N -----+ 0


est exacte et scindée si et seulement si, pour tout module XA, la suite induite de
K-modules

est exacte.
DÉMONSTRATION. Duale de celle du corollaire {1.3) et laissée au lecteur. O
Encore une fois, cette suite induite est alors scindée.
Il existe une relation fondamentale entre les foncteurs exacts à gauche et les
foncteurs exacts à droite.
THÉORÈME 1.6. Soient A, B deux K -algèbres et F : Mod A -+ Mod B, G :
Mod B -+ Mod A deux foncteurs covariants tels que {F, G) soit une paire ad-
jointe. Alors F est exact à droite et G est exact à gauche.
DÉMONSTRATION. L'énoncé dit que, pour toute paire de modules MA et XB,
on a un isomorphisme fonctoriel 'PM.X : HomB(F M, X)..::; HomA (M, GX). Soit
donc une suite exacte de A-modules
L L M --L N -----+ o.
100 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

Il suit de la fonctorialité de l'isomorphisme précédent que le diagramme suivant


est commutatif pour tout B-module XB :
Homn(Fg,X) Homs(FJ,X)
0--+ Hom 8 (FN,X) HomB(FM,X) HomB(FL,X)
'PN,X l z
HomA(g,GX)
'PM.X l z
HomA(J,GX)
'PL,X l z
0 --+ HomA(N,GX) HomA(M,GX) HomA(L,GX)
Comme Hom A ( - , G X) est exact à gauche, la ligne inférieure est exacte. Comme
les flèches verticales sont des isomorphismes, la commutativité assure l'exactitude
de la ligne supérieure. Étant donné que X B est arbitraire, la suffisance dans le
théorème (1.4) donne l'exactitude de la suite

FL .!.L FM~ FN-+ 0,


c'est-à-dire l'exactitude à droite de F. On montre de même l'exactitude à gauche
deG. D

2. Modules projectifs
Soit A une K-algèbre. Il est naturel d'essayer de caractériser les cas où le
foncteur Hom est exact, c'est-à-dire les modules XA tels que HomA(X, -) (ou
HomA ( - , X)) soit un foncteur exact.

DÉFINITION. Un A-module PA est dit projectif si le foncteur HomA(P, -) est


exact.

Explicitons cette définition. Comme on sait que le foncteur HomA(P, -) est


de toute façon exact à gauche (préserve les noyaux, c'est-à-dire les monomor-
phismes), il est exact si et seulement s'il est exact à droite (préserve les conoyaux,
c'est-à-dire les épimorphismes) donc si et seulement si, pour toute suite exacte

MLN-+O

de A-modules, la suite induite


HomA(P,J)
HomA(P,M) HomA(P,N)-o

de K-modules est exacte. On a prouvé :

LEMME 2.1. Un A-module P est projectif si et seulement si, pour tout épi-
morphisme / : M -+ N et tout morphisme u : P -+ N, il existe un morphisme
v : P -+ M tel que u = / v
2. MODULES PROJECTIFS 101

Il importe de noter que le morphisme v (dont on dit parfois qu'il relève u, ou


qu'il est un relèvement de u) n'est généralement pas unique, comme le montre
bien la démonstration du lemme suivant.

LEMME 2.2. Tout A-module libre est projectif

DÉMONSTRATION. Soit en effet (eÀheA une base du A-module libre P. On


se donne un épimorphisme f : M -+ N et un morphisme u : P -+ N. Comme
f est surjective il existe, pour chaque .>. E A, un élément xÀ E M tel que
f (xÀ) = u (eÀ)· On définit le relèvement v: P-+ M par v (eÀ) = xÀ pour chaque
.>. E A, et on le prolonge par linéarité, c'est-à-dire en appliquant la propriété
universelle d'un module libre. D

Par exemple, PA= AA est un A-module projectif. Comme tout module libre
est une somme directe de copies de AA, cela nous amène à formuler la proposition
suivante.

PROPOSITION 2.3. Soit (PÀheA une famille de A-modules. La somme directe


EE) PÀ est projective si et seulement si chaque PÀ est projectif
ÀEA

DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que EE) PÀ est projectif et montrons


ÀEA
que chaque PÀ (où .>. E A) est projectif. Notons qÀ : PÀ -+ EE) Pµ et PÀ :
µEA
EE) Pµ -+ PÀ l'injection et la projection canoniques respectivement. Soient f :
µEA
M -+ N un épimorphisme et u : PÀ -+ N un morphisme.

11 / /
/

/!
1

'U

M---+N-o
Il existe un morphisme w : EE) Pµ -+ M tel que fw = upÀ. Mais alors fwqÀ =
µEA
upÀqÀ = ulp,. = u. Si on pose v = wqÀ, on a bien v: PÀ-+ M tel que fv = u.
Suffisance. Posons P = EE) PÀ. Supposons que chaque PÀ est projectif.
ÀEA
Soient f : M -+ N un épimorphisme et u : P -+ N un morphisme. Notons
encore qÀ : PÀ -+ P l'injection canonique. Pour tout .>., il existe vÀ : PÀ -+ M tel
que fvÀ = uqÀ.
102 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

P>.
lq~
ffiPµ
/µEA
v//
,/ f
lu
M-N---+O
Par la propriété universelle de œ
Pµ, il existe un unique
µEA
V : œPµ
µEA
-+ M tel

que vq>. =V>.. Donc fvq>. = uq>. pour tout À E A. Par conséquent, fv = u. D
Le théorème suivant caractérise complètement les modules projectifs.
THÉORÈME 2.4. Soit PA un A-module. Les conditions suivantes sont équiva-
lentes:
(i) P est projectif.
(ii) P est facteur direct d'un A-module libre.
(iii) Toute suite exacte courte de la forme
O--+M-1......N~P--+0
est scindée.
DÉMONSTRATION. (i) implique (iii), puisque la définition d'un module pro-
jectif implique l'existence d'un morphisme v: P-+ N
p
V/// l lp
f ,/ g
0---+M-N-P---+O
tel que gv = lp, de sorte que g est une rétraction.
(iii) implique (ii) : en effet, tout module, en particulier P, est quotient d'un
A-module libre : il existe donc une suite exacte courte
0 ---+ Ker f ---+ L _..!___. P ---+ 0
avec L libre. Par hypothèse, elle est scindée.
(ii) implique (i) : cela résulte en effet de (2.2) et (2.3). D
La condition (iii) du théorème peut être reformulée comme suit : tout épimor-
phisme de but projectif est une rétraction.
Par exemple, si A est un corps (peut-être gauche), tout A-module est libre
(111.3.5), donc projectif. Nous verrons plus loin (en (VI.7.1)) une caractérisation
des algèbres ayant la propriété que tout module est projectif.
Il est naturel, étant donné (2.2) et la condition (ii) du théorème, de se deman-
der s'il existe des modules projectifs qui ne sont pas libres.
Soient A =T2(K) = [ ~ ~ J l'algèbre des 2x2 matrices triangulaires inférieures,
et eu = [à 8J, e22 = [g YJ les idempotents matriciels. On a A= euA œe22A,
3. MODULES INJECTIFS 103

donc euA et e22A sont des A-modules projectifs. Par contre, ils ne sont pas
libres : en effet, la dimension d'un A-module libre qui est de K-dimension finie
doit être un multiple de dimK A= 3, et on a dimK (euA) = 1 et dimK (e 22 A) =
2.
Il est à remarquer que si A= Z, les A-modules projectifs (donc les groupes
abéliens projectifs) coïncident avec les A-modules libres. Nous montrerons en fait
plus loin (en (XII.1.5)) que, si A est un domaine d'intégrité principal, tout sous-
module d'un A-module libre est lui-même libre. Par conséquent, tout A-module
projectif est libre.
PROPOSITION 2.5. Pour tout A-module M, il exi.ste une suite exacte

· · · --+ P.n fn
--+
P.n-1 --+ · · · --+
fi RO --+
p 1 --+ fa M
--+ 0
avec les Pi des A-modules projectifs.
DÉMONSTRATION. Par récurrence sur n. Pour n = 0, l'existence de l'épimor-
phisme Io : Po --+ M résulte de ce que, d'après {III.3.6), tout A-module est
quotient d'un A-module libre et de ce que tout module libre est projectif. Pour
n > 0, on applique le même raisonnement à Ker fn-1· D
Une suite comme celle de la proposition s'appelle une résolution projective du
A-module M. Une résolution projective à deux termes
Pi --+ Po --+ M --+ 0

s'appelle une présentation projective de M.


Les résolutions et les présentations projectives d'un module peuvent être con-
sidérées comme des approximations de ce module par des modules projectifs.
Elles sont utiles dans les cas où un calcul s'effectue plus facilement sur un mo-
dule projectif que sur un module arbitraire et qu'il est compatible avec le passage
au conoyau.

3. Modules injectifs
La notion duale de celle de module projectif est celle de module injectif.
DÉFINITION. Un A-module IA est dit injectif si le foncteur HomA(-,I) est
exact.
Cette définition équivaut à dire que le foncteur HomA { - , I) (qui est con-
travariant) est exact à droite, c'est-à-dire qu'il transforme les noyaux en co-
noyaux ou encore les monomorphismes en épimorphismes, ce qui est le cas si et
seulement si, pour toute suite exacte de A-modules

0--+L-LM,
la suite induite de K-modules
HomA(f,I)
HomA(M,l) HomA(L,l)---+ 0
est exacte. On exprime cela par le lemme suivant.
104 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

LEMME 3.1. Un A-module lA est injectif si et seulement si, pour tout mono-
morphisme f : L --+ M et tout morphisme u : L --+ I, il existe un morphisme
v : M --+ I tel que u = vf
f
0 - - - + L ____... M

ul /~
/

I ./
.o

Encore une fois, le morphisme v (dont on dit parfois qu'il prolonge u ou


qu'il est un prolongement de u) n'est généralement pas unique. Bien que la
notion d'injectif soit duale de celle de projectif, il est trop tôt pour donner ici
des exemples de modules injectifs. Nous le ferons plus loin. En attendant, nous
montrons l'énoncé dual de (2.3). Bien que la démonstration soit également duale,
nous la donnons au complet.

PROPOSITION 3.2. Soit (IÀheA une famille de A-modules. Le produit 11 JÀ


ÀEA
est injectif si et seulement si chaque I À est injectif.

DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que 11 JÀ est injectif. Notons pÀ :


ÀEA
11 Iµ --+ IÀ et qÀ : h --+ 11 Iµ respectivement la projection et l'injection
µEA µEA .
canoniques. Soient f: L--+ Mun monomorphisme et u: L--+ IÀ un morphisme.
Il existe alors un morphisme w: M--+ 11
Iµ tel que wf = qÀu.
µEA
f
0---+ L ---+ M

qAl î PA

11 Iµ
µEA
Mais alors v = pÀw satisfait à vf = pÀwf = pÀqÀu = u.
Suffisance. Supposons que chaque h est injectif et notons encore pÀ : 11 Iµ --+
µEA
h la projection canonique. Il existe pour chaque À E A un morphisme vÀ : M--+
IÀ tel que vÀf = pÀu
3. MODULES INJECTIFS 105

l)t.
Par suite de la propriété universelle, il existe un unique v : M-+ IIIµ. tel que
µ.6A
p)t.V = V)t. pour tout À. Mais alors p)t.vf = V)t.f = p)t.U pour tout À. Par l'unicité,
on a bien vf = u. D
Il n'existe pas pour les modules injectifs de théorème de structure dual au
théorème (2.4). Cependant, on peut montrer qu'un module I est injectif si et
seulement si tout morphisme de source I est une section.
THÉORÈME 3.3. Un A-module lA est injectif si et seulement si toute suite
exacte courte de la forme

0--+ILM~N-o
est scindée.
DÉMONSTRATION. Nécessité. L'injectivité de I implique l'existence d'un mor-
phisme v : M-+ I qui prolonge 11 : I-+ I, c'est-à-dire tel que vf = 11. Ainsi,
f est une section.
Suffisance. Soient f : L -+ M un monomorphisme et u : L -+ I un morphisme
arbitraire. Posons N = Coker f. Construisons la somme amalgamée Q de f et
u. D'après (III.5.9), on obtient un diagramme commutatif à lignes exactes
f
0 ---+ L ---+ M ---+ N ---+ 0

ul lv
0 ---+ I
---
h
---+
h'
Q ---+ N ---+ 0

Par hypothèse, la suite du bas est scindée, donc il existe h' : Q -+ I tel que
h'h = 11 . Mais alors h'v: M-+ I satisfait à (h'v) f = h'(vf) = h'hu = u, ce qui
montre bien que I est injectif. D
THÉORÈME 3.4 (CRITÈRE DE BAER). Un A-module IA est injectif si et seule-
ment si, pour tout idéal à droite JA de A et tout morphisme v : JA -+ IA, il
existe un morphisme w: AA-+ IA dont la restriction à J égale v.
DÉMONSTRATION. La nécessité étant évidente, il reste à montrer la suffisance.
Soient I satisfaisant à la condition donnée, f : L -+ M un monomorphisme et
u : L -+ I un morphisme arbitraire. Comme f est un monomorphisme, on peut
regarder L comme un sous-module de M. On considère donc l'ensemble f, des
106 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

paires (L', u') où L ç L' Ç Met u' : L' -+ I prolonge u. Alors e ':F 0 puisque
(L,u) E e.
f
0 ~ L M
', /'
ul ; /u'
L' /

I ,/
On ordonne e par (L', u') ~ (L", u") si et seulement si L' Ç L" et u" prolonge
u'. Il est évident que l'on a là un ordre partiel et le lecteur vérifiera aisément
que e est inductif pour cet ordre. Le lemme de Zorn permet de conclure à
l'existence d'une paire maximale (Lo, uo) dans e. Si Lo = M, on a fini. On va
donc supposer que Lo i M et arriver à une contradiction.
Soit x E M\Lo. On pose J ={a E A 1 xa E Lo}: alors J est évidemment un
idéal à droite de A. On définit v: J-+ I par v(a) = uo(xa) pour a E J. Il suit
de l'hypothèse qu'il existe une application A-linéaire w: A-+ I qui prolonge v.
Considérons maintenant le sous-module Li = Lo+ xA de M (qui contient
proprement Lo). On définit un morphisme ui : Li -+ I par ui (xo + xa) =
uo (xo) +w(I)a pour x 0 E Lo et a E A. Il faut montrer que cette définition n'est
pas ambiguë. Mais si xo + xa = x~ + xa' (avec xo, x~ E Lo et a, a' E A), on a
xo - x~ = x (a' - a) E Lo et donc a' - a E J. Par conséquent, uo(x(a' - a)) et
v(a' - a) sont définis, et on a uo(xo -x~) = uo(x(a' -a)) = v(a' - a) = w(a' -a).
Donc uo (xo) + w(I)a = uo (x~) + w(I)a': On a prouvé que ui : Li -+ I est un
morphisme. Comme il prolonge uo, la paire (Li. ui) est danse et est strictement
plus grande que la paire maximale (Lo, u0 ), une contradiction. Donc Lo= Met
I est injectif. D

On a vu que tout module est quotient d'un A-module projectif (ce qui suit
de (2.5), ou plus directement de {2.1) et {IIl.3.6)). L'énoncé dual, à savoir que
tout module est sous-module d'un module injectif, est également vrai, mais plus
difficile à démontrer. Pour ce faire, nous commençons par donner des exemples de
A-modules injectifs. On remarque d'abord que la définition d'un groupe abélien
divisible peut être généralisée de façon évidente.
DÉFINITION. Un A-module M est dit divisible si, pour tout x E M et tout
a E A non nul qui n'est pas un diviseur de zéro, il existe un y E M tel que
X =ya.

Rappelons que Q et Q/Z sont deux exemples de Z-modules divisibles.


Notre objectif est d'abord de caractériser les groupes abéliens injectifs. Nous
donnons en fait une caractérisation valide pour tout domaine d'intégrité princi-
pal (c'est-à-dire une algèbre commutative, intègre et dont tous les idéaux sont
principaux : c'est par exemple le cas pour la Z-algèbre '1l. et la K-algèbre K[t]
des polynômes en t à coefficients dans un corps K).

THÉORÈME 3.5. Tout A-module injectif est divisible. Réciproquement, si A


est un domaine d'intégrité principal, tout module divisible est injectif.
3. MODULES INJECTIFS 107

DÉMONSTRATION. Soit I un A-module injectif. Prenons x E I et a E A non


diviseur de zéro. On considère le sous-module aA de AA et on définit u : aA --+ I
par u(ab) = xb (où b E A). On note que u est définie sans ambiguïté car a n'est
pas un diviseur de zéro. Comme I est injectif, il existe v : A --+ I qui prolonge u
et donc x = u(a) = v(a) = v(I)a.
o-aA-A
u l /-;, /

I/
Réciproquement, soient A un domaine d'intégrité principal et DA un A-
module divisible. Afin d'appliquer le critère de Baer {3.4), on considère un idéal
à droite non nul JA de A et un morphisme u: J--+ D. Comme A est principal, il
existe a E A non nul tel que J = aA. Comme a n'est pas un diviseur de zéro, il
existe d E D tel que u(a) =da. On définit v : A--+ D par v(b) = db (où b E A).
Alors v prolonge bien u, puisque v(ac) = dac = u(a)c = u(ac) pour tout c E A
o-J-A
u l /-;, /

D/ .o
Le théorème entraîne immédiatement qu'un groupe abélien est divisible si et
seulement s'il est injectif. Par exemple, Q et Q/Z sont des Z-modules injectifs.
DÉFINITION. Un A-module injectif Q est appelé un cogénérateur injectif si
HomA(M, Q) '# 0 pour tout A-module non nul MA·
LEMME 3.6. Q/Z est un cogénérateur injectif de Mod Z.
DÉMONSTRATION. Soit M un groupe abélien non nul. On prend x E M non
nul. Si x est d'ordre infini, on définit u : x'll --+ Q/Z par u(x) = ~ + Z. Si x
est d'ordre fini n, on définit u : x'll--+ Q/Z par u(x) = ~ + Z. Par l'injectivité
de Q/Z, le morphisme non nul u : x'll --+ Q/Z se prolonge en un· morphisme
v : M --+ Q/Z, lequel est évidemment non nul aussi. D
PROPOSITION 3.7. Soit QA un cogénérateur injectif de ModA. Pour tout
A-module M, il existe un monomorphisme M--+ QA pour un ensemble A.
DÉMONSTRATION. Posons A = HomA(M, Q) et définissons f : M --+ QA
par f(x) = (u(x))ueA· C'est évidemment une application A-linéaire. Si x E
M est non nul, il existe un morphisme non nul u' : xA --+ Q (car Q est un
cogénérateur injectif), donc il existe un morphisme non nul u : M --+ Q qui
prolonge u'. En particulier u(x) '# 0 et donc f(x) '#O. L'application f est bien
un monomorphisme
o-xA----+M
/

u'Q/
l /~
.o
108 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

Comme QA est injectif, étant produit de modules injectifs (3.2), il suit de la


proposition que l'existence d'un cogénérateur injectif dans Mod A entraîne que
tout A-module est sous-module d'un A-module injectif.
En particulier, nous venons de voir que Q/'ll. est un cogénérateur injectif de
Mod 'll.. Donc tout groupe abélien est un sous-groupe d'un groupe abélien injectif
( = divisible).
Nous allons maintenant établir l'existence d'un cogénérateur injectif dans une
catégorie de modules arbitraire. Soit donc A une K-algèbre. On considère A
comme un (A - 'll.)-bimodule et le foncteur de changement des scalaires

Homz (AAz,-): Mod'll.-+ ModA

(en effet, il suit de (II.5.2) que ce foncteur donne à tout groupe abélien une
structure de A-module).

LEMME 3.8. Pour une K-algèbre A, le foncteur de changement des scalaires


Homz (AAz, - ) : Mod '1l. -+ Mod A est un adjoint à droite du foncteur oubli
U: ModA-+ Mod'll..

DÉMONSTRATION. Pour un A-module MA et un groupe abélien G, il faut


montrer qu'il existe un isomorphisme

cp : Homz (U M, G) ..:::. HomA (M, Homz (AAz, G))


fonctoriel en Met en G. On définit cp par

f 1----+ (x 1--+ (a 1--+ f(xa)))

(pour f E Homz (U M, G), x E M, a E A) et un morphisme

1/; : HomA (M, Homz (AAz, G)) -+ Homz (U M, G)


par
u 1----+ (x 1--+ u(x)(l))
(pour u E HomA(M,Homz(AAz,G)), x E M). Alors cp et 1/; sont bien des
isomorphismes inverses l'un de l'autre, puisque

(cp o 1/;)(u) = cp('l/;(u))

et
cp('l/;(u))(x)(a) = 'l/;(u)(xa) = u(xa)(I) = u(x)(a)
(pour u, x, a comme plus haut). On a donc bien (cp o 1/;)(u) = u pour tout u.
Par conséquent, cp o 1/; = 1. De même, 1/; o cp = 1. Enfin, la fonctorialité est un
exercice facile laissé au lecteur. O

PROPOSITION 3.9. Soit A une K-algèbre. Le A-module Homz (AAz, Q/'ll.) est
un cogénémteur injectif pour Mod A.
3. MODULES INJECTIFS 109

DÉMONSTRATION. On sait que Q/Z est un Z-module injectif. Par conséquent,


le foncteur Homz,{-, Q/Z} est exact. L'isomorphisme fonctoriel de {3.8} donne
alors l'exactitude du foncteur HomA (-, Homz, (AAz, Q/Z}} ..=. Homz{-, Q/Z).
Donc Homz, (AAz, Q/Z) est un A-module injectif. D'autre part, pour un A-
module M, le même isomorphisme de foncteurs donne un isomorphisme

HomA (M, Homz, (AAz, Q/Z)) ..::. Homz,{M, Q/Z)


où, à droite, M est vu comme un groupe abélien. Comme Q/Z est un cogénéra-
teur injectif pour ModZ, on a Homz,{M,Q/Z) =/: 0, d'où l'énoncé. D
Il résulte immédiatement de la proposition et des remarques suivant (3. 7)
que tout A-module est sous-module d'un A-module injectif. Nous réécrirons
maintenant cet énoncé sous la forme plus forte suivante.
PROPOSITION 3.10. Pour tout A-module M, il existe une suite exacte de la
forme
Io L0 ---+
0 ---+ M ---+ fi I 1 ---+ • • • ---+ l n ln+l l
---+ n+ 1 ---+ · • '

où les li sont des A-modules injectifs.


DÉMONSTRATION. Duale de celle de {2.5} et laissée au lecteur. D
Une suite exacte comme celle de la proposition s'appelle une résolution injec-
tive du A-module M. Une résolution injective à deux termes
0 ---+ M ---+ Io ---+ 11
s'appelle une présentation injective de M. Les résolutions et les présentations
injectives d'un module peuvent être comprises comme des approximations de ce
module par des modules injectifs.
Avant de clore cette section étudions une propriété intéressante des cogéné-
rateurs injectifs, que nous utiliserons au chapitre VI.
LEMME 3.11. Soit Q un cogénérateur injectif de ModA. Une suite de A-
modules
LLM~N
est exacte si et seulement si la suite induite de K -modules
HomA(g,Q) HomA(/,Q)
HomA(N, Q) HomA(M, Q) HomA(L, Q)
est exacte.
DÉMONSTRATION. Comme la nécessité résulte de l'injectivité de Q, il reste à
montrer la suffisance. Pour prouver que gf = 0, soit x E L tel que gf(x) =F O.
Comme Q est un cogénérateur injectif, il existe u: N--+ Q tel que u(gf(x)) =F O.
Mais alors ugf =/: 0 donne la contradiction Hom A(!, Q) Hom A(g, Q) =/: O. On a
démontré que gf = O.
Supposons maintenant que x E Ker g et que x ri. lm f. Soit p : M --+ Coker f
la projection canonique. Il suit de l'hypothèse que p(x) = x +lm f =/: O. Comme
Q est un cogénérateur injectif, il existe u : Coker f --+ Q tel que up(x) =F O.
110 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

Comme pf = 0, on a upf = 0, et donc up E KerHomA(/,Q) = ImHomA(g,Q).


Par conséquent, il existe v : N--+ Q tel que up = HomA(g, Q)(v) = vg:
f
L -----+ M __!_ N
1
lv

V.
l
Coker f ---+ Q
Mais alors on obtient la contradiction
0 1 up(x) = vg(x) = v(O) =O.

Cela montre que lm f 2 Ker g et donc établit l'énoncé. D


Comme application immédiate de ce lemme, nous tenons une promesse faite
à la section 1 en présentant une démonstration simple de la suffisance en (1.4) :
en effet, l'hypothèse de {1.4) implique que, si Q est un cogénérateur injectif de
Mod A, alors la suite
HomA (g,Q) HomA (f,Q)
0----+ HomA(N,Q) ---+ HomA(M,Q) ---+ HomA(L,Q)
est exacte, et le lemme précédent entraîne, comme prévu, l'exactitude de la suite

LLM~N-o.

4. Extensions essentielles et enveloppes injectives


Nous allons maintenant démontrer que l'on peut trouver un "plus petit" mo-
dule injectif E contenant un module donné M. Afin de justifier notre première
définition, remarquons que si E' est un sous-module injectif non nul de E, il en
est un facteur direct par suite de (3.3), dès lors E' n M = 0 entraînerait que M
se plonge dans E / E', ce qui contredirait la minimalité de E : on a donc besoin
d'un module injectif Etel que M coupe tout sous-module (injectif) non nul de
E. On arrive ainsi à la définition suivante.
DÉFINITION. Soit Mun A-module. Une extension essentielle Ede M est un
module E contenant Met tel que si N est un sous-module non nul de E, alors
N n M f O. On dit aussi que M est un sous-module essentiel de E.
Par exemple, il est facile de voir que Q est une extension essentielle de Z.
Il est utile d'exprimer la notion d'extension essentielle en termes de mor-
phismes.
DÉFINITION. Soient M,E deux A-modules. Un monomorphisme f : M --+
E est dit essentiel si, pour tout morphisme h : E --+ F tel que hf est un
monomorphisme, on a que h est lui-même un monomorphisme.
Les deux propriétés suivantes sont immédiates.
LEMME 4.1. Soient f : L --+ M et g : M --+ N deux monomorphismes de
A-modules.
4. EXTENSIONS ESSENTIELLES ET ENVELOPPES INJECTIVES 111

{i) Sig et f sont essentiels, alors gf : L-+ N est aussi un monomorphisme


essentiel.
(ii) Si gf: L-+ N est un monomorphisme essentiel, alors g est essentiel.
DÉMONSTRATION. (i) En effet, gf est évidemment un monomorphisme, et
hg/ monomorphisme implique successivement hg monomorphisme (car f est
essentiel) et h monomorphisme (car g est essentiel).
{ii) Si hg est un monomorphisme, il en est de même de hg/. Comme gf est
essentiel, h est un monomorphisme. O
PROPOSITION 4.2. Un monomorphisme f: M-+ E est essentiel si et seule-
ment si E est une extension essentielle de f(M).
DÉMONSTRATION. Nécessité. Soit en effet N un sous-module de Etel que
Nnf(M) =O. Alors la composition de f: M-+ E avec la projection canonique
p: E-+ E/N est un monomorphisme puisque x e Ker(p/) donne f(x) E Kerp =
N donc f(x) E N n /{M) = 0 et x = 0 puisque f est un monomorphisme.
Comme f est essentiel, p est un monomorphisme. Donc N = O.
Suffisance. Soit h : E -+ F tel que hf est un monomorphisme, et supposons
que N = Ker h =/= O. Alors N n f (M) =/= 0 donne un x E M non nul tel que
f(x) E N. Donc hf(x) = 0, ce qui est une contradiction. Par conséquent,
N=O. 0
Le résultat suivant montre que l'on peut caractériser l'injectivité par l'absence
d'extensions essentielles propres.
LEMME 4.3. Un A-module M est injectif si et seulement s'il n'a pas d'exten-
sions essentielles propres.
DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que M est injectif et que M ~ E.
D'après {3.3), M est un facteur direct de E : il existe N ~ E tel que N =/= 0
et E = M œN. En particulier, M n N = 0 et E ne pouvait être une extension
essentielle de M.
Suffisance. Soit M un module sans extensions essentielles propres. On veut
montrer que M est injectif. Par suite de {3.10), il existe un A-module injectif
E contenant M. Le lemme de Zorn affirme d'autre part l'existence d'un sous-
module N de E maximal pour la propriété que Mn N =O. Notons j: M-+ E
l'inclusion, et p : E -+ E/N la projection canonique. Comme Mn N = 0,
on a que pj : M-+ E/N est un monomorphisme. D'autre part, E/N est une
extension essentielle de M, puisque, si 0 =/= L / N Ç E / N, alors L ~ N et la
maximalité de N entraînent Ln M =/= 0 et donc (L/N) n M =/=O. L'hypothèse
entraîne que pj est un isomorphisme. Donc j est une section et M est facteur
direct de l'injectif E. Par conséquent, M est injectif. 0
On dira qu'une extension essentielle E d'un module M est maximale si M
n'admet pas d'extension essentielle E' telle que E ~ E'. Le théorème suivant
montre que ce sont les modules que nous cherchions.
THÉORÈME 4.4. Soient M Ç E deux A-modules. Les conditions suivantes
sont équivalentes:
112 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

(i) E est une extension essentielle maximale de M.


(ii) E est une extension essentielle de M et est injectif.
(iii) E est injectif et il n'existe pas de module injectif I tel que M Ç I ~ E.
En outre, pour tout A-module M, il existe un A-module E satisfaisant aux
conditions équivalentes précédentes.

DÉMONSTRATION. (i) implique (ii). D'après (4.l)(i), la relation "est une


extension essentielle" est transitive. Par conséquent, l'hypothèse implique que
E n'a pas d'extension essentielle propre. D'après (4.3), E est injectif.
(ii) implique (iii). En effet, s'il existait un tel I, son injectivité entraînerait
l'existence d'un module non nul I' Ç Etel que E = I œI'. Comme M Ç /,on
aurait M n I' = 0, ce qui est une contradiction.
(iii) implique (i). Par suite de (3.10), pour un module M donné, il existe un A-
e
module injectif I contenant M. On note l'ensemble des extensions essentielles
de M contenues dans I. Il est clair que f, f: 0, puisque M E ê. Il est facile de
voir que l'ensemble ê, ordonné par inclusion, est inductif. D'après le lemme de
e
Zorn, contient un élément maximal E. On affirme que E est une extension
essentielle maximale de M. Supposons que ce n'est pas le cas, et soit E' une
extension essentielle de M telle que E Ç E'. Comme I est injectif, l'inclusion
j : E - t I se prolonge en un morphisme f : E' - I
i
0 ---+ E ---+ E'
jl /
/1
I/
On affirme que f est un monomorphisme. En effet, E et E' sont toutes deux
des extensions essentielles de M et E Ç E'. Par suite de (4.l)(ii), E' est une
extension essentielle de E donc l'inclusion i : E - t E' est essentielle. Comme
fi= j est un monomorphisme, il en est de même de f.
Cela montre que f (E') est une extension essentielle de M contenue dans I.
La maximalité de E donne f (E') = E, et donc f induit un isomorphisme entre
E et E'. Ce qui démontre que E est une extension essentielle maximale de M
et en particulier, est un module injectif. Mais alors, par hypothèse, E = I.
Enfin, l'existence de E résulte de la construction. D

Ainsi, on a établi l'existence d'un plus petit module injectif contenant un


module donné, qu'on a caractérisé par les propriétés équivalentes du théorème
(4.4). Il est utile de pouvoir également le caractériser comme suit.

DÉFINITION. Soit M un A-module. Une enveloppe injective de M est une


paire (I,j), où I est un A-module injectif et j: M - t I est un monomorphisme
tel que, si (I', j') est une autre paire, avec I' un A-module injectif et j' : M - t I'
un monomorphisme, alors il existe un monomorphisme f : I - t I' tel que f j = j'.
4. EXTENSIONS ESSENTIELLES ET ENVELOPPES INJECTIVES 113

Par abus de langage, on dit souvent que I est l'enveloppe injective de M. On


note qu'avec les notations de la définition, f: I-+ l'étant un monomorphisme
de source injective est une section : cela montre que l'enveloppe injective d'un
A-module M est un facteur direct de tout injectif contenant M. Montrons
maintenant que cette notion coïncide avec celle d'extension essentielle maximale.
THÉORÈME 4.5. Pour tout A-module M, il existe une enveloppe injective,
unique à isomorphisme près. Celle-ci est isomorphe à une extension essentielle
maximale de M.
DÉMONSTRATION. Existence. Soient I une extension essentielle maximale de
Met j : M-+ I l'inclusion. Par suite de (4.4), I est injectif. Soit donc (I',j')
une paire comme dans la définition. L'injectivité de I' donne un morphisme
f : I -+ I' tel que fj = j'. Comme j' est un monomorphisme et j est essentiel
(d'après (4.2)), f est un monomorphisme.
Unicité. On a vu que la paire (J,j) avec I une extension essentielle maximale
de M, et j: M-+ I l'inclusion satisfait à la propriété cherchée. Soit (I',j') une
autre paire satisfaisant à cette propriété. Alors il existerait un monomorphisme
g : I' -+ I tel que gj' = j. Comme I' est injectif, il existerait I" Ç I tel que
I" -# 0 et I = I' œI". Mais alors I' n J" = 0 et M Ç I' donneraient Mn J" = 0,
ce qui contredit l'hypothèse que I est une extension essentielle de M. D
COROLLAIRE 4.6. Soit j : M -+ I un morphisme de A-modules. Les condi-
tions suivantes sont équivalentes:
(i) (I,j) est une enveloppe injective de M.
(ii) j est un monomorphisme avec I une extension essentielle maximale de
M.
(iii) j est un monomorphisme essentiel et I est injectif
DÉMONSTRATION. Il suit du théorème (4.5) que (i) équivaut à (ii) et du
théorème (4.4) que (ii) équivaut à (iii). D
Il y a tout lieu de se demander si les résultats duals sont valables pour les
modules projectifs. La notion duale de celle de monomorphisme essentiel est
celle d'épimorphisme superflu. Nous étudierons cette dernière au chapitre VII.
La définition d'enveloppe injective peut être aussi dualisée aisément. Pour un
A-module M, une couverture projective de M (voir chapitre VIII) est une paire
(P,p) où PA est projectif et p: P-+ M est un épimorphisme tel que, si (P',p')
est une autre paire avec P' projectif et p': P'-+ M un épimorphisme, il existe
un épimorphisme f: P'-+ P tel que pf = p'.
114 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

P'
}//t'
P..!!.....M--+O

l
0
Par conséquent, P est un facteur direct de tout projectif P' "couvrant" M.
Cependant l'énoncé dual de (4.5) n'est généralement pas vrai : pour une algèbre
quelconque, un A-module n'admet pas nécessairement de couverture projective.
Comme nous le verrons plus loin, il sera nécessaire d'énoncer des hypothèses sur
l'algèbre.
EXERCICES DU CHAPITRE IV 115

Exercices du chapitre IV
1. Soient F : Mod A -+ Mod B un foncteur exact et covariant, M un A-module
et Mi. M2 deux sous-modules de M. Montrer que F(M1 +M2) = F(M1)+F(M2)
et F(M1 n M2) = F(M1) n F(M2).
2. Soit un diagramme de Mod A

J
M ---+ N
où Pest projectif. Montrer qu'il existe h: P-+ M tel que fh = g si et seulement
si Img Ç lm/.
3. Énoncer et prouver le dual de l'exercice précédent.
4. Dans le diagramme à ligne exacte de Mod A
P' P"

!'l U V
0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0
P', P" sont projectifs. Construire un module projectif P et des morphismes u',
v', ftels que l'on ait un diagramme commutatif à lignes exactes
u' v'
0 ---+ P' ---+ P ---+ P" ---+ 0

!'l u
1 1
V
li"
0 ---+ M' ---+ M M" ---+ 0 .
Montrer que, si f' et/" sont surjectifs, f l'est aussi.
5. Énoncer et prouver le dual de l'exercice précédent.
6. Soit un diagramme commutatif de Mod A
J
p ---+ L ____!!._ M

N' ---+ N
l ---+
l
N"
avec P projectif, gf = 0 et la ligne du bas exacte. Trouver un morphisme
P -+ N' qui rende le diagramme commutatif.
7. Énoncer et prouver le dual de l'exercice précédent.
8. Soient A une K-algèbre, P un A-module projectif, et I un idéal bilatère
de A. Montrer que P/PI est un A/J-module projectif.
9. Montrer que tout module de type fini est un quotient d'un module projectif
de type fini.
116 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

10. On considère un entier positif fixe n > 1 et le morphisme de Z-modules


f : Z--+ Z défini par f(x) = nx.
(i) Montrer que l'on a une suite exacte de Z-modules

o--.zLz-Zn-o.
(ii) Montrer que la suite précédente n'est pas scindée (et donc que Zn n'est
pas projectif).
(iii) En déduire qu'un Z-module (= groupe abélien) de type fini est projectif
si et seulement s'il est libre.

11. Montrer que, si n = rs est un entier positif et si r, s > 1, le Zn-module


rZn est projectif mais n'est pas libre.
12. Montrer le lemme de Schanuel: si
o-~-A-M--.o~o-~-~-M-o

sont deux suites exactes courtes, avec P1 et P2 projectifs, alors Ki EB P2 ..:::+ K2 EB


P1.
13. Énoncer et prouver le dual de l'exercice précédent.
14. Montrer que, si PA est un A-module projectif engendré par m éléments,
alors PA est un facteur direct de A~>.
15. Montrer le théorème de la base projective : un A-module P est projec-
tif si et seulement s'il existe des familles (aÀheA d'éléments de P et (!ÀheA
d'éléments de HomA(P,A) telles que:
(i) Pour tout x E P, la famille (!À(x)heA soit à support fini.
(ii) x = L fÀ(x)aÀ pour tout x E P.
ÀEA
Si Pest projectif, la famille (aÀheA peut être prise comme étant un ensemble
quelconque de générateurs de P.
16. Soit A un domaine d'intégrité principal. Montrer que si Pest projectif,
alors xa = 0 pour x E Pet a E A entraîne x = 0 ou a= 0 (on dit alors que P
est sans torsion).
17. Soient A un domaine d'intégrité principal ayant Q pour corps des frac-
tions et I un idéal non nul de A. Montrer que I est projectif si et seule-
ment si I est inversible, c'est-à-dire s'il existe des éléments ai, a2, ... , an E I
et qi, q2, ... , qn E Q tels que qil ÇA pour 1 :::; i :::; net E aiqi = 1. En déduire
qu'un idéal projectif de A est nécessairement de type fini.
18. Montrer que si PA est projectif alors Homz (zPA, Q/Z) est un A0 P-module
injectif.
19. Montrer que Pest projectif si et seulement si, pour tout épimorphisme
f :I --+ I" avec I injectif et tout morphisme u : P --+ I", il existe v : P --+ I tel
que fv = u.
EXERCICES DU CHAPITRE IV 117

;//lu
1 ~ I" ----+ 0
20. Énoncer et résoudre le dual de l'exercice précédent.
21. Soient K un anneau commutatif, 1 un K-module injectif et A une K-
algèbre. Montrer que HomK(A, I) est un A-module injectif.
22. Soit K un corps. Montrer que tout K-espace vectoriel est un K-module
injectif.
23. Soient p un nombre premier, f : Z ---+ Zp et g : Zp2 ---+ Zp les surjections
canoniques. Montrer que le produit fibré de f et g est isomorphe à Z œZp.
24. Soient f : Z ---+ Q l'inclusion, et g : Z ---+ Z la multiplication par n.
Montrer que la somme amalgamée de f et g est isomorphe à Q œZn.
25. Montrer que, si Mi. M 2 et Mi n M 2 sont des sous-modules injectifs d'un
module M, alors Mi + M2 est injectif aussi.
26. Énoncer et résoudre le dual de l'exercice précédent.
27. Soient A un domaine d'intégrité principal et Q son corps de fractions.
Montrer que QA est divisible (et donc injectif).
28. Soient A un domaine d'intégrité principal et Q son corps de fractions.
Montrer que QA est l'enveloppe injective de AA.
29. Montrer que tout A-module à droite est injectif si et seulement si tout
idéal à droite de A est facteur direct de A.
30. Soient M Ç E deux modules. Montrer que E est une extension essentielle
de M si et seulement si, pour chaque x E E, soit x = 0, soit il existe a E A tel
que 0 =/: xa E M.
31. Soient M Ç E deux modules et (E>.) >.eA une chaîne de sous-modules de E
pour l'inclusion, chaque E>. étant une extension essentielle de M. Montrer que
U>.eAE>. est une extension essentielle de M (Indication : se référer à l'exercice
précédent).
32. Soient Mi. M2 deux modules d'enveloppes injectives respectives Ei. E2.
Montrer que Ei œE2 est l'enveloppe injective de Mi œM2.
33. Soient C, V deux catégories, F: C---+ V un foncteur adjoint à gauche d'un
foncteur G: V---+ C. Montrer l'existence de morphismes fonctoriels FG---+ lv
et le---+ GF (qui ne sont pas nécessairement des isomorphismes fonctoriels).
34. Soient A une K-algèbre et e un idempotent de A (c'est-à-dire un élément
e E A tel que e2 = e). Montrer que AA = eA œ(1 - e)A. En déduire que tout
A-module de la forme eA est projectif.
118 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS

35. Montrer qu'un A-module injectif QA est un cogénérateur injectif de Mod A


si et seulement si le foncteur HomA(-, Q) est fidèle.
CHAPITRE V

Produits tensoriels. Algèbres tensorielle et extérieure

Plusieurs problèmes font intervenir par exemple trois modules L, M, N et une


application bilinéaire Lx M--+ N. Afin d'appliquer les procédés que nous con-
naissons, on aimerait pouvoir remplacer Lx M par un module T et l'application
bilinéaire précédente par une application linéaire T --+ N. De même, on aimerait
pouvoir remplacer un produit fini Mi x · · · x Mn par un module T, et une appli-
cation multilinéaire M 1 x · · · x Mn --+ N par une application linéaire T --+ N. Le
lecteur a sans doute vu que l'on a là l'énoncé d'une propriété universelle. Celle-ci
permet de définir la notion de produit tensoriel de modules qui a pour objet de
linéariser certaines applications bilinéaires ou multilinéaires. Nous étudierons
la relation du produit tensoriel avec les modules d'homomorphismes, puis nous
aborderons l'étude de diverses algèbres définies à l'aide de cette notion.

1. Produit tensoriel de modules


Soit A une K-algèbre. On se donne deux modules LA et AM. Une application
g du K-module produit L x M dans un K-module X est dite A-bilinéaire si
g (x1a1 + x2a2, y)= g (xi. y) a1 + g (x2, y) a2
g (x, Y1/31 + Y2/32) = g (x, Y1) /31 + g (x, Y2) /32
g(xa, y) = g(x, ay)
pour tous x,x1,x2 EL, y,y1,y2 E M, ai,a2,/3i./32 E K et a E A.
DÉFINITION. Un produit tensoriel de LA et AM est défini par la donnée d'une
paire (T, t), où T est un K-module et t : L x M --+ T est une application A-
bilinéaire, telle que, pour toute paire (X,g), où X est un K-module et g :
L x M --+ X est une application A-bilinéaire, il existe une unique application
K-linéaire g: T--+ X telle que gt = g.
t
LxM---+T

""'
9 ~ :-
!g
X

119
120 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

En d'autres termes, le produit tensoriel transforme toute application bilinéaire


de source L x M en une application linéaire de source T.
THÉORÈME 1.1.. Soient LA et AM deux A-modules, il existe dans ModK un
produit tensoriel de L et M, unique à isomorphisme près.
DÉMONSTRATION. Il suit de l'universalité qu'il suffit de montrer l'existence
d'un tel produit. Soit K(LxM) le K-module libre sur l'ensemble Lx M, c'est-à-
dire l'ensemble des combinaisons linéaires de la forme L
(x,x, y,x) a,x avec x,x E
.\EA
L, y,x E M et a,x E K tels que (a.xheA soit à support fini, et soit R le sous-
module de K(LxM) engendré par les éléments des formes suivantes:
(xiai +x2a2,y)-(xi,y)ai -(x2,y)a2
(x, Yi/3i + Y2/32) - (x, Yi) /3i - (x, Y2) /32
(xa, y) - (x, ay)
où x,xi.x2 E L, y,yi,Y2 E M, ai.a2,/311/32 E K et a E A. Posons T =
K(Lx M) / R, et soit t la composition de l'injection canonique j : Lx M -+ K(Lx M)
et de la projection canonique p: K(LxM) -+ T. Par définition de R, l'application
t est A-bilinéaire.
Soit (X,g) une paire comme dans la définition. Comme K(LxM) est un K-
module libre, il existe un unique morphisme de K-modules g' : K(LxM) -+ X
tel que g'j = g. Comme g est bilinéaire, g' s'annule sur les générateurs de R, et
donc g'(R) =O. Par conséquent, g' se factorise par K(LxM) / R, c'est-à-dire qu'il
existe un unique morphisme de K-modules g : K(Lx M) / R -+ X tel que gp = g'.
Mais alors on a gt = 9pj = g' j = g.
Lx M ~ K(LxM) ~ K(LxM) /R

~ g'l
X ./
/;
Enfin, 9 est uniquement déterminé par g, car si 9it = 9 2t, alors 9iPi = 9 2pj
entraîne que 9iP et 9 2P coïncident sur une base du K-module libre K(LxM),
donc sont égales. Comme p est un épimorphisme, 9iP = 9 2P implique 9i = 92 •
D
Par abus de langage, on dira que le K-module Test le produit tensoriel de L
et M, et l'on notera T = L ®A M. Le K-module L ®AM est engendré par les
éléments de la forme t(x, y)= x®y (où x EL, y E M) appelés des tenseurs. Par
conséquent, un élément arbitraire de L ®AM est de la forme L
(x.x ® y,x) a,x,
.\EA .
où (a,x) .xeA est une famille d'éléments de K à support fini. En outre, les relations
suivantes sont satisfaites:
(xi ai+ x2a2) ®Y= (xi® y) ai+ (x2 ®y) a2
X® (yi/3i + Y2/32) = (x ®Yi) /3i + (x ® Y2) /32
x®ay = xa®y
1. PRODUIT TENSORIEL DE MODULES 121

pour x,x1,X2 EL, y,y1,Y2 E M, o:i,0:2,/3i./32 E K et a E A.


Observons qu'alors que Lest un A-module à droite, M un A-module à gauche,
le produit tensoriel L ®AM n'est muni que d'une structure de K-module. Si,
cependant, A, B, C sont trois K-algèbres, BLA est un (B - A)-bimodule, et
A Mc est un (A- C)-bimodule, alors le produit tensoriel L ®AM est muni d'une
structure naturelle de (B - C)-bimodule par
b(x ® y)c = (bx) ® (yc)
(pour b E B, x EL, y E Met c E C). On laisse au lecteur le soin de vérifier les
axiomes.
Il importe de remarquer que le produit tensoriel de deux modules non nuls
peut se réduire à zéro. Soient en effet m, n deux entiers copremiers, alors Zm ®z
Zn= O. On sait qu'il existes, t E Z tels que ms+ nt= 1 (c'est ce qu'on appelle
la relation de Bezout), donc, pour tous x E Zm, y E Zn, on a
x ®y= ms(x ®y)+ nt(x ®y)= s(mx ®y)+ t(x ® ny) =O.
Comme Zm ®z Zn est engendré par les éléments de la forme x ®y, on a bien
Zm®zZn =0.
Comme on l'a vu en (III.3), l'énoncé d'une propriété universelle mène à un
processus de fonctorisation. Soient f : LA -+ LA et g : AM -+ AM' deux
applications A-linéaires. Alors l'application f x g : Lx M -+ L' x M' définie par
(f x g)(x,y) = (f(x),g(y)) (pour (x,y) EL x M) donne, par composition avec
l'application canonique t' : L' x M' -+ L' ®AM' une application A-bilinéaire
t'(f x g): Lx M-+ L' ®AM'. Par conséquent, il existe un unique morphisme
de K-modules f ® g : L ®AM -+ L' ®AM' rendant le carré suivant commutatif

LxM
fxgl
t'
L' xM' -----+ L'®AM'
Si f': LA-+ L~, g': AM'-+ AM" est une autre paire d'applications A-linéaires,
il suit du même raisonnement que l'on a un diagramme commutatif

LxM -----+ L®AM


fxgl lf®g
t'
L'xM' -----+ L'®A M'
J'xg' l t"
11'®9'

L" X M" -----+ L" ®AM"


L'unicité dans la propriété universelle entraîne alors :
(!' ® g') (f ® g) = (!' !) ® (g'g).
Si en particulier M = M' = M" et g' = g = lM, on a (!' !) ® lM =
(!' ® lM) (f ® lM ). Avec l'équation évidente lL®M = lL ® lM, cela montre que
122 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

la correspondance - ®A M : L .__. L ®A M, f .__. f ® 1 M définit un foncteur


covariant de ModA dans ModK. De même, la correspondance LA® - : M 1-+
L ®A M, g .__. lL ® g définit un foncteur covariant de Mod A0 P dans Mod K, de
sorte que le produit tensoriel - ®A - : (L, M) ......, L ®AM, (!, g) 1-+ f ® g définit
un bifoncteur de ModA x ModA0 P dans ModK, covariant en chaque variable.
En fait, on a un résultat un peu plus général.

PROPOSITION 1.2. Soient A, B deux K -algèbres, et AMB un (A - B)-bimo-


dule. La correspondance - ®A MB : LA 1-+ L ®A MB, f 1-+ f ® lM définit
un foncteur covariant de ModA dans ModB, et la correspondance AMB ® - :
BN i-+ AM ®B N, g 1-+ lN ® g définit un foncteur covariant de Mod B 0 P dans
ModA 0 P.

DÉMONSTRATION. Il suffit de vérifier que, pôur toute application A-linéaire


f : LA ---t L'..i_, l'application f ® lM : L ®AM ---t L' ®AM est B-linéaire, et cela
résulte immédiatement de la définition de la structure canonique de B-module
sur L®A Met L' ®A M. On montre de même le second énoncé. D

En particulier, si A est une K-algèbre commutative, et Mun A-module, les


foncteurs - ®A M et M ®A - sont des foncteurs covariants de Mod A dans
ModA.

PROPOSITION 1.3. (i} Soient A une K -algèbre commutative, et L, M deux


A-modules. On a un isomorphisme fonctoriel en chaque variable

(ii) Soient A, B deux K-algèbres et LA, AMB, BN trois modules. On a un


isomorphisme fonctoriel en chaque variable

L®A(M®BN) ~ (L®AM)®BN.

DÉMONSTRATION. (i) L'application LxM ---t M®L définie par {x, y) 1-+ y®x
(pour x E L, y E M) est A-bilinéaire et induit donc une application linéaire
f : L ® M ---t M ® L telle que f(x ®y) = y® x. De même, on construit
g : M ® L ---t L ® M telle que g(y ® x) = x ®y. Il est évident que f et g sont
des morphismes fonctoriels et mutuellement inverses.
{ii} Soit z un élément fixe de N. On définit un morphisme fz: M ---t M ®B N
par /z(Y) =y® z (pour y E M}. Ce morphisme de A-modules à gauche induit
un morphisme de K-modules 9z = IL ® fz : L ®A M ---t L ®A (M ®B N) tel
que x ®y 1-+ x ®(y® z) (pour x E L). L'application 'P : (L ®AM) x N ---t
L®A (M ®B N) définie par l(J(m,z) = 9z(m) (pour m E L®A M) est B-linéaire
et donc induit un morphisme (L ®AM) ®B N ---t L ®A (M ®B N) qui est K-
linéaire et tel que (x ®y)® z s'applique sur x ®(y® z). On construit de même
un morphisme L®A (M ®B N) ---t (L ®AM) ®B N tel que x® (y®z) s'applique
sur (x ®y) ® z. Il est évident que ces deux morphismes sont fonctoriels et
mutuellement inverses. D
1. PRODUIT TENSORIEL DE MODULES 123

THÉORÈME 1.4. Soit A une K-algèbre. Pour tous A-modules LA et AM, on


a des isomorphismes fonctoriels

DÉMONSTRATION. Les applications L ®A A -+ Let L -+ L ®A A définies


respectivement par x®a 1-+ xa et x 1-+ x®l (pour x EL, a E A) sont A-linéaires,
fonctorielles et mutuellement inverses. Cela montre le premier isomorphisme. Le
second est prouvé de la même façon. O

THÉORÈME 1.5. Soient (L>J >.EA une famille de A-modules à droite et (Mu)uEE
une famille de A-modules à gauche. Alors il existe un isomorphisme fonctoriel

DÉMONSTRATION. L'application

définie par {(x>.heA, (Yu )uEE) 1-+ (x>. ®Yu )(>.,u)EAxE (pour X>. E L>., Yu E Mu)
est A-bilinéaire, donc induit un morphisme

tel que (x>.heA ® (Yu )uEE 1-+ (x>. ®Yu )c>.,u)EAx'E'


Pour construire la réciproque, on note q>, : L>. -+ E9 L 1.u q~ : Mu -+ E9 Mw
µEA wE'E
et q~u: L>.®AMu-+ E9 (Lµ ®A Mw) les injections canoniques respectives.
(µ,w)EAX'E
On considère la famille de morphismes

Par la propriété universelle de la somme directe, il existe un unique morphisme

g: E9 (L>. ®Mu) -+ (E9 L>.) ®A (E9 Mu) tel que gq~u = q>. ® q~.
(>.,u)EAxE ÀEA uE'E
124 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

Mais alors on a

= g( L
(À,a)EAxE
q~a (xÀ ® Ya))

= L L (qÀ ®q~) (xÀ ®Ya)


ÀEAaEE

= L qÀ (xÀ) ® L q~ (Ya)
ÀEA aEE
= (xÀhEA ® (Ya)aEE ·

On voit bien que f et g sont mutuellement inverses. La démonstration de la


fonctorialité est aisée et laissée au lecteur. D
Ce théorème s'applique en particulier dans les deux cas suivants. Soient
(LÀheA une famille de A-modules à droite et M un A-module à gauche, alors il
existe un isomorphisme fonctoriel

( E9LÀ) ®AM-4 E9(LÀ®AM).


ÀEA ÀEA

De même, si Lest un A-module à droite, et (Ma)aeE une famille de A-modules


à gauche, il existe un isomorphisme fonctoriel

L ®A (œ
aEE
Ma) -4 E9 (L
aEE
®A Ma).

Un corollaire nous dit ce qui se passe pour un module libre.


COROLLAIRE 1.6. Soient LA, AM deux A-modules et A un ensemble. On a
des isomorphismes fonctoriels
L ®A A (A) -4 L~A) et A (A) ®AM -4 AM(A).
DÉMONSTRATION. (1.4) et (1.5). D

Si, en particulier, A est un ensemble fini ayant n éléments, on a


L®AA(n)4L~) et A(n)®AM..'.;AM(n).

COROLLAIRE 1.7. Pour tous m,n > 0, on a A(m) ®A A(n) ..;A(mn). En par-
ticulier, si K est un corps et si E, F sont des K-espaces vectoriels de dimension
finie, on a dimK(E ® F) = dimK E · dimK F. D
En fait, si {xi.··· , Xm} est une base du K-espace vectoriel E et {yi. ... , Yn}
est une base du K-espace vectoriel F, il suit de la définition du produit tensoriel
que l'ensemble {xi® Y; l 1 :5 i :5 m, 1 :5 j :5 n} est un ensemble générateur de
E ® F. Comme, d'après (1.7), sa cardinalité est égale à la dimension de E ® F,
il en constitue une base.
Ces considérations permettent de décrire la matrice du produit tensoriel de
deux applications linéaires entre K-espaces vectoriels. Soient en effet E, E', F, F'
1. PRODUIT TENSORIEL DE MODULES 125

des K-espaces vectoriels munis respectivement des bases {xi, ... , Xm}, {xL ... ,
x~}, {yi, ... ,yn}, {yi, ... ,y~}, et soient f: E---+ E' et g·: F---+ F' deux
applications linéaires ayant pour matrices respectives par rapport à ces bases
a= [ai;] et b = [.Bi;]. On cherche la matrice de f ® g : E ® F ---+ E' ® F' par
rapport aux bases {Xi ® Y; l 1 $ i $ m, 1 $ j $ n} et {xk ® Yé l 1 $ k $ p, 1 $
i $ q} respectivement. Or
(f ® g) (xi® Y;) = f (xi)® g (y;)

= ( ~ akiXk) ® (~ fit;Yé)
= L (aki.Bt;) (xk ® Yé).
k,t
La matrice cherchée est donc la matrice [aki.Bt;](i,j)(k,t) qu'on appelle parfois
produit tensoriel des matrices a et b et qu'on note a® b.
Si par exemple f, g : R 2 ---+ R 2 sont données dans les bases canoniques par les
matrices

[~ ~] et [a'
c'
b']
d'
respectivement, alors f ® g : R4 ---+ R 4 est donnée par

aa' ab' ba' bb']


[ ad ad' bd bd'
ca' cb' da' bb' ·
cd cd' de' dd'

Nous montrerons, pour terminer cette section, qu'on peut définir également le
produit tensoriel de deux algèbres. Soient en effet A, B deux K-algèbres. On sait
que le produit tensoriel A®K Best muni d'une structure naturelle de K-module.
Nous allons maintenant montrer qu'il est également doté d'une structure de K-
algèbre.

THÉORÈME 1.8. Soient A, B deux K -algèbres. Alors A® K B est muni d'une


structure naturelle de K -algèbre, qui est commutative si et seulement si A et B
le sont.

DÉMONSTRATION. Il suffit de définir le produit de deux éléments des formes


ai® bi et a2 ® b2 avec ai, a2 E A et bi. b2 E B. On pose

Le reste est une vérification facile laissée au lecteur. D

Un cas particulier important est celui où B = Mn(K), avec Kun corps. On


sait alors par l'exemple (I.1.2)(b) que B admet pour base sur K l'ensemble des
matrices ei; avec 1 $ i,j $ n. Si A est une K-algèbre, il suit de (1.6) que
A ®K B est un A-module libre ayant pour base l'ensemble des éléments de la
126 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

forme 1 ® ei; (pour 1 :5 i, j :5 n), où 1 désigne l'identité de A. En outre, il suit


de la définition de la multiplication dans A ®K B =A ®K Mn(K) que l'on a

A ®K Mn(K) -4 Mn(A).
Si on a aussi A = Mm(K), le terme de droite devient Mn (Mm(K)) =
Mmn(K), car les éléments de Mn (Mm(K)) ne sont pas autre chose que des
n x n matrices dont les coefficients sont à leur tour des m x m matrices sur K.
Ainsi, on obtient

2. Propriétés fonctorielles du produit tensoriel


Le théorème fondamental suivant, qui n'est à proprement parler qu'une re-
formulation de la définition, rend compte du fait que le produit tensoriel est un
adjoint à gauche du foncteur Hom.
THÉORÈME 2.1 (D'ADJONCTION). SoientA,B deuxK-algèbres et LA, AMB,
NB des modules. Il existe un isomorphisme de K -modules

HomA (L, HomB(M, N)) -4 HomB (L ®A M, N)


fonctoriel en chaque variable.
Ainsi, - ®AM est un adjoint à gauche de HomB(M, -).
DÉMONSTRATION. On considère les morphismes
f : HomA (L, HomB(M, N)) ---+ HomB (L ®AM, N)
défini par cp ..---. (x ®y ..---. cp(x)(y)) (pour cp E HomA (L, HomB(M, N)), x E L et
y E M), et
g : HomB (L ®AM, N) ---+ HomA (L, HomB(M, N))
défini par T/ ..---. (x ..---. (y..---. TJ(X ®y))) (pour T/ E HomB (L ®AM, N), x E L,
y E M). Ils sont K-linéaires, mutuellement inverses et fonctoriels en chaque
variable. D
Si C, D sont deux autres K-algèbres telles que cLA est un (C -A)-bimodule
et vNB est un (D - B)-bimodule, on vérifie de suite que l'isomorphisme est un
morphisme de (D - C)-bimodules.
On a, bien entendu, le résultat correspondant pour les A-modules à gauche,
que nous citons à cause de son importance: si A, B sont deux K-algèbres et AL,
BMA, BN sont des modules, il existe un isomorphisme de K-modules

HomA (L,HomB(M,N)) -4 HomB (M.®A L,N)


fonctoriel dans chaque variable ; ainsi, M ®A - est un adjoint à gauche de
HomB(M,-).
On arrive à l'exactitude des foncteurs produit tensoriel. Alors que (et parce
que) les foncteurs Hom sont exacts à gauche, les foncteurs produit tensoriel sont
exacts à droite : en effet, cela résulte de ce que le produit tensoriel est adjoint à
gauche du foncteur Hom.
2. PROPRIÉTÉS FONCTORIELLES DU PRODUIT TENSORIEL 127

THÉORÈME 2.2. Soit A une K -algèbre. Une suite de A-modules à gauche


f g
AM' - AM - AM'' ----+ 0
est exacte si et seulement si, pour tout A-module à droite LA, la suite induite
lL®f 1L®9
L®AM' -L®AM-L®AM11 ----+0
est exacte (en particulier, le foncteur L ®A - est exact à droite).
DÉMONSTRATION. La nécessité découle de (2.1) et de (IV.1.6), la suffisance
résulte de (1.4) en posant LA = AA. O
Il faut remarquer que le foncteur L ®A - n'est pas exact à gauche en général
(et donc pas exact) : en effet, on considère, pour p premier, la suite exacte courte

0--+ZLZ--+Zp--+O
où f : x 1-+ px (pour x E Z). Le foncteur Zp ®z - donne une suite exacte à droite
lzp®/
Zp ®z Z - Zp ®z Z ----+ Zp ®z Zp ----+ O
et même si Zp ®z Z ~ Zp f. 0, on a lzp ® f = 0, puisque, pour a E Zp et x E Z,
(lzp ®/) (a®x) = a®f(x) = a®px = pa®x = O®x =O. En particulier,
lzP ® f ne peut être un monomorphisme.
COROLLAIRE 2.3. Soit A une K-algèbre. Une suite de A-modules à gauche

0----+ AM' - f AM g
---+ AM" ----+ 0
est exacte et scindée si et seulement si, pour tout A-module à droite LA, la suite
lL®f 1L®9
0----+ L®AM' -L@AM-L®AM''----+O
est exacte et scindée.
DÉMONSTRATION. Supposons en effet que la première suite est exacte et
scindée. Il existe /' : M --+ M' tel que /' f = lM'. Alors il résulte de
(1L ® /') (IL ® !) = 1L ® lM' = 1L®M' que lL ® f est un monomorphisme
et en fait une section. Réciproquement, si la suite du bas est exacte et scindée
pour tout LA, le résultat découle de (1.4) en posant LA = AA. 0
THÉORÈME 2.4. Soit A une K -algèbre. Une suite de A-modules à droite
' f g Il
LA -L A -L A ----+O
est exacte si et seulement si, pour tout A-module à gauche AM, la suite induite
I f®lM g®lM Il
L ®AM-L®AM---+L ®AM----+0
est exacte (en particulier, le foncteur - ®AM est exact à droite).
DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (2.2) et laissée au lecteur. O
128 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

Notons que le foncteur - ®AM n'est généralement pas exact à gauche (en
effet, il suffit de considérer l'exemple qui suit (2.2), puisque Z est commutative).

COROLLAIRE 2.5. Soit A une K-algèbre. Une suite de A-modules à droite


f g
0- L~ - LA - L~ - 0
est exacte et scindée si et seulement si, pour tout A-module à gauche AM, la
suite induite
f®lM g®lM
0- L' ®AM - L ®AM - L'' ®AM - 0
est exacte et scindée.

DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (2.3) et laissée au lecteur. O

COROLLAIRE 2.6. Soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A.


(i) Pour tout A-module à droite LA, on a un isomorphisme fonctoriel

L®AA/I-4L/LI
défini par x ®(a+ I) i--+ xa +LI (pour x E L, a e A).
(ii) Pour tout A-module à gauche AM, on a un isomorphisme fonctoriel

A/I®AM-4M/IM
défini par (a+ I) ®xi--+ ax + IM (pour x E M, a E A).

DÉMONSTRATION. On se contentera de démontrer (i), la démonstration de


(ii) étant semblable. Or la suite exacte de A-modules à gauche

O----+ I ...!.....+A~ A/I----+ O

(où j et p sont respectivement l'inclusion et la projection canoniques) induit, en


appliquant L ®A-, un diagramme commutatif à lignes exactes

L®AI

li'
-lL®j
L®AA

11
-
lL®P
L®AA/I
lr
- 0

0 -----+ LI
- j'
L
- p'
L/LI -
où j' et p' sont respectivement l'inclusion et la projection canoniques, f' et f
sont définies par x ® a 1--+ xa (pour x e L et a e I ou a e A respectivement)
0

et f" est définie par passage aux conoyaux, donc f" (x ®(a+ I)) = xa +LI
(pour x E L, a E A). Comme f est un isomorphisme et p1 un épimorphisme,
le lemme du serpent (II.3.6) entraîne que Coker f" = 0, et donc f" est un
épimorphisme. Comme LI est par définition engendré par les éléments de la
forme xa (pour x E L, a E I), on a que f' est un épimorphisme. Par conséquent
Ker f" -4 Coker /' = 0, et /" est bien un isomorphisme. O
2. PROPRIÉTÉS FONCTORIELLES DU PRODUIT TENSORIEL 129

En particulier, si A = Z et si n > 0 est arbitraire, on a que, pour tout groupe


abélien L, le produit tensoriel L ®z Zn s'identifie canoniquement à L/nL.
II est naturel de considérer les modules pour lesquels le produit tensoriel est
un foncteur exact.
DÉFINITION. Un A-module LA est dit plat si le foncteur L ®A - est exact.
Comme L ®A - est toujours exact à droite, un module LA est plat si et
seulement si, pour toute suite exacte
0 ----+ AM' ----+ AM
de A-modules à gauche, la suite induite
0 ----+ L ®AM' ----+ L ®AM
est exacte. On a vu plus haut que le Z-module Zp avec p premier n'est pas plat.

LEMME 2.7. Soit (L>.heA une famille de A-modules. Alors E9L>. est plat si
>.eA
et seulement si chaque L>. est plat.
DÉMONSTRATION. Soit f : AM' ---+ AM un monomorphisme. On a d'après
(1.5) un diagramme commutatif où les flèches verticales sont des isomorphismes

(~L>.) ®AM' (~L>.) ®AM


li li
7
E9(L>. ®AM') -------+ E9(L>. ®AM)
>.eA >.eA
et où lest déduite des IL ... ®f par passage aux sommes directes. Par conséquent,
IœL>. ® f est un monomorphisme si et seulement si f est un monomorphisme, et
c'est le cas si et seulement si chaque IL>. ®f en est un (c'est-à-dire si chaque L>.
est plat). D
PROPOSITION 2.8. Tout module libre, ainsi que tout module projectif, est plat.
DÉMONSTRATION. Démontrons d'abord que AA est un module plat. Si en
effet f: AM'---+ AM est un monomorphisme, la commutativité du carré
J
M' ----+

A@AM' A@AM
où les flèches verticales sont les isomorphismes fonctoriels de (1.4) amène à
conclure que IA ® f est un monomorphisme.
Il s'ensuit alors que tout module libre est plat, d'après (2.7). Comme tout
module projectif est le facteur direct d'un module libre (IV.2.4), on a aussi,
toujours d'après (2.7), que tout module projectif est plat. D
130 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

Nous montrerons dans le chapitre VI que, pour une classe très importante
d'algèbres, la réciproque du deuxième énoncé est vraie, à savoir que tout module
plat est projectif.

COROLLAIRE 2.9. Pour tout A-module L, il existe une suite exacte


n ln P.n-1
· · · ---+ .rn ---+ ---+ · • · ---+
fi R0
p 1 ---+ fo
---+
L ---+ 0
où les Pi sont des A-modules plats.
DÉMONSTRATION. En effet, toute résolution projective (IV.2.5) de L satisfait
à cette condition. D
Une suite exacte comme celle du corollaire s'appelle une résolution plate de L.
Nous laissons au lecteur le soin de formuler et de prouver les résultats relatifs à la
notion de platitude pour les modules à gauche. Nous terminerons cette section
avec la description de deux isomorphismes fonctoriels qui précisent encore les
relations entre le produit tensoriel et le foncteur Hom.

PROPOSITION 2.10. Soient A,B deux K-algèbres, PA un A-module projectif


de type fini, BMA un bimodule et BN un B-module à gauche. Il existe un
isomorphisme fonctoriel de K -modules

défini par
X@ f 1-+ (g 1-+ f(g(x)))
(où x E P, f E HomB(M, N), g E HomA(P, M)).

DÉMONSTRATION. Il est trivial de vérifier que la correspondance de l'énoncé


définit bien un morphisme cp de K-modules, fonctoriel en chaque variable. C'est
un isomorphisme si PA = AA puisqu'il est alors égal à la composition des
isomorphismes A@AHomB(M, N)-=. HomB(M, N)-=. HomB (HomA(A, M), N).
C'est donc encore un isomorphisme si PA= A~> (car les foncteurs donnés sont
linéaires). Or tout A-module projectif de type fini Pest un facteur direct d'un
module libre de type fini. L'énoncé découle alors de la commutativité des fonc-
teurs de l'énoncé avec les sommes directes finies. D
PROPOSITION 2.11. Soient A,B deux K-algèbres, PA un A-module projectif
de type fini, BMA un bimodule et NB un B-module à droite. Il existe un iso-
morphisme fonctoriel de K -modules

N @B HomA(P, M)-=. HomA (P, N @B M)


défini par
y®f ..._. (x 1-+ y@f(x))
(où y EN, f E HomA(P,M), x E P).

DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (2.10) et laissée au lecteur. D


3. THÉORÈMES DE WATTS 131

3. Théorèmes de Watts
Nous savons que les foncteurs produit tensoriel sont exacts à droite (d'après
(2.2) et (2.4)) et préservent les sommes directes (d'après (1.5)). Nous établirons
que réciproquement ces propriétés suffisent à caractériser le produit tensoriel.
En outre, au moyen de l'adjonction (2.1), nous obtiendrons des caractérisations
analogues du foncteur Hom. Commençons par le lemme suivant qui est en fait
un corollaire d'un résultat catégorique connu, le lemme de Yoneda (que nous ne
démontrerons pas ici).
LEMME 3.1. Soient A une K -algèbre, M, N deux A-modules tels qu'il eX'iste
un isomorphisme fonctoriel
<p: HomA(M,-)..:::. HomA(N, -)

(ou encore HomA(-,M)..:::. HomA(-,N)). Alors M -=.N.


DÉMONSTRATION. On a un isomorphisme de K-modules

l.fJN : HomA(M, N) ---+ HomA(N, N).


Soit donc f: M---+ N tel que 1.fJN(f) = lN. On considère le carré commutatif
'PM
HomA(M,M) --=-+ HomA(N,M)
HomA(M,f)l l HomA(N,f)
'PN
HomA(M,N) --=-+ HomA(N,N)
Posons g ='PM (lM)· Alors on a
lN = l.{JN(f)=cpN(f·lM)=<pNHomA(M,f)(lM)
= HomA(N,J)cpM {lM) = HomA(N,J)(g) = fg.
De même, le diagramme commutatif
-1
"'N
HomA(N,N) --=-+ HomA(M,N)
HomA(N,g)l l HomA(M,g)
-1
'PM
HomA(N,M) --=-+ HomA(M,M)
donne
lM = cp"ï./(g) = 'P°ï.l HomA(N,g) (lN)
= HomA(M,g)cpjV1 (lN) = HomA(M,g)(f) = gf.
Cela démontre l'énoncé dans le cas covariant. Le cas contravariant se démontre
de la même façon. D
Nous prouvons maintenant la caractérisation cherchée des produits tensoriels.
Le lecteur remarquera l'emploi d'une présentation libre en tant qu'approximation
(dans la première partie de la démonstration).
132 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

THÉORÈME 3.2. Soient A, B deux K -algèbres et F : Mod A --+ Mod B un


foncteur K -linéaire. Les conditions suivantes sont équivalentes:
(i) F est exact à droite et préserve les sommes directes.
(ii) Il existe un bimodule ATB tel que l'on a un isomorphisme fonctoriel
p-=. - ®ATB (en outre, on peut choisir T = F (AA)).
(iii) F admet un adjoint à droite.

DÉMONSTRATION. (i) implique (ii). Posons en effet T = F (AA)· n faut faire


de T un (A-B)-bimodule. Or le foncteur F induit un morphisme de K-algèbres
<p: A-=. EndA--+ EndF(A) qui, à son tour, induit une structure de A-module
à gauche sur le B-module TB= F(A)B par
a· t = ip(a)(t)

pour a E A, t ET. Comme, pour tout a E A, ip(a) est un endomorphisme de


TB, cela fait de T un (A- B)-bimodule. Or, si M est un A-module arbitraire, il
existe, d'après (III.3.7), des ensembles A et E et une suite exacte de A-modules

A~A) - A~I:) - MA - o.
Si on applique les foncteurs F et - ®A TB à cette suite, on obtient un diagramme
commutatif à lignes exactes de Mod B :

- M®ATB - 0

- F(M) - 0.

On en déduit l'existence d'un isomorphisme M ®A TB~ F(M) dont on voit


immédiatement la fonctorialité.
{ii) implique {iii). On pose G = HomB(T, -) : Mod B --+ ModA et on ap-
plique (2.1).
{iii) implique (i). D'après (IV.1.6), F est exact à droite. Pour montrer que
F (œ
>.eA
M>.) ..=. E9 FM>., on note que, si G: ModB--+ ModA désigne l'adjoint
>.eA
à droite de F,

~ HomA (œ>.eA
M>., ax)

..=. II HomA (M>., GX)


>.eA
~ II HomA (FM>.,X)
>.eA

~ HomB (E9FM>.,x)
>.eA
3. THÉORÈMES DE WATTS 133

pour tout X, où on a utilisé (III.2.9). Il suit alors de {3.1) que l'on a bien

F (œM>.)-=. œFM>.. o
>.eA >.eA
Par exemple, soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. On considère
le foncteur F: ModA---+ Mod(A/I) défini sur les objets par F(M) = M/MI, et
de façon évidente sur les morphismes. Il est facile de voir que F est exact à droite
et préserve les sommes directes. Il résulte du théorème que F est isomorphe (en
tant que foncteur) à - ®A F(A)A/I = - ®A (A/I), c'est-à-dire que pour tout
A-module M, il existe un isomorphisme fonctoriel:

M/MI-=.M ®A A/I.
Nous obtenons ainsi les mêmes résultats qu'en {2.6).
THÉORÈME 3.3. Soient A, B deux K -algèbres et F : Mod A ---+ Mod B un
foncteur K -linéaire contravariant. Les conditions suivantes sont équivalentes:
(i) F est exact à gauche, et transforme les sommes directes en produits.
(ii) n existe un (A- B)-bimodule T tel que F-=. HomA(-, T). En outre, on
peut choisir T = F(A).

DÉMONSTRATION. Comme il est évident que (ii) implique (i), montrons la


réciproque, c'est-à-dire que (i) implique (ii). Commençons par donner une struc-
ture de A-module à gauche au B-module à droite T = F(A). Le foncteur F
induit un morphisme de K-algèbres cp : A-=. EndA ---+ EndF(A), qui, à son
tour, induit une structure de A-module à gauche sur le B-module T = F(A) 8
par
at = cp(a)(t)
pour a E A et t E T. Comme cp(a) est un endomorphisme de TB, cela fait de
T un (A - B)-bimodule. Or, si M est un A-module arbitraire, il existe d'après
(III.3.7) des ensembles A et E et une suite exacte de A-modules

A~> --+ A~E) -+MA -+o.


Si on applique les foncteurs F et HomA(-, T) à cette suite, on obtient un dia-
gramme commutatif à lignes exactes de Mod B
0 --+ HomA(M,T) --+ T~ --+

l lTA

0 --+ F(M) --+ F(A)A --+

On en déduit l'existence d'un isomorphisme HomA(M, T)-=. F(M), dont on


vérifie aussitôt la fonctorialité. D
Comme on le voit, la démonstration de ce deuxième théorème de Watts est
semblable à celle du premier. Le troisième (qui traite du foncteur Hom covariant)
est un peu plus difficile.
134 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

THÉORÈME 3.4. Soient A, B deux K -algèbres et F : Mod A -+ Mod B un


foncteur K -linéaire covariant. Les conditions suivantes sont équivalentes:
(i) F est exact à gauche et préserve les produits.
(ii) F-=+ HomA(T, -) pour un (B - A)-bimodule BTA.
(iii) F admet un adjoint à gauche.

DÉMONSTRATION. (i) implique (ii). Soit lA un cogénérateur injectif de ModA.


On pose JA = I~(I) (le produit de copies de IA indexées par F(J)). Par hy-
pothèse, F(J) = F (JFU)) = F(J)F(I). On prend l'élément
Y= (x)xeF(I) E F(J),
et on définit ip: HomA(J,J)-+ F(I) par f >--+ F(f)(y) (pour f E HomA(J,J)).
Alors ip est un épimorphisme: en effet, soient x E F(J) et Px : J-+ I la xième
projection, alors ip (Px) = F (px) (y) = x puisque, F préservant les produits,
F (px) : F(J) -+ F(I) est la xième projection.
Nous voulons calculer le noyau de ip. Soit X un sous-module de J. Comme
Fest exact à gauche, F(X) est un sous-module de F(J), qui peut être identifié
à l'image de F(i) : F(X) -+ F(J) avec i : X -+ J l'inclusion. On définit
T comme l'intersection de tous les sous-modules X de J tels que y E F(X).
Il est clair que T est un A-module avec y E F(T). Alors f E Kerip si et
seulement si 0 = cp(f) = F(f)(y), c'est-à-dire que y E Ker F(f) = F(Ker /),
car F est exact à gauche. Par définition de T, cela donne T Ç Ker f. Soit
maintenant j: T-+ J l'inclusion. On a f E KerHomA(j,J) si et seulement si
0 = HomA(j,J)(f) = fj, c'est-à-dire T = Imj Ç Ker f. La comparaison de ces
deux résultats donne f E Ker ip si et seulement si f E Ker Hom A (j, /) c'est-à-dire
Kercp = KerHomA(j,J).
Comme I est un A-module injectif, l'application de HomA(-,J) à la suite
exacte courte
0 - + T __!___. J ~ J /T - + 0
(où p est la projection canonique) donne une suite exacte courte qui est la ligne
supérieure du diagramme
HomA (p,J) HomA (j,J)
0 -+ HomA(JfT,I) HomA(J,I) HomA(T,I) -+ 0

~i·· F(I)

~o
et on a montré plus haut que ip = coker Hom A (p, !). Donc il existe d'après
(II.3.4) un unique isomorphisme 1/J1 tel que <p = 1/J1 Hom A(j, !), c'est-à-dire que
l'on a 1/J1(!) = F(f)(y). Il est facile de voir que 1/J : HomA(T, -) -+ F défini
3. THÉORÈMES DE WATTS 135

pour M par 1/JM : HomA(T,M) --+ F(M) donné par 1/JM(/) = F(f)(y) est un
morphisme fonctoriel.
·Soit maintenant MA un A-module arbitraire. Il existe, d'après (IV.3.10), des
ensembles A, E et une suite exacte

Étant donné que F et HomA (T, - ) sont exacts à gauche, on en déduit un dia-
gramme commutatif à lignes exactes

0 ---+ HomA (T, M) ---+ HomA (T, J)A ---+ HomA (T, J)E
l1JiM
FJA
l 1Ji1A l
FJE
1/11E

0 ---+ FM ---+ ---+

Comme .,P1A et 1/JJE sont des isomorphismes, il en est de même de 1/JM· Il ne reste
plus qu'à vérifier que T admet une structure canonique de (B - A)-bimodule.
On considère l'identité lT E EndT. Comme 1/JT: EndT-=+FT, et que FT est
un B-module, on peut définir la multiplication de lT par b E B:

et on pose, pour x E T,
bx = {lT · b) (x).
Cela donne bien une structure de B-module à gauche pour T, et on vérifie sans
peine que cette structure fait de T un (B - A)-bimodule.
(ii) implique (iii). En effet, on peut prendre pour adjoint à gauche le foncteur
G = - ®B TA: ModB--+ ModA.
{iii) implique {i). En effet, l'exactitude à gauche de F résulte de (IV.1.6). Soit
G: ModB--+ ModA un adjoint à gauche de F, alors, pour tout B-module X,

.=. HomA (ax, II >.eA


M>.)

..::+ II HomA (GX, M>.)


>.eA
..::+ II HomB (X,FM>.)
>.eA

.=. Hom 8 (x, II >.eA


FM>.)

d'après (III.2.8). Par suite de (3.1), nous avons: F (II II


>.eA
M>.) ..::+
>.eA
FM>.. D
136 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

4. Algèbre tensorielle, graduations


On se propose, pour une K-algèbre A, d'associer à tout (A - A)-bimodule
une K-algèbre, qui est aussi un (A - A)-bimodule et définie uniquement. Ce
problème universel mène à la définition suivante.

DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Pour un (A - A)-bimodule AMA, une


algèbre tensorielle sur M est une paire (T(M), j) où T(M) est une K-algèbre et
aussi un (A - A)-bimodule, et j : M -+ T(M) est un morphisme de (A - A)-
bimodules tel que, si (B, !) est une paire formée d'une K-algèbre B qui est aussi
un (A - A)-bimodule, et f: M-+ Best un morphisme de (A -A)-bimodules,
alors il existe un unique]: T(M) -+ B qui est un morphisme d'algèbres et de
(A - A)-bimodules tel que ]j = f.
M __!__. T(M)

~ i1
B

THÉORÈME 4.1. Soient A une K-algèbre et AMA un (A - A)-bimodule. n


existe, à isomorphisme près, une unique algèbre tensorielle sur M.

DÉMONSTRATION. Il suffit de démontrer l'existence. On forme, par récurren-


ce, le produit tensoriel de d copies de M avec lui-même sur A (ou d-puissance
tensorielle de M):

M®O =A, et
M®d = M®(d-l) ®AM pour d;:::: 1.

C'est chaque fois un (A - A)-bimodule. Il suit de l'associativité du produit


tensoriel {1.3){ii) que l'on a, pour d, e ;:::: 0, un isomorphisme

M®d ®A M®e ~ M®(d+e)

défini par

(où Xi E Met Y; E M pour 1$i$d,1 $ j $ e). Cet isomorphisme permet de


définir une multiplication sur la somme directe

En effet, tout élément de T(M) s'écrit uniquement sous la forme t = L td,


d~O
où td E M®d et (td)d~o est à support fini. Ici, td est appelée la composante
4. ALGÈBRE TENSORlELLE, GRADUATIONS 137

homogène de degré d. Sis= L Se, où Se E M®e et (se)e~O est à support fini,


e~O
on définit

où le produit tdse est défini comme l'image de td ®Se E M®d ®A M®e dans
M®(d+e) au moyen de l'isomorphisme précédent. Donc la composante homogène
n
de ts de degré n est égale à L tdsn-d· Il est facile de vérifier que ce produit
d=O
fait de T(M) une algèbre associative. On prend pour j: M--+ T(M) l'inclusion
qui identifie M à M® 1 ç T(M).
Il reste à montrer que (T(M),j) satisfait à la propriété universelle. Soit donc
(B, !) une paire comme dans la définition. On définit J®d : M®d --+ B pour
d:;:: 1 par

Cela donne bien un morphisme de (A-A)-bimodules. Par la propriété universelle


de la somme directe, on trouve un morphisme de (A-A)-bimodules 7: T(M)--+
B. Ce dernier est aussi un morphisme de K-algèbres, car si x = x1 ® · · · ®
Xd E M®d, Y= Yt ® · · · ® Ye E M®e, alors f(x) = f (x1) · · · f (xd) et f(y) =
f (y1) · · · f (Ye)· Par conséquent
f(xy) = f (x1 ® · · · ® Xd ® Yt ® · · · ® Ye)
f (x1) · · · f (xd) f (Y1) · · · f (Ye) = f(x)f(y).
Enfin, f est uniquement déterminé par f, car il coïncide avec ce dernier sur
M = M® 1, et ce dernier engendre T(M) en tant que K-algèbre. D

Si A est une K-algèbre commutative, on peut évidemment remplacer "(A -


A)-bimodule" par "A-module" dans la définition et la construction précédentes.
C'est en particulier le cas si A= K. Par la suite, nous considérerons surtout ce
dernier cas. Par exemple, si A= K, X est un ensemble et M = K(X) {le module
libre sur X), il suit de la construction précédente que T(M) est isomorphe à
l'algèbre libre K(X) sur X (voir (111.3.8)). Si X= {t} n'a qu'un élément (c'est-
à-dire, si M = KKK), on a donc T(M)-4K[t].
Ce dernier exemple suggère un langage qui est parfois utile dans le contexte
précédent. Soit (Ad)dez une famille de K-modules indexée par Z. On identifie
Ad à un sous-module de A = E9 Ad au moyen de l'injection canonique.
dEZ

DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite graduée de type Z si le K-module


sous-jacent A est égal à la somme directe E9Ad d'une famille de sous-modules
dEZ
(Ad)deZ telle que AdAe Ç Ad+e pour tous d, e E Z. Un élément du sous-module
Ad, considéré comme élément de A, est dit homogène de degré d.
138 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

EXEMPLES 4.2. (a) A = K(ti, ... , tn] est une K-algèbre graduée: ici Ad =
0 pour d < 0 et si d ;::::: 0, alors Ad est le sous-module formé des polynômes
homogènes de degré d. Si n = 1, A = K[t] et Ad = Ktd pour d ;::::: O.
(b) T(M) est graduée par ses composantes homogènes M®d (ici aussi, M®d =
0 pour d < 0).
(c) L'algèbre K[t, r 1] des polynômes de Laurent est un exemple d'algèbre
graduée à composantes non nulles pour tout d E Z.
(d) Le produit tensoriel de deux K-algèbres graduées (voir (1.8)) est encore
une K-algèbre graduée : en effet, si A = E9 Ad et B = E9 Be,
alors A ®K B =
dEZ eEZ
E9 E9 (Ad ®K Be-d)· Par exemple, c'est le cas pour K(t) ®K K(s]-=+ K(t, s].
dEZ eEZ

LEMME 4.3. Soit A = E9 Ad une algèbre graduée. Alors Ao est une sous-
dEZ
algèbre de A.

DÉMONSTRATION. On a d'abord AoAo Ç Ao par définition. Il faut montrer


que 1 E Ao. Écrivons 1 = Lad avec ad E Ad. Supposons que x E Ae. Alors
dEZ
x = x · 1 = L xad. En comparant les composantes de degré e, on obtient x =
dEZ
xa0 • Par conséquent, x = xao pour tout x E A. En particulier, 1 = lao = ao.
Donc Ao est une sous-algèbre de A. D

DÉFINITION. Soient A = œ
dEZ
Ad une algèbre graduée, B une sous-algèbre et

I un idéal bilatère de A. On dit que B est une sous-algèbre graduée et que I est
un idéal gradué de A si B = E9 (B n Ad) et si I = E9
(J n Âd), respectivement.
dEZ dEZ

Il revient au même de dire que, si x =L Xd E B (ou x =L Xd E J) avec


dEZ
Xd E Ad pour tout d E Z, alors on a Xd E B (ou Xd E J, respectivement), pour
tout d E Z.
Ces deux notions sont liées comme d'habitude aux morphismes. Soient A=
E9Ad et B = E9Be
deux algèbres graduées. Un morphisme de K-algèbres
dEZ eEZ
cp : A --+ B tel que cp (Ad) Ç Bd pour tout d E Z est appelé un morphisme
d'algèbres graduées. Le lecteur vérifiera sans difficulté que l'image d'un mor-
phisme d'algèbres graduées est une sous-algèbre graduée et que son noyau est
un idéal gradué. Réciproquement, étant donné une algèbre graduée A et un
idéal gradué I de A, le quotient A/I est encore gradué et le morphisme cano-
nique A--+ A/I est un morphisme d'algèbres graduées (on remarque en effet que
A/I = E9(Ad/ (In Ad))). Enfin, notons que, si X est une partie de A formée
dEZ
d'éléments homogènes, alors l'idéal bilatère engendré par X est gradué: en effet,
5. ALGÈBRE EXTÉRIEURE, DÉTERMINANTS 139

tout élément de cet idéal s'écrit comme une somme de termes de la forme axb,
chacun se trouvant dans l'idéal, avec x E X et a, b E A homogènes.

5. Algèbre extérieure, déterminants


Maintenant nous énoncerons une propriété universelle qui permettra non seule-
ment d'enrichir notre banque d'exemples, mais aussi de retrouver des résultats
classiques. Comme toujours, K(= A) désigne un anneau commutatif.
DÉFINITION. Soit M un K-module. Une algèbre extérieure sur M est une
paire (/\M, j) où /\M est une K-algèbre, et j : M -+ /\M est un morphisme
de K-modules tel que j(x) 2 = 0 pour tout x E M, de telle sorte que, si (B,f)
est une paire avec B une K-algèbre et si f : M -+ B est un morphisme de K-
modules tel que f(x) 2 = 0 pour tout x E M, alors il existe un unique morphisme
de K-algèbres 7: /\M-+ B tel que fj = f.
j
M--+ /\M

~ 11
B

THÉORÈME 5.1. Pour tout K-module M, il existe, à isomorphisme près, une


unique K -algèbre extérieure sur M. C'est une K -algèbre graduée.
DÉMONSTRATION. On prend /\M = T(M)/J, où J est l'idéal bilatère de
T(M) engendré par les éléments de la forme x ® x, où x E M. De même, on
prend j l'injection de M dans /\M déduite de l'injection M -+ T(M), c'est-à-
dire la composition de cette dernière avec l'application canonique T(M)-+ /\M.
L'idéal J étant engendré par des éléments homogènes de degré 2, il est gradué,
et donc /\M est gradué par les sous-modules /\ dM = M®d / (M®d n J). Le reste
de l'énoncé est trivial. D
Par abus de langage, on appelle /\M l'algèbre extérieure sur M.
Notons que, pour des raisons de degré, M®o n J = 0 et M® 1 n J = O. On peut
donc identifier K à /\ 0 Met M à /\ 1 M. L'image dans /\M de l'élément x 1 ®· · ·®xd
de T(M) (où Xi E M) est notée x1 /\ · • · /\ Xd et appelée le produit extérieur des
éléments x 1 , •.• , xd. Un élément de /\M est une somme finie d'éléments de cette
forme.
De l'égalité x /\ x = 0 pour tout x E M, on déduit les égalités 0 = (x +y)/\
(x +y) = X/\ X+ X/\ y+ y/\ X+ y/\ y = X/\ y+ y/\ x, et donc X/\ y = -y/\ X
pour tous x,y E M. Cette propriété est parfois appelée l'anticommutativité de
l'algèbre extérieure.
On en déduit la remarque suivante qui nous sera utile dans l'étude des appli-
cations multilinéaires alternées. Soit d ~ 1 un entier. Le sous-module M®d n J
de M®d est engendré par les éléments de la forme x1 ® · · · ® Xd (où Xi E M)
tels qu'il existe un 1 ~ i < n avec Xi = Xi+l · Il est a fortiori engendré par les
éléments x 1 ® · · · ®xd tels que, pour deux indices i, j avec i < j, on a Xi = x; : en
effet, échangeant alors successivement x; avec les Xk pour i < k < j en vertu de
l'anticommutativité, on voit que x 1 /\ · · · /\ xd = ( -1 )i+l-i · · · /\Xi/\ x; /\ · · · = O.
140 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

Dans la suite de cette section, on se concentre sur le cas où M est un K-module


libre de base {e 1 , ... , en} (par exemple, M est un espace vectoriel de dimension
e
finie sur un corps K). Soit l'ensemble des parties de {1, 2, ... , n }. On considère
le K-module libre K(e): notre objectif est de montrer qu'il est possible de définir
une multiplication sur K(e) qui fait de ce module une K-algèbre isomorphe à
l'algèbre extérieure /\M. Cela fournira une seconde construction de /\M dans le
cas où M est libre de type fini.
Par définition, le K-module libre K(e) admet pour base l'ensemble des élé-
ments de la forme el, avec I E e. Afin de définir une multiplication sur K(e), on
définira une multiplication sur ces vecteurs de base, que l'on prolongera ensuite
par bilinéarité.
Soient donc I, 1' E e. On suppose que I = {ii. ... , ip} et I' = {ji, ... ,j9}
sont disjoints et que les éléments de ces ensembles sont ordonnés de telle sorte
que i 1 < · · · < ip et j1 < · · · < j 9. Si I et I' sont non vides, on note i (1, I') le
nombre de paires fü,it) E I x 1' telles que it < ik : une telle paire s'appelle une
inversion. Si I ou 1' est vide, on conviendra de poser i (1, 1') = O. On définit
alors le produit de deux éléments de base el, el' (où I,I' E e) par

En particulier, on voit tout de suite que e0 opère comme l'identité sur les vecteurs
de base. On convient donc de noter e0 = 1. Montrons que le produit ainsi défini
est associatif, c'est-à-dire que el (e1•e111) = (e1el') el" pour tous I, I', J" E e.
Cette égalité est évidemment vraie si les ensembles 1, 1', I" ne sont pas disjoints,
car les deux termes de l'égalité sont nuls. Si par contre J, I' et I" sont disjoints,
on a

(-1) i(l' '1") ele1 u1 11 = (-1) i(l' 'l")+i(l '1 Ul") e1U1 u111
1
el (el'e1 11 ) = 1 1

= (-1)i(1' ,l")+i(1,l')+i(1,1") elUl'Ul"

puisqu'il suit de la définition des inversions et du fait que I,I',1" sont disjoints,
que i (I, 1' U 1") = i ( 1, I') + i (I, J"). De même, on vérifie que le terme de droite
est égal à (elel') el"·
Par bilinéarité, on définit le produit de deux éléments du K-module libre K(e)
par

(où a1 et /3J appartiennent à K pour tous 1, J E e). Comme le produit


d'éléments de la base est associatif, il en résulte que le K-module A = K(e)
est muni d'une structure d'anneau associatif, d'identité e0 = 1, et en fait de
K-algèbre, puisque l'application a 1-+ a· 1 est un morphisme d'anneaux de K
dans le centre de A (voir (I.1.1)).
Notons qu'il suit de la définition du produit dans A que si I = { ii, ... , ip}
avec i1 < · · · < ip, on a el= e{ii} · · · e{i1,}·
5. ALGÈBRE EXTÉRIEURE, DÉTERMINANTS 141

THÉORÈME 5.2. Soit M un K-module libre de type fini. L'algèbre A cons-


truite ci-dessus est isomorphe à AM.
DÉMONSTRATION. On a évidemment un morphisme de K-modules h: M ~

A défini par h (~eiai) = ~e{i}ai {où ai E K). Nous allons montrer que la
paire {A, h) satisfait à la propriété universelle définissant AM. Pour commencer,
il suit de la définition du produit que h (ei) 2 = e{i}e{i} = 0 et par conséquent que
h(x) 2 = 0 pour tout x E M. Soient maintenant B une K-algèbre, et f: M ~ B
un morphisme de K-modules tel que f(x) 2 =O. On doit montrer qu'il existe un
unique morphisme de K-algèbres 7:
A~ B tel que fh = f.
h
M ___.A

~17
B
Or, si 7 est un morphisme de K-algèbres tel que fh = f, on doit avoir 7 (e0) =
1, tandis que, si I = {ii, ... , ip} avec i1 < · · · < ip, alors e1 = e{ii} · · · e{ip} =
h {ei1) · · · h {eip) entraîne que 7{e1) = f {ei1) · · · f {eip) . Cela assure l'unicité de
f. Afin de démontrer son existence, on prouvera que l'application 7 ainsi définie
est un morphisme de K-algèbres. Il suffit pour cela de montrer que 7 préserve
les produits, et, par linéarité, il suffit de montrer que, pour tous l, I' E f., on a
7(e1el') = 7(e1) 7(el').
Cette égalité est vérifiée si In I' =/: 0, car alors e1e11 = 0, donc 7 (e1e1') =
0, et le terme de droite f (e1)f (e11) s'annule aussi, car, si I = {i 1, ... ,ip},
I' = {ji, ... ,jq} avec ii < · · · < ip, j1 < · · · < jq et ik = it on voit que,
dans l'expression f {eii) · · · f {ei") f {e;i ) · · · f {e;q) , on peut ramener {avec un
éventuel changement de signe) les termes f (eik ) et f (e;t) côte à côte de telle
sorte que leur produit s'annule: f (eik) f (eit) = f (eik) 2 =O.
Supposons donc que I n I' = 0. Afin de vérifier le résultat, on procédera par
récurrence sur card I'. Si I' = {j}, I = { ii, ... , ip} avec i 1 < · · · < im-1 < j <
im < · · · < ip, le nombre d'inversions i (I, I') est égal à p - m de telle sorte que
e1e11 = {-l)P-me1u1 et 1

f (e1e1 1) {-l)p-m f (eii) · · · f (ei,,._i) f (e;) f (eim) · · · f (ei,,)


= f (ei 1) · · · f {eim-1) f (eim) · · · f {eip) f (e;)
= f(e1)f(eJ1).
Si cardl' > 1, soit j le plus petit élément de I', et posons I" = 11 \ {j}. Il
découle de l'hypothèse de récurrence que
f(e1e1 1) = f(e1e{j}e1") =f(e1u{j}e1 =f(e1U{j})f(e1
11 ) 11 )

= 7(e1) 7{e{j}) 7(el' 1) = 7(e1) 7(e{j}u1 = 7(e1) 7(e1 1). D


11 )

COROLLAIRE 5.3. Soit Mun K-module libre de base finie {ei, ... , en}· L'al-
gèbre extérieure AM est libre de type fini en tant que K -module, et une base en est
fournie par l'ensemble des éléments de la forme eï 1 A·· ·A fi"' où 1 = {ii. ... , ip}
142 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

avec ii < ... < ip parcourt l'ensemble des parties e de {1,2, ... ,n} (avec la
convention : e0 = 1).

DÉMONSTRATION. On a prouvé l'existence d'un isomorphisme de K-algèbres


h: A--+ AM tel que j = gh. Cet isomorphisme transporte la base (e1hee du
K-module libre A= K(e) sur la base ci-dessus du K-module AM. D
COROLLAIRE 5.4. Soient K un corps et E un K -espace vectoriel de dimension
n. Alors dimK AE = 2n. D

Soient maintenant M, N deux K-modules et m ~ 1 un entier. Une application


f : Mm --+ N sera dite multilinéaire si elle est linéaire en chaque variable, c'est-
à-dire si, pour tout 1 :5 i :5 m,
f (xi, ... ,Xia+ x~/3, ... ,Xm)=f (xi. ... ,Xi, ... ,xm) a+ f (xi, ... ,x~, ... ,xm)/3
où a, f3 E K et xi, ... , Xi, x~, ... , Xm E M. Il suit de la définition du produit
tensoriel M®m = M ®K ···®KM qu'il existe une bijection entre applications
K-linéaires M®m --+ N et applications multilinéaires Mm --+ N définie par
cp : g 1--+ gjm, où im : Mm --+ M®m est l'application canonique (xi, ... , Xm) 1--+
X1 @··· @Xm•
Une application multilinéaire f : Mm --+ N sera dite alternée si f (xi, ... , Xm)
= 0 pour tout (xi, ... ,xm) E Mm tel que Xi = x; pour i =f j. On notera
Alt (Mm, N) le sous-module du K-module des applications multilinéaires de Mm
dans N formé des applications multilinéaires alternées. Notons que, si f est
multilinéaire alternée, on a
/(xi, ... ,Xi, ... 1 x; 1 . . . ,xm) + /(xi, ... ,x;, ... 1 Xi 1 . . . 1 Xm)

= /(xi, ... ,xi+x; 1 . . . ,xi+x;, ... ,xm) =0

pour xi, ... ,xi, ... ,x;, ... ,xm E M.


Soit J l'idéal de T(M) engendré par les éléments de la forme x ® x pour
x E M, et soit f: Mm--+ N une application multilinéaire. On sait qu'il existe
une application K-linéaire g : M®m --+ N telle que f = Yim· Dire que f est
alternée revient alors à dire que g ( J n M®m) = O. Cette reformulation de la
définition fournit la clé de la proposition suivante.

PROPOSITION 5.5. Soit km : Mm --+ M®m --+ Am M donnée par

(xi. ... ,xm) 1--+ xi A··· A Xm


pour (xi, ... , xm) E Mm. C'est une application multilinéaire alternée et la cor-
respondance g 1--+ gkm définit un isomorphisme de K -modules HomK (Am M, N)
.::; Alt (Mm, N) pour tout N.

DÉMONSTRATION. Le premier énoncé est trivial. En appliquant le foncteur


HomK(-, N) à la suite exacte de K-modules

0---+ JnM®m-M®m ~AmM---+0,


5. ALGÈBRE EXTÉRIEURE, DÉTERMINANTS 143

on obtient une suite exacte


HomK(Pm,N)
O..-. HomK(AmM,N) HomK(M®m,N)---+ HomK(JnM®m,N).
On sait d'autre part qu'il existe un isomorphisme entre HomK (M®m,N) et le
K-module des applications multilinéaires Mm - N donné par g 1-+ gjm. Or,
une application K-linéaire g : M®m - N induit une application K-linéaire
Am M ..-. N si et seulement si g se factorise par Pm, ce qui est le cas si et
seulement si g (J n M®m) = O. On a vu que cela équivaut à dire que gjm est
alternée. Nous avons montré que l'image par l'isomorphisme précédent du sous-
module HomK (Am M, N) est égale à l'ensemble des applications multilinéaires
alternées Alt (Mm, N). Comme km = Pmjm, la correspondance est bien celle de
l'énoncé. D
Soit M un K-module libre de base {ei, ... , en}· Il résulte de (5.3) que,
pour tout entier m, Am M est un K-module libre ayant une base formée de
(::i) = ml(:~m)! éléments. En particulier, le K-module libre AnM admet une
base réduite au seul élément ei A··· A en. Par conséquent, si xi, ... , Xn E M, il
existe a E K tel que
Xi A .. · A Xn = (ei A .. · A en) a.
DÉFINITION. L'élément a E K défini par l'équation précédente s'appelle le
déterminant des n éléments xi, ... , Xn par rapport à la base ei, ... , en. On le
note det {xi, ... , Xn)·
LEMME 5.6. L'application de Mn dans K, définie par
(xi, ... , Xn) 1-+ det (xi, ... , Xn)
est l'unique application multilinéaire alternée prenant la valeur 1 en l'élément
(ei,. .. , en) E Mn.
DÉMONSTRATION. Il est évident que cette application satisfait à ces condi-
tions. Elle est unique car Alt (Mn,K) ..:=.HomK (AnM,K) ..:=.HomK(K,K)..::.K
par suite de (5.5) et à cause du fait que An M..::. K. D
Soient M, N deux A-modules et f: M..-. N une application K-linéaire. Pour
tout entier m 2::: 1, l'application (xi, ... , Xm) 1-+ f (xi) A · · · A f (xm) de Mm
dans AmN est évidemment une application multilinéaire alternée. D'après (5.5),
il existe une unique application K-linéaire g: AmM - AmN telle que
g (xi A··· A Xm) = f (xi) A··· A f (xm).
Cette application g est notée Am f et appelée la m ième puissance extérieure de
f. Elle est donc telle que
(Am/) (xi A .. · Axm) = f (xi) A .. · A f (xm)
pour xi, ... ,xm E M.
Supposons en particulier que N = M est un K-module libre ayant une base
{ei, ... , en}· Si f: M - M est K-linéaire, la nième puissance extérieure An f est
donc une application K-linéaire An M--+ An M. Comme An Ma une base réduite
144 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

au seul élément ei /\···/\en, on a que /\n f correspond à un endomorphisme du


K-module KK et est donc un scalaire.

DÉFINITION. Soit Mun K-module libre de base {ei, ... , en}. Le déterminant
det(f) d'une application K-linéaire f : M -+ M est un scalaire tel que, pour
tous Xi. ... , Xn E M, on a f (xi)/\ .. · /\ f (xn) = (xi /\ .. · /\ Xn) det(f).

On en déduit la définition de déterminant d'une matrice. En effet, soit [ai;]


une n x n matrice à coefficients dans K. À cette matrice correspond une appli-
cation K-linéaire f : Kn -+ Kn par
n
f(ei) = L e;a;i
j=l

pour tout 1 :::; i :::; n, où {ei. ... , en} est la base canonique de Kn. On définit le
déterminant det[ai;] de la matrice [ai;] comme celui de l'application f.

PROPOSITION 5.7. (i) det(lM) = 1.


(ii) Si f,g: M-+ M sont K-linéaires, det(gf) = det(g)det(f).
(iii) Si a E K et f : M -+ M est K -linéaire, det( af) = an det(f).

DÉMONSTRATION. (i) est triviale, (ii) suit de

(xi /\ · · · /\ Xn) det(gf) = (gf)(xi) /\ · · · /\ (gf)(xn)


= 9 [f (xi)] /\ · · · /\ 9 [f(xn)]
= [f(xi) /\ · · · /\ f(xn)] det(g)
= (xi/\ .. ·/\ Xn) det(f) det(g)

pour tous xi. ... , Xn E M. (iii} se démontre de la même façon. D

On retrouve la définition classique du déterminant. Notons encore {ei, e2 , ••• ,


en} la base canonique de M et [ai;] la matrice de f : M -+ M par rapport à
cette base. On a donc, par multilinéarité,

(ei /\···/\en) det(f) = f(ei) /\ · · · /\ f(en)

= (ti1=i
ei1ai1i) /\ "· /\ (.t
in=i
einainn)
n
:L:
it, ... 1Ïn=l
(ei1 "· · · "ein> ai1i ... ainn·

Comme il suit de l'alternance que la somme porte sur les n! permutations de


l'ensemble {1, 2, ... , n}, on a

(ei /\···/\en) det(f) = (ei /\···/\en) L sgn(u)au(i),1 · · · au(n).n


uESn
5. ALGÈBRE EXTÉRIEURE, DÉTERMINANTS 145

où Sn désigne le groupe symétrique sur {l, 2, ... , n} et sgn( a) la signature de la


permutation a E Sn. On a bien la définition classique
det{f) = L sgn{a)a:u(l),l · · · O:u(n),n·
ueS,.
On en déduit par exemple pour u- 1, comme sgn(u- 1) = sgn(a),
det{f) L:: sgn{a)a1.uc1>. · · an,u(n)
ues..
= det(Df)
où Df: HomK(M,K) --+ HomK(M,K) désigne l'application transposée de f
(c'est-à-dire, Df = HomK (!, K)) : en effet, on sait que la matrice de Df dans
la base duale de {ei, ... , en} est la transposée de la matrice [ai;] de f).
PROPOSITION 5.8. Soient K un corps, E un K -espace vectoriel de dimen-
sion finie n et x1, ... , Xm E M. Les vecteurs X1, ... , Xm sont linéairement
indépendants si et seulement si x1 /\ · · · /\ Xm =/: O. Si en outre m = n, ces con-
ditions équivalent à det(xi. ... , Xm) =/: 0, où ce déterminant est pris par rapport
à une base {ei. ... ,en} de E.
DÉMONSTRATION. Supposons x1, ... , Xm linéairement indépendants. Il exis-
te une base xi, .•• ,xm,Xm+l• ••• ,Xn de E. Le fait que X1 /\ · · · /\ Xm =/: 0
résulte alors de (5.3). Réciproquement, supposons que x 1 /\ · · · /\ Xm =/: O. Si
x10:1 + · · · +xmll:m = 0 avec les O:i dans K, on a 0 = {x10:1 + · · · +xma:m) /\x2 /\
• · · /\xm = (x1 /\x2 /\ · · · /\xm)a:1 et donc 0:1 =O. De même 0:2 = · · · = O:m =O.
Enfin, si m = n, il suit de la définition même de déterminant de x1, ... , Xn que
det{xi, ... , Xn) =/: 0 si et seulement si x1 /\ · · · /\ Xn =/: O. D
146 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

Exercices du chapitre V
1. Soient {e1,e2} et {/1,/a,fa} les bases canoniques de R 2 et Ra respective-
ment. Trouver les coordonnées de x ® y, où x = [ l J et y = [ ) 1 ] dans la base
{ei ® f;} de R 2 ®a Ra.
2. Montrer que
(i) Q®zQ~Q.
(ii) Zm ®z Zn~ Zcm,n)> où (m, n) est le pgcd des entiers met n.
(iii) G ®z Q = 0, pour tout groupe abélien fini G.

3. (Complexification d'un espace vectoriel réel). Soient E un R-espace vec-


toriel, et C considéré comme un R-espace. On pose Ec = E ®• C. Comparer
une base de E à une base de Ec. Montrer que, si Ec est considéré comme un
R-espace, alors E est (fonc~oriellement) isomorphe à un sous-espace de Ec.
4. Montrer qu'il peut y avoir, dans un produit L ®AM, un élément qui ne
peut se mettre sous la forme d'un produit unique x ®y, quels que soient x EL,
y E M (prendre A = K, L = M = K 2 ).

5. Montrer que R ®z Z[i] ~ C.


6. Soient Kun corps, et K(a) une extension de K engendrée par un élément a
de polynôme minimal f sur K. Si K' est une extension arbitraire de K, montrer
que K' ®K K(a) ~K'[t]/(f).
7. Soit M un K-module. Montrer que les éléments du K-module M ®K K(t]
peuvent se mettre sous la forme de polynômes en t à coefficients dans M.
8. Soient A une K-algèbre, LA et AM des modules. Montrer que l'on a un
isomorphisme fonctoriel L ®A M ~ M ®AoP L.
9. Soit A une K-algèbre. Montrer que l'application A--+ A ®K B définie par
a 1-+ a® 1 (pour a E A) est un morphisme d'algèbres.
10. Montrer qu'il existe, pour un A-module à droite Met une famille (N>..heA
de A-modules à gauche, une application fonctorielle

qui n'est généralement pas un isomorphisme (prendre N>.. = /Z.2,., A = N et


M=Q).
11. Montrer que, pour le monomorphisme j : Z2 --+ IZ.4 , le morphisme induit
--+ /Z.4 ®z Z2 est nul.
j ® 1 : Z2 ®z Z2

12. Prouver {2.2) et {2.4) directement (sans utiliser {IV.1.6)).


EXERCICES DU CHAPITRE V 147

13. Soient A une K-algèbre et

0-+L~ ~LA ..L+L~ -+0


0-+ AM' ~AM~ AM" -+ 0

deux suites exactes de A-modules à droite et à gauche, respectivement. Montrer


que g ® v : L ®AM - L" ®AM" est un épimorphisme de noyau lm(!® lM) +
Im{lL ®u).
14. Soient A une K-algèbre, I un idéal à droite de A et J un idéal à gauche de
A. Montrer que l'on a un isomorphisme de K-modules A/l®AA/J -=+A/(! +J).
15. Soient L, M deux K-modules. Trouver un morphisme L®zM - L®K M.
Si K = Q, montrer que c'est un isomorphisme.
16. Soient L, M, N trois K-modules. Montrer que

HomK (L, HomK(M, N)) .::+ HomK (M, HomK(L, N)).

17. Soient L, M deux K-modules et DL = HomK(L,K) le dual de L. On


définit r.p : DL ®KM - HomK(L, M) par r.p(/ ® x)(y) = xf(y) {pour f E DL,
x E M, y EL).
(i) Montrer que r.p est un morphisme de K-modules.
{ii) Montrer que r.p est un isomorphisme si L (ou M) égale Kn (où n est un
entier).

18. Soient L, M deux K-modules, DL = HomK(L, K) et DM = HomK(M, K)


leurs duals. Montrer qu'il existe un unique morphisme de groupes abéliens r.p :
DL®K DM - D(L®K M) tel que
r.p(f ® g)(x ®y) = f(x)g(y)

(pour f e DL, g e DM, x EL, y E M). Si K est un corps et si L,M sont de


dimension finie, montrer que r.p est un isomorphisme.
19. Soient A une K-algèbre commutative, Pet P' deux A-modules projectifs.
Montrer que P ®A P' est projectif.
20. Si PA est un A-module projectif et B une K-algèbre qui est aussi un
A-module à gauche, montrer que P ®AB est un B-module projectif.
21. Soient IA un A-module injectif et B une K-algèbre qui est aussi un A-
module à droite. Montrer que HomA (BBA,IA) est un B-module injectif.
22. Soient MA un A-module, LA un A-module libre et f : L - M un
épimorphisme. Montrer que M est plat si et seulement si, pour tout idéal à
gauche I de type fini de A, on a

LI n Ker f =(Ker f)I.


148 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE

En déduire qu'un Z-module M est plat si et seulement si, pour x E M, n E Z,


on a que nx = 0 implique x = 0 (comme on l'a vu à l'exercice (IV.16), on dit
alors que M est sans torsion).
23. On considère l'extension triviale A =A~ M d'une K-algèbre A par un
(A -A)-bimodule M, c'est-à-dire l'algèbre de K-module sous-jacent A$ M avec
la multiplication définie par

(a,x)(a',x') = (aa',ax' +xa')

(pour a, a' E A, x, x' E M) (voir l'exercice (I.15)). On définit une catégorie


M(A) comme suit : les objets sont les paires (X, cp), où X est un A-module et
où cp : X ®AM --+ X est A-linéaire, et tel que cp (cp ® lM) = O. Un morphisme
(X,cp)--+ (X',cp') est une application A-linéaire f: XA--+ X~ telle que cp'(f ®
lM) = fcp. Montrer que l'on a une équivalence de catégories M(A) .=. Mod A.
24. Considérons deux K-algèbres A, B, un bimodule BMA et l'algèbre trian-
gulaire de matrices A = [ ~ ~] munie de l'addition des matrices et de la mul-
tiplication induite de la structure de bimodule de M. On définit une catégorie
M(A) comme suit: les objets sont les triplets (X, Y,cp) où X est un A-module,
Y un B-module et où cp : Y ®B M -+ X est A-linéaire. Un morphisme
(X,Y,cp)--+ (X',Y',cp') est une paire (f,g) où f: XA--+ X~ est A-linéaire,
où g : YB -+ Y}J est B-linéaire et où cp'(g ® lM) = fcp.
(i) Montrer que si (X, Y, cp) est un objet de M(A), alors X$ Y devient un
A-module par

(x, y) [:i ~] = (xa + cp(y ® m), yb)

(où x EX, y E Y, a E A, m E M, b E B).


(ii) En déduire que l'on a une équivalence de catégories M(A) .=. Mod A.

25. Montrer le théorème suivant qui découle des résultats de Watts : pour
deux algèbres A, B, un foncteur F : Mod A --+ Mod B est une équivalence si et
seulement s'il existe des bimodules AUB et BVA tels que l'on a des isomorphismes
de bimodules AU ® B VA .=. A et BV ®A UB .=. B, et un isomorphisme fonctoriel
p.=. - ®AU
26. Soit cp : A --+ B un morphisme de K-algèbres, de sorte que l'on a des
structures de bimodules BBA et ABB. On fait d'un B-module MB un A-module
par ma= mcp(a) (pour m E M, a E A). Cela donne un foncteur F: ModB--+
Mod A. Montrer que

et que
EXERCICES DU CHAPITRE V 149

27. Soit A = EB Ad une algèbre graduée. Montrer que A+ = EB Ad est un


d<'.:O d<'.:1
idéal gradué.
28. Soient N Ç M deux K-modules. Montrer que T(M/N) est isomorphe au
quotient de T(M) par l'idéal bilatère engendré par l'image de N par l'application
canonique M -+ T(M).
29. Même exercice que le précédent pour l'algèbre extérieure.
30. Définir un foncteur "algèbre tensorielle" de la catégorie des K-modules
dans celle des K-algèbres.

31. Soient M,N deux (A-A)-bimodules. Montrer que T(MœN) .=.r(M)®A


T(N).
32. Soit Mun K-module de type fini ayant n générateurs. Montrer que /\M
est un K-module de type fini et qu'en outre /\mM = 0 pour m > n.
33. Soient y un vecteur et {xi, x2, ... , Xn} une base de Kn. Montrer que les
solutions ai de l'équation vectorielle E XïO:i = y sont données par
{x1 /\ •.. /\ Xn)O:i = X1 /\ ••• /\ Xi-1 /\y/\ Xi+i /\ .•• /\ Xn·

En déduire la règle de Cramer.


34. Soit E un K-espace vectoriel de base {ei, ... , en}. Si xi, ... , Xn E E sont
tels que E Xi /\ ei = 0, montrer que Xi = E e;a;i avec O:ij = O:ji·
35. Soit M un K-module. L'algèbre symétrique sur M est la donnée d'une
paire (S(M), s) où S(M) est une K-algèbre commutative et où s: M-+ S(M) est
K-linéaire et telle que, si (B, !) est une paire avec B une K-algèbre commutative
et si f: M-+ Best une application K-linéaire, il existe un unique morphisme
de K-algèbres 7: S(M)-+ B tel que ]s = /.
(i) Montrer que, pour tout K-module M, il existe une unique algèbre symé-
trique S(M) à isomorphisme près.
(ii) Montrer que S(M) a une structure naturelle d'algèbre graduée.
{iii) Soit M le K-module libre de base {ei, e2, ... , en}. Montrer que
CHAPITRE VI

Conditions de finitude. Modules simples et semisimples

Soit A une K-algèbre. Afin de décrire efficacement les A-modules et les mor-
phismes entre eux, il est naturel d'essayer d'imposer des conditions permettant
de se limiter à une situation plus simple. Dans ce chapitre, on posera des con-
ditions sur le treillis de sous-modules d'un module donné. Par exemple, on sup-
posera que le treillis en question est tel que tout ensemble non vide d'éléments
admet ou un élément maximal ou un élément minimal. On dit alors que le
module est noethérien dans le premier cas et artinien dans le second. Il se fait
que, si le module AA satisfait à l'une de ces conditions, alors tout A-module
de type fini y satisfera également. Il est donc naturel d'étudier les propriétés
des modules noethériens et artiniens de type fini. La coïncidence de ces deux
conditions nous donnera notre premier théorème de structure : le théorème de
Jordan-Hê)lder. On s'intéresse ensuite aux modules non nuls n'ayant pas de sous-
modules propres: un tel module est dit simple, et on obtient une caractérisation
complète des algèbres ayant la propriété que tout A-module est la somme directe
de A-modules simples. Ce dernier résultat, connu sous le nom de théorème de
Wedderburn-Artin, est d'une importance capitale : il montre en effet comment la
structure d'une algèbre peut être décrite au moyen de propriétés de la catégorie
de modules.

1. Modules artiniens et noethériens


DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun A-module.
(a) M est dit artinien si tout ensemble non vide de sous-modules de M
admet un élément minimal.
(b) M est dit noethérien si tout ensemble non vide de sous-modules de M
admet un élément maximal.
Avant de fournir des exemples, donnons des conditions équivalentes.
LEMME 1.1. Soient A une K-algèbre et M un A-module.
(a) M est artinien si et seulement si, pour toute suite de sous-modules de
M de la forme Mo 2 Mi 2 M2 2 · · ·, il existe i EN tel que M; =Mi
pour tout j > i (on dit alors que la suite devient stationnaire).

151
152 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

{b) M est noethérien si et seulement si, pour toute suite de sous-modules de


M de la forme Mo Ç Mi Ç M2 Ç · · · , il existe i E N tel que M; = Mi
pour tout j > i (on dit alors que la suite devient stationnaire).
DÉMONSTRATION. On donnera seulement la démonstration du cas noethérien
(b), celle du cas artinien s'obtenant en inversant les inclusions.
Supposons que M est noethérien, et soit Mo Ç Mi Ç M2 Ç · · · une suite
de sous-modules de M. Cette suite définit un ensemble non vide (Mi)ieN de
sous-modules de M, et donc elle doit contenir un élément maximal Mi {disons).
Mais alors M; =Mi pour tout j > i.
Réciproquement, supposons que la condition donnée est satisfaite et que e
est un ensemble non vide de sous-modules de M sans élément maximal. Soit
Mo E e. Comme Mo n'est pas maximal, il existe un sous-module Mi E e
tel que Mo ~ Mi. Par récurrence, on construit une suite (Mi)ieN telle que
Mo~ Mi ~ M2 ~ ···,ce qui contredit l'hypothèse que la condition donnée est
satisfaite. D
Cela nous amène à nos premiers exemples. Tout espace vectoriel de dimension
finie est évidemment artinien et noethérien. On considère d'autre part le Z-
module Z: tout sous-module est de la forme aZ pour un entier a, et aZ Ç bZ si
et seulement si b divise a ; comme tout entier a un nombre fini de diviseurs mais
un nombre infini de multiples, Zz est noethérien mais pas artinien.
Ce même raisonnement montre en fait que tout domaine d'intégrité principal
(comme l'algèbre de polynômes K(t] sur un corps K) est noethérien.
Les conditions du lemme sont appelées les conditions de chaînes. Ainsi, M est
artinien (ou noethérien) si et seulement si toute chaîne décroissante (ou crois-
sante) devient stationnaire : on dit que M satisfait à la condition des chaînes
décroissantes (ou croissantes, respectivement).
Supposons que le A-module M est artinien (ou noethérien), il y a lieu de
se demander s'il en est de même de tout sous-module ou de tout quotient de
M. Réciproquement, les conditions de chaîne sont-elles préservées par les exten-
sions? Pour répondre à ces questions, nous aurons besoin d'un lemme.
LEMME 1.2. Soient L et M' Ç M" trois sous-modules d'un A-module M. R
existe une suite exacte courte
M" n L M" M" + L
o- M'nL - M' - M'+L -o.
DÉMONSTRATION. Il suit du théorème d'isomorphisme (11.4.3) que l'on a des
suites exactes courtes

o- M' n L LM' - (M' + L)/ L - o


et
o -M"nL LM" - (M" +L)/L-o
où j' et j" sont les inclusions canoniques. D'autre part, l'inclusion canonique
M' --+ M" se restreint à l'inclusion M' n L --+ M" n L et donc induit par
passage aux conoyaux le morphisme (M' + L)/L --+ (M" + L)/L défini par
x' +y+ L 1--+ x' +y+ L (où x' E M', y E L) dont on voit de suite qu'il est
1. MODULES ARTINIENS ET NOETHÉRIENS 153

injectif. On en déduit, d'après le lemme des 3 x 3 (voir (II.3.7)), l'existence d'un


diagramme commutatif à lignes et à colonnes exactes :
0 0 0

0 ----+
1
M'nL ----+
1M' ----+
1
(M' +L)/L ----+ 0

0 ----+
1
M"nL ----+
1
M" ----+
1
(M" + L)/L ----+ 0

1
M"nL
1
M"
1
M"+L
0 ----+ ----+ ----+ ----+ 0
M'nL M' M'+L
1
0
10
1
0 .o
THÉORÈME 1.3. Soit 0---+ L---+ M---+ N---+ 0 une suite exacte courte de
A-modules.
(a) M est un module artinien si et seulement si L et N le sont.
{b) M est un module noethérien si et seulement si L et N le sont.
DÉMONSTRATION. La nécessité résulte évidemment de ce que tout sous-modu-
le de Lest un sous-module de Met de ce que tout sous-module de N = M/L
est un sous-module de M contenant L.
La suffisance sera démontrée dans le cas artinien, la démonstration du cas
noethérien de faisant de façon analogue. Soit donc Mo ~ M1 ~ Ma ~ · · · une
suite décroissante infinie. On a une suite décroissante

Mo n L 2 Mi n L 2 Man L 2 · · ·
de sous-modules de Let une suite décroissante

(Mo +L)/L 2 {M1+L)/L2 {Ma +L)/L 2 ···

de sous-modules de M/L.:::+ N. Il suit de {1.2) qu'au moins une de ces deux


suites est infinie. Cela montre que, si Let N sont artiniens, M l'est aussi. D
COROLLAIRE 1.4. Soit {Mi, ... , Mm} une famille finie de A-modules.
m
(a) Chaque Mi est artinien si et seulement si E9 Mi est artinien.
i=l
m
{b) Chaque Mi est noethérien si et seulement si E9 Mi est noethérien.
i=l

DÉMONSTRATION. La nécessité dans le cas m = 2 résulte du théorème et de


la suite exacte courte
154 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

Pour m > 2, on utilise la récurrence et la suite exacte courte


m
0 - - - - + (M1 E9 • • · E9 Mm-d - EB Mi --4 Mm --4 O.
i=l

Quant à la suffisance, elle découle de la récurrence et de la suite exacte courte


m
0 __. E9M; --4 E9M; __.Mi__. O. D
#i j=l

Le critère suivant (très utile) montre que les modules noethériens sont liés de
très près aux modules de type fini.

THÉORÈME 1.5. Un A-module M est noethérien si et seulement si tout sous-


module de M est de type fini.

DÉMONSTRATION. Nécessité. Soient M noethérien et N un sous-module de


e e
M. Soit l'ensemble des sous-modules de N de type fini. Alors =/: 0, puisque
e
le sous-module nul 0 est danse. Comme M est noethérien, admet un élément
maximal No. Supposons No =F N et soit x E N \ No. Le sous-module N 1 =
No +xA est la somme de deux sous-modules de N de type fini, donc est lui-même
un sous-module de N de type fini, c'est-à-dire Ni E ê. Mais d'autre part Ni
contient proprement No et cela contredit la ma.ximalité de ce dernier. On a donc
démontré que No= N. Par conséquent, N est de type fini.
Suffisance. Supposons que tout sous-module de M est de type fini, et soit
Mo Ç Mi Ç M2 Ç · · · une suite croissante de sous-modules de M. Posons
que N = LJ
Mi. Alors N est un sous-module de M. Par hypothèse, N est de
iEN
type fini, c'est-à-dire qu'il existe des éléments xi, ... , Xm E M tels que N =
(xi, ... , Xm}· Pour chaque 1 :::; j :::; m, il existe i; E N tel que x; E Mir
Posons que io = ma.x{ii, ... , im}· Alors x; E Mio pour tout 1 :::; j :::; met par
conséquent N Ç Mio· Comme d'autre part on a Mio Ç N, on en déduit que
N = Mio. En particulier Mi = Mio pour tout i ;:::: io. On a montré que toute
suite croissante de sous-modules de M devient stationnaire. D

Il suit directement du théorème que tout module noethérien est de type fini.

2. Algèbres artiniennes et noethériennes


DÉFINITION. Soit A une K-algèbre.
(a) A est dite artinienne à droite si AA est un A-module artinien.
{b) A est dite noethérienne à droite si AA est un A-module noethérien.

On formule de même les définitions d'algèbre artinienne à gauche et noethé-


rienne à gauche. Par exemple, Z est une algèbre noethérienne (à droite et à
gauche, étant commutative) mais pas artinienne, ainsi qu'on l'a vu dans la section
précédente. Tout quotient d'une algèbre noethérienne ou artinienne à droite (ou
à gauche) l'est aussi. Tout anneau {Z-algèbre) principal (par exemple Zn) est
2. ALGÈBRES ARTINIENNES ET NOETHÉRIENNES 155

noethérien. Toute algèbre de dimension finie sur un corps est artinienne ·et
noethérienne à droite et à gauche. L'algèbre des matrices

est artinienne et noethérienne à gauche, mais ni artinienne ni noethérienne


à droite. Nous montrerons plus loin un théorème important, le théorème de
Hopkins-Levitski, qui dit que toute algèbre artinienne à droite est aussi noethé-
rienne à droite. Enfin, le théorème suivant permet de construire plusieurs exem-
ples d'algèbres noethériennes. Remarquons qu'il suit de (1.5) qu'une algèbre A
est noethérienne à droite si et seulement si tout idéal à droite de A est de type
fini.

THÉORÈME 2.1 (THÉORÈME DE LA BASE o'HILBERT). Soit A une K-algèbre


noethérienne à droite. L'algèbre des polynômes A[t] est aussi noethérienne à
droite.

DÉMONSTRATION. Soit I un idéal à droite de A[t]. Pour chaque n EN, on


note In l'ensemble des a E A tels qu'il existe un polynôme de I ayant atn comme
terme de plus haut degré. Il est clair que In est un idéal à droite de A et que
In Ç In+l pour tout n. La suite croissante Io Ç li Ç · · · devient stationnaire,
puisque A est noethérienne à droite. Donc il existe no E N tel que In = Ino
pour tout n > no. Pour chaque i ::::; n 0 , l'idéal à droite Ji est de type fini : il
existe donc une famille finie {ail,ai2, ... ,aim;} d'éléments de A qui engendre h
Pour chaque paire (i,j), avec i :::=;no et 1 :::=; j :::=;mi, soit Pi; un polynôme de I
ayant ai;ti comme terme de plus haut degré. Nous affirmons que l'ensemble fini
{pi; 10 :::=; i :::=;no, 1 :::=; j :::=;mi} engendre J, ce qui démontrera l'énoncé.
Supposons que ce ne soit pas le cas et qu'il existe des polynômes de I qui ne
peuvent s'écrire comme combinaison linéaire des Pi;· On choisit un tel polynôme
de plus petit degré qu'on note p. Soit btd le terme de plus haut degré de p, de
telle sorte que p(t) = btd + · · ·. Comme p E J, on ab Eh Si d :::=; n 0 , on peut
md

écrire b = L addb; pour des b; E A et alors le polynôme


j=l

m,1
q(t) = p(t) - LPd;(t)b;
j=l

est un élément de I de degré < d. Il suit de la minimalité du degré de p que q


est une combinaison linéaire des Pi;. Mais alors il en est de même de p, ce qui
m,.o
est une contradiction. Si d >no, on peut écrire b = L an0 ;b; pour des b; E A
j=l
et alors le polynôme
mTLO

q(t) = p(t) - L Pno;(t)td-nob;


j=l
156 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

est un élément de 1 de degré < d. Le même raisonnement que plus haut aboutit
encore à une contradiction. D

COROLLAIRE 2.2. Soit K un corps. Alors K[t1, ... , tn) est une K -algèbre
noethérienne.

DÉMONSTRATION. Elle découle directement du théorème et de la récurrence


puisque K[t1, ... , tn) = K[ti. ... , tn-1Htn). D

Dans ce qui suit, le terme artinien (ou noethérien) accompagné d'aucune


précision veut toujours dire artinien (ou noethérien) à droite. Le théorème sui-
vant montre que sur une algèbre artinienne (ou noethérienne), il est toujours
possible de construire des modules artiniens (ou noethériens, respectivement).

THÉORÈME 2.3. Soit A une K -algèbre.


(a) Si A est artinienne, tout A-module à droite de type fini est artinien.
(b) Si A est noethérienne, tout A-module à droite de type fini est noethérien.

DÉMONSTRATION. On fera la démonstration du cas noethérien, celle du cas


artinien se faisant de façon analogue.
Soit MA un A-module à droite de type fini. On procède par récurrence sur le
nombre de générateurs de M. Si M = xA est cyclique, alors il existe un idéal à
droite lA de A tel que MA -=+AA/1 (voir (11.4.2)). Il suit alors de (1.3) que M
est noethérien. Si M = (xi, ... , Xm} avec m ;:::: 2, posons N = (xi, ... , Xm-1}.
Alors M/N = (xm + N} est cyclique et on a une suite exacte courte

0 ----t N ----t M ----t M/N ----t O.

Comme N est noethérien en vertu de l'hypothèse de récurrence et que M / N est


noethérien en vertu du cas m = 1 traité plus haut, il ne reste qu'à appliquer
(1.3) D

COROLLAIRE 2.4. Une K-algèbre A est noethérienne si et seulement si pour


tout A-module M de type fini, tout sous-module de M est aussi de type fini.

DÉMONSTRATION. En effet, supposons que A est noethérienne. Il suit du


théorème que tout A-module de type fini est noethérien. L'énoncé découle alors
de (1.5). Réciproquement, supposons la propriété donnée satisfaite. Si on ap-
plique cette propriété au module cyclique AA, on voit que tout idéal à droite de
A est de type fini. D'après (1.5) encore, A est noethérienne. D

On rappelle qu'une famille de modules injectifs a un produit injectif (IV.3.2).


Si l'algèbre est noethérienne, la somme directe aussi est injective.

COROLLAIRE 2.5. Soient A une K-algèbre noethérienne et (/>J>.eA une famille


de A-modules injectifs. Alors EB
1>. est injectif
>.eA
2. ALGÈBRES ARTINIENNES ET NOETHÉRIENNES 157

DÉMONSTRATION. On applique le critère de Baer (IV.3.4) : soit lA un idéal


à droite de A, on considère le diagramme à ligne exacte où j est l'inclusion et f
est A-linéaire:
0 - IA ~A
1l
E9I>.
>.EA
Comme A est noethérienne, il suit du corollaire précédent (ou de (1.5)) que
lA est de type fini, disons IA = (xi. ... , Xn). Pour chaque 1 ::; i :5 n, on a
n
f(xi) E E9 1>., où Ai est une partie finie de A. Soit LJ Ai = {Ài, ... , Àm} ÇA.
>.eA, i=l
m m m
Alors f(I) Ç E9I>.,· Comme E9I>., =II 1>., et le produit de modules injectifs
i=l i=l i=l
est injectif (IV.3.2), l'énoncé s'ensuit. D
Notre objectif est maintenant le suivant. Nous savons déjà que, sur toute
K-algèbre A, tout module projectif est plat. Nous allons démontrer que, sur
une algèbre noethérienne A, une réciproque partielle est valide, à savoir que tout
A-module plat de type fini est projectif. Pour cela, nous aurons besoin de deux
lemmes.
LEMME 2.6. Soient A une K -algèbre noethérienne, et MA un A-module de
type fini. Il existe m, n > 0 et une suite exacte de la forme
A~m) ____.A~> ____. M ____.O.

DÉMONSTRATION. En effet, M étant de type fini, il existe, d'après (III.3.6),


un entier n > 0 et un épimorphisme p: A~) --+M. Comme N = Kerp est un
sous-module du module (libre) de type fini A~), il suit de (2.4) que N est aussi
de type fini. Donc il existe un entier m > 0 et un épimorphisme p': A~) --+ N.
On a démontré l'existence d'une suite exacte
A(m) -.!!..+ A(n) ~ M ____. 0
A A
où q est la composition de p' et de l'inclusion N --+ A~). D
Comme on l'a vu en (III.3) une suite exacte comme celle du lemme s'appelle
une présentation (libre) finie. Le lemme (2.6) s'exprime en disant que, sur une
algèbre noethérienne, tout A-module de type fini est de présentation finie.
LEMME 2.7. Soient A, B deux K-algèbres, avec A noethérienne et soient LA,
sMA, sl trois modules, avec LA de type fini et sl injectif. Alors il existe un
isomorphisme fonctoriel

défini par
X® f 1-> (g 1-> f(g(x)))
158 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

(où x EL, f E HomA(M,l), g E HomA(L,M)).


DÉMONSTRATION. Il suit de (2.6) qu'il existe deux entiers m, n > 0 et une
suite exacte
A~m} _,A~> _,LA _,O.
Comme le produit tensoriel est exact à droite, on en déduit une suite exacte
A(m} ®A HomA(M,l) _, A(n} ®A HomA(M,I) _, L®A HomA(M,l) _,O.

D'autre part, le foncteur exact à gauche HomA(-, M) donne une suite exacte
0 _, HomA(L,M) _, HomA(A<n>,M) _, HomA(A<m>,M).

Comme Bl est injectif, HomB(-, J) est exact, d'où une suite exacte
HomB(HomA(A(m}, M), 1) _, HomB(HomA(A(n}, M), 1) _,
HomB(HomA(L,M),I) _,O.
On en déduit un diagramme commutatif à lignes exactes
A{m) ®A HomA(M,I) -+ A{n) ®A HomA(M,l) -+ L®A HomA(M,l) -+ 0

'P A(TR) 11 'P A(n.) 11 'PL 1


Homa(HomA(A<"'l,M),I) -+ Homa(HomA(A<">,M),J) -+ Homa(HomA(L,M),I) -+ 0

où 'PA<"'» 'PA<n> et 'PL sont les morphismes fonctoriels donnés. Or il résulte de


(V.2.10) et du fait que tout module libre est projectif que ipA<"'> et ipA<n> sont
des isomorphismes. Par conséquent, 'PL est aussi un isomorphisme d'après le
lemme des 5 (voir (Il.3.5)). D
THÉORÈME 2.8. Soit A une K-algèbre noethérienne. Tout A-module plat de
type fini est projectif.
DÉMONSTRATION. Soit P un A-module plat de type fini. Il faut montrer
que le foncteur HomA(P, -) est exact à droite. Soit donc M _, N _, 0
un épimorphisme, on doit démontrer que le morphisme induit HomA(P, M) -+
HomA(P,N) est aussi un épimorphisme. On considère Met N comme des (Z-
A)-bimodules. Il suffit, d'après (IV.3.11), de montrer que, pour un cogénérateur
injectif I de Mod Z (par exemple I = Q/Z), la suite
0--+ Homz(HomA(P,N),I) _, Homz(HomA(P,M),I)
est exacte. Or, d'après (2.7), on a un diagramme commutatif avec les flèches
verticales des isomorphismes
--+ Homz(HomA(P,M),I)
ll
--+ P ®A Homz(M, J)
La ligne du bas est exacte parce que Homz (- , J) est exact (puisque zl est injectif)
ainsi que P ®A - (puisque PA est plat). Par conséquent la ligne du haut est
exacte aussi, ce qui démontre l'énoncé. D
2. ALGÈBRES ARTINIENNES ET NOETHÉRIENNES 159

Notons que l'énoncé n'est pas vrai si le module en question n'est pas de type
fini. En effet, le lecteur pourra démontrer à titre d'exercice qu'un Z-module est
plat si et seulement s'il est sans torsion (c'est-à-dire si pour tout x E Met tout
entier n =F 0, on a que nx = 0 implique x = 0) (voir l'exercice (V.22)). En
particulier, Q est un Z-module plat, mais il n'est pas projectif (en effet, tout
Z-module projectif est libre, et Q n'a évidemment pas de base, voir l'exercice
(III.28)). Remarquons que Z est une algèbre noethérienne.
Nous terminons cette section sur un exemple d'algèbre non noethérienne.
Soit K un corps, l'algèbre A = K[ti, t2, ... ] de polynômes en une infinité
dénombrable d'indéterminées ti. t2, ... n'est pas noethérienne: en effet, le mo-
dule ÂA est cyclique {donc de type fini), mais l'idéal I = {ti, t2,. .. ) engendré
par les indéterminées en est un sous-module qui n'est évidemment pas de type
fini. La même algèbre fournit un exemple de module de type fini qui n'est pas
de présentation finie (voir (2.6)). En effet, on a une suite exacte courte
0--+ I--+ A....!..+ A/I--+ 0
et A/I est cyclique {car il est l'image d'un module cyclique) et donc de type fini.
Si A/I est de présentation finie, il existe une suite exacte

Li ~ Lo -1.!!..+ A/I --+ 0


avec L 0 , Li libres de type fini. Alors M = lm fi est de type fini et on a une suite
exacte courte
0--+ M--+ Lo~ A/I--+ O.
Le lemme du serpent (II.3.6) donne un diagramme commutatif à lignes et colon-
nes exactes
0 0

l i
l
I ---+ I

0 ---+ M ---+
l
E ---+
l
A ---+ 0

l /o
lp
0 ---+ M ---+ Lo ---+ A/I ----+ 0

l
0
l
0
avec E le produit fibré de p, / 0 • Comme Lo et A sont libres, la ligne et la
colonne du milieu scindent, de telle sorte que l'on a E..; A œM et E..; Lo œ!.
Le premier isomorphisme entraîne que EA est de type fini {puisque A et M le
sont) et le second que lA l'est aussi (car I est facteur direct de E), ce qui implique
une contradiction. Donc, A/ I n'est pas de présentation finie. Le lecteur aura
remarqué que l'on a prouvé et appliqué dans un cas particulier le lemme de
Schanuel (exercice (IV.12)).
160 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

3. Décomposition en blocs
Dans cette section, nous montrons comment une K-algèbre artinienne ou
noethérienne A se décompose en produit d'algèbres indécomposables (c'est-à-
dire qui ne peuvent être à leur tour décomposées en produit d'algèbres) de sorte
que l'étude de la catégorie Mod A se ramène à l'étude de catégories plus petites.
La notion de produit d'algèbres a déjà été introduite en {I.1.2). Bornons-nous à
t
la rappeler: soient Ai. ... , At des K-algèbres, le K-module A= II Ai acquiert
i=l
naturellement une structure de K-algèbre si on définit la multiplication par
(ai. a2, ... , at)(bi. b2, ... , bt) = (a1bi. a2b2, ... , atbt)
où ai, bi E A pour 1 :::; i :::; t.
Observons que chaque Ai peut être considéré comme un idéal bilatère de A
au moyen de l'injection canonique ai 1-+ (0, ... , O, ai, 0, ... , 0). Si on identifie Ai
à son image, on voit que Ai A; = 0 si i =F j et A~ Ç Ai (ce qui exprime le fait
que la multiplication s'opère par composantes). Notre propos est de caractériser
autrement cette situation. Notons Ci l'image de l'identité de Ai par l'injection
canonique Ai ---+A. Il est clair que l'identité 1 de A s'écrit comme suit:

1= C1 + C2 + ••• + Ct·
Nous allons caractériser les Ci·
DÉFINITION. Un élément e E A est appelé un idempotent si e2 = e. Un idem-
potente est dit central si e appartient au centre Z(A) de A. Deux idempotents
e et f sont dits orthogonaux si e/ = fe =O.

Par exemple, dans toute algèbre, 0 et 1 sont des idempotents centraux. Si


e E A est un idempotent, 1 - e est aussi un idempotent, et est central si e l'est.
En outre, 1 - e et e sont orthogonaux. La somme e + f de deux idempotents
orthogonaux e et f est un idempotent, lequel est central si e et f le sont. Dans
l'algèbre de matrices Mn(K), les matrices eii ayant 1 en position {i, i) et zéro
partout ailleurs sont des idempotents deux à deux orthogonaux (et, sin > 1,
non centraux). Dans Z12, les éléments 4 et 9 sont des idempotents orthogonaux
(et évidemment centraux, puisque Z 12 est commutative).
t
LEMME 3.1. Soient Ai, ... , At des algèbres, A= II Ai et 1 = c1 +c2+· · ·+Ct
i=l
une décomposition de l'identité de A avec Ci E Ai· Alors les Ci forment un
ensemble d'idempotents centraux deux à deux orthogonaux. En outre, Ci est
l'identité de Ai.

DÉMONSTRATION. On identifie Ai à un idéal de A. Pour tout ai E Ai, on a


t
= L:aiCj·
j=l
3. DÉCOMPOSITION EN BLOCS 161

Comme aic; E Ai A;, on en déduit que aic; = 0 pour i ;/:- j et donc ai = aiCt
pour tout i. De même ciai = ai pour tout i. Cela montre que Ct est l'identité de
At, que les Ct sont des idempotents deux à deux orthogonaux (on prend ai= Ct
dans aic; = 0 pour i ;/:- j et aiCt = ai)· Pour montrer que ci est central, soit
. t
a = La; E A avec a; E A; on a
j=i

Il se fait que, réciproquement, les propriétés établies suffisent à caractériser la


décomposition d'une algèbre en produit.

THÉORÈME 3.2. Soient A une K-algèbre, et une décomposition de l'identité


de A de la forme 1 =ci +c2+· · ·+Ct où les Ct forment un ensemble d'idempotents
centraux et deux à deux orthogonaux. Pour chaque 1 ~ i ~ t, on a que Ai= CtA
t
est un idéal bilatère de A et A .:; II Ai.
i=i

DÉMONSTRATION. Il est évident que le fait que Ci soit central implique que
t
CtA est un idéal bilatère. Il reste à montrer que A .:; II Ai. Mais on voit
i=i
immédiatement que a 1-+ (ci a, caa, ... , Cta) (pour a E A) et (a11 aa, ... , at) 1-+
ai+ aa + · · · + at (où ai E Ai pour 1 ~ i ~ t) sont des morphismes d'algèbres,
inverses l'un de l'autre. D

Par exemple, dans Zia, on a Ï = 4 + 9 donc Zia.:; 4Zi2 x 9Zi2 en tant que
Z-algèbres. Or 4Zi2 = {O, 4, 8} et 9Zi2 = {O, 3, 6, 9} : notons que 4 est l'identité
de 4Zi2 et 9 celle de 9Zi2· Enfin, 4Zi2.:; Z3 et 9Zi2.:; Z4 de telle sorte que l'on
a un isomorphisme de Z-algèbres Zia.:; Z3 x Z4.
On a montré qu'il existe une bijection entre décompositions d'une algèbre en
produit d'algèbres, et décompositions de son identité en somme d'idempotents
centraux deux à deux orthogonaux.
Une première conséquence est que l'on peut utiliser cette bijection pour ca-
ractériser les algèbres qui ne peuvent se décomposer en produit d'algèbres.
DÉFINITION. (a) Une K-algèbre non triviale A est dite connexe (ou indécom-
posable en produit), si A= Aix A2, avec Ai,A2 des K-algèbres, implique Ai = 0
ou A2 =O.
(b) Un idempotent central c ;/:- 0 est dit centralement primitif si c = ci + ca
avec ci, c2 idempotents centraux orthogonaux implique ci = 0 ou c2 = O.
On a alors une conséquence évidente du théorème (3.2).

COROLLAIRE 3.3. Une K -algèbre A est connexe si et seulement si 1 est un


idempotent centralement primitif. D
162 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

Soit A une K-algèbre, une décomposition de l'identité 1 = ci + c2 + · · ·+ Ct en


somme d'idempotents centraux deux à deux orthogonaux ayant pour propriété
que le nombre t de termes de cette somme est maximal a nécessairement chaque
terme c; centralement primitif (et donc chaque algèbre c;A est connexe). Nous
allons montrer qu'une telle décomposition existe si A est une algèbre artinienne
ou noethérienne.

THÉORÈME 3.4. Soit A une K -algèbre artinienne ou noethérienne. Alors A


est isomorphe à un produit fini d'algèbres connexes uniquement déterminées.

DÉMONSTRATION. Supposons d'abord A noethérienne. Si A est connexe, il


n'y a rien à prouver. Sinon, on considère la famille des idéaux bilatères pro-
pres I de A tels qu'il existe un idéal J satisfaisant A = I x J. Comme A est
noethérienne, cette famille admet un élément maximal A~. Posons A = Ai x A~.
Si A~ est lui-même connexe, on a fini. Sinon écrivons A~ = A2 x A2, où
A2 est maximal parmi les idéaux bilatères strictement contenus dans A~. Par
récurrence, on arrive à une décomposition

A = Ai X ••• X At X A~.

Comme A est noethérienne, la suite croissante d'idéaux bilatères (Ai x · · · x


Ai)i;::i doit devenir stationnaire, c'est-à-dire qu'il existe un t ~ 1 tel que A~ =O.
Chaque Ai étant connexe, on a ainsi la décomposition voulue de A.
Cela montre l'existence dans le cas noethérien. Le cas artinien se traite en
choisissant à chaque étape Ai minimal non nul : alors les A~ forment une suite
décroissante qui doit aussi devenir stationnaire.
Quant à l'unicité de la décomposition, supposons que

A = Ai X ••• X At = Bi X ••• X B8
avec les Ai, B; des K-algèbres connexes. Alors on a:

Comme Ai est connexe, il existe 1 :$ j :$ s tel que Ai = AiBi et AiBk = 0 pour


k f:. j. Mais on a aussi

Bj = ABj =(Ai X .•• X At)B; = (A1B;) X •.• X (AtB;)


avec B; connexe. Par conséquent, B; = AiB; = Ai· On en déduit que

II At~A/Ai = A/B; ~II B;


t~i k~j

et on achève par récurrence. D

Si par exemple A est une algèbre de dimension finie sur un corps K, le


théorème s'applique et on obtient que A est isomorphe à un produit fini d'algèbres
connexes uniquement déterminées.
3. DÉCOMPOSITION EN BLOCS 163

t
Si A est une K-algèbre noethérienne ou artinienne et si A~ IJ Ai avec les
i=i
Ai connexes, chaque Ai est appelé un bloc de A. Le théorème (3.4) est souvent
appelé théorème de la décomposition en blocs.
L'intérêt principal du théorème (3.4) est qu'il permet de ramener l'étude de
la catégorie Mod A à l'étude des catégories Mod Ai avec Ai bloc de A. Si on
s'intéresse à l'étude des catégories de modules, on peut donc toujours supposer
que l'on a une algèbre connexe.

DÉFINITION. Soient C, V deux catégories. On définit leur produit C x V


comme la catégorie dont les objets sont les paires (X, M) avec X un objet de C
et Mun objet de V, les morphismes de (X, M) dans (Y, N) sont les paires(!, u)
avec f: X-+ Y un morphisme de C, et u: M-+ N un morphisme de 'D, la
composition des morphismes est définie par composantes.

Il est facile de vérifier que C x V est en effet une catégorie et qu'elle est
K-linéaire (ou K-abélienne) si Cet V sont K-linéaires (ou K-abéliennes, respec-
tivement). En outre, si C et V sont K-linéaires, on a des foncteurs d'inclusion
C -+ C x V et V -+ C x V définis respectivement par X i-+ (X, 0) et M i-+ (0, M)
et des foncteurs de projection C x V-+ Cet C x V-+ V définis respectivement
par (X, M) i-+ X et (X, M) i-+ M.
Avec ce langage, la proposition suivante affirme que, si A = Aix A2, la donnée
d'un A-module équivaut à la donnée d'une paire formée d'un Ai-module et d'un
A2-module.

PROPOSITION 3.5. Soient A une K -algèbre et A = Aix A2 une décomposition


de A, alors on a une équivalence de catégories ModA~ (ModAi) x (ModA2).

DÉMONSTRATION. Soit en effet 1 = ci + C2 la décomposition de l'identité de


A en somme d'idempotents centraux orthogonaux, associée à la décomposition
A= Ai xA2. Soit Mun A-module. Il est évident que, pour i = 1, 2, MCi = {xCï 1
x E M} est un Ai-module. On a donc un foncteur Mod A -+ Mod Ai x Mod A2
donné par M i-+ ( M ci, M c2) : si en effet f : M -+ N est un morphisme de
ModA, on a f(xci) = f(x)ci (pour x E M) donc la restriction de f à MCi est
un morphisme de Mod Ai.
Réciproquement, soit (Mi,M2) un objet de ModAi x ModA2. Alors M =
Mi x M2 devient un A-module si on définit le produit par composantes :

(xi,x2)(ai,a2) = (xiai,x2a2)

où Xi E Mi, ai E Ai pour i = 1, 2. Si la paire (fi, '2) : (Mi. M2) -+ (Ni, N2) est
un morphisme de Mod Ai x Mod A2, le morphisme f : Mi x M2 -+ Ni x N2 de
Mod A se définit par /(xi. x2) = (/i (xi), f2(x2)), où Xi E Mi pour i = 1, 2. Cela
définit un foncteur ModAi x ModA2 -+ ModA dont on voit immédiatement
qu'il est l'inverse du précédent. D

Nous terminons cette section avec une application.


164 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

THÉORÈME 3.6. Soient A une algèbre, li. ... , lt des idéaux bilatères, A, =
t
A/li et f: A - II Ai le morphisme défini par a 1-+ (a+ Iih$i$t (pour a E A).
i=i
Alors:

(a) f est injectif si et seulement si nt

i=l
Ji =o.
(b) f est surjectif si et seulement si, pour tous i =F j, on a li + I; = A {les
idéaux li et I; sont alors dits comaximaux ou étrangers).

DÉMONSTRATION. (a) Il est évident que Ker f = nh


t

i=i
(b) Supposons que f est surjective et que i :f:. j. Il existe ai E A tel que
ai e Ji et 1 - ai E I; (c'est-à-dire a, = 0 mod li et ai = 1 mod I;). Alors
1 = ai + (1 - ai) E J, + I; et donc A = li + I;.
Réciproquement, supposons que les li sont deux à deux étrangers et soit
Bi= nI;. Comme, pour chaque i > 1, on a J, +li =A, il existe ai Eli et
#i
a~ E li tels que 1 = ai + a~. Par conséquent

Comme a~··· a~ E Bi par définition, on a 1 E li +Bi et donc A = li +Bi.


Posons donc 1 =ci+ bi avec ci Eli et bi E Bi. Alors

De même, pour chaque i > 1, il existe bi E B, tel que

Donc, pour tout ensemble {xi, ... ,xt} d'éléments de A, on a

et f est bien surjective. D


On déduit immédiatement du théorème que, si A est une algèbre et si li, . .. , lt
t
sont des idéaux bilatères, alors le morphisme f :A - II(A/ li) défini par
i=i
a 1-+ (a+Iih$i$t (pour a E A) est un isomorphisme si et seulement si les I, sont

deux à deux étrangers et tels que nt

i=i
J, = O. En outre, on a le corollaire suivant.

COROLLAIRE 3.7 (THÉORÈME CHINOIS). Soient mi, ... 'mt des entiers posi-
tifs deux à deux copremiers et ai, ... , at des entiers arbitraires. Il existe un
entier x tel que x = ai mod mi pour tout 1 ::::; i ::::; t.
4. MODULES SIMPLES 165

DÉMONSTRATION. En effet, 1ni et m; sont copremiers si et seulement s'il


existe des entiers s, t tels que sm, + tm; = 1 . Par conséquent, m, et m; sont
copremiers si et seulement si Z = miZ + m;Z, ce qui équivaut à dire que miZ
et m;Z sont des idéaux étrangers de Z. L'existence de x revient alors à la
t
surjectivité du morphisme Z --+ IJ Zm, défini par a 1-+ (a+ miZh:s;i:s;t {pour
i=l
a E Z). D

4. Modules simples
Un module est dit simple lorsque son treillis de sous-modules est le plus simple
possible.
DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module non nul SA est dit simple
si ses seuls sous-modules sont 0 et S.
Il est clair qu'un idéal à droite IA d'une algèbre A est un A-module simple si
et seulement si lA est minimal dans l'ensemble des idéaux à droite non nuls de
A. Bien sûr, il n'est pas vrai que toute algèbre ait des idéaux à droite minimaux,
et donc des sous-modules simples : en effet, une algèbre artinienne admet, par
définition, de tels sous-modules, mais l'algèbre noethérienne Z n'en admet pas.
Par contre, toute algèbre A admet, d'après (II.1.7), des idéaux à droite maxi-
maux. La proposition suivante implique alors que, pour toute K-algèbre A, il
existe des A-modules simples.
PROPOSITION 4.1. Soient A une K-algèbre et SA un A-module non nul. Les
conditions suivantes sont équivalentes:
{i) SA est simple.
{ii) S = xA pour tout 0 =f. x E S.
(iii) Il existe un idéal à droite maximal I de A tel que S -=+ A/I.
DÉMONSTRATION. (i) implique {ii). En effet, si 0 =f. x E S, alors xA est un
sous-module non nul de S, donc est égal à ce dernier.
{ii) implique (i). Si M est un sous-module non nul de Set si 0 =f. x E M, la
condition donnée implique (puisque x ES) que S = xA Ç M, d'où S =M.
{i) implique (iii). Il suit de l'équivalence de {i) et {ii) que S est cyclique.
D'après (II.4.2), il existe un idéal à droite I de A tel que S-=+ A/I. Mais alors,
la simplicité de S et le théorème d'isomorphisme (II.4.5) impliquent que I est
maximal.
(iii) implique {i). Cela résulte directement du théorème d'isomorphisme (II.4.5)
et de la maximalité de I. D
On voit donc qu'un module simple est une forme particulièrement forte de
module cyclique puisque tout élément non nul l'engendre. Les modules simples
sont souvent considérés comme des blocs permettant de bâtir les autres modules.
Par exemple, il suit du théorème fondamental de structure des groupes abéliens
de type fini, que tout groupe abélien {Z-module) fini s'obtient (en prenant des
sommes directes et des extensions) à partir des Z-modules simples, et ces derniers
166 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

sont précisément les Z-modules de la forme Zp, avec p premier. Nous verrons à
la section suivante comment généraliser cet énoncé.
La propriété principale des A-modules simples est la suivante:

LEMME 4.2 (LEMME DE SCHUR). Soit f : MA --+ NA une application A-


linéaire non nulle.
(a) Si M est simple, alors f est injective.
(b) Si N est simple, alors f est surjective.

DÉMONSTRATION. Comme f =F 0, on a Ker f =F M et lm f =F O. Par consé-


quent, si M est simple, on a Ker f = 0 tandis que, si N est simple, on a lm f =
N.D

COROLLAIRE 4.3. Soit SA un A-module simple, alors End S est un corps (peut
être gauche).

DÉMONSTRATION. Il suit en effet du lemme de Schur (4.1) que tout mor-


phisme non nul f : S --+ S est un isomorphisme. D

5. Suites de composition, théorème de Jordan-Holder


Il est naturel d'essayer de construire de nouveaux modules par extensions
répétées de modules simples. Cela mène à la définition suivante.

DÉFINITION. Soit M un A-module non nul. Une suite finie de sous-modules


deM
0 = Mo Ç Mi Ç · · · Ç Mm = M

est appelée une suite de composition de longueur m pour M si chaque Mi+i/Mi


{où 0 ::; i < m) est un A-module simple. Ces quotients sont appelés les facteurs
de composition de M.

Il revient au même de dire que chaque terme de la suite est maximal dans le
suivant. On remarque que la longueur m n'est autre que le nombre de facteurs
de composition.

EXEMPLES 5.1. (a) On considère le groupe abélien Zpm (avec m > 0, et p


premier). On sait qu'il existe une suite de sous-groupes

avec piZpm/pi+ 1Zp"'-.:::+ Zp simple. C'est donc une suite de composition. En fait
le treillis de sous-groupes de Zp... est de la forme
5. SUITES DE COMPOSITION, THÉORÈME DE JORDAN-HÔLDER 167

Les facteurs de composition sont représentés par les segments verticaux, tous
isomorphes à Zp. On remarque que IZp"' admet une unique suite de composition.
(b) Le groupe de Klein V4 = /Z2 œ /Z2 admet trois suites de composition
distinctes
((0, 0)) ~ ((0, Ï)} ~ V4,
((0, 0)) ~ ((ï, 0)) ~ V4
et
((0, 0)) ~ {(Ï, Ï)} ~ V4.
Ici, le treillis de sous-groupes est de la forme

((O,I)) ((i,o))

On remarque que chaque facteur de composition est isomorphe à /Z2 •


(c) Par contre, G = /Z4 œ::Es a un treillis de sous-groupes de la forme

((I,O))

((0,i))

On a encore 3 suites de composition distinctes données par


((0,0} ~ ((2,0)} ~ ((ï,O)} ~ G,
((0, O} ~ ((2, 0)) ~ ((2, ï)) ~ G,
((0, O} ~ ((0, Ï)} ~ ((2, ï)} ~ G.
On remarque que, dans chacune de ces suites, toutes de longueur 3, on a deux
facteurs de composition isomorphes à /Z2 (indiqués par une barre simple) et un
168 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

facteur de composition isomorphe à Za (indiqué par une barre double}. Le but


de cette section est d'expliquer ce phénomène.
PROPOSITION 5.2. Un A-module M est artinien et noethérien si et seulement
s'il admet une suite de composition.
DÉMONSTRATION. Nécessité. En utilisant l'hypothèse que M est artinien, on
construit une suite
0 = Mo ~ Mi ~ M2 ~ · · ·
de sous-modules de M telle que les quotients Mi+i/Mi sont simples. En effet,
supposons que Mo, ... , Mi ont été construits et que Mi =/: M. On considère
le A-module M/Mi. Il suit de (1.3) que M/Mi est artinien. Il existe donc un
sous-module MHi de M contenant Mi tel que Mi+i/Mi soit un sous-module
minimal de M/Mi (c'est-à-dire qu'il soit simple). Comme M est un A-module
noethérien, la suite 0 =Mo ~ Mi ~ M2 ~ · · · doit devenir stationnaire. Notre
construction implique donc l'existence d'un m tel que Mm= M.
Suffisance. Supposons que M ait une suite de composition. On prouvera
l'énoncé par récurrence sur la longueur minimale m de toutes les suites de com-
position pour M. Si m = 1, M est un A-module simple et donc est triviale-
ment artinien et noethérien. Si m > 1, on considère une suite de composition
0 =Mo~ Mi~···~ Mm= M de longueur minimale m pour M. Alors Mm-i
a une suite de composition de longueur m - 1, donc est artinien et noethérien,
par l'hypothèse de récurrence. D'autre part, M/Mm-i est simple, donc aussi
artinien et noethérien. On applique (1.3) à la suite exacte courte
0----+ Mm-i ----+ M ----+ M/Mm-i ----+o. D
Il suit immédiatement de cette proposition et de (1.3) que si l'on a une suite
exacte courte de A-modules
0 ----+ L ----+ M ----+ N ----+ 0
alors M admet une suite de composition si et seulement si L et N en admettent
une. Nous arrivons au résultat principal de cette section, qui est qu'un module
artinien et noethérien détermine uniquement ses facteurs de composition ainsi
que leur nombre.(Par contre, l'ordre des facteurs de composition n'est pas unique-
ment déterminé, et donc la réciproque du théorème suivant n'est généralement
pas vraie : deux modules non isomorphes peuvent avoir exactement les mêmes
facteurs de composition et en nombre égal.)
THÉORÈME 5.3 (THÉORÈME DE JORDAN-HOLDER). Si un A-module M ad-
met deux suites de composition

et
0 = No ~ Ni ~ · · · ~ Nn = M
alors m = n et il existe une permutation a de {O, 1, ... , n -1} telle que Ni+i/Ni
-=. Mu(i)+i/Mu(i) pour tout 0 :::; i <m.
5. SUITES DE COMPOSITION, THÉORÈME DE JORDAN-HÔLDER 169

DÉMONSTRATION. Par récurrence sur m. Sim= 0, alors M = 0 et n =O.


Sim = 1, alors M est simple : sa seule suite de composition est évidemment
o ç M, et donc n = 1. Sim> 1, on considère la suite de sous-modules:
0 = Non Mm-i Ç Ni n Mm-i Ç · · · Ç Nn n Mm-i = Mm-i = No + Mm-i
Ç Ni + Mm-i Ç · · · Ç Nn + Mm-i = Mm = M.

Comme M/Mm-i = Mm/Mm-i est simple, il existe un unique 0 :5 i < n tel que
Mm-i=No+Mm-i=···=Nï+Mm-i ~ Nï+i+Mm-i=···=Nn+Mm-i=Mm·.
D'autre part, d'après (1.2), on a pour tout 0 :5 j < n une suite exacte courte

0 N;+i n Mm-i N;+i N;+i + Mm-i O


----+ - -- - ----+ •
N; n Mm-i N; N; + Mm-i
En particulier, le terme médian de cette suite étant simple, un seul des termes
extrémaux est isomorphe à ce module simple, tandis que l'autre est nul. Pour
j = i, on a
Mm _ Nï+i + Mm-i _ Nï+i
- - ----+ ----+ - -
Mm-i Ni+ Mm-i Ni
(et donc NHi n Mm-i .=Nin Mm-i) tandis que, pour j =/: i, on a
N;+i n Mm-i _ N;+i
----+ - -
N; nMm-i N;
c'est-à-dire que N;+i nMm-i =/: N; nMm-i et que leur quotient est simple. Cela
montre que la suite

0 = Non Mm-i ~ Ni n Mm-i ~ · · · ~ Nin Mm-i = Nï+i n Mm-i ~ ···


~ Nn n Mm-1 = Mm-i·
est une suite de composition pour Mm-i de longueur n - 1. En vertu de
l'hypothèse de récurrence, m - 1 = n - 1 (et donc m = n) et il existe une
bijection a : {0,1, ... ,i - 1,i + 1, ... ,n - 1} --+ {0,1, ... ,m - 1} telle que
N;+i/N; ~ Mu(;)+i/Mu(j) pour j =/: i. On achève la démonstration en posant
a(i) = m -1.D
Il s'ensuit immédiatement que, pour tout A-module M artinien et noethérien,
c'est-à-dire ayant une suite de composition, toutes les suites de composition ont
la même longueur. Cette longueur est appelée longueur de composition de M et
est notée l(M). On convient que si M = 0, alors l(M) = O. Un A-module M
est simple si et seulement si l(M) = 1. Le Z-module Zpm (m > 0, p premier)
est de longueur m, tandis que l(Z2 $Z2) = 2 et l(Z4 $Za) = 3 (voir (5.1)). On
note que dire que M admet une suite de composition revient à dire que M est de
longueur (de composition) finie ; nous emploierons de préférence cette dernière
expression.

COROLLAIRE 5.4. Soit M un A-module de longueur finie. Alors M est de


type fini.
170 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

DÉMONSTRATION. En effet, si M est de longueur finie, il est noethérien,


d'après (5.2). Il ne reste plus qu'à appliquer (1.5). D
L'intérêt de ce corollaire est le suivant. Comme nous l'avons dit, nous allons
démontrer que toute algèbre artinienne à droite est aussi noethérienne à droite.
Soit donc M un module de type fini sur une algèbre artinienne à droite. Il suit
de (2.3} que M est artinien et noethérien. D'après (5.2}, M est de longueur finie.
Le corollaire (5.4} nous assure alors que toutes les conditions précédentes sont
équivalentes. Nous montrerons ceci en (VII.4.12} plus loin.
COROLLAIRE 5.5. Soit 0 -----+ L -----+ M -----+ N -----+ 0 une suite exacte courte
de modules de longueur finie. Alors
f(M) = f(L) + f(N).
DÉMONSTRATION. On peut supposer que L Ç M et que N = M/L. Si
0 =Lo ~ Li ~ · · · ~ L 8 = L est une suite de composition pour L et si
0 = Mo/L ~ Mif L ~ · · · ~ Mt/L = M/L = N en est une pour N, alors on
vérifie immédiatement que la suite 0 = Lo ~ Li ~ · · · ~ L 8 = L = Mo ~
Mi ~ · · · ~ Mt = M est une suite de composition pour M. Par conséquent,
f(M} = s + t = f(L) + f(N). D
COROLLAIRE 5.6 (FORMULE DE GRASSMANN}. SoientL, N deux sous-modu-
les de M, alors
f(L + N) + f(L n N) = f(L) + f(N).
DÉMONSTRATION. On considère les suites exactes courtes
0 -----+ L nN -----+ L -----+ L / (L n N) -----+ 0
et
0 -----+ N -----+ L +N -----+ ( L + N) / N -----+ 0.
Comme L/(L n N) ~ (L + N)/N, on a, d'après (5.5}
f(L + N) - f(N) = f((L + N)/N) = f(L/(L n N)) = f(L) -f(L n N)
d'où l'énoncé. D

6. Modules semisimples
DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module M est dit semisimple s'il
est une somme (peut-être infinie) de A-modules simples.
On convient de considérer le module nul comme semisimple, en tant que
somme vide de modules simples. Il est clair que tout module simple est semisim-
ple. Tout espace vectoriel sur un corps C (peut-être gauche} est semisimple en
tant que C-module : en effet, un tel espace est la somme directe de copies de
Cc, et comme dimCc = 1, on a que Cc est simple.
Soit A = Z. Le module Z3o est semisimple puisque Z30 ~ Z 2 œZ3 œZs, et
chacun des facteurs Z2, Z3 et Z5 est simple. Par contre, pour un nombre premier
p arbitraire, Zp2 n'est pas semisimple: en effet, il a un unique sous-module non
trivial Zp. On comparera utilement les treillis de sous-modules de Z30 :
6. MODULES SEMISIMPLES 171

Si S1 =F S2 sont deux sous-modules simples de M, alors S1+S2 = S1 EBS2: en


effet, si S1 n S2 =F 0, on aurait S1 = S1 n S2 = S2. Donc un module semisimple
qui est une somme finie de modules simples est une somme directe. On est en
droit de se demander s'il en est de même pour les sommes arbitraires de modules
simples.
Dans notre premier lemme, nous montrons que tout sous-module d'un A-
module semisimple en est un facteur direct.

LEMME 6.1. Soient SA = L s)t., où chaque SÀ est un A-module simple, et


ÀEA
LA un sous-module arbitraire de S. Alors il existe E Ç A tel que S = L œ
(E9sa) ·
aer:

e
DÉMONSTRATION. On considère l'ensemble des parties E de A ayant la
propriété que la somme L + L e
Sa est directe. Alors =F 0, puisque la partie
aer:
vide est un élément de ê. Comme il est clair que e, ordonné par inclusion, est
un ensemble inductif, il suit du lemme de Zorn qu'il existe une partie E de A
maximale pour la propriété que la somme M = L + L Sa est directe. Il reste
aer:
à montrer que M =S. Commes= Ls)t., il suffit de démontrer que SÀ ç M
ÀEA
pour tout À E A. Mais si S)t. '/, M, comme S)t. est simple, S)t. nM = O. Par
172 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

conséquent, la somme M + S>. est directe, ce qui contredit la maximalité de I::.


D
THÉORÈME 6.2. Soit SA un A-module. Les conditions suivantes sont équiva-
lentes:
(a) SA est semisimple.
{b) SA est la somme directe de A-modules simples.
(c) Tout sous-module de S en est un facteur direct.

DÉMONSTRATION. Si {b) implique (a) trivialement, il suit de {6.1) avec L = O


que (a) implique {b). On a d'autre part, toujours d'après {6.1), que (a) implique
(c). Il reste à montrer que (c) implique (a).
On commence par montrer que tout sous-module non nul L de S contient un
sous-module simple. Comme un tel sous-module non nul contient toujours un
sous-module cyclique, on peut supposer que Lest cyclique. D'après (II.1.6), L
contient un sous-module maximal M. D'après (c), il existe un sous-module N
de S tel que S = M œN. Il suit alors de la loi modulaire (II.1.4) que
L = (MœN)nL = Mœ(NnL).

On en déduit que N n L .::::+ L/M est un sous-module simple de L, ce qui établit


notre énoncé.
Soit donc S' la somme de tous les sous-modules simples de S. D'après (c),
il existe L tel que S = S' œL. Or, si L ":/:- 0, alors L contiendrait un sous-
module simple, lequel devrait aussi être un sous-module de S' (par définition de
ce dernier) et on aboutirait à l'absurdité S' n L ":/:-O. Par conséquent L = 0 et
S = S' est semisimple. D
Il suit directement de {6.2) que toute somme directe de modules semisimples
est semisimple. En outre, on a le corollaire suivant.

COROLLAIRE 6.3. Soit SA = L S>. avec les S>. des A-modules simples. Si
>.eA
M est un sous-module de S, alors il existe E ç A tel que M.::::+ EE) Su.
uEE

DÉMONSTRATION. D'après (6.2), il existe un sous-module N tel que S =


MœN, et donc, d'après {6.1), on a une partie E ÇA telle que S = Nœ (œ
uEE
Su).

Donc M .::::+S/N .::::+ Ef)Su. D


uEI:

COROLLAIRE 6.4. Soit 0 --+ L --+ M --+ N --+ 0 une suite exacte de
A-modules. Si M est semisimple, alors L et N sont semisimples.

DÉMONSTRATION. En effet, L est un sous-module de M, donc en est un


facteur direct d'après {6.2). Par conséquent, il existe un sous-module L' de M
tel que M = LœL'. Or N.::::+M/L.::::+(LœL')/L.::::+L' donne que N est aussi
7. ALGÈBRES SEMISIMPLES 173

isomorphe à un sous-module de M. Il ne reste plus qu'à appliquer (6.3) à L et


àN. D
Si, dans la suite exacte de (6.4), L et N sont semisimples, il n'en est pas
nécessairement de même de M, comme le montre la suite exacte de Mod Z

0 -----+ Zp L Zp2 ~ Zp -----+ 0


(oùpdésigne un nombre premier, f est l'inclusion deZp dans Zp2, et g = coker !).
Si f : SA ---+ SA est un morphisme entre modules semisimples, il suit du lemme
de Schur (4.2) que l'image d'un sous-module simple de S est un sous-module
simple de S' qui lui est isomorphe. D'autre part, l'algèbre d'endomorphismes
d'un module simple est, toujours d'après le lemme de Schur, un corps (peut-être
gauche). On déduit de ces deux remarques et de (III.2.11) une description de
l'algèbre d'endomorphismes d'une somme directe finie de modules simples.

t ( n;
PROPOSITION 6.5. Soit S = ~ ~ Sik
)
avec les Sik simples et Sik .=. S;e

si et seulement si i = j. Alors, posant Ki= EndSiki on a:

n;
DÉMONSTRATION. Posons Mi = œsik· Il suit des remarques précédentes
k=l
et de (III.2.11) que HomA(Mi, M;) = 0 pour if:. jet que
End Mi= [HomA(Sïk,Su]ke.=.Mn,(EndSik) = Mn,(Ki)
où Ki est un corps (peut-être gauche). Par conséquent,
t t
EndSA = [HomA(Mi,M;)]ï;.=. ITEndMi.=. Il Mn,(Ki)· D
i=l i=l

Par exemple, si A= Z et M = Za œZa œZs, il résulte du calcul précédent


que

7. Algèbres semisimples
DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite semisimple si AA est un A-module
semisimple.
Le lecteur remarquera l'asymétrie virtuelle de cette définition: en effet, si AA
est semisimple, rien n'indique que AA le soit aussi. C'est pourtant le cas, ainsi
qu'on le verra plus bas.
Commençons notre analyse des algèbres semisimples par quelques commen-
taires. Un idéal à droite de A qui est simple en tant que A-module est, bien sûr,
minimal. Une algèbre semisimple est donc une somme directe d'idéaux à droite
minimaux. D'autre part, si SA est un A-module simple arbitraire, alors SA est
isomorphe à un quotient de A par un idéal à droite maximal, donc, d'après (6.4),
174 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

est isomorphe à un facteur direct de AA, lequel est donc un idéal à droite mini-
mal de A. Nous avons montré que, si A est semisimple, les A-modules simples
coïncident alors avec les idéaux à droite minimaux de A. Le théorème suivant,
dû à Wedderburn, décrit complètement la structure des algèbres semisimples.

THÉORÈME 7.1. Soit A une K-algèbre. Les conditions suivantes sont équiva-
lentes:
(a) A est semisimple.
(b) Tout A-module à droite est semisimple.
(c) Tout A-module à droite est projectif.
( d) Tout A-module à droite est injectif.
(e) Toute suite exacte courte 0---+ LA---+ MA---+ NA ---+ 0 est scindée.
{f) Tout idéal à droite de A est un facteur direct de A.
t
· (g) A-=. Il Mn,(Ki), où les Ki sont des sur-corps {peut-être gauches) de
i=l
K.

DÉMONSTRATION. (a) équivaut à (b). En effet, si AA est semisimple, tout


module libre est semisimple et donc un module arbitraire l'est aussi (d'après
{6.4)). La réciproque est évidente.
(a) équivaut à (f). En effet, si A est semisimple, {f) suit d'après {6.1)'. La
réciproque suit d'après {6.2) puisque {f) dit que tout sous-module de AA en est
un facteur direct.
(c) équivaut à (e), lequel équivaut à {d). En effet, on applique (IV.2.4) et
(IV.3.3).
(a) implique (g) d'après {6.5). En effet, AA est égal à une somme directe
finie de A-modules simples : écrivons AA = @>.S>. avec les S>. simples, on a
1 = e>. 1 + · · · + e>.t avec 0 -::/: e>., E S>., pour 1 ~ i ~ t. D'après (4.4), on a
t
S>., = e>., A. En outre, tout a E A s'écrivant a = 1 ·a = e>. + · · ·+ e>.t a E L S>.;,
1
i=l
t
on a bien A = $ S>.n et on peut appliquer {6.5).
i=l
(b) implique (e). Soit en effet 0---+ L---+ M---+ N---+ 0 une suite exacte
courte de ModA. Si tout A-module est semisimple, il suit de {6.2) que Lest un
facteur direct de M, et la suite est scindée.
(e) implique {f). En effet, dire que toute suite exacte courte de ModA est
scindée entraîne par exemple que tout idéal à droite de A en est un facteur direct.
(g) implique (a). Comme il est clair qu'un produit fini d'algèbres semisim-
ples est semisimple, il suffit de montrer que, si K' est un sur-corps (peut-être
n
gauche) de K, alors Mn(K') est semisimple. Posons Mn(K') = $li, où
i=l
li = eiiMn(K'). Nous montrerons que li est un sous-module simple de Mn(K') :
cela établira que Mn(K') est semisimple. Si on considère li comme un K'-
module (c'est-à-dire un K'-espace vectoriel) à gauche, on a li..=. K'(n), l'action
7. ALGÈBRES SEMISIMPLES 175

de Mn(K') à droite pouvant être regardée comme celle de l'ensemble des endo-
morphismes du K'-module h Soit x E 1.t un élément non nul. Il existe une base
'.B du K'-espace vectoriel li telle que x E '.B. Pour chaque y E li, cette base
permet de construire une application K'-linéaire f : li --. li telle que y = f(x).
On a donc xMn(K') =li pour chaque x E Ji tel que x =/:O. D'après (4.1), li est
bien simple. D

En particulier, tout sur-corps K' de K est une K-algèbre semisimple.


Comme la condition (g) du théorème est symétrique, on peut ajouter au
théorème d'autres conditions équivalentes avec "droite" remplacé par "gauche".
En particulier, une algèbre est semisimple "à droite" si et seulement si elle l'est
"à gauche" . Cela justifie notre omission du côté dans l'énoncé de la définition.
On a montré au passage que toute algèbre semisimple est artinienne et noethé-
rienne : en effet, on a prouvé {dans (a) implique (g)) que AA est égal à une
somme directe finie de A-modules simples, donc AA est de longueur finie et, par
conséquent, est un module artinien et noethérien (voir (5.2)).
Il existe un cas particulier important, à savoir celui où K est un corps algébri-
quement clos.

PROPOSITION 7.2. Soient K un corps, et A une K -algèbre de dimension finie.


Pour tout a E A, il existe un unique polynôme unitaire ma E K[t] qui est
irréductible et tel que:
{a) ma(a) =O.
{b) Si f E K[t] est tel que f(a) = 0, alors ma divise f (on dit que ma est le
polynôme minimal de a E A).

DÉMONSTRATION. Comme K[t] est un domaine d'intégrité principal, il suffit


de démontrer l'existence d'un polynôme f E K[t] tel que f(a) = O. Or, comme
A est un K-espace vectoriel de dimension finie, les éléments 1, a, ... , a"', ... de
A ne peuvent être tous linéairement indépendants sur K. D
COROLLAIRE 7.3. Soit K un corps algébriquement clos. Si K' est un sur-
corps de K et est de dimension finie sur K, alors K' = K.

DÉMONSTRATION. Soit a E K' ; il existe un polynôme ma E K[t] irréductible


et unitaire tel que ma(a) = O. Or, K étant algébriquement clos, on a ma(t) =
t - a (pour un a E K). Donc 0 = ma(a) =a- a entraîne a= a E K. D

COROLLAIRE 7.4. Soit A une K -algèbre de dimension finie sur un corps algé-
t
briquement clos K. Alors A est semisimple si et seulement si A..::+ Il Mn,(K).
i=l

DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après {7.3) et (7.1), de montrer que l'algèbre


d'endomorphismes d'un A-module simple S est de dimension finie sur K. Or
un tel A-module simple S est isomorphe à un idéal à droite minimal de A, donc
à un sous-espace vectoriel de AK. Par conséquent dimK S ~ dimK A < oo et
dimK EndS < oo. D
176 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

Rappelons qu'une K-algèbre A=/: 0 est dite simple si ses seuls idéaux bilatères
sont 0 et A. On a vu en (I.1.2), exemple (c), que, si K' est un sur-corps (peut-être
gauche) de K, alors Mn(K') est simple. Le théorème suivant, dû à Wedderburn
et Artin, montre que la réciproque est vraie dans le cas artinien.

THÉORÈME 7.5. Soit A une K-algèbre artinienne à droite (ou à gauche) non
nulle. Alors A est simple si et seulement s'il existe un sur-corps (peut-être
gauche) K' de K et un n > 0 tels que A-=+Mn(K').

DÉMONSTRATION. Il suffit de montrer la nécessité. Comme A est artinienne


à droite et non nulle, elle doit avoir des idéaux à droite minimaux, c'est-à-dire
des A-modules simples. Alors AS = L
aS est un idéal bilatère non nul de
aEA
A, pour tout A-module simple S. Par conséquent, L aS =A puisque A est
aEA
simple. Or, pour chaque a E A, il existe un épimorphisme SA---+ aSA défini par
x 1--t ax (pour x E S). Comme S est simple, le sous-module aS de A est ou
nul ou simple, et est dans ce second cas isomorphe à S. Par conséquent, AA est
semisimple. D'après (7.1), A est un produit d'algèbres de matrices. Il ne reste
plus qu'à appliquer encore une fois l'hypothèse que A n'a pas d'idéaux bilatères
non triviaux. D

COROLLAIRE 7.6. Soient K un corps algébriquement clos, et A une K -algèbre


de dimension finie. Alors A est simple si et seulement s'il existe n > 0 tel que
A-=+Mn(K).

DÉMONSTRATION. Il suffit d'appliquer (7.5) et (7.3). D

Les théorèmes (7.1) et (7.5) nous permettent de donner une description com-
plète des modules de type fini sur une algèbre semisimple et artinienne. En effet,
supposons d'abord que l'on a affaire à une algèbre simple et artinienne.

PROPOSITION 7.7. Soit A= Mn(K') avec K' un sur-corps de K. Pour 1 ~


i ~ n, posons que Si = eiiA. Alors :
n
(a) AA-=+ œsi.
i=l
{b) Si est un sous-module simple de A.
(c) Si-:+ S; pour tous i,j.

DÉMONSTRATION. (a) est évidente, puisque les eii sont des idempotents deux
à deux orthogonaux.
(b) Il est clair que Si est simple ; il suffit, d'après (4.1), de prouver que
n
si = xA pour tout X E si non nul. Un tel X s'écrit X = L eijXj et il existe
i=l
7. ALGÈBRES SEMISIMPLES 177

n
1 ~ jo ~ n tel que Xjo '#o. Mais alors, pour un y= L eikYk E si, on a toujours
k=l

y =X (t
k=l
ejkXj 1Yk) E xA. Cela montre bien que si = xA.
(c) En effet, on considère le morphisme f : Si -+ Sj défini par x 1-+ ejiX· Il
est non nul, puisque f(eii) = ejieii = ejjeji· Comme Si et S; sont simples, f
est un isomorphisme (d'après (4.2)). D

Comme les modules simples coïncident avec les idéaux à droite minimaux, il
suit de (7.7) que Si est, à isomorphisme près, le seul A-module simple. On a
montré qu'une algèbre simple et artinienne à droite n'admet, à isomorphisme
près, qu'un seul module simple.

COROLLAIRE 7.8. Soit A une algèbre semisimple et artinienne. Alors A n'a


qu'un nombre fini de classes d'isomorphisme de A-modules simples.

DÉMONSTRATION. Commençons par rappeler que, comme on l'a vu juste


après la définition, un module simple sur une algèbre semisimple en est un fac-
t
teur direct. D'autre part, d'après (7.1), A= Il Ai avec chaque Ai= Mn,(Ki)
i=l
simple et artinienne (d'après (7.5), car A, étant semisimple, est artinienne et Ai
en est un quotient). Chaque Ai n'admet, par suite de (7.7), qu'un seul module
simple Si (à isomorphisme près). Il suit alors de (3.5) que {Si, S2, ... , St} est
un ensemble complet de représentants des classes d'isomorphismes de A-modules
simples. D

Remarquons qu'avec les notations de la démonstration précédente, on a


t
- ffis(n;)
A A-+'1:;7 i .
i=l

On en déduit la description de tout A-module M de type fini. En effet, un tel


A-module M est semisimple (d'après (7.1)), donc égal à une somme directe finie
de A-modules simples. Par conséquent il existe des mi ~ 0 (où 1 ~ i ~ t) tels
t
que MA = EB s~mi).
i=l
Terminons ce chapitre avec l'exemple d'une classe très importante d'algèbres
semisimples qui se retrouve en théorie des représentations des groupes finis.

THÉORÈME 7.9 (DE MASCHKE). Soient G un groupe fini et Kun corps com-
mutatif dont la caractéristique ne divise pas l'ordre n de G. Alors KG est une
K -algèbre semisimple.

DÉMONSTRATION. Soient Mun KG-module et L un sous-module. Il suffit,


d'après (6.2), de montrer que L est un facteur direct de M. Soit j : L -+ M
l'inclusion. Comme j est K-linéaire et que L, M sont des K-espaces vectoriels,
178 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

il existe une rétraction K-linéaire p: M--+ L telle que pj = lL. Soit f: M--+ L
définie pour x E M par

(en effet, l'hypothèse entraîne que ~ E K). Il est clair que f est K-linéaire.
Démontrons maintenant qu'elle est aussi KG-linéaire. Soient donc x E M et
90 E G. Alors

f(x90) = ;:;:1 LP(x909- 1 )9 =;:;:1 LP(xh- 1 )h90


gEG heG

= (~ LP(xh- )h) 9o = f(x)90.


gEG
1

Cette relation et la distributivité entraînent que f est KG-linéaire. D'autre part,


six EL, on a
1 1
f(x) = -n LP(x9- 1 )9 = -n L x9- 19 = x.
gEG gEG

Par conséquent, fj = lL : on a montré que j est une section KG-linéaire. D


Par exemple, pour tout groupe fini G, CG est une C-algèbre semisimple.
EXERCICES DU CHAPITRE VI 179

Exercices du chapitre VI
1. Soient Mi, ... , Mn des sous-modules d'un A-module M. Montrer que, si
m
tous les M;. sont artiniens (ou noethériens), alors il en est de même de LM;..
i=l

2. Soient 11, ... , In des idéaux à droite d'une K-algèbre A. Montrer que l'on
a un isomorphisme de A-modules AA..::; li$··· $ln si et seulement s'il existe un
ensemble {ei, ... , en} d'idempotents orthogonaux de A tels que 1 = ei + · · ·+en
et l;. = e;.A pour 1 $ i $ n.
3. Si e E A est un idempotent non nul, montrer que, pour tout x E A,
e + ex{l - e) est aussi un idempotent non nul. En déduire que e est central si et
seulement s'il commute avec tout idempotent de A.
4. Si A n'a pas d'élément nilpotent non nul, montrer que tout idempotent de
A est central.
5. Soit A un domaine d'intégrité principal. Montrer que tout A-module à
droite de type fini est noethérien.
6. Montrer que toute décomposition de l'identité d'une algèbre en somme
d'idempotents centraux deux à deux orthogonaux ayant un nombre maximal de
termes est unique.
7. Soient A une K-algèbre commutative et li. ... , In des idéaux deux à deux

étrangers. Montrer que 11 · · ·In = nh


n

i=l

8. Soient A une K-algèbre commutative, e, f E A des idempotents. Montrer


que e + f - ef est un idempotent et que l'idéal engendré par e et f est principal
engendré pare+ f - ef.
9. Soit n un entier positif.
(a) Trouver la longueur de composition .e(Zn) du Il-module Zn.
(b) Caractériser les n pour lesquels Zn admet une suite de composition
unique.

10. Donner des exemples de modules M tels que .e(M) = 2 et:


(a) Ma une suite de composition unique,
{b) M a exactement deux suites de composition,
(c) Ma un nombre infini de suites de composition.

11. Montrer le théorème de raffinement de Schreier: si M est un module de


longueur finie et
M = Mo ;;:::? Mi ;;:::? • • • ;;:::? Mt = 0
est une suite de sous-modules de M, alors il existe une suite de composition

M = M~ :::> Mf :::> • • • :::> M~ = 0


180 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES

telle que chaque Mi soit égal à un des Mj.


12. Soient Si, 82 deux A-modules simples. Montrer que le treillis de sous-
modules de 8 1 EB 82 est distributif si et seulement si 81 ;+ 82.
13. Trouver les A-modules simples si:
(a) A= C(t],
{b) A=[~~], où K est un corps.
14. Soient A un domaine d'intégrité qui n'est pas un corps et Q le corps des
fractions de A. On considère Q comme un A-module. Montrer que EndA Q..:::. Q,
mais que QA n'est pas simple.
15. Soient A une K-algèbre commutative et li. 12 deux idéaux de A tels que
J 1 n J2 =O. Montrer que, si A/li et A/I2 sont noethériens, il en est de même
de A/(I1 + 12).
16. Soit A une K-algèbre noethérienne à droite. Montrer que, pour tout
A-module M de type fini, il existe une suite exacte

· · · --+ Ln --+ Ln-1 --+ · · · --+ L1 --+ Lo --+ M --+ 0


avec chaque Li libre de type fini.
17. Soit A une K-algèbre noethérienne. On note modA la catégorie des
A-modules de type fini. Pour une K-algèbre B, soit F : modA --+ modB
un foncteur exact à droite. Modifier la démonstration du théorème de Watts
(V.3.2) pour montrer qu'il existe un bimodule ATB et un isomorphisme fonctoriel
p.=:. -®ATB.

18. Montrer que tout module semisimple de type fini est une somme directe
finie de modules simples.
19. Soient A une algèbre et M un A-module. Montrer que les conditions
suivantes sont équivalentes:
(a) MA est semisimple.
(b) Pour tout monomorphisme j : L --+ M et tout morphisme f : L --+ L', il
existe un morphisme /' : M --+ L' tel que f' j = f.
(c) Pour tout épimorphisme p : M --+ N et tout morphisme g : N' --+ N, il
existe un morphisme g': N'--+ M tel que pg' = g.

20. Soit IA un idéal à droite minimal de l'algèbre A. Montrer que J2 = 0, ou


bien il existe un idempotente E A tel que I = eA.
21. Soit C un corps, peut-être gauche. Montrer que deux Mn(C)-modules M
et N qui sont de C-dimension finie sont isomorphes si et seulement si dime M =
dimcN.
22. Soient A une algèbre semisimple et I un idéal bilatère propre de A.
Montrer que A/I est semisimple.
EXERCICES DU CHAPITRE VI 181

23. Montrer qu'une sous-algèbre d'une algèbre semisimple n'est généralement


pas semisimple.

24. Soit (AÀheA une famille de K-algèbres. Montrer que II AÀ est semisim-
ÀEA
pie si et seulement si A est fini et chaque AÀ est semisimple.
25. Soient I un idéal minimal à droite de A et S un A-module simple. Montrer
que SA !t lA entraîne SI = O.
26. 'frouver des conditions nécessaires et suffisantes pour que Zn soit semisim-
ple.
27. Montrer qu'une K-algèbre commutative A est semisimple si et seulement
si A est un produit fini de sur-corps commutatifs de K.
t
28. Soient A semisimple, A= II Ai, chaque Ai étant simple. 'frouver tous
i=l
les idéaux bilatères de A.
CHAPITRE VII

Radicaux de modules et d'algèbres

Les théorèmes de Wedderburn-Artin donnent une description complète des algè-


bres semisimples et des modules de type fini sur celles-ci. On en sait beaucoup
moins sur la structure des algèbres non semisimples et de leurs modules, et cela
même s'il s'agit d'algèbres de dimension finie sur un corps commutatif. Cela
donne l'idée d'introduire la notion de radical : c'est le plus petit sous-module
(ou idéal) tel que le module quotient (ou l'algèbre quotient, respectivement)
soit semisimple. Le radical sert donc à mesurer le défaut de semisimplicité.
Comme on le verra, l'étude du radical est particulièrement féconde dans le cas
-·-
des modules de type fini sur les algèbres artiniennes.
..

1. Radical d'un module


On cherche à caractériser le plus petit sous-module d'un module donné tel
que le quotient soit semisimple. Prenons l'exemple du Z-module M = Z3 œZ4
( =+Z12 ). Ce module n'est évidemment pas semisimple (en effet, le sous-module
N = Z3 œZ2 n'est pas un facteur direct de M). Son treillis de sous-modules est

((il,i))

((i,ii))

(où une simple barre note un facteur de composition isomorphe à /E3 et une dou-
ble barre un facteur isomorphe à Z 2 ). On voit de suite que le sous-module cherché
est R = ((0,2)}, puisque M/R=+Z 2 œz3 . D'autre part, Rest l'intersection des
sous-modules maximaux ((Ï, 2)} et ((0, Ï)}. Cela nous conduit à la définition
suivante:
DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun A-module. On appelle radical
(de Jacobson) de MA le sous-module de M qui est l'intersection de tous les sous-

183
184 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

modules maximaux de M. Le radical de M est noté radM. Si radM = 0, on


dit que M est sans radical.

Par exemple, si M est simple, alors rad M = 0 : tout module simple est sans
radical.
Il peut se faire que M n'ait aucun sous-module maximal, auquel cas M =
rad M.
On peut dès lors reformuler la définition comme suit.

LEMME 1.1. Soit M un A-module. Son radical rad M est égal à l'intersection
des noyaux de tous les morphismes f : M --+ S, où SA parcourt l'ensemble de
tous les A-modules simples.

DÉMONSTRATION. Le lemme de Schur (VI.4.2) dit qu'un morphisme non nul


M --+ S, avec S simple, est un épimorphisme. Les théorèmes d'isomorphisme
entraînent alors que le noyau d'une telle application est un sous-module maximal
de M, et, réciproquement, tout sous-module maximal de M est le noyau d'un
épimorphisme de M sur un A-module simple. D

PROPOSITION 1.2. Soient M, N deux A-modules et f: M--+ N une applica-


tion linéaire. Alors /(rad M) Ç rad N.

DÉMONSTRATION. Soit g : N --+ S une application linéaire avec S simple.


Alors gf : M --+ S s'annule dans radM. Par conséquent, g s'annule dans
/(radM). D

PROPOSITION 1.3. Soit MA un A-module.


(a) Pour tout sous-module N de M, on a

rad(M/N) 2 rad~ +N.


(b) Si N est un sous-module de M contenu dans radM, alors rad(M/N) =
(radM)/N.
(c) Le radical de M est le plus petit des sous-modules N de M tels que M / N
soit sans radical. En particulier, rad(M/radM) =O.

DÉMONSTRATION. (a) On applique (1.2) à la projection canonique f : M--+


M/N, en observant que /(radM) = (radM + N)/N.
(b) Cela découle du fait que, si N Ç radM, la correspondance L 1-+ L/N
définit une bijection entre sous-modules maximaux de M contenant Net sous-
modules maximaux de M/N.
(c) Si rad(M/N) = O, alors (a) donne radM + N = N, donc radM Ç N.
En particulier, si N = radM, (b) donne rad(M/radM) = (radM)/(radM) =
O. D
Montrons maintenant que le radical se comporte bien vis-à-vis des sommes
directes.
1. RADICAL D'UN MODULE 185

PROPOSITION 1.4. Soit (MÀheA une famille de A-modules. Alors

rad (œMÀ) = E9radMÀ.


ÀEA ÀEA
DÉMONSTRATION. Pour chaque >. E A, l'injection canonique MÀ ---+ E9 Mµ
µEA

induit (d'après (1.2)) une injection radMÀ---+ rad (œMµ). Par conséquent,
µEA

EB
ÀEA
rad MÀ ç rad (œ
ÀEA
MÀ) .

Réciproquement, soit x E rad (E0ÀeA MÀ). Pour chaque >. E A, si NÀ est un

sous-module maximal de MÀ, alors NÀ E9 (œ µ.,;.À


Mµ) est un sous-module maxi-

mal de E9
ÀEA
MÀ. Donc, x E
N>.
n
(NÀ E9 (œ
µ.,;.À
Mµ)) = (rad MÀ) E9
µ.,;.À

Mµ) ·

Si x = (xÀheA, alors xÀ E rad MÀ pour chaque >. E A. Cela montre bien

que x E E9radMÀ. Par conséquent rad (E9MÀ) Ç E9radMÀ, et l'égalité


ÀEA ÀEA ÀEA
s'ensuit. D
Une conséquence directe de cette proposition est que tout module semisimple
est sans radical (en effet, un module simple est sans radical, comme vu plus
haut). Nous reviendrons sur cette remarque plus loin.
Le résultat fondamental sur le radical est le lemme de Nakayama. Il nous
sera particulièrement utile à la section (4) plus bas et au chapitre suivant. Vu
l'importance de ce lemme, nous en donnerons plusieurs formulations. Quand on
étudie le radical d'un module, il est naturel de se poser la question de l'existence
de sous-modules maximaux d'un module donné. Or cette existence est assurée
si on suppose que le module est de type fini.
LEMME 1.5. Si M est un module non nul de type fini, alors rad M =/:- M.
DÉMONSTRATION. En effet, il suit de (II.1.6) qu'un tel module contient tou-
jours des sous-modules maximaux. D
LEMME 1.6 (DE NAKAYAMA). Soient M un A-module de type fini et N un
sous-module de M. Alors N Ç rad M si et seulement si, pour tout sous-module
L de M tel que N + L = M, on a L = M.
DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que N Ç radM et que L est un
sous-module de M tel que N + L =M. Supposons que L =/:-M. Comme M
est de type fini, il existe (d'après (II.1.6)) un sous-module maximal L' de M
contenant L, et alors on a N + L Ç rad M + L' Ç L' ~ M, ce qui implique une
contradiction.
186 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

Suffisance. Si N Cf:. rad M, il existe un sous-module maximal M' ne contenant


pas N (par définition du radical de M). Donc M' + N = M, mais M' '#-M. O

On exprime parfois la propriété du lemme en disant que tout sous-module


N de radM est superflu dans M. On verra que la notion de superfluité peut
s'exprimer en termes de morphismes.
D'autre part, le lemme lui-même s'exprime par le biais de morphismes. En
effet, si f : M --+ N est une application linéaire, alors f (rad M) Ç rad N de telle
sorte que f induit, par passage aux conoyaux, un morphisme f : M /rad M --+
N /rad N défini pour x E M par

/(x + radM} = f(x) + radN.


Si on note respectivement PM : M--+ M/radM et PN: N--+ N/radN les
projections canoniques, alors 7 est l'unique morphisme de A-modules tel que le
carré suivant soit commutatif :
f
~

M/radM N/radN

LEMME 1.7 (DE NAKAYAMA). Soient M,N deux modules de type fini. Un
morphisme f : M --+ N est un épimorphisme si et seulement si le morphisme
induit 7 : M /rad M --+ N /rad N est un épimorphisme.

DÉMONSTRATION. La nécessité découle de la commutativité du carré précé-


dent : f PM= PNf et du fait que PN et f sont des épimorphismes.
Suffisance. Il suit de la définition de 7 que la surjectivité de 7 implique
que N = f (M) + rad N. Mais rad N est superflu dans N, donc, d'après (1.6},
f(M) = N. On a montré ainsi que f est surjective. D

Les considérations précédentes nous amènent à la définition.

DÉFINITION. Soient M, N deux A-modules, un épimorphisme f : M --+ N est


dit superflu si, pour tout morphisme h : L --+ M tel que f h : L --+ N soit un
épimorphisme, on a que h lui-même est un épimorphisme.

Cette notion est évidemment duale de celle de monomorphisme essentiel, in-


troduite en (IV.4). Les deux propriétés suivantes (duales de celles de (IV.4.1}}
sont immédiates.

LEMME 1.8. Soient f : L--+ M et g : M --+ N deux épimorphismes de A-


modules.
(i) Sig et f sont superflus, alors gf : L--+ N est aussi un épimorphisme
superflu.
(ii) Si gf: L--+ N est un épimorphisme superflu, alors f est superflu.
1. RADICAL D'UN MODULE 187

DÉMONSTRATION. (i) En effet, gf est évidemment un épimorphisme, et gfh


épimorphisme implique successivement fh épimorphisme (par la superfluité de
g) et h épimorphisme (par la superfluité de/).
(ii) En effet, si fh est un épimorphisme, il en est de même de gfh. Comme
gf est superflu, h est un épimorphisme. D

Nous montrons maintenant que les épimorphismes superflus sont précisément


ceux dont les noyaux sont des sous-modules superflus. Cela nous conduit à
donner une troisième version du lemme de Nakayama.

PROPOSITION 1.9. Soient M, N deux A-modules de type fini et f : M --+ N


un épimorphisme de noyau L. Les conditions suivantes sont équivalentes:
(a) f est superflu.
(b) L ç rad M.
(c) Le morphisme f: M/radM--+ N/radN induit de f est un isomor-
phisme.

DÉMONSTRATION. (a) implique (b). En effet, si L g; radM, il existe un sous-


module maximal M' de M tel que L g; M'. Donc L+M' = M, et par conséquent
la composition de l'inclusion j : M' --+ M avec f : M --+ N est un épimorphisme
(puisque tout y E N s'écrit y= f(x' + x) avec x' E M' et x E L donc, comme
L =Ker f, on a y= f(x')), tandis que j : M' --+ M n'en est pas un.
(b) implique (c). Il suffit, d'après (1.7), de vérifier que 7 est un monomor-
phisme. Or, si PM : M --+ M/radM et PN : N --+ N/radN désignent les
projections canoniques, on a fPM = PNf· Donc, six+ radM E Ker f, on a

PNf(x) = fPM(x) = f(x + radM) = 0,

d'où f(x) E radN. Or /(radM) = radN par (1.3)(b). Soit y E radM tel que
J(x) = J(y). On a x -y E Ker f = L Ç rad M. Donc x E rad M.
(b) implique (a). Soit en effet h un morphisme tel que fh soit un épimor-
phisme. Alors N = (Imh + L)/L, donc M = Imh + L. Comme L Ç radM, on
en déduit que M = lm h, et h est bien un épimorphisme.
(c) implique (a). Notons encore PM: M--+ M/radM et PN: N--+ N/radN
les projections canoniques. Si f h est un épimorphisme, alors PN f h = fpMh en
est un aussi. Comme f est un isomorphisme, PMh est un épimorphisme. Par le
fait que (b) implique (a), on a que PM est un épimorphisme superflu. Donc h
est un épimorphisme. D

DÉFINITION. Soit M un A-module. Le quotient M /rad M s'appelle la coiffe


de M.

On a vu en (1.5) que, si M est un module non nul de type fini, alors la coiffe de
M n'est pas nulle. En outre, par (1.3)(c) la coiffe d'un module est toujours sans
radical. Enfin, il suit de (1.9) que, si M est de type fini, la projection canonique
de M sur sa coiffe est un épimorphisme superflu.
188 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

2. Socle d'un module


On a vu que le radical d'un module M n'est autre que le plus grand sous-
module N de M tel que la projection canonique M --+ M / N soit un épimorphisme
superflu. On est en droit de se demander quel est, dualement, le plus petit sous-
module L de M tel que l'injection canonique L --+ M soit un monomorphisme
essentiel. Ce n'est pas autre chose que le socle de M, défini comme suit.
DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On appelle socle
de M le sous-module de M qui est la somme de tous les sous-modules simples
(minimaux) de M. Le socle de M est noté soc M.
Il est évident qu'un module M est semisimple si et seulement si M =soc M.
En fait, il suit de la définition que soc M est le plus grand sous-module semisimple
de M. Par exemple, si A = Z et M = Za œZ4 ( ..;z12), il est clair que
socM = ((ëi, 2)) œ((Ï, ëi)}..; Za œZ2. Enfin, notons que, si M n'a pas de sous-
modules simples (c'est le cas du Z-module Z), alors socM =O.
On peut reformuler la définition comme dans le lemme suivant, qui dualise
(1.1).
LEMME 2.1. Soit Mun A-module. Son socle socM est égal à la somme des
images de tous les morphismes f : S--+ M avec SA parcourant l'ensemble des
A-modules simples.
DÉMONSTRATION. Évidente, puisque les images de tels morphismes coïnci-
dent avec les sous-modules simples de M. D
PROPOSITION 2.2. Soient M, N deux A-modules et f : M --+ N une applica-
tion linéaire. Alors f(socM) Ç socN.
DÉMONSTRATION. En effet, l'image d'un sous-module simple de N est soit
nulle, soit égale à un sous-module simple de N. D
COROLLAIRE 2.3. Soient Mun A-module et L un sous-module de M. Alors
soc L = Ln soc M. En particulier, soc(soc M) = soc M.
DÉMONSTRATION. Soit j: L--+ M l'injection canonique. Il suit de (2.2) que
socL Ç socM, donc socL Ç Ln soc M. D'autre part, Ln socM est un sous-
module du module semisimple socM, donc il est semisimple (VI.6.4). Comme
L n soc M est aussi un sous-module de L, on a L n soc M Ç soc L. L'égalité
s'ensuit. D
LEMME 2.4. Soit M un A-module. Alors socM est l'intersection de tous
les sous-modules L de M tels que l'inclusion L --+ M soit un monomorphisme
essentiel.
DÉMONSTRATION. Soit N cette intersection. Pour tout sous-module simple S
de M, et tout sous-module L de M avec l'inclusion L--+ M essentielle, SnL '=/:- O,
donc S Ç L. Cela montre que socM Ç Let donc socM Ç N.
Pour montrer l'inclusion inverse, il suffit de montrer que N est semisimple.
Soit N' un sous-module de N. Il résulte d'une application évidente du lemme de
Zorn que l'on peut trouver un sous-module N" de M maximal pour la propriété
3. RADICAL D'UNE ALGÈBRE 189

N' n N" = O. Alors N' + N" = N' œN" est un sous-module de M, et l'injection
canonique N' œN" --+ M est essentielle : en effet, si U est un sous-module non
nul de M tel que Un (N' + N") = 0, alors N' n (N" + U) = 0 ce qui contredit
la maximalité de N". Par conséquent N' œN" 2 N 2 N', et, en vertu de la loi
modulaire (II.1.4) :
N = Nn (N' œN") = N' œ (Nn N").
Ainsi, N'est un facteur direct de N. Il suit de (VI.6.2) que N est semisimple et
donc que N Ç soc M. D
THÉORÈME 2.5. Soit M un A-module artinien non nul. Alors soc M est le
plus petit sous-module L de M tel que l'inclusion L --+ M soit un monomorphisme
essentiel.
DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après le lemme, de montrer que socM i 0 et
que l'inclusion soc M --+ M est essentielle. Or, l'hypothèse que M est artinien
entraîne que socM i O. D'autre part, soit L un sous-module non nul de M.
Alors L est lui-même artinien et donc soc L i O. D'après (2.3), L n soc M i O.
Cela vérifie bien l'énoncé. D
THÉORÈME 2.6. Soit M un A-module artinien non nul. Alors les enveloppes
injectives de M et de son socle soc M sont isomorphes.
DÉMONSTRATION. Notons E l'enveloppe injective de soc M. Il faut montrer
que E est isomorphe à l'enveloppe injective de M, et pour cela il suffit, d'après
(IV.4.6) de montrer qu'il existe un monomorphisme essentiel M--+ E. On con-
sidère le diagramme à ligne exacte
0 ---+ soc M __!__... M
il //f
/

E ,/

où i, j sont les inclusions canoniques. Comme E est injectif, il existe f : M --+ E


tel que f j = i. Comme i est un monomorphisme et que j est un monomorphisme
essentiel, il en résulte que f est un monomorphisme. Comme, d'autre part, i = f j
est un monomorphisme essentiel, f est essentiel aussi (d'après (IV.4.1)), ce qui
achève la démonstration. D

3. Radical d'une algèbre


LEMME 3.1. Soit A une K -algèbre non nulle. Alors rad AA est un idéal bi-
latère propre de A.
DÉMONSTRATION. Soit a E A. Alors fa: x 1--+ ax est une application linéaire
AA --+ AA. D'après (1.2), nous avons
a(radAA) = fa(radAA) Ç radAA.
Donc rad AA est un idéal bilatère de A. D'autre part, AA étant un A-module
cyclique (donc de type fini), il existe, d'après (II.1.6), un idéal à droite maximal
MA. Comme radAA Ç MA i AA, on a que radAA est propre. D
190 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

DÉFINITION. Le radical {de Jacobson) de l'algèbre A est l'idéal bilatère J =


radAA.
Par exemple, si K est un corps et si A=[~ J} ], il est facile de montrer {par
exemple à l'aide de l'exercice (II.2)) que les idéaux à droite maximaux sont [ ~ 81
et [ J} J}]. Par conséquent, J est leur intersection, égale à l'idéal bilatère [ J} g].
Il y a lieu de remarquer que, même si on a montré que J est un idéal bilatère,
il est défini par le biais de la structure de A-module à droite de A : il faut donc
vérifier si cette définition est symétrique.

THÉORÈME 3.2. Soit A une K-algèbre de radical J. Alors a E J si et seule-


ment si 1 - ax admet un inverse à droite pour tout x E A.

DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que a E J. Alors, si x E A et si


1-ax n'admet pas d'inverse à droite, le sous-module (1-ax)A de AA est propre.
Comme il est cyclique, il existe, d'après (II.1.6) un idéal à droite maximal MA
tel que {1 - ax)A Ç MA ~ AA. Comme a E J, on a a E M, donc ax E M et
alors 1 = {1 - ax) + ax E M, ce qui constitue une contradiction.
Suffisance. Soit a E A tel que 1 - ax est inversible à droite pour tout x E A.
On veut montrer que a appartient à tout idéal à droite maximal de A. Si ce n'est
pas le cas, il existe un idéal à droite maximal M de A tel que a r/. M. Comme
M est maximal, M + aA = A, donc il existe x E A tel que 1 - ax E M. Mais
1 - ax est inversible à droite, donc 1 E M, une contradiction. D

COROLLAIRE 3.3. Soit A une K -algèbre de radical J. Alors J est le plus


grand idéal bilatère I de A tel que 1 - x soit inversible pour tout x E I.

DÉMONSTRATION. Commençons par prouver que six E J, alors 1 - x est


inversible. Il suit de (3.2) qu'il existe y E A tel que (1 - x)y = 1. Donc
z = 1 - y = -xy E J donne, toujours d'après (3.2), que 1 - z est inversible
à droite. Donc il existe y' E A tel que 1 = {1 - z)y' = yy'. Comme y admet
un inverse à droite et un inverse à gauche, ces deux inverses sont égaux, y est
inversible et son inverse 1 - x = y- 1 l'est aussi.
Montrons maintenant que J est le plus grand idéal bilatère satisfaisant à cette
condition. Soient en effet I un idéal satisfaisant à cette condition et a E I. Alors
ax E I pour tout x E A et donc 1 - ax est inversible. D'après (3.2), on a a E J.
On a prouvé que I Ç J. D

COROLLAIRE 3.4. rad(AA) = rad(AA)·

DÉMONSTRATION. En effet, la condition de {3.3) est symétrique. D

Un élément x E A est dit nilpotent s'il existe un entier positif m tel que
xm = O. Un idéal I de A est dit nil si chaque élément de I est nilpotent.

COROLLAIRE 3.5. Tout idéal nil de A est contenu dans le radical J.

DÉMONSTRATION. Soit m tel que xm = O. Alors 1 - x est inversible car


(1 - x){l + x + · · · + xm-l) = 1. On applique (3.3). D
4. MODULES ARTINIENS ET ALGÈBRES ARTINIENNES 191

Notons qu'il ne s'ensuit pas nécessairement que J est lui-même un idéal nil.
Nous montrerons que c'est cependant le cas si A est artinienne (voir (4.7) plus
loin). D'autre part, il ne s'ensuit pas non plus que tout élément nilpotent de A ap-
partient à J: en effet, il peut exister des éléments nilpotents qui n'appartiennent
à aucun idéal nil. On en verra un exemple à la section suivante.

4. Modules artiniens et algèbres artiniennes


THÉORÈME 4.1. Soit MA un A-module. Alors MA est semisimple et de lon-
gueur finie si et seulement s'il est artinien et sans radical.

DÉMONSTRATION. Nécessité. Tout module de longueur finie est artinien


d'après (VI.5.2). D'autre part, si M = E9
S>. avec chaque B>. simple, il en
ÀEA
découle que, pour chaque À E A, le sous-module N>. = E9 Bµ. de M est maxi-
11.1'>..
mal. Donc radM ç n N>.
>..EA
=O.

Suffisance. Supposons M artinien tel que rad M = O. On peut supposer que


M =F O. Il existe un ensemble non vide (N>..heA de sous-modules maximaux tel
que
>..EA
n
N>. = O. Comme M est artinien, il existe un sous-module Ni n · · · n Nt

minimal dans la famille des intersections finies des N >... On affirme que ce sous-
module minimal est nul. Si ce n'est pas le cas, il existe N>. tel que Nin·· -nNt g;
N>. (puisque, si Nin··· n Nt Ç N>. pour tout À, alors Nin··· n Nt Ç nN>.. =
À
0), d'où la contradiction Ni n · · · n Nt n N>. ~ Ni n · · · n Nt. Cela montre
t
bien que Nin··· n Nt =O. Définissons maintenant f : M--+ ffi(M/Ni) par
i=i
x 1-+ (x + Ni)~=i · Il ressort clairement que Ker f = nt

i=i
Ni = O. Donc M est
t
isomorphe à un sous-module du module semisimple de longueur finie ffi(M /Ni) :
i=i
il est donc lui-même semisimple et de longueur finie. D

COROLLAIRE 4.2. Soit Mun A-module artinien. Alors M/radM est un A-


module semisimple de longueur finie.

DÉMONSTRATION. Ce quotient est en effet artinien et, d'après (1.3), on a


rad(M/radM) =O. D
Nous avons montré que le radical d'un module artinien en est le plus pe-
tit sous-module tel que le quotient soit semisimple et de longueur finie. Nous
verrons maintenant que le quotient d'une algèbre artinienne par son radical est
semisimple. En effet, soit A une K-algèbre de radical J. On considère l'algèbre
quotient A= A/J. Le lemme suivant est un cas particulier de (III.6.1).
192 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

LEMME 4.3. Tout A-module simple SA admet une structure naturelle de A-


module simple et réciproquement.
DÉMONSTRATION. Soit SA un A-module simple. Pour x ES et a= a+J e A,
on pose xa = xa. Cette définition n'est pas ambiguë : en effet, il faut montrer
que xJ = 0, or fx : AA -+ SA définie par a>--+ xa (pour a E A) est A-linéaire,
et J Ç Ker fx donne l'énoncé. Réciproquement, si S est un A-module, il est
naturellement un A-module par le moyen de la projection canonique A -+ A
(voir (III.6)). Il suit de (III.6.1) que, si S est un A-module simple, alors S est
aussi un A-module simple. Il reste à montrer que, si S est un A-module simple,
il est également simple en tant que A-module : soit en effet S' Ç S un sous-A-
module de S, alors S' est un sous-A-module de S (la A-structure de S' étant
induite de la projection canonique A-+ A). Donc S' = 0 ou S' =S. D
Il suit du lemme que tout A-module semisimple admet une structure naturelle
de A-module semisimple et réciproquement.
PROPOSITION 4.4. Soit A une K -algèbre artinienne à droite, alors A est une
K -algèbre semisimple.
DÉMONSTRATION. AA = AA/JA est un A-module artinien et rad(A/J) =O.
Donc AA est un A-module semisimple d'après (4.1). D'après (4.3), A:;r est un
A-module semisimple, et, en outre, A:;r et AA ont les mêmes sous-modules. Il
s'ensuit que ÏI:;r est un A-module artinien et en outre rad(A:;r) =O. On applique
encore (4.1). D
Au vu de (Vl.5.2) et (VI.5.3), la conséquence suivante de (4.4) est d'une
importance capitale pour la construction des modules sur une algèbre artinienne.
COROLLAIRE 4.5. Soit A une K-algèbre artinienne à droite. Alors A n'a
qu'un nombre fini de classes d'isomorphisme de A-modules simples.
DÉMONSTRATION. Cela résulte de (4.3), de (4.4) et du fait que, d'après
(Vl.7.8), une algèbre semisimple n'a qu'un nombre fini de classes d'isomorphisme
de modules simples. D
On déduit aussi de (4.4) un calcul explicite du radical d'un module sur une
algèbre artinienne.
THÉORÈME 4.6. Soient A une K-algèbre artinienne à droite et M un A-
module. Alors rad M = M J.
DÉMONSTRATION. Pour tout x E M, l'application fx: a 1-+ xa (où a E A) est
un morphisme AA-+ MA. Donc x(radA) = fx(radA) Ç rad M. Par conséquent
MJÇ radM.
Le module quotient M = M / M J est annulé par J, donc est un A-module.
Comme A est une algèbre semisimple d'après (4.4), M est un A-module semisim-
ple et, pour tout x = x + MJ e M tel que x ~ MJ, il existe f: M-+ S avec S
simple tel que f(x) '#O. Composant f avec la projection canonique p: M-+ M,
on a fp(x) = f(x) '# O. Donc, d'après (1.1), x ~ radM. Cela montre que
radM Ç MJ. D
4. MODULES ARTINIENS ET ALGÈBRES ARTINIENNES 193

Un idéal bilatère I d'une algèbre A est dit nilpotent s'il existe n > 0 tel que
1n = O. Il est clair que tout élément x d'un tel idéal I est lui-même nilpotent,
et donc tout idéal nilpotent est aussi nil. On a la caractérisation suivante du
radical d'une algèbre artinienne.
THÉORÈME 4.7. Soit A une K-algèbre artinienne à droite. Alors J = radAA
est le plus grand idéal bilatère nilpotent de A.
DÉMONSTRATION. Il suit de (3.5) que tout idéal nilpotent de A est contenu
dans le radical. Il suffit donc de montrer que J est lui-même nilpotent. La suite
J 2 J2 2 J 3 2 · · · étant décroissante, il existe n tel que Jn = Jn+l. Supposons
in =/:- O. L'ensemble JV( des idéaux à droite M =/:- 0 de A tels que M J = M est
non vide, puisque Jn E JVC. Donc JV( admet un élément minimal M. Comme
M = MJ = · · · = MJn, il existe x E M tel que xJn =/:-O. xJn est un idéal à
droite de A contenu dans M (puisque x E M) et tel que (xJn)J = xJn+l = xJn.
La minimalité de M implique donc que M = xJn Ç xA Ç M. Donc M = xA
e8t de type fini et (1.5) avec (4.6) donne la contradiction 0 =/:- M = MJ =rad M.
D
Il suit du théorème que tout élément du radical d'une algèbre artinienne est
nilpotent. La réciproque, par contre, est fausse : il existe des éléments nilpotents
qui n'appartiennent pas au radical. Par exemple, pour tout corps (gauche) Cet
tout entier n > 1, Mn(C) a plusieurs éléments nilpotents (par exemple, les ei;
avec i =f. j), mais, Mn(C) étant simple, on a radMn(C) =O.
COROLLAIRE 4.8. Le radical d'une algèbre artinienne à droite A est l'unique
idéal nil I tel que A/I soit une algèbre semisimple.
DÉMONSTRATION. On sait que J =rad A a ces propriétés. Réciproquement,
soit I un idéal nil tel que A/ I soit semisimple. D'après (3.5), on a I Ç J. Comme
J est nilpotent, l'idéal J /Ide A/I l'est aussi. D'après (4. 7), J / I Ç rad( A/I). Or
A/I est semisimple, donc sans radical (d'après (4.1)) et Jf I =O. Cela montre
que I = J. D
La caractérisation que nous venons de démontrer est particulièrement facile à
appliquer. Par exemple, si K est un corps, et si A = [ ~ ~], alors A est artinienne
(car de K -dimension finie). Il est facile de voir que B = [ {f ~ ] est un quotient
de A et qu'il est semisimple (en effet, B-=+K x K). D'autre part, le noyau de
la surjection évidente A---+ B, c'est-à-dire l'idéal bilatère J = [~ 81 est nil. Par
conséquent J est le radical de A.
COROLLAIRE 4.9. Pour tout idéal bilatère I d'une algèbre artinienne à droite
A, on a rad(A/I) = (I + J)f I.
DÉMONSTRATION. Comme J est nilpotent, (I +J)f I l'est aussi. D'autre part,
on a
A/I _ A _ A/J
-~-----+ - - ---+ -~-..,-

(I + J)f I l+J (I+J)fJ'


Comme A/ J est une K-algèbre semisimple, le dernier quotient l'est aussi. On
peut donc appliquer (4.8). D
194 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

Une conséquence remarquable de la théorie du radical est que toute algèbre


artinienne est aussi noethérienne. Cela découle du théorème suivant.
THÉORÈME 4.10 (DE HOPKINS-LEVITSKI). Soit A une K-algèbre artinienne
à droite. Si MA est un A-module artinien, alors M est noethérien.
DÉMONSTRATION. Comme J est nilpotent, il existe un plus petit n tel que
M Jn = O. On prouve le résultat par récurrence sur n. Si n = O, alors M =
MA = M J 0 = 0, et le module nul est noethérien. Si n = 1, la condition M J = O
entraîne que M est un A/J-module, donc est semisimple (puisque, d'après (4.4),
A= A/J est une K-algèbre semisimple). Donc M = œsÀ avec les SÀ simples.
ÀEA
On affirme que A est un ensemble fini : en effet, si ce n'est pas le cas, il existe
une suite infinie de sous-ensembles de A de la forme A = Ao ~ Ai ~ A2 ~ · · · ,
et par suite E9 SÀ ~ E9 SÀ ~ E9 SÀ ~ · · · donne une suite décroissante
ÀEAo ÀEA1 ÀEA2
infinie de sous-modules de M, ce qui contredit l'hypothèse que M est artinien.
Cela montre que M est de longueur finie et donc noethérien (VI.5.2). Sin> 1,
soit N = M Jn-l Ç M. Alors N est artinien et N J = 0 (donc le cas n = 1
doit faire conclure que N est noethérien). D'autre part, M/N est artinien et
(M/N)Jn-l = O. L'hypothèse de récurrence donne M/N noethérien. Enfin la
suite exacte courte 0 --+ N --+ M --+ M/N --+ 0 et (VI.L3} conduisent à
affirmer que M est noethérien. O
COROLLAIRE 4.11. Si A est artinienne à droite, alors A est noethérienne à
droite. D
Nous sommes maintenant en mesure de tenir une promesse faite en (VI.5).
COROLLAIRE 4.12. Si A est artinienne à droite et si MA est un A-module,
les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) M est artinien.
(b) M est noethérien.
(c) M est de type fini.
(d) M est de longueur finie.

DÉMONSTRATION. Il suit de (4.10) que (a) implique (b}, et de (VI.1.5} que


(b) implique (c). Pour montrer que (c) implique (a), on observe que l'hypothèse
que M est de type fini entraîne, d'après (III.3.6), l'existence d'un épimorphisme
A~m) ~MA avec m > 0 un entier. Comme AA est artinien, M l'est aussi, par
suite de (VI.1.3). Enfin, (a) et (b) équivalent à (d) d'après (VI.5.2). D

5. Radical d'une catégorie K-linéaire


Nous montrerons maintenant comment la définition du radical d'une algèbre
permet d'arriver à celle de radical d'une catégorie. Rappelons que le radical
doit être un idéal bilatère. Si la définition originale du radical à la section
1 ne se généralise pas de manière évidente, la caractérisation de (3.1) donne
immédiatement la définition suivante.
5. RADICAL D'UNE CATÉGORIE K-LINÉAIRE 195

DÉFINITION. Soit C une catégorie K-linéaire. Le radical rade de C est défini


par la donnée, pour chaque paire (X, Y) d'objets de C, de l'ensemble
rade(X, Y)={! E Home(X, Y) l lx - fg est inversible à droite
pour tout g E Home (Y, X)}.
Nous cherchons évidemment à démontrer que rade est un idéal de C. N'ayant
pas à notre disposition les notions utilisées plus haut, nous ferons des mani-
pulations arithmétiques simples. Commençons par le lemme suivant, inspiré de
(3.3).
LEMME 5.1. Si, dans une catégorie K-linéaire, le morphisme f est tel que
lx - f g soit inversible à droite pour tout g, alors lx - fg est inversible pour
tout g.
DÉMONSTRATION. Fixons-nous un morphisme g. Par hypothèse, il existe h
tel que (1 - f g)h = 1. Alors h = 1 + f gh = 1 - f g(-h) admet à son tour un
inverse à droite k. Alors 1 = hk = (1 + f gh)k = k + f ghk = k + f g. Donc
k = 1 - f g. Mais alors hk = 1 se lit h(l - f g) = 1 et h est aussi un inverse à
gauche de 1- fg. D
La réciproque du lemme étant évidente, on en déduit que rade(X, Y) est égal
à l'ensemble des f E Home(X, Y) tels que lx - fg soit inversible pour tout
g E Homc(Y,X).

PROPOSITION 5.2. Soit C une catégorie K -linéaire. Alors rade est un idéal
bilatère de C.
DÉMONSTRATION. Il est clair que 0 E rade(X, Y) et que f E rade(X, Y)
et a E K impliquent af E rade(X, Y). Démontrons que Ji, h E rade(X, Y)
impliquent fi+ h E rade(X, Y). Pour ce faire, il faut montrer que, pour tout
g: Y---+ X, le morphisme lx - (/1 + h)g est inversible à droite.
Comme lx - fig admet un inverse (à droite) h1 et que lx - f2gh1 admet
un inverse (à droite) h2, on peut considérer que h 1h 2 : X ---+ X. On affirme
que c'est l'inverse (à droite) de lx - (/1 + h)g. En effet, (1 - fig)h1 = 1
implique (1 - f1g)h1h2 = h2, c'est-à-dire h1h2 - h2 = figh1h2. D'autre part,
(1 - f2gh1)h2 = 1 donne h2 - 1 = f2gh1h2. Donc l'énoncé résulte de :
(1 - (/1 + h)g)h1h2 = h1h2 - figh1h2 - huh1h2
= h1h2 - (h1h2 - h2) - (h2 - 1) = 1.
Soit, enfin, f E rade(X, Y). De toute évidence, pour tout morphisme u: W---+
Y, on a que 1-(fu)g = 1- f(ug) est inversible à droite. Donc fu E radc(W, Y).
Soit v : Y---+ Z. On doit montrer que vf E radc(X, Z) et donc que, pour tout
morphisme g, on a 1 - (vf)g inversible à droite. Or, 1 - f(gv) est inversible à
droite, donc inversible, et il existe h tel que
h(l - f(gv)) = 1 = (1 - f(gv))h.
Alors 1 + vhf g est l'inverse à droite de 1 - vf g : en effet
(1 - vfg)(l + vhfg) = 1 + vhfg - vfg - vfgvhfg.
196 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

Or (1- fgv)h = 1 donne fgvh = h- 1, d'où


(1 - vfg)(l + vhfg) = 1 + vhfg - vfg - v(h- l)fg = 1. D
LEMME 5.3. Soient C une catégorie K -linéaire, Xi. ...• Xm et Yi, . .. , Yn des
m
objets de C. Si f = [fi;] : œxi
i=l
-+
j=l
n
E9YJ est un morphisme de C, alors

f E rade (\~X,,~ Y;) si et seulement si f;< E rade (X,, Y;) pour '""' i, j.

DÉMONSTRATION. Notons p~,q~ respectivement les projections et injections


m
canoniques associées à la somme directe E9 Xi, et P;, q3, respectivement les pro-
i=l
n
jections et injections canoniques associées à la somme directe E9 Yj. L'énoncé
j=i
découle alors du fait que rade est un idéal bilatère et des équations l;i = p3 fq~

et f ~ (t.q,p;) f (t,•:V:) ~ t,t,•;f;af,. D


De même que l'on définit des puissances d'un idéal d'une algèbre, de même
on peut utiliser la définition précédente pour définir les puissances du radical
d'une catégorie K-linéaire. Soient X, Y deux objets de la catégorie K-linéaire C
et m ~ 2, on définit rad~(X, Y) comme le sous-K-module de radc(X, Y) formé
de toutes les combinaisons K-linéaires de morphismes f: X-+ Y admettant une
factorisation de la forme X= Xo ..!.:...+Xi A X2--+ · · ·--+ Xm-i .!!!!.+ Xm =
Y avec fie radc(Xi-i.Xi) pour tout 1 :5 i :5 m.
Une récurrence immédiate sur m oblige à conclure que ce sont des idéaux
bilatères de C.

6. Modules indécomposables
Un module indécomposable est un module qui ne se laisse pas décomposer en
somme directe. Nous montrerons que si M est un module artinien et noethérien,
son indécomposabilité s'exprime par une propriété de son algèbre d'endomor-
phismes. En outre, tout module artinien et noethérien se décompose uniquement
(à isomorphisme près) en une somme directe finie de modules indécomposables.
DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module MA est dit indécomposable
si M =f 0 et si M = M1 E9 M2 entraîne M1 = 0 ou M2 = O. Sinon, M est dit
décomposable.
Par exemple, tout module simple est indécomposable. Pour un nombre pre-
mier pet un n > 0, le Il-module Zp" est indécomposable, mais n'est simple que
pour n = 1. Le Il-module Zi 5 ~ Z3 E9 Z5 est décomposable. Le Il-module Z est
indécomposable : en effet, tout sous-module non nul de Z est de la forme aZ
avec 0 =f a E N, et, pour 0 =f a, b e N, on a aZ n bZ 2 abZ =f O.
6. MODULES INDÉCOMPOSABLES 197

PROPOSITION 6.1. Soit MA un module artinien ou noethérien. Alors M se


décompose en une somme directe finie de A-modules indécomposables.
DÉMONSTRATION. Si M = 0, il n'y a rien à prouver (M est égal à la somme
directe vide). Si M '# 0 est indécomposable, il n'y a rien à prouver non plus.
Sinon, M admet au moins un facteur direct propre. Si M est artinien, alors
M admet un facteur direct minimal non nul Ni : un tel facteur direct minimal
non nul est évidemment indécomposable. Si M est noethérien, il admet un
facteur direct maximal dont le complément est alors minimal non nul Ni et, par
conséquent, indécomposable. Une récurrence immédiate donne alors
M = Ni œMi = Ni œN2 œM2 = ... = (Ni œ... œNi) œM,
avec les N; indécomposables et M; = N;+i œM;+i pour chaque j. Si M est
artinien, on considère la suite décroissante M ~ Mi ~ M2 ~ · · · : il existe
m
m > 0 tel que Mm = 0 et alors M = E9 N;. Si M est noethérien, on considère
j=i
la suite croissante 0 ~ Ni ~ Ni
m
œN2 ~ · · · et on trouve encore un m > 0 tel
que M = E9N;. D
j=i

COROLLAIRE 6.2. Soit A une K -algèbre artinienne. Tout module de type fini
se décompose en une somme directe finie de A-modules indécomposables.
DÉMONSTRATION. On applique {6.1) et (4.12). D
On a prouvé l'existence de décompositions d'un module artinien ou noethérien
en modules indécomposables, et il reste donc à en étudier l'unicité. Pour cela,
on essaie d'abord de trouver un critère permettant de déterminer si un module
est indécomposable. Rappelons qu'on a prouvé qu'il existe une bijection entre
décompositions d'une algèbre en produit direct et décompositions de son identité
en idempotents centraux deux à deux orthogonaux, et qu'une algèbre est connexe
(indécomposable) si et seulement si son identité est un idempotent centralement
primitif. On a des résultats semblables sur les modules.
PROPOSITION 6.3. Il existe une bijection entre décompositions d'un A-module
M en une somme directe finie et décompositions de l'identité de End M en une
somme d'idempotents orthogonaux.
DÉMONSTRATION. En effet, à M = Mi œ ... œMt correspond la décomposi-
tion lM = qipi + · · ·qtPt où Pi: M ___.Mi et qi : Mi___. M (pour 1 ~ i ~ t)
désignent respectivement la projection et l'injection canoniques. Comme, pour
chaque i, ei = qiPi est un idempotent, et eie; = 0 pour i '# j, on a bien une
décomposition de lM en une somme d'idempotents orthogonaux.
Réciproquement, si lM = ei + · · · + et est une décomposition de lM en une
somme d'idempotents orthogonaux, posons Mi= lmei. Chaque Mi est un sous-
module de M, et on veut montrer que M =Mi œ· · · œMt. Pour x E M, on
a
198 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

t t
et donc x E LMi, ce qui donne bien M = LMi. Pour montrer l'unicité de
i=l i=l
l'écriture précédente de x, supposons que x = x1 + · · · + Xt, où Xi E Mi pour
chaque 1 :5 i :5 t. Alors il existe des x~ E M tels que Xi = ei(xD pour chaque i,

et donc ei(x) = ei (tx;) = ei (te;(xj)) = teie;(xj) = ei(xD =Xi· D


3=1 3=1 3=1
COROLLAIRE 6.4. Un A-module M est indécomposable si et seulement si les
seuls idempotents de End M sont 0 et 1M.

DÉMONSTRATION. En effet, si e E EndM est un idempotent, alors lM =


e + (lM - e) est une décomposition de lM en idempotents orthogonaux. Cette
décomposition est triviale si et seulement si e = lM ou si e = O. D
Les résultats obtenus donnent l'idée de caractériser l'indécomposabilité d'un
module en nous basant sur les propriétés de son algèbre d'endomorphismes.
DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite locale si elle n'a qu'un seul idéal à
droite maximal.
Cet unique idéal à droite maximal doit notamment égaler le radical. Donc
une algèbre est locale si et seulement si son radical est un idéal à droite maximal.
Observons que, si A est locale, alors 0 f=. 1 et donc A f=. O. Par exemple, tout
corps est trivialement une algèbre locale.

THÉORÈME 6.5. Soit A une K-algèbre, de radical J. Les conditions suivantes


sont équivalentes :
(a) A est locale.
(b) L'ensemble des éléments non inversibles de A forme un idéal bilatère.
(c) Pour chaque x E A, au moins un des éléments x ou 1-x est inversible.
(d) A/ J est un corps.
DÉMONSTRATION. (a) implique (b). Comme A est locale, son unique idéal à
droite maximal est J. Six E J, alors xA Ç J ~A, et donc x n'est pas inversible.
Réciproquement, six n'est pas inversible, alors xA f=. A donne xA Ç Jet x E J.
Par conséquent, l'ensemble des éléments non inversibles de A est égal à l'idéal
bilatère J.
(b) implique (c). En effet, si ni x ni 1 - x n'est inversible, (b) entraîne que
1 = x + (1 - x) n'est pas inversible non plus, ce qui est une absurdité.
(c) implique (d). Il suffit de montrer que, si x <f. J, alors x est inversible.
Comme x </. J, il suit de (3.2) (et de sa version "à gauche") qu'il existe a, b E A
tels que 1 - xa et 1 - bx ne sont pas inversibles. Il suit de l'hypothèse que xa et
bx sont inversibles : il existe a', b' E A tels que x( aa') = 1 et (b'b )x = 1. Donc x
est inversible.
(d) implique (a). Comme le corps A/ J n'a pas d'idéaux à droite non triviaux,
l'idéal à droite J de A est maximal, donc est le seul idéal à droite maximal de
A.o
6. MODULES INDÉCOMPOSABLES 199

COROLLAIRE 6.6. Soient A une K -algèbre et MA un A-module tel que End M


soit locale. Alors les seuls idempotents de End M sont 0 et lM. En particulier
M est indécomposable.

DÉMONSTRATION. Soit e E End M un idempotent. Alors e ou 1 - e est


inversible. Dans le premier cas, e2 = e donne e = 1M. Dans le second, e - e2 = 0
donne e =O. D
Notre but sera de montrer que la réciproque de (6.6) est vraie sous certaines
conditions. Le lemme suivant généralise une propriété bien connue des espaces
vectoriels de dimension finie.

LEMME 6.7. Soient Mun A-module et f E End M.


(a) Si M est noethérien et si f est un épimorphisme, alors f est un auto-
morphisme.
(b) Si M est artinien et si f est un monomorphisme, alors f est un auto-
morphisme.

DÉMONSTRATION. (a) On considère la suite croissante de sous-modules de


M définie par 0 Ç Ker f Ç Ker f 2 Ç · · · . Comme M est noethérien, il existe
n > 0 tel que Ker fn = Ker jn+l. Comme f est surjective, fn l'est aussi, et donc
Ker f = r(r)- 1 (Ker J) = r(Jn+i)- 1 (0) = r(Ker r+iJ = r(Ker rJ =O.
(b) On considère la suite décroissante de sous-modules de M définie par M 2
J(M) 2 j2(M) 2 · · ·. Comme M est artinien, il existe n tel que r(M) =
r+l(M). Si x E M, il existe y E M tel que r(x) = r+l(y). Comme f est
injective,r l'est aussi, et X= f(y). Cela montre que f est surjective. D

Énonçons maintenant un premier corollaire inattendu de (6.7).

COROLLAIRE 6.8. Soit A une K-algèbre noethérienne. Alors A~m) -:::+A~> si


et seulement si m = n. En outre, tout ensemble {xi. ... , Xn} qui engendre A~>
en est une base.

DÉMONSTRATION. Supposons en effet que m > n et soient {ei, ... , em} et


{Ji, ... , fn} deux bases du A-module libre L = A~m)-:::+ A~). Il existe un
épimorphisme f : L --+ L défini par ei i-+ fi pour 1 :::; i :::; n. Évidemment,
f est de noyau non nul (et engendré par {en+l • ... , em}). Mais, d'autre part,
L =A~> est un module de type fini sur une algèbre noethérienne, donc LA est
noethérien. Cela contredit (6.7). Donc m = n. La réciproque est triviale.
Pour la seconde partie, soit {ei. ... , en} une base de L =A~>. On définit un
épimorphisme f : L --+ L par ei i-+ Xi (pour 1 :::; i :::; n). Il suit encore de (6.7)
que f est un isomorphisme. L'ensemble donné est donc une base. D

Ainsi, le nombre d'éléments d'une base d'un A-module libre de type fini sur
une algèbre noethérienne est uniquement déterminé : on l'appelle rang de ce
module. Rappelons par exemple que Z est une Z-algèbre noethérienne, et on
parlera ainsi de rang d'un groupe abélien libre.
200 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

LEMME 6.9 (DE FITTING). Soient MA un A-module artinien et noethérien et


f E End MA. Il existe n > 0 tel que
M = lm r E0 Kerr.
DÉMONSTRATION. Comme M est artinien, il existe un n > 0 tel que la suite
M 2 f(M) 2 /2(M) 2 · · · devienne stationnaire après n étapes. Alors r(M) =
pn(M). Donc r est un endomorphisme surjectif du module noethérien r(M).
D'après (6.7), r est un automorphisme de r(M). Donc r(M) n Kerr= O.
Soit x E M. Il existe y E M tel que r(x) = pn(y). Donc r(x - r(y)) =O.
En écrivant X = r(y) + (x - r(y)) on voit bien que X E r(M) +Kerr.
L'énoncé s'ensuit. D

COROLLAIRE 6.10. Si M est un module artinien et noethérien qui est indé-


composable, tout endomorphisme de M est nilpotent ou est un automorphisme.

DÉMONSTRATION. Si M est indécomposable, alors lm r= 0 ou Kerr = o.


Dans le premier cas, f est nilpotent. Dans le second, fn est un automorphisme,
donc f en est un aussi. D

La caractérisation que nous cherchions est la suivante.

LEMME 6.11. Si MA est un A-module artinien et noethérien, alors M est


indécomposable si et seulement si End M est locale.

DÉMONSTRATION. Une implication est (6.6), l'autre est (6.5) combiné avec
(6.10) : en effet, tout endomorphisme de M est soit nilpotent (donc dans le
radical de End M), soit inversible. D

COROLLAIRE 6.12. Soit A une K -algèbre artinienne. Un A-module de type


fini M est indécomposable si et seulement si End M est une algèbre locale.

DÉMONSTRATION. En effet, tout module de type fini sur une algèbre arti-
nienne est artinien et noethérien, d'après (4.12). On applique alors (6.11). D

Montrons maintenant le fameux théorème de décomposition unique, attribué


à Remak, Krull, Schmidt et Azumaya.

THÉORÈME 6.13 (DE DÉCOMPOSITION UNIQUE). Soient A une K-algèbre et


M un A-module. Si
m n
M=E9Mi=E9N;
i=l j=l

où les EndMi et les EndN; sont des algèbres locales pour tous i,j, alors m = n
et il existe une permutation u de {1,2, ... ,m} telle que Mi-=+Nu(i) pour tout
1~i ~m.
6. MODULES INDÉCOMPOSABLES 201

DÉMONSTRATION. D'après (6.6), les Mi et Ni sont tous indécomposables.


On montrera le théorème par récurrence sur m. Si m = 1, alors Mi est
indécomposable et il n'y a rien à prouver. Supposons que m > 1 et posons
que MI = E9
oi
Mi. Notons respectivement q, q', p, p' les injections et projections
.
canoniques associées à la décomposition M =Mi œ M{ et qi,Pi (où 1:::; j:::; m)
n
les injections et projections canoniques associées à la décomposition M = E9 Ni.
j=i
Ona

Comme End Mi est locale, il existe j tel que v = pq;p;q soit inversible. À une
permutation des indices près, on peut supposer que j = 1. Alors w = v-ipqi :
Ni -+ Mi est tel que wpiq = 1M1 , et donc piqw E EndNi est idempotent.
Comme EndNi est locale, il suit de {6.6) que piqw = 0 ou que piqw = 1N1 •
Si piqw = 0, alors piq = 0 (car w est un épimorphisme), et c'est absurde, car
v = pqipiq est inversible. Donc piqw = 1N1 et /11 = piq : Mi -+ Ni est
un isomorphisme. Si on pose que N{ = E9N;, on peut regarder l'identité lM
j>i
comme un isomorphisme f : Mi œM{ ..::. Ni œNf sous forme d'une matrice

avec /11 : Mi --+Ni, '12: Mf -+Ni, hi : Mi -+ N{, '22 : M{-+ N{. On sait
que /11 est un isomorphisme. Le résultat découlera de l'hypothèse de récurrence
si on peut montrer que Mi ..=. Nf. Or, comme f est un isomorphisme, il en est
de même de

g-
_[- hdï/
1 o]1 ['11
hi
'12]
'22
[10 -/ï/1 '12] -_ ['110 '22 -
o
hdï/ '12
].
En particulier, '22 - hdïi.i '12 : Mf -+ N{ est un isomorphisme. O

COROLLAIRE 6.14. Soit MA un module artinien et noethérien. Il existe une


m
décomposition directe de M de la forme M = E9 Mi, où chaque Mi est indécom-
i=i
posable. Cette décomposition de M est unique à isomorphisme près. D

COROLLAIRE 6.15. Soit A une K-algèbre artinienne. Tout A-module de type


fini s'écrit uniquement (à isomorphisme près) en une somme directe finie de
modules indécomposables. O

On termine ce chapitre avec une application utile au radical d'une catégorie


K-linéaire.
202 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

PROPOSITION 6.16. Soient X, Y deux objets d'une catégorie K-linéaire C tels


que Endc X et Endc Y soient des K -algèbres locales. Alors rade (X, Y) est égal
à l'ensemble des non-isomorphismes de X dans Y. En particulier, si X f+ Y,
alors radc(X, Y) = Homc(X, Y).
DÉMONSTRATION. Si f E radc(X, Y), il est clair que f n'est pas un isomor-
phisme, car, s'il en était un, il suivrait de la définition du radical de C que
0 = 1 - f 1- 1 est inversible, ce qui est une absurdité.
Réciproquement, soit f : X - t Y un non-isomorphisme non nul de C. On
montrera que f E radc(X, Y).
On commence par prouver que, pour tout morphisme g : Y - t X de C,
l'endomorphisme fg : Y - t Y n'est pas inversible. En effet, si h est tel que
f gh = 1, alors u = ghf est un idempotent de l'algèbre locale Endc X. D'après
(6.6), u = 0 ou u = 1. Le premier cas aboutit à la contradiction 1 = 12 =
(fgh)(f gh) = O. Donc u = 1 et ghf = 1 donne comme résultat que f est
inversible, ce qui est une contradiction.
Soit g : Y - t X un morphisme. Comme fg E Endc Y n'est pas inversible,
1 - f g l'est. Par conséquent f E radc(X, Y). D
COROLLAIRE 6.17. Soient A une K-algèbre artinienne et M, N deux A-modu-
les indécomposables de type fini. Alors rad(M, N) égale l'ensemble des non-
isomorphismes de M dans N. En particulier, si M f+N, alors rad(M,N) =
HomA(M,N). D
EXERCICES DU CHAPITRE VII 203

Exercices du chapitre VII


1. Calculer le socle de chacun des Z-modules :
(i) z.
(ii) Zn.
2. Soient K un corps et A = [ ~ _&.].
(i) Calculer le socle de AA et de AA.
(ii) Montrer que A a deux modules simples non isomorphes, mais que les
facteurs directs simples de soc AA sont isomorphes.
3. Soit A= K[t]/(tn} (où K est un corps, et n ~ 1). Calculer le radical de A
et montrer que A est locale.
4. Calculer le radical de chacune des algèbres suivantes.
(i) z.

(ii) Tn(K) = [~K ".


...
KO] • où K est un corps et où n ~ 1.

(iii) K[ti. ... , tn], où K est un corps et où n ~ 1.

(iv) K[t]/(p}, où K est un corps et où p E K[t].

(v) [~ !1 o ol
~ ,où K est un corps.
K K

(~) [~ ~ ll ·où K est un co<pe

(vii) Tn(K)/rad 2 Tn(K), où K est un corps et où n ~ 1.


5. Soit A une K-algèbre artinienne de radical J. Montrer que, pour tout
idempotente de A, on a rad(eA) = eJ.
6. Soit A une K-algèbre artinienne. Montrer que radAA est égal à l'intersec-
tion des idéaux bilatères maximaux de A.
7. Soit A l'extension triviale de l'algèbre A par un bimodule AMA (voir
l'exercice (I.15)). Montrer que radA = radA œM.
8. Soient A une K-algèbre artinienne et M un A-module. Montrer que
socM = {x E M 1 x(radA) = O}.
9. Soit A une algèbre. Montrer que rad Mn(A) est l'ensemble des matrices
[aï;] telles que ai; E rad A pour tous i, j. [Indication : si a = [ai;], alors
n
Lekiae;k = l·ai; (où 1 est la matrice identité), montrer que si l·b E radMn(A)
k=l
alors b E radA et que si b E rad A, alors ei;b E radMn(A) pour tous i,j.]
204 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES

10. Soit M un module de type fini sur une algèbre artinienne, de socle simple.
Montrer que M est indécomposable.
11. Au moyen du lemme de Fitting (ou autrement), montrer que, si A,B sont
deux matrices à coefficients dans un corps commutatif, de mêmes dimensions et
si AB est égal à la matrice identité J, alors on a aussi BA= I.
12. Donner un exemple d'un Z-module indécomposable M de type fini tel que
End M ne soit pas locale.
13. Montrer que, si A est une algèbre locale, alors 0 et 1 sont ses seuls
idempotents, puis montrer que la réciproque est fausse.
14. Soit Mun groupe abélien. Montrer que:
(a) Si M est sans torsion, alors socM =O.
(b) Si M est de torsion, alors soc M est essentiel dans M.
(c) Si M est divisible, alors radM =M.
15. Soit A une K-algèbre artinienne. Montrer que son radical J est le plus
petit idéal bilatère I de A tel que A/ I soit une algèbre semisimple.
16. Soit A une K-algèbre. Montrer que a E J si et seulement si, pour tout
x E A, l'élément 1 - xa est inversible à gauche, et si et seulement si, pour tous
x, y E A, l'élément 1 - xay est inversible.
17. Soit A une K-algèbre artinienne. Montrer que la somme de tous les idéaux
nilpotents de A est égale à J = rad A.
18. Soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. Montrer que
rad( A/I) = 0 implique que rad A Ç J.
19. Soit A une algèbre artinienne. Montrer que tout idéal nil est nilpotent.
20. Soient Mun A-module artinien et noethérien et f E End M. Trouver une
décomposition directe M = M' œM" telle que la restriction /IM' soit nilpotente
et que la restriction /IM" soit inversible.
21. Soient A une algèbre, M un A-module indécomposable tel que End M soit
locale d'idéal maximal J. Montrer que, pour tout module Net tous morphismes
f : M _... N, g : N _... M, on a gf E I ou que M est un facteur direct de N.
22. Soit M =Mi œ· · · EBMt un module de type fini sur une algèbre artinienne
et N un facteur direct de M. Montrer que, si N est indécomposable, alors il
existe uni (où 1 :5 i :5 t) tel que N soit un facteur direct de Mi.
23. Soient A une algèbre et I un idéal bilatère de A tels que A/I soit locale.
Montrer que A est locale.
CHAPITRE VIII

Modules projectifs. Équivalences de Morita

Nous voulons appliquer les résultats du chapitre (VII) au calcul des modules
indécomposables projectifs et injectifs de type fini. Dans le cas artinien, il est
relativement facile de trouver une expression simple pour les premiers. Quant
aux seconds, nous supposerons que nous travaillons sur une algèbre de dimension
finie sur un corps : dans ce cas, la dualité des espaces vectoriels sous-jacents à
nos modules permet de décrire une correspondance biunivoque entre modules
projectifs et injectifs, et en particulier de calculer explicitement ces derniers.
Une autre application des résultats précédents consiste dans la caractérisation
des équivalences de catégories de modules : elle se fait par le moyen de modules
projectifs et elle permet d'associer à chaque algèbre A une algèbre Ab définie
à isomorphisme près, qui est la plus petite algèbre telle que les catégories de
modules de A et Ab soient équivalentes.

1. Idempotents et projectifs indécomposables


Soit A une K-algèbre, sans hypothèse supplémentaire pour l'instant. Si on
applique (VII.6.3) au A-module AA en utilisant le fait que End AA-=. A, il en
ressort que les décompositions directes finies de AA sont en correspondance bi-
univoque avec les décompositions de l'identité de A de la forme

1 = ei + e2 + · · · + en
avec {ei, ... , en} un ensemble d'idempotents orthogonaux. On rend compte du
fait que e1 + e2 +···+en= 1 en disant que l'ensemble d'idempotents orthogo-
naux {ei, ... , en} est complet. Une telle décomposition de l'identité induit une
décomposition correspondante de AA de la forme AA = e1A E9 e2A E9 · · · E9 enA.
La question se pose quand chacun des facteurs eiA est indécomposable. La
proposition qui suit est alors très utile (le lecteur la comparera à (II.5.3)).

PROPOSITION 1.1. Soient e E A un idempotent et M un A-module. On a un


isomorphisme de K -modules, fonctoriel en M

Hom A (eA, M) -=.Me.

205
206 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

DÉMONSTRATION. Pour tout morphisme f : eA -+ M, on a /(e) = /(e 2 ) =


f(e)e E Me. On définit donc HomA(eA, M) -+ Me par f 1--t /(e) (pour f e
HomA(eA, M)). Cette application est K-linéaire. Sa réciproque se définit par
xe 1--t f, où f : eA -+ M est donnée par f (e) = xe (pour x E M). On laisse au
lecteur la vérification de la fonctorialité. O
COROLLAIRE 1.2. Soient e, e' E A deux idempotents, on a un isomorphisme
de K-modules HomA(eA,e'A) .=.e'Ae. 0
Il est clair que, si e E A est un idempotent, alors le K-module eAe devient
une K-algèbre pour la multiplication induite de celle de A. Son identité est e.
COROLLAIRE 1.3. Soit e E A un idempotent, on a un isomorphisme de K-
algèbres EndA(eA) .=. eAe. En outre, si A est artinienne, eAe l'est aussi.
DÉMONSTRATION. Pour le premier énoncé, il suffit de montrer que l'applica-
tion K-linéaire définie dans la démonstration de (1.1) applique la composition
des endomorphismes de eA sur la multiplication de eAe, et leA sur e, et c'est
évident. Pour le second énoncé, il faut montrer que eAe est un eAe-module
artinien. Soit donc 1 un idéal à droite de eAe. Alors 1A est évidemment un
sous-module de AA : en effet, IA Ç AA. D'autre part, Je = I, puisque e
est l'identité de eAe. Donc IAe = I(eAe) = 1. Cela montre que l'application
1 1--t 1A définit une injection du treillis de sous-modules de eAeeAe dans le treillis
de sous-modules de AA. Le second module étant artinien, il en est de même du
premier. 0
Nous pouvons revenir à la décomposition directe de AA. Un idempotente E A
est dit primitif si e = e' + e", avec e', e" deux idempotents orthogonaux, entraîne
que e' = 0 ou que e" = O. Par exemple, si {e1, e2, ... , en} est un ensemble
complet d'idempotents orthogonaux ayant un nombre maximal d'éléments, alors
chaque ei est primitif. En fait, on a la proposition suivante.
PROPOSITION 1.4. Soient A une K -algèbre artinienne, et e E A un idempo-
tent. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) eA est indécomposable.
(b) e est primitif
(c) eAe est une algèbre locale.
DÉMONSTRATION. L'équivalence de (a) et (b) découle des remarques précé-
dentes, et celle de (c) et de (a) de (1.3) et de (VIl.6.12). O
Il suit de (1.4) et de (VII.6.1) que, si A est artinienne, alors elle admet une
décomposition de la forme
AA = eiAEBe2Aœ ... œenA
avec chacun des eiA indécomposable. Une telle décomposition s'appelle une
décomposition de Pierce de A. Observons que chacun des eiA est un facteur
direct du A-module libre AA et qu'il est donc projectif. Nous montrerons que,
réciproquement, si A est artinienne, tout A-module projectif indécomposable de
type fini est isomorphe à un des eiA.
1. IDEMPOTENTS ET PROJECTIFS INDÉCOMPOSABLES 207

Soit donc A une algèbre artinienne de radical J. On notera A l'algèbre


semisimple A/ J (voir (VII.4.4)). De même, on notera x = x + J la classe
de x E A dans A = A/ J. Il est clair que, si e E A est un idempotent, alors
ê E A est aussi un idempotent. Le lemme technique suivant nous montre que,
réciproquement, si x E A est un idempotent, il existe un idempotent e E A tel
que x = ê.

LEMME 1.5 (DE RELÈVEMENT DES IDEMPOTENTS). Pour tout idempotent X


= x +JE A, il existe un idempotente E A
tel que x - e E J.

DÉMONSTRATION. On commence par construire une suite d'éléments (xk)k>o


de A tels que x~ - Xk E J 2 k et Xk+l - Xk E J 2 k. -

Pour k = O, on pose xo = x. Comme par hypothèse x = x + J est un


=
idempotent, on a bien que xi xo (mod J). Supposons x 0 , xi, ... , Xk connus
et posons Yk = x~ - Xk E J 2 . Alors XkYk = YkXk et y~ E J 2k2 = J 2k+i. On en
déduit que, si Xk+i = Xk + Yk - 2XkYk• alors

X~+l - X~ + 2XkYk - 4X~Yk (mod J2k+1)

- Xk + Yk + 2XkYk - 4XkYk (mod J2k+1).

Par conséquent, x~+l = Xk+i (mod J 2 k+i ). Comme

nos conditions sont satisfaites.


Comme J est nilpotent (VII.4.7), il existe un plus petit k, disons k = ko, tel
que J 2 k 0 = O. Si on pose e = Xko, on a bien e2 - e = 0, de telle sorte que e est
un idempotent de A. D'autre part, comme Xk+l - Xk E J 2 k Ç J pour tout k, on
a aussi x - e E J. D
PROPOSITION 1.6. Soit A une K-algèbre artinienne. Alors rad(eAe) = eJe.
Un idempotent e E A est primitif si et seulement si ê = e + J E A est primitif

DÉMONSTRATION. Il est évident que eJe est un idéal bilatère de eAe et qu'en
outre il est nil puisque J (qui le contient) l'est. D'autre part, l'application
eAe--+ eAe définie par eae 1-t êaê (où a E A) est évidemment un morphisme sur-
jectif d'algèbres de noyau eJe, de telle sorte que e]e .::::+ eAe/ eJe est une algèbre
semisimple (puisque A l'est). D'après (VIl.4.8), eJe = rad(eAe).
Le second énoncé découle de ce que ê est primitif si et seulement si eA est
indécomposable. Comme ce dernier est un module projectif sur une algèbre
semisimple, cela équivaut à dire que eA est un A-module simple, et donc, par
suite du lemme de Schur, que eAê est un corps. Comme eAe-==+eAe/rad(eAe),
cela revient à dire que eAe est locale et donc que e est primitif d'après (1.4). D

COROLLAIRE 1.7. Soit A une K-algèbre artinienne. Tout module indécompo-


sable projectif de la forme eA (où e est un idempotent de A) admet un unique
sous-module maximal.
208 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

DÉMONSTRATION. Si eA est indécomposable, alors e = e + J est primitif,


donc eA .:::.+ eA/eJ est simple et eJ est un sous-module maximal de eA. Mais
eJ = (eA)J = rad(eA), donc est l'unique sous-module maximal de eA. O
Rappelons que, pour un A-module M, le quotient M = M /rad M s'appelle la
coiffe de M (voir (VII.1)). On vient de prouver que tout A-module indécomposa-
ble projectif de la forme eA admet une coiffe simple. Nous allons maintenant
montrer que cette coiffe détermine uniquement ce module.

LEMME 1.8. Soient A une K -algèbre artinienne et ei, e2 E A des idempotents


primitifs. Alors eiA .:::.+ e2A si et seulement si e 1A .:::.+ e2A.

DÉMONSTRATION. Si eiA.:::.+e2A, alors eiJ = (e1A)J.:::.+(e2A)J = e2J et


donc e 1A .:::.+ (eiA) / (ei J) .:::.+ (e2A) / (e2J) .:::.+ e2A. Réciproquement, supposons que
1: e 1A---+ e2A est un isomorphisme. Si on note respectivement P1 : eiA---+ eiA
et p2 : e2A ---+ e2A les projections canoniques, il suit de la projectivité de e1A
qu'il existe f : eiA ---+ e2A tel que f P1 = P2f. D'après (VII.1.7) (lemme de
Nakayama), f est surjectif.
f
eiA ---+ e2A
P1l lp2
7
eiA ---+ e2A

l0 l0
Faisant de même avec la réciproque de], on trouve un épimorphisme g: e2A--+
e 1A. Mais alors gf : eiA ---+ eiA et f g : e2A --+ e2A sont des épimorphismes.
Comme e1 A et e2 A sont des modules de type fini sur une algèbre artinienne, il
suit de (VII.6.7) que fg et gf sont des automorphismes. Par conséquent, f et g
sont des isomorphismes. D

On arrive au résultat principal de cette section.

THÉORÈME 1.9. Soit A une K -algèbre artinienne.


(a) Tout A-module indécomposable projectif de type fini est isomorphe à un
module de la forme eA, avec e un idempotent primitif.
(b) L'application eA i-+ eA fournit une bijection entre classes d'isomor-

phismes de A-modules indécomposables projectifs de type fini, et de A-


modules simples.
(c) Tout A-module projectif de type fini est isomorphe à une somme di-
recte finie de A-modules projectifs indécomposables de type fini. Cette
décomposition est unique à isomorphisme près.
DÉMONSTRATION. (a) Soit P un A-module projectif de type fini. Alors il
existe n > 0 et P' projectif tels que A~).:::.+ P E9 P'. Si Pest indécomposable, il
1. IDEMPOTENTS ET PROJECTIFS INDÉCOMPOSABLES 209

suit du théorème de décomposition unique {VIl.6.13) que Pest isomorphe à un


facteur direct indécomposable de A~>, donc de AA.
{b) Il suit de {1.8) que l'application eA 1-+ eA est injective. Or, si AA =
n
E9 eiA est une décomposition de AA en modules indécomposables projectifs,
i=l
n
A/J..; ©(eiA)/(eiJ) est une décomposition du module semisimple A/J en
i=l
A/J-modules simples, donc en A-modules simples. Or tout A/ J-module simple
est isomorphe à un facteur direct indécomposable de A/ J, donc à un (eiA)/(eiJ).
(c) Découle évidemment de (a) {b) et du théorème de décomposition unique
(VII.6.13). D

COROLLAIRE 1.10. Soient A une K-algèbre artinienne et M un A-module de


type fini et de coiffe simple. Il existe un A-module projectif indécomposable P,
unique à isomorphisme près, et un épimorphisme P ---+ M.

DÉMONSTRATION. En effet, M admet un unique sous-module maximal Net


M / N est simple. Alors M / N..; eA/eJ pour un e idempotent primitif de A. Le
module P = eA fait l'affaire. Son unicité résulte de {1.8). D

Un exemple de calcul est ici utile. Soient K un corps et A = [~ ,&. ]. On


rappelle que radA = J = [_&. g]. Un ensemble complet d'idempotents primitifs
orthogonaux est fourni par les idempotents matriciels e 11 , e22· En effet, il est
clair qu'il s'agit d'idempotents orthogonaux tels que 1 =en+ e22, et en outre
euAeu..; K, e22Ae22..; K sont deux algèbres locales. On en déduit que A
admet exactement deux modules projectifs indécomposables de type fini non
isomorphes, à savoir euA et e22A, et deux modules simples non-isomorphes,
à savoir leurs coiffes respectives 8 1 et 8 2 • Comme dimK(enA) = 1, on a que
e 11 A est simple et isomorphe à 8 1 . Par contre, dimK(e 22A) = 2 et rad{e22A) =
e22J =F O. En fait, dimK{e22J) = 1. Par conséquent, e22A admet un unique
sous-module simple, égal à e22J. Comme HomA(e11A,e22A) ..;e22Ae11 =F 0, il
existe un morphisme non nul euA---+ e22A, ce qui implique d'après le lemme de
Schur que e22J..; eu A..; 81. Le treillis de sous-modules de e22A est donc
e22A

0
On a une unique suite de composition 0 ~ e22J ~ e22A avec comme facteurs
e22J..; 81 et e22A/e22J..; 82.
210 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

2. Couvertures projectives
Nous allons montrer l'existence des couvertures projectives pour les modules
de type fini sur une algèbre artinienne. Au chapitre (IV), nous avons introduit
la notion d'enveloppe injective et montré que tout module admet une enveloppe
injective. La notion duale est celle de couverture projective. Comme nous le
verrons, l'existence de couvertures projectives est liée aux propriétés du radical.
Afin de mettre ce fait en évidence, nous commençons par donner la définition
suivante.

DÉFINITION. Soit MA un A-module. Une couverture projective de M est


une paire (P, f), où PA est un A-module projectif et où f : P --+ M est un
épimorphisme qui induit un isomorphisme 7 : P /rad P :::+ M /rad M.

On rappelle en effet que, si f : P--+ M est un épimorphisme, alors f {rad P) Ç


rad M, et f induit donc, par passage aux conoyaux, un morphisme J : P /rad P
--+ M /rad M. En outre, f est toujours un épimorphisme. La situation où 7 est
un isomorphisme a été examinée en (VII.1.9), que l'on peut reformuler comme
suit.

LEMME 2.1. Soient P, M deux A-modules de type fini, avec P projectif, et


f :P --+ M un épimorphisme. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) f est une couverture projective.
{b) f est superflu.
(c) Ker f Ç rad P. 0

Avant de démontrer notre théorème d'existence, remarquons qu'il n'est pas


vrai que tout module admet une couverture projective : si A = Z et M = Z2 ,
on a rad A = 0 et rad M = 0, et donc la définition donnerait Z2 :::+ M /rad M :::+
P /rad P. Or tout Z..module projectif est libre comme nous le verrons en (XII.1.5)
et en fait tout sous-module d'un Z..module libre est libre. Donc P et rad P sont
libres. Par conséquent rad P = 0 et P /rad P est libre ou nul, et dans les deux
cas il en résulte une contradiction.

THÉORÈME 2.2. Soient A une K -algèbre artinienne et M un A-module de


type fini.
(a) M admet une couverture projective (P, f) avec P de type fini, et unique
à isomorphisme près.
(b) La couve.rture projective de M est isomorphe à celle de sa coiffe M / M J.
(c) La paire ( P, f) est une couverture projective de M si et seulement si,
pour tout épimorphisme f' : P' --+ M avec P' projectif, il existe un
épimorphisme h : P' --+ P tel que f h = f' :
2. COUVERTURES PROJECTIVES 211

P'
)// 11'
P~ M --+0

10

DÉMONSTRATION. (a) et (b). Avec les hypothèses émises, radM = MJ et en


outre M / M J est un module semisimple, et de type fini puisque M l'est. Écrivons
t
donc M/MJ = œsi avec chaque Si un A-module simple. D'après (1.9), il
i=l
existe pour chaque i, un A-module projectif indécomposable (en fait cyclique
et engendré par un idempotent primitif) Pi tel que Si-:+ Pif PiJ. Posons que
t
PA= E9l'i· Alors PA est projectif de type fini et
i=l

Comme PA est projectif, le morphisme composé P --+ P / P J-:+ M / M J se relève


en un morphisme f: P--+ M qui, par suite du lemme de Nakayama (Vll.1.7),
est un épimorphisme. Par définition, (P, !) est bien une couverture projective
de M. Il suit de la construction que c'est aussi une couverture projective de
M/M J. L'unicité découlera du raisonnement suivant.
(c) Supposons en effet que (P, !) est une couverture projective de Met que
f': P'--+ M est un épimorphisme avec P' projectif. Comme P' est projectif, il
existe h : P' --+ P tel que fh = f'. En prenant les morphismes induits sur les
f'
coiffes, on a = f ÏÏ. Comme f' est un épimorphisme, il en est de même de f'.
Comme 1 est un isomorphisme, ÏÏ est un épimorphisme. Le lemme de Nakayama
(VIl.1. 7) entraîne que h est aussi un épimorphisme.
Réciproquement, supposons que la condition donnée est satisfaite et construi-
sons P' comme en (a). L'épimorphisme f' : P'--+ M donne un épimorphisme
h : P' --+ P tel que fh = f'. Comme P' est projectif, h est une rétraction
et donc P est isomorphe à un facteur direct de P'. Mais, d'autre part, on a
des isomorphismes P' / P' J-:+ M / M J-:+ P / P J. Par conséquent P-:+ P'. Cela
démontre (c) et donc l'unicité en (a). D

Par abus de langage, on dit parfois que P (ou encore !) est la couverture
projective de M.
Remarquons que la propriété (c) entraîne que la couverture projective de M
est un facteur direct de tout module projectif "couvrant" M, c'est-à-dire tel
qu'il existe un épimorphisme de ce projectif sur M. On retrouve bien l'idée du
plus petit projectif "couvrant" M qui a été exprimée en (IV.4).
212 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

Remarquons que, si M = eA/eJ est simple, il suit de la construction donnée


que sa couverture projective est (P, f) avec P = eA et que f : eA -+ eA/eJ
est la projection canonique. Une autre conséquence de cette construction est la
suivante.
COROLLAIRE 2.3. Si (Mih:5i::>m est une famille finie de modules de type fini
sur une algèbre artinienne, avec (Pi, fi) une couverture projective de Mi pour
m
chaque i, alors (P, f) est une couverture projective de M = EB Mi, avec P =
i=l
m
EB Pi et f : P -+ M, le morphisme induit des k D
i=l
3. Équivalences de catégories de modules
Notre objectif est le suivant : nous désirons construire une algèbre "la plus
économique possible" avec une catégorie de modules donnée. Cela nous conduit
à examiner quand deux catégories de modules sont équivalentes.
DÉFINITION. Deux K - algèbres A et B sont dites Morita - équivalentes s'il
existe une équivalence K-linéaire F: ModA-+ ModB (dite alors équivalence de
Morita).
Rappelons que cela signifie que le foncteur F est plein, fidèle et dense. De
façon équivalente, il existe une équivalence quasi-inverse (et aussi K-linéaire)
G: ModB-+ ModA, d'où des isomorphismes fonctoriels

GF-=.lModA et FG-=.lModB·
Nous commençons par donner une longue liste (non exhaustive) des propriétés
préservées par une équivalence. Les preuves en sont toutes triviales et laissées au
lecteur. Soient A, B deux K-algèbres, et F : Mod A -+ Mod B une équivalence
K-linéaire.
(1) Pour deux A-modules M, N, on a un isomorphisme de K-modules

HomA(M,N)-=. HomB(FM,FN).
(2) Soit M un A-module, on a un isomorphisme de K-algèbres
EndA M-=. EndB FM.
(3) Une suite 0 --+ LA -1..... MA _..!!__. NA --+ 0 est exacte (ou exacte et
scindée) dans ModA si et seulement si la suite induite

0--+ FL .!L FM~ FN--+ 0


est exacte (ou exacte et scindée, respectivement) dans Mod B.
(4) Pour toute famille (M.xheA de A-modules, on a

et F (rr
ÀEA
M.x) -=. II FM.x.
ÀEA
3. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES DE MODULES 213

(5) Un A-module P est projectif si et seulement si le B-module F P est


projectif.
{6) Un A-module I est injectif si et seulement si le B-module FI est injectif.
(7) Une paire {P, f) est une couverture projective d'un A-module M si et
seulement si (FP,Ff) est une couverture projective du B-module FM.
{8) Une paire {J,j) est une enveloppe injective d'un A-module M si et seule-
ment si (FI,Fj) est une enveloppe injective du B-module FM.
{9) Pour tout A-module M, il existe un isomorphisme entre les treillis de
sous-modules du A-module Met du B-module FM.
{10) Un A-module M est artinien si et seulement si le B-module FM l'est.
{11) Un A-module M est noethérien si et seulement si le B-module FM l'est.
{12) Un A-module M est simple si et seulement si le B-module FM l'est.
{13) Un A-module M est de longueur finie si et seulement si le B-module
FM l'est, et, dans ce cas, .e(M) = .e(FM).
{14) Un A-module M est semisimple si et seulement si le B-module FM l'est.
{15) Un A-module M est indécomposable si et seulement si le B-module FM
l'est.
On en déduit, avec les mêmes hypothèses, que :
(a) L'algèbre A est artinienne si et seulement si B l'est.
{b) L'algèbre A est noethérienne si et seulement si B l'est.
(c) L'algèbre A est semisimple si et seulement si B l'est.
(d) L'algèbre A est simple si et seulement si B l'est.
Notre objectif est de donner des conditions nécessaires et suffisantes pour
l'obtention d'une équivalence F: ModA-+ ModB. Un A-module M est appelé
un générateur de ModA si, pour tout A-module N, il existe un ensemble A et
un épimorphisme M(A) -+ N. Un exemple évident de générateur de ModA est
fourni par MA= AA (puisque tout module est quotient d'un module libre). En
fait, tout module libre est un générateur de Mod A. Réciproquement, si MA est
un générateur, il existe m > 0 tel que Mt> ~AA fBNA avec N un A-module:
en effet, AA étant libre, et donc projectif, tout épimorphisme Mt> -+ AA est
une rétraction. Il suffit donc de montrer que, si f = (f>...)>.eA : M(AJ -+A est un
épimorphisme, alors il existe un épimorphisme g : M(m) -+ A pour un certain
m > O. Or le A-module A est engendré par 1. Donc il existe (x>.)>.eA E M(A)
tel que
1 = f((x>.heA) = L f>.(X>.)·
>.eA
= [f>. 11 . . . , f>.m] :
le support fini de (x>.)>.eA et g
Soient donc {À1 1 . . . , Àm}
M(m) -+ A : il est clair que c'est le morphisme voulu. Cela nous amène au
lemme suivant.
LEMME 3.1. Soient A, B deux K -algèbres, F : Mod A -+ Mod B et G :
ModB-+ ModA des équivalences K-linéaires quasi-inverses. Posons que PA=
G(BB)· Alors :
(a) PA est un A-module projectif.
(b) PA est un générateur de Mod A.
(c) PA est de type fini.
214 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

DÉMONSTRATION. (a) En effet, BB est un B-module projectif, et G une


équivalence.
(b) Soit MA un A-module. Il existe un B-module U et un isomorphisme
M ..:; GU. Comme B B engendre Mod B, il existe un ensemble A et un épimor-
phisme B~A) --+ UB. Par conséquent, on a un épimorphisme P1A) ..:;GB~A) --+
GuB..:;MA.
(c) Il existe un B-module V tel que GVB ..:;AA. Comme AA engendre PA,
lequel engendre ModA, il s'ensuit que VB engendre BB et, par suite, ModB. Il
suit des remarques précédentes qu'il existe m > 0 et un épimorphisme v~m) --+
BB. On en déduit un épimorphisme A~m)..:; GV~m) --+ GBB =PA, ce qui montre
bien que PA est de type fini.
{d) End PA= EndGBB..:; EndBB..:; B. D
DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module projectif de type fini qui
est un générateur de Mod A est appelé un progénérateur de Mod A.
Par exemple, AA est un progénérateur de Mod A. Réciproquement, tout
progénérateur de Mod A étant projectif de type fini est isomorphe à un fac-
teur direct de A~m) pour un m > O. Le lemme précédent nous assure que
l'existence d'une équivalence de Morita entraîne celle d'un progénérateur ayant
en outre la propriété que End PA ..:; B. Remarquons que tout module à droite a
une structure naturelle de module à gauche sur une algèbre d'endomorphismes
et cette propriété entraîne que PA est aussi un B-module à gauche et, en fait,
un (B - A)-bimodule.

THÉORÈME 3.2 (DE MORITA). Soient A,B deux K-algèbres. Il existe une
équivalence K -linéaire F : Mod A --+ Mod B si et seulement s'il existe un
progénérateur PA tel que End PA ..:; B. Si tel est le cas, l'équivalence de catégories
est donnée par la paire de foncteurs F = HomA(P, -) et G = - ®B P.

DÉMONSTRATION. Nécessité. S'il existe des équivalences K-linéaires quasi-


inverses F : ModA --+ ModB et G : ModB --+ ModA, il suit de (3.1) que
PA= G(B) est un progénérateur tel que EndPA ..;B. Il reste à montrer que
l'on a des isomorphismes fonctoriels FM..:; HomA(P, M) pour tout A-module
MA et GU= U ®B P pour tout B-module UB. Pour tout A-module M, on a
des isomorphismes fonctoriels

FM ..:; HomB(B,FM)
..:; HomA(GB,GFM)
..:; HomA(P,M)

d'où F..:; HomA(P, -). D'autre part, on sait que G(B) = PA..:; BB ®B P, où
l'isomorphisme cp B : B ® B P --+ P défini par b ® x 1-t bx (pour b E B, x E P) est
3. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES DE MODULES 215

fonctoriel (voir (V.1.4)). Tout B-module U admet une présentation libre

B1A) ----+ B1I:) ----+ UB ----+ 0

où A, E sont deux ensembles (voir (III.3.7)). Comme Gest une équivalence (donc
un foncteur exact) et que -®B Pest exact à droite, on en déduit un diagramme
commutatif à lignes exactes :
B(A) ®B p ------t B(I:) ®B p ------t u ®B p ------t 0

'l's(A) l 1
1
l
GB(A) ------+ G(U) ------+ 0 .

Les isomorphismes cp BCA> et cp BCE> en induisent un troisième par passage aux


conoyaux. Cela donne bien l'isomorphisme cherché.
Suffisance. Soient PA un progénérateur et B = End P. Montrons que les
foncteurs F = HomA(P, -) et G = - ®B P sont des équivalences quasi-inverses.
Il existe des morphismes fonctoriels

ê: GF-+ lModA et 11: lModB-+ FG


définis comme suit. Pour tout A-module MA,

êM: GF(M) = HomA(P,M) ®B P-+ M


est défini par f ®y 1-+ f(y) (où f E HomA(P, M) et y E P), et, pour tout
B-module UB,
11u : U-+ FG(U) = HomA(P, U ®B P)
est défini par x 1-+ (y 1-+ x ®y) (où x E U et y E P). Il est facile de vérifier que
ê et 11 sont des morphismes fonctoriels.
D'autre part, 11B est un isomorphisme : en effet 118 n'est autre que la compo-
sition des isomorphismes suivants :

FG(B) = HomA(P,B®B P)=+ HomA(P,P) = EndAP =B.


Par conséquent, pour tout ensemble A, le morphisme 11BCA> est un isomorphisme.
Soient donc UB un B-module arbitraire et
B1A) ----+ B1I:) ----+ uB ----+ 0
une présentation libre de U. On applique le foncteur FG. Comme G = - ®B P
est exact à droite, on a une suite exacte de Mod A :

Comme P est projectif, le foncteur F = HomA (P, - ) est exact, d'où une suite
exacte de Mod B :
216 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

Il suit de la fonctorialité de fJ que l'on a un diagramme commutatif à lignes


exactes
B~A) ----+ 0
1/s(A) 1
FGB<;> ----+ 0 .
Comme fJB<A> et fJB<E> sont des isomorphismes, 'f/U est un isomorphisme égale-
ment. Comme UB est arbitraire, cela montre bien que 'f/ est un isomorphisme
fonctoriel.
On montre de même que e est un isomorphisme fonctoriel : en effet, PA étant
un progénérateur, tout A-module M admet une présentation projective de la
forme
P1A) ~ P1E) ~MA ~O.
Il ne reste plus qu'à observer que ep est un isomorphisme (en effet, ep est la
composition des isomorphismes HomA(P, P) ®B P = EndA P ®B P = B ®B
P =+PA) et à appliquer le raisonnement précédent. D
Il est intéressant de remarquer qu'avec les hypothèses du théorème, Bp est
un progénérateur de Mod B 0 P. En effet, PA étant un progénérateur de Mod A,
il existe un n > 0 et un A-module MA tels que l'on ait un isomorphisme

pin>=+ AA œMA.
Si on applique le foncteur HomA(-, BPA) on en déduit un isomorphisme de
B-modules à gauche

BB(n) =+ HomA(P1n)' BPA) =+ HomA(AA, BPA) œHomA(M, BPA)


=+ BPœHomA(M,P).
Cela montre que Bp est projectif de type fini. Il reste à montrer qu'il engendre
ModB 0 P. Mais on sait qu'il existe un m > 0 et un A-module NA tels que l'on
ait un isomorphisme
A~m) =+PA œNA.
Le même raisonnement que plus haut donne Bp(m) =+ BB œHomA(N, P). Cela
prouve notre énoncé.
COROLLAIRE 3.3. Soient A une K -algèbre et n un entier positif Alors A et
Mn(A) sont Morita-équivalentes.

DÉMONSTRATION. Mn(A) =+ EndA(A<n>). Mais A~) est évidemment un pro-


générateur de Mod A. D
On a vu dans le chapitre précédent qu'il y a avantage à se restreindre aux
modules de type fini. Pour une K-algèbre A, notons mod A la sous-catégorie de
Mod A formée des modules de type fini. Le fait que tout progénérateur est en
particulier un module de type fini entraîne le corollaire suivant.
3. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES DE MODULES 217

COROLLAIRE 3.4. Soient A, B deux K -algèbres. Les conditions suivantes sont


équivalentes :
(a) A et B sont Morita-équivalentes.
(b) Il existe un progénérateur PA tel que End PA ..; B.
(c) Il existe une équivalence K -linéaire mod A --+ mod B.
DÉMONSTRATION. L'équivalence de (a) et de (b) a été établie en (3.2). Pour
montrer que (a) implique (c), il suffit de montrer que, si MA est un A-module de
type fini, alors HomA(P, M) est un B-module de type fini. Mais dire que MA est
de type fini revient à dire qu'il existe un n > 0 et un épimorphisme A~) --+MA.
D'autre part, PA étant un progénérateur, il existe un m > 0 et un épimorphisme
Ptn> --+ AA, d'où par composition un épimorphisme Pimn) --+ MA. Comme
PA est projectif, le foncteur HomA(BPA, -) est exact, d'où un épimorphisme
B~mn) --+ HomA(P, M).
Réciproquement, soient F : mod A --+ mod B et G : mod B --+ mod A deux
équivalences quasi-inverses. Posons que PA= G(BB)· Alors PA est projectif de
type fini et End PA .=:. End B B .=:. B. Il reste à montrer que PA engendre Mod A,
et, pour cela, il suffit de trouver un n > 0 et un épimorphisme Pin) --+ AA. Or
AA est un A-module de type fini, donc F (AA) est un B-module de type fini.
Par conséquent, il existe un n > 0 et un épimorphisme B~) --+ F (AA), d'où
l'épimorphisme cherché Pin) = G ( B;>) --+ GF (AA) ..; AA. D

On voit donc que les progénérateurs de mod A et de Mod A coïncident.


Évidemment, le corollaire (3.4) est particulièrement intéressant à appliquer
dans le cas où A est une algèbre artinienne. On a vu que mod A coïncide
alors avec la sous-catégorie pleine de Mod A formée des A-modules de longueur
finie, des modules artiniens ou des modules noethériens. Un cas particulier est
celui où A est une K-algèbre de dimension finie avec K un corps. Comme tout
progénérateur est un module de dimension finie en tant que K-espace vectoriel,
il s'ensuit que toute K-algèbre B qui est Morita-équivalente à A est aussi de
dimension finie (mais, comme le montre le corollaire (3.3), sa dimension n'est
généralement pas égale à celle de A).
Montrons maintenant qu'il est possible de construire une algèbre la plus petite
possible qui soit Morita-équivalente à une algèbre artinienne donnée.
Pour ce faire, nous avons besoin d'un lemme.

LEMME 3.5. Soient A une K -algèbre artinienne de radical J et P un A-


module projectif Alors

EndPA/radEndPA..; End(Pf PJ)A/J·


DÉMONSTRATION. Considérons l'application K-linéaire
cp: EndP--+ EndP/PJ
définie comme suit : si f : P --+ P est A-linéaire, alors f(PJ) = f(radP)
Ç radP = PJ entraîne l'existence d'un morphisme f : P/PJ --+ P/PJ par
218 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

passage aux conoyaux (Vg.1). On pose alors cp(f) = f. Si~n note p : P --+ P/ p J
la projection canonique, f est le seul morphisme tel que fp = pf.
f
---+

7
P/PJ ---+ P/PJ
Il suit de la projectivité de P que cp est une application surjective. Comme cp
préserve évidemment l'identité et la composition, cp est un morphisme surjectif
d'algèbres. On affirme que radEndP = Kercp, ce qui achèvera de démontrer
l'énoncé. Si f E Kercp, on a pf = cp(f)p = 0, d'où f(P) Ç Kerp = PJ.
Par conséquent, fm(P) Ç PJm pour tout m, et donc f E EndP est nilpo-
tent. Cela montre que Ker cp est un idéal nil. D'autre part, P / P J est un A-
module semisimple. Par conséquent, EndA (P / P J) est une K-algèbre semisimple
d'après (VI.6.5). Comme EndP/PJ ~ (EndP)/Kercp, on déduit de (VII.4.8)
que Kercp =rad End P. D

DÉFINITION. Une algèbre B est dite réduite (ou sobre) si B /rad B est un
produit direct de corps (peut-être gauches). Une algèbre réduite B qui est de
la forme B =End PA, avec P un progénérateur de ModA, s'appelle une algèbre
réduite de A.

Par exemple, soit K un corps, alors A = [ ~ ~] est une algèbre réduite. En


effet, on sait que rad A = [ ~ g] et par conséquent A/ rad A ~ K x K.

THÉORÈME 3.6. Soit A une K-algèbre artinienne.


(a) Soient Pi. P2, ... , Pm des A-modules indécomposables projectifs et P =
m
E9 ~. Alors End PA est une algèbre réduite si et seulement si Pi f+ Pj
i=l
pour i =/:- j.
(b) Il existe un facteur direct PA de AA, unique à isomorphisme près, tel
que End PA soit une algèbre réduite de A.

DÉMONSTRATION. (a) Il suit de (3.5) que

EndP/radEndP~ End(P/PJ)A/J ~End ($(Pif P1J))


i=l A/J
où chaque Pi/ PiJ est un A/ J-module simple. Il résulte donc de (VI.6.5) que
End Pest réduite si et seulement si Pi/ PiJ f+ Pj/ PjJ pour i =F j. D'après (1.8),
ce dernier énoncé équivaut à Pi f+ Pj pour i =/:- j.
(b) Posons AA = Pfni) $ PJn 2 ) $ · · · $ pt(nt) avec ni. ... , nt > 0 des entiers
et Pi /=+ Pj pour i =/: j. Le module PA cherché ne peut être autre que PA =
P 1 EB P2 EB · · · EB Pt. Il est clair en effet que tout progénérateur de Mod A est de
4. DUALITÉ ET MODULES INJECTIFS 219

t
la forme œpi(m;) avec mi > 0 pour tout i, et (a) entraîne que l'on doit avoir
i=l
mi = 1 pour tout i. Le module PA possède bien les propriétés voulues et est
uniquement déterminé par ces dernières. D
Il suit de ce théorème qu'une algèbre réduite d'une algèbre artinienne donnée
A est uniquement déterminée à isomorphisme près. Par abus de langage, on
l'appelle l'algèbre réduite de A et on la note Ab.
Soit par exemple C un sur-corps (peut-être gauche) de K et A= M11 (C). Il
suit de (VI. 7. 7) que Ab est isomorphe à l'algèbre d'endomorphismes d'un module
simple quelconque sur A (tous étant isomorphes), donc à C. Plus généralement,
on a le corollaire suivant.
COROLLAIRE 3. 7. Une K -algèbre artinienne A est semisimple si et seulement
si son algèbre réduite Ab est un produit direct de sur-corps de K.
DÉMONSTRATION. On applique les théorèmes de Morita et de Wedderburn-
Artin. D

, 4. Dualité et modules injectifs


Soient C, V deux catégories K-linéaires. Une paire (F, G) de foncteurs con-
travariants F : C ---+ V et G : V ---+ C est appelée une dualité entre C et V s'il
existe des isomorphismes fonctoriels
GF -=.1c et FG -=.1v.
On dit aussi que F et G sont des dualités quasi-inverses.
Donnons un exemple patent de dualité. Pour une catégorie arbitraire C, soit
op : c ---+ C0 P le foncteur contravariant canonique appliquant c sur la catégorie
opposée C0 P (voir (III.1)), son (quasi-) inverse étant le foncteur op : C0 P ---+
(C 0 P) 0 P = C. Cet exemple est assez général.
LEMME 4.1. Soient C, V deux catégories K -linéaires. Les foncteurs contrava-
riants F : C ---+ V et G : V ---+ C sont des dualités quasi-inverses si et seulement
si les foncteurs composés ( 0 P) 0 F : c ---+ V 0 P et G 0 (0 P) : V 0 P ---+ c sont des
équivalences quasi-inverses.
DÉMONSTRATION. Application directe des définitions. D
On peut donc déduire les propriétés préservées par une dualité de celles
préservées par une équivalence. Nous laissons au lecteur le soin de dresser une
liste semblable à celle de la section 3. Par contre, l'existence d'une dualité entre
catégories de modules pose un problème entièrement différent et beaucoup plus
difficile à résoudre. Nous allons néanmoins montrer que, si A est une algèbre de
dimension finie sur un corps K, alors il existe une dualité entre les catégories de
modules de type fini modA (des A-modules à droite) et modA0 P (des A-modules
à gauche).
Une K-algèbre de dimension finie étant évidemment artinienne et noethé-
rienne, toutes les propriétés de ces algèbres vues plus haut sont présentes. En
particulier, il y a une identité entre modules de type fini, modules artiniens,
220 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

modules noethériens et modules de longueur finie. En outre, on a le lemme


suivant.

LEMME 4.2. Soit A une algèbre de dimension finie sur un corps K. La


catégorie mod A des A-modules de type fini coïncide avec la sous-catégorie pleine
de Mod A formée des A-modules qui sont de dimension finie en tant que K _
espaces vectoriels.

DÉMONSTRATION. Soit MA un A-module de type fini. Il existe un n > 0 et un


épimorphisme A~)__. MA. Comme AA est un K-espace vectoriel de dimension
finie, il en est de même de M. La réciproque est évidente. D

Notre objectif est de montrer l'existence de dualités quasi-inverses D: modA


__. modA0 P et D' : modA0 P __. modA. Soit donc MA un A-module de type
fini. Si on considère M comme un (K - A)-bimodule, on sait que le foncteur
D = HomK(-, K) confère à DM = HomK(M, K) une structure canonique de
A-module à gauche (voir (11.5.2)) par :

(af)(x) = f(xa)

(où a E A, f E DM, x E M). Pour un morphisme u : M __. N de A-modules,


l'application Du = HomK(u, K) : DN __. DM est définie par f 1--+ fu (où
f E DN).

On vérifie aisément que Du est un morphisme de A-modules à gauche. On vérifie


tout aussi facilement que D est un foncteur contravariant.
De même, si AU est un A-module à gauche, alors D'(U) = HomK(U,K)
est un A-module à droite. Par conséquent, on obtient également un foncteur
contravariant D' = HomK(-,K): modA0 P __. modA. Comme les expressions
de D et D' sont identiques, on désignera ces deux foncteurs par la lettre D.

THÉORÈME 4.3. Les foncteurs D : mod A __. mod A op et D : mod A op __.


mod A sont des dualités quasi-inverses.

DÉMONSTRATION. Il suffit, par symétrie, de montrer que l'on a des isomor-


phismes fonctoriels lmod A .=. D 2 • Or, il suit de résultats élémentaires d'algèbre
linéaire que l'on a un morphisme fonctoriel éM : M __. D 2 M défini par l'évalua-
tion
x 1--+ (eM(x) : f 1--+ f(x))
(pour x E M, f E DM). En outre, MA étant un K-espace vectoriel de dimension
finie, t:: M est un isomorphisme pour tout M. D
4. DUALITÉ ET MODULES INJECTIFS 221

COROLLAIRE 4.4. Si 0---+ L -1...+ M ~ N ---+ 0 est une suite exacte (ou
exacte et scindée) de A-modules à droite, alors la suite

0 ---+ D N !!.f!.+ DM !!!..+ DL ---+ 0


est une suite exacte (ou exacte et scindée, respectivement) de A-modules à gau-
che. D
On a évidemment un résultat analogue pour les suites exactes de modules à
gauche.
Une conséquence immédiate de ce corollaire est que la dualité induit un anti-
isomorphisme entre le treillis de sous-modules d'un module MA et celui du mo-
dule correspondant ADM. Cet anti-isomorphisme est donné comme suit : au
sous-module LA de MA correspond le sous-module de DM défini par
Ll. = D(M/L) = {! E DM 1 f(L) = O}.
C'est ce qu'en algèbre élémentaire on appelle le complément orthogonal ou an-
nulateur de L. Il suit du corollaire (4.4) que

DM/Ll..:::+DL.
On a en outre les formules bien connues :
(a) Li Ç L2 implique Lt Ç L[.
(b) Ll..J.. = L.
(c) (L1 + L2)l. = L[ n Lt.
(d) (L1 n L2)l. = L[ + Lt.
Il suit de cet anti-isomorphisme qu'un module est simple (ou semisimple, ou
indécomposable) si et seulement si son dual l'est.
Notre caractérisation des A-modules indécomposables injectifs s'appuie di-
rectement sur les considérations précédentes.
THÉORÈME 4.5. Soient A une K -algèbre de dimension finie et lA un A-
module de type fini. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) lA est injectif
(b) A(DI) est projectif
(c) Il existe un n > 0 tel que IA soit un facteur direct de D (AA<n>).
m
(d) lA .::::+ E9 D(Aei)<ni) où {ei, ... , em} forme un ensemble complet d 'idem-
i=l
potents primitifs orthogonaux de A et ni~ 0 pour tout i. D
On en déduit la caractérisation cherchée des A-modules injectifs indécompo-
sables.
COROLLAIRE 4.6. Soient A une K -algèbre de dimension finie et IA un A-
module de type fini. Les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) IA est injectif indécomposable.
(b) A(DI) est projectif indécomposable.
(c) /A est isomorphe à un facteur direct indécomposable de D(AA).
222 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

(d) Il existe un idempotent primitif e E A tel que I..::. D(Ae).


(e) lA est injectif de socle simple.
(f) IA est l'enveloppe injective d'un module simple.
DÉMONSTRATION. L'équivalence de (a), (b), (c) et (d) découle du théorème,
celle de (e) et de (f) avec les précédents du fait que, d'après (1.9), un module
projectif est indécomposable si et seulement si sa coiffe est simple, et du fait que,
d'après (2.3), un module est projectif indécomposable si et seulement s'il est la
couverture projective d'un module simple. D
En particulier, il suit de l'équivalence de (a) et de (c) que D(AA) est un
cogénérateur injectif de mod A.
D'autre part, il suit de l'anti-isomorphisme décrit plus haut que, si e est un
idempotent primitif de A (de telle sorte que D(Ae) est un A-module injectif
indécomposable), alors le socle (simple) soc D(Ae) de D(Ae) est isomorphe au
dual de la coiffe (simple) Ae/ Je du A-module projectif indécomposable Ae. Nous
allons en fait montrer davantage.
COROLLAIRE 4.7. Soient A une K-algèbre de dimension finie et e E A un
idempotent primitif. Alors soc(Ae)..::. eA/eJ, de telle sorte que la correspon-
dance eA ~ D(Ae) induit une bijection entre classes d'isomorphisme de A-
modules projectifs indécomposables et classes d'isomorphisme de A-modules in-
jectifs indécomposables.
DÉMONSTRATION. Au vu des considérations précédentes, il suffit de montrer
que D(eA/eJ) ..::.Ae/Je. Posons que S = eA/eJ. On a Se-=:. HomA(eA,S) =/: 0
(d'après (1.1)). Il existe donc une fonctionnelle f E DS telle que /(Se) =/: O.
Mais f(xe) = (ef)(x) pour tout x E S, et donc e(DS) =/: O. Comme ADS
est simple, on a que HomA(Ae, DS)..::. e(DS) =/: O. Par conséquent, ADS est
isomorphe à la coiffe Ae/Je de Ae. D
Par exemple, soient Kun corps et A = [ ~ ~ ]. Un ensemble complet d'idempo-
tents primitifs orthogonaux est {eu, e 22}. Alors A0 P contient deux modules
projectifs indécomposables non isomorphes, à savoir Ae 11 et Ae22 , et deux mo-
dules simples, à savoir leurs coiffes respectives Sf et S~. On voit facilement que
Ae22..::. S~, et que le treillis de sous-modules de Aeu est
Aeu

rad(Aeu)

0
avec rad(Aeu)..::. S~ et Aeu/ rad(Aeu)..::. Sf. Par conséquent, modA con-
tient deux modules injectifs indécomposables non isomorphes, à savoir D(Aeu)
4. DUALITÉ ET MODULES INJECTIFS 223

et D(Ae22) de socles respectifs 81 = D8~ et 8 2 = D8~. Il suit de l'anti-


isomorphisme de treillis ci-dessus que le treillis de sous-modules de D(Ae 11 )
est
D(Aeu)

socD(Aeu)

0
On voit tout de suite que D(Ae 11 ) ..::::. e22A est à la fois projectif et injectif.
La correspondance du corollaire précédent peut s'exprimer sous forme foncto-
rielle. On définit le foncteur de Nakayama de mod A comme étant l'endofoncteur
v = DHomA(-,A): modA--+ modA.
Il est clair que v est exact à droite. Il suit de (VI.2. 7) appliqué à A de dimension
finie sur K, B = K, BI= KK que, pour tous les A-modules de type fini L,M,
on a un isomorphisme fonctoriel

L®A DM ..:::.DHomA(L,M).
Par conséquent, prenant MA= AA, on voit que v est fonctoriellement isomorphe
au foncteur - ®A DA.
PROPOSITION 4.8. Le foncteur de Nakayama v induit une équivalence de la
sous-catégorie pleine proj A de mod A des A-modules projectifs sur la sous-
catégorie pleine inj A des A-modules injectifs. Elle admet pour quasi-inverse
le foncteur
v- 1 = HomA(DA,-): modA--+ modA.

DÉMONSTRATION. On a des isomorphismes fonctoriels

v(eA) = DHomA(eA,A) ..::.D(Ae).


Par conséquent, la restriction de v à proj A a son image dans inj A. Réciproque-
ment, on a des isomorphismes fonctoriels

v- 1 (D(Ae)) = HomA(DA,D(Ae))..::::. HomAop(Ae,A)..::::. eA,


d'où l'énoncé. O
Enfin, cette correspondance entre projectifs et injectifs indécomposables in-
duit aussi l'isomorphisme suivant.
LEMME 4.9. Pour tout A-module M, on a un isomorphisme de K-espaces
vectoriels
HomA(eA,M)..::::. DHomA(M, D(Ae)).
224 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

DÉMONSTRATION. En effet, on a

D HomA (M, D(Ae)) ~ DHomAap(Ae,DM)


~ D(eDM)
~ D(D(Me))
~ Me
~ HomA(eA, M). D

5. Groupe de Grothendieck et matrice de Cartan


Dans cette section, comme dans la précédente, on suppose que K est un corps
et que A est une K-algèbre connexe de dimension finie. Notre but est d'adjoindre
à chaque A-module de type fini un vecteur appartenant à un groupe abélien libre.
Comme la catégorie des A-modules de type fini est équivalente à la catégorie des
modules de type fini sur l'algèbre réduite de A, nous pouvons supposer en outre
(dès le début) que A est réduite. On ajoutera une hypothèse supplémentaire :
on supposera de plus que A est une K-algèbre déployée, c'est-à-dire telle que

A/ rad A = K x K x · · · x K.
Observons que, si K est algébriquement clos, alors il suit de (VI.7.4) et de (3.7)
que toute K-algèbre réduite est automatiquement déployée. Il est important
pour notre propos de remarquer que, si A est déployée, alors tout A-module
simple S est de K-dimension 1 : en effet, cela résulte de ce que S est aussi un
A/ rad A-module simple, par (VIl.4.3}.
On se fixe un ensemble complet d'idempotents primitifs orthogonaux {ei, ... ,
en}· Pour chaque i, avec 1 ~ i ~ n, on note P(i) = eiA et I(i) = D(Aei},
respectivement le A-module projectif indécomposable et le A-module injectif
indécomposable correspondants. Alors l'ensemble {P(l},. .. , P(n)} (ou {J(l},
... , I(n)}) est un ensemble complet de représentants des classes d'isomorphisme
de A-modules projectifs (ou injectifs, respectivement) indécomposables et, en
n
outre, on a AA = $P(i). Enfin, pour chaque i, avec 1 ~ i ~ n, on a S(i) =
i=l
soc I( i) ~ P( i) /rad P( i} simple.

LEMME 5.1. Pour chaque A-module de type fini M, on a que dimK M ei est
égal au nombre de facteurs de composition de M isomorphes à S(i).

DÉMONSTRATION. On sait que Mei ~ HomA(P(i}, M) (d'après {1.1)). Soit


donc f E HomA(P(i}, M} un morphisme non nul. Alors l'image par f de la coiffe
simple S(i) de P(i) est évidemment un facteur de composition de M, isomorphe
à S(i). Réciproquement, pour chaque facteur de composition de M isomorphe
à S(i}, il existe un sous-module de M dont la coiffe admet un facteur direct
isomorphe à S(i). Comme, pour chaque tel sous-module, il existe un morphisme
non nul de P(i) dans M, l'énoncé s'ensuit. D
5. GROUPE DE GROTHENDIECK ET MATRICE DE CARTAN 225

DÉFINITION. Soit M un A-module de type fini. Le vecteur-dimension de M


est l'élément de zCn) défini par


d1mM=
[dim~Me1]
.
dimkMen
On convient de placer tous nos vecteurs en colonnes.
On remarque que la longueur de composition de M est donnée par l(M) =
n
L dimK Mei = dimK M. En outre, les vecteurs-dimension des A-modules sim-
i=l
pies S(i) coïncident avec les vecteurs de la base canonique de zCn).
On a le lemme suivant.
LEMME 5.2. La fonction dim est additive : si 0 --+ L --+ M --+ N --+ 0
est une suite exacte courte de modA, alors dimM = dimL + dimN.
DÉMONSTRATION. Soit i E {1, ... , n}. Si on applique le foncteur exact
HomA ( P( i), - ) à la suite exacte donnée, on obtient une suite exacte courte de
K-espaces vectoriels

Par conséquent, dimK M ei = dimK Lei+ dimK N ei pour tout i, d'où l'énoncé. D
DÉFINITION. Soient :F le groupe abélien libre ayant pour base l'ensemble des
classes d'isomorphisme M des A-modules de type fini M, et :F' le sous-groupe
de :F engendré par les éléments M - L - N correspondant aux suites exactes
courtes 0 --+ L --+ M --+ N --+ 0 de mod A. Le groupe de Grothendieck de
modA est défini comme le groupe K 0 (A) = :F/:F'. On notera (M] l'image par
l'application canonique :F-+ :F/:F' de la classe d'isomorphisme M de M.
Il se fait que K 0 (A) est lui-même libre et en fait isomorphe à zCn). Cela
découle du théorème suivant.
THÉORÈME 5.3. Soit A une K -algèbre de dimension finie, connexe, réduite
et déployée, ayant {ei, ... , en} comme ensemble complet d'idempotents primitifs
orthogonaux. Posons que S(i) = eiA/ rad(eiA) pour chaque i, avec 1 :::; i :::;
n. Alors Ko(A) est un groupe abélien libre de base { [ S(l) ], ... , [ S(n)]} et
l'application M i-+ dimM induit un unique isomorphisme de groupes dim :
Ko(A)-+ z<n> tel que dim[M] = dimM.
DÉMONSTRATION. Montrons d'abord que { [ S( 1 ) ], ... , [ S( n)]} engendre
Ko(A). Soient M un A-module, et
0 = Mo c Mi c ··· c Mt = M
une suite de composition pour M. Alors, par définition de Ko(A), on a
t n
[M] = L[Mj/Mj-d = L(dimK Mei)[S(i)]
j=l i=l
226 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

d'après (5.1). Donc {(8(1)), ... , [8(n))} engendre bien Ko(A).


Il est clair que M ~ N entraîne dimM = dimN. En outre, l'additivité
de la fonction dim (voir (5.2)) entraîne que l'application M 1-+ dimM in-
duit un unique homomorphisme de groupes abéliens dim : Ko(A) -+ z<n>
tel que dim[M] = dimM. Comme {[8(1)), ... , [8(n))} est un ensemble de
générateurs de Ko(A), dont l'image est la base canonique de zCn), il s'ensuit que
{(8(1)], ... , [8(n))} est un ensemble linéairement indépendant de K 0 (A). Il en
forme donc une base et par conséquent dim est bien un isomorphisme. D
DÉFINITION. La matrice de Cartan CA de A est la n x n matrice CA =
[Ci;h:s;i,;:s;n dont les coefficients sont définis par Cij = dimK(e;Aei)·
Comme on a, d'après (1.2) et (4.9), des isomorphismes de K-espaces vectoriels

e;Aei ~ HomA(eiA, e;A)


~ HomA(P(i), P(j))
~ D HomA(P(j), J(i))
~ D 2 HomA(J(i), J(j))
~ HomA(J(i), J(j))
la matrice de Cartan enregistre donc le nombre de morphismes entre A-modules
indécomposables projectifs et aussi entre A-modules indécomposables injectifs.
PROPOSITION 5.4. (a) La ième colonne de CA est dimP(i).
(b) La ième rangée de CA est [dimJ(i))t.
(c) dimP(i) =CA· dim8(i).
(d) dimJ(i) =Ci· dim8(i).
DÉMONSTRATION. (a) découle de la définition et de ce que eiAek = P(i)ek
pour tous i, k E {1, ... , n}.
(b) résulte de la définition et de ce que dimK(ekAei) = dimK HomA(ekA, J(i))
= dimK I(i)ek pour tous i, k E {1, ... , n}.
(c) (d) résultent de (a) (b) et de ce que les vecteurs dim8(i) forment la base
canonique de zCn) ~ Ko(A). D
EXERCICES DU CHAPITRE VIII 227

Exercices du chapitre VIII


1. Soit A une K-algèbre artinienne et locale. Montrer que tout A-module
projectif de type fini est libre.
2. Soit A une K-algèbre artinienne, et M un A-module =/; 0 de type fini.
Montrer que, si tout quotient non nul de M est indécomposable, alors M est de
coiffe simple.
3. Montrer qu'un idempotente E A est primitif si et seulement s'il n'existe
pas d'idempotent f tel que 0 =I f =I e et f = ef = f e.
4. Soient A artinienne, e 11 e2 deux idempotents primitifs tels que P 1 = e1 A
n'est pas isomorphe à P2 = e2A. Montrer que les conditions suivantes sont
équivalentes :
{a) HomA(Pi, P2) =/;O.
(b) P2{radA)P1-:/: O.
(c) e2{radA)e1 =IO.
5. Soient A artinienne, Mun A-module de type fini. Montrer que, si la cou-
verture projective de M est indécomposable, alors M l'est aussi. La réciproque
est-elle vraie ?
6. Montrer que, si e 11 e2 sont deux idempotents tels que e1 A-=. e2A et ei est
central, alors e2 = eie2 = e2e1. Si e2 est central aussi, alors montrer que ei = e2.
7. Soient 1 = ei + e2 + · · · + en = fi + h + · · · + f m deux décompositions
de l'identité d'une algèbre artinienne A en idempotents primitifs orthogonaux.
Montrer que n = m et qu'il existe a E A inversible tel que, à l'ordre près,
fi = a- 1eia. (Indication : (VII.6.13) donne à l'ordre près eiA-=. fiA pour tout
i, défini par un ai E eiAfï. Essayer a= I:>i·)
i

8. Soit K un corps. Pour chacune des algèbres suivantes, calculer les A-


modules projectif$ indécomposables et les A-modules injectifs indécomposables.
Pour chacun de ces modules, dessiner le treillis de sous-modules.

: : :::;~:t~. [l . :l
(c) A= [~K ~K 1 ~] ·
K K

(d) A~[~ ~ 1)-


9. Soit A une K-algèbre. Montrer qu'un A-module M est un générateur de
228 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA

ModA si et seulement si le foncteur HomA(M, -) est fidèle.


10. Soient A une K-algèbre, MA un module et B =End MA. Montrer que:
(a) Si MA est un générateur, BM est projectif de type fini.
(b) Si MA est projectif de type fini, 8 M est un générateur.
11. Soient A, B deux K-algèbres de dimension finie. Montrer que mod A
et modB sont équivalentes (au sens de Morita) si et seulement si modA0 P et
mod B 0 P le sont.
12. Montrer que, pour des modules de type fini Li,L2,L sur une algèbre de
dimension finie, on a :
(a) Li Ç L2 implique Lr Ç Lf-.
(b) L.L.L = L.
(c) (Li+L2).L=Lf-nL4-.
(d) (Lin L2).L = Lf- + Lr.
13. Montrer que, pour tout A-module M de type fini (avec A une algèbre de
dimension finie sur un corps), on a socDM = (radM).L.
14. Soient Kun corps et A une K-algèbre de dimension finie. Montrer que
A est réduite si et seulement si deux facteurs directs distincts de D(AA) ne sont
pas isomorphes.
15. Soient Kun corps, A une K-algèbre de dimension finie et Mun A-module
de type fini. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) M est fidèle (voir l'exercice (Il.1)). .
(b) Il existe un m > 0 et un monomorphisme AA --+ M(m).
(c) Il existe un m > 0 et un épimorphisme M(m) --+ D(AA).
16. Pour chacune des algèbres de l'exercice 8, calculer les vecteurs-dimension
des A-modules projectifs ou injectifs indécomposables, puis la matrice de Cartan.
17. Montrer que le groupe de Grothendieck d'une algèbre A possède la pro-
priété universelle suivante : si f est une fonction qui assigne à chaque classe
d'isomorphisme Md'un A-module M de type fini un élément f(M) d'un groupe
abélien G de telle sorte que pour chaque suite exacte courte
o~L~M~N~o

de modA, on a f(M) = f(L) + f(N), alors il existe un unique homomorphisme


de groupes F : Ko(A) --+ G tel que F([M]) = f(M).
CHAPITRE IX

Foncteurs Ext et Tor

Comme on l'a vu, les suites exactes et les foncteurs exacts présentent énormément
d'avantages. On sait pourtant que la plupart des foncteurs ne sont pas exacts.
Par exemple, le foncteur Hom n'est exact qu'à gauche, tandis que le foncteur
produit tensoriel n'est exact qu'à droite. Afin d'obtenir une suite exacte à par-
tir d'un foncteur de la forme Hom(M, -) (avec M un module), il est possible
d'utiliser une approximation de M par des modules projectifs. Une telle approxi-
mation est ce que nous avons appelé en (IV.2) une résolution projective de M.
On applique le foncteur Hom à une résolution projective de M et on obtient
ainsi une suite qui n'est généralement pas exacte, mais qui est un complexe (au
sens de (II.3)). La notion d'homologie vient corriger le défaut d'exactitude de
ce complexe en lui associant une suite exacte longue, appelée suite d'homologie.
Cela permet d'associer au foncteur Hom de nouveaux foncteurs, dits d'extension
et notés Extn. La même méthode appliquée au produit tensoriel donne des fonc-
teurs dits de torsion et notés Torn. Le procédé que nous adoptons (par le moyen
de ce qu'on appelle des foncteurs dérivés) est long, mais il a ceci d'avantageux que
les propriétés de Ext et Tor suivent presque immédiatement des définitions. En
outre, il permettra de développer des notions qui sont utilisables dans d'autres
contextes. Dans tout ce chapitre, on se fixe une K-algèbre A.

1. Foncteurs d'homologie
Rappelons qu'un complexe (ou, plus précisément, un complexe descendant)
c* = ( Cn, dn)nEZ est défini par la donnée d'une suite de A-modules (Cn)nEZ et
d'une suite d'applications A-linéaires (dn : Cn ---+ Cn-i)nEZ telles que dndn+l = 0
pour tout n E /Z

Cn+l dn+l C dn C
c* · · · --+ --+ n --+ n-1 --+ · · · ·

Les applications dn sont appelées des différentielles. L'indice n est appelé le


degré Cn (l'astérisque dans C* marque donc la place du degré).
Toute suite exacte est évidemment un complexe, alors qu'un complexe n'est
généralement pas exact.· En fait, la condition dndn+1 = 0 équivaut à dire que
Imdn+l Ç Kerdn.

229
230 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

EXEMPLES 1.1. (a) A chaque module MA et à chaque m E Z, on peut associer


un complexe (On, dn) avec Cm = M et Gn = 0 pour n -:/:- m. Un tel complexe
s'écrit
... --+0--+ M--+0--+ ...
(m)
et est dit concentré en degré m. Ce complexe est exact si et seulement si M = o.
(b) Soit p un nombre premier. La famille de Z-modules Gn = Zpa et d'applica-
tions Z-linéaires dn = f: Zpa - t Zpa, où f(x) = p2 x (pour x E Zpa) définit un
complexe qui n'est pas exact.
(c) Soient A, B deux K-algèbres, c. = (Gni dn) un complexe de A-modules et
F : Mod A - t Mod B un foncteur K-linéaire ; alors on a un complexe de Mod B
défini par
F(dn+1) F(dn)
· · · --+ F(Gn+i) ---+ F(Gn) ---+ F(Gn-i) --+ · · · .
Notons que F(G.) n'est généralement pas exact, même sic. l'est. Par exemple,
soient ANB un A - B-bimodule, MA un A-module et
· · ·--+ Pn--+ ···--+Pi--+ Po--+ M--+ 0
une résolution projective de M (qui est donc un complexe exact). On a un
complexe de Mod B
· · · --+ Pn ®AN --+ · · · --+ Pi ®AN --+ Po ®A N --+ M ®AN --+ 0
qui n'est généralement exact qu'en M ®AN (en effet, le foncteur - ®AN n'est
généralement exact qu'à droite).
On peut définir une notion de morphismes de complexes. Soient
G. = (Gn,dn)nez et G~ = (G~,d~)nez
deux complexes de A-modules. Un morphisme f,. : o. - t G~ est une suite de mor-
phismes de A-modules Un : On - t O~)nez compatibles avec les différentielles,
c'est-à-dire tels que
f n-idn = d~fn
pour tout n E Z; en d'autres termes, le diagramme suivant est commutatif

--+ Gn-i --+


lfn-1

--+ C'
n+i
d~+1
---+
C'
n
d~
---+
C'
n-i --+
Soient f * : o. - t G~ et f! : O~ - t G!; deux morphismes de complexes avec
J. = Un)neZ et f! = (f~)neZ· On définit leur composition f!J.. : o. - t a: par
f!J. = (f~Jn)nEZ·
On a ainsi défini une catégorie Comp,. de complexes de A-modules. Nous
allons expliciter les notions de sous-objet et d'objet quotient dans cette catégorie.
Soient G,. = (Gn, dn)nez et G~ = (G~, d~)nez deux complexes de A-modules.
On dit que G~ est un sous-complexe de G,. si, pour tout n E Z, on a que G~ Ç Gn
et d~ est égale à la restriction de dn à G~ : cette seconde condition équivaut
1. FONCTEURS D'HOMOLOGIE 231

à dire que les inclusions canoniques in : O~ -+ On forment un morphisme de


complexes j .. : o~-+ c .. , appelé l'inclusion canonique. .
Si C~ est un sous-complexe de o .. , on définit le complexe quotient C': = C .. /C~
par
d"
C': ··· ----+ C~ = Cn/C~ ~ 0~_ 1 = Cn-i/C~-1 ----+ • • •

où d~ est déduite de dn, d~ par passage aux conoyaux (II.3.3), c'est-à-dire que
d~ est l'application A-linéaire définie par

d~(xn + C~) = dn(xn) + 0~-1


où Xn E On. Les applications d~ forment bien une famille de différentielles sur
la suite (c::)nez. puisque
d~-ld~(Xn + C~) = d~-1(dn(xn) + o~-1)
dn-ldn(Xn) + 0~-2
= c~-2
pour tous Xn E On et n E Z. On voit qu'il existe un morphisme de complexes
p .. : O.. -+ C': défini par Pn : On-+ c:: = Cn/C~, où Pn(xn) = Xn + C~ (pour
Xn E On)· On appelle p.. la projection canonique.
Avec ces définitions, on vérifie sans peine que la catégorie Comp .. est abélienne.
On voit aisément ce que signifient les notions de noyau, d'image d'un morphisme
de complexes et de suite exacte de complexes.
On arrive à la notion d'homologie. Comme on l'a dit, on veut mesurer le
défaut d'exactitude d'un complexe C .. = (Cn,dn). Or, on sait que, pour tout
n E Z, on a Imdn+l Ç Kerdn, et cette inclusion est une égalité si et seulement si
le complexe est exact en degré n. Cela nous amène à définir l'homologie comme
suit.
DÉFINITION. Soit C,. = (Cn,dn)nez un complexe de A-modules. Son nième
module d'homologie est défini par
Hn(C,.) = Kerdn/Imdn+l·
Les éléments de Kerdn sont appelés des n-cycles, et on note Zn = Zn(C.. ) =
Ker dn leur module. Les éléments de Im dn+i sont appelés des n-bords, et on
note Bn = Bn(C,.) = Imdn+l leur module.
La terminologie employée ("cycles" et "bords") provient de la topologie algé-
brique.
EXEMPLES 1.2. (a) Si dn = 0 pour tout n, alors Zn =Cm Bn = 0 et donc
Hn(C,.) =On pour tout n.
(b) Un complexe C .. est exact en degré n si et seulement si Hn(C.. ) =O.
(c) Si O.. est un complexe concentré en degré m, alors Hm(C.. ) = Cm,
Hn(C.. ) = 0 pour n =j m.
(d) Si p est un nombre premier fixe, et C,. est le complexe de Z-modules donné
par On= Zps et dn : x 1-+ p2 x (où x E On) pour tout n (voir l'exemple (1.l)(b)
plus haut), alors Hn( C .. )..; Zv pour tout n.
232 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

(e) Soit · · · ---+ Pi ---+ Po ---+ M ---+ 0 une résolution projective d'un A-
module M. Alors le complexe··· ---+Pi ---+Po ---+ 0 obtenu à partir de cette
résolution projective en supprimant M est un complexe exact partout sauf en
degré 0 : on a Hn(P.) = 0 sin=/= 0 et si Ho(P.)-=+ M.
Nous désirons faire de chaque Hn un foncteur. Pour cela, nous devons définir
son action sur les morphismes.
DÉFINITION. Soient c* = (Cn, dn), c~ = (C~, d~) deux complexes et =
Un)neZ: c* ---+ c~ un morphisme. On définit, pour chaque n E ~. une applica-
'*
tion A-linéaire
Hn(f,,.) : Hn(C,,.) ---+ Hn(C~)
par Zn+ Bn(C*) ~ fn(Zn) + Bn(C~) {pour Zn E Zn(C*)).
Il faut s'assurer que Hn(f.) est définie sans ambiguïté. Notons d'abord que fn
applique Zn(C*) dans Zn(C~) : en effet, d~fn(Zn) = fn-idn(Zn) = 0, pour Zn E
Zn(C*). D'autre part, fn applique également Bn(C*) dans Bn(C~) : en effet,
soit Zn E Bn(C*) = Imdn+i ; il existe Xn+i E Cn+i tel que Zn = dn+i(Xn+i)
et alors fn(Zn) = fndn+i(Xn+i) = d~+dn+i(Xn+i) E Bn(C~). Cela montre bien
que Hn(/*) est une application A-linéaire de Hn(C*) dans Hn(C~).
On voit sans peine que la définition précédente fait de chaque Hn un foncteur
K-linéaire de Comp* dans ModA.
LEMME 1.3. Soit C* = (Cn,dn)nez un complexe de A-modules. Pour chaque
n, il existe une suite exacte de A-modules
0---+ Hn(C.)---+ Cn/Bn---+ Zn-i---+ Hn-i(C*)---+ 0
avec tous les morphismes fonctoriels.
DÉMONSTRATION. La définition du module d'homologie donne une suite
exacte courte
0---+ Bn-i ---+ Zn-i ---+ Hn-i(C,,.) ---+O.
D'autre part, le théorème d'isomorphisme (11.4.4) donne une suite exacte courte
0---+ Hn(C.) = Zn/Bn---+ Cn/Bn---+ Cn/Zn---+ o.
Or Cn/ Zn = Cn/ Ker dn -=+ lm dn = Bn-i. d'où une suite exacte
0---+ Hn(C*)---+ Cn/Bn---+ Bn-i---+ O.
Le résultat suit en raccordant les deux suites. On laisse au lecteur la vérification
de la fonctorialité. D
Nous arrivons au résultat principal de cette section, qui explique comment
construire une suite exacte de modules à partir d'une suite exacte courte de
complexes.
THÉORÈME 1.4. Soit 0 ---+ c~ ~ c* ~ c~ ---+ 0 une suite exacte de
complexes. Il existe une suite exacte de A-modules
1 H,.(u.) H,.(v.) 11 6,. 1 Hn-i(u.)
... ---+ Hn(C*) - Hn(C*) - Hn(C*) - Hn-i(C*) - ....
1. FONCTEURS D'HOMOLOGIE 233

DÉMONSTRATION. La donnée d'une suite exacte courte de complexes de la


forme 0 ---+ e~ ~ e* ~ e:: ---+ 0 équivaut à la donnée, pour chaque n E Z,
d'un diagramme commutatif à lignes exactes

0 ---+ C'n
d:. l
-Un

dn
en
l - v,.
C"n
d~l
---+ 0

0 ---+ e~-1
-
Un.-1
en-1
-Vn.-1

où d~ = (d~)nez, d* = (dn)nez, d~ = (d~)nez sont les différentielles respectives


C"n-1 ---+ 0

de e~, e*, e::. Une première application du lemme du serpent (II.3.6) donne
des suites exactes
0 ---+ Z'n ~ Z n ~ Z" n
(où Z~ = Kerd~, Zn= Kerdn, Z~ = Kerd~ tandis que in, in sont induites de
Un, Un-1 et Vn, Vn-1 respectivement, par passage aux noyaux) et
1 1 Pn-1 q,._1 Il Il
en-il Bn-1 - en-1/ Bn-1 - en-il Bn-1 ---+ 0

(où B~_ 1 = Imd~, Bn-1 = Imdn, B~_ 1 = Imd~ tandis que Pn-i. qn-1 sont
induites de Un. Un-1 et Vm Vn-1 respectivement, par passage aux conoyaux). Le
lemme (1.3) donne alors un diagramme commutatif, où les deux lignes centrales
et toutes les colonnes sont exactes
0 0 0

l l H,.(v.)
l

Ïn-1
Io z~-1 ----+ Z"n-1
1
1
1
l l l
1.... - - --+ Hn-1(e~)

l0
L'énoncé découle d'une seconde application du lemme du serpent. D
La suite exacte dont le théorème montre l'existence s'appelle suite exacte
longue d'homologie.
Avec les notations du théorème, les morphismes Ôn : Hn(e~') --+ Hn-1(e~),
appelés morphismes de liaison, sont les morphismes obtenus à partir du lemme
du serpent (II.3.6). Ils s'expriment donc par
Ôn: z~ + Bn(e::) 1--+ u;;~ 1 dnv; 1 (z~) + Bn-1(e~)
234 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

{où z~ E Z~). Il est loin d'être évident que la construction du théorème est fonc-
torielle. C'est l'objet du théorème suivant, dont la très fastidieuse démonstration
a au moins l'avantage de montrer comment manier les morphismes de liaison.

THÉORÈME 1.5. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de complexes


et de morphismes de complexes

- l - h.1
u. v.
0 --+ C'
*
c. C"
*
--+ 0

1.1
-

0 --+ D'•
u~
D.
-v.I
D"
*
--+ 0

Alors il existe un diagramme commutatif à lignes exactes de A-modules et d'appli-


cations A-linéaires

~
H,.(u.) 6,.
· · ·--+ Hn(C~) - Hn(C.) Hn(C:) --+ Hn-1(C~) --+ ...
H,.(f.) 1 H,.(g.)
H,.(u~)
1 H (v')
H,.(h.) 1 H;,_1(/.) 1
· · ·--+ Hn(D~) - Hn(D,..) ~ Hn(D~) ~ Hn-1(D~) --+ ...

DÉMONSTRATION. Notons respectivement d. = (dn)n, d~ = (d~)n, d~ = (d~)n,


e. = (en)n, e~ = (e~)n, e~ = (e~)n les différentielles de C., C~, c:, D., D~, D~.
On a, pour chaque n E Z, un diagramme commutatif à lignes exactes

Comme on a déjà que chaque Hn est un foncteur, il suffit de démontrer que


6~Hn(h.) = Hn-1(/.)6n. Soit donc z~ + Imd~+l E Hn(C:). Il existe Xn E On
tel que z~ = Vn(xn)· On a
1. FONCTEURS D'HOMOLOGIE 235

(ô~Hn(h*))(z~ + Imd~+l) (ô~Hn(h*))(vn(Xn) + Imd~+l)


ô~[hnvn(Xn) + lme~+ 1 ]
= ô~[v~gn(Xn) + lme~+l]
= (u~_i)- 1 en(v~)- 1 v~gn(Xn) + lme~
= (u~-1)- 1 engn(Xn) + lme~
= (u~-1)- 1 gn-1dn(Xn) + lme~
= fn-1(Un-1)- 1dn(xn) + Ime~
= Hn-1(/*)[{un-1)- 1dn{Xn) + lmd~]
= Hn-1(/*)[(Un-1)- 1 dnv;;- 1 (z~) + lmd~]
Hn-1(/*)ôn[z~ + Imd~+il· 0
Il importe, pour la compréhension des calculs qui précèdent, de garder à
l'esprit que dans l'expression de Ôn: z~ +Bn(C:) 1--+ u~!:. 1 dnv; 1 (z~) +Bn-1(C~)
(où z~ E Zn(C:)), le terme v; 1 (z~) désigne une préimage quelconque de z~,
c'est-à-dire un Xn E Cn tel que z~ = Vn(Xn), tandis que u~!:. 1 dnv; 1 (z~) =
u~!:. 1 dn(xn) est l'unique préimage de dn(Xn) par Un-1 : il suit en effet de la
démonstration du lemme du serpent que cela donne bien une application linéaire.
Deux morphismes distincts de complexes de A-modules peuvent très bien
induire le même morphisme en homologie. Un exemple d'une telle situation, très
important en topologie algébrique, est le suivant.
DÉFINITION. Soient c* = (Cn,dn)nEZ etc~= {C~,d~)nEZ deux complexes
de A-modules, et !* = (/n)nEZ et g* = (gn)nEZ deux morphismes de c* dans
C~. On dit que/* et g* sont homotopes (ce qu'on note/*"' g*) s'il existe, pour
chaque n E z, un morphisme Sn : Cn ---+ c~+l tel que f n - gn = d~+l Sn+ Sn-1 dn.
dn+l dn
------+ Cn+l ------+ Cn ------+ Cn-1 ------+

1...
------+
11.71:.H·X:.-·11··-·
1 n+l /
Cn+1 ------+ Cn ------+ Cn-1 ------+
n /

La suites* = (sn)nEZ est alors appelée une homotopie entre/* et g*.


LEMME 1.6. (a) La relation "' est une équivalence sur l'ensemble des mor-
phismes de c* dans c~.
{b) /* "'g* implique Hn(/*) = Hn(g*) pour tout n.
(c) Si Fest un foncteur covariant K-linéaire et f* "'g*, alors F(f*) "'F(g*).
DÉMONSTRATION. (a) Réflexivité et symétrie sont immédiates. Pour la tran-
sitivité, si /* rv g* et g* rv h*, il existe, pour chaque n E Z, des morphismes
Sn : Cn---+ C~+l et tn: Cn---+ C~+l tels que:
fn - gn = d~+1Sn + Sn-ldn
gn - hn = d~+ltn + tn-ldn •
236 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

Alors, pour chaque n E z, le morphisme Sn + tn : Cn --+ c~+l vérifie


fn - hn = d~+1(Sn + tn) + (sn-1 + tn-ddn.
(b) Soit (sn: Cn--+ C~+i)nez tel que fn -gn = d~+1sn +sn-1dn pour chaque
n E Z. Si Zn E Zn(C,.), on a dn(Zn) = 0 et donc
fn(Zn) - gn(Zn) = d~+isn(Zn) E Imd~+l = Bn(C~).
Cela montre bien que Hn(f,.)(zn + Bn(C,.)) = Hn(g,.)(zn + Bn(C,.)) pour tout
Zn E Zn(C,.).
{c) La relation fn - gn = d~+ 1 sn + Sn-1dn entraîne
F(fn) - F(gn) = F(d~+l)F(sn) + F(sn-1F(dn). D
Terminons cette section par quelques mots sur la construction duale, celle de
la suite exacte longue de cohomologie. Un complexe ascendant C* = (en, dn )nez
est défini par la donnée d'une suite de A-modules (Cn)nez et d'une suite d'appli-
cations linéaires (dn : en --+ cn+l )nez tels que dn~-l = 0 pour tout n E Z
n-1 dn-i n dn n+l
C* ···--+C --+C --+C --+···.
On définit de façon évidente la notion de morphisme de complexes ascendants et
la catégorie Comp* des complexes ascendants qui est abélienne. Le nième module
de cohomologie d'un complexe ascendant C* = (en,~ )nez est défini par
Hn(C*) = Kerdn /Imdn-l.
Les éléments de Kerdn sont appelés des n-cocycles et ceux de Imdn-l des n-
cobords. Si C* = (en, ~)nez et C''" = {C'n, d'n)nez sont deux complexes
ascendants et !* = (in )nez est un morphisme de C* dans C'*, on définit
Hn(J•) : Hn(C*) --+ Hn(C''") par zn + Imdn-l ~ r(zn) + Imd,n-l (pour
zn E Kerdn). On montre qu'on obtient ainsi, pour chaque n, un foncteur
Hn : Comp'" --+ Mod A et que, si 0 --+ C''" ~ C* ~ C"* --+ 0 est une
suite exacte courte de Comp*, alors il existe une suite exacte de Mod A
Hn(u') H"(v*) 6°
· · ·--+ Hn(c'*) ---+ Hn(C*)---+ Hn(c"*)---+ Hn+ 1(C 1'")--+ · · ·
avec tous les morphismes fonctoriels. Cette suite est la suite exacte longue de
cohomologie. On laisse au lecteur à titre d'exercice la vérification triviale des
énoncés qui précèdent.

2. Foncteurs dérivés
Nous aurons besoin de la notation suivante. Soit C,. un complexe de A-
modules de la forme
di c,0 --+
c. d2 C1 --+
. .. --+ do M --+ O.

Le complexe obtenu à partir de C,. en supprimant M sera noté (CM),.. Ainsi


(CM),. est le complexe
d2
···--+ c1--+
di (],
o--+ 0 ·
2. FONCTEURS DÉRIVÉS 237

THÉORÈME 2.1 {DE COMPARAISON). Soit le diagmmme


d2 di do
---+ P2 -----+ Pi -----+ Po ---+ M ---+ 0

d'2 d'1
11
d'
P'.. ---+ P.'2 -----+ P'1 -----+ P.'0 ~ M' ---+ 0
où les lignes sont des complexes. Si chaque P;, de la ligne supérieure est projectif
et si la ligne inférieure est exacte, il existe un morphisme de complexes J..
(PM),. ---+ (PM,),., unique à homotopie près, tel que f do = d0fo.

DÉMONSTRATION. {a) Pour montrer l'existence de f,. = Un)nez, on cons-


truira fn par récurrence sur n. Sin= 0, on a un diagramme à ligne exacte avec
Po projectif

~
P6 ---+ M' ---+ 0
d'où l'existence d'un morphisme /o : Po ---+ P6 tel que f do = d0fo. Supposons
fk : Pk ---+ Pfr. construit pour tout 0 :::; k :::; n. On a ainsi un diagramme
commutatif
dn+l dn
Pn+l ---+ Pn ---+ Pn-1
lfn lfn-l
d~+l d'
p~+l ---+ P'n __!4
p~-1
Si on réussit à montrer que Im(fndn+i) Ç Imd~+l• on aura un diagramme à
ligne exacte

Pn+l
l d~+l
---+ Imd~+i ---+ 0
et la projectivité de Pn+l donnera un morphisme fn+i : Pn+l ---+ P~+l tel que
fndn+i = d~+dn+i· Or, on sait que Imd~+ 1 = Kerd~. L'inclusion voulue
résulte alors de d~fndn+l = fn-idndn+i = fn-10 =O.
(b) Pour montrer l'unicité de f k à homotopie près, on suppose que g,. :
(PM),. ---+ (PM,),. est un autre morphisme de complexes tel que f do = d0go, et
on construit par récurrence une homotopies= (sn)nez entre/,. et g,.. Comme
d0fo = d0go = fdo, on a d0{fo - go) = 0, d'où Im{fo - go) ç Kerd0 = Imd1.
Comme Po est projectif, il existe so : Po ---+ P6 tel que fo - go = di so
Po
/
/
BO/
lfo-go
/d,
P'1 i
-----+ Imd1 ---+ 0
238 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

Suppos<?ns Bk connu pour 0 :::; k :::; n. On affirme que


Im(fn+l - Un+l - Bndn+i) Ç Imd~+ 2 = Kerd~+l·
En effet, on a
d~+l Un+i - Un+l - Bndn+1) = d~+dn+l - d~+1Un+l - d~+i sndn+i
= f ndn+l - Undn+i - Un - Un - Bn-ldn)dn+i
= 0
où l'égalité d~+isn = fn - Un -Bn-1dn découle de l'hypothèse de récurrence. La
projectivité de Pn+l entraîne alors l'existence d'un morphisme Bn+l : Pn+l -+
P~+ 2 tel que

Pn+i
8 n+l
/// lfn+1-9n+1-s,.dn+1
. / d'
I n+2 I
Pn+2 ---+ lm dn+2 --+ 0 . D
Le morphisme f* : (PM)* -+ (PM,)* du théorème est appelé un relèvement de
f. Le théorème dual, où les deux lignes sont formées de complexes ascendants,
celle du haut étant exacte et celle du bas étant formée de modules injectifs, est
aussi vrai. Le morphisme de complexes ainsi obtenu à partir d'un morphisme
{de modules) des premiers termes est dit être un prolongement de celui-ci. La
démonstration, duale de la précédente, est laissée comme exercice. Nous arrivons
à la définition des foncteurs dérivés. Nous commençons par les foncteurs dérivés
à gauche.
Soient A,B deux K-algèbres et F: ModA-+ ModB un foncteur covariant
K-linéaire. Pour un A-module M, soit

une résolution projective de M. On applique F au complexe (PM)*, et on obtient


un complexe
Fd2 Fd1
· · · --+ F P2 --+ F P1 ---+ F Po --+ O.

Par définition, le nième foncteur dérivé à gauche F~s) de Fest défini sur l'objet
M comme le nième module d'homologie du complexe précédent:
F~8 )M = Hn(F(PM)*) = Ker(Fdn)/Im(Fdn+i)·
Il faut aussi définir l'action de F~s) sur un morphisme de A-modules f: MA--+
M~. Pour ce faire, on prend deux résolutions projectives de M et M', respecti-
vement:
di R0 --+
d2 p 1 --+
... --+ p.2 --+ do M --+ O

P' ···--+ ' d~ P'1~


P.2--+ d~ P.'o--+
d~ M' --+O
*
2. FONCTEURS DÉRIVÉS 239

Il suit du théorème de comparaison {2.1) que le morphisme f : M -+ M' se


relève en un morphisme f* : (PM)* -+ (P}111 )* de sorte que l'on a un diagramme
commutatif à lignes exactes
d2 di do
---+ P2 ----+ Pi ----+ Po ---+ M ---+ 0
121 d'2
fi 1 fo 1 11
d'i d'
---+ P.'2 ----+ P{ ----+ R'0 ~ M' ---+ 0 .

Si on applique F au diagramme précédent, on obtient un diagramme commu-


tatif dont les lignes sont des complexes (mais ne sont généralement pas exactes:
on n'a pas supposé que Fest un foncteur exact)
F~ Fdi
---+ FP2 ----+ FP1 ----+ FPo ~ FM ---+ 0
Fhl
Fd;
Ffi 1 Fd~
Ffol
Fd'
Ffl

---+ FP~ ----+ FP{ ----+ FP{, ~ FM' ---+ 0 .

On définit FJs> f : FJs> M -+ FJs> M' comme le morphisme induit par F f* en


homologie
(FJs> f)(Zn + Im(Fdn+1)) = (Ffn)(Zn) + Im(Fd~+l)
où Zn E Ker(Fdn).
Pour que la définition de FJs> ait un sens, il nous reste quelques vérifications
à faire.
(a) Pour un A-module M, le module FJs> M est défini sans ambiguïté, c'est-
à-dire ne dépend pas du choix de la résolution projective de M. Soient en effet
deux telles résolutions :
d2 p di R do M ---+ 0
. . . ---+ p.2 ---+ 1 ---+ 0 ---+

P'
*
Le morphisme identité lM : M-+ Met le théorème de comparaison {2.1) don-
nent deux morphismes u* : (PM)* -+ (PM)* et v* : {PM)* -+ (PM)* rele-
vant lM et tels que v*u*: (PM)*-+ (PM)* et u*v*: {PM)*-+ (PM)* soient
homotopes aux identités respectives. Mais alors, d'après {1.6){c), on a que
F(v*u*) = F(v*)F(u*) et F(u*v*) = F(u*)F(v.) sont aussi homotopes aux iden-
tités respectives, et, d'après {1.6){b), on a également Hn(F(v*))Hn(F(u*)) = 1
et Hn(F(u*))Hn(F(v*)) = 1. En d'autres termes, Hn(F(u*)) : Hn(F(PM ),..) -+
Hn(F(PM),..) et Hn(F(v*)) : Hn(F(PM),..) -+ Hn(F(PM)*) sont des isomor-
phismes mutuellement inverses. Cela montre bien que FJ8 >M = Hn(F(PM )*) ne
dépend pas de la résolution projective choisie, et donc que FJs> est correctement
défini sur les objets.
{b) Pour un morphisme de A-modules f : M-+ M', le morphisme FJs> f :
FJ8 >M -+ FJs> M' est défini sans ambiguïté, c'est-à-dire ne dépend ni du choix
240 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

de résolutions projectives pour Met M', ni du choix d'un relèvement de f à ces


résolutions projectives. Soient donc

P' • · · ---+ P~ ---+ P{ ---+ P~ ---+ M ---+ 0


*
deux résolutions projectives pour M, et

· · · ---+ Q~ ---+ Q~ ---+ Q~ ---+ M' ---+ 0

deux résolutions projectives pour M', et on suppose que g*: (PM)*---+ (QM')*
eth*: (PM)*---+ (Q~,)* sont deux relèvements de f: M---+ M'. On commence
par considérer le diagramme commutatif à lignes exactes
---+ Pi ---+ Po ---+ M ---+ 0
ln1 lno 11
---+ Qi ---+ Qo ---+ M' ---+ 0

liM'
---+ Q1 ---+ Qo ---+ M' ---+ 0

Il suit du théorème de comparaison qu'il existe un morphisme u* : (QM' )* ---+


(Q~,)* relevant lM'· Donc u*g* relève/.
De même, le diagramme commutatif à lignes exactes
---+ Pi ---+ Po ---+ M ---+ 0
liM
---+ P'i ---+ P.'0 ---+ M ---+ 0
l hi lho 11
---+ Q1 ---+ Qo ---+ M' ---+ 0

et le théorème de comparaison donnent un morphisme v* : (PM)* ---+ (PM)* rele-


vant lM. Donc h*v* relève f. Une autre application du théorème de comparaison
donne u*g* ,...., h*v•. D'après (1.6)(c),
F(u.g*) = F(u*)F(g*) ,...., F(h*)F(v*) = F(h*v*)
d'où, d'après (1.6)(b), Hn(F(u,.))Hn(F(g.)) = Hn(F(h.))Hn(F(v.)). Comme,
d'après (a) plus haut, Hn(F(u,.)) et Hn(F(v.)) sont des isomorphismes, on a
fini.
Nous avons achevé de montrer que la définition précédente est correcte. Nous
pouvons donc énoncer le théorème suivant.

THÉORÈME 2.2. Soit F : Mod A ---+ Mod B un foncteur K -linéaire covariant.


Pour tout n ~ 1, F~8 ) : Mod A ---+ Mod B est un foncteur K -linéaire covariant.
2. FONCTEURS DÉRIVÉS 241

DÉMONSTRATION. Il reste à vérifier que


pJs>(l) = 1 et pJs>(gf) = p~s>(g)FJs>(J)
ainsi que la linéarité de FJ8 >, ce qui se fait des plus aisément. D

Définissons maintenant la notion duale de foncteur dérivé à droite, puis voyons


comment nous pouvons appliquer la suite exacte longue d'homologie aux fonc-
teurs dérivés. Nous considérerons les foncteurs dérivés à droite dans deux cas, les
définitions étant complètement analogues à celles des foncteurs dérivés à gauche.
Ici, A et B sont deux K-algèbres.
(a) Le cas où F: ModA--+ ModB est un foncteur covariant K-linéaire.
Soient N un A-module et
do dl d2
I* 0 ----+ N ----+ 1° ----+ J 1 ----+ J 2 ----+ •••
une résolution injective de N. Appliquons le foncteur F au complexe (IN)*
obtenu à partir de I* en supprimant N. On obtient le complexe
Fd 1 Fd 2
0 ----+ F! 0 ------+ F11 ------+ F! 2 ----+ • • • •

Le nième foncteur dérivé à droite FJd> de Fest défini sur l'objet N comme étant
le nième module de cohomologie de ce complexe, c'est-à-dire

p~d)N = Hn(F(IN)*) = Ker(Fd'1+1)/Im(Fd'1).

On définit de façon évidente F~d) f : F~d) N --+ F~d) N' pour une application
A-linéaire f : N --+ N'. On montre facilement que cette définition n'est pas
ambiguë, puis le théorème suivant.

THÉORÈME 2.3. Soit F : Mod A --+ Mod B un foncteur K -linéaire covariant.


Pour tout n ~ 1, F~d) : Mod A --+ Mod B est un foncteur K -linéaire covariant. D
(b) Le cas où F: ModA--+ ModB est un foncteur contravariant K-linéaire.
Soient M un A-module et
• • . ----+ p.2 ----+ di R0 ----+
d2 p 1 ----+ do M ----+ O

une résolution projective de M. On applique Fau complexe (PM)., ce qui donne


le complexe ascendant

Le nième foncteur dérivé à droite FJd> de Fest défini sur l'objet M comme le
nième module de cohomologie de ce complexe, c'est-à-dire
FJd>M = Hn(F(PM).) = Ker(Fdn+1)/Im(Fdn)·
On définit de façon évidente FJd) f : FJd) M --+ FJd) M' pour une application
A-linéaire f : M --+ M'. On montre facilement que cette définition n'est pas
ambiguë, puis le théorème suivant.
242 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

THÉORÈME 2.4. Soit F : Mod A ---+ Mod B un foncteur K -linéaire contrava-


riant. Pour tout n 2'.: 1, F~d) : ModA ---+ ModB est un foncteur K-linéaire
contravariant. D

Nous aurons besoin du lemme suivant, qui n'est autre qu'une reformulation
de l'exercice (IV.4).

LEMME 2.5 (ou FER À CHEVAL). Soit un diagramme à ligne exacte

P{
l l
P{'
dd ld~
P6 P6'
d~l l d~
0 --+ M'

l 0
-f
M
- g
M"

l
0
--+ 0

où les colonnes sont des résolutions projectives. Alors il existe une résolution
projective

de M, et des morphismes f*: (PAi,)*---+ (PM}*, g*: (PM)•---+ (PZt,,). relevant


respectivement f, g et tels que la suite
1 f. 9• ni/
0--+ (PM,)* - (PM)* - (rM")*--+ 0
soit une suite exacte de complexes.
DÉMONSTRATION. Par récurrence, il suffit de compléter le diagramme à ligne
et colonnes exactes
0 0

l
L'
1
L"

d'lP.' ld"
P."
0 0

~i 1~
0 --+ M'

1
- f
M
- g
M"

1
--+ 0

0 0
2. FONCTEURS DÉRIVÉS 243

où L' = Ker d0, L" = Ker d", d' = ker d0et d" = ker d". On prend Po = P6 œP6'
et on définit /o : P6 --+ Po par /o = [fi] et 9o : Po --+ P6' par 9o = [ o 1 ]. Il est
clair que Po est projectif et que la suite

0 ----+ Pô ~ Po ~ Pô' ----+ 0


est exacte. La projectivité de P6' entraîne l'existence d'un morphisme h: P6'--+
M tel que d" = 9h. On définit do : Po --+ M par
do=/d~(l O)+h(O 1).
On affirme que do est surjective. En effet, si x E M, alors 9(x) = d"(y") pour
un y" E P6', et donc 9(x) = 9h(y"), ce qui entraîne x - h(y") E Ker9 =lm/. Il
existe donc y' E Pô tel que x - h(y") = fd 0(y'). Par conséquent,

x = fdo' (1 o] [y']
y" + h [o 1] [y']
y" =do [y']
y" .

Il reste à vérifier la commutativité des deux carrés inférieurs. Or 9do = 9h [ o 1]


= d" [o 1] = d"90, tandis que dofo = fd 0[1 o] [fi]+ h[o 1] [fi]= fd~.
Prenant L = Ker do, d = ker do, on obtient un diagramme commutatif à lignes
et colonnes exactes
0 0 0

lL' L
l l
L"

d'l fo
dl
90
d"l
0 ----+ P.'0 -----+ Po -----+ P."
0 ----+ 0
dol dol ci::l
0 ----+ M' -----+
f M
g
-----+ M" ----+ 0

l
0
l
0
l
0
Il n'y a plus qu'à appliquer le lemme du serpent (11.3.6). D

On laisse au lecteur le soin d'énoncer et de démontrer le dual du lemme


précédent.

THÉORÈME 2.6. Soient 0 ----+ M' ----+ M ----+ M" ----+ 0 une suite exacte
courte de A-modules, et F : Mod A --+ Mod B un foncteur K -linéaire covariant.
Il existe une suite exacte
• •. ----+ F.(s) M' ----+ F.(s) M ----+ F.(s) M"
n n n
_!._.. F.(s)1M'
n-
----+ .. •

. · · ----+ FJs> M' ----+ FJs> M ----+ FJs> M" ----+ 0


avec tous les morphismes fonctoriels.
244 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

DÉMONSTRATION. Soient
P' · · ·---+ P~---+ P{ ---+ P~-----+ M'---+ 0
*

et P~' · · · ---+ P~' ---+ P{' ---+ P~' ---+ M" ---+ 0

des résolutions projectives de M' et M", respectivement. Le lemme du fer à


cheval (2.5) donne une résolution projective

· · · ---+ P2 ---+ P1 ---+ Po ---+ M ---+ 0

de M telle que l'on ait une suite exacte courte de complexes

0 ---+ (PM')* ~ (PM)* ~ (Pft,, )* ---+ O.

Chaque ligne de la suite exacte précédente

O --+Pn1 1.!!...+P.n ~P"--+O


n
est scindée puisque P;: est un A-module projectif. Par conséquent, pour chaque
n ;::: 0, on a une suite exacte courte

0---+ FP~ ~ FPn ~ FP::--+ 0

d'où une suite exacte courte de complexes

0---+ F(PM,)* ~ F(PM)* ~ F(Pft,,)*---+ O.

Appliquant le théorème (1.4), on obtient la suite exacte longue d'homologie


suivante, où tous les morphismes sont fonctoriels :

(ô est le morphisme de liaison). C'est bien là la suite cherchée. Elle s'arrête en


FJs> M" = Ho(F(Pf:-t,, )*),car P!._ 1 = 0 donne H-1(FP!._ 1) =O. D
Notons que nous avons prouvé que, pour tout foncteur covariant F, le Oième
foncteur dérivé à gauche FJ 8 > est exact à droite.

THÉORÈME 2.7. Soient 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte
courte de A-modules, et F : Mad A --+ Mad B un foncteur K -linéaire covariant.
n existe une suite exacte
0 ---+ FJdl M' ---+ FJd> M ---+ FJd> M" ---+ · · ·

... ---+ p(d} M'---+ p(d} M---+ p(d} M" ~ p(d}1M'---+ ...
n n n n+
avec tous les morphismes fonctoriels. D

En particulier, pour tout foncteur covariant F, le Qième foncteur dérivé à


droite FJd} est exact à gauche. Le cas contravariant est traité de la même façon.
3. FONCTEURS D'EXTENSION 245

THÉORÈME 2.8. Soient 0 ----+ M' ----+ M ----+ M" ----+ 0 une suite exacte
courte de A-modules, et F : Mod A -+ Mod B un foncteur K -linéaire contrava-
riant. Il existe une suite exacte
0 ----+ FJd) M" ----+ FJd> M ----+ FJd) M' ----+ • • •
• • . ----+ p(d) M" ----+ p(d) M----+ p(d) M' ~ p(d) M" ----+ •••
n n n n+l

avec tous les morphismes fonctoriels. D

En particulier, FJd) est encore exact à gauche.

3. Foncteurs d'extension
Nous considérerons maintenant les foncteurs dérivés à droite des foncteurs
Hom. Comme Hom est un bifoncteur, contravariant dans sa première variable
et covariant dans sa seconde, les constructions de la section précédente donnent,
pour chaque n ~ 0, deux foncteurs. Le résultat principal de cette section est
que ces deux constructions sont compatibles : on obtient en fait, pour chaque
n ~ 0, un bifoncteur contravariant dans sa première variable et covariant dans
sa seconde.
Soit M un A-module. Le foncteur HomA(M, -) : ModA -+ ModK est
covariant. Le nième foncteur dérivé à droite de HomA(M, -) sera noté (pro-
visoirement) En(M, - ). L'image d'un A-module N sera notée En(M, - )(N) =
En(M, N). Ainsi, pour calculer En(M, N), on considère d'abord une résolution
injective de N :
do dl d2
/* 0 ----+ N ----+ J0 ----+ I1 ----+ 12 ----+ . • • •

Alors En(M, N) est égal au nième module de cohomologie du complexe de K-


modules HomA(M,(IN)*):

c'est-à-dire
En(M,N) = Hn(HomA(M, (/N)*) = KerHomA(M,dn+l)/ImHomA(M,dn)
et ce module ne dépend pas du choix de la résolution injective initiale. On a
montré en (2. 7) que, si 0 ----+ N' ----+ N ----+ N" ----+ 0 est une suite exacte courte
dans Mod A, il existe une suite exacte longue de cohomologie dans Mod K
0 ----+ E 0 (M, N') ----+ E 0 (M, N) ----+ E 0 (M, N") ----+ • · ·

• • ·----+ En(M,N')----+ En(M,N)----+ En(M,N") ~ En+l(M,N')----+ · · ·


avec tous les morphismes fonctoriels.
En particulier, E 0 (M, -) est exact à gauche et En(M, -) = 0 pour tout n <O.
Soit maintenant N un A-module. Le foncteur HomA(-,N) : ModA -+
Mod K est contravariant. Le nième foncteur dérivé à droite de HomA ( - , N)
sera noté (provisoirement) En(-, N). L'image d'un A-module M sera notée
246 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

En(-,N)(M) = En(M,N). Ainsi, pour calculer En(M,N), on commence par


considérer une résolution projective de M :

... ---+ p.2 d2


---+ p1 di
---+ R0 ---+
do M ---+ o.
Alors En(M, N) est égal au nième module de cohomologie du complexe de K-
modules HomA((PM)*, N):

c'est-à-dire

et ce module ne dépend pas du choix de la résolution projective initiale. On


a montré en (2.8) que, si 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 est une suite exacte
courte dans Mod A, il existe une suite exacte longue de cohomologie dans Mod K

0--+ E 0 (M",N)---+ Eo(M,N)---+ Eo(M',N)---+ · · ·

· · ·---+ En(M",N)---+ En(M,N)---+ En(M',N) ~ En+1(M11 ,N)--+ · ··


avec tous les morphismes fonctoriels. En particulier, Eo ( - , N) est exact à gauche
et En(-,N) = 0 pour n <O.
À présent, notre objectif est de montrer l'existence d'isomorphismes En(M, N)
=+ En(M, N) pour tout n;?: 0, fonctoriels en Met N.
LEMME 3.1. (a) Pour tout A-module M, il existe un isomorphisme de fonc-
teurs E 0 (M, -) =+ HomA(M, -).
(b) Pour tout A-module N, il existe un isomorphisme de foncteurs E 0 (-, N)
=+ HomA(-,N).
DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)
étant semblable. Soient N un A-module et

I*

une résolution injective de N. Alors on a HomA(M, (IN)*) :


HomA(M,d1 } HomA(M,d 2 }
0--+ HomA(M,I 0 ) HomA(M,1 1) HomA(M,1 2 )--+ · ..
et E 0 (M,N) = H 0 (HomA(M, (IN)*)= KerHomA(M,d1 ). Par contre, en appli-
quant HomA(M, -) à la suite exacte

on obtient une suite exacte


3. FONCTEURS D'EXTENSION 247

d'où HomA(M,N)-=. KerHomA(M,d 1 ). On a l'isomorphisme cherché. Il reste


à montrer sa fonctorialité. Soient donc f : N --+ N' un morphisme de A-modules
et
d'o d'1 d'2
0 -----+ N' -----+ l'o -----+ I' i -----+ 1'2 -----+ . . .
une résolution injective de N'. Le dual du théorème de comparaison {2.1) donne
un morphisme de complexes f* : (IN)* --+ (J~, )* prolongeant f et unique à
homotopie près. En particulier, on a un diagramme commutatif à lignes exactes
do dl
-----+ JO -----+ I1
JO 1 111
d'o d'l
0 -----+ N' -----+ l'o -----+ J'l

Appliquant HomA(M, -), on obtient un diagramme commutatif à lignes exactes


HomA (M,d0 ) 0 HomA(M,d 1) l
0 --+ HomA(M,N) HomA(M,I) HomA(M,I)
HomA(M,f) 1 HomA(M,J0 ) 1 HomA(M,f 1) 1
HomA(M,d' 0 ) HomA(M,d' 1) 1
0 --+ HomA(M,N') ----+ HomA(M,1' 0 ) - - - - + HomA(M,I')
Le résultat s'ensuit. D
LEMME 3.2. (a) Si N est injectif, alors En(M, N) = 0 pour tout A-module
M ettoutn~l.
(b) Si M est projectif, alors En(M, N) = 0 pour tout A-module N et tout
n ~ 1.
DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)
étant semblable. Le A-module N étant injectif, une résolution injective I* de N
est donnée par 0-----+ N .....!...+ N-----+ 0(c'est-à-dire1°=Net1n = 0 pour n-:/:- 0).
On a bien En(M,N) = Hn(HomA(M, (IN)*)= 0 pour n-:/:- O, et ceci pour tout
A-module M. D
LEMME 3.3 {DE DÉCALAGE). (a) Soient M, N deux A-modules et

I*
une résolution injective de N. Posant que Ln = Imdn+l pour n ~ 0, on a des
isomorphismes fonctoriels
En+l(M, N)-=. En(M, L 0 )-=. · · · ..=. E 1 (M, Ln- 1 ).
{b) Soient M, N deux A-modules et
ds p. d2 p di R do M
. . . -----+ 2 -----+ 1 -----+ 0 -----+ -----+ 0
une résolution projective de M. Posant que Ln= Kerdn pour n ~ O, on a des
isomorphismes fonctoriels
248 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)


étant semblable. Par récurrence, il suffit de montrer le premier isomorphisme
En+l(M, N)-=. En(M, L 0 ). La résolution injective I* de N induit une résolution
injective J'* de L 0 :
d2
I'* o---+ Lo---+ 1 1 ---+ 12---+ ....

Appliquant HomA(M, -) au complexe (!Lo)*, nous obtenons le complexe


HomA(M, (!Lo)*) :
l HomA(M,d 2 ) 2
0---+ HomA(M,l) HomA(M,l)---+ · · ·.

Donc
En(M, L 0 ) = Hn(HomA(M, (!Lo)*)
= KerHomA(M,dn+ 2 )/ImHomA(M,dn+l)
-.::. Hn+l(HomA(M, (IN)*)
= En+l (M, N).

Enfin, la fonctorialité est évidente. D

Le lecteur voit aisément la façon dont les lemmes précédents se combinent


pour montrer que l'on a des isomorphismes fonctoriels En(M, N)-=. En(M, N)
pour tous M, N et n. En effet, par décalage, on se ramène au cas n = 1, et là,
ôn doit utiliser (3.1) et (3.2).

THÉORÈME 3.4. Soient M, N deux A-modules et

[*

d2 p 1 ---+
... ---+ di do M ---+ O
R0 ---+

respectivement une résolution injective de N et une résolution projective de M.


Pour tout n ~ 0, on a un isomorphisme

fonctoriel en Met N. En d'autres termes, En(M,N)-=.En(M,N).

DÉMONSTRATION. Pour appliquer le lemme de décalage, on a besoin des


noyaux del* et P•. Posons que Ui = Kerdi et que V3 = ImdH 1 ; on a des
suites exactes courtes

avec i ~ 0 et U-1 = M, et
o---+ v;- 1 ---+ J3 ---+ v; ---+ o
3. FONCTEURS D'EXTENSION 249

avec j ~ 0 et v- 1 = N. On en déduit un diagramme commutatif à lignes et à


colonnes exactes
0 0 0

o --+
1 1 u
1 .
HomA(U,_ 1 ,vi- 1) - t HomA(U,_ 1 ,Ji) - t HomA (U,_ i. V 3 ) - t E 1(U,_1,vi- 1) - t 0

0 -t
1
HomA(P,,vi- 1) -t HomA(P,,Ji)
1 V
-t
1
HomA(P,,Vi) -t 0

11 ul w
hl
0 -t HomA(u,,v 3- 1) -t HomA(U-.Ji) -t HomA(U-.Vi) -t E1(U,,V;-1) -t 0

1
E1CU•-i.v 3- 1)
1
0
1
E1CU•-i.V 3)

10
10

Le lemme du serpent (II.3.6) appliqué à /, g, h donne une suite exacte

0----+ HomA(Ui-li V 3- 1) ----+ HomA(Ui-1,I;) ....!..+ HomA(Ui-li V1) ----+


----+ E1(Ui-li v 3- 1) ----+O.

Donc E1{Uï-li v1- 1)-=. Cokeru-=.E1(Uï-i. v1- 1). Si on pose i = j = O, cela


montre l'énoncé pour n = 1. Comme, d'autre part, v et g sont des épimorphismes,
on a

E1(Uï-i. V 3) -=. Cokerh


-=. Cokerhv
-=. Cokerwg
-=. Cokerw
-=. E 1 (Ui, y1- 1 ).

Cela permet d'obtenir l'énoncé cherché, par décalage: en effet, sin~ 1, on a

En+1(M,N) -=. En(M, vo)-=. ... -=.E1(M, yn-1)


-=. E1(U_i. yn-1)-=. ... -=. E1(Un-i. y-1)
-=. E1Wn-i.N)-=. ... -=.En+1(M,N).

Comme ces isomorphismes sont obtenus à partir des isomorphismes fonctoriels


des lemmes précédents, ils sont également fonctoriels. D

DÉFINITION. Soient M, N deux A-modules. La valeur commune de En(M, N)


et En(M, N) est appelée nième module d'extension de N par M. Elle est notée
Ext:4(M,N).
250 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

Nous avons bien montré que Ext'A(-, -) est un bifoncteur, covariant dans la
seconde variable et contravariant dans la première. Nous avons aussi démontré
le théorème suivant.
THÉORÈME 3.5. (a) Soient Mun A-module, et 0---+ N'---+ N---+ N"--+
0 une suite exacte courte de Mod A. Il existe une suite exacte longue de coho-
mologie dans Mod K

0-+ HomA(M,N')-+ HomA(M,N)-+ HomA(M,N")~ Ext~(M,N')-+ ···


· · ·-+ Ext'A(M,N')-+ Ext'A(M,N)-+ Ext'A(M,N") ~ ExtA_+l(M,N')-+ · ..
avec tous les morphismes fonctoriels.
(b) Soient N un A-module, et 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite
exacte courte de Mod A. Il existe une suite exacte longue de cohomologie dans
ModK
0-+ HomA(M", N)-+ HomA(M, N)-+ HomA(M', N) ~ Ext~ (M", N)-+ · · ·
· · ·-+ Ext'A (M", N)-+ Ext'A (M, N) -+ ExtA. (M', N) ~ ExtA_+ 1 (M", N)-+ · ·.
avec tous les morphismes fonctoriels. D
Ce théorème précise ce qui a été dit dans l'introduction à ce chapitre : le
foncteur Ext corrige le manque d'exactitude à droite du foncteur Hom. Le lecteur
pourra par lui-même reformuler les lemmes (3.1) et (3.3) avec la notation Ext.
Quant à nous, nous donnons la généralisation suivante du lemme (3.2).

THÉORÈME 3.6. (a) Les conditions suivantes sont équivalentes pour un A-


module N:
(i) N est injectif.
(ii) Ext~ (-, N) = O.
(iii) Ext'A(-,N) = 0 pour tout n ~ 1.
(b) Les conditions suivantes sont équivalentes pour un A-module M :
(i) M est projectif.
(ii) Ext~ (M, - ) = O.
(iii) Ext'A(M, -) = 0 pour tout n ~ 1.
DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)
étant semblable. On a prouvé en (3.2) que (i) implique (iii). Comme il est clair
que (iii) implique (ii), il reste à montrer que (ii) implique (i). Supposons donc
que le A-module N est tel que Ext~ (-, N) = O. Pour montrer que N est injectif,
il suffit, d'après (IV.3.3), de montrer que toute suite exacte courte de la forme

0---+N_!__.U~V--+O
est scindée. Or une telle suite exacte de Mod A induit, d'après (3.5), une suite
exacte de Mod K
HomA(f,N) l
· · ·---+ HomA(U,N) HomA(N,N)---+ ExtA(V,N) =O.
3. FONCTEURS D'EXTENSION 251

Par conséquent, Hom A(!, N) est surjective et il existe f' : U ---+ N tel que
lN = HomA(f, N){f') = f' f. Cela montre bien que f est une section. D
Enfin, Ext se comporte comme Hom vis-à-vis des sommes et des produits.
THÉORÈME 3.7. (a) SoientN un A-module, (M.x)>.eA unefamille de A-modu-
les et n 2: O. On a un isomorphisme fonctoriel

Ext~HE9M.x,N)-=+ II ExtÂ(M.x,N).
ÀEA ÀEA
{b) Soient M un A-module, (N.x).xeA une famille de A-modules et n 2: O. On
a un isomorphisme fonctoriel

Ext (M, II N.x)-=+ II Ext (M, N.x).


ÀEA ÀEA
DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)
étant semblable. Le cas n = 0 a déjà été vu en (III.2.6). Pour chaque À E A, on
a une suite exacte courte
0 ---+ L.x ---+ P.x ---+ M.x ---+ 0
avec P.x projectif. On en déduit une suite exacte courte

0---+ E9L.x---+ E9P.x---+ E9M.x---+ 0


ÀEA ÀEA ÀEA
où ffi.xeA P.x est projectif, d'après (IV.2.3). Appliquant HomA{-, N) à chacune
de ces suites et utilisant l'isomorphisme connu dans le cas n = 0, on obtient un
diagramme commutatif à lignes exactes
HomA(ffi.xeA P.x, N) ---+ HomA(ffi.xeAL.x,N)---+ Ext~(ffi.xeAM.x,N)---+ 0

11 11
TI.xeA HomA(P.x, N) ---+ IheAHomA(L.x,N) ---+ TI.xeAExt~(M.x,N) ---+ 0
d'où, par passage aux conoyaux, un isomorphisme

Ext~(E9M.x,N)-=+ II Ext~(M.x,N).
ÀEA ÀEA
Cela prouve l'énoncé pour n = 1. Sin> 1, on a un diagramme à lignes exactes
0 ---+ Ext:r 1 (ffi.xeAL.x,N) ---+ ExtÂ(ffi.xeAM.x,N) ---+ 0
11
0 ---+ I1.xeAExt~- 1 (L.x,N) ---+ TI.xeAExt~- 1 (M.x,N) ---+ 0
d'où le résultat. D
Notons que, si M (ou N) est un bimodule, il suit alors des définitions que
Ext (M, N) acquiert une structure induite de module. Les isomorphismes précé-
dents deviennent alors des isomorphismes pour cette structure induite. On ter-
mine cette section avec un exemple de calcul.
252 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

EXEMPLE 3.8. Soient A une K-algèbre et a E A qui n'est pas un diviseur


de zéro à gauche. Cette condition revient à dire que l'application A-linéaire
f : AA -+ AA définie par f(x) = ax (pour x E A) est injective. On en déduit
l'existence d'une suite exacte courte de A-modules
0 --+ AA L AA --+ A/ aA --+ O.
Soit maintenant Mun A-module arbitraire. Si on applique à cette dernière
suite le foncteur HomA(-, M), on obtient une suite exacte
HomA(f,M)
0--+ HomA(A/aA, M) --+ HomA(A, M) HomA(A, M) --+
Ext~(A/aA,M)--+ Ext~(A,M) = O
où le dernier terme s'annule, car AA est projectif. Il suit alors de l'isomorphisme
de foncteurs HomA(A, -) ~ lModA que l'on a une suite exacte

ML M--+ Ext~(A/aA,M)--+ 0
où f(m) =ma (pour m E M) et le K-module Ext~(A/aA,M) est donc iso-
morphe au conoyau M /Ma de ]. Si A est commutatif, cet isomorphisme est un
isomorphisme de A-modules. Par exemple, pour tout entier n ~ 1 et tout groupe
abélien G, on a Exti(Zi,G) ~G/nG.

4. Foncteurs de torsion
Nous voulons maintenant étudier les foncteurs dérivés à gauche du produit
tensoriel. Ce dernier est un bifoncteur, covariant dans chaque variable, et on
verra qu'il en est de même pour ses fonctems dérivés à gauche.
Soit Mun A-module. Le foncteur M ®A - : ModA0 P -+ ModK est cova-
riant. Le nième foncteur dérivé à gauche de M ®A - sera noté (provisoirement)
Tn(M, - ). L'image d'un A0 P-module AN sera notée Tn(M, -)(N) = Tn(M, N).
Ainsi, pour calculer ~(M, N), on considère une résolution projective de AN
dans ModA0 P
di P.0 --+
d2 p 1 --+
... --+ p.2 --+ do N --+ o.

Alors Tn(M, N) est égal au nième module d'homologie du complexe de K-


modules

c'est-à-dire
Tn(M, N) = Hn(M ® (PN ).) = Ker(M ® dn)/ Im(M ® <Ïn+i)
et ce module ne dépend pas du choix de la résolution projective initiale. On
a montré en (2.6) que, si 0 --+ N' --+ N --+ N" --+ 0 est une suite exacte
courte de ModA0 P, il existe une suite exacte longue d'homologie de ModK

... --+ Tn+ 1 (M,N") ~ Tn(M,N')--+ Tn(M,N)--+ Tn(M,N")--+ · · ·


· · · --+ T 1 (M, N") ~ T 0 (M, N')--+ T 0 (M, N) --+ T 0 (M, N") --+ 0
4. FONCTEURS DE TORSION 253

avec tous les morphismes fonctoriels. En particulier, T 0 (M, -) est exact à droite
et Tn(M, - ) = 0 pour tout n < O.
Soit maintenant N un A-module à gauche. Le foncteur - ®AN: ModA---+
Mod K est covariant. Le nième foncteur dérivé à gauche de -®AN sera noté (pro-
visoirement) Tn(-,N). L'image d'un A-module M sera notée Tn(-,N)(M) =
Tn(M, N). Ainsi, pour calculer Tn(M, N), on considère une résolution projective
de M dans Mod A
"2 p i ---+
. . . ---+ p.2 ---+ do M ---+ 0.
di R 0 ---+

Alors Tn(M, N) est égal au nième module d'homologie du complexe de K-modules

. . . ---+ p.2 ® N d2®Np


---+ i ® Ndi®NR
---+ 0 ® N ---+ 0

c'est-à-dire

et ce module ne dépend pas du choix de la résolution projective initiale. En


{2.6), on a montré que, si 0---+ M' ---+ M---+ M" ---+ 0 est une suite exacte
courte de Mod A, il existe une suite exacte longue d'homologie de Mod K

··· ---+Tn+i(M",N) ~Tn(M',N)---+Tn(M,N)---+Tn(M",N)---+ ···


· · ·---+ Ti(M", N) ~ To(M', N) ---+ To(M, N) ---+ To(M", N)---+ 0
avec tous les morphismes fonctoriels. En particulier, T0 (-, N) est exact à droite
et Tn(-, N) = 0 pour tout n < O.
Notre objectif à présent est de montrer la compatibilité de ces deux construc-
tions, c'est-à-dire l'existence d'isomorphismes Tn(M, N) ..=. Tn(M, N) pour tout
n;::: 0, fonctoriels en Met en N. On procédera comme à la section 3.

LEMME 4.1. (a) Pour tout A-module M, il existe un isomorphisme de fonc-


teurs T 0 (M, -) .=.M ®A-.
{b) Pour tout A op -module N, il existe un isomorphisme de foncteurs T0 ( - , N)
..=. - ®AN.

DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)


étant semblable. Soient N un A-module à gauche et

. . . ---+ p.2 ---+


d2 p i ---+ do N ---+ O
di R 0 ---+

une résolution projective de N. Alors on a le complexe M ® (PN ).


M®d2 M®di
· · · ---+ M ® P2 - M ®Pi - M ®Po ---+ 0
et T 0 (M,N) = H 0 (M®(PN).) = (M®Po)/Im(M®di) = Coker(M®di). Par
contre, en appliquant M ®A - à la suite exacte

Pi ~ Po ~ N ---+ 0
254 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

on obtient une suite exacte


M®d1 M®do
M®P1 -M®Po-M®N--+o.

Par conséquent, M ® N..; Coker(M ® d 1 )..; T 0 (M, N). On a l'isomorphisme


cherché. La fonctorialité se vérifie aisément. D

LEMME 4.2. (a) Si MA est plat {par exemple projectif}, alors Tn(M, N) = O
pour tout A op -module N et tout n ~ 1.
(b) Si AN est plat {par exemple projectif}, alors Tn(M, N) = 0 pour tout
A-module M et tout n ~ 1.

DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)


étant semblable. Soient N un A0 P-module et

une résolution projective. Comme M est plat, le foncteur M ®A - est exact.


Par conséquent, le complexe M ® P* est exact et donc M ® (PN )* est exact dans
tout degré ~ 1. Donc ~(M, N) = Hn(M ® (PN )*) = 0 pour tout n ~ 1. D

LEMME 4.3 (DE DÉCALAGE). (a) Soient M un A-module, N un A 0 P-module


et

p* ... --+ p.2 d2


--+ p1 di
--+ R0 do
--+ N --+ O

une résolution projective. Posant que Ln = Ker dn pour n ~ 0, on a des isomor-


phismes fonctoriels

Tn+l(M, N)..; Tn(M, Lo)..; · · · ..; T 1(M, Ln-1).

(b) Soient N un A-module, Mun A 0 P-module et

P'
*
une résolution projective. Posant que L~ = Ker d~ pour n ~ 0, on a des isomor-
phismes fonctoriels

Tn+1(M,N) ..;Tn(L~,N)..; .. · ..;T1(L~-1 1 N).


DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de
(b) étant semblable. Par récurrence, il suffit de montrer le premier isomor-
phisme Tn+ 1(M, N)..; Tn(M, L 0 ). La résolution projective P* de N induit une
résolution projective P~ de Lo :

P'
*
Appliquant M ®A - au complexe (P.f.0 )*, on obtient
4. FONCTEURS DE TORSION 255

Donc
Tn(M, Lo) = Hn(M ® (PL 0 )*)
= Ker(M ® dn+i)/Im(M ® dn+2)
-.::+ Hn+i(M ® (PN).)
= Tn+l(M, N).
Enfin, la fonctorialité est évidente. D
Nous pouvons maintenant formuler le résultat principal de cette section.
THÉORÈME 4.4. Soient Mun A-module, N un A 0 P-module et
· · · ---+ P2 ---+ P1 ---+ Po ---+ M ---+ 0

P' · · · ---+ P~ ---+ P{ ---+ P6 ---+ N ---+ 0


*
respectivement une résolution projective de M et une résolution projective de N.
Pour tout n ~ 0, on a un isomorphisme

fonctoriel en Met N. En d'autres termes, rn(M,N)-=+Tn(M,N).


DÉMONSTRATION. Semblable à celle du théorème (3.4) et laissée en exer-
cice.D
DÉFINITION. Soient Mun A-module et N un A0 P-module. La valeur com-
mune de Tn(M, N) et de Tn(M, N) est appelée le nième module de torsion de M
et N. Elle est notée Tor~(M, N).
Nous avons donc montré que Tor~(-,-) est un bifoncteur, covariant dans
chacune de ses deux variables. Nous avons aussi démontré le théorème suivant.
THÉORÈME 4.5. (a) Soient M un A-module, et 0---+ N'---+ N---+ N"---+
0 une suite exacte courte de Mod A op. Il existe une suite exacte longue d 'homolo-
gie dans Mod K

· · · -+ Tor~+l (M, N") .!.,. Tor~(M, N') -+ Tor~(M, N) -+ Tor~(M, N") -+ · · ·


· · · -+ Torf (M, N") .!.,. M ® N' -+ M ® N-+ M ® N" -+ 0
avec tous les morphismes fonctoriels.
(b) Soient N un A op -module, et 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite
exacte courte de ModA. Il existe une suite exacte longue d'homologie dans
ModK
· · · -+ Tor~+i ( M", N) .!... Tor~ (M', N) -+Tor~ (M, N)-+ Tor~ ( M", N) -+ · · ·
· · ·-+ Torf(M", N) .!.,. M' ® N-+ M ® N-+ M" ® N-+ 0
avec tous les morphismes fonctoriels. D
256 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

On voit bien que le foncteur Tor corrige le manque d'exactitude à gauche


du foncteur produit tensoriel. On laisse au lecteur le soin de reformuler les
lemmes (4.1) et (4.3) avec la notation Tor. Pour notre part, nous montrerons la
généralisation suivante du lemme (4.2).

THÉORÈME 4.6. (a) Les conditions suivantes sont équivalentes pour un A-


module M:
(i) M est plat.
(ii) Tort(M, -) =O.
(iii) Tor!(M, - ) = 0 pour tout n ~ 1.
(b) Les conditions suivantes sont équivalentes pour un A-module N :
(i) N est plat.
(ii) Tort(-, N) =O.
(iii) Tor!(-, N) = 0 pour tout n ~ 1.

DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)


étant semblable. On a prouvé en (4.2) que (i) implique (iii). Comme il est clair
que (iii) implique (ii), il reste à montrer que (ii) implique (i). Supposons donc que
le A-module M est tel que Tort(M, -) = 0 et soit 0 -----+ N' -----+ N -----+ N" -----+ 0
une suite exacte de A-modules à gauche. Il suit du théorème (4.5) que l'on a
une suite exacte de Mod K

0 = Tort(M, N") -----+ M ® N' -----+ M ® N-----+ M ® N" -----+O.

Donc M ®A - est exact : M est plat. D

Rappelons que, si A est noethérienne, il y a identité entre modules plats de


type fini et modules projectifs de type fini (VI.2.8) : le théorème (4.6) caractérise
alors les modules projectifs de type fini.
Enfin, Tor se comporte comme le produit tensoriel vis-à-vis des sommes di-
rectes.

THÉORÈME 4.7. (a) Soient N un A 0 P-module, (MùxeA une famille de A-


modules et n ~O. On a un isomorphisme fonctoriel

Tor:(EBMÀ,N)-=+ EBTor:(MÀ,N).
ÀEA ÀEA

(b) Soient M un A-module, (NÀheA une famille de A-modules et n ~O. On


a un isomorphisme fonctoriel

Tor:(M, EB NÀ)-=+ EB Tor:(M, NÀ)·


ÀEA ÀEA

DÉMONSTRATION. Semblable à celle du théorème (3.7) et laissée comme exer-


cice. D
4. FONCTEURS DE TORSION 257

Notons que, si M (ou N) est un bimodule, alors il suit des définitions que
Tor:(M, N) acquiert une structure induite de module. Les isomorphismes pré-
cédents deviennent alors des isomorphismes pour cette structure. On a d'autre
part la généralisation suivante de (V.1.3}(i) et (V}, exercice 8, qui n'a pas
d'analogue pour Ext et qui permet d'échanger les deux variables de Tor.
PROPOSITION 4.8. Soient MA, AN deux A-modules et n ~ O. On a un iso-
morphisme fonctoriel Tor: (M, N) -=. Tor: •P ( N, M). En particulier, si A est une
algèbre commutative, alors Tor:(M, N)-=. Tor:(N, M).
DÉMONSTRATION. Soit
· · · --+ P1 --+ Po --+ M --+ 0
une résolution projective de M. D'après (V}, exercice 8, on a des isomorphismes
fn : Pn ®AN-+ N ®A•P Pn définis pour chaque n ~ 0 par Yn ® x 1-+ x ® Yn (où
x EN et Yn E Pn)· La famille de morphismes Un)n?.O induit un isomorphisme de
complexes (PM).® N-=. N ®(PM)*. Les modules d'homologie de ces complexes
sont donc isomorphes. O
EXEMPLE 4.9. Soient A une K-algèbre et I un idéal à gauche de A. L'inclu-
sion canonique j: I-+ A induit une suite exacte de ModA0 P

0--+ I ~A--+ A/I--+ O.


Soit M un A-module arbitraire. Si on applique à cette dernière suite le foncteur
M ®A-, on obtient une suite exacte
M®"
0 = Tort(M, A) -+ Tort(M, A/ I) -+ M ®Al ~ M ®A A -+ M ®A A/l-+ 0
où le premier terme s'annule car AA est projectif (donc plat). Étant donné
l'isomorphisme fonctoriel M ®A A-=. M, il en résulte que Tort(M, A/I) est iso-
morphe au noyau de l'application M ®AI-+ M définie par m ® x 1-+ mx (où
m E Met x E J). De même, sin> 0, on voit que

Tor:+l (M, A/!)-=. Tor:(M, !).


Il existe plusieurs identités fonctorielles reliant Ext et Tor. Nous en prouverons
une, qui généralise (VI.2.7}. Nous avons besoin du lemme suivant.
LEMME 4.10. Soit I un A-module injectif Pour tout complexe ascendant C*
de A-modules et tout n ~ 0, on a des isomorphismes fonctoriels de K -modules

Hn(HomA(C*,1))-=. HomA(Hn(C*),I).
DÉMONSTRATION. Soit en effet C* = (Cn,dn)

C*
On a, pour tout n, une suite exacte courte de A-modules
0--+ lmdn--+ Kerdn+l--+ Hn(C*)--+ O.
258 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

En appliquant le foncteur exact Hom A ( - , 1), on obtient la suite exacte


0--+ HomA(Hn(C*),1)--+ HomA(Kerdn+l,l)--+ HomA(lmdn,l)--+ O.

L'exactitude de HomA(-,1) donne en outre

Hom A{Ker dn+l, 1) ..==. Coker Hom A(dn+l, 1)


= HomA(cn,l)/ImHomA(~+l,l)

et
HomA {lm~, 1) ..==. Coim HomA ( ~, 1)
= HomA(Cn,l)/KerHomA(dn,l).
La suite exacte courte
0--+ HomA(Hn(C*),l)--+ HomA(cn,l)/ImHomA(dn+l,l)--+
HomA(cn,l)/KerHomA(dn,1)--+ 0
et le théorème d'isomorphisme donnent alors

HomA(Hn(C*),1) ..==. KerHomA(dn,1)/ImHomA(dn+1,1)


Hn(HomA(C*, 1)). D
THÉORÈME 4.11. Soient A une K-algèbre noethérienne, B une K-algèbre,
LA un A-module de type fini, sMA un (B - A)-bimodule et sl un B 0 P-module
injectif Pour tout n ~ 0, on a des isomorphismes fonctoriels

Tor:(L, Homs(M, 1))..::. Homs(Ext~ (L, M), 1).


DÉMONSTRATION. Comme A est noethérienne et que LA est un module de
type fini, il existe une résolution projective
· · · --+ P2 --+ P1 --+ Po --+ L --+ 0
avec chaque P;, un A-module projectif de type fini. Comme sl est injectif, il suit
de (VI.2.7) que l'on a un isomorphisme fonctoriel

L ®A Homs(M, 1)..::. Homs(HomA(L, M), 1).


Si on remplace L par chaque terme de (PL)., on obtient un isomorphisme de
complexes

Les modules d'homologie respectifs de ces deux complexes sont donc isomorphes.
Le lemme (4.9) donne donc

Hn((PL)• ®A Homs(M,I)) ~ Hn(Homs(HomA((PL).,M),1))


..::. Homs(Hn(HomA((PL)., M), 1).

On a bien Tor:(L,Homs(M,1))-=. Homs(Ext~(L,M),l). D


4. FONCTEURS DE TORSION 259

En particulier, si K est un corps et si A est une K-algèbre de dimension finie,


on sait qu'il existe une dualité D = HomK(-, K) entre A-modules à droite et
A-modules à gauche de type fini. On en déduit l'énoncé suivant.

COROLLAIRE 4.12. Soient K un corps, A une K -algèbre de dimension finie


et L, M deux A-modules de type fini. Pour tout n;::: 0, on a des isomorphismes
fonctoriels
Tor~(L, DM)-=. DExt~(L, M).
En particulier, L ®A DM-=. DHomA(L,M).

DÉMONSTRATION. En effet, K est un K-module injectif. D


Notons que le deuxième énoncé du corollaire découle déjà de (VI.2.7), ainsi
qu'on l'a dit en (VIII.4).
Pour terminer cette section, remarquons que (4.6) semble suggérer que, dans la
définition des foncteurs de torsion, on peut remplacer les résolutions projectives
par des résolutions plates (voir (V.2)). Démontrons que c'est le cas.

LEMME 4.13. Soient MA et AN deux A-modules et n ;::: O.


(a) Si P. · · · --+ P2 ~Pi ~Po ~ M--+ 0 est une résolution
plate de MA, alors on a un isomorphisme fonctoriel

d' d' d'


(b) Si P~ --+ P~ ~ P{ ---..!..+ Pô ~ N --+ 0 est une résolution
plate de AN, alors on a un isomorphisme fonctoriel

Tor~(M,N)-=.Hn (M ®A (P/v).).
DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)
étant semblable. On utilise la récurrence et le décalage. L'énoncé est vrai pour
n = 0, car - ®AN est exact à droite. Soit 0--+ L -1.+ Po~ M--+ 0 exacte
courte, alors on a une suite exacte

0 --+ Tort(M, N) --+ L ®A N ~ Po ®A Nd~ M ®A N --+ 0

d'où Tort{M, N)-=. Ker(!® N). Or L = Ker do donne une suite exacte P2 ~
Pi ~ L--+ 0, où di = fg. On en déduit la ligne supérieure du diagramme
commutatif à lignes exactes

L®AN ---+ 0

lf®N
0 ---+ Ker( di® N) Po®N
où l'existence du morphisme u découle de ce que (d2 ® N) (di ® N) = O. Comme
il est clair que Im u = Im(d2 ® N), le lemme du serpent (II.3.6) entraîne que
260 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

_ Ker(d1 ® N) _
Ker(!® N) - Im(d2 ® N) - H1 ((PM) .. ®AN). Pour n ~ 2, on considère la
résolution plate

de L et on déduit de la récurrence

5. Suites exactes courtes et extensions


L'expression "extension de N par M" a déjà été employée en (III.4.8) pour
désigner les suites exactes courtes de la forme

0 ---+ N ---+ E ---+ M ---+ O.

Nous étudierons maintenant la relation entre ces suites exactes courtes et le


premier module d'extension Ext1(M,N). Nous commençons par définir une
relation d'équivalence sur l'ensemble des extensions de N par M. Les extensions

e 0---+NLE~M--+O

et
!' I
e' 0---+N--+E'~M--+O

sont dites équivalentes s'il existe un morphisme h: E - E' tel que hf = f' et
g'h = g. En d'autres termes, e et e' sont équivalentes s'il existe un diagramme
commutatif à lignes exactes de la forme

e 0---+NL E ~M--+O

e'

Il suit immédiatement du lemme des 5 (voir (11.3.5)) que, si e et e' sont équivalen-
tes, alors le morphisme h est un isomorphisme et par conséquent E -=. E'. Il
est important toutefois de remarquer que cette dernière condition ne suffit pas
pour définir une équivalence entre e et e' : il faut non seulement qu'il existe
un isomorphisme entre E et E', mais aussi qu'un tel isomorphisme rende le
diagramme ci-dessus commutatif.
Il est facile de vérifier que la relation précédente définit bien une équivalence
sur l'ensemble des extensions de N par M. La classe d'équivalence d'une exten-
sion e sera notée [e], et l'ensemble quotient &(M, N). L'objectif de cette section
est de montrer que &(M, N) s'identifie à Ext1 (M, N). On en déduira une forme
explicite pour le premier morphisme de liaison dans les suites exactes de (3.5).
5. SUITES EXACTES COURTES ET EXTENSIONS 261

EXEMPLES 5.1. (a) Soient M, N deux A-modules. Deux extensions de N par


M qui sont scindées en tant que suites exactes sont toujours équivalentes : en
effet, il suit de la définition d'une suite exacte courte scindée que toute extension
scindée de N par M est équivalente à

m
0--+ N---+ MœN---+ M--+ O.
1101

(b) Soit 0 --+ Zp L E ~ Zp --+ 0 une suite exacte courte de Mod Z (où
p est un nombre premier). Alors l'ordre du groupe E est égal à p2 • D'après le
théorème fondamental de structure des groupes abéliens finis, on a donc deux
termes médians possibles, à savoir E ..; Zp œZp et E ..; Zp2. Dans le premier
cas, la suite exacte est scindée. Nous montrerons que, si p =f. 2, alors il existe au
moins deux suites exactes non équivalentes dont le terme médian est Zp2. Soient
en eff~t, d'une part,

e
où f: I 1-+ pet où g est le conoyau de f, et, d'autre part,

e'
où f' : I 1-+ 2p et où g' est le conoyau de f'. Alors Im f' = pZP2 = Im f :
en effet, il est clair que Im f est le sous-groupe de Zp2 engendré par p, et pour
montrer que Im f' est aussi égal à ce sous-groupe, il suffit de montrer que p E
2pZp2, c'est-à-dire qu'il existe k tel que p = 2kp, ou encore tel que p divise
2k - 1, et c'est évidemment le cas puisque p est un nombre premier distinct de
2. Par conséquent, g = g'. Si donc e et e' étaient équivalentes, il existerait un
morphisme h : Zp2 -+ Zp2 tel que f' = hf et g'h = g. La première relation
donnerait h(p) = 2p, et cela contredirait la seconde.
Montrons maintenant comment utiliser des morphismes pour construire, à
partir d'extensions données, de nouvelles extensions.
Soit un diagramme à ligne exacte de Mod A
V

vl
e 0 --+ L L M ~ N --+ 0 .
Il suit de (III.5.5) que ce diagramme peut être complété en un diagramme corn-
mutatif à lignes exactes
!' g'
e' 0 --+ L --+ u --+ V --+ 0
l lL lu lv
e 0 --+ L L M ~ N --+ 0

où (U, u, g') est un produit fibré de v et g. En outre, l'extension e' est uniquement
déterminée à équivalence près. On a montré qu'un morphisme v: V-+ N induit
262 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

une application &(v, L) : ê(N, L) -+ &(V, L). L'image (e'] de la classe (e] est
notée &(v,L)[e] = (ev].
Dualement, soit un diagramme à ligne exacte de Mod A

e o- L LM-!!...+N-o
lu
u
Il suit de (IIl.5.9) que ce diagramme peut être complété en un diagramme corn-
mutatif à lignes exactes

f -!!...+ N
e 0 ---+ L ---+ M ---+ 0

lu lv llN
!' g'
e' 0 ---+ u ---+ V ---+ N ---+ 0

où (V, v, f') est une somme amalgamée de v et f'. En outre, l'extension e'
est uniquement déterminée à équivalence près. On a montré qu'un morphisme
u : L-+ U induit une application &(N, u) : &{N, L) -+ &(N, U). L'image (e'] de
la classe [e] est notée &(N, u)[e] = (ue].
Le lecteur pourra facilement démonstrer que&{-,-) est un bifoncteur (ap-
pliquant deux modules sur un ensemble) covariant dans sa seconde variable et
contravariant dans sa première.
Pour comparer l'ensemble &(M, N) avec le K-module Ext~(M, N), nous com-
mençons par construire une application du premier dans le second. Soit e une
extension de N par M

e 0 ---+ N L E -!!...+ M ---+ o.


Le foncteur HomA(M, -) appliqué à e donne une suite exacte de cohomologie

HomA(M,g) lia l
···---+ HomA(M,E) ---+ HomA(M,M)---+ ExtA(M,N)---+ ···

où on a noté 60 le morphisme de liaison. On affirme que l'élément 60 {lM) E


Ext~(M, N), que l'on appelle la classe caractéristique ou l'obstruction de e, ne
dépend que de la classe d'équivalence [e]. Soit en effet

!'
0-+N-+E'~M'-+O
I
e'

une extension équivalente. Il existe un diagramme commutatif à lignes exactes

e 0 ---+ N L E -!!...+ M ---+ 0


llN l llM
!' g'
e' 0 ---+ N ---+ E' ---+ M ---+ 0
5. SUITES EXACTES COURTES ET EXTENSIONS 263

La fonctorialité du morphisme de liaison donne un carré commutatif

HomA(M,M)

11
- 6.
Ext1(M,N)

11
HomA(M,M)
- 6••
Ext1(M,N)

et donc ôe(lM) = Ôe•(lM)· On a ainsi défini une application cp = 'PM,N :


&(M,N)--+ Ext1(M,N) par cp(e) = ôe(lM)·
Montrons maintenant comment calculer spécifiquement la classe caractéristi-
que cp(e] de e. Soit

... --+ d2 p 1 --+


p.2 --+ do M --+ O
di R0 --+

une résolution projective de M, alors il suit du théorème de comparaison (2.1)


que l'on a un diagramme commutatif à lignes exactes

--+ M --+ 0

llM
e 0 --+N~E~M--+O

En particulier, hid2 = 0 de telle sorte que hi E KerHomA(d2,N). Comme

Ext1(M,N) = H 1 (HomA ((PM)* 1 N))


= KerHomA(d2,N)/ImHomA(d1,N)

il s'ensuit que hi détermine un élément hi+ ImHomA(di,N) de Ext1(M,N).


D'autre part, le théorème (2.1) dit aussi que h 1 est uniquement déterminé à ho-
motopie près (et donc sa classe dans H 1 (HomA ((PM)* 1 N)) est uniquement
déterminée), et enfin hi ne change pas si on remplace e par une extension
équivalente de telle sorte que h 1 + lm HomA ( d1, N) ne dépend que de la classe
[e).
Il est possible d'exprimer autrement le morphisme hi. Notons L = Imd1 et
p: Pi --+ L, j : L--+ Po respectivement la projection et l'inclusion canoniques,
alors la relation hid2 = 0 signifie qu'il existe h : L --+ N tel que h 1 = hp, de
sorte que l'on a un diagramme commutatif à lignes exactes

eo 0 --+ L ~ Po
do
--+ M --+ 0
lh l ho llM
e 0 --+ N ~ E ~ M --+ 0

En particulier, on a [e) = [heo).

LEMME 5.2. Avec les notations précédentes, cp[e) =hi +ImHomA(di,N).


264 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

DÉMONSTRATION. Il s'agit de calculer l'image de lM par Ôe : HomA (M, M) ~


Ext1(M, N). Pour ce faire, on observe que les suites exactes e 0 et e induisent
un diagramme commutatif à lignes et à colonnes exactes
0 0 0

0 --+
l
HomA(M,N) --+
l
HomA(M,E) --+
l
HomA(M,M)

0 --+
l
HomA(Po,N) --+
l
HomA(Po,E) --+
l
HomA(Po,M) --+ 0

0 --+
l
J;IomA(L, N) --+
l
HomA(L,E) --+
l
HomA(L,M)
où tous les morphismes sont des morphismes induits. Le morphisme Ôe est obtenu
par une application du lemme du serpent (II.3.6) aux deux lignes inférieures, donc
la classe caractéristique ô8 {1M) est égale à

HomA(p,N) HomA(L,f)- 1 HomA(j,E)HomA(Po,g)- 1 HomA(do, M)(lM)


+ ImHomA(d1, N)
= HomA(p,N) HomA(L,f)- 1 HomA(j,E) HomA(Po,g)- 1{do)
+ImHomA(d1,N).
Le morphisme ho : Po-+ E satisfait à do= gho = HomA(Po,g)(ho) de telle sorte
que
6e{1M) = HomA(p,N)HomA(L,f)- 1 HomA(j,E)(ho) +ImHomA(d1,N)
= HomA(p,N)HomA(L,f)- 1 (hoj) +ImHomA(di,N).
Enfin, h: L-+ N satisfait hoj = fh = HomA(L, f)(h) et l'on a
6e{1M) = HomA(p,N)(h) +ImHomA(d1,N)
= hp + ImHomA(di, N)
= h1 + ImHomA(di, N). D
COROLLAIRE 5.3. cp[e] = 0 si et seulement si la suite exacte e est scindée. En
particulier, si Ext1 (M, N) = 0, alors toute extension de N par M est scindée.

DÉMONSTRATION. En effet, cp[e] = 0 si et seulement si h1 E ImHomA(di.N),


c'est-à-dire si et seulement s'il existe h' : Po -+ N tel que h 1 = h'd1 ou tel que
h = h' j. En vertu de la propriété universelle de la somme amalgamée E de h et
j, c'est le cas si et seulement si e est scindée. D

Remarquons qu'il existe une preuve de (5.3) utilisant simplement la définition


de cp : en effet, e est scindée si et seulement si g est une rétraction, ce qui est le
cas si et seulement si lM E ImHomA(M,g). Comme ImHomA(M,g) = Ker6e,
cela montre que e est scindée si et seulement si 68 (1M) =O.
Nous arrivons au résultat principal de cette section.
5. SUITES EXACTES COURTES ET EXTENSIONS 265

THÉORÈME 5.4. Soient M,N deux A-modules. L'application cp = 'PM,N :


&(M,N)---+ Ext~(M,N) est une bijection fonctorielle en Met N, dans laquelle
la classe de l'extension scindée correspond à 0 E Ext~{M,N).

DÉMONSTRATION. On construit l'application réciproque cp': Ext~{M,N)---+


&(M, N). Soit

• • • -----+ p.2 -----+


d2pi -----+
diR0 -----+
doM -----+ 0

une résolution projective de M. On note encore L = lm di, et p : Pi ---+ L et


j : L ---+ Po respectivement la projection et l'injection canoniques, de telle sorte
que l'on a une suite exacte courte
. do
0 -----+ L ....!.....+ Po -----+ M -----+ 0.

Soit x E Ext~ (M, N). Alors il existe hi : Pi ---+ N tel que hid2 = 0 et x =
hi +ImHomA{di, N). La condition hid2 = 0 revient à dire qu'il existe h: L---+ N
tel que hi= hp. On pose alors que cp'(x) = [heo].

0 -----+ M -----+ 0
liM
he 0 0----+ N .LE ~M----+O.
Il faut montrer que cette définition ne dépend pas du choix du représentant hi de
laclassex. Soient hi.hi E KerHomA{d2,N) tels que hi-hi E ImHomA{di,N),
c'est-à-dire tels qu'il existe s : Po ---+ N vérifiant hi - hi = sdi. Posant que
hi = hp et hi = h'p, on ah' - h = sj (puisque p est un épimorphisme). On a
alors un diagramme commutatif à lignes exactes

R0 do
0 -----+ -----+

l ho+fs

h'eo 0 -----+ E ~

En effet, fh' = f(h + sj) = hoj + f sj ={ho+ f s)j et g(ho + fs) = gho =do. Il
suit de l'unicité dans {III.5.9) que (he 0 ] = [h'e0 ]. Cela achève de montrer que cp'
est définie sans ambiguïté.
Il faut maintenant démontrer que cp et cp' sont mutuellement inverses. Mon-
trons d'abord que cpcp' = 1. Soit x = hi+ ImHomA(di,N) E Ext~(M,N),
alors cp'(x) = (heo], où h et eo sont comme plus haut. Il suit de (5.2) que
cp(heo] = hp + ImHomA(di,N) = x. Maintenant, montrons que cp'cp = 1.
Soit (e] E &(M,N), on a cp(e] = hp + ImHomA(di,N), où hp : Pi ---+ N
suit, comme on l'a vu, d'une application du théorème de comparaison. Alors
cp'cp(e] = cp'(hp + ImHomA(di,N)) = (heo], et on a (heo] = (e], par suite de
l'unicité en (III.5.9).
Enfin, la fonctorialité de cp résulte de celle du morphisme de liaison, et le
dernier énoncé découle de (5.3). D
266 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

On pourrait, dualement, partant d'une suite exacte


e 0 -----+ N -----+ E -----+ M -----+ 0,
lui appliquer le foncteur contravariant HomA(-, N) et considérer l'image de IN
par le morphisme de liaison Ôe: HomA~N,N)--+ Ext~(M,N). Elle permet de
définir une application &(M,N)--+ ExtA(M,N) par [e] 1--+ ôe(lN)· On montre
comme plus haut, en utilisant une résolution injective de N, que c'est une bi-
jection fonctorielle en Met N, dans laquelle la classe de la suite exacte scindée
correspond à 0 E Ext~(M,N).
Les bijections réciproques du théorème sont des bijections d'ensembles. Com-
me Ext~ (M, N) est un K-module, on peut transporter sa structure sur &(M, N),
faisant également de ce dernier un K-module. Nous ne décrirons pas ici cette
structure induite. Identifiant &(M, N) et Ext~(M, N) au moyen des bijections
ci-dessus, nous obtenons un corollaire très utile.

COROLLAIRE 5.5. (a) Soient M un A-module et e : 0 --+ N' --+ N --+ N" --+
0 une suite exacte courte, alors le morphisme de liaison HomA (M, N") --+
Ext~(M, N') est donné par v 1--+ [ev).
(b) Soient N un A-module et e : 0 --+ M' --+ M --+ M" --+ 0 une suite exacte
courte, alors le morphisme de liaison HomA ( M', N) --+ Ext~ (M", N) est donné
paru 1--+ [ue).

DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b)


étant semblable. Soit v E HomA(M, N"), on a un diagramme commutatif à
lignes exactes
ev 0 -----+ N' -----+ E -----+ M -----+ 0
l 1N'
l lv
e 0 -----+ N' -----+ N -----+ N" -----+ 0
qui induit, par application du foncteur HomA(M, -), un carré commutatif
6av
HomA(M,M) ---+

l HomA(M,v)
6.
HomA(M,N") ---+ Ext~(M,N')
à cause de la fonctorialité du morphisme de liaison. On a donc

Comme rp[ev) est identifié à [ev], la démonstration se trouve achevée. O

Il est possible de généraliser les résultats de cette section en donnant une


interprétation des modules Ext~(M,N) (avec n ~ 1) comme ensembles des
classes d'équivalence des suites exactes de la forme 0-----+ N-----+ En-----+···---+
E 1 -----+ M-----+ 0 ainsi que des morphismes de liaison correspondants. Nous ne
le donnerons pas ici et nous terminerons avec un exemple.
5. SUITES EXACTES COURTES ET EXTENSIONS 267

EXEMPLE 5.6. Soit p un nombre premier. Il suit de l'exemple à la fin de la


section 3 que l'on a Ext~(Zp, Zp) .=. Zp/pZp .=. Zp. D'autre part, par l'exemple
(5.I)(b) plus haut, les suites exactes courtes

0 --+ Zp ..!.!!...+ Zp2 ..!!...+ Zp --+ 0


où fk (avec 0 $ k $ p - 1) est défini par I 1-+ kp, forment un ensemble complet
de représentants des classes d'isomorphismes d'extensions de Zp par lui-même.
268 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

Exercices du chapitre IX
1. On considère Z comme une catégorie dont les objets sont les éléments et
pour chaque paire (n, k) où n E Z et k > 0, il existe un morphisme unique
n 1--+ n + k. Montrer que les complexes sur Mod A coïncident avec les foncteurs
Z ---+ Mod A et que les morphismes de complexes coïncident avec les morphismes
fonctoriels.
2. Montrer qu'un morphisme de complexes f* = Un)nez est un monomor-
phii;ime (ou un épimorphisme) si et seulement si chaque f n en est un.
3. Soient C! = (C~,d~) etc:= (c::,d~) deux complexes. Montrer que le
d; ])
complexe C! E9 c: = ( C~ E9 c::, [ d~ est la somme directe de C! et c: dans
la catégorie Comp*. Montrer que, pour tout n, on a Hn (C! E9 c:) ..::. Hn(C~) œ
Hn(C:).
4. Soit C* un complexe avec dn = 0 pour tout n. Montrer que Hn(C*) =On
pour tout n.
5. Démontrer en détail les résultats relatifs à la cohomologie donnés à la fin
de la section 1.
6. Soit 0 --+ C! --+ C* --+ c: --+ 0 une suite exacte courte de la catégorie
Comp*. Montrer que si deux des trois complexes C!, C*, c: sont exacts, le
troisième aussi est exact.
7. Soit J. : C* --+ C! un morphisme de complexes. Montrer que, si Ker f* et
Coker f* sont des complexes exacts, alors Hn(f*) est un isomorphisme pour tout
n.
8. On considère le complexe · · · --+ Z32 ~ Z32 ~ Z32 --+ · · · de Z-
modules, avec d(x) = 8x pour tout x E Z32. Calculer la suite exacte d'homologie.
9. Soient C* et C! deux complexes, et f*, g* : C* --+ C! deux morphismes
homotopes. Montrer que, pour tout foncteur contravariant F, les morphismes
F(f*) et F(g.) sont homotopes.
10. Un morphisme de complexes f * : c. --+ C! est un homotopisme s'il existe
f! : C! ---+ C* tel que f *!! ,...., le~ et f!f* ,...., le•.
(a) Montrer que, si/* : C*--+ C! est un homotopisme et si/!, J!': C!--+ C*
sont tels que f!f. ,...., le. et que f*f!',...., le~, alors f! ,...., !!'.
(b) Montrer que, si f* est un homotopisme, alors Hn(f*) est un isomor-
phisme pour tout n.
(c) Montrer que la composition de deux homotopismes est un homotopisme.
(d) Montrer que tout morphisme homotope à un homotopisme est lui-même
un homotopisme.

11. Soient C* un complexe et n E Z. Montrer que, pour tout foncteur exact


covariant (ou contravariant) F, on a Hn(FC*) ..==. FHn(C*) (ou Hn(FC*) ..==.
FHn(C*), respectivement).
EXERCICES DU CHAPITRE IX 269

12. (a) Soient e* = (en,dn), e~ = (e~,d~) deux complexes et f.,.: e*--+ e~


un morphisme. Pour chaque n, on pose que Mn = en-l El) e~ et on définit
8n : Mn --+ Mn-1 par 8n(Xn-1,x~) = (-dn-1(Xn-1),d~(x~) + fn-1{Xn-1)).
Montrer que Mf =(Mn, 8n) est un complexe (appelé le cône sur!).
{b) Soit et le complexe obtenu de e.,. en augmentant les indices de 1 :
et = en-1 1 avec les différentielles évidentes. Montrer que Hn (et) = Hn-l ( e.,.).
{c) Montrer qu'il existe une suite exacte de complexes

0 ---+
u. Ml v.
C*' ---+ * ---+
c+* ---+
0

où Un : e~ --+ en-1 El) e~ est donné par X~ 1-+ {O, x~) et Vn : en-1 El) e~ --+ en-1
est donné par (Xn-i.x~) 1-+ Xn-1·
{d) Montrer que la suite d'homologie de la suite exacte courte de (c) est

• • ·--+ Hn+i(e~)---+ Hn+1(Mf)---+ Hn(e.,.) ~ Hn(e~)---+ Hn(Mf)--+ · · ·


où le morphisme de liaison 8 est égal à Hn(f*), le morphisme induit de f.,..
13. Soient e.,. un complexe de A-modules, AMB un bimodule et NB un
module. Montrer l'existence d'un isomorphisme fonctoriel

14. Démontrer en détail {4.4).


15. Démontrer en détail (4.7).
16. Montrer que, si K est un corps et si MA et NA sont des modules de type
fini sur une K-algèbre de dimension finie A, alors Ext1(M,N) est un K-espace
vectoriel de dimension finie.
17. Montrer que, si K est un corps et si MA et AN sont des modules de type
fini sur une K-algèbre de dimension finie A, alors Tort{M, N) est un K-espace
vectoriel de dimension finie.
18. Soit 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte courte. Montrer
que:
(a) Un morphisme f': M'--+ N se prolonge à un morphisme M--+ N si et
seulement si l'image de f' par le morphisme de liaison HomA (M', N) --+
Ext1(M",N) est nulle.
{b) Un morphisme f" : N--+ M" se relève en un morphisme N--+ M si et
seulement si l'image de f" par le morphisme de liaison HomA(N, M")--+
Ext1(N,M') est nulle.

19. Soient 0 ---+ M' ---+ P ---+ M ---+ 0 et 0 ---+ L ---+ I ---+ L' ---+ 0
deux suites exactes courtes, avec P projectif et I injectif. Montrer que l'on a un
isomorphisme de K-modules Extl(M',L) ~ Extl(M,L').
270 IX. FONCTEURS EXT ET TOR

20. Soient deux suites exactes courtes de A-modules

0 ---+ M L p ---+ X ---+ 0

0--+Y--+I~N--+O
avec P projectif et I injectif. Montrer que :
( ) E t 1 (X Y) _ KerHomA(f,g)
a x A ' -+ KerHomA(f,I) + KerHomA(P,g) ·
(b) Ext~(X, Y)-=. CokerHomA(f,g).
(c) Ext~(X, Y)-=. Ext~- 2 (M, N) pour n > 2.

21. Soient deux suites exactes courtes de A-modules

0 ---+AN~ AQ ---+ AY ---+ 0


avec P, Q projectifs. Montrer que
() 'I1 A(X Y)_ Im(f®Q)nlm(P®g)
a or1 ' -+ lm(! ®g) .
(b) Tor:(x, Y)-=. Ker(/® g).
(c) Tor~(X, Y)-=. Tor~_ 2 (M, N) pour tout n > 2.
22. Soient m, n deux entiers de pgcd égal à d. Montrer que

23. Soit G un groupe abélien avec mG = G pour un m E Z. Montrer que


toute suite exacte courte 0 ---+ G ---+ E ---+ Zm ---+ 0 est scindée.
24. Soit G un groupe abélien de torsion. Montrer que

Exti(G, Z)-=. Homz(G,IR/Z).

25. Soit G un groupe abélien. Pour n > 0, on note G[n) = {x E G 1 nx = O}.


Montrer que Tor~(Zn, G)-=. G[n).
26. En appliquant - ®z Zn à la suite exacte courte de Mod Z

0--+ZLZ--+Zn--+O

où f : x 1--+ nx, montrer que Tor~(Zn, Zn)..=. Zn.


27. Montrer que, si n et m sont copremiers, alors Tor~(Zn, Zm) = O.
28. Soit 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte courte avec M' et
M" plats. Montrer que M est plat.
EXERCICES DU CHAPITRE IX 271

29. Soit 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte et scindée de A-
modules. Montrer que, pour tout A-module X et tout n ;:::: 0, les suites induites
0---+ Ext~4.(X,M')---+ Exf'.4.(X,M)---+ ExtÂ(X,M")---+ 0
et
0---+ Ext~(M",X)---+ ExtÂ(M,X)---+ ExtÂ(M',X)---+ O
sont exactes et scindées.
30. Répéter l'exercice précédent pour Tor au lieu de Ext.
31. Montrer qu'un A-module M est projectif (ou injectif) si et seulement
si Ext~(M,S) = 0 (ou Ext~(S,M) = 0, respectivement) pour tout A-module
simple S.
32. Soient A une algèbre noethérienne, Mun A-module de présentation finie
et (N>.)>.eA une famille arbitraire de A-modules. Montrer que, pour tout n ;:::: 0,
on a des isomorphismes

Ext (M,E9N>.) ~ E9ExtÂ(M,N>.)·


ÀEA ÀEA

33. Soient A une K-algèbre, I un idéal à droite et J un idéal à gauche.


Montrer que Tort(A/I,A/J)~ 1;JJ"

34. Démontrer (5.4) au moyen d'une résolution injective de N.


35. On considère le diagramme à lignes exactes
ei 0 ---+ Li ---+ Mi ---+ Ni ---+ 0

1l lh
e2 0 ---+ L2 ---+ M2 ---+ N2 ---+ 0
Montrer qu'il existe g: Mi--+ M2 rendant le diagramme commutatif si et seule-
ment si [/ei] = [e2h].
36. Soit p un nombre premier. Décrire explicitement les éléments de
Ext~(Zv2, Zv2 ), Ext~(Zv2, Zvs ), Ext~(Zvs, Zv2) et Ext~(Zvs, Zpa ).
CHAPITRE X

Dimensions homologiques de modules et d'algèbres

Il est utile de mesurer à quel point un module est loin d'être projectif (ou injectif).
Pour cela, on utilise essentiellement deux caractérisations des modules projectifs :
un A-module M est projectif si et seulement si Ext1 (M, - ) = 0, ou encore si
et seulement s'il existe une résolution projective 0 ---+ Po ---+ M ---+ 0 de
longueur nulle. Le plus petit indice n tel que Ext~+l(M, -) = 0 et la plus petite
longueur d'une résolution projective de M constituent deux mesures du défaut
de projectivité. On montrera que ces deux entiers sont égaux et définissent ce
qu'on appelle la dimension projective de M. On définit de même la dimension
injective de M. Le suprémum des dimensions projectives des A-modules égale le
suprémum des dimensions injectives et est ce qu'on appelle la dimension globale
(à droite) de l'algèbre A. Ce chapitre est consacré à l'étude de ces dimensions.

1. Dimensions homologiques de modules


DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On dit que la
dimension projective de M est au plus n (ce qu'on note dpM $ n) s'il existe
une résolution projective
0 ---+ Pn ---+ · · · ---+Pi ---+Po ---+ M---+ O.
Si n est le plus petit entier tel qu'il existe une telle résolution, on dit que la
dimension projective de M est égale à n (ce qu'on note dpM = n). Si aucune
résolution projective finie n'existe, on dit que la dimension projective de M est
infinie, et on pose que dp M = oo. On convient que dp 0 = -oo.
EXEMPLES 1.1. (a) Pour un A-module M, dpM = 0 si et seulement si M est
projectif et non nul.
(b) Soit m > 0 un entier arbitraire. Le Z-module Zm est de dimension pro-
jective 1 : on sait en effet qu'il existe une suite exacte courte de Mod Z de la
forme
o-zLz~Zm-o
où f est définie pour a E Z par a 1--+ ma et g = coker f. Cette suite étant une
résolution projective, on a dp Zm $ 1 ; d'autre part, Zm n'est pas projectif (sinon

273
274 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES

la suite serait scindée, et Zm serait isomorphe à un idéal de Z, ce qui contredirait


le fait que ceux-ci sont de la forme nZ pour un n E Z), donc dp Zm = 1.
(c) Soit [~ ~ ], avec Kun corps. On a vu en (VIII.1) que les modules pro-
jectifs indécomposables sont euA (lequel est simple) et e22A, et qu'il existe un
monomorphisme euA --+ e22A de conoyau e22A/e22J (où J = radA), lequel
est simple. On a ainsi une suite exacte courte 0 ----+ euA ----+ e 22 A --+
e22A/e22J----+ 0 de sorte que dp(e22A/e22J) = 1.
THÉORÈME 1.2. Soient A une K-algèbre, M un A-module et n ~ O. Les
conditions suivantes sont équivalentes :
(a) dpM $ n.
(b) Ext~(M, -) = 0 pour tout k > n.
(c) ExtA.+ 1 (M,-) =O.
(d) Pour toute suite exacte

0 ----+ Ln-1 ----+ Pn-1 ----+ · · · ----+ Po ----+ M ----+ 0


avec les Pi projectifs, Ln-1 est projectif

DÉMONSTRATION. (a) implique (b). Par définition, dire que dp M $ n revient


à dire qu'il existe une résolution projective
· · · ----+ P2 ----+ P1 ----+ Po ----+ M ----+ 0
de M avec Pk = 0 pour tout k > n. Donc HomA(Pk, N) = 0 pour tout k >net
tout A-module N, et par conséquent Ext~(M,N) = Hk (HomA ((PM).,N)) = 0
pour tout k > n.
(b) implique (c). C'est une évidence.
(c) implique (d). Soit une suite exacte

0 ----+ Ln-1 ----+ Pn-1 ----+ · · · ----+ Po ----+ M ----+ 0


avec les Pi projectifs, et soit N un A-module. Par décalage,

ExtA.+l(M, N)..::. Ext~(Ln-i. N).

L'hypothèse (c) donne donc Ext~(Ln-li -) = 0 et Ln-1 est projectif (d'après


(IX.3.6)).
(d) implique (a). Considérons une résolution projective de M à n -1 termes
dn-1
Pn-1 ----+ Pn-2 -----+ · · · -------+ P1 -------+ Po -------+ M -----+O.

Il suit de l'hypothèse que Ln-1 = Kerdn-1 est projectif. Donc

0 ----+ Ln-1 ----+ Pn-2 ----+ · · · ----+ P1 ----+ Po ----+ M----+ 0


est une résolution projective de M de longueur n. D

Il est utile de reformuler le théorème (1.2) de la façon suivante :

dpM = sup{n 1 ExtA.(M, -) f:- O}.


1. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES 275

COROLLAIRE 1.3. Soit {Mù~EA une famille de A-modules, alors

dp (œMÀ) = sup{dpMÀ 1À E A}.


ÀEA
DÉMONSTRATION. Cela résulte de l'équivalence de (a) et (c) dans le théorème

{1.2) et de ce que Ext (EB


ÀEA
MÀ, -) -=+ IJ ExtÂ(MÀ, -) d'après (IX.3.7). o
ÀEA
COROLLAIRE 1.4. Soit 0 --+ L--+ M --+ N--+ 0 une suite exacte courte
de A-modules. On a les inégalités suivantes
(a) dpN:::; sup{dpM,dpL + 1} et l'égalité a lieu si dpM =f. dpL.
(b) dpL:::; sup{dpM,dpN -1} et l'égalité a lieu si dpM =f. dpN.
(c) dpM:::; sup{dpL,dpN} et l'égalité a lieu si dpN =f. dpL + 1.
DÉMONSTRATION. Nous nous contenterons d'établir (a), les preuves de (b) et
(c) étant semblables. Soient X un A-module arbitraire et n;::: O. On a une suite
exacte longue de cohomologie
· · ·--+ Ext:4+1{L,X)--+ Ext:4+ 2 (N,X)--+ Ext:4+ 2 {M,X)--+ · · ·
par suite de (IX.3.5). Par conséquent, dp L :::; n et dp M :::; n + 1 entraînent que
Ext:4+ 2 {N, -) = 0, c'est-à-dire dp N:::; n + 1, ce qui est bien l'inégalité cherchée.
Si l'inégalité est stricte, c'est-à-dire si dp N ~ sup{ dp M, dp L + 1}, alors,
nécessairement, dpN < oo. Pour tout k > dpN et tout A-module X, la suite
exacte ci-dessus entraîne que Ext~+l{L,X)-=+ Ext~+ 1 (M,X). Par conséquent,
Ext~+ 1 (L, -)-=+ Ext~+ 1 {M, -) et donc dpM = dpL. D

EXEMPLE 1.5. Soient Mun module de dimension projective finie n > 1 et


0 --+ Pn --+ ; · · --+ P1 --+ Po --+ M --+ 0
une résolution projective de M. Si Lo est le noyau de l'épimorphisme Po-+ M,
on a une suite exacte courte
0 --+ Lo --+ Po --+ M --+ 0
et en outre dpLo = n - 1. On a ici dpM = n, dpPo = 0 et dpLo =n- 1.
L'inégalité (c) est ici stricte, tandis que (a) et (b) ne le sont pas.
On a, bien entendu, les notions et les résultats correspondants pour les mo-
dules injectifs.
DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On dit que la
dimension injective de N est au plus n (ce qu'on note diN:::; n) s'il existe une
résolution injective
0 --+ N --+ 1° --+ 1 1 --+ · · · --+ r --+ O.
Si n est le plus petit entier tel qu'il existe une telle résolution, on dit que la
dimension injective de N est égale à n (ce qu'on note diN = n). Si aucune
276 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES

telle résolution injective finie n'existe, on dit que la dimension injective de N est
infinie, et on pose que di N = oo. On convient que di 0 = -oo.
EXEMPLES 1.6. (a) Pour un A-module N, di N = 0 si et seulement si N est
injectif.
(b) Le Z-module Z est de dimension injective 1 : en effet, on sait qu'un
Z-module est injectif si et seulement s'il est divisible, et donc le module (non
divisible) Z n'est pas injectif ; par contre, l'inclusion de Z dans Q induit une
suite exacte courte
0 ---+ Z ---+ Q ---+ Q/Z ---+ 0
avec Q et (donc) Q/Z divisibles : cette suite est donc une résolution injective.
(c) Soit A= [~}}],avec Kun corps. On a vu en (VIII.4) que les modules
injectifs indécomposables sont e22A ~ D(Aeu) et e22A/e11J ~ D(Ae22) (ici,
D = HomK(-,K) : modA0 P --+ modA désigne comme en (VIII.4) la dualité
standard). La suite exacte courte
0---+ euA---+ e22A--+ e22A/e11J---+ 0
entraîne que di(euA) = 1.
THÉORÈME 1.7. Soient A une K-algèbre, N un A-module et n > O. Les
conditions suivantes sont équivalentes :
(a) diN:::; n.
(b) Ext~(-,N) = 0 pour tout k > n.
(c) ExtÂ+ 1 (-, N) =O.
(d) Pour toute suite exacte
0 ---+ N ---+ 10 ---+ ... ---+ 1n-l ---+ Ln-1 ---+ 0

avec les Ji injectifs, Ln-l est injectif.


DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.2) et laissée en exercice. D
Il est utile de reformuler le théorème (1.7) de la façon suivante:
di N = sup{ n 1 Ext (-, N) =/: O}.
COROLLAIRE 1.8. Soit (N>..)>..eA une famille de A-modules, alors

di (rr
>..eA
N>..) = sup{diN>.. 1 À E A}.

DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.3) et laissée en exercice. D


COROLLAIRE 1.9. Soit 0---+ L ---+ M ---+ N ---+ 0 une suite exacte courte
de A-modules. On a les inégalités suivantes :
(a) diN:::; sup{diM,diL-1}, et l'égalité a lieu si diM =/: diL.
(b) diL:::; sup{diM,diN + 1}, et l'égalité a lieu si diM =/: diN.
(c) diM:::; sup{diL,diN}, et l'égalité a lieu si diL =/: diN + 1.

DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.4) et laissée en exercice. D


1. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES 277

EXEMPLE 1.10. Soient N un module de dimension injective finie n > 1 et


0 ---+ N ---+ 1° ---+ · · · ---+ In ---+ 0
une résolution injective de N. Si L 0 est le conoyau du monomorphisme N - J 0 ,
on a une suite exacte courte
0 ---+ N ---+ 1° ---+ Lo ---+ 0
et en outre diL0 = n - 1. On a ici diN = n, diJ0 = 0 et diL0 = n - 1.
L'inégalité (c) est ici stricte, tandis que (a) et (b) ne le sont pas.
Pour calculer la dimension injective d'un module, nous montrerons qu'il suffit
de mesurer la longueur de certaines résolutions injectives, que nous appellerons
minimales.
On dit qu'une résolution injective

0 ---+ N ~ 1° ~ 1 1 ..!!....+ 12 ---+ ...


du A-module N est une résolution injective minimale si, pour chaque i ;::: 0,
le module Ji est une enveloppe injective de lm di. On se souvient que tout A-
module admet une enveloppe injective et que celle-ci est unique à isomorphisme
près (IV.4.5). Le résultat suivant n'est donc pas étonnant.
LEMME 1.11. Tout A-module N admet une résolution injective minimale. Si

I*
et
d'D 0 d' 1 1
I'* 0 ---+ N ---+ I' ---+ I' ---+ · · ·
sont deux résolutions injectives, avec I* minimale, alors il existe un morphisme
f*: (IN)* - (IA,)* qui prolonge lN, avec chaque Ji une section. Si en outre I'*
est aussi minimale, alors I* et 11* sont isomorphes.
DÉMONSTRATION. Pour montrer l'existence, on construit une résolution in-
jective minimale par récurrence sur le degré. On prend pour JO une enveloppe
injective de N (c'est-à-dire une extension essentielle maximale de N), et pour
d0 : N - 1° l'inclusion. Supposons Ji, di connus pour i ~ j, on a alors une suite
exacte
. 1
p- - J 3
dj .
-v1v -. o
avec I) = Coker di, pi = coker di. On prend pour JH 1 une enveloppe injective
de Li et qi : Li - Ji+ 1 égale à l'inclusion. Enfin, on pose que di+l = qipi.
Alors il est clair que la résolution injective
d0 di di+ 1
0---+ N - J 0 ----+ ... - Ji - Ji+l
est minimale.
Supposons maintenant que I* et I'* sont comme dans l'énoncé. On construit
f* par récurrence sur le degré. Pour chaque i ;::: 0, posons Li = Coker di,
pi = coker di, qi = ker di+ 1 , L'i = Coker d'', p'i = coker d'i et q'i = ker d'i+l.
278 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES

Comme 1° et 110 sont injectifs, il existe 1° : J0 --+ 110 tel que 1°d0 = d10 1N et
110 : 110 --+ 1° tel que !' 0 d' 0 = d0 1N. On affirme que 1' 0 1° : 1° --+ 1° est un
isomorphisme. Comme 1'0 1° d0 = 1'0 d10 = d0 est un monomorphisme et que d°
est un monomorphisme essentiel, 110 1° est un monomorphisme. D'autre part,
1° est une extension essentielle maximale de d0 ( N) et on a d0 ( N) Ç 1101° (N) ç
I° de sorte que, d'après (IV.4.4)(c), 1'0 1°(1°) = 1°, c'est-à-dire que 1'0 1° est
surjective. On a montré que !' 0 1° est un isomorphisme. En particulier, 1° est
une section.
Par gassage aux conoyaux, il existe g0 : L 0 --+ L 10 tel que g0 p0 = p10 1° et
g : L' --+ L 0 tel que g10 p10 = p0 !' 0 , de telle sorte que l'on a un diagramme
10

commutatif à lignes exactes

0
- lN
N

1
- do

JO
JO

1- 1-
Po

go
Lo 0

1-
d'o p'o
0 ---+ N ---+ l'o L'o ---+ 0
1 l'o g'o 1
--- ---
lN

0 N
do
JO ~
Po

Comme lN et !' 0 1° sont des isomorphismes, il en est de même de g10 g0 •


Lo
- 0

Par récurrence, pour i ~ 0, étant donné gi : Li --+ L'i et g'i : L'i --+ Li
tels que g'igi : Li --+ Li est un isomorphisme, l'injectivité de Ji et l'i entraîne
l'existence de /i+ 1 : Ji+ 1 --+ J'i+ 1 tel que li+lqi = q'igi et f'i+ 1 : J'i+ 1 --+ Ji+l
tel que f'i+ 1q'' = qig'i. On prouve exactement comme plus haut que f'i+ 1Ji+l :
Ji+ 1 --+ Ji+ 1 est un isomorphisme (en particulier, li+ 1 est une section) et qu'il
existe gi+ 1 : Li+ 1 --+ L'H 1 et g'i+ 1 L'i+l --+ Li+ 1 rendant commutatif le
diagramme à lignes exactes

0
- 1- Li

g;
qi
Ji+l

/;+11
- p;+l

gi+l
Li+l

l - 0

0
- g,;
L'i

1
---+
q'"'
J'i+l

J'i+l 1
p';+l
---+ L'i+l

g'•+11
---+ 0

0
- Li
- qi

et donc tels que g'i+ 1gi+ 1 soit un isomorphisme. D


Ji+l
- p•+1
Li+l
- 0

On déduit de ce lemme que deux résolutions injectives minimales sont nécessai-


rement de même longueur et qu'une résolution injective minimale est plus courte
qu'une résolution injective qui n'est pas minimale. Appliquant ces remarques à
la définition de la dimension injective, on en déduit le théorème suivant.
THÉORÈME 1.12. Soient N un A-module, n ~ 0 et
0 --+ N --+ 1° --+ 1 1 --+ · · ·
1. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES 279

une résolution injective minimale de N. Alors di N = n si et seulement si 1n =/: 0


et Ji= 0 pour tout i > n.

DÉMONSTRATION. Il est clair que Ji = 0 entraîne Ji = 0 pour tout j ;::: i (par


suite de la définition d'une résolution injective minimale). On supposera d'abord
que di N = n et on montrera que 1n+i = 0 et que In =/: O. En effet, dire que
di N = n revient à dire qu'il existe une résolution injective de N de longueur n

0 ---+ N ---+ !' 0 --+ f' 1 --+ • • • --+ J'n --+ 0

et que toute autre résolution injective de N est de longueur ;::: n. C'est en parti-
culier le cas de la résolution injective minimale donnée, donc 1n =/: O. D'autre
part, (1.9) nous dit que Jn+l est un facteur direct de I'n+i = 0, donc 1n+i =O.
Cela montre la nécessité. La suffisance se montre de la même façon : si, en effet
di N = m < n, le même raisonnement donne Jm+l = 0 et donc In = 0, ce qui
est une contradiction. D

Le résultat dual (sur les projectifs) n'est évidemment pas toujours vrai, puis-
qu'un A-module n'admet généralement pas de couverture projective. On sait
cependant que c'est le cas pour les modules de type fini sur une algèbre artinienne
(VIII.2.2). On dit qu'une résolution projective

... --+ p.2 --+


d2 p1 di
--+ R0 --+
do M --+ 0

d'un A-module M est une résolution projective minimale si, pour chaque i ;::: 0,
Pi est une couverture projective de Ker di. On a les résultats duals.

LEMME 1.13. Soient A une algèbre artinienne et Mun A-module de type fini.
Alors M admet une résolution projective minimale. Si

· · · --+ P2 --+ P1 --+ Po --+ M --+ 0

P' · · · --+ P~ --+ P{ --+ P~ --+ M --+ 0


*
sont deux résolutions projectives, avec P* minimale, alors il existe un morphisme
de complexes f*: (PM)*~ (PM)* qui relève lM, avec chaque Îi une rétraction.
Si en outre P; est aussi minimale, alors P* et P; sont isomorphes.

DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.9) et laissée en exercice. D

THÉORÈME 1.14. Soient A une algèbre artinienne, MA un module de type


fini, n;::: 0 et
· · · --+ P1 --+ Po --+ M --+ 0
une résolution projective minimale de M. Alors dp M = n si et seulement si
Pn =/: 0 et Pi = 0 pour tout i > n.

DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.10) et laissée en exercice. D


280 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES

2. Dimensions homologiques d'une algèbre


DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. S'il existe un entier net deux A-modules
M, N tels que ExtA. (M, N) -::f. 0, le plus grand tel entier n est appelé la dimension
globale à droite de A, et on note dim. gl. d. A = n. S'il n'existe pas de tel
entier, on dit que A est de dimension globale à droite infinie, ce qu'on note
dim. gl. d. A = oo. On convient que dim. gl. d. 0 = -oo.
On définit de même la dimension globale à gauche dim. gl. s. A au moyen de
A-modules à gauche. Il n'y a évidemment aucune raison a priori pour que les
dimensions globales à gauche et à droite d'une algèbre soient égales, et ce n'est
généralement pas le cas. C'est vrai si l'algèbre est commutative, et nous verrons
que c'est également vrai si elle est noethérienne à droite et à gauche (par exemple,
si elle est de dimension finie sur un corps). Si dim. gl. d. A = dim. gl. s. A, leur
valeur commune est appelée la dimension globale de A et est notée dim. gl. A.
THÉORÈME 2.1. Soient A une K-algèbre et n ~O. Les conditions suivantes
sont équivalentes :
(a) dim. gl. d. A ::; n,
(b) pour tout A-module M, on a dpMA::; n,
(c) pour tout A-module N, on a diNA::; n.
DÉMONSTRATION. On montrera l'équivalence de (a) et (b), l'équivalence de
(a) et (c) se démontrant de la même façon. Dire que, pour tout A-module
M, on a dpM ::; n revient par (1.2) à dire que, pour tout A-module M, on
a Ext~t 1 (M, -) = 0, c'est-à-dire que, pour tous les A-modules M, N, on a
ExtÂ+ (M, N) = O. Par définition, cela revient à dire que dim. gl. d. A ::; n. D
COROLLAIRE 2.2.

dim. gl. d. A = sup{dp MA 1 M un A-module}


= sup{diNA 1 N un A-module}. D
EXEMPLES 2.3. (a) Il suit de la définition qu'une K-algèbre A est de di-
mension globale à droite nulle si et seulement si Ext~(M,N) = 0 pour toute
paire de modules M, N. Comme cette condition revient, d'après (IX.5.2), à dire
que toute suite exacte courte de A-modules est scindée, il suit de (VI.7.1) que
dim. gl. d. A = 0 si et seulement si A est semisimple. Par conséquent, c'est le cas
si et seulement si dim. gl. s. A = O.
(b) Il résulte du corollaire que, pour une algèbre A, on a dim. gl. d. A = oo si
et seulement s'il existe un A-module MA tel que dp MA = oo. Soit p un nombre
premier. La Z-algèbre commutative A = Zp2 est de dimension globale infinie,
puisque le Zp2-module Zp admet une résolution projective de la forme
· • · ---t Zp2 ---t Zp2 ---t Zp2 ---t Zp ---t O.
Nous allons montrer que, pour calculer la dimension globale d'une algèbre, il
suffit de calculer les dimensions projectives de ses modules cycliques. On rappelle
que, d'après (II.4.2), un A-module est cyclique si et seulement s'il est de la forme
A/I, pour I un idéal à droite de A.
2. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES D'UNE ALGÈBRE 281

LEMME 2.4. Un A-module N est injectif si et seulement si Ext1 (A/ I, N) = 0


pour tout idéal à droite I de A.
DÉMONSTRATION. La nécessité étant évidente par (IX.3.6), montrons la suf-
fisance. On considère la suite exacte courte
0 --+ I ....!..+ A --+ A/ I --+ 0
où u désigne l'inclusion canonique. Le foncteur HomA(-, N) appliqué à cette
suite donne une suite exacte
HomA(u,N) 1
HomA(A,N) --+ HomA(I,N)- ExtA(A/I,N) =O.
Donc HomA(u, N) est surjectif : pour toute application linéaire f : I --+ N, il
existe une application linéaire g: A--+ N telle que f = HomA(u, N)(g) = gu. Il
suit du critère de Baer (IV.3.4) que N est injectif. D
THÉORÈME 2.5 (AUSLANDER). Pour toute K-algèbre A
dim.gl.d.A = sup{dpA/J 1 IA idéal à droite de A}.
DÉMONSTRATION. L'énoncé est évident si le terme de droite est égal à +oo.
Supposons donc qu'il existe n ~ 0 tel que dp A/I ::; n pour tout idéal à droite
I de A. Nous voulons montrer que di N $ n pour tout A-module N. Soit une
suite exacte
0 --+ N --+Io --+ 11 --+ ... --+ Jn-1 --+ Ln-1 --+ 0

avec les Ji injectifs. Par décalage, ExtA_+l(A/ I, N) ..=. Ext1 (A/ I, Ln-l ). Comme
dpA/J $ n, on aExt1(A/J,Ln- 1 ) =O. Alors (2.4) donne Ln-l injectif, et donc
(1.6) entraîne que di N $ n. D
EXEMPLE 2.6. dim.gl.d.Z = (dim.gl.s.Z =)1. En effet, tout idéal 1=/:0 de
Z est de la forme nZ pour un n > 0, et on a vu à l'exemple (1.l)(b) que la
dimension projective de Z/nz-=. Zn est égale à 1.
Une conséquence notable de (2.5) est que la dimension globale d'une algèbre
ne dépend que de ses modules de type fini.
COROLLAIRE 2. 7. Pour toute K -algèbre A, on a
dim.gl. d. A= sup{dpMA 1 M de type fini}.
DÉMONSTRATION. Il est clair que, si dim. gl. d. A ::; n, alors pour tout A-
module M de type fini, on a dp M ::; n. Réciproquement, supposons que dp M ::;
n pour tout A-module M de type fini. Pour tout idéal à droite I de A, A/I est
cyclique, donc de type fini. Par conséquent, dp(A/J) $ n. D'après (2.5), on a
dim.gl.d.A $ n. D
Une simplification supplémentaire a lieu si A est une K-algèbre artinienne
(par exemple est de dimension finie sur un corps). Le théorème suivant prend
tout son sens si on se rappelle qu'une algèbre artinienne n'admet qu'un nombre
fini de modules simples non isomorphes (VII.4.5).
282 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES

THÉORÈME 2.8. Si A est une K -algèbre artinienne, on a


dim.gl.d.A = sup{dpSA 1 Sun A-module simple}.
DÉMONSTRATION. Comme tout A-module simple est cyclique, il suffit de con-
sidérer le cas où le terme de droite est égal à n < oo. Nous montrerons que tout
A-module M de type fini satisfait à dp M $ n. Comme un tel module M est
de longueur de composition f, finie, on prouve cet énoncé par récurrence sur
f,, Si f, = 1, alors M est simple et dp M $ n par hypothèse. Si f, > 1 et si
0 =Moc M 1 C · · · c Me-1 C Me= M est une suite de composition pour M,
on a une suite exacte courte
0--+ Me-1 --+ M--+ M/Me-1 --+ 0
avec M/Me-1 simple. On a dp(M/Me-1) $ n par hypothèse et dpMe-1 $ n
par suite de l'hypothèse de récurrence. Il suit alors de (1.4) que dp M $ n. D
Par exemple, soient K un corps et A = [}} ~]. Cette algèbre admet deux mo-
dules simples non isomorphes, à savoir e11A (lequel est projectif) et e 22 A/e 22 J.
On a vu à l'exemple (1.l)(c) que dp (e22A/e22J) = 1. Comme dp(e11A) = 0,
on a dim. gl. d. A = 1.
Nous voulons maintenant montrer que, si A est une algèbre noethérienne
à gauche et à droite, alors dim. gl. d. A = dim. gl. s. A. Le moyen de traiter
simultanément des modules à droite et des modules à gauche est de faire appel
à des produits tensoriels, donc à des foncteurs de torsion. Nous aurons besoin
de la notion suivante.
DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On dit que la
dimension plate (ou faible) de M est au plus n (ce qu'on note df M $ n) s'il
existe une résolution plate
0 --+ Qn --+ · · · --+ Qi --+ Qo --+ M --+ O.
Si n est le plus petit entier tel qu'il existe une telle résolution, on dit que la
dimension plate (ou faible) de M est égale à n (ce qu'on note df M = n). Si
aucune résolution plate finie n'existe, on dit que la dimension plate de M est
infinie et on pose que df M = oo. On convient que df 0 = -oo.
Comme tout module projectif est plat, on a toujours df M $ dpM.
On a un énoncé correspondant aux théorèmes (1.2) et (1.6).
THÉORÈME 2.9. Soient A une K-algèbre, M un A-module et n ;::::: O. Les
conditions suivantes sont équivalentes.
(a) dfM$n.
(b) Tor~(M, -) = 0 pour tout k > n.
(c) Tork+l(M,-) =0.
(d) Pour toute suite exacte

0 --+ Ln-1 --+ Qn-1 --+ · · · --+ Qo --+ M --+ 0


avec les Qi plats, Ln-1 est plat.
2. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES D'UNE ALGÈBRE 283

DÉMONSTRATION. Semblable à celle des théorèmes (1.2) et (1.6) et laissée en


exercice. D
Le théorème précédent peut être reformulé comme suit :
df M = sup{n 1 Tor~(M, -) -:/: O}.
Cela nous conduit à définir la notion suivante.
DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. S'il existe un entier net deux modules
M, N tels que Tor~(M, N)-:/: 0, le plus grand tel entier n est appelé la dimension
globale faible de A, et on note dim. gl. f. A = n. S'il n'existe pas de tel entier n, on
dit que A est de dimension globale faible infinie, ce qu'on note dim. gl. f. A= oo.
On convient que dim. gl. f. 0 = -oo.
Cette définition est symétrique pour la gauche et la droite. En effet, on a le
théorème suivant.
THÉORÈME 2.10. Soient A une K-algèbre et n ~ O. Les conditions suivantes
sont équivalentes :
(a) dim.gl.f.A:::; n.
(b) Pour tout A-module à droite M, on a df MA:::; n.
(c) Pour tout A-module à gauche N, on a df AN:::; n.
DÉMONSTRATION. On montre l'équivalence de (a) et de (b), celle de (a) et de
(c) se démontrant de la même façon. Dire que, pour tout module à droite MA,
on a df M:::; n revient, par (2.8), à dire que, pour tout module à droite MA, on
a Tor~+ 1 (M, - ) = 0, c'est-à-dire que, pour toute paire de A-modules MA, AN,
on a Tor~+l (M, N) = O. Par définition, cela revient à dire que dim. gl. f. A :::; n.
D
Comme, pour tout A-module M, on a dfM:::; dpM, alors dim.gl.f.A:::;
dim. gl. d. A. Nous allons démontrer que, si A est noethérienne à droite, alors on
a l'égalité.
LEMME 2.11. Soient A une K-algèbre noethérienne à droite, et MA un module
de type fini. Alors df M = dp M.
DÉMONSTRATION. Supposons que df M:::; n. Il existe, d'après (VI.2.6), une
suite exacte
0 --+ Ln-1 --+ Pn-1 --+ · · · --+ Po --+ M --+ 0
avec les Pi projectifs de type fini. Pour tout A-module à gauche N, on a par
décalage, Tor~+l (M, N)..:; Torf (Ln-li N). Par conséquent, Tor~+l (M, -) = 0
entraîne que Torf (Ln-1, - ) = O. Par suite de (IX.4.6), Ln-1 est plat. Comme A
est noethérienne, Ln-l est de type fini, puisqu'il est un sous-module du module
de type fini Pn-li d'après (VI.2.4). D'après (VI.2.8), on en déduit que Ln-1
est projectif. On a obtenu une résolution projective de M de longueur n et
donc dp M :::; n. Cela montre bien que dp M :::; df M. Comme on a toujours
df M:::; dpM, on en déduit dpM = df M. D
284 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES

THÉORÈME 2.12. Soit A une algèbre noethérienne à droite, alors dim. gl. d. A
= dim.gl.f.A.

DÉMONSTRATION. On a toujours dim. gl. f. A :::; dim. gl. d. A. Réciproque-


ment, on sait, d'après (2.6), que dim. gl. d. A est égal au suprémum des dimen-
sions projectives des A-modules à droite M de type fini. Pour un tel module M,
on a df M = dpM, par suite de (2.10). Cela entraîne que
dim. gl. d. A sup{ df M 1 MA de type fini}
< sup{ df M 1 MA quelconque} = dim. gl. f. A

d'où notre énoncé. D


COROLLAIRE 2.13. Soit A une algèbre noethérienne à droite et à gauche, alors
dim. gl. d. A = dim. gl. s. A. D
Ce corollaire s'applique notamment si K est un corps et si A est une K-algèbre
de dimension finie. Par exemple, si A = [ ~ }}], alors dim. gl. s. A = dim. gl. d. A
= 1, ce qu'on abrège en dim. gl. A = 1. Nous examinerons plus loin en détail
les algèbres de dimension globale un. Pour l'instant, nous terminons ce chapitre
avec une propriété intéressante des matrices de Cartan des algèbres de dimension
finie, connexes, réduites, déployées et de dimension globale finie (voir (VIII.5)).
PROPOSITION 2.14. Soient K un corps, A une K-algèbre de dimension finie
connexe, réduite et déployée et de dimension globale finie. Le déterminant de la
matrice de Cartan CA de A est égal à +1 ou -1.

DÉMONSTRATION. Il suffit de montrer que CA est inversible sur Il. Comme A


est de dimension finie, elle admet un nombre fini de modules simples non isomor-
phes S(l), ... , S(n), qui sont respectivement les coiffes des modules indécompo-
sables projectifs non isomorphes P(l), ... , P(n). D'autre part, dim. gl. A < oo
entraîne que chaque S(i) admet une résolution projective finie
0 ---t Pi,n; ---t Pi,n;-1 ---t • • • ---t Pi,1 ---t Pi,o ---t S(i) ---t O.
En vertu du théorème de décomposition unique (VIl.6.13), chacun des Pi,k est
isomorphe à une somme directe finie des modules indécomposables projectifs
P(j), de telle sorte que
ni n
dimS(i) = ~)-l)kdimPi,k = Lai;dimP(j)
k=l j=l

avec ai· E 7l. Donc le vecteur dimS(i) de la base canonique du groupe abélien
libre z{n) est une combinaison linéaire des vecteurs dimP(j), où 1 :::; j :::; n, avec
des coefficients entiers. Par conséquent, il existe une matrice R à coefficients
entiers telle que
[dimS{l) 1 · · · 1dimS(n)J = [dimP(l) 1 • • • 1dimP(n)]R.
(Ici, la notation [v1 1 · · · lvn] avec Yi E zCn) désigne la matrice ayant pour ième
colonne le vecteur v i, avec 1 :::; i :::; n.)
2. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES D'UNE ALGÈBRE 285

D'autre part, (VIII.5.3) entraîne que [dimP(l) 1 • • • 1dimP(n)] =CA, de telle


sorte que I =CAR. D
286 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES

Exercices du chapitre X
1. Si dp M = n < oo, montrer qu'il existe un A-module libre L tel que
ExtÂ(M,L) ~O.
2. Soit A un domaine d'intégrité. Montrer que tout sous-module non divisible
d'un module divisible est de dimension injective égale à 1.
3. Soit 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte, avec M projectif.
Montrer que ou bien M' et M" sont projectifs, ou bien dp M" = dp M' + 1.
4. Soit Mun A-module non projectif de dimension projective finie, montrer
qu'il existe un A-module de dimension projective égale à un.
5. Montrer que, pour toute algèbre A et tout n > O, on a dim. gl. d. A =
dim. gl. d. Mn(A).
6. Soient A une K-algèbre artinienne et T la somme directe d'un représentant
de chaque classe d'isomorphisme de A-modules simples. Montrer que:
a) dp M < n si et seulement si Ext (M, T) = O.
b) di M < n si et seulement si Ext (T, M) = O.
7. Calculer dpQz, diZz.
8. Soient A une K-algèbre noethérienne à droite et MA un A-module de type
fini tel que dpM = n. Montrer que ExtÂ(M,A) ~O.
9. Démontrer (1.7) (1.8) et (1.9).
10. Démontrer (1.13) et (1.14).
11. Soient A, B deux K-algèbres, 'P : A ___. B un morphisme, et M un B-
module (que l'on peut considérer comme un A-module au moyen de ip). Montrer
que

12. Montrer que, si dpAM < n < oo, alors Tor~(-,M) =O.
13. Soit 0 ---+ L ---+ M ---+ N ---+ 0 une suite exacte courte de A-modules.
Montrer que :
(a) df N:::; sup{ df M, df L + 1} et l'égalité a lieu si df M ~ df L.
(b) df L:::; sup{df M,df N -1} et l'égalité a lieu si df M ~ df N.
(c) df M :::; sup{ df L, df N} et l'égalité a lieu si df N ~ df L + 1.

14. Montrer que, pour une K-algèbre A, les conditions suivantes sont équiva-
lentes:
(a) dim. gl. d. A :::; 2.
(b) Le noyau d'un morphisme entre A-modules projectifs est projectif.
(c) Le conoyau d'un morphisme entre A-modules injectifs est injectif.
EXERCICES DU CHAPITRE X 287

15. Soient K un corps et A une K-algèbre de dimension finie: Notons T la


somme directe d'un représentant de chaque classe d'isomorphisme de A-modules
simples. Montrer que, pour un A-module M, on a
dpM sup{n 1 ExtA.(M,T) f O}
= sup{n 1 Tor~(M, T) f O}
et diM = sup{n 1 ExtA.(T,M) f O}.
En déduire que l'on a dim.gl.A = dpTA = diAT = sup{n 1 ExtA.(T,T) f O} =
sup{n 1Tor~(T, T) =/: O}.
16. Soient A une K-algèbre et MA un module. Montrer que, si dim. gl. d. A=
net si dp M = n-1, alors tout sous-module M' de M est tel que dp M' ::; n -1.
n
17. Soient Ai, ... , An des K-algèbres et A = IJ Ai. Montrer que
i=l

dim. gl. d. A = sup{ dim. gl. d. Ai l 1 ::; i ::; n}.

18. Calculer la dimension globale de chacune des algèbres de matrices sui-


vantes sur un corps K :

(a) A=[~K i0 K~i-


(b) B = [~ ~
K K K K
i ~] ·
19. Soient K un corps et n 2:: 2. Montrer que A = Tn(K) est de dimension
globale 1 et que B = A/ rad 2 A est de dimension globale n + 1.
20. Soient K un corps et t une indéterminée. Montrer que l'algèbre A =
K[t]/ (t 2 } est de dimension globale infinie.
CHAPITRE XI

Homologie et cohomologie des algèbres

Il existe une autre approche homologique à l'étude des algèbres. Elle consiste à
considérer l'algèbre A comme un (A-A)-bimodule, à en construire une résolution
projective dans la catégorie des (A - A)-bimodules, puis à calculer l'homologie
et la cohomologie à coefficients dans un bimodule fixe M. L'intérêt de cette
approche, conçue par Hochschild, est que les premiers groupes d'homologie
et de cohomologie s'expriment de façon aussi simple que concrète. Elle nous
amène également à l'étude d'une classe particulièrement intéressante d'algèbres
semisimples, qu'on appelle les algèbres séparables. Le chapitre se termine avec
un théorème de structure important, connu sous le nom de théorème principal
de Wedderburn (2.9). Dans ce chapitre, nous supposerons que K est un corps
commutatif et A une K-algèbre de dimension finie. Cette hypothèse permet
d'arriver le plus vite possible aux résultats essentiels.

1. Cohomologie de Hochschild d'une algèbre


Soient K un corps commutatif et A une K-algèbre de dimension finie. On
rappelle que A0 P désigne l'algèbre opposée de A.
DÉFINITION. L'algèbre enveloppante Ae de A est la K-algèbre définie par
Ae = Aop ®KA.
Comme on l'a vu en (V.1.8) la structure de K-espace vectoriel de Ae est donc
la même que celle du K-espace vectoriel A ®KA, tandis que la multiplication
est définie par
(a® b)(a' ® b') = a'a ® bb'
(pour a,a',b,b' E A). On voit immédiatement que Ae est également une K-
algèbrededimensionfinieetquedimKAe = (dimKA) 2 , d'après (V.1.7). D'autre
part, le rôle du corps K est essentiel dans la formation du produit tensoriel,
et donc l'algèbre enveloppante dépend des propriétés de K. La raison pour
laquelle on introduit l'algèbre enveloppante est que l'on veut étudier les (A-A)-
bimodules. Comme il est commode de parler de modules plutôt que de bi-
modules, on montrera que tout (A - A)-bimodule est un Ae-module et récipro-
quement.

289
290 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES

LEMME 1.1. Soit A une K -algèbre de dimension finie. Les catégories de (A-
A)-bimodules et de Ae-modules (à droite} sont équivalentes.

DÉMONSTRATION. Soit Mun (A-A)-bimodule. On donne à M une structure


de Ae-module par
x(a ® b) = (ax)b = a(xb)
(pour x E M, a, b E A). La seconde égalité est vraie parce que M est un
bimodule. Il suffit de vérifier l'associativité mixte de la multiplication. Or
[x(a ® b)](a' ® b') = (axb)(a' ® b')
= a'axbb'
x(a'a ® bb')
= x[(a ® b)(a' ® b')]
(pour x E M, a, b, a', b' E A). Réciproquement, soit Mun Ae-module à droite.
On définit une structure de (A - A)-bimodule par
ax = x(a ® 1) et xb = x(l ® b)
(pour x E M, a, b E A). La vérification des axiomes est immédiate, et on voit
tout de suite que les foncteurs décrits sont des équivalences quasi-inverses. D
Par exemple, l'algèbre A a une structure naturelle de (A-A)-bimodule (définie
par la multiplication de A), et donc de Ae-module à droite. Le lemme {1.1)
nous permettra de passer continuellement d'une catégorie à une autre, et nous
utiliserons à chaque fois le langage le mieux adapté à la situation.
DÉFINITION. Soit Mun (A-A)-bimodule. Pour chaque entier n ~ O, le nième
espace de cohomologie de Hochschild de A à coefficients dans M est le K-espace
vectoriel Hn(A,M) = Ext~.(A,M).
L'objectif de ce chapitre est d'utiliser ces espaces pour étudier la structure de
l'algèbre A.
Pour calculer Hn(A, M), on doit, comme il a été expliqué en (IX.3), cons-
truire une résolution projective de A dans ModAe, puis appliquer le foncteur
HomA•{-,M). Comme Hn(A,M) ne dépend pas de la résolution projective
particulière choisie, il suffit d'en construire une.
Soit n ~ -1 un entier. On définit une suite de K-espaces vectoriels Bn(A)
par récurrence comme suit :

B-1(A) = A
Bo(A) = A®KA
et Bn+i(A) = A ®K Bn(A) pour n ~O.

Ainsi, Bn(A) = A®(n+2> {avec la notation de {V.4)). Chaque Bn(A) est muni
d'une structure naturelle de Ae-module définie par
1. COHOMOLOGIE DE HOCHSCHILD D'UNE ALGÈBRE 291

pour ao, . .. , an+i, a, b E A. On définit, pour chaque n ~ 0, une application


dn: Sn(A)--+ Bn-i(A) par
n
dn(ao ® · · · ® an+i) = L:(-I)i(ao ® · · · ® aiaï+i ®···®an).
i=O
Il suit de la définition que dn est une application A-linéaire à gauche et aussi
à droite, donc qu'elle est un morphisme de (A - A)-bimodules. On affirme que
cette donnée définit un çomplexe.

LEMME 1.2. Avec les notations précédentes, (Sn(A), dn) est un complexe de
A e -modules.

DÉMONSTRATION. Soit Sn: Sn(A)--+ Sn+i(A) l'application K-linéairedéfinie


par sn(x) = l®x (pour x E Sn(A)). Il est évident que Sn est en fait A0 P-linéaire.
D'autre part, Sn est injective, puisque l'application tn: Sn+i(A)--+ Sn(A) définie
par tn(a®x) = ax (pour a E A, x E Sn(A)) satisfait à tnsn = ls.,(A)· En outre,
pour chaque n ~ 0, on a

En effet,

(dn+isn + Sn-idn)(ao ® · · · ® an+i) =


= dn+i(l®ao®· ··®an+i)+sn-i (~(-I)i(ao ® ·· · ®aiaï+i ® ·· · ®an+i))
= ao ®· ·· ®an+i
(pour ao, ... , an+i E A) puisque les autres termes s'annulent deux à deux.
Par ailleurs, dod1 = 0 puisque

dodi(ao ®ai® a2) = do[(aoai) ® a2 - ao ® (aia2)]


(aoai)a2 - ao(aia2) = 0
(pour ao,ai,a2 E A). Par conséquent, la formule(*) donne

dndn+isn = dn - dnSn-idn
= {ls,._ 1 (A) - dnSn-i)dn

pour n ~ 1. Par récurrence, on a donc dndn+isn = 0 pour tout n ~ 1. Comme


l'image de Sn engendre évidemment Sn+i(A) en tant que A0 P-module, on a bien
dndn+i = 0 pour tout n > O. D
Remarquons que l'application do: So(A)--+ B-i(A) (c'est-à-dire do: A ®KA
--+A) n'est autre que la multiplication a0 ®ai i--+ a0 ai (pour ao, ai E A). Elle
est évidemment surjective, de sorte que l'on a un complexe de Ae-modules:

S. · · ·---+ S2(A) ~ Si(A) ~ So(A) ~A---+ O.


292 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES

Le complexe S. = (Sn(A), dn) est appelé le complexe standard de A. Si on


note Lo le noyau de la multiplication do, on a aussi une suite exacte courte de
Ae-modules
0---+ Lo~ A®K A~ A---+ O.
Il est parfois utile d'écrire Sn(A) sous la forme :

Sn(A) =A ®K Sn(A) ®KA~ Sn(A) ®K Ae

où So(A) = K et Sn(A) = A®n pour n ~ O. Cette façon d'écrire présente


l'avantage de mettre en évidence l'action de Ae. Elle permet aussi de voir tout de
suite que S. est une résolution projective du Ae-module A. En effet, comme A est
un K-espace vectoriel, il est libre en tant que K-module, donc Sn(A) = A®n est
aussi un K-module libre (d'après (V.1.6)) et par conséquent Sn(A) ~ Sn(A) ®K
Ae est un Ae-module projectif. (Le lecteur remarquera qu'ici nous utilisons pour
la première fois l'hypothèse que K est un corps, autrement il faudrait, pour
que s. soit toujours une résolution projective de ÂAe, supposer que A est un
K-module projectif.)
Les espaces de cohomologie de Hochschild sont obtenus en appliquant le fonc-
teur HomAe (-, M) au complexe standard, en supprimant le premier terme non
nul du complexe résultant, ce qui donne le complexe
HomAe(d1,M) HomA•(d2,M)
0---+ HomAe(So(A),M) HomAe(S1(A),M) - - - - - +
HomAe (S2(A), M) ---+ · · ·
dont on calcule la cohomologie. Il suit de l'isomorphisme d'adjonction (V.2.1)
que, pour tout n ~ 0, on a

HomAe(Sn(A),M) ~ HomA• (sn(A)®KAe,M)

~ HomK (sn(A),HomAe(Ae,M))

~ HomK (sn(A),M)

où on a aussi utilisé (II.5.3). En particulier, HomAe(So(A), M) ~ MK. Si


on calcule l'effet des isomorphismes fonctoriels précédents sur les différentielles
HomAe (di, M), on voit que l'on peut identifier le complexe précédent au com-
plexe C* = (Cn,ôn), où c 0 = M, en= HomK (sn(A),M) pour n ~ 1 et les
applications K-linéaires 15n sont définies comme suit. L'application 8° : M -+
HomK(A, M) est définie par 8°(x)(a) = ax - xa (pour a E A et x E M). Pour
n ~ 1, l'application 15n: HomK (sn(A),M)-+ HomK (sn+i(A),M) est définie
par

n
+ ~)-1)ï/(a1 ® ·· ·aiai+l ® · ·· ®an+i) + (-1r+l/(a1 ® · ·· ®an)an+l
i=l
1. COHOMOLOGIE DE HOCHSCHILD D'UNE ALGÈBRE 293

(pour ai. ... ,an+l E A et f E HomK (sn(A), M)). On obtient donc, pour tout
n ~ 1,
Hn(A,M) = Kerôn/rmon- 1 .
Le lecteur peut vérifier par lui-même que les on sont effectivement donnés par
ces formules.
Cette reformulation nous permettra de donner une description explicite des
espaces H 0 (A,MJ, H 1 (A,M) et H 2 (A,M). Il est immédiatement visible que
H 0 (A,M) = ExtA.(A,M) n'est autre que le K-espace HomA·(A,M). Il existe
une autre description.
LEMME 1.3. L'espace H 0 (A, M) est isomorphe au sous-K-espace de M formé
des x E M tels que ax = xa.
DÉMONSTRATION. Cela résulte en effet de ce que H 0 (A, M) = Kerô0 et de
la définition de o0 • D
Si, par exemple, M est égal au bimodule AÂA, alors H 0 (A, A) est isomorphe
au centre de A.
Nous voulons maintenant décrire le premier espace de cohomologie H 1 (A, M).
À cette fin introduisons la notion de dérivation.
DÉFINITION. Soient A une K-algèbre de dimension finie et M un A - A-
bimodule. Une dérivation (ou homomorphisme croisé) ô : A - M est une
application K-linéaire telle que
ô(ab) = aô(b) + ô(a)b
(pour a, b E A).
Il est clair que les dérivations de A dans M forment un sous-espace Der( A, M)
du K-espace HomK(A, M). Notons aussi que, pour toute dérivation ô: A - M,
nous avons ô(l) =O. En effet, cela découle du calcul suivant :
ô(l) = 6(1 2 ) = 1. ô(l) + ô(l). 1 = ô(l) + ô(l).
Par exemple, chaque x E M induit une dérivation Ô:e : A - M par
ô:e(a) = ax - xa
(pour a E A). Une telle dérivation est dite interne. Les dérivations internes
de A dans M forment évidemment un sous-espace IDer(A, M) de Der(A, M).
Il existe en général des dérivations qui ne sont pas internes : par exemple, si
A= K[t]/(t 2 ) et M = AÂA, alors ô: A - A définie par
ô(a · I + ,B · t) = ,B · t
(pour a, ,B E K) où I et t désignent, comme d'habitude, les classes respectives
de 1 et t dans A, est une dérivation, mais non une dérivation interne.
LEMME 1.4. L'espace H 1 (A,M) est isomorphe à l'espace quotient

Der( A, M)/ IDer(A, M).


294 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES

DÉMONSTRATION. On sait que Kerô 1 est l'ensemble des applications K-


linéaires f: A--+ M telles que ô1f =O. Comme
(ô 1!)(ai® a2) = aif(a2) - f(a1a2) + f(a1)a2
(pour ai, a2 E A), on en déduit que f E Ker 61 si et seulement si f est une
o
dérivation. De même, lm 0 est l'ensemble des applications K-linéaires f : A --+
o
M telles qu'il existe x E M avec f = 0 (x) = Ô:i;, c'est-à-dire que f est une
dérivation interne. D
Pour interpréter maintenant H 2 (A, M) = Kerô 2 /Imô 1 , considérons les ex-
tensions de A, c'est-à-dire les morphismes surjectifs d'algèbres 7r : B --+ A. Si
on note M le noyau de 7r (qui est évidemment un idéal bilatère de B), on a une
suite exacte courte de K-espaces vectoriels
0--+M~B~A--+0

où 1,: M--+ B est l'inclusion. Comme A et B sont des K-espaces vectoriels, 7r


admet une section K-linéaire, c'est-à-dire qu'il existe une application K-linéaire
a : A --+ B telle que 7ra = lA. En général, a n'est pas un morphisme d'algèbres.
Lorsque c'est le cas, il s'avère que B est (en tant que K-espace vectoriel) iso-
morphe à la somme directe de la sous-algèbre a(A) (isomorphe à A) et de l'idéal
M. L'extension 7r est alors une extension scindée (d'algèbres).
Si a n'est pas un morphisme d'algèbres, il est naturel d'essayer de mesurer à
quel point ce n'est pas le cas. Un instrument de mesure naturel est l'application
f : A x A --+ B définie par
f(a1,a2) = a(a1a2) - a(a1)a(a2)
(pour a 1 ,a2 E A). On voit tout de suite que f est K-bilinéaire (car a est K-
linéaire). En outre, l'image de f est contenue dans M : en effet, 7r: B--+ A est
un morphisme d'algèbres tel que 7r0' = lA et donc
7rf(ai,a2) = 7ra(a1a2) - 7r[a(a1)a(a2)]
= aia2 - 7ra(a1)7ra(a2)
= aia2 - aia2 = 0
(pour tous ai, a2 E A), ce qui donne bien f(a1, a2) E M. Enfin, l'associativité
de la multiplication de A induit une condition surf. Soient ai, a 2 , as E A, alors
a((a1a2)as) a(a1a2)a(as) +f(a1a2,as)
= a(a1)a(a2)a(as) + f(a1, a2)a(as) + f(a1a2, as)
tandis que
a(a1(a2as)) = a(a1)a(a2as) + f(ai,a2as)
= a(a1)a(a2)a(as) + a(a1)f(a2, as)+ f(ai. a2as).
En égalisant ces deux quantités, on obtient
1. COHOMOLOGIE DE HOCHSCHILD D'UNE ALGÈBRE 295

Afin de comparer les extensions 7r : B --+ A avec les espaces de cohomolor,ie,


il faudrait munir l'idéal bilatère M de B d'une structure de (A - A)-bimodule
telle que
xa = xa(a)
et
ax = a(a)x
(pour x E Met a E A). Si a : A --+ B est un morphisme d'algèbres, cela fait
évidemment de Mun (A - A)-bimodule (en effet, c'est simplement un change-
ment de scalaires au sens de (II.1.3)(g)). Par contre, si a n'est pas un morphisme
d'algèbres, une condition suffisante pour que la définition précédente munisse M
d'une structure de (A - A)-bimodule est que M 2 = 0 (ce qu'on supposera tou-
jours dans la suite de cette discussion). Dans ce cas,
(xa1)a2 - x(a1a2) = [xa(a1)]a(a2) - xa(a1a2)
= -xf (ai. a2) = 0
puisque /(ai, a2) E M (pour x E M et ai, a2 E A).
Ces considérations nous conduisent à la définition suivante.
DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun (A-A)-bimodule. Une fonc-
tion K-bilinéaire f: A x A--+ M est appelée un ensemble de facteurs si
f(a1a2, aa) - /(ai. a2aa) + f(a1, a2)aa - aif(a2, aa) = 0

(pour ai, a2, aa E A).


Maintenant, notre objectif est de trouver une condition nécessaire et suffisante
pour que a soit un morphisme d'algèbres. Rappelons que l'on a un isomorphisme
de K -espaces vectoriels

B~a(A) œM ~AœM.
Il est évident que cet isomorphisme induit un isomorphisme de K-algèbres AœM
~ B donné par a+ x 1-+ a(a) + x (pour a E A et x E M) si on définit la
multiplication dans le K-espace vectoriel A E0 M par transport de structure,
c'est-àrdire par
(a1 + x1)(a2 + x2) = aia2 + aix2 + x1a2 +/(ai. a2)
(pour a 1, a 2 E A et xi, x2 E M). Dire que a est un morphisme de K-algèbres
revient alors à dire que la composition de a avec l'isomorphisme B ~ AœM est un
morphisme de K-algèbres ou qu'il existe une application K-linéaire p: A--+ M
telle que p = [ :~] : A--+ A E0 M soit un morphisme de K-algèbres. Or, pour
ai,a2 E A, on a
p(a1)p(a2) = (a1 - p(a1))(a2 - p(a2))
= aia2 - p(a1)a2 - aip(a2) + f(a1, a2)
tandis que
296 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES

Il faudrait donc avoir


f(ai,a2) = p(a1)a2 + a1p(a2) - p(a1a2).
Notons que cette relation entraîne que, pour tout a E A, on a /(a, 1) = ap(l) :
en effet, f(a, 1) = p(a) · 1 + ap(1) - p(a · 1) = ap(l). Par conséquent, 1 - p(l)
est l'identité de A E9 M, puisque
(a+ x)(l - p(l)) =a+ x - ap(1) +/(a, 1) =a+ x
et de même (1 - p(l))(a + x) =a+ x pour tous a E A, x E M. Donc p(l) =
1 - p(l). On a montré que a est un morphisme de K-algèbres si et seulement
s'il existe une application K-linéaire p: A--+ M telle que
/(ai, a2) = p(a1)a2 - p(a1a2) + a1p(a2).
Cela mène à la définition suivante.
DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun (A-A)-bimodule. Un ensem-
ble de facteurs f : A x A --+ M est dit scindé s'il existe une application K-linéaire
p : A --+ M telle que
f(ai,a2) = a1p(a2) - p(a1a2) + p(a1)a2
(pour ai, a2 E A).
On peut résumer ce qui vient d'être dit dans le lemme suivant.
LEMME 1.5. Soient 7r : B --+ A une extension dont le noyau M satisfait
2
M = 0 et a : A --+ B une section K-linéaire de 7r. Alors l'application K-
bilinéaire f : A x A --+ M définie par
/(ai, a2) = a(a1a2) - a(ai)a(a2)
(pour a1,a2 E A) est un ensemble de facteurs. L'extension 7r est scindée si et
seulement si f est un ensemble de facteurs scindé. D
Il est maintenant facile de décrire H 2 (A, M).
PROPOSITION 1.6. Soient A une K-algèbre et M un (A - A)-bimodule. Il
existe une bijection entre H 2(A, M) et l'ensemble des classes d'isomorphisme
d'extensions de A ayant pour noyau M, où M 2 = O. Dans cette bijection,
l'élément zéro de H 2(A, M) correspond aux extensions scindées.
DÉMONSTRATION. Avec les notations ci-dessus, on a
H 2 (A,M) = Kerô 2 /Imô 1 .
Or, pour une application K-linéaire g : A ®KA --+ M, l'application ô2g est
définie par
(ô 2g)(a1 ® a2 ® ag) = a1g(a2 ® ag) - g(a1a2 ® ag) + g(a1 ® a2a3) - g(a1 ® a2)a3
(pour a1, a2, ag E A). On sait qu'il existe une bijection naturelle entre appli-
cations K-linéaires A ®KA --+ M et applications K-bilinéaires A x A --+ M
1. COHOMOLOGIE DE HOCHSCHILD D'UNE ALGÈBRE 297

(par définition du produit tensoriel A ®KA). Soit f l'application K-bilinéaire


correspondant à g, de telle sorte que

f(ai, a2) = g(ai ® a2)


(pour ai,a2 E A). Énoncer que g E Ker6 2 revient donc à dire que f satisfait à
l'identité suivante :

c'est-à-dire que f est un ensemble de facteurs. De même, énoncer que g E Im6i


équivaut à dire qu'il existe une application K-linéaire p : A -+ M telle que
g = 6ip. Or, pour ai, a2 E A, on a

de sorte que f(ai,a2) = aip(a2) - p(aia2) + p(ai)a2. En d'autres termes, f est


un ensemble de facteurs scindé. O

Un exemple particulièrement important d'extension scindée est le suivant: si


A est une K-algèbre de dimension finie et si M est un (A - A)-bimodule, on
définit l'extension triviale de A par M (voir l'exercice (I.15)) comme étant la
K-algèbre dont le K-espace vectoriel sous-jacent est AœM =A x M = {(a,x) 1
a E A, x E M} et la multiplication est définie par

(ai, xi)(a2, x2) = (aia2, aix2 + xia2)


(pour ai, a 2 E A et xi, x2 E M). L'ensemble de facteurs correspondant est
l'application bilinéaire nulle, qui est évidemment scindée. D'après (1.6), toute
extension triviale de A par M correspond à l'élément zéro de H 2 (A, M).
On a parlé jusqu'ici de cohomologie et non d'homologie. Disons donc quelques
mots au sujet des espaces d'homologie de Hochschild.
Notons que, si A est une K-algèbre de dimension finie et si M est un (A-A)-
bimodule, alors M peut être muni d'une structure naturelle de Ae-module à
gauche par
(a® b)x = (bx)a = b(xa)
(pour x E Met a,b E A).

DÉFINITION. Soient A une K-algèbre de dimension finie et M un (A - A)-


bimodule, considéré comme un Ae-module à gauche. Le nième espace d'homologie
de Hochschild de A à coefficients dans M est l'espace
Hn(A, M) =TornA" (A, M).
Afin de calculer les espaces d'homologie, il faut prendre une résolution pro-
jective de A considéré comme Ae-module à droite (par exemple, le complexe
standard), puis appliquer le foncteur - ®A• M. Nous montrerons ici comment
calculer H 0 (A, M). Pour ce faire, nous aurons besoin du lemme suivant, qui sera
également utile dans la section suivante.
298 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES

LEMME 1. 7. Soit A une K -algèbre de dimension finie. Le noyau Lo de la


multiplication do : A ®KA-+ A, a® b 1-+ ab (pour a,b E A) est, en tant que
Ae-module à droite, engendré par les éléments de la forme a® 1 - 1 ®a (pour
a E A).

DÉMONSTRATION. En effet, on a (a® 1 - 1 ®a) E Lo pour tout a E A.


Réciproquement, si E ~ ® bi E Lo, alors E aibi = 0 et donc

Lai ®bi = L(ai ® 1-1 ®ai){l ®bi)


d'où l'énoncé. D
COROLLAIRE 1.8. L'espace Ho(A,M) est isomorphe au quotient de M par
le sous-espace engendré par les éléments de la forme xa - ax (pour x E M et
a E A).

DÉMONSTRATION. On a en effet une suite exacte courte de Ae-modules ex-


traite du complexe standard

0-+Lo ~A®KA~A-+O.
®Ae M et en tenant compte des isomorphismes
En appliquant le foncteur -
(A ®KA) ®Ae M..=. Ae ®Ae M..=. M, on voit que

Ho(A, M) .,=. Coker(Lo ®A• M -+ M)


..=. M/LoM.
Il suit alors de (1.7) que LoM est engendré par les éléments de la forme xa- ax
{pour x E Met a E A). 0

2. Algèbres séparables
On rappelle que l'on a une suite exacte courte de Mod Ae, extraite du complexe
standard de A
0 -+Lo ~ Ae ~A-+ 0
où do : A ®KA-+ A est la multiplication a® b 1-+ ab (pour a, b E A).
DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite séparable si la multiplication do
A ®KA -+ A admet une section Ae-linéaire (en d'autres termes, si la suite
exacte courte précédente est scindée dans Mod A e).
THÉORÈME 2.1. Soit A une K-algèbre de dimension finie. Les conditions
suivantes sont équivalentes :
(a) A est séparable.
(b) A est projectif en tant que Ae-module.
t
(c) Il existe des éléments ai, ... , at, a~, ... , a~ E A tels que L ~a~ = 1 et
i=l
t t
L bai ®a~ = Lai ® a~b pour tout b E A.
i=l i=l
2. ALGÈBRES SÉPARABLES 299

DÉMONSTRATION. L'équivalence de (a) et de {b) découle de (IV.2.4). Nrms


montrons donc l'équivalence de (a) et (c). Supposons A séparable et soit d :
A -+ A ®KA une section Ae-linéaire de la multiplication do. Alors d{l) E
A ®K A de telle sorte qu'il existe des éléments ai, ... , at, aL ... , a~ de A tels
t
que d{l) =Lai ®a~. Comme dod = lA, la relation dod{l) = 1 s'exprime par
i=l
t
L aia~ = 1. D'autre part, d étant un morphisme de Ae-modules, c'est-à-dire de
i=l
(A - A)-bimodules, on a
bd{l) = d(b) = d(l)b
pour tout b E A, ce qui donne
t t
Lbai ®a~= Lai ®a~b
i=l i=l

pour tout b E A. On a montré que (a) implique (c). Réciproquement, supposons


t
(c) satisfaite, et définissons d : A -+ A® KA par d(b) = L bai® a~ (pour b E A).
i=l
Alors d0 d{l) = 1 et bd(l) = d(l)b pour b E A donnent bien que d est Ae-linéaire
et tel que dod = lA. D
t
L'élément Lai® a~ de Ae défini par la partie (c) du théorème est appelé
i=l
un idempotent de séparabilité pour A. Le lemme suivant donne deux exemples
importants d'algèbres séparables.
LEMME 2.2. (a) Soit n > 0, alors Mn(K) est séparable.
{b) Soit G un groupe fini tel que la caractéristique de K ne divise pas l'ordre
du groupe, alors KG est séparable.
DÉMONSTRATION. (a) Pour un 1 ::::; j ::::; n fixe, on prend ai= ei; et a~= e;i
n
de telle sorte que Lei; ® e;i joue le rôle de l'idempotent de séparabilité. On a
i=l
en effet
n n
Lei;e;i = Leii = 1
i=l i=l
tandis que pour tout a E Mn(K), on a
n n
L aei; ® e;i = Lei; ® e;ia.
i=l i=l

En effet, il suffit de démontrer cette dernière relation avec a égal à un élément


quelconque ekl de la base canonique de Mn(K). Or on a
n n
L ekiet; ® e;i = ek; ® e;1 = Lei; ® e;iekl·
i=l i=l
300 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES

{b) Soit n l'ordre de G, alors il suit de l'hypothèse que~ E K. On prend pour


idempotent de séparabilité l'élément~ L x-i ®x de (KG)e. Il est évident que
xEG
~ L x-ix = 1 et, d'autre part, on a
xEG

-1 ""'
L..t x - i ®xa = ;1 ""'
L..t a(xa) - i ® xa
nxeG xEG

= .!.n L:ay-i®y
yEG

pour tout a E G, donc pour tout a E KG. D

On note que Mn(K) et KG sont des K-algèbres semisimples (d'après {VI.7.1)


et (VI.7.9), respectivement). En fait, c'est le cas pour toute K-algèbre séparable,
par suite du lemme suivant.

LEMME 2.3. Soit A une K -algèbre séparable, alors A est semisimple.

DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après (VI.7.1), de montrer que tout A-module


MA est projectif. Or, énoncer que A est séparable revient à dire qu'il existe un
(A-A)-bimodule X et un isomorphisme de (A-A)-bimodules A®KA-=:.AœX.
En appliquant le foncteur M ®A-, on en déduit un isomorphisme de A-modules

M®AA®KA-=:.(M®A A) œ(M®AX).

L'isomorphisme fonctoriel M ®A AA ..=:.MA de (V.1.4) entraîne que MA est un


facteur direct de M ®K AA. Comme K est un corps, MK est libre de telle sorte
que M ®K AA l'est aussi. Par conséquent, MA est projectif. D

LEMME 2.4. Soient Ai, A2 deux K -algèbres séparables, alors A = Ai x A 2 est


séparable.
DÉMONSTRATION. On note do : A®K A-+ A, a®a' i-+ aa' (pour a, a' E A) la
multiplication de A et di, d2 les multiplications respectives de Ai et A 2. Comme
Ai et A2 sont séparables, il existe des applications d~ : Ai -+ Ai ®K Ai et d~ :
A2 -+ A2 ®K A2, respectivement Aï-linéaire et A~-linéaire, telles que did~ = 1A1
et d2d~ = 1A2 • D'autre part, on a évidemment un isomorphisme de K-algèbres

A ®KA..; (Ai ®K Ai) X (Ai ®K A2) X (A2 ®K Ai) X (A2 ®K A2)·


On définit d': A-+ A ®KA par

d'(ai, a2) = (d~ (ai), 0, 0, d~(a2))


pour (ai, a 2) E A. On laisse au lecteur la vérification facile que d'est Ae-linéaire
et telle que dd' = lA. D

COROLLAIRE 2.5. Soit K un corps algébriquement clos. Une K-algèbre est


semisimple si et seulement si elle est séparable.
2. ALGÈBRES SÉPARABLES 301

DÉMONSTRATION. La suffisance découle de (2.3), et la nécessité de (2.2)(a),


(2.4) et (VI.7.1). D
Montrons maintenant que la séparabilité d'une algèbre s'exprime aussi au
moyen de la cohomologie de Hochschild. Revenons pour ce faire à la suite exacte
courte . d
0--+Lo ~Ae ~A-+0.
On définit une application K-linéaire ko : A --+ Ae par ko(a) = 1 ®a - a® 1
(pour a E A). On a déjà montré que doko = O, de telle sorte que l'image de ko
est dans Lo et qu'en fait elle engendre Lo (voir (1.7)).
LEMME 2.6. Pour tout (A-A)-bimodule M, on a un isomorphisme fonctoriel
de K-espaces vectoriels
cp: HomA•(Lo,M) -=. Der(A,M)
défini par f 1--+ f ko
(pour f E HomA•(Lo, M)). Dans cet isomorphisme, les dérivations internes
correspondent aux morphismes de la forme gjo, où g E HomA•(Lo,M).
DÉMONSTRATION. Montrons d'abord que, pour tout f E HomA·(Lo,M), on
a bien f ko E Der(A, M). Il est clair que f k0 est K-linéaire. En outre,
(fko)(ab) = f(ab ® 1 - 1 ®ab)
= f(ab ® 1 - a® b) + f(a ® b- 1 ®ab)
f(a(b ® 1 - 1 ® b)) +!((a® 1 - 1 ® a)b)
a(fko)(b) + (f ko)(a)b
(pour tous a, b E A) puisque f est Ae-linéaire. Cela montre que cp applique
HomA• (L, M) dans Der( A, M). Il est évident que cp est K-linéaire. Elle est
aussi injective : si fko = 0, alors f = 0, puisque Imko engendre Lo (d'après
(1.7)). Montrons que cp est surjective. Soit 8 : A --+ M une dérivation. On
définit g: Ae--+ M comme l'application K-linéaire donnée par
g(a ® b) = ô(a)b
(pour a,b E A). Posons que f = gj0 . Alors f est une application K-linéaire de
Lo dans M telle que, pour E ai ® bt E Lo et a, b E A, on a E atbi = 0 et donc

f((Lai®bi)(a®b)) = f(L:aai®bib)
= L ô(aai)bib
L:aô(ai)bib+ Lô(a)aibib
= a(L ô(at)bi)b + ô(a)(L aibi)b
= a(Lô(ai)bi)b
af(L ai ® bi)b
f(L ai® bt)(a ® b).
302 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES

Cela montre que f = gjo: Lo---+ M est Ae-linéaire. Enfin, si a E A, alors

cp(f)(a) = (/ko)(a) = f(a ® 1 - 1 ®a)


f(a ® 1) - /(1 ®a) = ô(a) · 1 - ô(l)a
= ô(a)
puisque 6(1) = 0 pour toute dérivation ô. Cela montre que cp(f) = 6 et donc que
cp est surjective (et par conséquent qu'elle est un isomorphisme).
Soient maintenant f : Lo ---+ M une application Ae-linéaire et x E M, alors
cp(f) = fko est égale à la dérivation interne a 1--+ ax - xa (pour a E A) définie
par x si et seulement si, pour tout a E A,

fko(a) = f(a ® 1 - 1 ®a) = ax - xa


= aa:(a ® 1 - 1 ®a) = aa:ko(a)
où O'a: : Ae ---+ M est la multiplication à gauche par x (c'est-à-dire aa:(Y) = xy
pour tout y E Ae). Comme Lo est engendré par Imko, on en déduit que fko E
IDer(A, M) si et seulement s'il existe x E M tel que f = O'a:jo. Cela prouve
l'énoncé puisqu'il suit de (II.5.4) que HomA•(Ae,M) = {aa: 1 x E M}. D

Il est important de remarquer que le lemme (2.6) ainsi d'ailleurs que (1. 7)
sont valables même si K n'est pas un corps. Nous utiliserons cette remarque au
chapitre suivant.

THÉORÈME 2. 7. Une K -algèbre A est séparable si et seulement si H 1 (A, M) =


0 pour tout A-bimodule M (c'est-à-dire si et seulement si toute dérivation sur A
est interne).

DÉMONSTRATION. En effet, A est séparable si et seulement si la suite exacte


courte de (A - A)-bimodules

0---+ Lo~ Ae ~A---+ 0

est scindée, c'est-à-dire si et seulement s'il existe un morphisme de (A - A)-


bimodules p : Ae ---+ Lo tel que pjo = lLo· Supposons qu'il existe un tel mor-
phisme pet soit, pour un (A - A)-bimodule quelconque M, un morphisme de
(A-A)-bimodules f: Lo---+ M. Alors f = fpjo. Cela montre, d'après le lemme,
que Der( A, M) = IDer(A, M) et donc que H 1 (A, M) = O. Réciproquement,
H 1 (A, Lo) = 0 donne, d'après (1.4), que Der( A, Lo) = IDer(A, Lo) et donc,
d'après le lemme, que tout morphisme de (A - A)-bimodules L 0 ---+ Lo (en par-
ticulier l'identité) est de la forme gj0 , où g : Ae ---+ Lo est un morphisme de
(A -A)-bimodules. Cela entraîne l'énoncé. D
COROLLAIRE 2.8. Soit A une K-algèbre séparable. Alors Hn(A, M) = 0 pour
tout n ~ 1. En particulier, toute extension de A est scindée.

DÉMONSTRATION. Le premier énoncé découle de ce que H 1 (A,M) = 0, de


ce que Hn(A, M) = Ext~. (A, M) et de (X.1.2). Le second énoncé découle de ce
que H 2 (A, M) = 0 et de {1.6). D
2. ALGÈBRES SÉPARABLES 303

Nous arrivons à notre résultat principal, connu sous le nom de théorème prin-
cipal de Wedderburn.
THÉORÈME 2.9. Soient B une K-algèbre de dimension finie, et I un idéal
nilpotent de B tel que B / I soit séparable. Il existe une sous-algèbre A de B telle
que l'on ait un isomorphisme de K-espaces vectoriels
B~AœI.

DÉMONSTRATION. Si I 2 = 0, cela résulte de {1.6) car H 2 (B/I,I) = 0 d'après


{2.8). On peut donc supposer que I 2 =f. 0 et utiliser la récurrence sur la dimension
de B. On a dimK{B/I 2 ) < dimKB, et en outre (B/I2 )/(I/I2 )~B/I est
séparable. En vertu de l'hypothèse de récurrence, il existe une sous-algèbre C de
B tellequeC 2 I 2 , B = C+I et CnI = I 2 • Or C/I 2 = C/(CnI) ~ (C+I)/I =
B / I est séparable. Comme I est un idéal nilpotent, on a I =f. I 2 , donc C =f. B, de
telle sorte que dimK C < dimK B. On peut donc encore appliquer l'hypothèse de
récurrence et trouver une sous-algèbre A de C {donc de B) telle que C = AE0I2 •
On a alors B = C + I = A+ I 2 + I = A+ I et An I = An C n I = An I 2 = O.
D
COROLLAIRE 2.10. Soient K un corps algébriquement clos et B une K-algèbre
de dimension finie. Il existe une sous-algèbre A de B telle que l'on ait un iso-
morphisme de K -espaces vectoriels
B~AœradB.

DÉMONSTRATION. En effet, rad B est un idéal nilpotent, et B /rad B une


K-algèbre semisimple (VII.4.8). On applique (2.5) et le théorème. D
L'énoncé du corollaire est en fait vrai pour tout corps parfait. Nous avons à
dessein évité de nous pencher sur les relations entre la théorie des corps com-
mutatifs et celle des algèbres séparables. Nous renvoyons pour cela le lecteur à
d'autres manuels.
304 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES

Exercices du chapitre XI
1. Soient A, B deux K-algèbres. Montrer qu'il existe une équivalence entre
les catégories de (A - B)-bimodules et de A0 P ®K B-modules à droite.

2. Soient A, B deux K-algèbres. Montrer que (A ®K B)e ~Ae ®K Be.

3. Soient G un groupe fini et A = KG. Montrer que A0 P ~A et que


Ae~K(GxG).

4. Montrer en détail que les résultats de la section 1 demeurent valables si on


suppose que K est un anneau commutatif et que A est une K-algèbre projective
en tant que K~module.
5. Soit {ei, ... , en} un ensemble complet d'idempotents promitifs orthogo-
naux pour la K-algèbre A. Donner un ensemble complet d'idempotents primitifs
orthogonaux pour Ae. En déduire la description des Ae-modules indécomposa-
bles projectifs et injectifs.
6. Soient A une K-algèbre de dimension finie et M un (A - A)-bimodule
qui est de dimension finie sur K. Montrer que DHn(A, M) ~ Hn(A, DM), où
D = HomK(-,K) désigne la dualité standard entre modA et modA0 P.
7. Soient A une K-algèbre de dimension finie et d0 : A ®KA-+ A la multi-
plication. Montrer que six E Ae satisfait à do(x) = 1, alors x est un idempotent
de séparabilité pour A si et seulement si x · Ker d0 = O.
8. Soit x un idempotent de séparabilité pour la K-algèbre de dimension finie
A. Montrer que :
a) x 2 = x.
b) Ae = (1-x)Ae E9 xAe, avec (1-x)Ae égal au noyau de la multiplication
A ®KA -+ A et xAe ~A en tant que Ae-modules.
9. Montrer que si on suppose que K est un anneau commutatif et que A
est une K-algèbre projective en tant que K-module, alors A est séparable si et
seulement si H 1 (A, M) = 0 pour tout (A - A)-bimodule M.
10. Soient 7r : B -+ A une extension de A et u une section K-linéaire de 7r
telle que u(a1a2) = u(a1)u(a2) pour tous ai, a2 E A. On cherche à montrer que
u(l) = 1. Montrer d'abord que, si f est l'ensemble des facteurs associés à u,
alors /(1, 1) =O. En déduire que f(a, 1) = f(l,a) = 0 pour tout a E A. Montrer
ensuite que u(l) = 1.
CHAPITRE XII

Algèbres héréditaires, tensorielles et auto-injectives

Il est naturel de vouloir caractériser certaines classes d'algèbres par leurs pro-
priétés homologiques. Nous connaissons déjà un cas de ce genre : nous avons
en effet démontré qu'une algèbre est semisimple si et seulement si sa dimension
globale est nulle. L'étape suivante est évidemment l'étude des algèbres de di-
mension globale (à droite) égale à 1. Ces algèbres sont dites héréditaires, et
leur étude est l'objet de la première section de ce chapitre. On donnera ensuite
un calcul de la dimension globale d'une algèbre tensorielle, d'où sera déduit un
résultat donnant la dimension globale d'une algèbre de polynômes. On terminera
ce chapitre avec l'examen d'une classe d'algèbres de dimension globale infinie,
à savoir la classe des algèbres auto-injectives, qui contient entre autres la classe
des algèbres de groupes finis.

1. Algèbres héréditaires
L'objectif de cette section est de caractériser les algèbres de dimension globale
(à droite) égale à 1.
DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite héréditaire à droite (ou à gauche)
si tout idéal à droite (ou à gauche, respectivement) est projectif en tant que
A-module.
EXEMPLES 1.1. (a) Soit A une K-algèbre semisimple. Tout A-module à droite
(ou à gauche) étant projectif, c'est le cas pour tout idéal à droite (ou à gauChe,
respectivement). Par conséquent, A est héréditaire à droite et à gauche.
(b) Soit A un domaine d'intégrité principal, alors A est héréditaire (à droite
et aussi à gauche, puisqu'il est commutatif) : en effet, tout idéal non nul de A
est principal, donc de la forme aA pour un a E A ; un tel idéal est projectif
puisque isomorphe à A (en tant que A-module), un isomorphisme évident étant
l'application linéaire A--+ aA définie par x 1-t ax (pour x E A). Par exemple, Z
est une Z-algèbre héréditaire.
g
(c) La Z-algèbre [ ~ J est héréditaire à droite mais non à gauche.

Le théorème suivant, dû à Kaplansky, est fondamental.

305
306 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

THÉORÈME 1.2. Soit A une K -algèbre héréditaire à droite. Tout sous-module


d'un module libre est isomorphe à une somme directe d'idéaux à droite.

DÉMONSTRATION. Soit L un A-module libre de base (e.xheA où l'ensemble


A peut, sans perte de généralité, être supposé bien ordonné. Pour chaque >. e A,
posons L,x = Ee(eµA). Alors Lo = 0 et L.x+i = EB(eµA) = L,x œ(e.xA). Soit
~À ~À
maintenant M un sous-module de L. Chaque x E Mn L.x+i s'écrit uniquement
sous la forme
x = y+e.xa
(pour y E L,x et a E A). On peut donc définir une application A-linéaire /.x :
Mn L.x+i -+A par x 1-+ a. Si on pose J,x = Im/,x, on voit immédiatement que
J,x est un idéal à droite de A et qu'on a une suite exacte courte

o ---+ Mn L.x ---+ Mn L.x+i A J.x ---+ o.


Comme A est héréditaire, l'idéal à droite J,x est projectif et la suite précédente
est scindée. Par conséquent, il existe un sous-module N,x de MnL,x+1 isomorphe
à J,x et tel que
MnL.x+i = (MnL_x) EBN,x.
On affirme que M ~ EB N,x. Cela montrerait que M est isomorphe .à la somme
.XEA
directe de la famille (J.x).xeA d'idéaux à droite de A, et achèverait la démonstra-
tion.
Pour commencer, montrons que M est égal à son sous-module N = L
N,x.
-XEA
Comme Lest égal à la réunion de la chaîne croissante de sous-modules (L.xheA,
chaque x EL appartient à au moins un des L,x. Posons que, pour un x EL,
µ:i; = inf{>. E A 1 x E L.x+i}·

Si N ~ M, il existe x E M tel que x <t, N. On prend


µ = inf{µ:i: 1x E M, x <!. N},
et on choisit y E M, y<!. N tel queµ= µy. On a y E Mn Lµ+li donc y s'écrit
sous la forme
y=u+v
avec y E Mn Lµ et v E Nw Par conséquent, u =y - v E Met u <t, N (car
sinon y EN). Mais d'autre part, u E Mn Lµ donne µu <µ,ce qui contredit la
minimalité deµ. Cette contradiction montre que l'on a bien N =M.
Il reste à montrer que la somme N = L
N,x est directe. Supposons ainsi que
.XEA
x1 + x2 + · · · + Xn = 0 avec Xi E N.x;, où l'on peut supposer À1 < À2 < · · · < Àn·
Alors
x1 + · · · + Xn-1 = -xn E (Mn L.xn) n N,xn = 0
donc Xn = O. Par récurrence, on a Xi = 0 pour tout i. D
1. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES 307

COROLLAIRE 1.3. Soit A une K -algèbre héréditaire à droite. Tout sous-mo-


dule d'un module projectif est projectif.
DÉMONSTRATION. Tout A-module projectif Pest, d'après (IV.2.4), un fac-
teur direct, donc un sous-module, d'un module libre L. Par conséquent, tout
sous-module M de P est un sous-module de L, donc est isomorphe à une somme
directe d'idéaux, par suite du théorème (1.2). Comme chacun de ces derniers est
projectif, il en est de même de M, d'après (IV.2.3). D
COROLLAIRE 1.4. Soit A un domaine d'intégrité principal. Tout sous-module
M d'un module libre L est lui-même libre.
DÉMONSTRATION. On sait que tout idéal non nul de A est isomorphe à AA
(voir l'exemple (1.l)(b) plus haut). Soit donc (e.ù~EA une base de L. Il suit de
(1.2) qu'il existe une famille (JÀhEA d'idéaux de A telle que M..:; JÀ. Or, E9
ÀEA
pour chaque >. E A, on a ou bien JÀ = 0 ou bien JÀ..:; AA. L'énoncé s'ensuit. D
COROLLAIRE 1.5. Soit A un domaine d'intégrité principal. Tout A-module
projectif est libre.
DÉMONSTRATION. Il suffit de remarquer que, d'après (IV.2.4), tout A-module
projectif est un sous-module d'un module libre, et d'appliquer (1.4). D
Les considérations précédentes s'appliquent à Z.

COROLLAIRE 1.6. (a) Tout groupe abélien projectif est libre.


(b) Tout sous-groupe d'un groupe abélien libre est libre. D
Nous arrivons à la caractérisation cherchée des algèbres héréditaires à droite.

THÉORÈME 1.7. Soit A une K-algèbre. Les conditions suivantes sont équiva-
lentes:
(a) A est héréditaire {à droite).
(b) dim. gl. d. A :::; 1.
(c) Tout sous-module d'un A-module projectif est projectif.
(d) Tout quotient d'un A-module injectif est injectif.

DÉMONSTRATION. (a) équivaut à (c). En effet, il suit de (1.3) que, pour une
algèbre héréditaire A, tout sous-module d'un A-module projectif est projectif.
Réciproquement, si cette dernière condition est satisfaite, tout sous-module de
AA, c'est-à-dire tout idéal à droite de A, est projectif.
(b) équivaut à (c). En effet, supposons que dim. gl. d. A :::; 1, et soit M un
sous-module du module projectif P, alors, dans la suite exacte courte
0 -----+ M -----+ P -----+ P/ M -----+ 0
on sait que dp(P/M) :::; 1. D'après (X.1.2), M est projectif. Réciproquement,
supposons que tout sous-module d'un A-module projectif est projectif. Soit N
un A-module arbitraire. Il existe un A-module projectif Pet un épimorphisme
308 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

f : P -+ N. Alors Ker f, étant un sous-module de P, est projectif, et la suite


exacte courte
0 --+ Ker f --+ P ~ N --+ 0
est une résolution projective de N. Donc dp N :::; 1 et par conséquent dim. gl. d. A
:::; 1.
(b) équivaut à {d). La démonstration se fait de façon analogue, les projectifs
étant remplacés par les injectifs. D
Par exemple, soient K un corps et A = [ ~ ~]. On a vu que dim. gl. d. A = 1.
Donc A est héréditaire à droite.
Encore une fois, les cas artinien et noethérien méritent une attention parti-
culière. Comme on pouvait s'y attendre, les modules de type fini jouent un rôle
spécial.
PROPOSITION 1.8. Soit A une K -algèbre noethérienne à droite. Alors A est
héréditaire à droite si et seulement si tout sous-module d'un A-module projectif
de type fini est projectif.
DÉMONSTRATION. La nécessité étant évidente, montrons la suffisance. Soit
IA un idéal à droite de A. Alors IA est un sous-module de AA et est de type fini
(car A est noethérienne), donc est projectif. D
C'est en particulier le cas si A est artinienne à droite, mais alors le résultat
suivant est plus utile.
THÉORÈME 1.9. Une K-algèbre artinienne à droite A est héréditaire à droite
si et seulement si le radical de tout A-module projectif indécomposable de type
fini est projectif.
DÉMONSTRATION. La nécessité résultant de {1.8), prouvons la suffisance. Soit
PA un module projectif de type fini. D'après {1.8), il suffit de montrer que tout
sous-module M de Pest projectif. On procède par récurrence sur la longueur
l de P {laquelle, d'après (VII.4.12), est finie). Si l = 1, alors P est simple, et
il n'y a rien à prouver. Supposons quel> 1 et que l'énoncé est vrai pour tout
projectif de type fini et de longueur < l. Le module P admet certainement une
décomposition directe de la forme
P=P1$P2
avec P 1 indécomposable et P2 pouvant être nul. Soit p: P-+ P 1 la projection
canonique. On considère l'image p(M) du sous-module M. On a deux cas. Si
p(M) =Pi. la composition pj: M-+ P 1 de l'inclusion j: M-+ P avec p est un
épimorphisme, donc une rétraction, puisque P1 est projectif. On a donc

M-=.P1 $M'
où M' = M n P2 Ç P2. Comme l{P2) < l, alors M' est projectif par suite
de l'hypothèse de récurrence. Donc M-=. P 1 $ M' est également projectif. Si
p(M) f Pi. alors M Ç radP1$P2, où radP1 est projectif par hypothèse. Comme
P 1 est indécomposable, rad P1 est un sous-module maximal de Pi. de telle sorte
2. ALGÈBRES TENSORIELLES 309

que l(radP1 œP2) = l-1 < .e. L'hypothèse de récurrence entraîne alors que M
est projectif. D

Par exemple, soient K un corps et A = [ ~ j}]. Les A-modules projectifs


indécomposables sont e 11 A et e2 2A. Le premier est simple (donc de radical nul)
tandis que le second est de radical e22J ..::.euA (un isomorphisme euA---+ e2 2J
étant fourni par eua 1--t e21eua = e21a (pour a E A)), comme on l'a montré en
(VIII.1), de telle sorte que le radical de chaque module projectif indécomposable
de type fini est projectif.

COROLLAIRE 1.10. Une K -algèbre artinienne à droite est héréditaire à droite


si et seulement si rad AA est un A-module projectif.
n
DÉMONSTRATION. En effet, écrivons A= $Pi, où les Pi forment une liste
i=l
complète des A-modules projectifs indécomposables. Alors, d'après (VII.1.4),
n
radAA = ffiradPi et cette somme directe est projective, par suite de (lV.2.3),
i=l
si et seulement si rad Pi est projectif pour chaque i, où 1 :::; i :::; n. Il ne reste
plus qu'à appliquer (1.9). D
COROLLAIRE 1.11. Soit A une algèbre artinienne à droite et héréditaire à
droite. Tout morphisme non nul entre modules projectifs indécomposables est un
monomorphisme.

DÉMONSTRATION. Soit f : P ---+ P' un tel morphisme. Alors lm f Ç P' est


projectif, donc la suite exacte courte
0 ----+ Ker f ----+ P ----+ lm f ----+ 0

est scindée et P..; lm f œKer f. Comme f =/: 0, alors lm f =/: O. Par hypothèse,
P est indécomposable, donc Ker f = O. D

2. Algèbres tensorielles
L'objectif de cette section est de calculer la dimension globale d'une algèbre
tensorielle. Nous commençons par des considérations sur les foncteurs de change-
ment des scalaires (introduits en (III.6)).
Soient A, B deux K-algèbres et cp : A ---+ B un morphisme. On sait que tout
B-module XB est muni d'une structure canonique de A-module par
xa = xcp(a)
(pour x EX et a E A). Cela permet de définir un foncteur F: ModB ~ ModA
(qui peut être considéré comme une variante du foncteur oubli). Il est évident
que Fest un foncteur exact. On notera F X simplement XA, si aucune ambiguïté
n'est à craindre. Par exemple, B lui-même est muni d'une structure canonique de
A-module, de telle sorte que l'on peut le considérer comme un (B -A)-bimodule
qui sera noté BEA. De même, B admet également une structure de A-module
310 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

à gauche, de telle sorte que l'on peut aussi le considérer comme un (A - B)-
bimodule qui sera noté ABB. Le lemme suivant n'est autre que la première
partie de l'exercice (V.26).
LEMME 2.1. Pour tout B-module X, on a des isomorphismes fonctoriels
FX..:; HomB(ABB,X) ..:;x ®B BA.
DÉMONSTRATION. Pour le premier isomorphisme, il suffit de démontrer que
l'isomorphisme fonctoriel K-linéaire t/J : X -+ HomB(B,X) de (II.5.3) est A-
linéaire. On rappelle que t/J(x)(b) = xb pour x EX et b E B. Soit donc a E A,
on a bien
t/J(xa)(b) = t/J(xi,o(a))(b) = (xi,o(a))b
et
[t/J(x)a](b) = t/J(x)(ab) = t/J(x)(i,o(a)b).
On démontre de même le second isomorphisme. D
Comme le foncteur F : Mod B -+ Mod A s'exprime en termes de module
d'homomorphismes ou en termes de produit tensoriel, il est naturel de considérer
ses adjoints à droite et à gauche.
LEMME 2.2. (a) Le foncteur - ®A BB : Mod A -+ Mod B est adjoint à gauche
de F.
(b) Le foncteur Hom A(BB A, - ) : Mod A -+ Mod B est adjoint à droite de F.
DÉMONSTRATION. Soient XB un B-module et UA un A-module. L'énoncé
(a) résulte des isomorphismes fonctoriels

HomA(U,FX)..:; HomA(U,HomB(ABB,X)..:; HomB(U ®A BB,X)


alors que (b) résulte des isomorphismes fonctoriels

HomA(F X, U)..:; HomA(X ®B BA, U)..:; HomB(X, HomA(BBA, U))


où l'on a utilisé successivement les deux isomorphismes de (2.1). D
Il est à remarquer que les foncteurs adjoints de F définis en (2.2) préservent
les projectifs et les injectifs, respectivement (voir les exercices (V.20) et (V.21)).
LEMME 2.3. (a) Soit PA un A-module projectif, alors P ®B BA est un B-
module projectif.
(b) Soit IA un A-module injectif, alors HomA(BBA, I) est un B-module in-
jectif.
DÉMONSTRATION. (a) Il faut démontrer que le foncteur HomB(P ®B BA,-)
ei;;t exact, mais cela découle de l'isomorphisme de foncteurs
HomB(P ®B BA,-)..:; HomA(P, F(-))
de (2.2)(a) et du fait que les foncteurs F et HomA(P, -) sont exacts.
(b) se démontre de même au moyen de l'isomorphisme de foncteurs de (2.2)(b)
2. ALGÈBRES TENSORIELLES 311

Il existe plusieurs formules permettant de calculer les relations entre modules


d'extension et de torsion sur A et sur B. Nous aurons besoin ici des suivantes.

PROPOSITION 2.4. (a) Si BA est un A-module projectif, il existe pour tout


n ~ 0 un isomorphisme

fonctoriel en XB et UA.
(b) Si AB est un A-module plat, il existe pour tout n ~ 0 un isomorphisme

Ext8(U ®A BB,x)-=. Ext~(U,X)


fonctoriel en UA et XB.

DÉMONSTRATION. (a) Soit 0 - U - 1° - /1 - • • · une résolution


injective de UA dans ModA. On applique HomA(BBA, -). Comme BA est
projectif, ce foncteur est exact de telle sorte que l'on obtient une suite exacte de
ModB:

o-HomA(BBA,U) -HomA(BBA,1°) - HomA(BBA,1 1) - ....


Il suit de {2.3) que c'est là une résolution injective de HomA(BBA, U). Si on
supprime ce terme et on applique HomB{X, -) au complexe résultant, on obtient
un diagramme commutatif
0 -+ HomB(X,HomA(BBA,1°)) -+ HomB(X,HomA(BBA,1 1)) -+

12 12
0 -+ HomA(FX,1°) -+ HomA(FX,1 1) -+ ···

où les lignes sont des complexes. L'isomorphisme cherché s'obtient en prenant


les cohomologies de ces deux complexes.
(b) La démonstration se fait de façon semblable. Soit · · · - Pi - Po -
U - 0 une résolution projective de UA dans ModA. On applique - ®A BB.
Comme AB est plat, ce foncteur est exact de telle sorte que l'on obtient une
suite exacte de Mod B :

... -P1®ABB-Po®ABB-U®ABB-o.
Il suit de {2.3) que c'est là une résolution projective de U ®A BB. Si on sup-
prime ce terme et on applique HomB{-, X) au complexe résultant, on obtient
un diagramme commutatif

0 - HomB(Po ®A BB, X) - ...

0 -
12
HomA(Po,FX) -
où les lignes sont des complexes. L'isomorphisme cherché vient en prenant les
...

cohomologies de ces deux complexes. D


312 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

Dans ce qui suit, on considère un K-module Met l'algèbre tensorielle A =


T(M) de M (voir {V.4)). Le lemme {2.5) ci-dessous donne un calcul plus précis
du noyau de la multiplication do : A ®KA ---+ A définie par a® b f-+ ab (pour
a, b E A). On rappelle en effet que l'on a montré en (XI.1. 7) que ce noyau est, en
tant que (A- A)-bimodule, engendré par les éléments de la forme a® 1 - 1 ®a
(pour a E A). On avait déjà observé que ce calcul, ainsi que (XI.2.6), faits dans
l'hypothèse où K est un corps et A une K-algèbre de dimension finie sont en fait
valables pour tout anneau commutatif K et toute K-algèbre A.

LEMME 2.5. Soient M un K-module et A = T(M) son algèbre tensorielle. Il


existe une suite exacte courte de (A - A)-bimodules qui est scindée en tant que
suite exacte de A-modules à droite (ou à gauche}

0 ----+ A ®K M ®KA ~ A ®KA ~ A ----+ O.

DÉMONSTRATION. On a vu que la multiplication do : A ®KA ---+ A définie


par a®b f-+ ab (pour a, b E A) est un morphisme surjectif de (A-A)-bimodules.
L'application K-linéaire ko : A ---+ Ker do définie par ko (a) = a ® 1 - 1 ®a (pour
a E A) est, d'après (XI.2.6), une dérivation, et en outre Ker do est engendré par
Imk0 • On considère la restriction de ko à M, notée kM = ko IM (c'est-à-dire
la composition de l'inclusion canonique de M dans A avec ko). Comme A est
engendré par Men tant que K-algèbre, Ker do est engendré par l'image de kM.
Cette restriction induit un morphisme de (A -A)-bimodules
Io : A ®K M ®KA ----+ Ker do ----+ A ®KA
(où l'application Ker do---+ A ®KA est l'inclusion) par
lo{l ®X® 1) = kM(x) =X® 1 - 1 ®X
(pour x E M), et lo(a®x®b) = alo(l®x®l)b (pour x E Met a,b E A). Il est
clair que Imlo =lm kM =Ker do. Cela montre que la suite donnée est exacte à
droite. Il reste à démontrer que Io est injectif et est une section de A-modules à
droite (ou à gauche). Il suffit donc de construire un morphisme de A-modules à
droite 9o : A® KA ---+ A® KM® KA tel que 9olo = 1 (une construction semblable
donnant un morphisme de A-modules à gauche avec la même propriété).
On considère le morphisme de K-modules M ---+ A ®KM ®KA défini par
x f-+ 1®x®1 (pour x E M). On affirme qu'il se prolonge en une dérivation
6 : A ---+ A ®K M ®KA. En effet, soit B l'algèbre de matrices

B= [A@K~®KA ~]
munie de l'addition ordinaire des matrices et de la multiplication induite de la
structure de (A -A)-bimodule de A ®KM ®KA. Il est clair que Best aussi un
(A - A)-bimodule et que le morphisme de K-modules donné se prolonge en un
morphisme de K-modules M ---+ B par

Xf--+ [1@:@1 ~]
2. ALGÈBRES TENSORIELLES 313

(pour x E M). En nous fondant sur la définition de l'algèbre tensorielle A =


T(M), on en déduit un morphisme de K-algèbres A - B, dont la composition
avec l'application canonique B - A ®KM ®KA est une dérivation 8: M -
A ®KM ®KA, comme on le vérifie aisément.
La dérivation 8 induit une application A-linéaire go : A@K A - A@K M ®KA
par go( a® b) = 8(a)b pour a, b E A (voir démonstration de (XI.2.6)). On a
gofo(a ® x ® 1) = go[afo(l ® x ® 1)]
go[a(x ® 1-1 @x)]
= go(ax@l-a®x)
= 8(ax) - 8(a)x
= a8(x)
= a(l @x® 1)
a@x®l
pour tous a E A et x E M. Comme les éléments a@x®l engendrent A@K M@K A
en tant que A-module à droite, il s'ensuit que gofo = 1. D
Nous arrivons au résultat principal de cette section. Rappelons que tout
anneau commutatif est une Z-algèbre commutative et que de ce fait on peut
parler de sa dimension globale.
THÉORÈME 2.6. Soient K un anneau commutatif de dimension globale n, M
un K-module et A= T(M).
(a) Si MK est projectif, alors n :S: dim. gl. d. A :S: n+ 1 et dim. gl. d. A = n+ 1
si et seulement s'il existe un K-module Y tel que diHomK(M, Y)= n.
{b) Si MK est plat, alors n ::; dim. gl. d. A ::; n + 1 et dim. gl. d. A = n + 1 si
et seulement s'il existe un K-module X tel que dp{X ®KM)= n.
DÉMONSTRATION. (a) Soit VA un A-module. On veut appliquer le foncteur
HomA(-, V) à la suite exacte scindée de (2.5). Observons d'abord qu'il suit de
l'isomorphisme d'adjonction que

HomA(A ®KM ®KA, V) -=. HomK(A,HomA(M ®KA, V))


-=. HomK(A,HomK(M,HomA(A, V))
-=. HomK(A,HomK(M, V))

et aussi que HomA(A ®KA, V)-=. HomK(A, V). Par conséquent, le foncteur
HomA(-, V) appliqué à la suite de (2.5) donne une suite exacte courte de A-
modules
0 ----+ V----+ HomK(A, V) ----+ HomK(A, HomK(M, V)) ----+ 0
(où l'on a utilisé (IV.1.5)). Soit UA un A-module. Le foncteur HomA(U, -)
appliqué à la suite précédente donne une suite exacte longue de cohomologie
• · ·----+ Ext~(U, V)----+ Ext~(U,HomK(A, V))----+
----+ Ext~(U,HomK(A,HomK(M, V)))----+ Ext~+ 1 (U, V)----+···
314 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

Comme MK est projectif et que la projectivité est préservée par les puissances
tensorielles (en effet, M ®KM est projectif car

est exact, on continue par récurrence) et les sommes directes, on en déduit que
AK est projectif. D'après {2.4){a), la suite exacte précédente devient

· · ·-Ext~(U, V)-Ext~(U, V)-Ext~(U,HomK(M, V))-Ext~+l(U, V)-···.


Il est alors évident que dim. gl. d. A $ n + 1.
Comme dim. gl. K = n, il existe des K-modules X et Y tels que ExtK(X, Y) -:f:
O. On fait de X, Y des A-modules en définissant trivialement l'action de M, c'est-
à-dire en posant X M = Y M = 0, de telle sorte que le foncteur oubli rend à X et
Y leurs structures naturelles de K-modules. Appliquons le foncteur HomA{X, -)
à la suite exacte de A-modules
0-+ Y-+ HomK(A, Y)-+ HomK(A,HomK(M, Y))-+ O.

Il en résulte, d'après (2.4){a), une suite exacte


0 -+ HomA(X, Y) -+ HomK(X, Y) -+ HomK(X, HomK(M, Y)).

Comme HomA(X, Y)= HomK{X, Y) (par définition des structures de A-modu-


les de X et Y), le morphisme HomK{X, Y) - HomK(X, HomK(M, Y)) est nul.
Le même raisonnement appliqué aux termes d'une résolution projective de X
donne que les morphismes Ext~{X, Y) - Ext~{X, HomK(M, Y)) sont nuls.
On a donc une suite exacte
0-+ ExtK- 1 {X, HomK(M, Y)) -+ ExtA_{X, Y) -+ ExtK(X, Y) -+O.

Par conséquent, ExtA_{X, Y)-:/: 0 d'où on tire dim. gl. d. A 2:': n.


Il existe un K-module Y tel que diHomK{M, Y)= n si et seulement s'il existe
un K-module X tel que ExtK(X,HomK(M,Y))-:/: 0 {d'après (X.1.6)). Ceci et
la suite exacte
0 -+ ExtK(X, HomK(M, Y)) -+ ExtÂ+ 1 {X, Y) -+ ExtK+ 1 (X, Y) = O

(où l'on a fait de X et Y des A-modules comme plus haut) impliquent que
ExtÂ+l{X, Y) -:/: 0 (et donc dim. gl. d. A= n + 1). Par contre, si di HomK{M, Y)
< n pour tout K-module Y, alors, pour tout A-module V, on adiHomK{M, V)<
n et donc la suite exacte

ExtK(U,HomK(M, V))-+ ExtÂ+l(U, V)-+ 0


implique que ExtÂ+ 1 {U, V)= 0 pour tout A-module U et donc di VA$ n pour
tout V, c'est-à-dire dim. gl. d. A$ n d'après (X.2.1).
{b) La démonstration se fait de façon semblable. Soit UA un A-module. La
suite exacte scindée de {2.5) induit, après application du foncteur U @A -, une
suite exacte

0 -- u ®KM ®KA - - u ®KA - - u -- 0


2. ALGÈBRES TENSORIELLES 315

(d'après (V.2.5)). Soit VA un A-module. Le foncteur HomA(-, V) appliqué à. la


suite exacte précédente donne une suite exacte longue de cohomologie
· · ·--+ Ext~(U, V)--+ Ext~(U ®KA, V)--+ Ext~(U ®KM ®KA, V)--+
--+ Ext~+ 1 (U, V)--+ ...
Comme MK est plat et que la platitude est préservée par les puissances ten-
sorielles et les sommes directes, on en déduit que AK est plat. D'après (2.4)(b),
la suite exacte précédente devient
• • ·--+ Ext~(U, V)--+ Ext~(U, V)--+ Ext~(U ®KM, V)--+ Ext~+l(U, V)--+··· .
Il est évident que dim. gl. d. A :5 n + 1.
Comme dim. gl. d. K = n, il existe des K-modules X et Y tels que Exti((X, Y)
-=/:- O. On en fait encore des A-modules en posant X M = Y M = O. Appliquons
le foncteur HomA(-, Y) à la suite exacte de A-modules
0 --+X ®KM ®KA --+X ®KA--+ X --+O.
Il en résulte, par suite de (2.4)(b), une suite exacte
0--+ HomA(X, Y) --+ HomK(X, Y) --+ HomK(X ®KM, Y).
Comme HomA(X, Y) = HomK(X, Y) (par définition des structures de A-modu-
les de X et Y), le morphisme HomK(X, Y) --+ HomK(X ®K M, Y) est nul. Le
même raisonnement appliqué aux termes d'une résolution injective de Y entraîne
que les morphismes Ext~(X, Y) --+ Ext~(X ®KM, Y) sont nuls. On a donc une
suite exacte
0--+ Exti(- 1 (X ®KM, Y)--+ Ext~4(X, Y)--+ Exti((X, Y)--+ O.
Par conséquent, Ext~ (X, Y) -=/:- 0 d'où on tire dim. gl. d. A ~ n.
Il existe un K-module X tel que dp(X ®K M) = n si et seulement s'il existe
un K-module Y tel que Exti((X ®K M, Y) -=/:- 0 (d'après (X.1.2)). Ceci et la
suite exacte
0--+ Exti((X ®KM, Y) --+ ExtÂ+ 1 (X, Y) --+ Extj(+l(X, Y) = 0
(où on a fait de X et Y des A-modules comme plus haut) impliquent que
ExtÂ+l (X, Y) -=/:- 0 (et donc dim. gl. d. A = n+ 1). Par contre, si dp(X ®KM) < n
pour tout K-module X, alors, pour tout A-module UA, on a dp(U ®KM)< n
et donc la suite exacte
Exti((U ®KM, V) --+ ExtÂ+ 1 (U, V) --+ 0
implique que ExtÂ+l(U, V)= 0 pour tout A-module V. Donc dpUA :5 n pour
tout U, c'est-à-dire dim.gl.d.A :5 n d'après (X.2.1). D
COROLLAIRE 2.7. Soient K un anneau commutatif, et t une indéterminée,
alors dim. gl. K[t] = 1 + dim. gl. K.
DÉMONSTRATION. En effet, si M = K, alors A= T(M)=+K(t]. D'autre
part, le K-module K est libre, donc projectif et en outre, pour tout K-module
Y, on a HomK(K, Y)...::'.+ YK, d'où l'énoncé par application directe de (2.6)(a). D
316 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

COROLLAIRE 2.8. Soient K un anneau commutatif, et ti, ... , tn des indéter-


minées, alors dim. gl. K[t1, ... , tn] = n + dim. gl. K. Si, en particulier, K est un
corps, alors dim. gl. K[t1, ... , tn] = n

DÉMONSTRATION. Le premier énoncé découle de (2.7) et d'une récurrence


évidente. Le second résulte de ce que tout corps est semisimple et donc de
dimension globale nulle. O

Les énoncés (2.7) et (2.8) sont connus sous le nom de théorème des syzygies
de Hilbert. Le terme "syzygies", qui vient du grec, est utilisé pour désigner les
noyaux d'une résolution projective (un noyau d'une résolution injective étant
désigné du nom de cosyzygie). Enfin, on déduit de (2.6) le calcul de la dimension
globale d'une algèbre libre (III.3.8).

COROLLAIRE 2.9. Soient Kun anneau commutatif, et X un ensemble, alors


dim. gl. d. K (X} = 1 + dim. gl. K. Si, en particulier, K est un corps, alors K (X}
est héréditaire à droite.

DÉMONSTRATION. En effet, si M = K(X) est le K-module libre de base X,


alors T(M)..; K(X} comme on l'a vu en (V.4). D'autre part, M étant libre,
donc projectif, la dimension injective de HomK(M, Y) est égale à celle de YK,
pour tout module Y. Cela démontre le premier énoncé. Le second découle de
(1.6). 0

3. Algèbres auto-injectives
La section 1 traitait des algèbres de dimension globale 1. L'autre extrême est
celui des algèbres de dimension globale infinie. Nous en décrirons une sous-classe
particulièrement importante, parce qu'elle comprend les algèbres de groupes finis.

DÉFINITION. Soit A une K-algèbre noethérienne à droite et à gauche. Alors


A est dite auto-injective à droite ou QF (quasi frobéniusienne) à droite si AA est
un A-module injectif.

On définit de même une algèbre auto-injective à gauche. Il y a évidemment


identité entre les deux concepts quand l'algèbre en question est commutative.
Nous montrerons plus loin que si A est de dimension finie sur un corps, alors
AA est aussi un A-module injectif et donc A est aussi auto-injective à gauche.
Il est aisé de voir que toute algèbre semisimple est auto-injective (à droite et à
gauche). Pour construire d'autres exemples, on utilisera le lemme suivant.

LEMME 3.1. Soient A un domaine d'intégrité principal et I un idéal non nul.


Alors A/I est auto-injective.

DÉMONSTRATION. Il existe un a e A, nécessairement non nul, tel que I = aA.


On sait qu'un idéal de A/I est de la forme J/I, avec J un idéal de A contenant
I. Soit be A tel que J = bA. Comme a e I Ç J, il existe c E A tel que a= be.
Soient Ï = 1 + I et 0 = 0 + I respectivement l'identité et l'élément nul de A/ I,
3. ALGÈBRES AUTO-INJECTIVES 317

alors b · Î engendre J/I en tant que A/I-module. On considère le diagramme à


ligne exacte
0 --+ J/I 2-+ A/I
1l
A/I
où j est l'inclusion et où f est une application A//-linéaire. Alors f(b · î) = x · î
pour un x E A. Comme cb · î = a · î = 0, on a ex · î = cf (b · Î) = O. Par
conséquent, ex E I = aA, et il existe y E A tel que ex = by, ce qui donne
ex = cby. Comme A est intègre, x = by et donc f (b · î) = by · î. On définit
une application g : A/I --+ A/I par g(î) = y · î : il est évident que cela donne
une application A/J-linéaire de A/I dans lui-même qui prolonge f. Donc A/I
est injectif en tant que A//-module d'après le critère de Baer (IV.3.4). Comme
A/ I est évidemment noethérienne, elle est auto-injective. D
Par conséquent, Zn = Z/nZ est auto-injective pour tout n > 0, et, si K est
un corps et t une indéterminée, K[t]/ (p) est auto-injective pour tout polynôme
non nul p E K[t].
THÉORÈME 3.2. Soit A une K -algèbre noethérienne à droite et à gauche.
Alors A est auto-injective (à droite) si et seulement si tout A-module (à droite)
projectif est injectif

DÉMONSTRATION. La suffisance étant triviale, montrons la nécessité. Soient


A une algèbre auto-injective et PA un A-module projectif. Alors PA est un
facteur direct d'un module libre de base, disons (eÀ)ÀEA· Comme on a eÀA .=. AA
pour chaque À et que par conséquent chaque eÀA est injectif, il résulte de (VI.2.5)
et du fait que A est noethérienne que L .=. E9 eÀA est également injectif. Par
ÀEA
conséquent, PA, qui est facteur direct de L, est également injectif. D
PROPOSITION 3.3. Soit A une K -algèbre auto-injective et non semisimple.
Pour tout A-module M non projectif, on a dp M = oo. Par conséquent, dim. gl. A
=OO.

DÉMONSTRATION. En effet, supposons que M est un A-module non projectif


tel que dp M = n < 00 1 alors il existe une résolution projective de M de la forme

0 --+ Pn ~ Pn-i --+ · · · --+ Pi --+ Po --+ M --+ O.


Comme Pn est projectif, il est injectif et donc la suite exacte

0--+ Pn ~ Pn-i--+ Cokerdn--+ 0


est scindée, ce qui entraîne que Coker dn est projectif et que
0--+ Cokerdn--+ Pn-2--+ ···--+Pi--+ P0 --+ M--+ 0
est une résolution projective de M de longueur n-1, ce qui contredit l'hypothèse
quedpM=n. D
318 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

Considérons maintenant le cas où K est un corps et où A est une K-algèbre de


dimension finie. Alors A est certainement une algèbre noethérienne à droite et à
gauche. On sait déjà que le foncteur D = HomK(-, K) induit une dualité entre
A-modules à droite de type fini et A-modules à gauche de type fini. Nous allons
montrer que, dans ce cas, auto-injective à droite coïncide avec auto-injective à
gauche.

THÉORÈME 3.4. Soit A une K -algèbre de dimension finie. Les conditions


suivantes sont équivalentes :
(a) A est auto-injective à droite.
(b) A est auto-injective à gauche.
(c) (DA)A est un A-module projectif
(d) A(DA) est un A 0 P-module projectif
(e) Tout A-module de type fini projectif est injectif
(f) Tout A op -module de type fini injectif est projectif
(g) Tout A-module de type fini injectif est projectif.
(h) Tout A op -module de type fini projectif est injectif.

DÉMONSTRATION. En effet, A est auto-injective si et seulement si AA est


injectif, c'est-à-dire si et seulement si D(AA) = A(DA) est projectif. On a
montré l'équivalence de (a) et (d). Tout A0 P-module injectif de type fini étant une
somme directe finie de facteurs indécomposables de A(DA) (d'après (VIII.4.6)),
on en déduit l'équivalence avec (h). Celle avec (e) a déjà été établie en (3.2).
Dualement, (b) (c) (f) (g) sont équivalentes. Enfin, (e) et (f) sont équivalentes
par dualité. D

Un cas particulier important est celui où AA ~ D(AA).

DÉFINITION. Soit A une K-algèbre de dimension finie. On dit que A est de


Frobenius (ou frobéniusienne) s'il existe un isomorphisme de A-modules à droite
AA ~D(AA).
THÉORÈME 3.5. Soit A une K -algèbre de dimension finie. Les conditions
suivantes sont équivalentes :
(a) A est une algèbre de Frobenius.
(b) Il existe une forme K -bilinéaire non dégénérée ( , ) : A x A --+ K telle
que (ab, c) = (a, be) pour tous a, b, c E A (on dit alors que ( , ) est
associative).
(c) Il existe une forme K -linéaire u E DA dont le noyau ne contient aucun
idéal à droite ou à gauche non nul.

DÉMONSTRATION. (a) implique (b). Soit f: AA--+ D(AA) un isomorphisme;


alors, pour tous a, b E A, on a

f(ba) = f(b)a.
Pour chaque x E A, on a, par définition de la structure à droite sur D(AA),

f(ba)(x) = (f(b)a)(x) = f(b)(ax).


3. ALGÈBRES AUTO-INJECTIVES 319

Cela conduit à définir ( , ) : A x A---+ K par


(x, y) = f(x)(y)
où x, y E A. Il est clair que ( , } est une forme bilinéaire. Elle est non dégénérée,
parce que f est un isomorphisme : en effet, (A, y) = 0 donne y = 0 (car toute
forme linéaire appliquée à y donne zéro) tandis que (x, A) = 0 donne f(x) = 0,
donc x = O. L'associativité résulte de
(x, yz) = f(x)(yz) = f(xy)(z) = (xy, z)
pour x,y,z e A.
{b) implique (a). On définit f : A---+ DA par f(x) = (x, -) (pour x E A),
c'est-à-dire que f(x)(y) = (x, y) (pour x, y E A). Alors f est un isomorphisme
K-linéaire, car ( , ) est une forme bilinéaire non dégénérée et est A-linéaire, car
( , ) est associative.
{b) implique (c). Si (, ) est donnée, on définit une forme linéaire u E DA par
u(x) = (x, 1}
pour x e A. Alors u(xA) = 0 implique (xA, 1} = 0, donc (x, A) = 0 et enfin
x = 0, car ( , ) est non dégénérée. De même, u(Ax) = 0 implique x =O. Par
conséquent, Keru ne contient pas d'idéaux à droite ou à gauche non nuls.
(c) implique (b). Si u est donnée, on définit ( , ) : A x A---+ K par
(x, y) = u(xy)
(pour x, y e A). Il ne reste plus qu'à vérifier que (, ) est bilinéaire, non dégénérée
et associative, ce qui est un exercice facile et laissé au lecteur. D
Un cas particulièrement intéressant est celui des algèbres auto-injectives qui
sont réduites (voir {VIII.3)). Dans ce cas, si {e1, ... , en} est un ensemble complet
n
d'idempotents primitifs orthogonaux, alors AA = EB<eiA) et {e1A, ... , enA} est
i=l
un ensemble complet de A-modules projectifs indécomposables non isomorphes
n
(d'après {VIIl.3.6)), tandis que (DA)A = E9 D(Aei) et {D(Aei. ... , D(Aen)}
i=l
est un ensemble complet de A-modules injectifs indécomposables non isomorphes
(d'après (VIII.4.5)). Il suit de (3.4) qu'il existe une bijection v: {1, ... ,n}---+
{1, ... , n} telle que D(Aei)...; ev(i)A. Par conséquent, on a un isomorphisme
n n
(DA)A = E9 D(Aei)...; E9 ev(i)A = AA
i=l i=l

(car v est bijective). On a prouvé que toute algèbre auto-injective réduite est de
Frobenius. Par conséquent, une algèbre réduite est auto-injective si et seulement
si elle est de Frobenius. En outre, si c'est le cas, il existe une permutation v de
{1, ... , n} telle que ev(i)A...; D(Aei) pour chaque i. Nous verrons que v est en
fait donnée par un automorphisme de A.
320 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

PROPOSITION 3.6. Soient A une algèbre de Frobenius, et {e1, ... , en} un en-
semble complet d'idempotents primitifs orthogonaux de A. fl existe un automor-
phisme v: A-+ A tel que D(Aei)..::. v(ei)A.

DÉMONSTRATION. Soit ( , ) : A x A -+ K une forme bilinéaire non dégénérée


et associative. On définit une application v : A -+ A par
(va,-)= (-,a)
pour tout a E A. Il est évident que v est K-linéaire. En outre
(x, ab) = (xa, b) = (v(b), xa)
= (v(b)x, a) = (v(a), v(b)x)
= (v(a)v(b),x)

pour tous a,b,x E A. Par conséquent, v(ab) = v(a)v(b). Enfin,


(v(l),x) = (x,l)=(l·x,1)
= (1,x · 1) = (1,x)
pour tout x E A donne v(l) = 1. Comme v est évidemment inversible, elle est
effectivement un automorphisme de A.
Pour le deuxième énoncé, il est évident que {v(e1), ... , v(en)} est un ensemble
complet d'idempotents primitifs orthogonaux. Par conséquent, pour chaque i,
le module v(ei)A est un A-module indécomposable projectif de telle sorte qu'il
existe j tel que v(e,)A..::. e3A. Ainsi, v induit une permutation sur {1, ... , n}.
Soit maintenant lA un A-module indécomposable injectif. D'après {3.4), il
existe ei tel que lA..::. eiA. Soit S le socle (simple) de I. Alors S = e;,S : en
effet, S étant (isomorphe à) un sous-module de e;,A, tout s E S s'écrit alors
s = e;,a pour un a E A ; par conséquent s = e;,s et en particulier e;,S est un
sous-module de S, donc est égal à ce dernier. En outre, S est un sous-module de
AA, donc un idéal à droite. Soit u la forme linéaire attachée à ( , ) (voir (3.5)).
Il existe x e S tel que
0 =F u(e;,x) = (eïx, 1) = (eï,x)
= (x, v- 1 (e;,)) = u(xv- 1 (~)).
Par conséquent, S·v- 1 (ei) =F O. Mais cela entraîne que HomA(v- 1 (~)·A, S) =F 0,
et donc la coiffe de v- 1 (ei)·A est isomorphe au socle S de eiA. D'après {VIII.4.7),
on en déduit que e;,A..::. D(A · v- 1 (~)). D

L'automorphisme v défini dans la proposition s'appelle automorphisme de


Nakayama, la permutation v de {1, ... , n} telle que D(Aei) ..::. v( ei) ·A s'appelle
la permutation de Nakayama de A. Le lemme suivant (qui n'est autre que
l'exercice (VIII. 7)), valable pour toute algèbre, non nécessairement auto-injec-
tive, montre que la permutation de Nakayama est déterminée uniquement modulo
un automorphisme intérieur de A.
3. ALGÈBRES AUTO-INJECTIVES 321

LEMME 3. 7. Soient A une K -algèbre de dimension finie et { e 1 , ... , en },


{ e~, ... , e~ } deux ensembles complets d'idempotents primitifs orthogonaux de
A. Alors m = n et il existe un a E A inversible tel que, à l'ordre près, on ait
e~ = aei a- 1 pour chaque i.
n m
DÉMONSTRATION. On a AA = E9eiA = E9ejA. Il suit du théorème de
i=l j=l

décomposition unique (VII.6.13) que m =net, qu'à l'ordre près, on a ~A-=. e~A.
D'après (VIII.1.2), il existe ai E e~Aei tel que e~ai = aiei = ai. Soit a =
a 1 +···+an. Alors e~a = aei :=ai pour chaque i. Il reste à montrer que a est
inversible. Mais, toujours d'après (VIII.1.2), il existe pour chaque i un bi E eiAe~
tel que eibi = bie~ = bi et aibi = eL biai = ei. Si on pose b = bi + · · · + bn, il est
clair que ab = ba = 1. D
DÉFINITION. Une K-algèbre de dimension finie A est dite symétrique s'il
existe un isomorphisme de (A - A)-bimodules AAA-=. D(AAA)·
Il est clair que toute algèbre symétrique est en particulier de Frobenius.
COROLLAIRE 3.8. Soit A une K -algèbre de dimension finie. Les conditions
suivantes sont équivalentes.
(a) A est une algèbre symétrique.
{b) Il existe une forme bilinéaire symétrique non dégénérée et associative
( ' } : A X A--+ K.
(c) Il existe une forme linéaire u E DA dont le noyau ne contient aucun
idéal à droite ou à gauche non nul et telle que u(ab) = u(ba) pour tous
a,b eA.
DÉMONSTRATION. Facile et laissée au lecteur: il suffit d'adapter la démons-
tration de (3.5). D
Étant donné la symétrie de la forme bilinéaire sur une algèbre symétrique,
il suit de la démonstration de (3.6) que l'on peut prendre la permutation de
Nakayama égale à l'identité, de telle sorte que, pour tout idempotent primitif e
d'une algèbre symétrique A, on a D(Ae)-=. eA.
COROLLAIRE 3.9. Soit e un idempotent primitif d'une algèbre symétrique A,
alors eA-=. D(Ae).
DÉMONSTRATION. Reprendre le dernier paragraphe de la preuve de (3.6) en
tenant compte que u(ab) = u(ba) pour tous a, b. D
EXEMPLES 3.10. (a) Soit A une K-algèbre de dimension finie. On considère
l'extension triviale A de A par son cogénérateur injectif A(DA)A, c'est-à-dire,
on le rappelle, le K-espace vectoriel
A= AœDA = {(a,u) 1a E A et u E DA}
muni de la multiplication définie par
(a, u)(b, v) = (ab, av+ ub)
322 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES

pour (a, u), (b, v) E A (voir l'exercice {I.15)). Il est évident que A est une K-
algèbre de dimension finie. Pour montrer qu'elle est symétrique, on construit
une forme bilinéaire ( , ) : A x A --+ K par
({a, u), (b, v)) = v(a) + u(b).
Il est facile de vérifier que la forme ( , ) possède les propriétés de (3.8)(b).
(b) Soient Kun corps et G un groupe fini. Alors l'algèbre de groupe KG est
symétrique. En effet, on définit une forme ( , ) : KG x KG--+ K par bilinéarité
à partir des relations
( h) = {1 si gh = 1
g, 0 si gh ::/: 1
pour g, h E G. Il est clair que ( , ) est symétrique et associative. Montrons
qu'elle est non dégénérée. Si a = L ga9 est tel que (a, KG) = 0, alors, pour
gEG
tout h E G, on a

O= (a,h) = (L:ua9,h) = L:a9(g,h) = ah-1·


gEG gEG

Ceci étant vrai pour tout h E G, on en déduit a 9 = 0 pour tout g E G et donc


a=O.
EXERCICES DU CHAPITRE XII 323

Exercices du chapitre XII


1. SoitK un corps. Montrer que chacune des algèbres suivantes est héréditaire.

(a) [~K iK K~1. (b) [~K i0 K~l ·


2. Une algèbre A est dite semihéréditaire à droite si tout idéal à droite de type
fini est projectif. Montrer que si c'est le cas, alors tout sous-module M de type
fini d'un module libre Lest la somme d'un nombre fini d'idéaux à droite de type
fini. En déduire que A est semihéréditaire si et seulement si tout sous-module
de type fini d'un module projectif est projectif.
3. Montrer qu'une algèbre noethérienne est héréditaire si et seulement si tout
idéal à droite est plat.
4. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes pour un entier n :
(a) Zn est semisimple (voir l'exercice {Vl.26)).
{b) Zn est héréditaire.
(c) n est le produit de nombres premiers deux à deux distincts.
5. Soit A une K-algèbre. Montrer que A est héréditaire si et seulement si,
pour tout A-module M, le foncteur Ext~{M, -) est exact à droite.
6. Soit A une K-algèbre noethérienne. Montrer que A est héréditaire à droite
si et seulement si, pour tout A-module à gauche AN, le foncteur Torf {-, N) est
exact à gauche.
7. Montrer que, pour une algèbre A, les conditions suivantes sont équivalentes :
(a) Tout idéal à droite de A est libre.
{b) Tout sous-module d'un module libre est libre.
8. Montrer que, si A, B sont héréditaires à droite et si M est un (A - B)-
bimodule, alors [ ~ 1M'] est héréditaire à droite.

9. Montrer que Qz n'est pas projectif. En déduire que [~ 3] est héréditaire


à droite, mais pas à gauche.
10. Soient A, B deux K-algèbres et cp : A -+ B un morphisme. Montrer
que, si BA est plat, alors il existe, pour un B-module X et un A-module V, un
isomorphisme
Tor~{X, V ®AB)~ Tor~{X, V)
pour chaque n :2: 0, fonctoriel dans chaque variable.
11. Soit A une algèbre de Frobenius. Montrer que Mn(A) est de Frobenius.
12. Prouver en détail {3.8) et {3.9).
Bibliographie

La présente bibliographie ne prétend aucunement être exhaustive. Elle a seule-


ment pour objet d'indiquer des ouvrages consacrés aux sujets traités ici (et qui
ont souvent été utilisés comme sources).

[ 1) l.T. ADAMSON: Rings, modules and algebras, Oliver and Boyd, Edinburgh (1971).
[ 2) F.W. ANDERSON et K.R. FULLER: Rings and categories of modules, Springer-Verlag,
New York-Heidelberg-Berlin (1973).
[ 3) M. AUSLANDER, 1. REITEN et S.O. SMAL0: Representation theory of artin algebras,
Cambridge University Press, Cambridge (1995).
[ 4) H. BASS: Algebraic K-theory, Benjamin, New York (1968).
[ 5) T.S. BLYTH: Module theory, Clarendon Press, Oxford (1990).
[ 6) N. BOURBAKI: Éléments de mathématique. Algèbre, chapitres II, III et VIII, Hermann
(1970) et chapitre X, Masson, Paris (1980).
[ 7) 1. BUCUR et A. DELEANU: Introduction to the theory of categories and functors, Wiley-
Interscience, London-New York-Toronto-Sydney (1968).
[ 8) H. CARTAN et S. EILENBERG: Homological algebra, Princeton University Press,
Princeton (1973).
[ 9) P.M. COHN: Algebra, Second Edition, Volume 1 (1982), Volume 2 (1989), Volume 3
(1991), Wiley-Interscience, Chichester-New York-Brisbane-Toronto-Singapore.
[10) C.W. CURTIS et 1. REINER: Representation theory of finite groups and associative
algebras, Wiley-Interscience, Chichester-New York-Brisbane-Toronto-Singapore (1988).
[11) Y.A. DROZD et V.V. KIRICHENKO: Finite dimensional algebras, Springer-Verlag,
Berlin-Heidelberg-New York (1994).
[12) R. FOSSUM, P. GRIFFITH et 1. REITEN: 'Jlrivial extensions of abelian categories, Lec-
ture Notes in Mathematics 456, Springer-Verlag, Berlin-Heidelberg-New York (1975).
[13) P. FREYD: Abelian categories, Harper and Row, New York (1964).
[14) R. GODEMENT: Topologie algébrique et théorie des faisceaux, Hermann, Paris (1958).
[15) P.J. HILTON et U. STAMMBACH: A course in homological algebra, Springer-Verlag,
Berlin-Heidelberg-New York (1971).
(16) J.P. JANS: Rings and homology, Holt, Rinehart and Winston, New York, Chicago, San
Francisco, Toronto, London (1964).
[17) J. LAMBEK: Lectures on rings and modules, Ginn and Blaisdell, Boston (1966).
(18) S. LANG: Algebra (2e édition), Addison-Wesley, Reading (Mass.) (1984).
[19] S. MACLANE: Categories for the working mathematician, Springer-Verlag, Berlin-
Heidelberg-New York (1971).
[20) S. MACLANE: Homology, Springer-Verlag, Berlin-Heidelberg-New York (1963).

321'
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(21) B. MITCHELL: Theory of categories, Academic Press, New York-San Francisco-London


(1966).
(22) D.G. NORTHCOTT: An introduction to homological algebra, Cambridge University
Press, London and New York (1960).
(23) D.G. NORTHCOTT: A first course of homological algebra, Cambridge University Press,
Cambridge (1973).
(24) R.S. PIERCE: Associative algebras, Springer-Verlag, Berlin-Heidelberg-New York (1980).
[25) J.J. ROTMAN: An introduction to homological algebra, Academic Press, New York-San
Francisco-London (1979).
[26) B. STENSTRÔM: Rings of quotients, Springer-Verlag, Berlin-Heidelberg-New York
(1975).
[27) C.A. WEIBEL: An introduction to homological algebra, Cambridge University Press,
Cambridge (1994).
Index

addition 3, 4, 5 - triviale 6
adjoint à droite 64 - unifère 5
adjoint à gauche 64 algèbres isomorphes 12
algèbre 5 - Morita-équivalentes 212
- artinienne 154 anneau 3
- associative 6 - commutatif 4
- auto-injective 316 annulateur 40, 221
- commutative 6 anticommutativité 139
- connexe 161 application
- de dimension finie 6 - A-bilinéaire 119
- de Frobenius 318 - A-linéaire 25
- déployée 224 - K-linéaire 5
- des matrices triangulaires infé- - linéaire 25
rieures 10 - multilinéaire 142
- d'incidence 10 - multilinéaire alternée 142
- du groupe 10 - nulle 26
- enveloppante 289 associativité mixte 4
- extérieure 139 automorphisme 12, 26, 48
- frobéniusienne 318 - de Nakayama 320
- graduée de type Z 137
- héréditaire 305 base 60
- indécomposable en produit 161 bifoncteur 51
- libre 65 bimodule 23
- locale 198 biproduit 67
- noethérienne 154 bloc d'une algèbre 163
-opposée 12 bords 231
- produit 11 but d'un morphisme 48
- quasi frobéniusienne 316
- quotient 11 catégorie 47
- réduite 218 - abélienne 72
- réduite de A 218 - additive 66
- semisimple 173 - auto-duale 55
- séparable 298 - concrète 50
-simple9 -duale 49
-sobre 218 - linéaire 66
-sur K 5 -opposée 49
- symétrique 321 - quotient 84
- tensorielle 136 catégories

327
328 INDEX

- équivalentes 80 endofoncteur 50
- pré-abéliennes 72 endomorphisme 10, 12, 25, 48
centre d'une algèbre 7 ensemble complet d'idempotents
changement des scalaires 23 orthogonaux 205
classe caractéristique 262 ensemble
cobords 236 - de facteurs 295
cocycles 236 - de facteurs scindé 296
cogénérateur injectif 107 - libre 60
coiffe d'un module 187 - lié 60
co-image 71 - linéairement dépendant 60
complément orthogonal 221 - linéairement indépendant 60
complexe 28, 72, 229 enveloppe injective 112
- ascendant 236 épimorphisme 27, 69
- concentré 230 - superflu 186
- descendant 229 équivalence de Morita 212
- quotient 231 espace de cohomologie de Hochschild 290
- standard 292 espace d'homologie de Hochschild 297
composante homogène 137 espace vectoriel filtré 66
composition des morphismes 47 extension
conditions de chaînes 152 - d'algèbres 294
- croissantes 152 - d'objets d'une catégorie abélienne
- décroissantes 152 73
cône sur un morphisme 269 - essentielle 110
conoyau 27, 71 - essentielle maximale 111
constantes de structure 7 - scindée d'algèbres 294
coproduit 55 - triviale 18
corps commutatif 4 extensions équivalentes 260
corps gauche 4
cosyzygie 316 facteur direct 57, 74
couverture projective 210 facteurs de composition 166
cycles 231 factorisation canonique 72
famille à support fini 6
décomposition foncteur
- canonique 35, 72 -composé 50
- de Pierce 206 - contravariant 50
- d'une algèbre en blocs 163 - covariant 50
degré d'un module 229 - de changement des scalaires 80
dérivation 293 - de deux variables 51
- interne 293 - de Nakayama 223
déterminant - dense 80
- de vecteurs 143 - de projection 84
- d'une application linéaire 144 - dérivé à droite 241
différentielles 229 - dérivé à gauche 238
dimension - d'inclusion 50
- d'une algèbre 6 -exact 95
- faible 282 - exact à droite 96
- globale 280 - exact à gauche 95, 96
- globale faible 283 - fidèle 80
- injective 275 - identité 50
-plate 282 - K-linéaire 67
- projective 273 - oubli 50
domaine d'intégrité principal 106 -plein 80
dualité 219 - préservant les suites exactes
courtes 96
élément homogène 137 foncteurs quasi inverses 80
élément nilpotent 190 fonctorisation 63
INDEX 329

forme bilinéaire associative 318 - d'extension 249


- d'homologie 231
générateur de Mod A 213 - divisible 106
groupe abélien 3 - fidèle 40
groupe de Grothendieck 225 - indécomposable 196
groupes abéliens divisibles 66 - injectif 103
- libre 60
homomorphisme -nul 20
-croisé 293 - plat 129
- d'anneaux 7 - projectif 100
- de A-modules 25 - quotient 22
- de K-algèbres 12 - sans radical 184
- de K-modules 5 - sans torsion 116
homotopie 235 - semisimple 170
homotopisme 268 -simple 165
modules isomorphes 26
monoïde 4
idéal 8 monomorphisme 27, 69
- bilatère 8 - essentiel 110
- d'une catégorie 84 morphisme
-gradué 138 - canonique 72
-maximal 16 -conoyau 27
- nil 190 - d'algèbres 12
- nilpotent 192 - d'algèbres graduées 138
idéaux - de A-modules 25
- comaximaux 164
- de bimodules 26
- étrangers 164
- de complexes 230
idempotent 160
- de K-modules 5
- central 160
- fonctoriel 51
- centralement primitif 161
- fonctoriel composé 52
- de séparabilité 299
- identique 48
- primitif 206
- inverse 48
idempotents orthogonaux 160
- réciproque 48
identité 4, 48, 52
morphismes 47
image 71
- de liaison 233
inclusion canonique 13, 26, 231
- homotopes 235
injection canonique 13, 26, 55
multiplication 3, 5
inverse d'un isomorphisme fonctoriel 52
- externe (à droite) 4, 5
inversion 140
isomorphisme 12, 26, 48
- canonique 35 négatif 3, 4, 5
- fonctoriel 52 noyau 70, 84
- inverse 12, 26
objet 47
loi du parallélogramme 36 - final 67
longueur de composition 169 - initial 67
- nul 67
matrice de Cartan 226 - quotient 70
module 4 - universel 53, 55
- à droite 19 objets isomorphes 48
- à gauche 19 obstruction 262
- de cohomologie 236 opposé 3, 4, 5
- décomposable 196
- de longueur finie 169 paire adjointe 64
- de torsion 255 permutation de Nakayama 320
- de type fini 24 polynôme minimal 175
330 INDEX

présentation somme 9, 23
- finie 63 - amalgamée 78
- injective 109 - directe 54, 56
- libre 63 source d'un morphisme 48
- projective 103 sous-algèbre 8
produit 9, 54 - engendrée 8
- de catégories 163 - graduée 138
- extérieur 139 sous-catégorie 49
-fibré 75 - pleine 50
- tensoriel 119 sous-complexe 230
- tensoriel de matrices 125 sous-module 8, 21
progénérateur 214 . - cyclique 24
projection canonique 13, 26, 54, 231 - engendré 24
prolongement 104, 238 - essentiel 110
propriété duale 49 - maximal 24
puissance - superflu 186
- extérieure 143 sous-modules supplémentaires 57
- tensorielle 136 sous-objet 70
squelette 80
radical suite de composition 166
- d'une algèbre 189 suite exacte 28, 72
- d'une catégorie 194 - courte 30, 73
- d'un module 183 - longue de cohomologie 236
rang d'un module 199 - longue d'homologie 233
relation de Bezout 121 -scindée 73
relèvement 101, 238 surjection canonique 13, 26
représentation K-linéaire 21 syzygie 316
résolution
- injective 109 table de multiplication 7
- injective minimale 277 tenseurs 120
-plate 130 théorème de la décomposition en blocs 163
- projective 103 transformation naturelle 51
- projective minimale 279
rétraction 73 vecteur-dimension 225
vecteurs 19
scalaires 19
section 73 zéro 4
socle d'un module 188
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Achevé d'imprimer en novembre 1997 chez

wf ~.~!.6~~A~~
à Boucherville, Québec

IBRAHIM ASSEM

Algèbres et modules
Cours et exercices

L'ouvrage

• Dans un style moderne et accessible, cet ouvrage offre une


introduction claire et précise aux théories des modules et des
catégories, ainsi qu'à 1' étude des anneaux.
• A travers trois grandes parties, 1' auteur garde comme fil
conducteur l'étude des modules sur une K-algèbre. Après un
exposé des notions de base, le lecteur est initié aux grands
théorèmes de structure (modules simples et semisimples,
radicaux, modules artiniens et équivalences de Morita). Les
derniers chapitres sont consacrés aux notions homologiques
en théorie des modules.
• Chaque chapitre est complété par une série d'exercices qui
permettent au lecteur de vérifier sa compréhension. Comblant
un vide dans la littérature, cet ouvrage constitue une excel-
lente préparation à la recherche.

Le public

• Étudiants de maîtrise de mathématiques.


• Enseignants en exercice.

L'auteur
Ibrahim Assem est professeur titulaire au Département de ma-
thématiques et d'informatique à l'Université de Sherbrooke, au
Québec, Canada.

ISBN PUO
2-7603-0461 -2

111111111111111111111111
9 782760 304611

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