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MODALITÉS ET SPÉCIFICITÉS DE LA SOCIALISATION DES JEUNES

MUSULMANS EN FRANCE
Résultats d'une enquête grenobloise

Vincent Tournier

Editions Technip & Ophrys | « Revue française de sociologie »

2011/2 Vol. 52 | pages 311 à 352


ISSN 0035-2969
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R. franç. sociol., 52-1, 2011, 311-352

Vincent TOURNIER

Modalités et spécificités de la socialisation


des jeunes musulmans en France
Résultats d’une enquête grenobloise*

RÉSUMÉ
Les jeunes musulmans restent mal connus en France, alors même que l’islam lance un
double défi aux sciences sociales : d’abord parce que, devenu deuxième religion de France,
l’islam connaît un regain d’intérêt auprès des populations issues de l’immigration, à rebours
donc des dynamiques de sécularisation ; ensuite parce que, en raison des tensions que
suscite cette religion, aux plans international ou national, l’islam se trouve aux premières
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loges du débat sur les relations entre la religion et la violence. Pour tenter de mieux cerner
ces différents enjeux, le présent article propose d’exploiter les résultats d’une étude réalisée
dans l’agglomération grenobloise en 2003 auprès de 1 600 jeunes scolarisés de 13-19 ans.
Cette enquête constitue l’une des rares sources d’informations permettant de croiser les
préférences religieuses des jeunes avec un large éventail de variables incluant les caractéris-
tiques sociales et environnementales, les opinions sur divers sujets (sentiment d’injustice,
rapport aux institutions, perception de la violence) ou encore leurs comportements, notam-
ment le fait d’avoir commis des incivilités ou des actes de délinquance. L’hypothèse guidant
cette recherche est que les conditions actuelles de la socialisation des jeunes musulmans
favorisent un ensemble de valeurs et de représentations spécifiques susceptibles de provo-
quer des tensions avec les institutions tout en donnant un certain sens à la violence. Trois
thèmes sont successivement abordés : les caractéristiques religieuses et socioculturelles des
jeunes musulmans, le rapport à la politique et aux institutions, la question de la violence. Au
terme de cette présentation, une réflexion plus générale est proposée sur le type de socialisa-
tion politique que connaissent aujourd’hui les jeunes de confession musulmane.

L’islam est un sujet sensible car hautement passionnel. Les discours à son
sujet oscillent volontiers entre deux attitudes : l’islamophobie et l’islamo-
philie. Sans être équivalentes dans leurs présupposés, ces deux attitudes ont
en commun de se situer à un niveau élevé de généralité et, bien souvent,
d’adopter une posture très idéologique. Le rôle des sciences sociales est au
contraire d’apporter des informations aussi objectives que possible, sans

* Une première version de ce texte a été présentée au Xe congrès de l’Association française de


science politique (Grenoble, septembre 2009) dans le cadre de l’atelier dirigé par Paula Cossart et
Emmanuel Taïeb sur la dépacification du jeu politique. L’auteur remercie les organisateurs pour lui
avoir donné l’occasion de présenter et discuter cette étude, ainsi que les relecteurs anonymes de la
Revue française de sociologie pour l’aide apportée dans la finalisation de cet article.

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Revue française de sociologie

passion mais également sans faux-fuyants. Il ne s’agit ni de stigmatiser une


religion, ni d’esquiver les problèmes, mais d’engager des investigations aussi
documentées que possible.
Une démarche objectivante s’avère d’autant plus nécessaire que, sur le
plan sociologique, l’islam soulève de redoutables défis. Devenu la deuxième
religion de France, l’islam connaît un regain d’intérêt auprès des populations
issues de l’immigration, à rebours donc des dynamiques de sécularisation. Par
ailleurs, en raison des tensions que suscite cette religion, aussi bien au plan
international qu’au plan national, l’islam se trouve aux premières loges du
débat sur le lien entre la religion et la violence.
L’objectif de cet article est de mieux cerner ces différents enjeux à partir
d’une étude par questionnaire réalisée au printemps 2003 dans l’aggloméra-
tion grenobloise. Cette enquête a déjà donné lieu à diverses publications, mais
elle n’a pas encore été analysée sous l’angle de la religion, comme nous
proposons de le faire ici.

Problématique et données
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Première énigme : le retour du religieux

D’après les théories de la sécularisation, la modernité religieuse se caracté-


rise par trois grandes tendances (Donégani, 1999) : 1) une séparation entre
l’espace public et l’espace privé, qui se traduit par le refus de laisser les insti-
tutions religieuses interférer dans la vie privée ; 2) le déclin des croyances et
pratiques traditionnelles, ce qui signifie en particulier que les enfants se déta-
chent de la religion de leurs parents (Tournier, 2000) ; 3) la montée du subjec-
tivisme, favorisant une relation plus souple vis-à-vis des croyances et des
dogmes. De ce fait, la religion cesse de se présenter comme « un système
d’emprise, comme une culture totalisante » (Donégani, 1999) définissant de
manière rigide le bien et le mal, le permis et l’interdit. Avec la libéralisation
des mœurs et la montée des valeurs individualistes, dont le corollaire est l’af-
faiblissement des institutions pourvoyeuses de sens et d’interdits, la place de
la religion dans la construction des identités individuelles tend à s’atténuer.
Cette conclusion doit cependant être relativisée. Tout d’abord, si les
valeurs sociales et politiques apparaissent aujourd’hui moins tributaires des
appartenances religieuses, les deux dimensions ne sont pas devenues indépen-
dantes (Bréchon, 2006 ; Dargent, 2004). En outre, les théories de la séculari-
sation peinent à rendre compte de l’évolution générale de la religion. Dans de
nombreux pays, notamment en terre d’islam, le religieux se porte bien, voire
se renforce, au point de faire apparaître les pays sécularisés comme des
exceptions (Berger, 2001 ; Willaime, 2006), probablement parce que l’islam
éprouve plus de mal à dissocier le spirituel et le temporel, à séparer la
communauté religieuse et la société civile, donc à reconnaître l’autonomie du
politique (Badie, [1986] 1996 ; Lipset, 1994 ; Rémond, 1998).

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Qu’en est-il des minorités musulmanes qui se trouvent immergées dans les
pays européens ? La France constitue ici un riche terrain d’observation puis-
qu’il s’agit d’un pays qui conjugue un État laïque et une société fortement
sécularisée, tout en abritant l’une des plus importantes populations musul-
manes d’Europe. Or, dès les années 1980, des études ont mis en évidence
l’importance que prenait la religion chez les jeunes musulmans (Muxel,
1988). Certains ont toutefois estimé que cette religiosité avait un caractère
superficiel, voire qu’elle était en baisse du fait de la confrontation avec les
valeurs individualistes et sécularisées de la société française (Gonzales-
Quijano, 1987). Pour les descendants de migrants d’origine maghrébine,
l’islam connaîtrait un processus de privatisation comparable à celui qu’ont
connu les juifs au XIXe siècle, même si les jeunes musulmans ne présentent
pas la même ferveur pour la nation française (Leveau et Schnapper, 1987).
L’émergence d’un islam ostentatoire, notamment lors de la première
affaire du voile islamique en 1989, a cependant fragilisé cette conclusion. La
première enquête française sur les populations migrantes, réalisée par l’Ined
en 1992, a montré que, au-delà de la diversité des situations en fonction du
pays d’origine, la religion occupe toujours une place très importante chez les
minorités issues de l’immigration (Tribalat, 1995). Parmi ces populations, très
peu de personnes se déclarent sans religion, et la pratique religieuse atteint
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des niveaux très élevés. Sans doute les lieux de culte sont-ils peu fréquentés
– encore qu’il faille tenir compte des difficultés d’accès et, peut-être aussi, de
la moindre portée de l’assistance aux offices chez les musulmans –, mais les
interdits alimentaires concernant le porc et l’alcool sont massivement
observés, de même que le jeûne du ramadan.
Les données plus récentes ont conforté cette conclusion (1). L’augmenta-
tion du nombre de lieux de culte est déjà un indice important (2) ; l’attache-
ment aux prénoms musulmans en est un autre – le prénom étant d’ailleurs
utilisé par les sociologues comme un indicateur ethno-religieux (Felouzis,
2003). Surtout, différentes séries de données collectées depuis la fin des
années 1990 ont montré que, pour l’islam, l’impact de l’âge sur la religiosité
s’inversait par rapport à celui que l’on observe pour la religion catholique
(Dargent, 2003 ; Brouard et Tiberj, 2005 ; IFOP, 2008). Autrement dit, la
proportion de musulmans est plus élevée chez les jeunes que chez les généra-
tions plus anciennes, ce qui accrédite l’idée d’une réislamisation des
descendants de migrants.
Une enquête originale, réalisée par le Cevipof en 2005 auprès d’un millier
de Français issus de l’immigration, a confirmé que l’adhésion à l’islam ne

(1) L’enquête Ined de 1992 n’a interrogé augmenté depuis le milieu des années 1980,
que des personnes âgées de moins de 30 ans, ce avec le soutien des pouvoirs publics. Estimé à
qui ne lui permet pas d’étudier les dynamiques une centaine en 1970, ce nombre aurait atteint
générationnelles du rapport à l’islam. 1 600 en 2004 et serait proche de 2 000
(2) D’après Godard et Taussig, le nombre aujourd’hui (2007, p. 102).
de lieux de culte musulman a fortement

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relève pas d’une motivation superficielle. Près de la moitié des musulmans


déclarent prier tous les jours et 80 % disent avoir jeûné pendant tout le mois
du ramadan ; les trois quarts indiquent ne jamais boire d’alcool et 72 % jugent
que la religion est très importante « pour orienter sa conduite » (44 % « très
importante », 28 % « extrêmement importante »). Sur tous ces indicateurs, les
tendances sont encore plus marquées chez les jeunes. Bref, les musulmans
français, notamment les plus jeunes, présentent « un niveau d’adhésion et une
intensité aujourd’hui inconnus chez les catholiques français » (Brouard et
Tiberj, 2005, pp. 30-32) (3).
Cette situation est d’autant plus remarquable que les jeunes musulmans se
singularisent par un fort conservatisme moral, notamment sur les questions
touchant à la sexualité (attachement à la virginité des femmes avant le
mariage, refus de l’homosexualité) et par une préférence prononcée pour la
gauche (ibid., pp. 52 et 84). Cette articulation originale des valeurs religieuses
et des valeurs politiques, congruente avec d’autres observations (Muxel,
1988 ; Dargent, 2003 ; Beauchemin, Hamel et Simon, 2010), confirme l’hy-
pothèse suggérée par Anne Muxel selon laquelle les jeunes musulmans
présentent une culture spécifique où se combinent une forte intégration reli-
gieuse, une orientation à gauche et des valeurs morales traditionnelles.
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Seconde énigme : le rapport à la violence

De nombreux signes incitent à pendre au sérieux la thèse selon laquelle le


processus de forclusion de la violence se réalise avec plus de difficultés chez
les jeunes musulmans. Un observateur avisé comme Farhad Khosrokhavar a
décrit en termes très explicites l’attitude des jeunes maghrébins dans les quar-
tiers populaires, parlant à leur sujet de « formes exacerbées de violence », de
« violence impulsive » ou « disproportionnée », ou encore d’une « violence à
fleur de peau qui peut se déclencher presque en dehors de leur contrôle »
(1997, pp. 186-189). De tels propos rejoignent ceux tenus depuis les années
1990 par les personnels de l’Éducation nationale (Debarbieux, 1998). Un
indice plus objectif est la présence massive de l’islam en prison, puisque la
part des musulmans parmi les détenus a pu être estimée entre 50 % et 80 %
(Khosrokhavar, 2004). Ce résultat est confirmé par l’analyse des origines
ethno-religieuses des mineurs judiciarisés (Dagnaud et Roché, 2003 ; Le
Caisne, 2005 ; Jobard et Névanen, 2007).
Ce rapport particulier des jeunes musulmans à la violence constitue une
énigme sociologique. En effet, les analyses consacrées aux liens entre la reli-
gion et la violence individuelle ont plutôt conduit à conclure que la religion

(3) La religiosité plus intense des musulmans est confirmée par un sondage de la SOFRES de
2007, qui indique que 49 % des catholiques croient qu’il existe un Dieu, contre 94 % des musulmans.
Sondage réalisé par téléphone le 4 mars 2007 auprès de 4 794 personnes âgées de 15 ans et plus
(www.tns-sofres.fr). Sur ce point, voir aussi la synthèse récente de Claude Dargent (2010).

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préserve de la violence, suivant en cela la problématique suggérée jadis par


Émile Durkheim dans son étude sur le suicide (le suicide pouvant être vu
comme une forme particulière de violence : la violence contre soi). Le socio-
logue soutenait que la religion exerce une « action prophylactique ». Pour lui,
cette action préservatrice est indépendante du contenu des religions car elle
découle du degré d’intégration sociale au sein de « la communauté reli-
gieuse » ([1897] 1990, pp. 172-173). Cette théorie du rôle intégrateur de la
religion a été validée par des études ultérieures, qui ont montré que la
violence juvénile est négativement corrélée au degré de religiosité. Cela étant,
la religion n’est pas forcément la cause première. L’appartenance à une reli-
gion semble plutôt masquer des effets complexes liés au contrôle social, ce
qui est d’ailleurs conforme à l’hypothèse de l’intégration sociale suggérée par
Durkheim (Benda et Corwyn, 1997 ; Pearce et Haynie, 2004).
Si l’on suit Durkheim et la théorie du contrôle social, une religion très
englobante ou très intégrative devrait donc avoir un rôle prophylactique (4).
Or, ce n’est manifestement pas le cas avec les jeunes musulmans. Pour expli-
quer cette énigme, deux réponses très différentes ont pu être avancées.
La première se situe sur le terrain exclusif de la religion et met en cause la
nature même de l’islam. L’idée selon laquelle l’islam présente la violence
sous un jour favorable n’est pas nouvelle : en leur temps, des auteurs comme
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Montesquieu, Voltaire ou Bentham n’ont pas été tendres avec Mahomet et le
Coran, n’hésitant pas à voir dans la religion mahométane l’archétype du fana-
tisme et du despotisme (5). La montée de l’islamisme radical, hostile à la
démocratie et prônant le recours à la violence (Abderrahim, 2005 ; Amghar,
2008 ; Amghar, Boubekeur et Emerson, 2007), a réactivé cette critique de
l’islam, donnant un nouveau crédit aux réflexions de Samuel Huntington sur
la « religion du glaive qui glorifierait les vertus militaires » (1997, p. 282).
L’actualité récente a été riche en polémiques sur la nature violente de l’islam (6),
voire sur ce que certains ont appelé « l’islamo-fascisme » (Schulman, 2009).

(4) Il semble d’ailleurs que les pouvoirs mosquée de Genève. Des échauffourées ont eu
publics, notamment au niveau communal, lieu devant le théâtre (Le Figaro, 12 décembre
acquis à l’idée que la religion permet de réguler 2005).
les comportements, aient cherché à encourager le (6) Citons pour mémoire l’affaire des
développement de l’islam dans l’espoir d’assurer caricatures danoises (septembre-octobre 2005) et
une certaine paix sociale (Khosrokhavar, 1997 ; la conférence de Benoît XVI à Ratisbonne le
Kakpo, 2007). 12 septembre 2006, où le pape avait déclenché
(5) Montesquieu considérait que la religion une polémique après avoir cité un prince
musulmane prédispose au gouvernement despo- byzantin, Manuel II Paléologue (« Montre-moi
tique, et Bentham que le fanatisme parle le donc ce que Mahomet a apporté de neuf. Tu ne
« langage de Mahomet : “pense comme moi, ou trouveras que des choses mauvaises et
meurs” ». Dans la préface de sa pièce Le inhumaines, comme le droit de défendre par le
fanatisme ou Mahomet, adressée au roi de glaive la foi qu’il prêchait. »). En France, le
Prusse, Voltaire (1742) voyait Mahomet débat a connu un écho particulier à la suite de la
comme un « Tartuffe les armes à la main ». En tribune publiée dans Le Figaro par Robert
décembre 2005, la représentation de cette pièce Redecker, qui accusait le Coran d’être un « livre
à Saint-Genis-Pouilly (Ain) a provoqué une d’inouïe violence » (« Face aux intimidations
vive réprobation de la part d’associations islamistes, que doit faire le monde libre », Le
musulmanes locales et de représentants de la Figaro, 19 septembre 2006).

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La seconde explication entend pour sa part dénoncer la montée de « l’isla-


mophobie » (Geisser, 2003 ; Mucchielli, 2004). Déniant toute pertinence à la
variable religieuse, cette approche considère que la religion est une variable
trompeuse qui ne fait que masquer le poids des handicaps sociaux. L’argu-
ment central est que les jeunes musulmans accumulent un certain nombre de
facteurs défavorables (milieux populaires, conditions de vie difficiles, échec
scolaire), lesquels génèrent un sentiment d’exclusion et encouragent la
violence (Mucchielli, 1999).
Cette problématique de l’effet indirect via les caractéristiques sociales
paraît justifiée car les jeunes musulmans cumulent effectivement de
nombreux handicaps sociaux. Cependant, force est de constater qu’elle n’a
jamais été validée sur le plan empirique. Or, les difficultés sociales ou
scolaires suffisent-elles à tout expliquer ? De plus, au nom de l’idée que
« l’islam est la religion des pauvres », pour reprendre l’expression de
Pierre-André Taguieff (7), n’y a-t-il pas un risque à céder à une explication
« politiquement correcte » qui ciblerait uniquement les handicaps sociaux et
minimiserait d’autres facteurs possibles, notamment des facteurs d’ordre
culturel (Lagrange, 2010), voire idéologique (Alidières, 2006a) ?
Il est vrai que plusieurs éléments invitent à affiner la réflexion. Le phéno-
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mène des émeutes urbaines, à commencer par celles d’octobre-novembre
2005, ne se cantonne pas au registre de la délinquance juvénile classique, et a
suscité un débat sur la nature politique ou « proto-politique » de ces violences
(Mauger, 2006). Certes, la religion n’était pas directement présente durant les
émeutes – les leaders religieux ont même plutôt cherché l’apaisement
(Lagrange, 2008) et les journalistes ont pu observer la création de services
d’ordre explicitement musulmans (Le Monde, 2 novembre 2005) –, mais la
composante ethno-religieuse faisait manifestement partie des caractéristiques
des auteurs (Delon et Mucchielli, 2006 ; Roché, 2006). Un autre élément trou-
blant est l’émergence d’une vague de violences antisémites au début des
années 2000, essentiellement commises par des jeunes arabo-musulmans
(Taguieff, 2002 ; Wieviorka, 2005). Ces violences ont été le fait d’une mino-
rité, mais elles se sont produites dans un contexte de banalisation de l’antisé-
mitisme dans les milieux musulmans (8) et ont suivi de près l’évolution du
conflit israélo-palestinien, signe d’une sensibilité accrue de ces jeunes à
l’égard d’enjeux de nature géopolitique. Enfin, la question de la violence chez
les jeunes musulmans ne saurait être dissociée de l’existence d’un « processus
de radicalisation violente » dont témoigne l’engagement de certains jeunes
dans le courant djihadiste (Martinez, 2008), engagement qui entretient

(7) Pierre-André Taguieff, « L’immigra- que les préjugés antisémites sont nettement plus
tionnisme, dernière utopie des bien-pensants », présents que dans la population de référence :
Le Figaro, 9 mai 2006. 50 % estiment que « on parle trop de l’extermi-
(8) L’enquête réalisée par le Cevipof au nation des juifs » (contre 35 % dans l’échan-
printemps 2005 auprès de Français issus de tillon témoin) et 39 % pensent que « les juifs
l’immigration nord-africaine et turque, dont les ont trop de pouvoir » (contre 20 %) (Brouard et
deux tiers se sont déclarés musulmans, montre Tiberj, 2005, p. 100).

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lui-même des liens avec la criminalité de droit commun (Radov, 2005). Ce


type d’engagement reste évidemment très marginal, mais la cause djihadiste
semble trouver un écho au-delà des seuls cercles militants, indiquant par là
qu’un contexte particulier constitue la toile de fond de la socialisation
politique de ces jeunes (9).

Données et hypothèses

De nombreuses études ont été consacrées en France aux jeunes musulmans.


Ces études ont fourni d’importantes informations sur une population qui reste
mal connue car systématiquement sous-représentée dans les sondages
(Dargent, 2010). Dans leur grande majorité, ces études reposent cependant sur
des méthodologies de nature qualitative, le plus souvent des entretiens. Or, si
les entretiens sont très utiles pour mettre au jour la richesse des discours indi-
viduels, ils connaissent deux grandes limites. La première est le manque de
représentativité des personnes interrogées, ce qui fait courir le risque d’ac-
croître la représentation de jeunes présentant certaines dispositions favorables
(la bonne volonté, l’aisance dans le discours, l’ouverture d’esprit) et de rendre
difficile l’évaluation des ordres de grandeur (telle opinion est-elle minoritaire
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ou majoritaire ?). La seconde est la tentation d’individualiser à l’extrême les
propos tenus (chaque individu est unique), donc de perdre de vue les grandes
tendances qui travaillent un groupe social, voire de laisser à l’analyste une
marge importante dans l’interprétation des données.
Il ne s’agit pas, en disant cela, de remettre en cause l’apport des études
qualitatives. Pour autant, il est impératif de chercher à valider leurs conclu-
sions par des méthodes plus quantitatives. Ce travail de consolidation s’avère
d’autant plus indispensable que les enquêtes quantitatives sur la population
musulmane sont très rares en France. À notre connaissance, une seule enquête
fait exception. Il s’agit d’une enquête réalisée en 2003 dans les établissements
scolaires de l’agglomération grenobloise auprès de 1 614 adolescents de 13 à
19 ans ; parmi eux, 198 se sont déclarés musulmans, soit environ 13 %, ce qui
donne une base suffisante pour engager des analyses assez fines (10).
Précisons d’emblée que ces données ont, elles aussi, leurs limites. Tout
d’abord, il s’agit d’une enquête locale, dont les résultats ne sauraient être extra-
polés sans précaution à la France entière. Ensuite, les données ne sont pas
récentes, même si rien n’indique que les tendances qu’elles révèlent ont été
radicalement remises en cause par les évolutions ultérieures. En outre, l’en-
quête ne concerne que les jeunes scolarisés ; elle écarte donc les publics les
plus difficiles, ceux qui sortent précocement du système éducatif, qui sont les

(9) Signalons aussi qu’en septembre 2008 barroso/barrot/news/default_fr.htm), dont l’une


la Commission européenne a rendu publiques en français (Dyèvre, 2008).
plusieurs études sur la radicalisation des jeunes (10) La méthodologie de cette enquête est
musulmans (http://ec.europa.eu/commission_ présentée plus précisément dans l’Annexe I.

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Revue française de sociologie

moins bien insérés socialement et les plus portés vers les carrières délin-
quantes (11). Enfin, cette enquête n’a pas été élaborée dans le but d’étudier les
valeurs des jeunes et, a fortiori, celles des jeunes musulmans puisque, à l’ori-
gine, elle visait à transposer à la France un protocole d’observation interna-
tional sur la délinquance autodéclarée des jeunes. De ce fait, le questionnaire
comporte peu d’indicateurs sur certains thèmes, notamment les sujets de société
ou d’actualité.
Si ces données ont donc des limites, elles ont aussi des mérites. Leur point
fort est d’avoir été recueillies avec une grande rigueur méthodologique (tirage
au sort des élèves, questionnaire administré en face à face par un enquêteur),
si bien qu’elles permettent de dresser un portrait fidèle des jeunes Français
scolarisés dans un grand centre urbain. De surcroît, l’enquête utilise un ques-
tionnaire très riche sur les caractéristiques individuelles et environnementales
des jeunes : situation scolaire, relations familiales, formes de sociabilité, envi-
ronnement urbain, mais aussi sentiment d’injustice, degré de politisation et
niveau de confiance dans les institutions répressives. Aucune autre recherche
prenant en compte la religion des jeunes n’est actuellement en mesure
d’apporter des informations comparables.
À partir de ces données, notre objectif va donc être d’évaluer et de
comprendre les spécificités des jeunes musulmans par rapport aux autres
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jeunes, notamment sur la question de la violence. La problématique qui nous
guidera se situe à mi-chemin entre les deux explications mentionnées précé-
demment sur les effets de la religion. Ces approches ont en effet pour incon-
vénient d’appréhender le fait religieux de manière caricaturale, la première en
considérant la religion comme un facteur surdéterminant, la seconde en
faisant de celle-ci un facteur neutre, dénué d’influence propre. L’une sures-
time le fait religieux, l’autre le nie. La première néglige les conditions socio-
politiques qui participent à la radicalisation d’un groupe partageant les mêmes
convictions religieuses ; la seconde oublie que la contribution de la religion à
la violence n’est pas historiquement impossible, même si celle-ci en constitue
rarement la cause unique (Fish, 2002 ; Fox, 2002, 2004 ; Rémond, Lessay et
Fleury, 2003) (12).
Une hypothèse alternative consiste dès lors à considérer que l’engagement
dans l’islam doit être replacé dans une forme particulière de socialisation
politique, située au croisement d’enjeux nationaux et internationaux. On
partira donc de l’idée que les conditions actuelles de la socialisation des
jeunes musulmans favorisent un ensemble de valeurs et de représentations
spécifiques susceptibles de provoquer des tensions avec les institutions tout
en donnant un certain sens à la violence.

(11) En 2000-2001, les taux de scolari- (12) Comme le note Denis Pelletier, « nous
sation par âge étaient les suivants : 100 % à avons oublié [depuis la disparition des guerres
13 ans, 99,3 % à 14 ans, 98,4 % à 15 ans, de religion] cette capacité du religieux à mettre
96,5 % à 16 ans, 91,6 % à 17 ans, 79,6 % à en forme la violence collective, à la rendre
18 ans et 65,7 % à 19 ans. légitime en lui donnant un sens » (2002, p. 2).

318
Vincent TOURNIER

Pour présenter ces résultats, nous distinguerons trois thèmes : d’abord, les
caractéristiques religieuses et socioculturelles des jeunes musulmans ;
ensuite, le rapport à la politique et aux institutions ; finalement, la question de
la violence. À l’issue de cette présentation, nous proposerons une réflexion
plus globale sur le type de socialisation politique que connaissent aujourd’hui
les jeunes de confession musulmane.

Caractéristiques religieuses et socioculturelles des jeunes musulmans

Une religion très présente

TABLEAU I. – La pratique religieuse (% verticaux)

Jeunes Jeunes Jeunes


« Participes-tu à des offices religieux à sans religion catholiques musulmans
l’église, la mosquée, la synagogue… »
(N = 889) (N = 377) (N = 198)
Plusieurs fois par semaine <1 1 6
Une fois par mois/semaine <1 12 11
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Plusieurs fois dans l’année 2 13 14
Aux grandes fêtes 34 49 29
Jamais ou presque 64 25 40

Les données confirment tout d’abord l’importance que prend la religion


chez les jeunes musulmans, avec toutefois une nuance. Le premier indicateur
mobilisable est la pratique religieuse (Tableau I). On remarque que la propor-
tion de non-pratiquants (ceux qui ne pratiquent jamais ou presque) est plus
élevée chez les jeunes musulmans (40 %) que chez les jeunes catholiques
(25 %). Cependant, cette différence s’explique par un fort clivage en fonction
du genre : chez les musulmans, les filles sont nettement moins pratiquantes
que les garçons puisque 50 % d’entre elles ne déclarent aucune pratique,
contre seulement 27 % pour les garçons (chez les catholiques, l’écart est
moins important : 23 % des filles et 28 % des garçons déclarent ne jamais
pratiquer) (13). Par ailleurs, il existe chez les musulmans une minorité de
pratiquants intensifs (ceux qui pratiquent plusieurs fois par semaine) nette-
ment plus importante que chez les catholiques : 6 % des musulmans sont dans
ce cas (contre moins de 1 % pour les catholiques). Là encore, la différence
entre les garçons et les filles est importante puisque la proportion de prati-
quants intensifs est bien plus élevée chez les garçons que chez les filles (9 %
contre 3 %).

(13) Dans l’enquête du Cevipof de 2005, les hommes sont trois fois plus nombreux à pratiquer
que les femmes (Brouard et Tiberj, 2005, p. 28). Le même constat est dressé par Claude Dargent
(2003, p. 21).

319
Revue française de sociologie

TABLEAU II. – Le rapport à la religion (% verticaux)

Jeunes Jeunes Jeunes


« Dans ta vie quotidienne, la religion sans religion catholiques musulmans
pour toi c’est… »
(N = 889) (N = 377) (N = 198)
Très important <1 4 43
Important 5 25 41
Un peu important 28 52 12
Pas du tout important 66 19 4

Le deuxième indicateur concerne l’importance subjective que les jeunes


accordent à la religion (Tableau II). La particularité des jeunes musulmans est
frappante : autant la religion apparaît très secondaire chez les catholiques,
autant elle occupe une place très affirmée chez les musulmans – garçons et
filles confondus. Cette importance accordée à la religion se retrouve égale-
ment chez les non-pratiquants puisque les trois quarts des musulmans non
pratiquants (73 %) disent que la religion est importante dans leur vie (contre
seulement 17 % des catholiques non pratiquants). Bref, si les catholiques
présentent une forme de religiosité conforme à celle que l’on s’attend à
trouver dans une société sécularisée, où la religion contribue faiblement à la
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définition de l’identité individuelle, il n’en va pas de même pour les jeunes
musulmans.

TABLEAU III. – Consommation d’alcool et de drogues en fonction de la religion


(en %)

Ensemble Jeunes Jeunes Jeunes V de


sans religion catholiques musulmans Cramer
Boire du vin 18 20 20 3 .11***
Boire de la bière 35 40 34 12 .14***
Boire des alcools forts 26 31 25 9 .12***
Avoir consommé du haschisch 34 39 29 20 .15***
Avoir consommé des drogues dures 2 2 1 1 (ns)
Avoir vendu du haschisch 5 6 3 5 (ns)

La religiosité des jeunes musulmans ne relève pas seulement de la subjectivité


puisque l’engagement religieux exerce un effet sur les pratiques sociales. On le
vérifie dans le cas de la consommation d’alcool et de drogues (Tableau III).
Certes, l’enquête ne mesure que des déclarations et, dans la pratique, les
écarts sont probablement moins élevés. Il n’en reste pas moins que l’islam se
singularise bien par sa capacité d’imposer des interdits, ce qui n’est pas le
moindre des éléments concernant le rôle que peut jouer une religion dans la
socialisation des jeunes. Ces résultats confirment donc que l’attachement des
musulmans à leur religion ne saurait être considéré comme superficiel ou peu
impliquant.

320
Vincent TOURNIER

Situation sociale et scolarisation

Comme on pouvait s’y attendre, les parents des jeunes musulmans appar-
tiennent majoritairement à des milieux modestes (14). Peu diplômés, ceux-ci
sont également moins nombreux à exercer une activité professionnelle. La
faible insertion professionnelle des pères résulte du chômage (9 % sont au
chômage contre 5 % en moyenne dans l’échantillon), mais surtout du fait
qu’une proportion importante d’entre eux est à la retraite (16 % contre 3 %
pour les autres jeunes). Cette particularité, vraisemblablement induite par la
taille des fratries, signifie que les parents des jeunes musulmans sont en
moyenne plus âgés que les parents des autres jeunes, ce qui n’est probable-
ment pas sans incidence sur les styles éducatifs et la nature des relations
familiales.

GRAPHIQUE I. – Pourcentage de jeunes qui ont reçu au moins une sanction


sérieuse à l’école au cours des deux dernières années
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Concernant leur scolarisation, les jeunes musulmans sont sous-représentés
dans l’enseignement privé et surreprésentés dans les zones d’éducation priori-
taire, deux caractéristiques qui se maintiennent à origine sociale égale.
Comme beaucoup de populations issues de l’immigration, leurs difficultés
scolaires sont plus importantes, ce qui se traduit par un taux élevé de redou-
blement (15). Toutefois, si l’on tient compte de l’origine sociale, le redouble-
ment cesse d’être un trait distinctif des jeunes musulmans, ce qui est
conforme aux études qui montrent que la trajectoire scolaire des enfants

(14) Les statistiques détaillées sont issus de l’immigration sont presque toujours
présentées dans l’Annexe II-A. inférieures à celles des natifs, y compris à la
(15) Sauf dans les pays qui sélectionnent seconde génération, la situation de la France
drastiquement les migrants comme le Canada n’étant pas particulièrement mauvaise sur ce
ou l’Australie, les performances des jeunes plan (OCDE, 2006).

321
Revue française de sociologie

d’immigrés ne diffère pas de celle des enfants de même condition sociale


(Vallet et Caille, 1996 ; Caille, 2007).
Une particularité plus marquante des jeunes musulmans est d’être des
élèves souvent perturbateurs, comme l’atteste la fréquence des sanctions
qu’ils reçoivent à l’école, qu’il s’agisse de sanctions mineures (avertisse-
ments, retenues) ou de sanctions plus sérieuses (exclusions temporaires ou
définitives). On retrouve ici un résultat qui a déjà été observé pour les jeunes
issus de l’immigration (Grimault-Leprince et Merle, 2008). La propension
plus élevée à recevoir des sanctions se maintient lorsque l’on contrôle l’ori-
gine sociale, la situation familiale et la situation scolaire : c’est ce que montre
le Graphique I, qui ne garde ici que le redoublement comme variable de
contrôle. Cela signifie que l’acceptation des normes scolaires représente un
enjeu difficile pour les jeunes musulmans, probablement en raison de leur
éloignement de la culture et de la langue de l’école, ce qui les place dans une
position d’infériorité (16). Cette relation conflictuelle est d’autant plus vive
que les jeunes immigrés ont un niveau d’attente vis-à-vis de l’école plus élevé
que celui des familles ou des élèves de condition comparable (Caille, 2007),
ce qui peut conduire à un certain ressentiment (Kakpo, 2005) et provoquer,
par contrecoup, une « affirmation identitaire ethnicisée » (Bonnéry, 2006).
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La socialisation familiale

Les jeunes musulmans sont majoritairement d’origine maghrébine (84 %


ont au moins un parent né en Afrique du Nord). L’engagement dans l’islam
recoupe donc presque parfaitement l’origine ethnique (17). Ce constat est
banal, mais il indique que l’islam ne parvient guère à s’étendre au-delà des
populations issues de l’immigration. En raison de ce lien avec l’immigration
nord-africaine, seulement 48 % des jeunes musulmans utilisent exclusivement
le français à la maison (18 % parlent une autre langue et 36 % emploient le
français à égalité avec une autre langue). Or, comme l’indique Michèle
Tribalat, la langue « joue un rôle central dans le processus d’acculturation »
car l’usage du français influence la sociabilité et les échanges avec la popula-
tion d’accueil (1995, p. 45). La langue pose aussi des problèmes dans l’ap-
prentissage scolaire dans la mesure où elle rend plus difficile le soutien des
parents (Kakpo, 2007).
Concernant la vie familiale, les jeunes musulmans sont issus de familles
plutôt moins dissociées que la moyenne (82 % des parents vivent ensemble,
contre 75 % pour l’ensemble de l’échantillon). De plus, les relations entre

(16) Voir le témoignage d’Iannis Roder, d’autant qu’une question subsidiaire indique
enseignant d’histoire-géographie (2006). qu’une bonne partie des jeunes non musulmans
(17) Ce recoupement empêche de distinguer, dont les parents sont nés en Afrique descendent
parmi les jeunes issus de l’immigration, ceux de familles métropolitaines arrivées au temps
qui se déclarent musulmans et les autres – de la colonisation.

322
Vincent TOURNIER

parents et enfants sont plutôt bonnes. Le niveau d’entente avec la mère est
même sensiblement plus élevé que dans l’ensemble de l’échantillon. Les
fugues sont également moins fréquentes. En revanche, d’après les jeunes
interrogés, la supervision parentale s’avère plus faible dans les familles
musulmanes que dans les autres familles, et les jeunes musulmans ont le
sentiment que leurs parents désapprouvent moins fortement les actes d’incivi-
lités ou de délinquance (Zanna et Lacombe, 2005). Les écarts en fonction du
genre sont importants : 23 % des garçons musulmans appartiennent au niveau
le plus élevé sur l’indice de contrôle parental, contre 40 % pour les garçons
sans religion et 47 % pour les garçons catholiques (pour les filles, les chiffres
sont de 47 % pour les musulmanes, 50 % pour les sans religion et 62 % pour
les catholiques). Les familles musulmanes semblent donc moins normatives
que les autres familles, notamment à l’égard des garçons, et ce déficit
normatif ne saurait être imputé à des conflits familiaux compte tenu de la
bonne qualité des relations familiales.
Cette particularité de la socialisation familiale découle probablement d’un
cumul de facteurs : parents plus âgés, fratries plus nombreuses, difficultés
dans l’apprentissage de la langue – auxquels s’ajoute l’influence des cultures
du pays d’origine. Elle explique à son tour les problèmes d’intégration à
l’école car elle facilite les comportements perturbateurs. On constate en effet
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que la fréquence des sanctions scolaires est certes associée à la situation
scolaire (moindre intérêt pour l’école, faible niveau scolaire), mais aussi à une
faible supervision parentale et à une moindre réactivité des parents dans la
délégitimation des conduites inciviles.

Environnement urbain et sociabilité

Les jeunes musulmans habitent plus souvent que les autres jeunes dans des
quartiers difficiles, où se concentrent les grands ensembles d’habitat social et
où les dégradations du mobilier urbain sont fréquentes (18). De nombreux
observateurs ont insisté sur le climat particulier de ces quartiers, où tend à se
développer une culture de rue fondée sur la virilité, le « code de l’honneur »
ou le « capital guerrier » – le souci dominant étant de ne pas « perdre la face »
(Avenel, 2000 ; Lepoutre, 1997 ; Sauvadet, 2005 ; Welzer-Lang, 2002).
On retrouve les signes de cette culture des rues dans certaines attitudes
psychologiques des jeunes musulmans, notamment la valorisation du risque et
du défi. D’après l’enquête, les garçons musulmans sont proportionnellement
plus nombreux à déclarer aimer prendre des risques ou se mettre volontaire-
ment en danger. Par exemple, la proportion de garçons qui ne sont pas du tout

(18) Pour évaluer le type d’environnement les quartiers les plus difficiles. Ces quartiers
urbain, nous utilisons un indice composé de regroupent 34 % des jeunes de l’échantillon. La
trois items qui varie de 0 à 9 (voir Annexe I-B). moitié des musulmans de l’échantillon (52 %)
Pour tenir compte des effectifs, nous avons réside dans ces quartiers.
considéré que les notes de 6 à 9 concernaient

323
Revue française de sociologie

d’accord avec l’idée « Je ne prends jamais de risque juste pour le plaisir »


atteint 15 % chez les catholiques, 23 % chez les sans religion et 29 % chez les
musulmans ; de même, la part des garçons qui approuvent l’item « Je trouve
excitant de faire des choses qui pourraient me causer des problèmes » est de
12 % chez les sans religion, 15 % chez les catholiques et 22 % chez les musul-
mans. Cette particularité est manifestement le résultat d’un effet d’entraînement
du quartier : quelle que soit la sensibilité religieuse, la proportion de garçons
valorisant l’excitation du danger augmente lorsque l’environnement urbain
connaît des désordres ou des dégradations, même si cette influence des désor-
dres urbains est davantage marquée chez les musulmans (Graphique II).

GRAPHIQUE II. – Pourcentage de garçons qui approuvent l’item « Je trouve


excitant de faire des choses qui pourraient me causer des problèmes » (tout à

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25

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15

10

0
Garçons sans religion Garçons catholiques Garçons musulmans

Quartiers calmes ou difficiles Quartiers très difficiles

Une autre caractéristique des jeunes musulmans concerne leur sociabilité.


En premier lieu, celle-ci apparaît assez clivée en fonction du genre. Une telle
segmentation est assez courante chez les adolescents, mais elle apparaît
encore plus marquée chez les musulmans. Ceci est particulièrement vrai pour
les filles musulmanes, qui ont tendance à rester entre filles : seulement 6 %
d’entre elles ont principalement leurs amis parmi les garçons, contre 16 % des
filles catholiques et 20 % des filles irréligieuses ; inversement, 22 % d’entre
elles ont principalement leurs amies parmi des filles (contre 8 % des filles
catholiques et 9 % des filles sans religion). Cette segmentation selon le genre,
qui est encore plus accentuée chez les musulmans pratiquants, confirme les
analyses qui ont souligné les tensions entre garçons et filles dans les quartiers
sensibles (Vassberg, 1997 ; Kebabza et Welzer-Lang, 2003) et rejoint les
observations sur la prégnance des valeurs traditionnelles parmi les musul-
mans, dont le voile n’est sans doute qu’un élément (Giblin, 2006).

La deuxième particularité de la sociabilité des jeunes musulmans est d’être


centrée sur les jeunes issus de l’immigration. Un tiers d’entre eux fréquentent

324
Vincent TOURNIER

uniquement ou essentiellement des jeunes d’origine étrangère (contre 10 %


pour l’ensemble de l’échantillon). Les échanges sociaux des jeunes musul-
mans ont donc tendance à être ethno-centrés, c’est-à-dire à se cantonner aux
jeunes ayant un profil social et culturel proche (19). Cette sociabilité ethnique
ne s’explique pas uniquement par la concentration des populations migrantes
dans les quartiers défavorisés car elle s’observe aussi parmi les jeunes qui
habitent en dehors de ces quartiers. Pour ces jeunes, le groupe de référence
tend donc à se constituer sur une base ethno-religieuse, ce qui n’est certaine-
ment pas sans conséquence sur la construction de leur identité (Charlot,
2000).
Enfin, toujours du point de vue de leur sociabilité, les jeunes musulmans
ont pour particularité d’être moins impliqués dans une sociabilité de type
festif : ils fréquentent moins les bars ou les discothèques et sortent moins le
soir après minuit. Cette particularité s’explique d’abord par une différence de
comportement entre les sexes. Les garçons musulmans, contrairement à ce
que l’on pouvait anticiper, sortent tout autant que les garçons irréligieux ou
catholiques, y compris en discothèque. En revanche, les filles musulmanes
sortent beaucoup moins que les filles catholiques ou sans religion (20). Ce
résultat, que l’on peut rapprocher de nos précédentes observations sur le
clivage entre les sexes, confirme l’existence d’un contrôle des sorties dans le
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cas des filles musulmanes, ou du moins d’une forte pression sociale suscep-
tible de restreindre de facto leurs occasions de sortie.

Rapport à la politique et aux institutions (21)

Le degré de politisation

Compte tenu des caractéristiques que nous venons de présenter, on aurait


pu s’attendre à ce que le niveau de politisation des jeunes musulmans soit plus
faible que celui des autres jeunes. Or, la réalité s’avère bien différente. Si l’on
s’en tient à certains indicateurs, les jeunes musulmans paraissent moins
concernés par la participation politique. Ils sont ainsi sensiblement moins

(19) David Lepoutre parle d’un « raciocen- fait part de ses difficultés sur le terrain, confiant
trisme » (1997, p. 100). On doit regretter le « son impression de servir de bouc émissaire,
manque de données sur ce point, notamment la sorte de défouloir facile sur lequel peut
dimension volontaire et exclusive des regroupe- s’abattre la haine collective, la haine du blanc »
ments par affinité ethnique. S’il existe de (Bailleau, Fontaine et al., 2003, p. 25).
nombreuses études sur l’ethnocentrisme ou le (20) Chez les musulmans, 27 % des
racisme des Français en général, il n’existe pas garçons et 6 % des filles sortent au moins
d’étude équivalente sur les populations quatre fois par mois après minuit sans leurs
migrantes et leurs descendants. Certains parents, contre respectivement 28 % et 20 %
comptes rendus d’observation ethnographique des jeunes sans religion, et 20 % et 15 % des
apportent pourtant des témoignages troublants, jeunes catholiques.
comme celui de cette enquêtrice (blanche) qui (21) Voir Annexe II-B.

325
Revue française de sociologie

nombreux à penser que le vote sert à quelque chose. L’écart avec les autres
jeunes n’est toutefois pas significatif, ce qui est le signe que la norme électo-
rale est assez présente (22). De même, les jeunes musulmans sont un peu
moins engagés dans la vie associative que les autres jeunes, mais ce résultat
doit être nuancé par le fait que les jeunes musulmans déclarent pratiquer des
activités en dehors de l’école dans des proportions comparables à celles des
autres jeunes.
Mais le point le plus intéressant concerne le niveau de politisation, qui
apparaît plus élevé chez les jeunes musulmans que chez les autres jeunes. Par
rapport aux autres jeunes, ceux-ci ont en effet plus souvent des discussions
politiques avec leurs amis et présentent un niveau d’engagement protestataire
plus élevé, au moins pour la participation à une grève ou à une manifestation
(la pétition ne distingue pas les jeunes musulmans des autres jeunes) (23).
Cette surpolitisation se vérifie à âge égal et à origine sociale égale.
Lorsque le père est employé ou ouvrier, 16 % des jeunes catholiques et 9 %
des jeunes sans religion discutent fréquemment politique avec leurs amis,
alors que cette proportion atteint 28 % chez les jeunes musulmans. Des écarts
similaires apparaissent avec les indicateurs d’engagement protestataire.
Notons aussi que, contrairement aux autres jeunes, où les écarts en fonction
du genre sont quasiment nuls, la politisation est sensiblement plus forte chez
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les garçons que chez les filles (29 % des garçons musulmans discutent
souvent de politique avec leurs amis, contre 24 % pour les filles).
Cette surpolitisation des jeunes musulmans n’est pas vraiment une surprise
car elle a déjà pu être observée dans d’autres études (24). Comment l’expli-
quer ? Les difficultés matérielles et la frustration sont certainement un
élément à prendre en compte. Toutefois, le lien entre la situation vécue objec-
tivement et la politisation, on le sait, est loin d’être mécanique. De plus, la
sociologie politique a bien établi que le degré de politisation est inversement
proportionnel à la place occupée dans la hiérarchie sociale, de sorte que les
milieux défavorisés ne sont pas ceux qui se mobilisent le plus. À tout le
moins, l’explication par les seuls intérêts matériels n’est donc pas suffisante.
C’est pourquoi on suggérera ici deux autres hypothèses. La première

(22) Ce résultat rejoint les analyses de la supposer que ce type d’actions exprime aussi
non-inscription sur les listes électorales dans les un certain attrait pour le chahut. Cela étant,
quartiers sensibles (Pan Ké Shon, 2004). l’existence de fortes corrélations entre la
L’enquête trajectoires et origines (TEO) réalisée fréquence des discussions politiques et les
en 2008 a également mis en évidence des indicateurs d’engagement protestataire incite à
niveaux assez élevés d’inscription et de partici- écarter cette interprétation non politique de
pation électorales chez les descendants de l’engagement protestataire.
migrants (Beauchemin, Hamel et Simon, 2010). (24) La politisation plus élevée des jeunes
(23) On pourrait concevoir que, chez les musulmans avait déjà été relevée par Anne
adolescents, les indicateurs protestataires ne Muxel (1988) dans une enquête réalisée en
reflètent pas toujours un engagement de nature 1986-1987. Elle est confirmée par Claude
politique. La participation protestataire est Dargent (2003) pour l’ensemble des musulmans
d’ailleurs plus élevée parmi les jeunes ayant à partir de données cumulées sur la période
subi des sanctions scolaires, ce qui laisse 1998-2001.

326
Vincent TOURNIER

concerne un possible impact des débats médiatiques sur l’islam et les


banlieues, lesquels fournissent aux jeunes musulmans de fréquentes occasions
de discussion. La seconde concerne les effets de contexte, effets qui peuvent
intervenir à deux niveaux : d’une part, à travers les cultures politiques locales
(les quartiers sensibles sont souvent des anciennes banlieues rouges, ce qui a
pu laisser vivaces une certaine mémoire politique ainsi que des réseaux de
militants actifs) ; d’autre part, à travers l’action publique elle-même, la poli-
tique de la ville ayant tendance à multiplier les dispositifs d’insertion et à
favoriser la venue dans les quartiers de responsables politiques ou associatifs
porteurs d’un discours qui valorise l’implication des habitants (Donzelot,
Mével et Wyvekens, 2003). On vérifie ainsi que plus le quartier connaît des
désordres, plus le niveau de politisation a tendance à augmenter, même si
cette relation est variable selon la sensibilité religieuse (Graphique III). Il
n’est donc pas infondé de parler d’un effet du quartier sur la socialisation
politique.

GRAPHIQUE III. – Pourcentage de jeunes qui discutent politique avec leurs amis
(très souvent/souvent)
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Jeunes sans religion Jeunes catholiques Jeunes musulmans

Quartiers calmes Quartiers difficiles Quartiers très difficiles

Au total, les jeunes musulmans manifestent donc une sensibilité plus forte
à l’égard des questions politiques, au moins parmi la minorité des jeunes les
plus politisés. La fréquence des discussions politiques avec les amis le
démontre à sa façon : elle témoigne à la fois d’une sociabilité amicale relati-
vement intense et d’une certaine réceptivité à l’égard des enjeux politiques.
Cette socialisation politique par les pairs est d’autant plus importante que l’in-
vestissement des parents dans l’éducation des enfants paraît moins intense.
On peut également penser que cette sociabilité amicale vient former une
caisse de résonance pour les débats d’actualité, ce qui pourrait expliquer
l’écho important dont bénéficient certains événements géopolitiques.

327
Revue française de sociologie

Le sentiment d’injustice

Il est courant de dire que les jeunes issus de l’immigration éprouvent un


profond sentiment d’injustice (Marlière, 2006, 2008). Le sentiment d’injus-
tice est-il cependant plus fort chez les jeunes musulmans que chez les autres
jeunes ? La question a rarement été envisagée sous cet angle. On doit le
regretter car les données montrent que le sentiment d’injustice n’est pas rare
chez les jeunes. La question est donc de savoir s’il y a une spécificité des
musulmans sur ce point.
Concernant les injustices ressenties personnellement, un premier indicateur
porte sur l’école, premier lieu où peut apparaître un sentiment d’injustice chez
les jeunes. 20 % des jeunes musulmans estiment que les professeurs ne les
respectent pas, contre 15 % en moyenne. Cet écart n’est toutefois pas signifi-
catif et il disparaît dès qu’on le contrôle par la situation scolaire ou par l’ori-
gine sociale. Ce résultat est conforme aux conclusions d’une enquête par
panel de l’Éducation nationale, qui indique que le sentiment d’injustice
qu’éprouvent les descendants de migrants au sujet des décisions du conseil de
classe s’annule lorsqu’il est contrôlé par la situation scolaire (Caille, 2007,
p. 137). On a pu en conclure que le système scolaire n’est pas aussi discrimi-
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nant qu’on le dit – voire qu’il s’avère plus favorable aux enfants issus de l’im-
migration, toutes choses égales par ailleurs (Vallet et Caille, 1996 ; Felouzis,
2003 ; Baye et Demeuse, 2008).
Les autres indicateurs portent sur les perceptions plus générales de l’injus-
tice. On peut distinguer le sentiment d’injustice éprouvé pour soi et le senti-
ment d’injustice pour les autres. Sur ces indicateurs, les différences en
fonction de la religion sont un peu plus nettes. Les jeunes musulmans sont
plus nombreux à penser qu’ils ont moins de chance que les autres jeunes
(30 % contre 18 % en moyenne), qu’ils ne reçoivent pas ce qu’ils méritent
(30 % contre 21 %) ou qu’ils ne sont pas traités de façon juste (24 % contre
19 %). Par rapport aux autres jeunes, ils sont aussi plus nombreux à penser
que les gens ne sont pas traités de façon juste et ne reçoivent pas ce qu’ils
méritent. Ils approuvent enfin plus souvent l’idée selon laquelle le maire ne
s’intéresse pas aux difficultés des jeunes comme eux (54 % contre 43 % en
moyenne) (25).
Le bilan est donc en demi-teinte. Il existe bien une spécificité des jeunes
musulmans par rapport aux autres jeunes, mais cette spécificité ne doit pas
être exagérée, les écarts restant globalement assez modérés. Compte tenu des
caractéristiques sociales et scolaires des jeunes musulmans, on pouvait même

(25) Le taux de non-réponse à cette dernière question est plus faible pour les jeunes musulmans
que pour les autres jeunes (10 %, contre 16 % pour les jeunes catholiques et 18 % pour les jeunes
irréligieux), ce qui peut signifier que la question a plus de sens pour eux.

328
Vincent TOURNIER

s’attendre à trouver des différences plus élevées (26). De plus, si l’on tient
compte simultanément de l’origine sociale et de la situation scolaire, les diffé-
rences en fonction des préférences religieuses cessent d’être statistiquement
significatives. En d’autres termes, les jeunes musulmans ne paraissent pas se
différencier des autres jeunes de même conditions sociale ou scolaire ; ils
n’éprouvent pas en eux-mêmes le sentiment d’être traités injustement.
TABLEAU IV. – Corrélations bivariées entre les indicateurs du sentiment
d’injustice et les indicateurs de politisation en fonction de la religion

Sentiment d’injustice Sentiment d’injustice Le maire ne s’occupe pas


pour soi pour les autres des problèmes des jeunes
Discussions Engagement Discussions Engagement Discussions Engagement
politiques protestataire politiques protestataire politiques protestataire
Ensemble .04 .02 .11*** .12*** – .03 .04
Sans religion .04 .02 .11*** .11** – .05 .04
Catholiques .06 – .04 .10* .10* .05 .11*
Musulmans – .02 .01 .09 .12 – .06 .01

Lecture : Pour l’ensemble des jeunes, la corrélation entre le sentiment d’injustice pour les autres et la
fréquence des discussions politiques s’élève à .11 ; pour les jeunes musulmans, cette corrélation
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s’élève à .09.
Note : *** p < .001 ; ** p < .01 ; * p < .05.

Contrairement à une idée répandue, le sentiment d’injustice n’est donc pas


propre aux jeunes musulmans. En outre, le sentiment d’injustice peut diffici-
lement être considéré comme une source déterminante de la politisation chez
les jeunes (Tableau IV). On observe bien des corrélations positives entre les
indicateurs de politisation et le sentiment d’injustice, mais celles-ci restent
modestes et ne concernent que le sentiment d’injustice pour autrui, ce qui
confirme que la situation vécue par les jeunes n’est pas une source directe de
politisation. Les données ne disent cependant rien sur la nature de ce senti-
ment d’injustice. Il est possible que ce sentiment prenne un sens particulier
chez les jeunes musulmans. Dans le contexte des années 2000, marqué par les
débats sur la colonisation et la « repentance », le sentiment d’injustice a pu

(26) Il est possible que le sentiment D’après cette étude, un quart des musulmans
d’injustice se développe plus tard, notamment français issus de l’immigration maghrébine ou
lors de la recherche d’un emploi (voir africaine déclare avoir été victime de discrimi-
Silberman et Fournier, 2006). On note nation au cours des douze derniers mois, ce qui
cependant que les enquêtes disponibles est le taux le plus faible parmi les minorités
décrivent une situation moins dramatique qu’on musulmanes d’origine africaine. La France se
le pense. Comme l’a récemment indiqué la situe ainsi derrière Malte (64 %), l’Italie
première enquête comparative sur ce point (55 %), la Finlande (47 %), le Danemark
(enquête EU-MIDIS, réalisée en 2008), les (46 %), l’Espagne (40 %), la Belgique (33 %),
musulmans français déclarent plutôt moins de la Suède (33 %) et les Pays-Bas (30 %).
discriminations que les musulmans des Cependant, c’est en France que les personnes
quatorze pays européens où vivent des issues de l’immigration africaine sont les plus
minorités musulmanes (European union nombreuses à penser que les discriminations
minorities and discrimination survey, 2009). sont très répandues.

329
Revue française de sociologie

s’inscrire dans une problématique de nature plus ethnique que sociale, rele-
vant davantage d’une fracture plus « nationale » que « sociale » (Giblin,
2006 ; Robine, 2008). Les données ne permettent pas d’en savoir plus, mais il
s’agit d’un point qui mériterait assurément d’être approfondi.

L’hostilité envers la police

Les jeunes musulmans ont une très mauvaise image des institutions répres-
sives, notamment de la police. Seulement 50 % d’entre eux ont une bonne
image de la police, contre 72 % en moyenne. De même, 42 % pensent que la
police protège les jeunes contre 58 % dans l’ensemble de l’échantillon, et
68 % estiment que les policiers sont violents avec les jeunes (29 % des jeunes
irréligieux et 26 % des jeunes catholiques). Avec l’âge, cette mauvaise image
a tendance à se renforcer, comme le montre l’opinion sur la violence de la
police (Graphique IV).

GRAPHIQUE IV. – Pourcentages qui pensent que la police est violente avec les jeunes
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90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
13 ans 14 ans 15 ans 16 ans 17 ans 18-20 ans

Catholiques Sans religion Musulmans

Cette hostilité envers les institutions répressives est une caractéristique


majeure des jeunes musulmans (27). Elle est d’autant plus vive qu’elle s’ac-
compagne d’actes concrets à travers la pratique du « caillassage ». C’est ainsi

(27) Ce résultat recoupe les conclusions depuis les années 1990. Et s’ils sont plus
faites à partir de l’étude des contentieux avec la lourdement condamnés, c’est à la fois parce que
police. Selon les calculs de Fabien Jobard et leurs comportements sont plus graves (ils sont
Sophie Névanen, les jeunes d’origines plus souvent poursuivis pour violence que pour
maghrébine et africaine sont surreprésentés outrage) et parce qu’ils sont plus souvent des
dans les contentieux judiciaires pour outrages récidivistes (Jobard, 2005 ; Jobard et Névanen,
ou violences envers des policiers, notamment 2007).

330
Vincent TOURNIER

que 14 % des jeunes musulmans ont lancé des pierres contre un véhicule
« officiel » (l’enquête ne permet pas d’isoler les jets de pierres contre les
seuls véhicules de police), soit plus du double de la moyenne (6 %). Chez les
garçons, ce pourcentage atteint 24 % (contre 9 % chez les irréligieux et 7 %
chez les catholiques), ce qui en fait une pratique nettement répandue.
Cette mauvaise image de la police entretient des liens étroits avec le senti-
ment d’injustice (Tableau V). Les coefficients de corrélation ne sont pas
nécessairement plus élevés chez les musulmans que chez les autres jeunes,
mais ce résultat n’en accrédite pas moins l’idée que, à travers l’image de la
police, c’est aussi toute une représentation de la société qui se constitue. Ce
résultat invite à faire le lien avec les observations que faisait David Easton
dans les années 1960. Celui-ci défendait en effet l’idée que la figure du poli-
cier joue un rôle très important dans l’intégration politique des jeunes, dans la
mesure où c’est à partir de lui que le jeune se familiarise avec l’autorité et la
vie politique, reconnaissant par ce biais la légitimité du système politique
(Easton, [1965] 1974 ; Easton et Dennis, 1969). Cette intuition n’a jamais été
poursuivie par la suite, mais la situation que l’on rencontre chez les jeunes
musulmans incite probablement à la regarder sous un jour nouveau (28).
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TABLEAU V. – Corrélations bivariées entre les indicateurs du sentiment d’injustice
et les indicateurs relatifs à l’image de la police, en fonction de la religion

Sentiment d’injustice Sentiment d’injustice Le maire ne s’occupe pas


pour soi pour les autres des problèmes des jeunes
Mauvaise Police Mauvaise Police Mauvaise Police
image police violente image police violente image police violente
Ensemble .21*** .19*** .32*** .17*** .21*** .09***
Sans religion .23*** .15*** .36*** .16*** .21*** .09**
Catholiques .15*** .18*** .30*** .18** .14*** .08
Musulmans .20*** .21*** .23*** .08 .29*** .16*

Lecture : Pour l’ensemble des jeunes, la corrélation entre le sentiment d’injustice pour soi et la mauvaise
image de la police s’élève à .21 ; pour les jeunes musulmans, cette corrélation s’élève à .20.
Note : *** p < .001 ; ** p < .01 ; * p < .05.

Il reste néanmoins à comprendre les raisons d’une telle hostilité. Les


études consacrées aux jeunes des quartiers sensibles suggèrent plusieurs
pistes. Pour certains, cette mauvaise image doit être attribuée à l’action et au
comportement des policiers eux-mêmes, dont le manque de proximité avec les
habitants ainsi que les modes d’intervention (contrôles répétitifs, manque de
discernement, voire animosité verbale, sans oublier les drames qui ont pu
accompagner certaines interventions) favoriseraient une vive rancœur à leur

(28) Nous avons pu montrer, dans une étude récente, qu’une bonne image de la police est très
corrélée à la perception positive du vote chez les jeunes (Tournier, 2009).

331
Revue française de sociologie

encontre (Kokoreff, Barron et Steinauer, 2006 ; Marlière, 2007). D’autres


insistent sur le contexte culturel des quartiers difficiles : en raison d’une forte
identité territoriale, la police serait perçue comme une entité extérieure, voire
ennemie, les conflits étant avivés par la valorisation des défis ludiques lancés
aux représentants de l’autorité (Avenel, 2000 ; Cicchelli, Galland et al.,
2006 ; Sauvadet, 2005).
L’hypothèse d’une responsabilité de la police ne saurait être écartée a
priori. D’après l’enquête européenne citée précédemment (voir note 26), c’est
en France que les musulmans d’origine africaine ont déclaré avoir été le plus
fréquemment arrêtés par la police au cours des douze derniers mois, et c’est
en France qu’ils sont parmi les plus nombreux à estimer avoir été contrôlés
sur la base d’un profilage ethnique (European union minorities and discrimi-
nation survey, 2009).
Plusieurs éléments soulignent cependant les limites d’une explication qui
ne retiendrait que la responsabilité policière. On note tout d’abord que,
d’après les enquêtes sur les valeurs des Français, l’image de la police s’est
améliorée entre 1999 et 2008 (Bréchon et Tchernia, 2009, p. 293), ce qui est
difficilement compatible avec la thèse d’une brutalité croissante de l’action
policière – même si ce résultat n’exclut pas une dégradation de son action
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dans certains lieux spécifiques. Par ailleurs, les observations effectuées dans
les quartiers sensibles ne confirment pas que la police serait la seule cause des
tensions (Loriol, Boussard et Caroly, 2006), et encore moins qu’elle ferait
usage de la violence en première instance (Jobard, 2006). De surcroît, les
études réalisées dans d’autres pays ont pu montrer que l’expérience de la
confrontation directe avec la police n’a pas un effet mécanique sur le senti-
ment d’injustice car tout dépend des conditions dans lesquelles cette confron-
tation a lieu, ainsi que des caractéristiques des personnes impliquées (Hagan,
Shedd et Payne, 2005). Autrement dit, si les modalités d’intervention et le
comportement de certains policiers peuvent amplifier les tensions, le rejet de
la police dépend moins de l’action de celle-ci que de la légitimité qui lui est
accordée.
L’enquête grenobloise apporte plusieurs arguments à l’appui de cette inter-
prétation. L’image de la police est fortement corrélée à la propension à
commettre des délits. Le fait d’avoir commis des dégradations constitue même
l’une des principales variables associées à une mauvaise image des forces de
l’ordre, toutes choses égales par ailleurs. Sauf à penser qu’une mauvaise image
de la police est la cause première des actes délictuels, on peut donc en conclure
que la défiance envers la police se nourrit d’abord d’un comportement a priori
réfractaire envers l’autorité. Il est aussi vraisemblable que, dans les quartiers
difficiles, où se produit manifestement une recomposition des normes en
matière de comportements acceptables, les interventions de la police paraissent
moins compréhensibles, moins justifiées ; de là viennent aussi, très probable-
ment, les tensions qui se produisent lors des contrôles.
Par ailleurs, on observe un lien étroit entre l’image dégradée de la police et
une série de variables comme la sociabilité ethno-centrée, la fréquence des

332
Vincent TOURNIER

sanctions scolaires, le goût du risque, une résidence dans un environnement


difficile ou encore une faible supervision parentale. Ces corrélations accrédi-
tent l’hypothèse selon laquelle l’hostilité envers la police, loin d’être liée à la
seule expérience de la confrontation directe, se développe plus facilement
dans certains milieux sociaux. Elle est donc, pour partie au moins, le résultat
d’un processus de socialisation qui conduit à valoriser certaines attitudes (la
fierté, le goût du défi) tout en manifestant un certain rejet de l’autorité dans le
cadre d’un processus identitaire fondé sur l’ancrage territorial, la police
n’étant probablement qu’un élément parmi d’autres de cette relation conflic-
tuelle avec les institutions (29).
La prise en compte de l’environnement urbain plaide en ce sens : les jeunes
catholiques et les jeunes irréligieux ont toujours une image plus positive de la
police, même lorsqu’ils vivent dans des quartiers difficiles, où les perceptions
négatives de la police ont le plus de chances de se développer. Dans un envi-
ronnement calme ou assez calme, la moitié des garçons musulmans pense que
la police est violente avec les jeunes, contre environ un garçon catholique ou
sans religion sur cinq ; dans un environnement difficile, 90 % des garçons
musulmans approuvent cette idée contre 36 % des garçons catholiques et
45 % des garçons sans religion. De tels écarts se retrouvent avec la pratique
du caillassage.
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Le rapport à la violence : représentations et pratiques

Des différences importantes selon la religion

L’enquête grenobloise permet d’étudier la violence sous deux dimensions :


une dimension subjective (qui comprend la perception de la violence et le
jugement sur la gravité des actes) et une dimension objective (qui inclut les
actes contre les biens et les actes contre les personnes [30]).
Sur ces deux dimensions, il existe des différences statistiquement significa-
tives entre les musulmans et les autres jeunes. Concernant tout d’abord la
perception de la violence, les jeunes musulmans sont plus nombreux à justi-
fier les comportements qui visent à provoquer des dégâts sérieux (42 % contre

(29) Comme le note Didier Lapeyronnie à services sociaux (2006, p. 445).


propos des émeutes urbaines de 2005, « de (30) Conformément à la définition de Ted
manière générale, c’est l’ensemble des institu- Gurr, qui conçoit la violence comme un
tions, et pas seulement la police et le système « comportement visant à causer des blessures
politique, qui sont mises en cause et rejetées aux personnes ou des dommages aux biens »
comme un monde étranger qui marginalise », ce (cité dans Sommier, 2008, p. 15).
qui inclut notamment le système scolaire et les

333
Revue française de sociologie

26 % en moyenne) (31) ; ils ont aussi plus tendance que les autres jeunes à
relativiser la gravité des actes violents.
Concernant ensuite les comportements, les jeunes musulmans sont plus
nombreux à avoir participé à des bagarres, porté une arme ou proféré des
menaces (32). Au total, 46 % des jeunes musulmans ont commis au moins
l’un des quatre actes retenus pour l’indicateur des conduites agressives,
contre 32 % pour les irréligieux et 25 % pour les catholiques. Ils sont égale-
ment 43 % à avoir commis des dégradations (contre 34 % pour les catholiques
et les jeunes sans religion).
Si l’on isole, parmi les musulmans, ceux qui ont déclaré avoir une pratique
religieuse (soit 60 % des musulmans), les écarts ont tendance à augmenter sensi-
blement (Graphique V). C’est ainsi que 47 % des musulmans pratiquants jugent
que la violence est justifiée (contre 33 % pour les musulmans non pratiquants) ;
de même, 48 % des pratiquants ont commis des dégradations et 50 % ont eu des
conduites agressives (contre respectivement 37 % et 40 % pour les musulmans
non pratiquants), tandis que 16 % des musulmans pratiquants ont caillassé des
véhicules officiels (13 % pour les musulmans non pratiquants). Les violences
graves (frapper violemment quelqu’un) sont cependant plus faibles chez les
musulmans pratiquants que chez les musulmans non pratiquants – mais il faut
rappeler que l’enquête évalue sans doute mal les actes les plus graves.
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GRAPHIQUE V. – Rapport à la violence en fonction de la religion (%)

50

40

30

20

10

0
Musulmans Musulmans non Sans religion Catholiques non Catholiques
pratiquants pratiquants pratiquants pratiquants

Avoir porté une arme Avoir proféré des menaces


Avoir participé à des bagarres Avoir mis le feu
Avoir frappé violemment La violence est justifiée

Les variations selon le genre sont également très importantes et contribuent


à amplifier les différences (Tableau VI). On pouvait s’y attendre car les
hommes et les femmes n’ont pas le même rapport à la violence, notamment

(31) La formulation exacte était la suivante : certains moments ; 2/ ne peuvent jamais se


« Avec laquelle de ces deux phrases es-tu le plus justifier ».
d’accord ? Pour des jeunes comme toi, des (32) Voir l’Annexe II-C pour les résultats
comportements tels que mettre le feu à un détaillés par item.
bâtiment, à un bus, etc. : 1/ peuvent se justifier à

334
Vincent TOURNIER

lorsqu’il s’agit de violence comportementale. La moindre implication des


filles dans les conduites violentes se retrouve chez tous les jeunes, quelle que
soit leur identité religieuse et quel que soit le type d’actes. Chez les jeunes
musulmans, l’écart entre les garçons et les filles se situe dans un rapport de un
à trois ou quatre. Ainsi, 21 % des filles et 52 % des garçons ont participé à
des bagarres, 8 % des filles et 40 % des garçons ont porté une arme, 4 % des
filles et 14 % des garçons ont frappé violemment quelqu’un.

TABLEAU VI. – Rapport à la violence en fonction de la religion et du genre

La violence Perception de la Auteur de Auteur


se justifie gravité des actes dégradations d’agressions
(en %) (note moyenne) (en %) (en %)
Ensemble 26 9,9 32 32
Sans religion Garçons 23 9,8 40 45
Filles 28 9,9 26 17
Catholiques Garçons 16 9,9 35 38
Filles 25 10,3 13 16
Musulmans Garçons 47 9,1 61 67
Filles 35 9,8 28 29
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Malgré ces différences entre garçons et filles, les filles musulmanes se
distinguent nettement des autres filles – sauf pour les dégradations. Pour les
bagarres, par exemple, leur taux de pratique (21 %) est plus élevé que celui
des filles catholiques (13 %) ou des filles irréligieuses (11 %). Cette particu-
larité des filles musulmanes se retrouve avec les représentations de la
violence : 35 % des musulmanes estiment que la violence est justifiée, ce qui
est supérieur aux filles catholiques (25 %) ou irréligieuses (28 %).

La religion est-elle un facteur de violence ?

Les écarts en fonction de la religion disparaissent-ils si l’on tient compte de


la situation sociale des jeunes ? La réponse est clairement négative dans le cas
de la catégorie sociale des parents (Tableau VII). Les effectifs de l’enquête
nécessitent certes de procéder à des regroupements grossiers, mais il est clair
que, à catégorie sociale équivalente, les spécificités des jeunes musulmans se
maintiennent. Il en va de même si l’on remplace la PCS par le niveau d’études
des parents (aucun parent n’a le bac, un parent au moins a le bac) (33).

(33) Lorsque aucun parent n’a le bac, 20 % 50 % des jeunes musulmans ont été auteurs
des jeunes catholiques, 24 % des jeunes sans d’agressions contre 34 % des catholiques et
religion et 44 % des jeunes musulmans trouvent 39 % des sans religion ; si l’un des parents a le
que la violence est justifiée ; lorsqu’au moins un bac, 35 % des musulmans ont eu des conduites
des parents a le bac, la violence est justifiée par agressives, contre 21 % des catholiques et 29 %
22 % des catholiques, 26 % des sans religion et des sans religion.
35 % des musulmans. Si aucun parent n’a le bac,

335
Revue française de sociologie

TABLEAU VII. – Rapport à la violence en fonction de la religion


et de la catégorie sociale des parents (en %)

La violence Auteur Auteur de Auteur de


est justifiée d’agressions caillassages dégradations
PCS + PCS – PCS + PCS – PCS + PCS – PCS + PCS –
Ensemble 24 29 28 38 5 8 30 35
Jeunes sans religion 25 26 28 39 6 7 33 35
Jeunes catholiques 21 22 23 30 2 5 20 36
Jeunes musulmans 46 41 53 45 15 15 40 44

Note : PCS + : le parent de référence est cadre/profession intermédiaire. PCS – : le parent de référence est
employé/ouvrier.

TABLEAU VIII. – Rapport à la violence en fonction de la religion


et de l’environnement urbain (en %)

La violence Auteur Auteur de Auteur de


est justifiée d’agressions caillassages dégradations
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Quart. + Quart. – Quart. + Quart. – Quart. + Quart. – Quart. + Quart. –
Ensemble 24 30 25 46 4 11 26 44
Jeunes sans religion 24 27 26 45 4 9 27 47
Jeunes catholiques 21 21 20 40 2 6 18 33
Jeunes musulmans 35 48 35 57 8 21 38 49

Note : Quart. + : quartier calme. Quart. – : quartier difficile.

En comparaison, l’environnement urbain apparaît comme une variable plus


pertinente (Tableau VIII). Le comportement des jeunes apparaît très lié au
contexte du quartier. Le type d’environnement se présente comme un puissant
facteur d’entraînement : lorsque l’environnement connaît des dégradations,
les passages à l’acte augmentent, quelles que soient la sensibilité religieuse et
l’origine sociale (34). Néanmoins, cet effet de l’environnement ne suffit pas à
gommer les différences entre les jeunes musulmans et les autres jeunes. De
plus, si cet effet de l’environnement est perceptible pour les conduites, il l’est
beaucoup moins pour les jugements positifs sur la violence, toujours plus
élevés chez les jeunes musulmans que chez les autres jeunes.
Pour aller plus loin dans ces investigations, nous avons réalisé une analyse
de régression sur les différents indicateurs relatifs à la violence en prenant en
compte toutes les caractéristiques des jeunes et en intégrant l’appartenance

(34) Cet effet résulte peut-être aussi des politiques menées dans les quartiers sensibles. Comme
l’écrit Cyprien Avenel (2004), le caractère éclaté de ces politiques et leur manque de lisibilité ont
pu favoriser un « rapport instrumental à la violence ».

336
Vincent TOURNIER

religieuse (35). Ce test a été réalisé sur les deux indicateurs relatifs à la
perception de la violence (justification de la violence et gravité des actes) et
sur les deux indicateurs relatifs aux comportements violents (dégradations et
conduites agressives). On restera prudent sur l’interprétation des résultats car
les modèles ont un faible pouvoir explicatif et les coefficients sont souvent
modérés. En outre, certains des indicateurs utilisés ont une fiabilité moyenne.
Malgré ces limites, cette analyse apporte plusieurs résultats intéressants.
Tout d’abord, elle infirme l’idée que la religion exercerait un effet propre sur
les comportements violents. Toutes choses égales par ailleurs, le fait d’être
musulman n’augmente pas les passages à l’acte – pas plus d’ailleurs que la
religion catholique ne constitue une protection efficace contre les conduites
violentes. La religion ne se présente donc pas comme un contributeur net de
la violence comportementale, ce qui signifie que la variable religieuse doit
être analysée comme le reflet indirect d’une situation sociale spécifique.
Cependant, cette conclusion ne peut pas être transposée à la justification de
la violence : toutes choses égales par ailleurs, les jeunes musulmans justifient
plus facilement le recours à la violence que les jeunes non musulmans. Cet
impact de l’islam se manifeste encore plus clairement si l’on utilise un
modèle simplifié qui ne garde que les variables relatives à l’origine sociale, à
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la situation scolaire et à l’environnement urbain. L’engagement dans l’islam
semble donc bien s’accompagner d’une perception plus favorable de la
violence, même si cet effet reste limité. À ce stade, il serait donc prématuré
d’écarter trop vite la dimension spécifiquement religieuse, ou du moins les
enjeux culturels et idéologiques qui lui sont associés.
De plus, l’analyse multivariée ne confirme pas l’hypothèse suivant laquelle
le rapport des jeunes à la violence (perception ou pratique) trouverait sa
source exclusive dans une accumulation de handicaps sociaux et scolaires.
Les facteurs qui prédisposent le plus à la violence ne sont pas nécessairement
ceux auxquels on pouvait s’attendre, comme l’origine sociale ou la situation
scolaire. De même, si le sentiment d’injustice est associé à une vision positive
de la violence (du moins l’injustice pour soi), il ne se présente pas comme un
prédicteur des conduites violentes. En particulier, le sentiment d’être aban-
donné par les pouvoirs publics (le maire ne s’occupe pas des problèmes des
jeunes) n’est manifestement pas un contributeur net (36). Par comparaison,
d’autres facteurs paraissent plus décisifs, notamment une résidence dans les

(35) L’analyse de régression permet de comme Alain Bentolila (voir Frédéric Potet,
vérifier l’effet propre de chaque variable une « Vivre avec 400 mots », Le Monde, 19 mars
fois contrôlées toutes les autres. Les résultats 2005 ; Alain Bentolila, « Contre les ghettos
sont présentés dans les Annexes III-A et III-B. linguistiques », Le Monde, 21 décembre 2007).
Nous retenons ici un indicateur d’appartenance Cette hypothèse est séduisante, mais elle
religieuse, mais les résultats sont identiques si mériterait d’être étayée. D’après nos résultats,
l’on utilise un indicateur de pratiques. le fait de parler exclusivement français à la
(36) Mentionnons aussi l’hypothèse du lien maison est négativement associé à une vision
entre l’appauvrissement du langage et la favorable de la violence et à l’indicateur de
violence, qui a été émise par des linguistes dégradation.

337
Revue française de sociologie

quartiers difficiles (au moins pour les conduites violentes), une faible supervi-
sion parentale, une sociabilité ethno-centrée, un attrait pour le risque, ainsi
que les facteurs témoignant d’un rapport conflictuel avec les autorités (les
sanctions à l’école et une mauvaise image de la police).
Si cette analyse relativise le poids de la religion, elle ne permet cependant
pas d’expliquer les logiques de la violence chez les jeunes musulmans puis-
qu’elle ne fait que pointer les facteurs globaux de la délinquance. Les effec-
tifs de l’enquête ne donnent malheureusement pas la possibilité d’engager une
étude restreinte aux seuls musulmans. Faute de mieux, on s’en tiendra donc à
une simple analyse des corrélations bivariées, mais celles-ci vont dans le sens
des précédentes observations (37). On vérifie notamment que les principales
variables associées à la violence chez les musulmans sont moins liées à la
situation sociale des parents qu’à des variables d’ordre relationnel : type de
sociabilité, supervision familiale, environnement urbain, rapport avec les
institutions (sanctions scolaires et image de la police).
En outre, l’intérêt d’une comparaison avec les autres jeunes est de montrer
que la plupart des variables explicatives semblent avoir un impact plus fort
chez les musulmans. C’est notamment le cas du genre, d’une sociabilité
centrée sur les garçons, du goût du risque ou encore du déficit de supervision
parentale ; c’est aussi le cas pour l’image négative de la police, qui s’accom-
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pagne plus facilement d’une valorisation de la violence que chez les autres
jeunes. Le sentiment d’injustice n’est pas négligeable, mais il joue manifeste-
ment un rôle moins important que ce que l’on pouvait pressentir, sauf dans le
cas des conduites agressives – même s’il reste encore à interpréter le sens de
cette relation.

TABLEAU IX. – Perception et usage de la violence en fonction de la religion


et du degré de politisation

Pensent que la violence Ont caillassé Auteur


est justifiée (en %) un véhicule (en %) d’agressions (en %)
Politisation Politisation Politisation Politisation Politisation Politisation
faible forte faible forte faible forte
Jeunes sans religion 27 19 6 5 30 39
Jeunes catholiques 22 17 4 0 25 27
Jeunes musulmans 40 45 12 21 42 58

Note : Politisation faible : discutent rarement ou jamais politique avec leurs amis. Politisation forte :
discutent très souvent ou souvent politique avec leurs amis.

Tous ces éléments incitent à penser que le rapport particulier des jeunes
musulmans à la violence ne s’explique pas uniquement par une accumulation
de handicaps sociaux, mais résulte aussi d’un certain contexte de socialisation

(37) Voir Annexe III-C.

338
Vincent TOURNIER

dans lequel la mise en cause de l’autorité, par l’intermédiaire d’une forme


spécifique de sociabilité amicale et environnementale, occupe une place très
importante. La singularité de ce processus de socialisation se vérifie à travers
un autre signe : pour les jeunes musulmans, la probabilité de porter un regard
favorable sur la violence ou d’adopter une conduite agressive augmente sensi-
blement avec le degré de politisation – cette tendance est moins évidente chez
les autres jeunes (Tableau IX), ce qui conforte dans l’idée qu’il existe bien un
contexte de socialisation spécifique, où la violence vient trouver une certaine
signification politique.

*
* *

Les données présentées ici confirment l’existence de différences significa-


tives entre les jeunes musulmans et les autres jeunes. Ces différences trouvent
leur source dans une situation socioculturelle particulière, faite d’accumula-
tion de handicaps. Mais au-delà de ce constat, somme toute assez prévisible, il
faut surtout tenir compte d’un type de socialisation combinant des formes
spécifiques d’éducation familiale et de sociabilité liée à la culture des quar-
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tiers, où les relations entre les pairs et les sexes dans le cadre d’un environne-
ment urbain difficile prennent une tournure particulière. Cette situation
s’accompagne d’un sentiment d’injustice plus fréquent, mais surtout d’une
politisation plus forte, d’une certaine valorisation de la violence et d’une rela-
tion conflictuelle avec l’autorité telle qu’elle est incarnée par l’école ou par la
police.
La conjonction de ces différents éléments peut être interprétée de diffé-
rentes manières, et le débat sur la chaîne des responsabilités n’est certaine-
ment pas prêt de s’éteindre. Mais quelle que soit la réponse que l’on apporte,
force est de constater que les processus de socialisation politique que connais-
sent les jeunes musulmans se traduisent, au moins pour une partie d’entre eux,
par une remise en cause du monopole étatique de la violence physique légi-
time au sens de Norbert Elias (Elias, 1975 ; Sauvadet, 2005).
D’après nos données, l’hypothèse d’une contribution nette de la religion
aux conduites violentes n’est pas confirmée, même si la contribution spéci-
fique de l’islam n’est pas complètement annulée dans le cas des opinions rela-
tives à la légitimité de la violence. Cette conclusion permet d’écarter la thèse
suivant laquelle l’islam serait une religion violente par nature. Sur le plan
sociologique, une telle affirmation ne présente guère d’intérêt car, même si
toutes les religions ne sont pas nécessairement sur un pied d’égalité dans la
légitimité qu’elles peuvent accorder à la violence (Flori, 2002, 2003), toutes
sont susceptibles d’être interprétées dans un sens plus ou moins pacifique,
d’autant que les musulmans ne forment pas un ensemble homogène et que la
situation française n’est probablement pas transposable à d’autres pays
– comme d’ailleurs la situation des périphéries urbaines n’est certainement
pas transposable à d’autres zones géographiques.

339
Revue française de sociologie

Cela dit, constater que la religion n’est pas en soi un facteur explicatif ne
résout pas tous les problèmes. La question est de savoir si les circonstances
actuelles de l’engagement dans l’islam n’ont pas tendance à favoriser une
lecture de la religion qui donne plus de poids aux éléments belliqueux qu’aux
éléments pacifiques. Jusqu’à ces dernières années, plusieurs facteurs ont pu
jouer en ce sens. Le premier est le déficit d’autorités religieuses régulatrices,
déficit qui donne un poids important à des prédicateurs ou à un clergé de
nationalité étrangère (ou récemment nationalisé), souvent porteur d’un
discours radical (Godard et Taussig, 2007 ; Frégosi, 2008 ; Kakpo, 2007). La
contribution du clergé à la socialisation politique joue un rôle d’autant plus
important que les réseaux d’encadrement traditionnels de la jeunesse popu-
laire se sont affaiblis – et souffrent de toute façon d’un déficit de légitimité
auprès des jeunes des quartiers sensibles (Cortéséro, 2010).
Un deuxième facteur est le lien de l’islam de France avec l’immigration,
comme le confirme la pratique du rapatriement des corps, plus fréquente chez
les musulmans que dans les autres groupes de migrants (Attias-Donfut et
Wolff, 2005). La persistance de ce lien, confirmée à la fois par les données
d’opinion (Brouard et Tiberj, 2005, p. 122) et par les statistiques sur la
moindre acquisition de la nationalité française (ou le maintien de la double
nationalité) pour les descendants de migrants en provenance du Maghreb
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(Beauchemin, Hamel et Simon, 2010), a pour conséquence non seulement de
freiner l’intégration, mais aussi de rattacher les musulmans à la culture tradi-
tionaliste des pays d’origine (Lagrange, 2010). Or, les États postcoloniaux,
peu développés sur le plan économique (Leveau, 2003), n’ont pas connu un
processus de monopolisation de la violence au profit de l’État (Aoun, 2008).
Certains ont même vécu une guerre civile peu propice à la pacification des
mœurs, comme dans le cas de l’Algérie (38), qui cultive par ailleurs un
souvenir aigu de la guerre de libération par la glorification des martyrs et du
djihad, où nationalisme et religion s’entremêlent étroitement dans une
« culture de guerre » vigoureusement entretenue (Moussaoui, 2000 ; Stora,
2005 ; Alcaraz, 2010). Pour ces jeunes, la violence n’a pas fait l’objet d’un
mécanisme de délégitimation aussi puissant que celui qui a traversé la société
française, d’autant que la mémoire des guerres coloniales rend plus difficile la
reconnaissance de la légitimité de l’État français (39).
Le troisième élément concerne le sens même de l’engagement dans l’islam.
Car dire que l’islam n’est pas une cause en soi invite finalement à envisager le
problème sous un autre angle : pourquoi l’islam est-il adopté (ou redécouvert)
par des jeunes qui perçoivent la violence de façon positive ? Au fond, les raisons
qui motivent ce retour vers l’islam n’ont guère été questionnées. D’où vient un
tel « désir d’islam », pour reprendre le titre du livre de Martine Gozlan (2005) ?

(38) L’immigration en provenance d’Algérie paradoxalement été peu étudiée. Parmi les excep-
(ainsi que du Maroc) a d’ailleurs connu une très tions, il faut mentionner l’article de Bernard
forte hausse à partir du milieu des années 1990 Alidières (2006b), qui soulève le problème
(Prioux, 2007). méconnu de la mémoire des violents affronte-
(39) Cette question de la mémoire de la ments qui ont opposé les différentes fractions
violence en lien avec la guerre d’Algérie a indépendantistes sur le territoire métropolitain.

340
Vincent TOURNIER

La volonté de trouver des références ou des repères est certainement une explica-
tion. Mais la dimension identitaire n’explique pas tout. Le retour vers l’islam ne
saurait être dissocié d’une dynamique plus globale, dynamique qui se produit
dans le contexte de l’effondrement du bloc communiste, le processus de réislami-
sation pouvant être vu comme une volonté de prendre le relais des mouvements
marxisants de contestation radicale des valeurs occidentales (Kepel, [1991]
2003 ; Roy, 2002). Les guerres du Moyen-Orient ont pu avoir pour conséquence
de renforcer les discours négatifs sur l’Occident, favorisant du même coup une
identité religieuse transnationale au détriment des appartenances stato-natio-
nales : ce fut le cas lors de la première guerre du Golfe en 1991 (Schnapper,
1993) et un phénomène du même ordre semble s’être produit avec la guerre
contre l’Irak en 2003 (40) – sans parler du récurrent conflit israélo-arabe.
L’attirance pour l’islam pourrait alors provenir du fait que cette religion se
présente comme une « idéologie contestataire, par opposition au modèle civi-
lisationnel occidental et à son hégémonie » (Chérifi, 2001). La possibilité que
l’islam séduise en tant qu’idéologie de substitution, proposant à la fois des
certitudes et un modèle alternatif aux valeurs individualistes des sociétés
occidentales, expliquerait l’attitude intransigeante qu’adoptent parfois
certains musulmans. Le succès de l’islam découlerait ainsi d’une certaine affi-
nité entre les aspects les plus dogmatiques de cette religion et une culture
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spécifique, celle des quartiers, qui met en avant des valeurs traditionalistes
axées sur la virilité et l’honneur, au détriment des valeurs individualistes et
égalitaires, lesquelles sont réputées offrir une protection efficace contre la
violence (Karstedt, 2006). Cette situation n’est évidemment pas sans risque
pour l’évolution même de l’islam, car elle tend à faire prévaloir une interpré-
tation de cette religion qui privilégie les éléments guerriers au détriment des
éléments pacifiques – voire à faire de cette lecture belliciste la norme de
référence pour les jeunes musulmans qui grandissent en France.
Mais rappelons que l’enquête exploitée ici date de 2003. Elle est donc
antérieure à des événements importants comme la loi sur le voile (2004), les
émeutes urbaines (2005) ou la loi sur la burqa (2010), sans parler des événe-
ments internationaux. Comment les choses ont-elles évolué depuis cette
date ? Une actualisation de ces données paraît aujourd’hui nécessaire.

Vincent TOURNIER
Institut d’études politiques de Grenoble
PACTE – Cnrs
BP 48
38040 Grenoble cedex 9
vincent.tournier@iep-grenoble.fr

(40) Un sondage IPSOS réalisé pour Le française : 62 % des musulmans se déclaraient


Figaro en avril 2003 montrait que, s’il existe un « plutôt du côté de l’Irak » (25 % pour
consensus sur le refus de l’intervention l’ensemble des Français) et 72 % ne souhai-
militaire en Irak, un net clivage est perceptible taient pas la victoire de la coalition anglo-
entre les musulmans et le reste de la population américaine (contre 33 %).

341
Revue française de sociologie

ANNEXES

ANNEXE I-A. – L’enquête sur l’agglomération grenobloise


L’enquête sur laquelle repose cet article a été réalisée au printemps 2003 en deux phases : du
27 mars au 18 avril, puis du 5 mai au 24 juin. Elle réplique une précédente enquête réalisée en
1999 sur une base géographique plus large (Grenoble et Saint-Étienne), mais cette dernière ne
comprenait aucune question sur la religion (41).
Comme l’enquête de 1999, celle de 2003 concerne les élèves âgés de 13 à 19 ans scolarisés
dans les établissements scolaires publics ou privés sous contrat (collèges, lycées d’enseignement
général et technologique, lycées professionnels ou polyvalents).
L’échantillonnage a été constitué par tirage au sort des élèves à partir des listes fournies par
les établissements scolaires. Sur les 60 établissements présents sur la zone (publics et privés sous
contrat), 48 ont accepté de participer, soit une population mère de 29 945 élèves. Le tirage au sort
visait à sélectionner 7 % des élèves. Une liste complémentaire correspondant à un tiers de la liste
principale a été tirée au sort.
Sur l’échantillon initial, constitué de 1 669 élèves, 266 élèves n’ont pu être interrogés, soit
parce qu’ils étaient absents – pour 95 d’entre eux –, soit par refus de participer – 111, dont 71 à
l’initiative des élèves et 40 à l’initiative des parents –, les établissements n’ayant pas fourni d’in-
formations pour les 60 élèves restants. Le taux de refus et d’absence peut donc être estimé à 14 %
(dont 4,3 % pour le taux de refus), en sachant que l’enquête a été perturbée par une grève. Les dé-
faillances ont été compensées par la liste complémentaire de façon à atteindre 1 614 jeunes au to-
tal. Les élèves ont été interrogés en face à face par un enquêteur dans un lieu neutre (type infir-
merie), les entretiens durant approximativement une heure et demie.
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ANNEXE I-B. – Principaux indicateurs utilisés
Variable Items
Désapprobation de la Parents désapprouvent le fait d’agresser quelqu’un, de pénétrer dans un
délinquance par les parents logement, de voler dans un magasin.
Contrôle parental (a = .47) Dire à ses parents où l’on va quand on sort ; rentrer à l’heure fixée par
les parents.
Sanctions scolaires mineures Avoir une retenue ; un avertissement oral ; un avertissement écrit ; être
(a = .66) exclu de la classe.
Sanctions scolaires sérieuses Exclu moins de 8 jours ; exclu plus de 8 jours ; exclu définitivement.
(a = .64)
Sociabilité festive (a = .79) Nombre de sorties avec retour après minuit ; nombre de sorties en
discothèque ; nombre de sorties dans les bars le soir.
Environnement urbain difficile Dégradations du mobilier urbain ; présence de graffitis ; attroupements de
(a = .74) jeunes.
Sentiment d’injustice pour soi On me traite de façon juste ; je reçois ce que je mérite ; les profs ne me
(a = .51) respectent pas ; les autres jeunes ont plus de chance que moi.
Sentiment d’injustice pour les Les gens sont traités de façon juste ; les gens reçoivent ce qu’ils méritent.
autres (a = .67)
Rejet des institutions répressives Mauvaise image de la police, justice et gendarmerie.
(a = .81)
Conscience gravité des actes Gravité perçue de quatre types d’actes : agresser, menacer, racketter,
violents (a = .66) incendier une voiture.
Indicateurs de dégradations Avoir taggué ; avoir détruit un abribus ; avoir détruit un siège de bus ; avoir
(a = .68) cassé des éclairages publics ; avoir abîmé une voiture ; avoir détruit quelque
chose dans un hall d’un immeuble.
Indicateur d’agressivité (a = .47) Avoir menacé quelqu’un ; avoir porté une arme ; avoir participé à des
bagarres ; avoir frappé violemment quelqu’un.

(41) Pour une présentation des enquêtes de 1999 et 2003, voir Roché (2001, 2006).

342
Vincent TOURNIER

ANNEXE II-A. – Caractéristiques sociales et familiales des jeunes en fonction


de la religion (en %)

Sans religion Catholiques Musulmans V de


(N = 889) (N = 377) (N = 198) Cramer/Eta
Situation familiale et sociale
Garçons 49,8 53,9 42,2 46,0 .10***
Père ayant bac et + 46,0 48,9 54,4 17,2 .23***
Mère ayant bac et + 51,9 56,5 59,4 17,2 .28***
Employés-ouvriers 39,7 35,0 32,3 75,6 .21***
Père travaille 84,0 87,0 90,2 59,1 .27***
Mère travaille 75,5 81,2 79,3 42,4 .30***
Parents vivent ensemble 75,1 71,7 79,4 82,0 .08**
Taille fratrie (moyenne) 2,1 1,8 1,8 4,0 .44***
Français parlé à la maison 87,7 95,5 89,9 48,5 .34***
1 ou 2 parents nés en Afrique du Nord 18,8 9,0 7,4 84,3 .66***
Entente avec la mère (très bien) 54,8 51,0 58,0 66,2 .09***
Entente avec le père (très bien) 48,2 48,1 49,9 45,9 (ns)
Fort contrôle parental (moyenne) 4,0 4,0 4,4 3,5 .16***
Désapprobation délinquance (moyenne) 7,3 7,4 7,3 6,7 .15***
S’être enfui du domicile parental pour 6,8 8,8 3,7 3,5 .10***
une nuit ou plus
Situation scolaire
Scolarisés dans le privé 17,5 13,9 32,4 5,1 .24***
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Établissements en ZEP 11,6 10,0 6,9 27,8 .20***
Ont déjà redoublé 43,4 42,8 34,7 62,7 .13***
Faible intérêt pour l’école 20,1 21,0 15,4 24,9 .08**
Se jugent bons/très bons élèves 32,1 30,9 35,3 30,4 (ns)
Ont manqué l’école au moins une journée 36,8 38,5 28,1 46,0 .12***
sans excuse valable
Sanctions mineures (3 ou +) 24,2 23,6 18,8 36,9 .10***
Sanctions sérieuses (1 ou +) 6,1 5,8 3,4 12,6 .11***
Sociabilité et groupe des pairs
Environnement urbain difficile 33,8 32,4 27,8 51,7 .15***
Fréquentent surtout des jeunes d’origine 10,5 6,9 6,4 34,8 .27***
étrangère (majoritairement ou uniquement)
Garçons fréquentant surtout garçons 48,9 46,8 50,4 58,3 (ns)
(uniquement ou principalement)
Filles fréquentant surtout des filles 35,3 29,9 34,3 57,9 .16***
(uniquement ou principalement)
Sociabilité festive (1 ou +) 54,3 58,6 50,0 42,6 .11***

Source : Délinquance autodéclarée, Grenoble 2003.


Note : *** p < .001 ; ** p < .01 ; * p < .05 ; (ns) non significatif.

343
Revue française de sociologie

ANNEXE II-B. – Rapport à la politique et aux institutions en fonction de la religion


(en %)
Sans religion Catholiques Musulmans V de
(N = 889) (N = 377) (N = 198) Cramer/Eta
Rapport à la politique
Voter sert à quelque chose 94,6 94,7 96,0 91,3 (ns)
Appartenance associative (1 ou +) 27,6 25,9 34,8 21,2 .08**
Discutent politique avec leurs amis 19,2 19,4 14,9 26,2 .08*
(très souvent ou souvent)
Ont signé une pétition 38,6 38,7 38,7 38,3 (ns)
Ont fait grève 23,4 23,9 18,1 31,3 .09**
Ont manifesté 42,7 42,7 34,8 57,6 .14***
Sentiment d’injustice
Les profs ne me respectent pas (tout à 15,4 15,4 12,3 20,2 (ns)
fait/plutôt d’accord)
Les autres jeunes ont plus de chance que 17,6 15,5 16,1 29,8 .12***
moi (tout à fait/plutôt d’accord)
Je reçois ce que je mérite (plutôt pas/pas 20,8 20,2 16,9 30,4 .11***
du tout d’accord)
On me traite de façon juste (plutôt pas/ 18,7 19,0 15,4 23,8 .08*
pas du tout d’accord)
Les gens reçoivent ce qu’ils méritent 42,0 40,6 42,7 46,9 .11***
(plutôt pas/pas du tout d’accord)
Les gens sont traités de façon juste 51,7 51,8 49,3 55,5 .09**
(plutôt pas/pas du tout d’accord)
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Le maire s’intéresse aux difficultés des 43,4 42,1 41,0 53,8 .11***
jeunes comme moi (peu/pas)
Rapport à la police
Avoir une bonne image de la police 71,8 73,4 79,6 50,0 .18***
(très/plutôt bonne)
Les policiers sont violents avec les jeunes 33,6 29,4 25,7 68,1 .26***
(tout à fait/plutôt d’accord)
Avoir lancé des cailloux sur une voiture 6,4 6,0 3,2 14,6 .14***
de police

Source : Délinquance autodéclarée, Grenoble 2003.


Note : *** p < .001 ; ** p < .01 ; * p < .05 ; (ns) non significatif.

344
Vincent TOURNIER

ANNEXE II-C. – Rapport à la violence et aux incivilités en fonction de la religion


(en %)
Sans religion Catholiques Musulmans V de
(N = 889) (N = 377) (N = 198) Cramer/Eta
Représentations de la violence
Les actes violents se justifient (%) 26,4 25,3 21,4 41,7 .14***
Conscience gravité des actes violents 9,9 9,9 10,1 9,4 .12***
(note moyenne)
Dégradations
Avoir arraché des arbres, fleurs 32,0 30,5 28,1 46,5 .12***
Avoir taggué des graffitis 18,5 18,8 12,7 28,3 .12***
Avoir détruit quelque chose dans le hall 13,8 12,9 11,1 22,7 .10***
d’un immeuble
Cassé un lampadaire 12,6 13,4 8,2 17,2 .09**
Avoir abîmé une voiture 9,6 9,4 6,6 15,7 .09**
Avoir cassé volontairement une fenêtre de 4,9 4,2 3,7 10,6 .10***
maison
Avoir abîmé une moto, mobylette 4,8 4,3 2,4 12,1 .14***
Avoir détruit un siège de bus/tram 4,2 4,4 1,9 7,6 .09**
Détruit un abri de bus 4,0 3,4 3,7 7,1 .06*
Avoir mis volontairement le feu 2,2 1,7 1,1 6,6 .12***
Indicateur de dégradations (% ayant 32,0 33,6 22,0 43,4 .14***
commis au moins un acte sur cinq)
Comportements agressifs
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Avoir participé à des bagarres 23,0 22,6 17,2 35,4 .13***
Avoir porté une arme 14,1 13,5 11,1 22,7 .10***
Avoir frappé violemment quelqu’un 6,2 6,5 4,2 8,6 (ns)
Avoir menacé quelqu’un 1,8 1,3 0,8 6,1 .12***
Avoir frappé violemment quelqu’un de sa 1,3 1,2 1,3 1,5 (ns)
famille
Indicateur d’agressivité (% ayant commis 32,2 31,9 25,5 46,5 .13***
au moins un acte sur quatre)

Source : Délinquance autodéclarée, Grenoble 2003.


Note : *** p < .001 ; ** p < .01 ; * p < .05 ; (ns) non significatif.

345
Revue française de sociologie

ANNEXE III-A. – Analyse des perceptions de la violence chez les jeunes

Pensent que la violence Conscience de la gravité des


se justifie (item) actes violents (indice)
Corrélation Régression Corrélation Régression
bivariée bivariée
R2 ajusté .09 .10
Sexe (garçons) (ns) (ns) – .08*** (ns)
Âge – .08** – .11*** (ns) (ns)
Religion
Catholiques – .05* (ns) .07** (ns)
Musulmans .14*** .07* – .10*** (ns)
Situation familiale
Parents vivent ensemble (ns) (ns) (ns) (ns)
Origine maghrébine .10*** (ns) – .05* (ns)
Parlent français à la maison – .10*** – .07* .05* (ns)
Taille fratrie .09*** (ns) (ns) (ns)
Bonne entente avec la mère .06* (ns) .05* (ns)
Bonne entente avec le père (ns) (ns) (ns) (ns)
Fort contrôle parental – .10*** (ns) .16*** .06*
Parents désapprouvent délinquance – .07** (ns) .09*** (ns)
Origine sociale
Catégories populaires (employés-ouvriers) (ns) (ns) (ns) (ns)
Mère diplômée – .05* (ns) (ns) (ns)
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Père diplômé (ns) (ns) (ns) (ns)
Mère active – .07** (ns) .06* (ns)
Père actif (ns) (ns) (ns) (ns)
Situation scolaire
Scolarisés en ZEP (ns) (ns) (ns) (ns)
École privée (ns) (ns) (ns) (ns)
Redoublement (ns) (ns) (ns) (ns)
Faible intérêt pour l’école .09*** (ns) – .16*** – .07**
Bon niveau scolaire subjectif – .05* (ns) .08*** (ns)
Sanctions mineures .11*** (ns) – .17*** – .07*
Sanctions sérieuses (ns) (ns) – .08*** (ns)
Sociabilité
Amis surtout garçons (ns) (ns) – .08*** – .09***
Amis surtout filles (ns) (ns) .06* (ns)
Amis surtout étrangers .12*** (ns) – .13*** – .06*
Engagement associatif (ns) (ns) (ns) (ns)
Sociabilité festive (ns) (ns) (ns) (ns)
Environnement urbain difficile .06** (ns) – .06* (ns)
Attrait pour le risque
Aimer prendre des risques .09*** .08** – .05* (ns)
Trouver excitant de faire des choses qui .12*** .07** – .19*** – .06*
pourraient me causer des problèmes
Opinions sur la société et les institutions
Mauvaise image institutions répressives .16*** .09** – .20*** – .10***
La police est violente avec les jeunes .19*** .11*** – .17*** – .07*
Sentiment d’injustice pour soi .13*** .09** – .15*** – .08**
Sentiment d’injustice pour les autres .08** (ns) – .09*** (ns)
Le maire ne s’occupe pas des jeunes (ns) (ns) – .11*** (ns)

Source : Délinquance autodéclarée, Grenoble 2003.


Note : *** p < .001 ; ** p < .01 ; * p < .05 ; (ns) non significatif.

346
Vincent TOURNIER

ANNEXE III-B. – Analyse de la violence comportementale chez les jeunes

Indicateur de dégradation Indicateur d’agressivité


Corrélation Régression Corrélation Régression
bivariée bivariée
R2 ajusté .37 .35
Sexe (garçons) .23*** .12*** .30*** .21***
Âge (ns) (ns) .13*** (ns)
Religion
Catholiques – .08*** (ns) – .08*** (ns)
Musulmans .13*** (ns) .14*** (ns)
Situation familiale
Parents vivent ensemble (ns) (ns) – .05* (ns)
Origine maghrébine .07** (ns) .06** (ns)
Parlent français à la maison – .13*** – .06** – .12*** (ns)
Taille fratrie .10*** (ns) (ns) (ns)
Bonne entente avec la mère – .08** (ns) (ns) (ns)
Bonne entente avec le père – .07** (ns) (ns) (ns)
Fort contrôle parental – .29*** – .12*** – .29*** – .07**
Parents désapprouvent délinquance – .11*** (ns) – .15*** (ns)
Origine sociale
Catégories populaires (employés-ouvriers) .09*** (ns) .09*** (ns)
Mère diplômée – .11*** (ns) – .13*** (ns)
Père diplômé – .08*** (ns) – .14*** (ns)
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Mère active (ns) (ns) (ns) (ns)
Père actif – .08*** (ns) – .08*** (ns)
Situation scolaire
Scolarisés en ZEP (ns) (ns) (ns) – .07**
École privée (ns) (ns) (ns) (ns)
Redoublement .09*** (ns) .17*** (ns)
Faible intérêt pour l’école .20*** .06* .17*** (ns)
Bon niveau scolaire subjectif – .15*** (ns) – .17*** – .05*
Sanctions mineures .44*** .24*** .39*** .16***
Sanctions sérieuses .24*** (ns) .29*** .15***
Sociabilité
Amis surtout garçons .12*** (ns) .12*** (ns)
Amis surtout filles – .14*** (ns) – .17*** (ns)
Amis surtout étrangers .18*** (ns) .26*** .15***
Engagement associatif – .08** (ns) – .09*** (ns)
Sociabilité festive .16*** (ns) .25*** .10***
Environnement urbain difficile .23*** .11*** .24*** .11***
Attrait pour le risque
Aimer prendre des risques .10*** (ns) .10*** .05*
Trouver excitant de faire des choses qui .33*** .16*** .23*** .07**
pourraient me causer des problèmes
Opinions
Mauvaise image institutions répressives .34*** .10*** .27*** (ns)
La police est violente avec les jeunes .26*** .06* .24*** .08***
Sentiment d’injustice pour soi .19*** (ns) .11*** (ns)
Sentiment d’injustice pour les autres .11*** (ns) .08** (ns)
Le maire ne s’occupe pas des jeunes .13*** (ns) .13*** (ns)
Conscience gravité violence – .27*** – .13*** – .16*** (ns)
Violence est justifiée .19*** .07** .13*** .07**

Source : Délinquance autodéclarée, Grenoble 2003.


Note : *** p < .001 ; ** p < .01 ; * p < .05 ; (ns) non significatif.

347
Revue française de sociologie

ANNEXE III-C. – Corrélations bivariées entre deux indicateurs de violence et


différentes variables, en fonction des sensibilités religieuses des jeunes

La violence est justifiée Indicateur d’agressivité


Jeunes sans Jeunes Jeunes Jeunes sans Jeunes Jeunes
religion catholiques musulmans religion catholiques musulmans
Sexe (garçons) – .06 – .10* .09 .28*** .28*** .42***
Mère diplômée .00 – .04 – .09 – .10** – .10* – .10
Père diplômé .00 .08 – .02 – .11*** – .13* – .06
Mère active – .03 .00 – .09 .01 .05 – .14*
Père actif – .03 – .05 .11 – .04 – .06 – .07
Entente mère – . 07* – .07 – .11 – .02 .00 – .03
Entente père – .02 – .12* .05 .02 – .04 – .14*
Contrôle fort parental – .04 – .11* – .15* – .22*** – .32*** – .32***
Désapprobation – .03 – .04 – .10 – .11*** – .12*** – .21***
Conscience gravité – .12*** – .08 – .31*** – .10** – .15** – .32***
Redoublement – .09** .01 – .02 .13*** .22*** .15***
Faible intérêt école .05 .14** .11 .13*** .08 .27***
Bon niveau scolaire – .04 – .10* – .02 – .18*** – .14** – .17*
Sanctions mineures .04 .09 .24*** .34*** .37*** .49***
Sanctions sévères – .03 .00 .14* .22*** .39*** .35***
Amis surtout garçons .00 .01 .09 .08* .07 .29***
Amis surtout filles .02 .08 – .09 – .16*** – .14*** – .36***
Amis étrangers .14*** .03 – .03 .23*** .21*** .23***
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Sociabilité festive – .02 – .09 .00 .27*** .21*** .37***
Trouver excitant .10*** .16** .09 .22*** .28*** .33***
Quartier dégradé .01 .05 .12 .22*** .22*** .27***
Mauvaise image police .12*** .14*** .19*** .21*** .21*** .40***
Injustice pour soi .12*** .17*** .09 .06 .09 .20**
Injustice pour autrui .08* .11* .03 .04 .10 .13
Maire ne s’occupe pas des .03 – .06 .05 .11*** .16** .13*
problèmes jeunes
Discussions politiques – .04 – .05 – .04 .05 .03 .16*

Note : *** p < .001 ; ** p < .01 ; * p < .05.

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