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POUR UN FINANCEMENT PÉRENNE DU RÉGIME D’ASSISTANCE

MÉDICALE AU MAROC

Abdellatif Moustatraf et Jamal Taoufik

S.F.S.P. | « Santé Publique »

2018/6 Vol. 30 | pages 859 à 868


ISSN 0995-3914
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.inforevue-sante-publique-2018-6-page-859.htm
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Pratiques et organisation des soins Recherche originale

Pour un financement pérenne du Régime d’assistance médicale


au Maroc
For sustainable financing of the Medical Assistance scheme in Morocco
1 1
Abdellatif Moustatraf , Jamal Taoufik

ûûRésumé ûûAbstract
Introduction : Cinq ans après sa mise en œuvre, le Régime Introduction: Five years after its implementation, the Medical
­d’assistance médicale (Ramed) permet de couvrir plus de onze Assistance scheme (Ramed) has been able to cover more than
millions de personnes. Néanmoins, son financement reste le eleven million people. Nevertheless, its financing remains the main
principal défi. Son montage financier initial se trouve dépassé challenge. Its initial financial structure was exceeded after its
après son déploiement, en plus du non-respect du schéma de implementation. A reconfiguration of the financial package has
gestion de ses ressources. Une reconfiguration de son finance- become a necessity in order to guarantee sustainable financing.
ment devient une nécessité afin de garantir un financement Methods: A review of the literature and a situational analysis
pérenne. through disseminated reports and documents made it possible to
Méthodes : Une revue de la littérature et une analyse de l’état identify the initial financial package and its limits in order
des lieux à travers des rapports et documents diffusés a permis to design a new financial package.
d’identifier le montage financier initial et ses limites afin de Results: The current financing is out of step with the regulations,
concevoir un nouveau montage financier. which has a negative impact on it. Funds are insufficient to cover
Résultats : Le schéma actuel du financement du Ramed est en needs and do not even exceed half of the planned funding, set at
déphasage par rapport à la réglementation, ce qui impacte néga- three billion dirhams, due to a partial collection of resources. In
tivement le régime. Les fonds sont insuffisants pour couvrir les order to meet the needs of the beneficiaries and follow their
besoins et ne dépassent même pas la moitié du financement growing rhythm, at least 4 billion dirhams annually must be
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prévu, fixé à trois milliards de dirhams, et ce, à cause d’une collected. This amount can only be ensured with a revision of the
collecte partielle des ressources. Afin de satisfaire les besoins contributions of the State and local authorities.
des bénéficiaires et suivre leur rythme croissant, il faut assurer Conclusion: The current funds do not meet the needs, which
annuellement au moins quatre milliards de dirhams. Ce montant undermines the social acceptability of the regime and threatens
ne peut être assuré qu’avec une révision des contributions de its sustainability. It is essential to improve its funding through a
l’État et des collectivités territoriales. diversity of resources and more commitment from stakeholders to
Conclusion : Les fonds actuels ne permettent pas de satisfaire ensure sustainable funding managed according to the principles
les besoins, ce qui entache l’acceptabilité sociale du régime et of good governance.
menace sa pérennité. Il est indispensable d’améliorer son finan-
cement par une diversité de ses ressources et plus d’engagement
des acteurs afin de garantir un financement pérenne géré selon
les principes de la bonne gouvernance.

Mots-clés : Couverture maladie universelle ; Régime d’assis- Keywords: Universal coverage; Healthcare financing;
tance médicale ; Financement des soins de santé ; Gouvernance ; Governance; Evaluation; Sustainability.
Évaluation ; Pérennité.

1 
Faculté de médecine et de pharmacie – Université Mohammed V de Rabat – Rabat – Maroc.
Correspondance : A. Moustatraf Réception : 07/05/2018 – Acceptation : 23/09/2018
moustatraf@gmail.com

Santé publique  volume 30 / N° 6 - novembre-décembre 2018 859


A. Moustatraf, J. Taoufik

Pour ce faire, la première partie de l’article est consacrée


Introduction à situer le sujet dans son contexte à travers un aperçu
général sur le Ramed et à relater le schéma initial de son
financement. La deuxième partie présente l’état actuel de
Le chantier de la couverture médicale de base (CMB) au la collecte des ressources et de l’allocation de ces dernières
Maroc a franchi un grand pas ces dernières années. Le taux en faisant référence au schéma initial. La troisième partie
de couverture de la population est ainsi passé de 25 % en propose une nouvelle configuration du montage financier
2005 à plus de 60 % en 2016, et ce, dans un contexte diffi- en précisant les principales clés de réussite permettant de
cile marqué par une exigence de la population en matière dépasser les contraintes du financement du Ramed et
sociale de plus en plus croissante, de ressources limitées et de garantir sa pérennité.
une offre de soins ne répondant pas aux besoins actuels de
la population.
Malgré les avancées enregistrées, la concrétisation de la
couverture médicale universelle (CMU) demeure un objectif Financement du Ramed : approche descriptive
difficile à atteindre. Des contraintes d’ordre technique, finan-
cier et managérial persistent et nécessitent d’être t­ raitées en
profondeur et avec rigueur. Il ne s’agit pas uniquement de Aperçu général sur le Ramed
couvrir l’ensemble de la population, mais l’essentiel consiste
à lui garantir des prestations dont elle a besoin et que Le Royaume a fait un choix stratégique en matière de
celles-ci soient d’une qualité suffisante et pérenne, sans protection sociale en assurant à l’ensemble de sa popula-
que leur coût n’entraîne de difficultés financières [1]. tion une couverture médicale de base (CMB) de manière
En tant que composante essentielle de la CMB au Maroc, progressive, et ce, à travers la création de deux régimes [2] :
le régime d’assistance médicale (Ramed) destiné aux l’Assurance maladie obligatoire de base (AMO), fondée sur
personnes pauvres et vulnérables a été initié par une le principe contributif et sur celui de la mutualisation des
expérience test démarrée en novembre 2008 dans une risques et destinée aux personnes solvables, et le Ramed,
région du Royaume avant sa généralisation en mars 2012. fondé sur le principe de la solidarité nationale au profit de
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L’objectif consiste à couvrir une population cible estimée la population démunie en assurant la gratuité des presta-
à 8,5 millions de personnes. À la fin de l’année  2017, le tions médicales.
Ramed compte déjà plus de 11 millions de bénéficiaires, Le Ramed est basé sur un système déclaratif. Les
en enregistrant un bilan quantitativement positif au demandes des postulants sont soumises aux commis-
niveau de l’immatriculation et de prestations médicales sions permanentes locales (CPL) créées par le décret
fournies aux bénéficiaires, et ce, malgré des contraintes n° 2-08-177 de 2008 tel qu’il a été modifié et complété
rencontrées, notamment en ce qui concerne sa gouver- (dénommé par la suite décret d’application), pour
nance et son financement. ­s’assurer des conditions requises et statuer sur l’éligibilité
Par rapport à la gouvernance, il s’agit essentiellement des postulants [3]. Selon les déclarations de ces derniers,
d’une association entre les deux fonctions par principe la commission classe les éligibles pour une durée de trois
conflictuelles, à savoir : la prestation de soins et la gestion ans [4] en deux catégories : ceux en situation de pauvreté
du régime, qui sont toutes les deux confiées au ministère ou en situation de vulnérabilité. Les deux catégories ont
de la Santé (MS). L’absence d’un régulateur propre au les mêmes droits et obligations, exception faite pour les
régime constitue également une limite pour la bonne personnes en situation de vulnérabilité (PSV) qui
gouvernance. Du côté du financement du dispositif, l’insuf- ­s’acquittent d’une contribution symbolique au moment du
fisance des fonds alloués, le non-respect du schéma légal retrait de la carte. L’accès aux soins de santé pour le béné-
de gestion et les dépenses des ménages sont les principales ficiaire commence obligatoirement par le centre de santé
contraintes qui empêchent de garantir un accès fluide aux de rattachement et sera orienté, selon son état de sa santé,
soins et de fournir aux bénéficiaires des prestations médi- vers le niveau adéquat dans la filière de soins selon l’offre
cales gratuites dont ils ont besoin. public de soins de santé, et ce, en présentant la carte
Cet article consiste à évaluer le montage financier du Ramed et le document qui réfère le patient. Il est à noter
Ramed en éclairant les paramètres clés qui le régissent que seuls les hôpitaux publics, les établissements publics
dans l’objectif de proposer une nouvelle configuration de de santé et les services sanitaires relevant de l’État sont
son financement. concernés par le Ramed.

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Pour un financement pérenne du Régime d’assistance médicale au Maroc

Le financement du Ramed est assuré principalement par Tableau I : Montage du financement prévu pour le Ramed (Maroc)
l’État, les collectivités territoriales et les bénéficiaires Financement prévu
classés en situation de vulnérabilité. La gestion des %
en millions de dirhams
ressources est confiée à l’Agence nationale de l’assurance
État 2 270 75
maladie (Anam) qui tient son conseil d’administration
relatif au Ramed pour se prononcer sur la gestion des Communes 160 6
ressources affectées au régime [2]. PSV* 570 19
Total 3 000 100
*PSV : personnes en situation de vulnérabilité.
Soubassement juridique du financement du Ramed

L’article 126 de la loi n° 65-00 stipule que la contribution Partant de ce qui précède, et tenant compte des disposi-
de l’État soit inscrite annuellement dans la loi de finances, tions réglementaires, le financement du Ramed se répartit
et que celle des collectivités territoriales soit inscrite de la manière suivante :
annuellement dans leurs propres budgets [2]. •• la contribution annuelle des communes s’élève à 40 dirhams
Conformément à l’article 25 du décret d’application, par personne bénéficiaire classée en situation de pauvreté ;
l’Anam collecte la contribution partielle annuelle des béné- •• la contribution des personnes bénéficiaires classées en
ficiaires reconnues en situation de vulnérabilité fixée à situation de vulnérabilité est de 120 dirhams, avec un
120 dirhams par personne dans la limite d’un plafond de plafond de 600 dirhams par ménage ;
600 dirhams par ménage. Elle procède au virement des •• le reste du financement est supporté par l’État.
contributions collectées au compte d’affectation spéciale Le tableau I illustre le montage financier initial arrêté
intitulé « Fonds spécial de la pharmacie centrale » [3]. avant le démarrage du Ramed.
La commune, en tant que collectivité territoriale,
contribue à raison de 40 dirhams par bénéficiaire en situa-
tion de pauvreté, considérés comme participation à la prise
en charge de la gratuité des soins. Elle procède chaque Financement du Ramed :
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année au virement de sa contribution au compte d’affecta- entre contraintes juridiques
tion spéciale sur la base d’une situation établie par l’Anam et insuffisance de fonds mobilisés
faisant ressortir l’estimation des personnes potentielle-
ment éligibles au Ramed en situation de pauvreté [3].
Ressources mobilisées

Montage financier La collecte des contributions financières se fait auprès


des trois principaux acteurs.
Avant de mettre en œuvre l’expérience test du Ramed en
2008, une étude actuarielle a été réalisée en 2006 afin L’État
­d’estimer les effectifs attendus et les ressources nécessaires
au Ramed. L’étude a estimé un effectif de 8,5 millions de La contribution de l’État est assurée par le Fonds d’appui
personnes réparti entre 45 % en situation de pauvreté et à la cohésion sociale (Facs) créé par la loi de finances
55 % en situation de vulnérabilité, et un financement de 2012 [7]. Ledit fonds finance le Ramed en plus d’autres
annuel relatif aux prestations médicales de l’ordre de programmes sociaux. Le montant accordé au Ramed n’est
2,7  milliards de dirhams  [5,  6], et ce, sans compter les identifié qu’après publication de la loi des finances au
charges des ressources humaines ainsi que le coût des soins Bulletin officiel, et aucun critère n’est communiqué sur le
de santé de base qui sont fournis gratuitement pour tous fondement de la répartition du fonds. De ce fait, la contri-
par les centres de soins de rattachement. Ce qui donne une bution de l’État n’est pas individualisée dans la loi de
consommation médicale annuelle moyenne de 317 dirhams finances conformément à l’article 126 de la loi n° 65-00 [2].
par personne. En ajoutant les frais de gestion du régime, le Cette contribution s’élève à un montant global de
budget global a été estimé à 3 milliards de dirhams, ce qui 4,8  milliards de dirhams couvrant les années  2014  [8],
représente un coût moyen annuel par personne de l’ordre 2015 [9], 2016 [10] et 2017 [11], ce qui représente 52 %
de 352 dirhams. des dépenses du Facs. Durant cette période, ce montant a

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A. Moustatraf, J. Taoufik

été versé directement aux prestataires de soins sans passer En l’absence d’un mécanisme permettant le suivi et
par l’Anam selon la répartition suivante : MS (47 %), centre l­ ’évaluation de collecte des contributions, la situation reste
hospitalier universitaire (CHU) (51 %) et Anam (2 %), ambiguë. Selon le MS, le montant collecté pour la
sachant que le ministère de l’Intérieur (MI) reçoit une subven- période 2012-2017 s’élève à 505 millions de dirhams ne
tion en dehors du Facs. Selon le MS à travers ses différents dépassant pas 50 % du montant dû fixé à plus de 1,2 milliard
rapports diffusés, les montants accordés aux prestataires de de dirhams. Le manque d’actions permettant l’appui et
soins ne couvrent ni les besoins ni les prestations facturées ­l’accompagnement des communes a affaibli leurs engage-
dans le cadre du régime. Ils ne couvrent que la moitié de la ments vis-à-vis du financement du régime.
facturation établie par les prestataires de soins, étant donné
que cette facturation elle-même n’est pas exhaustive. La Contribution des bénéficiaires en situation de vulnérabilité
contribution de l’État ne suit ni la logique de moyens ni celle
de résultats, et ne prend en considération ni l’apport des L’Anam procède à la collecte des contributions des PSVce
collectivités territoriales ni celui des PSV, d’autant que l’État qui représente un cumul de 150 millions de dirhams
doit assurer le manque pouvant être généré par une insuffi- jusqu’au 31  décembre 2017  [12, 13]. Selon le décret
sance ou une collecte partielle des autres resssources. ­d’application, l’Anam doit verser ces fonds au compte
spécial de la pharmacie centrale sans pouvoir le faire à ce
Contributions des collectivités territoriales jour puisqu’elle est le gestionnaire de ses ressources.
Le tableau  II présente l’écart entre les financements
Il convient de rappeler que la constitution marocaine mobilisé et prévu. Or, même le financement prévu est
dispose que : les collectivités territoriales sont les régions, devenu obsolète avec les données réalisées, à savoir :
les provinces et les communes. Selon l’article 125 de la loi •• 11,2  millions de personnes immatriculées, dont 7,1
n° 65-00 [2], les collectivités territoriales contribuent au disposent de cartes actives [12, 13] ;
financement du régime. Le décret d’application s’est contenté •• 90 % sont en situation de pauvreté et 10 % en situation
de limiter aux communes rurales et urbaines la contribution de vulnérabilité [12, 13], dépassant largement les prévi-
au financement du Ramed. Ce choix est confronté à une sions, respectivement de 36 % et 64 % selon l’étude
contrainte majeure. Plusieurs communes rencontrent des actuarielle actualisée en 2013 ;
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difficultés pour s’acquitter de leurs contributions annuelles. •• parmi 710 000 PSV, seulement 213 000 (30 %) ont retiré
Certes, les communes n’ont pas les mêmes ressources, mais leurs cartes [12, 13] ;
le dilemme auquel elles sont confrontées est que celles abri- •• l’actualisation de l’étude actuarielle en 2013 a donné un
tant le plus de pauvres, et ayant donc des montants impor- renchérissement de la consommation médicale annuelle
tants à payer, sont généralement des communes sans moyenne par personne en passant de 317 à 617 dirhams,
ressources et fonctionnant majoritairement grâce à des enregistrant ainsi une augmentation de 94 %.
subventions de l’État. Par contre, les communes ayant des
recettes propres importantes abritent relativement moins de Dépenses directes des bénéficiaires
pauvres. D’autre part, certaines communes n’arrivent pas à
s’acquitter de leurs contributions, le trésorier communal Puisque le Ramed permet de bénéficier de soins médi-
refusant de les verser au compte spécial de la pharmacie caux réalisés uniquement dans le secteur public, ce dernier
centrale puisqu’il considère l’Anam comme gestionnaire des ne peut pas assurer tout le panier de soins prévu. Les béné-
ressources selon la loi n° 65-00 [2]. ficiaires ont payé de leurs poches pour se faire soigner.

Tableau II : Écarts entre les fonds mobilisés et le financement prévu pour le Ramed (Maroc)

Financement mobilisé Financement prévu


Écarts
en millions de dirhams en millions de dirhams
État 1 170 2 270 1 100
Communes 108 160 – 52
PSV* 0 570 – 570
Total 1 278 3 000 – 1 722
*PSV : personnes en situation de vulnérabilité.

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Pour un financement pérenne du Régime d’assistance médicale au Maroc

Tableau III : Écarts entre le financement mobilisé et le besoin en financement pour le Ramed (Maroc)

Financement mobilisé Besoin en financement


Écarts
en millions de dirhams en millions de dirhams
État 1 170 4 089 2 919
Communes 108 256 – 148
PSV* 0 25 – 25
Total 1 278 4 370 – 3 092
*PSV : personnes en situation de vulnérabilité.

Selon le rapport 2015 relatif aux comptes nationaux de la évoque également d’autres sources implicites de finance-
santé [12], les dépenses directes en santé en 2013 pour les ment au profit du Ramed : les subventions d’équilibre et
bénéficiaires du Ramed s’élèvent à 4,58  milliards de celles de fonctionnement. Les subventions d’équilibre sont
dirhams, soit une dépense moyenne de 757 dirhams par accordées aux HP et CHU pour faire face aux prestations
personne (contre 543  dirhams par personne ayant une médicales fournies gratuitement aux porteurs de certificat
assurance maladie et 1066 dirhams par personne ne dispo- d’indigence avant la mise en œuvre du Ramed. Ces subven-
sant d’aucune couverture médicale). Cette dépense repré- tions, qui sont toujours maintenues, ne font pas partie du
sente 16,7 % de la dépense directe des ménages. financement assuré par le Facs. Quant aux subventions de
En conclusion, et après réajustement du financement fonctionnement, le MS contribue également, dans le cadre
prévu selon les données disponibles, le besoin en finance- du budget général de l’État, à subventionner les HP en tant
ment s’élève à 4,37  milliards de dirhams. Le tableau  III que services d’État gérés de manière autonome sous sa
présente l’écart entre le financement mobilisé et le besoin tutelle. Il s’agit de subventions accordées à tous les HP sans
en financement. possibilité d’identifier la part du Ramed dans leurs budgets.
Afin de suivre la traçabilité des fonds alloués, la plupart
des HP sont dotés d’un système d’information qui permet
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Allocation des ressources la facturation des actes dispensés. Or, d’une part, la factu-
ration reste partielle, principalement à cause d’un manque
En l’absence de chiffres détaillés sur lesdites subventions, de ressources humaines [6] et la fermeture des bureaux du
l’analyse qui suit se limite au financement accordé par le Service d ­ ’accueil et d’admission chargé de la facturation
Facs. après 16 h 30, les HP ne disposant pas d’une comptabilité
analytique pouvant aider à la traçabilité de fonds. Cette
Ministère de la Santé et CHU situation ne permet pas d’identifier réellement les dépenses
liées au Ramed. D’autre part, les fonds alloués aux HP ne
Le MS récupère la contribution de l’État et celles des sont pas proportionnels aux montants facturés dans le
communes par le biais de son compte spécial de la phar- cadre du Ramed, ce qui décourage les gestionnaires des HP
macie centrale. Ce compte sert à l’achat des médicaments d’améliorer la facturation.
distribués à tous les hôpitaux publics (HP) du Royaume Par rapport aux CHU, ces fonds suivent la même logique
ainsi qu’aux centres de soins de rattachement. Les médica- que les HP à ceci près que ceux alloués aux CHU dans le
ments sont administrés à tous les patients qui fréquentent cadre du Ramed sont récupérés directement du MEF sans
l’hôpital, peu importe leur statut, qu’il s’agise d’un assuré passer par le MS puisque ce sont des établissements publics
de l’AMO, d’un bénéficiaire du Ramed ou autre. Il importe dotés de la personnalité morale et d’une autonomie
de signaler à cet égard que plus des deux tiers des patients financière.
se rendant à l’hôpital sont des bénéficiaires du Ramed. Au
niveau des centres de soins de rattachement, les presta- Ministère de l’Intérieur
tions sont gratuites pour toute la population. Ainsi, les
fonds alloués aux prestataires publics dans le cadre du Le MI ne reçoit pas de montants propres au Ramed, mais
Ramed ne font pas l’objet de conventionnement spécifique une augmentation de ses rubriques budgétaires, en dehors du
entre le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) et Facs, est accordée chaque année par la loi des finances pour
le MS. En plus des ressources provenant du Facs, le MEF faire face aux besoins liés au processus de ciblage et

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A. Moustatraf, J. Taoufik

d’identification des éligibles, notamment pour l’achat du de la CMB permettant ainsi au gouvernement marocain
matériel et mobilier de bureau. Aucun chiffre sur les montants d’apprécier la nécessité de mettre en place un organe de
accordés spécialement pour le Ramed n’est diffusé. gestion propre au Ramed. Ce choix a été concrétisé par
la réunion, tenue en août 2016, d’un groupe de travail
Agence nationale de l’assurance maladie composé des principaux acteurs impliqués au Ramed qui a
opté pour la création d’un organisme gestionnaire indépen-
Chaque année, le MEF accorde, via le Facs, une subvention dant dont la mise en œuvre sera progressive et l’attribution
à l’Anam d’un montant qui varie entre 15 et 25 millions de la régulation du Ramed à l’Anam. Ce qui a abouti à
de dirhams (une moyenne annuelle de 20 millions de inscrire cette action dans le plan d’action du MS couvrant
dirhams) [12, 13] pour couvrir essentiellement les charges la période 2018-2025.
liées à l’immatriculation des bénéficiaires et la délivrance
des cartes Ramed et la réalisation des études confiées à
l’Anam par son conseil d’administration. Une comptabilité
propre au Ramed a été mise en place pour assurer la traça- Principaux dysfonctionnements
bilité et la transparence conformément à la réglementation
en vigueur. Nous rappelons que les montants collectés par
l’Anam auprès des PSV sont déposés dans un compte à part Dysfonctionnements liés au financement
et ne sont jamais décaissés [13]. Afin de mobiliser les fonds
collectés, l’Anam a proposé aux membres de son conseil Par rapport aux fonds à mobiliser, le déficit est important
d’administration en 2015 le financement de certains actes et s’élève à 3,092 milliards de dirhams, dont 94 % est à la
médicaux au profit des bénéficiaires par le biais d’une charge de l’État. La contribution de ce dernier ne suit pas
contractualisation avec les prestataires de soins, mais cette la logique des besoins mais elle dépend des fonds collectés
proposition n’a pas abouti pour des contraintes procédu- par le Facs. Qui plus est, elle ne tient pas compte des contri-
rales malgré l’accord des membres de ce conseil [13]. butions des communes et des PSV. Si l’État ne peut pas
assurer 94 % du financement du Ramed, et ce dans un
Gouvernance et pilotage contexte marqué par de ressources limitées et une pression
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énorme sur les finances publiques, il est inconcevable de
Si le régime implique plusieurs acteurs, les rôles ne sont laisser ce régime face à son propre destin. L’État ne peut
pas bien clarifiés et ne sont pas répartis de manière cohé- pas supporter seul le financement du régime, mais il doit
rente et efficace. L’Anam, en tant que gestionnaire des revoir son mode de financement pour permettre aux béné-
ressources, est en marge de ses missions légales et son ficiaires un accès fluide et permanent avec dignité.
conseil d’administration n’a de regard ni sur les ressources En ce qui concerne les communes, le déficit en contri­
ni sur les prestations fournies aux bénéficiaires. La gestion butions s’élève à 140 millions de dirhams (115 au lieu des
est exercée conjointement entre le MEF et le MS. D’autre part, 255 millions de dirhams nécessaires). Or, même si ce montant
l’Anam, régulateur de l’AMO et gestionnaire du Ramed, ne dû était atteint, il resterait très timide par rapport au finan-
peut être efficace dans ses deux missions. D’autre part, la cement global, sachant que l’État a fait beaucoup d’efforts en
régulation du régime est insuffisante et éparpillée entre matière de décentralisation pour les impliquer davantage
plusieurs acteurs en l’absence d’un régulateur propre au dans le développement économico-social. Certes, la loi
régime. La loi n° 65-00 [2] n’a pas traité la régulation du n° 65-00 [2] a voulu que les collectivités territoriales contri-
Ramed de la même manière que l’AMO qui a été mise en buent au financement du Ramed, or le décret d’application
œuvre en  présence de trois acteurs : les prestataires de a exclu les conseils régionaux et provinciaux et a gardé
soins1, les organismes gestionnaires2 et le régulateur (Anam). uniquement les communes. Il se peut que le législateur ait
Pour faire face aux contraintes rencontrées, de longues voulu ­impliquer toutes les collectivités territoriales dans
discussions ont été entamées ces trois dernières années au l’objectif de renforcer et diversifier les ressources et créer
sein du Comité interministériel de pilotage de la réforme une sorte de solidarité entre elles surtout qu’elles n’ont pas
ni les mêmes ressources, ni les mêmes capacités financières.
1
Les prestataires de soins recouvrent les praticiens publics et privés, La nouvelle politique de décentralisation adoptée dernière-
les cliniques et les prestataires publics. ment par le Maroc confère aux régions des moyens finan-
2
Les organismes gestionnaires incluent la Caisse nationale des orga-
nismes de prévoyance sociale (Cnops) et la Caisse nationale de la ciers plus importants que ceux des communes. Si le choix de
­sécurité sociale (CNSS). la commune a été fait pour profiter de sa proximité avec les

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Pour un financement pérenne du Régime d’assistance médicale au Maroc

citoyens et de sa plus grande implication dans la lutte contre Limites des résultats obtenus
la pauvreté, rien ne justifie ­l’exclusion des régions et des
provinces du financement du Ramed, surtout dans la mesure Sans pour autant impacter les résultats obtenus, il est
où ces dernières peuvent assurer la solidarité entre les essentiel de souligner certaines limites de cette évaluation.
communes relevant de leurs ressorts territoriaux. Cela va Premièrement, si le Ramed a pu immatriculer 11,2 millions
permettre de corriger les écarts entre les communes en de personnes, seuls les titulaires des cartes actives ont été
matière de capacité financière à travers une péréquation. comptabilisées pour estimer le besoin en financement,
Par rapport à la contribution des PSV, les fonds collectés, alors qu’on ne sait ni si les titulaires des cartes expirées
représentant 30 % du montant dû, ne profitent pas au vont renouveler leur éligibilité ni quand ils vont le faire le
financement du Ramed. D’une part, l’étude actuarielle mise cas échéant. Deuxièmement, la consommation médicale
à jour en 2013 a tablé sur 64 % au lieu de 10 % actuelle- moyenne annuelle par personne a été estimée en 2013
ment du essentiellement aux insuffisances d’outils de suite à l’actualisation de l’étude actuarielle, réalisée
contrôle puisque les postulants déclarent le strict minimum en 2006. Cette étude a été basée essentiellement sur la
pour échapper à la contribution. Représentant 0,6 % du moyenne de la consommation effective dans quatre hôpi-
financement global, la part du financement des PSV ne peut taux publics pour une période donnée. Or l’enregistrement
pas apporter grand-chose à celui du Ramed. D’autre part, des actes médicaux par les hôpitaux publics n’est pas
la collecte de cette contribution a un coût, ce qui remet en exhaustif, ce qui présente une limite vis-à-vis de l’esti­
cause même l’opportunité de garder cette contribution. De mation de ladite consommation médicale ainsi que de celle
plus, elle constitue un handicap à l’accès aux soins puisque de son besoin en financement. Troisièmement, le nombre
cinq cent mille bénéficiaires n’ont pas pu retirer leurs de PSV représente aujourd’hui 10 % sachant que toutes les
cartes et donc se retrouvent sans couverture. Tenant études réalisées par les instances étatiques nationales
compte de cette situation, la question de l’utilité même de évoquent des pourcentages dépassant 60 %, ce qui va
la contribution des PSV est remise en cause. impacter le besoin de financement du Ramed en préconisant
un système de contrôle rigoureux des déclarations des postu-
lants. Quatrièmement, en l’absence de données détaillées sur
Dysfonctionnements liés à la gestion et la gouvernance lesdites subventions accordées aux prestataires de soins,
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nous nous sommes limités aux fonds accordés par le Facs.
La gestion des ressources est assurée conjointement par Cinquièmement, il n’a pas été tenu compte des dépenses des
le MS et le MEF, ce qui n’a pas permis de séparer la gestion ménages relevant du Ramed en 2013, puisque la population
des ressources et la prestation de soins. Les deux fonctions cible n’a été atteinte qu’à partir de 2016. Par ailleurs, aucune
doivent être exécutées selon les principes de l’assurance mesure de régulation n’a été prise ni pour maîtriser ces
sociale qui impose leurs séparations afin de garantir la dépenses ni pour l’identification des bénéficiaires immatri-
bonne gouvernance. D’autre part, les fonds alloués aux HP culés en masse suite à un effet d’appel à la consommation
et aux CHU dans le cadre du Ramed sont injectés dans leurs médicale que les HP et CHP n’ont pas pu suivre.
budgets sans avoir une comptabilité propre au Ramed. Et
devant l’insuffisance des fonds alloués, ils se débrouillent
pour satisfaire partiellement les besoins du Ramed. La
gestion actuelle des fonds du Ramed manque de traçabilité Recommandations
et de transparence, rendant difficile l’identification des
ressources et des dépenses. Cette situation a lieu en l’absence
d’un acteur indépendant pouvant gérer les ressources. La Accès aux soins
décision prise en 2016 de créer un organe de gestion paraît
coûteuse, mais elle représente une solution très rentable à Si le Ramed a opté pour le passage obligatoire des patients
moyen et long termes. Or, le retard qu’enregistre la mise en par les centres de soins de rattachement, le MS doit doter
circuit d’un projet de loi y afférent est très pénalisant pour ces centres du minimum que doit exiger le panier de soins
la pérennité du régime et crée un attentisme chez les primaires. Plus encore, il doit définir un paquet minimum
acteurs. Des propositions de projet de loi de la part de généralisé de l’offre de soins comme base de référence à
certains groupes parlementaires ont fait l’objet de discussion chaque niveau de la filière de soins. Ce paquet doit faire
au parlement en présence du ministre de la santé mais elles l’objet d’un engagement ferme du MS ainsi que des mana-
n’ont pas pu aboutir à un projet de loi convenu. gers des HP et CHU, sachant que la réglementation permet

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A. Moustatraf, J. Taoufik

l’achat de prestations indisponibles. Pour assurer l’effica- moins le tiers du total du financement). Or actuellement,
cité de la filière de soins, il est indispensable de permettre les 40 dirhams par personne versés par les communes ne
aux médecins traitants d’avoir des informations souvent constituent que 6,5 % des besoins de financement. Avec
actualisées sur les soins disponibles. la participation solidaire de toutes les catégories des
collectivités territoriales, le montant global de la contri-
bution sera très consistant, et ce, sans impacter leurs
Régulation de la demande capacités financières. La plus grande part de la contribu-
tion doit être assurée par la région (50 %), suivie de la
La gratuité d’une prestation médicale comme c’est le cas province (30 %) afin de soulager les communes (20 %),
du Ramed génère souvent une consommation abusive et surtout celles qui n’ont pas de ressources propres suffi-
des difficultés financières pour faire face aux besoins santes. La solidarité entre les communes de la même
et garantir la couverture universelle. L’amélioration de cette région doit être établie. Cette orientation pourra éventuel-
dernière nécessite des changements adéquats pour avoir lement contribuer à l’amélio­ration du ciblage de la
un financement pérenne de la santé et la couverture médi- ­population éligible et renforcer la responsabilité des
cale  [15]. L’instauration d’un ticket modérateur dans le conseils locaux et des élus à travers la promotion de toute
cadre du Ramed comme outil de régulation de la demande action visant la lutte contre la pauvreté. Partant d’une
est très recommandée. C’est un choix qui apportera un contribution de 250 dirhams par personne bénéficiaire,
financement supplémentaire mais surtout qui va permettre la contribution des collectivités territoriales atteindrait
de freiner la consommation excessive. Il ne doit pas consti- 1,77 milliard de dirhams.
tuer un handicap pour l’accès aux soins. Il faut pour cela Le financement pourra évoluer au fil du temps, en opti-
­l’instaurer tout en prenant les précautions nécessaires pour misant la consommation médicale, d’une part, et en mode-
se prémunir contre des effets pervers puisque le Ramed lant le ticket modérateur selon les prestations les plus
cible une population pauvre et vulnérable. Le panier des consommées, d’autre part. En ce sens, nous proposons pour
soins du Ramed peut être réparti selon trois groupes homo- les prestations qui enregistrent une grande consommation :
gènes : le premier bénéficie de la gratuité, voire d’une 20 dirhams pour les explorations externes (une moyenne
contribution symbolique, le deuxième prévoit des forfaits de 2,6 millions de prestations) et 15 dirhams pour les
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plafonnés par personne alors que le troisième doit suivre consultations spécialisées externes (une moyenne de
la logique de la contribution proportionnelle à son coût, 870 000  prestations), l’apport de financement pouvant
sans que cela dépasse un seuil supportable par le atteindre 65 millions de dirhams. Le montant, soit 1,5 %
bénéficiaire. par rapport au financement global paraît dérisoire, mais il
va agir sur les dépenses à travers la réduction de la consom-
mation médicale. Partant de ce qui précède, le tableau IV
Sources et viabilité de financement propose un nouveau montage du financement du Ramed.
Enfin, dans le contexte actuel marqué par une pénurie de
En plus de la possibilité de chercher d’autres sources de ressources, il serait opportun de revoir la gratuité totale au
financement, une révision de la contribution de l’État et des niveau des centres de soins de rattachement qui manquent
collectivités territoriales reste indispensable. de médicaments et d’équipements et se trouvent souvent
Après avoir identifié le financement du Ramed, la contri- incapables d’assurer les besoins de la population [6, 16]. La
bution de l’État doit être revue de manière à assurer les gratuité peut être assurée uniquement aux bénéficiaires du
besoins de la population, en imposant aux HP et CHU Ramed alors qu’une contribution financière de l’AMO
d’avoir une comptabilité analytique et tracer les fonds pourra renforcer l’offre de soins primaires et améliorer la
propres au Ramed. L’État doit être le garant de l’ensemble qualité de service rendu dans la perspective d’une auto-
du financement du régime en assurant un suivi permanent nomie financière à moyen terme.
de différentes ressources collectées. Les subventions des
HP et CHU doivent être clarifiées et justifiées pour plus de
transparence et de rationalisation. Gestion et pilotage
Par rapport aux collectivités territoriales, les régions et
les provinces doivent s’impliquer davantage dans le finan- Il est indispensable de séparer la gestion et la prestation
cement du régime. La contribution des collectivités territo- de soins à travers la création d’un organisme gestion-
riales au financement du Ramed doit être substantielle (au naire (OG) qui aura la tâche de gérer un effectif important

866 Santé publique  volume 30 / N° 6 - novembre-décembre 2018


Pour un financement pérenne du Régime d’assistance médicale au Maroc

Tableau IV : Nouvelle conception pour un financement pérenne du Ramed (Maroc)

Part des bénéficiaires Part des Collectivités


Financement Part de l’État Total
(Ticket modérateur) Territoriales
Montant en millions de dirhams 65 1 775 2 333 4 370
Part en % 1,5 40,6 58,9 100

dépassant celui de l’AMO avec une charge importante de management hospitalier. Renforcer les capacités des
travail. Cela nécessite des moyens humains et matériels responsables et des professionnels de la santé est la clé de
importants et des outils de suivi et de contrôle afin de réussite non seulement pour le Ramed mais pour tout le
pouvoir rationaliser les ressources et maîtriser les dépenses. système de santé au Maroc.
Il est essentiel d’adopter un contrat-programme entre l’État
et l’OG et un suivi doit se faire périodiquement, à travers
le conseil d’administration de l’OG. Chaque année, l’OG doit
présenter son bilan et proposer un plan d’actions de (des) Conclusion
l’année(s) suivante(s) en s’inscrivant dans la logique d’une
évaluation périodique des choix adoptés. Des études actua-
rielles en lien avec la consommation médicale et l’évolution Si le Ramed est conçu pour garantir la gratuité des pres-
de l’effectif du Ramed sont des outils nécessaires afin tations médicales, le bénéficiaire rencontre des difficultés
­d’anticiper et prendre les mesures qui s’imposent, notam- pour l’accès aux soins et doit se débrouiller pour se soigner
ment pour éviter les déséquilibres de financement. Le en l­ ’absence de certaines prestations ou médicaments dont
rôle  de l’État doit être renforcé pour assurer le suivi et il a besoin. Certains bénéficiaires sont obligés de parcourir
­l’évaluation et pour inciter les acteurs à s’aligner avec la de longues distances pour bénéficier d’une prestation
politique générale du pays et les accompagner à traduire censée être disponible à proximité. Certes, en l’absence de
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les orientations du gouvernement en actions. ressources suffisantes, la prise en charge des bénéficiaires
Il est clair que le régime a besoin d’outils efficaces pour dans le cadre du Ramed se dégrade de plus en plus. Cette
assurer son suivi et son pilotage. En ce sens, tous les acteurs situation a généré un mécontentement chez un bon nombre
impliqués doivent développer un système d’information de bénéficiaires se manifestant par des difficultés géogra-
intégré fiable et performant. Ce système doit permettre une phiques à accéder aux soins, des délais de prise de rendez-
traçabilité de fonds alloués. Ledit système doit également vous qui dépassent parfois plusieurs mois, l’indisponibilité
permettre l’authentification des bénéficiaires et la gestion de certaines prestations, un encombrement de la file de
des droits au moment de l’accès aux soins à travers des bénéficiaires référés aux CHU pour demander des presta-
cartes intelligentes. La mise en place d’un tel système, peu tions médicales basiques censées être disponibles au
importe son coût, va permettre à court terme la traçabilité, niveau des HP. Et ce, sans oublier les efforts fournis par les
le contrôle et le suivi à travers des indicateurs liés à la prestataires de soins qui se débrouillent avec les moyens
consommation médicale, la facturation, la population béné- disponibles pour satisfaire des besoins de plus en plus
ficiaire de soins, etc. nombreux, et parfois au détriment de la qualité de service.
Le service d’accueil et d’admission de l’hôpital se trou- Cette situation a généré des confrontations quotidiennes
vant au cœur de cette action, doit être doté de ressources parfois agressives entre les bénéficiaires et les gestion-
humaines suffisantes et qualifiées. C’est l’interface de naires ainsi que les professionnels de santé qui se sentent
­l’hôpital qui se charge de l’accueil des patients, de l’orien- gênés pour accomplir leurs missions. Une telle situation
tation et de la facturation des actes fournies, et toute insa- entache la crédibilité des HP et CHU et peut remettre en
tisfaction chez les bénéficiaires entachera l’acceptabilité cause le régime à moyen terme. Dans ce contexte, les
sociale du régime et menacera sa pérennité. Une sorte pouvoirs publics doivent absolument ouvrir un débat
de motivation de ce service vital est indispensable pour responsable pour discuter profondément les probléma-
­l’amélioration des recettes de l’hôpital qui a un impact tiques rencontrées afin de trouver des pistes de redresse-
direct sur le régime. Par ailleurs, il n’est pas question ment pouvant assurer la pérennité du régime. Peu importe
­d’améliorer le fonctionnement du Ramed sans améliorer le les mesures prises pour résoudre la problématique du

Santé publique  volume 30 / N° 6 - novembre-décembre 2018 867


A. Moustatraf, J. Taoufik

financement, il est indispensable de gérer les ressources du 6. Observatoire national du développement humain (ONDH) du
régime selon les principes de l’assurance sociale et dans le Maroc. Rapport du Régime d’assistance médicale aux économique-
ment démunis. Rabat : ONDH ; 2017. 51 p.
respect des principes de la bonne gouvernance qui imposent 7. Royaume du Maroc, ministère de l’Économie et des Finances. Loi de
la création d’une structure indépendante de gestion et la finances n° 22-12 pour l’année budgétaire 2012. Bulletin officiel
mise en place de la régulation du Ramed à l’instar de l’AMO. n° 6048 du 17 mai 2012. p. 1989.
8. Royaume du Maroc, ministère de l’Économie et des Finances. Loi de
finances n° 110-13 pour l’année budgétaire 2014. Bulletin officiel
Aucun conflit d’intérêts déclaré n° 6217bis du 31 décembre 2013. p. 2895.
9. Royaume du Maroc, ministère de l’Économie et des Finances. Loi de
finances n° 100-14 pour l’année budgétaire 2015. Bulletin officiel
n° 6320bis du 25 décembre 2014. p. 4856.
10. Royaume du Maroc, ministère de l’Économie et des Finances. Loi de
finances n° 70-15 pour l’année budgétaire 2016. Bulletin officiel
Références n° 6423bis du 21 décembre 2015. p. 4827.
11. Royaume du Maroc, ministère de l’Économie et des Finances. Loi de
finances n° 73-16 pour l’année budgétaire 2017. Bulletin officiel
1. Organisation mondiale de la santé (OMS). Rapport sur la santé dans n° 6577bis du 12 juin 2017. p. 674.
le monde : le financement des systèmes de santé : le chemin vers 12. Ministère de la Santé (Maroc). Comptes nationaux de la santé :
une couverture universelle. Genève (Suisse) : OMS ; 2010. rapport 2015. Rabat : Ministère de la Santé ; 2015. 75 p.
2. Royaume du Maroc, ministère de la Santé. Loi n° 65-00 portant 13. Anam (Maroc). Rapport d’activités relatif au Ramed au titre de
code de la couverture médicale de base. Bulletin officiel n° 5058 l’année 2015. Rabat : Anam ; 2016. 37 p.
du 21 novembre 2002. p. 1333. 14. Anam (Maroc). Rapport d’activités relatif au Ramed au titre de
3. Royaume du Maroc, ministère de la Santé. Décret n° 2-08-177. l’année 2016. Rabat : Anam ; 2017. 40 p.
Bulletin officiel n° 5674 du 29 septembre 2008. p. 703. 15. Inke M. The role of institutional design and organizational practice
4. Royaume du Maroc, ministère de la Santé. Décret n° 2-11-119 modi- for health financing performance and universal coverage. Health
fiant et complétant le décret n° 2-08-177. Bulletin officiel n° 5981 Policy. 2011;99:183-92.
du 26 septembre 2011. p. 4730. 16. Ministère de la Santé (Maroc). Rapport général du symposium inter-
5. Agence nationale de l’assurance maladie (Anam) du Maroc. Feuille national de la couverture sanitaire des populations en précarité.
de route 2014-2018. Rabat : Anam ; 2014. 42 p. Rabat : Ministère de la santé ; 2015. 178 p.
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