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CHOIX DE SUJETS

Les hommes ne vivraient pas longtemps en société auprès de Dieu dans le Paradis, et que ce Paradis perdu ne
s’ils n’étaient les dupes les uns des autres (La lui est plus qu’un souvenir.
Rochefoucauld). Expl. : Le mensonge et l’hypocrisie dans les Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère,
rapports humains permettent le bon fonctionnement de la l’ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux,
vie en société. de n’y point penser (Pascal). Expl. : Constatant leur
L’égalité est donc à la fois la chose la plus naturelle impuissance devant la misère de la condition humaine, les
et, en même temps, la plus chimérique (Voltaire). Expl. : hommes ont préféré oublier leur malheur en s’adonnant à
Existe-t-il ou non à l’origine une égalité des hommes? Telle des divertissemnets comme l’amour, la guerre, le jeu.
est la question posée par les philosophes du XVIIIe siècle. L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la
C’est en tout cas une utopie que d’y prétendre dans une nature, mais c’est un roseau pensant (Pascal).
société. Le plus dangereux ennemi que tu puisses rencontrer
Pas besoin de grill, l’enfer c’est les Autres (Sartre). sera toujours toi-même (Nietzsche). Expl. : L’homme doit
Expl. : Être regardé et jugé par l’autre rend la vie semblable se méfier du démon qui sommeille en lui et qui est toujours
à un enfer. prêt à lui faire faire un faux pas.
Le superflu est le premier des besoins (Flaubert). L’angoisse est la disposition fondamentale qui nous
Paradoxe de Flaubert pour signifier que des valeurs en place face au néant (Heidegger). Expl. : L’angoisse est
apparence superflues (l’art, la littérature, la beauté) sont en l’inquiétude métaphysique de l’homme qui réfléchit sur son
fait essentielles pour l’homme. existence, placé devant l’immensité et le néant de l’univers.
J’ai assez vécu pour voir que différence engendre Le bonheur, cette chose qui n’existe pas, et qui
haine (Stendhal). Expl. : Les hommes n’acceptent pas les pourtant un jour n’est plus (Henri Barbusse). Expl. :
gens qui sont différents d’eux et en viennent à les haïr. Quand tout va bien, on peut ressentir une impression de
Celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit monotonie et ne pas se rendre compte que l’on est heureux.
(Saint-Exupéry). Expl. : Si tous les êtres étaient identiques, C’est quand les choses vont mal que l’on sait à coup sûr que
il n’y aurait pas d’évolution possible. C’est la multiplicité et le bonheur a disparu.
la diversité qui créent la richesse de l’homme. Il est bon d’être seul, parce que la solitude est
Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas difficile (Rainer Maria Rilke). Expl. : Parce qu’elle est
(Pascal). Expl. : Les sentiments obéissent à une logique difficile à supporter, la solitude permet de s’affirmer contre
différente de celle des idées. les épreuves de la vie en forgeant un caractère fort et
On dit que l’amour qui ôtait l’esprit à ceux qui en autonome.
avaient en donnait à ceux qui n’en avaient pas Être adulte, c’est être seul (Jean Rostand). Expl. : Un
(Diderot). adulte est un individu ayant attein une maturité
Il y a seulement de la malchance à n’être pas aimé : psychologique, un équilibre intérieur lui permettant de
il y a du malheur à ne point aimer (Camus). Expl. : Celui n’être pas dépendant d’autrui.
qui est incapable d’amour est plus malheureux encore que Il croyait que c’était à la solitude qu’il tentait
celui qui n’est aimé de personne, car il se prive de ce qui est d’échapper, et non pas à lui-même (Faulkner). Expl. : La
le bonheur d’une vie : c’est un infirme du cœur. solitude laisse l’homme face à face avec lui-même; c’est
Ce n’est pas l’amour qu’il fallait peindre aveugle, pour échapper à ce face à face que l’homme fuit la solitude.
c’est l’amour-propre (Voltaire). Expl. : L’amour-propre Le beau est toujours bizarre (Beaudelaire). Expl. : Le
trompe les hommes sur la réalité du monde et sur la nature beau est toujours un écart surprenant par rapport à la
de leurs actions. norme, un anticonformisme.
Ce qu’on nomme passion n’est autre chose qu’un En général, dès qu’une chose devient utile, elle cesse
désir irrité par la contradiction (Beaumarchais). d’être belle (Théophile Gautier). Expl. : La beauté d’un
Juger autrui, c’est se juger (Shakespear). Expl. : Tous objet réside le plus souvent dans sa gratuité et son inutilité.
les hommes sont responsables des actes de leurs Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement,
congénères. Faire le procès d’autrui, c’est juger sa propre Et les mots pour le dire arrivent aisément
incapacité et avouer son échec à changer la nature de (Boileau). Expl. : Des idées claires et bien ordonnées
l’homme. produisent toujours des discours limpides.
Un monde gagné pour la technique est perdu pour la Un homme ne comprend pas un livre profond avant
liberté (Bernanos). Expl. : Le développement de la d’avoir vu et vécu au moins une partie de ce qu’il
technique entrave la liberté de l’homme. contient (Ezra Pound).
La véritable science enseigne, par-dessus tout, à Tout vrai langage est incompréhensible (Antonin
douter et à être ignorant (Unamuno). Expl. : La véritable Artaud). Expl. : Notre langage quotidien, parce que trop
science enseigne la précarité de ses propres affirmations et conventionnel et trop étroit, ne peut exprimer de façon
l’ignorance dans laquelle l’homme se trouve être, en exacte et totale une réalité sensible et complexe : seul, un
définitive, des mystères de l’univers. langage poétique, qui ménage des zones d’obscurité, de
Nous ne connaissons a priori des choses que ce que mystère et d’incompréhension, convient à une telle
nous y mettons nous-mêmes (Kant). Expl. : Dans toute entreprise.
connaissance, l’esprit met quelque chose de lui-même. C’est Qui dit homme dit langage, et qui dit langage dit
pourquoi il faut distinguer la connaissance « a priori » de la société (Lévi-Strauss). Expl. : Ce qui distingue l’homme des
forme des choses, de la connaissance « a posteriori » de la autres espèces animales, c’est essentiellement sa capacité à
matière et qui émane de l’objet connu. élaborer et surtout à développer un langage qui soit un
Une expérience scientifique est une expérience qui instrument de communication et d’échanges propre à
« contredit » l’expérience commune (Bachelard). organiser la vie en société.
L’homme est la mesure de toutes choses (Protagoras, La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié
cité par Platon). Expl. : L’homme prend la mesure de (Édouard Herriot). Expl. : On ne doit pas chercher à se
l’univers en le rapportant à lui-même. Il est l’unité de cultiver pour accumuler une masse de connaissances, mais
mesure. pour avoir une formation morale et intellectuelle.
Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, La vraie liberté, c’est de pouvoir toute chose sur soi
L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux (Montaigne). Expl. : La liberté n’est pas à chercher dans
(Lamartine). Expl. : Illustration de la croyance romantique l’établissement de sa puissance sur les autres mais dans la
selon laquelle l’homme vivait avant le péché d’Adam et d’Ève connaissance et la domination de soi.
Agir librement, c’est reprendre possession de soi Les choses extérieures ne dépendent pas de moi; ma
(Bergson). Expl. : La véritable liberté d’action consiste en la volonté dépend de moi. Où chercher le bien et le mal?
connaissance et la maîtrise de soi, seule façon de nous En moi-même, dans ce qui est mien (Épictète).
insérer dans l’histoire des hommes. La patience vient mieux à bout de ses entreprises que
On ne fait pas ce qu’on veut et cependant on est la force et bien des choses, qu’on ne saurait emporter
responsable de ce qu’on est (Sartre). Expl. : L’homme n’est d’un seul coup, cèdent aisément si on les prend l’une
pas maître de son destin mais il est responsable de ses après l’autre (Plutarque).
réactions face aux événements de sa vie. L’homme est ce Ce qui persuade, c’est le caractère de celui qui parle,
qu’il se crée à l’intérieur d’une fatalité. non son langage (Ménandre).
Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces Le bonheur consiste dans les actions parfaitement
(Sartre). Expl. : Pour certains partisans engagés du théâtre conformes à la vertu; et nous entendons par vertu, non
politique de Sartre, la fin (la révolution, le bonheur des pas la vertu relative, mais la vertu absolue; nous
peuples, le socialisme) peut justifier les moyens (mensonge, entendons par vertu relative celle qui se rapporte aux
trahison, assassinat). Cette maxime résume le point de vue choses nécessaires, et par vertu absolue celle qui a
des idéologies totalitaires. pour fin le beau et l’honnête (Aristote).
L’esprit est toujours la dupe du cœur (La L’habitude est une seconde nature (Aristote).
Rochefoucauld). Expl. : L’affectivité et l’amour trouvent Nous ne connaissons pas le vrai si nous ignorons la
toujours une logique fausse et passionnelle pour duper la cause (Aristote).
raison et l’emporter sur elle. Ce n’est pas une illusion que l’amour de nous-
L’intelligence est caractérisée par une mêmes : ce sentiment est tout naturel. L’égoïsme, voilà
incompréhension naturelle de la vie (Bergson). Expl. : le genre d’amour qui est justement décrié, parce qu’il
Contrairement à l’intuition, l’intelligence sèche et aride n’est pas l’amour de soi, mais une passion
n’aide pas l’homme à comprendre les mystères des origines désordonnée de soi, passion funeste qui entraîne (…)
de la vie et de son évolution. tous les hommes vers l’objet de leurs désirs (Aristote).
Je voudrais que l’intelligence fût reprise au démon et Le doute est le commencement de la sagesse (Aristote).
rendue à Dieu (Cocteau). Expl. : Toute l’intelligence de Le bonheur est à ceux qui se suffisent à eux-mêmes
l’homme est aujourd’hui au service du Mal au lieu d’être (Aristote).
dirigée vers le Bien de l’humanité. La première qualité du style, c’est la clarté (Aristote).
Les gens ne sont des héros que quand ils ne peuvent Ceux qui, au sens droit du terme, se mêlent de
pas faire autrement (Claudel). Expl. : L’hérosme n’est pas philosopher s’exercent à mourir (Platon).
une vertu; c’est la seule issue de secours trouvée par des C’est cette force qui maintient en tout temps
gens acculés par les circonstances. l’opinion juste et légitime sur ce qu’il faut craindre et
Est moral ce qui fait qu’on se sent bien et immoral ce ne pas craindre que j’appelle et définit courage (Platon).
qui fait qu’on se sent mal (Hemingway). Expl. : La L’amitié de chacun pour chacun est, je le pense, celle
moralité d’une action peut se juger à la satisfaction que de qui est semblable pour qui lui est semblable (Platon).
l’homme peut ressentir après l’avoir accomplie. Les hommes ne veulent pas ce qu’ils font, mais ce en
Philosopher, c’est apprendre à mourir (Montaigne). vue de quoi ils font ce qu’ils font (Platon).
Expl. : Il faut apprivoiser l’idée de la mort : c’est la seule La vision de l’esprit ne commence d’avoir un coup
façon de tendre vers la sagesse. d’oeuil perçant que lorsque celle des yeux se met à
S’il n’y avait pas la mort, on ne philosopherait guère perdre de son acuité (Platon).
(Schopenhauer). Expl. : Toute l’énergie déployée pour La vraie manière de se faire des amis est de relever
penser le monde n’est en fait que l’effort de l’homme pour et d’estimer les services qu’on reçoit des autres, plus
comprendre cet événement incompréhensible qu’est la mort. qu’ils ne les estiment eux-mêmes; et de rabaisser les
Rien n’est beau que le vrai : le vrai seul est aimable services qu’on leur rend au-dessous du prix qu’ils y
(Boileau). Expl. : Pour Boileau et l’esthétique classique, ce mettent (Platon).
qui est beau et ce qui, dans l’art, correspond à notre La plus grande de toutes les maladies de l’homme est
sentiment du réel. un défaut qu’on apporte en naissant, que tout le
Toutes les grandes vérités commencent par être des monde se pardonne et dont, par conséquent, personne
blasphèmes (George Bernard Shaw). Expl. : Les grandes ne travaille à se défaire : c’est ce qu’on appelle
vérités sont toujours révolutionnaires parce qu’elles l’amour-propre, l’égoïsme (Platon).
bouleversent un ordre et une idéologie établis (ex.: Galilée). Il n’est rien au monde (…) d’aussi utile que l’ordre, ni
La vertu n’irait pas si loin si la vanité ne lui tenait d’aussi beau (Xénophon).
compagnie (La Rochefoucauld). Expl. : Le plus souvent, un L’homme est un être toujours et en tout
homme est vertueux pour pouvoir s’en vanter et en retirer le essentiellement trompeur (Aristophane).
bénéfice des louanges. N’imaginez pas qu’un être humain puisse être très
Si l’on ne pèche pas du tout contre la raison, on différent d’un autre. La vérité, c’est que l’avantage
n’arrive généralement à rien (Einstein). Expl. : Il faut reste à celui qui a été formé à la plus rude école
faire des entorses à la raison parce qu’elle limite l’imaginaire (Thucydide).
et donc le progrès de la science. Connais-toi toi-même
Si on vit assez longtemps, on voit que toute victoire Et tu connaîtras l’univers et les dieux (Socrate).
se change un jour en défaite (Beauvoir). Expl. : La On cherche le bien sans le trouver, et l’on trouve le
vieillesse nous fait apparaître nos luttes passées et mal sans le chercher (Démocrite).
victorieuses comme bien vaines en regard de l’approche de La vie est courte, l’art est long, l’occasion fugace,
la mort et du combat pour la vie que l’on va devoir livrer l’expérience trompeuse, le jugement difficile
contre elle. (Hippocrate).
Les enfants commencent par aimer leurs parents; Dans la vie, des principes rigoureux donnent, dit-on,
quand ils sont grands, ils les jugent; parfois ils leur plus de déceptions que de joies (Euripide).
pardonnent (Oscar Wilde). Expl. : Tout d’abord c’est Le bonheur est égal, soit qu’on le trouve dans une
l’amour aveugle de l’enfant; puis la révolte de l,adolescent; haute fortune ou dans une humble condition (Euripide).
et enfin le pardon de l’adulte qui se rend compte peut-être à La pitié ne naît pas dans l’esprit sans culture, mais
son tour de la difficulté d’être parent. dans celui du sage (Euripide).
Ni la bonne éducation ne fait les grands caractères, C’est une chose précieuse qu’une langue dont la
ni la mauvaise ne les détruit (Fontenelle). discrétion est sûre (Euripide).
L’amour est pour celui qui a mangé et non pour celui Une loi fixe, énoncée par l’éternité, régit le cours de
qui a faim (Euripide). l’univers. Les destins nous conduisent, et tout ce qui
Parle si tu as des mots plus forts que le silence, ou nous reste de vie, l’heure de notre naissance l’a
garde le silence (Euripide). déterminé (Sénèque).
Regarde les maisons les plus hautes, et les arbres La plus grande partie de la vie passe à mal faire,
aussi : sur eux descend la foudre, car le ciel rabaisse une grande partie à ne rien faire, toute la vie à faire
toujours ce qui dépasse la mesure (Euripide). autre chose que ce que l’on devrait (Sénèque).
Le ciel ne permet l’orgueil à personne d’autre que lui Omnis in modo est virtus (‘Toute vertu est fondée sur la
(Euripide). mesure’) (Sénèque).
La divinité aime rabaisser tout ce qui s’élève Sibi servire gravissima servitus est (‘Être asservi à soi-
(Hérodote). même est le plus pénible des esclavages’) (Sénèque).
Une multitude est sans doute plus facile à leurrer Si l’on refuse aisément la flatterie chez un écrivain,
qu’un seul homme (Hérodote). le dénigrement et la rage trouvent oreilles
De tous ceux qu’on tient pour heureux, il n’y en a pas complaisantes : car si l’adulation donne prise au
un qui le soit (Anaxagore). reproche infamant de servitude, la malveillance a une
On se fait une fausse idée du bonheur qu’on n’a point fausse allure de liberté (Tacite).
éprouvé. Rien de pire que le préjugé, rien de préférable Credo quia absurdum (‘Je crois parce que c’est absurde’)
à l’expérience (Théognis). (attribué à S. Augustin).
L’âme du sage est toujours constante : elle lutte avec Crois et tu comprendras : la foi précède,
un courage égal contre le malheur et contre la l’intelligence suit (S. Augustin).
prospérité (Théognis). La mesure de l’amour, c’est d’aimer sans mesure (S.
L’habileté vaut mieux que l’intransigeance (Théognis). Augustin).
Il est bon d’apprendre à être sage à l’école de la Donner des lois à ceux qui s’aiment!
douleur (Eschyle). L’amour n’a d’autre loi que lui (Boèce).
La vraie sagesse est de ne pas sembler sage (Eschyle). [Dieu dit :] Il n’est pas bon que l’homme soit seul : je
Les hommes éveillés n’ont qu’un monde, mais les veux lui faire une aide qui soit semblable à lui (Genèse).
hommes endormis ont chacun leur monde (Héraclite). L’homme laissera son père et sa mère, s’attachera à
Qui dit ce qui lui plaît entend ce qui lui déplaît sa femme et ils deviendront une seule chair (Genèse).
(Alcée). […] vous serez comme des dieux, sachant le bien et le
Rien n’est mieux assoupli que la langue des hommes; mal (Genèse).
on y trouve propos changeants et variés; vaste est le [Dieu dit à l’homme :] À la sueur de ton visage tu
champ des mots dans l’un et dans l’autre sens mangera du pain jusqu’à ton retour au sol, puisque
(Homère). c’est de lui que tu as été pris, car tu es poussière et tu
Il n’est point de superbe ni de cœur si cruel retournera en poussière (Genèse).
que ne puissent fléchir la langue et le malheur La voie des humains n’est pas en leur pouvoir, et il
(Accius). n’est pas donné à l’homme qui marche de diriger ses
Tu prétends que c’est obstination; j’affirme, moi, que pas (Jérémie).
c’est opiniâtreté, et je veux m’y tenir. L’une est Un Éthiopien peut-il changer de peau, un panthère de
compagne du courage; l’autre appartient à l’ignorance pelage? (Jérémie).
(Accius). Comme tu as fait, il te sera fait :
L’habitude est presque une autre nature (Cicéron). tes actes te retomberont sur la tête (Abdias).
La liberté ne consiste pas à avoir un bon maître, Ceux qui sèment dans les larmes moissonneront dans
mais à n’en pas avoir (Cicéron). la joie (Psaumes).
Ainsi, rien ne périt malgré les apparences L’insensé a dit dans son cœur : il n’y a point de Dieu
puisque tout se transforme et que toute naissance (Psaumes).
en ce monde a besoin du secours de la mort (Lucrèce). Je suis sorti nu du sein de ma mère et j’y retournerai
De la source même des plaisirs surgit je ne sais quoi nu. Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté. Que le nom
d’amer du Seigneur soit béni! (Job).
qui jusque dans les fleurs prend à la gorge (Lucrèce). Mieux vaut une portion de légumes avec de l’amour,
En proie à quels dangers et dans quelles ténèbres qu’un bœuf gras avec de la haine (Proverbes).
consumons-nous le peu que nous avons à vivre? Avant la ruine, l’orgueil
Ne l’entendez-vous pas, ce qu’aboie la nature, et avant la chute, l’esprit altier! (Proverbes).
qu’être exempt de douleur suffit à notre corps, C’est ouvrir une digue qu’entamer un procès
de crainte et de souci à l’aise de notre âme? (Lucrèce). (Proverbes).
C’est dans la plus grande fortune qu’on a le moins de Les eaux dérobèes sont douces et savoureux le pain
liberté : elle interdit la partialité, la haine et surtout du mystère (Proverbes).
la colère (Salluste). Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste ; vanité des
On se lasse de tout, sauf de comprendre (Virgile). vanités et tout n’est que vanité (Ecclésiaste).
Virtus est medium vitiorum et utrimque reductum (‘La Malheur à l’homme seul ; car lorsqu’il sera tombé, il
vertu est un moyen terme entre deux vices et à mi-chemin n’aura personne pour le relever (Ecclésiaste).
des deux’) (Horace). Mieux vaut aller à une maison de deuil qu’à une
Les mots ne conserveront pas un éclat et un crédit maison de fête, puisque c’est la fin de tout homme
éternel. Beaucoup renaîtrons, qui ont aujourd’hui (Ecclésiaste).
disparu, beaucoup tomberont, qui sont actuellement en Ne dis pas : «Comment se fait-il que les jours anciens
honneur, si le veut l’usage, ce maître absolu, légitime, ont été meilleurs que ceux-ci?». Ce n’est pas par
régulier de la langue (Horace). sagesse que tu demandes cela (Ecclésiaste).
Verbaque provisam rem non invita sequentur (‘Pour Les vivants, en effet, savent qu’ils mourrons, mais les
une chose bien conçue les mots s’ofriront et couleront d’eux- morts ne savent rien du tout (Ecclésiaste).
mêmes’) (Horace). Ce qui fut, cela sera; ce qui s’est fait se refera; et il
Video meliora proboque, n’y a rien de nouveau sous le soleil (Ecclésiaste).
deteriora sequor. C’est toi, Dieu, qui as créé le souffle sur la langue,
(‘Je vois le bien, je l’approuve et tu as connu les paroles de la langue
et je fais le mal’) (Ovide). et déterminé le fruit des lèvres,
avant que celles-ci ne fussent (Livre des hymnes).
Vous avez appris qu’il a été dit : « Œil pour œil et À la bonne et sincère amour est crainte
dent pour dent », et moi je vous dis de ne point résister perpétuellement annexée (Rabelais).
à celui qui vous traite mal; au contraire, si quelqu’un En cette vie mortelle, rien n’est béat de toutes parts
vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore (Rabelais).
l’autre (Matthieu). Celui qui n’aime est malheureux,
Vous avez appris qu’il a été dit : « Vous aimerez votre Et malheureux est l’amoureux (Ronsard).
prochain et vous haïrez votre ennemi. » Et moi, je vous […] La vertu précieuse
dis : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui De l’homme, quand il vit, est toujours odieuse;
vous haïssent et priez pour ceux qui vous persécutent Mais après le trépas chacun le pense un dieu
et qui vous calomnient. » (Matthieu). (Ronsard).
Lorsque vous faites l’aumône, que votre main gauche Punissez-vous vous-mêmes, afin que la justice
ne sache pas ce que fait votre main droite (Matthieu). De Dieu, qui est plus grand, vos fautes ne punisse
C’est pourquoi ne vous inquiétez point pour le (Ronsard).
lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même : à Celui qui se connaît est seul maître de soi (Ronsard).
chaque jour suffit sa peine (Matthieu). Car l’Amour et la Mort n’est qu’une même chose
Pourquoi voyez-vous une paille dans l’œil de votre (Ronsard).
frère, tandis que vous ne voyez pas une poutre qui est Les paroles sont femelles, et les faits mâles (Gabriel
dans votre œil? (Matthieu). Meurier).
Ne jetez point vos perles devant les pourceaux Courroux de frères, courroux de diables d’enfer
(Matthieu). (Gabriel Meurier).
Demandez et on vous donnera, cherchez et vous Qui tout me donne, tout me nie (Henri Estienne).
trouverez, frappez et on vous ouvrira (Matthieu). La bonne volonté trouve le moyen et l’opportunité
Entrez par la porte étroite, parce que large est la (Jean-Antoine de Baïf).
porte et spacieux le chemin qui mène à la perdition, et Tel m’écoute qui ne m’entend (Jean-Antoine de Baïf).
ils sont nombreux ceux qui s’y engagent; parce Les hommes, dit une sentence grecque ancienne, sont
qu’étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à tourmentés par les opinions qu’ils ont des choses, non
la vie, et ils sont peu nombreux ceux qui le trouvent! par les choses mêmes (Montaigne).
(Matthieu). Les choses ne sont pas si douloureuses ni difficiles
Car celui qui voudra sauver sa vie, la perdra; et celui d’elles-mêmes; mais notre faiblesse et lâcheté les fait
qui perdra sa vie pour l’amour de moi, la retrouvera telles (Montaigne).
(Matthieu). Chacun est bien ou mal selon qu’il s’en trouve […]. Et
Il est plus aisé qu’un chameau passe par le trou en cela seul la croyance se donne essence et vérité
d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre dans le (Montaigne).
royaume des cieux (Matthieu). Ce qui nous fait souffrir avec tant d’impatience la
Ainsi les derniers seront les premiers et les premiers douleur, c’est de n’être pas accoutumés de prendre
seront les derniers; car beaucoup sont appelés, mais notre principal contentement en l’âme (Montaigne).
peu sont élus (Matthieu). Le but de notre carrière, c’est la mort, c’est l’objet
Car quiconque s’élèvera, sera abaissé; et quiconque nécessaire de notre visée : si elle nous effraie, comment
s’abaissera, sera élevé (Matthieu). est-il possible d’aller un pas en avant sans fièvre? Le
Ne jugez pas pour n’être pas jugés; car du jugement remède du vulgaire, c’est de n’y pas penser (Montaigne).
dont vous jugez, on vous jugera, et de la mesure dont C’est (scil. la mort) bien le bout, non pourtant le but
vous mesurez, on usera pour vous (Matthieu). de la vie (Montaigne).
Celui qui n’est pas avec moi est contre moi (Matthieu). La mort est moins à craindre que rien, s’il y avait
Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des quelque chose de moins. Elle ne vous concerne ni mort
Cieux est à eux! (Matthieu). ni vif : vif, parce que vous êtes; mort, parce que vous
Le vent souffle où il veut; tu entends sa voix, mais tu n’êtes plus (Montagne).
ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de Notre religion n’a pas eu de plus assuré fondement
quiconque est né de l’Esprit (Jean). humain que le mépris de la vie (Montaigne).
Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir (Actes Comme notre naissance nous apporta la naissance
des Apotres). de toutes choses, aussi fera la mort de toutes choses,
Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal notre mort (Montaigne).
que je hais (Romains). La vie n’est de soi ni bien ni mal : c’est la place du
Tout m’est permis, mais tout ne profite pas bien et du mal selon que vous la leur faites (Montaigne).
(Corinthiens). Nous troublons la vie par le soin de la mort, et la
La lettre tue, l’esprit vivifie (Corinthiens). mort par le soin de la vie (Montaigne).
Or, tout est pur pour ceux qui sont purs; et rien n’est De vrai, le soin et la dépense de nos pères ne visent
pur pour ceux qui sont impurs et infidèles (Tite). qu’à nous meubler la tête de science; du jugement et de
Nature n’endure mutations soudaines sans grande la vertu, peu de nouvelles (Montaigne).
violence (Rabelais). Nous sommes chacun plus riche que nous ne pensons;
Oignez vilain, il vous poindra; poignez vilain, il vous mais on nous dresse à l’emprunt et à la quête; on nous
oindra (Rabelais). forme à nous servir plus de l’autrui que du nôtre
Thésauriser est fait de vilain (Rabelais). (Montaigne).
Parce que, selon le sage Salomon, sapience n’entre Quand bien nous pourrions être savants du savoir
point en âme malivole (i. e. malveillante), et science sans d’autrui, au moins sages ne pouvons-nous être que de
conscience n’est que ruine de l’âme, il te convient notre propre sagesse (Montaigne).
servir, aimer et craindre Dieu et en lui mettre toutes Je voudrais qu’on fût soigneux de lui choisir un
tes pensées et tout ton espoir, et par foi formée de conducteur (i.e. précepteur) qui eût plutôt la tête bien
charité, être à lui adjoint, en sorte que jamais n’en sois faite que bien pleine et qu’on y requît tous les deux,
désemparé (i.e. séparé) par péché (Rabelais). mais plutôt les mœurs et l’entendement que la science
Chacun abonde en son sens (Rabelais). (Montaigne).
Signes […], en amour, sont incomparablement plus Savoir par cœur n’est pas savoir : c’est tenir ce qu’on
attractifs, efficaces et valables que paroles (Rabelais). a donné en garde à sa mémoire (Montaigne).
Donner paroles [est] acte des amoureux (Rabelais). La plus constante marque de la sagesse, c’est une
constante réjouissance (Montaigne).
L’éloquence fait injure aux choses, qui nous détourne Il ne faut pas juger ce qui est possible et ce qui ne
à soi. Comme aux accoutrements c’est pusillanimité de l’est pas selon ce qui est croyable et incroyable à notre
se vouloir marquer par quelque façon singulière et sens (Montaigne).
inusitée : de même, au langage, la recherche des Le vice laisse, comme un ulcère en la chair, une
phrases nouvelles et de mots peu connus vient d’une repentance en l’âme, qui toujours s’égratigne et
ambition puérile et pédantesque. Puissé-je ne me servir s’ensanglante d’elle-même (Montaigne).
que de ceux qui servent aux Halles à Paris! (Montaigne). Les autres s’étudient à élancer et guinder leur esprit;
C’est une religieuse liaison et dévote que le mariage; moi, à le coucher (Montaigne).
voilà pourquoi le plaisir qu’on en tire, ce doit être un Nous pensons toujours ailleurs; l’espérance d’une
plaisir retenu, sérieux et mêlé à quelque sévérité… meilleure vie nous arrête et appuie, ou l’espérance de
(Montaigne). la valeur de nos enfants, ou la gloire future de notre
En toutes choses, sauf simplement aux mauvaises, la nom, ou la fuite des maux de cette vie, ou la vengeance
mutation est à craindre (Montaigne). qui menace ceux qui nous causent la mort (Montaigne).
L’étrangeté de notre condition porte (i.e. comporte) Toujours, la variation soulage, dissout et dissipe
que nous sommes souvent par le vice même poussés à (Montaigne).
bien faire, si le bien faire ne se jugeait par la seule Un bon mariage, s’il en est, refuse la compagnie et
intention. Par quoi un fait courageux ne doit pas conditions de l’amour. Il tâche à représenter celles de
conclure un homme vaillant (Montaigne). l’amitié (Montaigne).
Se trouve autant de différence de nous à nous-mêmes Le mariage a pour sa part l’utilité, la justice,
que de nous à autrui (Montaigne). l’honneur et la constance : un plaisir plat, mais plus
Je ne cherche aux livres qu’à m’y donner du plaisir universel (Montaigne).
par un honnête amusement; ou si j’étudie, je n’y Ceux qui veulent combattre l’usage par la grammaire
cherche que la science qui traite de la connaissance de se moquent (Montaigne).
moi-même, et qui m’instruise à bien mourir et à bien L’amour est une agitation éveillée, vive et gaie… Elle
vivre (Montaigne). n’est nuisible qu’aux fols (Montaigne).
Je dis librement mon avis de toutes choses […]. Ce Il est impossible de traiter de bonne foi avec un sot
que j’en opine, c’est aussi pour déclarer la mesure de (Montaigne).
ma vue, non la mesure des choses (Montaigne). Tout homme peut dire véritablement; mais dire
Quand on juge d’une action particulière, il faut ordonnément, prudemment et suffisamment, peu
considérer plusieurs circonstances et l’homme tout d’hommes le peuvent (Montaigne).
entier qui l’a produite, avant de la baptiser (Montaigne). Le bonheur m’est un singulier aiguillon à la
Il nous faut abêtir pour nous assagir, et nous éblouir modération et modestie (Montaigne).
pour nous guider (Montagne). Mon opinion est qu’il se faut prêter à autrui et ne se
Tant qu’il pensera avoir quelque moyen et quelque donner qu’à soi-même (Montaigne).
force de soi, jamais l’homme ne reconnaîtra ce qu’il Les plus belles vies sont à mon gré celles qui se
doit à son maître (Montaigne). rangent au modèle commun, sans merveille (Montaigne).
C’est aux Chrétiens une occasion de croire, que de On prend les bœufs par les cornes et les hommes par
rencontrer une chose incroyable (Montaigne). les paroles (Antoine Loisel).
Rien ne semble vrai, qui ne puisse sembler faux Il y a plus de fous acheteurs que de fous vendeurs
(Montaigne). (Antoine Loisel).
La vérité et le mensonge ont leurs visages conformes, Ami au prêter, ennemi au rendre (Antoine Loisel).
le port, le goût et les allures pareilles; nous les La volonté est réputée pour le fait (Antoine Loisel).
regardons de même œil (Montaigne). Entre les exercices des vertus, nous devons préférer
Toutes choses produites par notre propre discours et celui qui est plus conforme à notre devoir, et non pas
suffisance, autant vraies que fausses, sont sujettes à celui qui est le plus conforme à notre goût (S. François
incertitude et débat (Montaigne). de Sales).
Maintes fois […], ayant pris pour exercice et pour Le vrai patient et serviteur de Dieu supporte
ébat à maintenir une contraire opinion à la mienne, également les tribulations conjointes à l’ignominie et
mon esprit […] m’y attache si bien que je ne trouve plus celles qui sont honorables (S. François de Sales).
la raison de mon premier avis, et m’en départis. Où je Penser savoir ce qu’on ne sait pas, c’est une sottise
penche, comment que ce soit, et m’emporte de mon expresse; vouloir faire le savant de ce qu’on connaît
poids (Montaigne). bien que l’on ne sait pas, c’est une vanité
Les terres fertiles font les esprits infertiles insupportable : pour moi, je ne voudrais même pas
(Montaigne). faire le savant de ce que je saurais, comme au
Notre parler a ses faiblesses et ses défauts, comme contraire je n’en voudrais non plus faire l’ignorant (S.
tout le reste. La plupart des occasions des troubles du François de Sales).
monde sont grammairiennes (Montaigne). Je ne voudrais ni faire du fol ni faire du sage : car si
La plus subtile folie se fait de la plus subtile sagesse l’humilité m’empêche de faire le sage, la simplicité et
(Montaigne). rondeur m’empêcheront aussi de faire le fol (S. François
Il est impossible de faire concevoir à un homme de Sales).
naturellement aveugle qu’il ne voit pas (Montaigne). Les scrupules sont fils de l’orgueil le plus fin (S.
Nous veillons dormant, et veillant dormons François de Sales).
(Montaigne). En amour l’innocence est un savant mystère,
Les moins éclatantes occasions sont les plus Pourvu que ce ne soit une innocence austère…
dangereuses (Montaigne). (Mathurin Régnier).
Ne pouvant régler les événements, je me règle moi- L’on ne croit point un homme pour être bien savant,
même (Montaigne). mais parce que nous l’estimons bon et l’aimons. Le
Aux événements, je me porte virilement; en la diable est très savant et nous ne croyons pourtant rien
conduite, puérilement (Montaigne). de ce qu’il dit, parce que nous ne l’aimons pas (S.
Le premier trait de la corruption des mœurs, c’est le Vincent de Paul).
bannissement de la vérité. […] Notre vérité de Il faut tenir pour maxime indubitable que les
maintenant, ce n’est pas ce qui est, mais ce qui se difficultés que nous avons avec notre prochain
persuade à autrui (Montaigne). viennent plutôt de nos humeurs mal mortifiées que
d’autre chose (S. Vincent de Paul).
Dieu nous a aimés sans être attaché à nous. Il faut rectiligne la grandeur de ses trois angles égaux à deux
de même aimer ceux que nous aimons sans être droits, ou bien de l’idée d’une montagne l’idée d’une
attachés à eux (abbé de Saint-Cyran). vallée (Descartes).
Les choses visibles me sont comme invisibles, et les […] C’est faire tort aux vérités qui dépendent de la
invisibles comme visibles; et les unes et les autres me foi, et qui ne peuvent être prouvées par démonstration
servent en cette manière comme de défense contre la naturelle, que de les vouloir affermir par des raisons
tentation de tous les biens et de tous les maux de ce humaines, et probables seulement (Descartes).
monde (abbé de Saint-Cyran). On méprise un homme qui est jaloux de sa femme,
Il y a sans doute deux sortes d’usages, un bon et un parce que c’est un témoignage qu’il ne l’aime pas de la
mauvais. Le mauvais se forme au plus grand nombre bonne sorte, et qu’il a mauvaise opinion de soi ou d’elle
de personnes, qui presque en toutes choses n’est pas le (Descartes).
meilleur, et le bon au contraire est composé non pas de Il n’y a point de conversation plus ennuyeuse que
la pluralité, mais de l’élite des voix, et c’est celle d’un amant qui n’a rien à désirer, ni rien à se
véritablement celui que l’on nomme le maître des plaindre (Madame de Scudéry).
langues, celui qu’il faut suivre pour bien parler, et L’amour ne s’amuse pas à délibérer sur les choses
pour bien écrire en toutes sortes de style (Vaugelas). qui le doivent satisfaire (Madame de Scudéry).
Les plus grandes âmes sont capables des plus grands C’est un grand malheur de se faire aimer, avant
vices aussi bien que des plus grandes vertus (Descartes). qu’on ait assez de raison pour se faire craindre
La pluralité des voix n’est pas une preuve qui vaille (Madame de Scudéry).
rien pour les vérités un peu malaisées à découvrir… L’amour est un capricieux qui s’apaise quelquefois
(Descartes). de peu de chose, et qui, dans le même temps qu’il
Le premier [précepte de la méthode] était de ne désire tout, se contente presque de rien (Madame de
recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la Scudéry).
connusse évidemment être telle… Le second, de diviser Pour que la galanterie produise de belles choses, il
chacune des difficultés que j’examinerait en autant de faut que celui qui la fait, aime seulement pour aimer,
parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les sans songer d’abord s’il épousera ou s’il n’épousera
mieux résoudre. Le troisième, de conduire par ordre pas (Madame de Scudéry).
mes pensées, en commençant par les objets les plus L’amitié peut être muette, et le doit être presque
simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu toujours. L’amour au contraire doit être éloquent […] et
à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance l’on ne peut jamais trop dire qu’on aime (Madame de
des plus composés. Et le dernier, de faire partout des Scudéry).
dénombrements si entiers, et des revues si générales, On peut passer en peu de temps de l’amour à la
que je fusse assuré de ne rien omettre (Descartes). haine; on peut même quelquefois aller de l’amour à
La raison ne nous dicte point que ce que nous voyons l’indifférence, et on peut encore passer de l’amitié à
ou imaginons ainsi soit véritable, mais elle nous dicte l’amour; mais de l’amour à l’amitié, c’est ce qu’il n’est
bien que toutes nos idées ou notions doivent avoir pas aisé de comprendre (Madame de Scudéry).
quelque fondement de vérité; car il ne serait pas Parmi les femmes, la beauté fait excuser beaucoup de
possible que Dieu, qui est tout parfait et tout véritable, défauts; mais parmi les hommes, elle redouble les
les eût mises en nous sans cela (Descartes). mauvaises qualités (Madame de Scudéry).
[…] Je dois examiner s’il y a un Dieu, sitôt que Quand on fait ce qu’on peut, on fait ce qu’on doit
l’occasion s’en présentera; et si je trouve qu’il y en ait (Madame de Scudéry).
un, je dois aussi examiner s’il peut être trompeur: car Il faut de plus grandes vertus pour soutenir la bonne
sans la connaissance de ces deux vérités, je ne vois pas fortune que la mauvaise (La Rochefoucauld).
que je puisse jamais être certain d’aucune chose Le mal que nous faisons ne nous attire pas tant de
(Descartes). persécution et de haine que nos bonnes qualités (La
De plus, [l’idée] par laquelle je conçois un Dieu Rochefoucauld).
souverain, éternel, infini, immuable, tout connaissant, Si nous n’avions point de défauts, nous ne
tout-puissant, et Créateur universel de toutes les prendrions pas tant de plaisir à en remarquer dans les
choses qui sont hors de lui; celle-là, dis-je, a autres (La Rochefoucauld).
certainement en soi plus de réalité objective, que celles Si nous n’avions point d’orgueil, nous ne nous
par qui les substances finies me sont représentées plaindrions pas de celui des autres (La Rochefoucauld).
(Descartes). Nous promettons selon nos espérances, et nous
[…] Il faut nécessairement conclure […] que Dieu tenons selon nos craintes (La Rochefoucauld).
existe; car, encore que l’idée de la substance soit en Ceux qui s’appliquent trop aux petites choses
moi, de cela même que je suis une substance, je deviennent ordinairement incapables des grandes (La
n’aurais pas néanmoins l’idée d’une substance infinie, Rochefoucauld).
moi qui suis un être fini, si elle n’avait été mise en moi La vérité ne fait pas tant de bien dans le monde que
par quelque substance qui fût véritablement infinie ses apparences y font du mal (La Rochefoucauld).
(Descartes). Il n’y a point de déguisement qui puisse longtemps
[…] Puisque je suis une chose qui pense, et qui ai en cacher l’amour où il est, ni le feindre où il n’est pas (La
moi quelque idée de Dieu […] il faut nécessairement Rochefoucauld).
avouer qu’elle doit pareillement être une chose qui Si on juge de l’amour par la plupart de ses effets, il
pense, et posséder en soi l’idée de toutes les ressemble plus à la haine qu’à l’amitié (La
perfections que j’attribue à la nature divine (Descartes). Rochefoucauld).
[…] De cela seul que j’existe, et que l’idée d’un être Chacun dit du bien de son cœur, et personne n’en ose
souverainement parfait (c’est-à-dire de Dieu) est en moi, dire de son esprit (La Rochefoucauld).
l’existence de Dieu est très évidemment démontrée On aime mieux dire du mal de soi-même que de n’en
(Descartes). point parler (La Rochefoucauld).
[…] L’existence de Dieu doit passer en mon esprit au L’esprit est toujours la dupe du cœur (La
moins pour aussi certaine, que j’ai estimé jusques ici Rochefoucauld).
toutes les vérités des mathématiques, qui ne regardent La faiblesse est le seul défaut qu’on ne saurait
que les nombres et les figures…(Descartes). corriger (La Rochefoucauld).
[…] L’existence ne peut non plus être séparée de On est quelquefois aussi différent de soi-même que
l’essence de Dieu, que de l’essence d’un triangle des autres (La Rochefoucauld).
On parle peu quand la vanité ne fait pas parler (La Le bon goût vient plus du jugement que de l’esprit (La
Rochefoucauld). Rochefoucauld).
On ne loue d’ordinaire que pour être loué (La On est quelquefois un sot avec de l’esprit, mais on ne
Rochefoucauld). l’ai jamais avec du jugement (La Rochefoucauld).
Peu de gens sont assez sages pour préférer le blâme Il n’y a point de sots si incommodes que ceux qui ont
qui leur est utile à la louange qui les trahit (La de l’esprit (La Rochefoucauld).
Rochefoucauld). Il y a des gens si remplis d’eux-mêmes que, lorsqu’ils
Les vices entrent dans la composition des vertus sont amoureux, ils trouvent moyen d’être occupés de
comme les poisons entrent dans la composition des leur passion sans l’être de la personne qu’ils aiment (La
remèdes. La prudence les assemble et les tempère, et Rochefoucauld).
elle s’en sert utilement contre les maux de la vie (La Dans les premières passions les femmes aiment
Rochefoucauld). l’amant, et dans les autres elles aiment l’amour (La
La vertu n’irait pas si loin si la vanité ne lui tenait Rochefoucauld).
compagnie (La Rochefoucauld). De toutes les passions violentes, celle qui sied le
Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit (La moins mal aux femmes, c’est l’amour (La
Rochefoucauld). Rochefoucauld).
S’il y a des hommes dont le ridicule n’est jamais Quelque rare que soit le véritable amour, il l’est
paru, c’est qu’on ne l’a pas bien cherché (La encore moins que la véritable amitié (La Rochefoucauld).
Rochefoucauld). Un véritable ami est le plus grand de tous les biens et
L’amour de la gloire, la crainte de la honte, le celui de tous qu’on songe le moins à acquérir (La
dessein de faire fortune, le désir de rendre notre vie Rochefoucauld).
plus commode et agréable, et l’envie d’abaisser les Dans l’adversité de nos meilleurs amis, nous
autres, sont souvent les causes de cette valeur si trouvons toujours quelque chose qui ne nous déplaît
célèbre parmi les hommes (La Rochefoucauld). pas (La Rochefoucauld).
La parfaite valeur est de faire sans témoins ce qu’on N’aimer guère en amour est un moyen assuré pour
serait capable de faire devant tout le monde (La être aimé (La Rochefoucauld).
Rochefoucauld). Il n’y a rien qui soit si sujet à l’illusion que la piété.
C’est une grande habileté que de savoir cacher son Toutes sortes d’erreurs se glissent et se cachent sous
habileté (La Rochefoucauld). son voile; elle consacre toutes sortes d’imaginations; et
L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la la meilleure intention ne suffit pas pour y faire éviter
vertu (La Rochefoucauld). les travers (Cardinal de Retz).
Il n’est pas si dangereux de faire du mal à la plupart La vraie éloquence se moque de l’éloquence, la vraie
des hommes que de leur faire trop de bien (La morale se moque de la morale; c’est-à-dire que la
Rochefoucauld). morale du jugement se moque de la morale de l’esprit –
C’est une grande folie de vouloir être sage tout seul qui est sans règles (Pascal).
(La Rochefoucauld). On se persuade mieux, pour l’ordinaire, par les
La magnanimité méprise tout pour avoir tout (La raisons qu’on a soi-même trouvées, que par celles qui
Rochefoucauld). sont venues dans l’esprit des autres (Pascal).
Ce qu’on nomme libéralité n’est le plus souvent que Les mots diversement rangées font un divers sens et
la vanité de donner, que nous aimons mieux que ce que les sens diversement rangés font différents effets
nous donnons (La Rochefoucauld). (Pascal).
Il y a des méchants qui seraient moins dangereux Car il est bien plus beau de savoir quelque chose de
s’ils n’avaient aucune bonté (La Rochefoucauld). tout que de savoir tout d’une chose; cette universalité
Ce qui fait que les amants et les maîtresses ne est la plus belle (Pascal).
s’ennuient point d’être ensemble, c’est qu’ils parlent Cf. : Je vois, mieux que tout autre, que ce ne sont ici
toujours d’eux-mêmes (La Rochefoucauld). que des rêveries d’homme qui n’a goûté des sciences
On trouve des moyens pour guérir de la folie, mais on que la croûte première, en son enfance, et n’en a
n’en trouve point pour redresser un esprit de travers retenu qu’un général et informe visage : un peu de
(La Rochefoucauld). chaque chose et rien du tout, à la française (Montaigne,
Il y a dans la jalousie plus d’amour-propre que Les Essais).
d’amour (La Rochefoucauld). […] Souvent la multiplication des démonstrations et
L’envie est plus irréconciliable que la haine (La des paroles dissipe quelque chose de la joie qu’elles
Rochefoucauld). forment dans le cœur et trouble l’action de grâce que
Les femmes n’ont point de sévérité complète sans l’on doit rendre à Dieu avant toutes choses, afin de lui
aversion (La Rochefoucauld). consacrer les prémices d’une si heureuse moisson
L’esprit de la plupart des femmes sert plus à fortifier qu’on n’a recueillie qu’après tant de larmes (mère
leur folie que leur raison (La Rochefoucauld). Angélique de Saint-Jean).
La jalousie naît toujours avec l’amour, mais elle ne […] La charité fait peu de discernement des mérites
meurt pas toujours avec lui (La Rochefoucauld). de ce qu’elle aime pourvu qu’elle le voie dans l’ordre de
On donne des conseils mais on n’inspire point de Dieu qui l’a engagée à l’aimer pour lui (mère Angélique
conduite (La Rochefoucauld). de Saint-Jean).
Ce qui nous rend la vanité des autres insupportable, Qu’un homme ait une idée fausse ou véritable, claire
c’est qu’elle blesse la nôtre (La Rochefoucauld). ou obscure de la pesanteur, des qualités sensibles et
Un honnête homme peut être amoureux comme un des actions des sens, il n’en est ni plus heureux, ni
fou, mais non pas comme un sot (La Rochefoucauld). plus malheureux; s’il en est un peu plus ou moins
En amour celui qui est guéri le premier est toujours savant, il n’en est ni plus homme de bien, ni plus
le mieux guéri (La Rochefoucauld). méchant (Pierre Nicole).
La plus véritable marque d’être né avec de grandes [L’homme] s’est formé une infinité d’idées fausses et
qualités, c’est d’être né sans envie (La Rochefoucauld). obscures, en se représentant tous les objets de son
Nous ne désirerions guère de choses, si nous amour, comme étant capables de le rendre heureux, et
connaissions parfaitement ce que nous désirons (La ceux qui l’en privent, comme le rendant misérable
Rochefoucauld). (Pierre Nicole).
Nous essayons de nous faire honneur des défauts que La plupart des erreurs des hommes viennent bien
nous ne voulons pas corriger (La Rochefoucauld). plus de ce qu’ils raisonnent sur de faux principes, que
non pas de ce qu’ils raisonnent mal suivant leurs si elle s’engage plus avant, sa subtilité la confond
principes (Pierre Nicole). (Bossuet).
Feu M. Pascal, qui savait autant de véritable […] Étrangère que rien n’attache, que rien ne
Rhétorique, que personne en ait jamais su […] avait contente, qui regarde tout en passant sans vouloir
accoutumé de dire […] que la piété chrétienne anéantit jamais s’arrêter : heureuse néanmoins dans cet état,
le moi humain, et que la civilité humaine le cache ou le tant à cause des consolations qu’elle reçoit durant le
supprime (Pierre Nicole). voyage, qu’à cause du glorieux et immuable repos qui
[…] Il est avantageux de faire sentir quelquefois à son sera la fin de la course. Voilà l’image de l’Église
esprit sa propre faiblesse… (Pierre Nicole). pendant qu’elle voyage sur la terre (Bossuet).
C’est encore un effet de la faiblesse des hommes […] Une épouse de Jésus-Christ ne lui apporte pour dot
que la vérité les trompe aussi bien que l’erreur (Pierre que son néant (Bossuet).
Nicole). Il n’y a point de plus juste sujet de pleurer, que de
On peut désirer par amour-propre d’être délivré de sentir qu’on a engagé à la créature un cœur que Dieu
l’amour-propre, comme l’on peut souhaiter l’humilité veut avoir (Bossuet).
par l’orgueil (Pierre Nicole). Quiconque connaîtra l’homme verra que c’est un
La recherche de l’amour des autres est injuste, ouvrage de grand dessein, qui ne pouvait être conçu ni
puisqu’elle est fondée sur ce que nous nous jugeons exécuté que par une sagesse profonde (Bossuet).
nous-mêmes aimables, et qu’il est faux que nous le Qu’il y ait un seul moment où rien ne soit,
soyons (Pierre Nicole). éternellement rien ne sera. Ainsi, le néant sera à
[…] Passer de l’appauvrissement à la pauvreté, jamais toute vérité, et rien ne sera vrai que le néant :
comme on va de l’humiliation à l’humilité (Jacqueline chose absurde et contradictoire (Bossuet).
Pascal). Malheur à la connaissance stérile, qui ne se tourne
J’ai éprouvé la première que la santé dépend plus de point à aimer, et se trahit elle-même! (Bossuet).
Jésus-Christ que d’Hippocrate, et que le régime de Le soleil jette d’un seul coup, sans se retenir, tout ce
l’âme guérit le corps, si ce n’est que Dieu veut nous qu’il a de rayons; mais Dieu, qui agit par intelligence
éprouver et nous fortifier par nos infirmités (Jacqueline et avec une souveraine liberté, applique sa vertu où il
Pascal). lui plaît, et autant qu’il lui plaît (Bossuet).
Il n’est pas dit : si quelqu’un veut venir après moi, Ne parlons plus de hasard ni de fortune, ou parlons-
qu’il fasse des ouvrages bien pénibles et qui en seulement comme d’un nom dont nous couvrons
demandent de grandes forces, mais qu’il renonce à soi- notre ignorance (Bossuet).
même; un malade le peut peut-être mieux qu’un homme Ce qui est hasard à l’égard de nos conseils incertains
bien sain (Jacqueline Pascal). est un dessein concerté dans un conseil plus haut,
Rien n’est plus capable d’ôter tous les bons c’est-à-dire dans ce conseil éternel qui renferme toutes
sentiments, que de marquer de la défiance; il suffit les causes et tous les effets dans un même ordre
souvent d’être soupçonné comme ennemi, pour le (Bossuet).
devenir : la dépense en est toute faite, on n’a plus rien La représentation des passions agréables porte
à ménager. […] Comme on ne connaît d’abord les naturellement au péché, puisqu’elle flatte et nourrit de
hommes que par les paroles, il faut les croire jusqu’à dessein prémédité la concupiscence qui en est le
ce que les actions les détruisent (marquise de Sévigné). principe (Bossuet).
Les mauvais succès sont les seuls maîtres qui S’il faut pour nous émouvoir des spectacles, du sang
peuvent nous reprendre utilement, et nous arracher cet répandu, de l’amour, que peut-on voir de plus beau ni
aveu d’avoir failli, qui coûte tant à notre orgueil de plus touchant que la mort sanglante de Jésus-Christ
(Bossuet). et de ses martyrs? (Bossuet).
Tout est vain en nous, excepté le sincère aveu que La sagesse humaine apprend beaucoup, si elle
nous faisons devant Dieu de nos vanités, et le jugement apprend à se taire (Bossuet).
arrêté qui nous fait mépriser tout ce que nous sommes Il n’y a jamais rien à ajouter à la Religion, parce que
(Bossuet). c’est un ouvrage divin qui a d’abord la perfection
Voilà, dit le grand saint Ambroise, la merveille de la (Bossuet).
mort dans les chrétiens : elle ne finit pas leur vie; elle Le propre de l’hérétique, c’est-à-dire de celui qui a
ne finit que leurs péchés (Bossuet). une opinion particulière, est de s’attacher à ses
Que je méprise ces philosophes, qui, mesurant les propres pensées (Bossuet).
conseils de Dieu à leurs pensées, ne le font auteur que […] Les hérésies n’ont jamais été que des opinions
d’un certain ordre général d’où le reste se développe particulières, puisqu’elles ont commencé par cinq ou
comme il peut! (Bossuet). six hommes (Bossuet).
La mortification est un essai, un apprentissage, un Celui qui compte Dieu pour rien, ajoute à son néant
commencement de la mort (Bossuet). naturel celui de son injustice et de son égarement
La piété est le tout de l’homme (Bossuet). (Bossuet).
Les mœurs sont plus dissemblables que les visages; Les contraires se connaissent l’un par l’autre :
chacun veut être fol à sa fantaisie (Bossuet). l’injustice de l’amour-propre se connaît par la justice
Regardez les choses humaines dans leur propre de la charité (Bossuet).
suite, tout y est confus et mêlé; mais regardez-les par Où il n’y a point de maître, tout le monde est maître;
rapport au jugement dernier et universel : vous y verrez où tout le monde est maître, tout le monde est esclave
reluire un ordre admirable (Bossuet). (Bossuet).
O mort, nous te rendons grâce des lumières que tu C’est la plus grande de toutes les faiblesses que de
répand sur notre ignorance : toi seule nous convainc de craindre trop de paraître faible (Bossuet).
notre bassesse, toi seule nous fait connaître notre Le temps découvre les secrets; le temps fait naître les
dignité (Bossuet). occasions; le temps confirme les bons conseils (Bossuet).
À ne regarder qu’à l’extérieur, je parle, et vous Je vois […] qu’on se trompe, quand on cherche dans
m’écoutez; mais au-dedans, dans le fond du cœur, et la matière un certain bien qui détermine Dieu à
vous et moi écoutons la vérité qui nous parle et qui l’arranger, ou à la mouvoir en un sens plutôt qu’en un
nous enseigne (Bossuet). autre. Car le bien de Dieu, c’est lui-même; et tout le
[…] Notre raison incertaine ne sait à quoi s’attacher, bien qui est hors de lui, vient de lui seul… (Bossuet).
ni à quoi se prendre parmi ces ombres. Si elle se Le premier libre, c’est Dieu […] Tous les êtres libres
contente de suivre ses sens, elle n’aperçoit que l’écorce, qu’il fait, pouvant n’être pas, sont capables de faillir,
parce qu’étant sortis du néant, ils peuvent ainsi […] On persuade aisément une vérité agréable…
s’éloigner de la perfection de leur être (Bossuet). (Madame de la Fayette).
Quand [Dieu] nous aurait caché le moyen dont il se On n’est malheureux que par sa faute (Madame de
sert pour conduire notre liberté, s’ensuivrait-il qu’on Maintenon).
dût pour cela ou nier qu’il la conduise, ou dire qu’il la Mais souvent un esprit qui se flatte et qui s’aime
détruit en la conduisant? […] Faut-il s’étonner que ce Méconnaît son génie, et s’ignore soi-même (Boileau).
premier Être se réserve, et dans sa nature et dans sa Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
conduite, des secrets qu’il ne veuille pas nous Et les mots pour le dire arrivent aisément (Boileau).
communiquer? (Bossuet). Sans la langue, en un mot, l’auteur le plus divin
On ne peut se rendre maître des choses en les Est toujours, quoi qu’il fasse, un méchant écrivain
possédant toutes; il faut s’en rendre le maître en les (Boileau).
méprisant toutes (Bossuet). Le latin, dans les mots, brave l’honnêteté :
Au grand courage rien n’est grand : de là il dédaigne Mais le lecteur français veut être respecté (Boileau).
tout ce qu’il a (Bossuet). Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable
Nous nous plaignons de notre ignorance, mais c’est (Boileau).
elle qui fait presque tout le bien du monde : ne prévoir Tel excelle à rimer qui juge sottement (Boileau).
pas, fait que nous nous engageons (Bossuet). Il n’est pas au pouvoir de notre volonté de ne pas
Souvenez-vous de ces deux maximes, qui sont d’une souhaiter d’être heureux (Malebranche).
éternelle vérité, et sur lesquelles doit rouler toute votre On ne doit jamais aimer absolument un bien, si l’on
conduite : l’une, que le chemin du ciel est étroit, et peut sans remords ne le point aimer (Malebranche).
l’autre, qu’un chemin étroit ne peut jamais avoir de Nos sens ne sont pas si corrompus qu’on s’imagine,
proportion avec une conscience large (Bossuet). mais c’est le plus intérieur de notre âme, c’est notre
C’est le propre de Dieu de renfermer dans l’unité de liberté qui est corrompue (Malebranche).
son être la multiplicité de tous les êtres; et c’est le Ceux qui se sont appliqués avec plus d’ardeur à la
propre de la charité divine de réduire à l’unité d’un lecture des livres et à la recherche de la vérité sont
seul précepte tous les préceptes […] qui sont compris ceux-là mêmes qui nous ont jetés dans un plus grand
dans la loi de Dieu (Bourdaloue). nombre d’erreurs (Malebranche).
[…] Ce jour présent est le seul point de l’éternité En matière de philosophie, on doit […] aimer la
auquel vous ayez droit (Bourdaloue). nouveauté, par la même raison qu’il faut toujours
Crains, malheureux, et défie-toi de ton espérance aimer la vérité, qu’il faut la rechercher […]
même (Bourdaloue). (Malebranche).
Nous voulons nous convertir quand nous serons Lorsque l’erreur porte les livrées de la vérité, elle est
rebutés du monde, ou plutôt quand le monde sera souvent plus respectée que la vérité même…
rebuté de nous (Bourdaloue). (Malebranche).
Aimons la vérité qui nous reprend, et défions-nous de Les hommes reconnaissent pour fous ceux qui
celle qui nous flatte (Bourdaloue). s’imaginent être devenus coqs ou rois, parce que tous
Défendons-nous plutôt ce qui nous est permis, que de les hommes ont raison de ne pas croire qu’on puisse si
nous mettre en danger de nous permettre ce qui nous facilement devenir coq ou roi. Mais ce n’est pas
est défendu (Bourdaloue). aujourd’hui que les hommes croient pouvoir devenir
Il est de la foi que nous ne serons jamais damnés que comme des dieux; ils l’ont cru de tout temps et peut-
pour n’avoir pas voulu notre salut, et que pour ne être plus qu’ils ne le croient aujourd’hui (Malebranche).
l’avoir pas voulu de la manière dont nous pouvions le […] Le vide des créatures ne pouvant remplir la
vouloir (Bourdaloue). capacité infinie du cœur de l’homme, ces petits
Une heure de prospérité fait oublier une amitié de plaisirs, au lieu d’éteindre la soif, ne font que l’irriter
vingt années (Bourdaloue). et donner à l’âme une vaine et sotte espérance de se
C’est une grande chose que d’être fidèle dans les satisfaire dans la multiplicité des plaisirs de la terre…
petites choses, c’est enfin par les petites choses que les (Malebranche).
grandes se maintiennent (Bourdaloue). La vue de l’esprit toute seule ne nous fait jamais
Il n’est rien de plus précieux que le temps, puisque résister, comme nous le devons, aux efforts de la
c’est le prix de l’éternité (Bourdaloue). concupiscence; il faut, outre cette vue, un certain
L’amour fit en lui ce qu’il fait en tous les autres : il sentiment du cœur (Malebranche).
lui donna l’envie de parler […] (Madame de la Fayette). Dieu agit toujours selon les voies les plus simples
L’on est bien faible quand on est amoureux (Madame (Malebranche).
de la Fayette). La preuve de l’existence de Dieu la plus belle, la plus
Vous ne connaissez point l’amour, si cette seule relevée, la plus solide et la première, ou celle qui
pensée ne vous empêche d’être malheureux; et vous suppose le moins de choses, c’est l’idée que nous avons
vous aimez vous-même plus que votre maîtresse, si vous de l’infini. Car il est constant que l’esprit aperçoit
aimez mieux avoir sujet de vous plaindre d’elle que de l’infini, quoiqu’il ne le comprenne pas… (Malebranche).
vous (Madame de la Fayette). La beauté de l’univers ne consiste pas dans
[…] La jalousie seule m’a fait sentir que j’étais l’incorruptibilité de ses parties, mais dans la variété
amoureux (Madame de la Fayette). qui s’y trouve; et ce grand ouvrage du monde ne serait
On est jaloux sans sujet quand on est bien amoureux pas si admirable, sans cette vicissitude de choses que
(Madame de la Fayette). l’on y remarque (Malebranche).
[…] Encore que je croie qu’on ne puisse être touché Il faut dire les choses comme elles sont : le plaisir est
sans être surpris, je ne crois pas qu’on ne puisse être toujours un bien, et la douleur toujours un mal; mais il
surpris sans être touché (Madame de la Fayette). n’est pas toujours avantageux de jouir du plaisir, et il
[…] Comme il est dangereux de cacher quelque chose est quelquefois avantageux de souffrir la douleur
à nos amis, il l’est aussi beaucoup de ne leur cacher (Malebranche).
jamais rien (Madame de la Fayette). [Dieu] ne parle pas, mais sa voix est distincte, il
[…] Qui n’a point senti le plaisir de donner une éclaire peu, mais sa lumière est pure (Malebranche).
violente passion à une personne qui n’en a jamais eu, L’amour de l’ordre n’est pas seulement la principale
même de médiocre, peut dire qu’il ignore les véritables des vertus morales, c’est l’unique vertu, c’est la vertu
plaisirs de l’amour (Madame de la Fayette). mère […]: vertu qui seule rend vertueuses les habitudes
ou les dispositions des esprits (Malebranche).
L’attention de l’esprit est une prière naturelle, par délicieux : l’on trouve en elle tout le mérite des deux
laquelle nous obtenons que la raison nous éclaire sexes (La Bruyère).
(Malebranche). Une femme inconstante est celle qui n’aime plus; une
Par l’usage qu’on fait de la force de son esprit, on légère, celle qui déjà en aime un autre; une volage,
découvre la vérité, et par l’usage qu’on fait de la celle qui ne sait si elle aime et ce qu’elle aime; une
liberté de son esprit, on s’exempte de l’erreur indifférente, celle qui n’aime rien (La Bruyère).
(Malebranche). Une femme insensible est celle qui n’a pas encore vu
Il y a beaucoup plus de vivacité que de goût parmi les celui qu’elle doit aimer (La Bruyère).
hommes; ou pour mieux dire, il y a peu d’hommes dont On tire ce bien de la perfidie des femmes, qu’elle
l’esprit soit accompagné d’un goût sûr et d’une critique guérit de la jalousie (La Bruyère).
judicieuse (La Bruyère). Pour les femmes du monde, un jardinier est un
Entre toutes les différentes expressions qui peuvent jardinier, et un maçon est un maçon; pour quelques
rendre une seule de nos pensées, il n’y en a qu’une qui autres plus retirées, un maçon est un homme, et un
soit la bonne. On ne la rencontre pas toujours en jardinier est un homme. Tout est tentation à qui la
parlant ou en écrivant; il est vrai néanmoins qu’elle craint (La Bruyère).
existe, que tout ce qui ne l’est point est faible, et ne Les femmes sont extrêmes : elles sont meilleures ou
satisfait point un homme d’esprit qui veut se faire pires que les hommes (La Bruyère).
entendre (La Bruyère). La plupart des femmes n’ont guère de principes; elles
Un esprit médiocre croit écrire divinement; un bon se conduisent par le cœur, et dépendent pour leurs
esprit croit écrire raisonnablement (La Bruyère). mœurs de ceux qu’elles aiment (La Bruyère).
Un auteur cherche vainement à se faire admirer par Les femmes vont plus loin en amour que la plupart
son ouvrage. Les sots admirent quelquefois, mais ce des hommes; mais les hommes l’emportent sur elles en
sont des sots. Les personnes d’esprit ont en eux les amitié. Les hommes sont cause que les femmes ne
semences de toutes les vérités et de tous les s’aiment point (La Bruyère).
sentiments, rien ne leur est nouveau; ils admirent peu, Un homme est plus fidèle au secret d’autrui qu’au
ils approuvent (La Bruyère). sien propre; une femme au contraire garde mieux son
Il semble que la logique est l’art de convaincre de secret que celui d’autrui (La Bruyère).
quelque vérité, et l’éloquence un don de l’âme, lequel Un homme peut tromper une femme par un feint
nous rend maîtres du cœur et de l’esprit des autres, attachement, pourvu qu’il n’en ait pas ailleurs un
qui fait que nous leur inspirons ou que leur persuadons véritable (La Bruyère).
tout ce qui nous plaît (La Bruyère). Un homme éclate contre une femme qui ne l’aime
Si l’on jette quelque profondeur dans certains écrits, plus, et se console; une femme fait moins de bruit
si l’on affecte une finesse de tour, et quelquefois une quand elle est quittée, et demeure longtemps
trop grande délicatesse, ce n’est que par la bonne inconsolable (La Bruyère).
opinion qu’on a de ses lecteurs (La Bruyère). Ne pourrait-on point découvrir l’art de se faire aimer
La critique souvent n’est pas une science; c’est un de sa femme? (La Bruyère).
métier, où il faut plus de santé que d’esprit, plus de Il y a un goût dans la pure amitié où ne peuvent
travail que de capacité, plus d’habitude que de génie atteindre ceux qui sont nés médiocres (La Bruyère).
(La Bruyère). Le temps, qui fortifie les amitiés, affaiblit l’amour (La
Celui qui n’a égard en écrivant qu’au goût de son Bruyère).
siècle songe plus à sa personne qu’à ses écrits : il faut L’amour et l’amitié s’excluent l’un l’autre (La
toujours tendre à la perfection, et alors cette justice Bruyère).
qui nous est quelquefois refusée par nos L’amour qui croît peu à peu et par degrés ressemble
contemporains, la postérité sait nous la rendre (La trop à l’amitié pour être une passion violente (La
Bruyère). Bruyère).
Personne presque ne s’avise de lui-même du mérite L’amour commence par l’amour; et l’on ne saurait
d’un autre (La Bruyère). passer de la plus forte amitié qu’à un amour faible (La
Combien d’hommes admirables, et qui avaient de très Bruyère).
beaux génies, sont morts sans qu’on en ait parlé! On n’aime bien qu’une seule fois : c’est la première;
Combien vivent encore dont on ne parle point, et dont les amours qui suivent sont moins involontaires (La
on ne parlera jamais! (La Bruyère). Bruyère).
Il est moins rare de trouver de l’esprit que des gens L’amour qui naît subitement est le plus long à guérir
qui se servent du leur, ou qui fassent valoir celui des (La Bruyère).
autres et le mettent à quelque usage (La Bruyère). Les hommes souvent veulent aimer, et ne sauraient y
La modestie est au mérite ce que les ombres sont aux réussir : ils cherchent leur défaite sans pouvoir la
figures dans un tableau : elle lui donne de la force et rencontrer, et, si j’ose ainsi parler, ils sont contraints
du relief (La Bruyère). de demeurer libres (La Bruyère).
Le motif seul fait le mérite des actions des hommes, Quelque délicat que l’on soit en amour, on pardonne
et le désintéressement y met la perfection (La Bruyère). plus de fautes que dans l’amitié (La Bruyère).
S’il est ordinaire d’être vivement touché des choses L’on confie son secret dans l’amitié; mais il échappe
rares, pourquoi le sommes-nous si peu de la vertu? (La dans l’amour (La Bruyère).
Bruyère). L’on n’est pas plus maître de toujours aimer qu’on l’a
Il n’y a rien de si délié, de si simple et de si été de ne pas aimer (La Bruyère).
imperceptible, où il n’entre des manières qui nous Le commencement et le déclin de l’amour se font
décèlent. Un sot ni n’entre, ni ne sort, ni ne s’assied, ni sentir par l’embarras où l’on est de se trouver seuls (La
ne se lève, ni ne se tait, ni n’est sur ses jambes, comme Bruyère).
un homme d’esprit (La Bruyère). C’est faiblesse que d’aimer; c’est souvent une autre
Le sage guérit de l’ambition par l’ambition même; il faiblesse que de guérir (La Bruyère).
tend à de si grandes choses, qu’il ne peut se borner à Si une laide se fait aimer, ce ne peut être
ce qu’on appelle des trésors, des postes, la fortune et qu’éperdument; car il faut que ce soit ou par une
la faveur (La Bruyère). étrange faiblesse de son amant, ou par de plus secrets
Une belle femme qui a les qualités d’un honnête et de plus invincibles charmes que ceux de la beauté
homme est ce qu’il y a au monde d’un commerce plus (La Bruyère).
L’on veut faire tout le bonheur, ou si cela ne se peut Le commun des hommes va de la colère à l’injure.
ainsi, tout le malheur de ce qu’on aime (La Bruyère). Quelques-uns en usent autrement : ils offensent, et puis
Un homme sage ni ne se laisse gouverner, ni ne ils se fâchent; la surprise où l’on est toujours de ce
cherche à gouverner les autres : il veut que la raison procédé ne laisse pas la place au ressentiment (La
gouverne seule, et toujours (La Bruyère). Bruyère).
Il y a bien autant de paresse que de faiblesse à se Si la pauvreté est la mère des crimes, le défaut
laisser gouverner (La Bruyère). d’esprit en est le père (La Bruyère).
Les hommes rougissent moins de leurs crimes que de La vie est courte et ennuyeuse : elle se passe toute à
leurs faiblesses et de leur vanité. Tel est ouvertement désirer (La Bruyère).
injuste, violent, perfide, calomniateur, qui cache son Si la vie est misérable, elle est pénible à supporter; si
amour ou son ambition, sans autre vue que de la elle est heureuse, il est horrible de la perdre. L’un
cacher (La Bruyère). revient à l’autre (La Bruyère).
Les hommes commencent par l’amour, finissent par La mort n’arrive qu’une fois, et se fait sentir à tous
l’ambition, et ne se trouvent souvent dans une assiette les moments de la vie : il est plus dur de l’appréhender
plus tranquille que lorsqu’ils meurent (La Bruyère). que de la souffrir (La Bruyère).
Il n’y a guère au monde un plus bel excès que celui La vie est un sommeil : les vieillards sont ceux dont
de la reconnaissance (La Bruyère). le sommeil a été plus long; ils ne commencent à se
Il faut être bien dénué d’esprit, si l’amour, la réveiller que quand il faut mourir (La Bruyère).
malignité, la nécessité n’en font pas trouver (La Il n’y a pour l’homme que trois événements : naître,
Bruyère). vivre et mourir. Il ne se sent pas naître, il souffre à
L’esprit de la conversation consiste bien moins à en mourir, et il oublie de vivre (La Bruyère).
montrer beaucoup qu’à en faire trouver aux autres : Les enfants sont hautains, dédaigneux, colères,
celui qui sort de votre entretien content de soi et de envieux, curieux, intéressés, paresseux, volages,
son esprit, l’est de vous parfaitement […] (La Bruyère). timides, intempérants, menteurs, dissimulés, […] ils ne
[…] Le plaisir le plus délicat est de faire celui veulent point souffrir de mal, et aiment à en faire: ils
d’autrui (La Bruyère). sont déjà des hommes (La Bruyère).
C’est une grande misère que de n’avoir pas assez Les enfants n’ont ni passé ni avenir, et, ce qui ne
d’esprit pour bien parler, ni assez de jugement pour se nous arrive guère, ils jouissent du présent (La Bruyère).
taire. Voilà le principe de toute impertinence (La Aux enfants tout paraît grand, les cours, les jardins,
Bruyère). les édifices, les meubles, les hommes, les animaux; aux
La moquerie est souvent indigence d’esprit (La hommes les choses du monde paraissent ainsi, et j’ose
Bruyère). dire par la même raison, parce qu’ils sont petits (La
L’on ne peut aller loin dans l’amitié, si l’on n’est pas Bruyère).
disposé à se pardonner les uns aux autres les petits On ne vit point assez pour profiter de ses fautes. On
défauts (La Bruyère). en commet pendant tout le cours de sa vie; et tout ce
Les plus grandes choses n’ont besoin que d’être dites qu’on peut faire à force de faillir, c’est de mourir
simplement : elle se gâtent par l’emphase. Il faut dire corrigé. Il n’y a rien qui rafraîchisse le sang comme
noblement les plus petites : elles ne se soutiennent que d’avoir su éviter de faire une sottise (La Bruyère).
par l’expression, le ton et la manière (La Bruyère). Une grande âme est au-dessus de l’injure, de
Il faut une sorte d’esprit pour faire fortune, et l’injustice, de la douleur, de la moquerie; et elle serait
surtout une grande fortune : ce n’est ni le bon ni le bel invulnérable si elle ne souffrait par la compassion (La
esprit, ni le grand ni le sublime, ni le fort ni le délicat; Bruyère).
je ne sais précisément lequel c’est, et j’attends que Personne ne dit de soi, et surtout sans fondement
quelqu’un veuille m’en instruire (La Bruyère). qu’il est beau, qu’il est généreux, qu’il est sublime : on
Les passions tyrannisent l’homme; et l’ambition a mis ces qualités à un trop haut prix; on se contente
suspend en lui les autres passions, et lui donne pour de le penser (La Bruyère).
un temps les apparences de toutes les vertus (La L’esprit s’use comme toutes choses : les sciences sont
Bruyère). ses aliments, elles le nourrissent et le consument (La
Il n’y a au monde que deux manières de s’élever, ou Bruyère).
par sa propre industrie, ou par l’imbécillité des autres Tout notre mal vient de ne pouvoir être seuls : de là
(La Bruyère). le jeu, le luxe, la dissipation, le vin, les femmes,
L’on voit des hommes tomber d’une haute fortune par l’ignorance, la médisance, l’envie, l’oubli de soi-même
les mêmes défauts qui les y avaient fait monter (La et de Dieu (La Bruyère).
Bruyère). La plupart des hommes emploient la meilleure partie
Les hommes veulent être esclaves quelque part, et de leur vie à rendre l’autre misérable (La Bruyère).
puiser là de quoi dominer ailleurs. Il semble qu’on livre Les haines sont si longues et si opiniâtrées, que le
en gros aux premiers de la cour l’air de hauteur, de plus grand signe de mort dans un homme malade, c’est
firté et de commandement, afin qu’ils le distribuent en la réconciliation (La Bruyère).
détail dans les provinces : ils font précisément comme Il y a dans quelques hommes une certaine médiocrité
on leur fait, vrais singes de la royauté (La Bruyère). d’esprit qui contribue à les rendre sages (La Bruyère).
L’esclave n’a qu’un maître; l’ambitieux en a autant Nous n’approuvons les autres que par les rapports
qu’il y a de gens utiles à sa fortune (La Bruyère). que nous sentons qu’ils ont avec nous-mêmes; et il
Le peuple n’a guère d’esprit, et les grands n’ont point semble qu’estimer quelqu’un, c’est l’égaler à soi (La
d’âme : celui-là a un bon fond, et n’a point de dehors; Bruyère).
ceux-ci n’ont que des dehors et qu’une simple Ceux qui emploient mal leur temps sont les premiers
superficie. Faut-il opter? Je ne balance pas : je veux à se plaindre de sa brièveté (La Bruyère).
être peuple (La Bruyère). Je ne doute point que la vraie dévotion ne soit la
Ne nous emportons point contre les hommes en source du repos; elle fait supporter la vie et rend la
voyant leur dureté, leur ingratitude, leur injustice, leur mort douce : on n’en tire pas tant de l’hypocrisie (La
fierté, l’amour d’eux-mêmes, et l’oubli des autres : ils Bruyère).
sont ainsi faits, c’est leur nature, c’est ne pouvoir Tant que les hommes pourront mourir, et qu’ils
supporter que la pierre tombe ou que le feu s’élève (La aimeront à vivre, le médecin sera raillé, et bien payé
Bruyère). (La Bruyère).
La témérité des charlatans, et leurs tristes succès, L’âme est si infectée par l’amour-propre qu’elle se
qui en sont les suites, font valoir la médecine et les salit toujours un peu par la vue de sa vertu; elle en
médecins : si ceux-ci laissent mourir, les autres tuent prend toujours quelque chose pour elle-même (Fénelon).
(La Bruyère). Pour être sobre en paroles, il faut l’être en pensées. Il
L’impossibilité où je suis de prouver que Dieu n’est ne faut point suivre son empressement naturel pour
pas me découvre son existence (La Bruyère). vouloir persuader autrui. Vous n’irez à la source du
Le philosophe ne fait que convaincre, l’orateur, outre mal qu’en faisant taire souvent votre esprit par le
qu’il convainc, persuade (Fénelon). silence intérieur (Fénelon).
[…] L’art, quelque grand qu’il soit, ne parle point Encore une fois défiez-vous des savants et des grands
comme la passion véritable (Fénelon). raisonneurs […]. Ils languissent autour des questions,
Il faut se contenter de suivre et d’aider la nature et ne parviennent jamais à la science de la vérité. Leur
(Fénelon, De l’éducation). curiosité est une avarice spirituelle qui est insatiable.
La mauvaise honte est le mal le plus dangereux et le Ils sont comme les conquérants qui ravagent le monde
plus pressé à guérir; celui-là, si on n’y prend garde, sans le posséder (Fénelon).
rend tous les autres incurables (Fénelon). Plus on aime Dieu, plus on sent que c’est Dieu qui est
[…] La beauté trompe encore plus la personne qui la tout ensemble l’amour et le bien-aimé (Fénelon).
possède que ceux qui en sont éblouis; elle trouble, elle C’est l’amour qui rend véritablement humble; car il
enivre l’âme; on est plus sottement idolâtre de soi- avilit infiniment tout ce qui n’est point le bien-aimé. Il
même que les amants les plus passionnés ne le sont de en occupe tellement, qu’il fait qu’on s’oublie (Fénelon).
la personne qu’ils aiment (Fénelon). Rien n’est si contraire à la simplicité que le scrupule.
Rien n’est estimable que le bon sens et la vertu : l’un Il cache je ne sais quoi de double et de faux (Fénelon).
et l’autre font regarder le dégoût et l’ennui, non comme L’ordre est ce qu’il y a de plus rare dans les
une délicatesse louable, mais comme une faiblesse opérations de l’esprit (Fénelon).
d’un esprit malade (Fénelon). Afin qu’un ouvrage soit véritablement beau, il faut
Le bon goût rejette la délicatesse excessive; il traite que l’auteur s’y oublie, et me permette de l’oublier
les petites choses de petites, et n’en est point blessé (Fénelon).
(Fénelon). Presque tous les hommes sont médiocres et
[…] Les choses les plus simples ne se font pas d’elles- superficiels pour le mal comme pour le bien (Fénelon).
mêmes, et elles se font toujours mal par les esprits mal Quand l’amour veut parler, la raison doit se taire
faits (Fénelon). (Jean-François Regnard).
Les femmes sont d’ordinaire encore plus passionnées C’est un pesant fardeau d’avoir un gros mérite (Jean-
pour la parure de l’esprit que pour celle du corps François Regnard).
(Fénelon). Quiconque aime, aimera;
La passion est l’âme de la parole (Fénelon). Et quiconque a joué, toujours joue, et jouera (Jean-
Nulle puissance humaine ne peut forcer le François Regnard).
retranchement impénétrable de la liberté d’un cœur On aime sans raison, et sans raison on hait (Jean-
(Fénelon). François Regnard).
Il est plus facile de reprendre que de persuader; il est […] Il faut, dans la vie,
plus court de menacer que d’instruire; il est plus Assaisonner l’amour d’un peu de jalousie (Jean-
commode à la hauteur et à l’impatience humaines de François Regnard).
frapper sur ceux qui résistent, que de les édifier, que Toute la philosophie n’est fondée que sur deux
de s’humilier, que de prier, que de mourir à soi, pour choses : sur ce qu’on a l’esprit curieux et les yeux
leur apprendre à mourir à eux-mêmes (Fénelon). mauvais… (Fontenelle).
Dieu ne donne aux passions humaines, lors même Quand les philosophes s’entêtent une fois d’un
qu’elles semblent décider de tout, que ce qu’il leur faut préjugé, ils sont plus incurables que le peuple même,
pour être des instruments de ses desseins : ainsi parce qu’ils s’entêtent également et du préjugé et des
l’homme s’agite, mais Dieu le mène (Fénelon). fausses raisons qui le soutiennent (Fontenelle).
Avant que de se jeter dans le péril, il faut le prévoir Les mouvements les plus naturels, et les plus
et le craindre; mais, quand on y est, il ne reste plus ordinaires, sont ceux qui se font le moins sentir; cela
qu’à le mépriser (Fénelon). est vrai jusque dans la morale. Le mouvement de
Le vrai moyen de gagner beaucoup est de ne vouloir l’amour-propre nous est si naturel que, le plus souvent,
jamais trop gagner et de savoir perdre à propos nous ne le sentons pas […] (Fontenelle).
(Fénelon). Il faut ne donner que la moitié de son esprit aux
Le plus libre de tous les hommes est celui qui peut choses de cette espèce que l’on croit, et en réserver une
être libre dans l’esclavage même (Fénelon). autre moitié libre où le contraire puisse être admis s’il
Le plus malheureux de tous les hommes est un roi en est besoin (Fontenelle).
qui croit être heureux en rendant les autres hommes Celui qui veut être heureux, se réduit et se resserre
misérables. Il est doublement malheureux par son autant qu’il est possible. Il a ces deux caractères, il
aveuglement; ne connaissant pas son malheur, il ne change peu de place et en tient peu (Fontenelle).
peut s’en guérir; il craint même de le connaître […] Les idées métaphysiques seront toujours pour la
(Fénelon). plupart du monde comme la flamme de l’esprit de vin,
Celui qui n’a point senti sa faiblesse et la violence de qui est trop subtile pour brûler du bois (Fontenelle).
ses passions n’est point encore sage; car il ne se On est surpris et peut-être fâché de se voir conduit
connaît point encore et ne sait point se défier de soi par la seule philosophie aux plus rigoureuses
(Fénelon). obligations du christianisme; on croit communément
[…] On ne peut vaincre l’amour qu’en fuyant. Contre pouvoir être philosophe à meilleur marché (Fontenelle).
un tel ennemi, le vrai courage consiste à craindre et à Leibniz pose des définitions exactes, qui le privent de
fuir, mais à fuir sans délibérer et sans se donner à soi- l’agréable liberté d’abuser des termes dans les
même le temps de regarder jamais derrière soi occasions (Fontenelle).
(Fénelon). Le cœur est la source de toutes les erreurs dont nous
Quiconque ne sait pas souffrir n’a point un grand avons besoin; il ne nous refuse rien dans cette matière-
cœur (Fénelon). là (Fontenelle).
La vraie gloire ne se trouve pas hors de l’humanité Il est vrai qu’on ne peut trouver la pierre
(Fénelon). philosophale, mais il est bon qu’on la cherche : en la
cherchant, on trouve de fort beaux secrets qu’on ne Je pense, pour moi, qu’il n’y a que le sentiment qui
cherchait pas (Fontenelle). nous puisse donner des nouvelles un peu sûres de nous,
L’espèce d’esprit qui dépend de l’imagination et qu’il ne faut pas trop se fier à celles que notre esprit
ressemble à la beauté, et ne subsiste qu’avec la veut faire à sa guise, car je le crois un grand
jeunesse (Fontenelle). visionnaire (Marivaux).
Nous ne sommes parfaits sur rien, non pas même sur […] Quand une fois l’imagination est en train,
le mal (Fontenelle). malheur à l’esprit qu’elle gouverne (Marivaux).
Le cœur aime naturellement à être remué; ainsi les […] Les vertus des hommes ne remplissent que bien
objets tristes lui conviennent, et même les objets précisément leur devoir, elles seraient plus volontiers
douloureux, pourvu que quelque chose les adoucisse mesquines que prodigues dans ce qu’elles font de bien :
(Fontenelle). il n’y a que les vices qui n’ont point de ménage
Pour être heureux, autant qu’on le peut être par les (Marivaux).
passions, il faut que toutes celles qu’on a Il y a des gens dont la vanité se mêle de tout ce qu’ils
s’accommodent les unes avec les autres (Fontenelle). font, même de leurs lectures (Marivaux).
La sources de nos chagrins est d’ordinaire dans nos […] L’amour ne nous trompe point : dès qu’il se
erreurs; et nous ne sommes malheureux, dit un Père, montre, il nous dit ce qu’il est, et de quoi il sera
que parce que nous jugeons mal des biens et des maux question; l’âme, avec lui, sent la présence d’un maître
véritables (Massillon). qui la flatte, mais une autorité déclarée qui ne la
Ne sortez pas de vous-même, et vous serez heureux consulte pas, et qui lui laisse hardiment les soupçons
(Massillon). de son esclavage futur (Marivaux).
[…] Chacun dans son état, quelque heureuse qu’en On croit souvent avoir la conscience délicate, non
paraisse la destinée, trouve des croix et des amertumes pas à cause des sacrifices qu’on lui fait, mais à cause
qui en balancent toujours les plaisirs (Massillon). de la peine qu’on prend avec elle pour s’exempter de
Ne pouvoir se soumettre à Dieu, ni se consoler de ses lui en faire (Marivaux).
peines, ce n’est pas être tendre et sensible, c’est être […] Qu’importe que notre cœur souffre, pourvu que
farouche et désespéré (Massillon). notre vanité soit servie? Ne se passe-t-on pas de tout, et
La philosophie ne détruisait les vices que par le vice de repos, et de plaisirs, et d’honneur même, et
[…]: elle cherchait plus la gloire de la sagesse, que la quelquefois de la vie, pour avoir la paix avec elle?
sagesse elle-même (Massillon). (Marivaux).
Si nous ne naissons que pour les plaisirs des sens, […] Notre vie, pour ainsi dire, nous est moins chère
pourquoi ne peuvent-ils nous satisfaire, et laissent-ils que nous, que nos passions. À voir quelquefois ce qui se
toujours un fonds d’ennui et de tristesse dans notre passe dans notre instinct là-dessus, on dirait que, pour
cœur? (Massillon). être, il n’est pas nécessaire de vivre ; que ce n’est que
La plupart de ces hommes qui se donnent pour par accident que nous vivons, mais que c’est
incrédules, vivent pourtant dans des variations naturellement que nous sommes (Marivaux).
perpétuelles sur le point même de l’incrédulité Notre orgueil et nous, ce n’est qu’un, au lieu que nous
(Massillon). et notre vertu, c’est deux (Marivaux).
Les sentiments qu’une mort inopinée réveille dans […] Pour parvenir à être honoré, je saurai bien cesser
nos cœurs, sont des sentiments d’une journée, comme d’être honorable; et en effet, c’est assez là le chemin
si la mort elle-même devait être l’affaire d’un jour des honneurs : qui les mérite n’y arrive guère
(Massillon). (Marivaux).
La gloire n’est qu’un nom qui se fait cependant […] En général, il faut se redresser pour être grand: il
acheter de tout notre repos (Massillon). n’y a qu’à rester comme on est pour être petit…
Nous disons sans cesse que le monde n’est rien, et (Marivaux).
nous ne vivons que pour le monde (Massillon). À quelque chose nos défauts sont bons. On voudrait
[...] Il aime le jeu, le vin, les femmes; c’est un homme bien que nous ne les eussions pas, mais on les
universel; nous faisons ensemble toutes sortes de supporte, et on nous trouve plus aimables de nous en
débauches; cela m’amuse, cela me détourne de mal corriger quelquefois, que nous ne le paraîtrions avec
faire (Alain-René Lesage). les qualités contraires (Marivaux).
[…] Un homme et une femme qui s’aiment, des gens […] Il me semble que mon âme, en mille occasions, en
extraordinaires; enfin c’est une maison triste (Alain- sait plus qu’elle n’en peut dire, et qu’elle a un esprit à
René Lesage). part, qui est bien supérieur à l’esprit que j’ai
Tous les hommes aiment à s’approprier le bien d’ordinaire. Je crois aussi que les hommes sont bien
d’autrui. C’est un sentiment général. La manière seule au-dessus de tous les livres qu’ils font (Marivaux).
de le faire en est différente (Alain-René Lesage). C’est presque toujours le péché qui prêche la vertu
Si l’amour ruine des hommes qui ont du bien, il en dans nos chaires (Marivaux).
fait souvent subsister d’autres qui n’en ont pas (Alain- La plupart des femmes qui ont beaucoup d’esprit ont
René Lesage). une certaine façon d’en avoir qu’elles n’ont pas
[…] Un de ces esprits sérieux qui veulent passer pour naturellement, mais qu’elles se donnent (Marivaux).
de grands génies, à la faveur de leur silence… (Alain- Il est naturel de souhaiter qu’on nous rende justice;
René Lesage). la plus grande de toutes les âmes ne serait pas
Lorsque je l’ai aimé [scil. Arlequin], c’était un amour insensible au plaisir d’être connue pour telle
qui m’était venu; à cette heure je ne l’aime plus, c’est (Marivaux).
un amour qui s’en est allé; il est venu sans mon avis, il Une âme qui ne vous demande rien pour les services
s’en retourne de même; je ne crois pas être blâmable qu’elle vous a rendus, sinon que vous en preniez droit
(Marivaux). d’en exiger d’autres, qui ne veut rien que le plaisir de
De sexes, je n’en connais que deux : l’un qui se dit vous voir abuser de la coutume qu’elle a de vous
raisonnable, l’autre qui nous prouve que cela n’est pas obliger, en vérité, une âme de ce caractère a bien de la
vrai (Marivaux). dignité (Marivaux).
On ne met rien dans son coeur; on y prend ce qu’on y On s’accoutume à tout dans l’abondance, il n’y a
trouve (Marivaux). guère de dégoût dont elle ne console (Marivaux).
[…] Les amourettes en passant sont amusantes; mon […] Il me semble que la condition de ceux qui restent
maître passera, votre maîtresse de même; je passerai, est toujours plus triste que celle des personnes qui s’en
vous passerez, nous passerons tous (Marivaux).
vont. S’en aller, c’est un mouvement qui dissipe, et rien Nous sommes si aveugles que nous ne savons quand
ne distrait les personnes qui demeurent… (Marivaux). nous devons nous affliger ou nous réjouir : nous
Quand un malheur, qu’on a cru extrême, et qui nous n’avons presque jamais que de fausses tristesses ou de
désespère, devient encore plus grand, il semble que fausses joies (Montesquieu).
notre âme renonce à s’en affliger; l’excès qu’elle y voit Je voudrais bannir les pompes funèbres : il faut
la met à la raison, ce n’est plus la peine qu’elle s’en pleurer les hommes à leur naissance, et non pas à leur
désole; elle lui cède et se tait (Marivaux). mort […] (Montesquieu).
C’est que la vengeance est douce à tous les cœurs […] Les gens qu’on dit être de si bonne compagnie ne
offensés; il leur en faut une, il n’y a que cela qui les sont souvent que ceux dont les vices sont plus raffinés
soulage; les uns l’aiment cruelle, les autres généreuse et peut-être en est-il comme des poisons, dont les plus
(Marivaux). subtils sont aussi les plus dangereux (Montesquieu).
[…] Il n’y a point de condition qui mette à l’abri du Heureux celui qui a assez de vanité pour ne dire
malheur, ou qui ne puisse lui servir de matière! Pour jamais de bien de lui, qui craint ceux qui l’écoutent, et
être le jouet des événements les plus terribles, il n’est ne compromet point son mérite avec l’orgueil des
seulement question que d’être au monde (Marivaux). autres! (Montesquieu).
[…] Rarement on sert bien ceux qu’on aime trop […] Ce n’est pas qu’il n’y ait des dames vertueuses, et on
(Marivaux). peut dire qu’elles sont distinguées : mon conducteur
[…] Les reproches durs ne réussissent point; ce sont me les faisait toujours remarquer. Mais elles étaient
des affronts qui ne corrigent personne, et nos torts toutes si laides qu’il faut être un saint pour ne pas
disparaissent dès qu’on nous offense (Marivaux). haïr la vertu (Montesquieu).
Nous qui sommes bornés en tout, comment le sommes- […] Il ne faut pas beaucoup d’esprit pour montrer ce
nous si peu quand il s’agit de souffrir? (Marivaux). qu’on sait; mais il en faut infiniment pour enseigner ce
Faire oraison pour se dire : je la fais; porter à l’église qu’on ignore (Montesquieu).
des livres de dévotion pour les manier, les ouvrir et les La fureur de la plupart des Français, c’est d’avoir de
lire; se retirer dans un coin, s’y tapir pour y jouir l’esprit, et la fureur de ceux qui veulent avoir de
superbement d’une posture de méditatifs; s’exciter à l’esprit, c’est de faire des livres. Cependant il n’y a
des transports pieux, afin de croire qu’on a une âme rien de si mal imaginé : la Nature semblait avoir
bien distinguée […]. Revenir de là tout gonflé de respect sagement pourvu à ce que les sottises des hommes
pour soi-même, et d’une orgueilleuse pitié pour les fussent passagères, et les livres les immortalisent
âmes ordinaires. S’imaginer ensuite qu’on a acquis le (Montesquieu).
droit de se délasser de ses saints exercices par mille […] La plus mauvaise copie de l’homme est celle qui
petites mollesses qui soutiennent une santé délicate. se trouve dans les livres… (Montesquieu).
Tels sont ceux que j’appelle des dévots (Marivaux). Le grand tort qu’ont les journalistes, c’est qu’ils ne
Rien ne rend si aimable que de se croire aimé […] parlent que des livres nouveaux ; comme si la vérité
(Marivaux). était jamais nouvelle. Il me semble que, jusqu’à ce
Quand on aime, on a l’œil à tout, et son âme se qu’un homme ait lu tous les livres anciens, il n’a
partageait entre le souci de me voir si aimé et la aucune raison de leur préférer les nouveaux
satisfaction de me voir si aimable (Marivaux). (Montesquieu).
Les âmes excessivement bonnes sont volontiers […] En fait de religion, les plus proches sont les plus
imprudentes par excès de bonté même, et d’un autre grandes ennemies (Montesquieu).
côté, les âmes prudentes sont assez rarement bonnes La religion est moins un sujet de sanctification qu’un
(Marivaux). sujet de disputes qui appartient à tout le monde
Elle m’a recommandé de prier Dieu, et je n’y (Montesquieu).
manquai pas; je le priai même plus qu’à l’ordinaire, Vérité dans un temps, erreur dans un autre
car on aime tant Dieu, quand on a besoin de lui! (Montesquieu).
(Marivaux). Je trouve la Providence admirable dans la manière
Il n’y a point de plaisir qui ne perde à être connu dont elle a distribué les richesses : si elle ne les avait
(Marivaux). accordées qu’aux gens de bien, on ne les aurait pas
L’âme se raffine à mesure qu’elle se gâte (Marivaux). assez distinguées de la vertu, et on n’en aurait plus
Tout ce qui n’est que suffisant ne suffit jamais senti tout le néant. Mais, quand on examine qui sont
(Marivaux). les gens qui en sont les plus chargés, à force de
C’est nous le plus souvent qui nous rendons tendres, mépriser les riches, on vient enfin à mépriser les
pour orner nos passions; mais c’est la nature qui nous richesses (Montesquieu).
rend amoureux; nous tenons d’elle l’utile que nous Un homme d’esprit est ordinairement difficile dans
enjolivons de l’hοnnêτε [...] (Marivaux). les sociétés; il choisit peu de personnes; il s’ennuie
Jamais on ne prie mieux que quand l’esprit et la avec tout ce grand nombre de gens qu’il lui plaît
chair sont contents, et prient ensemble (Marivaux). appeler mauvaise compagnie. […] Sûr de plaire quand
Il y a certaines vérités qu’il ne suffit pas de il voudra, il néglige très souvent de le faire
persuader, mais qu’il faut encore faire sentir (Montesquieu).
(Montesquieu). L’homme médiocre, au contraire, cherche à tirer
[…] Il n’y a jamais eu de royaume où il y ait tant de partie de tout : il sent qu’il n’a rien à perdre en
guerres civiles que dans celui du Christ (Montesquieu). négligences. L’approbation universelle est plus
Ceux qui mettent au jour quelque proposition ordinairement pour l’homme médiocre (Montesquieu).
nouvelle sont d’abord appelés hérétiques (Montesquieu). Comme les hommes ont eu dans tous les temps les
L’esprit humain est la contradiction même : dans une mêmes passions, les occasions qui produisent les
débauche licencieuse, on se révolte avec fureur contre grands changements sont différentes, mais les causes
les préceptes, et la Loi, faite pour nous rendre plus sont toujours les mêmes (Montesquieu).
justes, ne sert souvent qu’à nous rendre plus coupables […] Du courage, c’est-à-dire de cette vertu qui est le
(Montesquieu). sentiment de ses propres forces (Montesquieu).
C’est se moquer de vouloir adoucir un mal par la L’or et l’argent s’épuisent; mais la vertu, la
considération que l’on est né misérable. Il vaut bien constance, la force et la pauvreté ne s’épuisent jamais
mieux enlever l’esprit hors de ses réflexions, et traiter (Montesquieu).
l’homme comme sensible, au lieu de le traiter comme Je me croirais le plus heureux des mortels, si je
raisonnable (Montesquieu). pouvais faire que les hommes puissent se guérir de
leurs préjugés. J’appelle ici préjugés, non pas ce qui Les hommes qui ont peu d’idées doivent se tromper
fait qu’on ignore de certaines choses, mais ce qui fait dans presque tous leurs jugements. Les idées se
qu’on s’ignore soi-même (Montesquieu). tiennent les unes aux autres. La faculté principale de
C’est par orgueil que nous sommes polis : nous nous l’âme est de comparer, et elle ne peut l’exercer dans
sentons flattés d’avoir des manières qui prouvent que une pareille indigence (Montesquieu).
nous ne sommes pas dans la bassesse, et que nous L’éducation consite à nous donner des idées, et la
n’avons pas vécu avec cette sorte de gens que l’on a bonne éducation à les mettre en proportion
abandonnés dans tous les âges (Montesquieu). (Montesquieu).
Comme l’éducation dans les monarchies ne travaille Nos maîtres ne nous communiquent les impressions
qu’à élever le cœur, elle ne cherche qu’à l’abaisser que comme ils les ont eux-mêmes, et, si elles ne sont
dans les États despotiques. Il faut qu’elle y soit servile. pas en proportion avec les objets, ils gâtent en nous la
Ce sera un bien, même dans le commandement, de faculté de comparer, qui est la grande faculté de l’âme
l’avoir eue telle, personne n’y étant tyran sans être en (Montesquieu).
même temps esclave. L’extrême obéissance suppose de Un homme d’esprit sent ce que les autres ne font que
l’ignorance dans celui qui obéit; elle en suppose même savoir (Montesquieu).
dans celui qui commande; il n’a point à délibérer, à L’ignorance est la mère des traditions (Montesquieu).
douter, ni à raisonner; il n’a qu’à vouloir (Montesquieu). Les voyages donnent une très grande étendue à
On est ordinairement le maître de donner à ses l’esprit : on sort du cercle des préjugés de son pays, et
enfants ses connaissances; on l’est encore plus de leur l’on n’est guère propre à se charger de ceux des
donner ses passions (Montesquieu). étrangers (Montesquieu).
Pourquoi les moines aiment-ils tant leur ordre? C’est Ce n’est pas l’esprit qui fait les opinions, c’est le
justement par l’endroit qui fait qu’il leur est cœur (Montesquieu).
insupportable. Leur règle les prive de toutes les choses Un homme qui enseigne peut devenir aisément
sur lesquelles les passions ordinaires s’appuient : reste opiniâtre, parce qu’il fait le métier d’un homme qui n’a
donc cette passion pour la règle même qui les afflige. jamais tort (Montesquieu).
Plus elle est austère, c’est-à-dire, plus elle retranche de Moins on a à réfléchir, plus on parle. Penser, c’est
leurs penchants, plus elle donne de force à ceux qu’elle parler à soi-même; et, quand on parle à soi, on ne
leur laisse (Montesquieu). songe guère à parler aux autres (Montesquieu).
Les hommes extrêmement heureux, et les hommes Dieu m’a donné du bien, et je me suis donné du
extrêmement malheureux, sont également portés à la superflu (Montesquieu).
dureté; témoin les moines et les conquérants. Il n’y a […] Un homme n’est pas malheureux parce qu’il a de
que la médiocrité et le mélange de la bonne et de la l’ambition; mais parce qu’il en est dévoré (Montesquieu).
mauvaise fortune, qui donnent de la douceur et de la Je vous défie de faire jeûner un anachorète sans
pitié (Montesquieu). donner, en même temps, un nouveau goût à ses
Il est heureux pour les hommes d’être dans une légumes (Montesquieu).
situation où, pendant que leurs passions leur inspirent L’avantage de l’amour sur la débauche, c’est la
la pensée d’être méchants, ils ont pourtant intérêt de multiplication des plaisirs (Montesquieu).
ne pas l’être (Montesquieu). Il y a autant de vices de ce qu’on ne s’estime pas
Les lois humaines faites pour parler à l’esprit assez, que de ce qu’on s’estime trop (Montesquieu).
doivent donner des préceptes et point de conseils : la La gravité est le bouclier des sots (Montesquieu).
religion, faite pour parler au cœur, doit donner Nous louons les gens à proportion de l’estime qu’ils
beaucoup de conseils, et peu de préceptes ont pour nous (Montesquieu).
(Montesquieu). Il y a ordinairement si peu de différence d’homme à
L’homme pieux et l’athée parlent toujours de homme qu’il n’y a guère sujet d’avoir de la vanité
religion; l’un parle de ce qu’il aime, et l’autre de ce (Montesquieu).
qu’il craint (Montesquieu). Ordinairement, ceux qui ont un grand esprit l’ont
Pour qu’une religion attache, il faut qu’elle ait une naïf (Montesquieu).
morale pure. Les hommes, fripons en détail, sont en Quand on court après l’esprit, on attrape la sottise
gros de très honnêtes gens; ils aiment la morale; et si (Montesquieu).
je ne traitais pas un sujet si grave, je dirais que cela se Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si
voit admirablement bien sur les théâtres : on est sûr de grand génie; il ne faut pas être au-dessus des hommes;
plaire au peuple par les sentiments que la morale il faut être avec eux (Montesquieu).
avoue, et on est sûr de le choquer par ceux qu’elle Pour écrire bien, il faut sauter les idées
réprouve (Montesquieu). intermédiaires, assez pour n’être pas ennuyeux; pas
Notre liaison avec les femmes est fondée sur le trop, de peur de n’être pas entendu (Montesquieu).
bonheur attaché au plaisir des sens, sur le charme La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens
d’aimer et d’être aimé, et encore sur le désir de leur (Montesquieu).
plaire, parce que ce sont des juges très éclairés sur une […] En philosophie, il faut se défier de ce qu’on croit
partie des choses qui constituent le mérite personnel. entendre trop aisément, aussi bien que des choses
Ce désir général de plaire produit la galanterie, qui qu’on n’entend pas (Voltaire).
n’est point l’amour, mais le délicat, mais le léger, mais […] Malheur aux faiseurs de traductions littérales,
le perpétuel mensonge de l’amour (Montesquieu). qui en traduisant chaque parole énervent le sens! C’est
L’âme goûte tant de délices à dominer les autres bien là qu’on peut dire que la lettre tue, et que l’esprit
âmes; ceux même qui aiment le bien s’aiment si fort vivifie (Voltaire).
eux-mêmes, qu’il n’y a personne qui ne soit assez […] L’intérêt que j’ai à croire une chose n’est pas une
malheureux pour avoir encore à se défier de ses bonnes preuve de l’existence de cette chose (Voltaire).
intentions : et, en vérité, nos actions tiennent à tant de Il faut aimer, et très tendrement, les créatures; il
choses, qu’il est mille fois plus aisé de faire le bien, faut aimer sa patrie, sa femme, son père, ses enfants;
que de le bien faire (Montesquieu). et il faut si bien les aimer que Dieu nous les fait aimer
La grande joie est un état aussi bien éloigné de la malgré nous. Les principes contraires ne sont propres
santé que la grande douleur. Le plaisir d’être est le qu’à faire de barbares raisonneurs (Voltaire).
seul plaisir de celui qui est actuellement en santé Il est aussi impossible qu’une société puisse se
(Montesquieu). former et subsister sans amour-propre, qu’il serait
impossible de faire des enfants sans concupiscence, de
songer à se nourrir sans appétit, etc. C’est l’amour de Tout est bien, tout va bien, tout va le mieux qu’il soit
nous-même qui assiste l’amour des autres; c’est par possible (Voltaire).
nos besoins mutuels que nous sommes utiles au genre « Travaillons sans raisonner, dit Martin; c’est le seul
humain […] (Voltaire). moyen de rendre la vie supportable » (Voltaire).
C’est ainsi que les grands hommes sont traités au « Tous les événements sont enchaînés dans le
commencement de leur carrière; mais il ne faut pas meilleur des mondes possibles : car enfin si vous
que tous ceux que l’on traite de même s’imaginent pour n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands
cela être de grands hommes : la médiocrité insolente coups de pied dans le derrière pour l’amour de
éprouve les mêmes obstacles que le génie; et cela mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à
prouve seulement qu’il y a plusieurs manières de l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à
blesser l’amour-propre des hommes (Voltaire). pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au
Qui veut détruire les passions, au lieu de les régler, baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du
veut faire l’ange (Voltaire). bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des
Donner aux auteurs de nouvelles rimes, ce serait leur cédrats confits et des pistaches. – Cela est bien dit,
donner de nouvelles pensées (Voltaire). répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin »
Je préférerai toujours les choses aux mots, et la (Voltaire).
pensée à la rime (Voltaire). « Soyez sûre, ma fille, que quand un jésuite vous cite
Qui croit toujours le crime, en paraît trop capable saint Augustin, il faut que ce saint ait pleinement
(Voltaire). raison » (Voltaire).
Quiconque est soupçonneux invite à le trahir La plupart des grands capitaines sont devenus tels
(Voltaire). par degrés (Voltaire).
On ne peut désirer ce qu’on ne connaît pas (Voltaire). Il faut toujours que ce qui est grand soit attaqué par
Plus les nœuds sonts sacrés, plus les crimes sont les petits esprits (Voltaire).
grands (Voltaire). Il arrive souvent parmi les hommes d’État ce qu’on
La vertu s’affermit par un remords heureux (Voltaire). voit tous les jours parmi les courtisans : celui qui a le
Tout mortel au plaisir a dû son existence; plus d’esprit échoue, et celui qui a dans le caractère
Par lui le corps agit, le cœur sent, l’esprit pense plus de patience, de force, de souplesse et de suite,
(Voltaire). réussit (Voltaire).
Mais malheur à l’auteur qui veut toujours instruire! Les titres ne servent de rien pour la postérité : le nom
Le secret d’ennuyer est celui de tout dire (Voltaire). d’un homme qui a fait de grandes choses impose plus
La plupart des livres ressemblent à des conversations de respect que toutes les épithètes (Voltaire).
générales et gênées dans lesquelles on dit rarement ce On sait assez que notre tempérament fait toutes les
qu’on pense (Voltaire). qualités de notre âme (Voltaire).
Il y a toujours un sens dans lequel on peut […] La patrie est où l’on vit heureux… (Voltaire).
condamner un écrit et un sens dans lequel on peut Ce qu’on peut expliquer de plusieurs manières ne
l’approuver (Voltaire). mérite d’être expliqué d’aucune (Voltaire).
Plus les mœurs sont dépravées, plus les expressions C’était, de temps immémorial, une maxime chez eux
deviennent mesurées. On croit regagner en paroles ce et chez les Chinois que le sage viendrait de l’Occident.
qu’on a perdu en vertu. La pudeur s’est enfuie des L’Europe, au contraire, disait que le sage viendrait de
cœurs, et s’est réfugiée sur les lèvres […] (Voltaire). l’Orient : toutes les nations ont toujours eu besoin d’un
[…] Il n’y a point de hasard : tout est épreuve, ou sage (Voltaire, Des Indes).
punition, ou récompense, ou prévoyance (Voltaire). On voit évidemment que toutes les religions ont
[…] Malgré l’opinâtreté des hommes à louer l’antique empruntées tous leurs dogmes et tous leurs rites les
aux dépens du moderne, il faut avouer qu’en tout genre unes des autres (Voltaire).
les premiers essais sont toujours grossiers (Voltaire). Trois choses influent sans cesse sur l’esprit des
Dans toutes les professions, ce qu’il y a de plus hommes, le climat, le gouvernement, et la religion :
indigne de paraître est toujours ce qui se présente avec c’est la seule manière d’expliquer l’énigme de ce monde
le plus d’impudence (Voltaire). (Voltaire).
[…] Il résolut de ne pas même songer à corriger L’empire de la coutume est bien plus vaste que celui
Persépolis, et de laisser aller le monde comme il va de la nature; il s’étend sur les mœurs, sur tous les
« car, dit-il, si tout n’est pas bien, tout est passable » usages; il répand la variété sur la scène de l’univers :
(Voltaire). la nature y répand l’unité; elle établit partout un petit
J’ai un peu voyagé; j’ai vu des mortels fort au- nombre de principes invariables : ainsi le fonds est
dessous de nous; j’en ai vu de fort supérieurs; mais je partout le même, et la culture produit des fruits
n’en ai vu aucuns qui n’aient plus de désirs que de divers… (Voltaire).
vrais besoins, et plus de besoins que de satisfaction Plus un état exige de circonspection, plus les
(Voltaire). faiblesses sont remarquées; et si les moines ont fait
Vous savez trop bien que quand il faut rendre son vœux de chasteté, d’humilité et de pauvreté, les gens
corps aux éléments, et ranimer la nature sous une de lettres semblent avoir fait vœu de raison (Voltaire).
autre forme, ce qui s’appelle mourir; quand ce moment Qui n’a pas l’esprit de son âge
de métamorphose est venu, avoir vécu une éternité, ou De son âge a tout le malheur (Voltaire).
avoir vécu un jour, c’est précisément la même chose […] On meurt deux fois, je le vois bien :
(Voltaire). Cesser d’aimer et d’être aimable,
Moi, monsieur, du latin! Je n’en sais pas un mot, C’est une mort insupportable;
répondit le bel esprit, et bien m’en a pris; il est clair Cesser de vivre, ce n’est rien (Voltaire).
qu’on parle beaucoup mieux sa langue quand on ne La politesse est à l’esprit
partage pas son application entre elle et les langues Ce que la grâce est au visage :
étrangères […] (Voltaire). De la bonté du cœur elle est la douce image;
Toutes les grandeurs de ce monde ne valent pas un Et c’est la bonté qu’on chérit (Voltaire).
bon ami (Voltaire). De l’émulation distinguez l’envie :
Les malheurs particuliers font le bien général; de L’une mène à la gloire, et l’autre au déshonneur;
sorte que plus il y a de malheurs particuliers et plus L’une est l’aliment du génie,
tout est bien (Voltaire). Et l’autre le poison du cœur (Voltaire).
Dans ta jeunesse fais l’amour, dont les passions sont fortes, les organes souples et
Et ton salut dans ta vieillesse (Voltaire). l’imagination prompte (Buffon).
Le plaisir est l’objet, le devoir est le but Le style n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met
De tous les êtres raisonnables (Voltaire). dans ses pensées (Buffon).
Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer (Voltaire). Ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu’ils
Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer. Je suis parlent très bien, écrivent mal (Buffon).
rarement content de mes vers, mais j’avoue que j’ai une L’esprit humain ne peut rien créer; il ne produira
tendresse de père pour celui-là (Voltaire). qu’après avoir été fécondé par l’expérience et la
Le paradis terrestre est où je suis (Voltaire). méditation; ses connaissance sont les germes de ses
N’allez donc pas, avec simplicité, productions (Buffon).
Nommer vertu ce qui fut pauvreté (Voltaire). Bien écrire, c’est tout à la fois bien penser, bien
L’univers m’embarrasse, et je ne puis songer sentir et bien rendre; c’est avoir en même temps de
Que cette horloge existe, et n’ait point d’horloger l’esprit, de l’âme et du goût (Buffon).
(Voltaire). Il n’y a que la vérité qui soit durable, et même
Dieu nous a donné le vivre; c’est à nous de nous éternelle. Or un beau style n’est tel en effet que par le
donner le bien vivre (Voltaire). nombre infini des vérités qu’il présente. Toutes ces
Quand on ne voyage qu’en passant, on prend les abus beautés intellectuelles qui s’y trouvent, tous les
pour les lois du pays (Voltaire). rapports dont il est composé sont autant de vérités
Les paroles sont aux pensées ce que l’or est aux aussi utiles, et peut-être plus précieuses pour l’esprit
diamants; il est nécessaire pour les mettre en œuvre, humain, que celles qui peuvent faire le fond du sujet
mais il en faut peu (Voltaire). (Buffon).
Le plaisir donne ce que la sagesse promet (Voltaire). Si vous avez résolu de ne considérer les choses que
Si Dieu nous a faits à son image, nous le lui avons dans une certaine vue, dans un certain ordre, dans un
bien rendu (Voltaire). certain système, eussiez-vous pris le meilleur chemin,
Les femmes ressemblent aux girouettes : elles se vous n’ariverez jamais à la même étendue de
fixent quand elles se rouillent (Voltaire). connaissances à laquelle vous pourriez prétendre si
Les hommes sont comme les animaux : les gros vous laissez dans les commencements votre esprit
mangent les petits, et les petits les piquent (Voltaire). marcher de lui-même, se reconnaître, s’assurer sans
Variété, c’est ma devise (Voltaire). secours, et former seul la première chaîne qui
« Nous nous saluons, mais nous ne nous parlons pas » représente l’ordre de ses idées (Buffon).
(Voltaire, Correspondance, à Piron, qui lui demandait s’il Les choses par rapport à nous ne sont rien en elles-
était réconcilié avec Dieu). mêmes; elles ne sont encore rien lorsqu’elles ont un
Tout ce qui tend à nous faire trop valoir nous met nom; mais elles commencent à exister pour nous
toujours au-dessous de ce que nous sommes (Voltaire). lorsque nous leur connaissons des rapports, des
Les beaux esprits se rencontrent (Voltaire). propriétés (Buffon).
Si la nature ne nous avait faits un peu frivoles, nous Rien de si rare que de trouver de l’exactitude dans
serions très malheureux; c’est parce qu’on est frivole les descriptions, de la nouveauté dans les faits, de la
que la plupart des gens ne se pendent pas (Voltaire). finesse dans les observations (Buffon).
Les vraies passions donnent des forces, en donnant Le mot de vérité ne fait naître qu’une idée vague, il
du courage (Voltaire). n’a jamais eu de définition précise; et la définition elle-
Les vérités sont des fruits qui ne doivent être cueillis même, prise dans un sens général et absolu, n’est
que bien mûrs (Voltaire). qu’une abstraction qui n’existe qu’en vertu de quelque
Ce n’est pas l’amour qu’il fallait peindre aveugle, supposition. Au lieu de chercher à faire une définition
c’est l’amour-propre (Voltaire). de la vérité, cherchons donc à faire une énumération
Les grandes choses sont souvent plus faciles qu’on ne (Buffon).
pense (Voltaire). Être et penser sont pour nous la même chose; cette
Si l’on n’est pas sensible, on n’est jamais sublime vérité est intime et plus qu’intuitive, elle est
(Voltaire). indépendante de nos sens, de notre imagination, de
Le nombre des vrais poètes et des vrais connaisseurs notre mémoire et de toutes nos autres facultés
sera toujours extrêmement petit; mais il faut qu’il le relatives. L’existence de notre corps et des autres
soit, c’est le petit nombre des élus. Moins il y a objets extérieurs est douteuse pour quiconque raisonne
d’initiés, plus les mystères sont sacrées (Voltaire). sans préjugé (Buffon).
Il faudrait des volumes, non pas pour commencer à Quelque idée que nous voulions avoir de nous-mêmes,
s’éclaircir, mais pour commencer à s’entendre. Il il est aisé de sentir que représenter n’est pas être, et
faudrait bien savoir quelle idée nette on attache à aussi que nous sommes moins faits pour penser que
chaque mot qu’on prononce. Ce n’est pas encore assez : pour agir, pour raisonner que pour jouir : nos vrais
il faudrait savoir quelle idée ce mot fait passer dans la plaisirs consistent dans le libre usage de nous-mêmes;
tête de votre adverse partie. Quand tout cela est fait, nos vrais biens sont ceux de la nature (Buffon).
on peut disputer pendant toute sa vie sans convenir de On s’attache souvent moins à la femme qui touche le
rien (Voltaire). plus, qu’à celle qu’on croit le plus facilement toucher…
Il y a une chose peut-être consolante; c’est que la (Crébillon).
nature nous a donné à peu près tout ce qu’il nous Une femme, quand elle est jeune, est plus sensible au
fallait; et si nous ne comprenons pas certaines choses plaisir d’inspirer des passions qu’à celui d’en prendre
un peu délicates, c’est apparemment qu’il n’était pas (Crébillon).
nécessaire que nous le comprissions. Si certaines Une jolie femme dépend bien moins d’elle-même que
choses étaient absolument nécessaires, tous les des circonstances; et par malheur il s’en trouve tant,
hommes les auraient, comme tous les chevaux ont des de si peu prévues, de si pressantes, qu’il n’y a point à
pieds (Voltaire). s’étonner si, après plusieurs aventures, elle n’a connu
Ce n’est […] que dans les siècles éclairés que l’on a ni l’amour, ni son cœur (Crébillon).
bien écrit et bien parlé. La véritable éloquence suppose Tout paraît passion à qui n’en a point éprouvé
l’exercice du génie et la culture de l’esprit. Elle est (Crébillon).
bien différente de cette facilité naturelle de parler, qui […] Il est bien plus important pour les femmes de
n’est qu’un talent, une qualité accordée à tous ceux flatter notre vanité que de toucher notre coeur
(Crébillon).
Si l’on ne voyait que les gens qu’on estime, on ne J’ose presque assurer que l’état de réflexion est un
verrait personne (Crébillon). état contre nature, et que l’homme qui médite est un
L’esprit qu’on emploie ordinairement dans le monde animal dépravé (Rousseau).
est borné, quoi qu’on en dise, et ce ton charmant qu’on La volonté parle encore quand la nature se tait
appelle le ton de la bonne compagnie, n’est le plus (Rousseau).
souvent que le ton de l’ignorance, du précieux et de Quand un homme ne peut croire ce qu’il trouve
l’affectation (Crébillon). absurde, ce n’est pas sa faute, c’est celle de sa raison
Nous vivons ordinairement plus avec les gens qui (Rousseau).
nous plaisent qu’avec ceux que nous estimons Proposons-nous de grands exemples à imiter, plutôt
(Crébillon). que de vains systèmes à suivre (Rousseau).
Pour moi, je n’ai encore vu personne, quelque Le goût est en quelque manière le microscope du
modestie qu’il affectât, qui ne trouvât toujours en fort jugement; c’est lui qui met les petits objets à sa portée,
peu de temps le secret de m’apprendre à quel point il et ses opérations commencent où s’arrêtent celles du
s’estimait, et combien je devais l’estimer moi-même dernier (Rousseau).
(Crébillon). Les sensations ne sont rien que ce que le cœur les
De toutes les vertus, celle qui, dans le monde, m’a fait être (Rousseau).
toujours paru réussir le moins à celui qui la pratique, […] L’âme résiste bien plus aisément aux vives
c’est la modestie (Crébillon). douleurs qu’à la tristesse prolongée (Rousseau).
La modestie anéantit les grâces et les talents; en […] C’est le dernier degré de l’opprobre de perdre
songeant à ce que l’on à dire, on perd le temps à avec l’innocence le sentiment qui nous la fait aimer
parler, et pour persuader, il faut étourdir (Crébillon). (Rousseau).
Une profonde ignorance avec beaucoup de modestie Toutes les grandes passions se forment dans la
serait à vérité fort incommode, mais, avec une extrême solitude; on n’en a point de semblables dans le monde,
présomption, je puis vous assurer qu’elle n’a rien de où nul objet n’a le temps de faire une profonde
gênant (Crébillon). impression, et où la multitude des goûts énerve la force
Ignorer tout, et croire n’ignorer rien; ne rien voir, des sentiments (Rousseau).
quelque chose que ce puisse être, qu’on ne méprise ou On ne voit agir les autres qu’autant qu’on agit soi-
ne loue à l’excès; se croire également capable du même; dans l’école du monde comme dans celle de
sérieux et de la plaisanterie; ne craindre jamais d’être l’amour, il faut commencer par pratiquer ce qu’on veut
ridicule, et l’être sans cesse; mettre de la finesse dans apprendre (Rousseau).
ses tours et du puéril dans ses idées; prononcer des Au reste, hommes et femmes, tous, instruits par
absurdités, les soutenir, les recommencer : voilà le ton l’expérience du monde, et surtout par leur conscience,
de l’extrêmement bonne compagnie (Crébillon). se réunissent pour penser de leur espèce aussi mal
Il n’y a personne qui ne puisse trouver dans sa qu’il est possible, toujours philosophant tristement,
vanité, ou dans la stérilité d’autrui, de quoi sentir toujours dégradant par vanité la nature humaine,
moins le peu qu’il vaut, et se faire, en dépit de la toujours cherchant dans quelque vice la cause de tout
nature même, une sorte de mérite qui le mette au ce qui se fait de bien, toujours d’après leur propre
niveau de tout le monde (Crébillon). cœur médisant du cœur de l’homme (Rousseau).
[…] Et communément plus la femme est aimable, Le premier pas vers le vice est de mettre du mystère
moins l’homme est généreux (Crébillon). aux actions innocentes; et quiconque aime à se cacher
On sait aujourd’hui que le goût seul existe; et si l’on a tôt ou tard raison de se cacher (Rousseau).
se dit encore qu’on s’aime, c’est bien moins parce qu’on […] Ce sont les petites précautions qui conservent les
le croit, que parce que c’est une façon plus polie de se grandes vertus (Rousseau).
demander réciproquement ce dont on sent qu’on a Comme le premier pas vers le bien est de ne point
besoin (Crébillon). faire de mal, le premier pas vers le bonheur est de ne
Les hommes sont pervers; ils seraient pires encore point souffrir (Rousseau).
s’il avaient eu le malheur de naître savants (Rousseau). […] L’art d’assaisonner les plaisirs n’est que celui
L’astronomie est née de la superstition; l’éloquence, d’en être avare (Rousseau).
de l’ambition, de la haine, de la flatterie, du L’art d’interroger n’est pas si facile qu’on pense.
mensonge; la géométrie, de l’avarice; la physique, C’est bien plus l’art des maîtres que des disciples; il
d’une vaine curiosité; toutes, et la morale même, de faut avoir déjà beaucoup appris de choses pour savoir
l’orgueil humain. Les sciences et les arts doivent donc demander ce qu’on ne sait pas (Rousseau).
leur naissance à nos vices : nous serions moins en Une grande passion malheureuse est un grand moyen
doute sur leurs avantages, s’ils la devaient à nos de sagesse (Rousseau).
vertus (Rousseau). Dire qu’un homme se donne gratuitement, c’est dire
[…] Le faux est susceptible d’une infinité de une chose absurde et inconcevable; un tel acte est
combinaisons; mais la vérité n’a qu’une manière d’être illégitime et nul, par cela seul que celui qui le fait
(Rousseau). n’est pas dans son bon sens (Rousseau).
Le luxe va rarement sans les sciences et les arts, Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité
jamais ils ne vont sans lui (Rousseau). d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses
On ne demande plus d’un homme s’il a de la probité, devoirs. […] Une telle renonciation est incompatible
mais s’il a des talents; ni d’un livre s’il est utile, mais avec la nature de l’homme, et c’est ôter toute moralité
s’il est bien écrit. Les récompenses sont prodiguées au à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté
bel esprit, et la vertu reste sans honneurs (Rousseau). (Rousseau).
Il en est de la liberté comme de ces aliments solides On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas
et succulents, ou de ces vins généreux, propres à toujours. Jamais on ne corrompt le peuple, mais
nourrir et fortifier les tempéraments robustes qui en souvent on le trompe, et c’est alors seulement qu’il
ont l’habitude, mais qui accablent, ruinent et enivrent paraît vouloir ce qui est mal (Rousseau).
les faibles et délicats qui n’y sont point faits Redressez les opinions des hommes et leurs mœurs
(Rousseau). s’épureront d’elles-mêmes. On aime toujours ce qui est
C’est en un sens à force d’étudier l’homme que nous beau ou ce qu’on trouve tel, mais c’est sur ce jugement
nous sommes mis hors d’état de le connaître qu’on se trompe; c’est donc ce jugement qu’il s’agit de
(Rousseau). régler. Qui juge des mœurs juge de l’honneur, et qui
juge de l’honneur prend sa loi de l’opinion (Rousseau).
[…] La race humaine eût péri, si l’homme n’eût beauté n’est pas générale; elle périt par mille
commencé par être enfant (Rousseau). accidents, elle passe avec les années; l’habitude en
Plus le corps est faible, plus il commande; plus il est détruit l’effet. L’esprit seul est la véritable ressource
fort, plus il obéit. Toutes les passions sensuelles logent du sexe (Rousseau).
dans des corps efféminés; ils s’en irritent d’autant plus L’homme dit ce qu’il sait, la femme dit ce qui plaît
qu’ils peuvent moins les satisfaire (Rousseau). (Rousseau).
La seule habitude qu’on doit laisser prendre à Tout n’est qu’illusion dans l’amour, je l’avoue; mais
l’enfant est de n’en contracter aucune (Rousseau). ce qui est réel, ce sont les sentiments dont il nous
[…] La misère ne consiste pas dans la privation des anime pour le vrai beau qu’il nous fait aimer. Ce beau
choses, mais dans le besoin qui s’en fait sentir. Le n’est point dans l’objet qu’on aime, il est l’ouvrage de
monde réel a ses bornes, le monde imaginaire est nos erreurs. Eh! qu’importe? En sacrifie-t-on moins
infini ; ne pouvant élargir l’un, rétrécissons l’autre ; tous ses sentiments bas à ce modèle imaginaire?
car c’est de leur seule différence que naissent toutes (Rousseau).
les peines qui nous rendent vraiment malheureux On ne voit pas qu’une première impression, aussi vive
(Rousseau). que celle de l’amour ou du penchant qui tient sa place,
La domination même est servile, quand elle tient à a de longs effets dont on n’aperçoit point la chaîne
l’opinion; car tu dépends des préjugés de ceux que tu dans le progrès des ans, mais qui ne cessent d’agir
gouvernes par les préjugés (Rousseau). jusqu’à la mort (Rousseau).
Le seul qui fait sa volonté est celui qui n’a pas L’habitude de rentrer en moi-même me fit perdre
besoin, pour la faire, de mettre es bras d’un autre au enfin le sentiment et presque le souvenir de mes maux,
bout des siens : d’où il suit que le premier de tous les j’appris ainsi par ma propre expérience que la source
bien n’est pas l’autorité, mais la liberté. L’homme du vrai bonheur est en nous, et qu’il ne dépend pas des
vraiment libre ne veut que ce qu’il peut, et fait ce qu’il hommes de rendre vraiment misérable celui qui sait
lui plaît (Rousseau). vouloir être heureux (Rousseau).
Les têtes se forment sur les langages, les pensées Suffit-il de n’être jamais injuste pour être toujours
prennent la teinte des idiomes. La raison seule est innocent? (Rousseau).
commune, l’esprit en chaque langue a sa forme Jamais la fausseté ne dicta mes mensonges, ils sont
particulière; différence qui pourrait bien être en partie tous venus de faiblesse, mais cela m’excuse très mal.
la cause ou l’effet des caractères nationaux; et, ce qui Avec une âme faible on peut tout au plus se garantir
paraît confirmer cette conjecture est que, chez toutes du vice, mais c’est être arrogant et téméraire d’oser
les nations du monde, la langue suit les vicissitudes professer de grandes vertus (Rousseau).
des mœurs, et se conserve ou s’altère comme elles Quand je paye une dette c’est un devoir que je
(Rousseau). remplis; quand je fais un don c’est un plaisir que je me
Il importe de s’accoutumer d’abord à être mal donne. Or le plaisir de remplir ses devoirs est de ceux
couché : c’est le moyen de ne plus trouver de mauvais que la seule habitude de la vertu fait naître : ceux qui
lit (Rousseau). nous viennent immédiatement de la nature ne s’élèvent
D’où vient la fablesse de l’homme? De l’inégalité qui pas si haut que cela (Rousseau).
se trouve entre sa force et ses désirs. Ce sont nos C’est la force et la liberté qui font les excellents
passions qui nous rendent faibles, parce qu’il faudrait hommes. La faiblesse et l’esclavage n’ont fait jamais
pour les contenter plus de forces que ne nous en donna que des méchants (Rousseau).
la nature. Diminuez donc les désirs, c’est comme si Dans tous les maux qui nous arrivent, nous
vous augmentiez les forces : celui qui peut plus qu’il ne regardons plus à l’intention qu’à l’effet. Une tuile qui
désire en a le reste; il est certainement un être très fort tombe d’un toit peut nous blesser davantage mais ne
(Rousseau). nous navre pas tant qu’une pierre lancée à dessein par
Je hait les livres; ils n’apprennent qu’à parler de ce une main malveillante. Le coup porte à faux
qu’on ne sait pas (Rousseau). quelquefois mais l’intention ne manque jamais son
Le plus sûr moyen de s’élever au-dessus des préjugés atteinte (Rousseau).
et d’ordonner ses jugements sur les vrais rapports des Le bonheur est un état permanent qui ne semble pas
choses, est de se mettre à la place d’un homme isolé, et fait ici-bas pour l’homme. Tout est sur la terre dans un
de juger de tout comme cet homme en doit juger lui- flux continuel qui ne permet à rien d’y prendre une
même, eu égard à sa propre utilité (Rousseau). forme constante. Tout change autour de nous. Nous
Ce qui nous sert, on le cherche; mais ce qui nous veut changeons nous-mêmes et nul ne peut s’assurer qu’il
servir, on l’aime. Ce qui nous nuit, on le fuit; mais ce aimera demain ce qu’il aime aujoud’hui (Rousseau).
qui nous veut nuire, on le hait (Rousseau). Je sentis avant de penser : c’est le sort commun de
Loin que l’amour vienne de la nature, il est la règle l’humanité. Je l’éprouve plus qu’un autre (Rousseau).
et le frein de ses penchants : c’est par lui qu’excepté […] Le remords s’endort durant un destin prospère, et
l’objet aimé, un sexe n’est plus rien pour l’autre s’aigrit dans l’adversité (Rousseau).
(Rousseau). On dirait que mon cœur et mon esprit
Quiconque rougit est déjà coupable; la vraie n’appartiennent pas au même individu. Le sentiment,
innocence n’a honte de rien (Rousseau). plus prompt que l’éclair, vient remplir mon âme, mais
C’est la faiblesse de l’homme qui le rend sociable; ce au lieu de m’éclairer, il me brûle et m’éblouit. Je sens
sont nos misères communes qui portent nos cœurs à tout et je ne vois rien. Je suis emporté, mais stupide; il
l’humanité : nous ne lui devrions rien si nous n’étions faut que je sois de sang-froid pour penser (Rousseau).
pas hommes. Tout attachement est un signe […] Jamais toute la morale d’un pédagogue ne
d’insuffisance : si chacun de nous n’avait nul besoin vaudra le bavardage affectueux et tendre d’une femme
des autres, il ne songerait guère à s’unir à eux. Ainsi sensée pour qui l’on a de l’attachement (Rousseau).
de notre infirmité même naît notre frêle bonheur En général, les croyants font Dieu comme ils sont
(Rousseau). eux-mêmes; les bons le font bon, les méchants le font
Un homme vraiment heureux ne parle guère et ne rit méchant; les dévots, haineux et bilieux, ne voient que
guère; il resserre pour ainsi dire le bonheur autour de l’enfer, parce qu’ils voudraient damner tout le monde;
son cœur (Rousseau). les âmes aimantes et douces n’y croient guère; et l’un
La femme a tout contre elle, nos défauts, sa timidité, des étonnements dont je ne reviens point est de voir le
sa faiblesse; elle n’a pour elle que son art et sa beauté. bon Fénelon en parler dans son Télémaque comme s’il
N’est-il pas juste qu’elle cultive l’un et l’autre? Mais la y croyait tout de bon : mais j’espère qu’il mentait
alors; car enfin, quelque véridique qu’on soit, il faut fait frémir. On prise en tout l’unité de caractère
bien mentir quelquefois quand on est évêque (Rousseau). (Diderot).
Quand je ne vis plus les hommes, je cessai de les Si les bienfaits réciproques cimentent les amitiés
mépriser; quand je ne vis plus les méchants, je cessai réfléchies, peut-être ne font-ils rien à celles que
de les haïr (Rousseau). j’appellerais volontiers des amitiés amicales et
C’est surtout dans la solitude qu’on sent l’avantage domestiques (Diderot).
de vivre avec quelqu’un qui sait penser (Rousseau). […] En général il ne peut guère y avoir d’amitiés
Grande leçon pour les âmes honnêtes, que le vice entières et solides qu’entre des hommes qui n’ont rien.
n’attaque jamais à découvert, mais qu’il trouve le Un homme alors est toute la fortune de son ami, et son
moyen de surprendre, en se masquant toujours de ami est toute la sienne. De là la vérité de l’expérience,
quelque sophisme, et souvent de quelque vertu que le malheur resserre les liens (Diderot).
(Rousseau). Plaignons beaucoup les hommes, blâmons-les
J’ai dit quelque part qu’il ne faut rien accorder aux sobrement; regardons nos années passées comme
sens quand on veut leur refuser quelque chose autant de moments dérobés à la méchanceté qui nous
(Rousseau). suit […] (Diderot).
Quoi que vous en disiez, on ne fuit point les hommes Dis la chose comme elle est!... Cela n’arrive peut-être
quand on cherche à leur nuire; le méchant peut pas deux fois en un jour dans toute une grande ville. Et
méditer ses coups dans la solitude, mais c’est dans la celui qui vous écoute est-il mieux disposé que celui qui
société qu’il les porte (Rousseau). parle? Non. D’où il doit arriver que deux fois à peine en
Quiconque a le courage de paraître toujours ce qu’il un jour, dans toute une grande ville, on soit entendu
est deviendra tôt ou tard ce qu’il doit être; mais il n’y comme on dit (Diderot).
a plus rien à espérer de ceux qui se font un caractère Si on ne dit presque rien dans ce monde, qui soit
de parade (Rousseau). entendu comme on le dit, il y a bien pis, c’est qu’on n’y
La vertu ne donne pas le bonheur, mais elle seule fait presque rien, qui soit jugé comme on l’a fait
apprend à en jouir quand on l’a : la vertu ne garantit (Diderot).
pas des maux de cette vie et n’en procure pas les biens; Les duels se répètent dans la société sous toutes
c’est ce que ne fait pas non plus le vice avec toutes ses sortes de formes, entre des prêtres, entre des
ruses; mais la vertu fait porter plus patiemment les magistrats, entre des littérateurs, entre des
uns et goûter plus délicieusement les autres (Rousseau). philosophes; chaque état a sa lance et ses chevaliers,
Je connais trop les hommes pour ignorer que souvent et nos assemblées les plus respectables, les plus
l’offensé pardonne, mais que l’offenseur ne pardonne amusantes, ne sont que de petits tournois où
jamais (Rousseau). quelquefois on porte des livrées de l’amour dans le
[…] Quiconque veut être libre l’est en effet (Rousseau). fond de son cœur, sinon sur l’épaule. Plus il y a
Que seule [la paix de l’âme] tienne lieu de tout et d’assistants, plus la joute est vive (Diderot).
rende seule heureux les infortunés, voilà ce que j’avoue Mon maître, on ne sait de quoi se réjouir, ni de quoi
ne pouvoir admettre, ne pouvant, tant que je suis s’affliger dans la vie. Le bien amène le mal, le mal
homme, compter totalement pour rien la voix de la amène le bien (Diderot).
nature pâtissante et le cri de la l’innocence avilie On commence par des cas particuliers; à force de cas
(Rousseau). particuliers, examinés en eux-mêmes et comparés à
On n’est point toujours une bête pour l’avoir été d’autres, on aperçoit des ressemblances et des
quelquefois (Diderot). différences, et l’on se forme des notions plus ou moins
Il n’est pas nécessaire d’entendre une langue pour la générales, des théories plus ou moins étendues. Ce sont
traduire, puisque l’on ne traduit que pour des gens qui les faits, les phénomènes subsistants qui servent
ne l’entendent point (Diderot). d’échelons pour s’élever, et non les spéculations
Nos vertus ne sont pas plus désintéressées que nos abstraites de marches pour descendre. Avant que
vices. Le brave poursuit la gloire en s’exposant à des d’avoir des phénomènes dans sa tête, on n’y a rien
dangers; le lâche aime le repos et la vie; et l’amant (Diderot).
veut jouir (Diderot). Les erreurs passent, mais il n’y a que le vrai qui
Ceux qui m’ont consolée, m’ont souvent dit de mes reste. L’homme est donc fait pour la vérité; la vérité est
pensées, les uns que c’étaient autant d’instigations de donc faite pour l’homme puisqu’il court sans cesse
Satan, et les autres, autant d’inspirations de Dieu. Le après elle; qu’il l’embrasse quand il la trouve; qu’il ne
même mal vient, ou de Dieu qui nous éprouve, ou du veut ni ne peut s’en séparer quand il la trouve. Il ne
diable qui nous tente (Diderot, La religieuse). faut pas juger les hommes par leurs actions (Diderot).
On n’invoque presque jamais la voix du ciel, que Lorsque les haines ont éclaté, toutes les
quand on ne sait à quoi se résoudre; et il est rare réconciliations sont fausses (Diderot).
qu’alors elle ne nous conseille pas d’obéir (Diderot). Quand on ne veut pas être faible, il faut souvent être
Si tout ici-bas était excellent, il n’y aurait rien ingrat (Diderot).
d’excellent […] (Diderot). Être neutre, ou profiter de l’embarras des autres
On loue la vertu, mais on la hait, mais on la fuit, pour arranger ses affaires, c’est la même chose
mais elle gèle de froid, et dans ce monde, il faut avoir (Diderot).
les pieds chauds (Diderot). Malheur à celui dont on parlera trop (Diderot).
On tire parti de la mauvaise compagnie comme du Malheur à celui qui s’illustrera par ses services
libertinage. On est dédommagé de la perte de son (Diderot).
innocence par celle de ses préjugés (Diderot). Savoir dire non, pour un souverain; pouvoir dire non,
Le vice ne blesse les hommes que par intervalle; les pour un particulier (Diderot).
caractères apparents du vice les blessent du matin au Il ne faut de la morale et de la vertu qu’à ceux qui
soir. Peut-être vaudrait-il mieux être un insolent que obéissent (Diderot).
d’en avoir la physionomie : l’insolent de caractère Je pense qu’il faut faire un grand mal d’un moment
n’insulte que de temps en temps, l’insolent de pour un grand bien qui dure (Diderot).
physionomie insulte toujours (Diderot). L’imagination gaie d’un génie étendu agrandit le
S’il importe d’être sublime en quelque genre, c’est champ du ridicule; et tandis que le vulgaire le voit et le
surtout en mal. On crache sur un petit filou, mais on sent dans ce qui choque les usages établis, le génie le
ne peut refuser une sorte de considération à un grand découvre et le sent dans ce qui blesse l’ordre universel
criminel : son courage vous étonne, son atrocité vous (Diderot).
Le goût est souvent séparé du génie. Le génie est un entre eux qui le sentent vivement où il est, et que si peu
pur don de la nature; ce qu’il produit est l’ouvrage sachent ce que c’est? (Diderot).
d’un moment; le goût est l’ouvrage de l’étude et du On ne retient presque rien sans le secours des mots,
temps (Diderot). et les mots ne suffisent presque jamais pour rendre ce
Le sang-froid, cette qualité si nécessaire à ceux qui que l’on sent (Diderot).
gouvernent, sans lequel on ferait arrement une Un mauvais mot, une expression bizarre m’en a
application juste des moyens aux circonstances, sans quelquefois plus appris que dix belles phrases (Diderot).
lequel on manquerait de la présence d’esprit; le sang- Le beau projet que celui d’un dévot qui se tourmente
froid qui soumet l’activité de l’âme à la raison, et qui comme un forcené pour ne rien désirer, ne rien aimer,
préserve, dans tous les événements, de la crainte, de ne rien sentir, et qui finirait par devenir un vrai
l’ivresse, de la précipitation, n’est-il pas une qualité monstre s’il réussissait! (Diderot).
qui ne peut exister dans les hommes que l’imagination Il y a des gens dont il ne faut pas dire qu’ils
maîtrise? Cette qualité n’est-elle pas absolument craignent Dieu, mais bien qu’ils en ont peur (Diderot).
opposée au génie? (Diderot). Oui, je le soutiens, la superstition est plus injurieuse
Qu’est-ce que la vertu? C’est, sous quelque face qu’on à Dieu que l’athéisme (Diderot).
la considère, un sacrifice de soi-même. Le sacrifice que On n’a recours aux invectives que quand on manque
l’on fait de soi-même en idée est une disposition de preuves. Entre deux controversistes, il y a cent à
préconçue à s’immoler en réalité (Diderot). parier contre un que celui qui aura tort se fâchera
Il n’y a donc qu’un moyen de rendre fidèlement un (Diderot).
auteur, d’une langue étrangère dans la nôtre : c’est L’intelligence d’un premier être ne m’est-elle pas
d’avoir l’âme bien pénétrée des impressions qu’on en a mieux démontrée dans la nature par ses ouvrages, que
reçues, et de n’être satisfait de sa traduction que la faculté de penser d’un philosophe par ses écrits? […]
quand elle réveillera les mêmes impressions dans C’est sur ce raisonnement, et quelques autres de la
l’âme du lecteur. Alors l’effet de l’original et celui de même simplicité, que j’admets l’existence d’un Dieu, et
la copie sont les mêmes; mais cela se peut-il toujours? non sur ces tissus d’idées sèches et métaphysiques,
(Diderot). moins propres à dévoiler la vérité qu’à lui donner l’air
Le génie se sent; mais il ne s’imite point (Diderot). du mensonge (Diderot).
Un grand goût suppose un grand sens, une longue Pascal avait de la droiture; mais il était peureux et
expérience, une âme honnête et sensible, un esprit crédule. Élégant écrivain et raisonneur profond, il eût
élevé, un tempérament un peu mélancolique, et des sans doute éclairé l’univers, si la Providence ne l’eût
organes délicats… (Diderot). abandonné à des gens qui sacrifièrent ses talents à
L’ennui de tout ce qui amuse la multitude, est la leurs haines. […] On pourrait bien lui appliquer ce que
suite du goût réel pour la vertu (Diderot). l’ingénieux La Mothe disait de La Fontaine : Qu’il fut
Je voudrais être mort, est un souhait fréquent qui assez bête pour croire qu’Arnaud, de Sacy et Nicole
prouve, du moins quelquefois, qu’il y a des choses plus valaient mieux que lui (Diderot).
précieuses que la vie (Diderot). L’incrédulité est quelquefois le vice d’un sot, et la
Les gens de bien sont rares; mais il y en a. Celui qui crédulité le défaut d’un homme d’esprit. L’homme
pense autrement s’accuse lui-même, et montre combien d’esprit voit loin dans l’immensité des possibles; le sot
il est malheureux dans sa femme, dans ses parents, ne voit guère de possible que ce qui est. C’est là peut-
dans ses amis, dans ses connaissances (Diderot). être ce qui rend l’un pusillanime, et l’autre téméraire
Moins un genre est vraisemblable, plus il est facile (Diderot).
d’y être rapide et chaud. On a de la chaleur aux Une seule démonstration me frappe plus que
dépens de la vérité et des bienséances (Diderot). cinquante faits (Diderot).
Écouter les hommes, et s’entretenir souvent avec soi : Je suis plus sûr de mon jugement que de mes yeux
voilà les moyens de se former au dialogue (Diderot). (Diderot).
O combien l’homme qui pense le plus est encore L’exemple, les prodiges, et l’autorité peuvent faire
automate! (Diderot). des dupes ou des hypocrites : la raison seule fait des
Qu’un auteur intelligent fasse entrer dans son croyants (Diderot).
ouvrage des traits que le spectateur s’applique, j’y Dévots, je vous avertis : je ne suis pas chrétien parce
consens; qu’il y rappelle des ridicules en vogue, des que saint Augustin l’était; mais je le suis, parce qu’il
vices dominants, des événements publics; qu’il est raisonnable de l’être (Diderot).
instruise et qu’il plaise, mais que ce soit sans y penser. Si la raison est un don du ciel, et que l’on en puisse
Si l’on remarque son but, il le manque; il cesse de dire autant de la foi, le ciel nous a fait deux présents
dialoguer, il prêche (Diderot). incompatibles et contradictoires (Diderot).
Autre chose est la vérité en poésie; autre chose, en La religion de Jésus-Christ, annoncée par des
philosophie. Pour être vrai, le philosophe doit ignorants, a fait les premiers chrétiens. La même
conformer son discours à la nature des objets; le poète religion, prêchée par des savants et des docteurs, ne
à la nature de ses caractères (Diderot). fait aujourd’hui que des incrédules (Diderot).
[…] Telle est la différence de l’esprit et du génie, que Un moyen presque sûr de se tromper en
l’un est presque toujours présent, et que souvent métaphysique, c’est de ne pas simplifier assez les
l’autre s’absente (Diderot). objets dont on s’occupe; et un secret infaillible pour
Il est facile de critiquer juste; et difficile d’exécuter arriver en physico-mathématique è des résultats
médiocrement (Diderot). défectueux, c’est de les supposer moins composés qu’ils
La sensibilité n’est guère la qualité d’un grand génie ne le sont (Diderot).
(Diderot). […] Toute langue en général étant pauvre de mots
On a dit que l’amour, qui ôtait l’esprit à ceux qui en propres pour les écrivains qui ont l’imagination vive,
avaient, en donnait à ceux qui n’en avaient pas; c’est- ils sont dans le même cas que des étrangers qui ont
à-dire, en autre français, qu’il rendait les uns sensibles beaucoup d’esprit; les situations qu’ils inventent, les
et sots, et les autres froids et entreprenants (Diderot). nuances délicates qu’ils aperçoivent dans les
Les choses dont on parle le plus parmi les hommes caractères, la naïveté des peintures qu’ils ont à faire,
sont assez ordinairements celles qu’on connaît le les écartent à tout moment des façons de parler
moins (Diderot). ordinaires (Diderot).
Comment se fait-il que presque tous les hommes On appelle idéalistes ces philosophes qui, n’ayant
soient d’accord qu’il y a un beau; qu’il y en ait tant conscience que de leur existence et des sensations qui
se succèdent au-dedans d’eux-mêmes, n’admettent pas
autre chose : système extravagant qui ne pouvait, ce
me semble, devoir sa naissance qu’à des aveugles;
système qui, à la honte de l’esprit humain et de la
philosophie, est le plus difficile à combattre, quoique
le plus absurde de tous (Diderot).
Les hommes en sont à peine à sentir combien les lois
de l’investigation de la vérité sont sévères, et combien
le nombre de nos moyens est borné. Tout se réduit à
revenir des sens à la réflexion, et de la réflexion aux
sens : rentrer en soi et en sortir sans cesse. C’est le
travail de l’abeille. On a battu bien du terrain en vain,
si on ne rentre pas dans la ruche chargée de cire. On a
fait bien des amas de cire inutile, si on ne sait pas en
former des rayons (Diderot).
L’entendement a ses préjugée; le sens, son
incertitude; la mémoire, ses limites; l’imagination, ses
lueurs; les instruments, leur imperfection. Les
phénomènes sont infinis; les cause, cachées; les
formes, peut-être transitoires. Nous n’avons contre tant
d’obstacles que nous trouvons en nous, et que la nature
nous oppose au dehors, qu’une expérience lente, qu’une
réflexion bornée. Violé les leviers avec lesquels la
philosophie s’est proposé de remuer le monde (Diderot).

Plus je connais l’homme


et plus j’aime mon chien,
disait un imbécile.
Plus je connais l’homme
plus je l’aime,
disait un chien.
Plus je connais
et plus j’aime,
disait un homme (Jean Mercenac).

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