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Mise au point
Résumé
Le recours à des actes radiologiques utilisant des produits de contraste est devenu fréquent lors de la prise en charge en urgence de certains
patients. L’utilisation des produits de contraste pose le problème de leurs effets secondaires, essentiellement les réactions allergiques et
l’insuffisance rénale. L’injection de produits iodés, principaux pourvoyeurs des réactions allergiques, justifie l’identification préalable des
sujets à risque. La réalisation d’une prémédication systématique par antihistaminiques et corticoïdes chez ces malades n’évite pas les réactions
les plus graves. Un bilan allergologique est indispensable après une réaction grave. L’allergie aux produits de contraste non iodés est plus rare
et n’est pas croisée avec celle aux produits iodés. Les facteurs de risque essentiels de survenue d’une néphropathie secondaire à l’injection de
produits de contraste sont un diabète, une fonction rénale antérieurement détériorée, et la quantité de produit de contraste injectée. L’intérêt de
l’utilisation de la N-acétyl-cystéine associée à une hydratation a été démontré pour les utilisations programmées des produits de contraste.
Dans l’urgence, les résultats sont beaucoup moins évidents.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Use of contrast media in emergency investigations: risks and guidelines for their prevention. Diagnostic and interventional radiology of
emergency patients is nowadays crucial and more and more requires the infusion of contrast media. These techniques may trigger deleterious
side-effects, mainly iodinated contrast media-related allergies and acute renal failure. Patients at high risk to develop such adverse events have
to be detected on the basis of their risk factors (previous allergies, renal failure, diabetes, etc.) in order to prevent or limit serious outcome. In
case allergy is suspected, tests are mandatory because premedication may fail to prevent death. Allergy to non-iodinated contrast media is rarer
and therefore offers an alternative to iodinated contrast media. Even if a benefit can be expected by the association of N-acetyl-cysteine and
hydratation in preventing contrast media related nephropathy in non-emergency patients given iodinated media, in emergency situations a
doubt still persists.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : francis.schneider@chru-strasbourg.fr (F. Schneider).
subissent une capture par le système réticulo-endothélial au L’implication de l’histaminolibération repose sur l’obser-
niveau du foie, de la rate, des ganglions et de la moelle vation de modifications des mastocytes pulmonaires lors du
osseuse : ils sont donc très utiles en imagerie hépatique. Leur premier passage du PCI dans la circulation. Après un choc
demi-vie plasmatique est variable (40–60 minutes), mais leur anaphylactoïde, on note une élévation des concentrations
demi-vie d’élimination hépatique peut être très longue sériques d’histamine et de tryptase. La tryptasémie, norma-
(11 jours pour certains). L’imagerie est optimale entre 30 et lement inférieure à 10 µg/L, est proportionnelle à la sévérité
60 minutes après l’injection. de la RA, pouvant atteindre plus de 100 µg/L [7].
En cas d’angiospasme coronaire, l’histamine jouerait éga-
2.2.1.3. Les agents à tropisme spécifique. Ils permettent lement un rôle majeur, bien que discuté. L’injection d’hista-
l’étude d’organes particuliers (foie, voies biliaires, vais- mine provoque un vasospasme coronarien diffus (mécanisme
seaux...) en raison de propriétés pharmacocinétiques qui as- non élucidé) et reproduit l’ensemble des manifestations aller-
surent une rémanence dans ces structures. giques [8,9].
Le facteur déclenchant de l’histaminolibération reste mal
3. Risques liés à l’utilisation des produits de contraste connu. Alors que certaines réactions sévères semblent consé-
cutives à une anaphylaxie IgE-dépendante, aucun anticorps
3.1. Risques spécifiques associés aux produits de contraste anti-PCI [10] n’a pu être détecté [11].
iodés L’incidence des réactions sévères est supérieure avec les
produits ioniques mais celle des réactions fatales pourrait
L’ordre de grandeur du risque de décès est de 1 sur être supérieure pour les non-ioniques [12,13]. Les PCI de
100 000 examens (0,001 %), celui des accidents majeurs haute osmolalité activeraient davantage le complément que
(définis par la nécessité d’une intervention thérapeutique) de les produits de basse osmolalité [14].
1 sur 2000 (0,05 %) et celui des incidents mineurs de 1 % [2]. Le stress du patient, spontané ou induit au contact de
Les réactions indésirables représentent de 2 à 8 % des cas l’équipe de radiologie, serait un facteur non négligeable dans
d’utilisation des PCI ioniques hyperosmolaires [3]. la fréquence de survenue de ces accidents [15].
3.1.1. Les manifestations allergiques 3.1.1.3. Facteurs de risque de manifestations allergiques.
Tous les PCI sans exception sont susceptibles de générer
Le facteur de risque le plus important de survenue d’une
des réactions adverses de type allergique.
manifestation allergique sévère après injection de PCI est un
3.1.1.1. Présentation clinique des manifestations allergi- antécédent de RA à un PCI, quelle qu’en ait été la gravité
ques. Dans leurs formes aiguës, il s’agit le plus souvent (odds ratio [OR] = 10,9). Ce risque est également important
d’une réaction anaphylactoïde (RA) immédiate, associant chez les patients asthmatiques (OR = 4,5–8,7) [16] et les
hypotension artérielle (collapsus, voire état de choc), angio- insuffisants cardiaques, notamment coronariens (OR = 4,5 à
œdème extensif pouvant atteindre le larynx, contraction des 7,7 respectivement) [17]. Un traitement par bêtabloquant
fibres musculaires lisses (broncho- et laryngospasmes) et (même en collyre) aggrave la symptomatologie des RA
urticaire diffuse. Au cours d’une coronarographie, un vasos- (OR = 2,6 à 3,7) par un effet inotrope négatif, une augmen-
pasme, voire un infarctus du myocarde peuvent également tation latente des résistances aériennes si le patient présente
être observés [4]. déjà une hyperréactivité bronchique, une potentialisation de
Des réactions retardées sont également rapportées [5], une la libération des médiateurs des allergies, et une résistance au
heure à une semaine après l’injection de PCI. Il peut s’agir de traitement par adrénaline [11]. L’existence d’un terrain ato-
nausées et vomissements, de céphalées, d’éruptions cutanées pique double le risque de RA.
(exanthèmes maculeux prurigineux), de douleurs musculai-
res et/ou d’une fièvre. Un travail portant sur 7505 utilisations 3.1.2. Néphropathie induite par les produits de contraste
d’un PCI hypo-osmolaire non ionique a montré que les fac- (NIPC)
teurs de risque de survenue d’un effet secondaire retardé
sont : un antécédent d’allergie, la saison pendant laquelle 3.1.2.1. Présentation clinique et biologique de la NIPC. Il
l’examen est réalisé (un rôle des pollens a été évoqué), le peut s’agir d’une insuffisance rénale de novo, ou de l’aggra-
protocole radiographique utilisé, l’âge du patient, un acte vation d’une insuffisance rénale pré-existante. L’élévation de
invasif concomitant, et un traitement médicamenteux associé la créatininémie de plus de 25 % de sa valeur de base dans les
[6]. La prévalence des réactions retardées était de 2,8 % (vs 48 heures suivant l’injection d’un PCI définit la NIPC, en
5 % pour les effets immédiats). l’absence d’autre cause. Certains auteurs utilisent la valeur
absolue de cette augmentation : la référence est alors une
3.1.1.2. Physiopathologie des manifestations allergiques. augmentation supérieure à 44 µmol/L de la créatininémie de
Les hypothèses évoquées pour expliquer ces réactions sont : base [18]. Cette atteinte s’aggrave graduellement dès l’injec-
histaminolibération, dégranulation mastocytaire, activation tion du PCI, culmine en trois à cinq jours et se résout géné-
du complément, libération de leukotriènes et de prostaglan- ralement en dix jours. Le plus souvent, la diurèse est conser-
dines... vée ; le risque de devoir recourir à une épuration extrarénale
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est de l’ordre de 3 % [19]. Si une dialyse devient nécessaire, avec pour résultat une ischémie de la médulla. Le déséquili-
la mortalité approche 35 % [20]. Ce contraste entre bénignité bre entre productions de vasodilatateurs (NO, prostaglandi-
apparente et rareté des formes graves reflète en réalité essen- nes...) et de vasoconstricteurs (angiotensine, endothélines)
tiellement la littérature sur des actes d’imagerie au sein d’une aboutit à une nécrose ischémique de certaines structures
population ciblée et étudiée à froid (ex. : scanner abdominal intrarénales. Un travail récent analysant les conséquences de
avec injection chez un diabétique, coronographie diagnosti- l’inhibition spécifique des COX constitutive et inductible sur
que chez un artéritique). En revanche, il n’existe aucune les débits intrarénaux chez la souris [24] explique comment
étude analysant les conséquences de l’injection d’un PCI au les anti-inflammatoires deviennent un facteur surajouté d’is-
cours des états d’agression aiguë. chémie rénale selon le degré d’expression des COX au mo-
Toute détérioration de la fonction rénale après injection ment de l’action des PCI. En effet, chez des malades agres-
d’un PCI ne saurait toutefois être attribuée au seul PCI. Il sés, surexprimant la COX-2 dans leurs vaisseaux rénaux, le
existe en particulier des IRA par embolie d’athérome au débit vasculaire de la médulla diminue du seul fait des anti-
pronostic beaucoup plus sombre, survenant plus tardivement inflammatoires : les PCI augmenteront encore cette variation
(cinquième–septième jours après injection), préférentielle- et donc les lésions rénales. Par ailleurs, certaines substances
ment après des actes radiologiques invasifs (artériographies, administrées préventivement pour prévenir la NIPC sont
angioplasties...), associées à des manifestations ischémiques accusées d’aggraver les lésions rénales ischémiques médul-
dans d’autres territoires d’aval, dans un contexte d’hyperéo- laires en raison de leur pouvoir de redistribution cortical du
sinophilie et d’hypocomplémentémie [21]. flux vasculaire médullaire (voir infra et [25]).
3.1.2.2. Physiopathologie de la NIPC iodée. L’affection est
3.1.2.3. Facteurs de risque de NIPC. Dans une large étude
multifactorielle et d’autant plus sévère que sont présents des
prospective (1826 coronarographies), il a été observé une
facteurs de risque établis au cours du suivi de cohortes
incidence de 14,5 % d’IRA ne nécessitant pas d’hémodialyse
particulières (Tableau 1).
(HD) et de 0,7 % d’IRA nécessitant une HD. L’analyse
La toxicité directe du PC. Elle participe à la genèse de la
NIPC par action directe sur les cellules du tube contourné multivariée fait ressortir la clairance de la créatinine initiale
proximal [22], suivie d’une protéinurie de faible poids molé- (OR = 0,83), le diabète (OR = 5,47) et la quantité de produit
culaire. La toxicité des PCI récents sur les cellules rénales de contraste injectée (OR = 1) comme facteurs de risque
reste cependant à établir ; in vitro leurs caractéristiques indépendants de survenue de NIPC, avec une mortalité intra-
physicochimiques semblent contribuer à des dégâts moin- hospitalière de 35,7 % pour les patients avec une IRA et
dres sur la viabilité cellulaire, la perméabilité à l’inuline et la diabétiques contre 1,1 % pour ceux non diabétiques et à
redistribution des protéines des complexes de jonction inter- fonction rénale conservée [26].
cellulaire [23]. Cette toxicité va de pair avec une moindre Ce n’est pas tant la nature, mais la quantité de PC utilisée
osmolarité, mais ne semble pas liée au degré d’ionisation du qui est le facteur de risque déterminant de survenue d’une
PCI [23]. Préalablement, il avait été démontré que l’hyperto- NIPC. Il faut prendre en compte le volume total injecté,
nie des PCI contribuait avec l’hypoxie locale à une apoptose rapporté au poids et à la fonction rénale du patient. On aboutit
cellulaire exagérée participant aux lésions suivies d’IRA ainsi à la notion de dose maximale acceptable de PCI
[22]. (DMPC) injectée : DMPC= 5 mL x (poids (kg)/ créatininé-
Les variations induites par le PCI sur l’hémodynamique mie (mg/dL)).
intrarénale. Elles constituent le second facteur causal de la La pertinence de ce concept liant le dépassement de la
NIPC. L’injection de PCI est suivie de phénomènes de vaso- DMPC et la survenue d’une IRA nécessitant une dialyse,
dilatation et de vasoconstriction des vaisseaux intrarénaux ainsi que la mortalité a été démontrée : la DMPC est un
Tableau 1
facteur de risque indépendant (OR = 6,2) [27].
Facteurs de risque de la NIPC
Facteurs de risque 3.1.3. Autres risques
Prouvés
• Insuffisance rénale pré-existante 3.1.3.1. Effets cardiovasculaire et hémodynamique. L’in-
• Diabète jection d’un PCI hyperosmolaire est suivie d’un appel intra-
• Quantité de produit de contraste injectée vasculaire d’eau, de cinq fois le volume injecté pour les PCI
Fortement suspectés
de haute osmolalité et de 2,5 fois pour les PCI de basse
• Âge avancé
osmolalité, d’où la survenue d’une hypervolémie et d’une
• Déshydratation et/ou hypovolémie
• Insuffisance cardiaque congestive
déshydratation extracellulaire. Lors du passage du PCI dans
• Insuffisance circulatoire aiguë la circulation pulmonaire, la pression pulmonaire s’élève, en
• Substances néphrotoxiques raison de l’osmolalité et de la viscosité. Puis on observe une
• Injections multiples et/ou rapprochées de PC augmentation du volume sanguin total, une diminution des
La présence de l’un de ces facteurs justifie que soit évalué de façon précise le résistances périphériques et pulmonaires, une augmentation
rapport risque/bénéfice d’une injection de PC. du débit cardiaque, et une diminution modérée de la pression
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artérielle. Quoique brèves, ces modifications doivent être Biguanides (metformine). Ils provoquent un blocage de la
prises en compte en urgence quand il existe un risque de transformation des lactates en glucose au niveau hépatique et
surcharge barométrique (ex. : embolie pulmonaire). peuvent donc générer une acidose lactique en cas d’insuffi-
Les PCI sont susceptibles de déclencher des effets locaux sance rénale pré-existante ou induite par les PCI : leur arrêt
lors des injections intracoronaires ou intraventriculaires : est recommandé 48 heures avant et après l’examen.
bradycardie, diminution de la conduction avec apparition
d’extrasystoles [28], voire de fibrillations [29]. 3.2. Risques associés à l’utilisation des PCNI
Les PCI ioniques ont un effet inotrope négatif transitoire
immédiat, alors qu’il est retardé pour les PCI non ioniques 3.2.1. L’allergie
[30]. Par ailleurs, en déplaçant la courbe de dissociation de Elle a surtout été rapportée pour les agents de susceptibi-
l’hémoglobine avec majoration de son affinité pour l’hémo- lité magnétique du fait de leur combinaison à un dextran,
globine, les PCI peuvent provoquer de véritables crises d’an- mais rarement pour les préparations au gadolinium. Il en
gor [31]. découle que ce dernier pourrait être d’utilisation plus sûre.
Ces effets sont liés à l’hyperosmolalité, à une hypocalcé- Une surveillance multicentrique américaine (687 255 utilisa-
mie relative par hémodilution, complexation ou chélation des tions) a permis d’établir leur sécurité : 0,046 % de réactions
ions calciques, et à des échanges ioniques pour les PCI adverses non allergiques (douleurs lombaires, céphalées,
ioniques. nausées, dysgueusies), 0,001 % de réactions allergiques sé-
vères (réactions anaphylactoïdes vraies au dextran), 0,004 %
3.1.3.2. Sensation de douleur et de chaleur lors de l’injec- de réactions modérées (hypotension transitoire, dyspnée) et
tion intraveineuse. Le phénomène de diffusion osmotique 0,001 % de réactions mineures (flush). Aucune réaction croi-
induit une vasodilatation, responsable des sensations de dou- sée entre RA aux PCI et allergies aux PCNI n’a pu être
leur et de chaleur. Si le PCI est injecté par voie veineuse établie [37].
(système capacitif à basse pression donc distensible), les
sensations douloureuses sont moindres ; s’il est injecté en 3.2.2. Effets liés à l’hyperosmolalité
intra-artériel (système résistif moins distensible), les phéno- Les produits paramagnétiques sont hyperosmolaires :
mènes douloureux sont majorés. L’utilisation de PCI hypo- pour les chélates ioniques l’osmolalité est supérieure à
osmolaires diminue les phénomènes douloureux et de cha- 1000 mOsm/kg, pour les chélates non ioniques elle avoisine
leur, mais aussi la déshydratation extracellulaire consécutive 600–700 mOsm/kg. Les volumes injectés sont plus faibles :
au passage du PCI. les réactions (chute de la pression aortique, élévation de la
pression artérielle pulmonaire et du débit cardiaque) sont
3.1.3.3. Effet sludge capillaire. L’osmolalité élevée des PCI donc plus limitées.
entraîne des modifications morphologiques et fonctionnelles
des érythrocytes : augmentation de rigidité et de l’agrégabi- 3.2.3. Effets spécifiques liés à la structure chimique
lité [32]. Il peut donc s’exercer un effet sludge au niveau La structure cristalline des produits de susceptibilité ma-
capillaire avec ralentissement de la microcirculation et hy- gnétique permet la formation d’agrégats et justifie l’utilisa-
poxie [33]. Cet effet peut être délétère en cas de cardiopathie tion de filtres sur la voie d’injection. Des douleurs lombaires
congénitale cyanosante, de drépanocytose, d’hypoxie chro- sont possibles lors de l’injection. Parmi eux, les chélates de
nique ou d’ischémie tissulaire. gadolinium ou de manganèse peuvent se dissocier et libérer
des cations dont la forme libre peut être toxique. Leur sécu-
3.1.3.4. Effets sur la coagulation. Les PCI sont accusés de rité d’emploi dépend donc de leur stabilité physicochimique,
perturber l’hémostase de façon parfois imprévisible : effet en particulier d’une faible cinétique de dissociation.
anticoagulant transitoire [34] plus marqué pour les PCI ioni-
ques, voire effet procoagulant [35], et même effet anti-
agrégant plaquettaire [36]. 4. Quelles sont les recommandations possibles ?
3.1.3.5. Effets sur le système nerveux central. Les PCI ne
sont jamais en contact avec le tissu cérébral (barrière hémato- 4.1. Identifier le sujet à risque
encéphalique), sauf au niveau de la neurohypophyse, des
plexus choroïdes et de l’area postrema. Le contact avec cette Malgré des interrogatoires policiers, les deux principaux
dernière explique les sensations précoces de nausées et des risques d’utilisation en urgence des PC ne pourront pas être
vomissements. Les PCI ioniques sont formellement contre- annulés. Retarder une urgence diagnostique et donc théra-
indiqués pour une utilisation intrathécale. peutique en raison d’une allergie alléguée pour permettre une
préparation a minima peut néanmoins être gravement préju-
3.1.3.6. Interactions médicamenteuses. Bêtabloquants. Ils diciable à un malade. A contrario, aucune prémédication ne
risquent d’aggraver une réaction anaphylactoïde qui s’ins- garantit avec certitude que l’injection de PC se passera sans
talle. Les patients bêtabloqués doivent bénéficier d’une sur- conséquences sévères. La NIPC est à ce titre moins grave
veillance accrue pour cette raison. puisqu’elle peut être traitée de façon symptomatique.
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En 1993, une conférence de consensus a défini le sujet à parfois être retardé (angioplasties, traitements endovasculai-
risque (Tableau 1) [38]. Les patients diabétiques et les sujets res d’anévrismes...). Rappelons que la NIPC est la troisième
âgés n’étaient pas considérés comme des sujets à risque cause d’IRA et que sa prévalence ne cesserait de croître [42].
particulier. Néanmoins, ils peuvent le devenir en cas de
pathologie intercurrente. L’enfant n’est pas un sujet à risque 4.3.1. Assurer une hydratation correcte
hors période néonatale (risque dose-dépendant). L’efficacité de cette attitude, suggérée dès 1981 [43], a été
L’identification des patients à risque doit faire mettre en confirmée de façon prospective [44] au sein de populations à
œuvre des mesures préventives. la fonction rénale de base partiellement altérée. Une étude
(1620 patients) comparant soluté salé isotonique (0,9 %) et
demi-isotonique (0,45 %) affirme la supériorité du soluté
4.2. Prévenir le risque allergique isotonique (incidence de NIPC : 0,7 vs 2 %) [45]. Néan-
moins, il n’existe pas d’étude prospective au pouvoir statis-
4.2.1. Prémédication anti-allergique tique discriminant spécifiquement dédiée au degré d’hydra-
La mise en évidence de facteurs de risque de survenue de tation nécessaire pour éviter une NIPC au sein d’une
RA justifie une prémédication chez les sujets à risque. L’Eu- population tout venant explorée en urgence. Actuellement,
ropean Society of Urogenital Radiology a réévalué les re- les protocoles d’hydratation restent variables. L’administra-
commandations en matière de prévention du risque allergi- tion de sérum physiologique isotonique à raison de 1 mL/kg
que en 2001 [39]. Les corticoïdes sont recommandés : par heure fait l’objet d’un quasi-consensus, mais le moment
prednisolone 30 mg ou méthylprednisolone 32 mg, 12 et où cette hydratation doit commencer varie selon les auteurs
deux heures avant l’examen. Ils sont inutiles si administrés de deux heures à 12 heures avant l’injection ; cette décision
moins de six heures avant l’injection. L’utilisation des anti- ne tient pas assez compte du retard d’hydratation existant
histaminiques n’est plus recommandée : le choix est laissé au chez des malades vus en urgence. Dans les protocoles desti-
praticien [40]. nés aux malades soumis à une injection « à froid », une
hydratation débutant deux heures avant l’intervention, se
4.2.2. Choix du produit de contraste poursuivant 24 heures après l’injection, et associée à un bilan
Les produits non ioniques engendreraient moins de réac- hydrosodé équilibré, suffit [46]. Cette modalité permet de
tions : les associer à une prémédication chez certains sujets à rappeler que la déshydratation spontanée ou celle consécu-
risque semble permettre un gain d’efficacité préventive [41]. tive à l’administration de diurétiques à action rapide (furosé-
Les sujets atteints de cardiopathies, sous bêtabloquants et mide, mannitol) est un facteur aggravant que seule prévient
les sujets asthmatiques sont aussi concernés : l’intérêt de réellement l’hydratation [47]. Il n’y a aucun avantage à
l’injection de PC doit être mûrement évaluée par rapport au réaliser une diurèse forcée par furosémide, mannitol ou do-
bénéfice attendu. pamine [48].
Les patients ayant présenté antérieurement une RA sont Des données partielles suggèrent également un effet béné-
justiciables d’un bilan immuno-allergologique pour dépister fique de l’arrêt des médicaments potentiellement néphrotoxi-
les rares sensibilisations IgE-dépendantes par prick-tests cu- ques ou des IEC en cas de risque de NIPC.
tanés, et en cas de négativité par intradermoréactions avec
aliquots de dilution aux 10–4 et 10–3. Si les tests cutanés aux 4.3.2. Utilisation de médicaments vaso-actifs
PCI sont positifs, il faut rechercher des sensibilisations croi-
sées par intradermoréactions pour conseiller ultérieurement Les mécanismes physiopathologiques privilégiant l’is-
un produit non réactif [11]. Si les tests cutanés sont négatifs, chémie de la médulla ont conduit à essayer chez l’homme
il faut utiliser un PC non I associé à une prémédication : différentes molécules pour prévenir l’IRA.
l’examen reste cependant risqué et doit être réalisé en pré-
sence d’un réanimateur. Même dans ces conditions, la réuti- 4.3.2.1. Médicaments vasodilatateurs. Le facteur natriuré-
lisation d’un PC auquel un malade a présenté une première tique auriculaire (FNA). Du fait de ses propriétés vasculaires
réaction adverse est strictement interdite. Le changement de mais aussi de son effet inhibiteur sur la réabsorption tubulaire
produit (ou de famille de produit) ne permet jamais d’exclure du Na+, le facteur natriurétique auriculaire (FNA) semblait
totalement la survenue d’un nouvel accident grave. un candidat idéal après avoir été testé avec succès chez
l’animal. Son utilisation chez des diabétiques à la fonction
rénale altérée n’a non seulement pas permis d’éviter la NIPC,
4.3. Prévenir la survenue d’une néphropathie mais, au contraire, aux posologies les plus élevées, il a exercé
un effet délétère [25].
Même chez les malades présentant d’emblée des facteurs Prometteurs au plan expérimental, les inhibiteurs non sé-
de risque de néphropathie, ce traitement reste l’enjeu d’un lectifs des récepteurs de l’endothéline couplés à une hyper-
débat. En urgence, ce point est crucial car ces facteurs ne hydratation se sont avérés incapables de prévenir l’IRA chez
peuvent pas toujours être établis (malade comateux, traite- des coronariens subissant une coronarographie [49]. La piste
ments en cours inconnus...), et l’examen à réaliser ne peut des inhibiteurs sélectifs des récepteurs ETA reste à explorer.
516 T. Lavigne et al. / Réanimation 12 (2003) 510–518
Les prostaglandines (PGE1 essentiellement). Elles ont été plus onéreux ne peut les faire recommander que dans ces
testées en double insu vs placebo [50] : aux posologies ne populations.
provoquant pas d’hypotension artérielle (< 20 ng/kg par
minute), elles ont un effet préventif, qui s’inverse dès qu’une 4.3.2.5. Épuration extrarénale. Si la possibilité de dialyser
hypotension artérielle survient. Leur utilisation s’avère donc les PC est réelle, l’intérêt d’une épuration rénale prophylac-
délicate ; leur coût parait rédhibitoire. tique ou curative n’a pas été montré. La plupart des auteurs
s’accordent sur l’inutilité d’une telle procédure, voire sa
4.3.2.2. N-acétyl-cystéine (NAC). Molécule thiolée, elle agit nocivité en raison des risques inhérents à la technique [59].
également en améliorant la vasodilatation dépendant de l’en- De même, la réalisation systématique d’une hémodialyse
dothélium au niveau de certaines circulations locales. Par après injection de PCI chez un patient à risque ne semble pas
ailleurs, elle sert de précurseur pour la synthèse du glutathion avoir d’avantage.
et possède de fortes propriétés anti-oxydantes. À ce titre, elle
transporte des molécules comme le NO. Ces propriétés théo-
riques lui confèrent une place potentielle de protecteur du 5. Conclusion
rein au cours de l’injection d’un PCI.
Une récente méta-analyse [51] a démontré que l’associa-
Au cours des explorations radiologiques pratiquées en
tion d’une hydratation avec un soluté salé à l’utilisation de la
urgence, le choix de réaliser une injection de PC doit être un
NAC réduisait significativement le risque de survenue d’une
acte d’autant plus mûrement réfléchi et partagé avec le radio-
NIPC (risque relatif = 0,56, p = 0,01). Mais il ne s’agissait
logue que les malades sont particulièrement fragiles
que d’études avec injection programmée de PC, et il n’y a
lorsqu’ils sont agressés. Même exceptionnels, les risques
aucune preuve que la NAC ait un intérêt dans les situations
d’allergie et d’insuffisance rénale ne sont pas les seuls : ils
d’urgence. La seule étude randomisée étudiant des situations doivent pouvoir être justifiés même a posteriori par un ratio
d’injection de PC en urgence, ne montre pas de différence risque/bénéfice favorable. Des recommandations pratiques
significative entre l’utilisation de la NAC associée à l’hydra- ont été synthétisées dans le Tableau 2. Les PC non I de
tation vs placebo associé à l’hydratation [52]. Devant la dernière génération exposent moins souvent à des risques
faible toxicité de la NAC, son utilisation peut être proposée minorés par rapport à leurs aînés : ces risques ne sont toute-
en association avec une hydratation selon des modalités fois jamais nuls et les produits sont plus chers.
simples.
Tableau 2
4.3.2.3. Dopamine. À la posologie de 2,5 µg/kg par minute, Conduites à tenir en cas d’utilisation des PC en urgence
la dopamine s’est avérée incapable de prévenir la NIPC. Facteurs de risque de Pas de facteurs de
Dans certains groupes de diabétiques, elle a même entraîné survenue d’une risque allergiques
une aggravation de la fonction rénale [53,54]. Ces constata- réaction
tions possiblement dues à l’action activatrice des récepteurs anaphylactoïde
Facteurs de risque de • Prémédication par • PCI iso-osmolaires
DA-1 et DA-2 mais aussi a et b-adrénergiques ont conduit à
survenue d’une corticoïdes, si possible non ioniques
analyser les effets du fenoldopam, agoniste DA-1 sélectif, néphropathie induite • PCI iso-osmolaires • NACa 1200 mgb une
dont on aurait pu attendre une meilleure augmentation du par les produits de non ioniques heure avant et trois
flux rénal et de la natriurèse sans effet vasoconstricteur. Chez contraste • NACa 1200 mgb une heures après,
l’homme [55], les résultats préliminaires sont aussi encoura- heure avant et trois • + soluté salé 0,45 %c
heures après, 1 mL/kg par heure à
geants que ceux obtenus chez l’animal [56] mais nécessitent
• + soluté salé 0,45 %c démarrer le plus tôt
des investigations complémentaires dans le cadre de l’ur- 1 mL/kg par heure à possible jusqu’à
gence. démarrer le plus tôt 12 heures après
possible jusqu’à • PC non I
12 heures après
4.3.2.4. Utilisation de produits non-ioniques et de basse
• PC non I
osmolalité. S’ils induisent moins de NIPC que les PCI les
plus anciens, leur risque d’utilisation n’est pas nul et leur
coût est élevé. Par ailleurs, dans une méta-analyse [57], il a Pas de facteurs de • Prémédication par • Pas de
été montré que le risque n’est moindre (OR = 0,33) que chez risque rénaux corticoïdes, si possible recommandations
les malades à la fonction rénale déjà pathologique • PCI iso-osmolaires particulières
antérieurement. non ioniques
• PC non I
Enfin, certains nouveaux PC iso-osmolaires (iodixanol),
testés dans une étude prospective, randomisée en double Le Tableau s’aborde de deux façons :
en colonne, le risque allergique ; en ligne, le risque rénal.
insu, réduiraient significativement (–23 %) la survenue de a
NAC : N-acétyl-cystéine.
NIPC [58]. L’observation d’un bénéfice significatif chez les b
Dans la littérature, il s’agit de la forme orale.
seuls patients à haut risque avec des produits par ailleurs bien c
Selon le protocole utilisé dans les études randomisées [51,52].
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