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L'APRÈS-COUP : QUELQUES CONSIDÉRATIONS AUTOUR DE

L'ÉVÉNEMENT ET LA TEMPORALITÉ

Alan Victor Meyer

Presses Universitaires de France | « Revue française de psychanalyse »

2009/5 Vol. 73 | pages 1633 à 1639


ISSN 0035-2942
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ISBN 9782130573074
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L’après-coup : quelques considérations
autour de l’événement et la temporalité

Alan Victor MEYER


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Les deux questions fondamentales que recouvre l’après-coup se retrouvent
dans le titre du rapport de J. André : l’événement et la temporalité. Ces deux
questions sont d’une extrême complexité et la philosophie de tout temps s’y est
intéressée. La philosophie imprègne la pensée de Lacan et il s’en est servi pour
formuler et penser des questions psychanalytiques. Au 67e Congrès ayant pour
thème « La cure de parole », j’ai présenté un travail, « Le “Discours de Rome” :
point d’inflexion de la psychanalyse », montrant que Lacan redonne au langage
sa place centrale dans la psychanalyse telle qu’il l’occupait pour Freud. Avec
l’après-coup, nous sommes dans la même situation, dans la mesure où nous
sommes conduits à penser le temps dans la psychanalyse.
L’être humain naît deux fois, une première fois biologiquement, en « chair
et en os », et une seconde fois dans la culture, par le langage. Cette deuxième
naissance est le premier coup auquel nous sommes soumis. Heidegger cite un
poème de Stefan Georg dont les deux derniers vers sont : « Ainsi appris-je,
triste, le résignement : / Aucune chose ne soit, là où le mot faillit. »1 Le temps
aussi suppose le langage pour apparaître.
Michèle Montrelay nous parle de l’événement et l’avènement de la sortie de
la chair d’une manière plus touchante :
« Un exemple emprunté à Freud : le cri, dit-il, en faisant trait, fait naître l’être. Il
détache de la nuit organique la douleur ou le plaisir du nourrisson pour les porter au-
dehors : du côté de l’oreille, et de l’autre qui entend... Voyons-y la manifestation de la
Bejahung, où la vie tirée de ses ténèbres se concrétise en objet “bon” ou “mauvais”.
Aussi dépendant que soit l’enfant de la sensation qu’il éprouve, cet objet ne se
confond plus à la stupidité du corps. Il est désormais devenu Autre : non objet de la
réalité, mais objet halluciné, qui comme tel pose de l’être. »2

1. M. Heidegger, Acheminement vers la Parole, Paris, Gallimard, 1976, p. 206.


2. M. Montrelay, L’ombre et le nom. Sur la féminité, Paris, Éd. de Minuit, 1977, p. 135.
Rev. franç. Psychanal., 5/2009
1634 Alan Victor Meyer

Objet halluciné, impossible à retrouver : « La représentation primaire tisse


ses réseaux depuis cet objet qui fait ombilic, et qui coupe l’hallucination de la
vie. »1 Cet événement, avènement constitutif de l’homme, est hors du temps,
mais il est aussi la possibilité du temps instauré par cette première trace. La
mère ouvre le chemin par lequel le nourrisson peut accéder au monde de la
parole, monde où le travail de l’amour maternel est construit par le discours et le
désir. Cet événement permet que s’ouvre un monde, « l’événement est le jet du
monde »2. Dans ce temps des commencements, ce vécu originel (ursprungliches
Erlebnis), nous sommes dans un temps immanent au vécu. C’est un temps
mythique similaire à ce que les Grecs ont appelé l’apeiron. Cette origine crée la
possibilité d’une histoire singulière, une histoire intérieure de la vie (Innere
Lebensgeschichte).
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L’histoire singulière de chaque être humain est une question fondamentale
pour Lacan. « Ce qui se réalise dans mon histoire n’est pas le passé défini de ce
qui fut puisqu’il n’est plus, ni même le parfait de ce qui a été dans ce que je suis,
mais le futur antérieur de ce que j’aurai été pour ce que je suis en train de deve-
nir. »3 Le futur antérieur est un temps verbal énigmatique, quelque chose
comme le futur dans le passé ; son sens rétroactif qui va du futur au passé
offrant une possibilité de mutation fait qu’il est d’une grande importance dans
la cure. C’est la forme aspectuelle du verbe, dans le sens qu’on donne à la
notion d’aspect en philosophie et en linguistique : « On décrit traditionnelle-
ment l’aspect comme renvoyant au “mode de déroulement” du procès auquel le
verbe réfère ; il concerne plus largement la forme que peut prendre ce procès,
que celui-ci ressortisse ou non à quelque déroulement. »4 Dans les trois ekstases
du temps, au sens heideggérien – passé, présent et futur –, on peut penser que
chacune peut donner lieu à des conceptualisations différentes « qui relèvent,
quant à elles, d’oppositions aspectuelles : entre un passé disparu et un passé
acquis, entre futur et avenir, entre un présent de la présence, non limitée tempo-
rellement, et un présent de la concomitance à l’acte de la parole (ou de pensée,
ou de perception), où il est question de ce qui s’accomplit dans la simultanéité
de cet acte »5. Ces exemples nous montrent que le temps et l’aspect sont impli-
qués mutuellement. Et Lacan souligne toute l’importance du verbe quand il
écrit : « C’était bien le verbe qui est au commencement, et nous vivons dans sa
création... »6

1. Ibid., p. 136.
2. H. Maldiney, Penser l’homme et la folie, Grenoble, J. Millon, 2007, p. 91.
3. J. Lacan, Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 300.
4. Vocabulaire européen des philosophies, Paris, Le Seuil, 2004, p. 116.
5. Ibid., p. 121.
6. J. Lacan, Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 271.
L’après-coup 1635

Lacan, toujours dans le « Discours de Rome », parlant de « la condition de


continuité dans l’anamnèse où Freud mesure l’intégrité de la guérison », nous
dit qu’il s’agit de « remémoration, c’est-à-dire d’histoire, faisant reposer sur le
seul couteau des certitudes de date la balance où les conjectures sur le passé font
osciller les promesses du futur »1. Ce jeu se déroule entre passé et futur dans une
parole présente « qui en témoigne dans la réalité actuelle et qui la fonde au nom
de cette réalité ». Et, dans cette réalité, « seule la parole témoigne de cette part
des puissances du passé qui a été écartée à chaque carrefour où l’événement a
choisi »2. Ce « carrefour où l’événement a choisi » donne toute sa dimension à
l’après-coup. Nous sommes devant l’imprévu de l’événement, comme l’a bien
montré J. André, quand il écrit que le carrefour est une frappe de quelque chose
que vient du dehors avec quelque chose que vient du dedans. Et alors il n’y a
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pas de technique psychanalytique possible. C’est un autre aspect du temps qui
nous rappelle l’ancien terme grec kairos qui est le « temps propice » imprévu, à
la différence de khronos, qui est le temps de vie.
Poursuivons avec Lacan : à propos de la scène primitive dans « L’Homme
aux loups », il dit que Freud « suppose sans plus toutes les resubjectivations de
l’événement qui paraissent nécessaires à expliquer ses effets à chaque tournant
où le sujet se restructure, c’est-à-dire autant de restructurations de l’événement
qui s’opèrent, comme il s’exprime : nachträglich, après coup »3. Dans ce sens, il
n’y a pas d’événement fixe, mais un processus en constant changement, qui
dans l’analyse traverse le transfert et ouvre la possibilité de temporalités mul-
tiples. L’après-coup est par excellence constitutif de l’histoire singulière de
chaque analyse. Parlant de la remémoration hypnotique, Lacan nous dit qu’elle
est « reproduction du passé, mais surtout représentation parlée et comme telle
impliquant toutes sortes de présences », puis il ajoute : « On peut dire dans le
langage heideggérien que l’une et l’autre constituent le sujet comme gewesend,
c’est-à-dire comme étant celui qui a ainsi été. Mais, dans l’unité interne de cette
temporalisation, l’étant marque la convergence des ayant été. »4
Gewesen, « ayant été », est le participe passé du verbe sein. Heidegger le
préfère à vergangen et Vergangenheit, passé au sens de ce qui passe ou, comme
dit Lacan, « passé défini de ce qui fut mais qu’il n’est plus ». C’est une concep-
tion du temps considéré comme une succession de « maintenant », propre à la
quotidienneté où la relation à la temporalité authentique est voilée. Heidegger
le formule ainsi : « “Aussi longtemps que” le Dasein existe dans la facticité, il
n’est pas jamais passé (vergangen), mais il est toujours déjà (immer schon)

1. Ibid., p. 256.
2. Ibid.
3. Ibid.
4. Ibid., p. 255.
1636 Alan Victor Meyer

ayant été (gewesen) au sens de “je suis – ayant été”. »1 Comme pour Heidegger,
nous sommes jetés (Geworfenheit) dans le monde, le immer schon gewesen est le
toujours-déjà-jeté. Heidegger, dans « Zollikoner Seminare », propose la traduc-
tion être-le-là pour Dasein ; le Dasein est jeté dans le là. Cette condition cons-
titue la facticité (Faktizität) de l’homme, son être-dans-le-monde. Les traits
d’union entre les mots sont les signifiants de la solidarité des termes. C’est le
sens de l’unité interne de temporalisation où la convergence des ayant été
signifie que je suis déjà toujours dans le monde. On peut parler ici d’un sens
temporel existentiel du Dasein.
On voit que le passé dans cette analyse de Heidegger est inséparable du futur
et du présent. Il y a une épaisseur dans les trois ek-stases du temps ; ce temps n’a
rien à voir avec le temps abstrait habituel de l’horloge, lié à un mouvement
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cyclique constant qui fait partie de la notion calculatrice caractérisant la
science et la technique moderne, c’est la notion généralement admise du temps.
Heidegger, sous le terme Gestel, désigne la science et la technologie, forme domi-
nante du monde moderne. Lacan reprend cette critique et se penche sur un autre
aspect de la dimension calculatrice du Gestel, celui de l’objectivation. « Le troi-
sième paradoxe, de la relation du langage à la parole, est celui du sujet qui perd
son sens dans les objectivations du discours. » Pour Lacan, « c’est l’aliénation la
plus profonde du sujet de la civilisation scientifique »2. Les critiques sur la flèche
du temps, les successions des « maintenant », etc., qu’on peut lire partout sont
déjà présentes chez Heidegger et Lacan. Lors du 67e Congrès3, j’ai comparé le
texte de Heidegger Wozu Dichter ? 4 ( « Pourquoi poètes ? » ) et la citation que
Lacan fait de T. S. Eliot, « The Hollow Men ». Le premier commence en posant
la question de Hölderlin : « ... et pourquoi poètes en temps obscurs. » La ques-
tion du poète se réfère à notre époque, dans laquelle nous n’arrivons pas à com-
prendre le sens dans lequel nous nous sommes perdus de nous-mêmes. Le poème
de T. S. Eliot que cite Lacan va dans le même sens : « We are the hollow men / We
are the stuffed men / leaning together / Head piece filled with straw. Alas ! »5 Les
mots « creux, empaillés, cherchant appui ensemble, la caboche pleine de
bourre », soulignent le climat de la perte de la parole pleine, mais aussi l’expé-
rience d’un temps propre. C’est le royaume de l’inauthenticité et Lacan fera un
parallèle entre cette caractérisation et l’aliénation et la folie. On connaît des
patients dits opératoires qui habitent un temps sans épaisseur, et c’est seulement

1. M. Heidegger, Sein und Zeit, Max Niemeyer Verlag, 1993, p. 328.


2. J. Lacan, op. cit., p. 281.
3. A. V. Meyer, Le « Discours de Rome » : point d’inflexion de la psychanalyse, RFP, t. LXXI,
no 5, 2007, 1691.
4. M. Heidegger (1946), Wozu Dichter ?, Holzwege, Frankfurt am Main, Vittorio Klostermann
Gmbh, 1950.
5. J. Lacan, op. cit., p. 284.
L’après-coup 1637

lors d’un événement fort, proche d’un effondrement, quand ils sont saisis d’an-
goisse, qu’ils peuvent après coup reprendre une autre temporalité.
Je pense à l’un de mes patients, entrepreneur, très compétent, mais qui,
d’une certaine manière, n’est jamais présent ; d’une façon imprévue, dans des
circonstances bien particulières, des événements ont fait surgir d’autres scènes
de sa vie, avec une violence si destructrice que j’ai dû le recevoir presque tous les
jours. Après un an de crise, on commence à voir d’autres possibilités d’être, on
peut envisager une autre histoire. On peut dire que le futur antérieur constitue
l’ayant été ou, pour parler d’une autre façon, ce qui n’est pas là jusqu’à un cer-
tain moment se met à être là comme un après qui a toujours été là ; c’est l’aspect
créatif de l’après-coup. En même temps, cette création n’est pas une création
ex nihilo parce qu’elle dépend d’un événement antérieur qui est un ayant été de
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la réalité psychique ; comme l’écrit Freud, il y a un « grain de réalité ». Il faut
que quelque chose se soit passé pour que le rêve de l’Homme aux loups se cons-
titue, scène primaire ou toute autre scène de nature sexuelle. Mais, avant qu’elle
n’apparaisse, on ne sait rien et on peut dire qu’elle n’a pas eu lieu, cela est tou-
jours une possibilité.
Lacan fait la distinction entre l’histoire des historiens et l’histoire en psy-
chanalyse, distinction proche de celle qu’a faite Heidegger. Dans le premier cas,
Heidegger utilise le mot Historie comme l’étude systématique des événements
passés. Pour le Dasein, il utilise Geschichlichkeit, « historicité », qui concerne ce
qui arrive à l’existant. Lacan évoque les historiens pour « distinguer ce qu’on
peut appeler les fonctions primaire et secondaire de l’historisation »1. L’histoire
secondaire est celle des historiens, elle est dépendante d’une histoire primaire,
comme chez Heidegger, l’Historie dépend de la Geschichlichkeit. Et Lacan
écrit : « Les événements s’engendrent dans une historisation primaire – autre-
ment dit, l’histoire se fait déjà sur la scène où on la jouera une fois écrite, au for
interne comme au for extérieur. »2 La scène nous rappelle l’unité interne des
ayant été, au sens de Heidegger d’être-dans-le-monde, et en même temps du fait
que toute verbalisation se réfère à ce qui est déjà écrit, comme trace ou écriture.
Le « Bloc-notes magique » de Freud nous invite à réfléchir, non seulement sur
l’écriture, mais sur toutes les questions liées à la mémoire si fondamentale pour
l’historicité primaire. Pour Lacan, la psychanalyse doit aider l’analysant à
reconnaître que son inconscient « c’est son histoire – c’est-à-dire que nous l’ai-
dons à parfaire l’historisation actuelle des faits qui ont déterminé déjà dans son
existence un certain nombre de “tournants” historiques »3.

1. Ibid., p. 260.
2. Ibid., p. 261.
3. Ibid.
1638 Alan Victor Meyer

Quand Lacan parle de l’historisation primaire comme l’humanisation de


l’événement1, on pense aux deux mots qui existent dans la langue allemande
pour l’événement. Le premier, geschehen, qui signifie « arriver », se produire, et
l’autre Ereignis, qui comporte l’idée d’une appropriation. La notion de l’huma-
nisation peut être comprise par la perlaboration et l’élaboration dans la cure ;
cela rend possible l’événement appropriatif quand le Ça arrive, événement inas-
similable au premier moment. Quand l’historisation individuelle est bloquée
dans un ou plusieurs de ses aspects, comme dans les psychoses, nous nous trou-
vons devant quelque chose qui est inassimilable et qui va se répéter sans cesse,
comme dans le délire. L’exemple extrême de la psychose nous montre la pro-
fonde altération du vécu du temps chez le maniaque, le mélancolique ou le schi-
zophrène. Pierre Fédida a montré toute l’importance de la pensée du temps et
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de l’espace dans la psychopathologie, et principalement dans les écrits en langue
allemande d’inspiration phénoménologique et existentielle. Mais, malgré l’op-
position entre la psychanalyse et la phénoménologie, cette perspective n’est pas
absente dans l’œuvre de Lacan qui a subi aussi l’influence du structuralisme lin-
guistique et anthropologique. L’après-coup, du point de vue du trauma, est
toujours une expérience de rupture, violente, et qui demande tout un travail
d’intégration pour devenir proprement humain. On peut dire que le Je
approprie sans cesse les événements psychiques constitutifs de son histoire jus-
qu’à la fin de la vie, quand le Gewesen se transforme en passé absolu devant le
réel de la mort.
Lacan, dans le troisième chapitre du « Discours de Rome », cite le Satyricon
(XLVIII), comme le fait T. S. Eliot dans « The Waste Land », et la traduction de
ce texte écrit en latin et grec ancien est la suivante : « J’ai vu de mes propres yeux
la Sybille suspendue dans une fiole, et quand les enfants lui demandaient : “Que
veux-tu, Sybille ?”, elle répondait : “Je désire mourir”. »2 A. Wilden fait la
remarque suivante : « Heidegger fait un commentaire sur le mot grec thélo et dit
que le terme veut dire non seulement “désirer” mais “prêt à...” au sens de
“admettre quelque chose dans une référence rétroactive à soi-même” et Lacan
ajoute “soit le français ‘consentir à’ ” (l’absolut Herr : la mort). » Il cite égale-
ment Kojève : « Le Logos uniquement devient chair, homme, dans la condition
de vouloir et être capable de mourir. »3 La mort qui détermine la finitude de
l’homme est une question très présente chez Lacan comme chez Heidegger. La
mort pour le sujet est toujours « pas encore », mais sa présence consciente ou

1. Ibid., p. 287.
2. A. Wilden, The Language of the Self, trad. de l’anglais par l’auteur, Baltimore, The Johns
Hopkins University Press, 1968, p. 138, n. 125.
3. Ibid., p. 138.
L’après-coup 1639

inconsciente a des conséquences déterminantes sur la structure et la vie humaine


qui est intrinsèque au trauma. Au commencement de cet exposé, j’ai parlé de la
double naissance, biologique et culturelle. Lacan écrit, à ce sujet :
« Les symboles enveloppent en effet la vie de l’homme d’un réseau si total qu’ils
conjoignent avant qu’il vienne au monde ceux qui vont l’engendrer “par l’os et par la
chair”, qu’ils apportent à sa naissance... le dessin de sa destinée, qu’ils donnent les
mots... qui le suivront jusque-là même, et que par eux sa fin trouve son sens dans le
Jugement dernier, où le verbe absout son être ou le condamne – sauf à atteindre à la
réalisation subjective de l’être-pour-la-mort. »1

Sauf à atteindre une seule possibilité, qui permettra que se réalise dans
chaque histoire singulière l’appropriation de son être-pour-la-mort comme le
plus propre de sa possibilité. Lacan a varié les tournures concernant ces mots
de Heidegger, mais il a gardé le cœur du problème, c’est-à-dire la possibilité
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de s’arracher au dessin du destin ouvert à la naissance, qui représente « le
peu de liberté » dont nous disposons. On peut penser d’une manière pas
logique du temps logique : que l’urgence de conclure, c’est la nécessité de
prendre une décision, bonne ou mauvaise, devant le destin (Geschick) et la
finitude du temps.
Alan Victor Meyer
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Brésil

1. Ibid., p. 279.

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