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La démocratie participative au Maroc : encore en

état embryonnaire.
854 lectures

Par Ahmed Benamier, Chercheur en Droit.

- mardi 19 juin 2018


Article Expert

La démocratie participative constitue un élément des revendications exprimées par certains acteurs de la
société civile, que ce soit à l’échelle mondiale ou nationale. Pourtant, cette actualité de la démocratie
participative s’apparente davantage au renouveau d’un concept ancien qu’à une véritable innovation, même
si elle apparaît dorénavant selon des formes rénovées.

En effet, l’apparition effective de la démocratie participative était aux Etats Unis dans les années 1960 et
1970 pour lutter contre la précarité et l’exclusion des citoyens les plus défavorisés, puis à partir des années
1980 en France par la création des conseils de quartier, conseils de développement, conseils consultatifs de
jeunes, concertation sur projets, budgets participatifs, conférences de citoyens… L’objectif étant d’impliquer
les citoyens dans la prise de décisions.

Les formes de la démocratie participative au Maroc.

La démocratie participative désigne l’ensemble des dispositifs et des procédures qui permettent d’augmenter
l’implication des citoyens dans la vie politique et d’accroître leur rôle dans les prises de décisions, elle
trouve son fondement dans les lacunes de la démocratie représentative par un sentiment développé par les
citoyens de ne pas être compris des politiciens ainsi que de la méfiance envers les hommes politiques et
l’augmentation de l’absentéisme... mais la démocratie participative constitue toujours un complément de la
démocratie représentative.

Au Maroc le préambule de la Constitution de 2011 stipule : ‘‘Fidèle à son choix irréversible de construire
un État de droit démocratique, le royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et
de renforcement des institutions d’un État moderne, ayant pour fondements les principes de participation,
de pluralisme et de bonne gouvernance’’.

De même l’article premier stipule que : ‘‘(…) le régime constitutionnel du royaume et fondé sur la
séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et
participative, et les principes de bonne gouvernance (...)’’.

Dans le même sens l’article 2 prévoit que ‘‘la souveraineté appartient à la nation qui l’exerce directement
par voie de référendum et indirectement par l’intermédiaire de ses représentants (…)’’
Il en ressort que la concertation et la consultation constituent les modes les plus répandus pour la
participation dans la gestion des affaires publiques qui consistent à informer les décisionnaires de l’avis du
public sur un projet.

La mise en œuvre des procédures de participations.

Le cadre légal emprunte deux voies principales quand il vise à réglementer le droit de la participation au
Maroc : soit il ne fixe qu’un principe général, comme pour le principe de concertation préalable aux projets
d’aménagement, soit il détermine la mise en place de dispositifs obligatoires sans en fixer précisément les
modalités de fonctionnement.
L’article 13 de la constitution marocaine de 2011 stipule que : ‘‘ les pouvoirs publics œuvrent à la création
d’instances de concertation, en vue d’associer les différents acteurs sociaux à l’élaboration, la mise en
œuvre et l’évaluation des politiques publiques’’.
Les modalités de fonctionnement avancées par la loi sont très peu contraignantes et permettent notamment la
création de divers conseils consultatifs à coté du droit de présenter des motions et pétitions aux autorités
publiques au niveau national. En contre partie, les dispositions réglementaires ne permettent, au niveau
territorial, que la création d’instances consultatives avec le droit de présenter les pétitions sans la possibilité
de motion.

Modalités de participation au niveau national.

La constitution marocaine de 2011 institue plusieurs modes de participation des citoyens, notamment la
création de divers conseils consultatifs (Le conseil économique, social et environnemental, le conseil de la
communauté marocaine à l’étranger, le conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche
scientifique, Le conseil consultatif de la famille et de l’enfance, Le conseil consultatif de la jeunesse et de
l’action associative….) et le droit de présenter les motions et les pétitions.

- Les Motions.

La loi organique N° 64.14 relative à la présentation de motions en matière de législation précise que toute
motion doit être approuvée par 25.000 citoyens, inscrits sur les listes électorales générales et jouissant de
leurs droits civils et politiques.
La motion doit servir l’intérêt général, comporter des recommandations et des propositions clairement
formulées et ne pas remettre en question les constantes de la nation (monarchie, Islam, intégrité territoriale)
ni les choix démocratiques et les acquis en matière de droits fondamentaux et de libertés individuelles.

- Le droit de pétition.

La loi organique N°44.14 relative au droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics stipule que les
pétitions, qui requièrent 5.000 signatures, sont soumises aux conditions, de ne pas concerner une affaire en
cours d’instruction, ou déjà jugée par un tribunal, ni porter atteinte au principe de l’égalité entre citoyens et
citoyennes, ou comporter des revendications discriminatoires.

Modalités de participation au niveau territorial.

Les administrations territoriales sont également tenues de mettre en place différentes structures permanentes
aux contours très variés allant d’une compétence générale à une action plus sectorielle.
En effet, la constitution de 2011 prévoit plusieurs mécanismes assurant une participation dans la gestion des
affaires locales. Il en est ainsi des articles suivants :

 L’article 136 : ‘‘ l’organisation territoriale (...), assure la participation des populations concernées
à la gestion de leur affaires et favorise leur contribution au développement humain intégré et
durable’’.
 L’article 139 : ‘‘des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par
les conseils des régions et les conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser
l’implication des citoyennes et citoyens et des associations dans l’élaboration et le suivi des
programmes de développement. Les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le
droit de pétition en vu de demander l’inscription à l’ordre du jour du conseil d’une question relevant
de sa compétence’’.

En effet, la loi organique 111-14 relative aux régions prévoit la création des mécanismes participatifs de
dialogue et de concertation qui consistent à favoriser l’implication des citoyennes et citoyens et des
associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement régional. Il s’agit ainsi de trois
instances consultatives (Instance consultative, en partenariat avec les acteurs de la société civile, chargée de
l’étude des affaires régionales relatives à la mise en œuvre des principes de l’équité, de l’égalité des chances
et de l’approche genre, l’instance consultative chargée de l’étude des questions relatives aux centres
d’intérêt des jeunes, l’instance consultative, en partenariat avec les acteurs économiques de la région,
chargée de l’étude des affaires régionales à caractère économique).

Cependant, à coté desdites instances, la loi organique relative aux régions prévoit un autre mode de
participation dans la gestion des affaires publiques, le droit de présenter les pétitions reconnu aussi bien pour
les citoyens que pour les associations.

La loi 111-14 relative aux régions prévoit dans l’article 162 d’autres modes de démocratie participative, ‘‘les
régions peuvent (…), conclure (…) ou les associations reconnues d’utilité publique des conventions de
coopération ou de partenariat pour la réalisation d’un projet ou d’une activité d’intérêt commun (…)’’.
Au niveau des collectivités communales : La loi organique113-14 relative aux communes, prévoit la
création auprès des conseils communaux une seule instance consultative, en partenariat avec les acteurs de la
société civile, chargée de l’étude des affaires relatives à la mise en œuvre des principes de l’équité, de
l’égalité des chances et de l’approche genre.

Cependant, la participation la plus pertinente au niveau local, réside en la participation des habitants des
quartiers. Mais en l’absence de toute organisation officielle des habitants des quartiers au Maroc, on va
avancer l’expérience française en la matière. En effet, la loi n°2002-276 du 27 février 2002 dite
« démocratie de proximité » ou « loi Vaillant » a créé l’article L2143-1 du CGCT qui oblige les communes
de plus de 80 000 habitants à doter chacun de ses quartiers, dont elle détermine le périmètre, d’un conseil de
quartier.

Enfin, la loi Vaillant prévoit l’obligation pour les communes de 100 000 habitants et plus, de créer des
mairies de quartiers chargées de mettre à disposition des habitants des services municipaux de proximité.

Cependant, pour le droit de présenter des pétitions, la loi organique 113-14 relative aux communes prévoit
les mêmes dispositions concernant le droit de pétition présentée par les citoyens et les associations au niveau
régional, avec quelques différences se rapportant au nombre de signataires de la pétition.

Le recours progressif aux moyens de l’e-démocratie.

L’utilisation des technologies de la communication moderne appliquées à la participation des citoyens a


pour but de favoriser le développement du recours à l’internet dans la conduite des relations entre usagers et
autorités administratives en renforçant la sécurité par diverses techniques.

Cependant, sont apparues dans ce cadre la possibilité de procédures de passation de marchés publics
dématérialisées, du site du secrétariat général du gouvernement (on peut consulter sur ce site les projets de
lois et même émettre des avis leurs concernant, ainsi que les différents rapports du conseil de
gouvernement), des sites web des différents départements ministériels et les différents portails des conseils
communaux. Les responsables ne présentent pas ces dispositifs comme relevant de la participation, mais
revendiquent ici une transparence dans les relations avec les citoyens ainsi qu’une plus grande proximité.

Professionnels de la participation (Expertise externe).

On se trouve actuellement devant un recours de plus en plus routinisé à des acteurs qualifiés de véritables
professionnels de la participation. Cette recherche d’expertise externe s’incarne par la sollicitation
d’intervenants extérieurs aux profils très hétérogènes qui se voient confier des missions diverses.
Bien que les raisons qui poussent les collectivités à rechercher une expertise extérieure pour faire vivre la
démocratie locale ne semblent pas évidentes à première vue. Ce recours s’impose et fait intervenir de
nombreux acteurs se revendiquant d’une compétence pour répondre à cette nouvelle demande.

Cependant, à l’hétérogénéité des acteurs, semble répondre une hétérogénéité des motivations. Il est possible
d’identifier une fracture entre deux pôles parmi ces professionnels de la participation, un pôle donnant la
priorité à la mise en œuvre d’une démarche participative dans l’aide à la décision publique, essentiellement
composé de professionnels exerçant au sein de bureaux d’études et de conseils, et dans les agences de
communication. Un second pôle regroupant davantage des professionnels pour lesquels l’objectif principal
d’une démarche participative est avant tout de redistribuer le pouvoir aux citoyens.

Les objectifs assignés à la démocratie participative.

Il apparaît que les responsables politiques dans leur ensemble associent quatre bénéfices majeurs au recours
à la participation citoyenne :

 le renforcement du lien social et la formation des citoyens à la démocratie visant des objectifs de
capacitation, d’autonomie et s’oppose aux thèses élitistes.
 une éducation civique donnée aux habitants.
 une amélioration du management des collectivités, une approche qui représente une conception
désidéologisée de la participation citoyenne. Ici le référentiel managérial repose sur une conception
volontairement pratique et pragmatique de l’action publique et une augmentation de la qualité de la
décision publique visant à produire des décisions dotées d’une plus grande légitimité démocratique
que celles des décisions majoritaires produites dans le cadre des mécanismes en place dans la
démocratie libérale représentative.

Conclusion

L’impact de la démocratie participative sur l’espace public local au Maroc reste relativement minime. Il
semble ainsi que le tournant participatif demeure pour l’instant davantage rhétorique que pratique. En effet,
le renforcement du lien social est, par exemple, difficilement soutenable au regard du faible nombre de
participants effectivement actifs au sein des différentes instances.

Si les pouvoirs publics peuvent plus aisément intégrer la parole citoyenne à leur processus décisionnel, la
complexification de l’action publique que cela entraîne peut conduire à ralentir et à allonger les processus
décisionnels. Dans ces conditions, il n’est donc pas évident de conclure de manière nette à un gain
d’efficacité pour les politiques publiques grâce au recours à la démocratie participative malgré que celle-ci
offre de nombreux avantages : la visibilité, l’image d’une action directe et concrète, la création de liens
d’interdépendances et de connaissances ou encore l’entretien de la figure d’un élu de proximité.

Ainsi, la démocratie participative ne peut se concevoir comme un substitut à la démocratie représentative


mais comme un processus complémentaire. Dans ce sens, on peut dire que les élus s’adaptent aux citoyens
beaucoup plus que les citoyens qui se conforment aux responsables afin de pouvoir exprimer une parole
considérée comme légitime. Ce phénomène, s’il s’amplifie et ne se trouve pas entraver par la multiplication
des comportements d’exit de la part des citoyens actifs, pourrait alors continuer d’agir comme un frein
puissant aux pratiques de verrouillages et de contrôle découvertes chez les élus.

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