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PSYCHIATRIE,
DROITS DE L’HOMME
ET DÉFENSE DES USAGERS
EN EUROPE
érès
Conception de la couverture :
Anne Hébert
Illustration :
L’abandon
Bronze de Camille Claudel
© ADAGP
ISBN : 2-86586-965-2
CF – 1100
© Éditions Érès 2002
11, rue des Alouettes, 31520 Ramonville Saint-Agne
www.edition-eres.com
Introduction
Le traitement des troubles mentaux en Europe
1. Voir notamment, D. Shelton et Th. Douraki, Rights of the Mentally Ill, research study
presented to the Parliementary Assembly of the Council of Europe, Strasbourg, ASJUR,
1992 (43), 41 p.
8 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
2. M. Berthe, « Synthèse d’un travail de recherche effectué dans les cantons de Fribourg et
du Jura bernois au sujet de la privation de liberté à des fins d’assistance », dans La
Législation sociopsychiatrique. Un bilan, M. Borghi (éd.), Institut du fédéralisme de l’univer
sité de Fribourg, fondation suisse Pro Mente Sana, Fribourg, 1992, p. 69.
Introduction 9
3. Édouard Zarifian, Le Prix du bien être, psychotropes et société, Paris, Odile Jacob, 1996,
p. 139 140.
4. Cité par Édouard Zarifian, op. cit., p. 70.
10 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
pays et sur la place que peut y prendre la pratique psychiatrique, puisque tous
les efforts des réformateurs ont précisément tendu, ces dernières années, à faire
glisser le soin psychiatrique du domaine de la sûreté à celui de la santé. Les
rapports entre la psychiatrie et la police administrative seront donc également
examinés à la lumière de certains systèmes juridiques nationaux, notamment du
système français qui demeure, sous bien des aspects encore, très sécuritaire,
comme d’ailleurs le système belge. Pourtant, le cadre juridique de ces deux pays
est désormais fortement contrasté. Le système français présente toujours des
modalités d’internement strictement administratives, alors que le système belge
offre, lui, une configuration exactement inverse. Le 26 juin 1990, a en effet été
promulguée en Belgique une loi donnant exclusivement à l’autorité judiciaire le
pouvoir de décider d’un internement psychiatrique. Aussi nous faudra-t-il
tenter d’expliquer ce paradoxe.
Ces quinze dernières années ont par ailleurs vu s’établir et se renforcer une
jurisprudence européenne, en particulier des organes de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
concernant les garanties juridiques apportées aux malades mentaux en matière
de privation de liberté, voire de soins contraints. Sous l’influence d’une telle
jurisprudence, plusieurs États, membres du Conseil de l’Europe, ont été
conduits à réformer leur législation afin de la rendre conforme aux principes
ainsi plus fermement établis. D’importantes recommandations ont encore été
adoptées par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ou par le
Comité des ministres dudit Conseil. Parallèlement, l’on a vu naître, s’affermir
et se développer un mouvement européen de défense des droits des patients et
usagers de la psychiatrie, dont la manifestation la plus évidente est, sans aucun
doute, la création à Zandvoort (Hollande, 1991) du Réseau européen des usagers
et ex-usagers en santé mentale. Aussi paraît-il nécessaire de réaliser aujourd’hui
une synthèse des principes comme de la jurisprudence acquise, qui soit acces-
sible à un large public, mais encore d’analyser un tel phénomène en le replaçant
dans le débat d’idées de ces trente dernières années, pour permettre à chacun
de s’interroger sur l’évolution en marche. Tel est le but principal de cet ouvrage
qui permet ainsi d’identifier et de caractériser les grandes tendances d’évolu-
tion, comme les fondements des principaux systèmes législatifs européens
concernant l’hospitalisation, mais aussi le traitement, la vie extra-hospitalière,
le suivi des malades mentaux ainsi que l’organisation générale du soin psychia-
trique. À cette fin, ce livre donne les éléments de comparaison déterminants et
présente les droits reconnus par la Convention européenne et la jurisprudence
qui s’y rattache, ainsi que les normes internationales applicables en droit
interne. Il montre comment, au niveau national, les professionnels, les patients
et leurs conseils, et même leurs organisations, se sont saisis de ces normes pour
tenter de réformer les pratiques ; il évoque les obstacles rencontrés tout au long
d’un tel chemin, souvent complexe et laborieux, qui prend parfois l’aspect d’un
véritable calvaire ou, à tout le moins, d’un parcours du combattant. Mais pour
comprendre l’enjeu des débats qui animent actuellement les milieux profes-
sionnels, les organisations de patients comme les divers parlements nationaux
et organisations internationales, il convient de brosser tout d’abord à grands
Introduction 11
10. E. S. Payker, « Depression in women », dans British J. of Psychiatry, 1991, 158 (supp.
10), p. 22 29.
11. H. Ashton, « Psychotropic drug prescribing for women », dans British J. of Psychiatry,
1991, p. 158.
12. Voir Ph. Bernardet, Les Dossiers noirs de l’internement psychiatrique, Paris, Fayard, 1989,
p. 313.
Introduction 13
13. Rapport sur les réformes des soins publics de santé mentale en Grèce pour la commis
sion des Communautés européennes, V/1147/1984 EN.
14. Conseil régional européen de la Fédération mondiale pour la santé mentale, 1990.
15. La WPA a adopté la résolution ci après : « Que l’Association mondiale de psychiatrie
prenne acte de l’usage abusif de la psychiatrie à des fins politiques et qu’elle condamne
ces pratiques dans tous les pays où elles se rencontrent et qu’elle demande aux organisa
tions professionnelles de psychiatrie de ces pays d’abandonner ou d’effacer ces pratiques
de leur pays et que l’Association mondiale de la psychiatrie mette en œuvre la présente
résolution en premier lieu en ce qui concerne les nombreuses preuves d’usage abusif
systématique de la psychiatrie à des fins politiques en URSS. »
14 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
traitements tels que des injections d’atropine, des comas insuliniques et des
contentions physiques rigoureuses ont également été pratiqués sur les détenus.
Les patients ne furent jamais consultés sur leur propre traitement.
Au niveau international, ces différents constats ont conduit à réaffirmer la
nécessité de garantir les droits des patients. Nous verrons que même dans les
pays les plus avancés de l’Europe occidentale, certaines dérives, conduisant à
une utilisation répressive, voire politique de la psychiatrie, existent et que les
sanctions, par les organes européens, de diverses irrégularités commises sont
désormais nombreuses. Les révélations de ce contentieux ne permettent plus
d’ignorer les divers problèmes que pose la pratique psychiatrique au regard de
la sauvegarde des droits de l’homme et les risques qu’elle comporte. Il devient
urgent qu’un cadre légal et réglementaire, plus fermement défini, soit adopté
afin de garantir au mieux la liberté de tous. C’est à cet effort de redéfinition des
normes et des procédures, éclairées des apports de la pratique, que cet ouvrage
entend contribuer.
De l’exclusion à l’accès aux soins
et à la dignité du malade
Certains auteurs 1 ont cru pouvoir affirmer que « la “psychiatrie asilaire” est
apparue dans les pays industrialisés d’Europe septentrionale et d’Amérique du
Nord au cours du siècle dernier, essentiellement pour répondre aux besoins des
milieux défavorisés des villes ». Ils ont également constaté l’inadaptation d’une
telle organisation aux besoins et aux exigences des populations rurales des pays
du Sud. Cette organisation y fut toutefois imposée par les puissances coloniales,
en même temps que la législation qui en est le corollaire.
Il est vrai que la législation française du 30 juin 1838 participe d’un tel
mouvement. Elle servit d’ailleurs de modèle à de nombreux pays européens et
fut exportée dans les pays du Tiers-Monde appartenant à l’ancien empire
colonial français, pays qui l’ont généralement conservée inchangée. Il en va de
même des législations anglaises relatives au traitement des maladies mentales,
législations qui furent appliquées aux différents pays de l’empire britannique.
En 1834, Ferrus fait ainsi, en France, une première proposition de loi tendant
à fixer l’établissement légal des aliénés, puis s’associe en 1837 à Falret et Esquirol
pour constituer une commission ayant pour mission d’élaborer un projet qui
débouchera, l’année suivante, sur le vote de la loi du 30 juin 1838. Or, en 1834,
la France – comme la plupart des pays européens – connaît une grande agitation
dans les villes. L’insurrection des canuts de Lyon demeurera longtemps gravée
dans les mémoires. À cette époque, à la Chambre des pairs, l’on parle de juguler
« les classes dangereuses ». C’est dans ce contexte social particulièrement tendu
que la loi du 30 juin 1838 sera adoptée. Comme le rappellera, cent cinquante ans
plus tard, M. d’Alteroche, premier président de la Cour d’appel de Riom2, cette
législation tentera de répondre à deux préoccupations majeures : assurer la
sûreté d’une part, développer et organiser l’assistance aux aliénés d’autre part.
Elle succédait ainsi à cinquante ans de confusion. Dès 1788, en effet, les lettres
de cachet qui permettaient à l’administration royale de porter, entre autres,
atteinte à la liberté individuelle et de provoquer, notamment, la séquestration
des correctionnaires comme des insensés, furent condamnées par le parlement
de Paris, après avoir été fustigées par Mirabeau, Latude et Linguet. La loi des 16-
27 mars 1790 les abrogea définitivement. À partir de cette date, la séquestration
des insensés ne sera plus, légalement, possible que par un jugement d’interdic-
tion. Toutefois, l’Administration ne tardera pas à décider des internements, soit
par décision du préfet de police, nouvellement institué à Paris, soit par décision
des maires dans les autres communes, voire des chefs d’établissements. C’est en
effet dès 1790-1791 que, dans le cadre du traitement de l’urgence, les lois de
police municipale donneront à l’Administration un pouvoir d’intervention en
l’autorisant notamment à placer provisoirement les insensés dans des dépôts de
sûreté, puis à prendre toute mesure utile afin de « procurer la liberté et la sûreté
de la voie publique », comme « d’empêcher que personne n’y commette de
dégradation ».
À l’époque, la question centrale demeurait, on le voit, celle de l’enfermement
des insensés pour assurer la sécurité des biens et des personnes.
La loi du 30 juin 1838 aura une tout autre ambition. Tout en intégrant les
exigences de la sûreté, elle tentera surtout de donner un cadre légal et régle-
mentaire aux soins délivrés par l’aliéniste, au point qu’elle créera d’ailleurs
l’obligation, pour chaque département, de se doter d’un établissement public
d’aliénés ou, à tout le moins, de traiter à cette fin avec un établissement privé qui
leur sera réservé. Sa visée demeure, malgré tout, très circonscrite. Elle s’intéres-
sera ainsi principalement aux aliénés en ce qu’ils peuvent devenir délinquants
ou criminels à tout moment. L’article 11 de la loi du 30 juin 1838 définissait l’état
d’aliénation comme celui d’une personne sujette à des actes ou accès de
démence plus ou moins fréquents 3. C’est d’ailleurs la loi du 30 juin 1838 qui, à
partir de 1852, permettra une véritable mise en œuvre de l’article 64 de l’ancien
Code pénal adopté en 1810, lequel disposait : « Il n’y a ni crime ni délit lorsque
5. Maria Grazia Giannicheda, dans Législation de santé mentale en Europe, Rapport d’étude,
Claude Louzoun, CEDEP, La Documentation française, Paris, 1990, p. 187.
De l’exclusion à l’accès aux soins et à la dignité du malade 19
avoir une autre cause que le décès du malade. Durant cette période, Kraeplin
évaluera d’ailleurs à 13 % le nombre de guérisons possibles.
Ainsi, avant même le premier conflit mondial, cet édifice monolithique
qu’est l’asile d’aliénés commencera à se fissurer sous l’effet des traitements de
force, physiques ou biologiques (B. de Fréminville, 1977), se substituant petit à
petit au traitement moral, avant que les traitements de choc ne prennent eux-
mêmes massivement le relais durant l’entre-deux-guerres.
Les premières colonies familiales, reposant sur un équipement central léger,
qui sert de relais entre l’asile, qui y transfère ses fous, et les familles de la région
qui les accueillent en pension, prennent naissance à cette époque pour le traite-
ment des « déments tranquilles » et des « chroniques non dangereux ».
Demeurent toutefois exclues de ce dispositif, les « invalides », les « gâteuses »,
les « vicieuses » et les « violentes » ; car en vérité, un tel dispositif concernera
essentiellement les femmes, du moins à ses débuts. Instaurées par analogie avec
les placements des enfants abandonnés chez les nourrices de la campagne et par
les hospices, ces colonies familiales, telle celle de Dun-sur-Oron, concerneront
également les « enfants arriérés », et préfigureront les prochaines formes d’assis-
tance extra-hospitalière.
C’est également durant la décennie 1888-1898 que débute l’opposition entre
les tenants de l’aliénisme, eux-mêmes enfermés dans les asiles, et les médecins,
précurseurs de la neurologie, attachés à l’hôpital général, préfigurant les futurs
neuropsychiatres d’hôpital, installés parmi les autres spécialistes médicaux.
Cette opposition statutaire, qui confronte des pratiques institutionnelles
distinctes, se renforcera du débat sur l’organogenèse et la psychogenèse de la
maladie mentale, lequel déchirera longtemps encore l’univers psychiatrique.
Cette scission se fondera pour les uns sur la doctrine des « constitutions » et sur
les concepts de démence précoce et de maladie mentale autonome, puis, avec
l’école suisse de Bleuler, sur la théorie de la schizophrénie, la dissociation du
patient devenant signe de son incurabilité. Pour les autres, une telle scission
débouchera sur les recherches concernant les facteurs toxiques, biologiques,
voire génétiques, des psychoses. Cette opposition durera près d’un siècle,
jusqu’au tournant des années soixante.
Tout au long de la première moitié du XXe siècle, le traitement des troubles
mentaux s’articulera ainsi autour de trois pôles : l’aliéniste asilaire, de plus en
plus exclu du mouvement scientifique, même s’il revendique d’appartenir à la
médecine en mettant en œuvre les thérapies de choc tout en insistant sur la
psychogenèse des troubles ; le neuropsychiatre d’hôpital, qui fait allégeance à la
neurologie, plus centré sur l’organogenèse ; et enfin le psychothérapeute-
analyste, situé en dehors des institutions, qui rompt totalement avec la
médecine.
Malgré l’isolement de l’aliéniste, le mouvement de médicalisation de la
psychiatrie n’en est pas moins net dès l’entre-deux-guerres, surtout grâce à la
mise en œuvre des traitements de choc, mais aussi aux acquis de la neurologie.
Cette médicalisation de la psychiatrie coïncide avec un nouvel essor des inter-
nements qui portera à plus de 150 000, en France, le nombre d’internés avant le
second conflit mondial.
20 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
de 30 000. Mais ce double mouvement de baisse sera sans aucune incidence sur
la croissance, toujours aussi forte et régulière, du nombre total des admissions,
tous modes de placement confondus, comme sur le nombre de personnes
distinctes annuellement traitées par l’hôpital, lequel, rappelons-le, dépasse
aujourd’hui 250 000 personnes. Un tel mouvement contradictoire s’explique par
la place toujours plus importante réservée à l’admission libre qui s’est surtout
développée entre 1970 et 1984 en alternative à l’internement. Depuis cette date,
le nombre des internements officiellement enregistrés semble devoir se stabiliser
entre 20 000 à 30 000 personnes distinctes internées chaque année, cependant
que le nombre de personnes distinctes traitées annuellement sous le statut de
l’hospitalisation libre continue, en revanche, de croître à un rythme régulier.
Toutefois, depuis 1985, l’on assiste à une reprise des internements. Ils ont doublé
en quinze ans, passant de moins de 30 000 à 60 000 entre 1985 et l’an 2000.
Aujourd’hui, le rapport entre hospitalisation libre et hospitalisation involontaire
est cependant totalement inversé en regard de ce qu’il était trente ans plus tôt.
En 1970, près de 80 % des personnes traitées l’étaient officiellement sous le mode
de l’internement, et 20 % sous celui de l’hospitalisation libre. Aujourd’hui,
moins de 20 % d’entre elles sont admises involontairement et plus de 80 % le
sont au titre de l’hospitalisation libre, mais, dans l’intervalle, le nombre des
personnes concernées a augmenté de près de 60 %… Rapporté au nombre total
des admissions, celles sans consentement ne concernent que 10 à 12 % du total.
Plusieurs facteurs commandent une telle évolution.
Sur le plan idéologique, le mouvement de 1968 a assuré une large diffusion
des thèses de l’antipsychiatrie anglaise et de la « psychiatrie démocratique »
italienne, tendant à une désinstitutionnalisation ou, à tout le moins, à une déspé-
cialisation du soin psychiatrique.
Si, au Royaume-Uni, le Lunacy Act de 1845 obligea les autorités locales à créer
des asiles d’aliénés publics, comparables à ceux institués en France par la loi du
30 juin 1838, en réponse aux dénonciations des conditions scandaleuses de vie,
de travail et de traitement dans les asiles privés et les workhouses 13, il faudra
attendre le Lunacy Act de 1890 pour voir apparaître la première définition du
mode d’admission dans les établissements d’aliénés britanniques. Dans l’entre-
deux-guerres furent fondés en Angleterre l’hôpital Maudsley et la clinique
Tavistock, établissements privés recevant des patients en cure libre ou pour des
traitements en externat. Ces deux établissements auront valeur démonstrative
au plan des traitements et renforceront les réactions de l’opinion publique aux
conditions faites aux malades mentaux dans les asiles, tout comme elles
concourront à sensibiliser l’opinion publique contre le caractère abusif de
certains internements. Ce mouvement d’opinion obtiendra la désignation d’une
commission royale, laquelle définira la maladie mentale comme l’incapacité du
patient à maintenir son équilibre social, tout comme elle affirmera qu’il ne
saurait y avoir de ligne claire de démarcation entre maladie mentale et maladie
13. Réfugié à Londres, Karl Marx dénoncera lui même les workhouses dans son chapitre
sur l’accumulation primitive du capital.
De l’exclusion à l’accès aux soins et à la dignité du malade 25
organique. Dès lors, le Mental Health Act de 1930 autorisa l’admission en hospi-
talisation libre dans les asiles publics. Ces dispositions amorceront une nouvelle
dynamique d’amélioration et d’ouverture de l’asile, qui se traduira d’une part
par une politique d’open-door (d’ouverture des portes) et par un système d’asile
en « cottage » à partir de 1965, d’autre part par le développement de centres
externes dans les hôpitaux généraux, et enfin par la création de communautés
thérapeutiques. C’est ainsi que durant la Seconde Guerre mondiale et les années
de l’après-guerre, Maxwell Jones lance la communauté thérapeutique de
l’hôpital de Belmont. Aujourd’hui encore, des communautés thérapeutiques
existent à l’intérieur des hôpitaux, mais quelques organisations de volontaires
entretiennent également de telles communautés hors de l’hôpital (The
Richmond Fellowship, par exemple).
Le Mental Health Act de 1959 définira ainsi la maladie mentale comme étant
une maladie comme les autres, ce qui favorisera plus encore le développement
de la psychiatrie dans les hôpitaux généraux et la fermeture de lits dans les
hôpitaux psychiatriques. Dans le même temps, cette loi posera les bases
administratives de soins communautaires sous l’appellation de Psychiatric
Community Care, comportant des services ambulatoires et de réadaptation ou de
réinsertion sociale, comme d’unités psychiatriques dans les hôpitaux généraux,
avec réduction des lits des structures spécialisées. Mais cette législation se carac-
térise surtout par la généralisation de l’admission libre sur le modèle de l’admis-
sion en hôpital général, c’est-à-dire sans autre formalité particulière. Elle se
caractérise encore par la médicalisation des admissions involontaires et par
l’attribution d’un rôle spécifique aux travailleurs sociaux, nommés délégués
municipaux d’aide aux malades mentaux, enfin par l’institution des tribunaux
de révision des affaires de santé mentale. Cependant, à la fin des années
cinquante, avec le développement des psychotropes, de l’électrochoc et de la
psychochirurgie, un mouvement de contestation va se développer à l’encontre
des « traitements dangereux », notamment « irréversibles », mouvement qui
renouvellera la réflexion sur la validité du consentement à ce type de traite-
ments et sur les modalités d’enregistrement d’un tel consentement. Cette
réflexion sera plus particulièrement élaborée dans le cadre du Mental Health Act
de 1983 issu des secousses du mouvement de l’antipsychiatrie.
Le mouvement de la psychiatrie démocratique italienne s’enracine également
dans le terreau de l’antipsychiatrie anglaise, comme dans le mouvement désalié-
niste français. À cette époque, l’assistance aux malades mentaux est encore
régie, en Italie, par une loi de 1904 qui la confie à la police et aux magistrats, au
point même qu’en 1930 le fascisme fait inscrire la maladie mentale au casier
judiciaire des personnes...
Bouleversé par les conditions de vie carcérales des patients, mais favorable-
ment impressionné par sa visite à la communauté thérapeutique de Maxwell
Jones à Londres, le psychiatre Franco Basaglia, récemment nommé directeur de
l’hôpital psychiatrique de Gorizia, petite ville proche de Trieste, programme la
négation pure et simple de l’institution en s’entourant d’une équipe, en partie
fondée sur une base militante, et en mettant en place une vie communautaire au
sein même de l’hôpital comme dans les structures intermédiaires créées progres-
26 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
16. Yves Buin Psychiatries, l’utopie, le déclin, Toulouse, Érès, 1999 montre bien les risques
de cette intégration de la psychiatrie à l’hôpital général, notamment pour la « clinique
psychothérapique ouverte » et les acquis de la psychiatrie du désaliénisme et de la
psychothérapie institutionnelle telle que l’a pensée l’École française de psychiatrie à l’orée
des années cinquante (voir p. 63 69).
17. Wojcieckowski, op. cit., p. 14.
28 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
tique » italienne suscita des initiatives militantes locales tendant à apporter une
réponse aux « besoins primaires » des patients et favorisa la création, par
certaines administrations provinciales, catholiques et de gauche, de diverses
structures alternatives, elle s’est toutefois très vite heurtée à certaines « diffi-
cultés partiellement entrevues, dans le cas des psychotiques et de leurs
familles », comme le note Luigi Cancrini. Certes, l’assistance, surtout matérielle,
apportera-t-elle quelques améliorations à l’état de certains malades, mais elle
développera aussi une certaine dépendance à l’égard d’une telle aide, dont la
maîtrise et la gestion ne tarderont pas à devenir délicates. Par ailleurs, replacées
dans leur milieu d’origine, de telles personnes n’en nécessiteront pas moins
rapidement une assistance professionnelle sur le terrain plus spécifique de la
relation thérapeutique, assistance professionnalisée qu’un tel mouvement ne
parviendra pas toujours à assurer, du moins lors de la mise en œuvre de la loi
180 de 1978. Aussi cette loi débouchera-t-elle sur un virulent courant d’opinion,
largement animé, cette fois, par les organisations des familles des malades
mentaux plus particulièrement en charge de tels psychotiques, s’inquiétant
d’une assistance médicale et sociale à leurs yeux trop souvent improvisée,
dénoncée comme menant à la dérive un bon nombre de psychotiques livrés à
eux-mêmes et clochardisés ou laissés à la garde des familles dépourvues de tout
soutien institutionnel. En outre, certains médecins, opposés à une telle réforme,
iront jusqu’à l’appliquer à la lettre avant que des structures alternatives à
l’hôpital ne soient créées, afin de rejeter ainsi systématiquement à la rue bon
nombre de patients en discréditant par là même et volontairement la réforme.
Des sorties « bureaucratiques » furent ainsi organisées par les opposants à la
réforme, c’est-à-dire sans préparation et sans suivi, pouvant aller jusqu’à des
actions spectaculaires tel le dépôt de patients en ville et par autocars, ou leur
renvoi massif dans leurs villes d’origine, sans organisation de prise en charge
ultérieure. À l’effet iatrogène de l’asile, dénoncé par la psychiatrie institution-
nelle, répondra ainsi bientôt l’effet iatrogène d’une « psychiatrie démocratique »
ou se voulant telle, si bien que de nombreuses associations et familles réclame-
ront la suspension de la loi 180, jusqu’à ce que l’État organise la prise en charge
nécessaire et efficace des malades. Toutefois, au fil des ans, la réforme finira par
s’imposer comme loi cadre de la prise en charge des troubles mentaux. Elle sera
acceptée par la société italienne de psychiatrie, puis, au congrès de 1990 par la
coordination nationale des associations de familles. C’est, comme le constate
Raynaud, non seulement la fin de l’épopée antipsychiatrique, mais encore la
consécration de la remédicalisation de la folie à laquelle la loi 180 conduira en
partie, en instaurant une contrainte générale – et non pas spécifique – du soin,
et en intégrant les unités psychiatriques de soins contraints à l’hôpital général,
mouvement qui s’observe également dans les autres pays européens, notam-
ment en France, surtout depuis les années quatre-vingt. Maintes fois annoncée,
la destruction de l’asile demeurera longtemps partielle et variable selon les
régions. À l’aube du IIIe millénaire subsistait encore, en particulier dans le sud de
l’Italie, de grands hôpitaux psychiatriques, comme la Maison de la Divine
Providence près de Bari, qui accueille 2 000 patients.
De l’exclusion à l’accès aux soins et à la dignité du malade 29
Durant ces vingt dernières années, l’accès à la justice pour les personnes qui
font l’objet d’une prise en charge psychiatrique s’est développé dans la mesure
où le mouvement associatif s’est lui-même renforcé dans la plupart des pays
européens. La jurisprudence française n’aurait ainsi probablement jamais vu le
jour, sans l’action du Groupe Information Asiles. L’action de certains patients
britanniques, y compris au niveau européen, n’aurait également pu avoir lieu
sans l’appui d’une association telle que Mind. La jurisprudence suisse ne saurait
davantage s’expliquer sans référence à l’action des « Sans Voix » de Genève ou
de l’association Psychex de Zürich. En Italie, le mouvement Psichiatria
Democratica joua sans aucun doute un rôle important dans la redéfinition des
rapports entre justice et psychiatrie, même si son action, au niveau jurispruden-
tiel, fut plus limitée. Elle fut néanmoins fondamentale au niveau législatif. En
Allemagne, le Patientenfront puis Krankheit im Recht développèrent encore un
important contentieux dont les résultats demeurent malheureusement peu
connus. Aux Pays-Bas, l’action du Clientenbond n’est certainement pas étrangère
à certains résultats obtenus sur le terrain judiciaire.
Quoi qu’il en soit, ce qui caractérise à ce niveau le mouvement associatif est
probablement son extrême richesse. En effet, aucun profil associatif bien défini ne
peut caractériser les mouvements qui se sont inscrits dans ce genre d’action, qui
ont permis d’enrichir la jurisprudence. Cela va d’associations rassemblant princi-
palement des patients – ou des personnes désignées telles – reconnaissant la spéci-
ficité de leur état, éventuellement pour en faire une arme de lutte, comme le
Patientenfront (Allemagne), ou pour revendiquer le droit à une qualité de vie diffé-
rente, comme le Clientenbond (Pays-Bas), ou bien, au contraire, visant principale-
ment à dénoncer l’abus ou l’arbitraire d’une prise en charge psychiatrique, comme
cherchent à le faire la plupart des membres du Groupe Information Asiles (France),
jusqu’à des associations plus massivement constituées de professionnels soit de la
santé, comme Psichiatria Democratica (Italie), Pro Mente Sana (Suisse), soit de
juristes, comme Psychex (Suisse), en passant par des associations mixtes dont la
De l’exclusion à l’accès aux soins et à la dignité du malade 31
C’est sans conteste l’association Mind qui au niveau judiciaire a obtenu les
plus importants résultats. Elle n’hésita pas d’ailleurs à requérir à cette fin les
services d’un juriste américain, Larry Gostin qui, entre autres, porta les affaires
X., Ashingdane et Barclay Maguire devant la Cour européenne des droits de
l’homme, que nous examinerons plus loin en détail. Cette association contribua
fortement à la réforme du Mental Health Act de 1983, comme à celle des législa-
tions du pays de Galles et de l’Écosse en 1984. Ces réformes furent également
insufflées par un formidable courant d’opinion, durant les années soixante-dix
de l’antipsychiatrie anglaise, que couronnèrent, sur le plan juridique, le livre de
Larry Gostin, A Human Condition, publié en 1975, et le rapport Butler.
L’association Mind s’efforce, depuis, de promouvoir en particulier des struc-
tures d’aide juridique et de médiation en faveur des patients, service que l’on
désigne habituellement sous le terme d’advocacy. La Ligue flamande de santé
mentale a tenté de développer un mouvement comparable en Belgique, de 1990
à 1996, en créant des postes de « personnes de confiance » dans certains établis-
sements, personnes chargées de défendre le point de vue des patients s’adres-
sant à elles. Depuis 1997, une association française, Advocacy-France, tente égale-
ment d’en promouvoir l’idée dans l’Hexagone en insistant ici sur la fonction de
médiation du mouvement associatif entre patients et administration publique 18.
La FNAPPsy (Fédération nationale des associations de patients et ex-patients
« psy »), qui rassemble diverses petites organisations assurant surtout des
actions d’entraide et de convivialité, n’intervient encore, en France, dans le
domaine juridique, qu’au niveau normatif. C’est ainsi, entre autres, qu’elle a
participé, en 1996 et 1997, en qualité d’expert, avec Rhésus (association de
patients de diverses pathologies somatiques) et le Groupe Information Asiles, au
Groupe national d’évaluation de la loi du 27 juin 1990 sur l’hospitalisation
psychiatrique. Elle a notamment récemment pris position en faveur de la
judiciarisation des hospitalisations sans consentement 19.
En France, seules deux associations ont depuis les années soixante-dix
imprégné et impulsé l’action judiciaire : Le Groupe Information Asiles et le
20. Luc Pont, « Des moyens juridiques à la relation de confiance », in Législation sociopsy
chiatrique. Un bilan, M. Borghi (éd.), Institut du fédéralisme de l’université de Fribourg,
fondation suisse Pro Mente Sana, Fribourg, 1992, p. 167.
21. Ibid.
34 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
avec le patient, mais également avec les médecins et les institutions : « Lorsque
nous nous trouvions face au médecin concerné, nous ne parlions plus de
plaintes, de recours, de droits. Nous n’arrivions plus avec la certitude d’avoir
raison en voulant prouver à l’autre qu’il avait tort, ce qui résume assez bien la
méthode juridique. Nous venions en disant : “Voilà, ce patient a un problème,
comment pouvons-nous le résoudre ensemble ? Voilà le projet que nous avons
préparé avec le patient. Qu’en pensez-vous ?” Nous avons le plus souvent
abandonné le ton de l’avocat pour adopter celui du médiateur, du travailleur
social, de l’ami 22. » Sur cette base, des conventions ont pu être signées par l’asso-
ciation avec diverses institutions, et notamment avec l’hôpital de Cery ; conven-
tions qui règlent les modalités des interventions des membres de l’association
dans l’établissement, qui leur permettent surtout d’avoir, en tout temps, des
entretiens avec les patients qui le demandent, qu’ils soient internés ou librement
admis, en isolement ou non, comme d’intervenir à tous les niveaux de la hiérar-
chie hospitalière en cas de besoin, tout en préservant le droit de l’association de
faire appel à d’autres instances si le problème posé par un patient ne peut être
résolu par la concertation. Pro Mente Sana a ensuite constitué des groupes
d’entraide, de définition d’actions, de propositions et de solutions collectives qui
débouchèrent sur la création d’un journal : Tout Comme Vous du GRAAP (Groupe
d’Accueil et d’Action Psychiatrique), constitué à 99 % de patients psychia-
triques 23 et qui milite pour que chaque personne soit respectée dans son quoti-
dien, quelles que soient les crises qu’elle traverse. De ces groupes est également
issu le restaurant du GRAAP de Genève sous l’enseigne : « Le Grain de sel. » Pour
autant, Pro Mente Sana conseille les personnes souffrant de troubles psychiques,
ainsi que leurs proches, essaie de promouvoir leurs droits et leur statut social et
veut œuvrer pour « une société plus compréhensive vis-à-vis de la maladie
mentale 24 ». Ce faisant, elle se heurte, surtout à Genève, à certaines particularités
du droit cantonal. Sur ce canton, en effet, la loi K1-12 a récemment modifié la
réglementation en officialisant le travail des « conseillers-accompagnants auprès
25. Sur l’analyse générale du contexte dans lequel sont nées ces coopératives, voir Paolo
Henry, Cronicita, riabilitazione e associazioni di auto aiuto, dans Cahiers Pollen, n° 4, p. 20 25.
26. Voir à ce sujet, Maria Mitrosili, Study on the Social and Legal Status of Patients in the State
Mental Hospital of Leros, et Th. Megaleoconomou, The History of Desinstitutionalisation
Interventions in the SMHL, European Commission, Directorate general for Employment,
Industrial Relations and Social Affairs, DGV, Athènes, 1995.
36 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
dent. Peu de ces mouvements ont opéré une rupture nette avec le milieu, voire
l’approche soignante.
Le RSMH (Association suédoise pour l’hygiène sociale et mentale) est la plus
importante association européenne de ce genre. Sa création remonte à une initia-
tive de soignants exerçant dans le plus grand hôpital de Stockholm.
Aujourd’hui, le RSMH est davantage un lieu de solidarité et d’entraide entre
patients. Il comprend près de dix mille membres dont 95 % de personnes prises
en charge par la psychiatrie ou d’anciens usagers. Il comporte une trentaine de
sections régionales, une centaine de clubs locaux disposant d’appartements,
parfois de maisons. Ces clubs sont organisés soit en groupes de pression, tant
vis-à-vis des médias que des pouvoirs publics et de l’opinion, soit en lieux de vie
ou en centres de convivialité assurant diverses activités sociales et culturelles,
ouverts chaque jour de la semaine. Cet essor assez considérable n’a été rendu
possible que grâce au soutien des pouvoirs publics. L’association put ainsi
employer plusieurs permanents à temps plein, payés par l’État ou les collecti-
vités locales, rémunérés au-dessus du salaire infirmier. Il est cependant probable
que la remise en cause de l’État-providence conduira à quelques restructura-
tions, si ce n’est à une radicalisation nouvelle du mouvement qui, jusqu’alors
semblait avoir trouvé les moyens de son intégration.
Au Danemark, l’association SIND (Association danoise pour la santé mentale),
créée en 1960, ouverte à tous, soignants comme soignés, dispose actuellement
d’une vingtaine de comités locaux et régionaux, d’une cinquantaine de clubs cultu-
rels, dont certains tentent de créer des cafés afin d’établir un réseau de convivialité
entre les patients, mais elle anime encore des centres de formation susceptibles de
participer à la réintégration et la resocialisation de patients dans la communauté.
La Hollande dispose également d’une forte organisation d’usagers et d’anciens
usagers, participant activement à la direction du mouvement : le Clientenbond
(Ligue des clients), créé en 1971. L’association regroupe actuellement plus de
1 000 membres et dispose de deux permanents. Il s’agit d’une association pour le
moins radicale, dont de nombreux militants semblent mettre en cause le bien-fondé
de l’intervention psychiatrique, mais dont l’activité juridique et l’action judiciaire
paraissent plus limitées que celles de certaines organisations britanniques ou
françaises, bien que cet axe ait été renforcé ces dernières années.
Le Clientenbond est par ailleurs à l’initiative d’un Rassemblement européen
d’association d’usagers et d’ex-usagers des services de psychiatrie des divers pays
européens, rassemblement en partie financé par la Commission des commu-
nautés européennes, et notamment par la DG V-E3 et le programme Helios II, le
Conseil régional européen (CRE) de la Fédération mondiale pour la santé mentale
et le ministère néerlandais de la Santé. Il convient d’ailleurs de souligner ici le
rôle pionnier joué par la Fédération mondiale pour la santé mentale dans l’intro-
duction des patients dans les débats, en particulier internationaux, les concer-
nant. Comme le note d’ailleurs son secrétaire général, le professeur E. B. Brody :
« Ceci est encore une fois une question de respect et de volonté des médecins
d’abandonner l’attitude défensive qui consiste à posséder un pouvoir et un
savoir paternaliste, total. Quand des patients seront capables de vivre dans un
contexte qui favorise l’autonomie, avec le soutien de groupes d’anciens patients,
De l’exclusion à l’accès aux soins et à la dignité du malade 37
en particulier dans des logements gérés par les utilisateurs où les normes de
comportement seront établies par les utilisateurs eux-mêmes, la nécessité de
s’occuper des droits des patients réduits par l’hospitalisation et le traitement
obligatoires deviendra moindre 27 » (Brody, 1988).
Le congrès constitutif du Réseau européen des usagers et ex-usagers s’est tenu
aux Pays-Bas, en 1991 à Zandvoort ; il a réuni trente-neuf délégués, tous usagers
et anciens usagers de services psychiatriques, représentant seize pays
européens. À l’issue de ce rassemblement a été créé un réseau d’information et
de coopération ayant pour tâche :
– l’amélioration et la promotion, en matière juridique, des droits des personnes
qui reçoivent des services de santé mentale ;
– le recueil et la diffusion d’informations sur les médicaments psychiatriques ;
– le droit d’influencer, à un niveau européen, la prise de décision en psychiatrie ;
– la promotion du consentement en matière psychiatrique et le développement
d’alternatives non médicales face à la psychiatrie.
Un bulletin régulier devait être publié pour promouvoir les buts et les aspira-
tions du réseau ; un centre d’information, localisé en Hollande, fut créé afin de
recueillir et de diffuser l’information. Il semble toutefois que les objectifs ainsi
définis ont quelque mal à être atteints, l’information circulant encore fort mal
entre les associations engagées dans un tel mouvement, malgré la tenue du
second congrès d’Elseneur au Danemark en mai 1994 et du troisième congrès de
Londres de janvier 1997 28. Un tel rassemblement constitue néanmoins une étape
marquante de l’histoire des associations de psychiatrisés.
Aux côtés du Clientenbond, il convient de signaler aux Pays-Bas le LPR, une
organisation de représentants de patients au sein même des hôpitaux qui fédère
les conseils de patients institutionnalisés dans les établissements, disposant
donc d’un soutien de l’administration centrale. Depuis 1991, il participe surtout
à l’évaluation et se prononce sur la qualité des soins en santé mentale et des
services sociaux. En 1996, une loi générale a été adoptée sur le fonctionnement
des conseils. Il existe ainsi aujourd’hui trois cent cinquante conseils de patients
en Hollande, actifs dans les institutions de santé mentale. Estimant que la
qualité de la vie des « clients » ne trouve pas de réel débouché dans la logique
médicale, ils ont décidé d’axer désormais l’évaluation sur l’autonomie et la
recherche d’autonomie des patients par les différents services.
Une autre fondation, le PVP, organise la représentation juridique des patients
placés en hôpitaux psychiatriques. La part prise au sein de cette association par les
patients à l’animation et la direction du mouvement paraît cependant plus limitée,
compte tenu de l’encadrement institutionnel. Ces dernières années aux Pays-Bas
des postes de « médiateurs », qui recoupent en fait une partie de ce que l’on
désigne sous le terme d’advocacy au Royaume-Uni, se sont ainsi développés. Le
« médiateur » ne doit pas adopter un point de vue neutre pour faciliter la négocia-
tion et l’accord, mais le point de vue exclusif du patient. L’association nationale
dont dépend le « médiateur » passe contrat avec l’établissement dans lequel il
exerce, mais en demeure indépendante. Cette exclusivité de point de vue et d’inté-
rêts est à ce point affirmée qu’il est interdit au « médiateur » de prendre ses repas
à la cantine des soignants ; il doit en effet être clairement établi qu’il est du côté
des soignés. Aussi ne peut-il intervenir qu’avec l’accord du patient. Cinquante
plates-formes régionales ont ainsi été adoptées, qui organisent les rapports en vu
d’aider les patients à formaliser et à déposer leurs éventuelles plaintes. Toutefois,
elles ne sortent pas de l’établissement et sont destinées à être réglées en interne,
dans le cadre d’une conciliation. Le « médiateur » peut cependant indiquer les
voies de recours qui permettront de porter le contentieux à l’extérieur de l’hôpital,
en saisissant, entre autres, la justice. Un rapport annuel est remis par l’association
des « médiateurs » au ministre de tutelle.
Au Royaume-Uni, il n’existe pas de réglementation nationale imposant une telle
représentation. Toutefois, des établissements toujours plus nombreux se dotent
d’un « conseil de patients » et intègrent des représentants d’usagers dans les diffé-
rents organes de gestion de la santé mentale, tant au niveau local que régional. Le
premier « conseil de patients » a été créé à Nottingham en 1986, à l’hôpital
Mapperley. Il tient des réunions mensuelles en dehors de la présence de l’équipe
soignante et de la direction, sauf invitation expresse. Les promoteurs d’un tel
mouvement insistent sur la différence qu’il y a entre les réunions institutionnelles
de patients, éventuellement organisées par les équipes, et celles tenues à l’instiga-
tion du « conseil de patients » qui en assure lui-même l’organisation et la direc-
tion. L’indépendance et l’autonomie sont d’ailleurs les maîtres mots de l’advocacy.
Le Service national de santé (NHS) a également suscité l’élaboration de
chartes locales des usagers de services de santé mentale et a, à cette fin, publié
en 1994 un guide élaboré l’année précédente en liaison avec Mindlink, Survivors
Speak Out et Ukan. La mission chargée de la rédaction d’un tel guide est par
ailleurs intervenue en 1993 dans une dizaine de conférences régionales tenues
par des usagers des services et rassemblant les commentaires de divers autres
groupes locaux. Il s’agit ainsi non pas d’établir une norme nationale, mais
d’inciter chaque service à négocier son règlement intérieur et certains principes
directeurs avec les usagers du service. L’on voit, une fois encore, que l’on est
assez loin d’une conception étroitement nationale à la française, rigide et s’impo-
sant finalement à tous sans grande discussion.
En France, la réforme de l’hospitalisation issue de l’ordonnance du 24 avril
1996 (décret du 30 octobre 1996) a prévu la représentation des usagers au sein
des conseils d’administration des hôpitaux, y compris psychiatriques. Elle
impose par ailleurs l’accréditation qui a pour effet de distinguer des niveaux de
qualité ou de compétence entre établissements de même catégorie. Elle introduit
en outre la notion de mesure de satisfaction des usagers, dont elle fait un des
éléments de l’accréditation. L’on peut donc s’attendre au renforcement du rôle
des associations d’usagers durant les prochaines années. Toutefois, cette direc-
De l’exclusion à l’accès aux soins et à la dignité du malade 39
tive tarde à être mise en œuvre, compte tenu d’une part de la faiblesse du
mouvement associatif français des patients psychiatriques et d’autre part de
l’absence de véritables soutien et initiative, en ce domaine, de l’administration
centrale. Elle n’a d’ailleurs débloqué aucun budget et n’a créé aucune structure
pour permettre aux usagers de s’exprimer au sein des établissements dans un
cadre associatif autre que celui à visée directement thérapeutique ou occupa-
tionnel, issu de la psychiatrie institutionnelle. Des initiatives ont cependant été
prises par quelques établissements, comme celui de Saint-Maurice qui s’est doté
d’une association de patients Esqui, mise en place par la direction de l’hôpital,
dont l’un des membres siège au conseil d’administration de l’établissement.
29. Compte rendu intégral, Assemblée nationale, 2e séance du 22 février 1996, JO, p. 1110.
30. Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, La
Contraception chez les personnes handicapées mentales, Rapport n° 4, 9 3 avril 1996, et La
Stérilisation envisagée comme mode de contraception définitive, Rapport n° 50, 3 avril 1996.
40 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
familles ou par certaines institutions qui ont en charge des handicapés mentaux et
doivent faire face aux problèmes que pose leur sexualité. Des études récentes 31 ont
fait état de divers cas de stérilisation en Gironde et à Sens, dans l’Yonne, dénoncés
par la presse 32. Pour sa part, l’UNAPEI (Union Nationale des Associations de Parents
et amis de personnes handicapées mentales) approuve l’idée d’une décision collé-
giale, envisagée à titre d’hypothèse par le Comité consultatif national d’éthique,
mais souligne que la famille et l’institution (association ou établissement) ayant en
charge la personne handicapée se trouvent exclues de la Commission pluridisci-
plinaire, regroupant pour l’essentiel des professionnels, mentionnée par le texte
du Comité. L’UNAPEI déplore tout particulièrement cette exclusion et souligne
qu’en dernière analyse, et selon son degré d’autonomie mentale concernée, la
décision doit appartenir à la personne handicapée et à sa famille ou son tuteur, ou
exclusivement à son tuteur, à sa famille et/ou son tuteur, tout en rappelant que
« cette position correspond aux dispositions juridiques relatives à la responsabilité
légale des familles et des tuteurs ainsi qu’à la conception qu’a l’UNAPEI de la
responsabilisation tant des personnes handicapées mentales que des familles 33 ».
Ce débat particulièrement complexe, compte tenu des risques d’eugénisme, était
d’autant plus aigu qu’en France, la stérilisation à fin contraceptive n’était pas
légalement admise, contrairement à ce qui existe en d’autres pays comme le
Canada ou les États-Unis, où la pilule joue un rôle dans le contrôle des naissances
jusqu’à ce que soit atteint le nombre d’enfants souhaités 34. Depuis avril 2001, la
France a légalisé la ligature des trompes ou des canaux déférents, avec pour les
handicapés mentaux un article spécifique du Code de la Santé publique que
dénonce l’UNAPEI 35.
31. Voir notamment Sylvie Beauvais, Eugénisme et handicap, Histoire des idées, université
de Bordeaux, et Céline Pinard, La Stérilisation des personnes handicapées mentales : la réponse
à une pathologie sociale, Université de Bordeaux, ou encore, Stériliser le handicap mental ?,
Nicole Diedrich (dir.), Toulouse, Érès, 1999.
32. Voir Libération du 15 mai 1996.
33. Position de l’UNAPEI, Paris, 17 avril 1996.
34. Voir notamment Nicole Marcil Gratton et Évelyne Lapierre Adamcyk, « L’Amérique
du Nord à l’heure de la troisième révolution contraceptive : la montée spectaculaire de la
stérilisation au premier rang des méthodes utilisées », Espace, population, sociétés, 1989,
2, p. 239 248. Voir également Catherine de Guibert Lantoine, « Révolutions contraceptives
au Canada », Population, 1996, 46 (2), p. 361 398.
35. Article L. 2123 2 : « La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contra
ceptive ne peut être pratiquée sur une personne mineure, elle ne peut être pratiquée sur
une personne handicapée mentale, majeure sous tutelle, que lorsqu’il existe une contre
indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée
de les mettre en œuvre efficacement. Si la personne concernée est apte à exprimer sa
volonté et à participer à la décision, son consentement doit être recherché et pris en
compte après que lui a été donnée une information adaptée à son degré de compréhen
sion. L’intervention est subordonnée à une décision du juge des tutelles, qui se prononce
après avoir entendu les parents ou le représentant légal de la personne concernée ainsi
que toute personne dont l’audition lui paraît utile et après avoir recueilli l’avis d’un
comité d’experts. Ce comité composé notamment de personnes qualifiées sur le plan
médical et de représentants d’associations de handicapés apprécie la justification
médicale de l’intervention, ses risques ainsi que les conséquences normalement prévi
sibles sur les plans physique et psychologique. »
De l’exclusion à l’accès aux soins et à la dignité du malade 41
36. Une place particulière devrait encore être réservée aux associations caritatives,
cultuelles et aux congrégations religieuses qui impriment encore leurs marques, même en
France. L’association Sainte Marie de l’Assomption gère ainsi encore divers établisse
ments psychiatriques privés, comme celui de Cayssiols, près de Rodez. Celle des frères
Saint Jean de Dieu géra jusqu’en 1970 divers établissements comme celui de Lommelet,
dans le Nord. Mais les congrégations religieuses sont surtout actives, en psychiatrie, en
Italie et en Espagne.
37. Un tel mouvement s’appuie, notamment à cette fin, sur les diverses directives de l’OMS
et de la Fédération mondiale pour la santé mentale, comme de nombreuses autres organi
sations internationales, lesquelles proclament qu’il faut non seulement que les patients
participent individuellement à tout le processus de décision et de prise en charge de leur
maladie, mais encore qu’ils participent collectivement à la politique de santé mentale. Ils
doivent ainsi participer à l’élaboration, la planification, la mise en œuvre de cette
politique et faire partie des organes de décision et de consultation. Ces directives inter
nationales résultent d’ailleurs, en grande partie, du lobbying associatif qui agit au sein
des organisations internationales.
42 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
1. Pour l’analyse détaillée de chacun de ces systèmes, voir notamment Thomaïs Douraki,
La Convention européenne des droits de l’homme et le droit à la liberté de certains malades et
marginaux, Paris, LGDJ, 1986.
44 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
2. Avant la réforme du 27 juin 1990, un tel certificat n’était pas obligatoire. Toutefois, le
Conseil d’État avait fini par considérer qu’une telle décision d’internement devait être au
moins motivée sur un avis médical concordant.
3. Voir notamment les affaires Caralp et Lavable.
Principales législations européennes et critères de contrainte 45
qui statue sans délai sur la nécessité de l’hospitalisation d’office. Sans perdre de
vue la mesure de sûreté qui se cache sous l’hospitalisation d’office, la loi du
27 juin 1990 tend, on le voit, à réduire le champ de cette sûreté en la limitant à
des situations de danger effectif et non plus seulement potentiel et en ne justi-
fiant les mesures provisoires, prises en cas d’urgence, que lorsque la sûreté des
personnes est en cause.
Mais c’est dans la redéfinition de l’hospitalisation à la demande d’un tiers 4
que la loi du 27 juin 1990 opérera sa principale rupture avec la précédente légis-
lation du 30 juin 1838. En ce cas, la décision d’admission demeure administra-
tive, puisqu’elle est censée être oralement prononcée par le chef d’établisse-
ment 5, lequel, depuis 1960, n’appartient généralement pas au corps médical, à
l’exception de quelques rares établissements privés ayant conservé quelques
années encore une direction médicale. L’admission se fait au vu d’une demande
écrite et signée de la main du tiers demandeur au placement et de deux certifi-
cats médicaux de médecins, dont un non attaché à l’établissement, sauf en cas
d’urgence. Ces certificats doivent eux-mêmes être circonstanciés, mais surtout,
ils doivent permettre de s’assurer, d’une part que les troubles de la personne
rendent impossible son consentement et, d’autre part que son état impose des
soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier.
Avant le 27 juin 1990, le certificat médical fondant un internement à la
demande d’un tiers devait seulement constater l’état mental de la personne à
placer, indiquer les particularités de sa maladie et se prononcer sur la nécessité
de la faire traiter dans un établissement réservé aux aliénés et de l’y tenir
enfermée. Le médecin devait ainsi se prononcer sur la gravité des troubles et
l’état d’aliénation de la personne et sur la nécessité de l’enfermement. Avec la
réforme du 27 juin 1990, l’optique se trouve totalement modifiée. Le législateur
part de la particularité des traitements à mettre en œuvre pour assurer la santé
de la personne. Il faut ainsi que « des soins immédiats assortis d’une
surveillance constante en milieu hospitalier » soient médicalement requis. Il faut
ensuite que les troubles de la personne rendent impossible son consentement à
de tels soins pour que soit justifiée une mesure d’hospitalisation à la demande
d’un tiers. La notion de contrainte de soin est ainsi abordée d’un double point
de vue. Celui, tout d’abord, de la nature des soins, lesquels doivent, par eux-
mêmes, nécessiter l’hospitalisation. Autant dire, donc, qu’il s’agit fatalement de
traitements incisifs, nécessités par la survenue d’un état critique, et non plus
seulement de la simple mise en œuvre d’un traitement psychiatrique
quelconque que l’intéressé refuserait, à tort ou à raison. Il faut en outre que
l’éventuel refus de l’intéressé de tels soins résulte de sa pathologie pour que l’on
6. Ces dispositions salutaires ne sont cependant pas toujours respectées. Voir notamment
les cas de M. G. G. et de M. René Chauffour, qui demeurèrent toutefois internés malgré
l’annulation des arrêtés de maintien par le juge administratif, pour le premier, et l’absence
de renouvellement d’arrêté de placement, dans les délais fixés, pour le second. En outre
le ministre de la Justice considère que ces dispositions salutaires ne s’appliquent pas au
cas des personnes internées à la suite d’une ordonnance de non lieu ou d’un jugement de
relaxe (note du 23 mars 1992). Sur cette dernière question voir arrêt du 2 septembre 1999,
cour d’appel de Nîmes, affaire Bénazet.
7. JO, 16 mai 1990, n° 24 [1] A. N. (C. R.), p. 1302, 1re séance du mardi 15 mai 1990.
48 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
par exemple, d’aller travailler régulièrement au centre d’aide par le travail (CAT)
ou de résider dans tel logement institutionnel. Ces pratiques, dont la légalité
demeure douteuse, ne sont pas rares. La légalisation des sorties à l’essai a ainsi
tendu à faire chuter les sorties définitives directes, lesquelles sont prononcées
par les mêmes autorités administratives ayant ordonné l’hospitalisation sous
astreinte (préfet en cas d’hospitalisation d’office, chef d’établissement, mais
aussi médecin hospitalier en cas d’hospitalisation à la demande d’un tiers).
Dans un tel système, l’autorité judiciaire n’intervient qu’au niveau du
contrôle a posteriori, soit de façon régulière et périodique, soit à la demande des
intéressés ou de leurs proches, qui ont la possibilité de solliciter du juge des
libertés et de la détention du tribunal de grande instance la sortie immédiate
lorsqu’ils contestent le bien-fondé d’une telle mesure (art. L. 3211-12 du Code de
la santé publique), soit encore dans le cadre du contentieux de la réparation,
comme nous le verrons plus loin. En l’occurrence, les juges ne peuvent décider
d’aucune mesure de placement 8. Tout au plus peuvent-ils faire droit à une
demande de sortie en cas d’internement injustifié, mais de nombreux obstacles,
sur lesquels il nous faudra revenir, jalonnent la procédure de sortie judiciaire.
Aussi une telle voie de recours n’est-elle, en définitive, que fort peu utilisée par
les personnes concernées.
8. Par le biais du code de procédure pénale, le juge d’instruction peut toutefois ordonner
une mesure d’hospitalisation à l’encontre d’une personne poursuivie pour un crime ou
un délit. Il ne semble cependant pas qu’une telle disposition soit utilisée en matière
d’internement psychiatrique. Notons également que le juge répressif peut encore
ordonner un traitement obligatoire, voire une hospitalisation dans le cas de la répression
de la toxicomanie, mais aussi de crimes et délits commis sous l’emprise de l’alcool. Le
juge des enfants peut également ordonner le placement d’un mineur en hôpital psychia
trique au titre de la protection de l’enfance.
Principales législations européennes et critères de contrainte 49
déjà sous l’effet des traitements ; il importe ici de se souvenir que la loi belge ne
légifère pas sur l’éventuel droit de refus des traitements par la personne internée.
Les traitements de force, comme les mesures de contention et d’isolement au sein
des unités de soins, paraissent d’ailleurs encore très fréquentes en Belgique, ces
mesures étant laissées à l’entière discrétion du personnel soignant 9. Or, la durée
de la mise en « observation » peut être de quarante jours. Passé ce délai, le juge
de paix peut décider du maintien pour des durées n’excédant pas deux ans. De
tels délais paraissent à première vue particulièrement longs en regard des autres
législations européennes qui retiennent des délais de quelques jours ou d’une à
deux semaines, voire de vingt-huit jours, au titre de l’observation, de un à six
mois – et rarement, plus d’une année – au titre des maintiens pour traitement.
Toutefois, en Belgique, la sortie peut être prononcée à tout moment par le juge de
paix, saisi par l’intéressé comme par toute personne concernée. La sortie peut
également être décidée par le médecin hospitalier chargé, en ce cas, d’établir un
rapport et de le transmettre au juge. Le médecin hospitalier peut encore décider
que la sortie aura lieu sous forme d’une postcure, assortie de soins, durant le
temps de protection fixé par le juge (art. 16). La postcure ne peut cependant être
décidée qu’« avec l’accord du malade ».
Le chapitre IV de la loi du 26 juin 1990 organise, par ailleurs, les possibilités
de recours à l’encontre des décisions du juge de paix ; mais il fixe le délai d’appel
à quinze jours, à compter de la notification du jugement à l’intéressé. Or, l’acte
de notification intervient généralement lorsque l’internement et le traitement
sont déjà en cours. L’intéressé est donc souvent peu à même de réaliser la portée
de l’acte de notification et hors d’état de recourir opportunément dans les délais
prescrits. Il apparaît d’ailleurs peu compatible avec l’esprit protecteur de tels
textes qu’une limitation du droit de recours soit ainsi fondée sur un acte de
notification à une personne censée affaiblie par de graves troubles mentaux
justifiant son internement 10. Rien ne saurait justifier ici un tel formalisme,
d’autant que le droit civil reconnaît généralement la possibilité d’annuler tout
contrat, voire tout acte de notification réalisé dans des conditions douteuses de
validité du fait de l’altération des facultés mentales du signataire de l’acte. L’on
ne voit donc pas ce qu’aurait de choquant ou de perturbant pour l’organisation
judiciaire le fait de permettre à la personne d’introduire à tout moment, dans le
cours de son internement, un recours contre la mesure initiale de placement. En
France, les décisions de placement ne sont généralement jamais notifiées 11, avec
la conséquence de laisser indéfiniment ouvert le droit de recours. Certains
9. Dans certains services, en 1988, B. Thomas et C. Jannes ont pu observer jusqu’à plus de
60 % de patients ayant, en cours d’enquête, été mis en chambre d’isolement. Voir notam
ment, « Enquête concernant l’isolement et d’autres mesures coercitives dans le domaine
de la psychiatrie en Flandres », Clinique psychiatrique de Gand, s.d.
10. Par un récent arrêt, le Conseil d’État français a lui même considéré que l’acte de notifi
cation des décisions de placement aux personnes concernées fait courir le délai de deux
mois du recours contentieux (voir plusieurs arrêts en ce sens, du 25 mai 1994 dans l’affaire
G. G. c/préfet de la Creuse, confirmés par décision de la Commission européenne des
droits de l’homme du 25 juin 1995, requête n° 19869/92, G. et N. G. c/France.
11. La pratique tend néanmoins à changer depuis 1998.
52 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
12. Voir notamment : tribunal administratif de Pau, Fringant c/CHS Sainte Marie de Mont
de Marsan, 14 décembre 1984 ; tribunal administratif de Clermont Ferrand, Marlouiset
c/préfet de l’Allier, 23 juin 1988 ; tribunal administratif de Nantes, Tougourdeau c/préfet
du Maine et Loire, 11 avril 1991.
13. Carl Alexander relève six cas d’appel dont un conduisant à la réformation du
jugement du juge de paix sur 241 jugements examinés, pris durant l’année 1993.
Principales législations européennes et critères de contrainte 53
malades mentaux, en continuant par là même à les traiter comme des sous-
hommes.
La loi belge présente enfin la particularité de réaffirmer le droit des familles
en autorisant des soins obligatoires en milieu familial « lorsque des mesures de
protection s’avèrent nécessaires, mais que l’état du malade et les circonstances
permettent néanmoins de le soigner dans une famille ». Par cet article 23, la loi
belge est sans conteste une loi de contrainte de soins singulière puisque, lorsque
le juge de paix fait droit à la requête qui lui est présentée, « il donne mission à
une personne déterminée de veiller sur le malade et à un médecin de le traiter »
(art. 24 § 1). La loi organise ainsi implicitement, mais non moins nécessairement,
une contrainte de soin en milieu familial et une sorte de curatelle à la personne,
par surcroît sur ordre du juge.
ments sanitaires sont volontaires. Dans les cas prévus par la présente loi et ceux
expressément prévus par la législation d’État, l’autorité sanitaire peut ordonner
des examens et traitements sanitaires obligatoires en respectant dûment la dignité
de la personne ainsi que les droits civils et politiques garantis par la Constitution,
y compris, dans la mesure du possible, le droit au libre choix du médecin et du
lieu de traitement. » Ainsi, la loi part du cadre général qui est celui du traitement
volontaire, mais crée également, au second alinéa, un cas d’exception (« dans les
cas prévus par la présente loi et ceux expressément prévus par la législation
d’État 14 ») donnant, d’emblée, des pouvoirs à l’administration sanitaire
d’ordonner des examens et des traitements, sans même se référer au libre consen-
tement ou au droit de refus des personnes concernées. Avant tout, l’administration
sanitaire ordonne, au vu de critères qui lui sont propres, et dans des cas que la loi
va ensuite spécifier, dont celui de la maladie mentale.
L’alinéa 1er de l’article 2 dispose ainsi : « Les mesures visées au deuxième
aliéna de l’article ci-dessus peuvent être ordonnées dans le cas de personnes
atteintes de maladies mentales », et c’est tout... Là encore, il n’est pas question
de refus ou de consentement du patient, mais seulement de la nature de la
pathologie. Ainsi, le traitement sanitaire obligatoire, contrairement à ce qui est
souvent affirmé, concerne-t-il, potentiellement du moins, tous les malades
mentaux, qu’ils soient ou non consentant aux traitements, qu’il s’agisse de soins
ambulatoires ou hospitaliers. C’est, à l’évidence, d’une gestion encore très
autoritaire des malades mentaux, au moins telle qu’elle est définie par les textes.
Ce n’est qu’à l’alinéa 2 de l’article 2 que le refus du patient est pris en considé-
ration pour justifier l’hospitalisation forcée. Seule la détention conduit ainsi à
prendre en considération le refus de l’intéressé. Mais cet éventuel refus n’est pris
en considération que pour être encore mieux contourné et pour qu’il puisse y
être passé outre. À aucun moment le législateur italien ne se pose la question de
la légitimité d’un tel refus, manifestant ainsi, en réalité, un singulier mépris du
malade mental. La porte est alors ouverte à la contrainte de soins à domicile. De
ce fait, l’autorité sanitaire pourra, sans s’inquiéter de l’avis du malade, l’obliger
à un examen ou à un traitement somatique, dès lors qu’une telle intervention ne
nécessite pas son hospitalisation. Ce relatif désintérêt vis-à-vis du consentement
du patient est en réalité déjà ancien. Il est, pourrait-on même dire, général en
Italie. Un arrêt n° 1950 du 25 juillet 1967 de la Cour de cassation avait en effet
consacré la jurisprudence selon laquelle le consentement du patient existe, en ce
qu’il est implicite, dans l’accord pour la prise en charge. Or, il s’agissait là d’un
cas de cécité à la suite d’une angiographie cérébrale effectuée sans l’accord
exprès de l’intéressé...
Dans la mesure toutefois où la législation italienne relative au traitement des
troubles mentaux a fait du refus du patient l’un des principaux critères de
décision du traitement sanitaire obligatoire en milieu hospitalier, cette question
du refus du patient commence à être davantage prise en considération depuis la
promulgation de la loi 180 de 1978, même si une telle interrogation ne débouche
guère sur celle de la légitimité d’un tel refus. Ainsi Renato Piccione (1995) y
consacre-t-il tout le chapitre XIII de son manuel de psychiatrie. Mais, ce refus est
encore trop souvent analysé comme un simple symptôme de certaines patholo-
gies mentales, et comme un problème plus particulier de la pratique psychia-
trique, même si d’autres branches de la médecine peuvent s’y trouver parfois
confrontées. L’auteur ne s’interroge guère sur le mode d’approche du patient
par l’entourage comme par les soignants dans la structuration d’un tel refus. Il
rappelle cependant à juste titre qu’un tel comportement du patient constitue un
grave problème dans l’exercice psychiatrique, car se trouve ici immédiatement
en jeu la relation thérapeutique. Il observe notamment que chez de nombreux
psychotiques, le refus de traitement peut être une sorte de moyen de conserver
sa dignité, dès lors que l’intéressé réfute le rôle de malade. Aussi convient-il de
s’interroger sur les mécanismes psychologiques qui sont à la base du refus de
traitement chez certains patients, comme de bien comprendre que le refus de
traitement est souvent une manœuvre défensive par laquelle l’intéressé tente
d’assurer sa propre protection. Ainsi, le refus n’est-il plus simplement envisagé
comme une aberration mentale négligeable, mais bien comme un fait incon-
tournable, à partir duquel il convient de s’interroger et de travailler. Renato
Piccione observe en outre qu’un tel refus peut dépendre de la vision que le
patient a du thérapeute. Structurer ce dernier comme « figure de l’autorité » et
ne pas le tolérer peuvent renvoyer, par exemple, à certaines caractéristiques de
l’histoire personnelle du sujet. Le refus peut encore être lié à la nécessité, pour
une personnalité psychotique, de conserver sa propre identité, au point de
développer une peur morbide de l’autre, qui peut entraîner le délire et l’agres-
sivité. Le délire lui-même peut être un instrument de défense pour maintenir la
cohérence et la cohésion de soi. Les sentiments de haine et d’agressivité
pourraient avoir une fonction particulière en permettant au patient de maintenir
à distance l’objet de ses craintes et de produire ainsi l’illusion d’un moi cohérent
et distinct chez un sujet apparemment délirant où tout semble se confondre.
L’on voit donc que loin d’être totalement refoulé, le refus du patient tend désor-
mais à poser un véritable problème d’ordre clinique à la psychiatrie italienne.
Renato Piccione parle même à ce sujet de « l’un des problèmes centraux de
l’assistance psychiatrique moderne », alors qu’il n’existe pas, pour lui, de cadre
proprement psychiatrique de l’urgence, qui se trouve étroitement liée au
contexte précis, source de malaise, de peur, d’intolérance. De son côté, Maria-
Grazia Giannichedda (1990) insiste, au titre des « institutions de la désinstitu-
tionnalisation », sur le rôle central des centres de santé mentale (CSM), ouverts
24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, capables d’offrir des prestations ambulatoires
et à domicile, une hospitalisation de jour, de nuit et à plein temps, comme
d’assurer le passage d’une forme de prise en charge à une autre, sans transfert
de responsabilité, garant de la continuité du rapport thérapeutique, puisque
l’intéressé se trouve ainsi suivi par une même équipe, dans toutes les phases du
trouble et dans toutes les formes de prises en charge possibles et nécessaires
(aide à l’accès à un logement, provisoire ou définitif, à un travail, une coopéra-
tive de patients, tutelle, etc.). La richesse et la flexibilité de l’offre permettent,
selon Maria-Grazia Giannichedda, de faire apparaître la complexité de la
56 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
demande, en particulier lorsque cette demande émane d’un tiers, comme, le cas
échéant, de mettre à jour le caractère éventuellement antagonique des intérêts
matériels du patient et ceux de son environnement, notamment dans l’usage des
biens communs, de l’organisation quotidienne de la vie familiale et sociale, etc.
Par ailleurs, cette relative richesse de l’offre de prise en charge, d’aide ou d’assis-
tance permet non seulement de doser l’éloignement ou les conditions du
maintien dans le contexte de vie habituel, mais surtout donne un sens à la parole
du patient ; elle relativise également la parole du tiers demandeur, ouvrant le
champ d’une négociation sans passer par l’affrontement à un refus, tout autant
du patient d’accepter l’offre de soin que de l’entourage d’accepter une telle offre
qui ne se traduirait pas, comme par le passé, par l’enfermement du malade, ou,
à tout le moins, par son isolement vis-à-vis de son environnement familial ou
social habituel. Plus encore, un tel service demeure ouvert à divers intervenants,
soit par le biais associatif, soit encore, plus simplement, du seul fait que l’accès
des visiteurs est autorisé et stimulé sans contraintes horaires. En définitive,
remarque encore Maria-Grazia Giannichedda, la politique de désinstitutionnali-
sation a eu, dès le début, l’intuition que le point central sur lequel il fallait inter-
venir pour libérer le malade de l’internement – mais également pour dépasser la
logique de l’affrontement à son éventuel refus et maintenir toujours le plus
possible ouvert un espace de négociation au sein duquel s’inscrit le rapport
thérapeutique – est la séquence travail productif-ressources-citoyenneté. Bref,
selon une telle conception, il ne faudrait pas hésiter à voir l’appareil psychia-
trique s’immiscer ou s’introduire en des domaines qui, en apparence, ne sont
pas les siens. Il s’agit donc d’une revendication en faveur d’ensembles, de
limites et de règles plus ou moins flous, qui ne se pose donc pas la question de
la limite de l’intervention psychiatrique, voire de la spécificité de son objet, mais
qui décline toutefois son intervention dans le registre du « sanitaire », au nom
de la prise en compte de la souffrance du malade. Pour autant, une telle concep-
tion insiste sur le fait que le service psychiatrique public (siège exclusif du TSO)
ne repose plus sur le couple détention/défense sociale, mais sur la seule notion
de santé individuelle, de sorte que le médecin-psychiatre ne peut plus intervenir
comme s’il était un protecteur de l’ordre public. Le médecin n’a plus à prendre
en charge qu’un conflit de compétence strictement sanitaire, « ce qui n’exclut
pas qu’un malade mental menace ou commette des actes pénalement graves et
qui donc réclame l’intervention de la sûreté nationale, en plus de celle du
médecin 15 » ; cette conception tend donc à déconnecter le soin psychiatrique de
la question de la prise en charge de la dangerosité sociale.
Selon ce même auteur, il convient de mettre un terme au mélange du
sanitaire et du juridique qui conduit à l’institution asilaire. Si, comme nous le
verrons plus loin, Jacques de Person 16 observe que la justice peut se passer de la
psychiatrie cependant que la psychiatrie ne saurait se passer de la justice, Maria-
19. La loi française du 27 juin 1990 du ministre socialiste Claude Évin faillit même, quant
à elle, être repoussée au Sénat par l’ensemble des sénateurs de gauche, et notamment socia
listes. Elle ne passa que grâce aux votes de la droite et du centre droit. En revanche, elle fut
majoritairement adoptée à l’Assemblée nationale par le groupe socialiste [...] La législation
italienne de 1978 fut promue par la gauche et l’extrême gauche, mais adoptée sous le
gouvernement de la démocratie chrétienne. Le Mental Health Act de 1983 fut davantage
supporté par la sensibilité travailliste, bien qu’il fût adopté sous le gouvernement de
Margaret Thatcher. Il est ainsi peu de domaine où il est possible d’observer de telles impré
cisions et fluctuations dans la configuration politique de la décision parlementaire.
Principales législations européennes et critères de contrainte 59
pale, mais comme autorité sanitaire locale. Il n’en demeure pas moins qu’un
simple changement de casquette, au gré des circonstances, ne paraît pas, à nos
yeux, de nature à faire une réelle différence. Plus fondamental est l’avis sur
lequel le maire doit s’appuyer pour prendre sa décision et les circonstances
pouvant être prises en considération pour légitimer une décision de « traitement
sanitaire obligatoire », donc, on l’a vu, d’hospitalisation forcée. Tout d’abord, le
maire ne peut agir que sur une proposition motivée de deux médecins, dont un
des services de santé publique. Ensuite, l’acte médical ne doit pas consister en
un simple avis sur l’imminence d’un quelconque danger – comme c’est le cas en
droit français – mais doit être une proposition de traitement sanitaire obligatoire
précisant qu’un tel traitement ne peut être envisagé en dehors de l’hôpital, qu’il
y a urgence à intervenir, malgré le refus du patient, cependant qu’il n’apparaît
guère possible de prendre à temps les mesures sanitaires opportunes et appro-
priées en milieu extra-hospitalier. N’est-il cependant pas légitime de s’interroger
sur la notion « d’urgence », validant une telle mesure ? Cette « urgence » ne
dissimule-t-elle pas, parfois, un danger que l’on se refuserait à nommer, par
pure démagogie ?
Mais la principale innovation et garantie du droit italien est d’instituer un
contrôle automatique de la décision du maire, par le juge des tutelles, dans un
délai de quarante-huit heures, à compter de l’hospitalisation. Ce magistrat doit
statuer dans un délai identique, et valider, s’il y a lieu, la mesure arrêtée par la
maire. En cas de validation, la mesure est prolongée d’une semaine. En cas
d’invalidation, l’article 3 alinéa 3 contraint le maire à ordonner qu’il soit mis fin
au « traitement sanitaire obligatoire » en milieu hospitalier. Si la mesure d’hos-
pitalisation sous contrainte doit se prolonger au-delà du neuvième jour, le
médecin responsable du service de psychiatrie doit soumettre en temps utile
une recommandation motivée au maire, lequel doit en informer le juge des
tutelles qui n’est toutefois pas contraint de délibérer à nouveau. Mais surtout –
ce qui est essentiel – le médecin qui recommande une telle prolongation doit
expliquer pourquoi il n’a pas été possible, là où persiste la nécessité urgente
d’une d’intervention, d’obtenir l’accord du patient (art. 35). Le « traitement
sanitaire obligatoire » cesse sur décision des médecins qui en informent le maire,
ou par décision du maire, lorsque le juge des tutelles ne valide pas la mesure
arrêtée et que le maire est ainsi contraint d’y mettre fin. Enfin, toute personne
soumise à un « traitement sanitaire obligatoire », comme toute personne
intéressée, peut interjeter appel auprès du tribunal de district compétent, contre
une décision confirmée par le juge des tutelles. Le président du tribunal peut,
d’office, suspendre le « traitement sanitaire obligatoire », dans l’attente du
jugement qui est pris par le tribunal après comparution des parties, après avoir
reçu l’avis du ministère public et effectué des enquêtes comme avoir recueilli
toutes les preuves prescrites par le tribunal ou demandées par les parties en
cause. Le tribunal délibère en chambre du conseil, c’est-à-dire à huis clos.
L’article 5 de cette loi est particulièrement intéressant, car il semble
contraindre les juges à recueillir toutes les preuves demandées par les parties.
En revanche, en France, la juridiction statuant sur de tels recours, dispose d’un
pouvoir souverain et discrétionnaire d’accueillir ou de rejeter les offres de
Principales législations européennes et critères de contrainte 61
preuve des parties, si bien que, généralement, la décision judiciaire est prise au vu
d’un simple rapport d’expertise. Aucune enquête, notamment sociale, n’est
diligentée. Souvent, les magistrats français refusent même d’entendre les
éventuels témoins, voire de prendre connaissance des attestations écrites fournies
par l’entourage. Le droit de recours, tel que l’organise la loi italienne, apparaît
donc, sous ce rapport, singulièrement protecteur des droits de la défense.
Remarquons qu’en cas d’urgence, la procédure de 1904 permettait au préfet
(pretore) de demander à la police l’admission provisoire à l’asile. Il devait
s’appuyer sur un certificat médical et un acte de notoriété publique. La décision
d’internement devait, déjà, être validée par le tribunal du siège de l’établissement,
sur rapport du médecin-directeur, après une période d’observation inférieure à
trente jours. Remarquons encore que la loi de 1904 n’accordait pas à la personne à
placer le droit de se défendre devant le tribunal. Elle ne prévoyait pas davantage
de droit d’appel. Toutefois, « par un arrêt d’importance capitale en matière d’hôpi-
taux psychiatriques et d’aspects procéduraux de la détention des aliénés », la Cour
constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle la disposition de l’article 2 al. 2 de
la loi de 1904 21. La Cour avait été amenée à se prononcer à la suite d’une ordon-
nance du tribunal de Ferrare rendue le 18 août 1966, qui se référait aux garanties
procédurales dans les différentes phases de la procédure d’internement en hôpital
psychiatrique d’un malade mental. Le tribunal précisait que l’article 2 de la loi de
1904 semblait violer les limites imposées par la Constitution relatives “au respect
de la personne humaine”. L’arrêt de la Cour constitutionnelle – qui a d’ailleurs
soulevé énormément de critiques – a qualifié la disposition de l’article 2 al. 2 de la
loi de 1904 inconstitutionnelle par rapport à l’article 24 al. 2 de la Constitution,
dans la mesure où elle ne permettait pas à l’aliéné de se défendre lors de la procé-
dure d’internement en hôpital psychiatrique. Elle a estimé en particulier qu’il était
inadmissible que le placement fût ordonné sur la base d’enquêtes que le malade
n’avait pu contester. Pour cette raison, un appel contre la décision du tribunal
ordonnant 22 le placement devait être possible, ainsi que le pourvoi en cassation
ouvert en matière de restriction de la liberté individuelle 23 ».
Avec la loi italienne de 1978, le débat contradictoire ne paraît cependant
guère assuré avant toute procédure d’appel au tribunal de district. Le juge des
tutelles n’est pas même tenu d’entendre la personne avant de valider la décision
du maire ordonnant un « traitement sanitaire obligatoire ». Le contrôle automa-
tique de la mesure privative de liberté peut donc, sauf recours particulier de la
personne ou de tiers, se faire sur dossier, comme c’était déjà le cas avec la loi de
1904. La législation française impose, en revanche, au juge d’organiser ce débat
contradictoire 24. Mais il est vrai qu’en France, le juge n’intervient pas automati-
causes. Le Code civil en règle le sort, qui définit avant tout la citoyenneté des
personnes. Madame Silvestra Moreno, présidente de la FEAFES (Fédération
espagnole des amis et familles des malades mentaux) résuma parfaitement, aux
Journées européennes de Madrid 25, le sens sous-jacent d’une telle réforme :
« Pour jouir de la liberté, le citoyen doit avoir les moyens physiques et mentaux.
S’il n’en dispose pas, c’est le droit à la santé qui doit primer le droit à la liberté. »
Il importe d’autre part d’observer que le juge ne décide pas à proprement parler
l’internement mais l’autorise ou ne l’autorise pas. En revanche, le second alinéa
de l’article 211 dispose expressément que seul le juge peut, au-delà de six mois,
décider de la poursuite ou non de l’internement. De même peut-il, dans l’inter-
valle, et à tout moment, y mettre fin d’office, ayant mission de chercher « à être
informé sur la nécessité de poursuivre l’internement » et obligation de se
prononcer au plus tard, tous les six mois. Plus fondamentalement encore,
lorsque le juge est appelé à donner son autorisation à un tel internement, ou
lorsqu’il est informé, dans les vingt-quatre heures, de la mise en œuvre d’une
mesure d’urgence, il se doit de désigner un médecin qualifié afin d’en recueillir
l’avis, mais surtout de rencontrer la personne concernée. L’article 301 du Code
de procédure civile lui fait par ailleurs obligation de statuer dans les soixante-
douze heures de sa saisine. Ainsi le juge ne peut-il donner son autorisation au
placement au seul vu d’une demande d’un tiers accompagnée d’un certificat
médical, comme pouvait le faire précédemment l’administration publique ou
sanitaire espagnole et comme le fait toujours l’administration française. Il doit
lui-même choisir un médecin chargé de formuler un avis et entendre personnel-
lement la personne à placer. Sous ce rapport, donc, le droit espagnol est plus
strict que le droit italien qui n’impose l’audition de la personne par le juge qu’en
cas de recours, ou que le droit anglais qui, comme nous le verrons plus loin,
n’impose qu’au travailleur social agréé d’avoir préalablement entendu la
personne avant d’en solliciter l’admission. Ainsi, quoi qu’il en soit, le droit civil
espagnol traiterait l’internement psychiatrique comme « une sentence
prononcée lors d’une procédure d’incapacité » (art. 112) parmi d’autres mesures
possibles prises à cet égard. Cette décision est révocable à tout moment en cas
de survenue de circonstances nouvelles. Elle est également modifiable, une
autre mesure pouvant se substituer à celle initialement prise. Toutefois, la loi
organique 1/96 du 15 janvier 1996 a modifié le premier paragraphe de l’article
211 du Code civil et a substitué, à la notion de présomption d’incapacité comme
justifiant un internement, « l’internement pour raison de traitement psychia-
trique d’une personne qui n’est pas en condition de décider pour elle-même »,
tirant ainsi le droit espagnol de l’internement psychiatrique vers le traitement
sans consentement, sans vraiment rompre toute à fait avec le droit de l’incapacité.
L’intéressé, comme ses proches, dispose par ailleurs d’un droit de recours au
procureur pour faire cesser ou modifier la mesure de protection (art. 213). Du
reste, dans la mesure où la personne promise à l’internement est au moins
« présumée incapable », le ministère public est requis d’intervenir, car la loi lui
ordonne d’assurer la défense lors et en dehors du jugement de tous ceux qui ne
peuvent agir par eux-mêmes. Au reste, les résolutions judiciaires relatives à
l’incapacité et, par suite, l’internement, sont inscrites sur le registre civil (art.
214).
Mais la pratique révèle bien des dysfonctionnements. Tout d’abord, il
convient de souligner que si la loi a prévu que le juge entende la personne, elle
ne s’est cependant pas prononcée sur la nécessité d’instaurer un débat contra-
dictoire entre les parties, de sorte que, la plupart du temps, le juge se rend sur
place pour entendre l’intéressé et ne lui révèle que sommairement les éléments
du dossier, puis il statue dans son cabinet sans jamais organiser d’audience.
L’intéressé ne dispose donc que d’une information très succincte pour assurer
son éventuelle défense. En outre, de nombreux magistrats invoquent l’absence
de moyens pour assurer de tels déplacements et la surcharge de travail qui en
résulte, et s’abstiennent ainsi de toute visite. Des situations anachroniques
persistent, mixant des procédures proches de l’ancienne législation avec les
dispositions nouvelles. Et nombreux sont encore les juges qui n’entendent qu’un
nombre restreint d’internés. Souvent, l’autorisation est donnée par le juge sans
audition de la personne et sans examen du dossier, mais au seul vu d’un certi-
ficat médical. Même lorsque l’urgence n’est pas invoquée, l’autorisation n’est
souvent donnée qu’après que l’admission a eu lieu et pas avant, de sorte que
l’autorisation du juge devient une autorisation à poursuivre l’internement et
non plus à admettre quelqu’un sous la contrainte. C’est généralement dans les
grandes villes que de telles pratiques ont cours. Soit l’autorisation judiciaire
n’est même pas demandée, soit elle demeure purement formelle. De plus, d’épi-
neux problèmes pratiques surgissent pour déterminer qui est habilité à se saisir
de la personne, avant l’autorisation du juge, comme après, lorsque l’intéressé
résiste. Parlant au nom des familles, Silvestra Moreno indiquait aux Journées de
Madrid quelques propositions, dont la possibilité d’avoir accès à un service
d’urgence, sans l’intervention de la police, et sans, notamment, que les menottes
soient mises à la personne, ce qui arrive encore trop souvent. Elle invoquait
également les difficultés de communication des familles avec l’instance
judiciaire. Souvent, les familles, comme les patients, n’ont pas accès au dossier.
Elles se plaignent parce que le médecin appelé en urgence ne transmet généra-
lement pas le dossier au juge, de sorte que le juge ordonne la sortie, alors que la
famille, qui estime l’internement nécessaire, ne peut produire les pièces utiles au
placement. Ce souci des familles, que dénoncent, bien sûr, les associations de
patients, démontre en tout cas combien la procédure d’internement judiciaire
espagnole est bien peu contradictoire, et combien la question de l’accès aux
pièces dans ce genre de procédure est déterminante. Dans ces conditions, il est
très difficile d’évaluer, aujourd’hui encore, le nombre de personnes qui font
l’objet de telles mesures de contrainte. La plupart d’entre elles sont enregistrées
comme admises en hospitalisation libre, bien qu’elles soient, en réalité, l’objet
d’une contrainte informelle, si ce n’est illégale. Une enquête menée en 1986 par
l’Association espagnole de neuropsychiatrie (AEN) révèle que sur trente centres
pour lesquels des informations sont disponibles sur les quatre-vingt-dix-neuf
Principales législations européennes et critères de contrainte 67
27. Sur cette question, voir M. A. G. Carbajosa, Cahiers Pollen, fév. 1994, 1, p. 13.
Principales législations européennes et critères de contrainte 69
entendu traiter du sujet. C’est dire également l’importance et l’intérêt qu’il a porté
à ce genre de question. En l’occurrence, l’apport du Mental Health Act de 1983, par
rapport à celui de 1959, est de considérer qu’il n’est pas pertinent de détenir une
personne souffrant de troubles mentaux mineurs au seul motif qu’il est raison-
nable d’espérer pouvoir la traiter. Cette précision est de toute première impor-
tance au regard du droit français et de sa pratique.
Remarquons également qu’en dehors du personnel médical, le législateur
britannique a placé, au centre du dispositif, les travailleurs sociaux 30 spéciale-
ment formés et habilités, ayant passé un examen approprié. Ces travailleurs
sociaux sont placés sous l’autorité locale de l’organisation des soins dans la
communauté. Ils se voient confier un nombre assez considérable de missions, de
la mobilisation des moyens locaux, régionaux et nationaux, privés et publics, y
compris ceux issus du bénévolat, à la décision, en passant par l’écoute, le conseil,
l’arbitrage, l’information et la saisine des diverses instances, éventuellement
judiciaires. Ils sont, par ailleurs, personnellement responsables des décisions
qu’ils prennent, ou ne prennent pas, dans le cadre de cette législation. Leur mise
en cause est toutefois soumise à l’approbation préalable de la Haute Cour et
demeure donc exceptionnelle.
La place particulière accordée par la législation britannique au travailleur
social résulte de l’économie même de cette loi. À l’inverse des juristes français,
les juristes britanniques ont d’emblée insisté, comme on l’a vu, sur le fait que les
définitions données par la loi à la maladie mentale et au trouble mental sont
d’ordre juridique et non d’ordre médical. Le législateur a ainsi très tôt reconnu
que le trouble mental ne saurait, à lui seul, justifier la détention, et qu’il fallait
trouver d’autres critères. Il a ainsi expressément exclu tout critère purement
médical. Il convient d’avoir présent à l’esprit la culture anglo-saxonne qui n’a
jamais regardé le suicide comme un crime et a toujours reconnu aux adultes le
droit de refuser des opérations, même si elles devaient leur sauver la vie. Cette
culture attache une très grande importance à la décision individuelle dans la
gestion autonome de son existence. Aussi, dans le cadre de la contrainte en
psychiatrie, est-il rapidement paru évident qu’il convenait de tenir compte non
seulement de l’avis médical et des exigences de la médecine, mais encore de la
situation sociale des personnes, tout comme des possibilités d’alternative à
l’hospitalisation que la communauté pouvait offrir. L’assistant social est ici le
maillon central du dispositif, susceptible de provoquer et d’éclairer la décision,
non comme un simple élément procédural, mais comme un agent décisif
d’information et d’organisation de la prise en charge. Dans une telle conception,
l’assistant social a lui-même la responsabilité d’assurer l’indépendance et
l’impartialité de son intervention, pour replacer les besoins du patient dans leur
contexte familial et social, comme pour déterminer ce que la communauté peut
elle-même apporter à l’intéressé en matière de soins et de support matériel et
30. Le DAO, Duly Authorised Officer (MHA de 1930) ; le MWO, Mental Welfare Officer (MHA de
1959) ; le ASW, Approved Social Worker (MHA de 1983), qui pourrait être comparé aux assis
tantes sociales en France, à la réserve près que l’Approved Social Worker reçoit une forma
tion particulière concernant la législation sanitaire et passe un examen spécial en fin de
formation pour être habilité.
Principales législations européennes et critères de contrainte 73
31. De telles dispositions résultent notamment d’une action judiciaire de MIND, requête
n° INV 411/H/80 contre île de Wight, conseil du comté, 8/9/81.
32. Ce débat existe également en France. Voir notamment le récent jugement du Tribunal
administratif de Dijon du 25 février 1997 (Mlle Prévost c/CHS de Sevrey), qui crut pouvoir
établir « qu’il ressort également des travaux parlementaires que le législateur a entendu
faire des assistantes sociales des équipes des secteurs psychiatriques des personnes
pouvant agir dans l’intérêt des malades ; qu’en revanche la loi n’implique pas que
l’auteur de la demande d’hospitalisation connaisse personnellement le malade pour
lequel il rédige cette demande ; qu’ainsi la circonstance qu’il n’y ait pas eu entre
Mlle Prévost et l’assistante sociale d’entretien préalable à la demande est, en toute
hypothèse, sans incidence sur la régularité de la décision ». On le voit, sur cette dernière
question, la France a déjà quinze ans de retard sur le Royaume Uni.
74 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
33. En vérité, la loi définit le plus proche parent dans un sens très large. Ce peut être celui
ou celle qui a vécu avec le malade, même s’il ne s’agit pas d’un parent à proprement parler.
La loi prévoit par ailleurs le cas où une autorité locale peut remplacer le parent le plus
proche d’un enfant ou d’un adolescent et le tribunal a le pouvoir de désigner une autre
personne ou une autorité pour qu’elle remplisse les fonctions de plus proche parent.
Principales législations européennes et critères de contrainte 75
34. Ces dispositions remontent au début du XIXe siècle. En 1800, le Criminal Lunatics Act
sur « l’internement en toute sécurité des aliénés mentaux coupables d’infractions »
prévoyait que les prévenus disculpés de meurtre, trahison, ou crime en raison d’un état
de démence au moment des faits devaient être internés sous stricte surveillance pour la
durée qu’il plairait à Sa Majesté.
76 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
35. En cas d’admission à fin d’observation, de maintien durant soixante douze heures
après admission libre, ou de mesure de sûreté provisoire par la police durant un même
laps de temps, comme durant vingt huit jours en cas de placement pour observation par
les magistrats en charge d’une procédure pénale, ainsi qu’en cas de maintien à l’hôpital,
malgré la cessation des mesures de restriction prises par le ministre de l’Intérieur à
l’encontre d’une personne pénalement condamnée.
Principales législations européennes et critères de contrainte 77
mois d’hospitalisation, dès lors qu’aucune requête ne leur est parvenue dans
l’intervalle, puis ils doivent statuer d’office tous les ans lorsque la personne
demeure détenue. Les intéressés peuvent encore, et à intervalles réguliers, selon
leur statut particulier lors de l’admission, saisir ces tribunaux spéciaux pour faire
juger la légalité de leur détention. Il s’agit donc, une fois de plus, d’instances
mixtes ayant une expérience et des connaissances appropriées, mais où les juristes
demeurent minoritaires. Ces tribunaux de révision, institués dès 1959, ont une
large compétence. Ils statuent aussi sur les demandes de sortie qui leur sont
soumises et peuvent, à ce titre, prononcer une sortie définitive ou à l’essai, voire
la différer, en fixant la date à laquelle la sortie devra avoir lieu, le temps, par
exemple, pour le service social d’en organiser les conditions matérielles. Ils
peuvent encore ordonner des transferts d’un établissement à un autre ou statuer
sur la nécessité d’une mesure de protection (guardianship), telle qu’exposée plus
haut.
En définitive, le système britannique est un système mixte par excellence,
puisqu’il répartit les pouvoirs de décision en matière d’admission sous
contrainte entre divers corps de la société :
– le médecin, tout d’abord, qui peut retenir durant soixante-douze heures une
personne à l’origine librement admise ;
– la police qui peut prendre, durant soixante-douze heures, des mesures provi-
soires d’urgence ;
– l’administration de l’hôpital, ensuite, qui décide des admissions à fin d’obser-
vation, comme de celles décidées en vue d’un traitement ;
– les services du ministère de l’Intérieur comme ceux du service personnel de la
Reine dans certains cas particuliers ;
– les juridictions pénales qui décident du sort des malades ayant commis des
délits ou des crimes ;
– enfin les instances mixtes de contrôle (commissions et tribunaux de révision)
qui jugent des recours et organisent le contrôle a posteriori automatique.
Mais l’on retiendra surtout la place prépondérante de l’assistant social qui met
en route la procédure de contrainte dans 90 % des cas, et qui se voit également
confier la charge d’organiser la réinsertion du patient, l’hospitalisation étant elle-
même conçue comme partie intégrante de son processus de socialisation.
La traduction statistique d’un tel système n’est pas sans intérêt, même s’il
convient de manier avec précaution les données officielles qui, de surcroît, ne
répondent pas toutes à la même définition de la liberté individuelle, ni du libre
consentement des personnes. En 1985, par exemple, il y eut en Angleterre près
de 240 000 admissions en services psychiatriques, dont 17 000 sous contrainte 38.
38. Il faut notamment tenir compte du fait que sur 11 000 admissions sous contrainte à
titre d’observation, 3 500 le furent à titre de maintien en urgence après une admission libre
et font l’objet d’une triple prise en considération, dès lors qu’elles font ensuite l’objet
d’une « admission » en observation pour vingt huit jours, puis d’une « admission » pour
traitement de six mois. De même, il y eut 1 800 mesures d’urgence prises par la police qui,
au delà de soixante douze heures, furent l’objet d’une seconde prise en considération au
titre d’une « admission » pour observation de vingt huit jours, puis d’une troisième
admission au titre d’une « admission » pour traitement.
Principales législations européennes et critères de contrainte 79
Dans ces conditions, l’on imagine les difficultés auxquelles se heurtent, en cas de
recours, l’intéressé, mais aussi son éventuel défenseur, et le juge lui-même,
puisqu’il faut alors faire la part de la pathologie, de celle des éventuels effets
secondaires ou iatrogènes des traitements, presque toujours contestés par le
patient.
Dans le système italien, le juge valide ou invalide, obligatoirement, la décision
prise par l’autorité se voulant sanitaire. Ce contrôle est précoce puisqu’il
survient dans les quarante-huit heures de la mesure administrative. Le magis-
trat doit nécessairement statuer dans le même délai. Le contrôle est donc rapide,
si ce n’est succinct. Aussi le contrôle a posteriori du juge ne peut-il guère qu’être
un contrôle formel de la décision administrative. Dans un pays comme la
France, où le principe de séparation des pouvoirs est à ce point absolu que le
juge judiciaire se refuse à connaître de la légalité formelle des décisions adminis-
tratives, l’on voit qu’un tel système de contrôle systématique précoce ne présen-
terait en réalité aucun intérêt. Remarquons cependant que le système italien
pallie en partie cet inconvénient en obligeant le magistrat qui valide l’ordre
administratif à statuer sept jours plus tard. Et c’est en réalité lors de ce second
contrôle que l’action du juge des tutelles italien acquiert toute sa pertinence, car,
lorsque le médecin estime que le traitement sanitaire obligatoire doit se
prolonger, il doit en saisir de nouveau le maire qui doit en informer le magistrat.
Dans sa recommandation, le médecin doit rendre compte des raisons qui font
qu’il y a toujours une nécessité urgente d’intervention, malgré le refus du patient.
Il doit encore rendre compte du fait que, malgré plus d’une semaine de soins
contraints, il n’est toujours pas possible de recueillir l’assentiment du patient à
la mise en œuvre d’un traitement approprié. Le contrôle d’opportunité de la
mesure de contrainte se fait donc ici plus finement ; mais, bien évidemment, il
dépend beaucoup de l’intérêt du magistrat pour ce genre de cas et de son
attachement à la défense des droits des personnes fragilisées par leur état de
santé ou par les difficultés qui leur sont propres. La marge de manœuvre du
magistrat est, en l’occurrence, d’autant plus grande que la loi ne l’astreint pas à
statuer à nouveau après le premier acte de validation. Ce n’est en vérité que
lorsqu’il considère que les conditions du TSO ne sont plus remplies qu’il statue à
nouveau en invalidant la décision du maire. Dans tous les autres cas, il peut se
contenter de ne rien dire. L’on imagine vers quelles dérives ces facilités procé-
durales peuvent conduire, notamment lorsque la charge de travail des magis-
trats devient lourde. Cette marge de manœuvre est cependant compatible avec
les particularismes locaux, au risque d’entraver la mise en œuvre du principe
d’égalité de tous devant la loi, auquel les démocraties sont légitimement
attachées. Le juge peut ainsi s’abstenir d’affronter certaines pratiques anciennes
de séquestration des aliénés, lesquelles perdurent encore dans certaines régions,
notamment dans le Sud de l’Italie. En revanche, le magistrat qui le souhaite
dispose de la possibilité d’appeler à son audience le médecin traitant hospitalier
afin qu’il l’éclaire, le cas échéant, sur les raisons de l’échec de la thérapie entre-
prise comme sur le pronostic, et afin qu’il lui expose les recherches effectuées
par l’équipe médicale pour tenter de trouver une alternative à l’hospitalisation
sous « traitement sanitaire obligatoire ». La perspective d’une telle mise au point
Les pouvoirs du juge et la contrainte de soins en Europe 83
textes peut ainsi créer une zone d’insécurité et éviter le recours trop massif à de
telles procédures d’exception, permettant de contourner le contrôle judiciaire a
priori voulu par le législateur. Encore faut-il qu’en cas de manquement ou
d’abus, la sanction judiciaire se fasse sentir avec quelque rigueur pour que ces
imprécisions aient un tel effet ; ce qui jusqu’à présent ne semble cependant pas
avoir été le cas en Espagne. En effet, plusieurs années après la promulgation de
la loi, on relevait encore l’absence de toute décision judiciaire à Palma de
Majorque, aussi bien avant toute admission, qu’après 2... Certaines capitales
provinciales, comme Valence, Séville ou Saragosse, comprenant plus d’un
million et demi d’habitants, ne connaissaient encore que 200 décisions
judiciaires annuelles, là où d’autres centres urbains, d’une population bien
inférieure, totalisaient entre 300 et 500 décisions de ce type. C’est dire combien
ce contrôle judiciaire a priori demeure très aléatoire et combien il fluctue d’une
province à l’autre, et même d’une ville à l’autre.
C’est en définitive, et une fois de plus, en Belgique, que, depuis 1990, le
contrôle judiciaire apparaît effectif, puisqu’il est systématique. Mais est-il pour
autant plus efficace pour la sauvegarde des libertés ? Là encore, la pratique
révèle le recours fréquent à la procédure d’urgence, diligentée par le procureur
du roi, lequel place ainsi le juge devant le fait accompli de l’internement et de la
personne traitée d’emblée (70 % des cas). En outre, l’intéressé assiste rarement à
l’audience du juge. Par ailleurs, le magistrat ordonne le placement ou sa
poursuite, comme il peut en ordonner la levée, de sorte qu’il se trouve investi
d’un pouvoir de contrainte à l’encontre de l’intéressé, mais aussi vis-à-vis du
médecin hospitalier, obligé d’accueillir le patient que le juge ou le procureur lui
adressent. En droit belge, le juge est investi d’un pouvoir de contraindre aux
soins, et pas seulement d’attenter à la liberté de circulation et de résidence du
patient. En outre, dans le débat de fond devant le juge, le ministère public se
trouve lié par sa propre décision préalable de placement provisoire, de sorte
qu’il n’est plus amené à jouer son rôle de défenseur de la liberté individuelle. Il
se trouve réduit à son rôle de défense sociale, et ce n’est peut-être pas la
meilleure des solutions. L’audition de l’intéressé, dans l’enceinte même de
l’hôpital, n’est pas forcément la situation la plus appropriée pour l’expression
des droits des personnes. Le tribunal, indépendant de l’établissement de soin,
n’est-il pas plus à même de garantir à la personne la neutralité du lieu où elle
pourra, le cas échéant, formuler ses plaintes et ses griefs à l’égard de la situation
qui lui est faite à l’hôpital ?
La Grèce a aussi été récemment conduite à réserver une place particulière au
Parquet. Jusqu’en 1973, une législation proche de la loi française du 30 juin 1838,
la loi MB de mars 1862, fut appliquée. La dictature militaire a réformé cette légis-
lation en 1973 en légalisant l’hospitalisation libre et en insistant davantage sur la
dangerosité du malade mental. C’est ainsi que les procureurs se sont vus
investis du pouvoir de décider des internements en cas de danger pour l’ordre
ment. Or, comme exposé plus haut, c’est devant le procureur qu’un rapport est
lu tous les trois mois pour garantir au mieux les droits des patients. Nous retrou-
vons là, dans le cadre du traitement de l’urgence par les parquets, la même diffi-
culté que celle observée en droit belge.
La judiciarisation des procédures de placement, telle qu’elle est mise en
œuvre dans les différents pays européens, pose donc encore de nombreux
problèmes, et apporte peut-être plus de questions qu’elle ne fournit de réponses.
Force est cependant de constater que, par ces questions, elle fait progresser la
réflexion quant au nécessaire rapport, toujours renouvelé, entre la justice et la
psychiatrie, entre droit et médecine.
Un point mérite cependant d’être éclairé davantage. C’est naturellement
dans la question de la sûreté, posée par la situation du malade mental délin-
quant ou criminel, que le juge se sent habituellement le plus à l’aise. Les diffé-
rentes législations nationales lui donnent d’ailleurs l’occasion, sauf en France,
d’exprimer sa capacité de jugement. Nous avons vu que c’est, en effet, en
matière pénale que la judiciarisation du système de contrainte apparaît le plus
nettement. La plupart des pays européens confient ainsi au juge pénal le soin de
déterminer la mesure de sûreté qu’appelle la prise en charge des médico-légaux.
Mais cette mesure s’accompagne de droits particuliers.
Ainsi au Royaume-Uni, la personne placée pour observation de vingt-huit
jours par le juge pénal dispose-t-elle du droit de refuser tout traitement, là où ce
droit est réduit à soixante-douze heures pour tout autre patient, lorsque son
admission a lieu en urgence. Ultérieurement maintenu durant vingt-huit jours
pour observation, le patient ne pourra jouir que du droit de refuser certains
traitements comme les électrochocs, la psychochirurgie et autres traitements
lourds, mais il ne pourra s’opposer à aucun traitement neuroleptique involon-
taire, comme le peuvent, en revanche, le délinquant ou criminel interné, qui
jouissent donc d’un droit de refus plus étendu dans le temps que n’importe quel
autre patient psychiatrique. Le droit britannique module encore la mesure de
sûreté en fonction de la période d’apparition de l’affection mentale, selon qu’elle
survient lors de l’instruction, durant la phase de jugement, lors du jugement ou
de son exécution. Entrer dans le détail de telles mesures nous entraînerait trop
loin et n’aurait, à vrai dire, guère d’utilité pour notre propos. Rappelons cepen-
dant que certains Länder allemands, la Rhénanie-Westphalie par exemple,
accordent aux médico-légaux placés par autorité de justice un droit absolu de
refus de tout traitement. Le droit britannique n’est donc pas unique en ce
domaine.
En revanche, dans d’autres pays, le juge répressif se voit confier un pouvoir
d’injonction thérapeutique à l’encontre de certains délinquants ou criminels,
notamment en matière de lutte contre l’alcoolisme, la toxicomanie ou de crimes
et délits sexuels, comme c’est précisément le cas en France 5. Mais le juge d’ins-
8. Ibid., p. 76. Voir également Godefroy du Mesnil du Buisson, « Entre le juge et le théra
peute, quelle place pour le condamné transgresseur sexuel ? », Revue de science criminelle,
n° 3, juill. sept. 1996, p. 635 643.
9. Voir notamment le Rapport au gouvernement de la République française relatif à la visite effec
tuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants (CPT) en France du 27 octobre au 8 novembre 1991 et Réponse du
gouvernement de la République française, CPT/Inf (93) 2, Strasbourg, Conseil de l’Europe,
19 janvier 1993, et notamment les pages 67 et s. concernant les conditions de vie, de traite
ment et détention à l’UMD de Montfavet. Voir également M. C. d’Welles, Le Séquestré de
Montfavet. L’affaire Baudoin, Monaco, Éd. du Rocher, 1998.
Les pouvoirs du juge et la contrainte de soins en Europe 89
10. C’est ce principe que tente de mettre en œuvre la proposition de loi n° 366 du groupe
parlementaire communiste et apparentés de l’Assemblée nationale, octobre 1997.
90 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
menée sur le sujet dans les pays anglo-saxons 19. À s’en tenir à la notion de
consentement libre et éclairé, il faudrait rappeler que cela suppose, en premier
lieu, que la personne reçoive du médecin une information suffisante et
adéquate, non seulement sur la nature du traitement envisagé, mais encore sur
ses effets secondaires éventuels, sur les risques de complication ainsi que sur les
traitements alternatifs existants. Or cette information demeure en psychiatrie, et
en bien des pays, tout à fait rudimentaire, si ce n’est totalement nulle. Dans ces
conditions, le principe même du traitement involontaire est singulièrement sujet
à caution, la résistance de l’intéressé à sa mise en œuvre pouvant résulter d’un
défaut d’information et, par suite, d’un manque de confiance, pour le moins
légitime. En toute logique, et compte tenu du très faible niveau d’information
des patients traités en psychiatrie, en France, il ne paraît pas impossible
d’affirmer qu’en psychiatrie tout consentement éclairé est impossible, pratique-
ment aucun patient n’étant mis en mesure de se déterminer en connaissance de
cause. Pourtant le consentement éclairé est traditionnellement affirmé non
seulement comme un droit du patient, mais encore comme un instrument théra-
peutique. L’information du patient est ici fondamentale, y compris au strict
point de vue médical et thérapeutique. Dans le canton de Genève comme dans
le canton de Vaud, une politique de transparence a été mise en œuvre, qui
autorise tout patient à accéder aux pièces de son dossier médical. Certains
constatent qu’un tel accès est par lui-même un instrument thérapeutique en ce
qu’il permet d’approfondir le dialogue entre le médecin et son patient et facilite
l’instauration d’un climat de confiance ou « d’alliance thérapeutique ». Pourquoi
en irait-il différemment de l’autre côté des Alpes ? La question de l’accès direct
au dossier médical a récemment opposé, en France, médecins et associations de
patients, au point que le projet de loi promis par le Premier ministre Lionel
Jospin pour le printemps 2000 a été repoussé de plus d’un an, le gouvernement
hésitant encore sur le contenu exact du projet et envisageant d’« introduire une
clause permettant au médecin de refuser l’accès direct au dossier, au motif qu’il
l’estime susceptible de mettre en danger le patient ». Dominique Gillot, alors
secrétaire d’État à la Santé et aux Handicapés, proposait de réserver cette clause
à « certains patients psychiatriques 20 », ce qui va à l’encontre de l’effort de
déségrégation du malade mental comme de la pratique médicale, développée
ces dernières années dans différents pays européens. Sur six cent trente
médecins libéraux et hospitaliers ayant répondu à un questionnaire publié par
21. Le Quotidien du médecin, n° 6666, du 15 mars 2000, p. 45 48. Cette enquête n’a pas
valeur de sondage, comme le souligne à juste titre le Dr Alain Marié qui en assure l’ana
lyse pour ce quotidien. En effet, seuls les médecins les plus motivés par la réforme
envisagée y ont répondu. Mais il est difficile d’en conclure à une sur représentation des
médecins favorables à l’accès direct, ou inversement. L’on notera toutefois que l’on est
aujourd’hui bien loin de la quasi unanimité d’antan du corps médical français, contre un
tel accès direct. En revanche, la quasi totalité des associations de patients s’avère désor
mais favorable à cet accès direct.
22. Par arrêt du 13 juillet 1967, le Conseil d’État avait ainsi posé que le malade « en sortie
d’essai » reste juridiquement « interné » dans l’établissement qui peut être déclaré respon
sable des dommages qu’il cause au cours de la période probatoire (département de la
Moselle, Rec. p. 341 ; D. 1967, 675, note F. Moderne ; AJDA, 1968, II, n° 103, p. 419, note
J. Moreau ; Gaz. Pal. 1968, 1, 228 ; RDP 1968.391, note M. Walline ; RTDSS 1968 108, obs.
J. Imbert. Voir également, tribunal administratif de Pau, 18 mars 1964, Sempe, D. 1965,
312, note F. Moderne).
23 .Voir notamment G. Vidon, « Pour des soins obligatoires en ambulatoire », Nervure, juin
1995, VIII 5 : 1 4.
Les pouvoirs du juge et la contrainte de soins en Europe 95
24. S. Rameix, « Du paternalisme des soignants à l’autonomie des patients », dans Justice
et psychiatrie : normes, responsabilité, éthique, sous la direction de C. Louzoun et D. Salas,
Toulouse, Érès, 1998 ; et « Refus de traitement et autonomie des personnes », Pratiques. Les
Cahiers de la médecine utopique, mars 1997, n° 47, p. 12 15.
96 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
27. Voir notamment, Ph. Bernardet, « Mais où sont donc passés les usagers de la
contrainte ?... », lettre de l’Union syndicale de la psychiatrie, supplément n° 1 à Pratiques,
La lettre du Syndicat de la médecine générale, n° 43, juin 1996, p. 5 6.
28. Sur la notion d’usager, voir M. Jaeger, « Le “droit des usagers” dans le secteur médico
social : une notion qui échappe aux évidences », Cahiers Pollen n° 4, 1994, p. 26 28.
29. Voir à ce sujet la décision A. B. contre France de la Commission européenne des droits
de l’homme du 19 mai 1995 et le livre posthume de Louis Althusser, L’Avenir dure
longtemps, Paris, Stock/IMEC, 1992 ; ainsi que Serge Ferraton, Ferraton, le fou, l’assassin,
Paris, Solin, 1978.
98 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
30. Voir les études américaines menées sur le sujet par R. Copelan Weinstock, A. Bagueri,
Competence to Give Informed Consent for Medical Procedures, 12° Bulletin of Am. Acad. of
Psychiatry and Law, 1984, p. 117.
31. C. Jonas, « Le consentement des malades mentaux à leurs soins », Nervure, n° spécial,
1990, 3 (1), p. 57.
32. Ibid.
33. J. Drane, Competency to Give Informed Consent, Jama, 1984, 252, p. 925.
100 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
34. Huw Richards, « Compulsory measures of care in the community : the case for
Guardianship », communication au séminaire du Comité européen : droit, éthique et
psychiatrie, 31 mars 1990, Londres.
35. Lucy Scott Moncrieff, « Comments on the discussion document of the Royal College
of psychiatrists regarding community treatment orders », Bulletin of the Royal College of
Psychiatrists, juin 1988, 12, p. 220 223.
36. L’idée du « Testament psychiatrique » a été promue, en 1982, par le Dr Thomas Szasz
aux États Unis. Thomas S. Szasz, « The psychiatric will. A new mechanism for protecting
personns against “ psychosis ” and psychiatry », American Psychologist, juillet 1982, 37 (7),
p. 762 770.
37. Voir notamment Adrienne Szokoloczy Grobet, « Tout sur le testament psychiatrique »,
Le Courrier de Genève, 23 mai 1995, p. 4.
Les pouvoirs du juge et la contrainte de soins en Europe 101
38. « L’Irrenoffensive de Berlin, qui est un groupe de patients et d’ex patients extrêmement
actifs, a fait un gros effort pour faire connaître et mettre en application le testament
psychiatrique en publiant un modèle de testament à établir en présence d’un témoin et en
recommandant d’en envoyer des exemplaires aux médecins et établissements psychia
triques susceptibles d’entrer en ligne de compte, et de le déposer auprès d’un avocat en
le chargeant d’intervenir en cas de non respect du testament par le corps médical » (Rolf
Himmelberger, Une critique de la contrainte en psychiatrie, conférence prononcée le
19 octobre 1991 à Genève dans le cadre du symposium Médecine et contrainte Pédiatrie,
psychiatrie, gériatrie, Société suisse d’éthique biomédicale, Genève, Folio Bioéthico, 1992,
p. 18) ; voir également, Thomas S. Szasz, Das Psychiatrische Testament, mit einer
Gebrauchsanweizung von Rechtsanwalt Hubertus Rolshoven, Peter Lehmann
Antipscyhiatrieverlag, Berlin, 1987 ; et, Hubertus Rolshoven et Peter Rudel, Das formelle
Psychiatriche Testament : Gebrauchsanweizung und Mustertext, communication aux Journées
d’études européennes du Comité européen : droit, éthique et psychiatrie, Madrid,
7 9 octobre 1994.
102 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
URGENCE ET DANGEROSITÉ
39. Huw Richards a analysé les diverses définitions du « danger », de l’« état dangereux »
et de la « dangerosité », dans la littérature psychiatrique européenne (« À propos d’un
concept qu’on ne trouve pas dans la législation écossaise : la “dangerosité” dans la déten
tion civile et ses modes d’appel », communication aux IIes Journées de l’association
Accueils, Paris, 29 30 septembre 1989 ; voir également Michel Foucault, « L’évolution de
la notion d’“individu dangereux” dans la psychiatrie légale », Déviance et société, Genève,
1981 ; 5 (4), p. 416 422).
40. Voir notamment Boker W. et Hafner H., Gewalten Geistesgestörter eine
Psychiatrihepidemiologisches Untersuchung, 1973 ; Montandon C. et Harding T., « The relia
libility dangerousness assessments. A decision making exercise », Brit J. Psychiatr., 1984,
144, p. 149 155 ; Pouget R. et Costeja J. M., « eLa Dangerosité », Congrès de psychiatrie et
de neurologie de langue française, LXXXVI session, Bordeaux, 15 19 juin 1987, Paris,
Masson, 1988.
104 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
débouchant sur un délit ou un crime prévus et réprimés par la loi, n’est pas de
même nature que l’acte d’un criminel ou d’un délinquant que réprime le droit
pénal. La rationalité de l’intentionnalité, voire l’intentionnalité elle-même, peut
parfois manquer au premier, cependant qu’elle se retrouve toujours chez le
second, ou du moins peut-elle être repérée comme telle par l’entourage social,
faute de quoi toute sanction de l’auteur de l’acte devient impossible. À vrai dire,
il s’agit souvent, ici, de nuances. Et il se pourrait bien que la conception classique
exclue l’intentionnalité de l’acte et sa rationalité chez le malade mental par
simple commodité, à l’issue d’un réductionnisme illégitime. Il est en effet aisé de
juger quelqu’un responsable d’un crime ou d’un délit lorsqu’on a pu établir
clairement l’intention délictueuse, donc la conscience de transgresser la norme
sociale, et lorsqu’un mobile a pu être clairement identifié ; ce qui permet de
rapporter l’acte à un intérêt personnel, comme à un profit espéré, tant sur le plan
matériel qu’affectif. Or, ce qui effraie la pensée commune est l’acte survenant
sans raison apparente et qui, de ce fait, désigne habituellement la folie ; acte
d’autant plus redouté qu’il est, par nature, imprévisible. En effet, comment
pourrait-on prévoir ce qui échappe à la raison ? Ainsi, un individu plus ou
moins perturbé mentalement agressera-t-il « sans raison » une personne dans le
métro, qui ne lui a pourtant rien fait et qu’il ne connaît même pas. La psycho-
logie clinique révèle toutefois que cette absence de raison n’est souvent qu’une
fiction, de même que l’absence de conscience de transgresser un interdit.
Habituellement, la victime n’est précisément pas prise au hasard. Elle n’est pas
non plus totalement inconnue de l’agresseur. Elle est en vérité souvent le
support d’une cristallisation – une représentation, si ce n’est même, pour l’inté-
ressé, une incarnation – et en tout cas le support d’une projection de ce qui peut
être honni ou conçu comme un obstacle à surmonter, à franchir ou à détruire. Et
si la raison de l’intéressé n’est pas aisément accessible à l’observateur extérieur,
non plus d’ailleurs qu’à la victime, voire à l’intéressé lui-même, c’est néanmoins
souvent par abus que l’on conclut à la démence. Les rapports d’expertise
mentale sont d’ailleurs à ce sujet extrêmement pauvres dans l’éclaircissement du
lien pouvant exister entre la rationalité propre à l’auteur de l’acte et le choix de
sa victime. Il est vrai que l’objet du rapport d’expertise n’est pas tant de révéler
cette raison que d’exclure ce type de rationalité du champ de la raison, et de
poser la démence de la personne comme excuse absolutoire. Il n’en demeure pas
moins que la prise en considération de ce type de rationalité pose problème. Elle
ne semble pas de nature à exonérer l’intéressé de toute sanction, ni de la respon-
sabilité de son acte, mais simplement de nature à moduler la peine. Dans toute
l’Europe, un grand nombre de psychiatres désapprouvent de plus en plus le
constat d’irresponsabilité pénale du malade mental, qui s’oppose, bien souvent,
à la structuration du sujet. L’accès à la sanction peut, en effet, être déterminant
dans la structuration de la personnalité. Et l’absence de peine peut être un
obstacle à cette structuration. Le combat mené par A. B. 41 contre le constat de
42. Concernant cette quête en responsabilité, l’on se reportera encore à Serge Ferraton,
Ferraton, le fou, l’assassin, Paris, Solin, 1978.
43. Louis Althusser, L’Avenir dure longtemps, Paris, Stock/IMEC, 1992, p. 15.
106 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
44. Art. 24 de la loi du 7 décembre 1979 sur le régime des personnes atteintes d’affections
mentales et sur la surveillance des établissements psychiatriques.
45. Claude Louzoun, 1992, p. 161.
Les pouvoirs du juge et la contrainte de soins en Europe 109
– il faut s’en féliciter – les juridictions suprêmes des deux ordres ont des
positions convergentes (CE, 19 mai 1983, Moudjahed, Leb. tables décennales, p. 5596
et Cass. civ. 1re, 11 octobre 1988, Mme D. c/Le Sou médical, JCP 1989. II. 21358, note
Dorsner-Dolivet). Il faut toutefois préciser qu’il doit s’agir d’un danger immédiat.
Par conséquent, le médecin qui exerce son art en dehors du consentement alors
que le danger n’est que futur, voire éventuel, commet une faute. Il faut donc en
déduire que la notion d’urgence est strictement entendue par les juges. Ils s’en
tiennent à une “nécessité évidente” comme le souligne Mme Dorsner-Dolivet
dans sa note précitée. Et il faut s’en réjouir car – on ne le répétera jamais assez –
c’est le respect de la personne humaine qui est en jeu. Une jurisprudence récente
n’emploie pas le terme urgence mais, en vérité, c’est bien de cela dont il s’agit.
Le juge use d’une périphrase : “En l’absence d’alternative thérapeutique et de
la nécessité vitale...” (CAA de Bordeaux, 11 juin 1991, Consorts Guignard, req.
n° 90BX00005 [...]). Peut-être serait-elle plus explicite ? On peut l’admettre.
Enfin, lorsque le patient a consenti à un tel acte médical avec un protocole bien
déterminé, tout changement dans celui-ci n’étant pas justifié par l’urgence est
constitutif d’une faute (CE, 17 février 1988, Mme Morette-Bourny, Leb, p. 73) 49. »
L’on voit qu’avec l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux dans
l’affaire des consorts Guignard, on n’est plus très éloigné des critères retenus par
le législateur italien de 1978 en matière d’hospitalisation sous le régime du
« traitement sanitaire obligatoire ».
La nouvelle loi polonaise de 1994, qui comble le vide juridique maintenu
jusqu’alors en ce domaine et organise un contrôle systématique des mesures de
placement par le juge des tutelles, retient la notion de danger imminent pour la
vie du patient ou pour la vie ou la santé d’autrui, en cas d’admission en urgence.
Elle n’autorise ensuite le maintien en internement qu’à la double condition de
l’existence d’une maladie mentale et d’une détérioration de la santé mentale du
patient ou son incapacité à assurer lui-même les besoins vitaux de son existence.
Ainsi, le droit polonais ne retient-il que la notion de danger pour soi pour justi-
fier un tel maintien et réserve-t-il une place essentielle à l’appréciation de la
capacité de la personne à assurer elle-même sa survie pour déterminer le niveau
de contrainte.
La loi belge du 26 juin 1990 se réfère quant à elle expressément, on le sait,
à celle du 1er juillet 1964 dite de « défense sociale à l’égard des anormaux et
des délinquants d’habitude » (art. 1er de la loi du 26 juin 1990). Le danger – si
ce n’est la dangerosité sociale du malade – est donc ici clairement affirmé
comme référence centrale de la loi « relative à la protection de la personne des
malades mentaux ». Les motifs de sûreté sont cependant étroitement limités à
« une menace grave pour la vie ou l’intégrité d’autrui », ou bien encore au
péril pour la santé et la sécurité de l’intéressé ; ces deux dernières conditions
sont cumulatives et non plus seulement alternatives. L’atteinte aux seuls
biens ou à l’ordre public du fait du trouble mental n’autorise plus l’interne-
ment.
L’on voit que le magistrat prend grand soin d’écarter le danger qui résulte-
rait de l’environnement potentiellement conflictuel et le risque virtuel en décou-
lant, comme susceptible de justifier une hospitalisation d’office, mais aussi de
constater l’absence de diagnostic certain de maladie mentale évolutive pour
fonder sa décision. Contrairement à la jurisprudence administrative, il cumule
par ailleurs les exigences de l’HDT et de l’HO puisqu’il constate l’absence de lien
direct entre le risque permanent, invoqué pour justifier le maintien, avec la
nécessité d’un traitement, et constate que l’intéressé était conscient de la néces-
sité de son hospitalisation dès le jour de son admission. Cette jurisprudence
rappelle la gravité de la mesure que constitue une hospitalisation d’office et la
nécessité de la réserver aux cas extrêmes.
De même, le droit helvétique fait de la situation de « grave état
d’abandon » le principal critère de dangerosité, seul retenu au niveau fédéral.
Précisons encore que certains Länder de l’ancienne RFA intègrent la « négligence
de soi » dans la définition de la dangerosité pour soi-même parmi les critères
justifiant un internement. Il nous faut donc revenir plus en détail sur la situation
d’incurie et sur son traitement juridique.
Se maintenant radicalement dans la logique de l’ancien texte français –
celui du 30 juin 1838 – et ayant d’ailleurs à traiter d’un cas relevant de cette légis-
lation, le président du Tribunal de grande instance de Libourne, dont la décision
fut commentée par Thierry Fossier 53, n’a pas hésité à faire jouer la clause de
subsidiarité que comportait l’ancien texte en constatant qu’une mesure de
tutelle ou de curatelle aurait fort bien pu être mise utilement en œuvre en lieu
et place de l’internement, pour répondre aux difficultés présentées par
la personne. Et, sur la base de ce constat, il a ordonné la sortie immédiate, en
soulignant :
« Le recours au placement d’office n’est pas un substitut à une carence ou, en l’espèce,
à une difficulté passagère de communication entre un suivi médical et un patient, mais
un mode d’action particulier pour soustraire un individu à raison de sa dangerosité pour
les autres ou, éventuellement, pour lui-même, à raison des conséquences pour les autres.
Dans ces conditions, il y a lieu d’ordonner la mainlevée du placement d’office. »
L’on observera que la logique retenue par ce magistrat – logique qui, selon
lui, animerait la législation française du 30 juin 1838 – est l’inverse de celle
adoptée par la Cour de cassation néerlandaise. Le danger pertinent est ici le
danger pour autrui, de sorte que même le danger pour soi ne saurait être pris en
considération que dans ses conséquences pour autrui. Aux Pays-Bas, en
revanche, la Cour suprême considère que la prise en considération du danger
pour soi peut aller jusqu’aux conséquences réactives de l’entourage à son propre
comportement. Le législateur français du 30 juin 1838 voyait en priorité le risque
social. Par l’effet d’une sorte de boucle de rétroaction, le juriste néerlandais
revient, quant à lui, sur le risque personnel, issu de la réponse sociale au
comportement ou à l’acte de l’intéressé. On observera encore que la situation
d’incurie, décrite dans la précédente ordonnance du président du Tribunal de
Mais ce n’est pas la voie vers laquelle se sont orientés les services du minis-
tère français en charge de la santé publique. Le groupe de travail, mis en place
à la fin de l’année 1995 pour évaluer l’application de la réforme du 27 juin 1990
et préparer le débat parlementaire (toujours en attente) à ce sujet, tente de
promouvoir la notion de garde à vue sanitaire de soixante-douze heures,
confiée au chef d’établissement ; une demande formalisée d’un tiers ne serait
pas nécessaire, mais une prescription médicale suffirait pour répondre aux
situations d’urgence, y compris celles relevant actuellement de l’admission en
urgence à la demande d’un tiers en cas de péril imminent pour la personne
(actuel article L. 333-2 du CSP) ; garde à vue sanitaire durant laquelle la
personne n’aurait pas même le droit de refuser un traitement. Un tel dispositif
continue à amalgamer la mesure de sûreté à la prise en charge médicale, et
maintient inchangés les pouvoirs de l’Administration. Plus encore, cette dispo-
sition conduit à étendre les pouvoirs de l’Administration à un domaine
jusqu’alors réservé à l’intervention privée de l’HDT puisqu’aucun tiers n’inter-
vient plus, pas même en qualité de demandeur. Pourtant, dans de nombreux
cas, l’intervention du tiers et la concertation avec le psychiatre permettent de
dédramatiser la situation, comme d’éviter de rigidifier la prise en charge. Il
n’est donc pas certain que cette garde à vue sanitaire représentera un
quelconque progrès du point de vue de la sauvegarde des droits de l’homme,
laquelle, comme chacun sait et peut en faire chaque jour l’expérience, demeure
assez peu compatible avec l’extension des pouvoirs de l’Administration sur les
personnes. En outre, le Recueil international de législation sanitaire de 1978 souli-
gnait déjà tiré les leçons de l’expérience. Il a montré que lorsque la période
initiale d’observation est très courte (un à trois jours), elle ne permet guère,
quand elle s’achève, une nouvelle évaluation véritable de l’état de la personne,
surtout lorsque l’intéressé se trouve sous l’effet d’une médication avant ou
après son hospitalisation. Dans un délai aussi bref, la personne est encore
souvent sous le coup du syndrome d’admission et pas en mesure de prendre
une décision concernant l’éventuelle poursuite du traitement, d’où la prolon-
gation du régime de contrainte 57. Pour éviter ces effets pervers, il semble donc
préférable de porter la validité des mesures d’urgence à une semaine, ce que
fait d’ailleurs plus ou moins la législation italienne de 1978.
65. Un arrêté ministériel du 7 janvier 1997, relatif au contenu du livret d’accueil des
établissements de santé, devrait aboutir, en France, à une réalisation similaire.
122 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
66. Pour la législation applicable dans les cantons romands, voir U. Cassini,
« L’internement psychiatrique : sécurité juridique et insécurité personnelle », Les Cahiers
médico sociaux, Genève, 1981, 25e année, 2, 11 147.
67. Voir à ce sujet Rolf Himmelberger, op. cit., s.d., p. 204.
68. La législation du Land confie au juge le soin de se prononcer, dans les vingt quatre
heures, sur toute admission involontaire.
Les pouvoirs du juge et la contrainte de soins en Europe 123
69. Voir notamment la décision 224 DC du 23 janvier 1987, dite Conseil de la concurrence,
considérant 15.
70. Voir, entre autres, décisions 75 DC du 12 janvier 1977, dite « fouille des véhicules », et
325 DC des 12 13 août 1993, dite « maîtrise de l’immigration ». Voir également la décision
relative à la législation dite de bioéthique, 343 344 DC du 27 juillet 1994.
71. Voir notamment, J. B. Foucauld et al., Rapport d’enquête sur le fonctionnement du dispo
sitif de protection des majeurs, ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie,
ministère de la Justice, ministère de l’Emploi et de la Solidarité, Paris, juillet 1998, 76 p.
+ annexes.
124 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
de recours des intéressés aux instances judiciaires. D’après certains, pour limitée
qu’ait pu être cette réforme, elle n’en aurait pas moins permis à de nombreux
patients de prendre conscience qu’ils n’avaient pas à être privés de liberté quand
la société le voulait, mais seulement lorsqu’ils commettaient quelques actes de
violence et manifestaient un comportement dangereux. En fait, l’article 2 du
décret retient comme cause de contrainte que le patient puisse, en raison de sa
pathologie mentale, attenter à sa propre sécurité ou troubler gravement et d’une
manière répétée les conditions normales de travail ou de vie familiale ou sociale.
En définitive, le droit roumain retient donc le danger pour soi-même et le
trouble à l’ordre public ou familial, conçu au sens large, puisqu’il inclut la
perturbation des conditions normales de travail.
Pour les raisons qui précèdent, l’on pourrait s’attendre à ce que l’apprécia-
tion d’un tel danger relevât d’une autorité administrative ou d’une autorité
judiciaire. Il n’en est rien. Le droit roumain médicalise au contraire totalement la
contrainte, et ceci d’une double façon. Tout d’abord il confie à une commission
médicale de trois membres, étendue à cinq lorsque l’unanimité ne peut être
assurée, le soin de décider de la mesure 74. Ensuite parce que la décision n’est pas
une simple décision privative de liberté. L’article 3 du décret précise en effet
expressément que les malades psychiques dangereux doivent être obligatoire-
ment traités sur un plan strictement sanitaire, soit à l’hôpital, soit en ambula-
toire. L’article 9 stipule que le « traitement médical obligatoire » ambulatoire
doit être ordonné « chaque fois qu’il n’y a pas une nécessité médicale majeure
pour l’internement du malade à l’hôpital ». L’existence d’une dangerosité, liée à
un état pathologique, ne saurait donc justifier à elle seule l’internement. Même
en ce cas, le traitement ambulatoire doit être préférentiellement recherché.
L’internement ne doit résulter lui-même que d’« une nécessité médicale
majeure ». La décision prise par la commission médicale de trois ou cinq
membres doit être écrite et motivée, et signée par l’ensemble des médecins qui
la composent. Dans les vingt-quatre heures, l’intéressé ainsi qu’un membre de
sa famille ou un proche et le procureur de la République reçoivent par écrit
notification de la décision ; ils peuvent alors recourir au tribunal territorialement
compétent du ressort de la commission médicale en cause. Le tribunal doit
statuer en urgence après avoir obligatoirement, et dans tous les cas, entendu
l’intéressé, lequel doit alors comparaître à l’audience. Un avocat lui est commis
d’office lorsqu’il n’en a pas choisi un lui-même. À l’audience, la présence du
procureur est obligatoire. L’article 26 du décret offre une possibilité d’appel
74. La procédure normale est en réalité définie aux articles 6 à 10 du décret. La personne
doit, normalement, être examinée par un médecin, généralement son médecin traitant,
lequel saisit le comité ou le bureau exécutif du Conseil populaire, c’est à dire l’équivalent
du maire ou de son représentant. Il appartient à ce dernier d’accorder son soutien au
personnel pour procéder à des constatations directes et écrites sur l’état et les manifesta
tions de la personne. Le médecin doit alors transmettre le rapport tant médical qu’admi
nistratif à la polyclinique territorialement compétente où l’intéressé sera de nouveau
examiné par un médecin de l’établissement. Le cas échéant, ce médecin prescrira
l’examen de la personne et du dossier par la Commission médicale de la polyclinique,
chargée de statuer.
128 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
critère discriminant 1. Le Conseil d’État a en outre cru pouvoir établir que les
décisions de sortie à l’essai sous placement d’office ou HDT constituent une
mesure d’aménagement du traitement, de sorte que ces décisions ne seraient
susceptibles d’aucun recours au juge de l’excès de pouvoir et ne pourraient donc
être annulées 2. Le Conseil d’État distingue ainsi la décision de sortie d’essai, de
durée limitée à trois mois, des décisions de maintien en HDT, conformes à
l’ancien article L. 337 (actuel article L. 3212-7) du code de la santé publique, de
durée limitée à un mois, ou en HO (ancien art. L. 345) (actuel article L. 3213-4) de
durée maximum de six mois. Seules ces dernières décisions sont susceptibles
d’annulation. Mais l’on entre alors dans un système d’une complexité sans fin,
puisque la durée des décisions de sortie à l’essai ne coïncide pas avec celle des
décisions de maintien en hospitalisation sous contrainte. On rencontre ainsi des
décisions de sortie à l’essai de trois mois dans le cadre d’une HDT, dont la validité
est pourtant limitée à un mois… Ces considérations ne résolvent pas davantage
l’aberration de la situation de personnes en sortie d’essai sous HDT. En effet, ce
mode d’hospitalisation sans consentement n’est possible que si les troubles
mentaux de la personne rendent impossible son consentement et nécessitent des
soins immédiats, assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. Or,
la sortie d’essai, sous HDT, n’est possible que si d’une part la personne accepte de
suivre un traitement et est donc apte à consentir, et d’autre part si ces traitements
ne nécessitent pas de surveillance constante en milieu hospitalier. Ces deux
conditions de la sortie d’essai sous HDT sont donc radicalement contraires à
celles propres à l’admission sous HDT, alors que la juridiction administrative
considère que la sortie d’essai ne modifie pas le statut juridique de la personne
qui demeure placée sous le régime qui était le sien à l’admission… L’évidente
contradiction de la personne en sortie d’essai débouche généralement sur le
prononcé de la sortie immédiate par le juge civil lorsqu’il est saisi d’une telle
demande par une personne maintenue dans cette situation. Le juge ne peut en
effet que constater que les conditions de maintien en HDT ont cessé avec l’octroi
de la sortie à l’essai, qui démontre par elle-même que la personne ne remplit
plus les conditions de ce maintien, tel que défini à l’article L. 333 du CSP 3.
4. Telle est notamment la position des Sans Voix et, plus particulièrement d’Adrienne
Szokoloczy Grobet ; voir également Paul Mottier, Le Statut juridique du patient psychique,
en particulier sa liberté de décision face à l’hospitalisation et au traitement psychiatriques,
mémoire de licence, faculté de droit, université de Neuchâtel, novembre 1994.
134 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
[…]
« Du moment que le consentement éclairé est expressément exigé par la loi genevoise,
y compris pour les admissions non volontaires, il n’est évidemment plus possible de
soutenir que le principe même de celles-ci justifie les traitements forcés. La thèse retenue
par le tribunal fédéral, dans son arrêt du 29 mars 1990, qui concernait des faits
antérieurs à l’adoption de la LMRPS, et par la chambre des tutelles dans sa décision du
22 septembre 1992, ne peut donc être retenue […].
Les intimés n’ont pas contesté qu’en tant que tels les neuroleptiques ne peuvent avoir
pour effet direct de sauver la vie de Mme X. Ils viseraient plutôt à l’empêcher d’accomplir
un acte ou d’adopter un comportement susceptible de mettre sa vie en danger […]
En fait, les IUPG 5 ont essentiellement évoqué deux hypothèses de risque vital urgent.
D’une part le cas où une hallucination ordonnerait à Mme X. de se tuer, d’autre part le
risque qu’elle se néglige au point de se laisser mourir de faim, soit en fait le risque de
suicide, brutal ou lent, en état d’incapacité de discernement. Or, dans ces deux
hypothèses, la contrainte physique, expressément acceptée par Mme X., permettrait
d’écarter le risque. Que cette contrainte déplaise aux IUPG, de façon tout à fait compré-
hensible, ne change rien au fait que la possibilité d’y recourir exclut que l’administration
de neuroleptiques soit la seule mesure susceptible de sauver la vie de Mme X. Au demeu-
rant, vu le refus formel de celle-ci de se voir administrer des neuroleptiques, il est
probable que la contrainte physique devrait être utilisée pour imposer un tel traitement.
Dès lors que Mme X. a clairement déclaré préférer la contrainte physique à l’administra-
tion de neuroleptiques, la présomption de l’article 5 alinéa 3 LRMPS ne permet pas de lui
imposer la seconde solution, lorsque la première peut lui sauver la vie. Le but de cette
disposition est en effet de sauver la vie du patient qui n’est pas en état d’exprimer un
consentement. Si ce but peut être atteint tout en se conformant à la volonté exprimée du
patient, fût-ce de façon anticipée, ce serait détourner l’article 5 alinéa 3 LRMPS de son but
que d’adopter une autre solution […]
Le recours doit ainsi être admis en ce sens qu’il sera dit que la volonté de Mme X. de
ne recevoir aucun neuroleptique doit être respectée par le IUPG, alors même que celle-ci
serait ultérieurement jugée incapable de discernement. »
Par cet arrêt, le tribunal administratif de Genève alloue en outre à la requé-
rante une indemnité de 3 000 F suisses, mise à la charge de l’État.
Cet arrêt est d’autant plus remarquable qu’il ne tranche pas seulement la
question du consentement libre et éclairé du patient, lequel suppose une infor-
mation suffisante de l’intéressé par les médecins, mais encore le droit au refus
d’un type particulier de traitement, en l’occurrence des neuroleptiques, quand
bien même il y aurait une nécessité vitale et urgente à intervenir, dès lors que
d’autres types de traitement, dont la contention physique, seraient susceptibles
de préserver la vie de l’intéressé et de répondre aux intérêts publics. En outre,
cet arrêt présente la particularité de statuer pour l’avenir en reconnaissant à la
personne le droit de refuser les traitements neuroleptiques quand bien même
elle serait jugée ensuite incapable de discernement et internée. La requérante
avait en effet présenté à cette instance une demande visant, entre autres, à faire
valider son testament psychiatrique par lequel elle précisait refuser, en cas d’une
14. CE, Garnier, 29 juillet 1994. Statuant en cassation, le Conseil d’État a ainsi estimé que
le Conseil national de l’ordre des médecins « a pu légalement décider que, nonobstant le refus
par sa patiente d’un traitement chirurgical ou radiothérapique, M. Garnier avait commis une faute
de nature à justifier une sanction en acceptant de la traiter par des remèdes illusoires qui l’ont
privée d’une chance de guérison ou de survie ». Pourtant, tout en respectant le refus de sa
patiente de se soumettre à une ablation du sein gauche, le Dr Jacques Garnier n’en avait
pas moins prescrit des produits homéopathiques et des séances d’acupuncture pour
soulager ses douleurs, et thérapeutiques à base de plantes pour soutenir ses défenses
immunitaires avant de l’envoyer consulter un médecin diplômé en cancérologie qui, se
heurtant à son tour au refus d’intervention chirurgicale et de radiothérapie de la patiente,
prescrivit également un traitement homéopathique.
15. Op. cit., p. 9.
16. Décret n° 95 1000 du 6 septembre 1995, JO du 8 septembre 1995.
17. Arrêt Cour de cassation, 28 janvier 1942, D. 1942, p. 63. La faute professionnelle se
définit encore comme « un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre
professionnel et déontologique », Cass. crim., 2 avril 1992, JCP 1993, II, 22105, note Vallar, voir
aussi, Jean Marie Clément et Cyril Clément, Les Principales décisions de la jurisprudence
hospitalière, Paris, Berger Levrault, 1995.
18. C’est le cas notamment pour le patient à l’hôpital public, souligne Cyril Clément ; mais
il convient de rappeler l’exception de la clinique ouverte (CE, 4 juin 1965, hôpital de Pont
à Mousson, D. 1965, p. 746, note Piquemal), c’est à dire de la personne admise sur l’un
des lits réservés à la clientèle privée du chef de service.
138 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
tenu à une obligation de soins, et non pas de guérison, et à une obligation de renseigne-
ment (Cass., 28 janvier 1942, D. 1942, p. 43) »19. De son côté, le nouveau code de
déontologie médicale français parle « d’information claire, loyale et appropriée ». Et,
comme le souligne une fois encore Cyril Clément 20 : « N’oublions pas que l’infor-
mation que reçoit le malade permet la confiance de celui-ci en son médecin. Et la
confiance est une condition sine qua non à toute réussite thérapeutique. »
La jurisprudence française a également cru devoir tenir compte des diffi-
cultés inhérentes à l’art médical pour établir que l’information n’a lieu de porter
que sur les risques prévisibles 21. Elle énonce ainsi que le patient doit être informé
« des risques normalement prévisibles en l’état des connaissances scientifiques » 22, ce
qui suppose que les risques soient identifiés 23. Or il n’est pas certain qu’en
psychiatrie les risques, issus notamment du traitement à long terme par diffé-
rentes substances psychotropes, soient clairement identifiés, comme le souligne
notamment, le professeur Édouard Zarifian. Toutefois, l’AAA-VAM (association
d’aide aux victimes des accidents des médicaments), que préside M. Georges-
19. Cyril Clément renvoie ici, pour une étude récente, aux articles de Françoise Alt Maes
à la RDSS, 1994, p. 381, et de Jean François Barbieri, Les Petites Affiches, 4 janvier 1995.
20. Ibid.
21. Arrêt Cour de cass. civ. 1re, 8 novembre 1955, D. 1956, p. 3. Voir également arrêt du
Conseil d’État, 21 juillet 1972, Dame Rabus, Leb., p. 594, et la récente Charte du malade
hospitalisé, circulaire DGS/DH n° 95 22 du 6 mai 1995. Signalons par ailleurs que, d’une
manière constante, la jurisprudence refuse d’engager la responsabilité de l’hôpital ou du
médecin, lorsque les risques sont exceptionnels (CE 1er mars 1989, Gelineau, Leb., p. 65 et
Cass. civ. 1re, 9 mai 1983, D. 1984, p. 121, note Penneau). « Le risque exceptionnel, commente
Cyril Clément (op. cit. p. 10), est celui qui est infime statistiquement parlant. Mais on peut légiti
mement se demander si une telle jurisprudence perdurera compte tenu de l’arrêt Bianchi (CE,
9 avril 1993, Leb. p. 127 […]).Car on sait que par cette décision, le Conseil d’État a accepté
d’indemniser sans faute les risques exceptionnels et connus. » On notera enfin que la jurispru
dence administrative est passée de la technique de la présomption de faute (CE, 7 mars
1958, Meier, Leb. p. 153), en raison d’un souci d’indemnisation des victimes, à la
technique de la perte de chance (CE, 24 avril 1964, hôpital hospice de Voiron, Leb. p. 259)
afin de réparer ce qui paraît injuste, puis à la technique de la démédicalisation qui, comme
le souligne toujours Cyril Clément, « a permis au juge administratif d’exiger la preuve d’une
faute simple aux dépens de la faute lourde » (ibid.) (voir également Claudine Esper, « Le
dernier état de la responsabilité des hôpitaux publics », La Gazette du Palais, 12 13 juillet
1995, p. 3.
22. L’obligation d’informer sur tous les risques encourus a encore été dernièrement
rappelée en chirurgie esthétique par un arrêt du Conseil d’État du 15 mars 1996,
Mlle Durand, requête n° 136 692. Voir Cyril Clément, « Chirurgie esthétique : l’obligation
d’information du praticien », Les Petites Affiches, 16 septembre 1996, n° 112, p. 6 8. Voir
encore, deux arrêts C. cass., civ. 1re, 7 octobre 1998, Mme C. c/Clinique du Parc et autres, et
MRCM et autres, Les Petites Affiches, 5 mai 1999, n° 89, p. 4 12, obs. Ch. Noiville. Le Conseil
d’État a suivi le mouvement dans différents arrêts récents, notamment du 10 décembre
1999, req. n° 98 530 ; 14 février 1997, CHR de Nice c/Mme Quarez, req. n° 133 238, Les Petites
Affiches, 28 mai 1997, n° 64, p. 23 32, obs. S. Aloiteau. Voir également, TA Versailles, 26 juin
1997, M. Mohamed Lahioui c/CHG Longjumeau, Les Petites Affiches du 23 février 1998,
n° 23, p. 12 15, obs. J. Krulic.
23. Sur cette dernière question, voir la communication de Bernard Glorion, président du
Conseil national de l’ordre des médecins, « Actes du Colloque », Le Risque médical,
6 octobre 1994, Forum du droit des affaires.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 139
service de soins, sous réserve qu’un lit y soit disponible. Lin Daubech souligne
la grande cohérence de cette construction juridique : « Parce qu’il était imper-
sonnel, le malade n’avait aucune raison de manifester une quelconque préférence pour
un médecin lui-même impersonnel. En contrepartie, il appartenait au service public de
s’organiser pour offrir à chacun de ses malades les compétences les meilleures et les plus
adaptées à sa pathologie 31. » Ainsi, à la relation médecin/malade fortement person-
nalisée du contrat de droit privé, s’oppose la situation statutaire, impersonnelle,
elle, du droit public. Mais il existait à l’évidence un hiatus fondamental entre la
situation impersonnelle du patient, comme celle du médecin, définie par le
statut, et l’objet même du soin hospitalier public, surtout en psychiatrie, lequel
suppose une relation personnelle entre le médecin et son malade. Cette imper-
sonnalité juridique cadre donc mal avec le fait que les médecins ne peuvent faire
autrement qu’entrer dans l’intimité de leurs patients. Aussi, la loi du 31 juillet
1991, portant réforme hospitalière, a-t-elle introduit, dans le code de la santé
publique français un article L. 710-1, selon lequel le malade a désormais le choix
de son médecin à l’hôpital. Ainsi, pour la première fois en France, « la loi recon-
naît à un usager le droit explicite d’avoir une préférence à l’égard des professionnels,
appelés à le prendre en charge, et en conséquence, renonce au principe d’impersonnalité
caractéristique du statut 32. »
Toutefois, en matière d’internement psychiatrique, la jurisprudence apparaît
encore très conservatrice. C’est ainsi qu’à l’occasion d’une affaire G. G., sur
laquelle nous aurons l’occasion de revenir à plusieurs reprises, le Conseil d’État
a entendu s’en tenir à la situation qui avait cours dans le cadre du droit commun
de l’hospitalisation publique, toutes disciplines confondues, avant la promulga-
tion du décret du 14 janvier 1974, dont il a été question plus haut. Le 25 mai
1994, il a ainsi jugé « qu’une personne hospitalisée d’office ne peut se prévaloir, pour
obtenir son placement dans un autre établissement du département ou dans un établis-
sement d’un autre département, des dispositions des articles L. 326-1 et L. 710-1 du code
de la santé publique qui ne lui sont pas applicables ; que d’ailleurs, si les dispositions de
l’article L. 326-3 du même code et de l’article 8-1 de la Convention européenne de sauve-
garde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne lui donnent pas un droit à
une telle mesure, le préfet du département du lieu d’hospitalisation, auquel il appartient,
le cas échéant, de prendre sa décision conjointement avec le préfet du département de
l’établissement d’accueil et qui a été saisi d’une demande de transfert notamment pour
des raisons médicales ou familiales, ne peut s’y opposer, eu égard aux termes de ces
textes, que pour des motifs tirés des nécessités de l’ordre public et de la sûreté des
personnes, du bon fonctionnement des établissements hospitaliers, ou de l’état de santé
de l’intéressé 33. » Et, sur ce fondement, le Conseil d’État rejeta le recours, au motif
qu’il ne ressortirait pas des pièces aux dossiers que le préfet, pour refuser le
transfert sollicité, n’avait pas procédé à un examen de la situation.
L’on voit donc jusqu’à quel point la haute assemblée entend maintenir la
personne en hospitalisation d’office dans une situation légale et réglementaire,
générale et impersonnelle, relevant du seul droit public, réduisant à néant toute
la littérature médicale sur le contrat thérapeutique et le contrat de soin qui
fleurit pourtant en psychiatrie.
34. Arrêts n° 139 du 27 juillet 1982 et n° 249 du 15 juillet 1983 ; voir Thomaïs Douraki, La
Convention européenne des droits de l’homme et le droit à la liberté de certains malades et margi
naux, LGDJ, 1986, p. 171 172.
35. Voir arrêt de la Cour constitutionnelle n° 139 du 27 juillet 1982.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 143
36. Rolf Himmelberger, « Pourquoi une loi spéciale pour la psychiatrie », Débats, mensuel
socialiste genevois, avril 1993, 12, p. 11.
37. Rolf Himmelberger, « Les nouvelles dispositions du CCS sur la privation de liberté à
des fins d’assistance sont elles réellement un progrès pour les malades ? », dans
Patientenrecht. Droits des patients Quel Diagnostic ?, vol. 5, s.d., p. 202 203.
38. Semaine juridiciaire, 1981, p. 448.
39. Rolf Himmelberger, « Une critique de la contrainte en psychiatrie », conférence
prononcée le 19 octobre 1991 à Genève, dans le cadre du symposium Médecine et contrainte
pédiatrie, psychiatrie, gériatrie, Société suisse d’éthique biomédicale, Folia Bioethica, 1992,
8, p. 10 ; voir également du même auteur, « Le testament psychiatrique : une solution à la
controverse sur la problèmatique des traitements forcés ? », Pro Mente Sana, compte rendu
du congrès 1990, Traitement forcé en psychiatrie, Annexe I, p. 90 et 91.
144 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Nous ne reprendrons pas ici les différents arrêts de la Cour de cassation des
Pays-Bas qui ont concouru à réaffirmer la notion de danger pour légitimer un
internement psychiatrique, comme à définir les différentes sources de danger à
prendre en considération et susceptibles de justifier une telle mesure, parmi
lesquelles, nous l’avons vu, figure le comportement susceptible d’être perçu
comme provocateur par l’entourage et de susciter ses réactions négatives, au
point de mettre en danger le patient. Nous ne reviendrons pas davantage sur le
désaccord de certains magistrats français avec une telle conception 40, non plus
qu’avec celle tendant à légitimer un internement en cas d’incurie de la
personne 41. Nous soulignerons cependant la tendance de plus en plus marquée
des magistrats à conditionner le maintien en internement à la persistance d’un
risque que le patient fait courir, soit à lui-même, soit à son entourage, en raison
de sa pathologie.
Signalons ici quelques décisions importantes de jurisprudence française.
Par arrêt du 2 mars 1987, la Cour d’appel de Bordeaux a ainsi pu réformer
l’ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Bordeaux du
26 juin 1986 et ordonner la sortie immédiate de M. René Chauffour au motif que
les considérations énoncées par l’arrêt, « tirées de l’examen objectif des données de
l’espèce, conduisent la cour à constater qu’il n’est pas apporté la démonstration que
l’affection mentale de l’appelant aliène celui-ci dans une mesure telle que son état le rend
dangereux pour lui-même ou autrui, démonstration nécessaire pour décider que doit être
maintenue la mesure privative de liberté décidée par l’arrêté de placement d’office du
18 janvier 1985. » Dans une ordonnance du 5 novembre 1991, le président du
Tribunal de grande instance d’Évry 42 ordonne également la sortie immédiate en
constatant : « Le docteur N… conclut dans ces termes : « La meilleure adhésion au
projet de soins ne constitue pas pour autant une raison suffisante pour abroger un place-
ment d’office qui s’avère encore bénéfique. » Il en ressort à l’évidence que la mesure ne
se justifiait plus par la protection de l’ordre public ou de la sûreté des personnes. Dans
son dernier certificat, le docteur N… envisageait d’ailleurs soit une abrogation, soit des
permissions de sorties d’essai. Aussi, en raison : – de l’absence de décision préfectorale
dans les trois jours précédant la fin du premier mois de placement ; – de l’absence de
référence à une quelconque menace pour l’ordre public ou la sécurité des personnes dans
les certificats médicaux consécutifs à la mesure de placement, il échet d’ordonner la
sortie immédiate de Marc S… » De même, par ordonnance du 27 avril 1988, cette
même instance a ordonné la sortie immédiate de Mme Violette M.-L. après avoir
souligné : « Pour expliquer la nécessité du maintien, les docteurs G. et H. écrivent enfin
que “sa suspension rapide ne pourrait que confirmer la malade dans son délire de persé-
cution et de préjudice”. À ceci, il doit être répondu en droit que le placement d’office n’est
pas une prescription thérapeutique, mais une mesure de police qui doit être strictement
40. Voir à ce sujet l’affaire Boucheras, précédemment invoquée, ord. TGI Clermont
Ferrand, 10 nov. 1987.
41. Voir l’affaire de Mlle M., TGI de Libourne, 15 juin 1989, déjà citée.
42. Ord. TGI d’Évry, M. Marc S., 5 novembre 1991.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 145
limitée aux cas prévus par la loi. On peut en outre ajouter qu’un tel placement effectué
dans des conditions aussi traumatisantes et maintenu, en dehors de tout critère sérieux,
alimenterait davantage la paranoïa de Mme M.-L et la conforterait dans l’idée qu’elle est
victime d’agissements malveillants. Au contraire, la reconnaissance de ses droits
pourrait éventuellement permettre l’amorce d’un dialogue très souhaitable avec ses
thérapeutes en qui elle devrait avoir désormais toute confiance. » Les décisions qui
valident un maintien en internement au prétexte que le médecin traitant hospi-
talier ou l’expert désigné considèrent comme nécessaire la poursuite d’un traite-
ment, cependant que l’adhésion du patient n’est pas encore assurée, se font ainsi
désormais plus rares, surtout lorsque la personne a été admise en hospitalisation
d’office 43. Mais cette tendance se retrouve également en matière d’hospitalisa-
tion à la demande d’un tiers 44.
Dans le cadre de l’action diligentée par Mme Madeleine Ledrut 45, les magis-
trats français ont cependant eu à se prononcer sur la question de savoir si le
risque suicidaire s’intègre à la notion d’aliénation mentale, susceptible de justi-
fier une hospitalisation d’office. Pour mesurer la portée de l’arrêt de la Cour, il
nous faut retracer à grands traits les principaux faits de cette affaire. Le couple
Ledrut vivait dans un appartement cossu de l’avenue de la Grande-Armée, à
Paris. M. Jean Ledrut, compositeur de musiques de films célèbres, dont
Austerlitz d’Abel Gance et Le Procès d’Orson Welles, tiré du roman de Kafka, se
vit détourner certains de ses droits d’auteur. Le couple fut ruiné et ne put bientôt
ni payer son loyer ni trouver un nouveau logement, faute de pouvoir donner des
garanties à un autre propriétaire. Il ne parvint pas davantage à obtenir l’octroi
d’un logement social. Poursuivi par les huissiers du propriétaire et de divers
créanciers, M. Ledrut décéda d’une crise cardiaque. Le préfet de police de Paris,
condamné à payer l’arriéré de loyers, mit à exécution l’expulsion de Mme Ledrut,
différée durant plusieurs années compte tenu de l’état de santé de son mari.
Pour ce faire, l’autorité préfectorale ordonna la conduite de l’intéressée à l’infir-
43. Voir dans le même sens, ord. TGI d’Évry du 6 janvier 1992, Juliette Brindejonc, consta
tant qu’il résulte du rapport d’expertise « que si Mme Brindejonc souffre d’une psychose
paranoïaque à thèmes persécutifs et à mécanismes interprétatifs, elle ne s’est jamais montrée agres
sive physiquement avec autrui ; qu’actuellement elle ne paraît pas présenter d’état dangereux pour
elle même et pour autrui. […] Dans ces conditions, bien que le refus de tout traitement volontaire
permette d’envisager une aggravation de la situation sociale et financière de la malade, en l’absence
d’état dangereux pour autrui, il convient d’ordonner sa sortie immédiate du centre hospitalier
spécialisé de Perray Vaucluse à Épinay sur Orge. » Voir dans le même sens l’ordonnance de
sortie de M. G., prise le 31 juillet 1990 par le président du TGI de Chalon sur Saône, déjà
citée.
44. À titre d’exemple d’une telle évolution, notamment en France, citons l’ordonnance de
sortie récemment prise par le vice président du tribunal de grande instance de Lyon, le 24
mai 1996 (aff. Claudette F.).
45. Pour le détail sur cette affaire, voir Ph. Bernardet, Les Dossiers noirs de l’internement
psychiatrique, Paris, Fayard, 1989, pp. 61 90.
146 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
baignant dans l’illusion qu’il y a toujours un médicament pour guérir, un objet pouvant
combler un manque et qu’il suffit de « se le procurer » […] 49. »
C’est sans doute en tenant compte de cette dimension sociale et existentielle
du suicide que, face à la tentative de suicide qui mena Mlle Dominique M. en
réanimation avant de la conduire en internement psychiatrique, et qui n’était en
réalité qu’un appel au secours, la Cour d’appel de Lyon a considéré cet interne-
ment comme abusif et inapproprié, en plus d’être irrégulier, et qu’elle accorda
un dédommagement à la victime 50. Il est à l’évidence regrettable que certains
magistrats, mais surtout certains experts, tendent à considérer d’emblée le
risque suicidaire comme relevant quasi systématiquement d’une mesure d’inter-
nement psychiatrique. Pourtant, dans bien des cas, comme le révèle d’ailleurs
l’histoire de Dominique M., relatée dans Les Dossiers noirs de l’internement
psychiatrique 51, l’internement entraîne de nouvelles tentatives. Un simple
passage en réanimation, suivi d’une prise en charge psychothérapique appro-
priée, habituellement acceptée par l’intéressé, ou débouchant sur un autre type
de prise en charge ambulatoire, adaptée aux problèmes rencontrés par la
personne, voire une simple écoute attentive, suffisent souvent à diminuer
l’angoisse et à éviter le passage à l’acte. L’attitude proprement sécuritaire
conduit souvent, en revanche, à une impasse et ne permet que rarement de
résoudre véritablement la difficulté 52.
56. F. Guilbert, Liberté individuelle et hospitalisation des malades mentaux, Paris, Librairies
techniques, 1974, p. 108 111. Sur la question de l’internement arbitraire, voir également
L. Wetzel, Un internement politique sous la Ve République. Barbouzes et blouses blanches, Paris,
Odilon Média, 1997, 253 p.
57. Sur cette affaire, voir également « Défendons nous en attaquant. La psychiatrie devant
les tribunaux », supplément au n° 7 8 du journal Psychiatrisés en lutte, Paris, 1977, p. 47.
150 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
58. Sur cette affaire, voir également, Psychiatrisés en lutte, ibid., p. 42 43.
59. Sur cette affaire et pour l’exposé détaillé des faits, se reporter au jugement avant dire
droit du TGI de Rouen du 13 mai 1985.
60. Cour d’appel de Lyon, Dominique M. c/Centre psychothérapique de l’Ain,
1er décembre 1988, confirmé par arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 1993. Pour le
détail de cette affaire, voir également Ph. Bernardet, Les Dossiers noirs de l’internement
psychiatrique, Paris, Fayard, 1989, p. 275 295.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 151
Notons que durant ces deux derniers siècles, il n’y eut en France que cinq
condamnations pénales pour internement abusif ou illégal, voire pour tentative
69. Notons également la condamnation à dix huit mois d’emprisonnement dont douze
avec sursis et privation de droits civiques et civils pendant cinq ans d’un interne en
psychiatrie pour proxénétisme, bien que les actes de prostitution n’aient concerné,
semble t il, que sa compagne et non ses patientes (TGI de Guéret, 21 novembre 1997).
70. Arrêt Mme Brousse c/hôpital de Lariboisière, 18 octobre 1989.
71. Tribunal administratif de Versailles, Mme Rose Marie Leuch c/CHS de Perray Vaucluse,
30 mai 1996 ; voir, mutatis mutandis, le jugement de ce même tribunal, du 10 octobre 1996,
pris dans le cadre de l’affaire Ledrut. Ce dernier jugement est particulièrement important,
car il contrevient à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 30 juillet 1991, confirmé par arrêt
de la Cour de cassation du 22 novembre 1995, qui avaient, tous deux, considéré comme
légal et régulier le maintien de la requérante sous le régime du « placement volontaire », à
la date du 27 juin 1984. Voir également le jugement de ce même Tribunal administratif de
Versailles du 26 septembre 1996, dans le cadre d’une affaire Arlette Vanleene Delanneau
et Groupe Information Asiles contre CH de Lagny, ainsi que celui du Tribunal administratif
de Nantes, Deshayes c/ CHS de la Sarthe et autre, 23 février 1993.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 155
publique 72. » De ce fait, il a conclu que le directeur du CHS qui admet la personne
présentant de tels signes, amenée par les services de police, n’entache pas sa
décision d’illégalité dès lors que, dans les vingt-quatre heures de l’admission, le
maire de la commune prend un arrêté de placement d’office provisoire
conforme aux dispositions de l’ancien article L. 344 du code de la santé publique
(actuel art. L. 3213-2), quand bien même l’arrêté municipal s’avérerait ensuite,
comme en l’espèce, irrégulier, et serait annulé. Ce faisant, la haute assemblée
ajoute manifestement une procédure nouvelle aux mesures d’hospitalisation
d’office, expressément prévue par la loi en cas de danger imminent. Pour sa
part, la Commission européenne des droits de l’homme, saisie de la difficulté, a
considéré « qu’en matière de régularité de la détention, y compris l’observation des
voies légales, la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale. Mieux
placée que les organes de la Convention pour vérifier le respect du droit interne (cf. Cour
eur. DH, arrêt Quinn c/ France du 22 mars 1995, série A, n° 311, p. 19, par. 47), les
juridictions nationales ont constaté en l’espèce la régularité de la détention initiale du
requérant lors de son admission au CHS. Aucun élément du dossier ne permet à la
Commission d’arriver à une conclusion différente 73 ». Toutefois, la Cour d’appel de
Paris devait réduire à néant la portée de ce singulier arrêt du Conseil d’État en
jugeant irrégulier et injustifié cet internement dès l’origine 74.
82. CE, G. G. et autre, Groupe Information Asiles, nos 140157, 140718 du 25 mai 1994.
83. Cette primauté du danger, au regard de la motivation, plutôt que de la pathologie
mentale, ressort encore dans l’arrêt relatif à l’affaire Giovanni Granata dont il a déjà été
question.
84. Arrêts CE, G. G. nos 152 081, 152 082, 152 085, 152 094 du 25 mai 1994.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 159
que les actes de notification faits à l’intéressé, interné comme aliéné « quel que soit
son état de santé à la date à laquelle il a signé l’avis de réception », font courir le délai
du recours contentieux.
Par jugement du 15 décembre 1987, le Tribunal administratif de Clermont-
Ferrand avait en revanche considéré que les actes de notification faits à une
personne internée comme aliénée ne sont pas de nature à faire courir le délai de
deux mois du recours contentieux ; car, en un tel cas, il apparaît pour le moins
difficile de fixer la date à partir de laquelle il serait possible de considérer qu’elle
a retrouvé toute sa conscience 85. Mais la haute assemblée a préféré limiter la
notion d’incapacité du malade mental interné à une mesure expresse d’interdic-
tion et considérer l’aliéné interné en placement d’office depuis des années pour
des troubles mentaux supposés graves comme capable de maîtriser, malgré tout,
toutes les subtilités du droit administratif français 86.
L’on voit donc que ces dernières années, les questions de l’information du
patient et de la notification des actes a revêtu en France une très grande impor-
tance dans le contentieux de l’internement.
Coupant court à la discussion sur la validité de la motivation des arrêtés de
placement d’office par référence à un certificat médical couvert par le secret
professionnel, la cour administrative d’appel de Paris, statuant en séance
plénière, annula l’arrêté de placement d’office qui avait frappé M. Albin
Ballestra, pour vice de forme, au motif que l’autorité préfectorale, qui n’avait
pas notifié sa décision à l’intéressé non plus que ses motifs, n’avait pas précisé,
dans le corps de sa décision, les modalités de l’information qui devait être
délivrée à la personne. La cour observa en effet qu’il résulte de l’article 5 § 2
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des
libertés fondamentales que la personne arrêtée ou détenue doit être informée,
dans le plus court délai et dans un langage simple et accessible, des raisons de
sa détention, cependant que l’article 9 § 2 du pacte de New York, relatif aux
85. Tribunal administratif de Clermont Ferrand, Mlle Marthe Boyer Manet c/préfet de la
Haute Loire, 15 décembre 1987.
86. Dans cette même affaire G. G., le juge administratif est allé encore beaucoup plus loin.
Après avoir annulé la décision d’admission en placement volontaire qui avait retenu la
personne séquestrée durant deux ans, et après avoir rejeté son recours à l’encontre de
l’arrêté de placement d’office pris par l’autorité préfectorale le jour même où le commis
saire du gouvernement du tribunal administratif de Limoges avait conclu à l’annulation
de l’admission en placement volontaire, le tribunal administratif annula, comme
dépourvus de motivation suffisante, les quatre arrêtés de maintien ; mais il se déclara
incompétent pour ordonner, de ce fait, la sortie de l’intéressé. Plus de deux ans plus tard,
le préfet de la Creuse prit de nouveaux arrêtés à effet rétroactif. Se replaçant ainsi deux
ans en arrière… il régularisa la situation. L’intéressé demeura donc séquestré. Le tribunal
administratif saisi de l’illégalité d’une telle régularisation a posteriori d’un acte privatif de
liberté annulé, et censé par suite n’avoir jamais existé, valida cependant les arrêtés de
régularisation. Ce sont ces quatre derniers jugements que M. G. G. avait portés à la
censure du Conseil d’État, lequel rejeta ses recours dans les conditions qui précèdent. Par
la suite, le tribunal administratif de Limoges annula quatre autres arrêtés de maintien
sans que ces annulations aient plus d’effet que les premières sur la situation concrète de
l’interné.
160 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
droits civils et politiques, impose que ces raisons lui soient notifiées. Dans le
silence des textes français concernant la matière, et compte tenu des caracté-
ristiques du secret médical, le préfet qui motive son arrêté par simple référence
à un certificat médical se doit donc de préciser la procédure d’information à
suivre en direction de la personne placée. Le préfet qui omet d’apporter cette
précision entache son arrêté d’un vice de forme entraînant son annulation 87.
Cet arrêt, qui rend illégaux pratiquement tous les arrêtés de placement d’office
pris en France depuis 1981, voire depuis 1974, est d’une importance d’autant
plus considérable qu’il n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation devant le
Conseil d’État et a donc, désormais, l’autorité de la chose jugée.
Dans le cadre du contentieux de la sortie judiciaire, la Cour d’appel de Douai
a, quant à elle, rappelé que si les mesures provisoires, arrêtées par les maires des
communes, peuvent, depuis la réforme du 27 juin 1990, reposer sur un simple avis
médical, lequel ne requiert pas obligatoirement un examen médical préalable de
l’intéressé, le placement d’office arrêté par l’autorité préfectorale suppose, en
revanche, que le certificat médical fondant cette dernière mesure fasse suite à un
examen médical de la personne par le praticien, sauf à corrompre de ce seul fait
toute la procédure d’internement et à justifier le prononcé de la sortie immédiate 88.
La jurisprudence française des juridictions civiles a également connu un certain
développement, ces dix dernière années, toujours sous l’impulsion de l’action du
Groupe Information Asiles, notamment en matière de réparation du dommage né
d’un internement, médicalement justifié, mais résultant de décisions administra-
tives irrégulièrement formées. Mme Madeleine Ledrut, dont nous avons déjà parlé,
a ainsi obtenu 100 000 F de dommages et intérêts de la Cour d’appel de Paris 89 en
réparation du préjudice né d’une détention irrégulière de plus de sept mois en
placement d’office jugé néanmoins médicalement justifié.
De la même façon, M. Jean Seidel, ancien président du Groupe Information
Asiles, a obtenu 50 000 F de dommages et intérêts du Tribunal de grande
instance de Paris 90 après l’annulation de son arrêté de placement d’office par
jugement du tribunal administratif de cette même ville du 9 février 1989. Là
encore, la juridiction civile n’a entendu réparer que le préjudice moral né de
l’irrégularité de la détention, ayant autrement considéré l’internement comme
médicalement fondé. L’irrégularité des actes privatifs de liberté a encore été
sanctionnée par la juridiction administrative, en particulier par le tribunal
administratif de Lille. Après avoir annulé les décisions d’internement, de
sortie à l’essai et de réinternement de M. René Loyen 91, également ancien
président du Groupe Information Asiles, le tribunal administratif de Lille a
87. CAA Paris, plénière, 7 juillet 1998, Albin Ballestra, conclusions M. Heers,
« Compatibilité de l’hospitalisation d’office avec la Convention européenne des droits de
l’homme », RDSS, 35 (1), janvier mars 1999, p. 112 et s.
88. Arrêt Cour d’appel de Douai, Bernard V. c/préfet de police du Nord, 30 septembre
1991.
89. Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 mai 1991.
90. Jugement du Tribunal de grande instance de Paris, 13 janvier 1992.
91. Tribunal administratif de Lille, 14 avril 1994, Loyen c/préfet de police du Nord et
autres.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 161
92. Tribunal administratif de Lille, 9 juin 1994, Loyen c/État et divers, req. n° 89 2254, 89
2296, 93 1206 et 93 2198. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour administrative
d’appel de Nancy du 31 décembre 1997.
93. Par jugement du 17 octobre 1996, le tribunal administratif de Lille a annulé les
décisions de placement d’office concernant Mme Anne Marie Bacquet et lui a accordé une
indemnité de 50 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 juin 1989. Par jugement
du 20 juin 1996, ce même tribunal a annulé les décisions d’internement en placement
d’office de M. Michel Lempereur et a condamné l’État à verser au requérant la somme de
80 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 1989.
94. Par jugement du 14 avril 1995, le Tribunal administratif de Paris a ainsi accordé 5 000 F
d’indemnité à Mlle Gilberte Nollet, après avoir annulé, par un précédent jugement du
5 janvier 1994, l’arrêté de placement d’office qui la frappait.
95. Le Tribunal de grande instance de Paris a ainsi accordé 80 000 F de dommages et
intérêts à Mme Petit (jugement du 5 avril 1993) et à Mme B. (jugement du 9 mars 1992), mais
la Cour d’appel de Paris a ramené cette somme à 50 000 F, augmentés de 20 000 F pour
frais de procédure (arrêt Petit du 5 juillet 1996). Par ses jugements concernant les affaires
Loyen, Lempereur et Bacquet, le tribunal administratif de Lille a également tenu à réparer
le défaut d’information né de l’absence de notification des actes durant l’internement
comme lors de la sortie.
96. Par arrêt du 9 mars 1993, la cour administrative d’appel de Lyon a ainsi accordé une
indemnité de 1 000 F à la requérante, en réparation du préjudice né de l’absence de notifi
cation de l’arrêté de levée de placement d’office du 19 octobre 1963. Précédemment, par
arrêt du 22 octobre 1986, le Conseil d’État avait posé « que si la décision du préfet mettant fin
à l’internement d’office de Mme Doursoux a fait l’objet des notifications prévues par l’article L. 347
du code de la santé publique, aucune notification n’a été faite à Mme Doursoux ; que le préfet était
tenu, même en l’absence de texte l’imposant expressément, de notifier cette décision à la personne
qu’elle concerne directement ; qu’ainsi, en n’informant pas Mme Doursoux qu’il avait décidé de
mettre fin à son internement d’office le 15 mars 1971, le préfet de la Charente a commis une faute
de nature à engager la responsabilité de l’État » (arrêt n° 35.666 du 22 octobre 1986).
162 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
97. Cour d’appel de Paris, Mme B., 7 juillet 1994, M. Christian Menvielle, 31 mai 1996 ; Cour
de cassation, Ledrut, 22 novembre 1995.
98. Tribunal administratif de Strasbourg, 14 octobre 1997, M. Aurélio Maronese
c/ministre du Budget, req. n° 93 2035. La solution adoptée par le tribunal a été approuvée
par la conférence de stage des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, le
13 avril 1999, par 13 voix contre 7 (Les Petites Affiches, 20 avril 1999, n° 80, p. 2).
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 163
pera, toutefois, à un tel contrôle, puisqu’elle n’a pas été soumise au Conseil consti-
tutionnel, par négligence manifeste du gouvernement et des assemblées. La
France risque ainsi d’être bientôt placée dans une curieuse situation qui consistera
à voir sanctionné, comme inconstitutionnel, l’internement administratif, initié par
la loi du 30 juin 1838, et perdurer ce même système de l’internement administratif
sous l’empire de la loi du 27 juin 1990. Par ailleurs, le contrôle de constitutionna-
lité des législations antérieures au 4 octobre 1958 risque de déboucher bientôt sur
la réaffirmation de la compétence exclusive du juge de l’ordre judiciaire à
connaître, tant du bien-fondé que de la régularité formelle des décisions adminis-
tratives d’hospitalisation sans consentement (HO et HDT). La compétence du juge
administratif repose, en effet, sur l’ordonnance du 31 juillet 1945 – qui fait du
Conseil d’État le juge de droit commun des décisions administratives – comme sur
les lois des 16-24 août 1790 et sur le décret du 16 fructidor de l’an III, qui imposent
une séparation stricte des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire. Or, par décision
224 DC du 23 janvier 1987, le Conseil constitutionnel a établi que ces lois du
XVIIIe siècle n’ont aucune valeur constitutionnelle. Tout en rappelant la réserve de
compétence de la juridiction administrative, il a en outre expressément rappelé
l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire 99, au premier rang
desquelles figure, bien sûr, l’atteinte à la liberté individuelle (article 66 de la
Constitution). L’ordonnance de 1945 ne peut donc plus faire obstacle à la compé-
tence du juge de l’ordre judiciaire à connaître de la légalité, tant interne (bien-
fondé) qu’externe (régularité formelle), des décisions d’hospitalisation d’office ou
à la demande d’un tiers, comme à sa compétence à annuler les actes fautifs de
l’Administration, privatifs de liberté. Remarquons que cette unification du conten-
tieux entre les mains du juge de l’ordre judiciaire, qu’appellent de leurs vœux
certains juristes 100 et les associations de patients, ne concerne pas seulement le
contentieux indemnitaire, mais aussi celui de la procédure de la sortie judiciaire.
101. Tribunal de grande instance de Paris, Mme Juliette Brindejonc c/agent judiciaire du
Trésor et autres, 16 décembre 1996.
102. Sieur Chirpatris c/centre hospitalier du Mans, req. n° 31.475 et 31.636.
103. Sur ces questions de compétence, voir notamment arrêt Conseil d’État, 11 mars 1996,
commune de Saint Herblain, JCP n° 22743, p. 483 486, note F. Mallol.
104. La cour administrative d’appel de Douai, saisie de ce moyen dans le cadre de la
requête n° 99DA00773, Omer Vermeersch c/État et autres, a néanmoins écarté le moyen
par arrêt du 28 juin 2001, le tribunal administratif de Lille s’étant, préalablement, déclaré
incompétent à connaître du caractère approprié des traitements psychiatriques adminis
trés dans le cours d’un internement (jugement du 24 juin 1997). Voir également les
jugements pris par le tribunal administratif de Versailles dans le cadre de l’affaire André
Bitton c/CHS de Perray Vaucluse par lesquels le tribunal se considère incompétent à
connaître du préjudice né des fautes entachant la décision de placement (jugement
n° 971814214 du 20 décembre 2000) et des traitements éventuellement inappropriés
administrés dans le cours d’un internement, mais se déclare en revanche compétent à
juger de ces mêmes traitements délivrés lors d’une hospitalisation libre (jugement
n° 9704164 6 du 26 février 2001 et n° 975395 du 26 février 2001) ou en ambulatoire dans le
cadre d’un centre médico psychologique (jugement n° 993938 et 004670 du 12 mars 2001).
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 165
105. Tribunal administratif de Paris, 6 décembre 1999, Denis Buican c/ville de Paris et
État.
106. Tribunal administratif de Marseille, 3 octobre 2000, req. n° 97 7156.
107. Tribunal administratif de Marseille, 3 octobre 2000, req. n° 97 4286.
108. Tribunal administratif de Marseille, 3 octobre 2000, req. n° 97 6568.
109. Cour administrative d’appel de Bordeaux, Ph. Bernardet c/CHS de Cadillac sur
Garonne, 25 novembre 1995 et 14 octobre 1996. Par ce dernier arrêt, la cour s’est en outre
refusée à rectifier l’erreur matérielle contenue par le premier, présentant le requérant
comme ayant été lui même interné, au même titre que son correspondant, à l’annexe de
force de Boissonnet… En effet, le droit administratif français ne permet de rectifier que les
erreurs matérielles ayant préjudicié à l’examen du fond de l’affaire, ce qui, d’après la cour,
n’était pas le cas… Cette dernière question est l’objet de deux instances pendantes devant
le tribunal administratif de Paris, dirigées contre le président de la République et contre
le Premier ministre, instances enregistrées sous les nos 0004727/7 et 0004733/7. Dans le
cadre d’une seconde affaire, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré qu’une
simple limitation du droit de correspondance ne constituait pas une faute (jugement
n° 992117 du 6 février 2001, Philippe Bernardet c/CHS de Cadillac. Ce jugement est l’objet
d’un appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, requête 01BX01028).
166 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
malades difficiles à deux par mois et en leur interdisant de donner toute communication
téléphonique, le médecin-chef […] a méconnu les dispositions du règlement intérieur de
l’unité ; d’autre part que le CHS de Sarreguemines ne pouvait légalement avoir
instauré, par la décision verbale contestée, un contrôle de la correspondance reçue ou
adressée par les malades hors des cas et des garanties prévues par les stipulations
conventionnelles » de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales 110.
Si la jurisprudence nationale a évolué ces vingt dernières années, il fallut
néanmoins attendre les années quatre-vingt pour voir trancher des questions
aussi fondamentales que l’exigence de la persistance d’un trouble mental et d’un
danger pour justifier la prolongation d’un internement (arrêts de la Cour consti-
tutionnelle italienne), la nature du danger susceptible de fonder une telle
mesure (arrêt de la Cour de cassation néerlandaise), la légalité formelle des
décisions administratives d’internement (jurisprudence administrative
française), comme pour voir sanctionner quelques médecins, auteurs de certifi-
cats médicaux frauduleux. Il fallut encore attendre les années quatre-vingt-dix
pour commencer à voir se préciser les droits des patients à choisir les modalités
de leurs traitements, notamment consacrer leurs droits de refuser des prescrip-
tions de neuroleptiques (jurisprudence helvétique), comme il fallut attendre le
milieu des années quatre-vingt-dix pour commencer à voir, en France, se
déblayer les délicates questions de compétence respective des juridictions
administratives et judiciaires en matière de contentieux de l’internement et de
traitement psychiatrique. Ce seul constat suffit à montrer dans quel état de non-
droit ont jusqu’alors été tenus les malades mentaux ou supposés tels, malgré les
garanties que la loi était censée leur apporter. Un tel constat pose naturellement
la question des conditions d’accès à la justice par la personne objet de telles
mesures et traitements.
relation avocat-client n’en est pas moins en butte aux tensions, aux malen-
tendus, aux attentes parfois paradoxales du client. Celui-ci rémunère une
personne qui devient « son avocat », qu’il entend bien souvent avoir à son
entière disposition. Il sollicite de sa part une attention de tous les instants
comme s’il était son seul client, tout en exigeant de lui les conseils d’un « spécia-
liste » qui traiterait quotidiennement des dossiers du même type. Que le client
soit l’objet d’une prise en charge psychiatrique ne change a priori rien à l’affaire.
Tout ce qui définit la relation avocat-client reste valable : nécessité d’une
confiance mutuelle, échange d’informations et de pièces, collaboration du client,
exigence d’une réelle compétence de l’avocat et attente de résultats. Mais
l’ensemble est ici plus difficile, plus aléatoire, pour deux raisons essentielles, qui
tiennent à la place particulière que la société, et donc la Justice, fait au malade
mental. D’abord, lorsque l’avocat intervient, son client est ou a été interné, le
plus souvent contre son gré, dans un établissement psychiatrique, dont nous
verrons qu’il échappe, pour l’avocat, à toutes les codifications qui régissent un
établissement pénitentiaire, d’où des entraves à la fois pratiques et psycholo-
giques. Ensuite, n’oublions pas, comme nous l’avons vu, que dans la plupart des
pays européens, lorsque le malade mental commet une infraction, il n’est pas
pénalement responsable dès lors qu’il était atteint, au moment des faits, d’un
trouble mental ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. Il ne
répond donc pas de ses actes devant un juge et devient « hors champ ». A fortiori
lorsqu’il est victime et qu’il revendique des droits comme les autres, il est diffi-
cilement reconnu par le système judiciaire comme sujet de droit. Ce qui, on en
conviendra, complique singulièrement la tâche de son conseil. La pratique des
avocats montre ainsi à quel point droit et psychiatrie ont du mal à cohabiter, ce
au détriment des droits des malades, et simplement du respect dû à chaque être
humain.
Les avocats sont peu habitués à quitter leurs cabinets et leur confidentialité
pour rencontrer leurs clients. Leurs règles professionnelles leur imposent en
effet, notamment en France, de recevoir leurs clients dans leurs cabinets, et si les
circonstances l’exigent, en tout lieu compatible avec la dignité de la profession
et qui préserve l’indépendance et le secret professionnel. À l’exception de
certains avocats d’affaires qui assistent aux conseils d’administration d’entre-
prises ou de ceux qui assitent à des réunions de copropriété, seuls les avocats
pénalistes doivent quitter leurs cabinets pour aller voir leurs clients, puisqu’ils
résident dans un lieu d’enfermement : la prison. L’hôpital psychiatrique est
aussi un lieu d’enfermement, d’où la comparaison avec la prison. Cette compa-
raison, éclairante à plus d’un titre, permet d’appréhender les difficultés spéci-
fiques que rencontre l’avocat qui défend une personne internée.
En prison, les détenus peuvent communiquer avec l’extérieur, notamment
avec leur avocat. Ils peuvent lui écrire, recevoir des lettres, en vertu de la loi qui
garantit les droits de la défense. Sans discussion et sans discrimination, en
170 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
exécution de textes précis, la communication de l’avocat avec son client est très
clairement prévue, organisée et garantie. Dès lors que le détenu l’a désigné et en
a informé le juge, l’avocat se voit remettre un permis de visite qui l’autorisera,
muni de sa carte professionnelle, à rencontrer son client en toute tranquillité
dans un parloir spécialement aménagé à cet effet, seul à seul, pendant la durée
qu’il souhaitera. En France, tout cela est réglementé par le Code de procédure
pénale et par ses circulaires d’application, strictement interprétés et sanctionnés
en cas de non-respect.
Rien de tel à l’hôpital, malheureusement. Avant la loi du 27 juin 1990, aucun
texte ne précisait que le malade mental enfermé disposait de ses droits les plus
élémentaires : pouvoir communiquer avec l’extérieur et bénéficier de l’assis-
tance d’un avocat. Pour les patients hospitalisés sans leur consentement, l’article
L. 326-3 (actuel art. L. 3211-3) du code de la santé publique a de plus intégré les
garanties rappelées par la convention européenne des droits de l’homme, sur
lesquelles nous reviendrons plus loin en détail, et notamment, le droit :
– d’être informé dès son admission, et par la suite à sa demande, de sa situation
juridique et de ses droits ;
– de prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix ;
– d’émettre ou recevoir des courriers ;
– de consulter le règlement intérieur de l’établissement et recevoir les explica-
tions qui s’y rapportent.
Malheureusement, le non-respect de ces dispositions n’est assorti d’aucune
sanction efficace et rapide. Or, si le médecin s’oppose à ce que l’interné prenne
tout contact avec l’extérieur, comment le malade pourra-t-il concrètement faire
respecter les droits dont il dispose, mais dont le plus souvent il ignore jusqu’à
l’existence ? Aujourd’hui encore, le texte de la loi du 27 juin 1990 n’est guère
diffusé. De plus, l’information est rarement transmise de façon adéquate compte
tenu de l’état de faiblesse dans lequel se trouve le patient. Par ailleurs, les décrets
relatifs à l’instauration d’un règlement intérieur ne sont toujours pas publiés.
Finalement, on peut considérer que les droits de la défense sont plus clairement
définis et protégés pour un détenu pour vol, viol ou assassinat, jugé pénalement
responsable, que pour un malade mental qui n’a commis aucune infraction. En
tout état de cause, le respect des droits du patient reste à la discrétion de
l’hôpital.
En détention de droit commun, les règles sont claires : du gardien au direc-
teur de prison, chacun exécute purement et simplement les instructions d’un
juge. Ils ne sont pas responsables de la détention, ni appelés de quelque manière
que ce soit à influer sur son cours. Seul le juge ordonnera la mise en liberté. À
l’hôpital au contraire, ceux qui soignent, gardent, organisent la communication
du malade avec son avocat, ne sont pas étrangers au processus d’enfermement.
Pour le patient, le médecin est à la fois un soignant, avec la relation de confiance
que cela implique, et un « juge » qui « statue » sur sa privation de liberté. En
France, c’est encore le médecin hospitalier qui rédige les certificats légaux qui
permettent au directeur de l’établissement pour l’hospitalisation à la demande
d’un tiers, ou au préfet pour l’hospitalisation d’office, de décider de maintenir
l’intéressé enfermé ou non. C’est également le médecin hospitalier qui formule
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 171
bouteilles à la mer qu’à une démarche raisonnée : il est parfois plus facile pour
un interné d’adresser une lettre au président de la République, à Amnesty
International ou à la Ligue des droits de l’homme, voire au procureur de la
République, que de prendre contact avec un avocat en disposant de ses coordon-
nées. Il faut encore pouvoir téléphoner, mais l’usage du téléphone est soumis à
des conditions prohibitives. En France, par exemple, téléphoner ne fait pas
partie des droits élémentaires prévus par l’article L. 3211-3 du code de la santé
publique, même si, nous l’avons vu, la jurisprudence prohibe toute limitation
manifestement excessive. Il faut néanmoins que l’établissement dispose de
cabines indépendantes accessibles aux malades. Les intéressés doivent donc
posséder cartes ou pièces pour pouvoir les utiliser. Et, dans ce contexte, la
communication avec l’avocat ne bénéficie pas d’un traitement particulier.
Quand elle peut avoir lieu, les règles de la confidentialité ne sont pas toujours
respectées : comment, en effet, expliquer que l’on se sente injustement privé de
liberté et maltraité lorsqu’on téléphone au milieu des infirmiers ou des médecins ?
De plus, certaines cabines téléphoniques d’établissements, lorsqu’elles sont
mises à disposition des patients, font parfois l’objet d’écoutes administratives. Il
est vrai qu’en règle générale, un détenu n’est pas autorisé à téléphoner à son
avocat, mais il peut lui écrire et recevoir ses courriers, lettres qui ne seront ni
retenues ni lues par l’Administration. Pour l’interné, c’est une autre histoire. En
France, la loi rappelle que toute personne hospitalisée sans son consentement a
le droit d’émettre et de recevoir du courrier. Des sanctions pénales sont prévues
si le directeur retient un courrier destiné à la commission départementale des
hospitalisations psychiatriques ou au procureur de la République ou encore au
président du tribunal. Cependant, ces sanctions pénales ne sont prononcées
qu’après plainte et instruction, c’est-à-dire à l’issue d’une procédure longue de
plusieurs mois, voire de plusieurs années, où il faudra que l’intéressé prouve
qu’il a rédigé des lettres qui ont disparu. Vaste programme, et peu de jurispru-
dence en la matière… De surcroît, cette protection ne concerne pas le courrier de
l’avocat. Ainsi, le règlement intérieur d’un centre spécialisé précisait à ce sujet,
avant la loi de 1990 : « À l’exception des lettres adressées aux autorités et visées à
l’article 29 de la loi du 30 juin 1838, le médecin chef de service a le droit de contrôler et
au besoin retenir la correspondance reçue par les malades de son service ou adressée par
eux. » S’agissant de l’unité pour malades difficiles (UMD) de cet établissement, le
courrier est par principe ouvert et lu dans des conditions déterminées par le
médecin responsable. C’est d’ailleurs le médecin qui apprécie le moment où
cette censure prend fin, pour qui et dans quelles conditions. De plus, il n’existe
manifestement pas d’exception pour le courrier de l’avocat. Le médecin reste
donc le seul maître, si ce n’est de la censure, du moins de la confidentialité du
courrier échangé. Les lettres sont souvent lues, plus ou moins discrètement, en
bafouant le secret de la correspondance avec l’avocat, principe que même la
prison ne viole pas. Certaines lettres des clients parviennent ostensiblement
ouvertes ou bien grossièrement refermées, ou plus élégamment et non moins
ouvertes, refermées et signées : « Ouvertes par le vaguemestre. » Faut-il dès lors
s’étonner de recevoir d’anciens internés des lettres barricadées de scotch ? Faut-
il vraiment mettre ces luxes de précaution sur le compte de leur paranoïa ? Un
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 173
avocat signale qu’après l’une de ses réclamations, un médecin lui avait remis
une dizaine des lettres destinées à des tiers, lettres qu’il retenait écrites par l’un
des clients de cet avocat, sous prétexte que sur l’enveloppe de l’une d’elles était
dessiné un cercueil. Il n’était pas venu à l’idée du médecin, d’en parler avec
l’intéressé, de lui rendre le courrier en lui faisant remarquer la présence de ce
dessin, ou de lui demander de modifier l’enveloppe. Sa première réaction avait
été de retenir l’ensemble de cette correspondance. Tout cela n’augure naturelle-
ment pas d’une communication facile avec l’autorité médicale.
En Belgique, l’article 32 de la loi du 26 juin 1990 dispose également qu’au-
cune requête ou réclamation ne peut être retenue, mais cette protection s’étend
à toute correspondance adressée au malade ou par le malade, qui ne peut être
retenue ou supprimée. Des sanctions pénales sont également prévues en cas de
violation de cet article. Magistrats et inspecteurs du ministère de la Santé
publique exercent le contrôle sur l’application de la loi. Une visite des institu-
tions est prévue au moins une fois par an, qui permet notamment le contrôle du
règlement intérieur des services psychiatriques dont les dispositions ne peuvent
pas porter atteinte aux droits fondamentaux du malade pendant son séjour à
l’hôpital, dont le droit à la communication. Le texte est donc plus protecteur que
la loi française, mais dans les faits, que se passe-t-il ? L’association The Flemish
Survivor’s Movement répond :
« Les lettres envoyées par les patients aux autorités, et notamment à l’inspection du
Ministère de la Santé publique, n’obtiennent aucune réponse.
Lorsque j’écris au procureur du roi ou au juge de paix (dans ma position de personne
de confiance), je n’obtiens aucun résultat et quelquefois aucune réponse.
L’article 37 de la loi envisage l’application de sanctions pénales. En réalité, ces
infractions ne sont jamais sanctionnées, même quand le patient est assez fortuné pour
prendre les conseils d’un bon avocat.
Je me suis aperçue que la correspondance était ouverte et retenue. »
On le voit, en Belgique comme en France, la loi peine à se faire respecter. Le
même schéma se reproduit régulièrement. Une personne téléphone à l’avocat
pour lui demander de venir la voir et la défendre. Ce conseil lui demande de lui
écrire pour le lui confirmer. Il a en effet besoin d’un mandat exprès pour pouvoir
engager une procédure, demander la communication du dossier ou tout simple-
ment pénétrer à l’hôpital. Les jours passent et il ne reçoit rien. L’interné s’impa-
tiente du silence de son avocat, le rappelle, lui réécrit et insiste sur le fait qu’il a
bien envoyé du courrier. De téléphone en fax à la direction, tout le monde affir-
mera que cette personne n’a jamais écrit à l’avocat (il est fou d’ailleurs… rien
d’étonnant), et puis très étrangement, le conseil recevra quelques jours plus tard
toutes les lettres de son client d’un seul coup. Ce scénario se répète fréquem-
ment, si l’on en croit du moins l’expérience des quelques avocats spécialisés
dans ce domaine.
Contraindre l’hôpital à respecter la loi nécessite en fait d’engager une procé-
dure. Des procédures d’urgence existent (référé d’heure à heure) pour faire
cesser le trouble illicite que sont la violation de la correspondance ou l’interdic-
tion de prendre contact avec un médecin ou un avocat de son choix, à moins que
la question ne relève, comme en France, du droit administratif. Mais encore une
174 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
fois, l’interné n’a pas les moyens, ni financiers ni intellectuels, de lancer une telle
procédure, qui nécessite l’intervention d’un avocat et des contacts extérieurs,
notamment l’intervention d’un huissier lorsque la juridiction civile est compé-
tente, ce qui survient en France lorsque la personne est détenue dans un établis-
sement privé. Sinon, il s’agit de procédures longues et difficiles, dont le résultat
se fait attendre. Et puis l’enfermement créé l’urgence : être privé de sa liberté
quand on estime que c’est injuste, est insupportable. L’urgence est de saisir un
juge pour sortir et non de faire de la procédure pour faire respecter des textes
préservant les droits de l’homme. L’urgence contraint d’ailleurs l’avocat à
abandonner parfois la défense des principes pour « bricoler » (sortie du courrier
par des visiteurs, etc.) afin de répondre à la demande du client plutôt que de
saisir le juge. Ceci n’est pas non plus de nature à conforter la relation de
confiance entre l’interné et son avocat, non plus qu’avec l’équipe médicale.
L’intéressé ne tarde pas à découvrir, en effet, que s’il dispose de garanties, elles
ne sont pas aisément consacrées dans les faits, et que son avocat est bien impuis-
sant à faire sanctionner les manquements par un juge. En revanche, il pourra
découvrir que ce qu’il lui était interdit la veille lui est soudainement autorisé.
Il semble que les dispositions sont plus protectrices au Royaume-Uni. Le
Mental Health Act de 1983 précise, en effet, comme celui de 1959, les dispositions
applicables selon la nature et le lieu de détention. Il est d’abord rappelé que le
courrier des personnes hospitalisées avec leur consentement ne peut être retenu,
ni lu. Dans les NHS Hospitals (lieux publics d’enfermement), le courrier expédié
ne peut être retenu que si le destinataire a expressément demandé à ne pas
recevoir de lettres du malade. Le courrier reçu n’est ni lu ni retenu. Pour ceux
qui sont enfermés dans des hôpitaux spécialisés, il peut y avoir une retenue de
l’envoi du courrier pour des raisons précises et définies (refus du destinataire,
danger pour un tiers, etc.), dans l’intérêt du malade. Le courrier peut aussi être
ouvert, mais le malade doit au moins en être informé dans un délai de sept jours,
et il dispose d’un recours. En tout état de cause, les courriers reçus de ou
envoyés à un avocat ne peuvent être retenus et donc, a priori, ils ne devraient pas
être lus. Il n’existe pas, semble-t-il, de textes sur la censure 111.
Pour l’avocat, visiter son client interné pose également de nombreux
problèmes. De son côté, la loi belge stipule très clairement en son article 32 :
« Dans tout service psychiatrique, le malade peut recevoir la visite de son avocat et du
médecin de son choix et, conformément au règlement intérieur, de la personne de
confiance ou, sauf contre-indication médicale, de toute autre personne. » En France, le
principe du droit de visite est posé, mais pas ses applications concrètes. En
l’absence d’un règlement intérieur type qui s’imposerait à tous les établisse-
ments, l’aléa reste la règle. Vouloir rencontrer un client privé de visites pour des
raisons thérapeutiques ressemble dès lors à un parcours du combattant. Pour y
parvenir, il faut engager de multiples démarches, et souvent insister. Point
d’horaires fixés ou bien au contraire des horaires très stricts. Point de lieu
aménagé pour préserver l’intimité de l’entretien. Un exemple parmi tant
111. Voir à ce sujet, Larry Gostin, A Practical Guide to Mental Health Law. The Mental Health
Act 1983 and Related Legislation.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 175
d’autres : dans l’un des pavillons, récemment repeint, tout semble avenant
(distribution d’un plan de l’hôpital à l’arrivée, horaires libres) ; il faut simple-
ment que l’avocat prévienne et passe d’abord par le bureau du médecin chef,
pour un entretien informel destiné à savoir qui est cet avocat (où il n’est jamais
question de fournir à l’avocat des informations sur son client) ; l’avocat sera
ensuite conduit dans un service fermé et abandonné dans la chambre de l’inté-
ressé, lequel est couché à moitié nu sur son lit. L’informer de cette visite eût sans
doute été un luxe inutile, comme de lui permettre de s’entretenir avec son
conseil dans une situation et une tenue respectant sa dignité. Cela ne pouvait
que confirmer l’image entretenue : l’intéressé est le malade qui déraisonne, et
l’avocat est un médecin, la raison est de son côté. Il est intéressant de constater
qu’en Angleterre, la charte des usagers des services de santé mentale prévoit de
façon plus générale le droit au respect de la dignité humaine, et notamment la
possibilité que les entretiens, les conseils, les consultations, les conversations
personnelles puissent avoir lieu sans être écoutés ou interrompus.
En France, si avant ou après cet entretien l’avocat souhaite prendre connais-
sance du dossier administratif (n’étant pas médecin, il ne verra pas les certificats
médicaux, même s’ils sont à l’origine du placement et du maintien), c’est encore
une partie de quitte ou double qui devra se jouer : réaction de panique, appels
téléphoniques en série vers la direction ; refus catégorique, la plupart du temps,
et sentiment d’une impunité totale. « Puisque vous allez nous attaquer, vous en
prendrez connaissance à ce moment-là. La détention est forcément régulière. Il n’y a pas
d’internement abusif… » Toutes ces réflexions alors même que le conseil ne
demande qu’à voir le livre de la loi pour procéder à des vérifications élémentaires
ou tout simplement pour pouvoir informer son client de sa situation réelle. Il
arrive, mais c’est rare, que l’on puisse prendre connaissance simplement et sans
difficulté de ces documents. Dans un tel contexte, il est difficile pour l’avocat de
faire son travail, et le client qui a du mal à comprendre que lui non plus n’ait pas
accès à ces informations, tend à douter de la sincérité de son avocat. C’est le
climat de confiance entre l’intéressé et son conseil qui en pâtit.
Au-delà de ces anecdotes, les principes restent les mêmes : si l’avocat est
incontournable, qu’il fasse son travail est vécu comme une agression. Il existe
cependant des services où cette communication s’établit désormais de plein
droit, sans difficulté, et où le médecin l’encourage comme une démarche d’auto-
nomisation du malade, pour favoriser son retour dans la société. Ces comporte-
ments demeurent toutefois exceptionnels, du moins en France. En outre, la
personne internée reçoit, généralement sans son avis, un traitement à base de
neuroleptiques puissants. Si elle a pu solliciter les services d’un conseil, le
dialogue sera donc souvent difficile, parfois impossible. La personne tente, la
voix pâteuse et la bouteille d’eau à la main, de dire, de réunir quelques mots :
« Je ne me sens pas bien, je veux sortir. » Les mains tremblent, et les plaintes portent
surtout sur le traitement imposé de force et sa cohorte d’effets secondaires.
L’avocat doit alors apprendre à communiquer, à construire un dossier, mandat
qui demeure fragile dans ces conditions. Et comment discuter l’avis médical ?
L’internement apparaît, sous cet angle, fondé, et l’abrutissement n’aidera pas à
penser le contraire. Dans certains services, si l’on dit simplement qu’un avocat
176 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
va vous rendre visite, les doses sont doublées. Les pressions médicales s’exer-
cent dans un sens comme dans l’autre. La situation personnelle de l’interné peut
brutalement s’améliorer à quelques heures avant l’arrivée de l’avocat : droit de
sortir dans le parc, de téléphoner, de récupérer quelques affaires personnelles,
amélioration du confort de la vie quotidienne, toutes ces demandes jusque-là
vainement formulées sont soudainement satisfaites. Mais l’inverse aussi existe.
Un avocat peut représenter une forme de provocation qui vaut de petites
punitions : pressions intervenues avant la visite, après, avant la procédure, à
tout moment, qui perturbent plus encore le malade. Au Royaume-Uni, ce
problème se pose aussi et de façon plus large dans une charte spécialement
élaborée. Il s’est en effet avéré nécessaire de proclamer le droit du malade de
déposer plainte ; cette plainte doit être instruite et l’intéressé doit être informé
rapidement de son suivi ; le malade ne doit pas être « victimisé » parce qu’il a
déposé plainte. Il est également stipulé expressément que le dépôt d’une plainte
ne doit entraîner aucune conséquence sur le traitement et que l’on ne doit pas
craindre les pressions.
En France, l’avocat n’a définitivement pas sa place à l’hôpital où tout le
monde agit pour le bien de l’intéressé, du médecin à l’infirmière, en passant par
l’assistante sociale. Tout ce bien réuni est indiscutable, surtout lorsqu’il est
prodigué par des gens qui savent, qui ont les connaissances, les diplômes et le
pouvoir de l’expérience. L’avocat est alors l’intrus de l’histoire, celui qui vient
introduire une dualité, un contradictoire, une discussion, voire une remise en
cause. Le malade est généralement perdu entre tous ces gens qui agissent pour
son bien, ce qui ne l’aide guère à clarifier ses rapports, tant avec l’équipe
soignante qu’avec son avocat. S’il suit les conseils de ce dernier, il ne tarde pas à
s’opposer au médecin qui lui a promis une sortie rapide à condition de prendre
son traitement. L’autorité médicale conditionne ainsi fréquemment la sortie à
l’abandon de la procédure ; ou, plus insidieusement, le médecin explique à
l’intéressé que dorénavant le juge en décidera, puisqu’il l’a saisi. Il lui faudra
néanmoins attendre plusieurs mois avant d’obtenir une décision. S’il n’avait pas
diligenté de procédure, tout aurait été plus vite… Ainsi l’interné ne tarde-t-il pas
à penser qu’il a été mal conseillé, qu’il a un mauvais avocat. À tout le moins, ces
procédés placent le conseil en porte-à-faux, dans la mesure où aucune collabo-
ration entre médecin et avocat n’est encore possible. Car l’information est fausse
du point de vue juridique. Si le médecin estime que les conditions de l’hospita-
lisation sous contrainte ne sont plus réunies, il peut en effet, à n’importe quel
moment, rédiger un certificat de sortie en cas d’hospitalisation à la demande
d’un tiers, ou, lors d’une hospitalisation d’office, adresser un certificat au préfet.
Si, parfois, les préfectures sont réticentes ou lentes à rapporter l’arrêté de place-
ment, la procédure de sortie devant le juge engagée, en parallèle, accélère
souvent, au contraire, le processus administratif. Le chantage est erroné ; mais
comment l’interné peut-il le savoir, lui qui ignore sa situation juridique et ses
droits ? Qui croire entre l’avocat et le médecin, qui se posent tous deux en
protecteurs et garants de ses droits ? Si l’avocat a pu résister face à ce conflit
soigneusement entretenu, l’intéressé a en revanche de quoi y perdre la tête !
Seule solution : la confrontation.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 177
Écrire, attendre sont les premiers obstacles. Ce dossier doit être enregistré. Et,
pour l’être, il doit être accompagné de multiples pièces dont il faut joindre une
copie. Cela revient à une mission impossible en milieu fermé. Il est exact qu’en cas
d’urgence, le président saisi d’une demande de mise en liberté peut désigner
d’office un avocat à titre provisoire, mais à charge pour lui de compléter ensuite
le fameux dossier. Il faut toutefois déjà avoir réussi à saisir le tribunal, l’avocat
étant a priori désigné d’abord pour être informé de ce que l’on peut faire et ensuite
pour pouvoir saisir ce même tribunal. Il est encore possible, en introduisant la
demande d’aide juridictionnelle, avant toute demande de sortie, de solliciter du
procureur de la République le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire. Mais
qui le sait parmi les internés ? L’instruction de la demande de secours est en outre
parfois fort longue, selon les juridictions. Elle peut prendre plusieurs mois. Un
avocat français faisant part de son expérience signale d’ailleurs s’être vu exposer
par un magistrat la procédure mise en place lorsqu’il se trouvait saisi d’une
demande de sortie judiciaire par lettre, alors qu’il estimait devoir appliquer les
règles du référé, lesquelles imposent l’assignation de l’adversaire par voie d’huis-
sier. Il se rendait habituellement sur place pour rendre visite à l’intéressé et
n’oubliait pas de se munir d’un formulaire vierge d’aide juridictionnelle. L’on
imagine l’impression que pouvait faire sur le patient une telle visite, peu
habituelle en France. Le magistrat expliquait à l’interné, lorsqu’il était en état de le
comprendre, qu’il ne pouvait se considérer comme régulièrement saisi par le
courrier reçu. Il lui fallait être en possession d’une assignation délivrée au préfet
ou au chef d’établissement, selon le régime d’hospitalisation. Il exposait encore
que cette assignation supposait le recours à un huissier, que la personne ne
pouvait généralement pas rémunérer. C’est alors que le magistrat complaisant
sortait de son porte-serviette un formulaire d’aide juridictionnelle. Il remarquait
ensuite qu’en remplissant cette demande, non seulement la personne pourrait
obtenir la prise en charge financière des frais d’huissier, mais encore se voir attri-
buer un avocat rémunéré par l’État. Mais il fallait attendre environ six mois avant
qu’une réponse soit apportée, par le bureau d’aide juridictionnelle compétent, à la
demande d’attribution d’aide juridictionnelle. Ce n’est donc qu’après un tel délai
que la procédure de sortie pourrait être mise en route. Après ces explications, le
magistrat remettait le formulaire de demande et s’en allait, non sans recueillir les
remerciements empressés du supposé malade, dont généralement, il… n’enten-
dait plus parler ! Ce magistrat pouvait se vanter de n’avoir qu’une douzaine de
recours à instruire par an, bien qu’il contrôlât trois établissements dont une unité
pour malades difficiles ! L’effet dissuasif du délai d’instruction de la demande
d’aide juridictionnelle avait suffi à désengorger son tribunal…
En Suisse, le tribunal fédéral 113 a eu l’occasion d’établir que même si l’article
397 f alinéa 2 du Code civil prévoit que le juge accorde, en cas de besoin, une
assistance juridique, cette assistance ne saurait concerner les personnes inter-
nées pour maladie mentale. Selon cette juridiction en effet, l’instruction du
113. ATF 107 II 14, JT 1982 I 454. Voir également le commentaire de ce jugement par Rolf
Himmelberger, 1992, p. 11.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 179
Pour l’avocat, la pathologie mentale de son client peut être source de diffi-
cultés, mais elle n’est pas, en quelque sorte, son « sujet ». C’est ce qui fait
d’ailleurs toute la différence avec le médecin psychiatre dont la fonction est
spécifiquement d’affronter et de traiter la maladie. Face à un client malade
mental, l’avocat est d’abord un représentant de la société civile, confronté à
quelqu’un qui a perdu ses repères sociaux. Le malade mental, par définition, est
exclu de la société, du monde du travail, des normes sociales et des codes de
communication communs. Le séjour à l’hôpital, les traitements neuroleptiques
l’excluent plus encore.
Les entraves pratiques rencontrées par l’avocat avec ces clients, sont de ce
fait de même nature qu’avec tout client en situation marginale. Fixer un rendez-
vous et le voir respecté est déjà un exploit. Le client viendra ou ne viendra pas :
c’est toujours la surprise. Dépourvu de repères dans le temps, il est susceptible
de faire irruption à n’importe quel moment, n’importe quel jour, à n’importe
quelle heure, et il comprendra difficilement que l’avocat ne puisse le recevoir.
Incité à rappeler l’avocat occupé au téléphone, il débarquera au cabinet dix
minutes plus tard. Cette absence de repères dans le temps ou dans l’espace pose
indubitablement des problèmes aux avocats. Très difficile aussi – comme
toujours avec des clients socialement démunis, mais particulièrement ici – de
rendre compréhensible à un malade mental la logique du monde judiciaire.
Entre l’avocat et lui, ce sont deux langages, deux mondes avec leurs exigences
différentes qui se heurtent. Plus que tout autre, l’interné a du mal à comprendre
que sa parole ne suffit pas, inonde son avocat de documents inutiles, ne saisit
pas les éléments importants ou accessoires nécessaires à sa défense. Il est
désarmé aussi bien devant la justice-institution que devant son conseil qui parle
le même langage que l’institution : « L’institution cherche à les prendre au piège de
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 181
leur propre parole, le plus souvent maladroite, toujours étrangère à celle de l’institu-
tion », explique Henri Leclerc 114. « Certes l’avocat est là pour traduire leur parole,
mais pour cela il faut la dire, et souvent cette parole qui s’exprime dans une langue
presque étrangère pour eux renforce encore le sentiment d’exclusion de leur propre
affaire. » Henri Leclerc parle là des exclus en général. On ne saurait dire mieux
au sujet des malades mentaux. La pathologie mentale ne vient que renforcer ce
sentiment d’étrangeté. L’avocat doit savoir affronter les discours parfois incohé-
rents, les hurlements soudains, les déambulations dans les couloirs, les agita-
tions diverses, l’irruption au milieu d’un discours raisonné d’un total
irrationnel. Le client peut ainsi être soudain en colère, ou faire sa crise de délire
ou d’humeur sur le palier ou dans le bureau ou se mettre soudain à injurier la
secrétaire sans motifs. Il faut aussi apprendre à ne pas avoir peur de l’autre,
différent, même s’il est impressionnant. Parfois, si le malade souffre d’une
maladie mentale aiguë, il apparaît à l’avocat comme vivant dans un monde
fermé et incompréhensible où la communication est impossible. Mais il peut
aussi apparaître complètement sain d’esprit et capable de donner des instruc-
tions claires, intelligibles et rationnelles. Au cours de la relation, il peut être les
deux à la fois. Par crainte de la désapprobation médicale, il peut renoncer en
cours de route ; il peut aussi avoir peur de quitter l’hôpital. Ces débordements
et revirements en tout genre, conversations qui n’en finissent plus, ou au
contraire clients fantômes, exigent beaucoup de patience, d’humour et aussi
d’autorité de la part de l’avocat. Les travers de la relation classique avocat/client
s’en trouvent exacerbés au plus haut point. Le procédurier va harceler l’avocat
de courriers minutieux, et le paranoïaque va le suspecter à chaque instant de
trahir ses intérêts (lettres interminables, logorrhées téléphoniques…).
« L’avocat est en permanence dans la situation du gardien au moment du penalty.
La pratique lui apprend qu’il a beaucoup d’ennemis réels ou virtuels, son client pouvant
devenir le premier d’entre eux. La gestion des relations avec le client n’est pas ainsi chose
aisée », écrit Alain Weber, en décrivant fort justement les tensions inhérentes à
toute relation avocat/client. « Combien de clients cherchent à manipuler leur avocat.
Le praticien doit maintenir sa vigilance aiguisée pendant tout le suivi du dossier. Il
apprend à accepter d’endosser seul la responsabilité d’un échec quand il survient. Il
apprend aussi à être dépossédé du succès qu’il a obtenu. Il n’y a pas de gratitude à
attendre. Le client ne doit rien à l’avocat même si celui-ci lui a sauvé la vie 115. » La situa-
tion n’est pas fondamentalement différente avec un malade mental, plus
radicale, simplement plus extrême.
Tout cela peut provoquer légitimement chez l’avocat des réactions d’agressi-
vité et de rejet parfois difficiles à maîtriser. On retrouve, vis-à-vis d’un malade
mental qui conteste son internement ou son traitement, les mêmes sentiments
que suscite une victime enfermée dans son statut : la victime provoque d’abord
la sympathie, la compassion, puis à la longue, elle fatigue avec ses plaintes et ses
récriminations, et finit par exaspérer. Elle entretient l’idée que personne ne
114. Henri Leclerc, « Justice et exclusion », dans La Justice, Paris, Autrement, 1994.
115. Extrait de « Pratiques : danse avec les juges », dans La Justice, Paris, Autrement, 1994.
182 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
souvent pas les forces de mener ces procédures souvent complexes et obscures
pour qui n’est pas juriste. À notre avis, l’avocat se doit de rester en marge de
l’association et ne pas interférer dans son fonctionnement. L’indépendance de
chacun peut seule être la garantie d’une réelle liberté d’action et d’une meilleure
efficacité dans la défense des internés. Le Groupe Information Asiles travaille ainsi
en relation avec une quarantaine d’avocats, parfois depuis plus de quinze ans.
Aucun n’a adhéré à l’association, bien que rien ne l’ait jamais interdit dans les
statuts de cette organisation. Certains militants le regrettent, d’autres le déplo-
rent ou ne parviennent pas à le comprendre. Mais l’efficacité de cette association
sur le plan juridique et judiciaire ne résulte-t-elle pas, justement, de cette limite,
qui s’est établie d’elle-même, à l’investissement des avocats dans le combat
mené par cette organisation ? L’association a su ne pas exiger de ces profession-
nels ce qu’ils n’auraient pu donner qu’en se niant, en abandonnant toute spéci-
ficité et, par suite, en limitant leur apport. En revanche, la plupart des cabinets
d’avocats ne peuvent guère assurer une réponse régulière à un courrier parfois
abondant de la part de tels clients. Le rôle d’intermédiaire des associations de
patients est là encore primordial pour éviter que ne se développent des incom-
préhensions, à partir de non-réponses, essuyées par les intéressés, et éviter que
les rapports entre clients et avocats ne se dégradent au point de rendre la
défense des patients impossible. Certains patients finissent d’ailleurs par voir
plus d’une dizaine d’avocats sans que leurs affaires progressent. L’association,
devenue l’interlocuteur privilégié du client, permet de filtrer ou de reformuler
ses demandes, et rend ainsi possible la réponse de l’avocat sur le point technique
utile à la poursuite de la procédure. On aurait tort de minimiser ce rôle de
médiateur ou d’advocate des représentants des associations de patients auprès
des avocats, car il est souvent le garant de la continuité de l’action des intéressés
et du renforcement des droits des patients.
Depuis 1968, nous l’avons vu, le malade mental est en théorie considéré, en
France, comme n’importe quel sujet de droit. Auparavant, en effet, le statut
d’interdiction du psychiatrisé résultait de son enfermement. La gestion de ses
biens était notamment automatiquement confiée à un administrateur spécial
de l’hôpital. Aujourd’hui, l’enfermement et l’incapacité civile ne sont plus
corollaires. Le malade mental, enfermé ou non, doit bénéficier des règles de
procédure civile de droit commun. Il peut donc, en droit, demander sa mise en
liberté ou contester la validité comme le bien-fondé de la mesure d’interne-
ment dont il a fait l’objet, même lorsqu’il est placé sous tutelle.
Voilà pour la théorie. La pratique, malheureusement, se heurte à de multiples
résistances dans le respect des règles de procédure. Les procédures les plus
fréquemment engagées dans les dossiers psychiatriques sont les demandes de
sortie judiciaire et/ou, a posteriori, la contestation de l’internement et la demande
d’indemnisation. Mais ces deux types de procédure sont rendus extrêmement
aléatoires parce que le demandeur est un malade mental. Le code de procédure
184 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
pénale est très précis à toutes les phases de la procédure : le texte réglemente
strictement la forme de la demande de mise en liberté, son mode de transmis-
sion, son enregistrement, le délai de réponse et sa notification qui incombe au
juge d’instruction. En cas de non-respect de ces dispositions, la sanction est sans
appel. À défaut de réponse dans les dix jours à une demande de ce type et dans
les formes, le détenu est automatiquement remis en liberté. Pour une personne
privée de sa liberté par une hospitalisation sous contrainte, l’article L. 3211-12 du
code de la santé publique prévoit que l’intéressé, sa famille, ses amis peuvent à
tout moment et par simple requête saisir le juge des libertés et de la détention
du tribunal de grande instance du lieu d’hospitalisation qui, statuant en la forme
des référés et après un débat contradictoire, ainsi qu’après les vérifications
nécessaires, ordonnera s’il y a lieu la sortie immédiate. Cette procédure d’appa-
rence simple soulève en fait tout au long de son déroulement de multiples
questions, dont nous avons donné quelques exemples, qui égarent l’intéressé
lorsqu’il s’y aventure seul. Au flou de la loi s’ajoute l’intérêt, on ne peut plus
flottant, des instances judiciaires pour ce type de dossier. Les juges méconnais-
sent parfois l’étendue de leur compétence et, par exemple, subordonnent la
sortie à des conditions non prévues par la loi. À défaut d’une formation spéci-
fique, l’avocat se trouve lui-même démuni face au juge, lequel ignore la plupart
du temps les règles applicables, comme le respect du code de procédure civile.
Il est arrivé à l’avocat de devoir fournir l’article applicable dans sa version
récente devant certains tribunaux ou cours d’appel, qui en étaient dépourvus…
Dans chaque situation, l’avocat devra choisir entre céder sur les questions de
procédure, afin d’obtenir l’examen par le juge de la demande de son client dans
l’espoir de sa libération dans les meilleurs délais, ou discuter pied à pied dans
la défense des règles de droit, au risque de voir la procédure s’éterniser
plusieurs mois, voire plusieurs années. Comme le client est enfermé et qu’il y a
urgence à obtenir sa sortie, le choix est généralement vite fait en faveur de la
première attitude, laquelle conduit à renoncer, de guerre lasse, à l’exigence du
respect des lois et à la stricte application du nouveau code de procédure civile.
En cas d’échec, c’est devant la Cour d’appel que la discussion juridique pourra
être menée, au risque à nouveau de différer l’issue du procès. Au travers de la
procédure française, il est possible de voir combien l’application des règles
simples de procédure – convocation, communication de pièces, respect du
contradictoire – devient excessivement complexe quand le demandeur est un
malade mental ; mais ces problèmes se retrouvent également à plus ou moins
grande échelle dans les autres pays européens.
En France, nous l’avons dit, le juge est saisi par simple requête. On pourrait
croire qu’il suffit d’adresser une lettre simple, voire une lettre recommandée, au
tribunal pour que celui-ci soit saisi de la demande et contraint de l’examiner. En
réalité, en droit procédural français, cette notion de simple requête renferme
bien des ambiguïtés, qui, dans de multiples cas, ont provoqué le classement sans
suite des demandes. Ainsi, la saisine d’un tribunal par requête est-elle une des
caractéristiques de la matière gracieuse, c’est-à-dire d’une procédure où le
tribunal ne tranche pas de litige, mais accède ou non à une demande présentée
par un seul requérant et sans adversaire ni débat (exemple : adoption, change-
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 185
116. Sur ces délicates questions, voir notamment Bertrand Louvel, « Le régime procédural
de l’art. L. 351 du Code de la santé publique », La Gazette du Palais, 8 10 mars 1998,
p. 2 17.
186 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Cette façon d’aborder la question nous paraît mieux tenir compte de la situation
réelle des patients.
En France, aucun délai n’est fixé entre la saisine du juge et la date à laquelle
la décision répondant à cette demande doit être rendue. Seule la mention
« statuant en la forme des référés » laisse supposer qu’il s’agit là d’une procédure
d’urgence et qu’en conséquence la décision doit être rapidement rendue. Mais
rien n’oblige le tribunal ayant reçu une requête par lettre recommandée à
audiencer celle-ci à la première date utile. Des problèmes administratifs (vacance
de personnels, nécessité d’adresser les courriers par lettre recommandée, absence
du président, etc.) laissent ainsi toute latitude au tribunal dans l’appréciation de
cette urgence et de ces délais. Il n’existe pas de jurisprudence en la matière. Et,
encore une fois, en l’absence de texte dont il pourrait réclamer l’application et en
demander la sanction, l’avocat ne peut, dans l’immédiat, qu’user de persuasion
et s’acharner à voir fixer une date d’audience en réitérant ses appels, ses téléco-
pies ou ses courriers. Selon l’intérêt du magistrat chargé de ce dossier, la procé-
dure sera plus ou moins rapidement diligentée. Les délais varient donc de
quelques jours à quelques semaines, parfois même quelques mois.
En Belgique, l’article 8 § 1 de la loi précise que le juge de paix doit statuer
dans les dix jours du dépôt de la requête. Il est vrai que, dans la procédure
ordinaire belge, le juge est saisi pour ordonner le placement et non pour faire
droit à une demande de sortie. Toutefois, même en cas de procédure de sortie
judiciaire, il semble possible de fixer un délai par un texte en l’assortissant de
sanction en cas de non-respect.
En raison de l’absence de précisions du texte français ainsi que des diver-
gences d’interprétation sur le caractère gracieux ou contentieux de cette procé-
dure, les pratiques sont encore diversifiées à propos de la tenue des audiences.
Certains considèrent, et notamment le Tribunal de grande instance de Bobigny
il y a quelques années, qu’il n’y a même pas lieu de fixer une audience, mais
directement d’ordonner une mesure d’expertise sans avoir préalablement
convoqué ni l’intéressé, ni les responsables de la mesure, ni même le procureur
de la République. Le tribunal estime qu’il s’agit là des vérifications nécessaires
prévues par l’article L. 3211-12. Il ne fixera une date d’audience qu’après dépôt
du rapport d’expertise, et sans avoir entendu l’intéressé, ni même son avocat.
Aucune discussion sur la validité de la procédure d’internement ne peut alors
intervenir, non plus que sur l’opportunité d’une telle expertise comme sur la
définition de la mission confiée à l’expert. Aussi ne peut-il pas être envisagé
qu’une sortie soit ordonnée sans expertise médicale, au simple examen des
pièces à l’origine du placement, voire des éléments médicaux figurant au dossier
du parquet (certificat de vingt-quatre heures, quinzaine, mensuel), dont la seule
lecture permet parfois de se convaincre de l’inutilité d’une telle mesure.
Quelques années auparavant, le même Tribunal de grande instance de Bobigny
organisait systématiquement une audience dans les plus brefs délais, dès récep-
tion de la requête. L’on voit ainsi que la pratique d’un tribunal peut changer à
l’occasion d’une simple mutation de magistrat, et pas forcément en mieux. Des
divergences opposent également les tribunaux sur les parties qui doivent être
convoquées à cette audience. Ainsi, à trois mois d’intervalle, dans deux tribu-
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 187
naux relevant de la même Cour d’appel, deux décisions contraires ont été
rendues sur la convocation ou non à l’audience des responsables de l’interne-
ment. Pour le Tribunal de grande instance de Bobigny 117, il ne résulte pas de
l’article L. 3211-12 que la personne, l’organisme ou l’autorité à l’origine de
l’entrée du malade à l’hôpital doivent intervenir aux débats, dans la mesure où
le tribunal ne doit statuer que sur l’état présent de la personne retenue. Selon lui,
seul le ministère public peut agir pour la défense de l’ordre public à l’occasion
des faits portant atteinte à celui-ci. Pour le Tribunal de grande instance d’Évry 118
au contraire, il résulte de l’article L. 3211-12 l’obligation, pour le juge, d’entendre
non seulement le malade lui-même, mais également la personne ayant demandé
le placement, et tout spécialement le préfet. La présence aux débats du ministère
public n’assure pas assez cette contradiction, car il a des pouvoirs spécifiques
différents de ceux du préfet. La décision du Tribunal de grande instance d’Évry
semble s’être imposée. Remarquons d’ailleurs que la présence du préfet ou du
chef d’établissement est d’autant plus nécessaire que l’autorité qui a décidé le
placement est aussi celle qui ordonne le maintien en refusant la sortie, ce que ne
fait pas le procureur de la République qui, en l’occurrence, n’a aucun pouvoir de
décision.
En outre, pour que le débat ait lieu, il faut tout d’abord que l’intéressé, qui
demande sa sortie de l’hôpital, soit entendu personnellement. En France, il a
fallu imposer cette audition, qui semble devenue la règle, bien qu’elle ne figure
pas expressément dans le texte. Les difficultés demeurent devant certaines
juridictions qui considèrent que l’avocat le représentant, son client n’a pas à être
entendu, même lorsqu’il est présent à l’audience. De même, les conditions dans
lesquelles la personne est transportée de l’hôpital au tribunal, peuvent être
déterminantes. Certains hôpitaux obtempèrent facilement et conduisent les
intéressés à l’audience pour laquelle ils sont convoqués, d’autres opposent
parfois de la résistance. Si, sur l’insistance de l’avocat, le tribunal estime cette
audition nécessaire, il dispose des moyens de sommer l’hôpital de faire conduire
l’intéressé devant le juge. Le président n’est toutefois pas toujours très enclin à
se retrouver face à un malade mental.
L’audition de l’intéressé et ses modalités sont, on l’a vu, expressément
codifiées par la loi belge (article 7 § 2 et 7 § 5) qui prévoit même que le juge de
paix se déplace du tribunal à l’hôpital pour rencontrer l’intéressé seul, assisté
cependant de son conseil. Ces dispositions sont conformes à la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme.
Au Royaume-Uni, le tribunal doit interroger le malade, mais uniquement si
celui-ci le lui demande. Cette audition n’est donc pas systématique.
Après avoir convaincu le président de l’utilité d’entendre personnellement
son client, l’avocat est confronté à d’autres problèmes. Si tant est que l’hôpital
l’ait effectivement conduit à l’audience, encore faut-il que l’intéresssé soit en état
117. TGI Bobigny, 9 novembre 1987, préfet de police c/Chapuis, Gazette du Palais, 6
8 décembre 1987, p. 19.
118. TGI d’Évry, 10 juillet 1987, préfet de police de Paris c/Delaquaize et autres, Gazette du
Palais, 6 8 décembre 1987, p. 20.
188 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
119. La Commission européenne a ainsi considéré que la demande de copie des pièces,
faite par le conseil de l’intéressé ayant provoqué un report d’audience d’une semaine, a
contribué à allonger la procédure de sortie (déc. Boucheras c/France, 11 avril 1991).
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 189
joué pour l’intéressé, puisque c’est ce même juge qui décide ou non l’enferme-
ment. Il entend donc directement les personnes dont il estime l’audition néces-
saire. Le véritable débat contradictoire prévu par la loi du 26 juin 1990, peut
selon monsieur Brandon, juge de paix, réellement s’instaurer dans ce cadre 120. Il
précise toutefois qu’il en va tout autrement dans la procédure dite d’urgence,
procédure à laquelle les médecins ont majoritairement recours à l’heure actuelle
et où le juge intervient alors que le malade est d’ores et déjà enfermé, traité et
mis en observation par le procureur du roi, souvent depuis une semaine. Dans
ces conditions, l’état initial de l’intéressé au moment de son internement restera
toujours invérifiable, tant par le médecin chargé d’assister le malade que par
l’expert, le juge ou l’avocat. Selon le juge Brandon, le véritable débat contradic-
toire ne peut, en conséquence, s’instaurer. Il faut en outre préciser que le juge de
paix rencontre également fréquemment les médecins lors de l’audition de l’inté-
ressé à l’hôpital. Il peut être amené à les rencontrer séparément. L’avocat doit
être présent à chaque audition, ce qui naturellement accroît la charge du conseil,
souvent commis d’office. Il n’est pas certain qu’en pratique cette règle soit
respectée. Les plaintes réitérées du Flemish Survivor’s Movement ne peuvent que
le laisser penser. Enfin, le caractère contradictoire de l’audience s’exerce de façon
particulière, puisque, en réalité, il n’y a pas de débat entre toutes les parties,
mais des auditions séparées avant le retour du juge au tribunal, où il prend seul
sa décision.
Au Royaume-Uni, le tribunal opère de plus amples vérifications (par rapport
à la France et à la Belgique) puisque la loi prévoit une triple enquête. Le tribunal,
chargé de statuer sur une demande de transfert, de mise en liberté ou de
maintien de l’intéressé, demande systématiquement avant l’audience la remise
de trois rapports :
– un rapport administratif concernant l’hospitalisation de l’intéressé, son état
civil et les précédentes procédures diligentées ;
– un rapport médical le plus récent, faisant l’historique de la maladie et préci-
sant les conditions mentales de la personne ;
– un rapport social à jour, sur la famille du malade, l’attitude de ses proches, les
possibilités d’emploi en cas de libération, la situation financière de l’interné.
Ces vérifications, beaucoup plus complètes qu’en France, devraient
permettre un débat plus ouvert, et surtout alléger la tâche de l’avocat qui, dispo-
sant de moyens plus limités que le tribunal, n’a plus à faire lui-même l’enquête
sociale. Cependant, si le tribunal communique apparemment ces trois rapports
au conseil de l’intéressé, il peut néanmoins décider que certains documents ne
seront pas divulgués à la personne elle-même. Le tribunal doit alors rédiger un
rapport sur les raisons pour lesquelles il entend censurer certains documents
(par exemple si un proche s’oppose à la sortie et l’a indiqué à l’un des enquê-
teurs et ne souhaite pas que l’intéressé le sache). Si l’intéressé n’est pas assisté
d’un conseil, on peut considérer qu’il y a là une violation de la Convention
malade mental, privé de liberté, n’entre pas dans cette catégorie. Ce qui a pour
effet, volontaire ou non, de limiter ici les procédures d’appel. Bien souvent, le
requérant abandonnera les voies de recours. Sinon, il devra être, dans l’urgence,
essentiellement pragmatique, c’est-à-dire dire engager la procédure de droit
commun sans se risquer dans une bataille de principes pour l’accès au droit.
Pour cela, il doit donc se doter d’un représentant supplémentaire en la personne
de l’avoué. Nouvel interlocuteur, nouveaux problèmes de communication. Cette
démarche entraîne, en outre, un surcoût pour sa défense, ou la nécessité de
constituer un nouveau dossier d’aide juridictionnelle avec les difficultés que cela
comporte. Enfin, il n’est pas prévu spécifiquement dans le texte que la procé-
dure d’appel doit être diligentée dans un délai rapide. Ainsi donc, ces affaires,
comme celles de droit commun, peuvent attendre plusieurs mois avant d’être
audiencées. Certes, le code de procédure prévoit-il la possibilité d’accéder à des
délais beaucoup plus courts, en obtenant l’autorisation du président d’assigner
à jour fixe devant la Cour d’appel, mais à quel prix ! Ce procédé, même en droit
commun, reste réservé à une élite économique.
En Belgique, les observateurs relèvent qu’il existe peu d’appels à l’encontre
des décisions rendues par le juge de paix. Phénomène qui s’explique, selon eux,
par l’absence d’information des malades sur l’exercice des voies de recours
(délais, modalités pratiques), ainsi que par le traitement médical.
Imaginons maintenant un malade remis en liberté qui souhaite tout simple-
ment et préalablement à toute procédure connaître les raisons de cet enferme-
ment, afin que son conseil puisse évaluer s’il est possible ou non d’engager une
action avec quelques chances de succès : les pièces ne sont jamais spontanément
communiquées à l’avocat pendant l’enfermement de son client ; elles ne le seront
pas davantage après sa sortie ! Si l’intéressé s’adresse directement à l’hôpital ou
à la préfecture pour demander simplement cette communication comme tout
citoyen, il n’obtiendra généralement pas de réponse. Il sera donc obligé de
recourir à une procédure pour accéder à ses propres pièces. La loi du 17 juillet
1978 destinée à améliorer, en France, les rapports entre l’Administration et le
public, a institué un droit à l’accès aux documents administratifs réservé aux
personnes. Ainsi, notre interné pourra-t-il obtenir la copie de son dossier
administratif en respectant certaines règles de procédure :
– saisine de l’administration par lettre recommandée avec accusé de réception ;
– en cas de non-réponse dans un délai d’un mois, saisine de la commission
d’accès aux documents administratifs ;
– la commission rendra un avis favorable ou défavorable à la communication ;
– l’administration sera tenue de se conformer à cet avis ;
– mais elle pourra encore résister et le tribunal administratif devra alors être saisi
d’une requête en annulation de la décision implicite de rejet de la demande de commu-
nication de documents administratifs. Le tribunal devra statuer dans les six mois de
sa saisine, bien que, sur ce genre de question, il statue habituellement dans un
délai d’un à deux ans. L’administration fautive n’est condamnée à aucune
indemnisation pour sa résistance fautive. À ce stade, le citoyen normal est déjà
égaré dans les méandres administratifs. Imaginons un instant ce qu’il en est
pour une personne exclue et malade mentale de surcroît ou psychologiquement
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 193
fragile. Si elle souhaite obtenir copie des documents médicaux, la loi prévoit que
cette communication ne peut intervenir que par l’intermédiaire d’un médecin. Il
faudra alors que le malade convainque un médecin de recevoir ces documents,
si ce n’est d’en solliciter la communication, et de lui en transmettre la teneur, au
risque, pour le médecin, d’encourir les pressions diverses du milieu médical et,
parfois, du conseil de l’Ordre le rappelant à la prudence. Ces difficultés se
retrouvent désormais, nous l’avons vu, dans le contentieux administratif de
l’excès de pouvoir concernant les décisions d’internement motivées par simple
référence à un certificat médical couvert par le secret professionnel. Si le
médecin accepte, la communication n’aura pas forcément lieu pour autant,
surtout si le médecin n’atteste pas avoir besoin des documents pour assurer le
suivi médical de son patient, ce qui n’est généralement pas le cas. La même
procédure que celle relative à l’accès aux pièces purement administratives devra
alors être suivie en cas de résistance de l’administration ou de l’hôpital. Il est à
noter qu’en France, ce sont essentiellement les hôpitaux qui opposent une résis-
tance certaine à la communication du dossier. Certains ont déjà été condamnés
par les tribunaux administratifs, et ont vu leurs refus purement et simplement
annulés ; mais nombre d’entre eux continuent à jouer la montre afin de décou-
rager les demandeurs, d’autant que les jugements d’annulation ne sont assortis
d’aucune sanction financière autre que, le cas échéant, la prise en charge d’une
partie des frais de procédure du demandeur 122. Par ailleurs, si l’intéressé
demande la communication de son dossier médical, il n’en obtiendra qu’une
communication partielle, ne comportant que les certificats médicaux imposés
par les textes. S’il souhaite connaître les observations journalières des médecins
comme celles formulées par le personnel infirmier figurant au cahier de liaison,
ou bien savoir quel traitement il a reçu, il lui faudra faire d’autres demandes, qui
seront instruites selon la même procédure. Ceci est excessivement complexe et
décourageant. Sans l’aide d’une association spécialisée, ce parcours d’obstacles
est impossible. Et l’on mesure mieux, ici, le travail effectué par le Groupe
Information Asiles dans la constitution des dossiers. Seule l’intervention d’une
association d’usagers peut être en mesure de gérer ces échanges de courriers en
respectant les délais et apporter aide et assistance aux internés comme à leurs
conseils. Pour des raisons de coût, de disponibilité et de temps, l’avocat ne peut
122. Toutefois, en ce cas, la personne pourra tenter d’obtenir réparation de son préjudice
né d’un tel retard en engageant une nouvelle procédure, de plein contentieux cette fois, à
l’effet de voir l’administration condamnée à lui verser une indemnité. Mlle Elisabeth
Bouilly (TA Orléans, 12 février 1998, req. n° 95 438) et M. René Loyen (TA Lille, 20 mai 1998,
req. n° 97 361) ont ainsi obtenu respectivement la condamnation du CHR d’Orléans et de
l’EPSM de Lille Métropole à leur verser une indemnité de 20 000 F. Pour sa part, le tribunal
administratif de Pau a condamné les hôpitaux de Lannemezan à une astreinte de 500 F
par jour de retard (jugement du 26 mai 1998, req. n° 97 1421, M. Menvielle), liquidée à la
somme de 38 500 F (jugement du 15 décembre 1998, req. n° 98 1442, M. Menvielle ; voir
également, dans le même sens, TA de Strasbourg, 3 mai 1999, M. Roth c/CHS de Rouffach,
req. n° 98 5902). Mais pour parvenir à ces résultats, les intéressés auront dû se battre
trois ans de plus devant les juridictions administratives.
194 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
assumer une telle charge, destinée simplement à réunir les pièces qui permet-
tront son intervention.
D’autres possibilités existent, mais elles nécessitent, encore une fois, la mise
en place d’une procédure. L’intéressé peut directement décider de déposer
plainte pour privation de liberté arbitraire entre les mains du doyen du juge
d’instruction, lequel désignera un juge chargé d’instruire l’affaire, qui, la plupart
du temps, saisira le dossier administratif et médical. On peut espérer que, dans
ces conditions, l’avocat désigné par l’intéressé pourra ainsi prendre connais-
sance de l’ensemble du dossier tant administratif que médical. Mais le juge
d’instruction peut aussi ordonner une expertise psychiatrique destinée à savoir
si l’intéressé pourra ou non prendre connaissance de son dossier, ou simplement
pour examiner le dossier médical auquel le juge d’instruction peut s’interdire
l’accès direct, comme l’interdire au plaignant et à son représentant. La plainte
pénale n’a quasiment aucune chance d’aboutir en France, puisqu’il faudrait
démontrer l’intention de nuire des auteurs de l’enfermement ; mais au moins a-
t-elle permis d’accéder à certaines pièces après… plus de dix ans d’instruc-
tion 123 !
En se fondant sur l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, il est
également possible de saisir en référé le tribunal, afin d’obtenir la communica-
tion des pièces. Cette procédure a abouti dans certains cas, mais elle nécessite
encore une fois la saisine d’un avocat et d’un huissier. Là encore, certains magis-
trats ont cru pouvoir se limiter à commettre un expert pour se faire communi-
quer tous les documents et en faire rapport 124, seul accessible au requérant ou à
son représentant. Dans certains cas, l’absence de ces pièces condamne l’accès
même au droit. Par exemple, lorsque l’intéressé souhaite poursuivre l’annula-
tion d’une décision d’hospitalisation d’office, le tribunal administratif n’est
valablement saisi que si la requête de l’intéressé est accompagnée de la décision
attaquée. Que faire quand cette décision ne lui a pas été communiquée ? Ensuite,
lorsque l’intéressé a eu connaissance de l’arrêté d’hospitalisation d’office, celui-
ci est fondé, la plupart du temps, sur un certificat médical qui ne lui est pas
communicable. C’est encore l’une des principales fonctions des associations de
patients que d’aider les personnes à accéder aux pièces de leurs dossiers d’inter-
nement ; elles les soutiennent dans la rédaction des demandes de communica-
tion formulées sur le fondement de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, modifiée
par celle du 12 avril 2000, relative à l’amélioration des relations de l’Adminis-
tration avec le public, comme dans la saisine de la commission d’accès aux
documents administratifs, voire le tribunal administratif d’un recours en
123. Voir notamment les affaires de José Francisco et de Mlle Boyer Monet, dans
Ph. Bernardet, Les Dossiers noirs de l’internement psychiatrique, Paris, Fayard, 1989, et la
décision de la Commission européenne des droits de l’homme du 4 juillet 1994, Francisco
c/France (rapport de la Commission européenne du 13 septembre 1995), la décision du
1er septembre 1993, Boyer Manet c/France (rapport de la Commission européenne du
11 janvier 1995), les décisions du 5 mai 1993 et 11 janvier 1995, Lambert c/France (rapport
de la Commission européenne du 18 otobre 1995).
124. TGI d’Angers, ordonnance de référé, Taugourdeau, 24 mai 1984.
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 195
purement technique est demandé sans aucune espèce de préjugé. Je leur ai toujours
donné le sentiment d’être disposé à engager tout procès contre n’importe qui, à condition
de disposer des preuves judiciaires nécessaires. Et s’ils me les avaient apportées, j’aurais
soutenu le procès. Grâce à cette attitude que je suis parvenu à leur communiquer, ces
gens sont repartis de mon cabinet rassérénés, apaisés, ayant pu savoir, de façon certaine,
ce que pouvait faire vraiment pour eux un mercenaire du droit dans les contraintes de la
loi 125. »
existe entre les intérêts de la personne et, à tout le moins, la société ou son entou-
rage, puisque son enfermement est requis pour assurer, entre autres, la sécurité
de ces derniers. Aussi importe-t-il de remarquer qu’en cas de « judiciarisation »
des modalités de placement, la décision judiciaire autorisant l’hospitalisation
sous contrainte ne devrait pouvoir intervenir qu’après un tel débat contradic-
toire entre la personne ou son représentant d’une part, et d’autre part le deman-
deur au placement, ou le représentant de l’Administration (services de police,
services sociaux, services de santé) requérant une mesure de sûreté, voire l’hos-
pitalisation. En ce sens, le juge des tutelles, souvent évoqué en un tel cas, que
retint d’ailleurs en 1990 la Commission des lois du Sénat français 127, ne paraît
pas être le magistrat approprié. En effet, s’il requiert l’avis du procureur de la
République, le juge des tutelles n’organise pratiquement jamais de débat contra-
dictoire. Arrêtant une mesure de protection, il statue comme en matière
gracieuse, non en matière contentieuse. Pour l’intéressé, le débat devant le juge
des tutelles se limite souvent à sa plus simple expression. Le juge des tutelles est
d’ailleurs habilité à se dispenser d’entendre la personne, tout comme il peut
prévoir que la personne n’aura pas notification directe de sa décision. L’intéressé
pourra même ne pas être informé de la procédure en cours, qui pourtant le
concerne au premier chef. Le tuteur désigné aura parfois la charge de déter-
miner la nature et le mode selon lesquels il informera son « protégé » de la
mesure qui le frappe et qui limite sa capacité de gestion.
Confier le pouvoir de décider de l’internement au juge des tutelles a par
ailleurs un autre effet pervers. Cela conduit en effet à faire de la mesure priva-
tive de liberté une mesure tutélaire dont l’objectif tend à éviter la dégradation de
la situation de la personne en cause, qui pourrait avoir pour conséquence sa
mise sous tutelle 128. L’internement répond ainsi, dans la pratique, à un autre
motif que celui fixé par la loi. Aujourd’hui plus de cinq cent mille personnes
résidant en France sont l’objet de telles mesures de protection. La loi du 27 juin
1990 a même tendu à étendre la tutelle aux biens à une curatelle à la personne
(nouvel article L. 3211-9 du Code de la santé publique). Entrer dans les détails
de la procédure de mise sous tutelle ou curatelle nous entraînerait trop loin,
mais l’on imagine, à la lumière de ce qui précède, combien en ce domaine la
personnalité juridique de la personne promise à une mesure de protection peut
être mise à mal et combien il est dangereux, du moins en France, de vouloir
rabattre, comme certains le proposent, le droit de l’internement sur le régime de
l’incapacité en confiant le pouvoir de décision au juge des tutelles 129.
Au Royaume-Uni, le guardianship correspond déjà davantage à la curatelle à
la personne. Le « tuteur » peut ainsi décider du logement de l’intéressé, choisir
130. Voir notamment le commentaire de Ph. Juvet pour le canton de Fribourg, en Suisse,
dans Borghi, 1982, op. cit., p. 123.
131. C’est ainsi que le vice président du Tribunal de grande instance de Bordeaux,
Mme O’yl, statuant sur la demande de sortie judiciaire de M. Baudoin, hospitalisé d’office
à l’UMD Boissonnet du CHS de Cadillac sur Garonne, a rejeté la requête sans organiser de
débat contradictoire avec la préfecture (ord. du 19 février 1999).
Le recours au droit dans les différents pays du Conseil de l’Europe 199
assurerait au malade mental d’être enfin reconnu comme sujet de droit à part
entière et d’être en conséquence défendu, si tant est que la société entende réelle-
ment protéger les plus faibles. Il apparaît notamment que, dans les pays où
l’enfermement résulte d’une décision judiciaire, les droits de la défense sont
mieux garantis. C’est également vers cette voie que semblent conduire les
organes du Conseil de l’Europe. En outre, en cas de judiciarisation, il importe-
rait d’unifier les compétences entre les mains d’un même juge. De ce point de
vue, accorder une compétence exclusive au juge des tutelles ne paraîtrait guère
satisfaisant, en France en particulier où le Tribunal de grande instance semble
devoir conserver ses attributions classiques en matière de liberté indivi-
duelles 132. La « judiciarisation » des modalités de placement ne saurait donc faire
l’économie d’une réflexion approfondie sur le statut du juge appelé à statuer en
ce domaine 133. L’étude des principes du droit international applicable et de la
jurisprudence des organes européens nourrira naturellement cette réflexion et
pourra, le cas échéant, apporter quelques précisions sur la procédure liée à
l’internement psychiatrique et sur les formalités substantielles susceptibles de
préserver au mieux les droits de l’homme. C’est à cet aspect de la question des
droits de l’homme en psychiatrie qu’il nous faut maintenant nous attacher.
Le Conseil de l’Europe
3. Déclaration sur l’égalité entre les femmes et les hommes du 16 novembre 1988.
4. Déclaration sur l’intolérance une menace pour la démocratie, 1981.
5. Déclaration sur la liberté d’expression et d’information du 29 avril 1982.
6. Déclaration sur la liberté d’expression et d’information du 29 avril 1982 ;
Recommandations 1134 (1990), 1177 (1992), 1201 (1993), 1255 (1995) de l’Assemblée parle
mentaire, et Résolution R (92)10 du Comité des ministres.
7. Article 3 : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou
dégradants.
204 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
8. Dans son rapport du 19 janvier 1993 (CPT/Inf. (93) 2), il a fermement dénoncé les risques
de traitements inhumains et dégradants que comportait le fonctionnement de l’UMD de
Montfavet et a demandé la fermeture immédiate des cellules jugées totalement inappro
priées (p. 67 73), tout en soulignant l’absence de programmes thérapeutiques individua
lisés, de soutien psychologique, de psychothérapie, d’activités de groupe comme de toute
autre forme de thérapie sociale. Son rapport annuel pour 1997, publié en 1998, mentionne
des normes de traitement des patients placés sans leur consentement en établissement
psychiatrique.
9. I. Sace, « Les droits de l’aliéné dans la jurisprudence européenne et la loi belge », dans
Présence du droit public et des droits de l’homme, Mélanges offerts à Jacques Velu, 1992,
Bruxelles, collection de la faculté de droit, université libre de Bruxelles, Bruylant.
L’apport des principes du droit international 205
L’effectivité
La subsidiarité
Comme la Cour européenne des droits de l’homme l’a souvent rappelé, les
États sont les premiers garants de la protection des droits fondamentaux des
individus. Il ne servirait à rien, en effet, d’avoir tous les mécanismes possibles
pour le contrôle international du respect de ces droits si cette tâche n’était pas
assurée, en premier lieu, au niveau national. C’est pourquoi, dans tous les pays
L’apport des principes du droit international 209
14. J. Velu et R. Ergec : La Convention européenne des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant,
1990, p. 1068 et s. ; S. Marcus Helmons, « La Contribution de la consécration internatio
nale des droits de l’homme au développement du droit », dans Mélanges offerts à
G. Levasseur, Paris, Litec, 1992, p. 227 237.
15. Art. 177 du traité CEE.
16. J. Velu, R. Ergec, op. cit, p. 1073 et s.
17. E. A. Alkema, « The third party application or “Drittwirkung” of the European
Convention on Human Rights », dans La Protection des droits de l’homme : la dimension
européenne, Cologne, Heymans, 1988, p. 33 et s.
18. K. Vasak, La Convention européenne des droits de l’homme, LGDJ, Paris, 1964, p. 78 79 et
p. 249 et s.
L’apport des principes du droit international 211
S’il est vrai que toute protection des droits fondamentaux doit nécessaire-
ment être réalisée d’abord au sein des États, il est tout aussi évident qu’une telle
sauvegarde ne suffit pas. Même au sein des pays authentiquement démocra-
tiques, le respect des droits fondamentaux n’est pas toujours total. Dans tel État
pourtant fier de ses traditions démocratiques, on exécute de jeunes adultes qui
ont été condamnés à mort pour un crime commis avant l’âge de 16 ou 18 ans.
Dans tel autre État, certains postes de police sont soupçonnés de recourir
occasionnellement à la torture. Dans un troisième État, toujours démocratique,
il est de notoriété qu’on emploie clandestinement de jeunes enfants à des
travaux souvent pénibles… Et l’on pourrait évidemment continuer l’énuméra-
tion ! Par ailleurs, on trouve aussi des États parfaitement de bonne foi dans la
méconnaissance de certains droits fondamentaux. Le châtiment corporel pour
de jeunes adolescents de sexe mâle était considéré comme un système éducatif
parfaitement normal en Grande-Bretagne 20. En Belgique, compte tenu des
fonctions très particulières de la Cour de cassation, aucun juriste n’avait été
choqué de la présence du ministère public aux délibérations de cette haute
juridiction 21. Cependant dans ces deux derniers cas, la Cour de Strasbourg a
considéré qu’il y avait violation de la Convention européenne.
Ainsi l’on constate l’utilité d’un contrôle exercé par une juridiction interna-
tionale. En effet, les juges qui siègent au sein d’une Cour internationale viennent
d’horizons différents. Ils sont parfois formés à d’autres traditions juridiques, et
leurs expériences sont généralement différentes. À ces titres, ils procèdent à une
analyse des problèmes qui est souvent plus objective et plus impartiale que celle
de magistrats habitués à certaines manières de faire ou de penser. Les pays de
19. Notamment affaire Young, James et Webster, arrêt de 13 août 1981, série A n° 44, § 49
et affaire X et Y c./Pays Bas, arrêt du 26 mars 1985, série A, n° 91, § 23.
20. Voir Cour eur. DH, affaire Tyrer, arrêt du 25 avril 1978, série A n° 26.
21. Voir Cour eur. DH, affaire Borgers, arrêt du 30 octobre 1991, série A n° 214 S. Marcus
Helmons, « La présence du ministère public aux délibérations de la Cour de cassation ou
l’affaire Borgers », dans Présence du droit public et des droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant,
1992, p. 1379 1390.
212 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
La défense des droits du malade n’a été mise au point que dans très peu de
pays (États-Unis, Royaume-Uni). De nombreux États ne jugent pas opportun de
L’apport des principes du droit international 213
se doter d’un système de défense : une telle structure exige des effectifs supplé-
mentaires et il est possible que d’autres impératifs aient la priorité, notamment
en ex-URSS, où la défense des dissidents internés fut annihilée. Si l’amélioration
des garanties de l’interné dépend d’une réaffirmation des droits, elle est aussi
tributaire de l’humanisation du traitement.
Les principes
25. Déclaration des droits de l’enfant, AG, Résolution 1386 (XIV), 20 novembre 1959, dans
Droits de l’Homme, Recueil d’instruments internationaux des Nations unies, New York, 1967,
p. 98 99.
26. Déclaration des droits du déficient mental, AG, Résolution 2856 (XXVI), 20 décembre 1971,
dans Droits de l’homme, recueil d’instruments internationaux des Nations unies, New York,
1978, p. 131 138.
27. Déclaration des droits des personnes handicapées, AG, Résolution 3447 (XXX), 9 décembre
1975, dans Droits de l’homme, recueil d’instruments internationaux des Nations unies, New
York, 1978.
28. Résolution 2856 (XXVI), article 1.
29. Ibid., article 7.
30. Résolution 3447 (XXX), articles 3 et 10.
31. Le terme handicapé désigne toute personne dans l’incapacité d’assurer par elle même
tout ou partie des nécessités d’une vie individuelle et/ou sociale normale, du fait d’une
déficience congénitale ou non, de ses capacités physiques ou mentales.
L’apport des principes du droit international 215
32. « Rappelant les principes de la Déclaration universelle des droits de l’homme 1/ des pactes
internationaux relatifs aux droits de l’homme 2/ de la Déclaration des droits de l’enfant 3/ et de la
Déclaration des droits du déficient mental… », résolution 3447 (XXX), Préambule,
paragraphe 3.
33. Vingtième assemblée plénière tenue à Luxembourg en mai 1979, dans Recueil interna
tional de législation sanitaire, 1980, vol. 31, p. 467 469.
34. Bureau régional de l’organisation mondiale de la santé pour l’Europe. Déclaration sur
la promotion des droits des patients en Europe, Document ICP/HLE/121, Copenhague, 1994.
216 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
35. Recommandation 818 sur la situation des malades mentaux, op. cit.
36. Conseil de l’Europe, Bulletin d’information sur les activités juridiques, juin 1980, n° 7,
p. 24.
37. Rapport sur la situation des malades mentaux, op. cit., p. 9 10.
L’apport des principes du droit international 217
traitement au malade sont plus coercitifs que dans les autres domaines de la
médecine. La plupart des législations régissant le placement non volontaire
comportent, on l’a vu, le droit d’imposer le traitement. D’après ces textes, le
malade est interné afin d’être soigné. Le malade qui est incapable de prendre une
décision raisonnée reçoit de l’autorité judiciaire l’ordre de subir un traitement
que l’hôpital est chargé d’exécuter. Bien que le traitement obligatoire soit juridi-
quement fondé, le consentement du malade ou de ses représentants légaux est
souvent requis pour certaines thérapies, l’électrochoc ou la psychochirurgie par
exemple. Néanmoins, le 9 mars 2000, le comité des ministres du Conseil de
l’Europe a rendu public un Livre blanc sur la protection des droits de l’homme et
de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux, en particulier des
malades placés comme patients involontaires dans un établissement psychia-
trique. Ce texte fait le point sur les dispositions et les idées retenues par les
experts du groupe de travail Psychiatrie et droits de l’homme en vue de l’élabora-
tion prochaine d’une recommandation spécifique du Comité des ministres, qui
doit compléter celle de 1983, R (83) 2. Parmi ces propositions figure la nécessité
de dissocier la procédure d’hospitalisation sans consentement, de celle d’admi-
nistration de traitements involontaires ; en effet l’hospitalisation sans consente-
ment ne doit pas dispenser de la recherche du consentement du patient aux soins.
Peut-on par ailleurs forcer les malades mentaux admis volontairement à
accepter le traitement ? Logiquement, ils devraient pouvoir le refuser, puisqu’ils
peuvent quitter l’hôpital à tout moment. Pour rendre le traitement obligatoire,
l’hôpital doit faire passer le malade sous le régime de l’internement, et dans de
nombreux pays, cette modification n’est possible que si l’hôpital prouve que le
malade serait dangereux pour lui-même ou pour autrui s’il était libéré. Ainsi, le
refus du traitement proposé ne peut justifier une modification du régime de
placement.
Le problème du refus du traitement psychiatrique a souvent été soulevé à
propos des délinquants malades mentaux. Cette question a été examinée dans
certains pays européens et des objections ont été formulées à l’encontre de l’uti-
lisation de thérapies coercitives.
Le droit à l’information
Il tend également à être de plus en plus affirmé. La combinaison des dispo-
sitions des article 12 du pacte de l’ONU relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels reconnaissant un droit à la santé, et 19 du pacte relatif aux droits civils
et politiques affirmant le droit de toute personne de recevoir des informations
permet d’établir un fondement au droit à l’information du malade.
Au niveau régional européen, le Conseil de l’Europe ainsi que le Comité
hospitalier de la Communauté européenne ont adopté certaines dispositions
confirmant le droit à l’information du malade. Les principes dégagés s’inscri-
vent essentiellement dans la perspective de soins dispensés au sein d’unités
hospitalières, car la nature contractuelle de la relation malade/médecin devrait,
normalement, dicter une obligation d’information plus rigoureuse à la charge
du médecin, tant au moment de la formation du contrat que pendant son exécu-
tion. En fait, le problème est fort complexe ; comme le fait remarquer le doyen
220 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
adéquates sur son propre état ; le droit de faire donner à sa famille les informations néces-
saires ; le droit de faire donner à ses médecins traitants par le corps médical hospitalier,
dans les plus brefs délais, tout au long de l’hospitalisation aussi bien qu’après, commu-
nication du dossier médical 50. » L’information peut être assurée par la distribution
d’une brochure d’accueil donnant au malade d’utiles renseignements sur la vie
à l’hôpital. L’article 10 de la Convention des droits de l’homme et de la bio-
médecine garantit par ailleurs à toute personne le droit de connaître toute informa-
tion recueillie sur sa santé. Et l’article 5 de la même Convention stipule « qu’une
intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne
concernée y a donné son consentement libre et éclairé […]. La personne concernée peut
à tout moment librement retirer son consentement », ce qui implique :
– la participation active des patients aux soins, soit individuellement, soit
organisés en association ;
– l’information du patient et son consentement à toute intervention ;
– le droit à l’accès au dossier médical.
En matière de droits des patients, la politique du Conseil de l’Europe ressort
ainsi d’une multitude de textes, conventions, accords et recommandations,
relevant, pour l’essentiel, de quatre grands principes :
– droit à ne pas être soumis à une discrimination ;
– droit à des soins de santé appropriés ;
– droit à l’information pour assurer un consentement libre et informé ;
– droit à la confidentialité 51.
La confirmation des droits de l’interné doit être étendue aux droits durant le
traitement.
Les droits durant le traitement
En matière de droits des malades, le problème le plus fréquent est l’absence de
protection contre l’exploitation des malades dans les hôpitaux. Cette protection est
pourtant recommandée par la Déclaration des droits du déficient mental : « Le
déficient mental doit être protégé contre toute exploitation 52. » Toutefois, cette protection
pose des difficultés quant à sa mise en œuvre lorsque l’hôpital prétend que le
travail, y compris le nettoyage des salles et le lavage des vêtements et de la literie,
fait partie du traitement et de la réadaptation du malade.
La plupart des législations s’orientent cependant vers la sauvegarde des
droits des malades mentaux. Cette tendance illustre le mouvement en faveur des
droits civils : le déficient mental est toujours titulaire des droits civils et
politiques ; il bénéficie toujours d’une présomption de capacité juridique,
comme tout autre citoyen : « Le handicapé a les mêmes droits civils et politiques que
les autres êtres humains 53. »
50. Rapport sur les droits des malades et des mourants, op. cit., p. 11.
51. Sur le sujet, voir notamment, H. Scicluna, « Droits des patients dans les textes du
Conseil de l’Europe », dans La Situation juridique des patients, n° spécial, Les Petites Affiches,
21 mai 1997, p. 31 32.
52. Résolution 2856 (XXVI), op. cit., article 6.
53. Résolution 3447 (XXX), op. cit., article 4.
222 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
utilisée aux fins de cette limitation ou de cette suppression doit préserver légalement le
déficient mental contre toute forme d’abus. » En outre, la limitation de l’exercice des
droits du déficient mental ne devrait pas être présumée. Elle devrait faire l’objet
d’une analyse cas par cas. C’est cette idée qui a incité l’assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe à inviter les États (recommandation 818, 1977) : « IV. À
modifier les règles concernant la capacité civile appliquée aux malades mentaux afin que
l’hospitalisation ne frappe pas automatiquement les intéressés d’incapacité juridique,
créant ainsi des difficultés en matière de droits de propriété et autres droits écono-
miques. » Cette approche des droits du déficient mental conforte l’idée selon
laquelle les restrictions apportées à l’exercice des droits du malade mental ont
un caractère d’exception. Toute limitation à l’exercice de ces droits doit être justi-
fiée par l’état du malade et doit être limitée dans le temps et contrôlée. Quant au
personnel de santé mentale, il doit collaborer avec les malades en vue de
préserver leurs droits. Ainsi, s’agissant des patients atteints de maladie mentale,
l’Association médicale mondiale (AMM) a posé des principes d’éthique devant
régir la relation médecin/patient (Bali, 1995) : « La relation thérapeutique doit être
fondée sur la confiance ; il ne sera administré de traitement contre la volonté d’un
patient que si celui-ci se trouve dans un état grave et que s’il constitue une menace pour
lui-même ou pour autrui 54. »
Mais, l’affirmation de ces droits risque de demeurer lettre morte si des
mécanismes de contrôle efficace ne sont pas prévus. Le contrôle peut être assuré
par des commissions ou des tribunaux indépendants. C’est en ce sens que s’est
prononcée la recommandation 818 qui invite les États : « II. À créer des commis-
sions ou des tribunaux indépendants de bien-être mental, chargés de protéger les
patients. » Les comités de visiteurs, commissions de contrôle et commissions d’aliéna-
tion mentale permettent d’assurer une surveillance du fonctionnement des
hôpitaux psychiatriques. Ces organes comprennent généralement des citoyens
qui ont la charge de visiter les hôpitaux, d’écouter les plaintes des malades, de
formuler des recommandations aux établissements et aux pouvoirs publics dans
le but d’améliorer la situation de la population des asiles. Ce genre d’activité se
rencontre en Australie, en Égypte, en Inde, en Norvège, en Suisse, en France. Elle
gagnerait à se généraliser davantage. Mais il faut surtout reconnaître au patient
le droit d’être entendu. La protection des droits du malade exige en effet plus que
l’adoption d’un texte. Cette idée a été reprise par le Conseil de l’Europe qui
propose aux États membres : « III. De faire en sorte que les décisions judiciaires ne
soient plus prises uniquement sur la base de rapports médicaux, mais que l’on donne au
patient, comme à toute autre personne, le droit de se faire entendre et que dans les affaires
où un délit aurait été commis un avocat soit présent pendant toute la durée du procès. »
L’article 9 § 4 du pacte de New York, relatif aux droits civils et politiques,
garantit ainsi un droit de recours à toute personne détenue, et l’article 5 § 4 de
la Convention européenne des droits de l’homme garantit à l’aliéné interné le
droit de saisir un tribunal pour qu’il statue, à bref délai, sur la légalité de sa
54. Sur ce sujet, voir notamment C. Byk, « De l’éthique médicale à la bioéthique : le rôle
des organisations non gouvernementales », dans La Situation juridique des patients,
n° spécial, Les Petites Affiches, 21 mai 1997, p. 33 36.
224 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme l’ont ainsi
amenée à se prononcer sur la définition juridique du terme aliéné, sur les condi-
tions minimales pour qu’une hospitalisation non volontaire soit « régulière et
ordonnée selon les voies légales », sur les dispositions juridiques nécessaires pour
un droit de recours conforme à la Convention, sur les droits d’une personne
hospitalisée, ainsi que sur la nature de certains soins psychiatriques. Ajoutons
une précision à propos de certains termes employés par le texte de la
Convention et par la Cour : « détention » est à comprendre comme privation de
liberté sans juger du motif et de la forme de cette privation, ce qui englobe bien
le traitement obligatoire, avec ou sans hospitalisation, dans un service fermé ou
non. Les termes « arrestation » et « accusation » de l’article 5 § 2 ont, eux, une
connotation pénale nette. La Cour a cependant estimé que, l’article 5 formant un
tout, l’article 5 § 2 devait aussi s’appliquer en cas de détention d’aliéné. Quant au
L’apport des principes du droit international 225
La régularité
58. Ibid.
59. Ibid., p. 17, § 39.
L’apport des principes du droit international 227
visée par le paragraphe 1 de l’article 5, à savoir aussi bien les personnes en état
d’arrestation ou en détention pour actes délictueux que toute personne privée
de sa liberté dans une visée socio-médicale, c’est-à-dire, pour reprendre les
termes de l’alinéa e) de l’article 5 § 1, les aliénés, les toxicomanes et alcooliques,
les vagabonds et les patients contagieux. Si le droit de faire appel en contestant
une décision administrative ou judiciaire apparaît, du moins dans les pays
d’esprit démocratique et au pouvoir judiciaire indépendant, comme un droit
intangible et pour ainsi dire naturel, il est d’autant plus étonnant que la Cour
européenne des droits de l’homme ait pu constater autant de violations dans les
affaires portant sur des hospitalisations involontaires. La violation de l’article 5
§ 4 a été alléguée dans de nombreuses requêtes, de façon isolée ou, le plus
souvent, associée aux autres paragraphes de l’article 5. La Cour a conclu à cette
violation à propos d’une dizaine d’affaires et le comité des ministres du Conseil
de l’Europe a établi cette violation en adoptant les rapports de la Commission
européenne dans cinq affaires mettant en cause la France 60. Ceci est significatif ;
car, si toutes les législations internes, prévoient en Europe, des voies de recours
ou des procédures de contrôle, leur application manque de rigueur et ne
respecte pas les garanties exigées par la Convention européenne des droits de
l’homme. Les organes de la Commission ont dû rappeler que le droit de contrôle
devant un tribunal suivant une procédure rapide est un droit très important
pour une personne privée de sa liberté qui doit être soumise à un traitement, et
que cette voie de recours doit être connue, d’accès facile, simple dans ses
démarches et d’application effective, d’autant qu’il s’agit de personnes souffrant
de troubles mentaux et ayant du mal à se lancer dans une procédure judiciaire :
« Il est essentiel que dans une détention psychiatrique, il y ait un contrôle extérieur et
indépendant, à savoir que la procédure suivie et les motifs de la détention soient
examinés et contrôlés par un tribunal 61. »
Le patient hospitalisé sans son consentement a le droit au contrôle selon
l’article 5 § 4, dans trois circonstances particulières :
– quand la décision initiale a été prise par une autorité administrative ;
– sous forme de contrôle périodique et à des intervalles réguliers et raison-
nables, en cours d’hospitalisation ;
– à tout moment de l’hospitalisation, si un contrôle périodique et à intervalles
réguliers n’est pas prévu par la loi.
Le droit de recours découle d’une série de textes à vocation universelle ou
régionale. Le principe fondamental figure dans la Déclaration universelle des
droits de l’homme : « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit
entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui
décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle » (art. 10). On retrouve, ici, presque mot pour mot,
la formulation de l’article 6 § 1 de la Convention, bien que la Commission
62. Voir à ce sujet, l’ensemble des décisions prises par la Commission européenne des
droits de l’homme dans le contentieux dirigé contre la France, depuis la décision Loyen
contre France du 11 mai 1994. Toutefois, la Cour européenne des droits de l’homme a, sur
le premier de ces points, renversé la jurisprudence de la Commission européenne en
posant que l’article 6 § 1 s’applique au contentieux de la liberté individuelle, définie
comme un droit civil (arrêts AERTS c/Belgique, 30 juillet 1998 et Vermeerch c/France,
30 janvier 2001).
63. Arrêt Winterwerp c/Pays Bas, 24 octobre 1979.
230 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
des traits fondamentaux communs, au premier rang desquels se place l’indépendance par
rapport à l’exécutif et aux parties […], mais encore les garanties, adaptées à la nature de
la privation de liberté dont il s’agit, d’une procédure judiciaire dont les modalités
peuvent varier d’un domaine à l’autre. »
Le développement de la jurisprudence
64. Requête n° 590/59, Muller c/RFA, 2 avril 1960, vol. 1960 1. ; requête n° 950/60,
Engelhardt c/RFA, 11 mai 1962, vol. 1962 1 ; requête n° 973/61, Lidau c/RFA, 6 mars 1962,
vol. 1962 1.
65. La dernière affaire de ce genre sur laquelle la Commission a été appelée à statuer est
celle de M. Giovanni Granata contre la France (req. n° 39626/98, déc. du 21 octobre 1998).
Le requérant se plaignait notamment que le Conseil d’État ait pu juger son admission au
CHS Montperrin d’Aix en Provence régulière, bien qu’elle ait eu lieu sous la contrainte et
sur décision de la police, vingt quatre heures avant que les mesures d’urgence, prévues à
l’ancien art. L. 344 du CSP, aient été prises par le maire compétent. Le Conseil d’État avait
validé cette procédure, pourtant non prévue par la loi. La Commission européenne a
considéré que les juridictions nationales étaient mieux placées que les organes de la
Convention pour vérifier le respect du droit interne, en se référant à cet effet à l’arrêt de
la Cour européenne Quinn c/France du 22 mars 1995, série A, n° 311, p. 19, par. 47.
66. Th. Douraki, La Convention européenne des droits de l’homme et le droit à la liberté de
certains malades et marginaux, Paris, LGDJ, 1986.
L’apport des principes du droit international 231
Affaire Winterwerp
68. Remarquons que le certificat cité dans le rapport de la Commission et l’arrêt de la Cour
diffèrent en quelques points dans sa traduction : « revendicateur » pour « vindicatif, contrôle
strict » pour « grand contrôle » , mais surtout « paranoïde » à la place de « paranoïaque ».
69. Rapport de la Commission, p. 37, § 77.
70. D’après les arrêts Winterwerp, Van der Leer, Wassink, Keus et Kœndjbiharie.
L’apport des principes du droit international 235
nement puis, passé les quinze premiers jours, sur une base hebdomadaire
pendant six mois, et mensuelle par la suite. Deux semaines après l’admission, le
médecin traitant adresse au procureur de l’arrondissement où se trouve l’éta-
blissement une déclaration motivée sur l’état mental du patient et sur la néces-
sité ou l’opportunité de poursuivre l’hospitalisation 76.
Autorisation d’internement
Dans le délai de six mois à compter de la délivrance de l’autorisation d’inter-
nement provisoire, une nouvelle demande pour le maintien du patient à
l’hôpital psychiatrique pour une période maximale d’un an peut être adressée
au tribunal d’arrondissement. Le juge peut se prononcer sur les annotations et
déclarations motivées du médecin responsable, sans être obligé d’entendre
l’intéressé ou son conseil. Non susceptible de recours, la décision n’est ni
prononcée en public ni signifiée à l’intéressé. La pratique, modifiée depuis les
arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, laissait à la direction de
l’hôpital le soin d’apprécier si et quand pareille communication se justifiait
médicalement. La prolongation de l’internement autorisée, le médecin de l’éta-
blissement peut accorder au patient un congé de durée déterminée ; et, sur
proposition du médecin, la direction de l’établissement peut décider de la mise
en liberté. Le patient, la personne qui a demandé l’internement ou un parent
peuvent requérir, par écrit, l’élargissement à la direction de l’hôpital. En cas de
désaccord, la direction transmet au procureur qui en principe défère la requête
au tribunal d’arrondissement 77. Le tribunal se prononce à l’issue d’une procé-
dure identique à celle qui vaut pour une autorisation d’internement.
Capacité civile
L’article 32 de la loi de 1884 prévoyait en outre que tout individu placé en
hôpital psychiatrique perd, de plein droit, sa capacité d’administrer ses biens et
son patrimoine. Il ne recouvre cette capacité qu’une fois officiellement élargi,
mais non durant un congé. Cet article a été abrogé. Subsistent les dispositions
du code civil permettant à toute personne de demander au tribunal d’arrondis-
sement la nomination d’un administrateur provisoire, selon l’article 378.
L’application de la loi lors de l’internement de M. Winterwerp et les questions posées
aux organes de la Convention
M. Winterwerp a été hospitalisé sous contrainte avant la réforme de 1970 de
la loi sur les malades mentaux de 1884. Le maire était donc autorisé à ordonner
une procédure d’urgence, sans certificat médical préalable, et d’une durée de
trois semaines. Le procureur pouvait prolonger cet internement d’urgence
pendant trois semaines. L’autorisation d’internement provisoire d’une durée de
six mois a été prise en conformité avec la loi par le juge cantonal, sans qu’il lui
soit nécessaire d’entendre le patient ou son conseil. Une des autorisations de
renouvellement de l’internement (celle de 1971) a été prise avec un retard de
trois semaines à peu près. Quant aux demandes d’élargissement de Winterwerp,
le procureur de la reine avait, selon l’article 29, la possibilité, au vu des circons-
tances, de ne pas en saisir le tribunal. Dès l’admission involontaire,
M. Winterwerp perdait sa capacité civile d’administration de son patrimoine.
Violation alléguée de l’article 5 § 1 e)
S’appuyant sur le caractère exhaustif des dérogations permises par la
Convention au droit à la liberté, le conseil de Winterwerp insiste sur le fait que
la détention d’un aliéné est une mesure exceptionnelle, qu’elle doit être interprétée
strictement et qu’elle ne peut être conçue que comme mesure spécifique de
protection d’autrui ou de l’intéressé. L’aliénation mentale doit donc être
constatée par des experts psychiatres, qui doivent aussi constater que la
« maladie mentale rend la détention nécessaire ou, en d’autres termes, que le malade
présente un danger sérieux pour autrui ou lui-même et qu’il n’existe pas d’alternative
thérapeutique satisfaisante ». Le conseil précise que les éléments relatifs à l’état
mental du patient doivent être vérifiés lors de l’admission, mais aussi tout au
long de l’internement. En l’espèce, le conseil de Winterwerp estime que la décla-
ration de juin 1968, en vue de l’internement provisoire, est « incohérente, ne
reposant que très partiellement sur des observations personnelles du médecin ». De
même, il estime que les certificats ultérieurs « sont trop laconiques, contradictoires
et répétitifs ». La Convention autorise la détention d’un aliéné, selon les voies légales,
à savoir assortie de garanties de procédure. L’avocat doute qu’on puisse parler
de procédure en l’espèce, puisque la procédure s’est déroulée à l’insu du requé-
rant, qui n’a jamais comparu devant le juge, ni reçu signification des autorisa-
tions. Le conseil proteste du caractère routinier de la procédure d’autorisation
d’internement, alors même qu’aux termes de la Convention, il s’agit d’une
privation de liberté nécessitant des garanties juridiques.
Droit au traitement
L’objectif et la justification de la détention d’un aliéné étant l’administration
d’un traitement, l’avocat estime que le patient avait droit à un traitement efficace
« permettant de limiter au strict nécessaire la durée de sa privation de liberté ». Il
indique que son client « n’a eu que des tranquillisants, sans véritable thérapie
psychiatrique et que les rencontres avec le psychiatre (étaient) trop rares et brèves 78 ».
Violation alléguée de l’article 5 § 4
Le conseil rappelle que l’article 5 § 4 garantit le contrôle de la légalité
formelle d’une détention, mais aussi de sa justification matérielle. Quant aux
renouvellements semestriels, puis annuels de l’autorisation d’internement,
l’avocat en récuse la portée, puisque l’intéressé est exceptionnellement entendu.
De même, il relève les anomalies de la loi de 1884 : « nul droit d’assistance par un
conseiller, nul droit de faire entendre des témoins ou des experts, aucun droit d’être
informé des décisions rendues, qui ne sont pas susceptibles d’appel 79 ». Quant aux
demandes d’élargissement, le pouvoir de filtrage du procureur est une atteinte
au droit de recours. Mais aussi, si la première demande a été portée devant le
tribunal, le fait, pour son avocat, que Winterwerp n’ait pas été assisté par un
conseiller et qu’il n’ait pas reçu l’indication de l’intérêt de cette forme de repré-
sentation, ni de la possibilité d’une contre-expertise, rend la procédure irrégu-
lière.
Son avocat a en outre introduit, en cours de procédure, après que la
Commission se fût prononcée sur la recevabilité de la requête, le grief supplé-
mentaire, portant sur la perte automatique de la capacité de gestion de son patri-
moine lors de l’admission involontaire, qui constitue une atteinte à ses droits et
obligations de caractère civil, non assortie de garantie d’une procédure
judiciaire.
Avis de la Commission et arrêt de la Cour sur la violation de l’article 5 § 1 e)
M. Winterwerp se plaint d’être victime d’une violation de l’article 5 § 1 qui
s’applique en l’espèce comme suit : « Toute personne a le droit à la liberté et à la
sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies
légales :
[…]
e) s’il s’agit de la détention régulière […] d’un aliéné […]. »
La Commission puis la Cour se sont appliquées « à examiner si la privation de
liberté du requérant est couverte par l’alinéa e), comme une détention régulière d’aliéné,
et si cette privation de liberté s’est effectuée selon les voies légales 80 ».
Définition du terme aliéné
Après avoir précisé, comme exposé plus haut, ce que l’on entend par le terme
aliéné, la Cour conclut dans cette première affaire que la législation néerlandaise
qui autorise l’internement d’un malade mental dans son intérêt ou dans celui de
l’ordre public, sur la foi d’un certificat médical attestant que l’intéressé « se
trouve dans un état de démence et que son traitement dans un asile est nécessaire ou
souhaitable » répond au critère de l’article 5 § 1 e). La Commission avait, par
ailleurs, noté dans son rapport que « la pratique générale des juridictions néerlan-
daises consiste à autoriser l’internement de ceux-là seuls que la nature ou la gravité de
leurs troubles mentaux rendent dangereux pour eux-mêmes ou autrui 81 ».
La régularité de la détention
Le deuxième point étudié par la Cour est la régularité de la détention, selon
l’article 5 § 1 e). La Cour rappelle que la Convention stipule la prééminence du
droit : ainsi « une détention arbitraire ne peut jamais passer pour “régulière” ».
L’adjectif régulier englobe à la fois la procédure et le fond. Un certain chevau-
chement existe donc entre lui et l’exigence générale du respect des voies légales. La
Commission avait apporté une précision supplémentaire : « Encore faut-il que la
détention autorisée sur la base de la loi échappe à tout arbitraire, c’est-à-dire que le
patient n’ait été admis ni surtout maintenu dans une institution psychiatrique sans
qu’il ait été médicalement établi et confirmé que son état mental pouvait justifier une
hospitalisation forcée 82. » À la lumière des critères précédemment définis par la
Cour, l’internement de Winterwerp a été jugé régulier, les preuves médicales
révélant en substance un trouble mental, la dangerosité étant d’ailleurs attestée
par des actes assez graves commis par Winterwerp sans qu’il en mesure l’impor-
tance, trouble qui a duré pendant l’internement. Il est intéressant de noter que le
point sur lequel la Cour aurait pu conclure à une irrégularité porte sur l’inter-
nement d’urgence prononcé par le maire, et surtout sur le délai avant le
jugement d’autorisation. La Cour dit que « si la nécessité de prolonger un tel inter-
nement durant non moins de six semaines peut inspirer des hésitations, ce délai n’a pas
été excessif au point d’entraîner l’irrégularité de la détention ». Ajoutons que
Winterwerp avait émis des doutes sur les motivations du maire d’Amersfoort.
La Cour mentionne qu’elle ne dispose pas « d’indices d’après lesquels la privation
de liberté incriminée aurait eu un but illicite 83 ». Cette réponse de la Cour montre
bien qu’elle s’est considérée comme compétente pour examiner une requête,
non seulement au niveau de la forme juridique, mais aussi du fond de l’affaire.
Privation de liberté selon les voies légales
La Commission et la Cour ont donc estimé que l’internement de Winterwerp
était régulier. Pour la Commission, la régularité, attestée par l’existence de certi-
ficats médicaux, suffit à déterminer l’absence de violation de l’article 5 § 1 e). En
revanche, la Cour estime qu’il est nécessaire d’examiner l’affaire quant au
respect des voies légales. La détention selon les voies légales se réfère à la loi natio-
nale et à la nécessité de suivre la procédure qu’elle prévoit. Mais de plus, le droit
interne doit être conforme à la Convention et à la jurisprudence de la Cour.
Selon l’avocat de M. Winterwerp, les autorisations d’internement présen-
taient deux vices de forme : le tribunal d’arrondissement n’était constitué que
d’un seul juge et l’autorisation pour un an du 16 décembre 1969 était expirée
quand le tribunal régional a renouvelé cet internement le 7 janvier 1971. Sur le
premier point, la discussion a porté sur des notions jurisprudentielles néerlan-
daises qui ne rentrent pas dans notre sujet. Il est suffisant de noter que ce point
est en conformité avec la loi néerlandaise. En revanche, la conclusion de la Cour
sur le retard de l’autorisation de renouvellement de l’internement est, à notre
sens, surprenante, puisqu’elle conclut : « On ne saurait considérer que le retard
observé ait entraîné une privation arbitraire de liberté : l’intervalle de deux semaines
entre expiration et renouvellement de l’autorisation ne peut en aucune manière passer
pour déraisonnable ou excessif 84. »
tion. « L’article 5 § 4 doit donc être interprété comme ouvrant à toute personne qui
s’estime abusivement placée dans une institution psychiatrique, au terme d’une procé-
dure que la Convention laisse largement à la discrétion des États, le droit à une vérifi-
cation juridictionnelle de la légalité matérielle et formelle de sa détention 88 » ; dernier
point que ne tranche pas la Cour et qui posera dès lors, en droit français, de
nombreux problèmes, que nous examinerons plus loin.
Nécessité d’un contrôle judiciaire
La Cour rappelle son arrêt de Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, par
lequel elle a établi que « si la décision privative de liberté émane d’un organe adminis-
tratif, l’article 5 § 4 astreint les États à ouvrir au détenu un recours auprès d’un
tribunal », mais rien n’indique qu’il en aille de même quand elle est rendue par
un tribunal statuant à l’issue d’une procédure judiciaire. Dans cette dernière
hypothèse, le contrôle voulu par l’article 5 § 4 se trouve incorporé à la décision.
Toutefois, la Commission estime que cet avis ne peut valoir pour l’internement
d’une personne en tant qu’aliéné, du moins lorsqu’il est prononcé pour une
durée indéterminée. La Cour insiste sur le fait que du moment que les motifs qui
justifiaient à l’origine l’internement peuvent cesser d’exister, il est nécessaire de
prévoir un contrôle régulier par une instance judiciaire. La Cour précise par
ailleurs que toute détention régulière et légale en matière de santé mentale ne
dispense en aucun cas d’un contrôle ultérieur de la légalité. Ainsi, après une
décision administrative d’hospitalisation involontaire, un contrôle judiciaire est
nécessaire. Mais de plus, même après une décision judiciaire, dans un délai
raisonnable, un contrôle périodique doit être effectué. En matière d’hospitalisa-
tion involontaire, la Convention considère que la meilleure protection et le
meilleur respect du droit de recours est la pratique d’un contrôle périodique à
intervalles raisonnables. Ce contrôle doit être, aux termes mêmes de la
Convention, assuré par un tribunal, ce qui implique des garanties de procédure.
Droit à la représentation
Le gouvernement néerlandais plaidait par ailleurs que Winterwerp avait
bénéficié d’un contrôle périodique semestriel, puis annuel lors des décisions de
renouvellement par le juge de paix, puis le tribunal d’arrondissement. La
Commission et la Cour ont cherché à savoir si ces derniers répondaient au carac-
tère d’un tribunal. Le juge de paix, ainsi que le tribunal d’arrondissement consti-
tuent des tribunaux du point de vue organique, dans le sens qu’ils sont indépen-
dants des parties en cause, ainsi que de l’exécutif. Mais lors de la procédure
d’internement, ces instances judiciaires n’ont pas fourni les garanties fonda-
mentales propres à un tribunal, en l’espèce la présence ou la représentation de
la personne en cause. Ce point est considéré par la Commission et la Cour
comme « le noyau irréductible d’une procédure judiciaire », et ce droit est, pour
l’intéressé « de présenter ses moyens et de contredire les constatations médicales et
sociales invoquées en faveur de sa détention ». Or, la loi néerlandaise n’oblige pas la
présence ou la représentation de la personne concernée. Le gouvernement
88. Rapport de la Commission, p. 40, § 90. Voir aussi décision du 2 octobre 1975, sur la
requête n° 6859/74 c/la Belgique, Décision et rapports, vol. 3, p. 139.
242 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
néerlandais soutenait même devant la Cour que, selon lui, l’article 5 § 4 « n’oblige
pas un tribunal à entendre en personne un individu que son état mental, établi sur la base
d’un avis médical objectif, rend incapable de toute déclaration utile en justice ». Si la
Cour admet que « les maladies mentales peuvent amener à restreindre ou modifier ce
droit dans ses conditions d’exercice, […] elles ne sauraient justifier une atteinte à son
essence même 89 ». Le gouvernement néerlandais a encore plaidé que Winterwerp
avait omis de consulter un avocat, ce qu’il avait eu maintes occasions de faire. La
thèse défendue par le gouvernement est que, puisque l’intéressé n’a jamais
essayé de s’adresser aux tribunaux par l’intermédiaire d’un avocat, lors, notam-
ment, du renouvellement des autorisations d’internement, il n’est pas possible de
considérer qu’il se soit vu refuser le droit d’introduire un recours. La Cour consi-
dère, au contraire – et elle le développera dans des arrêts ultérieurs – que
« l’article 5 § 4 n’exige pas que les individus placés sous surveillance à titre d’ « aliéné »,
s’efforcent eux-mêmes, avant de recourir à un tribunal, de trouver un homme de loi pour
les représenter 90 ». La Commission estime quant à elle qu’« il appartient […] au légis-
lateur national, ou au juge saisi d’une affaire particulière, d’organiser ces droits de la
manière qu’il estime la plus appropriée : audition du recourant par le juge ou représenta-
tion par un avocat, un tuteur […] ; désignation par le juge d’un expert indépendant ou
droit pour le recourant de produire les conclusions d’un médecin de son choix 91 ».
Renouvellement des recours
Winterwerp a bénéficié du recours prévu à l’article 5 § 4 lors de sa première
demande d’élargissement en 1969 où il avait été entendu par le tribunal d’arron-
dissement. Mais ses trois demandes ultérieures n’ont pas été transmises au
tribunal. Le procureur, et même si celui-ci avait entendu Winterwerp et avait pu
estimer, sans doute à juste titre, inutile de poursuivre la procédure, ne peut être
considéré comme offrant les garanties nécessaires à un recours selon l’article 5
§ 4 de la Convention. En l’espèce, Winterwerp a été privé par trois fois de son
droit de recours par décision administrative, aucun tribunal n’ayant été saisi
pour se prononcer sur ses demandes d’élargissement. La Cour conclut donc à
une violation de l’article 5 § 4 au vu de l’absence de recours malgré trois
demandes du requérant.
Sur la violation de l’article 6 § 1
Après que la Commission eût été appelée à se prononcer sur la recevabilité
de la requête, l’avocat avait introduit le grief supplémentaire, portant sur la
perte automatique de la capacité de son client à gérer son patrimoine du
moment où il était interné. Pour l’avocat, cette décision, sans garantie judiciaire,
entre en violation de l’article 6 § 1 ainsi libellé : « Toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations
sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais
l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public […], lorsque les
intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent. »
Après avoir conclu à la recevabilité du grief malgré sa tardiveté, la Cour se
prononce à l’unanimité sur la violation de l’article 6 § 1, estimant que la garantie
exigée par cet article, à savoir le droit à un tribunal, n’a pas été respectée dans la
privation de la capacité d’administrer ses biens.
Sur l’application de l’article 50 (actuel art. 41)
La Cour a rendu un nouvel arrêt le 27 novembre 1981, qui entérine l’accord
survenu entre M. Winterwerp, son curateur et le gouvernement néerlandais. À
partir de 1979, Winterwerp n’était plus interné, mais restait hospitalisé volontai-
rement. L’accord portait sur l’admission dès que possible dans un foyer théra-
peutique et le versement à son curateur de la somme de 10 000 florins destinée
à couvrir certains frais que le requérant devrait exposer après son admission au
foyer… Enfin, le gouvernement néerlandais a soumis en 1980, à la deuxième
chambre du Parlement, un projet de loi révisé sur « le placement en hôpital psychia-
trique dans des cas spéciaux ».
Affaire Luberti
ait sursis à statuer, jusqu’à ce que la Cour d’appel de Rome eût décidé à propos
de la première demande. La Cour note que, une fois connue cette décision, la
section de surveillance de Naples a statué avec la célérité souhaitée : délai de un
mois pour l’arrêt, et quinze jours entre l’adoption de l’ordonnance et l’applica-
tion, à savoir la levée de l’internement, délai d’application que la Cour ne trouve
pas excessif. La Cour se prononce donc pour une violation de l’article 5 § 4 seule-
ment en raison des retards excessifs qui ont marqué la procédure suivie à Rome.
Sur l’application de l’article 50 (actuel art. 41)
Le requérant réclame une indemnité de 20 000 000 de lires pour dommages
moral et matériel, justifiée selon lui par une année de souffrances dans un asile
psychiatrique. Il « prie la Cour d’avoir égard […] à la dépréciation de la monnaie ».
La Cour ne retient pas de dommage moral ni matériel, la détention ayant été
régulière et réalisée selon les voies légales. Elle estime que rien ne permet
d’estimer que l’internement aurait été levé plus tôt si le recours avait été instruit
plus rapidement. En revanche, elle accepte la demande de M. Luberti sur le
remboursement de ses frais de défense devant la section de surveillance de
Rome et la Cour d’appel, qu’il chiffre à 1 000 000 de lires.
C’est en octobre 1978 que son médecin traitant, le Dr Maguire signale que
Ashingdane « avait cessé de constituer une menace » et recommande son transfert
à Oakwood. En mars 1979, le ministre de l’Intérieur consent à son transfert, mais
l’autorité sanitaire d’Oakwood le refuse. En effet, depuis 1975, les syndicats des
infirmiers de cet hôpital, estimant ne pas disposer des moyens nécessaires,
refusaient l’admission des malades délinquants, assujettis à des ordonnances
restrictives. Imposer cette admission comportait de sérieux risques de grèves…
M. Ashingdane est donc resté à Broadmoor. La commission de contrôle psychia-
trique, consultée à ce sujet par le ministère de la Santé, a jugé que si l’hospitali-
sation dans un hôpital local est souhaitable, la mesure d’internement était
encore nécessaire. Pendant ce temps, l’autorité sanitaire du Kent négocie avec les
syndicats et ne trouve de compromis qu’en septembre 1980, sous la forme d’un
recrutement de personnel supplémentaire. L’avis médical étant toujours en
faveur de la poursuite de l’hospitalisation dans l’hôpital local, les ministres de
l’Intérieur et de la Santé ont accepté ce transfert. En 1985, M. Ashingdane
demeure hospitalisé à l’hôpital d’Oakwood, en service ouvert ; il rentre à son
domicile les week-ends.
La Commission européenne s’est intéressée aux conditions d’hospitalisation à
Broadmoor. Les services sont fermés. L’hôpital est entouré d’un haut mur
d’enceinte. Les sorties des pavillons se font sous escorte. M. Ashingdane
travaillait dans les jardins potagers de l’hôpital. Les sorties accompagnées hors
de l’hôpital « ne sont autorisées qu’à titre exceptionnel et pour des raisons humani-
taires ». Le requérant n’en bénéficia qu’à deux reprises de 1971 à 1980.
Avis de la Commission et arrêt de la Cour sur la violation alléguée de l’article 5 § 1 e)
M. Ashingdane admet que son internement a eu lieu selon les voies légales,
mais il en conteste la régularité. Son argument principal, que ses avocats n’ont pas
développé devant la Cour, est qu’il n’avait pas présenté de troubles mentaux d’un
caractère ou d’une ampleur nécessitant l’internement. Après avoir rappelé les
conditions énoncées lors de l’arrêt Winterwerp, la Cour se base sur les certificats
médicaux et ne doute pas « de l’objectivité et de la solidité de ces avis ». Ses avocats
développent, par contre, les thèses subsidiaires du requérant : puisqu’il était décidé
par le ministre de l’Intérieur qu’il était apte à être transféré à l’hôpital d’Oakwood,
transfert qui ne se fit qu’en octobre 1980, les 20 mois supplémentaires d’hospitali-
sation à Broadmoor étaient irréguliers. Les avocats de M. Ashingdane plaident, en
premier lieu, que les différences de conditions d’hospitalisation entre Broadmoor et
Oakwood étaient telles que la décision de transfert équivaut au passage d’une
détention à une hospitalisation avec limitation de la liberté de circuler. La détention
se serait donc prolongée au-delà de la nécessité, en infraction avec la troisième
condition énoncée dans l’arrêt Winterwerp. La Cour a objecté que du moment qu’il
était prévu que M. Ashingdane serait hospitalisé dans un service fermé à l’hôpital
d’Oakwood, il était bien détenu au sens de la Convention et que son transfert ne
modifiait pas la nature de son hospitalisation.
Le deuxième argument de M. Ashingdane contre la régularité de sa déten-
tion sur cette période de vingt mois est le suivant : la détention dans un hôpital
spécial n’était pas motivée par sa dangerosité et comportait un risque pour sa
L’apport des principes du droit international 253
santé mentale, comme l’avait d’ailleurs noté dans une attestation son psychiatre
traitant. Ainsi sa détention n’était pas régulière, puisqu’elle ne poursuivait pas
son but, à savoir sa guérison. Ses avocats s’appuient sur l’article 18 de la
Convention : « Les restrictions qui, aux termes de la […] Convention, sont apportées
auxdits droits et libertés ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont
été prévues. » La Cour admet cette thèse. « La régularité d’une détention doit
marquer tant l’adoption que l’application de la mesure privative de liberté. » Une déten-
tion doit bien être conforme à l’article 18. De même, « il faut un certain lien entre,
d’une part, le motif invoqué pour la privation de liberté autorisée et, de l’autre, le lieu et
le régime de la détention102 ». Toutefois, la Cour rappelle « que le traitement ou le
régime adéquats ne relèvent […] pas, en principe, de l’article 5 § 1 e) » comme elle
l’avait déjà stipulé dans l’arrêt Winterwerp. Dans le cas présent, la Cour
n’estime pas que les différences de régime entre Broadmoor et Oakwood étaient
telles qu’elles modifiaient le caractère de sa privation de liberté. De plus, la Cour
estime que le retard de son transfert s’expliquait par un souci de sécurité et
tenait compte des relations de travail. Il n’y pas eu de malveillance, ni « d’indif-
férence consciente pour le bien-être de l’intéressé ». La Commission avait toutefois
estimé « déplorable de constater que ce sont des motifs de revendications sociales et non
de thérapeutique qui ont empêché le transfert103 ». La Cour conclut donc que
M. Ashingdane « a subi une injustice en devant endurer le régime plus strict de
Broadmoor » mais que ce tort infligé ne relève pas de la protection de l’article 5
§ 1 e). Il n’y a donc pas de violation de l’article 5 § 1. Dans son opinion dissidente,
le juge français Pettiti émet toutefois des réserves sur cette absence de violation
de l’article 5 § 1. Il s’appuie sur les certificats médicaux où il est clairement
indiqué que l’hospitalisation dans un service ordinaire est utile au traitement et
il rappelle qu’une détention d’aliéné a pour but le traitement et la protection de la
société. Ainsi, la période passée à l’hôpital de Broadmoor, après que son transfert
eut été jugé nécessaire, n’avait plus un but thérapeutique. M. Pettiti conclut donc,
mais avec une certaine pondération, que la détention devenait irrégulière104.
Sur la violation alléguée de l’article 5 § 4
M. Ashingdane se plaint d’une violation de cet article à propos de la procédure
qu’il avait engagée contre son maintien à Broadmoor. La Cour constate que
puisque ce recours portait sur un hébergement et un traitement plus appropriés, et
non sur la base juridique de sa détention, ce recours ne relève pas de l’article 5 § 4.
leurs parents pour des affections ne justifiant pas l’hospitalisation. L’arrêt rendu
par la Cour en 1988 dans l’affaire Nielsen met en lumière ce problème.
John Nielsen, garçon de 12 ans, ne souffrant pas de maladie mentale, fut placé
au pavillon de psychiatrie infantile de l’hôpital public à la demande de sa mère
qui en avait la garde exclusive. Les représentants du garçon ne purent pas obtenir
sa sortie parce qu’il avait été placé à la demande de sa mère et non pas en vertu
d’une procédure d’office du droit danois. Le garçon fit valoir que son incarcéra-
tion était involontaire et constituait une privation injustifiée de liberté en violation
de l’article 5 § 1 de la Convention. Il fit en outre valoir que l’absence de procédure
permettant de contester cette privation de liberté équivalait à une violation de
l’article 5 § 4. La Commission européenne a estimé que, le psychiatre en chef de
l’hôpital étant responsable de la prise de la décision finale concernant l’admission
du garçon, le consentement de la mère n’était pas déterminant. Toutefois, la Cour
a estimé, par une majorité de neuf voix contre sept, que la décision relative à la
question de l’hospitalisation était en fait prise par la mère en sa qualité de titulaire
de l’autorité parentale. Bien que la Cour européenne ait admis que les droits
parentaux ne sauraient être illimités, elle a estimé que les restrictions imposées à
la liberté de mouvement du garçon ne constituaient pas une détention au sens de
l’article 5. Il n’avait pas été détenu en tant qu’aliéné au sens de l’article 5 § 1 e). Son
hospitalisation devait être abordée comme tout autre cas de soins reçus par un
enfant dans un hôpital à la demande de ses parents, sur avis médical. En consé-
quence il n’y avait pas eu violation de l’article 5.
Les juges en désaccord se sont déclarés très préoccupés par la nature de l’inter-
nement du garçon : « En effet, nous pensons que les conditions particulières dans
lesquelles le requérant a été admis à l’hôpital, placé contre son gré dans le pavillon psychia-
trique, ainsi que la durée et les modalités d’application de l’internement sont des critères
importants pour déterminer si le requérant a été privé de la liberté. Comme la Commission,
nous tenons pour important qu’il s’agissait de l’internement pendant plusieurs mois, dans
un pavillon psychiatrique, d’un garçon de 12 ans qui n’était pas un malade mental. Cela
constituait, à notre avis, une privation de liberté au sens de l’article 5 de la Convention. »
Dans une opinion dissidente, le juge français Pettiti soulignait également que,
dans le cadre de la Convention européenne, notamment au titre de l’article 5, dans
un domaine aussi délicat que celui de l’internement psychiatrique, on doit
marquer une vigilance sans défaut pour éviter les déviations des systèmes légis-
latifs et des structures hospitalières… Or, en raison même de la vulnérabilité de
ceux qui font l’objet de décisions d’internement, la protection de l’article 5 doit
jouer pleinement, plus encore que pour la détention de droit commun.
Mme Van der Leer a déposé en mai 1984 sa requête dirigée contre le royaume
des Pays-Bas devant la Commission.
Les faits
Mme Hendrika Wilhelmina Van der Leer est née en 1922. Elle demeure à La Haye.
L’apport des principes du droit international 255
En septembre 1983, Mme Van der Leer est internée, selon la procédure
d’urgence, dans un hôpital psychiatrique de La Haye sur décision du bourg-
mestre de cette ville. Conformément à l’article 35 (c) de la loi de 1884 amendée
en 1980, le président du tribunal d’arrondissement est averti et prend la
décision, dans les trois jours prévus par la loi, de ne pas autoriser la prolonga-
tion de cet internement d’urgence. La patiente accepte de rester hospitalisée
volontairement. Toutefois, en novembre de la même année, à la demande de son
mari, le juge cantonal (Kantonrechter) autorise l’internement provisoire de
Mme Van der Leer dans l’hôpital même où elle est hospitalisée. Le juge a pris la
décision au vu du certificat médical émanant du psychiatre de cet hôpital. Il ne
tient pas d’audience (et donc il n’y a pas de procès-verbal). Il ne juge pas utile
d’entendre la patiente, estimant que le certificat médical lui suffit, alors que ce
certificat répond par la négative à la question de savoir si l’audition de Mme Van
der Leer est inutile ou médicalement contre-indiquée.
L’internement provisoire est régi par l’article 12 de la loi du 27 avril 1884. Cette
décision est du ressort du juge cantonal, initiée par la demande d’un membre de
la famille et accompagnée d’une déclaration par un médecin agréé, spécialiste des
maladies mentales et nerveuses. L’article n’exige pas l’élément de dangerosité
pour soi-même ou pour autrui, et indique seulement que l’internement provisoire
est prononcé lorsque le traitement en hôpital est « nécessaire ou souhaitable ». Le
juge a l’obligation d’entendre l’intéressé, sauf s’il déduit du certificat que cette
audition serait inutile ou médicalement contre-indiquée 106. Il doit se renseigner
auprès de l’auteur de la demande et des plus proches parents dans la mesure du
possible. Il est prévu, par ailleurs, la présence d’un greffier aux auditions. L’article
17 § 1 et 8 précise que la décision n’est pas susceptible d’appel, ni notifiée à la
personne concernée. Le patient peut, à tout moment, demander sa libération à la
direction de l’hôpital. Si cette demande est refusée par la direction, elle est trans-
mise au procureur de la reine qui saisit le tribunal d’arrondissement. Cette mesure
d’internement provisoire est d’une durée de six mois et renouvelable.
Mme Van der Leer n’a donc pas été informée de son internement, ainsi que
l’autorise la loi néerlandaise. Elle n’a pris conscience du caractère forcé de son
hospitalisation que le 28 novembre 1983, lorsqu’elle a été placée en isolement.
Elle s’est alors mise en rapport avec son avocat. Celui-ci demande à la direction
de l’hôpital la levée de l’hospitalisation, ce qui est refusé. Conformément à la loi,
le tribunal de La Haye est donc saisi de cette demande en février 1984. Le
tribunal prend, en mai 1984, la décision de libérer la requérante. Entre-temps,
avec l’aide de son mari, Mme Van der Leer avait quitté l’hôpital sans autorisation.
Arrêt de la Cour sur la violation alléguée de l’article 5 § 1 e)
Sur ce point, la Cour renvoie à la législation nationale et souligne à nouveau
l’obligation du respect des normes, aussi bien de procédure que de fond. Le fait de
ne pas avoir entendu Mme Van der Leer, contrairement aux dispositions légales,
constitue un vice de procédure. La Cour précise toutefois, qu’ « à tout le moins [le
juge] aurait dû indiquer, dans sa décision, les raisons qui l’incitaient à s’écarter à cet égard
106. Article 17 § 3.
256 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
juger si les faits de la cause révèlent un manquement de cet État aux exigences
de l’article 5 § 1 et 4 et de l’article 6 § 1 et 3.
Les faits
M. Jonas Mohamed Rafiek Kœndjbiharie est né au Surinam et réside à La
Haye. Il a été condamné en juin 1979, sur appel par la Cour d’appel de La Haye,
pour un viol avec récidive, à neuf mois de prison et à sa mise à disposition du
gouvernement pour une durée de deux ans. Cette disposition suit l’article 37 du
Code pénal néerlandais de 1928. Aux termes de cet article, qui a été modifié par
la loi du 19 novembre 1986, l’auteur d’une infraction n’est pas punissable s’il
souffre d’une déficience ou d’une maladie mentale et peut être placé à la dispo-
sition du gouvernement en vu de traitement. Si la responsabilité est seulement
atténuée par l’état mental déficient, cette mise à disposition peut alors faire suite
à une sanction pénale avec circonstances atténuantes. La mesure est valable
deux ans. Elle peut être interrompue par le gouvernement sur avis médical et
prolongée par jugement pour une période d’un à deux ans. C’est le procureur de
la reine qui est chargé d’adresser une demande de prolongation, deux mois au
plus et un mois au moins avant l’expiration du terme. Le tribunal décide sur le
rapport médical, entend, si possible, la personne en cause, et en tout cas son
avocat. Il peut décider d’entendre des témoins et des experts. Il dispose d’un
délai de deux mois pour se prononcer, délai durant lequel l’intéressé reste à la
disposition du gouvernement. À tout moment, la personne mise à disposition
peut demander au ministre de la Justice la révocation de cette mesure. Celui-ci
peut, avec ou sans conditions, lever la mesure, sans recourir à la procédure
judiciaire.
Ainsi Kœndjbiharie est-il interné, après neuf mois de prison, dans une
clinique psychiatrique d’État, dont il s’échappe en septembre 1981. Il est appré-
hendé en avril 1982 et placé en détention préventive, car il lui est imputé un
nouveau viol. Il est toutefois acquitté en juillet 1982. Entre-temps, en avril 1982,
la Cour d’appel de La Haye a prolongé sa mise à disposition jusqu’en avril 1984.
Mais, en mars 1984, le ministre de la Justice décide que cette mesure doit se
poursuivre jusqu’en juillet 1984, puisque M. Kœndjbiharie se trouvait en déten-
tion préventive d’avril à juillet 1982 et que l’article 37 prévoit que la mise à
disposition est interrompue par toute incarcération pénale.
M. Kœndjbiharie et son avocat saisissent le tribunal d’arrondissement en mai
1984 d’une demande d’élargissement fondée sur l’argumentation suivante : son
acquittement rend sa détention préventive arbitraire ; sa mise à disposition
s’interrompt en avril 1984 et n’a pas été renouvelée dans le délai légal. Cette
demande est rejetée. Selon le gouvernement, le procureur de la reine sollicite le
renouvellement de la mise à disposition en mai 1984, dans le délai prévu par la
loi. L’audience a lieu en juin 1984, mais la décision de prolongation n’est prise
qu’en septembre 1984. L’avocat de Kœndjbiharie avait mentionné un projet de
mariage, en argumentant une diminution des risques de récidive de viol. La
Cour avait alors demandé au médecin de la clinique de se présenter à l’audience
du 17 août 1984 pour l’éclairer sur ce point, mais il ne se présenta pas et la
décision fut ajournée. De toute façon, Kœndjbiharie n’avait plus l’intention de se
258 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
n’avait pas mentionné ce recours en référé, admettant même que M. Keus n’avait
pas de possibilité de recours après la décision de prolongation. Ce n’est que
devant la Cour, en réponse à une question, que le Conseil du gouvernement
révéla cette procédure. Signalant qu’il « appartient au gouvernement défenseur d’indi-
quer avec la clarté voulue l’existence d’un recours répondant aux exigences de l’article 5
§ 4 », les juges expriment l’opinion dissidente d’une violation de cet article.
Les faits
En mars 1983, M. Zolton Istvan Megyeri, citoyen hongrois vivant en
Allemagne depuis 1975, est interné dans un hôpital psychiatrique sur ordon-
nance du tribunal régional de Cologne en vertu de l’article 63 du Code pénal,
pour des actes délictueux qu’il avait commis, mais dont il ne put pas être tenu
responsable, puisqu’il souffrait de troubles mentaux. Le tribunal s’appuie sur
une expertise médicale ayant conclu à une « psychose schizophrénique avec des
signes de paranoïa ». Lors de la procédure, M. Megyeri a été défendu par un
avocat commis d’office. En septembre 1984, en août 1985 puis en juillet 1986, le
tribunal régional d’Aix-la-Chapelle prescrit la poursuite de l’internement, selon
l’article 67 (e) du Code pénal, qui prévoit un contrôle périodique tous les ans. En
1986, le tribunal fonde sa décision sur le rapport de trois psychiatres qui conclut
que « la santé mentale de M. s’est dégradée, qu’il ne consent pas à subir un traitement
et qu’il témoigne d’une nette propension à un comportement agressif et à la violence ».
En septembre 1986, la Cour d’appel de Cologne écarte le recours de M. Megyeri
contre la dernière décision du tribunal d’Aix-la-Chapelle.
La question posée à la Cour lors de cette affaire porte sur la représentation
juridique de M. Megyeri. En effet, en 1986, l’intéressé n’a pas été représenté par
un avocat. Pourtant, en mars 1986, il a invité le tribunal à remplacer l’avocat qui
avait agi en son nom en 1983 et, à cette occasion, il avait demandé les raisons
pour lesquelles celui-ci n’avait pas assisté aux procédures de contrôle
ultérieures. Cette question de la défense d’un accusé par un conseil se trouve
régie par l’article 140 du Code de procédure pénale. Le président désigne, sur
demande ou d’office, un défenseur lorsque, en raison de la gravité de l’acte ou
de la complexité des données de fait ou de droit de la cause, le concours d’un
défenseur paraît nécessaire ou lorsque l’inculpé ne peut manifestement pas se
défendre lui-même. La Cour constitutionnelle fédérale, saisie par Megyeri sur ce
point en vue d’annuler les décisions du tribunal régional et de la Cour d’appel,
a estimé, en février 1987, que « la non-désignation d’un conseil par les tribunaux,
dans la procédure de 1986, ne peut soulever aucune objection en droit constitutionnel,
car jusque-là il n’était pas manifeste que sa maladie rende le requérant inapte à se
défendre lui-même ». Pourtant il avait été jugé, en septembre 1984, par le tribunal
administratif de Cologne que M. Megyeri se trouvait incapable de mener lui-
même une procédure judiciaire, et le tribunal d’instance de Cologne avait
décidé, en mars 1987, la mise sous tutelle de l’intéressé après l’avoir entendu et
après une expertise qui eut lieu un an plus tôt. Lors des contrôles ultérieurs,
Megyeri est représenté par un avocat commis d’office. En janvier 1989, le
tribunal ordonne sa libération conditionnelle pour une durée de trois ans. Il vit
alors dans un pavillon ouvert de l’établissement psychiatrique de Cologne.
Arrêt de la Cour
M. Megyeri s’est plaint auprès de la Commission d’une violation de l’article
5 § 4 du fait que l’article 140 du code de procédure pénale sur la désignation
d’un défenseur avait été enfreint.
Après avoir rappelé sa jurisprudence relative à l’article 5 § 4, la Cour conclut
qu’« une personne détenue dans un établissement psychiatrique pour avoir accompli des
L’apport des principes du droit international 263
actes constitutifs d’infractions pénales, mais dont ses troubles mentaux empêchent de la
juger responsable, doit, sauf circonstances exceptionnelles, jouir de l’assistance d’un
homme de loi dans les procédures ultérieures relatives à la poursuite, la suspension ou la
fin de son internement. L’importance de l’enjeu pour elle – sa liberté – combinée à la
nature même de son mal – une aptitude mentale diminuée – dicte cette conclusion115 ».
La Cour a analysé sous cet angle la procédure et les faits concourants jusqu’en
1986. Elle note l’existence d’une pathologie psychiatrique attestée par des certi-
ficats médicaux, l’aggravation de cette pathologie en 1986, et vise la décision
judiciaire de mise sous tutelle. Elle indique qu’une des questions posées lors du
contrôle de 1986 était de savoir si le requérant, au cas où il bénéficierait d’une
libération à l’essai, représenterait un risque pour la collectivité. Elle précise en
outre qu’elle doute que M. Megyeri pût aborder de « manière adéquate le problème
juridique » et « par ses propres moyens, ordonner et bien exposer des arguments en sa
faveur sur ce thème qui exigeait des connaissances et compétences médicales116 ». La
Cour conclut donc à une violation de l’article 5 § 4. Le tuteur de M. Megyeri,
demande une indemnité pour préjudice matériel sous la forme d’un manque à
gagner, en argumentant que « M. Megyeri pouvait recouvrer sa liberté plus tôt, puis
trouver un emploi si un avocat l’avait assisté dans la procédure litigieuse ». La Cour a
écarté cette demande, ne pouvant présumer d’une issue plus favorable à
l’examen judiciaire de 1986, si le requérant avait été assisté d’un avocat. En
revanche, la Cour estime qu’il y a eu préjudice moral appelant l’octroi d’un
dédommagement financier. M. Megyeri, « faute d’avoir eu l’assistance d’un avocat
a dû éprouver un certain sentiment d’isolement et de désarroi ».
L’affaire Herczegfalvy marque surtout une évolution car elle aborde les
questions du respect des droits à la vie privée et la notion de traitement
inhumain. M. Herczegfalvy a saisi la Commission en novembre 1978. L’affaire a
été déférée devant la Cour en avril 1991.
Les circonstances
M. Istvan Herczegfalvy est un citoyen qui vivait à Vienne depuis 1964. Il a
été condamné en 1972 pour coups et blessures et il purgea de 1972 à 1977 deux
peines d’emprisonnement. Il a fait l’objet, au cours de sa détention, de nouvelles
poursuites pour coups et blessures contre ses gardiens, ses codétenus, et pour
des menaces envers les magistrats. Dans le cadre de ces nouvelles procédures
judiciaires, il a été maintenu en détention provisoire. Lors des débats devant le
tribunal, en janvier 1978, Herczgfalvy a injurié et craché au visage du président.
L’acte d’accusation a alors été révisé, à la suite de l’avis de plusieurs experts qui
ont conclu qu’il souffrait de « paranoïa quérulente, équivalent à une maladie mentale,
qui le rend irresponsable ; très agressif, il n’est pas capable de saisir l’illicéité de ses actes
et sa présence à l’audience risque de nuire à sa santé 118 ». Le tribunal a ordonné son
transfert à la prison spéciale pour délinquants aliénés. En juin 1978, le parquet a
modifié son acte d’accusation et a demandé son internement. Toutefois,
Herczegfalvy est resté jusqu’en juin 1979 dans la prison spéciale, bien qu’il ait
déposé un recours contre la décision d’internement et contre le psychiatre
traitant ayant préconisé son maintien à la prison spéciale pendant la durée de la
procédure. Mais il a été transféré d’urgence en juin 1979 en hôpital psychia-
trique, en raison des soins qu’il nécessitait, avant d’être renvoyé en maison
d’arrêt, le 23 juillet 1979.
Le traitement
M. Herczegfalvy entame alors en août 1979 une grève de faim pour
manifester son désaccord avec les décisions et la procédure suivie. « Tombé d’ina-
nition119 » le 28 août, il est hospitalisé pour recevoir un traitement médical urgent.
Il est transféré en septembre 1979 en hôpital psychiatrique. Vu son affaiblisse-
ment, une alimentation forcée est engagée. « Rejetant tout contact et tout examen
ou traitement médical, le requérant se vit en outre administrer contre son gré des sédatifs
[…], puis les 14 et 15 septembre, attacher à un lit de sûreté dont il réussit à sectionner
le filet et les courroies. Le 17 septembre, il reçoit un autre neuroleptique. Il cesse de
repousser toute nourriture le 27 septembre 1979, après avoir obtenu une chambre indivi-
duelle et une partie de ses dossiers120. » Il observe une nouvelle grève de la faim de
mi-novembre à mi-décembre, puis il accepte de se faire nourrir par sonde une
fois par jour. Devant son état de détérioration physique, on décide un traitement
par perfusion, qui n’est possible qu’associé à un traitement provoquant un état
de sédation. « Comme il s’y était violemment opposé, l’équipe de secours a dû le
maîtriser. » Après un séjour en réanimation et de retour au quartier fermé, « on
lui met des menottes et une courroie autour des chevilles en raison du risque d’agression
et des menaces de mort qu’il profère121 ». À partir de février 1980, M. Herczegfalvy
devient plus calme et plus coopérant. Il continue à injurier épisodiquement le
personnel, mais il accepte de communiquer avec son entourage et consent qu’un
médecin le nourrisse par sonde deux fois par semaine. « Le 22 février, on lui
donne du papier et un stylo122. » M. Herczegfalvy porte plainte pour coups et
blessures, chaque fois qu’il lui est administré des médicaments. Fin 1980, il se
voit interdire de regarder la télévision, à la suite d’un différend à propos de sa
correspondance. À partir de 1982, il accepte de se nourrir autrement que par
sonde, comme c’était encore le cas. En 1983, un expert estime qu’il est possible
de le mettre en liberté conditionnelle, son état s’étant beaucoup amélioré, au
point de ne plus représenter de danger. Il quitte l’hôpital en 1984, après une
nouvelle expertise.
La correspondance et l’information
M. Herczegfalvy a adressé de nombreuses plaintes et requêtes relatives aux
soins et aux procédures judiciaires. La direction de l’hôpital avait convenu avec
le curateur de l’intéressé que son courrier lui serait régulièrement transmis et
que le tuteur déciderait s’il devait être posté, sauf les lettres adressées à son
avocat et au tribunal des tutelles, qui étaient transmises sans restriction. En
quittant la clinique, Herczegfalvy se vit remettre six classeurs contenant une
partie de ses lettres, ainsi qu’une cinquantaine de lettres qui n’avaient pas été
envoyées, bien qu’adressées au parquet. En outre, M. Herczegfalvy s’est plaint
d’avoir été privé de lecture, de radio et de télévision pendant de longues
périodes de sa détention et que « tant sa cellule que le pavillon étaient dépourvus de
téléviseurs ».
Arrêt de la Cour
Nous n’envisagerons pas en détail l’arrêt de la Cour à propos de la violation
allégués des articles 5 § 1 e) et 5 § 4. Nous signalerons seulement que la Cour a
conclu à l’absence de violation de l’article 5 § 1, mais a une nouvelle fois dû
conclure à la violation de l’article 5 § 4 lors de deux recours de M. Herczegfavy
pour lesquels la décision n’est intervenue qu’au bout, respectivement, de quinze
mois et de deux ans. Nous nous attarderons plus longuement sur les autres
griefs du requérant concernant les traitements subis et l’ingérence dans sa
correspondance.
Sur la violation alléguée de l’article 3
M. Herczegfalvy estime qu’en lui administrant de force de la nourriture et
des neuroleptiques, en l’isolant et en l’attachant à l’aide de menottes à un lit de
sûreté, on lui a infligé un traitement inhumain, incompatible avec l’article 3.
Rappelons que l’article 3 stipule que « nul ne peut être soumis à la torture, ni à des
peines ou traitements inhumains ou dégradants ».
La Commission européenne des droits de l’hommes estime qu’il y a eu « un
manquement aux exigences de ce texte dans le mode d’application du traitement :
violentes et prolongées à l’excès, les différentes mesures incriminées auraient, combinées,
revêtu un caractère inhumain et dégradant, contribuant même à aggraver l’état du
patient123 ». La Cour analyse les traitements, les mesures d’isolement et de
contention qu’a subis Herczegfalvy durant son internement. Elle estime qu’ap-
prouvés par son curateur, ils n’ont jamais cessé de viser un but thérapeutique et
ont été interrompus dès que l’état du malade l’a permis. La Cour estime que la
durée du maintien des menottes pendant quinze jours et du lit de sûreté est
effectivement préoccupante. Toutefois, elle accepte la thèse du gouvernement
qui plaidait que ce traitement était justifié par l’impératif médical. La Cour ne
retient pas de violation de l’article 3, mais elle développe son opinion sur les
traitements coercitifs : « Selon la Cour, la situation d’infériorité et d’impuissance qui
caractérise les patients internés dans des hôpitaux psychiatriques appelle une vigilance
La Cour européenne des droits de l’homme eut par ailleurs à statuer en 2000
et 2001 sur l’applicabilité de l’article 6 § 1 au contentieux diligenté, en France,
devant les juridictions administratives, concernant un internement administratif
fautif 129. Dans l’affaire de M. Albin Ballestra, elle n’eut à statuer que sur la
longueur du contentieux de la réparation porté devant cette juridiction 130. Dans
l’affaire de M. Vermeersch, elle dut en revanche se prononcer sur le contentieux
de l’annulation des décisions irrégulières de placement et dut, à cette fin, opérer
un important revirement de jurisprudence.
127. Série A n° 257 C, p. 37, § 21. Depuis l’affaire Kudla, la Cour européenne semble
néanmoins avoir abandonné sa vieille jurisprudence relative à l’absorption des disposi
tions de l’article 13 par les garanties posées à l’article 6 § 1 de la Convention. Dans cette
dernière affaire, elle statue en effet séparément sur le grief tiré de la violation de l’article
13 (arrêt du 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne).
128. L’opposition d’un grand nombre de médecins à un tel projet a néanmoins conduit à
repousser la discussion parlementaire à la fin de l’année 2001. Voir projet de loi, Droits des
malades et qualité du système de santé, Lionel Jospin, Élisabeth Guigou, Paris, 5 septembre
2001, Assemblée nationale, Les documents législatifs de l’Assemblée nationale, n° 3258, 175 p.
129. Par un troisième arrêt du 13 novembre 2001, la troisième section de la Cour a constaté
la violation de l’article 6 § 1 dans une affaire José Francisco c/France et alloué 60 000 F à
titre de satisfaction équitable et 8 000 F au titre des frais de procédure.
130. Par arrêt du 27 février 2001, la Cour européenne statua également sur la violation de
l’article 6 § 1 dans le cadre d’une procédure civile indemnitaire, relative à un internement
psychiatrique, en constatant l’existence d’une telle violation et en accordant 23 000 F au
requérant à titre de satisfaction équitable (req. n° 39066/97, Jean Pierre Donnadieu
c/France).
L’apport des principes du droit international 269
L’affaire Ballestra
Les circonstances 131
M. Albin Ballestra, alors âgé de 22 ans et balayeur de la ville de Paris, fut arrêté
le 14 mai 1982 pour avoir franchi les services d’ordre du Parc des Princes lors de
la finale de la coupe de France de football pour offrir une rose au président de la
République. Transféré le lendemain à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture
de police de Paris (IPPP), il fut ensuite interné en unité pour malades difficiles du
centre hospitalier spécialisé de Villejuif durant plusieurs mois, et maintenu
enfermé dans cet hôpital jusqu’en octobre 1985, date à partir de laquelle il obtint
des sorties occasionnelles, puis régulières, avant d’obtenir sa sortie judiciaire par
ordonnance du président du tribunal de grande instance de Créteil du 26 mai
1987, magistrat qu’il avait saisi un mois et demi plus tôt. Le 28 juin 1988, il intro-
duisit devant le tribunal administratif de Paris plusieurs recours en annulation
des décisions de placement et de maintien. Par jugement du 18 février 1991, le
tribunal administratif de Paris fit partiellement droit à ses demandes. Il se pourvut
néanmoins devant le Conseil d’État qui rejeta son recours par arrêt du 11 juin 1997.
Dans l’intervalle, le 1er septembre 1989, M. Ballestra se présenta au domicile
personnel du président de la République afin d’expliquer son geste de 1982, de
lui faire part de ses conséquences et d’obtenir de lui un emploi à la télévision. Il
téléphona en outre à l’interne de garde de l’hôpital de Villejuif pour le tenir
informé de ses démarches. La police, alertée, le plaça sous surveillance rappro-
chée durant plusieurs jours, et bien qu’elle n’observât rien d’anormal, elle se
saisit de lui le 16 septembre 1989 sur ordre du commissaire de Vitry-sur-Seine,
qui le fit transférer une nouvelle fois à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture
de police de Paris. Le lendemain, il fut de nouveau interné au CHS de Villejuif,
sur ordre du préfet du Val-de-Marne. Le 26 septembre 1989, M. Ballestra
s’évada, mais il fut de nouveau arrêté le 15 novembre, alors qu’il s’apprêtait à
prendre le train pour se rendre à l’audience du 16 novembre du président du
Tribunal de grande instance de Créteil qu’il avait saisi d’une nouvelle requête en
sortie immédiate. Maintenu au CHS de Pierrefeu-du-Var jusqu’au 22 novembre
1989, il fut transféré à cette date au CHS de Villejuif d’où il sortit le 15 février 1990
sur ordre du magistrat précédemment saisi, s’appuyant sur un rapport d’expert
du 15 janvier 1990 qui concluait à son absence de dangerosité.
Parallèlement, M. Ballestra introduisit, devant les juridictions administratives,
un recours tendant au remboursement du forfait hospitalier journalier qu’il avait
dû payer, ainsi que diverses requêtes de plein contentieux visant à obtenir répara-
tion du préjudice né des irrégularités de forme qu’il dénonçait dans ses précédents
recours. Par jugement du 12 février 1991, le tribunal administratif de Paris rejeta
son recours relatif au remboursement du forfait journalier. La cour administrative
d’appel de Paris annula en revanche ce jugement par arrêt du 31 mars 1992 et
donna partiellement gain de cause au requérant ; mais, par arrêt du 26 juillet 1996,
le Conseil d’État, saisi par l’hôpital d’un pourvoi en cassation, annula l’arrêt de la
Cour administrative d’appel au motif que l’appel formé par l’avocat du requérant,
131. Concernant l’histoire de M. Albin Ballestra, voir notamment Ph. Bernardet, Les
Dossiers noirs de l’internement psychiatrique, Paris, Fayard, 1989, p. 25 33.
270 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
132. Arrêt Ballestra c/France, 12 décembre 2000, req. n° 28660/95, Comm. eur., 20 mai
1998.
L’apport des principes du droit international 271
état dépressif pour lequel il se fit suivre et traiter. Toutefois, il n’arrêta pas son
travail et continua à gérer son garage. Ses difficultés s’accrurent d’une mésen-
tente familiale et d’un conflit avec un médecin, premier adjoint au maire de la
commune de Verlingheim, avec lequel il échangea quelques invectives. À la
suite d’un incident, un autre médecin de cette même commune rédigea, le
20 octobre 1987, un certificat médical succinct d’internement qui suffit au
premier adjoint au maire pour ordonner, en lieu et place du premier magistrat
de la commune, le placement d’office de l’intéressé. Le 30 octobre 1987, le préfet
du Nord prit un arrêté de placement d’office. Le 8 février 1988, M. Vermeersch
adressa une demande de sortie immédiate au président du Tribunal de grande
instance de Lille, lequel ordonna sa sortie immédiate, un mois plus tard,
estimant qu’au vu du certificat médical de situation du 26 février 1988, son
maintien en établissement psychiatrique n’était plus nécessaire.
Durant l’été 1989, l’intéressé introduisit plusieurs recours en annulation des
décisions d’internement et de maintien devant le tribunal administratif de Lille,
qu’il assortit ensuite de divers recours indemnitaires, introduits devant cette
même instance en novembre 1989, février et juin 1990, puis en janvier 1994 et en
janvier 1995, à l’encontre de l’État, de l’établissement et des diverses communes
concernées, dont celle dont dépendait l’hôpital.
Estimant que le délai d’instruction pris par les juridictions administratives
devait conduire les organes européens à conclure à l’épuisement des voies de
recours internes, M. Vermersch entendit se plaindre non seulement de la longueur
de la procédure en annulation des actes qu’il estimait fautifs, comme de la procé-
dure visant à obtenir réparation de son préjudice, mais encore des diverses viola-
tions de la Convention européenne dont il avait saisi le juge administratif français
et que révélait, selon lui, son internement. Il compléta ultérieurement sa requête
du grief selon lequel les règles de répartition des compétences entre juridictions
administrative et civile étaient, en France, si peu assurées qu’il fallut attendre
l’arrêt du tribunal des conflits pris le 17 février 1997, dans une affaire Menvielle,
pour que le juge de la réparation soit clairement identifié.
Procédure devant la Commission européenne
Statuant le 21 octobre 1998 sur la recevabilité de la requête, la Commission
européenne déclara irrecevable les griefs relatifs à l’internement et au traitement
du requérant, soit pour non-épuisement des voies de recours, soit parce
qu’ayant obtenu l’annulation de certains actes, le requérant devait être considéré
comme ayant obtenu réparation de la violation alléguée et avait, par consé-
quent, perdu sa qualité de victime au sens de l’article 25 de la Convention. Aussi
ne retint-elle que les griefs tirés de la violation de l’article 6 § 1 concernant le
délai des procédures pendantes devant la juridiction administrative, de la viola-
tion de l’article 5 § 5 de la Convention qui résulterait, selon le requérant, de
l’impossibilité d’obtenir la réparation pécuniaire de son préjudice, faute de
pouvoir déterminer avec la certitude voulue, le juge compétent pour en
connaître, et de la violation de l’article 13 en ce qu’il ne disposait d’aucun moyen
de recours pour faire cesser les violations alléguées des articles 6 § 1 et 5 § 5. Ce
faisant, la Commission revenait sur son ancienne jurisprudence qui, jusqu’à
272 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
138. La cour renvoie à ce sujet à la décision prise le 29 août 2000 par la troisième section,
dans le cadre de l’affaire Francisco c/France (req. n° 3945/97).
139. Arrêt Vermeersch c/France, p. 13. Voir, dans le même sens, la décision de la troisième
section du 23 février 1999, prise dans l’affaire A.B. c/France (req. n° 39586/98).
274 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Ces dix dernières années, plusieurs dizaines de requêtes ont été portées
devant la Commission européenne des droits de l’homme par des personnes qui
ont été internées en France et qui contestaient leurs internements. Certaines de
ces affaires ont débouché soit sur des décisions d’irrecevabilité, soit sur des
accords amiables entre les requérants et le gouvernement français, soit sur des
résolutions du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, constatant une
violation de la Convention et accordant une satisfaction équitable aux victimes.
Aucune n’a été portée par la Commission ou par une haute partie contractante
à la connaissance de la Cour, de sorte qu’avant la dissolution de la Commission
européenne des droits de l’homme en novembre 1998, aucun arrêt de la Cour
n’avait pu être pris concernant le système français de l’internement psychia-
trique, malgré sa complexité, difficilement compatible avec les exigences de la
Convention. Nous n’examinerons ces requêtes que dans la mesure où elles
apportent malgré tout un éclairage particulier, voire nouveau, au regard de la
jurisprudence de la Cour précédemment commentée.
Violation de l’article 6 § 1
142. Voir également dans le même sens, requête n° 19619/92, Madeleine Ledrut c/France,
déc. du 18 octobre 1994.
143. Requête n° 26915/95, René Loyen c/France, déc. du 27 juin 1996. Voir également,
requête n° 24352/94, Benjamin Eyoum Priso c/France, déc. du 19 octobre 1995.
L’apport des principes du droit international 277
144. Requête n° 26915/95. Voir, dans le même sens, la résolution DH (98) 362 (req.
n° 24352/94, Benjamin Eyoum Priso c/France, du 12 novembre 1998), accordant au requé
rant une somme totale de 6 000 F à titre de satisfaction équitable pour violation de l’article
6 § 1 de la Convention dans l’instruction du litige relatif au paiement d’un forfait journa
lier de 594 F concernant son précédent internement, la Commission européenne et le
Comité des ministres prenant en considération l’importance du litige au regard de la
situation économique particulièrement précaire de l’intéressé, alors que la modicité de la
somme en cause conduisait le gouvernement français à conclure au rejet de la requête.
145. Sous la plume de Rony Abraham, commissaire du gouvernement au Tribunal des
conflits, maître des requêtes au Conseil d’État, professeur associé à l’université de Paris
X Nanterre, dans le cadre du DEA de Droits de l’homme et libertés publiques, dirigé par
le professeur Danièle Lochak, présidente du GISTI (groupe d’information et de soutien aux
travailleurs immigrés), ancien rapporteur général de la Commission d’accès aux
documents administratifs, et récemment nommé directeur des affaires juridiques au
ministère des Affaires étrangères, et donc, désormais en charge de l’ensemble du conten
tieux des droits de l’homme devant la Cour européenne, pour le compte du gouverne
ment français (voir mémoire du 12 juillet 1999, puis dans le cadre de la requête Giovanni
Granata c/France n° 39626/98).
146. Mémoire du 12 juillet 1999, déposé par le gouvernement français dans le cadre de
l’affaire Giovanni Granata c/France (req. n° 39626/98).
278 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
147. Remarquons qu’il y a déjà plus de dix requérants français devant les organes
européens morts depuis 1994. Empêtrés dans un droit inaccessible et complexe, ils n’ont
pu mener à terme la procédure mettant en cause leur précédent internement ; dix, vingt,
voire trente ans de procès ont achevé ce que leur internement psychiatrique avait
inauguré.
148. Voir notamment, requête n° 18437/91, Mlle Marthe Boyer Manet c/France, résolution
DH (96) 249 du Comité des ministres du 15 mai 1996 ; rapport de la Commission du
11 janvier 1995 ; requête n° 19619/92, Roger Lambert c/France, décision de la
Commission européenne du 11 janvier 1995 ; requête n° 17996/91, Mme Arlette Vanleene
c/France, résolution DH (96) 86 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, du
5 décembre 1994, rapport de la Commission du 5 juillet 1994.
L’apport des principes du droit international 279
Violation de l’article 5 § 4
149. Requête n° 19213/91, José Francisco c/France, déc. du 4 juillet 1994, p. 9 10.
150. Rapport de la Commission européenne du 13 septembre 1995. Voir, dans le même
sens, les affaires Roger Lambert et Boyer Manet c/France.
280 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
n’ont pour mission que d’éclairer son jugement. C’est donc le priver, parfois, de
la possibilité de juger en toute connaissance de cause.
L’on pouvait légitimement s’attendre à ce que la difficulté invoquée suscitât
la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme par la Commission, car
elle était à l’évidence d’une certaine force ; mais la commission préféra rappeler
« que s’il est vrai que l’article 5 § 4 ne consacre pas le droit à un examen judiciaire d’une
portée telle qu’il habiliterait le tribunal, sur tous les aspects de la cause, à substituer sa
propre appréciation à celle de l’autorité dont émane la décision, il n’en veut pas moins
un contrôle assez ample pour s’étendre à chacune des conditions indispensables, selon la
Convention, à la régularité ou légalité de la détention d’un individu comme aliéné […].
Pour la Commission, le contrôle judiciaire, tel qu’il est prévu en droit français répond
aux critères de l’article 5 § 4 dans la mesure où l’autorité judiciaire est appelée à
examiner le bien-fondé de la mesure d’internement en vue de son maintien ou de l’élar-
gissement de l’intéressé 158 ».
Saisie de nouveau du moyen dans le cadre de l’affaire G. et N. G. contre
France 159, la Commission crut pouvoir rappeler, au titre de « l’étendue et [du]
caractère équitable du contrôle judiciaire de l’internement », que : « en vertu de l’article 5
§ 4, un aliéné détenu dans un établissement psychiatrique pour une durée illimitée ou
prolongée a le droit, au moins en l’absence de contrôle judiciaire périodique et automa-
tique, d’introduire à des intervalles raisonnables un recours devant un tribunal pour
contester la légalité de son internement. Toutefois, il n’entre pas dans les attributions des
organes de la Convention de rechercher en quoi consisterait, en la matière, le système de
contrôle le plus adéquat, car différents moyens de s’acquitter de leurs engagements
s’offrent au choix des États contractants […] En l’espèce, le droit français prévoit deux
types de recours : l’action en sortie immédiate devant le juge judiciaire, en application de
l’article L. 351 du code de la santé publique, et le recours en annulation devant le juge
administratif, portant sur la régularité formelle des actes administratifs relatifs à l’inter-
nement. […] Toutefois, seul le juge civil a le pouvoir de se prononcer sur le bien-fondé
de la privation de liberté et d’ordonner l’élargissement. Il s’ensuit qu’aux fins de l’article
5 § 4 de la Convention, c’est le recours prévu par l’article L. 351 du code de la santé
publique qui doit être pris en compte. En effet, l’action devant le juge administratif,
portant sur un contrôle formel des décisions en cause, a pour seul effet éventuel l’annu-
lation des actes irréguliers, mais ne peut conduire à la libération de l’intéressé. Dès lors,
il ne s’agit pas d’un recours pertinent sous l’angle de l’article 5 § 4. »
Pour la Commission, le juge administratif n’est donc pas le juge de l’article 5
§ 4 bien que dans le cadre de l’affaire G., A. G. et C. J. contre France, elle ait eut
connaissance du fait que le recours au juge administratif avait permis la sortie
du requérant, le soir même du prononcé du jugement, par le Tribunal adminis-
tratif de Rennes, lequel annula l’arrêté initial de placement vieux de quatre ans.
Elle ne semble pas s’émouvoir davantage de ce que le juge de l’article L. 351 ne
puisse connaître de la régularité de la procédure d’internement – ce qui a
158. Requête n° 14438/88 Marie Antoinette Boucheras c/France, déc. du 11 avril 1991.
Voir également la requête n° 17734/91, G. et M. L. c/France, déc. du 29 juin 1994.
159. Requête n° 19869/95, G et N. G. c/France, déc. du 26 juin 1995 (Commission
plénière).
L’apport des principes du droit international 283
Violation de l’article 5 § 2
160. Rapport Comm. eur. DH du 18 février 1998, Annick Delbec c/France, req.
n° 26514/95, § 39 à 41.
284 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
par écrit ni sous quelque autre forme spéciale (cf. n° 1211/61, Annuaire 5, p. 224 ;
n° 22621/65, Annuaire 9, p. 474 ; n° 8098/77, déc. 13.12.78, DR 16, p. 11). Il suffit que
la personne détenue se voie indiquer, dans un langage simple accessible pour elle, les
raisons juridiques et factuelles de sa privation de liberté (Cour européenne DH, arrêt Fox,
Campbell et Hartley du 30 août 1990, série A n° 182, p. 19, § 40)161 ». C’est donc en
considérant que M. G. J. n’avait pas eu, durant les quatre années de son inter-
nement, une information suffisante, même orale, sur les motifs de sa privation
de liberté, qu’elle conclut à la violation de l’article 5 § 2 162.
Une fois encore, la position de la Commission paraît critiquable lorsqu’on
sait qu’en droit français tout recours en annulation devant le juge administratif
doit être accompagné de la copie de la décision attaquée 163 ; de sorte que, faute
de leur notification les actes d’internement ne peuvent être déférés au juge de
l’excès de pouvoir, et l’intéressé ne peut s’assurer de la régularité de la procé-
dure d’internement qui le frappe. Mais il est vrai que, comme nous venons de le
voir, selon la Commission, le juge administratif n’est pas le juge libérateur de
l’article 5 § 4. Sous ce rapport, son accès ne présente donc guère d’intérêt.
Toujours selon la Commission, et pour les raisons qui précèdent, il n’était pas
davantage le juge de l’article 6 § 1 lorsqu’il statuait en annulation d’un acte.
Ainsi, l’information nécessaire à l’accès au juge administratif ne pouvait-elle
relever, pour la Commission, des exigences de l’article 5 § 2, bien que toute
annulation par le juge administratif d’une décision d’internement pour défaut
de motivation correspondît, pour la Commission, à une reconnaissance, « en
substances », d’une violation dudit article 164.
L’on voit combien le contrôle de la Commission européenne était jusqu’en
2001 précis, pour ne pas dire pointilleux. Il en va de même de la Cour. On le
comprend lorsqu’on a à l’esprit qu’il s’agit d’instances internationales qui se
doivent de préserver, entre autres, la souveraineté des États et qui doivent éviter
de déstabiliser l’un d’eux par toute décision intempestive ou précipitée ; mais on
le comprend moins lorsque, dans la balance, l’on fait peser les droits de l’homme
qui, par principe, doivent primer les intérêts des États et des nations d’autant
que dans une démocratie, les droits de l’homme ne sauraient guère s’opposer à
l’intérêt supérieur des nations. Tout au contraire, toute nation, contrainte de
respecter au mieux les droits de l’homme, ne peut qu’être renforcée par une telle
exigence ; car qu’est-ce qui, mieux que le strict respect des droits de l’homme –
et, par suite, de l’équité et de la justice – est de nature à unifier une nation ?
N’est-ce pas ce principe, tendant à renforcer l’unité entre les États, qui a conduit
161. Requête n° 17724/91 Marie Louise et René Loyen c/France, déc. du 11 mai 1994, p. 7.
La Commission prendra des décisions similaires dans les affaires déjà citées, J. C. C.
c/France du 11 mai 1994 et G. et M. L. c/France du 29 juin 1994.
162. Requête G., A. G. et C. J. c/France n° 18657/91, décision du 12 octobre 1994, rapport
du 11 avril 1996, résolution du comité des ministres du Conseil de l’Europe DH (98) 136
du 11 juin 1998.
163. Ancien article R. 84 du Code des tribunaux administratifs, et actuel article R. 94 du
code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
164. Voir notamment les nombreuses décisions d’irrecevabilité prises en ce domaine par
la Commission européenne depuis sa décision (plénière) du 19 mai 1995, A. B. c/France,
requête n° 18578/91.
L’apport des principes du droit international 285
Violation de l’article 5 § 1 e)
165. Il convient néanmoins d’ajouter que par décision du 1er juillet 1998, la Commission
européenne a ajourné l’examen de la recevabilité du grief tiré de la violation de l’article 5
§ 1 e), dans une affaire L. R. R. c/France (requête n° 33395/96), qui demeure à l’instruc
tion de la troisième section de la Cour.
166. Requête n° 17734/91, déjà citée.
286 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Violation de l’article 8
Dans cette même affaire G., A., G. et C. J., la Commission a déclaré recevable
le grief tiré de la violation de l’article 8 de la Convention. Devant la Commission,
le requérant faisait en effet valoir « que le traitement massif de neuroleptiques qu’il a
subi portait atteinte à son intégrité physique et était disproportionné ». Apportant
diverses preuves, il soulignait, « en outre, qu’après sa sortie de l’hôpital psychiatrique
et une diminution du traitement médical, son état de santé s’[était] amélioré, au point
que la curatelle [avait] pu être levée172 ». Mais, examinant le grief au fond, la
Commission estima que le requérant, qui après sa sortie continua à relever d’un
traitement neuroleptique lourd, ne rapportait pas la preuve d’une violation
dudit article dans le cours de son placement tout en soulignant la marge
d’appréciation dont jouissent, en la matière, les autorités nationales 173.
La question des traitements neuroleptiques a également été examinée, sous
l’angle de l’article 8 de la Convention, dans le cadre de l’affaire J.-C. C. contre
France, déjà citée 174. Pour l’essentiel, le requérant soutenait devant la
Commission : « que les buts de protection de l’ordre, de la sûreté publique et des droits
des tiers ainsi que de prévention des infractions pénales ayant été assurés par son inter-
nement, l’impossibilité de choisir l’établissement et l’obligation de suivre un traitement
médical, tant au cours de l’internement que sous le régime de la sortie d’essai, ne sont
pas justifiées au regard des prescriptions de l’article 8 § 2 ».
L’on remarquera ici que c’est un raisonnement quelque peu comparable à celui
suivi, dans une autre affaire, par le tribunal administratif de Genève 175, dont nous
avons déjà parlé, qui déboucha sur cette déclaration de recevabilité du grief.
Après avoir déclaré le grief recevable, la Commission, l’examinant au fond,
la rejeta par huit voix contre cinq, au motif : « que les autorités, dès qu’elles ont eu
171. Rapport du 11 avril 1996, p. 14. Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe
devait approuver ce rapport par résolution DH (98) 136 du 11 juin 1998.
172. Ibid., p. 14.
173. Voir notamment Cour européenne DH, arrêt Olsson du 24 mars 1988, série A, n° 130,
p. 31 et s., § 67.
174. Requête n° 18526/91, J. C. C. c/France, déc. du 11 mai 1994, p. 9.
175. Arrêt du 7 mars 1995.
288 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Violation de l’article 3
Dans le cas de l’affaire de Mlle Dominique M. dont nous avons déjà parlé, qui
subit soixante comas insuliniques et sept séances d’électrochocs sans anesthésie
en sept mois, et qui doubla de poids sous l’effet des traitements durant son inter-
nement, la Commission européenne a cru pouvoir valider l’arrêt de la cour
d’appel de Lyon qui, accordant 60 000 F de dommages et intérêts à l’intéressée
pour internement abusif et illégal refusa toutefois de reconnaître l’existence de
traitements inhumains et dégradants 183.
L’affaire de Mme Madeleine Ledrut, déjà invoquée, posait une question parti-
culière sous l’angle de l’article 1er du protocole additionnel n° 1, lequel dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être
privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par
la loi et les principes généraux du droit. […] Les dispositions précédentes ne portent pas
atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent néces-
saires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour
assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. » Or non
seulement Mme Madeleine Ledrut avait été irrégulièrement internée, mais de
plus, une grande partie de ses affaires avaient été volées ou perdues à l’occasion
de son internement, bien qu’elle ait été mise sous tutelle, précisément pour
protéger ses biens… À sa sortie d’hôpital, l’intéressée porta plainte pour vol.
L’instruction ne déboucha, après plusieurs années d’enquête, que sur le constat
des disparitions et des négligences multiples des divers intervenants : huissiers,
commissaire de police, commissaire-priseur, tuteur, etc., mais on ne retrouva
jamais ni les voleurs ni les affaires, les meubles et les bijoux de la plaignante.
Saisie le 29 septembre 1992 d’une requête dirigée contre la France pour violation
des articles 6 § 1, 8 §§ 1 et 2, et pour violation de l’article 1er du protocole
additionnel n° 1, la Commission devait déclarer recevables « les griefs de la requé-
rante tirés de la durée de la procédure, de l’absence d’un recours à cet égard et de son
droit au respect de sa vie privée, de son domicile et de ses biens 186 ». Dans son rapport
du 17 octobre 1995, la Commission européenne, siégeant en séance plénière
estima, à l’unanimité des vingt-neuf membres présents, « que le juste équilibre
entre l’intérêt général et le respect des droits fondamentaux de la requérante a été
rompu » et conclut à la violation du protocole 187. Par Résolution DH (97) 483 du
29 septembre 1997, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe approuva le
rapport et accorda à la requérante une somme de 144 500 F à titre de satisfaction
équitable.
Dans un droit qui multiplie les décisions et répartit les voies de recours
possibles entre plusieurs ordres de juridiction, l’on comprendra aisément que
l’exigence d’épuisement des voies de recours interne devienne parfois une
condition impossible à remplir. Le contentieux de la réparation peut ainsi s’éche-
lonner, on l’a vu, sur plus de vingt ans. Bien souvent, les intéressés s’épuisent
plus qu’ils ne parviennent à épuiser les voies de recours ! Et les organes de la
Convention ont dès lors toutes les chances de ne jamais connaître leurs affaires.
Tel fut d’ailleurs le cas pour la France, jusqu’en 1990. Jusqu’à cette date, en effet,
la Commission ne fut appelée à statuer qu’en 1984 dans une affaire Dufour 1,
laquelle déboucha sur une décision d’irrecevabilité.
Après le constat des irrégularités et l’annulation des actes par la juridiction
administrative 2, la requérante avait obtenu du Conseil d’État le versement d’une
indemnité de 20 000 F 3. La Commission considéra dès lors que l’intéressée avait
obtenu réparation et ne pouvait plus prétendre à la qualité de victime au sens de
l’article 25 de la Convention : « S’agissant de la détermination du caractère adéquat
de la réparation prévu à l’article 5 § 5, la Commission relève qu’en principe les États
contractants bénéficient d’une marge d’appréciation considérable et qu’il convient donc
d’accorder dans chaque cas d’espèce un grand poids à l’analyse et aux conclusions des
tribunaux internes lorsque ceux-ci se sont déterminés sur le montant d’une indemnité à
équitable voulu par l’article 6 de la Convention ou serait fondée sur une quelconque
discrimination contraire à son article 14 5 ». La notion d’équité, au sens où l’entend
la Commission, peut ainsi paraître singulière, surtout lorsque l’on observe que
ces différences de traitements entre les requérants ne la conduisent pas à
constater ne serait-ce que l’apparence d’une violation des principes de la
Convention et qu’elle rejette tout moyen fondé sur une telle disparité, comme
étant manifestement mal fondé. L’on s’en étonnera plus encore lorsqu’on
apprendra que par arrêt du 2 décembre 1987, la Cour européenne a fixé à
100 000 F, augmentée de 135 350 F de frais d’avocats, le montant de la satisfaction
équitable que l’État français dut verser à M. Lorenzo Bozano6, assassin d’une
jeune fille de nationalité suisse, âgée de 13 ans, dont il avait dissimulé le cadavre,
non sans avoir dans le même temps tenté d’extorquer une rançon au père, indus-
triel. Réfugié en France, Lorenzo Bozano sera arrêté puis expulsé en direction de
la Suisse. Sans remettre en cause la légalité et le bien-fondé de la mesure d’expul-
sion, la Cour constatera que la détention de onze heures sur le sol français fut
quant à elle irrégulière. Et, sur ce seul fondement, refusant de considérer que
cette irrégularité pouvait remettre en cause le bien-fondé de la peine infligée en
Italie, mais prenant en considération qu’« après la levée, le 26 octobre 1979, du
contrôle judiciaire sous lequel il se trouvait depuis le 19 septembre, il pouvait espérer
demeurer en liberté sur le territoire français quelque temps au moins », la Cour fixa le
montant de la satisfaction équitable visée à l’article 50 (actuel art. 41) de la
Convention. À ce sujet, elle observa encore : « Il aurait dû en principe pouvoir
gagner, au besoin sous surveillance […], un pays autre que la Suisse. Assurément, rien
ne dit que cet autre pays ne l’aurait pas lui aussi livré à l’Italie, en vertu, voire en
l’absence, d’un traité d’extradition applicable à leurs relations mutuelles ; la remise aux
autorités italiennes aurait pourtant connu, pour le moins, un certain retard. Le trans-
port forcé de Limoges à la frontière franco-suisse causa donc à M. Bozano un dommage
réel quoique non susceptible d’une appréciation exacte 7. »
C’est ce dommage singulier que les 100 000 F accordés furent censés réparer,
la Cour ne manquant pas de préciser : « Il s’agit là d’une conséquence non de la
mesure d’expulsion elle-même, comme l’affirme le gouvernement, mais bien de ses condi-
tions d’exécution, de la privation de liberté irrégulière et arbitraire subie en France par
le requérant dans la nuit du 26 au 27 octobre 1979 8. » C’est donc bien uniquement
les conséquences de l’irrégularité de la détention que la Cour a entendu prendre
en considération et réparer en partie, de même qu’un interné irrégulièrement
détenu revendique parfois, devant les juridictions nationales ou les organes de
la Convention, la réparation des conséquences de l’irrégularité de son interne-
ment, en n’obtenant cependant qu’une somme équivalente, non pour onze
heures de détention irrégulière, mais pour plusieurs mois de séquestration
5. Ibid., p. 5.
6. Pour le détail de cette affaire, voir l’arrêt du 18 décembre 1986. Pour la fixation du
montant de la satisfaction équitable, voir l’arrêt du 2 décembre 1987 de la Cour
européenne.
7. Arrêt du 2 décembre 1987, p. 4, vol. 124 F.
8. Ibid.
296 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Les voies d’accès aux organes de la Convention sont ainsi très étroites et
paraissent souvent, pour le profane, quelque peu sinueuses, pour ne pas dire
tortueuses. L’on aurait tort de laisser croire au simple citoyen qu’il lui suffit de
s’armer de son bon droit pour être assuré d’aboutir et de faire constater la viola-
tion dont il peut être la victime.
Il n’y a, en l’espèce, qu’une seule voie royale d’accès : la violation de l’article
6 § 1 pour délai déraisonnable de procédure. Mais il s’agit là d’une bien maigre
consolation pour qui a subi les affres d’un internement abusif ou illégal. Et l’on
sait que depuis le mois de juillet 1999, le gouvernement français entend remettre
en cause cette voie d’accès à la Cour européenne en contestant l’application de
l’article 6 § 1 au contentieux de la réparation pécuniaire du dommage né d’un
internement illégal (voir supra) 9. Mais, nous le savons depuis la décision
Vermeersch du 30 janvier 2001, la Cour ne l’a pas suivi et a, au contraire, défini-
tivement consacré l’applicabilité des dispositions de l’article 4 § 1 au contentieux
de l’internement psychiatrique.
La plupart des requérants se trouvent en outre généralement placés devant
l’alternative suivante : soit ils n’ont pas épuisé les voies de recours internes, soit
ils ont obtenu l’annulation des actes fautifs et une maigre indemnisation après
deux décennies de procédure et ont dès lors perdu la qualité de victime ; en effet,
la qualité de victime ne se perd pas seulement par le versement d’une indem-
nité, très souvent dérisoire, accordée par les juridictions nationales, mais égale-
ment par l’annulation des actes fautifs. Dans tous les cas, on le voit, le requérant
se trouve en réalité dans une impasse.
Ainsi, dans l’affaire Dufour, « la Commission relève que par jugement du 9 janvier
1981, le tribunal administratif d’Orléans a annulé l’arrêté de placement d’office pris par
le préfet le 6 août 1976 au motif qu’en prenant une décision tardive (onze jours après la
date de l’arrêté de placement d’office provisoire pris par le maire le 26 juillet 1976) et
insuffisamment motivée, le préfet avait excédé ses pouvoirs en violation des articles
L. 343 et L. 344 du code de la santé publique. […] Pour la Commission, il ressort claire-
ment de ce jugement que la privation de liberté subie par la requérante a été déclarée
illégale par la juridiction interne pour défaut de respect des voies légales. La Commission
estime donc superflu d’examiner si, au regard de l’article 5 § 1 e), la privation de liberté
subie par la requérante se justifiait ou non d’après son état de santé mentale : il lui suffit
en effet de constater que celle-ci n’était pas conforme aux voies légales au sens de l’article
5 § 1 e) 11 ». À partir de la décision A. B. contre France du 19 mai 1995, dont nous
avons déjà parlé, la Commission a adopté le même raisonnement, dans tout le
contentieux français, relatif à la violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 5 :
« La Commission rappelle les conditions posées par les organes de la Convention pour
qu’un requérant cesse d’être victime, au sens de l’article 25 précité, des violations qu’il
allègue : il faut que les autorités nationales [aient] reconnu explicitement ou en
substance, puis réparé, la violation (cf. notamment Cour eur. DH, arrêt Eckle du
15 juillet 1982, série A n° 51, p. 30, § 66 ; N° 7826/77, déc. 2.5.78, DR 14, p. 197). […]
La Commission observe qu’en l’espèce le tribunal administratif a considéré que l’arrêté
préfectoral du 7 février 1986 était illégal, dans la mesure où il ne comportait pas l’énoncé
des circonstances ayant rendu le placement d’office nécessaire et où le certificat médical
mentionné n’était pas annexé, et qu’il l’a en conséquence annulé. […] La Commission
estime donc que, dans le cas d’espèce, le non-respect des formalités légales et le défaut
d’information du requérant sur les causes de l’internement ont été reconnus en
substance par les autorités nationales, et réparés par l’annulation de l’acte. […] La
Commission relève en outre que le requérant a la possibilité, à la suite du jugement du
tribunal administratif, de demander devant cette juridiction réparation de l’illégalité
constatée […] Il s’ensuit que le requérant ne peut plus, en ce qui concerne la régularité
formelle de son internement, se prétendre victime au sens de l’article 25 de la
Convention et que l’exception du gouvernement doit être accueillie12. »
On remarquera ainsi que tout comme il importe, pour pouvoir saisir oppor-
tunément les organes européens, d’avoir, au moins en substance, saisi les instances
nationales des griefs tirés de la violation de la Convention européenne, si ce
n’est avoir expressément visé certaines de ses dispositions devant le juge
national, pour pouvoir prétendre ensuite avoir épuisé les voies recours internes,
au sens de l’article 35 de la Convention 13, la Commission admet également
qu’un État, par l’intermédiaire de ses juridictions, répare une telle violation par
15. Le contentieux administratif révéla également que toute personne qui ressort libre,
après un passage à ladite infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris ou
qui, malgré sa convocation, ne s’y rend pas, est systématiquement l’objet d’une telle mise
sous surveillance de police, et est signalée à son commissariat de quartier. Seules les
personnes qui, après leur passage à l’IPPP sont internées ou hospitalisées ne font pas l’objet
d’une telle surveillance de police systématique, ce qui ne manque pas de surprendre.
Les difficultés d’accès aux organes européens de contrôle 301
comité ne prit pas même la peine de résumer succinctement les faits de l’espèce,
non plus que les griefs du requérant. La décision de rejet tient ainsi en une demi-
page.
Les organes de la Convention sont donc également capables de dire le droit
de façon elliptique, même à l’occasion d’affaires assez singulières. Une telle
attitude conduit de nombreuses personnes à penser qu’ils garantissent ainsi
davantage le droit des criminels que celui des véritables victimes d’une
quelconque raison d’État. Les séries télévisées américaines diffusées à longueur
d’antennes, qui ne cessent de mettre en scène des policiers paralysés par les
règles de la démocratie, avec l’inévitable héros qui n’hésite pas à les enfreindre
pour finalement faire triompher le bien et éliminer les méchants, ne sont
évidemment pas là pour permettre à ces personnes de développer un autre sens
critique. Mais on aurait tort de croire qu’un tel sentiment est dénué de tout
fondement et que le bon sens populaire est seulement le terreau du fascisme. En
vérité, la sauvegarde et le développement des droits de l’homme passent par la
prise en compte de ce sentiment naturel, et pour tout dire normal, des popula-
tions, par les instances en charge du contrôle. Toute instance démocratique doit
prendre en considération non seulement les victimes, au sens de l’article 34 de
la Convention, mais également, et tout particulièrement, toute victime innocente,
c’est-à-dire toute victime n’ayant commis aucun crime ou délit. Elle doit notam-
ment s’attacher à rendre sa décision compréhensible par tous, en tenant compte
de chaque cas d’espèce, sans recourir de façon systématique à l’usage, certes
bien pratique, mais souvent pervers, de formules toutes faites, si ce n’est de
simples formulaires. C’est également par ce souci et cette attention aux intérêts
de la victime que la démocratie se préserve et se renforce et que se défend la paix
civile.
temps qu’elle annulait les actes fautifs. En outre, faute d’avoir pu régulièrement
saisir le Conseil d’État de cinq pourvois dans le délai de deux mois de la notifi-
cation des jugements refusant l’annulation des arrêtés de régularisation, le requé-
rant ne put empêcher que ceux-ci devinssent définitifs. Saisie le 3 février 1992 de
l’ensemble de ce contentieux, la Commission relève pour sa part « que le juge
administratif a reconnu l’irrégularité formelle de certains arrêtés. Toutefois, la
Commission observe que ces jugements n’ont pas eu d’effet sur la situation du […]
requérant, dans la mesure où il est resté interné et où les actes annulés ont été remplacés
par d’autres. La Commission estime que cette affaire se distingue de l’affaire A. B.
c/France (n° 18578/91, déc. 19.5.95, non publiée), où le requérant était sorti d’interne-
ment lorsqu’il a saisi le tribunal administratif. La Commission estime également devoir
tenir compte de ce que, en droit français, le juge administratif n’a pas le pouvoir
d’adresser des injonctions à l’Administration et ne peut donc lui ordonner de libérer un
interné. Dès lors, la Commission considère que les autorités françaises n’ont pas réparé,
au sens de la jurisprudence précitée, les violations reconnues. […] Il en résulte que le
requérant peut toujours se prétendre victime des violations de la Convention liées aux
décisions annulées et que l’exception du gouvernement ne peut être accueillie 16 ». Mais
si cette qualité de victime fut ainsi reconnue, ce fut pour mieux constater par la
suite l’irrecevabilité de la requête, au motif que le requérant n’avait pas épuisé
les voies de recours internes, en ne saisissant pas le Conseil d’État dans le délai
de deux mois de la notification des jugements défavorables. La Commission
estime ainsi « que son placement sous tutelle, qui visait à préserver ses biens, ne
constitue pas […] une circonstance de nature à l’exonérer de l’obligation d’épuiser les
voies de recours internes », non plus que sa situation d’interné et le fait que, pour
recourir valablement au Conseil d’État, il lui fallut introduire cinq pourvois en
trois exemplaires, accompagnés des jugements attaqués en un nombre
identique, comme des diverses pièces de chaque dossier, puis envoyer le tout en
recommandé avec AR. À croire que pour les organes de la Convention, les
hôpitaux psychiatriques français mettent naturellement tout un secrétariat à
disposition des internés, ainsi que toute une bureautique et un service des
postes. Dans cette affaire, la Commission observa encore que « le […] requérant
avait préalablement formé de nombreux recours devant le Conseil d’État et n’allègue
aucune circonstance particulière qui l’aurait empêché de le saisir à nouveau 17 ». Cette
instance ne semble donc pas faire de différence entre le fait de devoir en l’espace
de deux mois introduire cinq pourvois, et le fait d’avoir pu en introduire précé-
demment autant, mais de façon bien plus échelonnée et à plusieurs mois d’inter-
valle. Quant au reste, la Commission considéra que le requérant ayant attendu
l’issue de la première procédure administrative pour la saisir, il n’avait pas
répondu à l’exigence du délai de six mois pour se plaindre opportunément des
conditions de sa première requête de sortie judiciaire, et le déclara hors délai 18.
De même le déclara-t-elle forclos à se plaindre de l’irrégularité de sa détention
sous le régime du placement volontaire, le requérant s’étant efforcé d’attaquer
cette dernière mise en cause qu’il n’eut guère le temps d’introduire simultané-
ment un recours à la Commission dans le délai de six mois du jugement ayant
annulé la décision d’admission en placement volontaire ; d’autant qu’il avait
compté sur le fait qu’en droit français, les décisions des tribunaux administratifs
ne sont définitives qu’à l’issue d’un délai de deux mois de la notification du
jugement, non frappé d’appel. Il ne pouvait guère s’imaginer que la
Commission considérerait que le délai de six mois de l’article 26 relatif à la
décision interne définitive ne court pas à compter du jour où, en droit français,
la décision interne devient définitive, mais à compter du jour où… elle est prise,
ou à tout le moins notifiée, c’est-à-dire précisément lorsqu’elle n’a encore acquis
aucun caractère définitif !… Mais, comme nous l’avons vu précédemment lors
de l’analyse de la jurisprudence française sur la liberté de choix du patient, le
plus extraordinaire dans cette affaire est peut être que malgré l’effort de M. G.
G. à faire valoir ses droits de citoyen, à être traité par les médecins et dans l’éta-
blissement de son choix, comme à résider enfin dans le département de certains
membres de sa famille, il n’ait pu aboutir, devant la Commission européenne
des droits de l’homme, qu’à deux décisions d’irrecevabilité 20, après plus de
quatre ans d’instruction ! D’emblée, il convient de signaler l’extrême limite des
réelles capacités de sauvegarde et de développement des droits de l’homme
dont jouissent les organes de la Convention européenne.
La personne irrégulièrement internée doit donc, non seulement s’efforcer de
faire annuler toutes les décisions administratives de placement et de maintien –
quitte à se le voir reprocher ensuite, comme M. Vermeersch, à qui la Cour
européenne fit grief d’avoir multiplié ses recours et ainsi largement concourru à
en retarder l’instruction par le tribunal administratif de Lille (voir supra) – , mais
aussi de ne pas oublier de vérifier quelle décision juridictionnelle pourrait, aux
yeux des organes de la Convention, passer pour définitive au sens de l’article 35
de la Convention, sans se fier à la définition propre du droit national. Faute de
jurisprudence établie pour chaque cas concret, il lui faudra imaginer la pire des
hypothèses. Car il est probable que ce sera celle retenue par les organes
européens qui s’efforcent ainsi de préserver au mieux la souveraineté des États,
avant même que ceux-ci ne soient amenés à formuler quelque objection sur la
recevabilité du recours. Jusque dans les années quatre-vingt, en effet, les organes
de la Convention attendaient que les États soulevassent eux-mêmes de telles
exceptions d’irrecevabilité ; mais le contentieux est devenu si lourd, que la
Commission ne tarda pas à se saisir d’office de tels moyens, en lieu et place de
la haute partie contractante mise en cause. Il est probable que les nouvelles
formations de la Cour, se substituant à la Commission, feront de même. Il est
évident que les requérants ne peuvent guère admettre une telle évolution, qui
les conduit à avoir comme adversaire, non seulement l’État en question, mais
encore les organes de la Convention. Le sentiment de frustration dont nous
parlions plus haut ne peut qu’en sortir renforcé, et les vertus démocratiques en
sont d’autant discréditées. Il y a là, à l’évidence, un fonctionnement institu-
tionnel qui tend à devenir contraire à l’objet même de la Convention, lequel vise
20. Décisions des 26 juin 1995 et 25 février 1996, requête n° 19869/92, G. G. c/ France.
Les difficultés d’accès aux organes européens de contrôle 305
Malgré tout, le 12 octobre 1994, dans le cadre de la requête G., A., G., et C. J.
c/France, dont il a déjà été question, la Commission crut pouvoir déclarer
recevable le grief tiré de la violation de l’article 5 § 5 du fait de la complexité des
règles de procédure française en matière de contentieux de la réparation d’un
internement jugé irrégulier 23. Par la suite cependant, la Commission a conclu
différemment, notamment après l’examen de la requête A. B. contre France.
Depuis cette dernière décision du 19 mai 1995, elle a en effet considéré invaria-
blement que lorsque la personne obtient l’annulation des actes par jugement ou
arrêt de la juridiction administrative, elle « dispose de la possibilité de faire un
recours devant le tribunal administratif pour obtenir réparation de l’illégalité que ce
dernier a constatée 24 ». Ainsi a-t-elle voulu ignorer le conflit développé par le
gouvernement français, depuis 1994, le conduisant à saisir systématiquement le
tribunal des conflits dès qu’une juridiction civile se déclarait compétente à
réparer le préjudice né d’une détention psychiatrique irrégulière ou résultant
d’un défaut de notification des actes de placement. Probablement estimait-elle
qu’il appartenait aux juridictions françaises de gérer et de résoudre ce conflit de
compétence et d’interpréter le droit national, bien qu’elle ait fini par juger à sa
place, en affirmant la compétence du juge administratif à se prononcer sur la
réparation pécuniaire du dommage né des irrégularités formelles qu’il avait pu
préalablement constater. Mais il est bien évident que, dans l’attente, les requé-
rants en ont d’autant plus été trompés. Avoir indiqué aux intéressés, à partir de
mai 1995, la voie du recours indemnitaire devant la juridiction administrative
est en effet particulièrement regrettable puisque, par arrêt du 17 février 1997, le
tribunal des conflits a définitivement établi la compétence exclusive de la
juridiction civile en matière de réparation d’un internement abusif ou irréguliè-
rement formé. Les décisions de la Commission ont ainsi fourvoyé de nombreux
requérants dans une impasse. Il fallut attendre le mois de juillet 1998 pour que
la Commission européenne commençât à prendre en considération la portée de
l’arrêt de conflit du 17 février 1997. Preuve, s’il en était besoin, qu’il aurait été
préférable que la Commission s’en tînt à la règle stricte qui veut que seules les
juridictions internes peuvent interpréter la portée du droit national. Mais alors,
elle n’aurait pas pu faire obstacle au moyen tiré de la complexité, en droit
français, des règles de compétence, et, par suite, de l’inaccessibilité, de fait, du
juge réparateur. Ainsi aurait-elle dû constater la violation des articles 5 § 5 et 6
§ 1 en prenant acte du conflit existant entre juridictions administratives et
civiles. Maintenant que le droit est fixé, après cent soixante ans de flou et de
brumes opaques, la Cour européenne ne manque pas de rejeter le grief au motif
que le droit français est désormais… limpide 25. Une dizaine de requérants
n’auront pas moins fait les frais, ces deux dernières années, du revirement de la
Commission à l’occasion de l’instruction de cette même affaire A. B. Il n’appa-
raît toutefois pas envisageable que le Conseil de l’Europe répare un jour le tort
que la Commission leur a fait. Vouloir, dans ces conditions, parler de l’accès à la
justice et de sauvegarde des droits de l’homme paraît une véritable gageure.
26. Cour eur. DH, plénière, arrêt Van Droogenbrœck c/Belgique, 24 juin 1982. Voir égale
ment, arrêt Airey c/Irlande, 9 octobre 1979.
Les difficultés d’accès aux organes européens de contrôle 309
plus évidentes ces difficultés, puisqu’il y sera statué désormais directement par
la Cour après une instruction publique des recours, dès leur introduction, alors
que l’instruction devant la Commission demeurait secrète. Dans ces conditions,
l’on ne s’étonnera pas d’apprendre que le taux de recevabilité des plaintes
parvenant à la Commission européenne entre 1978 et 1995 fut d’environ … 2 % 27.
Le taux de transmission des plaintes reçues à la Cour et le taux de constat final
d’au moins une violation de la Convention, comme le taux de règlement par le
Comité des ministres ou la Cour fut, quant à lui, inférieur à 1 % des plaintes
parvenant à la Commission. Encore convient-il de rappeler qu’il faut, pour
arriver à ce dernier résultat, avoir épuisé les voies de recours internes. Et l’on
aura alors une image plus précise des difficultés rencontrées par les requérants
tentant d’accéder aux organes de la Convention pour défendre les droits de
l’homme !
27. Selon l’Aperçu des travaux statistiques du Conseil de l’Europe pour l’année 1995, entre
1978 et 1995, 92 557 plaintes sont parvenues à la Commission. Seulement 21 426 ont abouti
à un enregistrement. Les trois quarts des plaintes se trouvent ainsi d’ores et déjà éliminés
à l’occasion des premiers échanges de courriers entre les plaignants et le secrétariat de la
Commission ou les référendaires à la Cour, depuis novembre 1998. Sur 21 426 requêtes
enregistrées par la Commission, 18 611 avaient fait l’objet de décisions sur la recevabilité
à la fin de l’année 1995, dont 15 951 furent déclarées irrecevables et seulement 2 660
recevables. J. C. Soyer et M. de Salvia, op. cit., p. 269, font état de chiffres semblables pour
la période 1975 1991.
28. Op. cit. p. 183.
29. Ibid.
310 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
conduit à rejeter comme manifestement mal fondés des griefs qui, pour le sens
commun apparaissent, au contraire, manifestement bien fondés… Il n’est pas
certain que cette inversion sémantique comme cette primauté de la pratique
institutionnelle sur la règle communément et régulièrement admise, intervenant
à un moment décisif de l’instruction d’un contentieux particulièrement délicat –
puisqu’il survient après l’épuisement des voies de recours internes et souvent
après plus d’une dizaine d’années de procédure – puissent réellement cadrer
avec les valeurs démocratiques affichées par les organes européens. De tels
choix ne peuvent que renforcer le sentiment d’injustice, ressenti par la plupart
des requérants. Ils ne peuvent encore que détourner certains d’entre eux des
valeurs démocratiques en cause et renforcer, par suite, les dérives extrémistes.
Ils sont ainsi radicalement contraires aux buts même de la Convention
européenne, tels qu’ils se trouvent formulés dans son préambule. Aussi est-il
surprenant que ces choix procéduraux aient été jusqu’alors si peu critiqués par
les commentateurs comme par la doctrine.
30. C. Faure, Ce que déclarer des droits veut dire : histoires, Paris, PUF, 1997.
Quelques conseils pratiques pour l’accès
aux organes de la Convention européenne
En réalité, ce n’est que lorsque la personne a obtenu l’annulation des actes fautifs
tout en demeurant internée, et qu’elle a pu saisir les organes de la Convention dans
le délai de six mois du jugement d’annulation, qu’elle peut avoir quelques chances
de voir aboutir sa requête fondée sur la violation de l’article 5 § 1 e). C’est également
lorsqu’elle a obtenu sa sortie immédiate du juge de l’article L. 3211-12 du code de la
santé publique, et lorsqu’elle s’adresse aux organes européens dans le délai de six
mois de l’ordonnance de sortie qu’elle peut encore prétendre saisir valablement ces
organes sur ce même fondement, à condition que dans son dossier médical figurent
expressément des avis médicaux concluant fermement au caractère inapproprié de
l’hospitalisation – ce qui, naturellement, n’arrive pratiquement jamais. M. Michel G.
vit ainsi sa requête rejetée par la Commission pour les motifs suivants : « En tout état
de cause, la Commission relève que, si le juge civil a ordonné la sortie immédiate du requé-
rant, cette décision n’a pas été motivée par la reconnaissance du caractère arbitraire de son
internement mais par la considération qu’il ne présentait plus de dangerosité et que sa situa-
tion ne justifiait pas un placement volontaire. La Commission estime, quant à elle, qu’il n’a
été nullement établi que l’internement du requérant n’ait pas correspondu aux conditions
posées par la disposition en cause 1 . »
Retenons toutefois que pour la Commission, le recours en sortie judiciaire,
lorsqu’il débouche favorablement, permet d’invoquer l’épuisement des voies de
recours internes quant au bien-fondé du placement, et permet de saisir les
organes européens, dans les six mois de la sortie, sans avoir à rechercher au
préalable l’obtention d’un dédommagement de la part des juridictions natio-
nales. Cette possibilité n’est pas sans intérêt, notamment en droit français où
Pour pouvoir saisir les organes européens avec quelques chances d’aboutir,
il convient de s’assurer que devant les juridictions nationales, l’on a bien
invoqué l’essentiel des moyens dont on se prévaudra par la suite devant la Cour
européenne, même si, dans certains cas, les organes européens ont admis que la
L’INSTRUCTION DE LA REQUÊTE
3. Voir à ce sujet la requête n° 19455/92, Mlle Marthe Boyer Manet c/France, décision du
2 septembre 1992 et 6 septembre 1994. Cette appréciation est d’autant plus critiquable que
la requérante se plaignait de l’insuffisante motivation des décisions de placement la
concernant qui furent d’ailleurs annulées de ce chef. Or la Commission considère, depuis
l’affaire A.B. c/France (1995), on l’a vu, que de telles annulations constituent une recon
naissance, en substance, de la violation de l’article 5 § 2.
4. Voir à ce sujet la requête n° 26987/95, C. W. c/France, décision de la Commission du
29 juin 1995.
316 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Malgré les limites de l’action des organes de la Convention, leur influence est
très loin d’être négligeable. Elle se fait sentir au niveau interne, non seulement
dans l’interprétation de la législation nationale, mais également dans la défini-
tion ou la redéfinition de la norme interne ; elle conduit ainsi, parfois, à d’impor-
tantes réformes. Cette influence est telle, qu’une décision de la Commission ou
un arrêt de la Cour concernant un pays peut avoir d’importantes répercussions
dans d’autres pays du Conseil de l’Europe. Plus encore, cet effet positif survient
parfois quand bien même l’action devant les organes européens a échoué et a
débouché sur une décision d’irrecevabilité de la requête ; en effet, les différents
gouvernements du Conseil de l’Europe sont parfaitement conscients des
obstacles qui s’opposent à l’accès des requérants à ces organes. Et un échec qui
survient après d’importants débats de principe, qui ont fait apparaître une diffi-
culté majeure, écartée pour préserver la souveraineté de l’État concerné, peut
malgré tout aboutir à une modification des pratiques du pays en cause, voire
susciter une réforme de la législation nationale.
Nous avons déjà signalé que les arrêts pris par la Cour européenne contre les
Pays-Bas ont conduit la Cour de cassation néerlandaise à redéfinir les conditions
de validité des mesures d’internement en insistant notamment sur la notion de
danger et en précisant la nature du danger à prendre en considération.
L’instruction des requêtes de Wilde, Ooms et Versyp, dirigées contre la
Belgique, fut elle-même l’occasion d’un revirement de la jurisprudence du
Conseil d’État belge, avant même que la Cour n’ait tranché le litige. Le gouver-
nement belge tenta d’ailleurs de tirer parti de ce revirement de jurisprudence
320 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
pour faire obstacle à l’action des requérants devant la Cour. En effet, deux mois
après la décision de recevabilité des requêtes prise par la Commission
européenne, le Conseil d’État rendit un arrêt renversant sa jurisprudence
ancienne et déclarant recevable et justifié un recours en annulation d’une ordon-
nance d’internement pour vagabondage. Devant la Cour, le gouvernement belge
invoqua cette nouvelle possibilité qui s’offrait aux requérants, de sorte qu’il
n’était plus possible de considérer qu’ils avaient épuisé les voies de recours
internes faute d’avoir saisi la juridiction compétente d’un recours en annulation.
La Cour rejeta toutefois l’argument à l’unanimité au motif qu’on ne saurait
reprocher aux requérants d’avoir adopté une conduite conforme à l’opinion que
le gouvernement exprimait à Strasbourg, avant le renversement en question, et
qui prévalait à l’époque en Belgique. Il apparaissait en outre que les délais de
recours étaient largement expirés lorsque ce revirement de jurisprudence
survint. Mais l’on voit ainsi que le contentieux porté devant les organes de la
Convention peut fortement influer la jurisprudence nationale et l’interprétation
de la règle interne par les juridictions du pays, avant même, parfois, l’issue du
recours aux organes européens. Une décision de recevabilité prise ainsi par la
Commission européenne peut avoir une très grande portée en droit interne.
Dans ces conditions, l’on comprend également mieux les raisons pour lesquelles
ces organes internationaux sont si parcimonieux à donner gain de cause au
simple particulier qui s’adresse à eux, et pourquoi leur accès est si difficile car, à
l’évidence, l’enjeu est souvent considérable au niveau national.
De même, si la Cour constitutionnelle italienne fut amenée à se prononcer
entre 1968 et 1974 sur la nécessité d’assurer un droit de recours aux médico-
légaux internés par décision de justice, comme de leur permettre d’accéder aux
raisons qui ont provoqué cette mesure, il fallut cependant attendre deux arrêts
de 1982 et de 1983 pour voir fixer que l’internement ne pouvait être validé, en
de tels cas, que si les juges s’étaient préalablement assurés de la persistance de
la dangerosité sociale des personnes 1. Or, dans l’intervalle, étaient intervenus
deux arrêts essentiels de la Cour européenne, traitant de la matière : l’arrêt
Winterwerp contre Pays-Bas du 24 octobre 1979 et l’arrêt X. contre Royaume-
Uni du 5 novembre 1981, qui avaient rappelé, non seulement l’exigence d’un
droit de recours à un tribunal, mais encore la nécessité de la persistance des
troubles et de leur gravité pour justifier un maintien en internement. Ces arrêts
avaient également établi la nécessité de la révision périodique de la décision
initiale de placement, soit de façon automatique, soit en permettant à la
personne de recourir elle-même, à intervalles réguliers, à l’encontre d’une telle
décision. Bien que les arrêts de la Cour constitutionnelle italienne ne fassent pas
expressément référence à ces arrêts, il nous paraît peu probable qu’elle ait pu les
ignorer avant de fixer, en ce domaine, la portée de la législation nationale.
En revanche, par un arrêt du 14 mars 1990 2, le tribunal fédéral suisse, se
référant expressément aux dispositions de l’article 5 § 4 de la Convention et à la
jurisprudence s’y rattachant, a interprété l’article 43, chapitre premier, alinéa 1
8. Jugement du Tribunal de grande instance de Paris, Jean Seidel, 4 février 1991, et René
Nouhaud, 25 février 1991.
9. Jugements TGI de Paris des 4 février 1991 et 13 janvier 1992, et conclusions de l’agent
judiciaire du Trésor pour l’audience de la mise en état du 17 juin 1991.
324 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
et sociales des mesures qui la frappent, comme la nécessité de pouvoir être elle-
même entendue par le juge.
Ces dernières années, les débats parlementaires se sont eux-mêmes nourris
de la jurisprudence de la Cour. C’est ainsi que le groupe parlementaire commu-
niste et apparentés de l’Assemblée nationale a déposé plusieurs questions
écrites aux ministres français en charge de la Santé publique, sur le droit d’infor-
mation des personnes internées 14, sur les conditions de rémunération à l’ergo-
thérapie 15, comme sur la prise en charge du forfait journalier pour les personnes
hospitalisées en psychiatrie 16, en se référant expressément à l’une ou l’autre des
dispositions de la Convention et, parfois, à la jurisprudence de la Cour
européenne en matière de prise en charge des malades mentaux. À l’occasion de
la rediscussion de la réforme Evin du 27 juin 1990, il a également élaboré une
proposition de loi tendant à la judiciarisation des modalités de placement, s’ins-
pirant largement des principes dégagés par la jurisprudence des organes de la
Convention 17.
La portée des décisions des organes européens déborde ainsi largement le
pays directement concerné par chaque arrêt ou décision de l’une des instances
européennes ; car chaque décision pose souvent des questions de principe parti-
culièrement importantes pour toute société qui entend se prévaloir d’un État de
droit. Ces décisions peuvent également concerner des domaines connexes.
L’affaire dite du vagabondage (affaire de Wilde, Ooms et Versyp) qui, par arrêt du
18 juin 1971, avait conduit à établir le droit de recours à un tribunal de toute
personne privée de liberté pour cause de vagabondage, fut, nous l’avons vu, la
base même de l’examen par la Cour des droits de l’interné psychiatrique lors de
l’instruction de l’affaire Winterwerp contre Pays-Bas ; mais il fut également le
principal motif des premières discussions d’une réforme du droit belge de
l’internement psychiatrique. Ces discussions devaient durer une vingtaine
d’années et absorber l’ensemble de la jurisprudence européenne relative à la
matière, pour déboucher sur la loi du 26 juin 1990 dont nous avons précédem-
ment rendu compte.
Dans le cadre du contentieux du forfait journalier relatif à un internement
psychiatrique, la troisième section de la Cour européenne des droits de l’homme
a été amenée à demander au gouvernement français de s’expliquer sur le moyen
tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la Convention du fait de la participation
du Commissaire du gouvernement au délibéré du Conseil d’État. M. Giovanni
Granato soutenait en effet que cette seule présence au délibéré des conseillers
était de nature à influer sur l’issue du procès et ne lui avait pas permis de faire
Le contentieux initié devant les organes de la Convention n’a donc pas seule-
ment une dimension normative nationale, mais aussi immédiatement interna-
tionale. C’est si vrai que la dernière résolution de l’assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe du 12 avril 1994, qui recommande qu’il n’y ait plus d’inter-
nement sans décision d’un juge, note expressément « que, d’une part, une juris-
prudence s’est développée à partir de la Convention européenne des droits de l’homme et
que, d’autre part, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants a été amené à faire un certain nombre d’observa-
tions concernant la pratique en matière d’internement psychiatrique ». Un comité
d’experts doit désormais permettre au Comité des ministres du Conseil de
l’Europe de réviser l’ancienne recommandation R. (83) 2 du 22 février 1983, pour
déterminer s’il convient d’inviter plus fermement les États à judiciariser les
procédures de placement psychiatrique, comme à dissocier la question de
l’internement de celle du traitement forcé, rejoignant en cela les législations des
pays de Common Law (États-Unis et Royaume-Uni) « qui prévoient des procédures
différentes et n’imposent des soins à un patient, même interné, que si son incompétence
à en décider a été prouvée 19 ». Les résultats des travaux du groupe d’experts sont
soumis à discussion au sein de tous les États membres du Conseil de l’Europe
jusqu’au printemps 2001, date au-delà de laquelle le comité des ministres du
Conseil de l’Europe sera amené à adopter une nouvelle recommandation
modifiant ou précisant celle du 22 février 1983. Dans le Livre blanc, issu de ces
travaux, les experts concluent « qu’une distinction [doit] être faite entre le fonde-
ment juridique du placement volontaire et celui du traitement involontaire. En d’autres
termes, cela signifie que le placement involontaire en tant que tel ne signifie pas que le
patient peut, en tout état de cause, être traité contre son gré, ni que ce traitement
20. Conseil de l’Europe, Comité des ministres, délégués des ministres, documents CM, CM
(2000) 23 addend. (restricted), 10 février 2000, 701. Réunion, 8 mars 2000, 10. questions
juridiques 10.1. Comité directeur pour la bioéthique (CDBI), Livre blanc sur la protection des
droits de l’homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux en particulier de
celles placées comme patients involontaires dans un établissement psychiatrique, Strasbourg,
13 mars 2000, p. 8.
21. Ibid.
328 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
quels que soient ses troubles ou son handicap, afin que personne ne soit, sinon
hors la loi, du moins hors champ de toute justice et, par suite, de toute écoute
équitable de sa cause, donc de sa personne en ce qu’elle a d’éminemment singu-
lier. Elle conduit notamment à s’interroger sur la nécessaire souveraineté de tout
citoyen européen face aux États et aux nations, comme une nécessité intrinsèque
à toute défense réelle et efficace des droits de l’homme contre tout empiètement
intempestif des États. Elle renforce enfin l’efficacité thérapeutique en permettant
une plus grande participation du malade à la cure et au traitement. Elle confirme
ainsi que « le degré de civilisation d’une société se mesure à la façon dont elle traite ses
groupes les plus vulnérables 1 » .
Cette défense passe, on l’a vu, par la procédure en droit interne et l’organi-
sation des patients, mais aussi par la procédure devant les organes de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, malgré l’extrême difficulté d’accès à ces instances, surtout par
les personnes affaiblies par quelques difficultés d’ordre psychologique, voire
par une pathologie proprement psychiatrique, et malgré, également, un certain
conservatisme des organes de la Convention. C’est ainsi notamment que le droit
à l’accès aux soins demeure, dans la jurisprudence européenne, une donnée
secondaire au regard des exigences de la sûreté. C’est encore ainsi que la Cour
européenne ne relève la situation d’impuissance et d’infériorité du malade
mental interné que pour mieux s’en remettre ensuite à l’avis médical, tenue
qu’elle est par la nécessité de préserver la souveraineté des États contractants, et,
par suite, par l’appréciation du bien-fondé des mesures par les autorités natio-
nales, sauf très rares exceptions. Aussi, cet accès à la justice ne saurait-il à l’évi-
dence avoir lieu – ni déboucher sur une action efficace – sans une mobilisation
plus soutenue des juristes aux côtés des personnes souffrant de troubles
mentaux ou victimes d’internements abusifs ou de contraintes injustifiées. Un
tel accès suppose encore le renforcement des liens, au niveau européen, entre
organisations de patients, surtout dans le domaine juridique. Compte tenu des
difficultés particulières et de la situation d’infériorité actuelle des malades
mentaux, il revient nécessairement aux organisations internationales et
européennes de soutenir l’effort de ces associations pour les aider à échanger
entre elles informations et expériences dans l’organisation de leur action au
niveau judiciaire, mais également dans l’organisation de leurs rapports avec les
divers conseils spécialisés. Le réseau britannique de l’advocacy, et les récentes
tentatives d’Advocacy-France 2 tout comme le regroupement de conseils, tel
PSYCHEX en Suisse, apparaissent à ce niveau singulièrement riches, même si leur
dimension internationale demeure encore embryonnaire. De même l’initiative
du Réseau européen des (ex) usagers et survivants de la psychiatrie, supporté par le
conseil régional européen de la Fédération mondiale pour la santé mentale,
apparaît-elle essentielle, à condition qu’elle s’inscrive plus fortement dans
l’action devant les divers organes juridictionnels nationaux et internationaux.
1. Edna Colan, UKAN 1990, exergue de Advocacy a Code of Practice, Department of Health,
1994, p. 4.
2. Voir Martine Dutoit Sola et Claude Deutsch, Usagers de la psychiatrie : de la disqualifica
tion à la dignité, Toulouse, Érès, 2001.
Conclusion 333
Contre Allemagne
Bock, requête n° 1118/84, arrêt du 29 mars 1983.
Megyeri, requête n° 13770/88, arrêt de la Cour du 12 mai 1992.
Contre Autriche
Vitzthum, requête n° 13843/88, décision de recevabilité du 17 janvier 1991.
Herczegfalvy, requête n° 10533/83, rapport de la Commission du 1er mars 1991, arrêt de
la Cour du 24 septembre 1992.
Kremzow, requête n° 12350/86, arrêt du 21 septembre 1993.
M., requête n° 18166/91, décision de recevabilité du 13 octobre 1993, rapport du 11 janvier
1995 (accord amiable).
Contre Belgique
Merkier, requête n° 11200/84, décision de recevabilité du 14 juillet 1987, règlement
amiable.
Aerts, requête n° 25357/94, arrêt de la Cour du 30 juillet 1998.
Contre Bulgarie
Varbanov, requête n° 31365/96, décision de la Commission du 10 avril 1998, arrêt du
5 octobre 2000.
Contre Danemark
Nielsen, requête 10929/84, arrêt de la Cour du 28 novembre 1988, série A n° 144 (1988).
Contre Espagne
Blume et autres, requête n° 37680/97, arrêt de la Cour du 14 octobre 1999.
336 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Contre Finlande
Leppänen et Aittamäki, requête n° 30271/96, arrêt du 13 janvier 2000 (accord amiable).
Contre France
H., requête n° 10073/82, arrêt de la Cour du 24 octobre 1989, série A n° 162 A (1989).
Lempereur, requête 14493/88, décision de recevabilité du 11 avril 1991, rapport de la
Commission du 30 juin 1992 (radiation)
Benazet, requête n° 13910/88, rapport de la Commission du 12 mai 1993, résolution DH
(95) 250 du Comité des ministres du 20 novembre 1995.
Boyer Manet, requête n° 18437/91, rapport de la Commission du 11 janvier 1995, résolu
tion DH (96) 249 du Comité des ministres du 15 mai 1996.
Francisco, requête n° 19213/91, rapport de la Commission du 13 septembre 1995, règle
ment amiable.
R. et M. L. Loyen, requête n° 17724/91, rapport de la Commission du 30 novembre 1994,
résolution DH (96) 257 du Comité des ministres du 25 juin 1996.
M., requête n° 15483/89, rapport de la Commission du 29 juin 1994, résolution DH (96) 257
du Comité des ministres du 25 juin 1996.
G. B., requête n° 20282/92, rapport de la Commission, session du 24 juin au 5 juillet 1996.
G. et M. L., requête n° 17734/91, rapport de la Commission du 6 septembre 1995, résolu
tion DH (97) 394 du 17 septembre 1997.
Ledrut, requête n° 19618/ 92, rapport de la Commission du 17 octobre 1995, résolution DH
(97) 483 du 29 octobre 1997.
Ledrut, requête n° 19619/92, rapport de la Commission du 17 octobre 1995, résolution DH
(97) 484 du 29 octobre 1997.
J. C. C., requête n° 18526/91, décision de recevabilité des 11 mai et 30 novembre 1994,
rapport de la Commission du 23 janvier 1996, résolution DH (98) 5 du 18 février 1998.
Bernard, requête n°22885/93, arrêt de la Cour du 23 avril 1998.
G., A., G. et C. J., requête n° 18657/91, décision de recevabilité du 12 octobre 1994, rapport
de la Commission du 11 avril 1996, résolution DH (98) 136 du 11 juin 1998.
Lambert, requête n° 19616/92, rapport de la Commission du 18 octobre 1995, résolution
DH (98) 139 du 11 juin 1998.
Loyen, requête n° 26915/95, rapport de la Commission du 24 février 1997, résolution du
Comité des ministres DH (98) 288 du 25 septembre 1998.
Y. L., requête n° 30349/96, décision de la Commission du 1er juillet 1998, rapport de la
Commission du 31 mai 1999 (radiation, accord amiable du 13 novembre 1998).
Bouilly, requête n° 38952/97, arrêt de la Cour du 7 décembre 1999.
Seidel, requête n° 31430/96, arrêt de la Cour du 11 janvier 2000.
Bacquet, requête n° 36667/97, arrêt de la Cour du 1er février 2000 (accord amiable du
29 novembre 1999).
Pulvirenti, requête n° 41526/98, arrêt de la troisième section de la Cour du 28 novembre
2000 (constat d’accord amiable).
Ballestra, requête n° 28660/95, arrêt de la troisième section de la Cour, 12 décembre 2000.
Vermeersch, requête n° 39273/98, arrêt de la troisième section de la Cour, 30 janvier 2001.
Donnadieu, requête n° 39066/97, arrêt de la troisième section de la Cour, 27 février 2001.
Liste chronologique par pays 337
Autres requêtes déclarées recevables par la Commission européenne ou par l’une des
sections de la Cour européenne en cours d’instruction contre la France
Delbec, requête 23321/94, décision de recevabilité du 15 janvier 1997, rapport de la
Commission du 2 juillet 1997.
Delbec, requête 23514/95, décision de recevabilité du 15 janvier 1997, rapport de la
Commission du 2 juillet 1997.
A. B. et G.I.A., requête n° 28660/95, décision partielle sur la recevabilité du 20 mai 1998.
R. R., requête n° 33395/96, décision partielle sur la recevabilité du 1er juillet 1998, décision
finale de recevabilité, 19 juin 2001.
Vandamme, requête n° 39284/98, décision partielle sur la recevabilité du 21 octobre 1998,
radiée.
Laidin, requête n° 43191/98, décision partielle sur la recevabilité de la troisième section
de la Cour du 24 août 1999.
D. M., requête n° 41376/98, décision partielle sur la recevabilité de la troisième section de
la Cour du 24 août 1999.
Granata, requête n° 39626/98, décision de la troisième section de la Cour du 4 mai 2000.
Nouhaud et Groupe Information Asiles, requête n° 33424/96, décision finale sur la
recevabilité, de la troisième section de la Cour du 4 mai 2000.
Langlois, requête n° 39278/98, décision finale sur la recevabilité de la troisième section de
la Cour du 16 mai 2000.
Vaudelle, requête n° 35683/97, décision de la troisième section de la Cour du 23 mai 2000.
Contre Grèce
Bizzotto, requête n° 22126/93, arrêt de la Cour du 15 novembre 1996 (Recueil des arrêts et
décisions, 1996 V, page 1738).
Contre Hongrie
Bocsi, requête n° 24240/94, décision de la Commission européenne du 21 mai 1998 (irrece
vable).
Contre Italie
Luberti, requête 9019/80, arrêt de la Cour du 23 février 1984, série A n° 75 (1984).
Bottazzi, requête n° 34884/97, arrêt de la Cour du 28 juillet 1999.
E. P., requête n° 31127/96, arrêt de la Cour du 16 novembre 1999.
Adami, requête n° 35496/97, décision de la Commission européenne du 23 mars 1999
(irrecevable).
338 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Contre Norvège
E. (1re requête), requête n° 11701/85, arrêt de la Cour du 29 août 1990, série A n° 185 A
(1990).
E. (2e requête), rapport de la Commission du 18 octobre 1995, arrêt du 27 mai 1997.
Johansen, requête n° 17383/90, arrêt du 7 août 1996.
Hellum, requête n° 36437/97 décision d’irrecevabilité du 5 septembre 2000. Concerne un
travailleur social d’un établissement psychiatrique ayant dénoncé les menées coerci
tives appliquées aux patients.
Contre Pays-Bas
Winterwerp, requête n° 6301/71, arrêt de la Cour du 24 octobre 1979, série A n° 33 (1979).
Schurs, requête n° 10518/83, rapport de la Commission du 7 mars 1985, règlement
amiable.
Van Waegeningh, requête n° 10535/83, rapport de la Commission du 7 mars 1985, règle
ment amiable.
X. Y., requête n° 8978/80, arrêt de la Cour, série A n° 91 (1985).
Van der Leer, requête n° 11509/85, arrêt de la Cour du 21 février 1990, série A n° 170
(1990).
Wassink, requête n° 12535/86, arrêt de la Cour du 27 septembre 1990, série A n° 185 A
(1990).
Koendjbiharie, requête n° 11487/85, arrêt de la Cour du 25 octobre 1990, série A n° 185 B
(1990).
Keus, requête n° 12228/86, arrêt de la Cour du 25 octobre 1990, série A n° 185 C (1990).
H., requête n° 13662/88, rapport de la Commission du 4 juillet 1991, règlement amiable.
Smiet, requête n° 12889/87, rapport de la Commission du 6 décembre 1990, résolution DH
(91) 35 du Comité des ministres du 13 décembre 1991.
Erkalo, requête n° 23807/94, arrêt de la Cour du 2 septembre 1998.
Contre Pologne
Musial, requête n° 24557/94, arrêt de la Cour du 25 mars 1999.
Z. M., requête n° 24557/94, décision de la Commission, session du 4 15 septembre 1995.
Berlinski, requête n° 27714/95, communiquée lors de la session du 24 juin au 5 juillet 1996
au gouvernement, relative à la régularité de la détention du requérant à la suite de son
refus de se soumettre à un examen psychiatrique ; décision de la Commission
européenne du 2 juillet 1997 (irrecevable).
Kudla, requête n° 30210/96, arrêt de la Cour du 26 octobre 2000.
Contre Portugal
Silva Rocha, requête n° 18168/91, arrêt du 15 novembre 1996.
Contre Royaume-Uni
X, requête n° 6998/75, arrêt de la Cour du 5 novembre 1981, série A n° 46 (1981).
Ashingdane, requête n° 8225/78, arrêt de la Cour du 28 mai 1985.
Weeks, requête n° 9787/82, arrêt de la Cour du 2 mars 1987.
Liste chronologique par pays 339
Contre Slovaquie
Matter, requête n° 31534/96, arrêt de la Cour du 5 juillet 1999.
Vodenicarov, requête n° 24530/94, décision finale sur la recevabilité du 20 mai 1998,
déférée à la Cour en septembre 1999.
340 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Contre Suède
Olsson, requête n° 10465/83, arrêt du 24 mars 1988.
Erikson, requête n° 11373/85, arrêt du 22 juin 1989.
Persson, requête n° 14451/88, décision de recevabilité du 2 juillet 1993.
Lindelöf, requête n° 22771/93, règlement amiable, arrêt de la première section de la Cour
du 20 juin 2000. Internement d’enfant dans une unité psychiatrique infantile pour
allégation d’abus sexuel et restriction du droit de visite (articles 6 § 2 et 8).
Contre Suisse
D. N., requête n° 27154/95, arrêt du 29 mars 2001.
P., requête n° 23955/95, décision de recevabilité du 20 mai 1997. Cette requête porte sur
le refus d’un établissement psychiatrique d’autoriser l’association requérante à distri
buer aux patients certains documents décrivant leurs droits et les possibilités de
contester leur internement forcé (art. 8 et 10 de la Convention).
P. B., requête n° 27613/95, résolution du comité des ministres du Conseil de l’Europe
DH (00) 83, du 29 mai 2000. Le requérant s’est plaint de ce que la décision sur la légalité
de sa détention psychiatrique n’ait pas été prise à bref délai. Le Comité des ministres
a dit qu’il y avait eu violation de l’article 5 § 4.
Contre Turquie
S. T., requête n° 32431/96, décision de recevabilité de la troisième section de la Cour.
Bibliographie
BARBIER, D. 1991. « Alice au pays des merveilles ou les difficultés de l’expert face à la
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Table des matières
LE RECOURS AU DROIT
DANS LES DIFFÉRENTS PAYS DU CONSEIL DE L’EUROPE
Les principaux apports des jurisprudences nationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
Le consentement et la contrainte de soin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
La jurisprudence française en matière de sortie à l’essai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131
Consentement éclairé et refus des traitements neuroleptiques
dans la jurisprudence helvétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
Consentement et information du patient dans les jurisprudences italiennes
et françaises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
Le libre choix du médecin et de l’établissement par le patient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140
Le contrôle du bien-fondé de la détention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
Le maintien de la mesure de sûreté dans la jurisprudence italienne . . . . . . . . . 142
La nécessité du traitement dans la jurisprudence helvétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
L’existence d’un danger dans la jurisprudence européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
Le risque suicidaire dans la jurisprudence française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145
La pathologie mentale dans la jurisprudence française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
L’abus dans la jurisprudence française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
Les sanctions pénales dans la jurisprudence française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152
Internement arbitraire et voie de fait dans la jurisprudence française. . . . . . . . . . . 154
La jurisprudence relative à la légalité formelle de la procédure de placement
en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
Le conflit de compétence entre les juridictions administratives
et judiciaires françaises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
Le droit à la liberté de la correspondance dans la jurisprudence française . . . . . 165
Les pratiques qui ont conduit à cette jurisprudence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Les difficultés organisationnelles des associations de patients agissant dans
le domaine juridique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
Le rapport de l’avocat à son client . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168
Les difficultés liées à l’enfermement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Les difficultés liées à la pathologie mentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
Les difficultés de l’avocat face au système judiciaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
La nécessité du débat contradictoire. Juge des tutelles et juge de paix . . . . . . 196
Table des matières 355
LE RAYONNEMENT DE LA JURISPRUDENCE
DE LA CONVENTION EUROPÉENNE SUR LA RÉALITÉ JURIDIQUE
DES ÉTATS MEMBRES
L’influence de la jurisprudence européenne sur l’interprétation
de la règle interne par les juridictions nationales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 319
Les réformes des législations nationales induites par la jurisprudence
européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323
La portée normative, au niveau international, de la jurisprudence
européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 326
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 329
Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341
Déjà parus dans la collection
« Études, Recherches, Actions en Santé Mentale en Europe »
Jean-Pierre Martin
Psychiatrie dans la ville
Pratiques et clinique de terrain
La psychiatrie est elle en voie de disparition ? La psychiatrie de secteur annoncée comme une
intégration de la logique de soin à la communauté a t elle vraiment commencé ? L’auteur en
a exploré les possibilités, associant une démarche de sortie du territoire, de réhabilitation
psychosociale du sujet, de refus des juridictions d’enfermement et de relégation. La création
d’un centre d’accueil et de crise lui a permis d’expérimenter de nouvelles approches cliniques
et des pratiques d’intégration sous tendues par une éthique du sujet comme personne
sociale.
2000, ISBN : 2-86586-756-0, 16 x 24, 224 pages, 22,90 €
358 Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe
Yves Buin
Psychiatries
L’utopie, le déclin
Ni pamphlet, ni essai exhaustif, ni parole syndicale, ce livre est une adresse qui exprime une
inquiétude majeure quant au présent et à l’avenir de la psychiatrie publique. Il semble qu’en
effet, une culture soit menacée, celle de la psychiatrie du désaliénisme, dite de secteur, plus
clairement repérée comme psychiatrie de la cité et de la communauté. Divers facteurs intervien
nent dans la figuration de cette menace : l’effet mécanique des restrictions budgétaires et la mise
au pas du service public de santé mais aussi le désarroi soignant et la disparition du projet
politique n psychiatrie dont pourtant toute son histoire témoigne, projet qui a de tout temps été
celui de son émancipation par rapport au parti de l’ordre, des tutelles et des pouvoirs.
1999, ISBN : 2-86586-690-4, 13,5 x 21, 130 pages, 12,20 €