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Les Mascareignes

Les Mascareignes sont un groupe d’îles du sud-ouest de l’océan Indien : l’île de la Réunion, l’île Maurice et ses
dépendances, l’île Rodrigues, et de petits îlots non habités. Elles ont en commun l’insularité, leur origine
volcanique, avec une activité qui reste très importante à la Réunion (potion de la Fournaise), le climat tropical et
leur peuplement venu de l’extérieur à une époque récente et à l’initiative des Européens. Elles ont aussi partagé
une période historique commune liée à la colonisation française entre 1715 et 1810 dont l’héritage se retrouve,
de manière inégale, dans la langue (le français et les créoles) et dans la place du catholicisme (largement
dominante à La Réunion, minoritaire à Maurice). Séparées à partir de 1810, elles ont continué à suivre des voies
parallèles dans le domaine de l’économie (canne à sucre) et l’appel à l’engagisme au XIXe s. Mais les
différences de population, de culture, de société se sont accentuées après la deuxième guerre mondiale et
l’évolution vers l’indépendance pour Maurice, l’assimilation pour la Réunion
Réunion 2512 km2 et 785 000 hab. en 2006 soit 320 hab/km2
Maurice 1865 km2 et 1,3M hab. en 2006 soit 627 km2
Rodrigues 109 km2 et 38 000 hab. fait partie de la République de Maurice

Ile Maurice (ancienne Ile de France)


Une carte de 1153, dressée par le célèbre géographe arabe, Al Sharif el-Edrissi, montre que les trois îles des
Mascareignes portaient les noms de Dina Arobi (île Maurice), Dina Margabin (île de La Réunion) et Dina
Moraze (île Rodrigues). Mais les Arabes ne restèrent pas longtemps aux Mascareignes dont le nom vient d'un
navigateur portugais: Pedro de Mascarenhas. Ce dernier découvrit l'île Bourbon (aujourd'hui l’île de La Réunion)
en 1505; Diégo Fernandez Pereira découvrit en 1507 l’île Maurice et l’île Rodrigues, mais c’est Don Diégo
Rodriguez qui donna son nom à cette dernière en 1528. Pour les Portugais, les îles de l’archipel des
Mascareignes servaient simplement de relais et de centre de ravitaillement sur la route des Indes. Ils
n’occupèrent jamais les Mascareignes.

1. La période hollandaise (1598-1710)


C’est en 1516 que les premiers Hollandais débarquent à l’île Maurice. Ils ne peuvent coloniser l’île à ce
moment-là, car les esclaves amenés d’Afrique s’étaient enfuis dans les montagnes dès leur arrivée: ce sont les
premiers esclaves marrons de Maurice. Afin de rentabiliser leur nouvel établissement de l'île Maurice, les
Hollandais développent vers 1641 le commerce des esclaves en provenance de Madagascar. Cependant, peu
d'esclaves malgaches furent acheminés vers Maurice durant l’occupation hollandaise.
En 1598, une escadrille hollandaise, sous les ordres de l’amiral Wybrand Van Warwyck, aborde l’île nommée
Mauritius en l'honneur du prince Mauritius Van Nassau de Hollande. Une petite colonie de colons venus des
établissements hollandais du cap de Bonne-Espérance s’installe avec des esclaves d’origine africaine. Au lieu de
faire fructifier leur nouvelle colonie, les Hollandais se contentent de piller la faune (d’où l’extinction, entre
autres, du célèbre dodo, une sorte de gros pigeon qui aurait abandonné ses ailes et aurait pris du poids en
l'absence de prédateurs) et la flore (causant en particulier l’épuisement du bois d’ébène). En revanche, les
Hollandais introduisent la canne à sucre et importèrent des cerfs de Java, mais ils quittèrent l’île avec leurs
esclaves en 1710 à la suite de graves sécheresses et de terribles ravages des cyclones.

2. La colonisation française (1715-1810)


Abandonnée par les Hollandais, l'île Maurice devient une possession française en 1715 lorsque Guillaume
Dufresne d'Arsel en prend possession et la nomme «île de France». Les premiers colons français arrivent en
1721 au moment où l’île est administrée par la Compagnie des Indes orientales (de 1722 à 1767). On sait que,
pour concurrencer les autres pays européens, Louis XIV et Colbert avaient créé la Compagnie des Indes
orientales en 1664. Afin d’attirer des capitaux, ils lui avaient accordé un monopole commercial dans l'océan
Indien pendant 50 ans et lui avaient cédé la souveraineté sur Madagascar ainsi que sur les îles voisines et les
futurs territoires à conquérir. En 1725, les Français annexent l’île Rodrigues qui est occupée en permanence à
partir de 1735.
Dès le début de la colonisation française à l’île de France (Maurice), surtout entre 1721 et 1735, quelques
centaines (entre 400 et 600) d’esclaves en provenance du Sénégal et de la Guinée arrivèrent à l’île. Depuis le 28
août 1670, à la demande du ministre Colbert, le Conseil d'État du royaume a officialisé la pratique de l'esclavage
en France. Aux Antilles, l’esclavage a vite assuré la prospérité économique de ces régions. En mars 1685, est
proclamé le Code noir, une ordonnance de Louis XIV destinée à réglementer et à tempérer le régime de
l’esclavage, et précisant les devoirs des maîtres et des esclaves. En 1723, le Code Noir de 1685 st adapté à
l'usage des Mascareignes et les lettres patentes de Louis XV, en forme d'édit, ont enregistrées à l’île Bourbon (La
Réunion) dans la ville de Saint-Paul, le 18 septembre 1724, par le Conseil supérieur de Bourbon. Ce nouveau

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Code Noir adapté à la situation de l’île Bourbon (La Réunion) et de l’île de France (Maurice) favorise, dès 1725,
l’arrivée de milliers d’esclaves qui venaient en majorité de l’île de Madagascar et de l'Afrique orientale pour y
cultiver le café et les plantes à épices.

C’est en 1735 que l’île de France (Maurice) commence son véritable développement avec l’arrivée de son plus
célèbre gouverneur: Bertrand-François Mahé de Labourdonnais, nommé par la Compagnies des Indes orientales;
il dirige la colonie de 1735 à 1746 et fait prospérer l'île de France avec la fondation de plusieurs villes dont Port-
Louis, la construction d’édifices administratifs, de magasins, d’entrepôts et de casernes militaires. Il favorise
l'exploitation des forêts pour le bois d'oeuvre (et des chantiers navals), la production de la canne de sucre ainsi
que la culture du café, de l’indigo et du poivre. Port-Louis devient le chef-lieu des établissements français de
toute la région. Pendant que l’île de France (Maurice) ne compte que 1000 habitants, l’île Bourbon en compte
8000 (dont 6000 esclaves). À partir de 1735, le gouverneur Mahé de Labourdonnais fait peupler l’île Rodrigues,
avec comme mission le ramassage de tortues et leur chargement sur les bateaux de la Compagnie des Indes
orientales. Rodrigues connut son véritable peuplement à partir de 1760. Une garnison française y réside même en
permanence; l’île comprend alors des colons blancs et des esclaves. En 1767, sous l’administration de l'intendant
Pierre Poivre (1767-1772), on recense à Rodrigues encore seulement 32 habitants: 4 Français, 2 Blancs créoles
de l’île Bourbon (La Réunion), 16 Malabars libres et 10 esclaves.

Grâce à Pierre Poivre, le «commissaire ordonnateur» et l’intendant général des îles de France (Maurice) et de
Bourbon (La Réunion), l’archipel des Mascareignes devient une colonie productive et enviée par les
Britanniques. Poivre introduit l'imprimerie à l’île de France en 1768 (l'Imprimerie royale de Port-Louis) et,
comme il était botaniste et membre de plusieurs académies de sciences, il acclimate sur les îles de l’archipel
quantité d’épices (dont, bien sûr, le poivre, mais aussi la girofle, la muscade, la cannelle, etc.) et des dizaines
d'espèces végétales; il a également favorisé la culture des arbres fruitiers et fut même l'auteur des premières lois
sur la protection de la nature; c’est à lui que les Mauriciens doivent le jardin de Pamplemousses, qui abrite des
nénuphars géants et plus de 60 variétés de palmiers. De plus, Poivre Il s’efforce d’améliorer le sort des esclaves
dans tout l’archipel. La population augmente à l’île de France (Maurice): de près d’un millier d’habitants en
1735, elle atteignait en 1767 les 20 000 habitants, dont 15 000 esclaves.
Les historiens ont établi que la période d’émergence du créole mauricien se situe entre 1721 et 1769. C’est ce qui
expliquerait que le créole mauricien d’aujourd’hui contient encore des mots d’origine sénégalaise provenant en
réalité de la langue wolof. Ce créole contient en outre de grandes quantités de mots malgaches et comoriens, car
un grand nombre d’esclaves étaient importés aussi de l’île de Madagascar et des Comores.

Le 27 juillet 1793, la Convention proclame l'interdiction de la traite et, quelques mois plus tard, le 4 février
1794, celle de l'esclavage. Le décret prescrit «l’abolition immédiate», mais ne prévoit aucune disposition sur le
dédommagement des propriétaires ou sur l'avenir des «populations libérées». L’Assemblée coloniale de l’île de
France (Maurice) se prononce contre ce décret et réclame avec insistance à la Convention sa suppression pure et
simple. Les colons de l’île de France (Maurice) et ceux de Bourbon (La Réunion) n'obtinrent qu'un sursis et
décidènt alors de ne pas appliquer le décret d’abolition.
Le 20 mai 1802, le premier consul de la République, Napoléon Bonaparte, rétablit partiellement l'esclavage. Les
intérêts économiques ont eu raison des idéaux révolutionnaires de liberté et de d’égalité. Les colons de l’archipel
des Mascareignes, qui n'avaient pas appliqué le décret de la Convention nationale, sont rassurés. Toutes les
réformes de la Révolution sont également supprimées, y compris la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen adoptée en 1789 par l'Assemblée nationale
En 1803, le général Decaen (ou de Caen) envoyé par Bonaparte débarque aux Mascareignes pour imposer le
nouveau régime politique. La colonie est aussitôt prise en mains par les administrateurs nommés par Bonaparte,
qui dirigent les affaires de l’île Bourbon (devenue entre-temps l’île Bonaparte) à partir de l’île de France. Mais
les rivalités franco-britanniques se propagent dans l’océan Indien, et ce, d’autant plus que la colonie française de
l’océan Indien ne pouvait que susciter la convoitise des Britanniques. De plus, pendant les guerres
napoléoniennes, l’île de France (Maurice) et l’île Bonaparte (La Réunion) étaient devenues le rendez-vous des
corsaires français qui organisaient des raids fructueux contre les navires commerciaux britanniques. Le moment
est venu pour les Britanniques de mettre fin à l’hégémonie française dans cette partie de l’océan Indien.
En 1809, les troupes britanniques commencent par occuper l’île Rodrigues, ce qui devait constituer la première
étape dans la conquête de l’archipel des Mascareignes et de l’archipel des Seychelles. Les Britanniques
rassemblent 10 000 soldats à Rodrigues avant de prendre d'assaut l'île de France (Maurice) et l'île Bonaparte (La
Réunion) en décembre 1810; ils occupent l’archipel des Seychelles en 1812. Le dernier gouverneur français de
l’île de France, le général Decaen, doit capituler. À la fin de l'occupation française, en 1810, la population s'élève
à 73 000 habitants et elle est constituée à 80 % d'esclaves originaires de l'Afrique, orientale notamment
(Mozambique) et de Madagascar.

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Dans l’ancienne colonie française, il ne subsiste de la présence française que la langue française et le créole (à
base lexicale française). Après seulement deux générations, la langue véhiculaire issue des esclaves africains ou
malgaches et des Français st devenue la langue maternelle des descendants d'esclaves: le créole mauricien.

3. La colonisation britannique (1810-1968)

Après le traité de Paris, l’île de France reprend son nom précédent de Mauritius. Dans l’acte de capitulation de
1810, l’article 8 spécifie que les colons peuvent conserver «leurs religion, lois et coutumes». Bien que le traité de
Paris de 1814 ne reprenne pas réellement cette formulation, le nouveau gouvernement anglais, dirigé par le
gouverneur Sir Robert Farquhar, admit que l'usage de la langue française constituait l’une de ces «coutumes»
que les colons pouvaient maintenir. En fait, les Britanniques consentirent à ce que les habitants de l'île Maurice
et de l'île Rodrigues continuent d’utiliser leur langue, leur religion, leur code civil, leurs traditions et leurs
douanes. Peu nombreux et n’ayant pas l’intention de peuplerr l’archipel, les Anglais font des concessions.
Des changements sociaux et économiques se firent sentir aussitôt. Les fonctionnaires français sont remplacés par
des fonctionnaires anglais au sein de l’administration et toute l’économie se développe dorénavant dans le cadre
de l’Empire britannique. La grande majorité des Franco-Mauriciens blancs, notamment des grands propriétaires
fonciers et des hommes d'affaires, décident de rester et poursuivent l’exploitation de la canne à sucre avec leur
main-d'oeuvre d'esclaves africains et malgaches. Appuyés par le clergé catholique, ils opposent une résistance
opiniâtre aux velléités gouvernementales de mainmise linguistique. Quant à leurs esclaves, ils deviennent
catholiques (missions du père Laval, héros national) mais maintenus dans leur infériorité sociale et continuent à
utiliser le créole mauricien.
En 1832, le gouvernement colonial anglais impose une première politique linguistique: la langue anglaise devint
obligatoire pour les Mauriciens lors de toute communication avec les autorités britanniques. L’année suivante,
l’anglais devient l’unique langue de l’Administration en servant de critère d’embauche dans les services
gouvernementaux.

Le changement le plus important survint en 1834 lors de l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies
britanniques. L’importation d’esclaves avait cessé depuis 1833 à Maurice alors que la population s’élevait à
quelque 100 000 habitants dont plus de 80 000 esclaves. Devant les besoins de main-d’oeuvre pour faire
fonctionner les plantations sucrières, l’Administration anglaise décida de recourir à des travailleurs indiens
rétribués à contrat ou engagés; en 1829 ont lieu les premières tentatives pour importer des travailleurs agricoles
de l'Inde. Entre 1835 et 1865, plus de 200 000 immigrants indiens et chinois affluent à l’île Maurice et changent
radicalement la composition ethnique. Les immigrants indiens, de religion hindouiste ou musulmane, forment
rapidement la majorité des travailleurs agricoles. Les Chinois s’ajoutent ultérieurement et deviennent de petits
commerçants. Les Indo-Mauriciens adoptèrent alors le créole comme langue véhiculaire, qui s’enrichit de mots
anglais ou indiens, eux-mêmes créolisés.
En 1841 l’enseignement de l’anglais devient obligatoire au primaire dans toutes les écoles en plus du français.
Les Franco-Mauriciens protestènt du fait que les «pauvres négrillons» furent «forcés de crier toute la journée
comme des perroquets des mots barbares», mais rien n’y fit. Enfin, en 1845, l'anglais devient la langue de la
Cour suprême; toutefois, les tribunaux inférieurs, qui statuaient encore à partir du code de Napoléon,
continuèrent à utiliser le français. Au début du XXe siècle, la population mauricienne atteint 371 000 habitants
et la majorité de la population est déjà constituée d’Indiens. En 1870, l'île pert sa position stratégique à l'occasion
de l'ouverture du canal de Suez, et cet événement eut pour effet d’écarter l’île de Maurice de la route des Indes
et d’aggraver la situation socio-économique. Jusqu’en 1903, l’île Maurice et les Seychelles (voir la carte 5)
furent administrées comme une seule colonie par la Grande-Bretagne. À partir cette année-là, l'archipel des
Chagos fut administrativement séparé des Seychelles et rattaché à Maurice. Au cours de la Seconde Guerre
mondiale, la Royal Air Force britannique s'en servit comme base contre les sous-marins japonais dans l'océan
Indien.

Puis, l’île Maurice affirme de plus en plus son autonomie face à la couronne britannique. À partir des années
trente, des mouvements populaires en faveur de la démocratisation commencent à se manifester et aboutissent
graduellement au droit de suffrage universel et aux élections législatives de 1948. Des mouvements nationalistes
se forment et, suite à un référendum, l’île Maurice devient un État indépendant le 12 mars 1968; il fut doté d’un
système parlementaire de type britannique. Depuis son indépendance, Maurice est un pays souverain qui fait
partie du Commonwealth britannique et, depuis le Ve Sommet d’octobre 1993, la république de Maurice fait
également partie de la Francophonie.
Auparavant, en 1965, Maurice avait perdu l'archipel de Chagos, devenu par décision de Londres le Territoire
britannique de l'océan Indien (British Indian Ocean Territory). Entre 1967 et 1973, les quelque 2000 insulaires
— des Métis d'Africains, d'Asiatiques et de colons français arrivés essentiellement au XVIIIe siècle —, appelés
Chagossiens, furent tous déportés à l'île Maurice et aux Seychelles. Maurice continue de revendiquer les 65 îles

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de l’archipel des Chagos. Le gouvernement mauricien considère qu'en supprimant Diego Garcia (devenu base
américaine) de son territoire en 1965 les Britanniques ont agi en violation du droit international qui condamne le
démembrement d'un État non encore indépendant. Chaque année, Maurice renouvelle à l'Assemblée générale des
Nations unies sa revendication de rétrocession de l'archipel des Chagos. Londres a promis que l'atoll de Diego
Garcia sera rétrocédé à l'île Maurice lorsque... les Américains seront partis. Le 22 octobre 2008, les cinq arbitres
de la Chambre des lords) ont rendu un jugement en faveur du gouvernement britannique. Les "Law Lords" ont
estimé que la Grande-Bretagne avait vidé l'archipel des Chagos pour des raisons politiques et qu'ils n'avaient pas
à évaluer le bien-fondé de sa démarche. Le chef de l'État mauricien a traité les Britanniques de «colons
dominateurs». Par ailleurs, des études estiment que, en raison du réchauffement climatique, la montée de l'océan
entraînera à moyen terme la quasi-disparition de Diego Garcia.

Éloignée de 560 km, la petite île Rodrigues ne connut pas le même développement économique que l’île
principale, ce qui suscita des velléités autonomistes. Au cours des années, les habitants de Rodrigues devinrent
de plus en plus nombreux à demander un statut d'autonomie pour leur île. Les Rodriguais préparèrent un projet
de loi portant création d'une assemblée régionale. Le projet fut présenté à l'Assemblée nationale de Maurice, qui
l'adopta à l'unanimité le 21 novembre 2001. La Rodrigues Regional Assembly Act accordait à l'île un statut
d'autonomie assez étendu, le ministère de Rodrigues fut aboli et remplacé par une assemblée régionale. Ce statut
permet à la population rodriguaise de contrôler et gérer ses propres affaires. Un gouvernement régional est
habilité à adapter les lois mauriciennes aux spécificités de l'île, voire en à adopter d'autres en autant qu'elles
n'entrent pas en conflit avec les lois mauriciennes.

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LA REUNION, de la colonie au D.O.M.

Il semble que les Arabes sont les premiers découvreurs de La Réunion, bien qu'ils ne l'aient jamais exploitée.
Une carte de 1153, dressée par le géographe arabe, Al Sharif el-Edrissi, montre que les trois îles des
Mascareignes portaient les noms de Dina Arobi (île Maurice), Dina Margabin (île de La Réunion) et Dina
Moraze (île Rodrigues). La tradition veut que des navigateurs portugais s’y soient d'abord intéressés. On sait
que l'actuelle île de La Réunion a été abordée, le 9 février 1507, et qu'elle a été baptisée Santa Apolonia.
Santa Apolonia semblait susciter tellement peu d'intérêt que Portugais, Hollandais et Anglais y débarquent sans
même en prendre possession. D'après les récits de l'époque, il était très difficile d'accoster à l'île en raison des
accidents de terrain sur le littoral; c'est ce qui expliquerait ce manque d'intérêt envers l'île de la part des
navigateurs du XVIe siècle. De son côté, l'île Maurice, plus au nord, bénéficie d'un intérêt plus marqué en raison
de ses côtes qui, davantage érodées et accueillantes, paraissent plus abordables pour les navires.

1. Prise de possession française dans les années 1640 : une île accueillante et sans habitant

En 1642, le gouverneur de l'île de Madagascar, Jacques de Pronis, embarque sur un navire de la Compagnie
française de l'Orient fondée par le cardinal de Richelieu et prend possession de l'île qu'il nomme Mascarin. Puis
il poursuit sa route vers l'île de Madagascar pour exercer ses fonctions. En 1649, Étienne de Flacourt, envoyé par
la Compagnie de l'Orient à Fort-Dauphin pour rétablir l'ordre à Madagascar, s’intéresse à l'île Mascarin, y exile
par deux fois des mutins qui y survivent très bien.. En décembre 1649, il prend pour la seconde fois possession
de l'île au nom du roi Louis XIV et la baptise du nom de Bourbon, en l'honneur de la dynastie régnante. Mais la
toute «nouvelle» île Bourbon reste vide de tout habitant.

2. La colonisation française au temps de la Compagnie des Indes (1664-1764)

La colonisation réelle de l'île Bourbon (La Réunion) est le fruit de la politique de Colbert. Il veut en faire une
escale sur la route des Indes et une base. Imitant les Hollandais et les Anglais, Louis XIV et Colbert créent la
Compagnie des Indes orientales en 1664. Afin d'attirer des capitaux, ils lui accordent un monopole commercial
dans l'océan Indien pendant 50 ans et lui donnent la souveraineté de Madagascar, ainsi que des îles voisines
(donc Bourbon) et des futurs territoires à conquérir.
La Compagnie des Indes orientales a pour mission d'assurer la mise en valeur de l'île Bourbon et de son
développement grâce aux plantations de café. La Compagnie installe des comptoirs commerciaux dans l'océan
Indien, notamment en Afrique, à Madagascar (Fort-Dauphin), dans l'archipel des Mascareignes et en Inde.

L'île Bourbon reçoit ses premiers colons en 1663, de manière improvisée (fuyards venus de Fort Dauphin), puis
en 1665 de manière organisée, à partir de la France. Cette colonie naissante est composée d'une vingtaine de
personnes dirigées par Étienne Régnault de la Compagnie des Indes, le premier «commandant» officiel de
Bourbon. En 1667, plus de 200 Français débarquent sur l'île et, en 1671, un nouveau contingent de 13 nouveaux
colons arrive de Madagascar; ils sont accompagnés de quelques esclaves noirs et cinq d'entre eux ont une épouse
malgache. La pénurie des femmes d'origine française est signalée dès 1674: «Les malheureux colons demandent
des femmes, la plupart ayant été contraints d'épouser des négresses, leurs esclaves.» Quelques années plus tard,
on réussit à faire venir quelques filles françaises «recrutées» à l'Hôpital général de la Salpêtrière (Paris) et
jugées «aptes pour les isles». En novembre 1678, quatorze jeunes filles en provenance de l'Inde s'installent dans
l'île et sont mariées ; elles sont à l'origine de 109 naissances réunionnaises. En 1690, la population de Bourbon
compte 200 habitants, surtout des Français, mais aussi des Italiens, des Espagnols, des Portugais, des Allemands,
des Anglais, des Hollandais, des Indiens et des Malgaches (esclaves). À la toute fin du XVIIIe siècle, l'île
Bourbon compte 297 femmes sur un total de 734 habitants.
Dès le début de la colonisation de l'île Bourbon, existe un esclavage, d’abord déguisé en domesticité. Le terme
esclave apparaît dans un document officiel en 1687.
En 1715, des commerçants de Saint-Malo (France) introduisent à l'île Bourbon des plants de café d'Arabie
(Moka), ce qui assure une certaine prospérité et attire de nouveaux immigrants. Puis la Compagnie des Indes
orientales délaisse le café pour le coton, du tabac et de l'indigo. Cependant, le gouverneur Mahé de la
Bourdonnais, favorise plutôt l'île de France (aujourd'hui l'île Maurice). Les nouvelles cultures de l'île Bourbon ne
connaissent pas le succès escompté, sauf celles du girofle, de la muscade et de la vanille. En 1764, la Compagnie
des Indes orientales fait faillite. Le roi de France rachète l'île Bourbon en 1764 (rétrocession effective en
1767) : on parle alors de période royale

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3. Une société de plantation fondée sur l'esclavage

Comme l'île avait besoin de main-d'oeuvre pour la culture du café, des épices et, plus tard, de la canne à sucre,
les colons eurent recours à l'esclavage pour développer l'économie de Bourbon. Les premiers esclaves malgaches
débarquent dès 1670. En 1696, l'île comptait 269 habitants, dont 200 Blancs et 69 Noirs. En 1700, on dénombre
750 habitants mais 320 Noirs. En 1704, la population de l'île a triplé: on y recense 734 habitants dont 423
Français (hommes et femmes), 311 esclaves et quatre Noirs affranchis appelés «domestiques». On compte en
1708 894 habitants (507 Blancs et 387 Noirs), puis, en 1711, Bourbon franchit le cap des 1000 habitants avec
557 Blancs et 467 Noirs. Les Noirs demeurent moins nombreux que les Blancs jusqu'en 1713 (633 Blancs et 538
Noirs).

Le Code noir édicté en 1723, sur le modèle antillais, règle, dès 1725, l’existence de milliers d'esclaves qui
viennent en majorité de l'île de Madagascar et de l'Afrique orientale pour y cultiver le café et les plantes à épices.
L’intégration des esclaves se fait dans le cadre de l’habitation, au sens de propriété agricole qui réunit sur un
même espace la maison du maître et ses dépendances, le camp des noirs (esclaves) avec ses cases et un peu de
culture vivrière et les terres agricoles pour les plantations de café, puis de canne à sucre. Elle est à la fois lieu de
coexistence et de contacts, associe le contrôle des esclaves et la tolérance de moments de détente pour les
esclaves (chant, danses, littérature orale).
Mais les esclaves n'attendent pas l'abolition de l'esclavage en 1848 pour tenter d'échapper à leur asservissement
et retrouver leur liberté. La fuite hors des plantations, ou marronnage, revêt une ampleur particulière au milieu
du XVIIIe siècle grâce à la possibilité de fuir « dans les « hauts » de Bourbon, c’est-à-dire les montagnes de l’île.

En 1732, la population de l'île atteint plus de 8000 habitants, dont 6000 esclaves noirs. Les esclaves de Bourbon
sont recrutés en Afrique de l'Est, à partir des comptoirs arabes ou portugais du Mozambique et de Madagascar.
Le bond le plus spectaculaire se produit entre 1735 et 1765, quand les esclaves passent de 6 000 à 21 000 pour
une population de 25 000 habitants. Les Noirs sont désormais majoritaires.

Au moment où l'île Bourbon est rachetée (1764) à la Compagnie des Indes orientales par le roi, de nouveaux
immigrants arrivent de France, mais aussi des Noirs d'Afrique et des Comores, des habitants Madagascar et des
Indes. Grâce au Lyonnais Pierre Poivre, commissaire ordonnateur et intendant général des îles de France et de
Bourbon (1767-1772), l'archipel des Mascareignes devient une colonie relativement prospère et enviée. Poivre y
introduit l'imprimerie, acclimate quantité d'épices (girofle, muscade, poivre, cannelle, etc.) et des dizaines
d'espèces végétales, favorise la culture des arbres fruitiers. Il est l'auteur des premières lois de protection de la
nature et ambitionne, sans beaucoup d’effet, d’améliorer le sort des esclaves.

L’importation des esclaves a des conséquences durables au plan de la composition ethnique. On compte 29 000
esclaves en 1779 sur une population de 36 000 habitants. Lorsque la Révolution française éclate en 1789, on
comptait à Bourbon 61 300 habitants, dont 10 000 Blancs, 1200 affranchis (domestiques) et 50 000 esclaves.

4. La traversée mouvementée de la Révolution et de l’Empire

Le refus de l’abolition

En 1793, au cours de la Révolution française, après l'exécution de Louis XVI, l'île est rebaptisée par la
Convention et appelée île de La Réunion, peut-être en en souvenir de la «réunion» des Marseillais et de
plusieurs bataillons de la Garde nationale lors de l'assaut du palais des Tuileries.
Le 27 juillet 1793, la Convention de Paris proclame l'interdiction de la traite et, quelques mois plus tard, le 4
février 1794, celle de l'esclavage. Le décret prescrit «l'abolition immédiate» et ne prévoit aucune disposition sur
le dédommagement des propriétaires ou sur l'avenir des «populations libérées». L'Assemblée coloniale de l'île
de La Réunion (et celle de l'île de France) se prononce contre ce décret et réclame avec insistance à la
Convention sa suppression pure et simple. Les Réunionnais n’obtiennent qu'un sursis et décident alors de ne pas
appliquer le décret d'abolition. L'île de La Réunion continue de pratiquer l'esclavage en toute impunité, malgré
l'illégalité de la situation.
Le 20 mai 1802, le premier consul de la République, Napoléon Bonaparte, rétablit l'esclavage. Les colons
réunionnais qui n'avaient pas appliqué le décret de la Convention nationale sont rassurés. En 1803, le général
Decaen est envoyé par Bonaparte et débarque sur l'île pour imposer le nouveau régime. En 1806, l'île Bourbon
est encore rebaptisée, cette fois île Bonaparte. La colonie est prise en mains par les administrateurs nommés par
Napoléon et l'île perd peu à peu toute son autonomie; les dirigeants locaux sont soumis aux décisions des
administrateurs de l'île de France. En 1808, on dénombre 65 000 esclaves à l'île Bonaparte. Mais les rivalités

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franco-britanniques, déjà virulentes aux Antilles, se propagent dans l'océan Indien: dans l'archipel des
Mascareignes, l'archipel des Seychelles, l'archipel des Comores et l'île de Madagascar. La situation devient
d'autant plus tragique à l'île Bonaparte (La Réunion) que les Anglais ont organisé un blocus naval, et la disette
fait des ravages.

- L'occupation anglaise
En 1810, les Anglais envahissent l'archipel des Mascareignes après avoir occupé l'île Rodrigues l'année
précédente, s'emparèrent de l'île de France (Maurice) et, le 7 juillet 1810, débarquèrent à l'île Bonaparte (La
Réunion) à Saint-Denis. Le nouveau commandant, Sir Farquhar s'empresse de débaptiser l'île qui reprend son
nom de Isle of Bourbon. Quant à l'île de France, elle retrouve son ancien nom: Mauritius.
L'occupation anglaise dure cinq ans et donne lieu à la principale révolte servile dans la région de Saint-Leu, où
plusieurs Blancs sont tués et une trentaine d’esclaves condamnés à mort (1811).
Le second traité de Paris du 20 novembre 1815 décide la rétrocession à la France des îles Saint-Pierre et
Miquelon, et de l'île Bourbon. L'île de France (Maurice) et à l’île Rodrigues, restent anglaises

5 Du triomphe de la canne à sucre à l'abolition de l'esclavage (1815 – 1848)

En 1818, l'île compte 16 400 Blancs, 3496 affranchis et 70 000 esclaves.


L'importation d'esclaves se poursuit à grande échelle après 1817, jusque dans les années 1840, malgré
l’interdiction théorique de la traite. Mais les besoins de main-d'œuvre et la crainte de manquer d’esclaves de
traite conduit quelques grands propriétaires de l'île à recruter des «engagés», c'est-à-dire des travailleurs libres
recrutés en Inde, en Chine, pour une période déterminée et contre rémunération. Lors de l'abolition effective de
l'esclavage en 1848, les travailleurs indiens et chinois sont déjà au nombre de 3 000.
Pendant ce temps la paupérisation des Blancs qui ne peuvent accéder à la propriété foncière et se lancer dans la
culture de la canne s’accélère. Ils commencent à former une nouvelle catégorie sociale, celle des Blancs
«pauvres». Le sort de ces «petits Blancs» devient une des grandes préoccupations des administrateurs.
Beaucoup de ces «petits Blancs» se retirent dans les montagnes pour vivre en toute liberté d’une maigre
agriculture vivrière.

A l’occasion de la Révolution de 1848, l'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises est décidée sous
l’impulsion du sous-secrétaire d'État à la Marine chargé des colonies, Victor Schoelcher (1804-1893), le 27 avril
1848. Un receveur général des Finances, le catalan Joseph-Napoléon Sarda-Garriga (1808-1877), est choisi pour
occuper le poste de commissaire général de la République à l'île Bourbon. Arrivé le 13 octobre 1848 à l'île de La
Réunion, Sarda-Garriga prépare l'abolition effective de l'esclavage. L'Assemblée coloniale lui demande de
reporter l'application du décret à la fin de la campagne sucrière. Sarda-Garriga refuse, promulgue le décret dès le
19 octobre, mais fixe au 20 décembre la date de l'émancipation des esclaves. Il entreprend une tournée pour
appeler les futurs affranchis au calme, au travail et à la docilité. Il sollicite l’appui du clergé pour réussir une
transition pacifique, ce qui rompt avec la répugnance de la majorité des propriétaires d’esclaves à autoriser le
clergé à pénétrer sur ses domaines. Au moment de la proclamation officielle de l'esclavage, 60 318 habitants sur
108 829 (les chiffres sont incertains), soit 55 % de la population, recouvrent la liberté. Entre-temps, soit le 6
septembre 1848, l'île a repris définitivement le nom de La Réunion.

Au terme de cette douloureuse histoire, la colonie réunionnaise s’est peuplée d'habitants blancs, noirs, africains
et malgaches, parfois même indiens. Les catégories de blanc et de noir désignent d’ailleurs plus une statut
qu’une couleur de peau au XIXe s. Le métissage est aussi linguistique avec la naissance du créole réunionnais.
Le créole réunionnais, dérivé du français, a beaucoup emprunté aux langues des populations esclaves.
La cohabitation sur une île, au sein d’espaces délimités, celui des plantations, passe donc par la domination
d’une minorité. Mais elle n’implique pas de cloisonnement strict. De nombreux mariages entre Blancs et
esclaves (interdits avant 1848 mais fréquents sous forme de concubinage toléré) sont légalisés entre 1850 et
1860. À partir de cette période, les mariages interraciaux se multiplient. Cela n’empêche pas l’existence de forts
préjugés ethniques et une hiérarchisation des couleurs de peau, du plus blanc au plus noir.
La créolisation se traduit aussi par la lente construction d’une identité commune. Le catholicisme joue le rôle de
plus petit commun dénominateur et sert de creuset. Le baptême devient après 1848 une forme de naturalisation
locale et les pratiques catholiques investissent la vie privée, familiale (dévotions, rites de passage) ou collective
(pèlerinages, chapelles de saints disséminées dans l’espace). Seule une petite minorité musulmane venue du
Gujerat à la fin du XIXe s., les zarabes, refuse cette forme d’intégration. Mais les populations d’origine
africaine, malgache ou indienne, même baptisées dans le catholicisme, ne renoncent pas à leurs croyances
inventent des formes syncrétisme (culte des ancêtres) ou investissent les pratiques catholiques de leurs rites.

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6 Après 1848 : le temps de l’engagisme et de la monoculture

La suppression de l'esclavage pose la question de la main d’œuvre. Non que les affranchis refusent le
travail pour lui-même mais îles rejettent le travail dans les plantations où se perpétuent l’organisation et les
comportements hérités de l’esclavage. Le recours à des travailleurs engagés, initiée avant 1848 par quelques
grands propriétaires quoi ont anticipé, ^rend des proportions spectaculaires après 1848. À l'exemple des grands
propriétaires de l'île de France (Maurice), ceux de La Réunion font d'abord appel à des travailleurs libres venus
de l'Inde. Mais on fait aussi appel aux Chinois, et à des travailleurs africains ou malgaches, surtout apr ès que la
Grande-Bretagne ait imposé la fin des recrutements dans les Indes britanniques 1882). Au total le système de
l'engagisme a touché plusieurs dizaines de milliers d'Indiens et plusieurs dizaines de milliers d’Africains et
Malgaches les derniers engagés furent des Rodriguais, des Malgaches et des Comoriens vers les années 1920-
1925.
La prospérité économique, fondée sur la canne dans les années 1850, est de courte durée. Dès les années 1860 la
production réunionnaise est concurrencée en France par le sucre de betterave. Malgré l’ingéniosité des habitants
sucriers (les propriétaires des plantations de cannes et des usines de sucre), qui introduisent ou imaginent de
nombreuses améliorations dans les modes de culture ou le fonctionnement des machines, malgré l’exploitation
d’une main d’œuvre peu coûteuse, malgré une législation protectrice, le sucre réunionnais est trop dépendant et
éloigné du marché français pour être vraiment rentable.
Impuissante à transformer son économie, La Réunion fait vivre dans une réelle aisance une petite minorité et
survivre dans la médiocrité ou la misère la très grande majorité de la population. Les projets de mise en culture
des hauts sont sans lendemain, ainsi que les essais d’émigration en faveur des petits blancs. La colonisation de
Madagascar, voulue par la bourgeoisie réunionnaise ne fournit pas à l’île les approvisionnements et les
débouchés (pour ses produits et ses émigrés) qu’elle espérait. La population réunionnaise, où sévit une très forte
mortalité, poursuit son intégration dans la République à partir des années 1880. Elle vit à l’heure de la laïcisation
(avec retard pour la séparation : 1911), bénéficie d’infrastructures (le port, chemin de fer), sans participer
néanmoins à la croissance et aux progrès sociaux métropolitains (retard en matière médicale et scolaire). Elle ne
participe pas davantage à l’apprentissage de la démocratie et vit au rythme d’élections dominées par le
clientélisme et la fraude.

7. La départementalisation : une forme originale de décolonisation ?

La loi départementalisation, voulue par la gauche, notamment un jeune et puissant mouvement communiste,
marque le 19 mars 1946 la volonté de rompre avec le passé colonial. La Réunion comprend 24 communes et 47
cantons. Elle est représentée par cinq députés et trois sénateurs au Parlement français et par un conseiller au
Conseil économique et social. La préfecture est située à Saint-Denis et trois sous-préfectures à Saint-Pierre,
Saint-Paul et Saint-Benoît.
Cependant il faut attendre les années 1960 pour que les faits s’accordent au discours, notamment grâce à un gros
effort en matière d’infrastructures scolaires et médicales, et au transfert massif de fonds publics (Michel Debré,
député de 1963 à 1988 ). Le mimétisme à l’égard de la métropole et le rôle croissant des « zoreils » n’empêche
pas le développement d’un revendication identitaire qui hésite entre affirmation des différences d’origine
(Indiens tamouls, Cafres) et valorisation du métissage, symbolisé par la fierté de l’appartenance à la même
culture créole. L’accès à la société de consommation du plus grand nombre transforme les comportements mais
l’élévation du niveau de vie et la scolarisation passent par une politique qui privilégie l’assistance et ne réduit
pas un chômage massif. La contestation politique et sociale, menée par le PCR dans les années 1960 70, propose
un temps d’abandonner la voie de la départementalisation, perçue comme néo-coloniale, au profit de
l’autonomie. Le succès de la gauche en 1981 a pour effet d’intégrer cette opposition au jeu politique et de lui
faire renoncer à son mot d’ordre dès lors que la mise en place d’une Région, superposée au département, et
diverses modifications constitutionnelles, donnent aux élus locaux une plus grande marge de manœuvre. La
politique régionale de l’Union Européenne fournit dans le même temps des aides importantes pour la réalisation
de grands équipements (routes, aménagements hydrauliques). La Réunion tente de valoriser dans l’Océan Indien
les atouts que lui donnent sa double appartenance à la France et à l’Europe

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