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LE CHRIST
ET LA JEUNESSE
A LA JEUNESSE CA THOL/QUE
LE CHRIST
ET LA JEUNESSE
PAR
,
Mgr Tiharnér TOTH
TRADUIT DU HONGROIS
1935
LE CHRIST ET LA JEUNESSE
LA LUMIÈRE DU MONDE
IMPRIMATUR:
L'ENFANT JESUS
La nuit de Noël.
~
« Please, this way », venez par ici, je vous prie, le dernières années de tes études secondaires, mais plus
cœur grand ouvert et l'âme aimante d'un jeune garçon encore durant les années d'université, au cours de
1
Vous attendent et languissent d'amour pour Vous. , tes études, de tes lectures, à chaque pas surgiront
devant toi des idées qui te bouleverseront. Ah !
« Oh bergers, hewl'euœ bergers 1 )} Qu'est-ce que cela ? Ma foi commence-t-elle à
s'ébranler? Dans la société, tu entendras des
paroles grandiloquentes et frivoles qui serviront aussi
« Il Y avait aux environs des bergers qui passaient
à détruire les remparts de ta foi, tu verras une
la nuit aux champs, veillant à la garde de leur trou-
foule d'hommes, tous aimables, du reste, prévenants,
peau» (Luc., 2, 8).
laborieux, mais dans l'âme desquels la foi est morte,
« Ils s'y rendirent en toute hâte, et trouvèrent morte de froid. Et cette triste constatation tombera
Marie, Joseph, et le nouveau-né couché dans la sur ton âme et recouvrira ta foi encore jeune d'un
crèche» (Luc; 2, 16).
frimas.
Ceci est remarquable: d'humbles bergers furent Oui, c'est ainsi qu'il en sera. Tu vois, mon fils,
les premiers amis du Seigneur sur la terre. Il n'envoya je te dis tout .cela à l'avance. Il est possible que
point d'ange annoncer sa venue à Hérode, ni aux ta foi religieuse traverse bien des crises. N'importe.
grands-prêtres juifs, ni aux riches marchands, Il en Demeure seulement toujours humble et pur de cœur
envoya aux humbles bergers . Il leur envoya un ange, et comme les bergers de Bethléem, et alors tu ne
comme ils étaient pleins de bonne volonté, Il leur pourras pas succomber. Peut-être seras-tu pendant
accorda la grâce bienheureuse de la foi. des années tourmenté par la tentation de l'incroyance,
Foi, foi chrétienne, foi inébranlable, le plus grand peut-être iras-tu jusqu'à croire tout à fait perdue
trésor de l'homme ! Mon cher fils, au moment de cette foi qui t'avait fait si heureux jadis. Ne déses-
ton baptême, le Père céleste a planté aussi en toi père pas. Reste seulement d'âme humble et de vie
la sainte foi. Mais soignes-tu cette plante avec pure, et ces deux vertus te rendront tôt ou tard
amour? La défends-tu du danger? L'arroses-tu? la foi que tu avais cru perdue.
Oui, oui, la foi est un don mystérieux de Dieu, « Rendez-moi petit, rendez-moi pur: alors je ne
infiniment sage. Parfois c'est sous le vêtement du serai pas perdu. »
paysan, dans le cœur d'hommes simples que nous Encore quelques jours et voici Noël! Les petites
trouvons cette foi profonde, inébranlable qui déserte filles, les petits garçons, frères et sœurs qui se sont
l'âme orgueilleuse, trop confiante en soi, de l'homme querellés peut-être tout le long de l'année, approchent
instruit. maintenant, le soir, leurs tabourets de la flamme du
Il est possible que ta foi scit, au cours de ta vie foyer et regardent avec une tendresse paisible tomber
t errestre, exposée à maintes tentations. Pendant les la neige à flocons dans la rue. « Samedi, c'est certain,
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le petit Jésus viendra! » Puis le petit garçon se penche dme à la voix du Seigneur? C'est Dieu qui parle
sur un papier et écrit... écrit ... , en tenant à pleine chaque fois que s'éveillent en toi de nobles desseins
main son crayon. Et sa mère lui demande : « Qu'écris- et de louables résolutions ; mais les poursuis-tu .
tu, mon petit?» - « Une lettre à Jésus pour lui avec persévérance? Si, dans quelque livre, tu as
dire ce que je désire pour Noël. » trouvé une idée qui t'élève, ne la quitte pas sans
Dis-moi, mon fils, toi aussi, jadis, n'as-tu pas t'y arrêter. Laisse-la descendre et voler jusqu'aux
écrit une lettre de Noël au petit Jésus ? Ne veux- profondeurs de ton âme. Demain j'irai me confesser,
tu pas Lui en écrire une maintenant? Tu dis communier, te dit ton âme. N'ajourne pas. Vas-y
en riant que tu es déjà Un grand garçon. Sans réellement. Tiens ton âme prête, ouverte à chaque
doute. Mais écoute. Ecris ces mots: « Mon cher inspiration silencieuse de la voix de DieuEt tu verras
Jésus, je ne suis plus un enfant, mais pourtant combien cela te rapprochera du Christ, Notre Sei-
je suis votre enfant. Voyez, savez-Vous ce que je gneur.
Vous demande pour Noël? Faites que je remplisse Souvent la vie chrétienne exige le renoncement,
bien le rôle que Vous m'avez assigné sur la terre et l'abnégation, souvent l'apathie et l'ennui nous acca-
que je croie eh Vous avec une foi intrépide. Voyez, blent au point que rien ni travail, ni prière, ni messe
je ne suis pas un pécheur, mais donnez-moi, Seigneur, ne nous agréent. Alors il faut être fort et demeurer
la grâce de redevenir votre enfant au cœUr pur, au malgré tout fidèle. L'habituelle quiétude de l'heureux
cœur aussi pur que lorsque, avec tant d'empresse- foyer retenait aussi les trois mages. Mais pour eux
ment, je Vous écrivais ma première lettre de Noël ! » l'appel de Dieu était plus fort que l'amour du bien-
être. Apprends d'eux à te tenir l'rêt.
Tenez-vous prêts.
Persévérance.
Trois rois arrivent de l'Orient; leurs âmes joyeuses
déposent dans une humble prière, les offrandes aux Et puis qu'ils t'apprennent aussi la persévé-
pieds du petit Jésus. Le voyage des rois ne fut pas rance dont tu as plus grand besoin encore. Le
si facile et si simple que vous le croyez peut-être. long du chemin, le doute a certainement gagné
Jamais ils ne seraient parvenus aux pieds du petit maintes fois leur âme. lttait-ce bien la peine d'entre-
Jésus sans leur empressement fervent. prendre cet incertain voyage? Tant d'obstacles!
D'autres sans doute ont vu la brillante étoile, Tant de privations! L'étoile elle-même était dis-
l'ont peut-être admirée, mais ne l'ont pas suivie. Ils parue! Et à chaque pas, les sourires dédaigneux
n'ont pas suivi la vo~x de Dieu qui les appelait; ils sur les visages: « Ah ce chercheur d'idéals, ce fana-
ne sont pas parvenus jusqu'au Seigneur. tique de l'idée, ces gens qui vivent dans les étoiles 1
Mon fils, as-tu l'habitude de prêter toute ton Au lieu de vivre leur vie terrestre, de s'amuser, bien
22 LE CHRIST ET LA JEUNESSE L'ENFANT-JÉSUS 23
manger et bien boire, les voici partis à la recherche bâtissent déjà leur avenir sur la protection du parent
de l'idéal, à la recherche d'un certain Christ. Allez éloigné de leur tante au lieu que ce soit sur leur tra-
donc, pauvres fous, allez, cherchez-le ... » vail honnête. Le monde actuel est plein de ces jeunes
Ce ne sont pas les trois rois seulement mon fils gens-là qui calculent, froidement, sottement.
qui ont entendu de telles choses. Les paroles de te~ Mais toi, mon fils, je le sais, tu n'appartiens
camarades ou l'exemple de leur vie frivole n'ont-ils pas à cette catégorie. En toi brûle la flamme sacrée
pa~ jeté su~ ton enthousiasme pur une pluie glacée? des grandes entreprises et, pour cultiver un mysté-
Mamtes fOlS, après la confession, l'étoile brillante de rieux avenir, l'ardeur du travail brûle en toi. Mais
la vie chrétienne a resplendi dans ton âme... Et peut-être, te désespéres-tu bien souvent. Peut-
la voici de nouveau sombre. Maintes fois tu as être abandonnes-tu la lutte aux premiers insuccès.
vou:u te renouveler, et voici le même personnage Tu as tort. Devant les mages eux-mêmes l'étoile
anClen. Et le corbeau lugubre du désespoir gémit qui les guidait disparut soudain. Que faire ? Revenir
alor~ dans ton cœur: « Est-ce donc la peine de en arrière? S'arrêter à mi-chemin? Renoncer à la vic-
contmuer la lutte? N'ont-ils pas raison, ceux qui, toire après avoir combattu jusqu'ici? Mais non. Ils
tout enlisés qu'ils soient dans le péché, tout oublieux regardèrent le ciel, crurent, persévérèrent et lurent vain-
de leurs devoirs, se rient pourtant avec hauteur de queurs. Et moi aussi, je persévère, moi aussi, sans
tout effort moral, de tout élan courageux? » Mais mon doute, je trébucherai souvent dans la longue marche
fils, rappelle-toi qu'à la fin les trois rois eurent de ma vie terrestre vers le Christ; peut-être les fauves
raison: au prix de cent combats, ils arrivèrent au de la tentation me guettent-ils, me mordront-ils
Christ. Mais les gens qui étaient demeurés commo- jusqu'au sang. N'importe. Je ne dois pas rester couché,
dément le long du chemin n'ont jamais connu le je ne dois pas rester dans le péché. Je marche en avant,
Rédempteur. eil avant, le Christ m'attend à la fin de ma vie.
Mon fils, retiens toute ta vie ce que tu en-
Foi.
seignent les trois rois. Chaque fois que t'voudras
Beaucoup ont vu la mystérieuse étoile, mais trois t'orienter dans ton chemin d'ici-bas, lève tes regards
seulement se sont mis en route sur sa trace. Les vers le ciel. Ainsi, à chaque pas où tu auras à
autres? C'était la grande foule qui méprise l'enthou- prendre une décision, cherche en toi la volontéde
siasme pour l'idéal et qui se désintéresse de tout sacri- Dieu. Tu verras que tu n'auras jamais à le regretter.
fice. Ce~tes, nombreux sont aujourd'hui les jeunes Mais c'est à la fin de leur voyage que les Mages
gens qUl pourraient s'y joindre. Ils dominent tout nous donnent le plus bel enseignement, le plus bel
~éjà. Quel sourire de supériorité dédaigneuse quand exemple de loi vz·vante. Imagine seulement leur dé·
11,~ regardent un de leurs camarades qui fait effort, qui ception s'il n'avaient pas eu cette foi. Après tant de
s evertue. Ils n'ont pas dépassé quinze ans qu'ils fatigues, il arrivèrent enfin à Jérusalem. Mais qu'est-
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ce donc? La ville n'est pas parée comme pour une à leur disposition; mais ils ne savent pas où se trouve
fête: Personne ne parle du Roi qui vient de naître. le Seigneur Jésus-Christ. Pauvres, pauvres âmes
Les hommes les plus sages peuvent à peine indiquer d'Hérode!
le lieu où il faut le chercher. Enfin ils le trouvent Dis-moi, mon cher fils, ne pourrais-tu pas être,
pourtant. Et voici maintenant la plus grande sur- dès maintenant, l'étoile lumineuse pour ces ignorants,
prise: ils cherchaient un palais, ils trouvent une chau- l'étoile qui conduit vers le Christ? Parmi tes amis,
mière ; ils cherchaient un berceau d'or, et ils trouvent peut-être, dans cette grande demeure où tu habi-
une humble crèche; ils cherchaient l'enfant d'un roi, tes, peut-être dans le cercle mêm~ de ta famille,
ils trouvent un nourrisson frileux. « Est-ce là le nou- peut-être dans la ville d'eau où tu vas passer l'été;
veau roi? » Impossible se serait écrié plus d'un. Mais que sais-je, à chaque pas tu rencontreras de tels
qu'ont fait les trois rois? « Ils entrèrent dans la ignorants qui sont restés dans l'obscurité; ils con-
maison, trouvèrent l'Enfant avec Marie, sa mère, et, naissent tout, sauf Dieu; ils respectent toutes pres-
se prosternant, ils l'adorèrent. » (Matthieu, 2, II.) criptions, sauf les dix commandements de Dieu.
ExemPle merveilleux de foi vivante ! Qu'ils t'en- Mon fils, sois donc, par quelques paroles que tu
seignent, mon fils , cette foi, cette foi qui fait que leur donneras, par quelques conseils aimables, pai-
tu te prosternes en prières devant le Seigneur Jésus, sibles, et surtout par l'exemPle d'une vie profondément
et que tu t'inclines devant son enseignement, même religieuse, invinciblement conquérant, sois l'étoile
si elle ne peut en pénétrer le sens avec la faibl e lumineuse qui conduit au Christ tes frères les hommes
raison humaine. qui marchent dans l'obscurité.
Pourrait-il briller une joie plus grande dans un cœur
« Nous avons vu son étoile. » d'homme que la joie de celui qui sait que l'étoile lumi-
neuse de l'exemple que donne sa vie conduit ses pa-
« Jésus étant né à Bethléem de Judée, sous le règne rents, ses frères, ses sœurs et ses camarades à l'adora-
du roi Hérode, voilà que des Mages arrivèrent d'Orient tion du Sauveur Jésus.
à Jérusalem, et dirent: Où est le roi des Juifs qui
vient de riaître ? Car nous avons vu son étoile en La Présentation.
Orient, et nous sommes venus pour l'adorer»
(Matthieu, 2, r). Quand le petit Jésus fut âgé de quarante jours, sa
Hérode cependant ne pouvait répondre; il ne mère, la Sainte Vierge le porta au Temple pour le pré-
savait point où se trouvait le Seigneur Jésus. Hélas, senter au Seigneur, selon les lois du Seigneur. (Luc 2,
combien y a-t-il aujourd'hui de gens qui mènent la vie 22.)
de ce pauvre Hérode! Ils possèdent tout bien-être, Je vois ainsi, avec les yeux de l'âme, la Vierge bénie
appartements somptueux, science, arts; ils ont tout qui se tient debout, Fenfant Jésus dans ses bras, parmi
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les autres femmes, attendant paisiblement en silence Père que tu vois dans les cieux « Seigneur, le
et priant de tout cœur. Extérieurement, rien en eux suis leune encore et le suis votre fils,' le ne sais quel
ne les distingue des autres ; une apparence humble, sort la vie me réserve, mais permettez-moi, Se'igneur,
pauvre recouvre le Fils de Dieu. de Vous demeurer toujours fidèle. Quoi qu'il advienne,
Oh, mon fils, combien tu dois apprendre à ne et en quelque lieu où la vie me conduise, faites que le
pas juger sur l'apparence. Ton extérieur doit être, demeure partout votre fils dévoué, obéissant, à l'âme
sans doute, ordonné et propre. Si tu le peux, sois pu,re. »
vêtu convenablement et avec goût. Mais ne tiens
pas ces choses pour plus importantes que la beauté
A Nazareth.
de ton âme. Entre tes semblables, ne te distingue
jamais par l'orgueil. Un tel jugement serait cruelle- L'enfance du Seigneur Jésus fut un magnifique
ment injuste et souvent faux . Tu auras bien des dé- exemple d'humilité et d'accomplissement du devoir.
ceptions et des désillusions si t u choisis tes amis Dans une maisonnette silencieuse d'un petit village
d'après leur fortune, la beauté de leur visage et la abandonné, le Fils de Dieu a vécu pendant trente ans.
fraîcheur de leurs vêtements. Penses-y souvent! Comment pouvait être le Sei-
Mais la présentation du Seigneur fait naître en moi gneur Jésus lorsqu'il avait douze, quatorze, seize
une autre idée. Elle n'était point un acte liturgique ans ... De quelle façon vivait-il alors qu'il avait le même
vide de sens, mais bien l'offre de soi, dans notre vie âge que toi qui lis actuellement ce livre ? De
terrestre, au divin Rédempteur. bon matin, Il se levait; son premier devoir était
Mon Seigneur, mon Père, je sais quel devoir et de se prosterner devant son Père céleste et de Lui
quels obstacles m'attendent dans cette vie. Je sais, je dire son amour dans une douce et ardente prière.
vois clairement la foule d'épreuves et de souffrances, Et toi, que fais-tu de ta prière du matin? La
je vois quelle sera la fin. Mais qu'importe. Me voici, récites-tu toujours avec ferveur. La récites-tu,
mon Père. Je viens. _ non pas parce que tu t'y sens forcé, parce
Toi, mon fils, tu ne distingues pas encore clai- que c'est ton devoir, mais parce que tu sais
rement, sans doute, l'avenir qui t'attend. Peut- que ton âme a besoin des grâces abondantes que lui
être, ne sais-tu même pas dans quelle carrière donne une prière ardente. Et en quoi consistait la
te conduira la Providence, tu ne te doutes pas des journée de l'Enfant Jésus ? Efforce-toi, mon fils,
épreuves que la vie te réserve. N'importe ... de comparer, dans les plus petits détails ta jour-
Habitue-toi à offrir, soit lorsque tu te promènes née avec la sienne; tu verras combien d'idées
seul dans la forêt, soit dans le recueillement de correctrices, combien de fortifiantes résolutions sur-
quelque soir de prière, après la sainte communion, giront d'une telle comparaison.
habitue-toi à offrir tes projets et ta vie au Réfléchir, par exemple, à la façon dont Jésus
L'ENFANT-JÉSUS
LE CHRIST ET LA JEUNESSE
jouait avec ses camarades et à celle dont tu livres, ou bien tu peines à 1'usine, à la fabrique.
joues, toi, d'habitude. Combien Il a pu être atten- As-tu 1'habitude d'élever de temps en temps ton
tif, prévenant, aim3.b1e et humble ! Il était fils de âme ver~ J?ieu, de Lui offrir quelques prières, aux
h<;ures pemb1es de ton labeur, ainsi que le faisait
Dieu et ne s'en vantait pas. Même aucun de ses cama-
Jesus Enfant dans ses travaux?
rades de jeu ne l'apprit jamais de Lui !... Et toi,
Et quand le soir tombe, est-ce que tu achèves
tires-tu vanité de tes vêtements, de tes parents,
toujours ta journée, malgré ta fatigue, malgré ta
de ta beauté naturelle?
lassitude de 1'étude, ou 1'appesantissement de la
Et demandes-tu encore comment Jésus a fait
marche; est-ce que chaque soir t u 1'achèves en
son devoir et comment tu as fait le tien.
Le Seigneur Jésus eût, par dessus tout, préféré
~ffet, par :l1~e action de grâces et par une prière ~our
llnplorer 1 alde de Dieu pour te donner les forces
passer sa journée en méditation, dans l'adoration du
du lendemain? Pourrais-tu t'imaginer que Jésus
Père céleste. Et Il l'a fait, certes, dans ses heures de
prit une seule fois son repos sans avoir fait sa
liberté. Mais, par contre, lorsqu'un travail se pré-
prière?
senta, Il n'hésita jamais à faire tout ce qu'on put
. Et le soir enfin, lorsqu'il est couché dans sa petite
attendre de Lui; car Il savait bien que prier et tra-
chambre de Nazareth, qu'enveloppe un grand silence,
vailler s'appelait: « faire son devoir», et que l'accom-
quelles ont pu être les dernières pensées de Jésus
plissement de ce devoir était un service rendu à Dieu.
avant le sommeil? Combien son âme restait-elle en
Il travaillait beaucoup, et même pendant qu'il était
contact continuel avec son Père qui est au ciel ! Où
absorbé par son travail, il ne cessait cependant d'éle-
donc pouvaient aller ses pensées jusqu'à ce qu'Il fût
ver son âme vers son Père céleste.
endormi?
Tu es absorbé par un devoir, par un calcul ardu.
. Et toi, penses-tu à Dieu, au Seigneur Jésus, ou
Tu luttes et peines à chercher une solution lorsque
blen ta tête est-elle pleine de pensées vides et vaines
tout à coup ta mère t'appelle : « Georges, veux-tu
ou même de fantaisies frivoles remplies du péché ?
aller trouver ton père à son bureau et lui dire ceci
Mon cher enfant , tu ne peux pas t'assurer une
ou cela... » Tu hausses les épaules; tu prends une
nuit plus tranquille, un plus doux repos, ta prière
mine amère, ou bien peux tu sauter avec bonne
du soir terminée, que si tu t'imagines J ésu~, ton
humeur, à l'instant même: « J'y vais maman. »
ami divin à tes côtés, et reposes ta tête lasse dans
Délicieuse après-midi de soleil. Les camarades t'ap-
sa main bénie.
pellent pour une excursion, mais ta leçon te retient
au travail. Une grande émotion te fait réfléchir.
Peux-tu te décider à accomplir héroïquement
ton devoir?
Pendant des heures tu restes assis devant tes
LE: CHRIST E:'t LA JE:UNESSE: L'E:NFAN'!-JÉsus 31
lui qui aide aux travaux du ménage, du jardin, du
Il travailla. magasin, en quelque lieu où il se trouve.
Mais il y a aussi d'autres enfants. Il en est de ceux-
Il te sera fort utile d'observer comment a tra- là qui n'ont pas honte d'appeler la servante afin
vaillé à la maison l'Entant Iéslts. Il n'a point vécu à qu'elle aille emplir un verre d'eau à la pompe, qui se
Nazareth comme un enfant de fée! Que non! Il a font chausser, ou qui sont insupportablement capri-
beaucoup travaillé. Comment puis-je le savoir? cieux parce qu'ils se sont levés du pied gauche;
Parce que les hommes, eux-mêmes, l'ont appelé « fils d'autres enfin chez lesquels l'ennui dure, mais qui ne
de charpentier» (Matthieu, 13, 55), et même « char- mettraient pas dans leur foyer le petit doigt au tra-
pentier» (Marc, 6, 3). vail.
'l'on imagination est vive, mon fils ; représente- Il est cependant possible que les parents n'aient
toi donc le jeune Jésus devant toi : Il travaille pas besoin de ton travail matériel. Comment alors
pendant des heures, penché sur la planche; la scie imiter le Christ au travail? Par l'étude appliquée,
a rendu ses mains calleuses, la sueur brille dans ses par le bon accomplissement de ton devoir. Le de-
longs cheveux, mais sur son jeune visage, en cette voir ! Mot saint et sublime. Le soldat meurt au front;
minute même, sont répandues une bonne humeur et il n'a fait que son devoir; le médecin, le prêtre con-
une douceur indicible. Quel exemple voulait donc tractent une maladie contagieuse en faisant leur de-
donner au monde le Jeune Jésus? Il voulait lui dire: voir. Et l'élève? l'élève est assis devant sa leçon et il
« Qui que tu sois, enfant pauvre ou riche, en ce monde, apprend, il apprend, même s'il trouve que c'est fort
il ne t'est pas permis de vivre dans l'oisiveté. Tu dois difficile : voilà comme il fait son devoir. La terre
donc travailler. » ainsi ne nourrit pas de fainéants, de paresseux, de
Que de choses te donnent tes parents! Or, que - parasites. L'homme doit lui aussi travailler ; qu'il
leur donnes-tu en échange? T'efforces-tu du moins de répare des chaussures ou écrive un glossaire latin,
montrer ta gratitude par ton amabilité, ta serviabi- qu'il laboure la terre ou réfléchisse sur la solution
lité, ton travail? J'estime et je respecte les jeunes d'un problème de trigonométrie, qu'il fasse un travail
garçons qui, chez eux, aident en quoi que ce soit physique ou intellectuel, peu importe. Mais chacun
leurs parents. doit avoir sa part dans ces travaux, et c'est ainsi que
J'ai entendu dire qu'un élève d'une grande classe l'humanité obéira aux commandements du Créateur
faisait, faute de domestique, les travaux d'une ser- et prendra possession de la terre.
vante chez lui, et était aussi fort bon élève. Honneur à « Mais 5: la leçon ne me plaît pas », dit tel garçon
lui 1 Honneur à celui qui explique leurs leçons à ses pour s'excuser. Oui, vraiment, elle n'a guère d'attrait.
frères et à ses sœurs. Honneur à celui qui, matin et Mais le dur labeur n'a guère d'attrait non plus pour
soir, s'agenouille avec eux pour prier. H'onneur à ce- le laboureur, ni celui de battre le fer pour le forgeron.
L'ENFANT-JÉSUS 33
32 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
grand d'entre eu:c, le ph:s grand peint:-e du monde qu'il est tombé sous l'emprise d'un péché maudit.
ne pourrait le fane aUSSl beau que tOl, m0Il: cher Il veut s'en délivrer maintenant par tous les moyens.
fils si l'ambition t'anime de modeler les traits du Il engage une lutte terrible . Il lui est d'autant plus
Sei~neur dans ton âme jeune, sensible et ~endre . . . difficile de chasser son vice qu'il le pratique jusqu'à
L'ordre de Dieu est: « Soyez parfaûs. » MalS ce deux fois, trois fois par semaine. Il se confesse aussi
n'est pas une formule poétique .. Le plu~ saint honneur souvent, il va communier. Et pourtant, il ne réussit
de l'âme chrétienne c'est que, Sl elle SUlt fidèlement le pas. Car, tout ceci, certes, est nécessaire, mais
Seigneur, un second Christ naît d'elle: « Christianus n 'apporte point la libération.
alter Christus . » Qu'est-ce donc qui peut l'apporter?
Oh ! quelles profondeurs verti~ineuses de pens~e~ Une découverte. La découverte en soi-même de
pleines d'élévation et de fo.rc.e s o~vrent ~n mOl a ces quatre mots magiques: « Il y a plus en moi n. Une
la suite de cette parole! Sl Je SUIS une Image du source toute nouvelle de force pour résister jaillit
Christ, si je suis un autre Christ, combien mon cœur alors, et celui qui a fait cette découverte a découvert
doit être pm ! Combien nobles doivent être mes pen- la vraie force de volonté. Ne dis donc point, mon
sées! Combien je dois discipliner mon langage,. ret~ fils vaincu: « Tout est vain. Rien ne m'aide plus.
nir mon regard, et corriger mes fautes. Co~blen Je Lorsque la tentation vient, je succombe à coup sûr. »
dois me dire en moi-même: « Il y a Plus en mo~. » Tou- Certes tu succomberas, si tu es convaincu que tu dois
jours en avant ! Car celui qui est conteIl:t de, soi- succomber. Mais justement tu dois avoir la convic-
même n'a pas toujours un bon ou un mauvalS gout . tion que ce n'est pas vrai, car « Il y a plus en toi ».
Et ne hoche pas nerveusement la tête lorsque la
tentation t'assaille, ne répète point timidement :
c( La grande découverte. » « Je ne veux pas. Certes, je ne veux pas. » Mais dis
Et si tu sais rendre vivante cette forte idée « il seulement tout tranquillement, sans nervosité, du
y a plus en moi n, tu en retireras un immense pro- ton le plus naturel du monde, mais aussi le plus ferme-
fit dans les luttes spirituelles et aussi dans le combat ment décidé: « Et ceci, je ne le fais pas. n
que tu mènes contre les tentations. . Mais fe ne veux pas le faire et je ne le fais pas, n'est-
Un jeune homme veut se libérer du lourd esclavage ce pas la même chose? - Non, certes. Dans le pre-
du péché auquel il s'est habitùé. Peut-ê~re est-il mier cas tu n'es pas sûr de toi. Je ne le veux pas ...
arrivé que dans sa tendre jeunesse: un amI 'per~ers mais hélas, je sais pourtant que je ne tiendrai pas à
lui ait enseigné ce péché secret; et 11 ne savait meme cette volonté. Dans le second, tu dis: « Il y a plus en
pas alors que c'était un péché; il croya~t se~l:ment moi. Je le tiens tout à fait sûrement. » Mais je sais
que c'était un amusement agreable. MalS VOICl q~e , d'avance que je ne pourrai pas vaincre, dis-tu de
grand élève, il s'aperçQit un jour avec consternatlOn nouveau.
Le Christ et la jeunesse. ..
• L~ CHRIST ~T l,A J~UNESSE r: EN11ANT- J B;SUS 51
5°
Attends donc mon fils. Je pose sur ta table un La Vierge Marie gardant le petit Jésus! 'fâche
verre du poison le plus violent, et je dis : « Si tu d'imaginer queIle joie et quel amour charmant ani-
veux, tu peux le boire ; si tu ne veux pas, tu ne le mait son cœur lorsqu'elle tenait sur ses genoux Celui
boiras pas. » Tu me réponds en riant :. « Je ne le qui devait être le Rédempteur du monde et lors-
boirai pas, restât-il ici cent ans au com de cette qu'elle pouvait regarder dans ses yeux S Oll sourire
table. )1 divin. Mais aussitôt gagne cette pensée : Seigneur
Considère seulement ce que tu viens de dire, Jésus, c'est ainsi que Vous habitez aussi mon âme
mon cher enfant. N'était-ce pas : « Je ne veux pas chaque fois que je peux dire de moi que je n'ai pas
b01:re ? )1 Non ! Mais quoi : « Je ne boirai pas, non je de péché. Voilà la joie dont la douceur réchauffe mon
ne le boirai pas ! » Et comme tu en as la certitude ! âme lorsque je me suis bien confessé! Je garde le
Eh bien tu as découvert que tu possèdes quand Seigneur Jésus dans mon âme. Ne serait-ce pas une
même une volonté de fer capable de te mener à la exagération? Non, puisque le Seigneur lui-même
victoire. Et c'est cette découverte qui sauvera la nous dit: Si quelqu'un m 'aime il gardera ma pa-
c(
vie de ton âme, si tu sais opposer cette volonté à role, et mon Père l'aimera et nous viendrons à lui
l'instinct qui te porte à pécher. et nous ferons chez lui notre demeure. » (J ean, 14, 23.)
Je peux! Je veux ! Je commence ! « Il y a plus en Mon fils, reste tti aussi fidèle gardien du Seigneur.
mot. » Fuis les tentations de même qu'a fui la Vierge Mère
devant Hérode avec Jésus, et si toutefois tu ne
La mère de Jésus. peux pas les écarter, prie avec une confiance
ardente, prie Marie: c( Vierge ma· Mère, gardez en
Bethléem. Les trois rois, la fuite en ltgypte, Naza- moi le Seigneur Jésus de même . que vous l'avez
reth ... , mots au son desquels vient à notre pens~e gardé du poignard meurtrier d'Hérode. »
aussi la Vierge Mère qui se tenait auprès. du. p~t1t Et la Vierge Marie soigna lI!, Seigneur Jésus. Le
Jésus. Leurs noms s?nt insépar~ble,s et ce1Ul qUl alm~ Seigneur Jésus parcourut toutes les phases de la vie
bien le Seigneur Chnst, sera plem d un profond amoUl humaine: il était un petit nourrisson, Il avait faim et
aussi pour la Vierge, sa Mère. Nous ne pouvons aban- soif, Il jouait, Il se reposait ; Il grandit. Tout ce
. donner nos méditations sur Jésus Enfant, sans nous do;t:}t Il avait besoin, Ille reçut de la Vierge et Marie
rappeler sa chère Mère qui Le soign~ avec .ten- n~'~egretta aucune peine pour Lui. Quelle joie elle
dresse et avec crainte - la Vierge béllle. La Vler~e épr~vait à voir le Seigneur grandir et se développer
Marie a passé pendant trente ans chacun; de ~es ,ml- de jour en jour. Le Seigneur grandit-Il aussi en toi,
nutes auprès du Seigneur. Elle a garde, s.01?ne le mon fils ? Telle serait la volonté de Dieu. Toutes les
Seigneur, L'a montré aux hommes, a travallle pour fois que tu lis l'ltvangile, toutes les fois que tu
Lui. apprends ta leçon d'instruction religieuse avec
r
52 I,E CHRIST ET LA JEUNESSE L'ENFANT-JÉSUS 53
un dévouement attentif et joyeux, chaque fois que ta peine au Seigneur et c'est pour Lui que tu
tu lis un livre de piété ou travaille à l'éducation auras travaillé. Dans ta prière du matin, offre
de ton caractère, chaqne fois qne tn écontes tout le labeur et tout le repos, la distraction, la peine,
un sermon, chaque fois le Seigneur grandit en toi la déception, l'abattement qui t'attendent pour
et dans ton intelligence. Et tontes les fois que tn cette journée du Seigneur... , et c'est pour Lui que
pries, que tu te confesses et qne tu commnnies, tu auras travaillé. Pendant la journée, si, d'un
chaque fois que tu triomphes d'une tentation, c'est mot affectueux , tu ramènes ton ami en défaut
dans ton âme aussi que le Seigneur grandit. dans le bon chemin, c'est pour le Seigneur que tu
La Vierge Marie a aussi montré le Seigneur. Les auras travaillé. On rit, en société, à des plaisanteries
bergers sont venus l'adorer et c'est la Vierge Bénie vaines et frivoles; mais toi, sagement, non point
qui leur a présenté le petit Jésus ; les mages sont grossièrement, mais d'une parole ferme, sans com-
venus de l'Orient et ils ont trouvé le Seigneur dans promis, tu fais honte aux plaisanteries, tu fais
les bras de Marie. Le mot « ostensoir» veut dire (( celuf taire les rieurs ; c'est pour le Seigneur que tu as
qui montre le Christ ». Qui donc l'a d'abord montré? travaillé . . u t'es aperçu que même des grandes per-
Ce fut la Vierge Mère. Tu dois aussi le devenir, sonnes sont bien ignorantes de notre sainte religion.
mon fils! D'après le commandement auguste de ' -u attires leur attention sur un bon livre ou sur une
notre sainte religion, chaque catholique doit être un revue ... C'est pour le Seigneur que tu as travai1l(..
second Christ. Que celui qui te voit, qui voit ton Pendant vos vacances, tu as acquis de nouveaux
amabilité, ta serviabilité attentive, ta persévé- amis qui depuis longtemps déjà ne se confessaient
rance, la candeur étincelante de ton âme qui illu- plus, et un jour tu les emmènes avec toi ; tu vas
mine tes yeux, soit amené à sentir : Je vois briller ensemble te cçmfesser et communier; c'est pour
en toi le Seigneur Jésus. Hélas, mon fils, combien le Seigneur que tu as travaillé ! Vois, mon cher
de jeunes gens d'aujourd'hui qui sont catholiques fils, combien tu peux travailler pour le Seigneur de
ne nous offrent qu'une image toute défigurée du même que la Vierge bénie qui, tout le jour, travail-
Christ. Et peut-être que si tu jetais, en ce moment, lait pour son divin fils.
un regard sur ton âme, tu t'écrierais aussi,
plein d'effroi: Pauvre Christ! - Qu'êtes-Vous de- Trente ans de silence.
venu en moi ? Ceci peut-il demeurer comme cela ?
La Vierge Marie a travaillé pour]ésus. Il fallait Le Seigneur Jésus a passé trente ans dans le
Le vêtir, Le soigner, songer au ménage. As-tu tra- silence ignoré de la maison de Nazareth. Nous con-
vaillé de quelque manière pour le Seigneur Jésus ? naissons cela d'après cette phrase de la Sainte Écri-
Lorsque tu fais tes devoirs de classe, commen- ture qui introduit en quelque sorte le récit de la vie
ce-les et termine-les par une courte prière ; offre publique de Jésus: (( Jésus avait environ trente ans
54 l~E CHRIS'!' ET l,A JEUNESSE L'El-."'F ANT- JÉsus 55
lorsqu'Il commença son ministère )J. (Luc, 3, 23.) jeune âme. J'aime qu'un jeune homme.dé.sire devenir
l,eSeigneur Jésus n'a déployé une activité publique dans la vie un très grand homme .. Mals Je veux que
que pendant trois ans, mais pendant trente ans Il tu ne surestimes pas tes forces, dans un élan juvénile,
s'y est préparé. Personne plus clairement que l ..ui et que tu travailles en entrepren~nt l.a poursuite ~e
n'a vu le but de sa vie terrestre; personne n'a at- tes grandes ambitions. Ne crOlS P?1l1:. qu~ ~u SOlS
tendu le commencement de son labeur avec une plus intelligent que ton père, qU?lqUll n.alt pas
ardeur plus brûlante - puisque le salut des âmes connu l'avion et la radio. Ne vemlle pas Jouer le
dépendait de Lui - et pourtant Il attendait la venue rôle d'un guide dans une sociét~ .où s~ trouven.t
de son temps avec une patience silencieuse, dans uu aussi des gens plus âgés, plus expenmentes que tOl.
continuel labeur. Ne cherche pas à jouer un rôle avant de t'y être
Il existe des jeunes gens qui, pour tout, voudraient préparé. Ne parle point .de ce que tu ne ~omprends
devancer leurs années. Le petit élève de l'école pri- pas. Mais surtout n'ale pas honte d ~pprendre
maire voudrait être grand garçon pour pouvoir avec un zèle silencieux, mais sans affectatlOn, tou-
fumer la cigarette; l'élève de douze ans souffre jours et le plus longtemps possible, . afin que: lors-
d'attendre son premier pantalon long. Celui de seize 1
que ton temps viendra, ta parole ait du pOlds, et
voudrait voir chaque semaine imprimer une demi- que tout le monde soit attentif à toi, même si tu ne
ùouzaine de ses poèmes et porter une canne avec son ·1 cherches pas à faire impression. Qui donc le monde
pantalon long. attendait-il plus, depuis des milliers d'années, que
Et quant à l'élève de dix-huit ans, à peine peut-il Notre Seigneur Jésus? Sur quelles épaules pesait
supporter l'atmosphère d'une école surannée où l'on un devoir si important qui fût comparable à celui
n'apprend que des choses inutiles. Il attend avec qui. chargeai.t les siennes? Enfin voici le Rédempteur
impatience que soient enfin terminées ces années tant attendu! Que fait pourtant le Seigneur ?
terribles du collège, convaincu que tout le monde Pendant trente ans, Il reste chez Lui ; personne
attend déjà depuis des milliers d'années des projets ne sait rien de Lui; il attend en silence que son
de réforme prêts à le bouleverser. Et lorsqu'il arrive temps soit venu.
à l'un versité , c'est un homme fait, un homme mûr
qui rougit de porter sous le bras des livres et des
cahiers; au lieu d'étudier, il se distrait au café et
songe à diriger la politique du pays.
Comprends-moi bien, mon fils, ; je ne veux point
que tu étouffes en toi les mille projets qu'y fait
jaillir une noble ambition. Certes, non. J'aime que
de grands projets, des buts élevés échauffent une
!
LE DIVIN MAITRE
Dans la solitude.
1
, 1
70 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 71
filial, devrait maintenant se transformer avec le nons pas garde. Mais il est bon d'y penser et d'avoir
début de la vie publique; ce lien va se spi~itua1iser. un amour plus profond pour Dieu. Des choses mysté-
Désormais Jésus ne sera pas seulement le Fils de rieuses nous entourent. Des miracles, des miracles
~arie mais aussi son Maître et son Dieu. Et si l'expres- plus grands peut-être que ceux des noces de Cana;
SlOn conserve quelque rudesse, le ton dont Notre Sei- mais des miracles auxquels nous sommes habitués et
gneur la prononça lui ôta sans dottte toute dureté. Ce pour cela auxquels nous ne faisons plus attention!
que nous voyons, du reste, de l'attitude de la Vierge N'est-ce point cette même force de Dieu Créateur qui
Marie qui continue en disant aux servants: « Faites transforme l'eau de la pluie printanière en jus de
tout ce qu'Il vous dira 1 » raisin et en un vin brûlant? N'est-ce pas elle qui fait
Avant le repas, les Juifs devaient se laver soigneu- avec des gouttes de rosée des aurores de mai les
sement, et dans ce but, ils avaient toujours de l'eau grains pourprés du raisin? N'est-ce pas la même main
préparée. Il y avait aussi ici six grandes urnes de puissante qui mûrit les semences et fait que les épis
pierre. Le Seigneur les fait remplir d'eau jusqu'au de blé ondoient sous le soleil estival, Elle qui a multi-
bord, et alors Il change l'eau en vin. plié dans le désert les poissons et les pains ?
.Par sa p~~sence aux Noces de Cana, par l'insigne Sache, mon fils, découvrir dans chaque merveille
muacle qu 11 y accomplit, le Seigneur Jésus nous de la nature le Visage de Dieu.
donne un important enseignement. Savoir, combien Aux Noces de Cana, c'est à la fin que les convives
la religion pénètre intimement la vie quotidienne. Il ont reçu le meilleur vin, don de Dieu même.
veut que par son miracle nous soyons portés à faire Le Christ Notre Seigneur nous réserve aussi le
ce :ouhait : « Accomplissons nos tâches quotidiennes, meilleur vin pour la fin. Lorsque nous arriverons aux
et Jusqu'aux actions les plus insignifiantes, avec un Noces de l'Agneau Céleste - ainsi que notre reli-
cœur élevé. » Qu'une pensée religieuse anime toute gion appelle volontiers la Vie Éternelle, - nous goû-
manifestation de notre vie. Emmène partout avec terons alors le plus précieux des dons du Seigneur, qui
toi le Christ et alors l'eau, la chose la plus courante est le Seigneur lui-même.
de la vie, est ennoblie, changée en un vin précieux.
Ne pe.n:e donc point que la vie pieuse te privera Saint Jean-Baptiste.
de. la JOle ; tout au contraire: si le Seigneur est chez
tOl, de douces joies vont surgir, des joies dont tu Avez-vous jamais vu cette étrange peinture?
n'as pu avoir jusqu'ici une idée. Mais sache aussi Hérode et ses amis dînent en grande liesse, et voici
que tu ne peux pas t'adonner aux distrac- qu'au milieu du festin une femme furieuse, dépeignée,
tions et aux fêtes où Jésus ne pourrait pas t'ac- .,' qui tient dans sa main un plat, et sur le plat repose
compagner. Car Notre Seigneur répète aujourd'hui une tête d'homme recouverte de sang. Quelle est cette
encore le miracle de Cana; seulement nous n'y pre- tête ? Qui donc est devenu martyr, et pourquoi ?
72 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 73
C'est celui dont le Seigneur Jésus a dit: « Parmi les Qu'importe! Hérode l'abreuva de menaces. Mais
enfants des femmes, il n'en est point paru de plus quoi? On peut abattre un chêne, on ne peut pas le
grand que saint Jean-Baptiste (Matthieu, II, II). faire plier.
C'est une louange! Et quelle louange! Lorsque Jésus Mon fils, ta faible volonté ne reste-t-elle pas
parlait ainsi, Jean-Baptiste vivait encore, mais le loin, bien loin en arrière de cette irréductible fidé-
Christ le connaissait; Il savait quel serait son sort lité, de cette volonté de fer de saint Jean? Combien
et comment il devait mourir, victime de son honneur, de fois as-tu dit: « Je suis tombé encore, mais
de sa virilité, de sa fidélité. Il savait cela; c'est c'est la dernière fois )). Certes, le roseau se redresse;
pourquoi Ille louait ainsi. Car la fidélité, la maîtrise le voici debout, comme le chêne. Mais voici la pre-
de soi, la discipline de soi, le caractère ferme plaisent mière brise, voici la première tentation séductrice, et
au Christ. La force d'âme et la fidélité plaisent au le roseau de nouveau s'incline. Et vient l'orage de la
Christ. Que Jean ne mangeât que des sauterelles et tentation: Alors il s'incline tout à fait dans la fange.
qu'il portât un vêtement rude, ce n'était là qu'un Le soir lorsque, sous la lumière douce de la lampe,
moyen et non point le but. Le but c'est la fidélité, tu songes à ta journée, n'as-tu pas bien souvent ce
le but 'c 'est la force de l'âme et du caractère, le but reproche à te faire : « De nouveau j'ai été lâche. Je
c'est l'ordre mis dans notre vie spirituelle. Jean disait n'aurais pas dû me laisser entraîner dans cette
à Hérode: « Il ne t'est pas permis d'avoir la femme de conversation frivole. ))
ton frère» (Marc, 6, 18). Eh ! bien, Seigneur, maintenant je veux devenir
Ah ! dit Hérode avec emportement, celui-ci ose comme le chêne; je veux être ferme. Je veux avoir
reprocher quelque chose au roi? Qu'on le mène en un caractère ferme, demeurer votre fils fidèle. Mais
prison. comment pourrai-je le devenir ? Je vais tâcher de
Mais qu'importe à Jean-Baptiste; c'est son devoir; voir comment le devint saint Jean-Baptiste.
il ne peut agir autrement ! Et voici pourquoi Notre
Seigneur l'a loué. L'Ecole du caractère.
« Qu'êtes-vous allé voir au désert ? a demandé Jésus
au peuple, faisant allusion à saint Jean prêchant dans Comment saint Jean est-il devenu semblable au
le désert. Un roseau agité par le vent? » (Matthieu, chêne ? Au prix d'une lutte incessante! Car la vie
II, 7.) La rive du lac de Génésareth, bordée de roseaux chrétienne est un éternel combat. Où donc la bataille
lui fournissait cette comparaison. Une brise, et le a-t-elle lieu ? Dans notre âme. Qui est-ce qui combat?
roseau incline d'un côté; un vent contraire; le voici L'ange. Et contre qui? Contre l'animal, contre le
qui se penche de l'autre. Mais saint Jean Baptiste mal qui habite en nous. Qui donc n'a pas senti en
n'était pas roseau. Il était chêne. Hérode le combla soi ce terrible combat ?
de promesses. En vain. Hérode le couvrit de flatteries. Jadis il n'en était pas ainsi. Le corps était un servi-
•
74 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 75
teur obéissant de l'âme, et l'âme une fille obéissante de celle des fakirs, alors nous pourrions la condamner.
Dieu. Alors la vie était encore un printemps de mai Mais, on peut la comparer au lien qui rattache la
ensoleillé et sans nuage. Mais 1'instant funeste, l'ins- vigne au pieu, lui permettant de s'élancer plus haut
tant où le premier homme a commis le péché, est dans l'espace, ou encore au jardinier qui coupe les
venu. Et dès lors, ce fut comme si quelque chose rejets sauvages pour que le tronc puisse fournir des
s'était brisé dans l'univers, comme si le temple fleurs plus belles.
s'ébranlait et croulait. Depuis, le corps lutte perpé- La vie chrétienne est abnégation constante, combat
tuellement contre 1'âme. L'âme est 1'aigle qui aspire éternel, lutte pour la liberté qui ne finit qu'au tombeau.
à 1'air pur, aux cîmes, et qui se lançerait vers de vivi- Les anciens allaient jusqu'à se battre à coups de
fiantes hauteurs, s'il ne se heurtait à la cage des bas fléau; ils le faisaient pour Dieu et pour leur âme. Si
inst nets et ne retombait saignant. je ne peux pas le faire, au moins je m'abstiendrai
Depuis que l'homme s'est révolté contre Dieu, son parfois de quelques mets préférés. Saint Bernard, au
cœur est devenu, selon 1'expression d'un philosophe milieu d'une tentation violente, sauta dans un lac à
moder~e, ainsi qu'un nid de serpents. Expression
moitié gelé. « Voyons maintenant, dit-il, si mon corps
trop vlOlente peut-être. Je dirai plutôt: Une lande réclame. » Si je ne peux le suivre jusque là, du moins
sauvage. La lande peut être une bonne terre si on je calmerai la fièvre de la colère avec les compresses
la soigne. Elle donnera du blé, des fleurs et de' la vie. glacées de la réflexion.
Mais qu'on la néglige, et elle ne portera qu'épines, Saint François, au milieu de fortes tentations de
chardons et plantes vénéneuses. Ainsi, chaque terre son corps, se coucha au milieu des orties : « Eh bien,
produit-elle des épines et des tiges arides, si l'on n'en est-ce que mon corps demande encore quelque chose ?»
prend pas soin, et chaque âme se gâte, si l'on ne prend Saint Martinien, en proie aux tentations, tenait son
pas soin de la nourrir constamment de bonnes pensées. pied dans les flammes: « Cela te fait mal, disait-il, et
Maintenant, n'est-ce pas, tu comprends déjà si tu brûlais dans l'enfer éternel ? »
pourquoi Notre Seigneur louait Jean Baptiste? Je ne puis accomplir un tel acte, mais au moins dois-
~'est 9-ue, par u~e vie plein~ de discipline et d'abnéga-
je penser dans la tentation aux comptes que j'aurai à
tion, 11 combattit pour la hberté de son âme, pour la rendre.
force de son caractère.
Abnégatio~ ! A~ 1 Tu t'effrayes de ce mot. Discipline-foi 1
Certes, ce n est pomt pour elle-même, mais pour le
règne de ton âme que tu dois t'y exercer. Si la De nos jours, l'occasion de faire profession de foi
victoirAe de soi était le but .même, et si c'était pour pour le Christ, par le martyre, ne se présente pas ;
elle-meme que nous cherchlOns la souffrance, si notre mais la vie journalière d'un étudiant est semée de
abnégation n'était qu'une torture sans but comme petites choses, d'occasions propices à l'abnégation,
LE CHRIST ET LA JEUNESSE
({Pou')' qui me p,'enez-vous ? » roger. Vous aviez comme leçon: « Pour qui les
hommes me prennent-ils? N'est-il pas vrai? Eh
Ce matin à huit heures un fait incroyable a eu lieu bien, répondez-moi. Répondez-moi tout à fait sin-
au milieu de nous. Et peut-être est-il possible qu'il cèrement.
n'ait ' pas eu lieu, que je rêvais seulement mais rêve Dites courageusement tout ce que vous avez
ou réalité, la chose vaut la peine d'être racontée. entendu sur moi... Et naturellement les enfants
Huit heures du matin. La salle des plus grands étaient timides. Il se fit un grand silence, tous se
élèves de notre collège. Il va y avoir classe d'instruc- regardaient avec embarras. Même ceux des incroyants
tion religieuse et l'on apprendra une leçon difficile: qui jadis parlaient le plus haut gardaient la tête
« Des preuves de la divinité du Christ. » baissée.
Huit heures cinq. La porte s'ouvre . Les élèves se Enfin ~méric, un des plus intelligents d'entre nous
lèvent et dans la classe entre ... qui donc? Notre pro- prit courage: «Seigneur Jésus, dit-il, je vous demande
fesseur de cathéchisme? Non, entre le Seigneur pardon, ces jours-ci dans le tramway qui me conduit
Jésus? Je vous le dis sérieusement; le Seigneur Jésus à l'école, il y avait un homme grand avec des lunettes
lui-même. Il a cet habit que nous lui voyons si sou- qui racontait à son voisin que le Christ était le plus
vent sur les images: longue tunique blanche qui aimable des prophètes, mais pas autre chose, les
traîne à terre, ses cheveux châtains flottent sur ses prêtres seuls avaient voulu découvrir un Dieu en
épaules, son regard est infiniment aimable. Lui; ne soyez pas fâché, Seigneur Jésus, parce que
Spectacle infiniment ardent et majestueux. je vous rapporte ceci. »
Sans mot dire, Jésus va à la chaire et là, il s'arrête Mais le Seigneur nous regarda avec un tel amour que
auprès de la table en face des élèves. la dernière glace disparut de nos cœurs et que tous
On imagine la surprise qui se peignait alors sur les enfants parlèrent l'un après l'autre.
leurs visages. A vrai dire je ne peux moi-même Joseph se leva lui aussi et dit timidement : « Il y
rendre un compte exact de l'émotion de ces premières en a qui disent qu'on ne peut plus savoir qui était
minutes, car j'étais moi-même tellement transporté Jésus. Sa vie s'est passée si loin de nous.
que je ne puis maintenant rassembler mes souvenirs Et il y a des écrivains, dit Charles, qui a déjà lu
des premières minutes. des philosophes, pour prétendre que Jésus n'a même
Et ainsi Jésus se tenait devant les bancs . Lorsque pas vécu et que beaucoup plus tard les événements de
l'émotion de la salle se fut un peu apaisée, Il se mit à sa vie future, ont été attribués à un être fictif.
parler et sa voix pleine de majesté coula comme un Chez nous, reprit le taciturne Rodolphe, un ami de
baume dans nos cœurs. « Mes chers enfants, au- mon père, qui est professeur de biologie était hier à
jourd'hui c'est moi qui suis venu en classe au lieu du dîner. Il a mis en doute les miracles de Jésus. Jésus,
professeur de religion et c'est moi qui vais vous inter- disait-il, aurait passé sa jeunesse au milieu de fakirs,
LE CHRIST E T LA J E UNESSE LE DIVIN MAITRE
et ainsi aurait appris toutes sortes de choses extraor·· Et voici que Jésus reprit alors.
dinaires, mais ce n'étaient certes, pas là des miracles « Bienheureux êtes-vous, mes enfants, qui gardez
puisque la science moderne, a déjà prouvé qu'un une foi solide au milieu du chaos de ce monde mo-
miracle était impossible ... » derne. Gardez votre foi en moi comme l'unique ancre
Et voici que du fond de la classe s'avança l'athée sûre dans les combats qui vous attendent dans la
Georges, tenant à la main un numéro du journal vie terrestre. Mais faites-vous profession de croire en
socialiste, de la semaine passée, dont l'article de ma divinité, seulement par des paroles, et non point
tête avait pour titre: « le Christ, premier socialiste. )) aussi par les actes de votre vie? Vous contentez-
Et cet article disait que la doctrine du Christ n'est vous de dire que je suis le Seigneur ou bien vivez-
pas autre chose qu'une proclamation du socialisme. vous dans le respect de mes lois . Le Seigneur parlait.. ..
Que le Christ est le premier socialiste que le monde Il parlait ..... et les jeunes coeurs s'ouvraient nombreux
ait vu. à ces paroles, comme le calice des fleurs altérées
Et pendant tout ceci, le Seigneur Jésus se tenait s'ouvre à la fraîche rosée. Soudain la sonnerie éclate
sans dire mot en face des élèves, écoutant la foule bruyamment. Neuf heures.... . .
d'opinions chaotiques; une pitié attristée se répandit Et le Seigneur disparaît. Hélas cette he~re mlra-
sur son auguste face. Lorsque personne ne parla plus, culeuse a donc passé si vite ? Je tends la mam vers le
ses traits s'adoucirent; d'une voix douce, il demanda, Seigneur Jésus qui part.. .. . Mais ce n'est que le réve~l
et sa voix résonnait comme une cloche d'argent dans sonnant terriblement que j'attrape. Je regarde: 11
l'âme des enfants; Il demanda : « Et vous, mes chers est six heures du matin, l'heure de me lever.
petits, que me dites-vous? )) Dans le silence muet la
question retentit, atteint et trouble les enfants et
tous ils inclinent le front respectueusement; et « Le Christ est la voie. »
Georges lui-même qui s'est vanté de son incroyance, Au-dessus du portail principal de la basilique
et de ses opinions rationalistes lui aussi, ému, baisse Saint-:B:tienne de Budapest, on voit gravées en lettres
la tête, et l'on voit presque la lutte qui se déroule dans d'or les paroles du Seigneur « Ego sum via, veritas et
son âme qui n'est pas encore foncièrement corrompue. vita )). « Je suis la voie, la vérité et la vie )) (Jean, 14,6).
Mais le silence ne dure qu'un instant. Gédéon, le Et dans ces quelques mots est enfermé tout un
meilleur élève, la gloire de la classe, s'avance et se splendide programme pour notre vie ~umaine.
prosterne au pied du Seigneur: « Seigneur, lui dit-il, "1 Peut-être mon fils, es-tu trop Jeune encore,
d'une voix tremblante d'émotion: Vous êtes le pour avoir 'eu l'occasion de jeter un regard lucide
Christ, le Fils de Dieu. )) sur le chaos du monde actuel, dans sa vie spirituelle
Et toute la classe à genoux répète: « Vous êtes le et dans sa vie sociale. Mais à mesure que ta raison
Christ, le Fils de Dieu. )) va se développer, tu vas, d'année en année mieu~
86 LE CHRIST E'l' LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE
voir dans quelles ténèbres agitées et ardentes, dans chaude; prix modérés. Et le voyageur sans expé-
quelle incertitude et quelles recherches tâtonne rience prend l'autobus de celui qui crie le plus fort
l'humanité moderne. et annonce au meilleur prix son hôtel installé de la
Et, au sein de cette obscurité, dans ces recherches manière la plus moderne. Mais le lendemain il s'aper-
de nouvelles routes, de nouvelles formules de vie, la çoit avec amertume qu'il a bien mal fait de ne pas
parole du Seigneur le ~résumé classique de la doctrine descendre dans le bon vieil hôtel de confiance qu'on
chrétienne, brille, comme un éclair lumineux sur de lui avait recommandé chez lui. Car le palais annoncé
sombres nuées: « Je suis la voie, la vérité et la vie. » à si grands cris est, à la vérité, un lieu malpropre et
Je suis la voie! Le premier homme, avant qu'il sombre, avec une cuisine inmangeable et des hôtes
tombât dans le péché, marchait sûrement dans la voie suspects.
de Dieu; mais son intelligence fut assombrie par la Mon fils, avec des annonces aussi fallacieuses, vont
chute et elle l'a foudroyé. La corruption du monde, où t'assaillir les idées, les formules de vie, toutes se
sont tombés les peuples de la plus haute civilisation, réclamant comme la plus moderne. Hélas ! combien
le fait qu'ils y ont demeuré à l'apogée de cette civili- de jeunes gens se sont laissé séduire par ces grandes
sation même, est un triste exemple des erreurs qui paroles ! Combien ont quitté pour elles le bon vieux
guettent l'âme humaine, errant sans Dieu. chemin de confiance qu'ils avaient reçu chez eux.
Mais cette triste obsei·vation, s'appliquerait-elle Mon fils, dans le chaos païen de cette vie moderne,
seulement aux hommes des temps anciens? Non ne ferme pas l'oreille aux paroles du Seigneur. « Je suis
hélas ! La vie morale de beaucoup de nos contempo- la voie. II C'est ce chemin qui te mènera toujours surIes
rains ne se distingue pas, tu vas le voir, mon cher cîmes éternellement fraîches de l'optimisme, malgré
fils, malgré tous les progrès techniques vertigineux et la côte et les pierres. Du périlleux désordre de tes
les découvertes, de celles des peuples qui ont vécu désirs instinctifs, ce chemin te mène à la gloire de
avant le Christ. Le front en sueur, les tempes bat- la vie humaine équilibrée, bien qu'il soit étroit et
tantes, l'homme court encore après le bonheur; et ce encaissé. C'est ce chemin royal de la Croix du Christ
bonheur, pour lui, c'est encore l'argent, le bien-être cc Regia via crucis l), c'est lui seul qui peut mener
matériel, les jouissances des sens; et comme il ne l'homme moderne hors de ses tâtonnements vers les
peut jamais se satisfaire, il devient pessimiste: hauteurs où, comme un triomphe facile, se résolvent
Devant les gares des grandes villes, des files d'au- tous les grands problèmes de la vie. N'oublie pas
· 1
tobus d'hôtels attendent; les garçons recommandent les paroles du Seigneur: « Je suis la lumière du monde;
à grands cris leurs maisons aux étrangers ignorants celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres. l)
Celui qui sait se refuser à lui-même dans les petites croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi»
choses pourra plus facilement suivre le Seigneur. (Matthieu, 10, 38) .
Sache maîtriser ta langue. Ne comprends-tu pas Voici donc la décision que tout jeune garçon,
la responsabilité dont te couvre chacune de tes devrait prendre: « Seigneur, je marcherai toujours
paroles, ou bien ne fais-tu que bavarder, bavarder sur vos traces, aussi difficile que cela puisse être. Je
sans arrêt quitte à reconnaître ensuite qu'il n'y avait sais que ce n'est que par une discipline constante de
pas la moitié de vrai dans ce que tu as dit. moi-même que j'arriverai à vaincre ma nature
Si l'on t'injurie, sais-tu répondre avec la force d'homme qui m'incline au péché. »
tranquille de la supériorité.
Une plaisanterie très spirituelle te vient à pro- Et qu'il me suive.
pos de ton ami. Peux-tu l'étouffer et la taire si elle
d?i~ faire souffrir ton ami, ou bien es-tu de c~ux que « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se re-
deslgne la sentence, « Potius amicum, quam verbum nonce lui-même, qu'il porte sa croix chaque jour, et
perdidi », je perds un ami plutôt que d'étouffer un me suive! » (Luc 9, 23·)
mot. Suivre le Christ. Quelle vocation sublime pour
Maîtrise ta paresse, ton amour du bien-être. tous les hommes; surtout quel commandement plein
La leçon n'est pas de ton goût. Achève pourtant de d'honneur à la jeune âme qui cherche une route pour
l'apprendre ponctuellement. Il ne te plait pas de la vie.
te lever. Saute du lit quand même à l'heure exacte. Chaque fois que le ciel s'obscurcit dans la destinée
N: renonce pas à la prière du matin, bien que tu d'une nation, chaque fois qu'en des an1J.ées de terribles
SOl~ très pressé de partir pour l'école. Ne te couche épreuves l'image de la ruine finale paraît comme un
point sans une prière ardente, profondément sentie fantôme, et pose devant tous les yeux la question de
malgré toute la fatigue que tu peux éprouver. vie ou de mort, les patriotes inquiets de l'avenir ne
Ma.îtrise tes caprices. Si quelque chose t'afflige, conservent qu'un espoir: la jeunesse de leur pays.
ne ~alsse pas paraître ta mauvaise humeur à tes Lorsqu'une nation, au passé glorieux, s'écroule sous
parents, à ton frère ou à tes compagnons. Si tu es le poids d'événements tragiques, qui la mènent aux
peut-être sans en savoir toi-même la cause, d'humeur bords de l'abîme, y a-t-il un miracle à ce que les yeux
sombre, triste et affaiblie, tâche de dominer tes affligés des hommes mûrs cherchent une consolation
impulsions et de ne pas devenir querelleur et amer ? des maux présents dans les yeux ardents de la jeu-
Voilà donc, mon fils, de combien de manières nous nesse ? La patrie meurtrie voit tant de ses enfants
pouvons réaliser la parole du Seigneur Jésus: « Si aînés succomber, y a-t-il un miracle à ce que tout
quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renonce lui- l'espoir se concentre sur la génération nouvelle qui va
même» (Luc 9, 23). Et « celui qui ne prend pas sa monter, sur les garçons qui grandissent, sur vous mes
I04 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE l°S
enfants qui allez être mieux préparés pour la lutte, Car Dieu demande à l'homme plus que d'être sim-
pour le travail que vos pères, plus endurcis à la peine, plement un homme. S'Il n'avait greffé en nouS une
plus durs et plus fermes de caractère, plus purs de vocation supérieure, nous pourrions nous contenter
mœurs, plus ardents de foi. de la formule du second groupe et vivre ainsi une vie
Voyez donc, jeunes garçons, ce que procure l'imi- tout à fait naturelle et terrestre. Mais Dieu imprégna
tation du Christ, elle procure un idéal, et des moyens, notre âme de la marque sainte d'une vocation supé-
un idéal pour lequel il vaut la peine de combattre, rieure et depuis l'homme ne peut pas se contenter
les moyens avec lesquels on peut atteindre cet idéal. de la vie naturelle; il doit vivre aussi une vie surnatu-
Plus vous grandirez et plus votre horizon s'élargira, relle, une vie spirituelle. Tant que la chenille n'est
plus vous apercevrez que l'on peut distinguer très que chenille, elle rampe sur la terre, c'est son destin
clairement trois types d'hommes. et personne ne peut lui demander de voler, mais dès
Il y a d'abord des hommes absolument matérialistes, que la larve est devenue papillon elle ne doit pas,
je dirais presque des brutes. Certes, ce n'est pas n'est-il pas vrai, continuer de ramper sur la terre.
qu'ils n'aient pas d'âme, mais ils n'ont pas le temps Car dès lors sa nature est maintenant de s'élever
d'avoir une âme, 11s n'ont pas le temps de s'en occu- dans les hauteurs de l'air ensoleillé. De même, c'est
per. Vous remarquerez avec effroi combien le monde vers des hauteurs sublimes que l'imitation du Christ
est plein de ces hommes.
, '. doit nous élever. Elle ne permet pas que nous restions
Toutes leurs pensées tournent autour d'une table des hommes matérialistes pas plus que des hommes
bien garnie, tous leurs désirs sont de poursuivre leurs uniquement conformes à la nature; mais toujours
jouissances et leur dieu est un portefeuille bien elle nous presse de vivre en chrétiens.
rempli. Que nous apporte l'imitation du Christ? Des pen-
Et ces pauvres gens sont en vérité attachés à la sées élevées ? En vous brûle une sublime étincelle
terre ainsi que les mouches au ruban dit «( attrape- divine. Oh, sachez l'apprécier, et n'éteignez pas le
mouches ». feu du Saint-Esprit. Votre âme est un précieux trésor
En second lieu viennent ceux que l'on pourrait que Dieu vous a confié, de grâce, ne le dissipez pas.
appeler simplement des hommes, des hommes honnêtes L'image de Notre Seigneur est dessinée dans chaque
qui mènent dans les grandes lignes une vie digne de âme; ah! n'allez pas transformer cette sainte image
l'homme. Ils sont consciencieux, sobres, justes, bien- en caricature. Votre âme est un temple de l'Esprit
faisants. Et bien qu'ils dépassent de beaucoup la Saint; ne détruisez pas d'une main sacrilège ce saint
grande foule des hommes matérialistes, ils ne peuvent édifice.
pas représenter pour nous un idéal. Ils restent en effet,
bien au-dessous de ce que nous appelons l'homme
chrétien.
106 LE CHRIST ET LA JEUNESSE 10 7
LE DIVIN MAITRE
pensées immorales ou frivoles. Faire à la guerre des lutte spirituelle saint ~méric pour guide. Car si nous
prisonniers, est une belle chose; mais c'en est une n'avons pas d'ennemis à combattre, nous avons à
bien plus belle que de savoir arrêter, ne serait-ce combattre, toi comme moi et comme chaque
qu'une fois, nos paroles, lorsqu'un de nos compagnons homme, les mauvais penchants qui tendent à prendre
nous outrage ou nous raille et que la colère apporte racine et à s'épanouir dans notre âme. Ces penchants
déjà sur nos lèvres l'outrage et l'injure. Car nous ne qui mènent au péché: qui nous font mentir dès que
devons pas être grossiers. Si quelqu'un gagne une nous avons fait mal, dire des injures à celui qui nous
bataille, on peut l'appeler un héros. Mais celui qui insulte, contenter notre estomac dès qu'il réclame.
triomphe de lui-même, est un héros infiniment plus Tenons toujours un glaive aigu, d'un bras fort, devant
grand. Celui chez qui l'âme domine, celui qui sait nos yeux pour qu'ils ne voient rien, devant nos
commander à son corps, qui rentrant, par exemple, oreilles pour qu'elles n'entendent rien qui puisse salir
altéré par le jeu et voyant un verre d'eau froide, im- notre âme, devant notre raison pour qu'elle ne souffre
pose à son corps harassé d'attendre un quart d'heure, aucune des pensées qui puisse salir le lys de nos âmes
celui qui sait faire cela, est le véritable héros. Cet pures.
autre s'éveille le matin, et comme il fait froid dans la
chambre, il dort encore un peu et reste au lit; mais
celui qui saute et s'habille, qui se refuse à la paresse, Je veux être Saint.
voici le héros. Celui-ci passe devant la pâtisserie ;
l'argent qu'il a reçu pour sa fête frémit sous ses doigts Ne pense pas, mon fils, que saint ~méric n'avait
et il sourit aux friandises; mais il se dit pourtant: pas à lutter contre lui-même. Ne dis pas: « Pour
« Non, je veux aujourd'hui me prouver que je sais lui c'était facile, mais moi je suis tellement violent !
me dominer moi-même. » Et il donne l'argent à un La colère éclate si vite en moi! A peine puis-je maî-
mendiant tremblant de froid; voici le héros, voici triser mon sang, mon désir. Comment vaincre en de
celui devant qui je m'incline. Mon fils, il faut se com- telles circonstances. »
battre soi-même, c'est la lutte suprême, et c'est la plus Non, mon cher enfant, saint ~méric avait le même
belle victoire. corps et la même âme que toi! Son cœur et son
Voici donc ce que saint ~méric peut nous ensei- sang battaient, palpitaient exactement comme les
gner: le triomPhe sur soi-même. Bien qu'il n'ait jamais tiens. Lui aussi il aurait pu mentir, il aurait pu se
paru et qu'il ne soit pas mort sur un champ de ba- mettre en colère, il aurait pu aussi souiller le lys de
taille, il a vécu en héros et ceci est bien plus difficile. son âme par des pensées, un langage ou des actes
Car les plus belles palmes de la victoire ne poussent immoraux. Mais, je t'ai dit qu'il fut un héros,
pas sur les champs de bataille de la terre, mais sur un héros qui s'imposa un ordre: « Je ne dois pas com-
le champ de bataille de l'âme. Prenons dans cette mettre de Péché. Que ie rompe, et me brise, tant Pis,
II2 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
I,E DIVIN MAITRE II3
mais je ne commettrai pas de péché. » Et il n'en a pas
commis! oiseau, dis, en toi-même: « Seigneur, Vous voulez
Eh bien, toi aussi tu dois devenir un Saint! Deve- que ~10~S soignons. aussi notre corps, c'est pour Vous
nir un saint, voici qui effraie bien des jeunes gens. que Je Joue, ~ue Je co~rs, que je patine. Et jeux,
C'en sera fini avec la gaîté. Les jours passeront dans les footb~ll et patmage, devlennent aussi des prières.
larmes et la tristesse, on ne peut ni jouer ni être de M ms seulement pas de Péché, mon cher fils! Et alors
bonne humeur. tu établiras la douce harmonie d'une de ces âme~
Mais prends bien garde ! Qui dit que ce soit là la qui s'épanouit comme saint Éméric, au sein de la vie
sainteté, qui dit que l'on ne puisse pas être gai, dure et glacée; et t es yeux brillants de rêves, reflè-
joyeux? teront .une ,âme pûre, blanche comme la neige, aimant
Il est permis d'être gai et de se réjouir, de tout faire le Chnst, epouvantée par le péché, comme le lys,
sauf le péché. Mon fils, lorsque nous nous réjouissons comme l'âme même de saint Éméric. Une telle âme
comme le papillon dans le soleil de mai, le bon Dieu de laquelle seule peut naître un plus bel avenir. '
s'en réjouit également. Lorsque nous sommes gais
comme les alouettes qui chantent, le bon Dieu est gai Comme des brebis au milieu des loups.
avec nous. Seulement, offrons à Dieu tout ce que nous
faisons, nos jeux, nos paroles et nos pensées et ainsi « Je vous envoie comme des brebis au milieu des
tout acte deviendra une prière et notre vie semblable à loups. » (Matthieu ro, r6.) C'est d'abord à ses apôtres
celle de saint Éméric. • que le Seigneur adressait ces paroles, pour leur com-
Voici donc le chemin de la sainteté: tout pour Dieu! mander de conquérir, par la douceur et la bonté le
Chaque fois que tu prends le livre d'algèbre et monde violent et féroce. Mais nous pouvons n~us
commences d'apprendre sin IX. cos (3 +cos IX. sin ~ ... , aussi en faire notre profit. Celui qui veut imiter la
aie cette pensée: « Seigneur j'apprends ceci parce vie du Christ sentira combien l'assaille la meute des
que Vous avez commandé que nous nous instruisions ; loups de ses passions et des méchancetés des hommes.
c'est pour Vous que j'apprends, et cette étude même Sur la route qui mène au Christ, ce seront d'abord
de l'algèbre devient une prière. Et lorsque tu prends tes propres passions, les bas instincts de ta nature
en mains la grammaire pour apprendre les verbes humaine corrompue qui t'attaqueront, comme des
irréguliers, parle ainsi « Seigneur, c'est parce que loups cruels attaquent les agneaux. Toi aussi, sans
Vous l'avez commandé que j'apprends. C'est pour doute tu as senti cette lutte tragique en toi du
Votre gloire que je fais ceci. Alors cette étude de la bon et du mauvais qu'un enfant exprimait un jour
grammaire devient aussi une prière. Et lorsque tu de cette façon naïve: « Comment ça se fait-il, mon-
vas au terrain de sport et engages une partie de sieur l'abbé, qu'il soit si mauvais d'être bon, et si
football, cours, ou voles sur les patins, comme un bon d'être mauvais? » Et cet enfant avait déjà senti
ce que découvrent d'autres à quatorze, à seize ans,
Le Christ et la jeunesse . 8
LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 115
la triste dualité de la nature humaine! Nous savons éviter tout à fait (si tu es par exemple obligé
ce qui est juste; nous voudrions goûter le beau, le d'être à côté d'eux à l'école, au pensionnat, à l'usine,
noble, l'idéal, mais il y a en nous un certain poids de aux jeux, dans la rue, en rentrant de l'école), prends
plomb, qui nous tire, qui nous entraîne vers le péché. alors bien garde : ne hurle pas avec les loups et
« J e ne sais pas ce que j'ai. Je n'aime pas le péché, même ne demeure pas spectateur muet de leur car-
je le déteste et pourtant, je le fais . » Combien de fois nage. Le mal a beaucoup de serviteurs, d'alliés en ce
une telle plainte a passé sur les lèvres de jeunes gens monde : la rue, le cinéma frivole, le mauvais livre,
pleins de bonne volonté et en lutte contre leurs pen- nos instincts désordonnés et nos compagnons corrom-
chants. pus. Mais toi, mets-toi au service du bien, ose
Sais-tu, mon fils, ce que tu as ? C'est le penchant prendre la parole pour la cause du Seigneur Jésus,
au péché qui a pris place dans notre nature à la même au milieu des loups et, s'il le faut, souffre
suite du péché originel, et qui là, grince et hurle pour le Seigneur !
comme un loup affamé. Le Seigneur l'a prédit : Oh Seigneur, faites que je sois généreux pour Vous,
« Celui qui me suivra fidèlement n'aura certes pas que je Vous reste fidèle même dans les situations
une tâche facile. Je lui propose un but magnifique, je difficiles, que je combatte avec courage sans me soucier
lui promets une récompense sublime, mais il faut de mes blessures. Faites que je travaille beaucoup et ne
beaucoup d'efforts pour la mériter. Pourtant ne pense pas au repos. Et que pendant toute ma vie
t'effraye pas: Tiens le loup en laisse et il ne te mor- ma plus grande récompense soit de savoir que je suis
drapas! resté un agneau parmi les loups et que j'ai accompli,
Mais, pour beaucoup de jeunes garçons le troupeau Seigneur, Votre sainte volonté.
de loups des camarades corrompus, des mauvais
amis est bien plus dangereux que leurs propres ins- Prudents comme les serpents.
tincts. Il en est qui peuvent mettre de l'ordre d'une
main ferme, dans le tumulte de leurs penchants mais « Soyez prudents comme les serpents, et simples
qui renoncent à leurs principes, reniant leur idéal dès comme les colombes. » (Matthieu, ro, r6.) Mon fils, je
qUè des camarades frivoles et férocement moqueurs serais heureux si tu comprenais bien que l'imi-
les couvrent comme des loups affamés de coups de tation du Seigneur, loin d'aboutir à la gaucherie et à
griffe et les transpercent des flèches aiguës de leur l'impuissance dans la vie, s'accommode parfaitement,
moquerie. au contraire, dans une vie véritablement chrétienne,
Mon fils, prends garde! Si tu peux, ne fréquente de la culture intellectuelle la plus moderne, de 1.' es-
pas les loups, ceux qui tiennent un langage mal- prit commercial le plus fin et le plus subtil, de l'acti-
propre, les cyniques incroyants, ceux qui méprisent vité et de la distinction des manières la plus raffinée.
toute autorit é. Et si toutefois tu ne peux pas les Car le Seigneur n'a pas seulement dit à ses dis-
rr6 LE CHRIST ET LA JEUNESSE I.,E DIVIN MAITRE II7
ciples : « Soyez simples, comme des colombes », mais j'écris ces lignes. Jusqu'ici je sais seulement que l'on
aussi « prudents comme des serpents. » L'idéal en continuera de m'emmener sur une hauteur dans la
effet c'est une jeunesse douce comme la colombe direction Nord-Nord-Est, qu'ensuite nous traverse-
mais sage comme le serpent. C'est-à-dire qui marche rons un fossé profond, et que le pont sera ensuite in-
sur les traces de Jésus-Christ, mais qui est à la fois cendié. Venez, dépêchez-vous! » Et la patrouille re-
gaie, zélée, agile, attentive, vigoureuse. C'est le gar- prend sa route. Nord-Nord-Est : Voici le fossé pro-
çon qui dans la vie se tire toujours d'embarras, ne fond. Comment le passer? Vite, avec les cordes on
perd pas la tête dans aucune situation difficile et par fait un pont suspendu et en avant, à la poursuite de
sa confiance, son courage et son travail avance gaî- 1'ennemi ! Sur l'autre bord, le chemin est barré par
ment sans arrêt sur la route de la vie : mais qui, par une ficelle ou a été déposée une seconde lettre: «Atten-
contre, n'oublie jamais, pas tlll instant, le seul but tion ! obstacle de fil de fer avec courant de haute
vraiment saint: au-delà de tous les obstacles du la- tension! Venez, faites-vite! » Les plus grands sautent
beur, de lutte, de déceptions, au bout du chemin l'enclos du fil de fer, les petits sont élevés par dessus
nous attend le Christ, auprès de qui nous devons à et tout le monde passe. Hourra ! En avant sur la
tout prix parvenir. piste des traces de sang. Quatre, cinq obstacles encore
Un des amusements préférés des boys-scouts c'est la et voici une nouvelle lettre. On l'ouvre : des points,
poursuite d'une patrouille avec obstacles. des traits sans ordre. Holà crie quelqu'un: c'est l'écri-
Une patrouille, composée de sept ou huit garçons, ture Morse. On essaye d'épeler, mais cela n'a aucun
reçoit cette instruction: « L'avant-garde de l'ennemi sens.
a fait prisonnier notre héraut qui devait nous appor- Charles et Victor, les as du Morse y nagent. Enfin
ter un immense trésor; après une escarmouche san- Charles s'écrie: « Ah, c'est en latin. Voilà pourquoi
glante, ils ont réussi à le lier et à l'emprisonner dans nous ne comprenions rien. »
une grotte. A 300 mètres d'ici, commencent, dans la Et maintenant la lecture est facile: « Maximum
forêt, les premières traces de sang. Là. vous retrou- silentium! Meate triginta passus. Custodes dor-
verez de nouvelles instructions pour sa délivrance. » miunt. Venite ! Properate ! » c'est-à-dire: « tomplet
Alors commence le travail, plein d'animation. La silence. Comptez trente pas. Les gardiens dorment.
patrouille se met en marche, sur le chemin de la forêt. Venez, faites-vite! » La patrouille se forme en longue
A 300 mètres on remarque des morceaux de papier file et décrit un cercle avec précautions, retenant son
dispersés, désignant des traces de sang. Halte! Que soufRe. « Nous les avons! Nous les avons! » Un des
0+
signifie sur le sol ce signe ? Que, à huit pas sur la garçons trouve les gardiens endormis; on les lie ;
droite, une lettre est cachée. On la retrouve au pied on délivre le héraut enchaîné. Le jeu est terminé.
d'un arbre. On l'ouvre. C'est le rapport du héraut Maintenant c'est la critique. La patrouille se présente
prisonnier. « Pendant que l'avant-garde soupait, pour écouter le jugement du chef qui a observé
Ils LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE Il9
1
toutes les irrégularités de jeu et a noté chaque Si donc il apparaît en toi (y éveille des désirs, y
faute. excite des pensées), tu ne dois point t'effrayer ni
Eh bien, mon fils. La vie humaine est aussi une t'exaspérer.
course semée d'obstacles. Au bout du chemin nous Et pourtant les meilleurs jeunes gens ont coutume
attend Notre Seigneur Jésus-Christ, mais le chemin de se plaindre à ce sujet: « Je ne le voudrais pas,
qui mène à Lui est bien fatigant, bien escarpé, épi- disent-ils, et cependant j'y pense. Je voudrais n'avoir
neux, coupé d'abîmes et d'obstacles. Le lourd far- que du dégoût pour ces choses. Et pourtant, en secret,
deau de la nature humaine qui nous incline au péché, c'est comme si je les aimais. Je voudrais même n'y
rend le chemin pénible. La rigueur des lois du Christ jamais songer et pourtant, vingt fois par jour, l'idée
représente le chemin escarpé, la discipline les épines, s'en présente à mon esprit. Suis-je donc tellement
le péché le fossé, les soucis de l'existence les obstacles. mauvais? »
Et cependant, dans toutes les situations tu dois te Mais non, mon cher fils, tu n'es point mauvais.
sortir de peine, avancer sans relâche vers le lieu Tu es simplement un homme. 'ru n'es pas un
où le Christ t'attend. Que la lassitude ne t'accable ange. 'ru ne peux pas t'élever si haut que l'instinct
p.a~ ! Que les épines ne t'effraient pas! Ne te pré- ne puisse redresser la tête en toi et ne s'élève
CIpite pas dans l'abîme, ne trébuche pas contre encore avec toi. Et tu sens comme un goût secret
les obstacles! Au bout le Christ t'attend. « Soyez pour lui? Et tu pècherais même, si cela était
prudents comme les serpents et doux, comme les co- permis? Ceci aussi est la vérité, mon cher fils. Au
lombes. » diabétique, le médecin interdit les plats sucrés
et le malade intelligent s'y conforme. Mais il n'est
« Oombattre avec prudence.» pas obligé pour cela de reconnaître que le sucre
n'est pas doux et qu'il ne l'aimerait pas. Car alors il
Pendant l'adolescence surtout, entre seize et dix- mentirait. De même pour l'instinct sexuel. Peut-être
huit ans, et aussi par la suite, tu sentiras combien reconnais-tu avec effroi quel goût ta nature a pour
il te faudra combattre le désordre de tes instincts. lui et quel plaisir tu aurais à le satisfaire. N'im-
Ne t'exaspère pas cependant. Le Seigneur Jésus, porte! Dieu te le défend. Alors c'est non 1
n'a-t-il pas dit que celui qui voudrait l'imiter aurait Pendant le jour, se plaint tel garçon, je peux
à soutenir une grande lutte? Seulement, apprends m'occuper, me divertir, mais le soir, au lit, quand je
à lutter avec prudence. ne peux pas m'endormir, ou la nuit, lorsque je me
N'oublie pas qne tu es un homme, un homme réveille, de torturantes tentations m'accablent. Que
fait d'un corps et d'une âme. Ton corps est peuplé faire alors? Je ne puis pourtant pas sauter du lit!
d'instincts, et l'un des plus forts est celui de la con- Je sais bien, mon cher fils, que ce sont là les ins-
servation de l'espèce, autrement dit, l'instinct sexuel. tants les plus difficiles de la lutte. Mais ici encore tu
I20 LE CHRIS'!' ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 121
dois être vainqueur! La règle suprême: Ne pas te trouves au faite de la cheminée d'une usine
avoir peur. Essaye d'abord de prier et peut-être géante. Et voici que soudain éclate un orage d'été.
t'endormiras-tu en priant ... (dans de telles occa- Tout de suite, ah, il va te précipiter en bas! Il
sions il est permis de s'endormir pendant la faut que tu descendes vite les 300 échelons de fer
prière, cela n'est pas grave). Si tu n'y réussis qui sont fixés au dehors entre les briques. En avant!
pas, si la tentation s'obstine à se présenter et à peu- Courage! Commençons vite! 300, 299, 29 8, 297,
pler tes pensées, essaye de concentrer ton esprit voici que s'élève la tempête, cramponne-toi bien!
sur un jeu, une distraction, qui te soient chers, et 299, 295, 294··· Déjà la pluie commence à crépiter.
de te les représenter mentalement dans les plus Plus bas, plus bas, jusqu'en bas. Et tu verras que
petits détails. Disons par exemple que tu aimes lorsque tu arriveras en bas, tu dormiras déjà depuis
beaucoup jouer au ballon. Compose donc les deux longtemps.
équipes: avec toi il y a Benoît, Louis, :B:tienne ; Et quant aux tentations torturantes, 1'orage les a
dans le camp adverse Charles, Joseph, Georges, etc ... balayées. C'est ainsi qu'on peut lutter avec prudence!
Bon. Les deux équipes se préparent. Naturellement « Soyez prudents comme les serpents! »
tu joues l'avant-centre. L'arbitre siffle. Le ballon Un autre exemple encore: Comment doit-on
vole. Le demi passe le ballon à la tête au centre qui répondre prudemment aux tentateurs. - De grands
le fait passer à 1'aile gauche. Celui-ci se précipite garçons, dont 1'âme est corrompue, raillent souvent
avec le ballon, mais le jette en touche. C'est le demi leurs compagnons qui ont le cœur pur. « Tu n'oses
qui joue la touche, et, grâce à l'ailier, il y a corner. pas faire cela ? Alors, tu ne peux pas comprendre ce
L'ailier donne le coup de pied du corner; il lance le qu'est la vie. Celui qui n'a rien fait encore, c'est un
ballon juste devant le centre qui avance de quelques enfant. Il lui manque toute une grande expérience.
pas, et l'envoie dans les buts. L'arbitre siffle le point. Avec toi on ne sait même pas de quoi parler, tu n'es
Mais 1'arbitre de touche fait signe que le corner qu'un petit enfant. »
n'était pas régulier. Le gardien de but réclame la Prends garde mon fils, c'est là une raillerie amère
remise en jeu. Mais 1'arbitre est intransigeant. Le et qui blesse un point sensible! Un petit enfant, per-
centre se prépare avec le ballon; le gardien se ramasse, sonne ne veut le rester. Mais quoi répondre.
prêt à sauter. Un coup de pied. C'est le but! Essaye « Tu as raison, dis-lui: celui qui mène une vie
donc de mener ainsi en ·toi la partie pendant huit pure, renonce à une expérience; il n'éprouvera
ou dix minutes et alors les pensées qui te tortu- pas l'excitation de nerfs que cause le péché d'impu-
raient, ne résistant pas à ce rapide défilé d'événe- reté, ni 1'état moral, l'état d'abattement, qui le suit.
ments, perdront leur force et peu à peu t'abandon- Mais, par contre, il est riche d'une expérience bien
neront. plus précieuse; savoir qu'il est complètement maître
Veux-tu un autre dérivatif? Suppose que tu de soi; ce qui est une joie royale. Le péché d'impu-
122 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 123
reté est l'éclair qui brille un instant. Il éblouit, séduit, congrégations mariales, les troupes de boy-scouts,
aveugle, et ensuite l'ombre redevient plus noire; la l'œuvre du prêtre catéchiste qui veille sur chaque
vie pure est une lumière chaude, vivifiante et bien- élève individuellement, tout contribue à l'épanouisse-
faisante, une joie heureuse édifiante et douce. Celui ment d'une vie religieuse intense dans l'âme des jeunes.
qui n'a jamais été malade, manque aussi d'une expé- Mais voici qu'arrive un moment infiniment doulou-
rience : les sensations de la maladie. Et pourtant nous reux : c'est la triste desharmonie qui s'établit entre
y renonçons volontiers, n'est-ce pas, et nons désirons les parents indifférents en matière religieuse et l'en-
rester toujours en bonne santé. Tu as renoncé fant pieux. Combien de larmes ai-je vu couler (et je
à l'expérience de la vie pure et moi à celle de l'im- pense que les anges du cieIles recueillaient comme des
pure. A ce prix tu as acquis une expérience nou- perles de diamant précieuses) dans les yeux des
velle; j'en ai acquis une aussi. Ma.is la mienne est jeunes garçons qui venaient se confier à moi: Mon-
plus précieuse! Je suis devenu par elle plus humain, sieur l'abbé, je vous prie, de toutes les choses sublimes
et toi plus bestial. Voici la grande différence. que nous apprenons en classe d'instruction religieuse,
Voici, mon fils, l'application présente des paroles je ne vois rien qui soi!: appliqué chez nous, à la maison.
du Seigneur: « Soyez prudents, comme les serpents 1 » Nous devons prier matin et soir. Eh bien, chez nous
personne ne prie. Nous devons aller avec joie nous
confesser. Mon père ne s'est jamais confessé depuis
Doux comme les colombes. son mariage. Et jamais il n'y a un mot pour la reli-
C'est un fait consolant et heureux que la vie spiri- gion, pour Dieu, chez nous.
tuelle de nos jeunes étudiants d'aujourd'hui est beau- J'en éprouve une très grande douleur. Ah, je vous
en prie, qu'est-ce que je pourrais faire?
coup plus profonde, leur piété beaucoup plus sérieuse
Considère seulement, mon fils, quel conseil donne
qu'elles ne l'étaient chez leurs aînés, il y a trente ou
quarante ans. A cette époque, un vent desséc '~ ant le Seigneur dans les situations difficiles comme celle-
de froideur religieuse passait sur le monde intellec- ci.
tuel; à l'école même, la classe d'instruction reli- Soyez prudents comme le serpent et simples comme la
gieuse était telle qu'il ne lui était plus possible de colombe. Je sais, tu voudrais changer l'état de ton
planter dans les jeunes âmes une foi vivante et résis- foyer ; ta grande joie serait que ton père vienne
tante; l'indifférence religieuse des hommes adultes avec toi se confesser et que ta mère prie. Mais
d'aujourd'hui est le résultat de cette éducation reli- prends garde, ne brusque rien! Ce n'est qu'avec de
gieuse médiocre. la prudence, de la douceur, de la simplicité, que
Maintenant l'enseignement de la religion est tout à tu peux les gagner. Quand réussiras-tu? Qui sau-
fait autre. Et, en plus des classes d'instruction reli- rait le dire, peut-être après des années seulement,
gieuse, animées, sympathiques, chaleureuses, les peut-être dans dix ans. N'importe.
I24 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
LE DIVIN MAITRE I25
N'abandonne rien de ta vie intérieure, chaude-
ment reliaieuse donc heureuse et de tes exercices être en secret prient-ils déj à? Et un jour, ton père
de piété ~ pratique assidûment la prière, la sainte viendra s'agenouiller au confessionnal, qu'il fuyait
messe la sainte communion fréquente, l'amour depuis si longtemps. Ce sera l'heureuse récompense
ardent de Dieu, quand bien même tu ne recevra~s de ta prudence et de ta 'douceur: « Sois prudent
aucun encouragement de ta famille et tu n'y verrais comme les serpents et simple comme les co-
qu'un exemple contraire. Mais, p~r c~n~re, n~ te lombes ».
montre dans ton désir de converbr, m lmpabent,
ni irrespectueux.
Mes paroles ne passe1'ont point.
Que feras-tu pour réchauffer ces âmes éloignées Dans la nuit silencieuse, dans notre camp de boys-
de Dieu? Sois un garçon sincèrement pieux et du scouts, le sommeil a accablé mes deux petits compa-
reste infiniment aimable, attentif, obéissant, envers
gnons de garde. Seul, je réfléchis dans l'ombre qui
tes parents. Réalise toujours leur souhait, jusqu'au environne le feu de patrouille. Nuit silencieuse,
moindre.
étoilée. Derrière moi le camp endormi, et devant, où
Et que ce soit toujours avec joie, avec une joie
que je regarde, la fôrêt, toujours la forêt, Et au-
qui éclate dans tes yeux, puis, pour la fête de Noël,
dessus de ma tête, la foule innombrable des étoiles.
ou pour le jour des prix, pour la fête de ton père,
Notre petite planète, la Terre, court depuis des
ou à toute grande occasion semblable, quand leur milliers et des centaines de milliers d'années au
cœur sera peut-être un peu ému, dis-leur que c'est milieu des étoiles et avec elles. Et vers où se préci-
au Christ que tu dois tout ce qui brûle en toi : pitent ensemble terre et étoiles? Personne ne le
la bonté, l'amabilité, l'affection qu'ils ont éprouvées. sait 1
Si tu n'aimais pas autant le Seigneur, .si tn Quelles énergies vertigineuses émanent de ces
n'étais pas tellement pieux, ton âme ne serait pas
étoiles lointaines qui courent et coordonnent tout
si belle et si pleine de joie. Oui, mon fils, montre par
l'univers ? Au-dessus de moi, cette foule d'étoiles
ton âme même, de quel charme infini la vie véri-
brillantes ..... c'est le même ciel étoilé qu'on voyait
tablement religieuse nous inonde et quelle force
il y a mille ans, c'est le même que vit le premier
elle nous donne pour toutes les luttes et, je dirais
homme, lorsqu'il leva la tête vers le firmament!
presque, « sois aux yeux de tes parents une bonne Quelle exactitude ! Quelle force, quel ordre! Tout
réclame pour le Seigneur] ésus et pour la vie chrétienne».
ceci ne peut donc pas suffire à composer l'Éternité?
Alors, un jour tu constateras, le cœur battant de
Non, pourtant! Souvenons-nous des paroles du Sei-
joie, que l'écorce de glace de leur âme cèdera et q~e gneur : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles
de nouveau ils commenceront à s'intéresser à la relt- ne passeront point. » (Luc, 2I, 33.)
gion qu'ils avaient depuis longtemps oubliée. Peut- Et mon regard s'abaisse du firmament sur la terre.
LE DIVIN MAITRE I 27
126 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
Seigneur résonnent encore à nos oreilles avec la
Tout ceci doit donc passer aussi ? Loin, loin, au ras
même force que la première fois. Alors que tout
de l'horizon, les lumières clignotantes d'une ville
change à la face du monde et que son aspect en quel-
endormie, font une traînée de lumière. Par quel ques siècles seulement, est transformé, les paroles du
labeur assidu la main humaine élève-t-elle et bâtit-elle Christ vivent depuis deux mille ans et font épanouir
sans cesse 1 De pierres de taille elle fait des tours; les vies pleines d'activité et prêtes à tous les sacri-
avec le fer elle monte des bâtiments qui accrochent fices .
les nuages, elle asservit l'eau, la vapeur, l'électricité; Et ce que dit le poète Gardonyi de l'Écriture
elle réalise le chemin de fer, le paquebot, l'aéroplane. Sainte, nous pouvons le dire, avec plus de raison,
Que de découvertes techniques et physiq~es, trava~l des paroles du Seigneur :
incessant, haletant, de l'aube au SOIr et meme du SOIr
à l'aube. Ceci aura donc aussi un jour une fin ? Oui, Tout se fane, tout se gîte,
le Seigneur l'a dit. Un temps viendra où le soleil se La forteresse de marbre, elle-même s'écroule,
La pourpre devient une loque,
lèvera, sans que personne ne regagne le travail, s.ans Les gloires s'envolent en fumées,
qu'aucune main humaine ne lance une machme, Seul -ce livre nt: redevient pas poussière
sans qu'aucun œil humain n'admire les créations de Comme s'il avait une âme céleste
Ce livre est le buisson de Moïse,
l'art. (( Le ciel et la terre passeront! » Le coeur de Dieu y bat.
Et le sentiment de ma petitesse m'épouvante alors
Ce livre est le Livre des Livres
et j'ai peur. J'oserais donc être encore fier ? ~e ~erai~ La perle précieuse du pauvre
l'homme enivré de sa propre grandeur et qm aIme. a La rosée céleste pour celui qui est las
discourir sur la gloire éternelle, sur la renommée La lumière de l'aveugle d'ici-bas
C'est le chemin doré de la sagesse
immortelle? Bienheureux celui qui le retrouve
Mais, si tout passe sur la terre, les paroles du Christ Puits, source des âmes altérées
ne passeront elles point aussi ? Auprès de qui le Christ se tient avec un verre.
Deux mille ans en témoignent: elles ne passeront
point. Depuis que le Christ Notre. Seigneur.a p,r~no~cé Si vous êtes déjà un grand élève, vous avez sans
ces merveilleuses paroles, combIen de fOlS 1 hIstOIre doute entendu parler de la philosophie de Kant. Ses
des hommes fut-elle désaxée, a-t-elle perdu tout équi- idées ont provoqué une véritable révolution dans la
libre, toute sagesse! Combien de nations mortes, philosophie. Or, voici que, durant sa vie même,
combien de dynasties apparues et disparues, com- Kant devait voir ses disciples l'abandonner, au nom
bien d'empires formés et détruits, combien de phi- du progrès, pour suivre Fichte. Et la gloire de Fichte
losophes d'un renom universel qui ont présenté leur ne dura même pas jusqu'à sa tombe; il vivait encore,
doctrine, puis sont tombés au fin fond, dans l'arrière lorsque la génération nouvelle ne jurait déjà plus
boutique de l'oubli. Seules les paroles de Notre que par Hégel. Et la philosophie de Hégel fut dés ar-
,
LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 12 9
128
siens se détournaient du regard étincelant du Sei· mais un grand nombre. Mais sais-tu regretter les
gneur comme des chiens fouettés. chutes de ton cœur avec autant de repentir que
Seigneur, Seigneur, votre œil divin est plein de Pierre ? Regarde seulement en face l'image du
colère! Vous voyez tont! A chaque instant Vous me Seigneur.
voyez! Vons me voyez lorsque je peine à mon bureau Le Seigneur t'attire avec un tendre amour et
snr mon devoir ardn, Vous me voyez, lorsque je snis son œil de pardon te regarde avec tendresse pour
tout senl à la maison. Quand je me repose snr mon lit peu que tu saches dire avec sincérité : Oui, Sei-
dans l'ombre de la nuit silenciense, quand je me dis- gneur, j'ai péché, j'étais votre fils ingrat. Mais j'en
trais au milieu de mes amis, toujours. Mais est-ce que éprouve une grande douleur et je ne recommencerai
votre regard, Seigneur, ne se voile jamais de tristesse plus jamais, jamais plus!
à ma vne, est-ce que mes actions, mes paroles ne font 3) L' œil aimant du Christ. - Un jeune homme dont
pas parfois étinceler cet œil de colère? Oh, fasse, le cœur est ardent, vient vers le Seigneur, se jette à
Seigneur, que Vous n'ayez jamais à Vous mettre en ses genoux et lui demande avec un cœur franc :
colère à cause de moi. Doux maître, que dois-je faire pour gagner la vie
2. L'œil de pardon du Seigneur. - Saint Pierre éternelle? Et le Seigneur Jésus-Christ dit au jeune
affirme au Seigneur avec un enthousia.s me ardent, avec garçon d'observer les commandements de Dieu. Mais
une âme dévouée : « Quand vous seriez pour tous une le jeune homme répond sans hésiter: « Seigneur, j'ai
occasion de chute, vous ne le serez jamais pour moi» observé toutes ces règles dès ma jeunesse. Et alors
(Mathieu, 26, 33). « Seigneur, je suis prêt à aller avec la Sainte ~criture ajoute ceci: « Jésus autem intuitus
vous et en prison et à la mort. » (Luc, 22, 33.) Et eum, dilexit eum» « Jésus l'ayant regardé l'aima. »
pourtant, en cette nuit même, il a renié le Christ 1 (Marc, 10, 2r.)
Quoi donc? Un aussi lâche reniement pouvait Quel immense amour pouvait éclairer l'œil du Sei·
encore paraître dans le monde? Mais le Seigneur n'a gneur à cette réponse: « Maître, j'ai observé toutes
point rejeté Pierre. Maintenant qu'il sort de la maison les lois de Dieu dès ma jeunesse. » Car c'est exacte-
de Pilate, le coup infâme brûle encore à son saint ment pour cela que Jésus est venu sur la terre; pour
visage et Il regarde un instant Pierre, qui pleure sur apprendre aux hommes à vivre suiVant la volonté de
son péché. « Et conversus Dominus respexit Petrum. Dieu. Le Seigneur, de son œil chaleureux et qui
Et le Seigneur, s'étant retourné, regarda Pierre. » gagnait le cœur, regarda au fond de cette âme blanche
(Luc, 22, 61.) Quel regard fut le sien alors 1 Quel comme la neige, brûlante de nobles idées et Il l'aima.
regard de pardon ! Et, moi aussi, je veux mériter que mon Seigneur
Mon fils peut-être t'approches-tu avec les péchés le Christ me regarde avec ce même amour. Certes, il
de Pierre, ou l'ayant même surpassé bien des fois, m'en coûtera une foule de combats pour pouvoir
peut-être n'es-tu pas tombé seulement trois fois, Lui dire: (c Seigneur, dans ce monde même, aux
I34 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 135
Il jeta sur des hommes des regards qui les appellaient: Oui d'abord réfléchir! La prêtrise n'est point une
et ceux-ci, déposant leurs outils, quittèrent leur carriè~e comme les autres; ce n'est pas un gagne pain,
maison et leur famille pour suivre le Seigneur. De ce n'est pas un travail qui assure l'existence, ce n'est
même, aujourd'hui, le Christ errant parmi les jeunes pas un office quelconque; c'est une flamme ardente,
gens, appelle des yeux quelques âmes ardentes et le avec une ardente fumée d'encens, c'est le sacrifice
jeune homme doit partir. Il en est qui sont encore de de soi, le 'abeur qui rompt les muscles, c'est le travail
tout petits élèves de l'école primaire et qui entendent accru à l'extrême tension de l'âme pour le Christ et
dans leur âme l'appel du Seigneur à l'âge où l'on court pour les âmes immortelles. Réfléchis bien d'abord
après les papillons; d'autres sont des collégiens en à tout cela. .
pantalons courts et d'autres qui ont déjà traversé les Mais, si tu sens ensuite la joie, la volonté et
luttes de l'adolescence. Et il y en a qui sentent seu- l'enthousiasme, que ton âme alors tressaille à la
lement après leurs examens finis ou au début d'une sainte pensée de la vocation qui t'honore, et
carrière, l'œil divin du Seigneur tomber sur eux. Et réponds comme a répondu saint Pierre sur les b?rds
alors la même voix retentit dans leur âme, la même de la mer de Tibériade: « Seigneur, Vous conna~ssez
qui tomba pour la première fois des lèvres du Sei- toutes choses, Vous savez bien que fe Vous aime. »
gneur Jésus-Christ, s'adressant à Simon Pierre, sur (Jean, 21, 27.) Donnez-moi la grâce d'être le pasteur
les bords du lac de Tibériade : « Simon fils de Jean, qui arrache l'agneau au buisson d'épines; faites que
diligis me Plus his ? » (Jean, 21, 15.) Mon fils, je sois le pêcheur qui malgré le labeur vain des longues
m'aimes-tu plus que tous ceux-ci? « Mon fils, nuits, jette encore, à votre voix, le filet avec un cou-
pourrais-tu faire pour moi plus que les autres ? rage invincible. Faites que je sois l'~i~ant de l:am~ur
Saurais-tu faire pour moi plus de sacrifices que les pour votre Foi, dont ne peut se dehvrer ~e1Ul qUl.a
autres hommes? Saurais-tu relever et lier les été pris dans le cercle de son charme. Faites qu~ Je
roseaux brisés ? Pourrais-tu ranimer la flamme de sois moissonneur de cette récolte dont Vous avez dit :
la mèche fumante ? Pourrais-tu délivrer l'agneau « La moisson est nombreuse, mais peu nombreux
égaré dans le buisson d'épines? Saurais-tu re- sont les ouvriers. » Faites que je sois la flamme, la
cueillir pour moi la récolte qui attend languissante ? sainte flamme que Vous êtes venu allumer sur la terre,
Saurais-tu, mon fils, devenir mon prêtre? » qui illumine et embrase tous ceux qui s'approche-
Mon fils, le Seigneur marche encore aujourd'hui au ront de moi.
milieu de nous et si tu entendais justement toi- Afin que, lorsque j'entrerai dans l'école, je dis-
même, son appel, ne ferme pas ton cœur. Certes, cerne, derrière les profondeurs bleues et brillantes des
réfléchis bien, muris longuement, en ton âme, cette yeux des enfants, le trésor immense des âmes; afin
idée; des années s'il le faut, mais ensuite, si que ces enfants sentent en quelque sorte que Vou~
tu entends clairement l'appel, ne te dérobe pas. même êtes venu parmi eux. Afin que, lorsque Je
J-<E CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 143
m'asseois au confessionnal et que les hommes viennent le Seigneur Jésus. » Quelle joie d'ouvrir aux gens liés
me découvrir leur vie et leurs actes les plus cachés à la terre, les portes vers les pensées d'éternité 1
actes qu'ils voudraient dissimuler à leurs amis, à Quelles joies lorsque, où que tes pas te portent,
partout poussent des bourgeons nouveaux sur les
leurs parents et peut-être à eux-mêmes et à Dieu mais
qu'ils disent ici, pleins d'une sincérité admirable, je plantes desséchées, partout les fleurs fanées se rafrai-
sa;he ~lors être le conseiller, le consolateur, l'ami, le chissent, devant toi, le jardinier des lys, devant
medeclll et le père spirituel, pour ces milliers d'âmes toi, le protecteur des petits agneaux candides,
souffrantes et pécheresses qui luttent. Afin que je contre le loup. Quelles joies lorsque tu éteindras
sacb.e élever vers le ciel les derniers moments brisés les gémissements et'essuieras les dernières larmes des
du ~oribond en l~i portant de ma main Votre Corps moribonds, quand tu distribueras la paix, quand
Sacr~. Afin ,~ue. Je souffre avec ceux qui souffrent, tu délieras les chaînes, quand tu guideras au Bon
~ue J.e me reJOUlsse avec ceux qui sont joyeux, que Pasteur, des agneaux que tu auras sauvés des buis-
Je ~OIS tout pour tous, et que le feu sacré qui brille sons d'épines, quand, pourquoi continuer, tu pour-
~alll~enant dans mon cœur ne baisse et ne s'éteigne ras devenir un prêtre du Christ . •
lamaIS. « A un moment apparurent devant moi tous les
C'est ce que je Vous demande ô Seigneur ! visages de mes nombreux frères. Des visages pâles,
Et faites encore, mon Dieu, que pour tout cela je des visages dont on n'avait aucune pitié. Des visages
n'attende .jamais reconnaissance ' ni récompense ter- où se montre le signe pâle de la mort. J'ai vu l'im-
restre, malS que le soir, fatigué du fardeau du travail mense peine muette, de longues luttes embraser
journalier, lorsque j'entrerai dans le silence de ma leurs visages, et une immense peinè muette les changer
petite chambre, sans que personne ne vienne à moi, en rides glacées. Alors j'ouvris mon bras, ma bouche,
sans que personne ne me distraie, faites que je puisse mon âme, et j'embrassai toutes ces âmes. »
alors. tom~er à genoux sur mon prie-Dieu au pied du (Alexandre SIK).
CrucIfix, lue dans Votre saint visage, dans Vos doux
yeux, toute ma consolation, mon bonheur, ma vigueur Je dois alle'l' ! Le Seigneu'I' m'a appelé!
et ma récompense .
. Et n'aie pas peur, mon fils; il y aura dans ta MON BIEN CHER AMI,
VIe une foule de joies, une abondance de bonheur
pl~s é~l~tantes que l'aube de mai souriante. Quelles Si tu avais vu dans un miroir de quel œil fixe,
JOIes VIVIfiantes tu sentiras lorsque des enfants aux étrange, tu m'as regardé à la fin de la classe! Le pro-
yeux brillants frapperont à ta porte et que tu fesseur nous interrogeait à tour de rôle, quelques
verras s'embraser les jeunes cœurs qui demandent semaines avant le baccalauréat, sur la carrière que
« Monsieur l'abbé, voici mon âme, conduisez-moi vers
chacun de nous pensait préparer, et les élèves se
144 LE CHRIST ET LA J EUNESSE I,E DIVIN MAITRF, 145
levaient, l'un après l'autre: « médecin », « ingénieur », dant que je te réponds, mon cher ami, pour te dire
« professeur », « avocat », « fonctionnaire », « je ne les raisons qui ont déterminé mon choix.
suis pas encore fixé », « commerçant », « je ne sais Souviens-toi, mon cher Eméric, de ces promenades
pas encore ... », « médecin »... et puis, ce fut mon pleines d'intimité et de chaleur que nous avons faites
tour. tous les deux, si souvent sur le bord du Danube, aux
« Je choisis la carrière ecclésiastique », dis-je seule- soirs de printemps. Les étoiles brillaient, muettes, dans
ment. « Je serai prêtre» et je m'assis. C'est alors que le ciel pur, les lumières des rives semblaient nager dans
tu t'es retourné pour me regarder. Mais quel regard l'eau comme des serpents argentés et nous, tout en
effrayé! 'ru semblais frappé de la foudre! marchant, nous causions.
Et pendant la récréation, tu m'as attiré dans Il s'agissait de choses fort sérieuses, - de la cor-
l'angle d'une fenêtre pour me faire des reproches. ruption infinie du monde actuel. Où que nous regra-
« 'ru sais, Georges, me disais-tu, ce n'est pas gentil dions, c'est partout égoïsme, agitation et manque de
de ta part de ne pas m'avoir annoncé cette grande caractère, compromission et reniement des principes;
résolution, même à ton meilleur ami. J e ne pensais ce sont, même parmi les jeunes, l'idéal ridiculisé, la
pas que tu te préparais sérieusement à cela. Mais ta frivolité, le devoir esquivé et l'immoralité. Puis, nous
décision est-elle désormais irrévocablement prise ? nous souvenions de cette prière pour la patrie que
Réfléchis bien, Georges, à quoi tu t'engages. 'ru es le nous avons tant de fois récitée à l'école, et nous nous
premier de la classe, tu es un garçon plein d' ardeur demandions, nous regardant en face, si nous pouvions
et de vie. Des perspectives illimitées s'ouvrent à toi, croire que notre génération contemporaine, la généra-
de réussite dans l'existence. Doué brillamment, tion nouvelle qui grandit, pourrait arriver à régénérer
comme tu l'es, qui sait ce que tu pourrais devenir! notre peuple, à reconquérir tout ce qui a été perdu ?
Pourquoi donc choisis-tu cette carrière de prêtre? Et souviens-toi, Eméric, que je te disais dès ce
Voici ce que tu me disais et tu m'as regardé triste- moment, et bien des fois: « Mon ami, je sens qu'il
ment dans les yeux, comme si tu assistais à mes funé- faudrait faire quelque chose. Se lamenter, gémir ne
railles ..... sert à rien. Il faut ici intervenir avec une main de fer,
Eh bien, Eméric, puisque tu es vraiment mon arrêter la roue du temps, opposer nos poitrines ten-
n1 eille ur ami, je te dirai, à toi, la raison de mon choix. dues au courant qui passe. »
Mais la récréation n'est pas un cadre convenable pour Dans notre conversation de ce matin, tu m'as
cette confidence. Je t'écrirai demain. reproché de n'avoir jamais parlé de mon intention de
Et maintenant, à neuf heures et demi du soir, devenir prêtre. Voici pourtant que j'en ai parlé au
j'écris ces lignes. 'route ma famille dort, dans ma moins au fur et à mesure que j'ai vu moi-même se
petite chambre seulement, sur ma table, une lampe cristalliser mon avenir. Car cette vocation a grandi
brûle. Un silen.ce solennel règne autour de moi, pen- et mûri lentement en moi jusqu'à devenir inébran-
Le Christ et la jeunesse. 10
LE CHRIST ET J~A JEUNESSE
LE DIVIN MAITRE
lable, jusqu'à ce qu'enfin je la sente aujourd'hui toute jamais meilleurs, si nous nous contentons de nous
pure. Le Seigneur m'appelle, je dois aller! plaindre et de nous lamenter? Non! Ceci ne sert à
Il y a quelques années, ce n'était là qu'une idée rien. Après une sainte communion, faite avec une reli-
vague et timide en moi, quelques coups incertains gieuse ferveur, il me semblait que le Seigneur me
frappés à ma porte. Il me venait à l'esprit une foule regardait avec un grand regard plein d'interrogation
de difficultés, d'angoisses, de doutes et de semaine en et se plaignait: « Vois mon fils, comme la moisson
semaine pourtant, j'entendais plus clairement l'appel serait abondante! Mais il n'y a pas de moissonneur! »
du Seigneur. Une indicible douleur m'ulcérait: « Seigneur! Sei-
Combien j'eus à lutter d'abord contre les arguments gneur! Il y aurait donc si peu d'hommes généreux qui
et les difficultés que je m'élevais à moi-même! Serai-je travaillent pour Vous! Si peu de jeunes gens vraiment
à la hauteur de cette immense tâche? Et si je m'é- vivraient dans ce pays et dont le cœur battrait par
croulais ? Le renoncement au monde qu'exige cette l'amour du sacrifice. Ecce ego, mitte me! Me voici.
carrière, ne sera-ce pas trop pour moi ? Acceptez-moi pour moissonneur. Que les hommes tra-
Aujourd'hui, j'ai réglé toutes ces questions. Et vaillent, peinent et suent pour tout, sauf pour Vous!
voici ce qui va t'intéresser: et que peut-être tu ne Ce banquier, comme il calcule, court et s'agite. - Et
croiras même pas: ce sont les grands camps de scouts pourquoi. Pour de l'argent. Cet ingénieur, il compte,
quïm'ont apporté les réponses à mes scrupules. Pen- esquisse, mesure. Et pour qui. Poursafamille ! Pour-
dant quatre périodes de vacances j'étais dans un quoi ce commerçant se fatigue-t-il jour et nuit? Pour
camp, avec l'abbé qui est notre chef; j'ai pu observer ses affaires. Pourquoi les hommes consument-ils leur
pendant des semaines, la vie d'un prêtre. Mon père vie autour de moi dans le tumulte affolant de la rue ?
reçoit une foule d'hôtes, de toutes conditions; chez la Pour leur pain quotidien! Mais qui travaille pour
plupart, je n'ai trouvé que désespoir, abandon, Vous, Seigneur Jésus? Pour Vous et pour les âmes
plaintes éternelles et aigres amertumes. Par contre, le humaines, pour les mœurs pures et pour leur vie éter-
visage de notre abbé ne perdait jamais sa sérénité, sa nelle ? De la même façon, avec la même énergie pas-
bonne humeur, sa tranquille douceur, son contente- sionnée ? Avec l'infatigable ambition du banquier,
ment silencieux. Et il me vint alors à l'esprit que le mais pour Vous? Avec des calculs aussi précis que
sacrifice exigé par la vocation sacerdotale n'était peut- ceux de l'ingénieur, mais pour Vous? La nuit et le
être pas aussi excessivement pénible, et que le Sei- jour comme le commerçant, mais pour Vous?
gneur nous récompense sans doute largement de ce Et vois-tu, mon cher ami, comme je sentais pleurer
que nous abandonnons pour lui, par de nombreuses en moi, ce tragique isolement moral que nous impose
joies spirituelles que j'ignorais encore. la vie moderne, une résolution définitive embrasa mon
Oui, les hommes sont méchants. Ils sont égoïstes, cœur comme une flamme: Seigneur, quel bien incal-
durs. , matériels , immoraux. Mais deviendront-ils culable un prêtre zélé pourrait faire aussi dans notre
LE CHRIST ET LA JEUNESSE
LE DIVIN MAITRE 149
une nation, il y a des trésors plus grands que la
m?nde actuel bouleversé ! Mais il y a peu de prêtres. fabrique, le réseau commercial ou l'organisation éco-
M accepterez-Vous, moi, pour un de Vos travailleurs.
nomique qu'ils vont bâtir: c'est le caractère, la fer-
V,oudriez-Vous faire de moi aussi un de ces «pêcheurs meté des âmes des citoyens, leur exact accomplisse-
d hommes». Je sais que je vais à une tâche difficile? ment du devoir, leur honnêteté de toute confiance .
Mais j'y vais. Le monde entier est plein de poissons' ;
ces ~utos, ces tramways, ces villages, ces fabriques,
- et ce sont ces qualités que je voudrais travailler à
développer.
ces ecoles, ces cinémas, ces églises, ces rues, tout cela J'étais un très bon élève, dis-tu? Eh ! faut-il que
est plein. de poissons pour ma pêche. Et je serai le le Seigneur se contente des déchets, des rognures et du
filet; malS le filet doit être fort et ne pas rompre. Mais
fumier?
c'est Vous, Seigneur, n'est-ce pas, Vous, qui me forti- Je suis vif et plein de gaîté? Serait-ce donc la tâche
fi~rez.? Je n'aurai de pensée, je n'aurai de désir,je ne
des niais et des balourds que de travailler à cette
Vlvral que pour Vous. Je n'aurai d'ambition, de labeur œuvre magnifique mais incroyablement lourde et
et de travail, je n'aurai de jour et de nuit, je ne pren-
compliquée de nos jours: sauver les âmes?
drai la parole et la plume, mon cœur ne battra, mon Non, non, mon cher ami! La valeur que Dieu a mise
sang ne battra que pour Vous, Mon Jésus, oublié mé- dans mon âme, je veux la consacrer toute à sa grande
connu, humilié. Pour Vous seulement et pour les ~mes. cause. Je ne veux pas me lamenter sur les temps
« Da mihi animas, cetera toUe! »
mauvais que nous vivons, mais me tendre, d'un élan
Mon c~er ami, ~aintenant que je t'ai laissépéné- résolu, contre le courant. Que partout où je serai, où
trer aUSSl profondement dans le sanctuaire de mon j'agirai, le bonheur, la consolation, la force et la dou-
âme: j'ai, je crois, répondu à toutes tes questions de ce ceur jaillissent sur les traces de mes pas. Je veux
matm. devenir une âme ensoleillée et rayonnante qui verse la
Une carrière ? Mais peut-il exister une vocation vie dans nos brouillards oppressants, qui sème la
plus sublime que de vouloir rendre les hommes graine de vérité dans ce fallacieux monde terrestre
meilleurs! Toi, Emeric, tu seras médecin. Tu fais bien. qui répande la rosée de la grâce dans la sécheresse de~
C'e~t une noble tâche que de guérir les corps malades. cœurs humains et relève les âmes brisées. Voilà ma
MalS n'est-ce pas une tâche cent fois plus noble que carrière. Je veux vivre comme le cierge ardent qui
de guérir les âmes malades? Nos autres camarades éclaire les autres en se consumant. Vous vivrez pour
d~vi~ndron.t ingénieurs, commerçants, industriels et la famille, - votre foyer familial sera votre sanc-
amSl de smte. Toutes ces fonctions sont importantes tuaire. Ceci est un devoir sacré! Mais quelle vocation
pour n~tre. patrie. Mais juge toi-même si j'exagère plus sacrée encore que de se tenir devant l'autel du
quan~ J estime que mon travail, à ne le considérer que
Seigneur, que de crucifier l'homme en nous, pour
du pomt de vue temporel, est au moins aussi impor- racheter les autres de la malédiction du péché, de la
tant que le leur pour notre patrie terrestre. Car, dans misère et de l'impuissance.
LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE
Je suis rempli d'un saint enthousiasme pour ma bien. Car c'était la première fois que je quittais pour
vocation et cet enthousiasme me pousse avec une une année mon foyer, mes amis et ma ville.
irrésistible force vers mon but. Il n'y a pas de puis- Le matin du jour de mon départ, je suis allé à l'école
sance qui puisse me retenir. où j'ai passé huit ans. C'était le jour de la rentrée et
Je me place sur l'autel du Seigneur ainsi qu'un de la messe du Saint-Esprit. Ilyavaitlà quelques-uns
petit cierge ardent et odorant afin de pouvoir dire à de mes anciens camarades de classe et les élèves dont
mon prochain: « Dieu m'envoie pour vous, mes frères, beaucoup m'étaient connus. Parmi eux, de nombreux
afin que je disperse partout en silence le feu vivant de scouts avec qui nous sommes allés en excursion l'année
Ses rayons qui, de Sa Face ont brûlé mon cœur. Pour dernière, avec qui nous campions il y a deux mois
vous, mes frères qui marchez dans la nuit, Dieu envoie encore dans une prairie éloignée. Quel plaisir j'ai
ce petit ver luisant. » (A. Sik.) éprouvé à les voir encore une fois!
Mon cher ami ! Tu m'as demandé pourquoi j'ai Puis je suis rentré chez moi. Pendant le dîner, nous
choisi la prêtrise. Voici ma réponse; j'aime ma patrie restâmes également sans parler .. . Ensuite, on m'a
terrestre et j'aime mon Dieu. C'est pourquoi je serai accompagné à la gare. Et quand le train s'est mis en
prêtre. C'est aussi parce que je suis convaincu que, route, mon cœur, soudain, a été saisi d'une immense
par mon labeur, je contribuerai à faire grandir une douleur. C'est alors seulement que j'ai senti quel pas
nouvelle génération meilleure pour notre patrie blessée gigantesque j'étais en train de franchir.
d'ici-bas et des fils fidèles pour notre Patrie éternelle, J'étais assis dans le train, perdu dans mes réflexions.
pour notre Père céleste. J'éprouvais des sensations étranges. Pendant quelque
Je dois aller, le Seigneur m'a appelé! temps je regardai seulement devant moi en silence;
Ne t'étonne pas de moi. - N'aie pas pitié de moi, - puis je me pris à sourire. La peine accablante de la
mais réjouis-toi avec ton fidèle ami qui est heureux. séparation fit place à un beau et magnifique espoir,
GEORGES . surtout lorsque au loin parut la grande coupole de la
Basilique. Pourquoi s'affliger ? Je ne vais pas à l'en-
Lettre d'un sémina'l"iste. terrement d'un homme, mais à une nouvelle vie. A la
plus belle vie que l'homme puisse mener avec la grâce
Mon très cher Abbé, de Dieu.
Mon bon directeur sPirituel, Une inscription en lettres d'or m'accueillit à la porte
du séminaire: « Pietati et scientiis ». Ici, je passerai
Pardonnez-moi de ne pas vous avoir écrit jusqu'ici. cinq ans avec ce but, vivant « pour la piété et pour les
Il y a pourtant deux semaines déjà que j'ai quitté mon sciences» et puis, je pourrai travailler parmi les âmes,
foyer. pour les âmes.
J'avoue que, le dernier jour, je ne me suis pas senti
152 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 153
En quelques jours, je suis parvenu ~ ~imer l~ sé';ll~ férence, des garçons qui étaient gentils et prévenants,
naire. Il y a tant de choses nouvelles, 1C1, que Je des1- plutôt que des méchants et des plus sauvages. Mais,
rais depuis longtemps. . , . plus tard, j'ai appris à aimer en eux l'âme, l'âme
Je vais souvent à la chapelle. Auparava1~t, Je navalS immortelle, qui est « appelée à la vie éternelle ».
pas autant d'occasions de méditer.. Et Je s.e~s que Je vous écris ces choses, Monsieur l'Abbé, parce que
chaque méditation, chaque commumon quotId1ennes ces jeunes âmes ont joué un rôle très important pour
me rapprochent du Seigneur Jésus, me rapprochent moi. Et ma vocation m'attache à elles aussi, -;- car,
de l'autel. . c'est aumônier de la jeunesse que je voudrais devenir.
Et la proximité du Seigneur ' Jésus me rend. Sl C'est pour les jeunes' que je me suis mis au travail
joyeux. Lui-même, Il nous invite à touj~urs soun~e, pendant la dernière année, et c'est pour eux que je me
à nous réjouir en tout; à supporter meme la tete suis changé, formé, désengourdi d'un mois à l'autre,
haute les souffrances et les malheurs. Combien je suis déjà, dans ma vie laïque, afin d'être digne d'eux. Vous
heureux depuis que j'ai appris ceci. Mais je pense sou- pouvez comprendre mieux que personne, Monsieur
vent aussi aux miens. J'y ai laissé tant de doux sou- l'Abbé, combien il est bon de consacrer une vie à la
venirs ! Je pense à ma famille. Mon pè~e, vo,:s le jeunesse. Peut-il exister chose plus belle que de con-
savez, Monsieur l'Abbé, ne voulait pas que Je devlll~se duire et diriger une jeune âme vers le Seigneur? Je
prêtre. Cependant j'ai encore deux frères .. ~a me~e sais, bien entendu, que je ne dois pas m'attacher exclu-
souffre uniquement de ce que son fils .va IU1 etre pns sivement aux jeunes. Et c'est le Seigneur Jésus qui
par l'état ecclésiastique. Et pourtant, Je pense qu au- sait mieux que personne où Il m'enverra pour sa
cun fils ne demeure autant à ses parents que le récolte. S'Il veut que je travaille ailleurs jusqu'à la fin
prêtre. Tous les autres les quittent en effet, tôt ou de ma vie, à la campagne ou dans une ville, j'irai avec
tard, fondent une famille et vivent pour elle. joie où Il m'appellera.
Mais mon imagination ne m'emporte pas seulement Combien, jadis, j'avais une tout autre idée de ma
vers ma maison. Vous savez, Monsieur l'Abbé, que vocation! Mais il semble que le séminaire me détourne
j'étais scout de tout mon cœur, de toute mon âme. peu à peu de toutes ces questions: de jour en jour il
Comme chef, j'avais à m'occuper de beaucou~ de ga::- paraît m'apprendre à n'avoir qu'une seule volonté, la
çons de tous mes petits frères scouts. Que Je sav~ls volonté de Notre Seigneur Jéstis. Et je m'abandonne
les aimer! Il me semblait qu'ils étaient tous mes petIts à Lui.
frères. Il y en avait tant parmi eux q~i étaient de Lorsque je pense à tout ceci, je rends grâce à Dieu
vrais cœurs d'or! Qui n'aurait pu les chénr comme des de m'avoir conduit où je suis parvenu. Des laïcs igno-
frères ? . rants appellent le séminaire une prison; mais je sais
Cette affection n'était pourtant pas toujours toute maintenant que c'est une chose très douce que d'être
spirituelle. Jadis, il m'est arrivé de m'occuper, de pré- « le prisonnier de Dieu ».
154 LE CHRIST E'l' LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 155
Encore quelques mots, cher Monsieur l'Abbé. « APrès cela, le Seigneur en désigna encore soixante-
Quand je suis allé prendre congé de vous, j'ai oublié douze autres, et les envoya devant Lui, deux à deux, dans
de vous dire pourquoi j'étais venu, saisi d'une gêne toutes les villes et tous les lieux où lui-même devait
incompréhensible. J'ai oublié de baiser votre main et aller. » (Luc, 10,1). C'est une grande chose que la
de remercier mon Père Spirituel de sa grande bonté ... . vocation sacerdotale! Que le cœur d'un garçon qui a
Malgré vos grandes occupations, vous avez toujours senti le regard du Seigneur l'appeler, tressaille de joie!
pris soin de moi avec le même amour, le même souci, Mais celui que Dieu a destiné à une carrière laïque
et vous m'avez conduit ici, vous m'avez indiqué la doit contribuer aussi à répandre le règne de Dieu et
plus pure joie, le plus grand bonheur. Je vous prie s'il n'est pas parmi les douze apôtres, il doit se trou-
d'accepter, Monsieur l'Abbé, la photo que je joins à ver parmi les 72 disciples.
ma lettre. Mais le vrai remerciement que je puis vous Mais comment devenir un apôtre laïc du Seigneur?
donner, c'est ma vie, ma vie sacerdotale, qui n'est Moi, l'élève, moi, l'apprenti? demandes-tu peut-être,
encore qu'une promesse, la devise que vous m'avez tout étonné. - Que pourraiscje faire pour le Seigneur?
apprise pour chaque départ : « Je ne serai pas un Prêcher, prononcer des discours? Non, ne fais point
traître. » de discours, pas de vaines paroles. Prêche par ton
Je vous souhaite, Monsieur l'Abbé, d'avoir encore silencieux exemPle. Sois un évangile vivant. Sois une
beaucoup de séminaristes comme votre Xavier, qui vivante réclame pour le Seigneur Christ.
pendant toute sa vie pensera avec un reconnaissant Il y a des jeunes gens dont la conduite exemplaire
amour à son ancien directeur de conscience et aumô- produit une forte impression même sur les méchants.
nier scout. Dites seulem~nt leur nom: « Oh ! Louis? C'est un
garçon différent des autres. Tout le monde l'aime et il
Les Soiœante-Douze. se montre bon pour tous. Lorsqu'on joue, c'est lui qui
lance le plus loin la balle; quand on rit, c'est lui qui
Mais tu sens, mon fils, que Dieu t'a destiné à une est le plus gai, - s'il faut apprendre une leçon, il la
carrière laïque. Tu veux devenir professeur, ingénieur, 'sait avec le plus d'exactitude; s'il faut aider à l'expli-
médecin, avocat, juge, commerçant, artisan, soldat. quer, il est le plus serviable, et par dessus tout, c'est
Quoi que ce soit, il n'importe. Choisis, mon fils, ce que une âme véritablement, profondément religieuse . Car,
ton ambition désire le plus. Mais n'oublie pas que le non seulement il professe, il se dit catholique, mais il
Christ compte sur toi, même dans une carrière mon- vit sa religion. Partout où il paraît, on dirait que le
daine. Chri~t, invisible, s'avance au milieu des jeunes gens.
En effet, le Seigneur, après avoir appelé douze On peut lire sur la pierre tombale d'un petit enfant,
apôtres, a choisi soixante-douze disciples, -(que cette épitaphe magnifique: « Ci-git un enfant dont les
nous pourrions appeler apôtres dans le monde) : compagnons de jeu disaient qu'il leu.!" était plus facile
LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAI'l' RE 157
d'être bon quand il était parmi eux. » Y a-t-il louange oppose-toi courageusement. « Craignez Dieu, a dit
plus belle? saint Cyprien et alors vous ne craindrez personne. »
Saint Ambroise, au seuil de sa cathédrale de Milan, _ « Estote timidi, ut sitis intrepidi. »
saluait ainsi les reliques d'un martyr: « Quàm bonum Il y a beaucoup de lieux où le prêtre ne peut par-
est ut videaris ! ] usti sanat aspectus » « Combien il est venir, -là, c'est vous, apôtres du monde, qui pouvez
bo~ de te voir, -la présence même du Juste guérit! » seuls annoncer le Seigneur. Et, si tu es adroit, tu
Le jeune garçon appliqué, exact, toujours aimable, pourras exercer cet apostolat, non seulement parmi
qui mène une vie sincèrement religi~?-se, est .déjà, par tes jeunes compagnons, mais aussi dans la société des
cet exemple silencieux, un apôtre lalC du Seigneur! » grandes personnes.
Et voici maintenant une foule d'occasions où tu - « Est-ce possible? Je ne puis pas les blâmer,
pourras, peut-être, sauver une âme pour la vie ,éter- quoi qu'elles disent! »
nelle, grâce à quelques bonnes paroles que tu repan- Non, tu ne peux pas les blâmer, c'est vrai, mais si
. dras: Tu peux être l'apôtre du Seigneur à l'école, dans elles tiennent un langage frivole, et si tu ne peux
le camp scout, pendant la partie de football, pendant quitter leur société, regarde devant toi, semble raidi,
une excursion, pendant un ba1.. ... partout. embarrassé sérieusement,ainsi qu'un chevreuil effrayé,
Ton camarade veut commettre un péché: tu l'en - peut-être ton attitude les fera-t-elle réfléchir et se
dissuades. Il commence à te raconter une histoire mal- raviser. Vois, mon fils, combien la méchanceté, le
propre, mais tes paroles sérieuses le font taire et pe~t péché, l'immortalité, le diable, ont d'apôtres. - C'est
être tâchera-t-il sérieusement de changer toute sa Vie. le théâtre qui agite les sens, ce sont les journaux immo-
Vous êtes réunis, à quatre ou cinq chez l'un d'entre raux, les affiches, les images, ce sont les livres, les
vous, un après-midi. Un écervelé, se m,êlant à v~us, hommes corrompus. Neveux-tu pas devenir l'apôtre du
commence à débiter de sales plaisantenes. Or qu ar- Seigneur? .
rive-t-il en pareil cas? Cela ne vous plaît guère, à tes Il croît, dans le Pérou, une palme au riche feuillage,
amis et à toi. Et, pourtant, la plupart du temps, tous mais d'un aspect tout à fait insignifiant, que les indi-
se taisent lâchement, même ceux dont l'âme est la gènes appellent « tamai caspi » « arbre de Pluie ». Les
plus pure et ils sourient ensemble aux mots obscènes; feuilles de cet arbre ont un pouvoir étrange ; elles
car « nous ne pouvons tout de même pas brusquer absorbent toute l'humidité de l'atmosphère, et la
notre camarade ». Auras-tu le courage de défendre la laissent retomber ensuite sous forme de gouttes de
morale chrétienne insultée et de t'opposer d'un ton pluie. Aussi la terre autour de l'arbre est-elle toujours
calme mais ferme à ce langage? « Se taire lorsqu'il humide et même, plus la sécheresse est grande plus
faut parler est une faute aussi grand~ que parl~r qua~d l'arbre laisse tomber de gouttes bienfaisantes.
il aurait fallu se taire. » (Comte Etienne SzechenYl) . Sois aussi, mon fils, un tel « arbre de pluie », bien-
Ne crains personne et à celui qui ne craint pas Dieu faisant parmi tes compagnons qui commencent à se
158 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITR E;,. 159
dessécher. Ne te fais point remarquer par une tenue exemple. Aimes-tu prier? Sais-tu converser avec un
extraordinaire; absorbe, par ta vie religieuse, la vivi- cœur ardent, une âme attentive, avec notre Père
fiante rosée de la grâce, sans être remarqué, et arrose Céleste? Ne tiens-tu pas pour temps perdu le temps
avec elle, tout d'abord ta propre vie spirituelle. Mais que tu consacres à Dieu, à ta prière du matin et du
lorsque tu vois l'âme de tes amis ou de ceux que tu soir et à tes brèves oraisons de la journée?
« Je prierais volontiers, mais je n'ai pas le temps;
connais dévastée par la sécheresse spirituelle, ouvre
leur à eux aussi la source de ces eaux vivifiantes. j'ai beaucoup de travail, j'ai tant à faire ..... » En un
Oh ! combien les âmes des hommes deviendraient mot, tu ne veux pas négliger tes travaux multiples.
meilleures, s'il existait ainsi dans chaque classe, Eh bien écoute! Voici un transatlantique qui se met
dans chaque société, seulement quelques-unes de ces en route en plein orage, et toute une nuée de mouettes
âmes « arbres de pluie » ! le suit, ainsi que tous les bateaux qui partent. Et le
Et pendant que tu fortifieras ainsi d'autres âmes navire a beau s'élancer à toute vapeur contre les flots
dans la foi, ta propre foi deviendra aussi plus forte. furieux, il sent durement le vent contraire: il tremble
Car un poète allemand a dit justement que la joie que ses machines tressaillent et pourtant il n'avance qu~
nous procurons à un autre revient dans notre propre péniblement. « Pauvres petites mouettes ... » s'apitoie
cœur: un voyageur. « Les machines du navire donnent je ne
sais combien de centaines et de milliers de chevaux-
« Veux-tu être heureux dans la vie, vapeur, et pourtant nous avançons à peine dans cette
Alors contribue au bonheur des autres,
Car la joie que nous donnons, grande tempête. Que pouvez-vous faire, vous autres,
Revient dans notre propre cœur. » qui n'avez que des ailes fragiles et de faibles muscles ».
Mais voici que l'homme apitoyé s'arrête et est sou-
Mais tu constateras la même chose aussi dans ton dain saisi d'admiration. Les mouettes déploient gra-
apostolat : jamais tu ne fortifies mieux ta foi que cieusement les deux ailes que Dieu leur a données;
quand tu réussis à en convaincre d'autres de sa vérité. elles se couchent sur le dos du vent agité et pendant
que l'homme réduit au seul travail, à l'effort de ses
Le Christ en prières. machines, à sa technique, avance à peine en luttant,
en peinant, les mouettes quittent facilement le navire,
« Jésus, ayant renvoyé la foule, monta sur la mon- comme des plumes, car leurs deux ailes habilement
tagne pour prier à l'écart, et, le soir étant venu, il était déployées suppléent à leur force chétive.
là, seul ». (Matthieu, 14, 23). Le navire, mon fils, c'est l'homme qui veut réussir
Le Seigneur Jésus n'avait pas besoin de la prière, par ses seuls travaux. Les deux ailes de la mouette
et pourtant Il a prié parfois des nuits entières, sans sont les mains de l'homme tendues dans la prière.
s'interrompre. Pourquoi ? Pour nous donner un Crois-tu encore que le temps que tu prends sur ton
LE DIVIN MAITRE 161
160 LE CHRIST ET LA JEUNESSE t'es élancé avec ardeur sur le éhemin qui conduit v r
l (Ul.' T t ' « J a~ais plus. Jamais plus es
u e pro~ett,als ne
travail pour la prière soit perdu ? Dis-tu encore que commettre le peche ! » OUl, mais à peine as-tu fait
tu n'as pas le temps de prier? quelques pas q,ue }es flots se déchaînaient de nouveau
contre tOl, et 1 ablme s'entrouvrait à nouveau b' t
M fil 1 ' ean.
Le Christ marche sur la mer. on s, orsque ton vieux désir de pécheur brûlé
par l:s feu::, de la passio~ t'~ttaque à nouveau, pousse
Une nuit, les apôtres naviguaient par tm grand le cn d~ Plerre alors qu 11 s enfonçait: « Seigneur, sau-
orage et le Christ n'était pas avec eux. Vers trois vez-~o~ ! Et tu verras, tu sentiras aussi alors ce qu'a
heures du matin, tout à coup, le Christ vint à eux, au sent! . 1e
. . Plerre.
l" » « Aussitôt, Jésus étendant la mam,
milieu de la mer agitée « Les disciples, le voyant mar- salslt, et Ul dit: Homme de peu de foi, pourquoi as-tu
cher sur la mer, furent troublés et dirent: C' est ~m fan- dou~e ?.Et quand tu tendras les bras vers le Seigneur
tôme, _ et ils poussèrent des cris de frayeur. Jésus leur Chnst, Implorant son aide, le vent s'apaisera. »
parla aussitôt: Ayez confiance, dit-il, c'est moi, ne
craignez point. Pierre prenant la parole : Seigneur, dit- Seigneur, sauvez-nous 1
il, si c'est vous, ordonnez que j'aille à vous sur les eaux.
_ Il lui dit: « Viens » ; - Et Pierre étant sorti de la . Mais dans, la vie d~l Seigneur Jésus, les apôtres
barque marchait sur les eaux pour aller à Jésus . Mais Jouent un~ ~econde fOlS un rôle important dans leur
voyant la violence du vent, il eut peur, et comme il com- l~tte au mlheu de la mer agitée. Je veux décrire celle-
mençait à enfoncer, il cria: Seigneur, sauvez-moi l - Cl ave.c un peu ~lus de détails. Il s'en dégage une force
Aussitôt Jésus étendant la main, le saisit et lui dit : m~~mfique qUl peut t'être précieuse dans les luttes
Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté? - Et lors- spmtuelles de ton adolescence.
qu'ils furent montés dans la barque, le vent s'apaisa. Le Christ fati?~é d'enseigner entra, tard le soir, dans
(Matthieu, 14, 26-3 2 .) une barque, SUlVl de ses disciples. Le ciel est calme
Avec quelle facilité l'amour de saint Pierre s'en- et sans nuage. Aucune brise ne passe, aucun oiseau ne
flammait pour le Seigneur Jésus ! Mais avec quelle vo~e. La barque glissait sans bruit sous les rames des
facilité la peur le prit au milieu du danger! apotres .. . Le Christ fatigué s'endormit
Mon fils, peut-être as-tu été déjà toi aussi dans une Soudain venant du large s'élève un 'coup de vent.
semblable situation ! Alors que tu te débattais au De~ ~uages accourent... De nouveau, le vent souffle,
milieu de graves péchés, la beauté de la vie chrétienne malS a grandes rafales ... C'est l'orage! la tempête! La
a soudain brillé devant toi, après une sainte et fer- charpente de la barque craque, les vagues sautent par
vente confession, et tu t'es écrié dans ton repentir dessus. b~rd .. Les apôtres luttent, puisent l'eau, et
« Seigneur, faites que j'aille jusqu'à Vous !» Et le Sei- enfin 11s evelllent le ~eigneur. L'évangile a conservé
gneur Christ a ouvert avec un doux et tendre amour Le Christ et la jeunesse. 11
vers toi ses bras etH t'a encouragé: «·Viens». Et tu
LE CHRIST ET LA JEUNESSE
LE DIVIN MAI'l'RE
jusqu'à leur cri d'effroi (peut-être pour que nous mandez aux forces de la nature! 0 Christ qui règnez
puissions nous aussi en être réconfortés) : « Seigneur! avec une grande majesté sur les flots furieux, sur la
Sauvez-nous, car nous périssons! » ·E t Jésus leur dit: mer furieuse! Combien de fois aurai-je besoin de me
« Po~trquoi craignez-vous, hommes de peu de foi 1 » souvenir de cet aspect, de ce mouvement, de cette
(Saint Matthieu, 8, 25 et suiv.). puissance, quand sur la mer tourmentée de la vie je
Hommes de peu de foi! Voici la seule parole du Sei- m'écrierai en détresse : Seigneur, sauvez-moi, je
gneur quand la plus grande tempête l'entoure. péris! »
Hommes de peu de foi! dit le Seigneur. - Et Il
ajoute dans sa pensée: Or, ceux-ci sont pourtant mes s. o. s.
apôtres! C'est eux que je devrai envoyer pour conver-
tir le monde. Celui-ci, Pierre à Rome, Jacques en S. O. S .. ... S. O. S ..... Que signifient ces trois lettres.
Espagne, André dans la Thrace? Ce sont eux qui . Tu le sais, toi aussi, qui peut-être n'as jamais vu la
marcheront au devant des griffes des fauves ? Or, mer. Mais les marins, surtout le savent. Et quand ces
pour que vous sachiez ce que cela veut dire, que Dieu trois lettres arrivent tremblantes dans les signes de la
est avec vous: alors le Seigneur se leva, se mit debout T. S. F., à travers la surface immense de la mer, tous
sur l'avant de la barque, et là, comme une statue, Il les navires qui se trouvent à proximité, se hâtent à
commanda à la mer. Et la mer écumante se calma, toute vapeur vers les naufragés qui luttent contre la
vint se tapir aux pieds du Christ comme le chien qui mort.
a couru loin de son maître et que le chasseur rappelle S. O. S ..... Oh! combien de fois ce cri s'échappe des
en sifflant.. ... A l'instant, la surface aplanie des eaux lèvres des jeunes gens en lutte contre la tentation, ce
brilla dans un calme merveilleux. cri de détresse vers le Seigneur Jésus.
Ce passage de l'~vangi1e apporte un trait nouveau Lorsque tu atteins quatorze ou quinze ans, des
sur la face du Seigneur. Voici le Christ, debout et plein vents mystérieux agitent la surface jusqu'ici calme et
de majesté au milieu de la tempête furieuse, Il com- lisse de ta vie. Jusqu'ici ta barque a glissé sans souci,
mande aux vagues écumantes et la mer, comme le à proximité de la rive, dans les eaux basses, dans la
chien que l'on vient de fouetter, se tapit sans mot dire lumière ensoleillée. Mais maintenant, il semble que tu
aux pieds du Seigneur. sois changé ! Un sombre brouillard enveloppe ton
Quel est ce Christ majestueux et fort? Xerxès, dans âme comme un nuage, des pensées, des désirs incon-
sa fureur impuissante fouettait la mer agitée. Mais elle nus jusqu'ici traversent ta tête comme des éclairs .... .,
continua à bouillonner, en projetant son écume. Mais un tremblement inquiet ride le miroir uni et heureux
le Christ? Il ne fait qu'un signe. Et l'orage en révolte de ton âme ... Hélas! Qu'est-ce donc! Qu'est-ce qui se
s'incline avec obéissance et disparaît. prépare maintenant ?
o Christ à la main puissante! 0 Christ qui com- La barque d€' ta vie est parvenue dans la zone ,dan-
164 LE CHRIS1' ET LA JEUNESSE
Il est à peu près impossible de vivre parnii les place. Celui-là gagne qu'aucune ruse ne peut faire
hommes, sans rencontrer des divergences de vue, ni bouger, qui a le pied ferme au sol. Eh bien ! lorsque
tomber dans des disputes et dans des conflits. Des tu rends insu~te pour insulte, ou haine, tu te détaches
divergences d'opinion se manifestent quelquefois du sol ferme.
même entre les meilleurs amis et il existe des tiraille- Alors que faire ? Rappelle-toi la parole de Sé-
ments entre les frères eux-mêmes et les sœurs. Autant nèque : « V incit malos pertinax bonitas n « la bonté
que possible, bien entendu, tu dois t'efforcer de ne persévérante triomPhe des mauvais n. Celui-là triomphe
pas être la cause de ces tiraillements et de n'insulter qui sait vaincre par amour. Reste fort , garde ton sang-
personne. Ne cherche pas, à la légère, même à te dis- froid, reste maître de toi-même au moment difficile
puter. La plupart des disputes entre élèves, même si où tu te vois durement affligé, - puis, lorsque l'autre
elles. débutent . doucement se terminent par des s'est calmé, tu vas doucement le trouver et tu lui
bromlles et des msultes. Deux jeunes garçons peuvent demandes s'il te traiterait encore maintenant comme
se disputer pour des riens; c'est comme deux hommes il l'a fait il y a cinq minutes; s'il pourrait te frapper
ch~uves qui, se querellent à cause d'un peigne. (Le encore maintenant, - s'il pourrait maintenant pro-
valllqueur n en profite pas.) noncer les mêmes paroles injurieuses ou moqueuses ?
E~ pourtant il arrive que l'un de ces jeunes garçons Et la plupart de ces jeunes gens seront honteux et
se l~lsse emporter d'une façon irréfléchie et prononce reconnaîtront: « Jete prie, mon ami, de me pardon-
subltement un mot d'insulte qui plongera dans la ner ; je m'étais emporté. n
tristesse son ami, son frère ou sa sœur. « L'homme en colère, quand il revient à lui, est
Et, que fait l'insulté? Si c'est un étourdi, un em- fâché contre lui-même n, dit un proverbe.
porté, il rend l'insulte, plus fort, avec grossièreté et Par contre, si c'est toi qui t'es emporté, qui as causé
peut-être en en venant aux mains; ou ' s'il est d'un de l'amertume, n'attends pas que celui que tu as
naturel plus doux, il se choque et évite la société de insulté vienne chez toi, mais aie assez de force mâle,
celui qui l'a insulté. viriie, pour réparer. Certains garçons luttent des jours
Et pourt~nt le Seigneur Jésus n'a pas enseigné qu'il entiers avec eux-mêmes: « J'ai été violent, c'est vrai;
faut rendre lllsuite pourinsulte, ni qu'il faille se mettre mais que ferai-je maintenant ? M'humilier ? aller
en colère, mais pardonner septante fois sept fois ! demander pardon ?
~on fils, si ~?n compagnon t'a insulté et que tu lui Mon fils, n'hésite pas une minute! Et moi aussi je
ales rendu llllsulte, ou que tu lui gardes rancune, dis: Sois, autant qu'il est possible, réfléchi et de sang-
ton âme s'abaisse elle-même au niveau de l'âme plus froid afin que tes mots ne t'échappent jamais. « Ne
basse de l'insulteur. Tu connais ce jeu que les enfants Plus recommencer est la meilleure expiation. n Les pa-
aim~nt bie~ : l'un ,en face de l'autre. On s'oppose par roles qu'ont prononcées nos lèvres nous dominent,
le pled drOlt, et l on doit se tirer l'un l'autre de sa mais nous sommes maîtres des paroles que nous re-
LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE
tenons. S'il t'est pourtant arrivé de blesser quelqu'un, Car c'est un commandement du Seigneur Jésus, que
aie aussi la force de réparer. tu vas lire dans .les lignes qui suivent.
Insulter quand on est emporté, quand 011 est vio-
lent, - c'est là un enfantillage; mais réparer au plus «( Si ton œil est pour toi une occasion de chute ...»
vite cette action irréfléchie, voilà qui est une vertu
virile. C'est seulement si 110US savons quel trésor repré-
Oui : au plus vite ! sente l'âme humaine pour le Seigneur que nous pou-
En jouant, deux grands garçons se querellent. Mais vons comprendre la dureté sévère avec laquelle le
à la minute suivante, avec leurs cheveux encore Seigneur Christ a voulu sauver notre âme de sa perte.
trempés de sueur et les instruments de jeu en inains, Malheur à celui qui scandalise! Les paroles du doux
les voilà déjà réconciliés. Il semble qu'on voie avec Jésus le frappent comme l'éclair enflammé quand il
eux le Seigneur, regarder avec amour ses enfants dit : « Mais celui qui scandalisera un de ces petits qui
égarés qui réparent leur erreur. Il n'existe guère de croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui
plus belle manifestation d'esprit viril, que l'instant attachât au cou la meule et qu'on le précipitât au fond de
où il demande ou accorde pardon. S'égarer est chose la m8r ... Si ta main ou ton Pied est pour toi une occasion
humaine, pardonner est une vertu divine. Et s'il le de chute, coupe~les et iette-les loin de toi: il vaut mieux
faut même septante fois sept fois ! Tu te demandes pour toi entrer dans la vie mutilé ou boiteux, que d'être
pourquoi quelques-uns de tes compagnons sont .vio- ieté, ayant deux pieds ou deux mains, dans le feu
lents, irréfléchis, « insupportables ». Peut-être parce éternel. Et si ton œil est pour toi une occasion de chute,
que leur nature est beaucoup plus ardente que la arrache-le et iette-le loin de toi; - il vaut mieux pour
tienne, quoiqu'ils luttent suffisamment contre elle, toi entrer dans la vie avec un seul œil, que d'être jeté,
- peut-être n'ont-ils pas reçu chez eux de leurs pa- ayant deux yeux, dans la géhenne du feu. »(Matthieu,
rents de simple condition, une éducation suffisante, 18, 6, 8 et suiv.)
- et eux-mêmes, ils ne sont qu'en partie responsables D'après les paroles du Seigneur, une responsabilité
de leurs manières grossières, de leurs défauts. Sache terrible tombe sur celui qui scandalise quelqu'un par
être aimable, doux et indulgent envers tous ceux qui sa conduite ou par ses paroles et ses actes apprend à
veulent s'améliorer. un autre le péché. Le Seigneur Jésus savait fort bien
Il n'y a qu'une sorte d'hommes à qui tu peux, tu que la cause de la chute morale est, pour la plupart
dois même tourner le dos. Le jeune homme qui imite des jeunes gens, un mauvais ami, une lecture immo-
le Christ ne peut connaître un autre ennemi que le rale et c'est pourquoi il parle des corrupteurs d'âmes
péché, et il ne peut tourner le dos qu'à celui qui se avec une foudroyante et terrible sévérité.
glorifie de son péché, ou qui veut lui apprendre à Mon fils, prends garde: n'aie point d'amis ni de
pécher. Mais, certes, à celui-là, il doit tourner le dos. lectures qui te scandalisent; mais d'autre part ne
186 I,E CHRIST El' LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE
donne pas à un autre l'occasion de tomber, de se devient vite lui-même. « Crimen, quos inquinat,
corrompre. aequat. »
Quelques jeunes gens disent: « Oui, c'est vrai. Les Sais-tu comment tu pourras reconnaître si quel-
conversations de quelques-uns de mes amis ne sont qu'un est digne de ton amitié ? Seulement à ce fait :
pas précisément convenables, mais je ne ris pas des si dans sa société il te semble plus facile de devenir
plaisanteries qu'ils glissent, et je suis plutôt choqué meilleur. « Bonus intra, melior exi ! » voyons-nous sur
par leur langage équivoque. Mais, ceci mis à part, la mosaïque du plancher d'une ancienne maison ro-
un tel est vraiment un garçon agréable, distingué, maine. « Entre avec une âme bonne, sors avec une âme
- et puis sachez aussi qu'il m'aide beaucoup dans meilleure! » Que ceci soit le signe de l'amitié vraie
mes études; ainsi je ne pourrais pas l'abandonner. Est-ce qu'il me rend meilleur ou plus mauvais?
Et pour sa frivolité, elle ne me nuira certes en Un autre jeune homme dit: « C'est vrai; je sais
rien. » que tel ou tel livre contient des choses immorales;
Tu vois, mon fils, tu juges sur les apparences exté- mais il est écrit en excellent style et je ne lis point pour
rieures. Le garçon distingué n'est pas forcément le plaisir de lire les immoralités qu'il contient, mais
celui qui porte toujours un vêtement neuf et qui a seulement pour y puiser la connaissance de la vie.
chez lui une domestique anglaise; mais bien celui qui . De nouveau, tu te trompes, mon fils . Si tu ne
est élevé dans ses idées et noble dans ses mœurs. cherches que du beau style, grâce à Dieu tu le trou-
Telles plaisanteries légères ne te plaisent pas aujour- veras aussi chez des écrivains où il est uni à une im-
d'hui encore, - mais dans quelques mois, tu les éç:ou- peccable moralité de conception. Mais le livre, la
teras volontiers; dans un an, tu seras toi aussi jus- pièce de théâtre, ou le film, quelle que soit la valeur
qu'au cou dans le péché. Si cet ami est vraiment ai- de leur style ou de leur technique, pour peu qu'ils
mable, demande-lui de conformer ses idées, ses pa- scandalisent ton sens moral, abstiens-toi de les lire
roles et ses actes au noble idéal de ton âme. Et s'i.1 ou de les regarder! S'il t'était aussi pénible de te
ne le fait pas? Alors, romps avec lui. Car c'est à de séparer de quelque chose qu'il te l'est de te séparer
tels cas que s'adresse la parole du Seigneur. Bien que de ton œil si cette chose-là mène au péché, il faut
te séparer de quelque chose te soit aussi pénible que en faire le sacrifice pour ton âme.
de te séparer de ta main ou de ton pied, romps avec Et puis, bie}1 entendu, fais attention, mon fils, à
elle pourtant si elle te mène au péché. Car celui qui ne pas être pour d'autres un scandale. Les hommes
est ennemi du Seigneur Jésus ne peut être ton ami. peu instruits et peu cultivés, imitent instinctivement
Et celùi qui a un langage malpropre est son ennemi, la conduite de ceux qui sont plus instruits qu'eux,
et celui qui a une vie débauchée est son ennemi, aussi la vie des classes sociales supérieures est-elle
- celui qui fait profession d'incroyance est son enne- plus chargée de responsabilités que celle des hommes
mi ! Celui qui peut être l'ami d'un garçon libertin le de simple condition. « Est-ce que je suis le gardien de
188 LE CHRIS'!' E'l' LA JEUNESSE
LE DIVIN MAITRE 189
mon frère? » riposta Caïn avec arrogance lorsque le Jeune homme, lève-toi!
Seigneur lui demanda des comptes sur son frère. En
vérité, mon fils, nous sommes tous les gardiens de Près de la ville de Naïm, le Seigneur rencontra un
notre prochain et dans une certaine mesure nous cortège funèbre - on emportait un mort, fils unique
sommes responsables pour lui. Quand tu agaces et d'une veuve. « Le Seigneur l'ayant vue, fut touché de
excites ton petit frère, tu es responsable de ce qu'il compassion pour elle et lui dit : Ne Pleure pas! - Et
commence à crier et à proférer des injures. Si, lorsque s'approchant, il toucha le cercueil - (quand ceux qui
tu es en vacances, à la campagne, toi, un jeune gar- l'emportaient furent arrêtés), puis il dit: « Jeune homme,
çon instruit, tu manques la sainte messe du dimanche ie te le dis, lève-toi. » - Aussitôt, le mort se leva sur
pour faire une excursion ou pour rester au lit, tu es son séant, et commença à parler, et Jésus le rendit à
responsable de ce que, à ton exemple, des garçons sa mère. » (Luc, 7, 13-1 5.)
simples vont s'éloigner aussi de l'église. Si tu es mé- Un enterrement est toujours tm triste moment,
decin, juge, maire, pharmacien, propriétaire et que mais doublement douloureux lorsqu'on met dans la
le peuple ne te voie fréquenter ni la confession ni la tombe un jeune homme brisé dans la fleur de son âge.
communion, si tu es professeur et que tes élèves ne Voici une vie qui reste à jamais voilée. C'est le pilier
te voient pas avec eux à l'église, mais t'entendent d'une église qui se brise, c'est un avenir gelé dans son
blasphémer, en vérité tu es responsable de toutes germe. Combien d'espérances non réalisées!
sortes de maux spirituels. Et lorsque ce n'est pas un jeune corps, mais une
Prends donc bien garde, mon fils, le Seigneur a jeune âme qui se perd dans la tombe, dans la tombe
confiance en toi. Il t'a donné des yeux. Quel bonheur effroyable de la dépravation et de la perte morale!
que de voir ! Ferme les yeux et essaie de penser : Quel trouble, dans cette jeune âme qui jadis en son
« Je n'y verrai jamais plus. » Quelle horrible idée ! jeune âge appartenait au Seigneur, mais sur laquelle
Mais si Dieu t'a donné des yeux, n'en abuse pas par pèse maintenant la malédiction d'un habituel péché!
des regards coupables, par des lectures libertines; As-tu jamais vu, mon fils, une église écroulée?
ne scandalise pas, ne ruine pas ton âme. Un été, nous campions avec une troupe de boy-
Et Dieu t'a donné une main. N'en abuse pas; ne scouts dans le lieu le plus romantique d'une mon-
commets point de péché avec elle! tagne plantée de hêtres, c'était auprès des ruines d'un
Et Dieu t'a donné une langue. N'en abuse pas; ancien couvent et d'une église de l'ordre des Paulistes,
ne prononce point de péché avec elle! qui se trouvent là, à quelque 700 mètres d'altitude,
Et Dieu t'a donné la faculté de penser. N'en abuse loin du monde extérieur, dans une vallée abandonnée.
pas. Ne pense pas aux choses du péché. Il vaut mieux Pendant des siècles, la prière commune et fervente
pour toi entrer dans la vie sans main, sans pied, sans des moines, habillés de blanc, s'élevait ici plusieurs
œil que d'être jeté au feu de la damnation ét ernelle fois par jour; quand la nuit enveloppait encore le
avec deux yeux, deux mains!
19° LE CHRIST E1.' LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 191
pays et que l'aube n'avait pas paru au sommet des Hélas, qu'en reste-t-il aujourd'hui!
montagnes, les Paulistes s'en allaient, à la lumière Mon cher fils, veux-tu que je te dise ce qu'il ad-
clignotante des cierges, en une longue file dans leur vient de la jeune âme la plus belle, du fait d'un péché
église pour glorifier Dieu. L'œil paternel du Tout Puis- d'habitude?
sant se posait avec affection sur leur petit couvent. Peut-être te regardes-tu effrayé, maintenant. Peut-
Voilà ce qui s'est passé pendant des siècles ... être déjà t'écries-tu, toi aussi: « Seigneur, Seigneur !1
Et voici que ma troupe campe maintenant dans la moi aussi j'enterre déjà mon âme, autrefois blanche
cour du couvent écroulé et que nous marchons, émus, comme la neige 1 Seigneur, mon âme est aussi un
interdits au milieu des ruines. Voici les cellules, où, temple en ruines, écroulé, détruit ! )) et une larme perle
le soir, les moines allaient prendre leur court repos dans tes yeux.
après avoir passé la journée dans une dure besogne; Mais voici que la main du Seigneur te touche dou-
quelle petite place suffisait à un homme! Là-bas, ce cement :« Jeune homme, je te le dis, lève-toi 1 ))
sont les soubassements du réfectoire, où ils consom- - Oh moi aussi, je pourrais donc être guéri ? Le
maient leur frugal repas. Et voici l'église! Les murs doux Christ me reprendrait encore? Pourrait-il
sont encore à moitié debout, mais le toit s'est écroulé, naître une pousse printanière même sur ces ruines
s'est écrasé sur les carreaux de brique rouge, il a brisé écroulées ?
le toit de l'ossuaire .. . et nous ne nous trouvons déjà Oui, en vérité. Lis seulement ce qui va suivre.
plus dans l'église, mais dans un caveau couvert de
terre ... où quelques coups de nos bâtons dans le ter-
reau amènent au jour les os d'un crâne ou d'un bras Debout les morts !
de quelque moine , qui pourrissent là depuis des siècles ...
Et partout, le silence! Un silence accablant, doulou- Un pharisien avait invité Jésus à sa table. « Et
reux ! Les vieux hêtres, sombres, se penchent. Quelque voici qu'une femme qui menait dans la ville une vie
chose étouffe mon âme. Car c'est ici, où je me tiens déréglée, ayant vu qu'Il était à table dans la maison du
précisément, que brillait jadis, le marbre blanc du pharisien, apporta un vase d'albâtre plein de parfum,
grand autel, et que la main des moines dont l'âme était et se tenant derrière lui, à ses pieds, tout en pleurs, elle
candide comme leurs aubes blanches, comme leurs se mit à les arroser de ses larmes et à les essuyer avec
blancs capuchons, élevait chaque jour vers le ciel le les cheveux de sa tête, et elleles baisait et elle les oignait
parfum réparateur du sang que le Seigneur a versé de parfum. )) (Luc, 7, 37 et suiv.) Et comme le
sur la croix .. . Ici jadis tout fut joie ... tout chantait pharisien qui l'avait invité s'indignait de ce que le
comme la voix éclatante d'un oiseau. Chaque mot Christ fût si indulgent pour cette grande pécheresse,
était une prière, - chaque acte un service de Dieu, le Seigneur dit : « Ses nombreux péchés lui seront par-
chaque âme une image de Dieu. donnés, parce qu'elle a beaucoup aimé. » Luc, 7,
I93
I92 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
velle, si triste qu'ait été jusqu'ici ta vie! Mais ne
47). Puis il dit à ;la femme: « Ta foi t'a sauvée; l'oublie pas : une seule fois, Madeleine a demandé
va en paix» (Luc, 7, 50). pardon. Et puis elle est restée fidèle au Seigneur fus-
Avec quel orgueil se scandalisent les pharisiens? qu'à sa mort!
Comme leur œil se détourne! Comme ils regardent Après ta confession, le Seigneur n'attend de toi
avec mépris le pécheur qui pleure à genoux, eux qui qu'une chose: que tu deviennes meilleur. Lorsque,
sont pécheurs aussi pourtant! Mais il n'y a que le après un long hiver, le premier rayon du printemps
Seigneur Jésus qui ne détourne pas sa face du pécheur. chaleureux apparaît, nous regardons sur les arbres
Le Christ, la sainteté vivante! Le Christ, le Fils de dans l'attente: « Est-ce que les bourgeons poussent?
Dieu descendu sur la terre ! Ainsi le Seigneur Christ regarde ton âme après l'hiver
Et que cette scène est consolante pour moi aussi. du péché. « J ette-t-elle les bourgeons d'une vie
Je suis encore un jeune garçon de seize ou dix-huit meilleure ? »
ans à peine, et déjà je ne saurais plus compter mes « Que vous en semble? Si un homme a cent brebis
péchés. Peut-être suis-je à peine visible déjà entre et qu'une d'elles s'égare, ne laisse-t-il pas dans la mon-
les ronces et les épines. Peut-être le sarment du péché tagne les quatre-vingt-dix-neuf autres, pour aller cher-
d'habitude qui m'étrangle depuis des années entoure- cher celle qui s'est égarée? - Et s'il a le bonheur de la
t-il mon âme de son étreinte mortelle! trouver, fe vous le dis en vérité, il y a Plus de foie pour
Mais le Seigneur aperçoit la plus petite lueur cli- elle que pour les quatre-vingt-dix-neuj qui ne sont pas
gnotante de bonne volonté! Il n'est pas venu pour égarées. De même, c'est la volonté de votre Père qui est
briser le roseau crevassé ni pour éteindre la mèche dans les cieux, qu'il ne se perde pas un seul de ces pe-
à demi-morte. tits. » (Matthieu, I8, I2-I4.) Tu entends bien, mon fils:
Pendant la guerre mondiale, des grenadiers alle- c'est la volonté de Dieu qu'il ne s'en perde pas un seul!
mands montaient à l'assaut de la tranchée du lieu- Il s'incline vers toi avec un cœur plein de miséricorde,
tenant Péricard. Et le lieutenant ne voyait plus que vers toi, son :fils qui lutte au milieu des épines, son
quelques hommes debout, les autres étant blessés ou enfant prodigue dont l'âme est déchirée, et Il t'em-
morts. Un cri de désespoir s'envole de ses lèvres: brasse avec amour en te pardonnant.
« Debout les morts»! s'écrie-t-l1. Et voici que, comme Oh main pardqnnante du Christ miséricordieux!
touchés par une baguette magique, les soldats de la Enlèvez-moi aux épines acérées dans mes saintes con-
section de Péricard et ceux · des tranchées voisines fessions et prenez-moi sur votre épaule afin que je
sortent de la tranchée et r'e poussent l'attaque de reste toujours votre petit agneau fidèle et pur!
forces supérieures.
Mon fils, quelle que soit la maudite habitude de
péché qui étouffe ton âme, sache crier: « Debout les
morts 1 » Toi aussi tu peux commencer une vie nou- Le Christ et la jeunesse. 13
194 LE CHRIS'!' El' LA JEUNESSE
LE DIVIN MAITRE 195
(( Seigneu1' ! Que je voie ! )}
Mais prie, mon fils, avec plus de ferveur et plus fré-
Un mendiant aveugle était assis sur le bord de la quemment encore pour les intérêts éternels de ton
route de Jéricho. Le Seigneur passant par là, l'aveugle âme!
Lui cria, en L'implorant: « ] ésus, fils de David, ayez Seigneur, lorsque les nuages orageux de l'adoles-
pitié de moi!)) Le Seigneur lui demanda: « Que veux-tu cence s'abattent sur moi, faites que je voie le droit
que je tasse? Il dit: Seigneur, que je voie! Et Jésus chemin qui conduit vers Vous!
lui dit : « Vois!)) ta foi t'a sauvé! - A l'instant, il vit , Ch:z le je';lne homme, le sentiment prédomine, il
et il le suivait. (Luc, 18, 41 à 43.) etouffe la VOIX de la raison. Et pourtant la boussole
Cette demande du mendiant aveugle montre que sûre d'un: vie chrétienne est bien la volonté dirigée
l'objet de nos prières peut être non seulement un bien par la raIson, et non les sentiments! « La raison est
spirituel, mais aussi une chose terrestre. Je puis prier la garde du cœur. )) Comme ton âme serait moins
aussi pour la santé de mon corps, pour mes affaires chargée de péché, si ta raison exerçait vraiment son
matérielles, pour la réussite dans mes études, comme ~ontr.ôle sur to~ cœ~r ! « Faites donc, Seigneur, que
pour le bien de mes parents, de mes frères, sœurs et Je vOle! » Que Je VOle à quelle carrière Vous me des-
amis. tinez dans la vie! Que je voie où Vous voulez me
Au lieu du pélerinage de la Vierge Marie, de répu- pla:er sur. la terre. Et que, où que j'aille, je voie
tation mondiale, à Lourdes, on prononce une prière ~ouJours, Je ~e perde jamais des yeux, ma destinée
unique au monde. Sur l'immense place, devant la Ba- eternelle ! SeIgneur, quelle que soit la carrière dans
silique, sont conduits en foule les malades, couchés laquelle se déroulera ma vie, donnez-moi de voir
dans des voitures, ils viennent de toutes « les régions clairement qu'à la fin, c'est Vous qui m'attendez,
du monde)). Et quand, caché dans le Saint Sacrement, Vous, mon Bon Père. Vous attendez le fils fidèle qui
le Christ guérisseur du chemin de Jéricho, se met en rentrera à la maison chez Vous.
route parmi eux, on entonne une litanie émouvante,
que chantent des centaines et des milliers de malades (( ... Et les neuf autres, où sont-ils ? »
et d'hommes bien portants: « Jésus, fils de David,
ayez pitié de nous! Jésus, créateur de la vie, ayez I?ans un village, le Seigneur avait guéri dix lépreux,
pitié de nous! Seigneur, celui que Vous aimei est malS un seul parmi les dix rendit grâce au Christ
malade! Seigneur, faites que je voie 1 Seigneur, faites ~our sa grande bonté. Le Seigneur, blessé de l'ingra-
que j'entende! Seigneur, faites que je puisse mar- tItude des neuf autres, prit la parole et dit: « Est-ce
cher ... 1 )) que l~s dix n'ont pas été guéris? Et les neuf autres, où
Oui, il est permis de prier aussi pour des choses sont-ûs ? I~ ne s'est trouvé parmi eux que cet étranger
terrestres. pour rev~mr et rendre gloire à Dieu ? )) (Luc, 17,
17 et SUlV.)
I96, LE CHRIST El' LA JEUNESSE
LE DIVIN MAITRE 197
De nombreuses vertus ornent l'âme des jeunes
gens, mais, - chose étonnante - la noble fleur de la en suivant fidèlement ses lois dans toutes tes paroles .
gratitude ne semble y prendre que rarement racine. et tous tes actes.
Chez les petits enfants, cela est encore compréhen- Et puis, sois au,ssi reconnaissant envers tes pare'f1,ts !
sible. Ils ne peuvent pas apprécier la :foule de soucis Quel caractère superficiel, quel esprit frivole montrent
et de fatigues que coûte leur éducation, - mais ne certains enfants déjà grands, lorsqu'ils ne voient
serait-il pas naturel que toi qui es un grand garçon, qu'agacements et tracas dans les ordres de leurs pa-
tu montres ta gratitude à tes parents, à tes profes- rents, et qu'ils ont honte de leur témoigner de l'affec-
seurs, à tes bienfaiteurs avec d'autant plus d'atten- tion.
tion et de dévouement que tu comprends tous les Que de temps, d'argent et de fatigue, ils ont sacrifiés
sacrifices qu'ils font pour toi. pour toi, que de nuits sans sommeil et de soucis pen-
M on fils, sois reconnaissant ! dant seize ou dix-sept années où ils t'ont élevé, pour
Sois reconnaissant, d'abord envers Dieu! Ce que tu toi qui fus un marmot incommode, un nourrisson en-
dois au Seigneur, n'est-ce pas, il n'en faut pas plus têté, qui ne pouvais rien faire, qui pleurais et criais;
longuement parler; tes qualités de corps et d'âme, jusqu'à ce que tu deviennes la belle plante d'aujour-
ta vie, ton âme immortelle, c'est Dieu qui t'a tout d'hui, le jeune homme gai et intelligent que tu es.
donné. Tu entends, mon fils, tout! As-tu donc l'ha- Jusqu'à maintenant, ils t'ont aimé sans répit, jus-
bitude d'en rendre grâce à Dieu? Quelques jeunea qu'ici, ils ne t'ont voulu que du bien, - voudraient-
gens savent prier d'une façon si touchante toutes les ils donc maintenant que tu as seize ou dix~sept ans,
fois qu'ils ont de la peine. Mais, autrement, jamais. t'agacer, te tourmenter, te persécuter? Leurs ordres,
Sais-tu non seulement demander, mais aussi rendre peut-être, peuvent te sembler des entraves, dures et
grâce, dans ta prière ? enfantines, et, en réalité, pourtant, il n'en est pas
Rendre grâce ? Mais pourquoi -? ainsi. Sois convaincu qu'ils te regardent, grand garçon,
Par exemple, parce que tu es né catholique (car tu · avec leur ancien amour; montre donc, toi aussi, ta
aurais pu naître païen) ; parce que tu as reçu de bons reconnaissance envers eux. De quelle façon ? Sois
parents, que tu n'es ni aveugle, ni paralytique (cal' pour eux, aimable, prévenant, attentif, serviable.
tu pourrais bien l'être) parce que tu peux étudier et Et sois reconnaissant aussi envers ceux qui tant ton
travailler, - parce que tu peux aller te confesser éducation. Il y a des élèves appliqués, des membres
et communier (pauvres enfants d'une autre église qui de sociétés religieuses, fervents, des scouts enthou-
ne peuvent le faire !) parce que ta santé se développe si siasmés, à qui pourtant l'idée n'est jamais venue qu'il
bien ... Et pour mille autres choses encore, tu peux convenait peut-être de remercier par leur reconnais-
rendre grâce. Et ne te contente pas de prouver à Dieu sante affection, leur attachement, et leur confiance,
ta reconnaissance seulement par la prière, mais aussi leur professeur, leur directeur de conscience ou leur
chef-scout, pour toute la peine qu'ils se sont donnée.
198 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
LE DIVIN MAITRE 199
Songe que ton professeur de langue étrangère, par
exemple, aimerait sans doute mieux se consacrer à
cc Quiconqu e s'élèvera ... » .
l'agréable étude des écrivains classiques, que de con-
duire d'année en année, ses élèves dissipés à travers , endant la campagne de RUSS1e
le labyrinthe des conjugaisons et des c'.éclinaisons. Et Napoleon, alors que ~ . . les Indes fit dans sa
. d'" de conquenr aUSS1 " .
pourtant, il recommence chaque année, avec joie, ce il rêva1t .eja battre des médailles qUl
fastidieux travail, pour toi, il mérite bien que tu lui présomptlOn, s~ns rr;te~~~,. « Le ciel est à toi, la terre
en sois reconnaissant! portaient cette .mscnp ~ . la campagne de Russie
' ..» MalS , tu SalS'd'faite
est a mo..
que , ,
un des generaux
Tu as un directeur de conscience? C'est ton pro-
fut aussi sa perte; et apres salI e médaille sur laquelle
fesseur de catéchisme ou ton confesseur, tu entres fit f pp el' une nouve e
chez lui librement et tu lui découvres tes luttes spi- russes . ra à travers les nuages, donne U?
rituelles, tes problèmes et tu suis avec bonheur, en une mam, passani dos de Napoléon, avec cette, le-
toute confiance, ses enseignements. Mais lui es-tu coup de fouet sur e, . l fouet est à moi. » Et l 01'-
reconnaissant, des demi-heures et des heures que tu lui gende : (( Le dos est a toz, e ff t méditer bientôt dans
prends? Suis-tu bien ses conseils? Et pries-tu pour lui? gueill.eux emp~re~r ~~\:nS:i~te-Hélène, sur la vérité
Tu es un boy-scout, un scout enthousiaste? Tu as la sohtude de l eXl~, a l . (( Quiconque s'élèvera sera
passé l'examen de première classe et cinq ou six des paroles ~u Se1g~eubr: era sera élevé. » (Matthieu,
abaissé et quzconque s a azss
épreuves particulières, les deux galons rouges de chef
de patrouille ornent déjà ton épaule gauche. C'est 23, 12). d n fils' le danger de la pré-
bien. Mais l'idée t'est-elle déjà venue à l'esprit que Mais, prends gar e, .mo n~ce pas seulement les
c'est à ton chef que tu dois, en dernière analyse, somption et de ~'Org:e1~?e:~~uvent on rencontre des
toute la joie et la force éducative que tu as reçues du généraux conquera~l s. t résomptueux, qui mé-
jeunes gens orguelIleux e p
scoutisme; et lui en es-tu reconnaissant? Car ton
prisent et dédaign~nt ~es autres. al' ons-ci? L'un de
chef, bien qu'il soit un homme adulte, dort avec vous Et de quoi sont-lIs Sl fiers, ces g Çd Atement
sous la tente du camp (ce qui ne lui est plus aussi
la grosse fortune d e son p ère, l'autre e son ve Celui-
, utée
facile qu'à vous, pourtant), il partage votre repas de t clette de marque rep .
camp, parfois manqué, et supporte avec vous la charge neuf, ou de sa mo ocy. mme celui d'une jeune
là de son visage grac1eux, co un autre de son in-
du sac et la chaleur de la journée. La plupart des gar- fille et de son agréable .s~ature, - de sa facilité
çons trouvent cela tout naturel. Mais toi, mon fils, telligence, de ses spmtuels propos,
aie une âme reconnaissante, témoigne une grande es-
time, du dévouement, de l'attention et de l'obéissance pour l'étude. l f it pas leur mérite. Tout
envers tous ceux qui aident à ton développement Pourtant, tout ce a ne , ~t ble car c'est passager.
l' une valeur ven a ,
physique et à ton développement spirituel. ce a n a pas d beauté spirituelle, ce ne sont que
Tout cela manque e. qu'un costume re-
des apparences, aUSS1 trompeuses
200 J~E CHRIS'f ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 20I
tourné, dont on ne voit pas combien il est rapé au gence, je ne peux tout de même pas me considérer
dedans. On devrait écrire sur le bureau de ces jeunes comme le premier âne de ma classe! Si D~eu m'a
gens présomptueux ce que soufRait à l'oreille du triom- donné de l'habileté et un extérieur avantageux, je
phateur romain l'esclave assis derrière lui : « Cave ne veux pas pourtant jouer le rôle de Cendrillon 1. .. ))
ne cada.s! )) « Prends garde de tomber! )) disent quelques-uns avec des cris d'indignation. Et
J'ai hi cette,'aimab1e histoire d'un comte espagnol. ils ont parfaitement raison. Mais où est-il donc écrit
Issu d'W'le '~àmif1e très sifup1e, il était parvenu, au qu,e ce soit là la véritable humilité ? L'l),umble ne
"prix de'~biert\l/§ ~#orts persévérants, jusqu' aux digni- ne peut-il pas avoir conscience de ses quàlités mo-
tés 1e,~' plus ,ha~tes de l'B:tat, de sorte que le roi d'Es- rales ? Mais si. Ne peut-il pas être rempli. de' gais sen-
pagne l'ayaitl enfin fait comte pour récompenser timents quand à la distribution des prix, il , reçoit
'ses méritési Or, que trouva le nouveau comte pour après une année de rudes études, sa rêcompense bien
s'empêchefde tomber dans l'infatuation? Souvent, méritée? Mais si !
il se disait lui-même : « Personne' n; e!it comte par soi- Mais avo,ir ~onscience de soi-même et être orgueilleux,
même )) et ainsi il se rappelait continuellemelit à la cela fait deux - et le contentement de soi-même est
modestie. ", ,'. , ,. autre chose que la fatuité hautaine.
En vérité, mon fils, &>us autres hommés: nous « 'L'orgueil n'est pas une grandeur, mais une en-
sommes tous de semblables barons, comtes et ducs~ , , flure, écrit saint Augustin. « Ce qui est enflé, paraît
c'est-à-dire « Rien par nous-mêm~ )). « Rien par nos grand, mais ce n'est pas sain. ))
propres forces. )) Le danger que ' le juste sentiment et la conscience
« Qu'as-tu que tu ne l'ai~s reçu? Et si tu l'as reçu, . de soi-même lle deviennent facilement de l'arrogance
pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l'avais pas et de l'orgueilleuse présomption, visible chez les
reçu? )) écrit saint Paul dans une de ses lettres adultes, menace facilement aussi les jeunes gens. Et
(Cor. I, 4, 7). chose à remarquer, ce sont les âmes vides, celles qui
n'auraient aucune raison de s'enfler de vanité que
cc Quiconque s'abaissera ... » ce danger menace le plus. Car, naturellement, plus
une balle est vide, plus haut le vent la porte et plus
Sois donc, mon fils, modeste, prévenant et hnmble, . l'épi est vide, plus haut il relève la tête.
car « quiconqzte s'abaisse sera élevé )) (Matthieu, Autant un jeune orgueilleux se défigure terrible-
27, I2). ment et devient un épouvantail ridicule, autant c'est
Certains jeunes gens ne peuvent se familiariser une gracieuse rencontre qu'un jeune homme intelli-
avec la conception de l'humilité chrétienne car ils gent, actif, habile, mais modeste.
la comprennent mal. Celui-là croit pouvoir déguiser le vide de son âme,
« Si le Seigneur Dieu m'a donné une vive intelli- $a pauvreté intellectuelle en se pavanant, en posant,
LE DIVIN MAITRE 2°3
202 I,E CHRIST ET LA JEUNESSE
En vérité, voici une réponse chrétienne! Si même
- celui-ci par contre, donne par sa modestie, un
personne ne voit la bonne œuvre que j'accomplis,
charme subtil à ses qualités intellectuelles et morales.
par exemple ma lutte âpre contre le péché, l'accom-
Le premier s'imagine qu'il est le centre du monde,
plissement de mon devoir, Dieu le voit, ma cons-
que sa haute personnalité est aussi importan.te d~ns
cience le voit et ceci suffit à ma récompense 1
l'univers que le « t » dans le nom de la petite vllie
Et quand même personne ne serait témoin de ma
française d'Anet; - le second, au contraire, ne prend
chute dans le péché, de ma trahison à. mon idéal, Dieu
pas le temps de rêver sur lui-même, il se lance dans
et ma conscience en sont témoins et ceci est une puni-
le travail, perfectionne son esprit, accroît de plus en
tion largement suffisante !
plus sa valeur véritable. Le premier, c'est l'oie qui,
L'apôtre saint Jean écrit quelque part du Seigneur
avec son corps énorme fait grand bruit pour s'élever
Jésus, que beaucoup s'enthousiasmaient pour Lui.
à un mètre à peine, - le second, c'est l'aigle qui s'é-
« Mais ] ésus ne se fiait point à eux, parce qu'il les
lance facilement et sans bruit dans les airs, dans les
connaissait tous, et qu'il n'avait pas besoin qu'on lui
pures hauteurs. Le premier a pour devise « Beaucoup
rendît témoignage d'aucun homme, - car il savait, ltti,
de bntit pour rien» - et le second « Semper prorsum
ce qu'il y avait dans l'homme. » (Jean, 2, 24 et suiv.)
nunquam retrorsum ! ».
Nul costume élégant, nulle chevelure bien peignée,
N'est-ce pas, tu comprends bien maintenant la
aucun visage agréable ne trompent le Seigneur Christ.
parole du Seigneur: « Quiconque s'élève sera abaissé,
Les yeux du Christ voient dans les profondeurs et
et quiconque s'abaisse sera élevé! »
aperçoivent une belle âme même sous des apparences
misérables. Car une coquille qui, de l'extérieur semble
{( Il savait, lui, ce qu'il y a dans l'homme» insignifiante, peut contenir pourtant une perle, et
Au-dessus de la coupole du Dôme de Milan, se le quartz à l'aspect rugueux peut cacher de l'or.
trouve une foule considérable de statues saintes, Oui, le Seigneur Jésus sait tout. Tout? Même nos
sculptées dans le marbre blanc. Pendant qu'il tra- pensées secrètes? Oui, même celles-là. « Ante Dei
vaillait laborieusement, un ami demanda au sculp- V2tltum nihil est clausum vel inultum. » « Rien n'est
teur : « Je ne comprends pas pourquoi tu gaspilles caché et rien ne demeure gratuit devant Dieu. »
ton art pour un tel travail ? Là-haut, au faîte de l'é- Pauvre Jésus! Que de choses Vous devez entendre!
glise, qui donc regardera de près et appréciera ton par exemple que de choses pendant une seule messe
travail? » de collégiens !
- Il me suffit que tu reconnaisses sa valeur, ré- Il Y a quelques minutes, la sainte messe du di-
pondit l'artiste. manche a commencé. Plus de trois cents jeunes gar-
- Mais si je ne l'avais pas vu, moi non plus? çons sont assis dans les bancs, et le chœur comprend
- Alors, mon ami, Dieu et moi, nous 1'aurions vu ! également une cinquantaine de chanteurs. La sainte
LE DIvIN MAITRE 205
204 LE CHRIST E'l' LA JEUNESSE
contre la barque; au craquement suspect, la patrouille
cérémonie se déroule et le Seigneur Jésus, invisible, autrichienne donne l'alarme. Une terrible fusillade
passe au milieu de ses fils aimés, dans les bancs ... éclate. La lune sort alors des montagnes COlTnne pour
Dans les premiers, ce sont les petits; ceux-ci sont jouir de l'effrayant spectacle et voir les balles tomber
encore aussi pieux qu'ils peuvent. Mais il y en a autour des rameurs français qui luttent avec une force
déjà qui regardent en l'air, qui bavardent... surhumaine.
Et Jésus marche plus loin, parmi les grands: dans En cet instant affreux, écrit le général Marbot, un
les bancs des élèves qui ont de r6 à r8 ans. Qu'il est rayon de pâle lumière issu de la pente lointaine des
rare, ici, le livre de prière. Un garçon qui baille, tient monts où nous campions vint frapper mon regard:
à la main une revue suspecte au lieu d'un paroissien ... c'était la fenêtre éclairée de l'Empereur! Je regarde
Plusieurs déjà attendent avec impatience que la cette lointaine lueur qui me donne du courage et des
messe soit finie. Pauvre Christ, qui voit tout! forces - et voici que tout à coup, elle devient plus
Mais, hélas, à quelles pensées frivoles et déconcer~ brillante! Ah! Napoléon a entendu le bruit de la
tantes s'occupe ce grand élève? Ici même ? Al':Ëglise? lutte, la grande fusillade, il a ouvert la fenêtre. L'em-
Pendant la Sainte Messe! Pauvre Christ qui voit tout! pereur se tient là, à sa fenêtre, il regarde avec atten-
Le général français Marbot raconte dans ses Mé- tion, avec angoisse vers la rivière. Ses deux cent
moires, qu'un jour, alors qu'il était capitaine, il fut mille hommes sont là, devant lui, et il ne s'en soucie
chargé par Napoléon, le grand Empereur, d'une tâche pas, - mais uniquement de moi! Son œil d'aigle
périlleuse. Il s'agissait de faire traverser en pleine nuit, lutte contre les ténèbres pour m'apercevoir, pour
à une petite troupe d'éclaireurs, le Danube grossi pouvoir jeter sur moi un regard d'encouragement. Et
par l'inondation, de faire prisonnier un des Autri- cette pensée, écrit le général, que « le puissant empe-
chiens qui campaient sur l'autre bord, pour lui faire reur me voit» fortifia de nouveau mes membres.
subir un interrogatoire et apprendre les positions de Dans un suprême effort, j'encourageai mes hommes.
combat de l'ennemi. D'immenses troncs d'arbre flot- Ceux-ci luttèrent contre le courant et enfin nous dé-
taient sur le Danube et le courant des eaux grossies barquâmes sur notre rive.
était si fort que Napoléon lui-même n'osait donner Mon cher fils ! La vie est un fleuve gonflé où ta
à personne l'ordre d'exécuter la manœuvre et avait petite barque est assaillie par les souches dangereuses
demandé des volontaires. des difficultés et des combats, pendant que des mil-
Le jeune capitaine se présenta, résolu à mener la liers de tentations, comme une fusillade, s'abattent
tâche à bien. Au prix d'efforts incroyables, la petite sur toi. Mais, mon fils, le Seigneur Jésus-Christ voit
troupe parvint à traverser l'eau et à prendre trois tout et sait tout; et Il ne détourne iamais de toi son
Autrichiens; puis attentivement, en silence, ils pous- regard encourageant et fortifiant; Il observe tes luttes
sèrent le canot loin du bord, pour revenir en ramant. intérieures que tous ignorent. Le capitaine Marbot
Soudain, le courant rapide jette une souche d'arbre
LE". DIVIN MAITRE 207
206 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
lui-même, agitant sa queue, saute sur les genoux de
a risqué sa vie pour une décoration, mais toi, il ne te son jeune maître.
coûtera pas beaucoup non plus, n'est-ce pas, de per- Et la grande joie commence: voici les vacances!
sévérer à mener à bien le combat spirituel pour gagner Celui qui a rempli son devoir pendant l'année mé-
la vie éternelle ! rite certes, le repos, le jeu, les joies insouciantes des
vacances.
Les vacances du SeigneU'l' Jésus. Mais, fais attention, mon fils! Pour certains gar-
çons, le temps des vacances n'est pas seulement celui
Nous lisons dans le chapitre IV de l'Evangile de de la récréation, mais celui de la corruption morale,
saint Luc une chose pleine d'intérêt. Soudain, le et il en est qui commettent plus de péchés pendant
Seigneur interrompt ce voyage de conversions et les deux mois de vacances que pendant leurs dix mois
rentre chez Lui pour visiter sa chère Mère et peut-être d'études. Pendant l'année scolaire, tu n'as pas seule-
aussi pour se reposer un peu à Nazareth. « Etant venu ment étudié, mais tu as aussi travaillé, honorablement,
à Nazareth, où il avait été élevé, il entra, selon sa cou- à embellir ton âme - quel dommage ce serait de gâter
tume, le four du sabbat dans la synagogue, et se leva tout maintenant pendant ces deux mois et de redes-
pour faire la lecture ... Et tous lui rendaient témoignage, cendre des hauteurs spirituelles que tu avais atteintes
et admiraient les paroles de grâce qui sortaient de sa au prix de tant de fatigues et de luttes.
bouche. » (Luc, 4, 16, 22 .) Donc que faire ? Comment passer utilement tes
Voici le Seigneur Jésus chez lui, en vacances. Mais vacances ? De la manière dont le Seigneur nous a
son amour soucieux des âmes ne Le laisse pas, même donné lui-même l'exemple ...
ici, se reposer. Il fréquente « selon sa coutume» le Tout d'abord, « selon sa coutume », il a fréquenté
temple et enseigne à ceux de son village les vérités l'église. Pendant l'année scolaire, on contrôle sévè-
éternelles. rement si tu as assisté à la messe du dimanche et par-
Mais toi, mon fils, comment passes-tu tes vacanc.es ? fois même si tu as fait la confession prescrite. Mais
J'aime à voir, à la fin de l'année scolaire, les couloirs quelle âme vide montrent ces garçons qui pendant les
de l'école tout encombrés. Voici la distribution des vacances délaissent leurs devoirs religieux, parce que
prix... Quelle animation! Que de visages animés ! personne ne les contrôle ! Pauvres âmes superficielles,
'- On se dit adieu. Puis, au bout de quelques heures, qui ne sont chrétiennes qu'en apparence.
un grand silence s'établit dans les couloirs, - les C'est un bien grand mal déjà que, parmi les grandes
trains emmènent chez eux tous les élèves. La bonne personnes, beaucoup se disent chrétiens qui ne le
mère que l'on n'a pas vue depuis si longtemps attend sont que dans l'église et dont la vie ne porte aucune
son fils le cœur battant. Oh ! que tu as grandi depuis trace de christianisme. Un scout était paresseux un
que je ne t'ai pas vu ! Les petits frères et les petites matin et ne voulait pas se lever. Sa mère lui dit :
sœurs bondissent autour de lui avec joie. Et Médor
208 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
LE DIVIN MAI'l'RE
« Eh! bien, inon fils. Que disent donc vos l?is ~ Le
scout est tendre envers les autres; envers IUl-meme, iours de vacances? Il a non seulement fréquenté le
il est sévère. » - « Mais, maman, répondit le scout temple, mais encore instruit les habitants de son
abasourdi, je ne suis scout que dans le .camp, et non village.
pas ici à la maison ! » Je ne suis cathohque ~ue dans Ne reste. pas non plus inerte pendant les grandes
l'église une demi-heure pendant la messe dud1manche. vacances, mais prépare-toi un programme de travail
,
A la maison? Au bureau? Dans mes d'1stract lOns ' 7
. quelconque, pour les vacances elles-mêmes. Mais ne
Dans mes lectures ? Dans mes pensées ? Dans ma t'effraie pas. Il ne s'agit pas de traduire Tacite ni
conversation ? En vérité, nulle part ne paraît que d'apprendre la grammaire d'une langue étrangère
je suis chrétien! (quand même il serait bon de consacrer une heure par
Donc, prends garde, mon fils. A vrai dir~, ce sont}~s jour à un travail sérieux) . Ce que j'entends par pro-
grandes vacances de l'été qui prouvent Sl tu ;s ven- gramme de travail, c'est que tu t'occupes à une chose,
tablement chrétien. C'est le temps delagrandeepreuve quelle qu'elle soit, pendant les vacances. Lis, joue, va
spirituelle où se décidera si tu imites le Christ de tou~e au grand air, va au camp scout, nage, creuse, coupe,
ton âme ou si tu simules seulement de mener. une V1e taille, tais quoi que ce soit, mais tais quelque chose!
religieuse, sous la contrainte de l'école. Inut~le ~e te Seulement, ne reste pas à t'ennuyer, dans l'inertie.
dire. n'est-ce pas, TIon fils, que le~ vacan<:es sl~lllfient Car si un garçon reste assis à s'ennuyer et baîlle sans
l'arrêt de l'étude seulement et p0111t celU1 de l accom- rien faire, il s'engage déjà sur le chemin qui mène au
plissement des devoirs religieux. . péché. Le fainéant apprend à faire le mal. Et à celui
Tu seras ponctuel, n'est-ce pas, chaque ~lma~che, qui n'a pas de travail, le diable en donne.
à la Sainte Messe (et même plus, car tu aura1s.ma111te- Mais ensuite, à l'imitation du Seigneur, enseigne
nant le temps d'assister à la messe mêm~ les Jours. de aussi le bien à tes amis, lorsque tu en as l'occasion
semaine !), tu feras chaque matin et sou, uneynère facilement. Si tu es toi-même plein d'une piété véri-
fervente. Puis tu iras te confesser et commUlller, au table, tu trouveras ta joie à allumer dans les âmes
moins une fois par mois et même, si ,tu p~ux, plu- des autres la chaleur de l'amour divin. Le feu peut-
sieurs fois. Car tu n'es jamais réduit au so~tlen de la il brûler dans le poêle sans chauffer? La lumière
sainte confession et de la sainte c~mmullloncomme peut-elle briller dans une lampe sans faire le jour au-
précisément au milieu des tentatlOns accrues des tour d'elle? Ainsi, que ta vie silencieuse, sereine, gaie,
grandes vacances. . , harmonieuse, soit parmi tes amis une source de force
Voici donc le premier enseignement tHe des va- et de ferveur religieuse, que ta conduite exemplaire
cances du Seigneur.. . . soit une lumière qui éclaire les hommes simples et
Et notre deuxième questlon, non m0111s. 1mport~nte, sans instruction.
est celle-ci : Comment le Seigneur a-t-û rempl~ ses Circé changea en pourceaux les compagnons
d'Ulysse. Et nous constatons aussi, bien tristement,
Le Christ et la jeunesse. 14
210 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 2II
que des garçons corrompus salissent souvent leurs le seuil du couvent et écouta de plus près le ramage
amis, en font des pourceaux ou les irritent et en font de l'oiseau. Quand, ensuite, il voulut rentrer, il trouva
des roquets bruyants, ou les mettent en colère et en les portes closes. Il frappe; un autre moine, d'habit
font des taureaux furieux. Mais, par contre, ton bon différent, ouvre la porte. Ils se regardent ébahis .. .
exemple peut faire d'eux des fils du Christ à 1'âme Dans le couvent, tout est nouveau. D'autres moines
pure. Les plans du Seigneur pour prendre, pour con- nouveaux s'y étaient rassemblés et regardent le
vertir une âme, sont mystérieux. Bien souvent, vieux moine comme un fan~ôme. Son nom leur est
l'exemple magnifique d'un jeune homme profondé- inconnu. Ils apportent de vieux in-folios, font des re-
ment religieux, plein de caractère, qui passe deux mois cherches et ils trouvent qu'un moine-portier, du même
de vacances dans une ferme, dans un village, ou dans nom a disparu, il y a cent ans ... Cent ans ont passé
une famille étrangère, peut reconquérir des âmes sur la tête du moine, alors qu'il pensait être resté
froides, à la vie religieuse, pour le Seigneur Jésus- dehors le temps d'un roucoulement d'oiseau!
Christ! Chaque année vole, s'envole, inaperçue, sur nos
têtes. C'était tout à l'heure le nouvel an, et voici de
{( A l'heure où vous n'y penserez pas ... » nouveau le nouvel an, et toujours ainsi. .. Combien
encore ? Que ce sera vite le dernier, si le temps vole
« Veillez, puisque vous ne savez à quel moment votre si vite ... Mon fils, sois donc toi aussi toujours prêt à
Seigneur doit venir ... Tenez-vous donc prêts; vous aussi ; mourir !
car le Fils de l'Homme viendra à l'heure où vous n'y « Oh ! je n'ai que seize ou dix-sept ans à peine!
penserez pas. » (Matthieu, 24, 42, 44.) Je suis encore si loin du tombeau! » Ainsi, tu penses
Le Seigneur n'a pas voulu rendre votre vie morose peut-être quand tu sens en toi l'énergie, la vitalité,
et ce n 'est point pour nous faire vivre dans une peur la sève de ton jeune corps. Et pourtant ne te fais pas
constante de la mort qu'il nous a avertis que nous vi- d'illusion! Certes, il t'est bien permis de demander à
vons dans cette incertitude. Nous ne devons pas vivre Dieu de te donner une longue vie terrestre. Mais tu
dans la crainte de la mort: mais nous devons toujours ne sais pas si c'est ce que Dieu croit être meilleur pour
être prêts à la mort. toi. Et si Dieu ne pense pas que ce soit là le meilleur ?
« ]vIors certa, - hora incerta », est-il écrit sur l'hor- Dans l'église de Bergheim, sur le tombeau d'un
loge de la tour de Leipzig; la mort est certaine, - jeune homme, on peut lire cette inscription : « Mors
son heure est incertaine. aulicus non est; saepius iuniores praecederefacit senio-
Une belle vieille légende raconte qu'un moine, ribus. » « La mort n'est pas polie, elle fait souvent
portier d'un vieux couvent près d'une forêt, entendit précéder les vieux par des jeunes.» Et si le Seigneur
un jour un charmant chant d'oiseau dans la forêt. allait t'appeler en réalité dans tes jeunes années,
Il quitta pour quelques minutes sa place, sortit sur comme Il a appelé un de mes chers élèves, un an après
212 LE CHRIST ET LA JEtJNESSÈ LE DIVIN MAITRE 213
son baccalauréat? I1 était allé aux eaux thermales, ces quelques mots sublimes : « Decessit in oscuto
près de Keszthely, pour prendre un bain. Ses parents Domini. » « I1 est mort avec,le baiser du Seigneur, en
étaient assis sur la rive. Mais le garçon ne revint pas. embrassant le Seigneur. » Mon cher fils, prends la
On repêcha le lendemain son cadavre. Saisissante tra- belle habitude de dire chaque jour à la fin de ta
gédie ! Eh bien, sais-tu quelle fut l'unique consolation prière du soir, encore un « Angelus Domini» pour que
des parents terrassés ? C'est de savoir que leur fils ta mort soit tranquille et heureuse; - pour qu'à la
était allé, le matin même, se confesser et communier. minute où le Seigneur t'appellera quelle qu'elle soit,
Oh ! combien il est bon d'avoir toujours son âme Il te trouve prêt.
en règle ! cc A l'heure où vous n'y penserez pas ... » Es-tu prêt,
à n'importe quelle minute pour le dernier voyage ?
Cinq minutes. C'est un grand malheur qu'un jeune homme tombe
dans un grave péché, mais c'est une plus grande témé-
Dans un vieux livre de piété, on trouve cette re- rité encore de sa part de vivre pendant des jours et
marque sur la valeur de ce petit espace de t emps, sur des semaines avec une âme chargée d'un grave péché.
la valeur de cinq minutes: - Pendant que sainte Marguerite Alacoque rendait
Cinq minutes! C'est si peu que beaucoup d'hommes l'âme, les religieuses, ses compagnes, lui deman-
ne considèrent pas cela comme du temps. « Seulement daient si elle avait encore besoin de quelque chose. -
cinq minutes », a-t-on coutume de dire. Attendre cinq cc Non, je suis prête », répondit-elle. - Oh, si toi
minutes, souffrir cinq minutes, cela peut se supporter. aussi tu pouvais dire cela toujours!
Pourtant, cinq minutes, cela même fait un long es- Si c'est aujourd'hui même que tu dois aller devant
pace de temps. - Que peut-il arriver en cinq mi- le Seigneur ? Tes affaires sont-elles toutes en règle ?
nutes ? Souvent, c'est en cinq minutes qu'est décidée N'as-tu pas à demander pardon à tes parents ? N'y
la question de la paix ou de la guerre et par là une a-t -il aucun de tes amis avec qui tu te sois montré
foule de veuves et d'orphelins souffriront ensuite désagréable et avec qui tu devrais te réconcilier?
toute leur vie. - En cinq minutes le sort d'une ba- N'y a-t-il pas un devoir négligé que tu devrais accom-
taille et la vie de milliers d'hommes se décid.ent. plir ? N'y a-t-il aucun péché que tu devrais aupara-
- En cinq minutes, l'honnête homme peut devenir vant effacer de ton âme par le Sacrement de Péni-
un scélérat. - En cinq minutes un jeune homme tence ? Et s'il y en a, règle donc, mon fils, tout aujour-
peut perdre sa pureté. - En cinq minutes, des amis d'hui encore, car cc à l'heure où vous n'y pensez pas,
peuvent devenir ennemis. - Et les cinq dernières viendra le Fils de l'Homme ». Comme il est sage de
minutes de notre vie décident de notre salut éternel faire aussi, dans chaque prière du soir, un petit exa-
ou de notre éternelle condamnation! men de conscience, et d'aller prendre son repos, l'âme
Sur un tombeau chrétien très ancien, on peut lire purifiée et pleine d'un ardent repentir.
21 4 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE DIVIN MAITRE 2I 5
De même, sur une autre tombe très ancienne on tableau géant de Michel-Ange, le «Jugement Dernier».
peut lire ces mots: «Decessit in albis. »«Il est mort dans Quiconque a vu ce tableau en est saisi. La face du
la blancheur », c'est-à-dire quand il portait encore Seigneur Christ, arrivant au Jugement, n'est plus celle
l'habit blanc dont il s'était paré après le baptême. du doux Rédempteur, sa majesté est semblable à
Oh ! si l'on pouvait dire cela de moi ! Que mon âme celle de l'éclair. A sa vue, il semble que la Vierge Ma-
aussi était blanche quand le Seigneur est venu la rie elle-même tremble. Il y a plus de trois cents
chercher. Alors, on pourrait écrire aussi sur ma tombe figures : prophètes, apôtres, martyrs, papes ... Les
« N.on moriuntur, sed oriuntur » « Ils ne sont pas morts, anges sonnent de leurs trompettes et, à leurs voix,
malS commencent maintenant à vivre. » Car, alors, la les morts sortent des tombeaux, les parents em-
vie terrestre n'est qu'un voyage nocturne sur la mer, brassent leurs enfants, l'ami embrasse son ami. Mais
au bout duquel, là-bas, nous attend l'aube sublime. sur chaque face, on lit l'angoisse et le saisissement,
car le sort de chacun va être décidé.
Le Christ Souverain Juge. Et pourtant, ce n'est que l'œuvre d'une imagina-
tion d'artiste. Que sera-ce dans la réalité?
« Lorsque le Fils de l'Homme viendra dans sa gloire, Tu sais, n'est-ce pas, comment les hommes ont cou-
et tous ses anges avec Lui, il s'assiéra sur le trône de tume d'endormir leur conscience et de s'encourager
sa gloire. Et toutes les nations étant rassemblées devant au péché. « Dieu est si bon, si bon, si bon (disent-ils).
lui... le Roi dira alors à ceux qui sont à sa droite " Il ne pourrait pas nous punir pour l'éternité! »
II. Venez, les bénis de mon Père,. prenez possession du Quelle erreur pourtant! la beauté n'est pas la
royaume qui vous a été préParé dès l' origine du monde ... » mollesse, la bonté n'est pas faiblesse et Dieu n'est pas
(Matthieu, 25, 31, 32, 34). Mais à ceux qui seront à sa. impuissance! Ce n'est pas Dieu qui ne sait pas réaliser
gauche, il dira: « Retirez-vous de moi, maudits, allez sa volonté! Tout ce qui est majestueux a nécessaire-
au feu éternel, qui a été préParé pour le diable et pour ment besoin de la force. «Le tilleul n'est pas seulement
ses anges ... Et ceux-ci s'en iront à l'éternel supPlice, odeur, mais aussi dureté; le chêne n'est pas seulement
et les justes à la vie éternelle. » (Matthieu, 25, 41, 46 .) une couronne de feuillage, mais une puissance qui
Déconcertantes paroles du Christ, au jour du Ju- brave la hache, - le sapin n'est pas seulement résine,
gement dernier! La pensée de l'immense confronta- mais aussi un mât. Le lion n'est pas seulement une
tion devant le monde entier, la pen"sée du grand jour molle fourrure, mais une dent acérée et des griffes ;
où les âmes seront démasquées fera naître en nous des l'air n'est pas seulement zéphyr, mais aussi tempête,
sentiments plus saisissants, peut-être, que ceux qui la mer ne fait pas que baigner des coquillages, elle
nous auront assaillis dans l'incertitude de la mort et balaie les continents. » (Prohaszka. )
à la pensée de l'importance du moment de la mort. Et Dieu? Dieu n'est pas seulement un Père aimant
C'est le jour de Noël, en 1541, que le voile tomba du tendrement, - mais Il est, s'il le faut, le Juge qui
216 LE CHRIS1' ET T.,A JEUNESSE LE DIVIN MAITRÉ 21 7
châtie l'infidélité d'une main rude et par un châtiment Voilà l'instant décisif: tu te trouves devant Dieu;
éternel. Il ne te demande pas si tu as vécu longtemps; mais
Tant qu'il sculpte sa statue, l'artiste la voile aux comment tu as vécu.
yeux des hommes. Mais quand il l'aura achevée, il A sa parole, un ange ouvre le livre de ta vie. Autant
la montrera solennellement, la dévoilera. Au Jugement de jours, autant de pages. Voici les jours où tu étais
dernier, le voile sera tiré aussi de dessus la grande encore petit enfant; toutes tes prières apparaissent,
œuvre de notre vie et alors l'unique question impor- celles que tu as dites sur les genoux de ta maman et
tante sera posée pour chacun de nous : « l'image de que tu récitais sans les comprendre peut-être, mais
Dieu est-elle reconnaissable en toi, - ou bien l'as-tu que tu as dites d'un cœur fervent . - Voici ta première
gâtée sans retour » ? confession. - Oh ! avec quel repentir tu as pkuré
Dans leur vie terrestre, les hommes tâchent de sur tes péchés ... L'ange continue à feuilleter; ton corps
cacher leur être véritable et de voiler leur âme. Qui a grandi. - Mais ton âme a-t-elle grand! elle aussi ?
donc avoue ses faiblesses devant les autres? Nous Ici, aucune de tes paroles, aucune de tes pensées
voilons nos pensées. Un voile couvre toute notre vie. n'est oubliée. - Tu ne te souvenais plus toi-même
même pour nos amis les plus intimes. Mais à la minute comment ton voisin Étienne t'a tenté un jour à
du Jugement, le voile tombera ! pécher et comment tu lui as résisté. Et que malgré
Les armées d'Ottocar,roi de Bohême, et de Rodolphe, une si grande fatigue, après une excursion, tu as
empereur germanique, étaient un jour sur le poin~ pourtant fait une prière du soir. Oui, tout ce que tu as
de se battre, lorsque Ottocar, pris de peur devant la fait de bien, jusqu'au plus minime, toutes tes victoires
puissance supérieure de l'adversaire, promit de jurer spirituelles sont notées.
fidélité à Rodolphe. Il demanda seulement de le faire Mais l'ange continue à feuilleter, son visage devient
non publiquement, mais en secret, dans la tente de sombre et tu commences à t'inquiéter. Voici des
Rodolphe, sans être vu de personne. Mais, quand il taches sur les feuilles, ce sont des péchés. Maintenant,
fut là, aux genoux de Rodolphe, les cloisons de la voici une feuille tout à fait noire : ton premier péché
tente tombèrent subitement selon un plan préparé mortel. Et de nouveau des pages noires. Et combien
par Rodolphe et toute l'armée vit la peur d'Ottocar de pages noires! Oh combien de noires ! Et voici
aux genoux de Rodolphe ... Mon fils, c'est ainsi qu'un celle de ta mort, noire elle aussi. L'extrême-onction
jour, le jour du Jugement Dernier, le voile tombera y manque. L'angé referme le livre qui contient le
sur tout péché non expié que tu auras commis dans destin d'une vie, laquelle s'ouvrit pleine d'espoirs et
ta vie, en pensée, en action et en parole. En vérité, qui s'achève si sombrement.
j'ai beaucoup de raisons de considérer avec angoisse Ton ange gardien s'en va en pleurant, mais l'ange
ce dévoilement : Il n'y aura plus là ni détour, ni déchu vient prendre sa place en disant : « Toi, Divin
excuse ... Juge, tu es devenu homme pour cet homme, tu as
218 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
Mon cher fils, agenouille-toi devant le Crucifix et aima jusqu'à la fin . )) (Jean, 13, 1.)
prie d'une âme émue: « Il m'a aimé et il s'est livré lui-même pour moi. »
(Gal, 2, 20.)
SO!4veneZ-!lO!4s, dO!4X Jésus,
QtU Vous êtes venu à cause de moi
Ne me perdez pas en ce jour 1
1
1
TROISIÈME PARTIE
LE CHRIST SOUFFRANT
laisse tomber une pelote de laine, ramasse-la. Ta La population effrayée, consternée, courut vite vers
sœur cadette a peine à soulever un panier, aide-la. Tu l'église, mais s'arrêta devant, terrifiée, car on ne pou-
goûtes avec ton petit frère, donne-lui le plus gros vait rien sauver, rien protéger. De puissantes flammes
gâteau. Quelque chose est perdu à la maison, cherche- s'échappaient de l'église, le curé n'était pas chez lui,
le le premier. Oui, c'est aussi en sachant exécuter avec et à l'intérieur, oui à l'intérieur de l'église, le saint
un visage souriant les petites tâches de la vie quoti- Sacrement se trouvait là, sur l'autel.
dienne que tu observes le grand commandement de Les fidèles consternés, effrayés tinrent conseil. Qui
l'amour. irait chercher le saint Sacrement. Tous les yeux se
Mais, sois aussi aimable et attentionné envers tes dirigeaient vers le maire. « Il est le premier du village,
compagnons, - non seulement envers tous ceux que c'est sa tâche, c'est son devoir ». « Moi? Je ne peux,
tu nommes tes « amis », mais envers tous. Tous tes s'écria le maire. Moi, pauvre pécheur, prendre
compagnons ne peuvent pas, bien entendu, être tes dans ma main le très saint Sacrement, notre
amis intimes; mais sois prévenant, aimable envers Seigneur, notre Rédempt eur ! Non, cela ne se peut
tous sans exception. Envers ceux-là même qui sont pas! »
antipathiques, qui sont plus pauvres, plus maladroits Alors on prie le deuxième, le troisième, le qua-
que toi; bien plus, envers ceux-ci, surtout. Car si tu trième... .. la réponse est la même.
sais vaincre ta répugnance sans fondement, qui dérive « Moi qui suis tellement pécheur, toucher le saint
ordinairement d'une apparence trompeuse; non seu- Sacrement? Non, je n'ose pas!» Cependant l'incendie
lement tu observes le commandement d'amour du se développe de plus en plus ; une mer de flammes
Seigneur, mais tu travailles magnifiquement à déve- enveloppe l'édifice. Il n'est plus temps d'hésiter.
lopper aussi ton propre caractère et à. fortifier aussi Lorsque enfin, la perplexité vient à son comble, le
ta volonté. maire a une idée salutaire. « Bonnes gens, s'écrie-t-il,
j'ai uri petit garçon de quatre ans, qui a une âme inno-
« Ce~i est mon corps. » cente comme un ange. Le Sauveur a toujours aimé les
petits, nIes aime à cause de leur innocence. » Ceci d.it,
« Pendant le repas, Jésus prit le pain; et ayant pro- il prend son fils, l'embrasse, court à travers l'éghse
noncé une bénédiction, il le romPit et le donna à ses dis- brûlante, arrache la porte du tabernacle de l'autel :
ciPles en disant: « Prenez et mangez, ceci est mon corps. » « Mon petit regarde ; c'est dans ce ciboire que se
(Matthieu, 26, 26. ) . trouve le petit Jésus, prends-le bien. » Et au bout de
En 1870, au temps de la guerre franco-allemande quelques instants, au milieu de balustrades qui
un incendie s'alluma dans un petit village et le pre- craquent, fument et brûlent, au milieu d'une pluie
mier bâtiment qui commença à brûler en jetant de d'étincelles qui tombent dù brasier, le maire paraît
hautes flammes, était justement la maison de Dieu. à la porte, les cheveux en désordre, les vêtements brû-
LE CHRISt' El' LA JEUNESSE LE CHRISt' SOUFFRANt' 225
lés, tenant dans ses bras le petit enfant, qui, peureuse- buvez son sang, vous n'avez point la vie en vous. »
ment presse contre lui le Saint-Sacrement. (Jean, 6, 53).
Le Saint-Sacrement est sauvé! Il ne veut pas habiter dans un lieu éloigné, mais au
Que ces humbles fidèles connaissaient bien les sen- milieu de nous, tout près de nous. Ici même, Il cons-
timents d'amour, de gratitude, de tendresse que nous truit sa maison, au milieu de nos maisons, afin qu'il
devons au Très Saint-Sacrement! Quand bien même n'y ait chez Lui personne qui ne trouve remède et
l'âme d'un homme serait embrasée par le feu d'amour consolation à sa souffrance et à sa tristesse. Ainsi,
des Chérubins, quand ses lèvres chanteraient éternel- depuis deux mille ans, Il vit ici au milieu de nous,
lement les hymnes des Séraphins, quand tous nos ins- vivifie, fortifie notre vie spirituelle, la réchauffe,
tants, tous les battements de notre cœur appartien- comme le soleil le fait pour la vie de la nature.
draient au Saint-Sacrement, alors même nous ne Et puis, Il est là, chaque jour dans des milliers et
pourrions dignement remercier l'amour du Sauveur des milliers de messes afin que, élevé entre le ciel et la
qui s'est donné complètement et sans réserve à nous terre, Il apaise la colère de son Père et implore pour
dans ce Sacrement. nous la bénédiction. Et Il est là dans la Sainte Com-
Il nous a donné plus que le monde entier, puisqu'Il munion, où Il se donne avec le même amour, avec une
s'est donné Lui-même, Lui-même qui a créé le monde bonne grâce égale, aux pauvres et aux riches, aux
entier, Lui-même, sa puissance, sa bonté, ses mérites. vieux et aux jeunes.
Afin que lorsqu'Il descend en nous, son corps s'unisse
avec notre corps, son sang se mélange avec notre sang, «( Faites ceci 1... »
son âme adhère à notre âme. « Il aima les siens qui
étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin. » (Jean, Imagine seulement, mon fils, que le Seigneur n'ait
13, 1). permis à ses apôtres et à ses successeurs qu'un seul
Et à qui s'est-Il donné? A-t-Il ordonné peut-être d'entre eux puisse tous les cent ans répéter la der-
que seule la Bienheureuse Vierge puisse recevoir son nière Cène : dire les paroles sacrées, mystérieuses sur
saint corps? A-t-Il ordonné peut-être que seules les le pain et le vin, qui les transforment à l'instant en sa
âmes pures, semblables à celles des anges et qu'a".1cun chair et en son sang. Imagine qu'il n'y ait qu'une seule
grave péché n'a brûlées, puissent fréquenter sa table? messe dans un seul lieu de la terre, une seule fois tous
On s'attendrait à cela. Mais il n' en est pas ainsi, point les cent ans. Quelles migrations de peuples, quelles
du tout ainsi. Il a invité chez Lui, tous sans exception, foules d'hommes accourraient, n'est-ce pas, des pôles
tous les chrétiens fidèles de toutes les époques, de les plus lointains du monde, vers ce lieu, afin de
toutes les nations et de tous lieux. Il n'a exclu per- prendre part à la sublime et sainte Communion! Mais
sonne, Il a même édicté ce sévère commandement: «Si l'amour de Notre Seigneur n'en a pas ordonné ainsi.
vous ne mangez la chair du Fils de l'Homme, et ne Il a commandé à ses apôtres: « Faites ceci en mémoire
Le Christ et la jeunesse. -Y5
226 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
LE CHRIST SOUFFRANT 227
deMai! » (Luc, 22, 19) donnant par ces mots le pou-
voir à tous ses prêtres, de l'appeler ici-bas au milieu titudeet amour. « Il aima les siens qui étaient dans le
des hommes, n'importe où sur la terre et n'importe monde, les aima jusqu'à la fin. »
quand. Les croquis d'une vision miraculeuse s'ébauchent
Comme Il a rendu facile le sublime miracle de la dans mon imagination quand je réfléchis maintenant
transsubstantiation. Seulement quelques courtes pa- à cet amour illimité du Seigneur.
roles et la belle chose infiniment sublime est faite. A chaque aurore, quand les premiers rayons du
Lorsque le prêtre prend dans sa main l'hostie, celle-ci soleil levant tombent sur quelque coin de la terre, très
n'est encore qu'un simple pain de blé, et pas autre bas au-dessous de nous où nous regardons mainte-
c~o~e. Puis le chant, la voix de l'orgue faiblissent, nant, jusqu'à la hauteur des nuages, des centaines de
dlmllluent, le prêtre se penche au-dessus de l'hostie milliers de lumières s'allument . et les cierges brillent
et du vin et dit les paroles du Sauveur: « Ceci est à travers les vitraux colorés des églises, des chapelles,
mon corps », « Ceci est mon sang ». Et à cet instant des dômes, des cathédrales. Les prêtres couverts de
voici que le corps et le sang sacrés du Seigneur se vêtements richement brodés, se tiennent devant les
t~ouvent préset;ts, le Christ crucifié dans toute sa plé- autels et murmurent les paroles mystérieuses du Sau-
mtude. A cet lllstant, le prêtre présente, levé bien veur sur la petite hostie et le vin versé dans le calice
haut, le Sauveur qui est descendu parmi nous sous le d'or, et (::nsuite ils élèvent vers le ciel ce corps sacré
signe de l'hostie; à cet instant, le front des fidèles se qui fut suspendu entre le ciel et la terre, les bras ten-
penche, s'incline dans une humble prière et un chant dus sur le Calvaire, et ce sang qui jadis coula sur les
d'actions de grâces monte sur leurs lèvres: tourments mortels du Sauveur, sur le Crucifix.
Et au fur et à mesure que la terre tourne, de nou-
« Le voici l'agneau si doux, le vrai pain des anges velles parties du monde apparaissent sous les rayons
Du c;el il descend sur nous, adorons·le tous! "
du soleil; l'aurore arrive en des lieux toujours nou-
Et, si de nouveau nous demandons pourquoi le Sei- veaux, des cierges s'allument, des messes commencent
gneur Jésus a rendu si facile cette transformation? dans de nouvelles chapelles et de nouvelles églises.
la réponse sera encore celle-ci: afin que nous puissions Lorsqu'il est midi en Europe, quand les cloches
Le fréquenter le plus facilement possible, afin qu'Il sonnent l'Angélus et que toutes les messes sont termi-
puisse se trouver au milieu de nous dans le plus grand nées, il n'est que six heures du matin en telle contrée
nombre de lieux possibles, afin qu'Il reçoive nos hom- d'Amérique, et c'est l'heure où les messes commencent
mages sur le plus grand nombre possible d'autels, afin seulement. Ailleurs, il est 4 heures, 3 heures, 2 heures
qu'Il puisse pénétrer dans le plus grand nombre pos- ou minuit à ce moment même ... Pas une heure, pas
sible d'âmes, afin que nous nous prosternions devant une minute, pas un instant des 24 heures du jour où
Lui le plus grand nombre possible, avec profonde gra- il p.'y ait en quelque lieu du globe terrestre une sainte
messe, où les fidèles fervents ne s'agenouillent avec
228 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT 229
gratitude et amour autour du sacrifice du Corps et du la neige, dont les minuscules fenêtres s'ouvrent timi-
Sang du Sauveur. dement sur des champs de neige glacés, inanimés, de
Et quand sonne la clochette qui signale l'élévation, la région du pôle Nord.
il semble que la voix de ces millier~de clochettes d'ar- It en est ainsi de minute en minute, d'heure en heure,
gent emporte dans l'espace la reconnaissance et de jour en jour. Notre terre tourne constamment enve-
l'amour de l'huma1).ité ... La voix de ces clochettes vole loppée de ce mystérieux et sublime sacrifice. Le Sau-
à travers les prés, les monts et les vallées, les fleuves, veur semble encore traverser notre terre, comme, il y a
les rivières et les mers ; au-dessus des villes, des vil- deux mille ans, Ille fit en Terre Sainte, visible, les
lages; au-dessus des vastes pays. Elle vibre et tremble, bras étendus pour bénir et dire comme jadis, il y a
elle résonne déjà au-dessus des îles vertes, au sommet deux mille ans, cette prière au-dessus des peuples et
des montagnes qui se dressent dans le ciel, et sa der- pays agenouillés devant lui:
nière vibration s'éteint là-bas, sur les rives glaciales « Père saint, gardez ceux que vous m'avez donnés
de la mer du Nord, où dans une misérable hutte de afin qu'ils ne fassent qu'un, comme nous ... Je ne Vous
neige, quelques Esquimaux abandonnés s'agenouillent demande pas de les ôter du monde, mais de les garder
pendant la messe d'un missionnaire. du mal. » (Jean, 17, II, 15·)
Et la voix glorieuse des clochettes s'en va de même Si c'est ainsi, mon fils, que tu t'imagines la sainte
vers le Sud; elle passe au-dessus des vieilles cathé- messe, ne la fréquenteras-tu pas avec joie? Ne vas-tu
drales italiennes et espagnoles, au-dessus des rivages pas chercher des occasions d'y prendre part ? Pour-
de l'Afrique du Nord, puis gagne les habitants des rais-tu manquer à ces grandes actions de grâces des
pays les plus méridionaux. Elle s'envole à travers les peuples et des nations? Pourrais-tu rester loin de ces
mers immenses, et au-dessus de ces mers retentit par- âmes ferventes qui vont chaque jour s'agenouiller
ci, par-là, dans les cabines des vaisseaux transatlan- devant le Sauveur, qui s'est caché sous la modeste
tiques le son cristallin d'une petite clochette. Le hostie blanche ?
même saint sacrifice s'accomplit partout sur la terre;
c'est partout le même service divin, - partout le Provision d'énergie.
même Rédempteur apparaît, le même Fils de Dieu qui
vient se sacrifier pour nous. Et, c'est le même can- Il y a bien des choses que les savants n'ont pas
tique de joie et de remerciement sur les lèvres des
nègres qui, là-bas, au milieu des palmeraies africaines
j encore réussi à découvrir. Ils savent bien pourtant ce
dont l'humanité a un brûlant besoin, ils cherchent en
entendent la messe d'un missionnaire dans une tente 1 de fiévreux calculs et en des expériences de laboratoire
primitivement construite; le même cantique de joie la solution de ces problèmes.
et de remerciement dans les églises de nos plus petits Ainsi nous ne pouvons encore transformer avec une
villages, et dans cette chapelle, à demi enterrée sous économie suffisante l'énergie du charbon ou de la
230 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
}
250 LE CHRIS1' ET LA JEUNESSE
LE CHRIST SOUFFRANt'
tagnes, s'opposer à mes plans et à mes projets, Mon fils, ta mère vit encore. Tes parents, tes frères
apprenez-moi, ô Seigneur, à me résigner à la souf- . et sœurs sont en vie. Remercie-en Dieu. Mais la mi-
france, d'une âme sereine et forte et sans me plaindre nute arrivera où l'un de tes proches, de tes parents
et à sentir que c'est vous qui encombrez mon chemin. chéris, se couchera pour une dernière maladie, et
o précieuse croix du Christ couverte de cinq roses viendra le moment, le moment terrible de l'adieu!
de sang! Sainte croix, ouvrez vos deux bras san- Rappelle-toi que le Seigneur a aussi traversé ces ter-
glants ! Sainte Croix du Christ, je veux vous regar- ribles instants et cherche la consolation, dans tes mi-
der lorsque m'entraîne la tentation du péché: soyez nutes de plus grande tristesse, auprès de ce Christ qui
alors mon réconfort !
alla à la mort et qui dut aussi dire adieu à sa mère
o sainte Croix, jeveuxvousregarderlorsqueladure triste et chérie !
croix dela vie m'accable ! Soyez alors ce qui m'exhorte Mais devant cette scène, qu'il vienne encore une
et m'anime! 0 sainte Croix, je veux vous regarder autre pensée à ton esprit. Quelle impérieuse douleur
lorsq~~ mon regard moribond s'obscurcira, se glacera, envahit le Seigneur Jésus: il faut se séparer. Se sépa-
se rmdlfa : soyez alors mon espérance, ma consolation, rer de cette mère adorable. Non, je pourrais éviter
ma récompense éternelle 1
cette mort 1Je pourrais rester à côté de ma mère ! En
modérant un peu mes principes, en me détournant
Sur le chemin de la CroÏ3J. quelque peu de ma vocation!
Mais non! Non, cette idée n'a pu venir au Seigneur ,
Le Christ tombe sous le poids de la lourde croix. pas même un seul instant! Il a marché en avant, d'un
Combien d'hommes à qui les calamités de la vie font pas inflexible, dans la voie sacrée du devoir, dans cette
~~later la plai.nte du désespoir: « Je n'en peux plus. » voie épineuse et sanglante ... jusqu'au Golg~t~a. Une
:::il seulement Ils regardaient alors le Christ qui tombe
pareille hésitation pourrait certes nous assallhr, ~ous
à terre sous la Croix! Mon fils, quand même tous autres, hommes. Mon fils, les plus lourdes tentatlOns
t'abandonneraient dans la vie, quand même il n'y
de la vie sont celles où s'affrontent la raison et le cœur ,
aurait plus une seule main amicale pour te relever, que
le devoir et le sentiment.
l'exemple, la patience, la résignation etla soumission
Dimanche matin toute notre famille part en excur-
du Christ chassent loin de toi le désespoir!
sion. Ce sera magnifique, le cœur est réjoui. C'est bien,
Le. Christ ren.contre dans le chemin sa Mère, la Vierge mais comment assister à la Sainte Messe ? demande
1l!ane. Nul lTI1eUX qu'une mère ne peut sentir plus la raison. Attention: que ce soit la raison qui dirige tes
Vivement la douleur de son fils. Sa seule tristesse, sa actes, et non pas le sentiment!
moindre maladie lui causent plus de douleur qu'à l'en-
Tu possèdes ton diplôme, tu as un bon poste, tu es
fant lui-même. Qu'a donc pu ressentir l'âme raffinée
de la Vierge Marie ? devenu un jeune homme qui possède tous les éléments
de sa carrière. Ton cœur s'éprend pour une jeune fille,
25 2 LE CHRIS'!' E'!' LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRAN'f 253
une jeune fille aimable et charmante. Une seule diffi- Mais sais-tu, mon fils, que chaque péché est une
culté, elle n'a pas la même religion que toi. Que va-t-i1 reprise de la torture du Seigneur. Et combien je suis
arriver? Que va-t-il arriver maintenant? Tu sais fort moi-même susceptible! Quelqu'un me regarde de tra-
bien que si, sur les questions les plus sacrées, vous vers laisse seulement tomber un m0t, me voici fâché .
n'avez pas les mêmes convictions, ta vie familiale ne On ~'avertit avec bienveillance; et j'y vois une in-
pourra pas être heureuse! Attention: Ecoute ta rai- sulte. Combien je m'afflige et rends amère ma propre
son et non tes sentiments ! vie et celle des autres!
Tu sens dans ton âme le sublime appel du Seigneur. Désormais, nous voulons donc aussi aider à port~r
Tu dois devenir prêtre. Voici le temps venu. Le sémi- la Croix du Seigneur. Et comment? 'foutes les ~OlS
naire t'app-elle. Mais qu'il est difficile de se séparer! de que nous faisons triompher n~t.re âme de la tenta:lOn,
. quitter le foyer, les bons camarades, tes chers frères, toutes les fois que nous amehorons une autre ame,
les boys-scouts! Tout t'attire et te retient tellement !.. quelle qu'elle soit, chaque fois, nous rendons plus léger
Attention: Ecoute tON. devoir et non tes sentiments. le poids de la croix du Seigneur.
Regarde seulement comme le Seigneur a dû, à cause
de sa vocation, se séparer de la Vierge Marie!
Simon le Cyrénéen aide à porter la croix. Le Seigneur Crucifiœus ...
est de nouveau tombé par terre sous le poids de la
Croix, et comme ses bourreaux ont craint qu'il ne Un écrivain eut cette étrange idée, qui continuelle-
meure chemin faisant, ils forcèrent un homme qui ment le tourmentait et ne lui laissait pas de paix; il
venait des champs, Simon le Cyrénéen, à l'aider à aurait voulu écrire un livre qui n'eût qu'une page, sur
porter la croix. (Matthieu, 27-32.) cette unique page une phrase unique, et celle-ci ,~'u~
Cet homme, oule force. Simon ne le fait pas de son seul mot ..... Et que ce mot contint tout ce que 1 eCrl-
plein gré. Et s'il ,savait pourtant que pendant des vain voulait dire. Il réfléchit beaucoup sur cet inso-
milliers d'aunées,des millions et des millions d'hommes luble problème jusqu'à ce qu'à la fin, il reconnût que
l'envieront pour cette fatigue de quelques minutes! la langue humaine n'est pas capable de cela.
Ah, si seulement, eux aussi, ils avaient pu aider le Mais ce qui était impossible pour l'écrivain, l~
Christ saignant! « Credo » chrétien l'a résolu. Il s'y trouve un mot qm
« 0 Christ abandonné! Oh pourquoi n'y étais-je pas contient: révélation, mystère de la foi, plan de Dieu,
avec mes Francs!» s'écria Clovis, le roi païen des sort de l'homme, joie, force, philosophie, foi, - et ce
Francs, en frappant sur son sabre, lorsque pour la pre- mot c'est « crucifixus », - il « a été crucifié ».
mière fois il entendit conter la crucifixion du Seigneur. L~ mystère de la mort du Christ crucifié eut une
« Oui! si j'avais été là, je ne l'aurais pas laissé souf- telle influence sur Napoléon Ier qu'il y vit la plus
frir. » Voici ce que signifie cette exclamation. grande preuve de la divinité de Jésus ... « Maintenant
254 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT 255
je suis sur l'île de Saint-Hélène, écrit-il. Où donc mes position. Contemple le Père Céleste: c'est maintenant
flatt~urs ont-ils disparu dans mon malheur! Qui pense qu'Il accepte le sacrifice de son Fils. Regarde les anges:
à mOl ? Où solit mes amis ? Oui. vous deux ou trois ils adorent avec une émotion profonde leur Seigneur
fid~les jusqu'à la mort, vous part~gez ~on exil. Encor~ accroché sur la croix. Regarde ses ennemis : comme ils
un ms,tant et ~on corps va rentrer dans la terre pour L'injurient, comme ils Le haïssent. Regarde ... qui?
devenu nournture des vers. Quelle énorme différence Regarde seulement toi-même, toi même mon fils! Où
entre ma profonde misère et le royaume éternel de ce te trouves-tu? Dis, dis-moi, où te trouves-tu? Est-ce
C.hrist que l'on prêche encore aujourd'hui, que l'on parmi les ennemis du Christ ? Parmi ceux qui Le
atme, que l'on adore, qui vit sur le globe terrestre tout haïssent et L'outragent. Peut-être parmi ces soldats
entier.! Est-ce donc une mort? N'est-ce pas plutôt qui, au moment le plus saisissant de l'histoire du
U1~e vIe? .Une telle mort n'a pu être que la mort d'un monde poursuivaient leur tranquille partie de dés au
DIeu » (NIcolas: Etudes sur le Christ, rII Ch. 2). pied de la croix sanglante! « On dit: le Christ est
Mon fils, agenouille-toi souvent devant le crucifix mort à cause de moi! Eh bien Il est mort. Cela me
lève te~ y~~x vers le Christ qui te regarde avec u~ laisse indifférent! » Peut-être parles-tu ainsi? Non,
amour mdIcible et réfléchis, silencieusement, dans une tu ne parles pas ainsi, mais c'est ainsi que tu penses
m~ette adoration à cet unique mot: « Crucifixus » Le peut-être, c'est ainsi que tu agis, c'est ainsi que tu
Setgneur a été crucifié pour moi ... Pour moi 1... Où donc vis ! Comme si le Christ était pour toi tout à fait un
se trouve cette imagination fugitive, où bat ce cœur étranger, comme si le Christ ne t'intéressait pas,
maternel ~ui pourr~it seulement comprendre ce grand comme si tu jugeais - hélas pourrai-je le dire -
amour qm a condmt le Christ pour nous sur la Croix! que ... pour le Christ... en effet... il n'était pas dom-
. Lorsque sa croix fut élevée sur le Calvaire il s'est mage ... pour le Christ il n'a pas ,été dommage qu'on
d.ressé, Lui, semblable à une statue qui prie ~ntre le 1'ait toute une longue nuit battu, frappé; mais pour
cl(~1 et la terre, afin de se répandre, avec son corps moi, il y aurait dommage à ce que je refuse une futi-
sa1gnant et blessé, sur la terre, sur les hommes afin de lité à mon corps, à ce que je ne lui donne pas tout,
se répandre sur mon âme de pécheur et pour me et même les choses défendues.
cacher à la colère de Dieu afin d'arrêter avec ses deux Pour le Christ, il n'y avait pas de dommage à ce
bras étendus vers le haut, les foudres étincelantes de qu'on L'exposât, devant la foule qui Le blasphémait,
la colère vengeresse, pour crier aux cieux en signe en vêtement de fou, pour que tout le monde Le tourne
expiatoire et implorer notre pardon. ' en dérision; mais ce serait grand dommage pour moi
Depui~ qu.e cette croix s'est dressée, en ce premier si dans la pratique de ma religion mes frivoles amis
Vendred1 Samt entre le ciel et la terre, nous ne pou- ~I
souriaient de moi.
vons plus jamais l'oublier. Vis-à-vis de la croix cha- Il n'y avait pas de dommage pour le Christ à ce
cun, en tous lieux, doit de quelque manière p:endre qu'on lui piquât des épines pointues dans le front;
256 I,E CHRIST E'l' l,A JEUNESSE
pettt garçon de sept ans roule dans la poussière ... Seigneur, c'est ma lâche faiblesse ~Ul echappe, au
Le Seigneur ne demande pas tant de toi mais travail et au devoir, et c'est Vous qut avez porte !a
n'oublie jamais, dans les difficiles moments de 'ta vie croix pour cela! Seigneur, c'est moi ,qu~J~s orguel~
quelle force jaillit de la Croix du Christ! ' leux et c'est Vous qu'on a couronne d epmes ! Sel-
Si l'étude est sans joie, si l'accomplissement de gne~r, c'est moi qui fus vaniteux et c'est Vous qu'o?-
ton d~voir te coûte des sacrifices, jette un regard sur a tourné en dérision, dans un costume d~ fou. ?el-
la C:OI X et tu recevras des forces pour accomplir ce gneur, c'est moi qui ai l'habitude de, mentlr. et ~ est
sacnfice. Si parfois il t'est si difficile d'obéir, s'il Vous qu'on â frappé sur le visage. C est mOl qut me
t~ semb~erait si doux d'échapper aux leçons difficiles, suis montré dur, envieux, envers mes compag~ons,
SI certaines décisions de tes parents te semblent si joyeux de leur malchance .et c:es~ sur. Vous ~u on a
craché. Seigneur, c'est mOl qut al salt mon ame de
LE CHRIST ET LA JEUNESSJ~
LE CHRIS1' SOUFFRAN'l' 26 5
pensées impures, infecté mon corps d'actes pécheurs,
et c'est Vous qu'on a fouetté avec un fouet de plomb. La confession est-elle difficile ? Peut-ê~re inco~
Ce sont mes yeux qui ont vu le péché, ce sont les mode et exigeant de l'humilité. Mais ne Juge pomt
Vôtres qui se sont mouillés de sang. C'est mon pied d'après les apparences. Il y a des fruits dont l'écorce
qui a marché sur la voie du mal, c'est le Vôtre qu'on est dure, désagréable, immangeable. L'homm.e super-
a transpercé de clous ... Mais désormais, Seigneur, ficiel ira même jusqu'à les jeter peut-être. MalS le sage
aussi ma prière sera celle de Saint François de Sales: sait que l'intérieur en est doux, parfumé et rafraî-
« Si j~ savais qu'il existe une seule de mes veines qui chissant. Lutter, se lasser, tomber; hélas, c'est un
ne SOIt pas à Dieu, je l'arracherais et je la jetterais sort commun de l'homme humain : mais qu'après
dans le feu. » notre chute il n'y ait pas une ruine défi~it~ve',etque ",:?us
ne demeurions pas vautrés dans le peche, c est dé1a le
Je .sZfis debo~t au sombre faîte du Golgotha
VOUl le Chnst, et me ~'Ol'ci ... don pascal du Seigneur!
Le Christ saigne, saigne 1 Èt comme la confession correspond à la nature l.a
éro.·int~s ;t ~lt;tte;, ~e ;eg~rd~nt' le; ci~q 'ble~sz;res' . • • plus intime de l'homme! C.ombien l'homme, a SOIf
Plus p~urpres que la. pourpre, plus ardentes que la flammé. de s'expliquer une bonne fOlS devant quelqu un, de
Le Clmst sazgne, sazglle ! dire à quelqu'un, en toute confiance, ses péchés et ses
je ~e pe~x ~u; pleul:er: m~ Ûvr; l~ur;nu~e": . .... fautes ! La connaissance accablante de ses fautes est
« Jésus, Je vous aime: ayez pitié de moi! un si lourd fardeau, que bien des malfaiteurs cé~èbr~s,
Le Christ saigne, saigne!
qui avaient réussi pourtant à échapper à la Justtce
(A. SlK). terrestre se livrent eux-mêmes après de longues tor-
tures morales : ils ne peuvent plus supporter la mor-
(( A ceux à qui vous les remettréz ... » sure du péché qui les brûle. .
La psychologie moderne a découvert aUSSI ,que la
Le Sauveur ressl1~cité des morts apparaît aux
apôtres tremblants derrière les portes fermées et leur conscience d'un péché ou d'un crime étouffe av:ec
dit: « La paix soit avec vous! Comme mon Père m'a force peut causer des troubles spirituels, des mal~dIes
envoyé, moi aussi le vous envoie. APrès ces paroles, il et que, par contre, si nous pouvons nous exph~uer
soutJla sUr eux et leur dit: Recevez l'Esprit Saint. devant quelqu'un, tout à fait franc~emen~ cet eta~
Ceux à qui vous remettrez les Péchés,ils leur seront remis' tendu de l'âme disparaît et elle redevIent same. Aussl
et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. :) de nombreux psychologues non catholique~ ne cessent-
(Jean, 20, 21, 23) : ils pas, du seul point de vue de la sante mor~l~ de
Le S3.crement de Pénitence est un dort sublime du louer la confession. Et même les chefs des rehglOns
Christ ressuscité: c'est le jaillissement de l'aurore de flon catholiques ont-ils découvert l'un aprè: l'autre
Pâques, qui échappe au tombeau des péchés. quelle lacune irréparable c'est pour eux que 1 ab~ence
de confession; et ils tâchent de la remplacer par toutes
266 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT
sortes de succédanés. (( Que ne donnerais-je, écrit une main cet inaccessible moyen de t'instruire toi-
protestante, Mme de Staël, si je pouvais m'agenouiller même: la sainte confession, N'accomplis pas la con-
dans un confessionnal catholique! » fession à contre-cœur et seulement (( parce que l'école
En Espagne, dans une chapelle latérale de la ca- nous y force», et ne te contente pas des confessions
thédrale de Séville, se trouve, au milieu de quatre scolaires. Mais, va te confesser avec la sainte joie
cierges jaunes qui brillent mystérieusement, un cru- que donne la résolution d'une promesse d'améliora-
cifix immense. Son nom seul est déjà étrange: (( El tion et d'un commencement d'une vie nouvelle et va
Cristo de los desamparados » - (( le Christ des malheu- te corJesser souvent, autant de fois que ta jeune âme
reux ». Il n'y a rien d'autre dans cette sombre cha- sentira que la poussière de la vie quotidienne aura mal-
pelle, ni banc, ni tableau, mais seulement le Christ, gré ta meilleure volonté recouvert de nouveau ton
la tête basse ; le visage infiniment douloureux, sur le âme. Agenouille-toi dans le confes3ionnal, où t'attend
Crucifix et devant lui un prie-Dieu, muni d'une forte le représentant du Christ, non seulement avec une
chaîne. Des chaînes de brigands sur un prie-Dieu! 1
contrition profonde, mais aussi avec l'émotion d'ur.e
Qu'est-ce? Il est de coutume à Séville d'amener les joie spirituelle et mystérieuse, - et dis au cœur
criminels lorsqu!ils sont condamnés ~à mort, la nuit aimant du Christ: (( Mon Père, j'ai péché, mais je me
avant leur exécution devant ce Crucifix saisissant et repens. J'en souffre et je ne le ferai plus. - Seigneur,
de les laisser enchaînés seuls a; ec eux-mêmes dans si Vous voulez, Vous pouvez me purifier. » Et le Sei-
cette chapelle. Il n'yen a que deux qui restent pour gneur répond : (( Je le veux, sois purifié ! »
la nuit: le Christ crucifié et le criminel infâme. Et, Et S1tr ton âme purifiée par le sacrement de Péni-
dans l'âme du malheureux homme s'éveillent de tence se réPand le rayon vivi fiant de l'aube pascale.
vieux souvenirs. Quand il était encore petit enfant...
petit garçon et qu'il disait sa prière du soir, en longue «( Ceux qui n'ont pas vu. »
chemise toute blanche comme la neige... la petite
église de son village natal, les dernières paroles d'aver- Quand le Sauveur ressuscité apparut aux apôtres,
tissement de sa mère mourante. Le condamné à mort Thomas n'était pas avec eux. Et il ne crut pas que le
regarde, regarde, il ne peut détourner ses yeux du Seigneur fût vivant. Huit jours ap,rès, quand Thomas
Crucifix et de ses lèvres jaillit la prière, prière depuis , aussi était présent, le Christ apparut de nouveau.
longtemps oubliée : (( Senor acuerdate de mi 1 » - 'fhomas, honteux, s'écria: (( Mon Seigneur et mon
(( Seigneur, souvenez-vous de moi! Il Dieu!» Jésus lui dit: (( Parce que tu m'as vu, Thomas,
Agenouille-toi, toi aussi, dans le confessionnal, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont
chaque fois avec pareille contrition, et incline ton cru 1» (Jean, 20, 28 et suiv.)
visage plein de larmes sur la poitrine du Seigneur. Oh que cette parole touche la vibrante blessure de
'- Réjouis-toi de ce que le Seigneur te donne dans la bien des jeunes cœurs. Seigneur, Seigneur, gémissent
268 LE CHRIS'f ET LA JEUNESSE
LE CHRIST SOUFFRANT 26 9
tant de jeunes gens au milieu des luttes de l'adoles-
cence, je voudrais croire! Croire comme je le pouvais dans ses paroles! Quelle présence d'esprit Quelle
quand j'étais un petit élève en culotte courte. J'ai- finesse et quelle force écrasante dans ses réponses !
merais accepter les thèses de notre religion avec une Où est l'homme, où est le sage, qui sans faiblesse et
simplicité aussi naïve, avec une franchise aussi natu- sans affectation peut agir, souffrir et mourir ainsi ! Si
re11e que je le pouvais alors en cet âge bien heureux la vie et la mort de Socrate sont d'un sage, la vie et la
de l'enfance. Mais en vain ! Cela est impossible ! De mort du Christ sont d'un Dieu. » (Rousseau: Émile.)
jour en jour, mon esprit s'empare de nouvelles idées, Pendant la guerre, le soldat se trouve, souvent,
des horizons nouveaux s'ouvrent à mes yeux. Oh ! devant des tâches dont i1ne peut comprendre le but
si je « voyais» moi aussi! Si je voyais que Vous êtes et la logique. N'importe! Il doit absolument exécuter
vé- ritablement présent dans le Saint Sacrement. Si le commandement du chef, car, dans la minute où
je voyais que Vous êtes véritablement le fils de Dieu. le soldat commence à douter de la parole de son chef,
Si je voyais qu'il y a une âme, une vie éternelle, une la bataille est déjà perdue. Je ne dois pas, moi non
récompense éternelle. plus, fléchir dans la foi que j'ai mise en mon rh~f,
C'est ainsi que lutte et combat l'âme de bien des le Seigneur Jésus, car si je doute de ses paroles, Je
braves jeunes gens. Mon fils, si tu parviens toi aussi perds la grande bataille de la vie. « Je sais en qui j'~i
à cette orageuse lutte spirituelle, souviens-toi des cru, et j'en ai la certitude », répondrai-je chaque fOlS
paroles du Seigneur : « Parce que tu m'as vu, Thomas, qu'au milieu de mes lectures, de mes études, ou sur
tu" as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont les lèvres de mes connaissances, une objection, une
cru! » difficulté surgit contre ma foi.
Il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons « Il est vrai, je ne vois pas clairement comt'" ent
pas dans cette vie terrestre, bien d'autres choses que est tel ou tel enseignement de ma foi... mais n'importe,
nous pressentons seulement mystérieusement, mais fe le crois ! Je le crois car le Seigneur dit : « Heureux
ce que je vois du Seigneur Christ cela me suffit lar- ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru. ))
gement pour croire ce que je n'en comprends pas! Ce sera ma première réponse.
L'incroyant pédagogue français, Rousseau, dut lui- Bien entendu, je ne m'en contenterai pas. Mais,
même s'écrier une fois: «Est-il donc possible que celui , j'examinerai la chose, je consulterai mon directeur
dont l'ltvangile raconte l'histoire ait été simplement spirituel, je lirai des livres qui traitent plus à fond
un homme? Est-ce ainsi qu'un homme de foi fer- la religion catholique.
vente ou qu'un chef assoiffé de gloire a coutume de Et ceci mêmé ne me suffit pas! Je veux croire,
parler? Que11e douceur! Que11e pureté morale 1 certes. Je veux aussi appuyer ma foi sur des argu-
Que11e touchante tendresse dans son enseignement! ments inte11ectuels ! certes. Mais au-dessus de tout
Quelle majesté dans ses principes! Quelle sagesse ceci :
Je veux vivre aussi ma foi, vivre selon ma foi sainte,
27° LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT 27 I
fièrement, en pleine conscience! C'est avec cette foi Le Chl'ist glorieu.x.
que je recommande à mon Père, au premier moment
de mon réveil, le travail de toute ma journée, et dans Le dernier moment de la vie terrestre du Seigneur
ma prière matinale, je prie lentement en réfléchissant, est arrivé, Il rassemble autour de Lui pour la dernière
aussi le Credo, le « Symbole des apôtres ». Pendant la fois ses disciples. Et voici ses dernières paroles :
journée, si des tentations m'assiègent, je dis: (( Mon ct Toute puissance m'a été donnée dans le ciel et sur la
Seigneur, je ne commettrai pas de péché, car ie crot's 1 » terre. AUez donc enseigner toutes les nations, les bapti-
Si j'ai beaucoup de travail et si ma tâche est diffi- sant au nom du Père, et du Fils, et d~t Saint Esprit,
cile : (( Oui, Seigneur, je l'accomplirai, car ie crois 1 » leur apprenant à garder tO~tt ce que ie vous ai commandé:
Mon fils, qu'ainsi le saint Visage du Seigneur Jésus et voici que ie suis avec vous tous les iours iusqu'à
se reflète dans ta vie et dans ton âme· pure ; alors tu la fin du monde. » (Matthieu, 28, I8-zo.) Puis, à leurs
passeras au-dessus des doutes et des luttes les plus yeux, Il s'est élevé, plein de tranquillité et de dignité
pénibles de la vie, avec sûreté, sans aucune peine, et dès qu'Il s'est éloigné de la terre, un nuage passa
ainsi que l'araignée d'eau insouciante bondit au-dessus au-dessous de Lui et Le déroba à l'œil des apôtres.
des eaux des gouffres vertigineux. L'oiseau chante Mon fils, considère le Christ qui s'élève ainsi dans
alors même que, au-dessous de lui, la branche se brise le ciel. Voici donc quelqu'un qui n'a jamais causé
en fracas, puisqu'il sait qu'il a une aile. Au-dessous nulle douleur à personne, qui, au contraire, est venu
de toi aussi, le monde tout entier peut s'effondrer, pour soulager la douleur. Quelqu'un qui, pour de-
et pourtant tu ne seras pas brisé si tu as l'habitude venir grand n'a jamais répandu d'autre sang que le
de prier aussi pour une foi ferme. Prie souvent avec sien. Quelqu'un qui, durant toute sa vie, n'a foulé
les paroles de saint Augustin: (( Inter brachia Salvatoris personne aux pieds, mais a élevé tous ceux qui l'ont
mei et vivere volo et mori cuPio. » seulement regardé. Qui n'a pas poursuivi la gloire et
(( C'est entre les bras de mon Sauveur que je veux dont pourtant le nom éclipse aujourd'hui toute gloire
vivre et que je désire mourir. » Et alors, on pourra un et toute puissance humaines. Qui pendant toute sa
jour écrire aussi sur ta tombe la maxime splendide vie terrestre fut doux, humble et retiré; et voici
qui se trouve sur celle de Newman, le cardinal anglais, pourtant qu'aujourd'hui, on ne parvient à la grandeur
si célèbre dans le monde entier. (( Ex umbris etimagini- d'âme qu'en imitant Son âme et Sa vie, qu'en suivant
bus veritatem. » Il est parti voir après les ombres et les enseignements du Christ et observant Ses comman-
les symboles, la vérité ... dements.
Combien, dans certains pays, il y a de garçons ca-
tholiques qui sont, au moins d'après leur certificat
de baptême, les fidèles du Seigneur et les enfants du
Seigneur J éstls. Mais, hélas, nous ne pouvons dire
27 2 LE CHRIST El' LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRAN'l' 273
de ~ous qu'ils sont tous enflammés de l'amour du Christ, et quelle que soit ta joie, partage-la avec Lui.
Chnst, que non seulement, ils apprennent de Lui ave ,Réfugie-toi auprès de Lui et viens poser ta tête
~~e âme froide, mais qu'aussi ils s'agenouillent avec lasse, le soir, dans sa main.
J?le devant Lui, Le choisissent pour leur unique di- Un repos indicible envahit l'âme de celui qui sait
ngeant, pour leur meilleur ami. Ils L'accueillent sou- vivre avec le Christ dans une telle naturelle chaleur.
~~nt, avec ~n cœur froid et peu s'agenouillent avec Il sent que la splendide figure du Sauveur est encore
lOle a se~ Pleds et peu Le choisissent pour leur diri- aujourd'hui après un éloignement de 2000 années,
geant Ul11que et leur meilleur ami. une grande source d'énergie, formant la vie, un carac-
Une admirable statue du Christ, du sculpteur tère ferme d'acier. « Je suis avec vous chaque jour
Thorwal~sen, se trouve dans une église de Copenhague; jusqu'à la fin du monde. »
or, certal11 voyageur la regardait avec désillusion ne Le jeune homme qui a pris pour modèle le Christ,
p~uv~n~ en découv~ir la beauté si célèbre ; quelq~'un pour L'aimer, Le suivre et L'imiter en tout, découvre
l~l ~lt ; « Agenot1ll~ez-vous, Monsieur, et regardez dans les yeux du Seigneur, comme l'ont déjà fait
~l11Sl, d e~ b~s, .le ;lsage du Christ. » Le voyageur bien des grands hommes de l'humanité, une source
layant falt al11Sl, decouvrait aussitôt toute la beauté d'amour ardent, de force stimulante et de courage.
de l'œuvre d'art splendide du sculpteur. Pour t'y conformer, réfléchis, mon fils, aux sublimes
Mo.n fils, agenouille-toi, aussi, très souvent, devant paroles du grand Hongrois Etienne Széckenyi, qui a
l~ Selgneur C~rist, regarde beaucoup son visage et écrit: « Heureux ceux qui n'ont pas été contraints
alme-Le ;t SU1S-Le, et. t~ verras, tu seras enchaîné par par une grande maladie, épilepsie ou langueur, ou
sa beaute. La force vlvlfiante que donne un vivant par la peur de la mort à venir se traîner à genoux aux
,::ontact avec l~ Seigneur Jésus, circule et bat da;ls les pieds de la croix. Mais qui, dès les plus belles années
ames de. tels Jeunes .garçons, ainsi que, d'après une de leur vie, remplis encore du sentiment de la jeunesse,
C?mparalSon d~ Chnst lui-même, le jus de la vigne de la santé et du bien-être et presque comblés des
clrcule et travallle dans les ceps. joies préliminaires de l'immortalité, ont élevé leur
!Ieureux le jeune garçon qui peut vivre avec le cœur vers la Très Haute Perfection, volontairement,
~el~n,eur dans une telle chaleureuse et naturelle in- par amour pour la suprême bonté. Et heureux ceux
ttmlte. Dans son cœur vit l'image du Seigneur comme qui, non seulement par leurs paroles, mais aussi par
une mer lumineuse et qui rayonne de force; sa raison leurs actions ont pratiqué le véritable enseignement
est. f~rteme?t entraînée à rendre hommage à ce Christ de leur religion, et non seulement parce qu'un proche
qUl ~ enchal11e ~ar l'amour: Et voici une puissance qui danger les poussait à adorer Dieu, mais animés par
ne t. abat ~as a terre, malS te fortifie et t'élève, te tous leurs sentiments les plus beaux, par toutes leurs
cornge et t encourage: te mûrit, fait de toi un homme. émotions les plus nobles, et par cette angoisse, ce souci,
Mon fils, quel que SOlt ton l11al, regarde le visage du cette crainte interne et inexplicable que tout
Le Christ et la jeunesse. r8
274 LE CHRIST ET LA JEUNESSE
LE CHRIST SOUFFRANT
homme. a~ cœur pur sent en soi-même, afin de libérer
la pa:tIe l~mortel1e de soi de tous les phénomènes ver remèd.e à tout péché ? Se trouve-t-il véritablement
a~ectIfs la1~s et bas. » (Id. Fekete-Varadi : Con/es- dans cet évangile de quelques pages la réponse à des
szon et ensezgnements de Széchenyi, Budapest, 1926, milliers de questions que pose la vie moderne, in-
p. 21 9.)
croyablement compliquée? Oui, nous obtenons ré-
Mon fils, aujourd'hui, où le monde annonce un ponse et remède à tout, car le Maître des maîtres, le
nouveau paganisme, ne t'écarte pas dt6 Christ! Re- Médecin des médecins qui parle ici n'a pas résolu les
g~rde la ?roix .- ce n'est point Boudha, ni Mahomet, questions en détail et n'a pas gUé:i les symptômes ~es
n~ Darwm, 111. Haeckel, ni Anatole France, ni Zola, maladies : mais il a donné le traitement de la racme
111 Boelsche qUl sont morts pour toi - Mais le Christ 1 de tous les maux; de toutes les misères et de la source
de nos mauvaises passions.
J~yous remercie Sei~neur Jésus-Christ
D etre mort pour mOl Depuis que le Christ est venu parmi nous, l'homme
Al~ ! ne permettez pas que Votre sang et Votre souffrance ne peut plus penser et vivre comme aup~ravant.
SOient perdus pour moi! .
Maintenant, nous savons quelque chose qu aupara-
vant nous ignorions : nous connaissons la valeur de
« Le ciel e~ la terre passeront, mais mes paroles ne
passeront pomt J » a dit jadis le Sauveur. _ Vois notre âme; nous savons comment il nous faudra vivre
seulement, mon fils, combien le Seigneur avait rai- et si nous tombons dans le péché, nous sentons que
son J Quelques pages à peine nous restent de ses pa., nous sommes devenus maintenant des traîtres.
roles. Ou peut faire imprimer n'importe quel évangile
Î Car il est venu parmi nous une fois déjà quelqu'un
dans ur: ~ahier de quelques pages, et pourtant quel qui a vécu devant nous la vie la plus par!aite. et cet
effet saISIssant les paroles du C1:rist ont eu sur le idéal exemple ne peut nous laisser en paIX: 11 nous
monde J « Œuvres complètes de N. N. en 18 volumes» stimule, nous excite: « Regarde le Christ! Vois com-
voyons-no:rs d~ns les bibliothèques. De puissants vo~ bien tu es encore loin de Lui. En avant donc!
lumes. ~aIs qUI est-ce qui les lit? Les paroles réunies La dernière phrase de la Sainte Écriture est celle-
du Chnst ne font que quelques pages, mais une force ci : « Venez, Seigneur Jésus! » C'est avec ces mots
c~pable de transformer le monde se répand de chacune qu'est mort le diacre Saint-Etienne, le premier n;ar-
d elles. Comme d'un radium mystérieux, la vie rayonne tyr. C'est avec ce mot que nos aïeux ont attaque et
des paroles du Christ glorieux; depuis 2000 ans déjà · détruit l'ennemi païen. C'est celui que louent les lèvres
elle r~yon~e e! leur force n'a pas faibli d'une nuance J de millions d'hommes, chaque jour: « Loué soit le
, Ma~s n est-ll pas exagéré de prétendre que dans Seigneur Jésus-Christ. » « Que ta vie soit aussi la
~ enseIgnement d~ Christ, nous obtenons des réponses louange du Seîgneur / »
a toutes les questIons spirituelles et morales, nons fui- Apprends du Christ la véritable phi~oso~hie de la .;.
sons un baume à toute blessure, et nous pouvons trou- vie. D'après l'opinion du monde, celUl qUl .est sa~e
se suffit à soi-même. Mais d'après la conceptlOn chre-
LE CHRIST Et' LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANt' 277
tienne, le sage est celui à qui, sauf Dien, rien ne suffit ce qui est vieux lui semble mauvais. Elle n'aime pas
- Que le Seigneur Jésus soit ta force, ta joie et ta à apprendre, à travailler. L'avenir est donc angoissant,
consolation !
car si telle est la jeunesse d'aujourd'hui, tel sera le pays
Jésus, Votre souvenir dans dix ans... C'est ainsi que fugent les pessimistes
Est la plus douce des joies et ils ont tort.
Mais Vous posséder Mais les optimistes ont-ils raison ? Ceux-ci ne voient
Surpasse tous les plaisirs sous le ciel.
dans la jeunesse actuelle qu'un noble enthousiasme
idéal.
Le Christ et le jeune homme. Ils voient dans ces âmes de nombreuses vertus,
une naturelle simplicité, la faculté de renoncer, de
Peut-être, n'y a-t-il encore jamais eu d'époque dans patienter, les floraisons d'une vie religieuse chrétienne,
l'histoire de l'humanité où les hommes faits aient re- ptatiqu~e. D'après eux, la jeunesse d'aujourd'hui
gardé avec p.lns d'espérance croître la jeunesse, que s'est visiblement tournée vers le Christ, car sa jeune
la nôtre. Mals dans un pays où les voiles du deuil âme a d'instinct senti qu'il n'y a pas dans le monde
cachent mal sous leurs plis l'amertume des pleurs un autre point ferme pour sortir du chaos de dissolu-
des souffrances et des douleurs, des cœurs ulcérés' tion et de pourriture. C'est ainsi que voient les opti-
c'est avec ~lus d'espoi: et de confiance encore qti'o~ mistes. Et, hélas, ils n'ont pas non plus raison. C'est-
regarde la Jeunesse ql11 grandit. à-dire qu'ils se trompent en ce qu'ils croient constater
,~ais le.s opinions. sont contradictoires lorsqu'il déjà un fait, une réalité. Par contre, ils ont absolu-
s agit de Juger cette Jeunesse d'aujourd'hui. Est-elle ment raison de remarquer que la jeunesse d'aujour-
meilleure que celle d'avant-guerre? Est-elle Plus sé- d'hui doit se tourner de nouveau vers le Christ, de
rieuse ou Plus frivole? Est-elle Plus ferme de caractère toute son âme, parce qu'elle a besoin de Lui.
ou moins? Est-elle Plus disciplinée, ou irrespectueuse Le Christ et la Jeunesse! Deux grandes réalités qui
de l'~utori~é ? Est-elle Plus disciPlinée ou Plus affamée se désirent l'une l'autre et s'appartiennent. Le Christ
de dzstractzons ? Devons-nous les embrasser, ces feunes, est le Chef né de la Jeunesse, car en Lui se concentrent
ou les repousser? Les encourager ou nous opposer à eux. toute la plénitude et tout l'effort noble qu'une jeune
En un mot, est-ce que la feunesse d'aufourd'hui pose âme peut aujourd'hui se proposer comme idéal de
les fondements d'un nouvel avenir ou détruit-elle les ses luttes.
colonnes restées encore debout après la grande catas- Vois seulement de plus près tout ce qu'un jeune
troPhe mondiale ? homme plein de forces peut se proposer et comment
Il en est dont le jugement est sombre. La jeunesse le Christ peut lui apporter aide et stimulant dans ses
d'aujourd'huiest effrénée, irrespectueuse de l'autorité, ambitions les plus nobles.
extravagante; elle ne veut faire qu'à sa tête; tout r ) Le premier signe de reconnaissance d 'un jeune
LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT 279
homme qui est en bonne santé, c'est le besoin d'acti- ne voyons point le Seigneur Jésus comme un doux
vité, - un grand désir d'activité. Il ne veut pas rester sentimental, - Il est au contraire, dans t~utes le~
inerte sur la grande place de la vie, ni s'adonner à manifestations de sa vie, un homme, un heros, qUl
des rêveries sur la mauvaise marche du monde, mais connaît son but, pour qui, aucun sacrifice pour ce but
il tâche, d'un bras musculeux, de saisir la roue du ne coûte, et qui, seul, abandonné de tous, ose se tou~
destin. ner contre ses puissants ennemis, contre la foule re-
Eh bien, le Christ ne nous enseigne-t-Il pas la même voltée et au sein d'un monde ennemi persévère jus-
chose? Lui, n'a pas été seulement un sage occupé à qu'au bout, jusqu'à souffrir, jusqu'à répandre son
philosopher, il n'est pas resté, tel un boudhiste, sang, jusqu'à la mort. L'histoire. du mond; a:t ell.e
inerte, à côté duquel se précipite tout le grand courant donc un autre héros tel que LUl ? Et LUl, n a-t-il
de la vie. Ce n'est pas d'une façon timide et faible pas justement le droit d'exiger de ~oi, garçon e.nthou-
qu'Il a tenté de se mêler au tourbillon de la vie . mais siasmé pQur l'héroïsme, que, parml les tentations de
Il a désaxé le monde! Le Seigneur n'a jamais été inerte la vie qui t'assaillent, tu ne sois pas, non plu~, un
passif, et quand il s'agissait du travail, de l'aide ma- roseau, que tu ne chancelles pas non pl,:s à dro~te et
nuelle ou morale des hommes, Il n'a jamais connu la à gauche, mais Le · suives, les yeux fixes au ctel, le
fatigue. Sa Passion même, Il ne l'a point supportée front obstinément levé comme celui d'un chêne.
passivement, dans le sens qu'Il a dû s'incliner devant Je sais, je sais bien, que l'héroïsme est grand, dans
une fatalité inévitable; mais bien une pratique le inonde bouleversé actuel, de garder dans leur blanche
d'amour agissant envers Dieu et envers ses prochains. pureté les idées et les conceptions chrétiennes de. nos
« Travaillez tant qu'il fait jour », « Jetez le filet », dit jeunes années. Oh, combien de jeunes gens qU,l re-
le Seigneur; et la jeunesse qui veut travailler suit gardent avec effroi, avec incertitude autou.r deux,
sa trace. lorsque au début de leur carrière, i~s entr,en~ ~ans ~e
:t Mon fils, si la vie active est ton idéal, c'est donc dans monde des hommes faits et y valent negllges , me-
le Christ que tu trouves le meilleur exemple. sestimés, reniés, raillés et tournés en dérision tous l,es
2) L'héroïsme est la parure de toute âme jeune et idéaux sur lesquels ils voulaient bâtir .toute ,leur Vle,
remplie de forces. Si quelque pensée, idée ou but lui d'après les saintes résolutions de, l~u: Jeune ~me. Oh,
plaît, elle y consacre toutes ses énergies et tout son combien cette vie actuelle, matenallste, qUl. c~erche
enthousiasme. Elle ne connaît pas d'obstacle et sourit seulement à amasser des richesses et des pl~lslts, est
à la difficulté. Cet enthousiasme héroïque est un élé- une dangereuse pierre de touche pour ta fOl enthou-
ment indispensable dans une âme jeune et celui à siasmée. . . l'hé
qui il manque a déjà commencé à se flétrir, Mais, mon cher fils, c'est justement quan~ -
'. Mais y a-t-i1 dans le monde un idéal plus hé- r01sme te plaît, que tu devras te modeler sur le Se~gneHr
roïque que la sainte figure du Seigneur Jésus? Nous Christ.
280 I.E CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRAN'f 281
3) Qu'est-ce qui caractérise encore une jeune âme? vers les dmes, mais le péché m'attire vers le gouffre.
Une grande confiance dans l'avenir, du courage, de Je voudrais m'envoler sur les hauteurs d'une vie noble,
l'élan, de l'optimisme. idéale, mais la tentation du péché brise mes ailes, de
Dans son organisme tout gonflé, des forces bondis~ son énorme poids de plomb. Oh jeunes garçons! qui
santes croîssent et mûrissent : elles lui peignent le d'entre vous n'a pas encore ressenti cette grande lutte,
monde en rose et lui font paraître tous les obstacles cette bataille furieuse et terrible entre le bien et le
faciles à franchir. A côté de la lassante sécheresse èt mal!
de la sobriété des vieillards, le monde a besoin aussi Eh bien, savez-vous qui peut nous aider dans cette
de l'optimisme ardent de la jeunesse qui assure le dure lutte? C'est la bonne humeur d'une âme dévouée
succès, engage les entreprises. et optimiste, prête à faire des sacrifices. Je lutte pour
Jeunes gens! Vous faites bien de chanter, d'être le Christ, donc je lutte avec joie, avec bonne humeur,
gais et optimistes. _ et je vaincrai! Garçons, vous, dont l'âme est pure,
La chanson, le chant, naissent de la joie et pro- vous qui luttez avec gloire contre le péché, soyez tou-
duisent la joie; et la joie est une source de force qui jours de bonne humeur. Ne b aissez pas la tête, ne vous
stimule un travail excellent. courbez pas aigrement. Mais la tête haute, le corps
Notre sainte religion sait bien que la jeunesse sur- droit, le front levé vers les étoiles! Là où ne brille
tout a besoin de joie, que la jeunesse gaie et joyeuse point le rayon du soleil, la moisissure jette son in-
peut plus facilement développer son âme de façon fection et ses laideurs, l'air est vicié, étouffant et
harmonieuse et qu'elle sait résister avec plus de succès, fourmille l'armée affreuse des cloportes aux cent pieds .
même aux tentations du péché. Mais les moisissures du péché, l'air pourri et les clo-
Certainement, vous avez déjà constaté, vous aussi, portes du mal peuvent aussi surprendre les âmes
combien d'obstacles, s'amoncellent, ainsi que des , mornes et renfermées. Ainsi, plus votre âme est pure,
montagnes, dans ce chemin de la formation idéale de plus la bonne humeur doit éclater sur vos lèvres. Qui
notre âme. Nous savons quelles sublimes idées le pourrait être de meilleure humeur qu'un jeune homme
Seigneur a peintes devant la vie humaine, devant ma à l'âme pure, à l'esprit épris d'idéal, et qui aime son
vie également. Dieu! :gloignez, démentez ce préjugé faux et injuste
Nous nous enthousiasmons pour les enseignements qui veut que, pour être joyeux, un jeune homme doive
sublimes du Seigneur Christ, nous voudrions vivre \ recourir au péché, - et que si un garçon veut prendre
d'après ceux-ci et former, la plus belle possible, en du plaisir, il doit transgresser les commandements
nous, la Sainte Face, majestueuse du Seigneur Jésus ... de Dieu.
Mais, hélas! j'aperçois aussi en moi-même quelque Oh, jeunes gens, ceux qui l'ont tenté, ont éProuvé
tragique dualité. Le bien me plaît, mais le péché me combien les séductions, les tentations du péché, tous les
tente plus fortement encore. Le Seigneur m'appelle Plaisirs et les jouissances qu'il nous promet sont un
LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT
néant de laideur et de bassesse, auprès de la résignation force créatrice où peut se former un grand caractère
douce, de la foie paisible qui se réPand sur les âmes imposant si 'l'on sait l'utiliser dans un sens positif
pures. Sur l'âme du garçon qui ose regarder d'une et d'une façon constructive. .
âme tranquille l'œil du Christ sauveur. Le Seigneur Jésus est l'exemple incarné de ce radi-
Voyez donc, jeunes gens. pourquoi je me réjouis calisme créateur. Pour parvenir à son saint but, Il
si je vous sais optimistes. Qui dans le monde fut ja- ne connaît aucune réserve, aucune arrière-pensée, Il
mais plus optimiste que le Seigneur Jésus? Les plus ne connaît aucune timidité devant les hommes, pas
effrayantes réalités de la vie : la trahison, les renie- de compromis, pas le moindre écart de sa voie.
ments, la crucifixion, n'ont pas pu briser sa confiance, Combien nous manquent aujourd'hui de ces carac-
et des montagnes d'obstacles n'ont pas brisé sa joie tères d'acier!
au travail. I1 croit, dans les plus tristes moments, à « La cause principale de nos maux est peut-être
l'importance de sa tâche, Il a confiance dans le succès qu'il n'y a pas dans notre pays assez d'hommes braves
de son travail. Il croit que dans le monde aucun tra- et capables de faire front, de faire digue, comme on a
vail n'est fait sans résultat. I1 croit que dans le cœur coutume de dire chez nous... Il nous manque cette
humain, le plus corrompu, veille encore l'étincelle du classe d'hommes sobres qui savent agir sans aucun
. bien. Il a confiance aussi dans les hommes qui ont bruit, sans gloire, parmi lesquels on peut trouver des
perdu eux-mêmes la confiance en eux et Il ne con- individus convenables à des fonctions de toutes
damne point ceux que le monde entier condamne. Les sortes, dit un grand homme d'État. Nulle part, il
médecins abandonnent beaucoup de malades, le n'y a autant d'hommes aussi instruits et pourtant
S".!igneur Jésus n'abandonne pas le pécheur le plus aussi incapables que chez nous. )) (Széchenyi, PeuPle
corrompu. d'Orùnt, Éd. de la Soc. Rist. R. Page, 400) .
Donc, si tu veux être optimiste, que le Seigneur soit Mais voici qu'aujourd'hui deviennent de plus en
ton idéal 1 ' plus nombreux ces jeunes gens dont l'âme est altérée,
4) Q.u'est-ce qui caractérise encore une jeune âme ? ces jeunes dont les yeux ardents contemplent le
C'est l'intransigeance qui surgit d'un trop plein de force, Maître. Seigneur, apprenez-nous à être radicalement
tendu en un impatient désir d'activité. Tout compromis chrétiens, à être V03 imitateurs radicalement fidèles 1
la remplit d'amertume. Elle n'aime point négocier, Enseignez-nous dans ce monde bourbeux, à garder
elle est ennemie de toute demi-mesure, de toute hési- notre âme pure, loin de la boue. Enseignez-nous, afin
tation, de toute indécision. Elle va jusqu'aux plus , que, de notre front, la royale dignité de l'âme pure
extrêmes conséquences de ses principes. Sa devise est ne soit pas effacée. Enseignez-nous afin que l'étouffante
« tout ou rien ». Ce trait de caractère pourrait certes poussière d'une vie pécheresse ne recouvre pas notre
devenir sa ruine, si elle allait se perdre dans la stéri- âme. Apprenez-nous à regarder en face et à braver
lité d'une critique négative; mais c'est une source de victorieusement la furieuse marée du péché.
LE CHRIS'!' ET l,A JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT
Car tout ceci, le Christ nous l'enseigne! sur une autre, enfin, épuisé, en sueur, il s'assied au
Savez-vous, garçons, ce qu'Il veut de vous? Voyez: faîte d'un rocher et n'a pas pu attraper l'arc-en-ciel.
celui qui ne se fraye pas un chemin dans la ~onta~ne, Mais avait-il travaillé en vain? Non! Chemin fai-
n'arrive naturellement pas en haut. Celui dont les sant, pendant qu'il déployait ses forces, il a toujours
pensées, les désirs sont bas, a une vie spirituelle marché vers le haut, son visage est devenu rouge, son
basse. Celui dont le but est plat, reste plat. sang s'est rafraîchi, enfin il est arrivé dans un paysage
Or, ce n'est pas là ce que veut le Seigneur Christ! splendide, magnifique, où l'air est vivifiant, où le
Il nous propose un but sublime et incomparable, la chant des oiseaux enchante, où l'œil jouit d'un pano-
formation du caractère . chrétien. Et Il veut que ce rama incomparabl~.
but élevé nous attire, nous séduis~, nous saisisse plus Marchez vous aussi vers l'idéal chrétien. Peut-être
haut, toujours plus haut. Savez-vous ce que veut le ne l'atteindrez-vous jamais. Mais tâchez d'absorber
Christ? C'est que vous soyez Pris de fièvre. Et de quelle le plus possible d'enthousiasme, d'idéal amour; -
fièvre? Une fièvre de monter, fièvre de montagne. de sorte que dans quelques années, quand vous devrez,
Lorsque le touriste arrive dans l'immense empire des hommes, entrer dans une vie rude, vous ayez pour les
hautes Alpes, - ces hauteurs p,ures, ces crêtes nei- combats de la vie des trésors en réserve. La vie est
geuses ravissent son âme ... et il marche, il marche, rude, l'ail; de la vie est glacial, la vie ne donne rien,
toujours en avant, toujours plus haut, les~ hauteurs elle prend, elle nivelle, use, abaisse. Procurez-vous
pures l'attirent. auprès du Seigneur Christ de tels trésors que les com-
Ainsi le Seigneur Christ veut que vous désiriez bats de la vie ne puissent vous les ravir. Celui qui
l'intransigeance de la vie morale, les admirables toujours marche vers le haut, parvient enfin à Dieu;
sommets de la virilité véritable. celui qui se rapproche des étoiles ne s'enfonce point
Afin que sa beauté vous enchante, afin qu'ambu- dans la boue de la terre.
reux de la vie chrétienne, vous couriez, la tête affolée Or, mon fils, si l'intransigeance constructive et la
d'idéal, jusqu'à l'idéal proposé à vous, jusqu'au Sei- poursuite inexorable de la justice te séduisent, mets-toi
gneur Jésus! . à l'école du Seigneur Jésus! .
Je sais, on ne peut jamais entièrement atteindre 5) E~lfin, si je voulais résumer d'un mot les divers
cet idéal! Mais cela signifie-t-il que ne nous devions aspects 'd'une jeune âme, je pourrais peut-être dire:
jamais essayer de l'atteindre? Avez-vous entendu ce la jeunesse est la vie vivante par elle-même. La jeunesse
conte : .lm petit garçon ayant vu pour la ptemière s'oppose à tout ce qui est rigide, artificiel, factice, .à
fois un arc-en-ciel, fut tellement enchanté par sa toute forme abstraite. La jeunesse est une énergie
beauté qu'à tout prix il voulut l'atteindre. Il se mit toute tendue, un battement de vie, un élan, une affir-
en route après l'arc-en-ciel ; lm ruisseau croise son mation de lâ vie. C'est une course à la nage dans le
chemin, une épine le blesse, il monte sur une montagne, grand courant de la vie, elle s'agite, se démène dans
286 LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT
les chauds rayons du soleil, dans le printemps chan- soi ce que disait Széchenyi de lui-même et de son ami
tant de l'existence, c'est le germe de l'humanité qui Wésselinyi : « Nous deux, si nous ramions à travers
éclate, c'est une glorieuse lutte contre tous les obs- l'Océan, vers l'Amérique, et si nous étions surpris
tacles. Voilà ce qu'est la ieunesse ! par la tempête de la mer, pris par les bras de la mort,
Mais, une fois encore, c'est le Seigneur Christ qui nous ne nous inclinerions pas avec un plus sincère
porte en soi le flot de la vie. C'est en Lui que nous r
respect devant Dieu tout-puissant, que nous ne le
pouvons trouver le modèle de cette joie de vivre ar- faisons maintenant tous les soirs, dans notre chambre,
dente. C'est précisément la vie du Seigneur qui s'op- . loin de tout malheur et de tout danger. (Journal de
pose à toute momification, à toute forme pétrifiée. Széchenyi, 592.)
C'est I..ui qui dit, de Lui-même: « Je suis la vie », 1/ avenir appartient à la ieunesse qui aime et s~tit le
« le pain de la vie », « Je suis la lumière du monde ». Christ.
Mon fils, as-tu besoil;1 de vie, d'une vie éclatante,
agitée, vivace? :f:coute alors ces paroles du Seigneur: « Ayez confiance , j'ai vaincu le monde. )}
« Je suis venu pour qu'ils aient la vie et pour qu'elle
soit en abondance. » « Je suis la résurrection et la vie. )l « Je vous ai dit ces choses, afin que vous ayez la paix
Oui, Lui qui a guéri des vies malades. Lui, qui a en moi. Vous avez des tribulations dans le monde;
ressuscité une vie morte. Lui qui le troisième. jour mais, prenez confiance, f ai vaincu le monde. »
s'est rendu à Lui-même, la vie. Lui, il est digne d'être (Jean, 16, 33.)
ton roi, à toi aussi, mon'fils, qui es altéré de vie vrai- Il n'y a pas longtemps, à l'entrée du xx e siècle,
ment vivante et animée. Plus tu sauras t'unir intérieu- l'homme s'est desséché et gelé dans les champs glacés
rement, intimement, avec le Christ, source de toute de la mentalité matérialiste.
vie, plus le courant des forces créatrices de la vie véri- Rien n'existe que la technique, les fabriques, les
table t'emportera, t'élèvera. machines, les usines, telle était la devise. Recher-
Ainsi le Christ et la ieunesse appartiennent l'un à cher les secrets de la matière, subjuguer la nature,
l'autre! Cette jeunesse qui aime le Seigneur, celle qui tel était tout l'effort. On ne voulait plus entendre
sait s'enthousiasmer, pour Lui, qui imite en son âme parler des droits de l'âme et il n'était plus élégant,
sa sainte Figure, cette jeunesse sera certainement ni convenable de parler de Dieu; mais seulement de
meilleure que la précédente, plus sérieuse, plus ferme Darwin et de Haeckel, de notre « grand-père» le singe
de caractère, plus disciplinée, elle ne viendra pas dé- et de l'ancêtre animal.
truire et ruiner. mais poser le fondement d'un nouvel Or, voici devant nous le résultat. Pour les nombreux
avenir. accessoires, nous avons perdu l'essentiel: à cause de
L'avenir appartient à la ieunesse qui aime le Christ. la tethnique matérielle, 110US avons oublié l'homme vi-
L'avenir appartient à cette jeunesse qui peut dire de vant. C'est d'un prix terrible, de notre monde inté-
LE CHRIS'f ET LA JEUNESS1<~
LE CHRIST SOUFFRANT
rieur que nous avons payé la domination du monde
extérieur. en effet est dure, la lutte abaisse et nivelle, les soucis,
Et pUis: vient maintenant un temps nouveau, une consument et refroidissent d'année en année l'enthou-
nouvelle Jeune génération. Elle ne se contente pas siasme idéal de ton jeune cœur; personne ne saura
de l'animal primitif, il lui faut l'Homme-Dieu. Nous verser · dans ton âme la force et la ~haleur, :uffi-
ne voulons plus seulement étudier les forces élémen- santes pour ta vie entière, que le Se1gn~u~ J e~us
taires de la vie, mais aussi les plus beaux épanouisse- Christ! Lui qui a dit: « Ayez confiance; 1 a~ vazncu
ments de vie qui aient paru sur terre: la vie du Christ le monde! » ' •
cette vie qui seule donne une réponse apaisante à Le célèbre peintre hongrois Benczur a fait un beau
tableau émouvant : une mer en furieuse tempêt:
tous les problèmes angoissants de la vie humaine.
Mon fils, quand tu seras homme, tu verras qu'il y frappe une faib e barque et des hommes robustes aUSSI
a encore ~eux camps autour du Christ, ainsi que pen- tentent, de l'extérieur, de la renverser. Dans la b~r:r,:e
d~nt sa V1e : les Uns fermant le poing crient encore en un homme seul tient solidement la rame, et, dec1de,
gnmaçant .: « Cr~lcifiez-Ie. » Les autres sont à genoux se tend contre l'orage. Le titre du tableau est :
devant l,ut et d1sent: « Mon Seigneur, mon Dieu! » « Homme, lutJe ! »
Dans ma pensée, je te vois maintenant devant moi, Ce sera aussi le résumé de ta vie terrestre : «(H.0~mes,
mon c~er ~ls, a~rès tant d'années de lutte au collège, luttez! » Les soucis de l'existence viendront,. a111S1 que
tant d qnnees d efforts; tu as dans la main le bacca- la lutte terrestre pour la vie, avec les tentatlO~s gr?~
lauréat que tu as gagné par un lourd labeur, _ le dantes, boui tonnantes et fougueuses de ~a VIe SplT~
cœur battant, plein d'espérance et d'animation, tu !
tuelle. Et tu ne dois pas t'éloigner du ~hnst ~amals
entres dans la vie universitaire ou peut-être déjà céder sur tes principes ! Jamais :rahIr te~ lde:s 1
dans un emploi qui te fasse vivre. Il y a bien des Lorsque la mère spartiate faisaIt ses. adIeux. a son
années que tu as franchi, en habit de jeune novice, fils qui partait · pour la guerre, elle l~l donnait so~
le cœ~r serré et la conscience à peine entr'ouverte, bouclier, disant: « Avec lui, ou sur Luz. » « Avec ~U1,
1: seUlI du collège. Et maintenant? Voici que tu pos-
sedes le baccalauréat, ce passeport pour les régions
rentre victorieux, ou qu'on te rapporte mort s,:r lU1 1)~
C'est avec une pareille pensée que je te dIS aUSSI
étrangères de la vie. . adieu. Je me suis efforcé de dessiner.dans ton c~ur le
s
Mon.fil , que les flots de cet océan ne t'arrachent point merveilleux et saint visage du SeIgneur Chnst. et
au Chrzst! Cet océan plein de récifs sournois de tour- maintenant que tu te mets en route pour la grand~
billons et de fréquentes tempêtes. Attention: n'oublie bataille de la vie, je te dis pour adie~ : « ~vec Luz,
pas : Tu seras heureux ici et tu n'auras des forces et sur Lui. » Avec le Christ combattre vIcton~use~ent
dans la vie qu'autant que tu sauras sur les flots écu- dans la vie, et mourir en Lui après une vlctoneuse
mants, demeurer auprès du Seigneur Jésus. 1.(a vie vie terrestre.
Le Christ et la Jeunesse.
LE CHRIST ET LA JEUNESSE LE CHRIST SOUFFRANT
Prends confiance, mon fils, dans le Chr:st qui a Que je sois le chêne et que Vous soyez ma
vaincu le monde ! force!
Et maintenant va où brillent de nobles exemples. Que je sois 1a mer et que Votre profondeur m e
Va : l'avenir est devant toi plein de brumes; mais que comble et m'emplisse 1
la lumière de tes yeux, le Christ, ne s'assombrisse Que je sois Votre fils docile dans la vie terrestre,
jamais devant toi afin de pouvoir être un jour Votre fils heureux dans
Va: de puissants tourbillons tournent au milieu la vie éternelle.
de ton chemin, mais ne perds pas ta boussole qui est « 0, mon Dieu, je Vous aime ardemment, profon-
le Christ. dément, non parce que par la nuit horrible de la dam-
Va : des abîmes hurlants et ouverts te guettent, nation Vous me jetez dans un feu pénible, si je Vous
mais ne laisse pas la main de ton guide, - le ai abandonné, et non pas parce que Vous me promet-
Christ! tez la douce lumière de Votre ciel, la musique angé-
Va: le vent glacé des égoïstes luttes terrestres bat- lique nageant dans une sainte joie sous Vos ailes.
tra ton visage, mais qu'il ne puisse éteindre la flamm e Mais: parce que, sur la croix, Vous avez ouvert Vos
ardente de ton âme : l'amour du Christ bras, parce que Vous avez pressé mon cœur hUl~ai~
Seigneur, Vous êtes la Porte. Oh, permettez que, sur Votre cœur, parce que - ô horreur - cloue VI-
pendant ma vie, je passe sous celle-ci, pour entrer lainement, Vous Vous êtes penché vers moi et qu,e
et pour sortir ! Votre visage sanglant, autel doux, ardent, a supporte,
Seigneur, Vous êtes le bon Pasteur: oh ! permettez pour mon péché, cette parure horrible ... Vous ne Vous
que je puisse devenir Votre petit agn(!au soumis, do- êtes pas arrêté sur le sentier des peines, Vou~ avez
cile et doux ! traversé la nuit horrible des nuits, une abomlllable
Vous êtes la vigne. Que je sois, moi. le cep vivant escorte, des insultes et des blasphèmes, des bour-
qui se nourrisse de Votre sainte force ! reaux d'âmes, des meneurs de haine, Vous ont couvert ,
Vous êtes la lumière du monde. Que ce soit Vous, Vous ont suivi - ô horreur - jusqu'à la dernière
Vous seulement que toujours je suive dans cette p :lfole ... C'est avec une mesure immense que Vous
sombre vie!
Vous êtes le pain de la vie! Nourrissez··moi de ce
aVèZ mesuré Votre amour. ° faites, faites, que je
sois Votre semence, faites, oh faites, que je sois
pain vivifiant! Votre récolte, tandis que Vous creusez avec Vos
Vous ête" la voie, la vérité et la vie; - conduisez- tourments la terre de mon âme.
moi sur le chemin de la vérité à une vie divine! J e Vous aime, je Vous aime, non pas parce que
Que je sois la harpe et que Vous en soyez le Chant ! Vous m'avez sauvé, mais parce que Vous m'avez
Que je sois le feu et que Votre amour soit ma aimé jusqu'au sang, jusqu'à la mort; et ,:omme Vous
flamme m'avez aimé, ainsi maintenant je \'ous aime,
LE CHRIST ET LA JEUNESSE
PREMIÈRE PARTIE
L'Enfant Jésus