DU M~ME AUTEUR LE SYMBOLE DES APOTRES

AUX " ÉDITIONS SALVATOR •• MULliOUSE

CINQUI~ME PARTIE
Le Symbole des Apôtres :
INTRODUCTION: La Foi .... l'Existence de Dieu.
PREMIÈRE PARTIE: Dieu - La Providence.
DEUXIÈME PARTIIl: Jésus-Christ - Le Fils de Dieu .- Le Divin
Maftre.
LE SAINT-ESPRIT
TROISIÈME PARTIE : Les Souffrances du Christ - . La PaSSIon
de Jésus.
QUATRIÈME PARTIE: Là Résurrection - L'Ascension - La
LA SAINTE ÉGLISE
Vierge Marie.
CINQUIÈME PARTIE: L e Saint-Esprit - La Sainte Église Catho·
lique.
SIXIÈME PARTIE: La Communion des Saints - La Rémissiol!
CATHOLIQUE
des péchés .- La Vie éternelle.

Le Christ et les Problèmes de notre Temps. SERMONS

OUVRAGES PÉDAGOGiQUES prononcés dans l'église de l'Université de Budapest
La Chaste Adolescence. par Mgr TIHAf\-1ER TOTH
L'Éducation ' du Jeune Homme. ~vêq ue de Veszp rém
La Reli~ion et la Jeunesse.
Le Caractère du Jeune Honlme.
Traduits par l'Abbé Marcel GRANDCLAUDON
Dans la belle nature de Dieu. licencié ès Lettres

Autres ouvrages de Prédication.

COLLECTION" LA PRÉDiCATiON NOUVELLE»
Jnsta Opportune. Sermons pour tous les dimanches de
l'année, par le chanoine J . ENGEL. 4m. ~DITION Il m. MILLE
Gaudeamus omnes in Domino. Sermons pour les fêtes de
l'année, par le chanoine J. ENGEL.
Sous le Voile des Sacrements. Prix Tihamer Toth 1949.
Sermons sur les Sacrements, par Jean d'Avignon du
Clergé d'Orléans.

COLLECTION" LE PRÉDICATEUR DES ENFANTS.

In Terram Bonam, Ire partie. Sermon pour les enfants. ËDITIONS SALVATOR '
par l'abbé L. RUGER.
ln Terram Bonam, 2· partie. Sel'mons pour les enfants,
par l'abbé L. Ru GER.
 1

QU'EST-CE QUE LE SAINT~ESPRIT

NIHIL OBSTAT

R. MICHEL, can.; libr. CeIIl.

MES FRÈRES,

IMPRIMATUR Lorsq1le l'apôtre saint Paul vint à Athènes, pour

prêcher aux Grecs le Christ crucifié et ressuscité,
Tornaci, 4a Nov. 1937 il remarqua parmi la foule d'autels et d'idoles un
autel portant une curieuse inscription. C'était l'in-
J. LIlCOUVBT, vic. gen. scription: « ArNQ~TQ 0EU », « au dieu inconnu ». Et
saint Paul commença habilement son sermon sur, le
Christ : « Celui que vous adorez sans le connaître,
je viens vous l'annoncer » (Actes, XVII, 23)'
Parlant devant les païens, saint Paul appelait Jésus
le Dieu inconnu; parlant devant les chrétiens, le
prédicateur actuel pourrait plutôt appeler ainsi le
Saint-Esprit. Les chrétiens en effet entendent beau-
coup parler et savent beaucoup de choses de Notre-
Seigneur Jésus-Christ. Mais si on les interrogeait sur
le Saint-Esprit, sur ce qu'Il donne aux hommes, sur
le rôle qu'II joue, de bien des lèvres peut-être sortirait
la réponse que l'apôtre saint Paul reçut de quelques
. , . ;. -.. '~ . :'
.~:

_,.r-.
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 6 LE SYMBOLE DES APÔTRES
fidèles d'Éphèse. « Avez-vous reçu le Saint-Esprit? II
leur demandait l'apôtre. Mais ils lui répondirent:
« Nous n'avons pas même entendu dire qu'il y ait un
Saint-Esprit II (Actes, XIX, 2).
Quelle triste ignorance et quelle insuffisance nuisible
si nous aussi nous étions obligés de faire une répons~
semblable au sujet du Saint-Esprit.
De l'explication du Symbole, que nous avons com-
mencée il y a quatre ans, il nous reste la dernière
partie ~ui commence ainsi: « Je crois au Saint-Esprit ll.
Les trOIS sermons dans lesquels je veux à présent vous
parler du Saint-Esprit sont certainement loin de
suffire pour dire tout ce qu'on pourrait dire du Saint-
Espri~, je veux du moins obtenir que le Saint-Esprit
ne SOI~ pas pour nous un « Dieu inconnu ll, mais au
contraIre que nous puissions I:endre un culte de véné-
ration, de reconnaissance, d'amour et d'idoration à
la troisième personne de la Très Sainte Trinité au
Saint-Esprit. ' Notre-Seigneur Lui-même a signifié que s'o n œuvre
I. Le Saint-Esprit est vraiment Dieu, nous devons
L' ~dore~ ~ voilà l~ première idée qui nous occupera
aUJourd hUl. EnsUlte, pour comprendre le mieux
possible ce qu'est le Saint-Esprit, II. nous examinerons
les attributs par lesquels l'Église personnifie l'action
du Saint-Esprit.
1 (S. Jean, XIV, 16).
LE SAINT-EsPRIT EST DIEu.
Qu'est-ce que le Saint-Esprit? - telle est not~
première question. Le catéchisme répond : c( Le Saint-
QU'EST-CE QUE LE SAINT-ESPRIT? "1
Esprit est la ·troisième personne de la Sainte Trinité,
égale au Père et au Fils ll. Comment savons-nous qu'il
y a en Dieu réellement trois personnes et que la troi-
sième personne est le Saint-Esprit, c'est-à-dire que
le Saint-Esprit est réellement Dieu? Nous le savons,
parce que Notre-Seigneur Jésus-Christ l'a enseigné
et que le christianisme l'a toujours cru.
A) Notre-Seigneur Jésus-Christ a parlé souvent du
Saint-Esprit,' c'est par ' son enseignement que nous
connaissons le Saint-Esprit et par son enseignement
nous savons que de même que sans le Saint-Esprit la
Sainte Trinité ne serait pas complète, de même sans
la foi au Saint-Esprit le christianisme ne serait pas
complet.
La volonté impénétrable de Dieu a décidé que
l'œuvre rédemptrice accomplie par le Christ, la seconde
personne divine, serait mise en valeur en nous par
le Saint-Esprit qui nous ferait part de ce trésor céleste.
serait réalisée en nous, lorsque nous aurions reçu
le Saint-Esprit. « Voici que je vais vous envoyer le
don promis par mon Père; restez donc dans la ville,
jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en
haut II (S. Luc, XXIV, 49). cc Et moi je prierai le Père,
et il vous donnera un autre Consolateur, pour qu'il
soit toujours avec vous; c'est l'Esprit de vérité Il
B) Écoutons avec quelle joyeuse conviction les
premiers chrétiens croyaient à la divinité du Saint-Esprit.
Sur le , visage du christianisme n,aissant. rayonne
l'enthousiasme d'une âme remplie du ·Saint-Esprit.
 8 LE SYMBOLE DES APÔTRES
(( Tous ceux qui 'sont conduits par l'Esprit de Dieu
sont fils de Dieu ... Cet Esprit Lui-même rend témoi-
gnage à notre esprit que nous sommes enfants de
. Dieu » (Romains, VIII, 14, 16). (( Dieu nous a donné
en gage le Saint-Esprit dans nos cœurs» (Ile Corin-
thiens, l, 22).
Un homme nommé Ananie a menti à saint Pierre qui
lui répond : (( Pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur
au point que tu mentes au Saint-Esprit ?... Ce n'est
pas à des hommes que tu as menti, mais à Dieu »
(Actes, V, 3, 4). Donc saint Pierre donne ouvertement
au Saint-Esprit le nom de Dieu.
Saint Jean parle d'un triple témoignage en faveur
du Christ : (( Il Y en a trois qui rendent témoignage
dans le ciel : le Père, le Verbe et le Saint-Esprit, et
ces trois sont un »'(le S. Jean, V, 7). Donc s~int Jean
enseigne tout à fait catégoriquement que le Saint-
Esprit est un avec le Père et le Fils.
Dans un autre passage, l'apôtre saint Paul énumère
divers attributs divins à propos du Saint-Esprit :
(( A l'un est donné par l'Esprit le don de sagesse,
à un autre le don de science suivant le même Esprit;
à un autre la foi dans le même Esprit; à un autre le don
des guérisons par ce seul et même Esprit; à un autre
la puissance de faire des miracles; à un autre la pro-
phétie; à un autre le discernement des esprits; à un
autre le don des langues; à un autre le don de les
expliquer.' Mais c'est le seul et même Esprit qui
confère tous ces dons » (le Corinthiens, XII, 8- 1 1).
,~ , Or ce sont là des caractéristiques qui ne peuvent
convenir qu'à Dieu.
Qu'r!ST-CE QUE LE SAINT-ESPRIT? 9
Dans un autre passage encore nous lisons au sujet
du Saint':Esprit qu'Il sait tout. (( L'Esprit pénètre tout,
même les profondeurs de Dieu » (le Corinthiens,
II, 10), ~ mais Dieu seul peut connaître les profondeurs
divines. Donc le Saint-Esprit est Dieu. -
Mais il faut Jaussi que le Saint-Esprit soit Dieu, car
autrement comment pourrait-Il opérer notre renais-
sance et notre sanctification? Or Notre-Seigneur a dit:
(( Nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit, ne peut
entrer dans le royaume de Dieu » (S. Jean, III, 5).
Et saint Paul écrit aux Corinthiens qu'ils ont été
sanctifiés et Justifiés (( au nom de Notre-Seigneur
Jésus-Christ et par l'Esprit de notre Dieu )) (le Corin-
thiens, VI, II).
II faut encore que le Saint-Esprit soit Dieu, car
autrement comment pourrait-II nous communiquer
l'amour de Dieu? Or saint Paul dit que (( l'amour
de Dieu est répandu dans nos cœurs par l'Esprit-
Saint» (Romains, V, 5).
Après tant de témoignages il ne peut rester en nous
le moindre doute que le Saint-Esprit soit réellement
Dieu, vrai Dieu avec le Père et avec le Fils.
II
LES ATTRIBUTS DU SAINT-EsPRIT.
Qu'est-ce que le Saint-Esprit? La troisième personne
de la Très Sainte Trinité. C'est vrai. Mais cette défi-
'nition reste encore bien loin de notre puissance d'ima-
gination. Si nous n'en disions pas davantage, nous ' ne

.1
10 LE SYMBOLE DES APÔTRES
pourrions le rapprocher ni de notre raison ni de notre
monde sensible.
Les Pères de l'Église et les théologiens se sont
efforcés d'exprimer de manière plus expressive cette
idée. Le Père et le Fils se sont embrassés mutuellement
et ce baiser très doux et très mystérieux c'est le Saint-'
Esprit - dit saint Bernard. Le Saint-Esprit est une
émanation de la vie divine, la floraison et le parfum
de la sainteté du Père et du Fils .- dit un théologien
(Scheeben).
Paroles impuissantes, paroles humaines 1 Comme
toute parole humaine reste bien loin derrière le Saint-
Esprit!
Pour nous en rapprocher pourtant en quelque
manière, l'Église, dans les hymnes au Saint-Esprit,
Lui donne diverses qualifications. Essayons d'en
analyser quelques-unes; nous pénétrerons aussitôt plus
profondément dans la connaissance de l'Esprit-Saint.
A) Une des hymnes les plus magnifiques de l'Église
commence ainsi « Veni Creator Spiritus », « Venez,
Esprit Créateur ». Esprit Créateur! Que voulons-nous
dire ,par là?
a) Tout d'abord ceci, que ['amour de Dieu a créé
le monde. Si Dieu n'était que science et connaissance,
Il n'aurait pas créé le monde. En effet le monde tiré
du néant - si parfait fût-il- serait encore toujours
resté si loin derrière le Dieu infini, qu'il ne saurait
être un objet digne de la volonté créatrice de Dieu.
Mais parce qlleDieu n'est pas seulement pensée et
volonté, mais aussi bonté, amour fécond, c'est cet
amour qui a créé le monde. L' œil du croyant aperçoit
i
1
QU'EST-CE QUE LE SAINT-ESPRIT? II
11
cet amour vivifiant, l'Esprit d'amour, le Saint-Esprit
en tout être vivant : dans le berceau du petit enfant,
dans le gazouillement de l'oiseau, dans l'épanouis-
sement du bourgeon printanier, il perçoit le soufRe
de l'Esprit vivificateur.
b) De même que le Saint-Esprit parachève en nous
la vie intime et mystérieuse divine, de même on Lui
attribue l'accomplissement des actions extérieures
divines. Donc le Saint-Esprit est l'ordonnateur du monde.
-C'est ce qu'a voulu marqùer déjà le premier livre
de la Sainte Écriture, lorsqu'il note au sujet de la
création du monde que le Saint-Esprit planait au-dessus
du monde créé, comme une force d'harmonieuse
organisation (Genèse, l, 2). Nous pouvons faire la
même réflexion en lisant dans un pSaume: « Les cieux
ont été établis par la parole du Seigneur, et toute leur
splendeur vient du soufRe de sa bouche » (Psaume,
XXXII, 6).
Au premier stade de la création tout était dans le
chaos, et pèle-mêle; l'évolution régulière commença
seulement, lorsque « l'Esprit de Dieu plana sur les
eaux ». Le monde aujourd'hui encore continue et
continuera jusqu'à la fin ce développement magnifique.
Mais de même que sans l'Esprit de Dieu il n'y aurait
pas eu dans l'univers d'évolution ordonnée et dirigée
vers un but, mais seulement un grand chaos, de même,
sans le Saint-Esprit, aujourd'hui encore, le monde
entier serait plongé dans les ténèbres. C'est pourquoi
nous appelons « Créateur» le Saint-Esprit, parce qu'Il
a créé l'ordre et aujourd'hui encore crée de l'ordre
au-dessus des, flots du monde chaotique.
·1
12 LE SYMBOLE DES APÔTRES
c) Nous appelons « Créateur» le Saint-Esprit pour
.& •
une autre raison encore.
La plus grande œuvre extérieure de Dieu est l'incar-
nation du Fils de Dieu, elle a eu lieu par la puissance
du Saint-Esprit. « Qui a été conçu du Saint-Esprit,
est né de la Vierge Marie » - récitons-nous chaque
jour dans le symbole des apôtres. Et l'ange aussi affirme
à saint Joseph: « Ne crains pas de prendre avec toi
Marie, ton épouse, car ce qui est formé en elle est
l'ouvrage du Saint-Esprit» (S. Matthieu, l, 20).
d) Mais le Saint-Esprit est encore « Créateur »,
parce qu'Il façonne et crée sans cesse des âmes chrétiennes
dans l'Église du Christ qui admiriistre l'œuvre de la
rédemption. C'est ce qu'avait promis Notre-Seigneur.
« Je prierai le Père et Il vous donnera un autre Conso-
lateur, pour qu'Il soit toujours avec vous, l'Esprit de
vérité » (S. Jean, XIV, 16).
Selon saint Paul, le Saint-Esprit établit ceux qui
dirigent l'Église (Actes, XX, 28).
C'est le Christ qui a mérité la grâce, mais c'est le
Saint-Esprit qui la distribue dans les sacrements.
Avec quel amour mely eilleux Il nous accompagne par
les sacrements du berceau à la mort. Non seulement
Il nous accompagne, mais même Il habite en nous.
« Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du
Saint-Esprit qui est en vous? » (le Corinthiens; VI, 19).
Il n'y a pas un jour, pas un instant où Il ne soit à côté
de nous avec sa grâce.
Saint Augustin dit avec raison: « Ce que l'âme est
..'",,:
dans notre corps, le Saint-Esprit l'est dans le corps
du Christ, l'Église ».
QU'EST-CE QUE LE SAINT-ESPRIT? 13
Cette activité créatrice est magnifiquement sym-
bolisée par l'épanouissement des forces de la nature
•
au moment de la Pentecôte. Regardez autour de vous
les champs, les montagnes, les vallées au moment de la
Pentecôte. Partout des bourgeons qui s'ouvrent, des
fleurs qui s'épanouissent, des forces vives qui prennent
leur essor. En vérité une telle b,eauté luxuriante, un
avenir 'si prometteur, une telle source de vie, voilà
la plus belle image de l'Esprit créateur.
B) Ensuite, pour ainsi dire sans explication, nous
comprenons un autre attribut de l'Esprit-Saint. Nous
disons en effet aussi du Saint-Esprit qu'Il est un Esprit
de joie et de consolation.
a) La foi au Saint-Esprit imprime sur toute notre
croyance une marque de joie.
Alors le Saint-Esprit n'agit pas en nous, lorsque le
cœur brisé nous déplorons nos péchés? Même alors.
Mais saint Paul mentionne d'autres choses parmi « les
fruits du Saint-Esprit ». « La charité, la joie, la paix,
la patience, la mansuétude, la bonté, la fidélité, la
douceur, la foi, la modestie, la tempérance, la chasteté»
(Galates, V, 22). Autant de mots, autant de prédications!
La charité, la joie, la paix...
Comme nous ' avons besoin de tout cela 1 L'âme
humaine est attirée par la ,.joie comme le papillon
nocturne par la lumière de la lampe. Elle la cherche,
elle se jette sur elle, - mais comme cette joie est
trompeuse 1 On court après les fêtes, les amusements
de jour et de nuit. Comme si l'on n'avait jamais entendu
l'avertissement de saint Paul: « Le royaume de Dieu,
1.
LE SYMBOLE DES APÔTRES
ce n'est ni le manger ni le boire, mais la justice, la paix
et la joie dans l'Esprit-Saint » (Romains, XIV, 17).
b) C'est pourquoi le Saint-Esprit est aussi l'Esprit
de consolation. « Consolator optime », est-il dit de Lui
dans une hymne de l'Église, « notre meilleur conso-
lateur ». Et ce n'est que l'écho de la parole de Notre-
Seigneur qui a promis à ses apôtres l'Esprit consolateur
(S. Jean, XV, 26; XVI, 7).
Mais pourquoi le Sauveur a-t-Il appelé le Saint-
Esprit surtout Esprit consolateur? Certainement parce
qu'Il savait combien nous avons besoin de consolation
durant notre vie terrestre. Que de souffrances, de
privations, de déceptions, de séparations, de deuils!
Et dans toutes nos faiblesses le Saint-Esprit nous donne
la force et la consolation. C'est donc à bon droit que
nous faisons cette prière le jour de la Pentecôte : « 0
Dieu qui en ce jour avez instruit les cœurs des fidèles
par ·la lumière du Saint-Esprit, donnez-nous par ce
même Esprit d'aimer ce qui est bien et de jouir sans
cesse· de ses consolations ».
e) Si nous recherchons en quoi consistent la joie
procurée par le Saint-Esprit et son ultime consolation,
';.,
nous arrivons à un nouvel attribut du Saint-Esprit :
le Saint-Esprit est un Esprit d'enfant de Dieu. Le Saint-
Esprit fait atteindre à la plus grande joie et au plus
-grand honneur qu'un homme puisse obtenir : la
sublime dignité d'enfant de Dieu. Le Père et le Fils
s'aiment l'un l'autre, et c'est le Saint-Esprit; à son tour
'",:
l~ l'Esprit-Saint a comme principale ambition de rendre
l'homme digne d'être aimé par le Père.
QU'EST-CE QUE LE SAINT-ESPRIT? 15
Que nous donne donc le Saint-Esprit? Une langue
humaine ose à peine l'exprimer: Il nous fait enfants
de Dieu et participants de la n~ture divine. Si bou-
leversante que soit cette pensée, nous devons la croire,
car la Sainte Écriture répète bien des fois que réellement
« nous sommes participants de la nature divine »
c (Ile S. Pierre, l, 4). « Vous n'avez pas reçu un Esprit
de servitude, pour être encore dans la crainte; mais
vous avez reçu un Esprit d'adoption, en qui nous
crions : Abba! Père! » (Romains, VIII, 15)·
Le qualificatif le plus hardi, le degré le plus élevé
que nous attribuons au Saint-Esprit, c'est d'être un
Esprit qui nous élève jusqu'à la ressemblance divine.
La vie chrétienne est une vie surnaturelle. La fuite
du péché et de sa sombre domination, une élévation
au-dessus du cadre de la nature jusqu'à un tel point
que nous soyons déjà participants de la nature divine
et que nous puissions à bon droit crier vers Dieu :
Notre Père! Le Verbe divin est descendu dans le temps
et Il a donné sa vie pour nous; l' œuvre rédemptrice du
Christ et notre dignité d'enfant de Dieu obtenue par
la rédemption, tout cela en dernière analyse remonte
au Saint-Esprit. De sorte qu'elle est exacte cette parole
de saint Paul: « Personne ne peut dire: Jésus est le
Seigneur, si ce n'est par l'Esprit-Saint» (le Corinthiens,
XII, 3). '
C) Savez-vous encore ce qu'est pour nous le Saint-
Esprit? Notre éducateur. )
Chaque famille ne peut pas avoir un précepteur
pour ses enfants. Seules les familles aristocratiques
en possèdent. Or Notre-Seigneur Jésus-Christ m'a
 16 LE SYMBOLE DES APÔTRES
introduit merveilleusement dans une fami1Ie aristocra-
tique - dans la société des enfants de Dieu - et Il
m'a envoyé un précepteur de première valeur : le
Saint-Esprit.
Et l'éducation donnée par le Saint-Esprit fait fleurir.
dans l'Église du Christ une vie merveilleuse.
La vie de l'Église 1
Qui oserait entreprendre de la décrire, de l'exposer,
de la dépeindre! Analyse:t;, disséquez en détail ce
merveilleux tapis qui couvre le globt; terrestre du
pôle nord au pôle sud; cette colonne du dogme, de
la morale et de la liturgie qui élève l'Église à un niveau
,......
sans exemple.
Où bat cette vie?
Tout d'abord dans l'âme de ses membres, dans la vie
~rivée des fidèles. Ah! il y a aussi le péché, mais il y a
egalement beaucoup de vertus! Qui pourrait dire de
quelle énergie morale, de quelle maîtrise de soi, de quels
sacrifices héroïques est tissée la vie cachée de tant de
chrétiens d'aujourd'hui! Et c'est le Saint-Esprit qui
nous aide en tout cela.
Ensuite cette vie merveilleuse bat aussi dans nos
églises. Dans nos églises la prédication n'est pas la chose
principale, mais le sacrifice. Dans nos églises il n'y a
pas seulement de~ bancs, où on peut s'asseoir pendant
le sermon, il y a aussi des marchettes sur lesquelles
on doit se mettre à genoux pendant la messe. Et le
sacrifice de la messe nous le devons encore à la colla-
boration du Saint-Esprit. fi'
'" (1 Envoyez-nous votre Esprit et tout sera créé » _
,"':
dit l'Église. « Quelle prière bizarre! Quelle curieuse
r,
QU'EST-CE QUE LE SAINT-ESPRIT? 17
espérance 1)l -diront certains. « Envoyez-nous votre
Esprit? Ce ne sont donc pas les machines ni l'argenl
ni la science qui amèneront notre renaissance? »
Certainement non
Savez-vous quel serait le résultat, si l'âme humaine
était de nouveau remplie du Saint-Esprit? Ce qui a eu
lieu à la première Pentecôte. A la première Pentecôte
des peuples divers se tenaient les uns à côté des autres
sur la grande place de Jérusalem, et après la descente
du Saint-Esprit ils comprirent pourtant les paroles de
saint Pierre et ceux qui se convertirent, de quelque
nation qu'ils fussent, se comprenaient mutuellement.
Mais aujourd'hui le Saint-Esprit fait défaut parmi les
peuples et c'est pourquOi non seulement les étrangers
ne se comprennent pas entre eux, mazs bien souvent non
plus les classes sociales d'un seul et même peuple.
Où règne le Saint-Espnt sont en vigueur les paroles
du Christ: « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout
ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit..
Tu aimeras ton prochain comme toi-même )l
(S. Matthieu, XXII, 37, 39)·
Où règne le Saint-Esprit, aujourd'hui encore sont
en vigueur les paroles du Sauveur : « Ce que vous aurez
fait au plus petit de mes frères c'est à moi que vous
l'avez fait» (S. Matthieu, XXV, 40)' Oui, dans les nations
où régnerait le Saint-Esprit, il n'y aurait pas de dis-
cordes, mais on pourrait leur appliquer_ cet éloge de
la Sainte Écriture au sujet des premiers chrétiens qui
n'avaient qu'un cœur et qu'une âme (Actes, IV, 32 ) ,
parce qu'ils étaient tous remplis du Saint-Esprit.
 ,/
/
/
[8 LE SYMBOLE DES APÔTRES
« Mais qu'y puis-je - dira-t-on - si ;les peuples
n'acceptent pas la domination du Saint-Esprit! »
Si, vous pouvez quelque chose. Les peuples sont
composés d'individus. Autant d'individus ouvriront
leur cœur au Saint-Esprit, autant de pas ferons-nous
en avant vers la rénovation morale des peuples et plus
tôt se réalisera l'ardente prière de l'Église : « Envoyez-
nous votre Esprit et tout sera créé et vous renouvellere7
la face de la terre ».
Mes frères, le Saint-Esprit est l'alpha et l'omeg,
de toute l'existence. ' Ce n'est pas en vain que l'hymne
de l'Église l'appelle « le doigt de la droite du Père »)
(digitus paternae dexterae). En vérité, nou~ Lui sommes
redevables de tout ordre et de toute harmonie dans le
monde, de toute beauté et de toute possibilité de
développement.
C'est à Lui que nous devons le parfum des fleurs et
l'éclat mystérieux des étoiles, les cimes montagneuses
blanches de neige et les sources murmurantes. C'est
dans le regard du Saint-Esprit que les anges puisent
leur beauté. C'est à Lui que la Reine des anges doit
sa pureté sans tache. C'est au Saint-Esprit que nous
devons l'incarnation du Christ, les livres de la Sainte
Écriture, le courage des apôtres, le mépris de la mort
de,~ martyrs, la victoire héroïque des âmes pures.
Sans le Saint-Esprit nous n'aurioils pas une prière
valable, pas une messe, pas un seul sacrement. Sans ,le
Saint-Esprit il n'y aurait pas d'effort vers les hauteurs,
QU'FST-CE QUE LE SAINT-ESPRIT? 19
pas cette perfection spirituelle que l'Église appelle
sainteté.
Prions donc avec une profonde humilité Dieu le
Saint-Esprit, l'Esprit qui vivifie le monde entier. C'est
par Lui que le monde a été créé et. que su~siste . ce
magnifique mécanisme. C'est par LUI que s ouvre le
bourgeon, que la fleur donne son parfum, que pousse la
forêt, que mûrit le fruit. C'est par Lui que la vie avec
une force irrésistible perce le froid glacial et c'est par
Lui qu'après l'hiver s'épanouit le printemps. C'es~
par Lui que chantent les milliards d'oiseaux, c'est LUI
la source de vie de toutes les créatures. C'est par
Lui que chantent les anges, c'est par Lui que les morts
s'éveillent à la vie. C'est par Lui que vient toute bonne
pensée, c'est en Lui que naît tout enthousiasme pour
le beau et le bien et toute force de résistance contre le
péché et le mal. ..
C'est pour tout cela que je Vous adore, Dieu le
Saint-Esprit.
Mais par-dessus tout, je Vous adore, Dieu le Saint-
Esprit, parce que c'est par Vous que j'existe, moi, votre
petit enfant qui lutte et palpite.
Esprit Créateur, créez-moi de nouveau! Esprit Con-
soLateur, consolez-moi! Esprit d'adoption des enfants de
Dieu, élevez-moil Amen.

.. ..
II
LES SYMBOLES DU SAINT-ESPRIT
MES FRÈRES,
La foi au S~int-.E~prit nous parle du plus profond
mystère d~ la VIe dlvme. D'un mystère qui est immen-
sément lom de tout le monde visible, de tout ce que
nous autres. hommes touchons, voyons, sentons,
mesurons. DIeu le Père, nous en avons du moins
quelque idée; par . notre raison, par notre logique nous
n?~s approchons de Lui. Le Fils, la seconde personne
dlvme, nous Le connaissons facilement, car la nuit de
Noël II est venu Petit Enfant tout près de nous. Mais
ce n'est pas là que s'arrête le christianisme; -1I nous
enseigne qu'il y a encore une troisième personne divine:
c'est le fleuve "d'amour qui vogue entre le Père et
le Fils, c'est le Saint-Esprit: « l'âme du Père et du Fils ».
Mais si mystérieuse que soit pour la raison humaine
bornée la vie intime de Dieu, nous rencontrons cepen-
dant dans le monde matériel qui nous entoure des ana-
log~es pleines de sens qui nous font soupçonner, du
moms un peu, ce qu'est l'Esprit de Dieu, le Saint-Esprit.
21
Précisément la trOisième personne divine elle-même,
le Saint-Esprit, a eu soin que des signes sous lesquels
Il est apparu parmi les hommes le jour de la Pentecôte
nous puissions tirer certaines conclusions sur son être.
La Sainte Écriture rapporte entre autres ' choses à
propos de la venue du Saint-Esprit: « Le jour de la
Pentecôte étant arrivé, ils étaient tous ensemble en
un même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit
comme celui d'un vent qui souffie avec force et il
remplit toute la maison où ils étaient assis. Et ils virent
paraître comme des langues de feu qui se posèrent sur
chacun d'eux. Et ils furent tous remplis du Saint-
Esprit» (Actes, II, 1-4)·
Un vent impétueux et des langues de feu! C'est à
l'examen de ces symboles de la Pentecôte que je voudrais
consacrer le sermon d'aujourd'hui. En effet nous avons
en vue, autant qu'il est possible à l'esprit humain borné,
de nous rapprocher du mystère de l'Esprit-Saint. Or,
nous approcherons de cette connaissance de l'Esprit-
Saint, si nous étudions ce que veulent dire le vent impé-
tueux et les langues de feu sous lesquels le jour de la
Pentecôte le Saint-Esprit est descendu sur les apôtres.
1
LE VENT IMPÉTUEUX
Que veut dire le vent impétueux sous le symbole
duquel est apparu le Saint-Esprit? II veut nous
signifier trois choses importantes.
t ',
22 LE SYMBOLE DES APôTRES
A) Où soufj'le Le venl, s'écroule ce qui est vemwutu e~
s'envole ce qui est poussière et paille. Telle e&t la première
grande leçon. Notre-Seigneur a dit à Nicodème :
« Ne t'étonne pas de ce que je t'ai dit: il faut que vous ·
naissiez de nouveau. Le vent souffle où il v~ut; et tu
entends sa voix, mais tu ne sais d'où il vient , ni où il va',
ainsi en est-il de quiconque est né de l'Esprit» (8. Jean, .
III, 7-8). C'est vrai : le vent souffle sur la terre tantôt
. ni terreur ni violence ne pourront en triompher.
ici, tantôt là, la force humaine n'est pas capable de lui
tracer une route, car il suit ses propres lois. Tout
. comme l'amour véritable, qui est affranchi de toute
contrainte extérieure, le fait uniquement poussé par
sa nature intime.
Il est donc naturel que, lorsque }' Amour le plus grand,
l'Esprit de Dieu descendit sur les apôtres, à cet instant
même s'écroula une foule de choses extérieures et que
les antiques cérémonies mosaïques, les prescriptions,
les opinions rabbiniques aient été frappées à mort
par le vent impétueux du Saint-Esprit.
Il fallait que l'Évangile se répandît aussi vite que le
vent. Comme par un vent impétueux toutes les idoles
du paganisme furent renversées. Comme un souffle
rafraîchissant, il purifia l'atmosphère morale.
B) La seconde leçon résulte de la nature du vent :
Où le . vent souffle [' atmosphere se purifie et la vie se
ranime, comme si l'homme renaissait entièrement.
Le vent de la Pentecôte nous a réellement fait renaître,
un homme nouveau est né avec un nouvel idéal, avec
des désirs nouveaux; un nouvèau monde est né, le
monde chrétien.
Le monde antique ne pouvait pas résister à la force
LES SYMBOI;ES DU SAINT-ESPRIT
du Saint-Esprit, comme les murs en ruines ne peuvent
résister à un vent impétueux. Sans doute il n'y avait
que quelques douzaines de disciples du Christ, mats.
la force du Saint-Esprit agissait en eux.
Quelle consolante pensée! quoi qu'il puisse arriver
à l'Église, quel que soit son sort, quelles que s?ie~t
ses persécutions, s'il lui reste seulement une pOlgnee
de fidèles dans lesquels agit le souffie de la Pentecôte,
Nous savons tous quelle persécution infernale
fait rage en Russie. M. Cullagh dans son livre
« Persécutions contre le christianisme » rédigé après
son voyage au pays des Soviets a écrit entre autres
choses:
« En Russie il n'y a qu'~n seul séminaire, mais
parce qu'il ne peut fonctionner qu'en secret, illéga-
lement, je n'en parlerai pas plus en détail, tout ce que
je puis dire, c'est que ses membres sont officiellement
inscrits comme ouvriers. Un jour, je suis entré en
conversation avec un jeune homme de 18- 19 ans, à
la physionomie honnête, aux vêtements en loques, aux
joues creusées par la faim, qui me confia qu'il était
diacre de l'Église catholique, en d'autres termes, qu'il
était du nombre de ces jeunes gens qui actuellement
se préparent à Moscou à la carrière ecclésiastique.
Leurs conditions ressemblent grandement à celle des
candidats au sacerdoce à Rome au temps de Marc-
Aurèle. Ces théologiens ne peuvent consacrer que la
nuit à leurs études, car pendant le jour ils travaillent
comme employés des Soviets, ouvriers d'usine ou bien
comme tailleurs ou commis de magasin. Ils vivent
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
en commun, ils pnent en commun, mais il faut qu'ils
se. surveillent avec grande attention, parce que la loi
frappe avec une terrible sévérité leur activité et à
Moscou les agents vigilants des soviets épient si l'on
,.'. "
n'entend pas quelque part les accents de la prière.
Comment à vrai dire étudient-ils sans livres ni lumière
ni chauffage - c'est pour moi, incompréhensible.
« Le christianisme est-il fini en Russie? )) Mais non .
Pourvu qu'il y ait seulement une poignée d'hommes
en qui travaille le souffie de l'Esprit! Tout 'passe, seul
l'Esprit ne passe pas.
Que de fois nous sommes sur le point de perdre
courage, à la vue du triomphe du mal! Que de fois nous
sommes envahis par le pessimIsme, à quoi bon le
travail honnête, tout ce déploiement d'activité, on ne
peut pourtant pas rendre meilleur ce monde mauvais
- pourtant celui en qui vit l'Esprit, le souffie d~
Saint-Esprit, ne fléchira jamais, il ne tombera jamais
dans le doute, le pessimisme ne J'étouffera jamais
. . dans ses bras .
e) Ici nous arrivons à la grande recommandation
de saint Paul : « N'attristez pas le Saint-Esprit de
Dieu » (Éphésiens, IV, 30), et « N'éteignez pas "Esprit »
(le Thessaloniciens, v, 19). Qu'est-ce qui offense le Saint-
Esprit et qu'est-ce qui éteint en lui le Saint-Esprit?
demandera peut-être quelqu'un parmi vous. La réponse
nous est déjà donnée par le prophète Jérémie. C'est
à lui en effet que le Seigneur donna un jour c~t ordre
,'. remarquable.
J,.
'1 (C Lève-toi, dit-Il à Jérémie, va dans la ll).aison
.."iJ du potier, et là fais attention à ce que je te dirai »
"
LES SYMBOLES DO SAIN1'-ESPRI1'
(Jérémie,' XVIII, 2). Le prophète se hâta, l'âme obéis-
sante, de se rendre chez le potier qu'il trouva précisé-
ment en plein travail. D'une main habile il pétrissait,
façonnait, lissait, maniait la matière flexible suivant ses
plans et sa volonté. Le bloc d'argile soumis à la main
de l'artisan devint un vase artistique; mais ce qui
s'entêta et ne voulut pas se laisser façonner, l'artisan
le broya et le jeta comme inutilisable.
Or, tandis que Jérémie contemplait sans mot dire le
.travail, il entendit ces paroles du Seigneur: « Comme
l'argile dans la main du potier, voilà ce que vous êtes
dans ma main)) (Jérémie, XVIII, 6).
Mes frères, n'attristons pas le Saint-Esprit en con-
trariant son action éducatrice, formatricè, sanctifica-
trice. Abandonnons-nous aux impulsions du Saint-
Esprit et nous constaterons' quelle vie merveilleusement
délicate germe aujourd'hui encore dans l'âme qui '
ouvre toute large la porte à l'action du Saint-Esprit.
De même que lorsque nous nous trouvons à la
mer nous nous laissons soulever par les ' vagues,
de même devons-nous abandonner notre âme àussi à
l'action dll Saint-Esprit, de sorte que nous n'ayons pas
d'autre pensée que la pensée de Dieu, que rien
ne nous anime sinon le rythme divin, que nous ne
craignions rien d'autre que ce qui offense Dieu, que
notre âme ne prête l'oreille à rien d'autre qu'aux
paroles de Dieu. De celui qui peut atteindre à cette
hauteur, on dit qu'il est « la harpe du Saint-Esprit)),
que Dieu habite en lui, qu'en lui souffle la force du
Saint-Esprit.
D) «Mais un tel homme n'est pas fait pour lé monde
,
y
LE SYMBOLE DES APÔTRES
d'ici-bas - pourrait-on dire peut-être. La vie ne peut
pas utiliser un tel homme.
Mais si, mais si. Plus la vie intime de quelqu'un est
riche, plus sa façon de penser est pure, plus son âme
. .. est forte, plus il peut être un ouvrier précieux aussi pour
le monde extérieur, pour la civilisation humaine. En
effet qu'est-ce que la civilisation? L'essor de l'homme
au-dessus de la nature et la maîtrise des forces aveugles
de la nature pour ses propres buts. Or l' homme ne peut
pas donner au monde plus de biens qu'il n'en possède
lui-même. Celui donc qui vit en union intime avec Dieu,
qui rapporte tout à Dieu, qui porte en lui-même Dieu,
source première de la Vérité, de la Force et de la Beauté,
celui-là peut donner le plus au monde, celui-là peut le
mieux coopérer, soit comme chercheur de la vérité et
explorateur des forces de la nature, soit comme créateur
par un travail d'artiste de la beauté cachée dans le
monde.
Donc, « n'éteignez pas l'Esprit )J, cette intimité
,. chaude et sainte avec Dieu. En effet l'existence de
celui en qui habite le Saint-Esprit est une route enso-
leillée, même si sa vie est traversée par les ténèbres
de l'épreuve.
On peut dire de celui en qui habite le Saint-Esprit
que sa vie est un chant, une hymne, même si la disso-
nance des rudes coups de l'existence grince au-dedans
de lui.
On peut dire de celui en qui habite le Saint-Esprit
que sa vie est une fête tnomphale, même si cette vie
se passe dans une lutte perpétuellel sur la brèche et
dans le renonceinent.
LES SYMBOLES DU SAINT-ESPRIT 27
Comm~ le souffie du vent, va et vient le Saint-Esprit.
_Un jolir durant ma prière, une autre fois sur ma route,
au chevet d'un malade aimé, dans la lutte d'une ten-
tation pénible ... la force encourageante du Saint-Esprit
passe sur mon âme, comme le souffie vivifiant~'d'une
forêt en mai. Ah! qu'il est heureux celui qui d'une âme
sensible sait s'incliner sous les suggestions et les inspi-
rations du Saint-Esprit. N'offensons pas le Saint-Esprit
de Dieu et n'éteignons pas l'Esprit en nous.
II
LES LANGUES.
Le Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte, s'est encore
servi d'un autre symbole et après le vent impétueux
il est apparu sous forme de langues sur la tête des
apôtres. Que veut dire ce fait que les apôtres ont reçu
le Saint-Esprit sous la forme de langues?
A) Il publie clairement la grande tâche qui attend
les apôtres. Le Christ n'a pas confié à la foule la prédi-
cation de l'Évangile, mais seulement aux apôtres. Le
symbole du Saint-Esprit apparaissant sous forme de
langues expr.ime donc l:ordre du Christ: « Enseignez
toutes les nations» (S. Matthieu, XXVIII, 19). Le don
des langues' était nécessaire, pour que l'Église pût
franchir les frontières nationales juives. Nous savons
quel magnifique succès obtint le don des langues dès
1:
,)
28 LE SY1I1BOLE DES APÔTRES
la première Pentecôte. Quel peuple de tout pays se
pressait sur la place de Jérusalem, lorsque saint Pierre
prononça le jour de la Pentecôte son premier sermon!
l)ierre ne parlait que dans une langue et pourtant
chaque peuple l'entendait dans sa propre langue. Leurs
langues éfaient différentes, différents leurs vêtements,
différentes leurs civilisations, - mais le Saint-Esprit
les unissait. Là où les hommes se comprennent dans un
mutuel amour, là où les hommes par-dessus les cloisons
et les obstacles linguistiques, culturels, matériels,
sociaux, font preuve réciproquement de bonne volonté,
d'indulgence, de compréhension, aujourd'hui encore le
Saint-Esprit agit.
B) Depuis la première Pentecôte le Saint-Esprit parle
constamment par la bouche de l'Église et le Saint-Esprit
agit par la main de ['Église.
Si le Saint-Esprit n'agissait pas dans l'Église, elle
aurait dû depuis longtemps déjà périr. D'une part ses
ennemis ont tout tenté, pour pouvoir effacer la marque
du Christ, d'autre part chez ses propres membres se
sont manifestées tant d'imperfections humaines que
si le Saint-Esprit ne vivait pas en elle, elle n'aurait
pas pu résister pendant dix-neuf siècles ~ une foule
d'assauts.
La légende qui rapporte de sain~ Grégoire, que
quand il écrivait ses ouvrages, le Saint-Esprit planait au-
dessus de sa tête, s'est réalisée à la lettre pour l'Église.
Par la force du Saint-Esprit l'homme devient membre
de l'Église, lorsqu'il renaît dans le baptême (S. Jean,
III, 5), c'est par le Saint-Esprit qu'il est purifié dans
ie sacrement de pénitence (S. Jean, xx, 22), c'est le
1
'1
i
LES SYMBOLES DU SAINT-ESPRIT
Saint-Esprit qui verse dans nos âmes le trésor des
vertus, en particulier la charité (Romains, v, 5) et c'est
.~
le Saint-Esprit qui habite dans les âmes justes, les
· 1
transforme en temples vivants de Dieu. « Il vient en aide 1
1
à notre faibles.se ... l'Esprit lui-même prie pour nous
avec des gémissements ineffables» (Romains, VIII, 26).
Le Saint-Esprit habite en nous! Combien d'hommes
d'aujourd'hui ne savent quoi faire · de cette pensée!
Pourtant n'est-elle pas la réalisation la plus magnifique
de l'éternel désir de l'humanité: soumettre la matière
à la domination totale de l'esprit! En effet ne voyons-
nous pas, ne sentons-nous pas dans notre propre corps,
dans l'impuissance de notre époque si inquiète, que
les plus grands progrès techniques ne rendent pas
heureux, si les valeurs spirituelles échappent de nos
mams.
III
LES LANGUES DE FEU.
Mais le symbole de la Pentecôte nous dit encore
davantage, car le Saint-Esprit n'est pas descendu sur
les apôtres simplement en forme de langues, mais en
forme de langues de feu.
Le feu est fréquemment utilisé comme symbole de
la divinité.
C'est dans le buisson ardent que Dieu apparaît
à Moïse, c'est dans une colonne de feu qu'Il précède
 LE SYMBOLE ·DES APôTRES
le peuple dans le désert. « Notre Dieu est un feu
dévorant » (Hébreux, XII, 29), écrit saint Paul. Mais
le feu est par excellence le symbole éloquent de
l'activité du Saint-Esprit. Car le feu réchauffe et
fortifie.
A) Le feu réchauffe. Dans le monde matériel on peut
à peine trouver un symbole plus éloquent du Saint-
Esprit que le feu, cette force féconde et bienfaisante,
qui réchauffe lorsqu'il fait froid, donne la lumière
dans les ténèbres, éveille à la vie ce qui était engourdi.
Aussi appelle-t-on le Saint-Esprit, lumière des âmes,
« lumen cordium » et lumière bienheureuse « lux
beatissima ».
a) De cette force du Saint-Esprit qui réchauffe,
écfaire, vivifie, jaillissent toute chaleur spirituelle, toute
lumiere, toute vie de l'âme. Ce qu'il y a dans le monde
de beauté et de joie, ce qu'il y a de chaleur et d'amour,
ce qu'il y a d'amabilité et de sourire, tout cela provient
du sourire de Dieu, de l'Esprit-Saint. Comme la vie
serait froide, désolée, sombre et stérile sans le souffle
ardent du Saint-Esprit flamboyant éternellement dans
le ciel. . , De même que l'homme par l'électro-technique est
De même que le feu ne dit jam.ais : c'est assez, de
même le feu du Saint-Esprit déborde, s'étale avec une
abondance presque prodigue et chacun peut être sûr
que le Saint~Esprit habite en lui, s'il ne marchande
pas avec sa conscience d'une main avare: « c'est un
péché, je ne le ferai pas, ce n'est pas encore un péché,
je le ferai », « ce n'est pas commandé, je ne le fais pas» .
balancer ainsi entre le péché et la vertu, c'est faire
œuvre de danseur de corde, - mais celui en qui
LES SYMBOLES DU SAINT-ESPltIT 31
habite le Saint-Esprit sent s'enflammer en lui ce désir:
Seigneur, toujours davantage pour Vous, toujours
davantage.
b) Et c'est ainsi que nous comprenons les relations
entre le culte dp Saint-Esprit et l'amour du prochain;
ainsi comprenons-nous comment le culte du Saint-
Esprit est la source de premier ordre de l'amour du
prochain.
Chez nos ancêtres chrétiens le culte du Saint-Esprit
était beaucoup plus vivant. A cette époque, de la Sicile
aux pays scandinaves, étaient dispersés à travers
l'Europe des hôpitaux construits en l'honneur du
Saint-Esprit et portant son nom, et dans ces hôpitaux
et dans les villes il y avait des Confréries du Saint-
Esprit dont les membres se consacraient au service de
leur prochain, parce que le feu du Saint-Esprit avait
brûlé en eux l'égoïsme et éveillé une secourable
compassion. "
B) En effet le feu donne aussi la force. Il brûle les
barrières élevées par l'égoïsme entre les hommes et
allume en eux la flamme de l'amour de Dieu.
capable de capter la foudre du ciel et de changer par
un simple contact l'obscurité de la nuit en lumière
du jour, de mettre les moteurs en mouvement et de
soulever des poids énormes, de même l'âme sur laquelle
se déverse le courant vivifiant du Saint-Esprit, - la
charité .- alors même qu'elle aurait été auparavant
dans les ténèbres; ' s'enflammera à la lumière de ce
soleil, s'élèvera dans les hauteurs de l'amour de Dieu
et supportera le fardeau de la vie.
 t.E SYMBOLÈ DES APÔTHES
Au moyen âge fut même érigé un ordre de chevalerie
en l'honneur du Saint-Esprit : « Les Chevaliers du
Saint-Esprit )J. Cet ordre de chevalerie n'existe plus
aujourd'hui, mais aujourd'hui encore, tous il faut que
nous devenions les chevaliers du Saint-Esprit. A la
place des exercices militaires et des joutes intrépides
des chevaliers du moyen âge, un combat plus pénible
nous attend : la confession courageuse de notr,e foi
et une vie conforme à notre foi. Que ne faut-il pas
supporter aujourd'hui, que de railleries, de plaisanteries,
d'objections, que de renoncements, de mortifications,
de sacrifices il doit endurer celui qui veut rester fidèle-
ment aux côtés du Christ!
En tramway et en autobus on voit partout cet avis :
« Descendre dans le sens de la marche de la voiture ».
Eh! sans doute. Celui qui descendrait en sens inverse
tomberait de tout son long. Mais dans la vie morale
et religieuse aussi : Toujours en avant. On ne doit
pas reculer. Hélas! comme elle est pénible cette persé-
vérance jusqu'au bout! Ce n'est pas en vain que
saint Pal.!l compare la· . vie chrétienne à une course.
Elle l'est en réalité. Au départ tous se mettent ensemble
en marche - chacun a reçu le baptême. Tous suivent
la même route ' pendant leurs premières années. Mais
ensuite tantôt l'un, tàntôt ,'autre commence déjà à
rester en arrière. Quelques-uns dès les premiers mois
"dè 'là jèunesse, d'autres à la fin de leur adolescence,
d'autres parvenus à l'âge mûr. Ils n'ont pas la force de
persévérer. Eh bien! la grâce de la persévérance est
un don du Saint-Esprit. La grace de la persévérance
finale est un présent du Saint-Esprit. Or "seul « celui
LES SYMBOLES DU SAINT-ESPRIT 33
qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé Il
(S. Matthieu, x, 22).
'*' *
Mes frèrys, le Saint-Esprit est descendu sur les
apôtres avec un bruit d'orage et sous forme de langues
de feu. Comme les apôtres avant la Pentecôte étaient .
craintifs, désespérés et hésitants! Et' que devinrent-ils
, après la Pentecôte? D es braves qui affrontèrent la mort.
Enflammés du seul désir de prêcher le .Christ, les
souffrances, les tourments, le martyre furent impuis-
sants contre eux, tous les efforts de la puissance et de
la /philosophie païennes furent impuissants; - et
finalement ils furent victorieux, ces hommes fortifiés
par le Saint-Esprit.
. Il n'y a eu qu'une Pentecôte dans le monde, mais
ce jour n'a pas eu de crépuscule. La Pentecôte doit
être perpétuelle. C'est la Pentecôte partout où quelqu'un
lutte contre le péché et remporte la victoire, où un
homme vient charitablement en aide à son prochain
dans la souffrance et où un homme sait sourire même
au milieu des souffrances et de l'épreuve.
Si jamais, c'est maintenant que nous devons faire
cette prière : Venez, Esprit-Saint, donnez-nous la
grâce de la foi que la peste de l'incroyance s'efforce
chaquel jour de contaminer. Donnez-nous la grâce
de la constance et de la persévérance, à nous qui chaque
jour sommes assaillis par le manque de foi et le décou-
ragement. Donnez-nous la grâce de la victoire, à nous
qui sommes obligés de livrer des combats surhumains
pour la morale chrétienne. Venez, Esprit-Saint!
Symb. des Ap. - t. V 2
34 LE SYMBOLE DES APÔTRES
Venez, pour que nous ne soyons pas de frêles roseaux
qui s'inclinent à tous les vents. Venez, pour que nous
ne soyons pas des veilleuses clignotantes qui fument
et s'éteignent. Pour que nous ne soyons pas des esclaves
du péché et des passions.
Mais que nous soyons des rochers qui savent braver
le flot tumultueux des tentations.
Que nous soyons un feu, une flamme dont la pure
lumière monte jusqu'à Vous.
Que nous soyons comme les apôtres au jour de la
Pentecôte, avec pour cuirasse la force de l'amour de
Dieu qui nous défendra contre tout péché.
« Brûlez, Seigneur, du feu du Saint-Esprit nos reins
et nos cœurs, afin que nous puissions vous servir qvec un
corps chaste et vous plaire par la pureté de notre vie Il.
Amen.
III
QUE NOUS DONNE LE SAINT-ESPRIT?
MES FRÈRES,
,
Aux alentours de l'église de la grotte sur le mont
Gérard à Bud.a on voit une foule de pigeons voleter
çà et là. Les passants ont l'habitude de s'arrêter avec
étonnement devant un homme qui est véritablement
un charmeur de pigeons. Il s'assied sur un banc, tire
de sa poche du blé ou du maïs ... et au même instant
la bande de pigeons vole vers lui, les uns se posent dans
le creux de sa main, les autres se tiennent sur ses
genoux ou voltigent sur ses épaules ... Les gens con-
templent avec admiration ce spectacle ravissant.
Qu'èst-ce qui les étonne? La puissance merveilleuse
de l'amour. Ce fait que devant cette bonté silencieuse
et bienfaisante la crainte instinctive de l'oiseau disparaît
et que les pigeons craintifs deviennent les convives
confiants de cet homme au bon cœur. La bonté fait
naître en eux la confiance et la nourriture leur donne
la force.
Dernièrement j'admirais moi aussi cet homme en
train de nourrir les pigeons et je me fis cette réflexion :
Ne sommes-nous · pas, nous aussi, pareillement les

LE SYMBOLE DES APÔTRES
convives du Saint-Esprit? Dans l'Église chrétienne
le Saint-Esprit distribue - non pas du blé ou du maïs -
mais d'abondantes sources de grâces. Il nous 'appelle,
nous flatte, nous encourage, afin que nous allions à
Lu~, nous appuyions sur son épaule, mangions dans sa
mam - et Il dompte la nature inclinée vers le péché
de celui qui se donne à lui avec une entière confiance.
Il en forme un homme nouveau, au point qu'il devient
un sujet d'admiration non seulement pour les hommes
• A
mats meme pour les anges du ciel.
Les convives du Saint-Esprit! Expression qui
sonne d'une façon un peu étrange, mais pourtant
parfaitement juste. Nous sommes des pigeons affamés
et le Saint-Esprit nous nourrit. Avec quoi nous nourrit-
Il.? En quoi consiste la nourriture du Saint-Esprit?
SI dans le sermon d'aujourd'hui nous examinons
comment le Saint-Esprit nourrit nos âmes affa~ées,
nous arriverons à cette constatation, comme pour les
pigeons du mont Gérard : Il fait naître en nous la
confiance, la foi et nous donne la force. En d'autres
termes nous pouvons dire : le Saint-Esprit alimente
en nous 1. la foi et II. la vie morale. III. Sans le Saint-
Esprit nous n'arriverons donc à rien.
1 Tu n'as certainement pas raison - repartit une
LA FOI EST UN DON DU SAINT-ESPRIT.
Quel est donc le premier don vivifiant du ·Saint-
Esprit? La foi. La foi chrétienne qui transforme et
.' .
QUE NOUS DONNE LE SAINT-ESPRIT? 37
purifie tout notre être, comme le charmeur de pigeons
transforme la nature craintive de ces oiseaux.
A) Nous sommes donc redevables au Saint-Espr~t
de notre foi. C'est-à-dire que nous pouvons VOIr
au delà de la terre, c'est-à-dire que nous pouvons nous
élever au-dessus du monde de la matière. En d'autres
termes, le Saint-Esprit donne à l'homme l'essor méta-
1
physique. Il élargit notre horizon, Il dirige nos regards
vers les collines éternelles. Qu'es-tu, Ô homme?
'
Pourquoi vis-tu sur la terre? Où vas-tu? Quel est le
but de ta vie? Quel est le sens de ta vie? '
Ah! oui, la difficile et décisive question : quel est le
sens de la vie?
Par un beau jour d'été - écrit un conteur suédois
_ un débat animé s'éleva entre les habitants de la
forêt sur ce problème angoissant: quel est le sens
de la vie?
Quel est le sens de la vie? - module le rossignol.
Quoi d'autre sinon le chant, - et il se mit à lancer ses
belles roulades.
Ce n'est pas du tout le chant - grommela une taupe,
_ pas du tout. Une lutte perpétuelle avec les ténèbres,
c'est cela la vie.
Ce n'est pas cela non plus - répondit un papillon
multicolore. La jouissance et le plaisir, voilà la vie.
laborieuse abeille, - la vie n'est pas seulement le
plaisir, mais aussi le travail. .Plutôt le travail que
le plaisir. .
C'est vrai - soupira une fourmi - plutôt le travail
et la peine que le plaisir.
 LE . SYMBOLE DES APÔTRES
Mais un aigle se mit à crier du haut du ciel :
Vous n'avez raison ni l'un ni l'autre. La vie c'est la
il iberté et la faculté de s'envoler à tire-d'aile dans
le ciel bleu.
'. :C'est alors que les pIantes se mêlèrent aussi à ce
grand débat. Le pin élancé donna raison à l'aigle, la vie
est une envolée, un effort vers les hauteurs. Le rhodo-
dendron et le lichen tinrent pour la fourmi : la vie
n'es: qu'une lutte et un combat. La rose épanouie et
le Ils blanc comme la neige affirmèrent que la vie
n'était que plaisir et charme. Mais le nuage laissa
tomber ces mots: certainement la vie n'est que larmes,
amertume et pleurs. Les ruisseaux murmurèrent en
passant à la hâte: la vie est un passage et un changement.
Et lorsque l'indécision, la contradiction et la con-
fusion furent à leur comble, tout à coup retentit la
cloche de la Pentecôte et toute la troupe discutante
philosophante, gazouillante se tut et dans le silenc~
subit tous reconnurent que la seule réponse juste sur
le sens véritable de la vie était : paix et joie, force et
harmonie, ardeur, combativité, fidélité et pureté
suscitées. dans l'homme par la force de l'Esprit-Saint.
B) Mais pour que nous puissions affirmer cela, le
Saint-Esprit nous donne un jugement exact, une com-
préhension exacte, c'est-à-dire qu'Il nous enseigne à
reconnaître les valeurs véritables. . organisé. Par la suite Il est apparu au-dessus de
Selon saint Cyrille de Jérusalem, le Saint-Esprit
agit sur les âmes, comme les rayons du soleil sur les
yeux. Lorsqu'on passe de l'obscurité à la lumière du
jour, on aperçoit beaucoup de choses que l'on n'avait
fi
pas vues auparavant. Pareillement est éclairée l'âme
QUE NOUS DONNE LE SAINT-ESPRIT? 39
où habite le Sain" 'Esprit et elle commence à voir avec
des yeux surnaturels. (Catéchèse, XVI, 16).
L'homme illuminé par le Saint-Esprit voit claire-
ment les droits de l~âme, or jamais il n'a été nécessaire
de parler des droits de l'âme autant qu'aujourd'hui,
au siècle de la machine.
Que d'efforts aujourd'hui sont faits pour « éteindre
l'âme »1 Pour des millions d'hommes aujourd'hui
il n'y a plus autre chose qui leur en impose que le
cheval-vapeur, le muscle, la boxe. Quelles sommes
immenses demande un footballeur professionnel ou
. un boxeur 1 Comme les journaux, le cinéma, le public
fêtent les héros de la matière 1
Il faut l'essor métaphysique du Saint-Esprit, pour
que nous le voyions: à quoi bon le progrès technique,
si nous restons spirituellement, moralement dans les
ténèbres 1
C) Et si nous recherchons comment le Saint-Esprit
fait naître en nous cet essor, c'est-à-dire comment le Saint-
Esprit opère actuellement la renaissance de l' homme,
nous arrivons à ce résultat : exactement comme
autrefois.
a) D'abord le Saint-Esprit est apparu le jour de la
création au-dessus du chaos; l'Esprit de Dieu planait
au-dessus des eaux et · le chaos devint un monde
l'homme du chaos et de cet homme de chaos, de cet
homme anarchique il a fait un homme d'ordre, un
chrétien.
Aujourd'hui encore le Saint-Esprit travaille ainsr.
Jadis Il a insufflé la richesse de la vie dans la nature
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
désDrdonnée, mais aujourd'hui Il forme du vieil homme
désordonné « une nouvelle créature » (Ile Corinthiens,
v, 15) spzrituelle.
b) « Envoyez votre Esprit et ils seront créés et Vous
renouvellerez la face de la terre )) - telle est la vrière
de l'Église. ' la porte - il faut que nous l'ouvrions. Écoutons en?ore
Qu'est-ce que l' homme créé dans le Saint-Esprit?
En apparence tout reste extérieurement comme aupa-
ravant, mais en réalité, il est tout autre: son œil, son
cœur, sa manière de penser sont changés. Elles sont
réalisées à la lettre les paroles du Seigneur dans le
prophète Ézéchiel: « Je verserai sur vous une eau pure
et vous serez purifiés... Je vous donnerai un cœur
nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau ' et
j'ôterai de votre corps le cœur de pierre et vous donnerai
un cœur de chair II (Ézéchiel, XXXVI, 25- 26 ).
L'homme devenu le temple du Saint-Esprit se voit
lui-même autrement, il voit autrement sa propre vie,
son prochain, le monde et toute son histoire. Il voit
autrement la souffrance et la désillusion.
Lorsque sous la révolution française les religieuses
d'un couvent de Vendée furent conduites à l'échafaud ,
en chemin elles chantèrent le « Veni Creator Spiritus ".
y a-t-il, au milieu du triomphe de la méchanceté et
des ténèbres, plus grande consolation que la foi en
l'Esprit du bien et en l'Esprit de lumière?
Que de charité, que de beauté, que de charme et
de délicatesse d'âme, que d'élan et de force abonderaient
dans l'Égl~se, comme elle serait féconde et fleurie la
grande vigne du Seigneur, si chacun ouvrait large-
ment son âme à l'Esprit-Saint qui frappe à sa porte 1
QUE NOUS DONNE LE SAINT-ESPRIT?
f( Voici que je me tiens à la porte et je frappe - dit
de Lui-même Notre-Seigneur - si quelqu'un entend
, ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai
.~, avec lui et lui avec moi » (Apocalypse, Ill, 20).
Le Seigneur ne fait que frapper, II n'enfonce pas
cet avertissement de saint Paul : cr. N'éteignez pas
l'Esprit l) (le Thessaloniciens, v, 19), « Marchez selon
l'Esprit, et vous n'accomplirez pas les convoitises de
la chair l) (Galates, v, 16).
Comme ces paroles s'appliquent à nous! Vivez
selon l'Esprit et non pas selon les passions! Ni selon
le corps! Ni selon les maximes du monde 1 Ni selon
l'argent 1 Ni selon la terre 1
Mais voici que se présente l'autre don du Saint-
Esprit : la vie morale.
II
LA VIE MORALE EST UN DON DU SAINT- ESPRIT.
Le .Saint-Esprit en ~ffet ne donne pas seulement
l'élan métaphysique, mais aussi l'élan moral, c'est-à-
dire, Il n'ouvre pas seulement à nos yeux la vûe du
monde surnaturel, mais Il nous aide aussi à l'atteindre:
A) Il nous donne la force de pouvoir vivre conformément
à notre foi, ou bien si nous nous sommes écartés de la
route: B) Il nous ramène dans la bonne voie.
A) La vie selon la foi exige la lutte et le Saint-Esprit
en donne la force.
 LE SYMBOLE DES APôTRES
a) Celui qui a lu le fameux roman de Sienkiewicz
« Quo Va dis », n'oublie pas facilement le combat
impressionnant de l'esclave athlétique Ursus avec le
taureau furieux. La bête se précipitant dans l'arène
du Colisée avec la jeune Lydia attachée sur ses cornes,
pour faire une martyre de l'innocente jeune ·fille, de
la servante du Christ; le gigantesque U rsus · saisissant
les cornes de l'animal ivre de sang et s'efforçant de
le renverser; les muscles du fidèle serviteur tendus
presque à se briser, ses pieds s'enfonçant dans le sable
sous le poids de ses efforts surhumains, le lecteur en
perd presque la respiration ...
Mais lorsque finalement le taureau est dompté et
qu'Ursus sous le souffle de la fidélité et de l'esprit
de sacrifice remporte cette victoire surhumaine et
arrache des cornes du taureau terrassé la jeune fille
évanouie, on respire soulagé et on s'éèrie : Dieu soit
loué! il est vainqueur.
Depuis le péché originel l'humanité était pareil-
lement attachée au péché et aux mauvais instincts
et jamais nous n'aurions pu nous en dégager, si nous
n'avions pas reçu cette force surhumaine que nous donne
le Saint-Esprit.
b) En revanche c'est pour nous une grande conso-
lation et un grand encouragement que nous puissions
compter sur la force du Saint-Esprit et que nous puissions
tenir en bride la nature fougueuse et les passions indomptées.
Ah! combien se lamentent : le combat spirituel est
extraordinairement pénible pour moi. J'ai hérité de
mes ancêtres une nature si sensuelle, si facilement
portée à la colère, si égoïste, si dure .. . Peu importe,
QUE NOUS DONNE LE SAINT-ESP.R IT? 43
mes frères, nous pouvons tous par la force du Saint-
Esprit remporter la victoire. _
Le prophète Ézéchiel eut un jour une vision curieuse
relative au règne futur · du Rédempteur. Il vit jaillir
du seuil du temple du Messie une · source qui coulait
sur la pente de la montagne et devenait un fleuve, ce
fleuve se jetait à travers le désert dans la mer Morte et
en changeait l'eau amère en eau douce, si bien que la
mer Morte était remplie de poissons, tandis que sur
ses rives fleurissaient des arbres auxquels les fruits
ne faisaient jamais défaut (Ézéchiel, XLVII, 2-42).
Pourrait-on trouver une image plus saisissante pour
nous représenter l'action féconde que le Saint-Esprit
exerce dans l'âme humaine? Certainement la vie est
un grand désert à travers lequel nous devons tous
passer. Certainement, si nous étions laissés à nous-
mêmes, notre âme deviendrait une mer Morte. Mais
si nous le voulons, le fleuve de grâces du Saint-Esprit
se déverse sur notre vie et là où il passe naissent dans
nos âmes les fleurs magnifiques de la foi et de la vertu.
Seulement nous ne ferons pas comme les livreurs
de houille en hiver dans les rues de Budapest.
On voit une chose singulière ·les jours d'hiver dans
les rues de la capitale .. D'immenses camions chargés
de charbon circulent dans les rues et au-dessus des tas
de charbon sont assis les livreurs transis et grelottants.
N'est ce pas bizarre : au-dessous d'eux une source
de chaleur, ils sont assis dessus et cependant ils gèlent!
Quelle image frappante de la foi glacée du monde sans
le Saint-Esprit 1 Mais aussi des chrétiens à la foi glacée
qui n'ont besoin que d'étendre la main vers la source
 LE SYMBOLE DES APôTRES
du Saint-Esprit, qui n'ont besoin que d'exposer
leur âme aux chauds rayons du Saint-Esprit, pour
puiser la force, se réch~uffer et - vaincre.
B) Non seulement le Saint-Esprit nous éclaire,
nous indique la route, mais Il nous aide à reprendre
la vraie route, si nous nous en sommes écartés. Celui qui
est fatigué, Il le réconforte, celui en qui le feu de
l'amour de Dieu s'éteint, il le ranime et celui en qui il
est éteint tout à fait Il le rallume de nouveau.
Lorsque l'ennemi détruisit Jérusalem, les Juifs
.eurent pour principal souci de sauver le feu sacré
qui brûlait dans le Temple. Il fut donc caché dans
une citerne. Quand par la suite Néhémie voulut
consacrer le nouveau Temple de Jérusalem, il· envoya
des prêtres chercher le feu qui avait été sauvé et caché.
Mais dans la citerne ils ne trouvèrent qu'une eau sale
. et boueuse à la place du feu. Ceperidantils y puisèrent.
Et lorsque cette eau boueuse eut été versée sur l'autel
des holocaustes du nouveau Temple, les rayons du
soleil percèrent les nuages, le feu s'alluma sur l'autel
et consuma le sacrifice.
Combien d'ennemis ont déjà détruit dans notre
âme le temple de Dieu et - hélas 1 - il n'a pas été
possible de sauver le feu sacré. Que de fois les rayons
enflammés du Saint-Esprit sont déjà tombés suri la
mare boueuse et sale de l'autel de notre âme 1
Mais il dépend uniquement de nous," de notre
collaboration que par"" la force du Saint-Esprit s'en-
flamme de nouveau en nous le feu d'une vie agréable
à Dieu et généreuse et que notre âme puisse être de
nouveau consacrée le temple de Dieu. Et ici passe
1
QUE NOUS DONNE LE SAINT-ESPRIT? 45
comme un trait de lumièrt; devaÎ1t nous la grande
leçon de toute cette instruction :
m
SANS LE SAINT-EsPRIT NOUS N'ARRIVERONS A RIEN.
Si c'est réellement un don du Saint-Esprit que
nous soyons maîtres de nous-mêmes, que nous puis-
sions commander à la nature humaine déchue, alors-
il est sûr aussi que le monde séparé du Saint-Esprit
doit aller à la ruine, car sans le Saint-Esprit nouS
n'arrivons à rien.
Ni la société ni [' indivMu ne peuvent mener une 7)ie
morale sans le Saint-Esprit.
A) La vie morale de la société ne peut pas subsister.
Jamais on n'a autant écrit de gros livres sur les
questions sociales qu'aujourd'hui et pourtant les
prisons sont pleines d'individus antisociaux. Jamais
n'ont paru autant d'ouvrages sur. la pédagogie et
jamais il n'y a eu autant d'hommes mal élevés. L'eugé-
nisme est à l'honneur et en même temps l'animal
devient de plus en plus audacieux dans_ l'homme.
Que ne' 'fait pas la science médicale pour ' sauver un
organisme humain usé et le conserver en vie au moins
encore quelques semaines et en même temps les enfants
qui attendent d'entrer dans l'existence périssent par
milliers, avant de voir le jour. Voilà ce qu'il advient
de la morale de la société sans le Saint-Esprit!
 /l~
1
1
LE SYMBOLE DES APÔTRES
B) Mais si le Saint-Esprit est la lumière qui éclaire
et le feu qui purifie et fortifie, qui conserve la vie,
alors sans le Saint-Esprit la vie morale de l'individu ne
peut pas non plus subsister. <-
Le Saint-Esprit est la lumière, donc je ne puis faire
un seul pas sans Lui, ou, si je le fais, je m'égare dans
les ténèbres. Le Saint-Esprit est le feu, donc mon
âme a froid sans Lui. Le Saint-Esprit est la force,
donc mon âme est affaiblie sans Lui. En d'autres
termes : j'ai besoin du Saint-Esprz"t; je dois ouvrir
mon âme et laisser pénétrer en moi les inspirations
du Saint-Esprit, m'approcher avec joie, m'approcher
souvent des sacrements, de la confession, de la com-
munion qui me communiqueront la force du Saint-
Esprit.
Tous nous avons besoin des inspirations du Saint-
Esprit, tous nous recevons les inspirations du Saint-
Esprit et cependant que voyons-nous? Une âme se
sent illuminée, réchauffée, fortifiée au contact du
Saint-Esprit; une autre demeure sombre, glacée,
abattue, brisée, inerte. Regardez autour de vous dans
ce monde affreux: quelle foule d'âmes glacées, brisées,
déguenillées circulent autour de nous 1 A qui la faute?
Au Saint-Esprit? Non, non 1 Cet esprit de feu ne'
s'est pas manifesté seulement à la première Pentecôte,
aujourd'hui encore Il agit sur toute âme humaine;
seulement nous ne répondons pas, nous ne sommes
.pas des instruments dociles dans les mains du Saint-
Esprit. -s;'
Bien souvent ' vous regardez le carreau d~ marbre
blanc qui est suspendu au-dessus de ma chaire; c'est
QUE NOUS DONNE LE SAINT- ESPRIT? 47
le microphone. C'est un morceau de marbre froid et
sans vie - s'il n'y passe pas de courant; mais quand
il y en a, alors c'est un instrument incomparablement
sensible qui vibre à la moindre parole que je prononce
et la diffuse dans tout le pays, si bien que des centaines
de milliers d'auditeurs l'entendent. Pouvons-nous
devenir des microphones du Saint-Esprit? De manière
que mon âme réagisse 'avec joie à son plus léger contact:
Seigneur, Seigneur, je suis à Vous; que voulez-Vous
de moi} Faites ce que Vous voulez.
C'est seulement ainsi que nous serons vainqueurs
de la vie, des luttes terrestres. Nous marchons sur la
terre, notre âme est enracinée dans la terre, nous avons
à lutter contre des milliers de difficultés - et pourtant
nous ne devons pas nous perdre dans les soucis ter-
restres, et même dans le travail servile des jours de
semaine nous devons entendre sans cesse l'hymne
réconfortant de notre éternelle destinée, de la vie
éternelle, de notre vocation chrétienne.
Savez-vous qui réussira? Savez-vous qui pourra
chanter même au milieu des luttes terrestres des
mélodies célestes? Celui qui sait ouvrir largement
son âme aux énergiès qui descendent du Saint-Esprit,
celui qui fréquemment reçoit en lui-même l'aliment
du Saint-Esprit, la grâce, par les instruments de la
grâce, la récéption fréquente des sacrements.
Lorsqu'on veut entendre la radio, est-il suffisant
d'avoir un appareil? Non. Il faut aussi un fil qui le relie
à la terre et un fil qui le relie à l'antenne pour recueillir
les ondes. 'Œt c'est entre ces deux fils que je place
l'appareil et alors j'entends: Allo, allo, ici Budapest,
 LE SYMBOLE DES APôTRES
longueur d'onde 550 m. M~n âme aussi est un poste
de radio. La prise de terre - ah! la prise de terre est
chez nous tous très forte: nous sommes enlisés jusqu'au
cou dans les soucis terrestres. Mais cela ne suffit pas.
Pour qu'un chant, un concert, une vie humaine chré-
tienne y résonnent, il faut aussi un fil vers le haut,
il faut aussi une âme tendue, assoiffée, sachant aspirer
les énergies qui jaillissent du Saint Esprit et dès que
cela est réalisé j'entends aussi ; Allo, allo, ici le Saint-
Esprit, longueur d'onde, la vie chrétienne ... La vie
chrétienne qui est la foi. La vie chrétienne qui est la
morale. La vie chrétienne qui est aussi une lutte
pénible. Mais : la vie chrétienne qui est seule la forme
de vie capable d'assurer la paix et le bonheur.
Mes frères, c'est sous la forme de langues de feu
que le Saint-Esprit est venu et aujourd'hui encoi'e
nous prions que son feu éclaire, réchauffe et fortifie
notre âme. Seigneur, donnez-nous le feu 1
Le feu? N'y a-t-il pas assez de feu sur la terre?
N'y a-t-il pas assez de feu dans les usines? Dans les
forges? Dans les locomotives? Dans les .chaudières?
Dans les usines électriques? A la bouche des canons?
Dans les passions? Dans les cœurs humains remplis
de haine? Oui, toute la terre brûle - mais ce n'est pas
du feu du Saint-Esprit. Et à ' côté de ce feu le cœur
reste froid, l'âme demeure dans les ténèbres, 'l'œil
reste aveugle. Seigneur, envoyez-nous Votre feu!
Le feu qui donne la lumière de la foi dans l'incrédulité.
QUE NOUS DO NNE LE SAINT-ESPRIT? 49
r:e feu qui produit la chaleur de l'amour. Le feu qui
fait fondre les scories du péché. -)
Prions donc souvent pour que le Saint-Esprit vienne
parmi nous. Car si ce n'est pas le Saint-Esprit qui vient
parmi les hommes, ce sera le démon. Si ce n'est pas
le feu de la Pentecôte qui descend du ciel parmi nous, .
ce sera la flamme destructrice de l'enfer. Si ce n'est pas
le souffie vivifiant du Saint-Esprit, ce sera l'haleine
destructrice de la révolution. Ne nous trompons pas:
ou bien nous nous efforcerons de devenir des saints
ou bien nous deviendrons des scélérats. Ou bien le
Saint-Esprit allumera en nous le feu ardent de la foi
et de l'amour ou bien s'allumera dans l'humanité le
feu dévorant de l'impiété et de la haine.
Ah! venez, Esprit-Saint, donnez-nous la force de
r pouvoir croire. Donnez-nous la force de pouvoir vivre con-
formément à notre foi. Donnez-nous la force pour que
nous puissions tous être vos petits pigeons fidèles qui
1 volent sur vos épaules, se serrent auprès de Vous, mangent
. dans volfe main et un jour seront éternellement heureux
1 près de votre Cœur. Amen.
1
i
!

IV
QU'EST~ CE QUE L'ÉGLISE?
MES FRÈRES,
A Rome, centre de la chrétienté, se dresse la plus
grande église du monde, la basilique Saint-Pierre.
Vous en avez tous déjà entendu parler, vous avez
tous lu quelque chose sur ses proportions gigantesques,
sur ses incomparables beautés artistiques; mais lors-
qu'on va à Rome et que l'on regarde pour la première
fois cette fameuse basilique, un cri de déception
s'échappe des lèvres: cc Est-ce bien là ce merveilleux
chef-d'œuvre? Où sont ses gigantesques dimensions?
Où est sa beauté sans pareille? Je n'y vois rien d'extra'-
ordinaire ». En effet la première impression produit
quelque déceptîon. Et cette impression décevante ne
disparaît que lorsqu'on a circù!é pendant des heures
dans cet~e église. Quand quelques jours après on y
retourne, qu'on y entre dix fois, vingt fois, quind
on s'arrête à contempler une statue ou un tombeau,
quand sous la conduite d'un guide au courant on
.JiII
,
QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE? ' SI
) , ,
examine en détail chaque autel et chaque chapelle,
alors on devine pourquoi Saint-Pierre figure parmi les
premiers et les plus beaux édifices du m~~dell ' . , '
Il en va ainsi non seulement de la bas1l1que &111t-
Pierre mais aussi de celle qui l'a élevée : l'Église
catholiqu~. On entend, on sait, on lit bien des choses
sur elle. Nous savons que dans le monde entier il
n'existe pas une seule société aussi étendue, aussi
ancienne, aussi ' importante et aussi bienfaisante
que l'Église catholique. Mais pour que nous ne la
connaissions pas seulement en général, pour que nous
connaissions aussi ses beautés, pour que nous l'aimions,
la suivions, la défendions et en soyons fiers, il ne
suffit pas d'un coup d' œil superficiel, nous avons
absolument besoin d'un guide expérimenté. , _ '
Ce .guide nous le trouvons dans cette phrase du
Symbole que nous allons maintenant commenter :
cc Je crois à la Sainte Église Catholique ». Écoutez
seulement attentivement quand · à la grand'messe le
chœur chante le Credo, avec quel élan, avec quelle joie,
quelle conviction, quelle fierté il c~ante sur un t;o~ de
triomphe: «Unam, sançta~, cathohcam. et apostoh~am
Ecclesiam », cc Je crois en l'Eglise tine, samte, cathohque
et apostolique ». ,
Quelle est donc la cause de cet enthous~ùsme, de
cette joie, de cette fierté et de cette conviction?
Qu'est-ce que cette Église catholique à laquelle j'appar-
tiens par ' une grâce particulière de Dieu? Que me
donne"'t~elle ? Pourquoi puis-je en être fier? Quels sont
ses mérites?.. Autant de questions auxquelles nous
commençons à répondre en détail avec l'instruction
 52 LE SYMBOLE DES APÔTRE~
truction d'aujourd'hui. Nous n'expédierons pas hâtive-
ment ce sujet. Vingt sermons seront consacrés à cet
article. Pendant des mois je ne vais parler que d'une
chose : de l'Église catholique. Et lorsque nous aurons
considéré à fond ce gigantesque édifice, de nos lèvres
s'échappera avec une joyeuse fierté et un cri de
reconnaissance cette profession de foi : « Credo unam,
sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam )}.
Dans le sermon de ce.jour nous devons nous occuper
de cette question préalable : Qu'est-ce que l'Église?
II est tout naturel, n'est-ce pas, que nous commencions
par y répondre. Nous pouvons résumer cette réponse
en trois idées. Chacune d'elles indique que l'Église
porte en elle-même toute beauté et toute force. Nous
affirmons donc que l'Église 1. -est le Christ continuant
à vivre ,parmi nous, II. qu'elle est l'épouse du Christ
et III. le corps mystique du Christ. Chacun de ces trois
dogmes renferme des idées toutes plus belles les unes
que les autres,
l Quelle institution étonnamment organisée! Quel code
L'ÉGLISE EST LE CHRIST
CON'l'1NUANT A VIVRE PARMI NOUS.
A) Le fondateur du christianisme, Notre-Selgneur
Jésus-Christ, est le fondateur de l'Église catholique.
a) C'est un fait historique que Notre-Seigneur
Jésus-Christ, dès le début de sa vie publique, choisit
parmi ses disciples quelques-uns d'entre eux, leur donna
QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE? 53
un nom particulier, les instruisit en particufier, ~es
honora d'une affection spéciale, leur donna des pOUVOIrS
spéciaux et finalement au , moment , de. son ascension
leur confia particulièrement la convérSlOn du monde.
Il y avait donc, des fidèles et des a~ôtre~. Mais parmi
ces apôtres il y en eut un aussI qu Il plaça à la
tête de tous les autres. L'Église catholique, au jour de
l'Ascension de N otre-Seigneur, était donc ainsi orga-
nisée : des jide/es, des apàtres, ,Pierre, - et leur chef
invisible le Christ.
b) Le petit grain de sénevé des premiers jours est
devenu après dix-neuf siècles l'arbre gigantesque de
l' hglise catholique. Une institution si puissante •qu'elle
est incompréhensible aux 'yeux de quelques-uns. _
Cette grande organisation qui embrasse le monde
et que nous appelons l'Église est-elle nécessaire?
demande-t-on. Quelle hiérarchie minutieusement
réglée se rencontre dans l'Église actuelle 1 A com-
mencer par le petit curé de village, les doyens, les
évêques, les arèhevêques jusqu'au pape de Rome.
compliqué avec ses 2414 canons et ses innombrables
paragraphes! Quelles lois morales détaillées 1Ensuite que
de traditions, que de cérémonies, que de rites 1 Et les
concordats, et l'Index,... et mille autres particularités 1
Bien des gens restent sans comprendre devant ces
choses. Souvent des catholiques bient. disposés )ne
peuvent pas les comprendre. Dalils les vingt sermons
qui nous attendent nous aurons l'occasion de nous
occuper de tout cela en détail. Mais il y a une chose
que je dois vous dire dès maintenant; celui qui. verrait
 54 LE SYMBOLE DES APÔTRES
l'Église uniqu~ment d~ns ces choses, celui qui ne verrait
,q~e. le. côté exté~i.eur de ~'Églisene .verrait pas ni ne
~salslralt pas dernere le vIsage humam l'âme et la vie
'~ntér~eure de l' Église, ~on visage divin, et ne pourrait
JamaIS comprendre l'Eglise du Christ. Car tout cela
n'est pas l'essence de l'Église, ni l'âme de l'Église ni
son visage caché. ' écartée, ne fût-ce que d'un cheveu, des vérités chré-
, B) Quelle est donc l'essence d~ l'Église?
. Tout d'a~o~d l' Églis~ est le Christ c(Jntinuant my sté-
rzeusement a vtvre parmt nous, elle est l't'mage du Christ,
l'Église est le Christ vivant parmi nous. ..
: a) Un JOUi' Notre-Seigneur dit à ses apôtres: « Qui
vous écoute m'écoute, qui vous méprise me méprise»
(S. Luc, x, 16). Eh bien 1l'Église catholique peut dire:
Celui qui m'écoute écoute le Christ,' celui qui me regarde
voit le Christ,' celui qui me suit marche sur les traces du
Christ. Tout ce que prêche l'Église sort de la bouche
d~ Christ. Ce qu'elle présente comme dogme de foi,
VIent de l'éternelle vérité divine. Ce qu'elle offre dans
Jes sacrements jaillit du cœur aimant de Jésus.
b) L'Église, n'a pas d'autre désir que de représenter
les t'ntérêts du Christ jusqu'aux extrémités du monde et
de sauver les âmes par la prédication de la vérité chré-
'tienne. L'Église est le canal par lequel le Rédempteur
veut amener aux hommes la grâce de la rédemption.
L'Église est ''l'incarnation extérieure et visible du
royaume invisible de la vérité etJ de la grâce que le
Christ a fondé sur la terre. C'est l'unique pourquoi,
l'unique désir;--l'unique ambition de l'Église, la seule
base légitime de son existence, c'est de représenter
perpétuellement le Christ sur la terre, c'est de
QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE? 55
façonner le Christ dans les âmes, de reproduire
la figure du ' Christ " dans les âmes. i ,;
Écoutons seulement avec quelle conviction, avec
quelle hardiesse, avec quelle assurance irréfutable elle
lance à ses ennemis : Qui peut me citer un seul cas
où j'aurais renié l'Évangile du Christ? Où je me serais
tiennes? Où j'aurais reculé devant le plus grand
sacrifice pour ia défense de la morale chrétienne?
c) Les choses extérieures, les cérémonies, le droit
canon, les fêtes, les statues, le jeûne, les vêtements
de pourpre ... tout ' cela n'est pas l'essence de l'Église.
Quelle est donc cette essence? L'accomplissement
de l'unique, du grand, du saint désir du Christ :
la propagation du royaume de Dieu parmi les hommes.
Ce royaume est invisible, mais il est aussi visible.
Il est invisible, parce que, d'après le Christ, il est « en
nous» (S. Luc, XVII, 21), il consiste dans la justification
de l'homme intérieur (S. Matthieu, VI, 33).
M ais il est aussi visible, parce que le Christ a destiné
cette Église à des hommes composés d'un corps et non
pas à des anges purs esprits. Il est donc tout naturel
qu'Il ait donné à l'Église invisible un cadre, une
org~!lisation, une forme de vie extérieurs et visibles.
En confiant le pouvoir de gouverner l'Église à des
prêtres, Il a fondé en même temps une socié~~ extérieure
visible : en faisant de Pierré le chef et le fondement
de l'Église (S. Matthieu, XVI, 18), en faisant des apôtres
un état-major - des pasteurs (S; Matthieu, XVIII, 17).
Il a donné le baptême comme marque de membre
de l'Église, et comme statuts les commandements de
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
Dieu. Enfin Il a investi les chefs de l'Église d'un pouvoir
presque incroyable, lorsqu'il leur a dit : « Qui vous
écoute m'écoute» (S. Luc, x, 16). « Comme mon Père
m'a envoyé, moi aussi je vous envoie» (S. Jean, xx, 2r).
C'est donc à bon droit que nous disons : l'Église
c'est le Christ continuant à vivre parmi nous.
n pourrait-on demander. Oui, elle l'est. Elle est mère,
L'ÉGLISE EST L'ÉPOUSE DU CHRIST.
C'est ainsi que nous comprenons aussi cette autre
profonde et mystique pensée, suivant laquelle nous
appelons aussi l'Église l'Épouse du Christ. Saint Paul
a écrit dans une de ses épîtres ces lignes enthousiastes
sur l'Église : « Le Christ a aimé son Église et s'est
livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, après
l'avoir purifiée dans l'eau baptismale, pour la faire
paraître devant lui, cette Église, glorieuse, san~ tache,
sans ride ni rien de semblable, mais sainte et imma-
culée » (Éphésiens, v, 25- 2 7).
L'Église est donc l'Épouse sainte et immaculée du
Christ.' '>
A) Si Tious poussons plus avant cette idée, nous
comprendrons d'où nous tirons cette belle expression:
notre mère ['Église. Si en effet nous pouvons appeler
l'Église l'Épouse du Christ, nous pouvons à bon droit
l'appeler la mère des enfants du Christ, c'est-à-dire
notre Mère. « L'Église catholique est notre Mère Il,
QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE? 57
« sancta mater Ecclesia » - quelle douce et gracieuse
expression 1 Que voulons-nous indiquer par là? La
sollicitude maternelle qu'elle manifeste pour ses
enfants et- principalement pour les faibles, ceux qUI
souffrent et les pécheurs.
Quelle chaleur répand déjà de lui-même ce nom
notre mère l'Église!
Est-ce que l'Église est vraiment une mère? -
parce qu:elle a des enfants :nous sommes ses ~nfant~.
Et elle aime ses enfants, comme seule une mere salt
aimer.
« Ecclesia » - nom féminin. Et cela dans la plupart
des langues Die Kirche, une Église, etc. Elle n'a pas
pris un nom masculin, comme (: roi », « emp~reur »j
-,
parce que sa douceur, son affectIOn, ses attentIOns, sa
sollicitude sont celles d'une mère à l'égard de ses
enfants.
B) Involontairement se présente cette idée qu'il
y a une comparaison entre Marie, la Mère de Jésus,
d'une part et ['Église, notre Mère, d'autre part.
Celui que Marie a mis au monde à Bethléem, notre
Mère l'Église nous le donne chaque jour. A Bethléem,
on ne pouvait pas voir le Fils de Dieu, mais seulement
un petit enfant transi de froid; sur les autels de l'Égli~e
nous ne voyons rien d'autre que l'apparence du pam
et du vin, - mais nous nous prosternons devant le
Très Saint Sacrement avec la même foi que les bergers
de Bethléem devant le Petit Enfant de la crèche.
Nous pouvons même pousser plus loin la comparai-
son. Les bergers de Bethléem adorèrent l'Enfant-Dieu,
58
.
LE SYMBOLE DES APÔTRES
mais ils vénérèrent et aimèrent aussi sa mère; de même
aujourd'hui encore celui qui adore le Christ doit aill1ll:r
avec un pieux respect son Épouse, notre sainte Mère
l'Église.
Mais si je regarde vers l'Église comme vers une mère
qui s'occupe de moi avec amour, alors je comprends
tous ses commandements. Je ne la critiquerai pas à
la légère. Ah! que de fois des catholiques même
. en compagnie de gens appartenant à .d'autres religions
se permettent des jugements injustes, superficiels sur
l'Église! Pour moi je ne me formaliserai pas de son
apparente sévérité, mais derrière chaque . comman-
dement je tâcherai de découvrir l'amour maternel qui
s'occupe de moi, qui veille sur mon âme, ma foi et
l'intégrité de ma vie morale.
Oui, derrière tous ses commandements. Elle met.
quelques livres à l'Index : tu ne dois pas les lire. Elle
prescrit l'abstinence à certains jours : tu n'as pas le
droit de manger de la viande ces jours-là. A cause de
certains empêchements elle prohibe le mariage : tu
n'as pas le droit de te marier, etc. Je ne comprends
peut-être pas pourquoi; mais j'accepte, j'observe ses
ordres, ~ car c'est ma mere qui· parle.
III
L'ÉGLISE EST LE CORPS MYSTIQUE DU CHRIST.
Je crois, mes frères, que maintenant déjà nous
commençons à mieux connaître notre sainte Église.
QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE? 59
Cependant nous arrivons à une nou;e~le :xpressio?
que saint Paul emploie avec une predllectlOn partI-
culière à propos de l'Église : l'Église est le corps mystique
du Christ.
A) « De même que nous avons plusieurs membres
dans un seul corps, et que tous les membres n'ont pas
la même fonction, ainsi nous qui sommes plusieurs,
nous ne faisons qu'un seul corps dans le Christ; et chacun
en particulier, nous sommes membres les uns des .
.autres» (Romains, XII, 4, 5). « De même que le corps
est un et a plusieurs membres, et comme tous les
membres du corps, malgré leur nombre, ne forment
qu'un seul corps, ainsi est-il du Christ. Tous en effet
nous avons été baptisés dans un seul Esprit pour former
un seul corps» (le Corinthiens, xiI, 13)·
Efforçons-nous de pénétrer plus avant dans les pro-
fondeurs de cette comparaison de la Sainte Écriture.
a) La volonté du Christ était que ses disciples
formassent une société religieuse indépendante et sur-
naturelle et ainsi par l'application des fruits de la
rédemption édifiassent le corps mystique du Christ.
L'Église a pour vocation première de réaliser l'union
surnaturelle avec Dieu dans le Christ en transmettant
aux hommes les fruits de la rédemption. Mais c'est
aussi sa tâche de créer par l'union des fidèles le corps
mystique du Christ, et ainsi de réaliser l'émouvante
prière que le Sauveur adressa à son Père à la dernière
Cène: « Comme vous m'avez envoyé dans le monde,
je les ai envoyés dans le monde ... Je ne prie pas pour
eux ' seulement, mais aussi pour ceux qui, par leur
prédication, croiront en moi, pour que tous ils soi~nt
60 LE SYMBOLE DES APÔTRES
un, comme Vous, mon Père, Vous êtes en moi, et moi
en Vous, pour que eux aussi, ils soient un en nous»
(S. Jean, XVII, 18-21).
b) Le Christ vit donc dans un triple corps devant nous.
r Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de
Il vit dans le corps qu'Il a reçu de la Vierge Marie par
sa naissance; Il vit dans le corps mystérieux qu'Il a
revêtu dans le Très Saint Sacrement sous les apparences
du pain et du vin; et enfin Il vit dans le corps constitué
par l'union de ses enfants chéris et fidèles, l'Église
catholique.
Quel dogme merveilleux 1 L'Église catholique est un
organisme gigantesque, formé des âmes et des corps
de millions et de centaines de millions d'homntes,
elle est le corps vivant du Christ... Un corps mystérieux
dont le Chl:ist est la. tête, et le , cœur la sainte messe.
Ce cœur à chaque minute verse le sang du Christ dans
les membres de sorte que si j'appartiens à l'Église,
je suis constamment branché sur la circulation du sang
du Christ, la vie du Christ bat en moi, la grandeur du
Christ mûrit en moi, le bonheur du Christ coule dans
mon cœur.
B) Mais si l'Église est le corps mystique du Christ,
alors quiconque appartient à l'Église est membre du corps
du Christ. Quel incomparable honneur pour moi 1 Mais
quel avertissement social et quelle obligation filiale
aussi 1
a) Je suis membre du corps du Christ! Quel incom-
parable honneur pour moi! « Ne savez-vous pas que
vos corps sont membres du Christ? Prendrai-je donc
les membres du Christ pour en faire les membres
d'une prostituée? Loin delàl » (le Corinthiens, VI, 15).
QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE? 61
« Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du
Dieu, et que vous n'êtes plus à vous-mêmes? Car vous
avez été rachetés à grand prix. Glorifiez donc et portez
Dieu dans votre corps» (le Corinthiens, VI, 19-20).
b) Mais quel avertissement social en même temps :
dans chacun de mes frères, les catholiques, je verrai et
estimerai un membre du corps mystique du Christ.
Vu du dehors c'est 'seulement un faible enfant, un
ouvrier d'usine, un cultivateur, un pauvre, un malade,
un vieillard impotent, - mais au dedans, eu réalité,
c'est un membre du corps du Christ.
Un couvent de religieuses avait reçu un nouvel
aumônier qui apprit que parmi les religieuses se
trouvait une ancienne comtesse. « J'aurais pu facile-
ment savoir - dit un jour l'aumônier - qui elle
était, je ne le demandai pas. Mais quand n'importe
quelle -religieuse venait me trouver, je la traitais avec
la même considération, la même délicatesse que si elle
'était l'ancienne comtesse )). Oui, nous sommes tous
des nobles, des princes, des rois - les membres du
corps mystique du Christ. Lorsqu'un insti,n ct pécheur
se dresse impérieusement en toi, dis-lui: « Impossible 1
Je suis membre du corps mystique du Christ 1)) Lorsque
tu veux entraîner quelqu'un au péché, dis-toi bien :
« Je n'en ai pas le droit. C'est un membre du corps du
Christ lI.
c) Mais quelle obligation filiale aussi que cette vérité!
Le Christ a ordonné à l'Église d'enseigner toutes les
nations (S. Matthieu, XXVIII, 19), d'où il résulte que
tous nous devons être les disciples dociles et obéissants de .
 LE SYMBOLE DES APôTRES
notre Église. Saint Paul a dit de l'Église qu'elle est
« la colonne et la base de la vérité» (le Timothée, III, 15),
d'où il résulte donc que je dois suivre l'Église aveu-
glément, avec confiance, persévérance et sans hésitation.
C) C'est précisément là ce qui choque certains.
Que de jugements superficiels, que de sophismes on entend
justement sur cette question!
a) « Je trouve indigne de moi, indigne d'un homme
instruit, raisonnable, intelligent, d'accepter tel dogme
que la religion catholique me présente - disent certains.
Je veux y réfléchir, je veux découvrir moi-même ce que
je dois croire ou non, ce que je dois accepter ou non ».
Or une minute de réflexion nous démontre que ce
sont là des mots vides de sens. Alors que dans le monde
je suis sur tant de choses obligé de m'en rapporter aux
affirmations d'autrui, dans les questions les plus
difficiles je voudrais décider d'après ma propre tête?
Je n'ai pas honte de ne pas avoir trouvé la table de
multiplication ni l'électricité ni la machine à vapeur ni
la radio; je n'ai pas honte d'avoir reçu tout cela d'autrui.
Seulement je voudrais suivre ma propre route là où
la réussite est le plus difficile : trouver Dieu avec la
raison humaine laissée à elle-même?
b) « Pourquoi l'Église me lie-t-elle avec des dogmes? -
c'est la plainte de quelques-uns. Est-ce que les marins
se plaignent' de ce que les phares projettent leur
lumière sur lamer houleuse et ainsi leur indiquent la
bonne direction? Nos dogmes sont des phares qui
indiquent le chemin sur l'océan de la vie.
c) « J'ai ma religion à moi, mais pas au sens de l'Église.
Je trouverai le Christ par moi-même, je n'ai pas besoin
QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE?
pour cela d'appartenir à une église ». C'est la réflexion
de certains autres qui ainsi s'égarent sur un faux
. chemin. Le christianisme ne peut pas être séparé de
l'Église. Toute idée, tout principe a besoin d'une forme
de vie, d'une personnification. La religion du Christ
n'est pas une abstraction suspendue en l'air, mais une
sainte réalité incorporée dans l'Église catholique
romaine.
« Pourquoi l'Église me tient~el1e en tutelle? J'ai de
la religion, mais je n'appartiens à aucune église. Je
cherche Dieu ·par mes propres voies ».
Combien cherchent et cherchent en vain! Combien
ont cherché Dieu à leur fantaisie et ne L'ont trouvé
qu'après de longues années de faux pas. Lorsqu'ils
retrouvèrent enfin le chemin de la vieille Église aban-
donnée, ils ont vu que vouloir avoir de la religion sans
l'Église c'est marcher à tâtons par une nuit brumeuse
le long d'un précipice. Ils ont vu la vérité d~ proverbe
allemand suivant lequel une religion sans Église est
un chaos : « Religion ohne Konfession ist Konfusion ».
Par un après-midi d'automne je suis assis dans le
train. Il pleut. Je regarde les vitres : une goutte tombe
sur la vitre et y reste fixée. Elle voudrait bien couler,
mais elle ne peut pas. La profondeur l'attire, niais elle
n'en- trouve pas le chemin. Mais maintenant deux
gouttes tombent ensemble et à l'instant elles descendent.
Une petite 'raie, une petite route marque leur trace,
et lorsqu'une nouvelle goutte tombe, elle coule vite en
bas vers son but; mais la goutte qui tombe à·côté du
chemin s'efforce en vain de poursuivre sa route. Mon
âme aussi 'est attirée par la profondeur divine; mais
 QU'EST-CE QUE L'ÉGLISE r 65
LE SYMBOLE DES APÔTRES
. ". , .
(Isaïe, II, 2). Christ continuant a vtvre et a ensetgner .sur
tandis que laissé à moi-même je ne trouve pas Dieu, la terre - voilà ce que vous êtes pour moi, Église une, samte
j'arrive plus aisément à Lui, si je me tiens sur le chemin 1
et catholique!
commun des âmes. C'est l'Église catholique qui a
C'est dans cette foi que je suis né.. .
construit la route des âmes vers Dieu. Et s'il n'y avait C'est dans cette foi que je veux vivre .. .
pas d'Église catholique, le christianisme serait disparu Et avec ['aide cie Dieu, c'est par elle que je veux arriver
depuis longtemps de la surface de la terre. un jour dans l'Église du ciel. Amen.
Au chapitre IX des Actes des Apôtres il est question
de ·la merveilleuse conversion de Saul.
Saul voulait avec llue ardeur fanatique exterminer
l'Église commençante, la première chrétienté. Alors
qu'il se rendait à Damas pour emmener les chrétiens
de cette ville enchaînés à Jérusalem, une lumière
l'environna soudain sur la route et il entendit ces
p aroles : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? »
« Qui êtes-Vous, Seigneur? » - demanda Saul. « Je
suis Jésus que tu persécutes » - fut la réponse.
N'est-ce pas là une chose remarquable? Saul persé-
cutait l'Église et cependant il entend: « Je suis Jésus ---_.-
que tu persécutes ». Oh! oui c'est pour cela que je
vénère, que j'aime mon Église, parce qu'elle est le
Christ vivant parmi nous, l'Épouse du Christ, le corps
mystique du Christ.
Sainte Église catholique! Après la résurrection du
Christ, le plus grand miracle de ['histoire du monde!
Œuvre divine aux mains des hommes! Œuvre céleste
implantée SUI' la terre! Société étroitement unie de milliards
et de milliards d'hommes depuis dix-neuf ·siècles et dont
le Christ éternel est le chef invisible. Royaume céleste
descendu sur la terre, royaume terrestre devenu le vestibule
du ciel! Réalisation de la vision du prophète Isaïe sur les
peuples immenses qui affluent vers la montagne du Seigneur
Symb. des Ap. - t. V 3

v la robe sans couture du Christ et divisé la chrétienté.
L'ÉGLISE DU CHRIST EST UNE
MES FRÈRES,
Dans le sermon précédent nous avons abordé l'étude
de l'Église du Christ.
Est-ce un fait certain que le Christ a fondé une
société visible, organisée, qu'II a Lui-même appelée
« Église »? Parfaitement. Il suffit de lire les paroles
adressées à saint Pierre à Philippe de Césarée: « Tu es
Pierre et sur cette pierre j'établirai mon Église et les
portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle )
(S. Matthieu, XVI, 18).
Est-il certain aussi qu'une seule Église peut être la
véritable Église' du Christ? Assurément. Car il n'y a
qu'un seul Seigneur dont est issue l'Église et une seule
vérité que le Christ a enseignée. Le Christ n'a pas
fondé plusieurs Églises, mais une seule, - cette vérité
j
est certaine aussi bien historiquement que logiquement.
Mais. voici que se présente la grande, décisive et
importante question : Quelle est la véritable Église
du Christ?
. L'ÉGLISE DU CHRIST EST UNn
C'est avec une âme douloureusement émue que nous
devons apprendre par l'histoire que sur la doctrine du
Christ ont passé des luttes fratricides qui ont déchiré
Lorsque le Sauveur monta aux cieux et laissa des
disciples et des fidèles, membres de la primitive Église,
alors il n'y avait réellement qu'une seule chrétienté,
il n'y avait qu'une seule Église. Mais dès · le temps
des apôtres nous voyons que çà et là surgissent des
hérétiques qui s'écartent de la véritable Église du
Christ en attirant les fidèles sur les sentiers de l'erreur.
Et à mesure que s'avancent les siècles, des feuilles et
des branches de plus en plus nombreuses, parfois de très
grands rameaux tombent de l'arbre de l'Église, et tous
affirment que bat en eux la force vivifiante du Christ.
Spectacle . douloureux et attristant des schismes et
des hérésies. Et dans l'âme humaine se pose à bon droit
cette question, cette décisive question, qui attend une
réponse catégorique, claire, définitive : Où est donc
aujourd' hui la v'tritable Église du Christ?
Le Sauveur avait dit à saint Pierre : « Tu es Pierre
et sur cette pierre je bâtirai mon Église» (S. Matthieu,
XVI, 18). Il n'a pas dit : « mes Églises », mais « mon
Église ». Il n'yen a donc qu'une. Il n'y a pas plusieurs
Églises chrétiennes, mais une seule. Mais quelle est
cette seule Église? En effet à côté de l'immense religion
catholique il y a environ 300 sectes petites ou grandes
qui s'appellent ·chrétiennes et qui prétendent suivre le
Christ. Pourtant il est clair que le Christ n'a pas fondé
300 religions, mais une seule.
Mais quelle est cette seule religion? Qui a raison?
68 LE SYMBOLE DES APôTRES
Est-ce « Nathan le Sage» qui a raison? Cet homme
avait un anneau précieux et trois fils. II fit faire deux
anneaux en simili qui ressemblaient à s'y tromper au
véritable et laissa en héritage un anneau à chacun de
ses trois fils, si bien que jamais personne l).e put savoir
quel était le ' véritable anneau. Ou bien Ruville, le
professeur d'histoire de l'Université de Halle qui, au
début du siècle, est revenu de la religion protestante
à l'Église catholique et a écrit sur sa conversion un
livre intitulé : « Das Zeichen des echten Ringes .»,
« Le signe du véritable anneau ». A-t-il raison lui et nous
qui affirmons que certainement on peut reconnaître
parmi les 300 anneaux d'aujourd'hui le seul, le véritable
anneau chrétien? On peut encore le reconnaître, parce
que le vérita,ble anneau du Christ a des marques qui ne
t1'Ompent pas. En vérité il y a à peine une question plus
angoissante et plus importante en ce qui concerne
toute notre vie spirituelle.
Examinons donc aujourd'hui : 1. quelles sont ces
marqùes par lesquelles on peut découvrir de façon
certaine la véritable Église du Christ. II. Ensuite nous
verrons que la première marque, l'unité, se rencontre
dans l'Église catholique.
1 parmi ceux qui ont jamais existé sur la terre. A son
LES MARQUES DE L'ÉGLISE DU CHRIST.
Quelles ' sont donc les marques grâce auxquelles on
peut découvrir de manière tout à fait certaine la seule
et véritable religion du Christ?
L'ÉGLISE DU CHRIST EST UNE
A) Pour découvrir les marques de la véritable
Église du Christ, il nous faut .tout d'abord tâcher de
nous former une image totale et synthétique de l'ensei-
gnenient du Christ.
a) N'entrons pas maintenant dans les détails, mais
considérons comme du haut d'un avion toute l'histoire
de la civilisation humaine. De cette hauteur nous voyons
non seulement le chi-Îstianisme, mais encore toutes
les autres religions; tous les essais aussi par lesquels
l'homme, au cours des siècles, a voulu satisfaire ses
tendances les plus hautes, les plus nobles, les plus
saintes : le désir de Dieu.
Et de cette hauteur nous voyons précisément
l'immense supériorité du dogme chrétien, de la morale
chrétienne et des formes du culte chrétien sur toutes les
autres religions. Comme elle a pu demeurer à l'abri des
extrêmes : renier le monde et la jouissance avide;
comme elle est hardie dans ses idées et tendre dans ses
sentiments; comme elle est entièrement dirigée vers
l'autre monde et cependant comme elle rend heureux
ses fidèles déjà en ce monde!
b) Et encore nous voyons nettement, clairement,
que toute la religion chrétienne est issue de l'Etre
le plus saint, le meilleur, le plus sage, le plus parfait
sujet ses amis et ses disciples ont noté qu'Il s'est
appelé lui-même Fils de Dieu et qu'avec une conscience
claire, catégorique, Il est allé à la mort pour que ses
souffrances fussent la rançon de nos péchés.
Ils . ont noté ses 33 années de vie terrestre, remplies
de paroles et d'œuvres qui n'auraient pas place dans le
 Ln SYMBOLE DES APÔTlU1.3
cadre d'une vie humaine. 'Que trouvons-nous dans
cette vie terrestre? Des pécheurs, des miracles, des
malades, des morts. Des pécheurs dont Il a pardonné
les péchés -;- un homme pardonne-t-il aux pécheurs?
Des miracle~ qu'Il a accomplis sur la nature vivante
et inanimée - est-ce qu'un homme commande aux
vents et à la tempête? Des malades, qu'Il a guéris,
des morts qu'Il a ressuscités. Qui pourrait renfermer
pareille vie dans le cadre d'une vie purement humaine?
Et qui pourrait surtout comprendre la résurrection
du Christ, si le Christ n'était pas plus qu'un homme 1
Or on ne peut éviter le témoignage de la résurrection.
Conclusion logique, naturelle, irréfutable de toute
la vie terrestre du Christ.
13) Sans doute, .le Christ est ressuscité - mais
il y a longtemps. Et qui est avec le Christ aujourd'hui,
actuellement? Le Christ vit-Il aujourd'hui? Et ou vit-Il?
Si je veux entrer en rapport personnel avec le Christ,
alors il faut que toute la vie du Christ se retrouve
aujourd'hui. Il faut que la vie du Christ continue
aujourd'hui encore. Car non seulement je veux admirer
l'enseignement du Christ d'il y a 19 siècles, - je veux
aussi le vivre. Et non seulement je veux entendre
parler de l'amo~r du Christ d'il y a 19 siècles,- je veux
aussi en jouir moi-même. Et non seulement je veux
entendre parler du pardon du Christ d'il y a 19 siècles,
- je veux encore en bénéficier.
Mais où vit aujourd'hui le Christ? Où est la com-
munauté, où est la société dans laquelle Il continue
à agir? Tant de sociétés religieuses se nomment
chrétiennes : dans la(~uelle le Christ vit-Il tout entier?
L'ÉGLISE DU CHRIST EST UNE
Le cœur se serre, à la vue des divisions du christia-
nisme. Comme l'image du monde serait changée, com-
bien de luttes maudites n'auraient pas lieu, comme
il pourrait plus fructueusement se défendre contre le
terrible déluge de l'athéisme, combien de zizanies dans
les familles cesseraient, comme les nations seraient
plus fortes, si l'unité du christianisme n'était pas
déchirée par les schismes et les hérésies!
Mais quelle est la situation d'aujourd'hui?
Nous voyons se dresser devant nous le vieux tronc,
la vieille Église catholique à laquelle appartiennent
aujourd'hui environ 360 millions d'hommes dans le
monde entier~ Un chiffre immense en soi. Mais comme
nous sommes peinés de savoir qu'à côté des 360 millions
de catholiques il y a encore 250 millions d'hommes
qui se proclament chrétiens, et vivent dans 300 sectes
ou même davantage.
Qui peut se reconnaître dans ce chaos?
C) Et maintenant se pose la question décisive: Est-il
tout à fait .sûr que l'Église catholique est la vraie religion
du Christ? En avons-nous une preuve formelle?
Oh! oui. Non pas une, mais quatre. Et parce que
cette question est si importante, nous traiterons de
chacune de ces quatre preuves dans un sermon spécial.
Quelles sont les quatre marques du véritable annea:u
du Christ?
a) Qu'est-ce que l'Église? La société visible des
chrétiens vivant sur la terre et formant ensemble le
corps mystique du Christ. Mais précisément parce
que l'Église n'est pas seulement une société fondée
pour la satisfaction des besoins religieux des hommes
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
ou pour r éducation morale de rhumanité, mais parce
qu'elle est la continuation de l'œuvre du Fils de Dieu
fait homme, du Christ Lui-même continuant à vivre
parmi nous, parce que de même qu' « il n'y a qu'un
Seigneur, une foi, un baptême » (Éphésiens~ IV, 5),
de même il ne peut aussi y avoir qu'une Église. Combien
y a-t-il de Seigneurs? Un seul. Donc il faut que sa
véritable Église soit une. Voilà la première marque.
b) Quelle fut la vie du Christ? La sainteté incarnée.
Qu'a voulu obtenir le Christ? Nous conduire à la
sainteté. « Soyez parfaits, comme mon Père du ciel "est
parfait» (S. Matthieu, V, 48). Donc il faut que sa véritable
Église soit sainte.
c) Pour qui le Christ est-Il mort? Pour tout le
monde. Donc seule peut être sa véritable Église celle qui
ne se limite pas à une ou deux races ou à une partie du
monde, mais se tourne vers tous, qui embrasse le monde,
c'est-à-dire qui est - d'un mot grec - catholique.
d) A qui le Christ a-t-Il donné le pouvoir de propager
sa foi et de distribuer les sacrements? Aux apôtres. Donc
seule peut être sa véritable Église l'Église qui repose sur
la base des apôtres, c'est-à-dire qui est apostolique.
Voilà les quatre marques qui ne trompent pas. Les
rencontrons-nous dans notre religion?
II
L'ÉGLISE CATHOLIQUE EST UNE.
Lorsque Notre-Seigneur Jésus-Christ à la dernière
Cène dit adieu à ses apôtres, lorsqu'Il s'entretint avec
i'ÉGUSE DU CHRIST EST UNE 73
eux des choses qui Lui tenaient le plus à cœur, qui
constituaient une sorte de testament, Il adressa à son
Père cette prière émouvante: « Je ne prie pas pour eux
seulem~nt, mais aussi pour ceux qui, par leur prédi-
cation,croiront en moi, pour que tous ils soient un,
comme Vous, mon Père, Vous êtes en moi et moi en
Vous » (S. Jean, XVII, 2 0-21).
La véritable Église du Christ doit donc avant tout
avoir l'unité. Que la religion catholique soit une, il ne
faudrait pour ainsi dire pas en parIer. Tant il est notoire
" que A) notre foi est une et B) notre idéal moral est un.
A ) L'unité de foi.
a) En quelque coin du monde où se rencontre un
catholique, blanc ou noir, jaune ou rouge, avec un
autre catholique, malgré la différence de leurs vêtements,
de la couleur de leurs cheveux et de leurs yeux, de leur
langue, de leur nourriture, ils s'accordent "en une
chose: ils ont la même foi. Un "nègre catholique récite
mot pour mot le Credo comme un Esquimau, l'indien
catholique, comme l'Anglais, le Français ou le Hongrois.
Chez nous on prêche dans chaque chaire la même foi,
non seulement dans les églises d'une même ville ou
d'un même pays, mais dans chaque église catholique
du monde entier. "
b) "Et parce que nous avons une seule foi, nous avons
aussi une seule liturgie. Celui qui a fait de nombreux
voyages à l'étranger, chez différents peuples, ne peut
se soustr&jre à cette impression profonde. Arrivé "dans
une ville étrangère, il n'y connaît pas une flme. Mais
lorsqu'il entre dans une église catholique où un prêtre
est en train de chanter la grand'messe, ilie voit habillé
 74 LE SYMBOLE DES APôTRES
J ,
comme dans son pays, il voit les fidèles agenouillés
comme dans son pays, il entend chanter le Credo
comme dans son pays. En dehors de l'Eglise catholique
on ne rencontre jamais cela. Au Cours de l'été 1934,
les scouts d'environ 40 nations étaient rassemblés
au jamboree de Godollo. Les pays non catholiques
avaient leurs ornces religieux séparés suivant les pays.
Mais nous, nous invitâmes tous les scouts catholiques
du monde entier à la même messe et tous ensemble
chantèrent, prièrent, communièrent - chacun se
sentait chez lui.
c) Oui, cette unité est un sentiment profondément
émouvant; c'est alors que l'âme humaz'ne déborde
d'amour pour son Église.
Ah! comme j'aime cette maison. Pourquoi? Parce
qu'elle est la solide maison de famille pleine de précieux
trésors.
Une maison solide! Bâtie sur le roc. Le flot ne peut
rien contre le roc; ni une vague hostile, ni la tempête,
ni l'orage ne peuvent rien (contre elle. Quel bonheur
d'habiter sur ce roc solide! Si je suis catholique _
je suis à l'abri . .
Une maison de famille! II s'y trouve un père : le
Saint-Père. II s'y trouve d'antiques traditions : mes
ancêtres y ont vécu et y sont morts. Si je suis catholique
- je suis chez moi.
Un trésor! Les sept sacrements, comme sept sources
abondantes, répandent leurs grâces précieuses. Partout
où je mets les pieds dans cette maison je sens le Christ
invisiblement présent. II est saint l'air que je respire.
Si je suis catholique - je suis riche.
L'ÉGLISE DU CHIUST EST UNE 75
l3) Mais ' ce n'est pas seulement notre foi qui est
1 une, nous avons aussi l'unité de l'idéal moral. Des lois
communes nous unissent et nous aident à atteindre
f un but moral commun. Dans le monde entier les
i
.\
mêmes sacrements nous aident à observer les mêmes
prescriptions morales. Cette unité morale catholique lie
petits et grands, pauvres et riches et on ne peut
marchander avec elle.
1 L'Église a toujours gardé jalousement la doctrine
~
du Christ et ne s'en est jamais écartée ni laissée
détourner.
Comme nous sommes plus hardis, n'est-ce pas,
d'acheter dans un magasin où esf accroché cet avis:
~
« Prix fixe! On ne marchande pas! »
1 Parfois la morale catholique impose des exigences
pénibles aux instincts dépravés; parfois elle tranche
dans le vif, mais elle ne marchande pas. Des gens
t viennent et se présentent pour se marier, - mais
~ les premiers époux sont encore en vie. L'Église catho-
lique ne les marie pas. Ils abandonnent la foi par dépit.
L'Eglise les regarde tristement, - mais elle ne peut
céder : elle ne peut abandonner une seule lettre des
commandements du Christ. Cette fidélité, cet atta-
chement qui ne connaît pas d'abandon des principes,
- voilà ce qui en impose à tout homme qui pense
sérieusement. L'Église a toléré que des pays entiers
se séparassent d'elle, mais elle n'a rien cédé de la foi
ni de la morale chrétiennes. Elle n'a pas cédé un seul
dogme de la foi: elle a préféré voir tout l'Orient se
séparer d'elle. Elle n'a pas renoncé à une seule lettre
de sa morale : elle a préféré voir toute l'Angleterre se
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
séparer d'ene. Devant César, poètes et philosophes se
prosternaient dans la poussière, l'Église n'a jamais
été émue par une promesse nI n'a jamais tremblé '
devant une menace.
C) « Mais de cette unité indiscutable ne découle-t-il
pas une rigidité, une routine et une uniformité dange-
reuses? » - telle est la question que se posent certains.
Mais celui qui connaît la vie de l'Église catholique
dans les différents pays et les diverses races, peut
facilement y répondre. En effet il est réellement admi-
rable qu'à côté de l'unité gardée rigoureusement dans
les choses essentielles, l'Église sait, dans les choses non
essentielles, s'adapter aux particularités de centaines
de peuples. Le pape est vénéré avec le même amour
par le Hollandais comme par l'Espagnol, à la messe
l'Américain et le Français adorent avec la même
humilité le Christ descendant parmi nous, les bases
dogmatiques du culte _de Marie sont les mêmes chez
les Polonais que ,chez les Allemands... et cependant
chaque peuple dans les manifestations de sa vie
religieuse sait montrer des traits individuels, sans
que l'unité fameuse de la foi ait subi la moindre brèche.
Il y a actuellement dans le monde environ 300.000
prêtres catholiques. Tous sont prêtres du même Christ,
tous sont prêtres de la même Église et pourtant quelle
immense diversité entre eux. Diversité de "caractère,
de cOJ;maissances, de langue, de visage. Et pourtant,
voyez 'un '' 'congrès eucharistique international. Les
prêtres américains à la figure glabre, les prêtres africains,
les prêtres chinois et les autres prêtres indigènes sont
assis les uns à côté des autres et se saluent dans la
L'ÉGLISE DU CHRIST EST UNE 77
même lang~~ maternelle de l'Église : « Pax vobis,
fratres in Christo ». Le prince de Saxe qui a tout quitté
pour devenir simple père jésuite baise la main d'un
évêque nègre qui peut-être n'~ laissé qu'une petite
barque de pêcheur comme les apôtres. Ils ne parlent
qu'une seule langue : la langue de la charité; un seul
cœur bat dans leur poitrine: le cœur du Christ vivant
parmi eux. Montrez-moi une société répandue dans
le monde entier dont les membres aiment autant leur
patrie et' qui cependant soient animés d'une même
idée : le missionnaire des Hottentots ou du Congo,
le curé de grande ville ou le prêtre inconnu d'un petit
village perdu. Nommez-moi une pareille société. Et si
vous la nommez, vous l'appelez l'Église catholique.
N'a-t-il pas entièrement raison saint Augustin,
lorsqu'il parle en ces termes de l'Église catholique 1
« 0 grande et sainte Église catholique, vraie mère
des chrétiens 1 A bon droit tu ne proclames pas seule-
ment que nous devons adorer Dieu qui eS,t pour nous
la vie éternelle, mais tu cultives encore un tel amour
pour les hommes que tu fournis ' des · remèdes aux
maladies dont souffrent les âmes à cause du 'Péché.
« Tu enseignes aux enfants de manière enfantine;
tu donnes la patience aux vieillards; tu apprends aux
femmes à tlbéir à leurs maris, non pas pour la satis-
faction de leur~ désirs, mais pour leurs enfants et pour
qu'elles édifient la vie de famillè' sur une obéissance
pure et fidèle; tu amènes les enfants à obéir volontaire-
ment aux ordres de leurs parents, tu places les parents
par le règne de la bonté au-dessus de leurs enfants;
tu unis les hommes entre eux par les liens de la l'eH,gion
 LE SYMBOLE DES APôTRES L'ÉGLISE DU CHRIST EST UNE 79
qui sônt plus forts que les liens du sang; tu joins la sOus un seul pasteur et que soit réalisée la p~ière du
,parenté naturelle - en conservant les liens naturels - Seigneur à la dernière Cène : « Que tou~ SOlent .un,
dans l'amour surnaturel. .. Par le souvenir des ancêtres comme Vous, mon Père, Vous êtes en mOl, et mOl en
communs tu relies entre eux les citoyens, les peuples, Vous» (S. Jean, XVII, 21). • )
les hommes, de sorte qu'ils forment non seulement une Et vous, mes frères, qui, par la grâce de DIeu, êtes
communauté, mais aussi une fraternité )J. catholiques, ' c'est-à-dire membres de la véritable
Église du Christ, soyez pleins de joie et .d~ fierté.
Soyez joyeux, si l'Église ~st. dans la JOIe.
Soyez tristes, si votre Eghse souffre.
Mes frères, l'Église catholique est la véritable Église Soyez fiers, si votre Église triomphe. .
du Christ, car il y a en elle et seulement en elle cette Soyez empressés à travailler pour votre Éghse.,
unité pour laquelle le Sauveur à la dernière Cène a Soyez courageux pour prendre parti pour votre Église.
si ardemment PFié. L'Église catholique est heureuse Soyez inquiets, si vous n'avez rie:n fait pour elle.
d'être la seule Église- du Christ, mais en retour elle Et puissiez-vous un jour obtenir la récompense ét~rne~le
pense avec douleur combien est encore loin d'être pour avoir été un enfant fidèle de ,votre mère, 1 Égltse
réalisé le désir qui remplissait le cœur du Christ une, sainte, catholique et apostoltque. Amen.
« un seul troupeau et un seul pasteur ». Et lorsque, au
cours de son histoire, de petits ou de grands rameaux
se sont détachés de l'arbre de la véritable Église,
notre Église a regardé en pleurant ceux qui pa;taient,
comme une mère regarde en pleurant l'enfant qui
quitte par dépit le foyer familial. Avec quel amour
anxieux l'Église travaille à la propagation du christia-
nisme 1 Mais comme elle prie aussi pour ceux qui ne
sont plus à elle 1 Non pas par esprit de despotisme,
comme prétendent ses ennemis, mais par compré-
hension de la volonté du Christ demandant un seul
troupeau!
Prions donc souvent et d'un cœur fervent pour ceux
qui aujourd'hui sont encore hors de l'Église du Christ,
afin qu'eux aussi se retrouvent dans un seul troupeau

VI
L'ÉGLISE DU CHRIST EST SAINTE
MES FRÈRES,
. La vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ a été la
sainteté incarnée, à tel point que ses ennemis les plus
acharnés n'ont pu lui reprocher même un seul défaut.
II a demandé le front haut à ses ennemis: « Qui de vous
me convaincra de péché? » (S. Jean, VIII, 46). Et tous
écoutèrent sans mot dire sa question.
Il est naturel que l'Église qui a eu un si saint Fon-
dateur, doive être sainte elle aussi. II est naturel qu'il
faille appliquer mot pour mot à la véritable Église du
Christ l'éloge enthousiaste prononcé par saint Paul au
sujet de l'Église: « Le Christ a aimé l'Église et s'est
livré lui-même pour elIe, afin de la sanctifier après
l'avoir purifiée dans l'eau baptismale, pour la faire
paraître devant lui, )glorieuse, sans tache, sans ride,
ni rien de semblable, mais sainte et immaculée »
(Éphésiens, v, 25-27).
Suivant les paroles de l'apôtre, l'Église du Christ
doit être « sainte ». Nous voici donc en présence de la
question : si les paroles de saint Paul conviennent à
l'Église catholique. Dans notre dernier sermon nous.
nous sommes Qccupés de la première marque de la
L'ÉGLISE DU CHRIST EST SAINTE 81
véritable Église du Christ : l'unité. Aujourd'hui nous
étudierons la seconde et nous demanderons : Avons-
nous le droit de dire que dans notre Église se trouve
aussi la seconde marque: la « sainteté li? Avons-nous
le droit d'appeler notre religion non pas simplement
i l'Église », mais la « sainte Église»?
Nous donnerons trois réponses à cette question.
Nous appelons notre Église la sainte Église, parce que
1. son idéal moral est saint, II. les moyens avec lesquels
elie noùs aide à atteindre cet idéal sont saints et III. il y a
toujours eu et il y aura toujours des saints parmi ses
membreS.
1
L'IDÉAL MORAL DE L'ÉGLISE EST SAINT.
« Soyez parfaits comme 'lotre Père céleste. est parfait»
(S. Matthieu, v, 48), a dit N~tre-Seigneur, et le but
unique de l'Église catholique est d'aider les hommes à
remplir ce commandement du Christ.
A) Examinons si ce n'est pas le plus haut idéal de
sainteté de vie que l'Église enseigne et exige.
a) Qu'exige l'Église catholique? Une vie morale
pure. Une responsabilité personnelIe pour toutes nos
pensées, nos paroles, nos actions. Une vie éterneUe
méri tée par une vie terrestre passée honnêtement.
La subordination de tous les intérêts terrestres à la
vie éterneUe. Le refrènement des passions dans le
cadre des lois divines. Le respect du mariage, de la
femme, des enfants. Le travail et la fidélité au devoir.
Le sentiment de .sa responsabilité, l'obéissance, le
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
respect de l'autorité~ .. et ainsi de suite. Ces phrases
sont-elles autre chose que l'idéal moral le plus élevé?
, b) Et quelle hardiesse - pour ainsi dire - quelle
audace manifeste l' l!.glise catholique sur ce point! Comme
elle persiste imperturbable et sans 'compromission
à côté des lois pénibles de l'idéal moral chrétien!
Elle ose endosser à cause d'elles le reproche d' « obscu-
rantisme ». Elle ose à cause d'elles être impopulaire.
Elle. ose n'être pas moderne. Notre-Seigneur Jésus-
Chnst ne 'permet pas la rupture d'un mariage valide,
- et aUJourd'hui seule l'Église catholique ose le
proclamer avec une fermeté parfaite. Elle ose défendre
la vie ~e l'enfant qui n'est pas encore né, la pureté
de la VIe conjugale et le flot des maximes à la mode
ne la fait pas renoncer à cette doctrine.
B) Qu:est-ce qui en donne la force à l'Église?
~a C?nSCIence de sa mission. La conscience qu'aujour-
d hut. enc.oreelle a la même tâche qu'elle a eue toujours
depUIS dIx-neuf siècles: sanctlfiel' l' humanité. Cela et
pas autre chose. . kquel était l'homme avant la chute. Avant la chute,
.a) L'Église n'a donc pas pour but d'enseigner les
sczences, de protéger les arts, de construire des écoles
de. tracer un programme économique ... Sans doute ell;
:att cela aus~i; ~ais elle le fait seulement pour arriver
a s?n but prmclpal, ce que le premier pape a proclamé
le Jour de .la première Pentecôte sur la place de J éru-
salem: Faltes pénitence, sauvez-vous du milieu de cette
génération perversevet recevez le Saint-Esprit. En
un mot : Devenez des saints 1
b~ Devenir 'des saints - quelle sublime pensée 1
MalS comme l'humanité actùelle refuse de la com-
L'ÉG LISE DU CHIUST EST SAINTE
prendre! Le monde actuel n'a pas une minute de repos
. dans son travail sans trêve. Découvertes, technique,
1
1
industrie, commerce, travail acharné . .'. Dieu voit et
entend ce travail énervant et fiévreux. Et pourtant ...
_ ne vous étonnez pas de -ce que je vais vous dire -
nourtant
r
Dieu écarterait de Lui comme un vase brisé
la terre enti'ère, si un jour il ne s'y trouvait plus de saints.
Car c'est pour eu,x que la terre existe.
La terre en effet n'existe pas pour que des autos
y circulent ni pour y faire mugir des sirènes ni pour
v faire passer des trains ni pour y faire trépider des
~achines. Non. La terre existe pour que des saints
y vivent. Voilà pourquoi existe le monde.
Mais comment peut-on affirmer pareille chose?
Eh bien 1 c'est la Sainte Écriture qui l'affirme. C'est
le dessein de Dieu que l'homme devienne un saint. « Ce
que Dieu veut, c'est votre san<:tificatioll» (le Thessaloni-
dens, IV, 3). .
Le but de la rédemption est de rétablir l'état dans
l'homme était en état de grâce, il vivait dans la société
de Dieu, donc il était saint. Faire à nouveau de l'homme
un saint - voilà le but de l'Église, voilà la tâche immense
qui nous attend.· « Il leur a donné le pouvoir de devenir
mfants de Dieu» (S. Jean, l, 12), dit saint Jean du
Verbe incarné. Mais devenir enfant de Dieu, c'est
devenir saint. Aussi appelons-nous sainte notre Église,
parce qu'elle veut réaliser cela en nous.
e) Que l'Église ' catholique soit réellement sainte,
nous en avons encore un autre signe intéressant.
Regardez quels sont ceux qui quittent Z' b'glise catholique,
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
quels sont ceux qui apostasient. · Et quels sont ceux
qui viennent à l'Église catholique, qui se convertissent?
a) Qui sont ceux qui la quittent? Les meilleurs les
plus saints? Pas du tout. Ce sont justement les indi;idus
légers. ~eux que dépasse la sainteté de l'Église,
ce~x ~Ul ---: c~mm~nt dirai-je - n'admettent pas
qu apres aVOIr. dlvorce une ou deux fois ils ne puissent
plus se ~emaner. La plupart du temps par dépit ou
bravade Ils abandonnent la religion catholique parce
qu ,el'1 e ref use de les marier une seconde ou ' une
troisième fois. _
b) Et voyez ceux qui viennent avec enthousiasme
à l'Église et sollicitent leur admission? Sont-ce les
âmes vides, frivoles? Pas du tout. Ce sont justement
les âmes les plus précieuses. Celles à qui la diyine
Providence n'avait pas fait la grâce de naître dans la
religion . ca~h~li~ue, mais qui, recherchant une piété
et une Vie mteneure plus profondes, ont étudié, scruté,
ayec anxiété, jusqu'à ce qu'elles aient enfin trouyé la
véritable et sainte religion du Christ. Elles viennent,
parce qu'elles sentent que se trouve ici la marque
de la véritable Église du Christ: l'idéal de la sainteté.
II
LES MOYENS EMPLOYÉS PAR L'ÉGLISE CATHOLIQUE
SONT SAINTS.
Mais nous VOICI en présence d'une autre question.
Il ne suffit pas de prêcher l'idéal moral, il faut encore
L'ÉGLISE DU CHRIST EST SAINTE 85
aider l'homme à l'atteindre. Et c'est ici que nous voyons
de nouveau que seule l'Église catholique dispose des
moyens qui conduisent à la sainteté.
A) Le premier moyen avec lequel l'Église aide
l'homme à atteindre l'idéal moral c'est la pensée des
récompenses et des châtiments divins.
L'Église enseigne que la volonté de Dieu est de
mettre en vigueur l'ordre moral dans le monde. Celui
qui tr;lVaille au triomphe des lois morales - soit dans
sa propre vie soit dans celle d'autrui - est réellement
le collaborateur de Dieu et recevra de Lui la récom-
pense de son travail : le bonheur éternel. Celui qui au
contraire viole la loi morale défie Dieu et recevra de
Lui le châtiment mérité. Qui ne verrait combien de
force morale, combien de force de résistance et d'ardeur
au combat découlent dans les luttes continuelles pour
atteindre l'idéal moral de cette sainte conviction que
ces luttes se livrent pour Dieu, pour l'accomplissement
de sa volonté, pour notre propre bonheur éternel?
B) Mais pour avoir plus facile de mener à bien cette
lutte, nous avons les sacrements de l'Église.
Certains ne comprennent rien aux sacrements; ils
ne savent qu'en penser ... « Pourquoi les sacrements?
se demandent-ils. Est-ce que le Christ ne nous a pas
rachetés? Est-ce que ce sont les sacrements qui nous
rachètent? »
Non, ce ne sont pas les sacrements. Il est évidènt que
c'est le Christ. Mais vous avez déjà vu, n'est-ce pas,
des jardiniers arroser leurs terrains? Il n'y a qu'une
fontaine dans le jardin, mais un grand nombre de
rigoles et de raies grâce auxquelles l'eau fraîche et
86 LE SYMBOLE DES APÔTRES
vive de cette unique fontaine parvient à chacune des
plantes. Eh bien 1 l'unique fontaine du jardin de la vie
morale chrétienne est la source qui jaillit du sacrifice
du Golgotha; mais pour que sa force vivifiante par- ·
vienne à chaque âme humaine; les sacrements servent -
de canaux. Qu'est-ce donc que les sacrements? Les
canaux qui transmettent les mérites rédempteurs du
Christ à chaque âme. Ils nous amènent les mérites de la
rédemption et la force de la grâce qui en découle . rend
l'âme catholique plus belle et plus capable de vaincre.
Comment plus belle? Comment plus capable de
vaincre? II Y a quelques jours j'ai reçu dans la foi de
ses ancêtres ' une jeune fille de dix-neuf ans. En été
elle avait passé son baccalauréat, et avait obtenu la
permissIon de devenir catholique. Il fallait voir la joie
qui brillait dans ses yeux, lorsqu'elle fit sa première
confession. Son visage rayonnait, comme les bougies
de l'arbre de Noël. Quelques jours plus tard un étu-
diant en droit de troisième année s'est présenté à
moi : lui aussi veut revenir à la foi de ses ancêtres, lui
aussi attend avec impatience le jour où il pourra se
confesser .pour la première fois.
Oh! oui, elle est sainte notre Église, car ils sont saints
les moyens dont elle dispose. De même que le Christ
·extérieurement apparaissait comme un homme, bien
qu'Il fût Diep en,réalité, de même l'Église extérieure-
ment n'apparaît que comme une série de millions
d'hommes, bien qu'en réalité elle soit la société des
hommes mystérieusement unis à l'Homme-Dieu, le
corps mystique du Christ qui depuis dix-neuf siècles
fait pousser les fleurs odorantes de la sainteté.
L'ÉGLISE DU CHRIST EST SAlNTB
Il n'y a pas de plume capable de dépeindre digne-
ment les cimes élevées de l'héroïsme moral sur
lesquelles, sous la direction de l'Église, des foules
d'hommes luttant contre leur nature fragile et portée
au péché, sont parvenus et ont montré au monde le
prodige le plus surprenant : le type de la sainteté. Et
ici nous arrivons à la troisième marque de la sainteté
de notre Église.
III
IL Y A DES SAINTS FARMI LES MEMBRES
DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE.
A) Avant tout il faut avoir une idée claire de ce fait:
une religion qui veut englober tous les groupes de
l'humanité, dans les profondeurs de leur âme, une telle
,.elig;;n ne peut pas se passer des cimes éminentes de la
grandeur · humaine et de l' héroïsme moral.
a) Sur terre il y a toute sorte de paysages: il y a de
petits jardins tranquilles, il y a des prairies en fleurs,
il y a des forêts peuplées d'oiseaux, il y a des plaines
qui s'étendent jusqu'à l'horizon -:;;- et au delà de tout
cela s'élèvent des chaînes de montagnes avec leurs
cimes qui se dressent dans les nues, avec leurs lacs
sans ·" fond, avec leurs gorges vertigineuses ~d' où se
déverse sur toute la terre le soufRe frais et vivifiant
des montagnes. Il en est de même dans notre religion :
les divers types humains s'entendent très bien mutuelle-
ment: l'homme qui mène une vie paisible, l'homme
 88 LE SYMBOLE DES APÔTRES
qu.i s'avance dans les prés fleuris au chant des oiseaux
l:h?mme ..qui l~tte avec la monotonie de la vie quo~
tldlenne ... Mats à côté de ces hommes il fallait aussi
des « saints », c'est-à-dire des hommes qui ont suivi
le même chemin de chaque jour avec une autr~ âme,
avec un autre succès et auprès desquels nous puissions
nous réfugier, lorsque dans l'atmosphère poussiéreuse
de la lutte journalière notre pauvre âme devient
asthmatique.
b) Save7.-vous ce que sont les saints? Les héros de
l'imitat:on du Christ qui sont sortis des plaines, des
gorges et des marais du péché par des sacrifices
héroïques pour atteindre les hauteurs pures d'une vie
chrétienne idéale.
Les saints sont les héros de la force de volonté.
De tous côtés on entend cette plainte que les hommes
d'aujourd'hui n'ont pas assez de force de volonté ...
« Je ne commettrais pas le péché - gémissent des
malheureux - mais je n'ai pas de volonté. Alors je ne
peux pas résister. Alors je ne peux pas y renoncer ».
Lamentations quotidiennes des petits hommes qui
se traînent dans les plaines de la vie.
Et maintenant levons les yeux vers un saint, comme
ve~s un rocher qui se dresse jusqu'au ciel. Une mer-
. veIlleuse ferveur, une fierté et une émotion se déversent
sur nous, chaque fois qu'apparaît devant les yeux de
notre âme l'admirable galerie des saints. Quelles
valeurs! .Quelles beautés! Quels sacrifices surhumains 1
Que de chârité, de force, d'abnégation! Les seuls
hommes que réellement on n'oubliera jamais. Les seuls
hommes qu'on bénira toujours. Les seuls hommes
L'ÉGLISE DU CHRIST EST SAINTE
qui sont réellement les véritables bienfaiteurs de
l'humanité. Des hommes qui n'ont découvert ni les
gaz asphyxiants ni la mitrailleuse, des hommes qui
n'ont pas attisé les haines et n'ont pas foulé aux pieds
leurs inférieurs, mais qui ont éteint les haines, se
sont inclinés vers les pauvres, ont lavé les plaies des
malades, et peuvent dire avec le livre de Job: « J'étais
l'œil de l'aveugle et le pied du boiteux. J'étais le père
des pauvres» (Job, XXIX, 15-16). Ce ne sont pas eux
qui ont découvert la lampe électrique et cependant
sur leurs traces la vie est deVenue plus claire. Ce ne
sont pas eux qui ont inventé l'aéroplane et cependant
ils ont transporté l'humanité dans les hauteurs. Ce
ne sont pas eux qui ont découvert la radio ' et pourtant
à leur voix les hommes se comprennent mieux entre
eux et se sont rapprochés mutuellement.
B) Or en ce moment je ne pense pas en premier lieu
aux saints dont la vie morale héroïque est manifeste
et que l'Église a canonisés, proclamés saints.
a) Ce n'est pas à ces saints que je pense en ce
moment. Ah! qui pourrait en parler dignement? Des
martyrs qui ont versé leur sang pour sceller leur foi.
Des vierges qui au milieu des ruines d'un monde
corrompu ont su demeurer les épouses du Christ.
Des saints ermites qui ont abandonné fortune, carrière,
famille pour le Christ. Des pénitents, des religieuses
qui soignent les malades, des moines qui ont favorisé
la civilisation, les sciences et les arts, des missionnaires
qui jouent avec leur vie.
Non, je ne parle pas de tous ces saints actuellement,
- car la sainteté de leur vie est bien connue.
 9° LE SYMBOLE DES APÔTRES
b) Mais je parle de ceux qui n'ont pas été canonisés,
de ceux dont personne ne connaît les noms, sauf Dieu
qui sait' tout, mais qui ont été et sont aujourd'hui
encore mille et mille fois plus nombreux "7'" aujourd'hui
dans ce monde à l'envers - que nous le croyons.
Je parle de ces saints qui vivent au milieu de nous
aujourd'hui encore, dans les buanderies, les magasins,
les bureaux, les fabriques, les familles, je parle des
saints enfants, des saintes épouses, des saintes mères,
des saints pères de famille qui luttent héroïquement
contre la nature humaine déchue et les tentations des
mœurs modernes corrompues, dont l'âme, le cœur et
les mains sont purs, qui remplissent avec un héroïsme
muet les devoirs de la vie quotidienne et supportent
dans leur fidélité envers Dieu le martyre non sanglant .
mais réel de la vie.
Dans les rues, sur les places publiques, dans les
cinémas et les théâtres partout le péché crie vers nous
et cependant nous pouvons dire avec fierté et joie
qu'aujourd'hui encore, au milieu de l'atmosphère
délétèrfl des grandes villes vivent des saints, des héros.
Plus, beaucoup plus que vous ne le pensez.
Oui, il y a aujourd'hui encore des saints; les con-
fesseurs pourraient en parler à perdre haleine, s'il ne
leur était pas ordonné de se taire . .Le monde actuel
n'est pas totalement mauvais. Seulement la méchanceté
crie toujours plus fort que la bonté et les fleurs de la
belladone et de la jusquiame sont toujours plus belles
que les petites violettes 'au doux parfum. .
M es frères, mon âme de prêtre à qui il a été permis
cie pénétrer dans des miHiers.et des . milliers de jeunes
L'ÉGLISE DU CHRIST EST SAINTE
âmes peut vous affirmer qu'autour de nous, même au
milieu de la malpropreté ambiante et du marais moral
\
pestilentiel actuel, de nombreux jeunes gens' et de
nombreux adultes s'avancent avec un cœur pur et une
blancheur immaculée que l'éducation et les sacrements
de la sainte Église ont préservés des séductions du vice.
Comm"e les premiers chrétiens qui s'avançaient le front
haut dans les rues de Rome p écheresse, de la Grèce,
de l'Asie, les saints d'aujourd'hui circulent victorieuse-
ment autour de nous. Et lorsque nous sommes remplis
d'amertume à cause de la méchanceté des hommes et
que nous désespérons presque du sort futur de l'huma-
nité, ces saints nous donnent espérance, consolation
et optimisme. Et si le monde pécheur est abominable,
à cause d'eux Dieu ne le détruira pas. Et lorsque de
tous côtés nous apercevons la puissance des ténèbres
et le triomphe du péché, la légion des saints victorieux
des ténèbres et du péché nous console. Et si l'histoire
du passé et la vie actuelle sont pleines de manques de
conscience, de cruauté, d'égoïsme et de . dureté, alors
les saints inconnus qui vivent aujourd'hui, les héros
victorieux de la conscience, de la charité, de la sollicitude,
du tact et de la compassion nous consolent et nous
édifient. -
C) Maintenant j'arrive à cette grande leçon : Ne
critiquons pas, ne nous scandalisons pas à cause de « ce
monde méchant », mais - travaillons. Travaillons à
rendre plus beau le visage de l'Église. De.• plus en
plus beau, de plus en plus frais, de plus en plus saint.
Ivres frères. Nous sommes l'Église ... moi, vous,
nous tous ... et plus notre âme sera belle, plus not.re
 92 LE SYMBOLE DES APÔTRE'S
vie sera sainte, plus aussi sera belle et sainte notre
Église. Et plus notre Église sera sainte, plus le saint
visage du Christ brillera plus beau, plus il attirera
fortement à lui l'âme humaine.
L'homme moderne a essayé de faire cette prière :
Je crois à l'argent, à l'or. Je crois à la machine, à la
technique. Je crois à la force du canon et de la mitrail-
leuse. Je crois à la diplomatie.,,, aux accords écono-
miques. .. aux conférences internationales. "
Aujourd'hui nous voyons que tout cela était une foi
sans fondement, une espérancè aveugle:
Essayons donc de faire à nouveau cette prière :
Je crois en Dieu. Je crois au Saint-Esprit. Je crois
à la sainte Église catholique. C'est ainsi que je prierai.
Et je travaillerai dans mon âme pour que tout cela se
- réalise de plus en plus. Que mon Église soit sainte :
de plus en plus sainte par la sainteté de ma vie.
# - '*' # les classes sociàles, laïques, prêtres, religieuses,
Mes frères, il a été question aujourd'hui de la
sainteté de l'Église catholique. Pourrait-on terminer
plus dignement ce sermon qu'en décrivant une cano-
nisation? Cette cérémonie sans exemple comme le
monde n'en connaît pas de plus sublime et de plus
émouvante?
Des heures déjà avant le début de la cérémonie une
foule i~mense se porte vers Saint-Pierre. L'énorme
basilique ouvre ses portes à des milliers de personnes.
L'air est rempli élu bruit de l'assistance impatiente.
Tout à coup le silence se fait, la porte qui donne sur
L' ÉGLISE DU CHRIST , EST SAINTE 93
le côté du Vatican s'est ouverte et l'on aperçoit le pape.
Ce qui se passe alors, -la plume est încapable de
l'écrire. De milliers et de milliers de bouches sortent les:
Evviva il Papa! Vive le pape! Roch der Papst! Eljen
a papa 1 Et au-dessus de la foule qui applaudit et agite
ses mouchoirs, apparaît comme une arche la sedia
gestatoria sur laquelle est assis le Souverain Pontife.
On distingue sur son visage une sainte émotion,
lorsqu'il s'approche de l'autel, pour y déposer l'enthou-
siasme, la jubilation, la reconnaissan'ce et l'amour de
_tous ces fidèles aux pieds de Celui à qui appartient
toute gloire : aux pieds du Christ eucharistique.
Peut-être y en a-t-il pour hocher la tête avec froideur
en entendant cette description et dire : « Cela n'est
plus de mise à notre époque ». Mais celui qui se trouve
lui-même dans cette foule n'a pas le temps de se livrer
à ces réflexions, il est emporté par cette scène sublime
et émouvante. Tous les pays, tous les peuples, toutes '
évêques sont agenouillés autour du successeur de
saint Pierre et sur leurs têtes au-dessus des colonnes
de marbre blanc de la plus belle église dü monde
s'étend à une hauteur vertigineuse la coupole de
Michel-Ange où sont écrites en lettres d'or les paroles
de la promesse du Christ : (( Tu es Petrus, et super
hanc petram aedificabo ecclesiam meam »; et dans la
basilique baignée dans un océan de lumière résonnent
comme un.;-Jlant céleste les accents du chœur.. . oui,
à cet instant on peut dire du fond du cœur, avec
émotion: (( Je crois à la sainte Église catholique ».
Des hommes pleure.nt comme des enfants. D.es gens
94 LE SYMBOLE DES APÔTRES

appartenant à d'autres religions s'écrient: « Maintenant

je sais ce qu'est l'Église catholique ». Et des milliers
et des milliers disent tout bas, avec ferveur: « Seigneur,
je Vous remercie d'être catholique ».
Prêtres et laïques de tous les peuples, de toutes les
nations, de toutes les conditions entourent le succes-
seur de saint Pierre. Et au-dessus de l'Église rassemblée
se dressent les colonnes de marbre blanc, les arcs,
sublimes qui se réunissent en une coupole d'une
hauteur vertigineuse - voilà la sainte Église, édu-
catrice de sainteté.
Comment pourrais-je ne pas t'aime!,", sainte Église .
catholique qui rend saint celui qui se confie à toi.
Tu apprends à l'enfant innocent à joindre ses petites
mains pour prier.
Tu donnes la force au jeune homme qui lutte au
milieu des passions de son âge.
Tu annonces force, persévérance, conscience à
l'homme qui se tient au milieu des mille tentations de
la vie. . L'Église est une, société composée d'hommes;
Tu donnes aux mères l'esprit de générosité et de
sacrifice.
Tu sanctifies nos premiers pas dans le monde, tu étends ta
main protectrice sur notre existence, tu fermes n'os yeux
qui s'éteignent et tu plantes sur nos tombes la croix de la
résurrection : une, sainte Église catholique. Amen.
VII
L'ÉGLISE DU CHRIST EST CATHOLIQUE
MES FRÈRES,
Les hommes grandissent et se développent. Dieu
ne grandit pas, ni ne se développe. Se développer
veut dire se perfectionner. Comme Dieu est infiniment
parfait, Il ne peut se développer. Mais l'homme n'est
pas parfait, il faut donc qu'il grandisse et se développe.
l'Église doit donc grandir, comme le petit grain de
sénevé jeté en terre (S. Matthieu, XIII, 31). Si l'Église
cessait de se développer, de grandir, de se perfectionner,
elle s'approcherait de sa fin, tout comme l'homme
s'approche de la mort, lorsqu'il ne se développe plus
physiquement et spirituellement.
Lorsque le Sauveur quitta la terre, l'Église se com-
posait de quelques apôtres et peut-être de deux ~ents
fidèles . Il y avait Pierre, il y avait les apôtres; il y avait
aussi cet ordre: « Allez, enseignez toutes les nations ... ))
Le Christ avait jeté la semence, il fallait qu'elle grandît.
 LE SYMBOLE DES APôTRES
Le premier accroissement iinpOltant eut lieu le
dixième jour après l'ascension de Notre-Seigneur,
lorsque saint Pierre, à la suite de son discours du jour
de la Pentecôte, baptisa 3000 hommes (Actes, III, 41).
Que de réflexions on peut faire sur les premiers jours
du christianisme naissant : Lorsque pour la première
fois retentirent à des oreilles humaines ce magnifique
avertissement de saint Paul : Maintenant il n'y a plus
ni juif ni grec ni homme ni femme ni homme libre
ni esclave - Jésus de Nazareth les a tous élevés au
même niveau.
Et comme la nouvelle foi s'est répandue merveilleuse-
ment! Elle fut accueillie avec enthousiasme par les
pauvres, les abandonnés, les simples, - mais aussi par
d'autres. A Antioche c'est l'ami d'Hérode, Manahen
qui se convertit. A Chypre c'est le proconsul Sergius
Paulus. A Philippes c'est Lydie, la marchande de
pourpre. A Athènes c'est Denys l'Aréopagite. Et dans
les catacombes se multiplient les tombeaux des familles
romaines les plus distinguées : les Cecilius, les Cor-
nelius, les Pomponius, les Aemilius 1 les Acillius. La
plus belle des cata~ombes existant encore aujourd'hui
est celle de DomitiIIa, l'épouse du consul Flavius
Clemens. Et si nous lisons les dernières lignes de la
lettre écrite par saint Paul aux Philippiens à qui voyons-
nous l'apôtre adresser ses salutations? Aux chrétiens
vivant ·à la cour impériale.
Et depuis, l'arbre de l'Église a grandi de pfus en
plus. Il n'y a plus de pays au monde sur lequel il n'ait
pas étendu un rameau; il n'y a plus une race humaine
où elle n'ait gagné des fidèles; il n'y a pas un pou~e
L'ÉGLISE DU CHRIs:r EST CATHOLIQUE 97
de territoire sur la terre où ·il n'ait pas étendu ses
racines. La volonté de Notre-Seigneur s'est réalisée:
Son Église est devenue « universelle », c'est-à-dire,
pour employer le mot grec, « catholique ».
1. L'Église catholique doit être réellement catholique -
telle est la première idée qui nous occupera dans notre
sermon d'aujourd'hui. Ensuite nous étudierons II. ce
que signifie la catholicité de l'Église et Ill. ce qu'elle ne
signifie pas.
I
IL FAUT QUE L'ÉGLISE DU CHRIST
SOIT CATHOLIQUE.
Notre première question est donc celle-ci: Faut-il
que le royaume du Christ soit réellement catholique
c'est-à-dire universel?
A) Nous trouvons la première réponse déjà chez
les prophètes de l'Ancien Testament qui virent le royaume
du futur Messie s'étendre .sur le monde entier.
Suivant Amos, le Seigneur réunira tous les peuples
dans le royaume du Messie (Amos, IX, II - IZ). C'est .
ce passage de la Sainte Écriture qu'invoquera plus tard
l'apôtre saint .Jacques, lorsqu'il proclamera que les
païens aussi doivent entrer dans le royaume du Christ
(Actes, XV, 16). .~
Il est sublime le tableau que trace le prophète Isaie
de l'universalité du royaume du Messie. Il voit sur une
haute montagne le royaume de Dieu vers lequel affiuent
tous les . peuples du monde (Isaïe, II, 2-4.). Dans le
.
Symb. des Ap. - t. V 4
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
même prophète nous trouvons ces paroles du Seigneur:
« Ma maison sera une maison de prières pour tous les
peuples » (Isaïe, LVI, 7).
Le prophète Jonas est envoyé par Dieu prêcher aux
païens; c'est aussi une prophétie que le royaume du
.Messie devait être universel, catholique.
Saint Pierre, dans son sermon du jour de la Pentecôte
où il s'adressait à différents peuples, est persuadé
que l'Esprit de Dieu, conformément à l'attente des
prophètes, se répand sur tous les hommes; il invoque
ces paroles de Joël : « Dans les derniers jours (dit le
Seigneur) je répandrai de mon Esprit sur toute chair Il
(Actes, II, 17).
B) Mais ce que les prophètes avaient annoncé,
Notre-Seigneur Jésus- Christ l'a enset'gné encore plus
clairement. Selon .Lui, pour entrer , dans le royaume
de Dieu, ce qui importe ce n'est ni l'origine raciale ni
l'appartenance à la race juive, mais uniquement la
pureté de cœur.
« Notre Père Il - ainsi commence la prière que le
Sauveur Lui-même nous a enseignée. Donc Dieu est
iè Père de tout .homme et Il attend tous les hommes
dans son royaume.
Selon lès paroles mêmes de Notre-Seigneur, « le Fils
de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était
perdu » (S. Luc, XIX, 10); donc peut seule être Sa
véritable Église celle qui cherche ses fidèles chez tous
les peuples du monde entier et qui n'est limitée ni par
. la langue ni par la race ni par les frontières.
De même les paraboles du Sauveur nous p~rlent
de catholicité. Le levain pénètre toute la masse, dit
L'ÉGLISE DU CHHIST EST CATHOLIQUE 99
Notre-Seigneur : il en est de même du royaume de
Dieu. Il est semblable aussi au petit grain de sénevé
qui devient un grand arbre et sert d'abri aux oiseaux
du ciel. Dans une autre circonstance Il a fait cette
prophétie : ( Cet évangile sera prêché dans le monde
entier, pour être un témoignage à toutes les nations «
(S. Matthieu, XXIV, 14). .
Enfin Il a donné solennellement cet ordre à ses
apôtres: « Toute puissance m'a été donnée au ciel et
sur la terre. Allez, enseignez toutes les nations ))
(S. Matthieu, XXVIII, 18-19)' En vérité nous pouvons
dire du Christ et de son royaume ce que disait le
vieillard Siméon: « Mes .yeux ont vu le salut que vous
avez préparé pour tous les peuples II (S. Luc, II, 30-31).
L'Église du Christ doit donc être réellement
catholique. .
Mais il nous faut examiner de plus près ce que
signifie et ce que ne signifie pas la catholicité de
l'Église.
II
QUE SIGNIFIE LA CATHOLICITÉ DE L'ÉGLISE.
A) La véritable Église du Christ est catholique,
c'est-à-dire qu'elle n'est pas liée à tel ou tel endroit du
monde ni limitée à telle l'ace ou à telle classe sociale,
mais qu'elle se tient au-dessus de toutes les classes, de toutes
les races et de ·toutes les nations et ainsi est faite pour tous
les hommes. Saint Paul s'exprime ainsi à ce sujet: « Il
n'y a plus ni Grec ni Juif, ni circoncis ou incirconcis,
100 LE SYMBOLE DES APôTRES
ni barbare ou Scythe, ni esclave ou homme libre; mais
le Christ est tout en tous » (Colossiens, III, II).
Seule peut être la véritable Église du Christ celle
qui est catholique, c'est-à-dire se trouve dans le monde
entier. Les paroles du Sauveur l'indiquent clairement.
« Allez, enseignez toutes les nations :~. Elle ne peut donc
pas être la véritable Église du Christ, celle qui s'adresse
seulement à l'une ou l'autre race, se borne à des terri-
toires déterminés, car la véritable Église du Christ doit
se trouver sur tous les points du globe. Chez nous cette
catholicité existe réellement, car notre Église est capable
de satisfaire pleinement les besoins religieux de tous
les temps, de tous les peuples et de toutes les civi-
lisations. Dieu a donné à notre religion la , capacité
et le pouvoir de devenir catholique; mais c'est à nous
qu'incombe la tâche par un travail missionnaire pour-
suivi pour notre propre formation spirituelle et
l'avantage et le profit des autres que cette possibilité
se- trap.sforme en réalité.
Notre Église est catholique, c'est~à-dire qu'elle
est assez riche en biens spirituels pour devenir la patrie
spirituelle des individus, de tous les peuples, et de
l'humanité tout entière. Elle fait des recrues, sans
employer la force; elle s'adapte sans rien abandonner
de ses principes; et partout où elle peut déployer
son activité, elle crée une atmosphère vivifiante où
s'épanouissent les fleurs de la plus haute humanité et
de l'idéal moral.
B) Cette ,plénitude de vie et cette force d'expansion '
qui doivent être la conséquence de la catholicité ont
toujours ét,.é...,les caractéristiques de notre Église. Dans
L'ÉGLISE DU CHRIST EST CATHOLIQUB 101
le passé et dans le présent sa préoccupation et son souci
le plus cher ont toujours été de prêcher la doctrine
du Christ jusqu'aux extrémités du monde et à la force
attirante qui découle des dogmes et des rites de notre
sainte religion aucune race ni aucune civilisation n'ont
pu opposer de barrière. .
L'Église catholique ne peut pas étouffer en elle
cette force d'expansion. Perpétuellement active, elle
est poussée du saint désir de distribuer de plus en plus
aux peuples le trésor de la vérité chrétienne qui les
rendra heureux. Cet instinct missionnaire, cette persuasion
de posséder la vérité sont les preuves que vit réellement
en elle l'ordre du Christ : « Allez, enseignez toutes les
nations )l.
n faudrait maintenant raconter toute l'histoire de la
propagation du christianisme, pour prouver mon
affirmation. Mais qui pourrait entreprendre de résumer
en quelques minutes cette masse de sacrifices d'argent
et de vies, cet héroïsme et cette abnégation, ce sang,
ces larmes et ces privations dont se composent les
dix-neu( siècles d'activité missionnaire de l'Église
catholique? Qui saurait, en dehors du Dieu qui sait
tout, combien il a fallu de sacrifices surhumains jusqu'à
ce que les hordes sauvages des invasions barbares
eussent' courbé leur cou orgueilleux sous le joug suave
du Christ! Qu'a coûté à saint Patrice la conversion
de l'Irlande, à saint Augustin la conversion des Anglais.
à saint Boniface la conversion 'des Allemands, à
saint Étienn~" la conversion des Hongrois? L'histoire
universelle consacre des pages d'éloges aux souverains
qui ont conquis des royaumes. Mais comme la conquête
102 LE SYMBOLE DES APÔTRES
de continents entiers est peu de chose à côté de la
conquête des âmes que réalisent les missionnaires
catholiques 1
C) Mais ne nous arrêtons pas à constater ce fait
grandiose; écoutons aussi l'avertissement qu'il nous fait
entendre. JO
a) Mes frères, nous réjouissons-nous d'être catho-
liques? Sommes-nous fiers d'être catholiques? Très
bien; mais remercions-nous aussi Dieu d'être, suivant
le mot de saint Jean « les collaborateurs de la vérité »
(Ille S. Jean, 8), aidons-nous à répandre la foi catho-
lique, aidons-nous les missions? Comment pouvons-nous
favoriser le grand désir d~ cœur du Christ, sa pensée
la plus chère, l'extension de son Église?
Si nous lepouvons, aidons financièrement les missions.
Si nous ne le pouvons pas, alors prions beaucoup pour
les missions, faisons beaucoup de bonnes œuvres et
de J;llortifications, offrons nos peines supportées d'une
âme forte, afin que l'Église du Christ se répande de
plus en plus dans le monde entier et que le caractère
catholique de l'Église soit mis de plus en plus en relief.
b) Mais nous devons aussi écouter un autre très
grave avertissement : Soyons aussi les missionnaires
de nos âmes. Travaillons à instaurer de plus en plus le
règne du Christ dans nos âmes. I. Ne soyez pas des
catholiques seulement à l'extérieur, mais aussi inté-
rieurement. 2. Ne soyez pas des catholiques morts,
mais des catholiques vivants.
.1. Ne soyez pas seulement cathoUques à la surface.
A la suite de mon dernier sermon j'ai reçu une longue
lettre d'un Indou de Calcutta. Dans cette lettre il nous
L'ÉGLISE DU CHRIST EST CATHOLIQUE J03
fait de sévères reproches, parce que nous voulons
convertir les païens au christianisme, alors que les
chrétiens sont plus mauvais qu'eux. Et il met en avant
la dégradation morale qu'on peut voir dans nos grandes
villes.
Mes frères. Qui ne se sentirait pas ému à la l~cture
d'une pareille lettre! Savez-vous pourquoi on peut
écrire de ces lettres? C'est parce que vivent parmi
nous beaucoup de catholiques ·de surface auxquels on
donne le nom de catholiques, mais dont la vie est une
honte pour le catholicisme. Pourtant, selon Notre-
Seigneur, de même que le levain fait lever toute la pâte,
de même l'Évangile doit transformer toute la vie de
l'homme. Les médecins prescrivent des pommades
« pour l'usage externe », mais le catholicisme n'est pas
seulement pour l'usage externe. Il doit agit sur l'inté-
rieur, sur toute notre âme.
2. Et voici le second avertissement. Ne soyez pas
des catholiques morts. L'Apocalypse nous parle d'un
état où les chrétiens croient vivre, alors qu'ils sont morts
(Apocalypse, IIi, 1). Qui ne voit à combien d'hommes
aujourd 'hui s'applique cette constatation de la Sainte
Écriture 1
Celui qui croit tout ce que Dieu a révélé et que
l'Église enseigne, - celui-là n'est pas encore un catho-
lique vivant. Qu'est-ce donc que le catholique vivant?
Il Y a un livre de saint Augustin qui porte ce titre
curieux « De agone christiano », « Le combat chrétien ».
Notre vie est en effet une lutte, une guerre perpétuelle .
Avec qui? Avec le monde et avec nous-mêmes. Seul
.est un catholique vivant celui qui combat.
104 LE SYMBOLE DES APôTRES
Deux mondes luttent au dedans de nous. Et chaque
pas que nous faisons vers Dieu exige un effort. Plus
nous allons vers Dieu, plus le sang, la chair, le corps
crient et pleurent en nous --:- ils sentent qu'ils sont
vaincus.
A la suite de ces réflexions nous pouvons déjà juger
ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ pense du catho-
lique tiède. De celui qui ne renie pas la foi, mais ne la
soutient pas. De celui qui est catholique par son extrait
de baptême, mais ne le montre nulle part dans sa vie.
« Je connai~ tes œuvres - lisons-nous dans l'Apocalypse
- tu n'es ni froid ni chaud. Si seulement tu étais froid
ou chaud. Mais parce que tu es tiède et que tu n'es ni
froid ni chaud, je vais te vomir de ma bouche» (Apo-
calypse, III, IS-I6).
Dante des cend dans l'enfer. Qui rencontre-t-il en
premier lieu parmi la « perdita gente» qui erre himen-
tablement dans une nuit sans étoiles? Les anges qui
restèrent neutres, lorsque Lucifer se révolta contre _.
Dieu. Ils ne Lui furent pas infidèles, mais ils ne se
rangèrent pas non plus aux côtés de Dieu. « Attendons
qui l'emportera )). Et Dante les place en premier lieu
dans l'enfer. Mais certainement il aurait pu mettre
à côté d'eux les hommes qui sur la terre n'étaient pas '
des incrédules, mais n'étaient pas non plus des catho-
liques vivants et fervents, mais seulement des catho-
liques tièdes, de surface, de nom et qui ont été cause
que les non-chrétiens se sont fait des idées fausses
de la religion du Christ.
L'ÉGLISE DU CHRIST EST CATHOLIQUB lOS
III
CE QUE NE SIGNIFIE PAS LA CATHOLICITÉ
DE L'ÉGLISE.
Mais le sermon d'aujourd'hui resterait incomplet,
mes frères, si je n'évoquais pas encore une autre idée.
Notamment ce que ne signifie pas le mot catholique.
A) Dans la vie matérielle toute force, tout déve-
loppement et toute vie dépendent du soleil, - et ni une
race ni une classe sociale ne peuvent se réserver exclu-
sivement le soleil. pe même la religion du Christ,
soleil de la vie de l'âme, ne peut être regardée comme
la propriété de telle ou telle race, mais doit se tenir au-
dessus de toutes les nations. Dès que quelqu'un parle
d'une « église nationale », il est donc en contradiction avec
le dessein du Christ. La véritable Église du Christ ne
peut pas être nationale, elle ne peut pas être une Église
hongroise ou allemande ou suisse ou italienne, mais
elle est simplement « catholique )), c'est-à-dire « uni-
verselle ». C'est pourquoi nous autres, catholiques, nous
ne disons pas que nous sommes la « religion hongroise )).
Nous ne sommes ni . une religion hongroise ni une
religion italienne, - nous sommes simplement la
II. religion du ,Christ )).
« Alors vous autres catholiques, vous êtes inter-
nationaux. Catholique veut dire international )) -
nous objecte-t-on. Or ce n'est pas exact. Catholique
veut dire « supranational J). Cela veut dire que la religion
du Christ n'est pas l'our une seule race! un seul peuple,
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
106
mais pour tous, pour l'humanité entière. La civilisation
hellénique était uniquement pour les Grecs, la religion
juive uniquement pour la race juive, l'Islam ' pour les
Turcs, la religion de Confucius pour les . Chinois ...
mais la religion du Christ est pour tous les hommes.
Voilà ce que signifie le supernationalisme de l'Église
catholique.
B) Mais par contre nous devons ajouter que le
supernationalisme de l'Église ca~holique ne supprime
pas les traits particuliers, les valeurs personnelles et
caractéristiques des nations. Qu'il y ait tant d'hommes,
tant de peuples, tant de nations, répond au plan du
Créateur, l'Église ne peut donc pas ne pas en tenir
compte. Bien loin de les supprimer, elle aide au
développement des véritables valeurs et du véritable
patriotisme de chaque peuple. Je- peux donc être le
meilleur hongrois et en ~ême temps ie meilleur
catholique, à son tour mon prochain qui appartient à
une autre race ou à une autre nation peut être le
meilleur fils de son peuple et le meilleur membre de
l'Église catholique qui se tient au-dessus des peuples.
Voyez une forêt immense. Comme il y a des arbres
de toute sorte! Des sapins élancés, des chênes touffus,
de petits buissons, de l'herbe, des fleurs, et tous ont
leur tâche dans la vie de la nature, ils diffèrent dans
leur forme, leur croissance, leurs feuilles, leurs fleurs,
leurs fruits, - mais sur eux tous brille avec le même
sourire le soleil vivifiant qui les aide à remplir leur tâche
particulière. De même l'Eglise fait luire la "doctrine
du Christ sur l'immense diversité des peuples du monde
et les nissembl~ tous dans la vaste unité du catholicisme.
L'ÉGLISE DU CHRIST EST CATHOLIQUE 1°7
C) Après cela tout le monde devrait voir que c'est
perdre son temps et se livrer à un jeu de mots que de
nous demander avec un air supérieur : « Vous autres
catholiques, qu'êtes-vous d'abord ' : Hongrois ou catho-
liques? Qu'aimez-vous le mieux ,: la patrie hongroise
ou bien l'Église catholique? » .
Quelle question frivole et vide! C'est comme si 'on'
me demandait: Qu'aimez-vous le mieux, votre père
ou votre mère? QQel pied vous feriez-vous couper, le
droit ou le gaùche? .
Non. J'aime mes parents d'un même amour. Je ne
voudrais pas non plus me faire couper un pied plutôt
que l'autre.
Que de fois on doit entendre des gens superficiels
nous faire ce reproche : « Vous autres, catholiques
hongrois, vous n'êtes pas de bons Hongrois, parce
que vous obéissez à un homme qui n'est pas hongrois,
le pape ». C'est sûr, le pape n'est pas un Hongrois.
Notre-Seigneur Jésus-Christ non plus n'était pas
un Hongrois. Et c'est pourquoi je n'ai pas honte
d'obéir à Notre-Seigneur Jésus-Christ et à Son
représentant.
N'est-ce pas une chose curieuse: on s'habille avec
de la soie française et on fume des cigar~ttes turques,
on peut manger des raisins d'Espagne et des dattes
d'Afrique, on peut obéir à la Grande-Loge maçonnique
de Paris - et on ne dira pas que vous êtes un mauvais
Hongrois. Mais si dans les questions 'religieuses nous
nous attachons à celui que le Christ a mis à la tête
de l'Église, alors nous devons en rougir, alors nous ne
sommes plus de bons Hongrois 1
 108 LE SYMBOLE DES APÔTRES
Mais je n'aime pas le pape seulement parce que je suis
catholique; je le respecterais et l'estimerais même si
je ne l'étais pas/mais simplement comme citoyen
hongrois. Je le respecterais, parce que je connais l'histoire
de mon pays et que je sais ce que la Hongrie doit au
pap~ CI. non hongrois ».
Nous lui devons les premiers missionnaires à l'âme
enflammée dont tes paroles firent courber les cous de
nos fiers ancêtres sous le joug suave du Christ.
Nous lui dev.ons la sainte couronne que le pape
Silvestre envoya au premier de nos rois, saint Étienne,
et cette force constructive qui depuis près de mille ans
rayonne sur nous de la sainte couronne.
Nous lui devons les ordres religieux qui habituèrent
le Hongrois nomade à la vie sédentaire, à l'agriculture,
à l'industrie et lui donnèrent l'instruction.
Nous devons au pape l'aide pécuniaire et morale
inappréciable par laquelle il est venu seul à notre secours,
lors du désastre national. Nous devrions avoir honte des
papes dont la nation hongroise a reçu appui matériel
et moral, argent, affection, consolation au cours des
siècles comme elle n'en a jamais obtenu de personne?
Nous leûr devons l'amour des parents et du prochain,
la discipline morale, la pureté de cœur, la fidélité con-
jugale, l'équité mutuelle, la soumission de notre volonté
. sous la volonté de Dieu, nous leur devons la morale,
l'honllêteté, la fidélité au devoir, ' vertus que notre
saintè religion ne cesse d'enseigner à notre peuple,
le ' fortifiant ainsi dans les sources de son énergie.
Car n'Qublions pas une chose: un peuple peut vivre
sans canon et sans mitrailleuse, mais il ne le peut pas
L'ÉGLISE DU CHRIST EST CATHOLIQUE 1°9
\
sans morale; sans honnêteté, sans fidélité et sans amour
du travail - or la source premiere et l'aliment de toutes
ces vertus, c'est notre sainte religion catholique.
Faut-il avoir honte dù catholicisme ou plutôt ne
faut-il pas être fier de la sainte Église et répéter souvent
avec une fière conviction cette belle phrase de saint
Cyprien qu'il écrivait au me siècle: « Christianus mihi
nomen, catholicus cognomen », « chrétien est mon
nom de famille, et catholique mon nom de baptême ».
•••
Mes frères, nous récitons chaque 'jour dans le Credo:
« Je crois à l'Église catholique », mais nous eftorçons-
nous aussi de comprendre ce que veut dire ' être
catholique?
Que veuf di~è ~tre catholique? Cela veut dire que
je ne suis pas seul, que je ne prie pas seul, que je ne
combats pas seul.
Que veut dire être catholique? Cela veut dire que
. je participe au corps mystique du Christ et à toutes
les forces vivifiantes que le Cœur du Christ répand
sur Sa sainte Église.
Que veut dire être catholique? Cela veut dire vivre
sur la terre avec le Christ vivant perpétuellement
parmi nous sur la terre et que nous pouvons voir et
entendre dans l'Église.
Que veut dire être catholique? Cela veut dire que
nous pouvons appliquer à notre Église comme à nous-
mêmes le XXIIe psaume tout entier: L'Église « me mène
 /

//
IIO LE SYMBOLE DES APÔTHES /
/
et rien ne me fera défaut. Elle m'a placé au milieu des
P âturages, elle m'a conduit près d'une eau 4 0rtifiante,
elle a ramené mon âme... Q uan d Je · marc
1 h eraiS
. au
. 1 d .
milieu o'de3 ombres de la mort, Je ne cram raIS aucun
mal, car vous êtes avec moi JI.
Sur la tombe du grand évêque de Genève, Mgr Mer-
millod, se trouvent ces simples mots : « DiIexit Eccle-
siam ", 1( Il a aimé l'Église ». Est-ce que j'aime aussi
mon É:glise catholique? Suis-je un bon fils pour elle?
Un bon fils ne supporte pas que quelqu'un calomnie
sa mère, en parle mal et la critique sans respect. Un
bon fils ne résiste pas aux ordres de sa mère, mais
accomplit avec joie tous ses ordres, sans exception.
Est-ce que j'aime ainsi mon Église? Est-ce que
je lili obéis et me tiens courageusement à ses côtés ?
Est-ce que je revendique courageusement, . fièrement
mon nom de catholique?
Les naturalistes ont fait ces jours derniers une
curieuse découverte: les lièvres s'accroissent, les lions
diminuent. Mais nous, mes freres, nous ne voulons pas
être des lièvres poltrons en reniant notre Église, nous
voulons être des lions courageux en confessant jierement
notre catholicisme. Amen.
\
\
\
VIn
L'~GLISE DU CHRIST EST AP OSTOLIQUE
MES FRfmES,
Un ambas,sadeur de France en Angleterre était tombé
gravement malade à Londres. L'un après j'autre ses
amis venaient le voir et le consoler. Un de ses amis
anglicans lui posa cette curieuse question: « N'avez-
vous pas peur de mourir id? Car si on vous enterre
ici, on vous mettra dans un tombeau au milieu des
hérétiques... »
Mais le malade fit cette réponse magnifique : « Pas
du tout. , Je demanderai qu'on creuse ma tombe
un mètre plus bas : je serai alors au milieu des
catholiques ... »
En vérité une réponse bien juste. Aùjourd'hui _
hélas! - il Y a 300 sectes chrétiennes dans le monde
et chacune revendique le Christ; mais si nous creusons
seulement un peu plus profond dans l'histoire nous
rencontrerons partout l'Église catholique. Si nous
creusons 500 ans en arrière, nous trouvons qu'il n'y
 IIZ LE SYMBOLE DES APÔTHES
avait pas alors 300 sortes de chrétiens, mais sJ lement
deux : celui qui était chrétien était ou bien éatholique
romain ou bien grec oriental. Si nous leculons de
1000 ans alors nous ne rencontrons plut qu'un seul
christianisme : l'Église catholique rorla'ine. Il n'y a
pas d'autre religion chrétienne qui ; puisse reporter
son existen~e au delà de 1000 ans, et au delà de 1900 ans
jusqu'aux apôtres, jusqu'à Notre-Seigneur Jésus-
Christ. Aujourd'hui il y a sur la terre environ 300.000
prêtres catholiques, mais chacun .d'eux a reçu ses
pouvoirs, sa dignité sacerdotale de son évêque lequel
les a reçus lui-même de ses prédécesseurs et ainsi de
suite jusqu'aux apôtres. Actuellement c'est le 262e pape
qui règne sur la terre, mais ses pouvoirs remontent
" à-dire la puissance suprême, ces clefs, depuis 19 siècles,
par une chaîne ininterrompue jusqu'au premier pape
saint Pierre.
Cette apostolicité est la force immense de l'Église
catholiquè, elle est la quatrième marque de la véritable
Église du Christ. 1. Qu'entendons-nous par apostolicité
de l'Église? - tirer au clair cette question sera la
première tâche du sermon d'aujourd'hui. II. Ensuite
nous étudierons les difficultés qui peuvent surgir en
. connexion avec l'apostolicité de l'Église.
1 comme saint Paul le rappelle, dans ses épîtres (le Timo-
QU'ENTENDONS-NOUS PAR L'APOSTOLICITÉ DE L'ÉGLISE?
L'expression « apostolicité » signifie trois choses.
A) Elle signifie que nos évêques et nos prêtres actuels
L'ÉGLISE DU CHRIST EST APOSTOLIQUE
sont le'f- successeurs des apôtres. B) Ensuite elle signifie
que l'en'seignement de ['Église actuelle est le même que
celui de l'~glise apostolique. C) Enfin les sacrements
que nous utilisons at~iourd' hui sont les mêmes que ceux
de [' Église aPo~tolique. .
A) Le mot « apostolique » veut donc dire tout
d'abord que Les chefs de notre Église sont les successeurs
des apôtres.
a) Avant tout c'est une vérité historique indiscu-
table que le Christ a donné à saint Pierre le gouver-
nement de l'Église, que saint Pierre est mort à Rome et
que depuis ce temps les papes de Rome lui ont succédé
sans interruption. Depuis que le Christ a donné à
saint Pierre les « clefs du royaume des ,Cieux », c'est-
ont été transmises de main en main dans la série des
262 papes et continueront à l'être jusqu'à ce que,
au jour du Jugement dernier, Notre-Seigneur reprenne
au dernier pape le pouvoir ainsi confié. Le pape actuel
esi donc le successeur de saint Pierre.
Mais de même que les papes sont les successeurs
de saint Pierre, de même les évêques sont les successeurs
des autres apôtres. « Comme mon Père m'a envoyé,
moi aussi je vous envoie » - a dIt Notre-Seigneur
à ses apôtres (S. Jean, xx, 21). Les apôtres ont transmis
cette mission aux évêques en leur imposant les mains,
thée, v, 22; Ile Timothée, I, 6). Et par cette série
ininterrompue d'impositions des mains les pouvoirs
de tous les évêques actuellement en vie remontent
aux apôtres et au Christ qui a envoyé ces derniers.
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
A leur tour les évêques à l'ordination impo nt les
mains aux futurs prêtres, nous avons donc le droit
de dire - que toute l'autorité de notre Église remonte
aux apôtres et des apôtres à Notre-Seigneur/ Jésus-Christ
qui avait dit: « Comme mon Père m'a eny6yé, moi aussi
je vous envoie II (S. Jean, xx, 21).
L'apostolicité de l'Église veut donc dire que le Christ
a conféré sa puissance \lUX apôtres, cette puissance ne
peut donc se trouver aujourd'hui que dans la religion
dont les évêques et les prêtres peuvent faire remonter
leur arbre généalogique, jusqu'aux apôtres.
Or les évêques et les prêtres de l'Église catholique
ont reçu par une chaîne ininterrompue leurs pouvoirs
de leurs prédécesseurs et cette chaîne remonte jusqu'aux
'premiers apôtres.
b) De ce fait découle une importante vérité. L'histoire
de l'Église débute avec les apôtres.
C'est une exigence naturelle à l'égard de la véritable
Église du Christ que son histoire remonte jusqu'au
Christ. Si le Christ ressuscité, lorsqu'il quitt~ la terre
il y a 19 siècles, a dit à ses apôtres : « Allez, enseignez
toutes les nations ll, alors il est clair que l'Église du
Christ doit avoir 19 siècles. . . répondit le comte - car si mes ancêtres n'avaient pas
Interrogeons maintenant les 300 sectes chrétiennes
du monde qui prétend~ent toutes être la religion du
Christ, si l'une d'elles ose affirmer qu'elle a 19 siècles.
Il n'yen a pas une - sauf l'Église catholique.
A chaque pas de nouvelles sectes chrétiennes dressent
ta tête autour de nous et par leurs doctrines contra-
dictoires ·corrompent douloureusement la sainte fo
chrétienne. Baptistes, Méthodistes, Adventistes
L'ÉGLISE DU CHRIST EST APOSTOLIQUE
Nazaréens, Quakers ... qui pourrait donner les noms
de ,.ces .'300 sectes. Mais demandez-leur : Depuis
combien de temps existez-vous? Écoutez la réponse :
Depuis hier, depuis un mois ... depuis dix ans ... depuis
cinquante. Seulement? Ce n'est pas assez. La véritable
Église du Chr~st doit avoir 1900 ans.
Interrogez les confessions religieuses qui se sont
écartées de l'arbre de l'Église lors de la tempête du
XVIe siècle: « Depuis combien de temps existez-vous? II
_ « Depuis {OO ans ». - « Seulement? ce n'est pas
assez. La véritable Église du Christ doit avoir 1 900 ans YI.
Interrogez les Grecs-Orientaux qui se sont séparés
de Rome au XIe siècle : « Quel âge avez-vous? » -
« Mille ans ». Seulement? Ce n'est pas suffisant ».
Et maintenant interrogez · l'Église catholique. Elle
) seule ose dire: J'ai 1900 ans.
« L'Église descend des apôtres, les apôtres du Christ
et le Christ de Dieu » - disait déjà avec une concision
lapidaire Tertullien au u e siècle (De praescriptione, 37)·
Lorsque le comte Stolberg revint à la foi catholique,
un prince allemand lui fit ce reproche: « Je n'aime pas
ceux qui changent de religion ». - « Moi non plus -
abandonné leur vieille religion, je n'aurais pas été obligé
maintenant d'y revenir ,).
B) Mais le mot « apostolique 1) signifie encore
davantage. Il signifie que l'enseignement de l'Église
catholique est le même que celui de l'Église du temps des
apôtres.
Celui qui a visité les catacombes romaines, ces longs
couloirs souterrains où aux premiers siècles les chrétiens 1
r
1I6 LB SYMBOLE DES APÔTRES
enterraient leurs martyrs, n'a pas besoin de/ longues
explications pour comprendre que notre foi ~st aujour-
d'hui la même- qu'au début. Là chaque pi~tre, chaque
tombe, chaque inscription proclament J'antiquité de
la religion catholique actuelle.
Nous , n'avons pas besoin de craindre devant ces
paroles sévères de saint Paul : « Quatid nous-mêmes,
ou un ange venu du ciel, vous annoncerait un autre
évangile ,que celui que nous vous avons annoncé,
qu'il soit anathème 1 » (Galates, I, 8). Que prêche
aujourd'hui encore l'Église catholique? Ce qu'il y Il
dans le Symbole des apôtres. Mais l'Église primitive
prêchait la même chose. En effet c'est la doctrine des
évangiles écrits par les apôtres du Christ.
L'enseignement actuel de l'Église est essentiellement
le même que celui de l'Église des temps apostoliques.
Ce que nous y trouvons en plus, ce qui n'était pas dans
l'Église primitive - par exemple la synthèse systé-
matique du dogme, les rites et les exercices de dévotion
- tout cela est le résultat d'un développement naturel
et non pas d'une falsification, .si minime soit-elle, du
christianisme primitif, tout comme un chêne touffu
et centenaire n'est- pas la falsification, mais le déve-
loppement naturel d'un petit gland jeté dans la terre
cent ans: auparavant. En effet Notre-Seigneur. Lui-
même l'avait annoncé en disant que le petit grain
de sénevé deviendrait un grand arbre sous lequel
seraient heureux de se reposer les oiseaux du ciel,
c'est-à-dire les peuples de la terre.
Tandis que tout change autour de nous, que tout '
chancelle, avec une immuabilité imposante, l'Église
L'ÉGLISE DU CHRIST EST APOSTOLIQUE
catholiqpe et apostolique garde sans altération ni
modification la doctrine originale du Christ. '.
Elle donnait -donc une réponse exacte cette dame
devenue catholique à qui une amie disait : « Pour moi,
je veux mourir dans la foi de mes pères ». - « Et moi
dans la foi de mes ancêtres » fut la spirituelle réponse.
C) Mais le mot « apostolique » a encore un autre
sens. Il veut dire que non seulement notre foi est
la même que celle de l'Église des apôtres, mais aussi
que nos sacrements sont les mêmes:- Les sacrements
que nous recevons aujourd'hui étment déjà donnés par
[' Église apostolique. '
a) Oui, nos sept sacrements sont les mêmes.
L'Église apostolique a-t-elle connu le baptême?
Qui oserait le nier? Le Christ n'a-t-il pas donné ce
commandement : « Allez, enseignez toutes les nations,
baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit» (S. Matthieu, XXVIII, 19)' Nous lisons au sujet
du diacre Philippe qu'il a donné le baptême à Samarie
(Actes, VIII, 12), qu'il a baptisé un fonctionnaire de la
reine d'Éthiopie (Actes, VIII, 38). Nous lisons encore
dans les Actes des apôtres (IX, 18) que saint Paul a été
baptisé. « Nous tous qui avons été baptisés en Jésus-
Christ, c'est en sa mort que nous avons été baptisés»
(Romains, VI, 3)' Et saint Paul baptisait lui-même ou
bien faisait baptiser ceux qui croyaient à sa prédication
(Actes, XVI, 15, 33; XVIII, ' 8; XIX, 5; le Corinthiens,
XIV, 16).
L'Église primitive a-t-elle connu la confirmation?
f.Les apôtres qui étaient à Jérusalem, ayant appris que
la Samarie avait reçu la parole de pieu, y envoyère,n t
 Ils LE SYMBOLE DES APôTRES
Pierre et Jean. Ceux-ci arrivés chez les Samaritains
., . '
pnerent pour eux, afin qu'ils reçussent le Saint-Esprit.
... Alors Pierre et Jean leur imposèrent les mains et
ils reçurent le Saint-Esprit» (Actes, VIII, 14- 1 7).
L'Église des apôtres a-t-elle'~ connu l'Eucharistie,
,
la sainte messe et la communion? « Que chacun
s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain;
car celui qui mange et boit indignement, mange et
boit son propre jugement, parce qu'il ne discerne pas
le corps d~ Seigneur» (le Corinthiens, XI, 28- 2 9).
A-t-elle connu le sacrement de pénitence? Et
comment? Sous une forme bien pénible : sous la forme
de la confession publique.
A-t-elle connu l'extrême-onction? « Quelqu'un
parmi vous est-il malade? qu'il appelle les prêtres de
l'Église et ils prieront sur lui en l'oignant d'huile au
, nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le
malade, et le Seigneur le rétablira, et s'il a commis des
péchés, ils lui seront pardonnés» (S. Jacques, V, ' 14- 15).
A-t-elle connu le sacrement de l'ordre? « Ranime en
toi la grâce de Dieu que tu as reçue par l'imposition
de mes mains » (Ile Timothée, l, 6).
A-t-elle connu le sacrement de mariage? « L'homme
quittera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme,
et de deux ils deviendront une seule chair. Ce mystère
est grand » (Éphésiens, V, 3 1 -3 2 ).
Voilà ce que signifie l' « apostolicité » de l'Église.
Elle veùt dire qu'aujourd'hui encore les sacrements
sont les mêmes qu'au temps des apôtres.
b) CI. lVIais pourquoi y a-t-il besoin de sacrements et
d'intervention de l'Église? )l - pourrait-on demander.
L'ÉGLISE DU CIIHIST EST APOSTOLIQUE
Pourquoi ne pourrais-je paS entrer en communication
avec Dieu sans intermédiaire, directement? »
Parce que ce n'est pas à nous qu'il appartient, mais à
Dieu de régler comment Il veut entrer en commu-
nication avec nous. Le Christ ne s'est incarné qu'une
seule fois, le Saint-Esprit n'est descendu qu'une fois
sous une forme visible sur les apôtres, aussi celui q\Ù
veut maintenant vivre en union avec le Christ, avec
le Saint-Esprit doit se joindre à ceux qui ont vu le Christ
et reçu le Saint-Esprit. On pourrait de même demander
pourquoi Dieli ne nous donne pas immédiatement
la vie. Dieu n'a créé directement que le premier couple
humain, pour donner la vie aux autres hommes li
demande la collaboration des parents; de même le
Christ et le Saint-Esprit ne se sont révélés directement
qu'une seule fois aux apôtres, les autres hommes n'en
ont communication que par les apôtres.
Le Christ a donné aux apôtres divers pouvoirs ' et
personne ne les reçoit sinon ceux à qui les apôtres
les transmettent. Seule peut donc être la véritable
Église du Christ l'Église qui a reçu par les apôtres
le contact avec Dieu, avec le Christ et la force du
Saint-Esprit.
L'apostolicité de l'Église assure la continuité histo'-
rique de l'union dans le Christ, de sorte que notre
Église dans son développement paisible et organique
peut puiser constamment dans le Christ une sève
vivifiante.
 (20 LE SYMBOLE DES APÔTRES
II
DIFFICULTÉS CONNEXES A r.' APOSTOLICITÉ
DE L'ÉGLISE.
Mais en connexion avec l'apostolicité de l'Église
peuvent surgir deux graves difficultés que nous n'avons
pas le droit de laisser de côté dans notre sermon
d'aujourd'hui. L'une et l'autre peuvent causer du
trouble dans les âmes, il vaut mieux les regarder
en face.
.A) Si l'Église remonte entièrement à l'époque loin-
tame des apôtres, n'ont-ils pas raison ceux qui accusent
-
l'Église d'être trop vieille, arriérée, ultra conservatrice,
de ne pas savoir comprendre la vie humaine actuelle
de n 'Aetre pas adaptée aux temps modernes? L'Église'
n'est-elle pas trop vieille et incapable de résoudre les
problèmes des temps modernes?
Notre réponse sera que la véritable religion du
Christ doit être vieille et jeune à la foi~.
a) Il faut que la véritable Église du Christ soit vieille.
Les anciennes maisons de commerce inscrivent
fièrement sur leur porte d'entrée la date de leur création.
« Fondée en 1900 )}, lit-on sur l'enseigne. Et les gens
se disent: « Cette maison existe depuis 50 ans, on peut
donc y acheter de confiance ». Mais savez-vous ce qui
est inscrit à l'entrée de l'Église catholique. « Fondée
en l'an 33 )}. Elle existe donc depuis plus de 1900 ans;
elle existe depuis l'époque de Notre-Seigneur Jésus-
Christ; on peut donç avoir çonfiance çn elle.
L'ÉGLISE DU CHRIST EST APOSTOLIQUE 121
b) Mais d'autre part il faut aussi que l'Église du
Christ soit jeune, d'une _jeunesse pleine de force, car
le Christ a promis que son Église existerait jusqu'à.la
fin du monde (S. Matthieu, XXVIII, 20). Et précisément
parce que le Christ éternel vit dans l'Église, la vieillesse
de l'Église ne signifie pas manque de force et l'ap'Osto-
licité de l'Église ne signifie pas faiblesse.
C'est la vérité que l'arbre de l'Église vieux de
1900 ans est plein de vie et que l'Église s'intéresse
aux questions angoissantes des problèmes les plus
modernes, on pourrait en citer tine foule d'exemples,
si le temps ne faisait défaut .
Je citerais les plus récentes encycliques pontificales
dans lesquelles l'Église projette la lumière éternelle
de l'évangile sur les problèmes moraux et sociaux
les plus nouveaux; et non seulement elle prend position
dans les questions les plus modernes, mais elle le fait
avec une hardiesse et une décision qui ne peuvent
jaillir que de la pleine conviction de sa force
invincible.
L'Église sait qu'au cours de 19 siècles elle a soutenu
victorieusement tous les assauts possibles et cette
conviction lui donne cette tranquillité supérieure
qu'elle manifeste même dans les situations les plus
critiques et nous fait sentir le soufRe du calme de
l'éternité qui surpasse les années. OUl, l'Église est
conservatrice dans, les limites nécessaires, mais en
retour elle marche aussi avec le progrès là où il est
possible. Les missionnaires ne gagnent plus les terres
lointaines sur des vaisseaux à voiles, mais sur des
vapeurs ou en avion. Le pape se sert de la radio pour
 122 . LE SYMBOLE DES APÔTRES
transmettre ses instructions aux nonciatures dans
tous les coins du monde. Et nos sermons au lieu de
s'adresser uniquement à l'assistance de cette vieille
église sont transmis par la radio à des centaines de
mille d'auditeurs.
Combien d'ordres religieux nouveaux en formation
. qui tiennent compte des besoins spirituels modernes!
Ainsi par exemple vient d'être fondée à Vienne une
congrégation tout à fait nouvelle « la Congrégation
des victimes de Jésus » qui ne possède pas de couvent
particulier mais dont les religieuses habitent par petits
groupes dans les maisons à bon marché de la ville, dans
les cités ouvrières, dans des baraques, au milieu des
ouvriers éloignés de la religion, soignent les enfants
et les pauvres et lèvent vers le ciel les yeux des hommes
plongés dans la plus grande misère.
En vérité, bien que l'Église remonte au temps des
apôtres et soit déjà vieille, elle n'est pas antique; bien
qu'apostolique, elle n'est pas périmée.
B) Mais on peut encore soulever relativement à
l'apostolicité de l'Église une difficulté plus importante
.et que nous voulons envisager aussi aujourd'hui. Que
de fois les ignorants nous font ce reproche que la
religion , catholique actuelle n'est \.plus ce qu'elle était
au temps de Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Le Christ
n'a pas connu cette immense hiérarchie qUI est main-
tenant implantée dans le monde entier : les cardinaux,
les archevêques, les évêques, les prêtres, les religieux,
les religieuses n'existaient pas à l'époque du Christ.
Et les nombreuses fêtes, les reliques, les pèlerinages,
!~s processions,- les cérémonies ... tout cela n'ex:is~ait pas,
L'ÉGLISE DU CHRIST EST APOSTOLIQUE 123
à l'époque du Christ. Comment l'Église catholique
peut-elle dire qu'elle est apostolique? Il
Que de fois on entend ce reproche, - qu'y répon-
dons-nous?
a) Naturellement nous devons reconnaître ce qu'il
y a de vrai dans cette objection. Il est vrai que dans
notre Église on peut trouver aujourd'hui bien des
cérémonies, des dispositions disciplinaires et des insti-
tutions qui réellement n'existaient pas au temps du
Christ mais qui sont le résultat d'une évolution. En
effet - et c'est le point capital dans la question "-
toutes ces choses ne sont pas une construction artificielle,
mais une évolution naturelle. Un développement naturel
du grain de sénevé que le Christ avait semé et qui
grandit et se développe depuis 19 siècles. Il croît
et se développe dans les pays et che7, les peuples les
plus divers, au milieu des circonstances culturelles et
politiques les plus variées et il s'adapte à elles. Il
ne cède rien de son essence, mais il s'adapte aux
choses extérieures. Et ce qui montre sa force vitale,
c'est qu'il est capable à toute époque de satisfaire
les besoins spirituels changeants de toutes les nations,
sans être obligé de renier quoi que ce soit de son
essence.
b) L'Église a rionc changé en bien des choses - disent
certains.
Changé? Dites seulement en quoi eUe a changé?
En bien des choses. Dans ses rites, dans ses
coutumes, dans ses lois. Le jeûne actuel est différent
de ce qu'il était autrefois, les fêtes aussi sont
différentes.
124 LE SYMBOLE DES APôTRES
Tout cela est vrai. Mais ce n'est que l'enveloppe de
la religion. :etes-vous changés, quand vous avez endossé
un autre habit? .
c) Mais il y a aussi des changements dans la doctrine
et non pas seulement dans son aspect -extérieur - dira-
t-on peut-être. Le symbole était plus court autrefois
qu'aujourd'hui. C'est plus tard qu'il s'est allongé.
Et même celui que le prêtre dit à la messe est bien plus
long que celui récité par les fidèles. Il y a même ce que
l'on appelle la profession de foi du concile de Trente
et qui est au moins cinq fois plus longue que le symbole
des apôtres.
C'est ainsi que raisonnent certains. Et tout cela aussi
est vrai. Et pourtant il n'en résulte aucune altération
ni aucune modification.
Que s'est-il donc produit? Il s'est produit que primi.;
tivement il n'y avait que le symbole plus court que
nous appelons maintenant .« symbole des apôtres ».
Mais ensuite apparurent des hérétiques dont les
erreurs obligèrent l'Église à insister davantage sur tel
ou tel dogme et à allonger le premier symbole plus
court. Ces accroissements portèrent précisément sur
les points attaqués par les hérétiques.
. Il s'est seulement produit ce qui est arrivé pour la
place de Metz sous le commandement de Haeseler.
Cet officier avait affirmé à l'empereur que la place
n'était pas assez forte, l'empereur affirmait au contraire
que l'ennemi ne pourrait y pénétrer. Le commandant
organisa donc un exercice d'attaque et l'ennemi trouva
un endroit pour pénétrer dans la place. Qu'en résulta-
t-il? A cet endroit on construisit vite un nouveau fort.
L'ÉGLISE DU CHRIST EST APOSTOLIQUE 125
L'Église a fortifié de même et agrandi au cours des
âges le symbole aux endroits où les hérétique~ avaient
réussi à pénétrer.
d) Mais' aujourd'hui nOl!S avons pourtant plus de
dogmes qu'autrefois - insiste-t-on. En réalité ils sont
l'épanouissement de la foi chrétienne primitive, tout
comme la fleur est l'épanouissement du bourgeon de
l'arbre.
Quand un homme de 40 ans regarde une photo-
graphie de son enfance, il joint les mains avec éton-
nement : Est-ce bien moi? En réalité c'est ·bien lui tel
qu'il était autrefois. Son extérieur, ses traits, ses cheveux,
ses vêtements sont différents d'il y a 40 ans, mais les
parties essentielles sont les mêmes: le cœur est le même
qu'autrefois, mais un peu plus gros, les poumons, les
yeux, la bouche, le èerveau sont les mêmes, seulement
ils se sont complètement développés.
Il en est de même pour notre Église âgée de 1900 ans.
Il y a 19 siècles, elle se composait seulement de deux
ou trois cents hommes', aujourd'hui elle en a 360 mil-
lions. Il est donc naturel que l'Église qui a grandi
d'une manière immense soit différente dans son
extérieur, dans ses vêtements, dans ses fêtes,) dans ses
rites, dans ses pratiques' de dévotion et dans une foule
de choses. de l'Église des apôtres qui ne comptait que
quelques centaines de fidèles, mais elle est restée la
même dans son être : elle est bâtie sur la même pierre
que jadis; elle a la même foi qu'alors; elle a les mêmes
sacrements. Et c'est ce que nous proclamons quand
nous disons: « nous croyons à l'apostolicité de l'Église ll.
 LE SYMBOLE DES APÔTRES L'ÉGLISE DU CHRIST EST APOSTOLIQUE 12 7

j'entends au milieu du bruit des opinions passagères

les promesses de vie éternelle que Notre-Seigneur
Jésus-Christ a confiées à son Église, y conserve intactes
et nous fait parvenir à tous « (Discours à un Congrès
Mes frères, un jour au parlement anglais un adver- Catholique).
saire politique cria à Daniel O'Connel, le grand homme Seigneur, je Vous remercie de pouvoir lire un membre
d'état irlandais : « Papiste 1 JI de Votre Église une, sainte, catholique et apostolique.
Le héros de la liberté de l'Irlande répondit sur-Ie-. Amen.
champ: « Vous croyez m'avoir offensé en m'appelant
papiste et vous ne savez pas combien vous m'avez
honoré. En effet je suis un papiste et je suis heureux
de l'être : car ce mot de « papiste )) signifie pour moi
que ma religion remonte par la chaîne ininterrompue
des papes de Rome jusqu'à Jésus-Christ, tandis que
votre foi ne va pas plus loin que Henri VIII et Élisabeth )).
En vérité, mes frères : si je suis catholique, j'ai
19 siècles. Si je suis catholique, je me tiens sur le
rocher de Pierre. Si je suis catholique, je suis assuré
dans ma foi. Si je suis catholique, je peux redire
avec fierté et joie les magnifiques paroles prononcées
naguère à un congrès catholique par le comte Albert
Apponvi et qui ont été reproduites dans son annonce
mortuaire: « Je sens que par la grâce de Dieu j'habite
dans une forteresse dont les portes de l'enfer ne
pourront jamais triompher; je sens la: proximité de
la source inépuisable des grâc(\s qui élèvent la faiblesse
humaine, l'aident dans les combats de la vie et suppléent
à l'insuffisance des forces, "humaines; je sens; quand
tout chancelle autour de moi, Un terrain ferme sous
mes pieds; lorsque tout semble tomber dans les ténèbres,
je sens tomber sur nous les rayons de la vérité éternelle;

IX
cc TU ES PIERRE ... »
. - et pourtant elle est encore debout. La papauté n'a
MES FRÈRES,
Dans nos quatre dernières instructions nous nous
sommes occupés des quatre marques de l'Église du
Christ et nous avons établi que la véritable Église du
Christ devait être une, sainte, catholique et apostolique.
Mais notre Église ne s'appelle pas seulement Église
« catholique » nous l'appelons encore de Rome où
habite son chèf « catholique-romaine ». Et cette con-
sidération nous amène à la pierre angulaire, au r.ocher
de l'Église, c'est-à-dire à l'institution la plus remar-
quable de l'histoire du monde: à l'étude de la papauté.
Ce que la papauté signifie pour l'Église catholique,
ce qu'elle lui apporte de force, d'assurance,d'unité
et de direction, il n'est pas nécessaire de le faire ressortir
devant nos fidèles.
Mais même quelqu'un qui n'appartient pas à notre
sainte ' religion, s'il est un observateur impartial de
l'histoire, sera obligé de reconnaître sur ce trône sans
il -"ru ES piERRE~.. »
égal, vieux de 19 siècles, l'apparition la plus imposante
de l'histoire universelle. Ce phénomène unique que
depuis ie temps de Néron, ce trône se dresse au milieu
de nous ave.c une solidité inébranlab le, tandis que les
tempêtes de l'histoire élèvent et eilgloutissent les
peuples et les dynasties. Or la papauté a toujours
représenté une conception du monde qui a suscité
contre elle l'hostilité et les attaques réunies des méchants,
jamais rien cédé ni abandonné de ses principes, elle
n'a pas conclu de compromis - et cependant elle est
encore debout.
Elle est debout, parce que ce n'est pas un homme qui
l'a fondée, mais le Fils de Dieu qui lui a fixé les buts
pour lesquels elle doit subsister, tant qu'il y aura un
homme sur la terre. I. Le Christ a-t-Il réellement fondé
la papauté et II. dans quel but l'a-t-ll fondée, - telles
sont les deux questions auxquelles nous chercherons
une réponse dans le sermon de ce jour. Car ces réponses
feront comprendre Ill. la grande vénéra~tz~·~filtlt:t!~t::::::--...
témoignons à l'égard du jJape.
j
.
0'0'-'\. de Maria 'Ill",~c<-
POINTE 9LE~E
;
:-
l
LE CHRIST A FONDÉ LA PAPAUTÉ.
Notre-Seigneur Jésus-Christ a comparé l'Église à
« une ville bâtie sur une montagne» (8. Matthieu, v, 14).
donc visible pour tout le monde, - mais une Église
visible a besoin d'un chef également visible. On ne peut
Symb. des Ap. - t. V 5
 LE SYMBOLE DES APôTRES
donc pas imaginer l'Église du Christ sans la papauté.
A) Il en est déjà question lors de la pêche miraculeuse
à Génésareth. B) Notre-Seigneur la promet à saint
Pierre, lors de sa profession de foi à Césarée et C) Il
la lui confère au cours de l'entretien qui suivit la
résurrection.
A) Le Sauveur fait allusion à la primauté du pape
lors de la pêche miraculeuse de Génésareth. Au chapitre V
de son Évangile, saint Luc a rapporté le Q.ialogue
sublime et émouvant qui eut lieu entre Notre-Seigneur
et saint Pierre.
La scène se passe de grand matin. Le Sauveur est
debout sur la rive du lac de Génésareth, derrière Lui
le peuple qui L'a suivi et veut L'entendre. Sur la rive
se trouvent précisément Pierre et ses compagnons
descendus de leur barque et en train de laver leurs
filets. Le Christ monte dans la barque de Pierre et de
là enseigne le peuple, puis quand Il a terminé, Il parle
ainsi à Pierre: « Avancez en pleine mer et vous jetterez
vos filet~. p<lur pêcher» (S. Luc, v, 4). Simon-Pierre
/<;::,';." esffiès;' étorine ' ~e cet ordre étrange. Il connaît son
(:' métier, il pêche depuis des dizaines d'années, toute sa
,.
~
farhille et 'ses proches sont aussi des pêcheurs, mais
, :.':,(.il,n:a encore jamais entendu chose pareille: aller pêcher
,,en:: plein jour? Et au large? Bien sûr, le Maître n'est
pas né dans la région,- ni sur le . bord de l'eau, mais
bien loin à Bethléem; rien d'étonnant s'Il ne s'y entend
pas ..• Pourtant c'est l'ordre de notre bon Maître ..•
Il faut l'exécuter. Il sait ce qu'Il veut. « Maître, nous
avons travaillé toute la nuit, sans rien prendre; mais
sur votre parole je jetterai le filet ».
« TU ES PIERRE... JI 13 1
Et Pierre jette le filet. Et ils prirent tant de poissons
que les filets allaient se rompre. Tant de poissons qu'il
leur fallut appeler à l'aide la barque voisine. Tant de
poissons que les deux barques furent remplies jusqu'au
bord et coulaient presque. )
L'âme de Pierre est bouleversée. Il se prosterne devant
Jésus: Ah! Seigneur, comment ai-je pu douter un
seul instant 1 J'hésitais, je manquais de confiance,
je ne comprenais pas, j'étais dans le doute. Je ne
suis pas digne que Vous comptiez sur moi pour Votre
grande œuvre, d'être le guide de votre troupeau.
Éloignez-Vous de moi, Seigneur. Je suis un homme
ordinaire, faible et pécheur, mais Vous avez besoin de
héros.
Sur les eaux du lac paisible glisse la confession
de Pierre ému jusqu'au fond de son âme; les autres
l'écoutent en silence. Alors le Sauv.eur se lève, regarde
Pierre dans les yeux et lui dit : Mais c'est toi justement
que je veux. C'est pourquoi je t'ai placé au gouvernail,
c'est pourquoi je t'ai envoyé au large, pour que tu
sentes ta propre incertitude, ta propre faiblesse et
que tu saches avec l'aide de qui tu réaliseras la grande
pêche humaine. Regarde autour de toi, Pierre. Tu v?is
combien de pêcheurs travaillent sur le lac. Et combIen
de pêcheurs sur la mer. Et sur toutes les mers du
monde. Mais toi je t'établis pêcheur, pêcheur respon-
,
sable du ~mon de entier.
. « N )'
e . crams pas., T
' useras
désormais pêcheur d'hommes» (S. Luc, v, 10), non par
ta propre force, mais par ma force dont je te revêtirai ».
Voilà la première fondation de l'institution la plus
merveilleuse de l'histoire du monde.
13 2 LE SYMBOLE DES APÔTRES
B) Ce que Notre-Seigneur vient seulement d'évo-
quer, Il le promet dans les termes les plus clairs à saint
Pierre lors de sa confession à Césarée.
Vous connaissez tous cette scène sublirde. Dans le
voisinage de Césaré~ll' Notre-Seigneur demande à ses
disciples ce que les hommes pensent de Lui. Les
disciples énumèrent les opinions du peuple. Certains
parmi les Juifs croient que Jésus est saint Jean-Baptiste
ressuscité; d'autres pensent qu'Il est Élie que l'on
attendàit avant l'arrivée du Messie ou bien Jérémie
ou ·un autre prophète.
Alors le Christ leur adresse cette question: « Et vous,
que dites-vous de moi? Vous qui connaissez bien mes
paroles et mes actes ».
Les apôtres cette fois ne répondent plus, mais Pierre
déclare en leur noin : « Vous êtes le Christ, le Fils du
Dieu vivant ». - bien que je Vous aime ». ,Et par trois fois Notre-Seigneur
Maintenant Notre-Seigneur pronpnce les paroles
éternellement mémorables : « Tu es heureux, Simon
fils de Jean, car ce n'est pas la chair ni le sang qui te
l'ont révélé, mais c'est mon Père qui est dans les cieux.
Et moi je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre
je bâtirai mon Église et les portes de l'enfer ne prévau-
dront point contre elle. Et je te donnerai les clefs du
royaume des cieux: et tout ce 'que tu lieras sur la terre
sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la
terre sera délié dans les cieux» (S. Matthieu, XVI, 17- 1 9).
Est-ce que le divin Maître aurait pu parler plus
clairement? ,
Le Christ compare l'Église à un édifice et il fait de
Pierre la pierre fondamentale. Pierre s'appelait origi-
« TU ES PIERRE... » 133
nairement Simon, et c'est le Christ Lui-même qui lui
a donné le nom symbolique de Pierre, 10r~qu'Il le
rencontra pour la première fois (S. Jean, 1,'''42). Il a
placé dans les mains de Pierre les clefs de l'édifice,
ce qui signifie lui confier le pouvoir total de gouverner,
en vertu _4uquel il peut ouvrir ou fermer les portes du
ciel selo; les mérites des hommes. « Lier et délier »
en hébreu éouivaut à défendre et permettre, condamner
ou acquitter: d'anc à porter des lois ecclésiastiques, à
ordonner, à gouverner sur la base des lois divines.
C) Ce que le Christ avait promis à Pierre, Il le lui a
donné réellement lors de l'entretien chaleureux et intime
qui eut lieu entre Notre-Seigneur et Pierre après la
, résurrection. Par trois fois le divin Maître demande à
Pierre: « M'aimes-tu plus que ceux-ci? » Pierre répond
avec transport: « Seigneur, Vous savez tout, Vous savez
lui dit : « Pais mes agneaux »... « Pais mes brebis»
(S. Jean, XXI, 15-17). C'est-à-dire je te donne, je te
confie tous mes disciples et tous mes fidèles.
N'y a-t-il pas là quelque chose de surprenant?
C'est saint Jean que Notre-Seigneur aimait le mieux
et cependant Il ne l'a pas fait chef de l'Église. L'apôtre
saint Jacques était parent de Notre-Seigneur, Il ne l'a
pas choisi, saint Paul fut le plus savant des apôtres,
Il ne l'a pas pris non plus pour chef de son Églisè.
C'est comme s'il avait voulu proclamer par là que ni
l'amitié ni la parenté ni la science ne sont les bases
de l'Église, mais seulement la protection de,la toute-
puissance divine. Il a voulu proclamer que le pouvoir
suprême qu'Il donnait au pape ne dépend pas des
 134 LE SYMBOLE DES APÔTRES
mérites personnels, des capacités et des vertus du pape.
Il a voulu proclamer que de même que la grandeur et
la science humaines ne suffisent pas par elles.,.mêmes
pour le gouvernement de l'Église, de même chez les
successeurs de saint Pierre ni faiblesses humaines ni
défauts ni même péchés ne seront capables de faire
_ chanceler la base de l'édifice, parce que c'est le Christ
qui l'a construit.
D) Après l'institution de la papauté par le Christ
il nous suffit d'indiquer qu'après l'ascension de Notre-
Seigneur saint Pierre a réellement exercé ses droits
souverains. Nous en avons des preuves abondantes.
Il est clairement attesté que saint Pierre a dirigé
l'Église et que dès les premiers jours il a exercé le
pouvoir comme chef des apôtres. Après l'Ascension
du Sauveur, mais avant la descente du Saint-Esprit,
« Pierre se leva au milieu des frères» (Actes, l, Is)et
décida qu'on élirait un nouvel apôtre à la place du
traître Judas. Et depuis on lit fréquemment dans les
Actes des apôtres (n, 14; IV, 8; XV, 7) qu'il est au premier
rang, qu'il prend la parole au nom des apôtres et des
fidèles et décide les mesures nécessaires au gouver-
Iiement de l'Église. . reconnaissaient. En effet saint Cyprien écrivait alors :
Celui qui veut connaître l'activité pontifical~ de
saint Pierre n'a qu'à lire les Actes des apôtres. Qui a
prêché le premier et reçu les premiers fidèles après
l'ascension du Christ? Saint Pierre. Qui d'entre
les apôtres a opéré le premier miracle, guéri le boiteux
de naissance? Saint Pierre. Qui a chassé de l'Église
le premier hérétique, Simon le Magicien? saint Pierre.
Qui a visité le premier les communautés chrétiennes .
« TU ES PlERRE.••• » 135
de Pale~tine? Qui a reçu dans l'Église le premier païen,
le centurion Corneille? Qui a dirigé le premier synode
apostolique? Toujours saint Pierre. .
Elle est particulièrement intéressante la marche
de ce premier concile. Les paroles 'd'un Paul et d'un
Barnabé ne furent pas capables de terminer le débat,
ce fut saint Pierre qui y mit fin.
Une controverse avait surgi en effet entre les premiers
chrétiens au sujet de la conversion des païens: fallait-il
d'abord faire passer par le judaïsme les païens convertis
et ensuite les admettre dans l'Église ou bien pouvait-on
les baptiser ' immédiatement? Telle était la question
sur laquelle les apôtres discutèrent au concile . de
Jérusalem. « Une longue discussion s'étant engagée,
Pierre se leva et prit la parole » (Actes, XV, 7) - disent
les Actes des apôtres, - et « toute l'assemblée garda
le silence » (Actes, xv, 12).
Il est donc compréhensible que l'Église du Christ
ait grandi depuis en union avec Pierre, car si Pierre est
la pierre de base, alors la maison ne peut être que là
où est la base et l'Église du Christ ne peut pas être là
où n'est pas Pie:rre. Au me siècle déjà les chrétiens le
« De même que tout rayon vient du soleil et toute
branche d'un arbre d'une racine, de même les com-
munautés .chrétiennes dispersées dans le monde sont
unies à l'Église ».
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
II
DANS QUEL BUT LE CHRIST A-T~IL FONDÉ
LA PAPAuTÉ?
Il ne nous suffit cependant pas de savoir que le
Christ a vraiment fondé la papauté. On ne comprendra
en effet notre grande vénération pour le pape que si
l'on connaît les intentions du Christ au sujet de la
papauté. Pourquoi a-t-Il fondé la papauté? Quelles
tâches le Christ a-t~Il confiées à la papauté?
A) Tout d'abord le pape devait être le premier
docteur dans l'Église. Le Christ voulait que l'Eglise
fût « la colonne et la base de la vérité » (le Timothée,
III, 15), la messagère de la pure foi chrétienne intégrale.
Or Pierre a reçu la promesse qu'il serait la base de
l'unité et de la pureté de la foi. C'est à lui en effet que
le Sauveur a dit : « Simon, Simon, voici que Satan
vous a réclamés pour vous cribler comme le froment·
.. , . " , . '
mars J ar pne pour tOI, afin que ta foi ne défaille point;
et t01, à ton tour, .affermis tes frères » (S. Luc, XXII,
31-3Z) .. Quelle sublime promesse 1 Le Seigneur prie
pour Plerre, afin que sa foi ne chancelle jamais, afin
qu'il soit toujours assez fort pour pouvoir affermir
la foi de l'Eglise.
Qu'est-ce donc que le pape dans l'Église' ? Le garant
de l'unité de foi. Or le divin Maître a eu particulièrement
à cœur l'unité de ses disciples. Aussi prie-t-il ià la der-
nière Cène, lorsqu'Il implore son Père non seulement
pour les apôtres/ mais aussi pour ceux qui croiront
a. TU ES »
PIERRE... 137
en Lui sur leurs paroles. Il prie « pour que tous ils
soient un, comme vous, mon Père, vous êtes en moi,
et moi en vous» (S. Jean, XVII, 21). Si ce désir le plus
ardent du Christ, - l'unité - unité de foi, de sacre-
ments, de chef - a été si grandiosement réalisé dans
la religion catholique, c'est le grand mérite de la papauté
qui veille, dirige et avertit. Par contre si les sectes qui
se sont séparées du catholicisme s'écartent de plus en
plus irrémédiablement de la foi et se partagent actuelle-
ment en 300 groupes en contradiction les uns avec les
autres, la cause principale en est qu'elles se sont
séparées du fondement unificateur, du rocher de
l'unité, du pape.
E) Cependant l'enseignement n'est pas la seule
tâche de Pierre, il y a aussi le gouvernement de ['Église.
Notre-Seigneur lui a dit: « Je te donnerai les clefs
du royaume des cieux; et tout ce que tu lieras sur
la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras
sur la terre sera délié dans les cieux» (S. Matthieu,
XVI, 19). Il lui a dit également: « Pais mes agneaux ».
Pierre est donc non pas seulement le docteur de
liÉglise, mais aussi son premier pasteur, son guide, son
chef, sa tête. Partout où plusieurs vivent ensemble,
il faut des présidents, des chefs, des juges, des gou-
vernants, des rois. Comment ne faudrait-il ' pas un
pouvoir indépendant, souverain, suprême pour con-
duire,~ avec unité les 360 millions de cath~liques?
Voilà pourquoi le pape est le législateur suprême
et le chef suprême de l'Église. -
Qu'est-ce que le pape dans l'Église? La personni-
fication du principe d'autorité. A celui qui a déjà vécu
,
 LE SYMBOLE DES APôTRES
en temps de révolution, il est inutile d'expliquer quel
funeste danger signifie l'ébranlement de l'autorité,
l'ébranlement du pouvoir qui exige une obéissance
absolue et donne des directives. Comme nous devons
être reconnaissants à Notre-Seigneur de n'avoir pas
laissé son héritage sacré en proie à de multiples inter-
prétations privées, de ne ""Ipas avoir laissé chacun
en discuter suivant son goût, mais au contraire de
l'avoir confié au pape investi du pouvoir d'exiger
l'obéissance absolue et de prononcer les décisions
définitives, afin que - comme écrit saint Paul « nous
ne soyons plus des enf~nts, flottants et emportés à tout
vent de doctrine, par la tromperie des hommes et leur
astuce pour induire en erreur » (Éphésiens, IV, 14).
Les papes sont au~si devenus les plus hauts protecteurs
de l'ordre moral et social. Des épîtres du premier pape
saint Pierre jusqu'aux encycliques du pape actuel
Pie XI, on voit sans cesse que toujours les papes
ont osé se dresser pour la défense courageuse des
grandes vérités morales et sociales que les conceptions
anarchiques 'individuelles, les sophismes et les courants
dangereux contemporains ont tant obscurcies. Il suffit
de nommer l'encyclique « Rerum novarum » de
Léon XIII qui a attiré pour la première fois l'attention '
du monde sur l'importance de la question sociale, les
courageuses déclarations de Benoît XV faites dans
l'intérêt de la paix pendant la grande guerre ou bien
l,es magnifiques encycliques de Pie XI pour la pureté
du mariage (<< Çasti connubii ») et la justice sociale
(<< Quadragesimo anno »).
Enfin le pape n'est pas seulement le docteur, le chef
CI TU ES PIERRE... » 139
de l'Église, il est encore le souverain prêtre des mains
de qui découle et entre les mains de qui sont réunis
tout pouvoir et toute dignité sacerdotale. Quels sont
les prêtres de l'Église? Ceux que les évêques ont
ordonnés. Quels sont les évêques? Ceux, que le pape
a choisis. Tout prêtre et tout évêque catholiques
reçoivent donc leurs pouvoirs du pape, l~ souverain
prêtre à qui Notre-Seigneur Jésus-Christ a donné cette
mission : « Pais mes agneaux, pais mes brebis ».
III
NOTRE VÉNÉMTÎON POUR LE PAPE.
il l
Celui qui sait tout ce que nous avons dit dans notre
sermon d'aujourd'hui sur le pape, à savoir qu'il est le
docteur suprême, le pasteur et le souverain prêtre
de l'Église; éeluiqui sait que le pape est le représentant
visible du Christ, le « 'dolce Cristo in terra» « le doux
,Christ sur terre» - pour employer l'expression enthou-
siaste de sainte Catherine de Sienne - celui-là com-
prend - est même seul .à comprendre - cet enthou-
siasme sans borne, ce culte et cet attachement filial que
les catholiques ont toujours portés à l'égard' du chef
visible de l'Église.
A) Le culte et l'attachement filial manifestés à l'égard
du pape ont toujours été les caractéristiques des fideles
catholiques. Seuls comprennent le culte profond des
catholiques envers le pape ceux qui savent ce que nous
lui devons. Nous ne voyons pas dans le pape un roi
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
au sens terrestre du mot, mais le père d'une immense
famille dont le cœur est également proche de tous ses
enfant~ et qui exerce toujours ses pouvoirs de chef
pour le bien de ses enfants. C'est pourquoi nous
l'appelons avec une ferveur pleine d'intimité le « Sainte
Père ». C'est ainsi seulement que nous comprenons
l'usage - si étrange au premier abord - qui fait baiser
le pied de la statue de bronze de saint Pierre, érigée
dès le VIe siècle, aux visiteurs de la Basilique Saint-
Pierre. Les doigts - des doigts de bronze - sont déjà
usés par les baisers fervents de quatorze siècles.
Vénérons-nous donc une statue de bronze? Ah! qui
oserait le soutenir? Alors vénérons-nous par là le
pape? Oui! c'est cela. Mais à travers lui nous vénérons
quelqu'un d'autre: Notré-Seigneur Jésus-Christ.
B) Nous voici maintenant arrivés à la seconde
question : n'est-elle pas justifiée l'accusation portée
contre nous que nous rendons un culte au pape plutôt
qu'au Christ et que le culte du pape a rejeté dans l'ombre
et compt'omis le culte du Christ. Pour pouvoir répondre,
il nous faut voir clairement le fait dogmatique : toute
la vénération et l'enthousiasme que nous portons au
pape prennent racine dans ce dogme : le pape est le
vicaire du Christ, mais le Christ est le Fils de Dieu.
Lorsque je rends un cuIte au pape, à travers la personne
du pape je rends un culte au Christ, car sans le Christ
il n'y a pas de papauté.
Est-il donc vrai que le pape nous écarte du Christ?
Au contraire, il nous mene à Lui. En effpt si le Christ
n'était pas le Fils de Dieu, on ne comprendrait pas
qu'un simple Juif qui vivait dans un petit peuple à
« TU ES PIERRE... »
peine connu, insignifiant, dans une localité cachée,
que cet homme ait pu créer une· transformation mon-
diale comme celle qu'a opéréJ ' et opère encore le
christianisme depuis 19 siècles. Et cet homme dit à un
de ses disciples, à un simple pêcheur sans instruction:
« Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église
et les portes de l'enfer ne prévaudront point contre
elle » (S. Matthieu, XVI, 17). N'est-ce pas une chose
merveilleuse non pas qu'il ait prononcé ces paroles,
mais qu'elles se soient réalisées et se réalisent à la lettre.
Si le Christ était simplement un homme, il n'aurait
pas pu fonder une telle institution. Mais s'Il est Dieu,
alors tout notre culte, tout notre enthousiasme envers
celui qui tient sa place, envers le pape, sont légitimes.
Saint Pierre a senti la dignité que le Christ lui avait
conférée, mais elle ne l'a pas aveuglé, nous le voyons
constamment dans ses épîtres. Avec quelles paroles
d'humilité il commence sa première épître : « Pierre,
apôtre de Jésus-Christ .» (le S. Pierre, l, 1). Il n'écrit
pas que son travail a sauvé le monde, mais le sang
précieux du Christ, de l'Agneau sans défaut et sans
tache » (le S. Pierre, l, 19), « par les meurtrissures
duquel vous avez été guéris» (le S. Pierre, II, 24). En
vérité, on n'a rien à craindre de Pierre pour les intérêts
du Christ.
Ni de ses successeurs non plus. Si prévenu que l'on
puisse être contre la papauté, quelles que soient les
fautes et faiblesses humaines qu'on puisse y découvrir,
personne ne peut nier que le but dernier de son œuvre
pendant vingt siècles ait été d'étendre le royaume
du Christ. Elle a toujours défendu les intérêts du
 142 LE SYMBOLE DES APÔTRES
( 1
Christ. Et si la sainte religion catholique est actuelle-
ment répandue dans le monde entier et si dans le
tourbillon des peuples, des races, des langues et des
t~mps elle a conservé intacte son unité, c'est en premier
heu le mérite du chef suprême de l'Église, le pape.
Mes frères, il y a à peine un événement pour enfiévrer
autant le monde que l'élection d'un nouveau pape. Les
cardinaux qui élisent le pape se rendent à Rome mais
de tous les coins du monde une foule de journ~listes
se précipitent aussi vers Rome et assiègent les bureaux
télégraphiques et téléphoniques de la ville éternelle.
Sur la place Saint-Pierre une foule énorme est massée
et comme à la première- Pentecôte on peut entendre
toutes les langues. Les yeux de la foule guettent durant
des heures la cheminée du Vatican, pour voir s'il en
sort de la fumée et de quelle couleur. En effet si le vote
est sans résultat, on brûle avec les bulletins de vote une
poignée de paille et les gens qui attendent reconnaissent
à la fumée noirâtre qu'il n'y a pas encore de nouveau
pap~. Et ils se tien~nt là pendant des heures, pendant
des JOurs, encore l:i fumée noire ... jusqu'à ce que de la
cheminé~ ~onte '--une mince fumée blanche; il n'y
a pas de pallIe avec les bulletins, le vote a eu un résultat.
Alors, la foule s'écrie dans toutes les langues' du monde:
Ev.vi.va il papa! ~ive le pape! Hoch der Papst 1 Eljen 1
ZSIVlO 1 Un cardmal apparaît au balcon et de nouveau
retentissent les paroles prononcées pour la première
i à fait sûr de tomber dans les mains de Dieu. Amen.
1
. « TU ES PIERRE... » 143
fois par les anges dans la nuit de Noël « Annuntio
vobis gaudium magnum : Habemus papam », « Je vous
annonce une grande joie : nous avons un pape »...
Et la foule trépigne d'enthousiasme et les bureaux
de poste, les rédactions travaillent, plus qu'après une
bataille gagnée: la nouvelle s'envole à travers le monde
entier: Habemus papam ». Oui, le monde entier s'inté-
resse à cet événement - les uns par amour, les autres
par haine.
Mes frères, il n'est pas vrai que nous adorions, que
nous divinisions le pape; il n'est pas vrai que nous
_ voyions en lui un être surnaturel. Non, c'est un homme,
un homme fragile et capable de tomber comme nous.
Mais un homme que le Christ a installé à sa place pour
être le chef visible de l'Église, pour exciter plus sûre-
ment et plus efficacement notre amour envers notre
chef invisible, Notre-Seigneur Jésus'-Christ. « Suis-
moi )l (S. Jean, XXI, 19) dit un jour le Sauveur à Pierre
et aussitôt il suivit le Christ. « Suivez-moi )l - a dit
depuis saint Pierre et nous disent ses successeurs.
Et celui qui suit saint Pierre est tout à fait sûr de suivre
le Sauveur Lui-même.
« Pais mes agneaux» - avait dit Notre-Seigneur à
saint Pierre. Et depuis, Pierre conduit le troupeau du
Christ. Et celui qui se trouve dans le troupeau de Pierre
est tout à fait sûr d'être parmi les agneaux d~ Seigneur.
Je tefais pêcheur d'hommes - a dit Notre-Seigneur
à Pierre. Et Pierre,' depuis 19 siècles, pêche avec la
force du Christ. Et celui qui tombe dans son filet est tout

r homme à qui elle doit transmettre les trésors de la
x le pilote pouvait se tromper et s'égarer, la barque
L'INFAILLIBILITÉ DU PAPE
MES FRÈRES,
Dans le sermon précédent nous nous sommes
occupés du triple but de la papauté. Notre-Seigneur
Jésus-Christ a institué saint Pierre et ses successeurs
docteurs, chefs suprêmes et souverains prêtres de son
Église c'est-à-dire qu'Il a placé entre les mains du pape
le sort de l'Église. Le pape est donc le pilote respon-
sable du vaisseau de l'Église. Pour cette tâche sur-
humaine, il a besoin d'une aide surhumaine. En effet
si le pape n'était pas assuré de l'assistance du Saint-
Esprit, s'il pouvait se tromper, lorsqu'il donne à
l'Église du Christ des règles de foi ou de morale, alors
s'ouvrirait dans la vie de l'ÉgUse une blessure dont
tôt ou tard il lui faudrait périr.
Mais le Christ a voulu que son Église durât jusqu'à la
fin du monde. Les '« portes de l'enfer » n'ont pas le
droit de prévaloir sur l'Église du Christ. L'Église du
Christ ne doit pas cesser, tant que vivra sur la terre un
L'INFAILLIBILITÉ nu PAPE
rédemption. "
Si l'Église du Christ ne doit ni cesser ni se tromper,
certainement son chef non plus ne le peut pas. Car si
aussi se briserait contre un rocher perfide. Il faut que
le pilote de l'Église du Christ soit infaillible dans les
questions de foi et de morale.
L'infaillibilité du pape! Voilà un dogme qui est fré-
quemment l'objet des attaques de gens irréfléchis.
« Que faites-vous donc du pape? En faites-vous un
Dieu? C'est une chose inouïel Dire d'un homme
qu'il est infaillible!... )
Il suffit pourtant d'examiner avec calme cette
question pour que nous ne soyons pas choqués de ce
que Notre-Seigneur Jésus-Christ a constitué le pape
infaillible dans les questions ' de foi et de morale,
mais pour qu'au contraire nous en soyons fiers et
reconnaissants à Dieu. Celui qui sait 1. que l'infaillibilité
du pape est véritablement un don de Notre-Seigneur
Jésus-Christ, II. qu'elle découle du but de l'Église et
III. ce qu'il ne faut pas entendre par infaillibilité, ne peut
vraiment' pas comprendre ceux qui partent en guerre
contre ce dogme de notre foi.
1
L'INFAILLIBILITÉ EST UN DON DU CHRIS'r.
L'infaillibilité du pape veut dire que, lorsque le pape
en tarit que docteur suprême du christianisme, parle
 LE SYMBOLE DES 'APÔTRES
officiellement à toute l'Église, il ne peut se tromper
dans les questions de foi et de morale. Ce privilège
va tellement de pair avec la tâche de la papauté que si
elle ne l~ait pas, nous sentirions qu'une force essen-
tielle manque au rocher qui doit triompher de l'enfer.
Mais il n'en est pas ainsi, nous le savons par les décla-
rations de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
A) Elles sont intéressantes les circonstances dans
lesquelles l'Évangile rapporte la première rencontre
du Christ avec saint Pierre. C'était au début de la vie
publique du Sauveur. Notre-Seigneur était venu
trouver saint Jean-Baptiste qui à sa vue s'écria avec
enthousiasme « Voici l'agneau de Dieu» (S. Jean, l, 36).
Il Y avait là avec Jean deux de ses disciples André et
Jean, les deux futurs apôtres. Tous deux allèrent
trouver . le Sauveur, ensuite André en ·informa son
frère Simon-Pierre: « Nous avons trouvé le Messie ».
n n'en fallut pas davantage à Pierre: Quoi? Vous avez
trouvé le Messie? Où est-Il? - et ils se hâtèrent
d'aller trouver Jésus:
Et maintenant l'Évangile fait une remarque impor-
tante. Lorsque les deux premiers, André et Jean,
viennent trouver Jésus, l'Évangile ne mentionne rien
d'extraordinaire. Pourtant Jésus a certainement regardé
dans les 'yeux de saint Jean à la pureté virginale qui
un jour s'attacheront au Christ pendu à la croix. Il
a regardé dans les yeux enflammés de saint André
qui un jour mourra aussi sur une croix pour son
Maître. Or l'Évargile ne parle pas de ces choses.
Mais maintenant que Simon arrive, l'Évangile écrit :
« Intuitus autem eum Jesus ». Le texte latin comme
L'INFAILLIBILITÉ DU PAPE 147
le texte grec indique un regard pénétrant jusqu'au
fond de l'âme. Ce n'est ni « aspexit » ni « vidit )) mais
Il 'i ntuitus )), le Seigneur regarda profondément dans
l'âme de Simon et lui donna un nom nouveau: « Tu es
Simon, fils de Jean; tu seras appelé Céphas, ce qui
signifie Pierre» (S. Jean, l, 42). . .
Le' Christ donne un nouveau nom à Simon 1 A qm
Dieu donne un nouveau nom, Il donne aussi une
qualité répondant à ce nom. Nous autres hommes
nous n'en sommes pas capables. On peut appeler
une personne Blanche, bien qu'elle ne soit pas blanche,
ou bien Rose, bien qu'elle ne soit pas belle, Constance,
bien qu'elle ne soit pas ferme. Mais il n'en est pas de
même pour Dieu. Il a donné à Abraham le nom
d'Abraham, ce que signifiait ce nom nouveau s'est
réalisé : il est devenu le Père des croyants. Et s'Il a
donné à Simon le nom nouveau de « Pierre », Il a donné
aussi à Simon la force de la pierre. Tu es Pierre.
Est-ce qu'une pierre peut chanceler? Si la pierre, le
fondement est faible, tout l'édifice s'écroule.
« Intuitus eum Jesus )), le Sauveur regarda Pierre
comme Michel-Ange regarda le puissant bloc de
marbre où il voulait sculpter son « Moïse )). Ce regard
du Christ pénétrant jusqu'au fond fut le premier
coup de marteau dans la statue du Moïse du Nouveau
Testament. En effet Pierre devait devenir le Moïse du
Nouveau Testament, qui conduirait, sans erreur, le
peuple du Christ sur le bon chemin dans le désert de
la vie.
On dit que Michel-Ange, après avoir achevé sa
puissante statue, fut comme enivré par la majesté de
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
son œuvre, prit son marteau et frappa fortement sur
les genoux de la statue en disant : « Parla, Mose »
« Parle,Moïse ». Mais la statue, si vivante fût-elle ne
.
pOUVait pas parler. Mais Notre-Seigneur n'a pas formé
' Pie X», « tu es Jacqu~s della Chiesa et tu t'appelleras
u~ tel « Moïse » avec Pierre. « Parle, Pierre », « parle,
Lm », « parle, Clet », « parle, Benoît », parle, Pie» - et
ils parlent et ils enseignent et ils montrent la route
ils sont infaillibles, parce qu'ils sont aujourd'hui encor;
le rocher de l'Église.
B) Après cette première rencontre, saint Pierre
rentra chez lui. Certainement il se cassa la tête en se
demandant ce que pouvait lui vouloir le divin Maître
et pourquoi il lui avait donné un nouveau nom. Mais
le Christ n'était pas pressé de s'expliquer. Il laissait
mûrir l'âme de saint Pierre. Il attendit deux années.
Mais un jour dans une conversation près de Césarée
Notre-Seigneur demanda à ses disciples ce que le~
hommes pensaient de Lui. Ils lui firent diverses
ré~ons~s. Ils . dirent que certain,s Le prenaient pour
Éhe, d autres pour Jean-Baptiste ou un autre prophète.
« Et vous, qui dites-vous que je suis? » - leur demanda
le Sauveur. Pierre répondit au nom de tous et sur sa
réponse il reçut de Notre-Seigneur ces paroles gran-
dioses : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon
Église et les portes de l'enfer ne prévaud?'ont point contre
elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux,'
et tout ce que tu lieras su?' la terre sera lié dans les cieux,
et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les
cieux» (S. Matthieu, XVI, 18- I9). ,
Maintenant Pierre comprend clairement le chan-
gement de nom d'il y a deux ans. Maintenant nous
L'INFAILLIBILITÉ DU PAPE 149
aussi nous comprenons le rapport. « Tu es Simon et tu
t'appelleras Pierre », « Tu es Joachim Pecci et tu t'appel-
leras Léon XIII», « Tu es Joseph Sarto et tu t'appelleras
Benoît XV», « tu es Achille Ratti et tu t'appelleras
Pie XI », « tu es Eugène Pacelli et tu t'appelleras Pie XII»,
Et « les portes de l'enfer ne prévaudront pas » contre
l'Église dont tu es la pierre de base. Mais si tu pouvais
te tromper, alors elles l'emporteraient sur toi.
.Et « ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les
cieux ». Mais si tu pouvais te tromper, enseigner une
fausse doctrine, lier les hommes par des comman-
dements erronés, alors le Maître des cieux, Dieu
approuverait une erreur.
Et « ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les
cieux ». Mais si tu déliais par erreur la liberté de
l'homme dans des questions de foi et de mœurs, alors
le Maître du ciel Lui-même se tromperait.
C) Ajoutons les paroles ultérieures du Sauveur
qu'Il adressa à Pierre après sa résurrection : « Pais
mes agneaux » (S. Jean, XXI, 15)' « Pais mes brebis »
(S. Jean, XXI, 17).
Ce fut la transmission solennelle des pouvoirs du
Magistère suprême. Faire paître signifie aussi conduire.
Fais-les paître c'est-à-dire conduis-les sur de bons
chemins; je te les confie pour qu'elles ne s'égarent
pas. Mais si tu peux toi-même t'égarer; elles aussi
pourront se perdre.
Si le pasteur peut se perdre, que deviennent alors
les agneaux? Si le pape pouvait errer dans son ensei-
gnement sur les choses de la foi et de la morale, com-
ISO LE SYMBOLE DES APÔTRES
comment se ~éalisenlient les paroles de saint Paul
~uivant lesquelles, l'Église est « la colonne et la base
de la vérité Il (le Timothée, m,IS).
D) Mais s'il restait encore un doute sur la question
de savoir si le Christ a réellement voulu conférer au
pape l'infaillibilité, une autre parole du Sauveur
dissipera tout doute. Le Christ regarde Pierre et lui
dit d'une voix émue: « Simon, Simon Il commence-t-Il.
Que va-t-Il lui promettre maintenant? Qu'il ne sera
jamais plus exposé à la tentation? Que la destinée
lui sera facile? Oh! Non; En effet Il lui dit: « Simon
Simon! Voici que Satan vous a réclamés, pour vous
cribler comme le froment Il (S. Luc, XXII, 31): Notre-
Seigneur n'affranchit donc pas les apôtres d,e la ten-
tation. A-t-Il du moins promis à Pierre que s'Il le
faisait une pierre et que les tentations surgissent
il ne' pêcherait jamais? Non, Il ne l'a pas promis. En
effet Il dit : « quand tu seras converti, affermis tes
frères ll, donc toi aussi tu tomberas. Mais alors ' que
promet-Il donc à Pierre? « Simon, Simon 1 Voici que
Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment;
mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point,
et loi, quand tu seras converti, affermis tes frères Il (S. Luc,
XXII, 31-32). C'est donc pour que tel foi ne défaille pas
que j'ai prié. Et si tu tombais toi-même, que ta foi soit
toujours pure et que tu puisses affermir tes frères
dans cette foi pure. Est-ce autre chose, mes frères,
que la claire promesse de l'infaillibilité du pape sur
les lèvres du Chnst?
L'INFAILLIBILITÉ DU PAPB
TI
L'INFAILLIBILITÉ DÉCOULE DES BUTS DE L'ÉGLISE.
Si nous examinons les devoirs que Notre-Seigneur
Jésus-Ch~ist a imposés à son ~gli~e, n~us co~.stat?~s
que ces devoirs et les buts de 1 EglIse eXigent 1 mfatlh:
bilité du pape. Ils exigent A) la pureté de la fOl,
B) l'unité.
A) La pureté de la foi exige l'infaillibil~té d~l pafe.
Quel avantage y aurait-il eu que le Chnst aIt vecu
ici-bas ' sur la terre, qu'Il ait enseigné à connaître et à
adorer Dieu convenablement, qu'Il soit mort pour nous
et qu'Il nous ait acquis les trésors de la rédemption;
à quoi bon tout cela, s'Il n'avait pas veillé aussi à ce
que les hommes au cours des siècles ne falsifient pas
sa doctrine, n'y ajoutent ni n'en ôtent rien, c'est-à-dire
s'Il n'avait pas donné à saint Pierre et à ses successeurs
le don qui les préserve de toute erreur dans l'enseigne-
ment du dogme et de la morale?
La pureté de la foi exige que le magistère ecclé-
siastique soit exempt de toute possibilité d'er:eur et
que s'il déclare guêlque chose comme doctnne du
Christ elle le soit certainement.
Le monde cathnlique a toujours su que saint Pierre
et ses "'successeurs sont les docteurs infaillibles des
vérités de la foi. Aussi chaque fois que surgissait un
doute si une doctrine était conforme à l'enseignement
de l'Évangile, les plus grands savants et les Docteurs
de l'Église se tournaient vers Rome. C'est ce qui se
 LE SYMBOLE DES APôTRES
produisit à Corinthe du vivant même de l'apôtre
saint Jean.' -Les fidèles de Corinthe ne s'adressèrent
pas à saint Jean qui vivait près d'eux à Éphèse pour
obtenir une décision, mais au successeur de saint Pierre
à saint Clément, l'évêque de Rome qui restait bieri
plus loin. Ils savaient en effet que le divin Maître avait
prié pour Pierre et pour ses successeurs, pour qu'ils
soient exempts de toute erreur, lorsqu'ils expliquent
et prêchent sa doctrine.
B) De mé'me l'unité de joi exige l'infaillibilité du pape.
Si le Christ a réellement voulu conserver sa doctrine
jusqu'à la fin du monde, il était nécessaire d'instituer
un magistère doctrinal infaillible. En effet nous voyons
avec douleur ce que deviendrait toute la Sainte Écri-
ture, sans une autorité officielle chargée de l'expliquer,
par les luttes des 3bO sectes chrétiennes actuelles qui
se réclament toutes de la Sainte Écriture, mais expli-
quent chacune différemment le même passage de nos
Saints Livœs. Pour la conservation de l'unité de la foi
il est absolument besoin d'une autorité dont les déci-
sions soiem sans appel. Mais quelle sera cette autorité
i~fa~llibl~? U? évêque? Non. II y a eu des évêques
dlstmgues gm se Hont trompés et que le pape a dû
avertir de leurs erreurs. Quelle sera donc cette autorité
i~f~iIli~l~? L'ensemble des évêques? Non plus : car
SI mdlV1d~ellement ils ne sont pas infaillibles, 'pris
ensemble, Ils ne le sont pas non plus. Sans compter
que du yoint de vue pratique, le Christ n'a pas fondé
ainsi l'Eglise. Il serait impossible de convoquer pour
chaque erreur ~OUq les évêques de tous les coins du
monde. Il ne reste donc comme unique et dernier ressort
L' INFAILLIBILITÉ DU PAPE 153
que le pape infaillible dont la sentence est sans appel.
De quelle joie et de quelle paix nous remplit cette
idée que le pape infaillible tient en mains le gouvernail
de l'Église! Qrdinairement nous n'y pensons même
pas, nous voyageons tranquillement dans la ba?-que de
l'Église vers la vie éternelle et il nous vient si rarement
à l'esprit d'être reconnaissants pour le pilote robuste,
le vieillard du Vatican qui avec tant de sollicitude
et d'amour conduit l'Église nuit et jour.
HI
CE QUE NE SIGNIFIE PAS L'INFAILLIBILITÉ DU PAPE.
Mais je sens, mes frères, que quelques-uns aimeraient
à faire quelques objections. Des objections qu'ils ont
entendues ou lues contre l'infaillibilité du pape. On ne
peut croire combien d'idées erronées circulent à propos
de ce dogme et combien il y a de gens pour soulever
contre lui des objections, parce qu'ils ont sur l'infailli-
bilité du pape des idées que l'Église n'a jamais nulle
part enseignées.
Écoutons seulement ce que certains disent sur cette
question . .
A) « Tout ce que nous avons entendu jusqu'à
présent est certainement vrai. Il faut que cela soit
ainsi. Je n'en doute pas. Mais que le pape soit infaillible
en tout, je ne veux pas le croire». (
Mais où l'Église enseigne-t-elle pareille ch~se, mes
frères? Où enseigne-t-elle que le pape est infaillible
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
en tout? C'est uniquement dans les questions de foi
et de morale et encore seulement s'il ne se prononce
pas comme homme privé, mais si, officiellement,
comme chef de l'Église il proclame une décision qui
oblige toute l'Église. C'est seulement alors -- et non
pas autrement.
Supposons par exemple que soit élu pape quelqu'un
qui auparavant était un grand mathématicien. Et
voici que se présente à lui un professeur de mathé-
matiques qui lui dit :« Très Saint-Père, depuis des
années je creuse un problème, maintenant j'ai réussi
à le résoudre. Voyez donc si la solution est exacte ».
Le pape l'examine. « Elle est exacte » - dit-il enfin.
Et maintenant la solution est-elle certainement exacte,
parce que le « pape infaillible » l'a trouvée telle? Pas
du tout. Pourquoi? Parce que le Christ ne lui a pas
donné l'infaillibilité pour cela. Et pourquoi pas? Parce
que cela n'intéresse pas le salut des hommes et qu'elle
n'est pas nécessaire en ce cas.
Prenons un autre exemple. Le pape Pie XI était
avant son pontificat le savant bibliothécaire de la
bibliothèque Ambrosienne à Milan., Supposons qu'un
historien soit venu le trouver avec un vieux manuscrit:
« Très Saint-Père, j'ai découvert un manuscrit extrême-
ment important. Mais je ne puis décider s'il n'est
pas falsifié? » Le pape l'examine et répond : « Le
document est authentique ». Est-il maintenant sûre-
ment authentique, p'arce que le « pape infaillible »
l'a dit? Pas du tout. Pourquoi? Parce que le Christ
ne lui a pas donné l'infaillibilité pour cela. Si le pape
calcule mal, cela n'intéresse pas le salut éternel des
L'INFAILLIBILITÉ DU PAPE 155
fidèles . . S'il se trompe en histoire, non plus. Mais
s'il déCide en matière de foi et de morale, il ne peut
pas se ' tromper. Mais même alors, seulement s'il prend
une décision applicable à l'Église universelle et en tant
que chef de toute l'Église.
B) D'autres . présentent une autre objection. Ils
estiment inconvenant que le pape, en vertu de l'infail-
libilité « soit élevé à une gloire surhumaine », comme
s' « il cessait d'être un mortel », et même qu'il soit assuré
de son salut éternel, puisque - disent-ils - s'il est
infaillible, « alors il ne peut plus pécher ».
Dois-je vous dire, mes frères, qu'il n'est pas du
tout question de cela?
a) « Le pape est entouré d'une gloire surhumaine »?
Lorsque le pape est couronné, il est conduit solennel-
lement en' procession à la Basilique Saint-Pierre. Mais
le maître des cérémonies arrête la procession et, allu-
mant une poignée d'étoupe, dit au pape: « Beatissime
Pater, sic transit gloria mundi » ••• « Saint-Père, c'est
ain~i que passe la gloire de ce monde ». La vôtre
passera aussi, - mais vous êtes infaillible, parce que
les deux choses sont indépendantes.
b) « Le pape cesse-t-il d'être un mortel? » Le mardi
gras a lieu le célèbre car?aval italien. Mais le lendemain
les églises sont remplies de fidèles pour recevoir les
cendres. Dans la chapelle du Vatican un vieux prêtre,
habillé de blanc, est agenouillé devant l'autel, un autre
prêtre descend de l'autel 'et tandis qu'il impose les
cendres sur le front du pape et que le pape incline sa
tête blanche, l'Église prononce sur lui la même formule
que sur les millions de fidèles en ce jour: « Memento,
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
homo, quia pulvis es et in pulverem reverteris lt,
« souviens-toi, ô homme, que tu es poussière et que
tu retourneras en poussière ». Vous aussi, -Très Saint
Père, vou~ retournerez en poussière, - mais vous êtes
infail1ibl~, parce que les deux choses sont indépendantes.
c) « Et le pape ne peut-il plus pécher? » L'infaillibilité
ne signifie pas cela. Il ne peut pas se tromper dans
les questions de foi et de morale, mais il peut se tromper
dans sa propre vie morale. Les faiblesses de la nature
humaine subsistent dans le pape, il peut aussi com-
mettre des péchés et - hélas! - l'histoire rappelle de
tristes chutes morales pour quelques-uns. Le Christ
qui a supporté même un Judas parmi ses apôtres n'a
pas choisi les papes uniquement parmi les saints.
Oui, il y a eu parmi eux plus de saints et de personnages
zélés que dans aucune famille régnante; mais il' y a eu
- malheureusement - aussi un Alexandre VI. Et
t
il n'y a pas de pape qui oserait s'approcher de l'autel,
sans réciter lui aussi dans les prières du bas de l'autel
ce que tout prêtre récite : « Mea culpa, mea culpa,
mea maxima culpa ».
. Un soir de chaque semaine, lorsque les derniers
rayons .du soleil couchant tombent sur les fenêtres
du Vatican, derrière une de ces fenêtres, un prêtre
aux vêtements blancs, aux cheveux blancs se lève de
sa table-Ùde travail. Il longe le corridor silencieux et
frappe à une porte. Un simple prêtre se lève à son
appel. ~« Je voudrais me confesser» et il s'agenouille
au confessionnal. Et au bout de quelques minutes
sur le pape agenouillé, sur le pape qui s'est confessé,
,~esce.l1dent les paroles de 1'absolution i « Ego te absolvo Il.
L'INFAILLIBILITÉ DU PAPE 157
Le pape se confesse donc? Mais oui. Le pape infaillible
peut aussi pécher? Oui, il le peut, car les deux choses
. d'ependantes: )
sont 111 ') .~/
Nous ne faisons donc pas du pape « un être surna-
turel », le pape ne cesse pas d'être « un homme mortel,
capable de tomber et fragile », malgré ce que nous .
croyons et confessons à son sujet : nous croyons et
confessons que ce qu'il enseigne est l'enseignement
du Christ, que ce qu'il défend le Christ le défend et
que ce qu'il ordonne le Christ l'ordonne aussi. Nous
croyons que ce qu'il lie sur la terre sera aussi lié dans
le ciel et que ce qu'il délie sur la terre sera aussi délié
dans le ciel.
.. * .
Mes frères, les voies de la Providence sont admi-
rables. Que d'erreurs, que d'hérésies ont surgi dans
l'Église depuis dix-neuf siècles! Chaque siècle pour
ainsi dire a créé son hérésie et l'on peut voir même
des évêques d'églises fondées par ' les apôtres -
des évêques de Jérusalem, d'Éphèse, d'Alexandrie,
d'Antioche - tomber.., dans l'hérésie ou le schisme,
seul l'évêque de' Rome n'a jamais chancelé. Sans
doute l'histoire blâme quelques-uns ' ~es 26I'-'papes,
certains d'entre eux ne se sont pas montrés dignes de
leur haute fonction; mais jusqu'à présent il est impos~
sible d'affirmer que même un seul se soit trompé dans
l'enseignement de la foi. Ils ont pu se tromper dans
leur vie privée - mais jamais dans les choses de la foi.,
 LE SYMBOLE DES APôTRES

Aussi aujourd'hui encore tout catholique regarde

avec une âme obéissante vers Rome, car nous savons
que quand le Saint-Père nous parle, il nous parle
comme maître infaillible de tous les fidèles, des prêtres
et des évêques. Nous savons que, quand il nous en~eigne
dans les choses de la foi, la prière du divin Fondateur
de l'Église le protège, la grâce de l'Esprit-Saint le
conduit, si bien que dans son enseignement il ne peut
dire que ce qui a sa racine dans la révélation divine
et il ne se trompe jamais dans ce cas-là.
Lorsqu'on va de Naples à Capri, on aperçoit sur
la mer orageuse un rocher qui se dresse à pic. Depuis
des milliers d'années, ce rocher se dresse- au milieu
des flots écumants. De petites barques tournent autour
de lui et ne le regardent pas. Des vaisseaux lourdement
chargés, des vapeurs puissants et fiers passent à côté
de lui et n'y font pas attention. - lesquelles Notre-Seigneur Jésus-Christ a tracé sa
Et je me dis : c'est pourtant l'image de l'Église,
l'océan de la vie déferle autour de l'Église et les petites
barques des destinées humaines de tous les jours, les
vaisseaux chargés des hommes d'argent, les orgueilleux
vapeurs des hommes de science passent fièrement
à côté d'elle et ne jugent pas digne d'un regard le vieux
rocher. Mais les années passent, les siècles passent ...
Et tandis que les flots depuis longtemps déjà jouent
avec les débris des orgueilleux vapeurs, ils frappent
toujours~ en vain le vieux rocher qui reste debout
et du haut dit- phare éternel bâti par le Christ le pape
infaillible tient avec une force inébranloble au-dessus
des peuples du monde le flambeau éclatant de la fat et de
la morale. Amen.
XI
LA COURONNE D'llpINES DU PAPE
MES FRÈRES,
Comme elles sont mystérieuses et pleines de sens
les paroles que je viens de lire dans l'Évangile et dans
route au premier pape. « En vérité, en vérité, je te
le dis - dit Notre-Seigneur à saint Pierre - quand
tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même et tu allais
où tu voulais; mais quand tu seras vieux, tu étendras
les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne
voudras pas (S. Jean, XXI, 18).
Quelles curieuses et mystérieuses paroles! Saint Pierre
les a-t-il comprises? Vraisemblablement pas :l ce
moment-là. Il n'avait pas encore devant. lui la croix
qui, le 29 juin 67, sera dressée sur la colline du Vatican
et où le premier pape sera attaché la tête en bas, pour
sceller de sa vie sa fidélité envers le Christ.
Or c'est à cela /que Jésus pensait . .JAu martyre du
premier pape et à celui des autres papes aussi.
160 LE SYMBOLE DES APÔTRES
L'évangéliste saint Jean fait cette remarque: «lI disait
cela, indiquant par quelle mort il devait glorifier Dieu»
(S. Jean, XXI, 19). Notre-Seigneur Jésus-Christ voyait
bien que ses ennemis attaqueraient au cours des siècles
cette institution avec la haine la plus acharnée et que
le sort de l'Église dépendrait de la\. conservation de
la papauté. Il voyait bien que la triple couronne, la
tiare que devaient porter les papes ne serait pas une
couronne de souverain, mais une triple couronne
d'épines qui percerait jusqu'au sang le front des papes.
Puisque présentement nous étudions dans une série de
sermons l'importance' de la papauté, il vaut la peine
de s'arrêter sur cette vérité que la triple C01l1'onne du
pape est à propremmt parler une triple couronne d'épinm:.
l « la vie de grand seigneur » du pape, mais le regarde
« LA SOLLICITUDE DE TOUTES LES ÉGLISES Il
(Ile Corinthiens, ù, 28).
La première couronne d'épines du pape est la masse
de travaux et de devoirs auxquels il doit faire face dans
l'intérêt de la chose du Christ et que saint Paul exprime
par ces mots , : « la sollicitude de toutes les églises »
(Ile Corinthiens, XI, 28).
A) On entend çà et là cette puérile et naive réflexion
que le pape a une existence princière : il y a des cen-
taines de chambres au Vatican, il se promène, il mange,
il boit, on s'incline devant lui, bref « il vit en grand
seigneur ». C'est ainsi que raisonnent ceux qui n'ont
jamais vu le pape.
LA COURONNE D'ÉPINES DU PAPE 161
Celui qui au contraire connaît ses obligations et ses
travaux _ surhumains quotidiens, celui qui sait qu'il
est occù'p é sans trêve de bon matin jusque bien tard
le soir, celui qui sait que du' 1er janvier jusqu'au
31 décembre, il reçoit chaque jour et expédie environ
trois mille lettres, celui qui sait qu'au cours de J'année
du jubilé il a prononcé plus de mille discours, celui qui
1 sait que jour pour jour il donne une foule d'audiences
dans lesquelles il reçoit les visiteurs les plus simples
comme les plus distingués venus de tous les coins du
monde, celui qui sait à combien de négociations et de
délibérations il prend part et qu'il dirige non seulement
la vie spirituelle de- 360 millions de catholiques, mais
encore indique les moyens de convertir les infidèles,
- celui qui sait tout cela, dis-je, n'envie pas naïvement
avec respect et émerveillement comme « le premier
ouvrier de l'œuvre du Christ ». « Le serviteur des
serviteurs de Dieu » à qui conviennent parfaitement
ces paroles de saint Paul,. disant que pèse sur lui « la
sollicitude de toutes les églises ».
B) Et chose merveilleuse : les charges et les tâches
du pape s'accroissent de plus en plus de nos jours. En effet
son prestige grandit de plus en plus dans lé monde
entier. Pleins de reconnaissance pour la divine Pro-
vidence, nous constatons que tandis que dans les
bouleversements qui ont suivi la grande guerre des
nations ont disparu, des trônes se sont écroulés et la
foi des hommes dans les grands mots et les idées
philosophiques a pour ainsi dire été ébranlée, le son
des trompettes d'argent de la basilique Saint~Pierre
Symb. des Ap. - t. V 6
 LE SYMBOLE DEs APôTRES
?ev.ie~t de plus en plus fort et de plus en plus les
UldlVldus, les peuples et les États se tournent avec
attention~ espérance, respect vers le Vatican d'où
retentit dans le monde : « Tu es Petrus... » « Tu es
Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église Il
(S. Matthieu, XVI, 18).
Nous voyons avec joie et fierté que, surtout depuis
la guerre, le prestige du pape a sans cesse grandi dans
le monde entier. Des millions regardent vers Rome
et écoutent les paroles du papé. Mais alors ayons
conscience du travail immense que représente cette
tâche de diriger le monde 1
II
Il QUI EST FAIBLE QUE JE NE .sOIS FAIBLE AUSSI? Il
(Ile Corinthiens, XI, 29).
La seconde couronne d'épines du pape - plus
pénible, plus douloureuse que la première - c'est
la .foule de soucis pour la cause du Christ, la foule de
trzstesses et de chagrins à cause des persécutions contre
le Christ. « Qui est faible qùe je ne sois faible aussi?
- dit le pape avec saint Paul -Qui vi~nt à tomber
sans qu'un feu me dévore? (Ile Corinthiens, XI, 29):
,A) ParfOIs ~ous rencontrons des gens fatigués,
decour~~es qUI se pl~ignent tristement. Je n'en puis
plu~ .. ~ ai tant de travaIl, tant d'ennuis, tant de respon-
sablhtes ... Mais que pourrait alors dire le pape qui n'a
pas seulement à 's 'occuper d'une école, d'urie banque,
LA COURONNE D'ÉPINES DU PAPE
d'un ministère ou d'un état, mais de la plus grande
société du monde qui n'a pas mille ou cent mille
membres, mais 360 millions et dont l'activité n'est pas
bornée à un village, un département ou un état, mais
s'étend sur le monde entier de l'Orient à l'Occident
et du Nord au Midi.
Chaque jour le pape est inondé de nouvelles sur les
événements mondiaux. et chacune de ces nouvelles
fait battre son cœur paternel. Chaque plainte, chaque
douleur, chaque infortune de tous les pays du monde,
émeut son âme de père. Les ennemis des principes
chrétiens s'efforcent par la ruse et les intrigues d'extirper
la religion dans les âmes : c'est ce qui blesse le plus
le cœur du pape. Il n'y a pas d'époque où tantôt ici
tantôt là dans le monde ne lève la tête une persécution
sanglante contre l'Église du Christ: et c'est ce qui fait
souffrir le plus le cœur du pape. Qui ne sentirait
quelle douleur remplit son cœur lors des persé-
cutions inhumaines en Russie soviétique : lors des
luttes contre l'Église au Mexique! Écoutez seulement
quand il reçoit les pèlerins de tel ou tel pays : queUe
angoisse, queUe compassion, quel amour expriment
ses paroles!
B) Mais celui qui sait tout cela s'efforce d'adoucir
les soucis du pape, il convient en effet que les enfants
adoucissent les soucis de leurs parents.
Comment pouvons-nous les adoucir?
a) Tout d'abord par nos prieres. Prions aux inten-
tions du pape. QueUe belle coutume catholique de
comprendre dans nos prières les mille soucis, angoisses,
tristesses du chef de la chrétienté pour que « le Seigneur
 /
LE SYMBOLE DES APôTRES
le conserve, et ne le livre pas aux mains de ses ennemis !l.
b) Ensuite les fideles ont coutume d'adoucir ses soucis
par leur assistance matérielle. Je sais que cela sonne
étrangement dans notre monde actuel lui-même dans
le besoin. Je sais combien l'existence est )Jifficile
actuellement dans le monde entier. Et pourtant le
denier , de saint Pierre arrive au Souverain Pontife
du monde entier.
N'est-ce pas là une chose intéressante que nous
envoyions au pape le « denier de saint Pierre» ? Ce n'est
pas le « denier de Benoît XV Il ni le « denier de Pie XI »,
mais le « denier de saint Pierre Il. C'est de là que
provient la grosse somme que le pape consacre à sa
nourriture? à son palais? à ses vêtements?... Oh 1
non. Il vit personnellement comme un simple religieux.
Mais c'est de là que provient la grande somme avec
laquelle le pape secourt dans le monde entier les
indigents, les miséreux et les missionnaires. Là où
l'amour envers le père suprême de la chrétienté est
vivant on doit s'efforcer par quelques sacrifices maté-
riels, avec générosité, de venir en aide au Saint.,Père
qui porte le souci de la chrétienté du monde entier.
Et n'ayons pas peur que la valeur du change hongrois
pâtis$e du denier de saint Pierre. Certains ont l'habitude
de nous reprocher que le denier de saint Pierre nuit
à la monnaie hongroise. Je crois qu'on peut répondre
d'un mot:-'Je ne sais pas tout à fait exactement ce que
nous dépensons annuellement pour le denier de saint
Pierre. Mais je sais une chose : il n'atteint pas le
dixième de ce que nous payons à l'étranger rien que
pour les oranges.
LA COURONNE D'ÉPINES DU PAPE
III
LE PAPE PERSÉCUTÉ.
Mais le pape a encore une troisième et bien doulou-
reuse couronne d'épines : les haines et les persécutions
incessantes auxquelles depuis 19 siècles la papauté a été
constamment en butte et qui ne sont pas autre chose
que la réalisation continuelle de trois prophéties de
Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Quelles sont ces trois prophéties?
A) La première est celle que je viens de lire dans
l'Évangile : « Un autre te ceindra et te menera là où
tu ne veux pas aller Il (S. Jean, XXI, 18). Comme elle
s'est réalisée à la lettre dans toute l'histoire des papes!
Parcourons seulement la série des papes. Aux
premiers siècles devenir pape équivalait à devenir
martyr. Jusqu'à Constantin le Grand il y a eu 32 papes
et 30 d'entre eux sont morts martyrs, deux autres
finirent leur vie en exil. Où est la dynastie qui ait
commencé son règne avec 30 martyrs? En effet la
plupart n'ont même pas 30 membres.
Mais même après Constantin combien de souffrances
ont accompagné l'existence des papes! Il suffira peut-
être de citer quelques faits. Innocent 1 et saint Léon
le Grand furent serrés de près par Alaric et les Van-
dales. Jean 1 mourut en prison. Agapit en exil. Sylvère
fut déporté dans une île et y mourut de faim. Virgile
fut exilé. Martin 1 porta ses chaînes jusqu'à la Mer
Noire. Sergius 1 vécut 7 ans en exil. Étienne III put
 166 LE SYMBOLE DES APôTRES
appeler les chefs fràncs à son secours. Léon III fut
mis à la torture. Léon V mourut en prison. Jean X
fut étranglé. Benoît VI périt dans les souterrains du
Château Saint-Ange. Jean XIV mourut de faim en
prison. Grégoire V fut chassé de Rome. Sylvestre Il
fut empoisonné. Grégoire VII mourut en exil à Salerne.
Pascal II mourut dans la misère à Bénévent. Innocent II
fut le prisonnier du duc Roger de Sicile. Lucius II
. fut blessé pendant une révolte. Alexandre II prit la
fuite devant Barberousse. Lucius III mourut en exil.
Grégoire IX vit les Sarrasins détruire les églises de
Rome. Innocent IV s'enfuit devant Frédéric II.
Alexandre IV mourut en exil ,à Viterbe. Boniface VIII
tomba aux mains de Philippe le Bel. Avec Clément V
commence la captivité d'Avignon. Urbain VI provoque
le Grand Schisme d'Occident. Puis viennent les tristesses
de la Réforme. Le jansénisme sous Urbain VIII, le
gallicanisme sous Alexandre VII. Sous Innocent XI
le despotisme du Roi Soleil. Clément XI et Clément XII
endurent les vexations des souverains de Naples, de
Madrid, de Paris et de Vienne. Benoît XIV (le plus
savant des papes) endure les railleries de Voltaire.
Clément XIII et Clément XIV voient les persécutions
contre les Jésuites. Pie. VI est prisonnier à Valence,
Pie VII à Fontainebleau. Pie IX est en exil à Gaète.
Sous Léon XIII sévit le Kulturkampf. 'Pie X dépJ.ore
la séparation en France et le modernisme. Pie XI voit
les persécutions en Russie, au Mexique et en Espagne ...
« Un autre te ceindra et te mènera où tu ne veux pas
aller » - qui ne voit comme elles ont été réalisées les
paroles du Sauveur 1
LA ébURONNÈ j);ÉPINES DU PAPE
B) Mais une autre parole s'est réalisée elle aussi:
« Simon, Simon, vOlci que Satan vous a réclamés pour
vous cribler comme le froment )) (S. Luc, XXII, 3 1 ).
Lorsque Satan a vu que ce trône, malgré les persécu-
tions sanglantes, restait debout, qu'après les révolutions,
les hérésies, les bannissements ce trône était encore
là, il choisit une autre voie, une voie encore plus
dangereuse : .des papes indignes montèrent sur le
trône au IXe et au xe siècles. Ce n'est ni par le sang ni
par les hérésies, mais bien à ce moment-là que la
papauté aurait dû succomber. Mais le rocher de granit
ne chancela pas.
a Satan vous a réclamés pour vous cribler comme
le froment ». Plusieurs fois s,e renouvela la plus triste
scène de la passion de Jésus, lorsqu'un de ses apôtres
le trahit. Une autre institution aurait irrémédiablement
péri. Mais ce n'est pas avec la création générale que
Dieu l'a fondée, ce sont les paroles créatrices du Fils
de Dieu : Tu es Petrus ...
De nouvelles persécutions arrivent sans cesse.
Le souverain le plus puissant de l'Europe, Frédéric
Barberousse, assiège Rome et il semble que c'en est
fait de la papauté, rien ne peut plus la sauver! Mais
voici que d'énormes bûchers s'allument dans le camp
autour de Rome. Qu'est-ce donc? Veut-on incendier
la ville? Non. La peste s'est déclarée dans le camp
et on brûle les cadavres par milliers pour pouvoir
tout au moins rapporter leurs os dans leur patrie. Mais
les flammes ne suffisent plus: on les jette à la mer par
milliers. E~ bientôt Barberousse vient nu-pieds faire
pél1i~.~.l1~e.
168 LE SYMBOLE DES APÔTRES
Le sultan Saladin écrit à Pie II : J'arrive pour faire
de Saint-Pierre une mosquée. Le pape répond : La
barque de l'Église"peut être secouée par les vagues,
mais elle ne coule pas. Et elle n'a pas sombré.
Les autres en ont-ils tiré une leçon? Non.
Napoléon humilie Pie VI et lui crie d'un ton de
supériorité : Le pape croit-il que son excommunication
fera tomber les fusils des mains de mes soldats? ..
Mais ensuite arrive Moscou ... le feu ... le froid ... et au
sens littéral du mot les fusils sont tombés des mains
glacées des soldats... puis est arrivé Waterloo, Sainte-
Hélène et la fin. La papauté est restée debout avec la
triple cOuronne d'épines sur la tête.
C) Elle reste debout, car il y a uIJ.e troisième pro-
messe de Notre-Seigneur et elle s'est aussi réalisée:
« Et .les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle » ,
(S. Matthieu, XVI, 18). a) Elle s'est réalisée dans le
passé et b) elle se réalisera encore à l'avenir.
a) La promesse du Christ s'est réalisée dans le passé.
Connaissez-vous le conte du lion malade?
Le lion était couché bien mal~de dans sa caverne.
L'un après l'autre les animaux venaient le visiter; le
renard vint aussi. Mais il ·se tint devant la caverne et
n'entra pas. On lui demanda pourquoi il restait dehors.
~ Les traces me font peur - dit-il. Je vois que les
animaux y entrent, mais je ne les vois pas sortir.
Ici s'arrête le conte. Manifestement le duc Rodolphe
faisait allusion à ce conte lorsqu'on l'engageait à attaquer
le pape et l'Église. Il se contenta de répondre:
- Les traces me font peur.
Et l'histoire apprend aussi qu'il avait raison.
LA COURONNE D'gPINES DU PAPE
La Rome païenne est disparue depuis lO~g1:emps,
l'autel de Jupiter Capitolin est depuis longtemps démoli,
aujourd'hui il ne reste plus que le souvenir des empe-
reurs et des rois en lutte avec les papes, mais la papauté
vit et rayonne de plus en plus. Le tombeau du pêcheur
galiléen, le ~ tombeau de saint Pierre, est demeuré
comme une source inépuisable de valeurs spirituelles
depuis 19 siècles; Il s'est toujours vérifié le proverbe
français « qur mange du pape, en meurt ».
Que n'a pas déjà vu et subi la papautél Elle a vu
la fureur des césars romains contre la je~me Église -
et elle a vu la plupart d'entre eux noyés dans leur
propre sang.
Elle a vu les Germains aux cheveux blonds passel'
victorieusement sous l'arc de triomphe de Titus et:
ouvrir leurs yeux tout grands devant les splendeurs
de Rome - et ~lle a vu la ruine des chefs germains
et entendu leur chant funèbre.
Elle a vu Charlemagne avec la couronne impériale
et elle a vu aussi la fin des Carolingiens. L'Église a été
en guerre avec les Hohenstaufens et elle a vu la tête
blonde du dernier Hohenstaufen tomber sous la hache.
Elle a vu venir et disparaître toutes les familles régnantes
d'Europe. Elle a vu les Carolingiens, les Capétiens,
les Valois, les souverains anglais," danois, normands;
les Plantagenets, les Lancastres, les Yorks, les Tudors,
les Stuarts, les chefs mongols et les tzars moscovites;
elle a vu les Romanofs, les maisons d'Arpa<1;d'Anjou
et de Habsbourg, les maisons d'Orléans, d'Angoulême
et de Bourbon. Elle a vu le Roi-Soleil dans sa gloire,
mais elle · a aussi entendu les p'a~()l~s qu'un grand
 LE SYMBOLE DES APôTRES
évêque, Massillon, a prononcées devant son cercueil :
« Dieu seul est grand, mes frères ». Elle a vu Napoléon
monter comme un météore et s'éteindre rapidement.
Et la puissance des fusils n'a joué aucun rôle dans sa
vie, derrière elle il n'y a ni canon ni baïonnette, mais
seulement une promesse, les paroles de son Fondateur:
Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle ».
b) La promesse du Christ se réalisera encore à
l'avenir.
La papauté périra-t-elle? - pourrait-on demander.
Et l'historien ne peut que faire cette réponse : Elle ne
paraît pas vouloir périr. Dans le passé elle a résisté à
toutes les hérésies, aux schismes, aux révolutions,
aux intrigues humaines; de nos jours elle grandit pour
ainsi dire à vue d'œil et devient de plus en plus forte.
Plus les vagues de l'existence déferlent contre les
peuples du monde, plus les hommes lèvent leurs yeux
avec confiance vers le seul point ferme, la seule lumière
sûre, la seule puissance qui ne chancelle pas.
Tout connaisseur de l'histoire est· obligé de se
demander quelle est donc cette force mystérieuse qui,
désavouant le calcul des probabilités, au milieu des
ruines des trônes et des royaumes, élève le trône
pontifical dans une beauté intacte et avec une force
d'attraction de plus en plus grandissante.
Si on peut parler de miracle dans l'histoire du monde,
alors c'est bien cette inébranlable institution de la
papauté et ce centre de l'esprit européen.
C'est\~ certainement: 'à cela que pensait le fameux
historien, non catholique, Macaulay, lorsqu'il écrivit
ces magnifiques parole.s ; « Où existe-t-il aujourd'hui
LA COURONNE D'ÉPINES DU PAPE
encore, e~' dehors-de l'Église catholiqtie, une institution
qui puisse être regardée comme le ' témoin de l'époque
où la fumée de l'encens montait~encore au Panthéon,'
où les léopards et les tigres rugissaient dans l'amphi-
théâtre des Flaviens? Les plus orgueilleuses dynasties
royales sont d'hier, quand on les met en parallèle avec
la série des papes. La république de Venise était par
l'âge la plus proche de la papauté. Mais la république
de Venise n'était qu'un enfant en comparaison de la
papauté. La république de Venise a disparu et la papauté
.est demeurée. La papauté n'est pas en décadence,
elle n'est pas un reste du passé, mais elle est dans la
pleine vigueur ' d'une force juvénile. Et aujourd'hui
encore rien n'indique que la longue domination de
l'Église catholique aille à sa fin. Cette Église a YU toutes
les formes de gouvernement, toutes les institutions
religieuses et l'on ignore si elle n'est pas appelée à
survivre à la fin de toutes. Cette Église était déjà
grande et respectée, avant que les Anglo-Saxons
n'eussent mis les pieds en Grande-Bretagne, avant
que les Francs eussent passé le Rhin; elle était déjà
grande et honorée, lorsque la rhétorique grecque
fleurissait encore à Antioclle et que dans le temple de
La Mecque on adorait encore des idoles. Et il n'est pas
exclu qu'elle subsistât encore avec une fraîcheur
indestructible, lorsqu'un jour un voyageur venu de
la Nouvelle-Zélande, s'appuyant dans un désert
contre les colonnes brisées du pont de Londres, dessi-
nera les ruines de l'église Saint-Paul » (Macaulay,
Critical and Historical Essays, IV, p. 98).
Voilà , dans la lan gue cl' un historien célèbre l'écho
 172 LE SYMBOLE DES APÔTRES LA COURONNE D'ÉPINES DU PAPE 173

des vieilles paroles" de la Bible : « Et les portes de le nourrit plonge '~i profondément da~~ le sol divin que
l'enfer ne prévaudront point contre elle ». le ver rongeur ne le détruira pas et la main qui le
soutient vient d'une telle hauteur dans le ciel que la
méchanceté humaine ne l'atteindra jamais. "
Le rocher est debout et sur son sommet se tient
son gardien portant la triple couronne d'épines.:
;,
Mes frères, qui pourrait, en dehors de Dieu qui sait Et quand le monde tournerait encore pendant des
tout, dire ce que réserve l'avenir? La papauté retrou- milliers d'années, le pape continuera à tenir le flambeau ,
vera-t-elle un jour le grand éclat extérieur et la puissance lumineux, tant que sa lueur ne se confond pas avec le
qu'elle avait au moyen âge ou bien peut-être le pape grand feu du jugement dernier et il continuera à faire
redeviendra-t-il aussi pauvre que l'était saint Pierre entendre sa parole directrice infaillible, tant qu'elle ne
et prêchera-t-il le Christ, vagabond sans abri? - nous se joindra pas au son des trompettes convoquant au
ne le savons pas. jugement dernier. :
Mais nous savons une chose. Car elles veillent sur lui les paroles immorlèlies du
Nous savons qu'il y aura toujours un pape, tant Christ : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je Mtirai mon
qu'un homme vivra sur ,la terre. Église. Et les portes de ['enfer ne . prévaudront point
Comment le savons-nous? contre elle ». Amen.
Parce que tant qu'il y aura un homme sur la terre,
il y aura un cœur humain qui aura besoin du bien et
du beau, ily aura une raison humaine qui aura besoin
de br vérité et il y aura une âme humaine que ni la
radiovni l'aviation ni la technique, quels que soient leurs
progrès, ne pourront satisfaire, mais qui toujours
aura soif de Dieu. Et(/. tant qu'il y aura sur terre un
homme ayant soif de ' Dieu, il y aura aussi l'Église
catholique qui révèle Dieu aux hommes et il y aura
aussi, sa pierreC fondamentale, la papauté. "-
Pendant dix-neuf siècles déjà tous les assauts ont
été lancés contre ce rocher, mais il reste inébranlable
et regarde les allées et venues des siècles, la naissance
et la~ü}e des dynasties et d~s nati?ns. La ,racine qui

XII
LA PAPAUTÉ DANS LA BALANCE
DE L'HISTOIRE
MES FRÈRES,
Quand un non-catholique veut insulter gravement
un catholique, quand il songe à la manière dont il le
touchera le plus vivement en plein cœur, il iui dit
d'un ton de supériorité et avec un air de mépris :
« Papiste 1 » Et il croit ainsi avoir couvert de honte son
interlocuteur, il ne peut imaginer plus grande injure
et offense; que de dire à quelqu'un qu'il est « papiste»
c'est-à-dire un fidèle du pape.
En effet c'est ainsi que parle tout homme sans
cervelle. C'est ainsi que parle quiconque ne comprend
rien de l'histoire. }VIais celui qui connaît, même seule-
ment dans les grandes lignes, l'histoire du monde _
quelle que soit sa religion, qu'il soit juif ou musulman
- celui-là ne peut pas refuser son respect à la papauté,
à cette institution qui a fait plus que personne au
LA PAPAUTÉ DANS L'HISTOIRE 175
monde dans l'intérêt de la civilisation intellectuelle
et matérielle, de la justice et du droit.
En vérité pour nous, catholiques, ce n'est pas là le
plus grand mérite de la papauté. Nous sommes recon-
naissants au pape tout. d'abord et avant tout, parce
qu'il conserve dans sa pureté, sans altération, la doc-
trine du Christ et parce qu'il est « la pierre II qui soutient
inébranlablement l'Église du Christ. Oui, voilà pourquoi
nous lui sommes en premier lieu reconnaissants.
Mais il vaut la peine que nous examinions aussi les
mérites du pape à l'égard du monde, afin d'accroître
par là notre respect à son égard. Il vaut la peine de
regarder aujourd'hui la papauté non pas seulement
avec les yeux d'un catholique, mais encore de placer
et d'étudier ses mérites dans la balance de l'histoire,
pour envisager du point de we purement humain si
c'est réellement une honte d'être appelé « papiste»
ou bien s'il ne faut pas plutôt nous frapper fièrement
la poitrine en · disant : « Dieu soit loué que je suis
un papiste ".
C'est l'expression qui sortira réellement des lèvres
de quiconque examine les mérites que le pape s'est acquis
par le développement l. du christianisme d'une part
et II. de la civtlisation d'autre part.
l
LE PAPE ET LE CHRISTIANISME.
A) A quoi sert la papauté? Pourquoi y a-t-il des
papes? - « Pour faire les despotes, pour faire les
 LE SYMBOLE DES APôTRES
maîtres » répondent les mal intentionnés. Non ce
n'est pas pour cela. Mais c'est pour donner le Christ
à l'humanité. C'est pour cela et uniquement pour cela.
Saint Pierre est venu à Rome pour prêcher le Christ
et c'est pour cela aussi qu'il est mort. Les papes ont
envoyé des missionnaires dans le monde entier pour
. prêcher le Christ. Ils ont livrés de pénibles combats,
.
'
_ ils ont édicté des peines très sensibles, pour protéger
la doctrine du Christ. Ils ont accepté la gloire exté-
rieure, les hommages et le respect pour utiliser tout
cela au service du développement du royaume du
Christ. ' - Aujourd'hui encore existe la liste des papes et elle est
Les papes ont toujours conservé d'une âme émue
le souvenir de la triple protestation d'amour à la
suite de laquelle le premier pape -a reçu du Christ
ses pouvoirs. « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que
ceux-ci»? - demanda Notre-Seigneur à saint Pierre.
Et Pierre répondit: « Oui, Seigneur, vous savez que
je vous aime ». Et le Christ lui dit: « Pais mes agneaux»
(S. Jean, XXI, 15), Et 11 lui fit répéter une seconde et une
troisième fois cette protestation d'amour. Les papes
auraient-ils pu oublier qu'ils ont reçu le pouvoir de
triompher du monde à cause de cet amoûr, qu'ils
doivent être auprès de l'humanité les prédicateurs de
l'amour du Christ, de la paix, de ses bénédictions, de
la bonne nouvelle, qu'ils doivent malgré la méchanceté
humaine, la haine et l'hostilité, aider au triomphe de
l'amour du Christ fort, généreux, désintéressé.
B) Si l'on voulait résumer en une seule' phrase
l'histoire dix-neuf fois centenaire des 261 papes, on
pourrait le faire .avec ces paroles du divin Sauveur :
LA PAPAUTÉ DANS L'HISTOIRE 177
« Pais mes agneaux, pais mes brebis ». Tout pape qui a
été uri digne représentant du Christ a vu là son unique
devoir. _. _ ('>
a) Que de mérites ont les papes comnte pàsteurs du
troupeau du Christ! Les sanglantes persécutions des
premiers siècles ont déchiré le troupeau du Christ .
Où était le pasteur? Le mercenaire prendrait la fuite,
mais la place du bon pasteur est près de son troupeau .
Et les papes ont réellement été avec lui dans les cata-
combes pour fortifier sa foi et ils sont allés avec lui au
martyre, pour sceller de leur sang la doctrine du Christ. '
particulièrement émouvante. Pierre, Lin, Clet, Clément,
Évariste ... et après chacun d'eux: « martyr », « martyr».
Poursuivons notre lecture : Alexandre, Hygin, Pie,
Anaclet, Soter, Éleuthère, Victor... et après chacun
de ces noms nous trouvons : « martyr », « martyr »,
vingt-neuf fois l'un derrière l'autre le refrain émouvant:
« martyr », « martyr ». En vérité la papauté a toujours
été la force, l'encouragement, le cœur de la chr.étienté.
b) Et depuis, la papauté a servi dé phare pour
montrer la route et partout où passe la barque de Pierre,
sur son sillage naissent les bénédictions. L'enseignement
de dix-neuf siècles fortifie encore cette vérité. Rome
est à la fois le point de départ et le centre de la foi
chrétienne ô et de la civilisation chrétienne;) Que de
fois s'est renouvelé dans l'histoire des papes l'épisode
que saint Pierre a vécu sur la cime des vagues, lorsqu'il
sauta de la barque de Jean et commença à enfoncer
à son grand effroi. Cduiqui connaît l'histoire connaît
des époques de réelle consternation. Nous y voyons
 LE SYMBOLE DES APôTRES
qu'au temps de l'arianisme, le pape seul défendit la foi
en la divinité du Christ et peu de chrétiens restèrent
fidèles et pour ainsi dire le monde entier était devenu
arien. Nous y voyons la persécution perfide de Julien
l'Apostat,'ldes schismes, des révolutions, le despotisme
de . Napoléon ... Mais si souvent qu'apparemment les
vagues se joignissent au-dessus du pape, s'est renouvelée
encore la fin de l'histoire de saint Pierre ·sur le point
d'enfoncer: « Aussitôt Jésus étendant la main le saisit
et lui dit : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu
douté?» (S. Matthieu, XIV, 3 1 ).
Si l'enseignement de Notre-Seigneur Jésus-Christ est
resté intact au cours de dix-neuf siècles, c'est en tout
premier lieu le mérite des papes. Si le pénible travail
des missionnaires a gagné au Christ des continents
entiers, c'est le mérite du pape. « Si la propagation du
christianisme est un mérite - écrit le protestant Herder
(Ideen zur Philosophie der Geschichte, Il, 35 0 ) _
alors les papes y ont une grande part )J. Si l'Europe
n'est pas devenue la proie finale des Huns, des
Sarrasins, des Tartares et des Turcs, c'est en
premier lieu le mérite des papes. . .
C) Mais ici se présente à l'esprit une idée curieuse:
Si actuellement le Christ revenait sur terre et allait
au Vatican ... Ah! oui. Qu'arriverait-il alors? Que ferait
le Christ? S'il plongeait ses yeux qui voient tout dans
la vie des 261 papes, n'y trouverait-il pas aussi des
ombres, - pes taches? Chez ceux qui, tout en étant
revêtus du pouvoir suprême dans l'Église, ont été
pourtant des hommes. En trouverait-Il?
Oui , Il en trouverait.
LA PAPAU1'É DANS L'HISTOIRE 179
J
Est-ce que son divin regard ne s'abaisserait pas
tristeirient sur l'un ou l'autre ou ne s'enflammerait-il
pas de colère?
Oui, il s'enflammerait de colère.
Mais cependant ... Même en appliquant aux 261 papes
la mesure la plus sévère, à combien pourrait-on
reprocher l' o~bli de leurs devoirs, la mondanité ou des
défectuosités morales? A six ou sept au plus. Les autres ,
ont tous été des hommes éminents, des caractères
imposants, beaucoup ont été martyrs et ont été cano-
nisés. Si le divin regard de Notre-Seigneur descendait
donc sur eux et si son œil qui voit tout scrutait les
lois de l'évolution de l'histoire et les faiblesses de la
nature humaine, de façon aussi pénétrante que jamais j
ni historien ni psychologue n'ont pu le faire, et s'Hi
voyait alors le petit grain de sénevé semé par Lui'
devenu, même du simple point de vue nature!, l'arbre
immense de l'Église aux feuilles et aux fleurs magni-
fiques et s'Il posait de nouveau au Pape Pie XI la même
question qu'à saint Pierre: pour qui les hommes me
tiennent-ils? Pie XI se jetterait à ses genoux et L'adorant
Lui répéterait les paroles immortelles : « Vous êtes le
Christ, le Fils du Dieu vivant» : il est tout à fait sûr,
mes frères, que Notre-Seigneur ne trouverait rien à
critiquer ni à reprocher à la papauté actuelle, mais qu'Il
redirait les paroles bénies : « Tu es heureux, Pierre,
parce que mon Église repose solidement sur toi ... ».
Voilà le premier mérite historique du pape: c'est sur
lui que repose l'Église du Christ.
 180 LE SYMBOLE DES APÔTRES
II
LES PAPES ET LA CIVILISATION.
Ce que nous venons d'entendre sur les mérites des
papes n'a de valeur qu'auprès de ceux qui aiment et
honorent le christianisme et le regardent comme le plus
grand bienfait pour l'humanité. Mais dans la balance
de l'histoire se montrent aussi tant de mérites des papes
qu'à cause d'eux même les non-chrétiens ne peuvent
envisager qu'avec le plus grand respect la papauté.
Ceux qui ne sont pas bien au courant de l'histoire de
la civilisation portent facilement sur la papauté un
jugement réprobateur à cause de l'indignité de l'un
ou l'autre pape. Mais nous pouvons croire le célèbre
historien non-catholique G'régorovius, quand il dit :
« L'histoire n'a pas suffisamment de titres d'honneur
à sa disposition pour pouvoir même approximativement
signaler les hauts faits des papes et leur gloire qui ne
,passera pas ».
Quels sont les grands mérites des p~pes à l'égard de
la civilisation?
Ce sont les mérites qu'ils ont acquis sur le terrain
A) de la civilisation, B) de la vérité et C) de la défense
du droit. (.
J'insiste â nouveau sur le fait qu'à nos yeux ce n'est
pas leurs mérites les plus grands. Pour nous, leur plus
grand mérite, c'est qu'ils sont le rocher de l'Église du
. Christ. Mais il n'est pas superflu de passer rapidement
en revue aussileu~'s mérites hI~19fiques, afin que notre
LA PAPAUTÉ DANS L'HISTOIRE
vénération à l'égard du représentant du Christ soit
d'autant plus motivée. _
A) Pour esq~isser seulement ce que la civilisation
- matérielle et spirituelle - doit aux papes, il faudrait
des volumes.
a) Tout d'abord il faudrait présenter toute Ithi'Stoire
de la conversion des peuples. '
La papauté étend sa puissance sur le monde etttier, i
mais elle n'a ni canons ni mitrailleuses. Comme elle a i
conquis rapidement le monde entier! ElleéÎève la voix!
devant 'le Romain orgueilleux maître du monde et'
il courbe son front devant le Christ. Elle élève la voix
devant le peuple grec élevé dans la philosophie de
Platon et d'Aristot,e et il fait sien l'idéal chrétien. '
Elle élève la voix devant les tribus des invasions
barbares et ils courbent le cou sous le joug du Christ.
Et partout où se dresse la croix surgit un nouvel essor
terrestre, les tribus dispersées s'organisent en états, les
peuples nomades et turbulents deviennent de pais~;bles
citoyens. . . ... . . ,
La papauté a assuré par l'unité de f6i et desm&Ùfs
l'union des idées et de volonté des peuples, l'ennoblis-
sement des cœurs et des âmes qui sont d~venlls la base
de notre civilisation actuelle.
b) Mais à côté de la conversion des peuples il nous
faut mentionner la libéralité sans exemple et la protection _
inégalée que les papes ont apportées aux arts et aux
sciences. "
Celui qui est allé à Rome et y a vu à chaque pas les
magnifiques édifices, les statues, les fontaines élevés
par les papesl. celui qui a parcouru les m~l~y~il~eus~s
 LE SYMBOLE DES APôTRES
salles du Vatican et les musées d'art, celuI qui a seule-
ment passé une paire d'heures dans l'immense biblio-
thèque vaticane ou dans les archives, celui-là n'a pas
besoin qu'on lui explique ce que la civilisation humaine
la plus raffinée doit à la papauté.
! Toutes les histoires de l'art proclament éloquem-
ment la gloire des papes, grands protecteurs de Bra-
mante, de Raphaël, de Michel-Ange, du Bernin, de
Maderno.
t Celui qui a parcouru les collections antiques du
Vatican a remarqué avec étonnement que ces musées
ont sauvé de la destruction les bases de toute notre
science et de toutes nos connaissances classiques. Ce
que nous connaissons par les images de nos livres de
collège, nous pouvons le voir là en original : le groupe
de Laocoon, Ariane dormant dans sa robe aux magni-
fiques draperies, l'Apollon du Belvédère, etc.
C'est avec raison que le pape Pie XI a pu indiquer
dans son encyclique « Deus scientiarum Dominus »
parue en 1931 une foule d'universités qui doivent
l'existence à la papauté. Beaucoup s'étonneront d'en-
tendre que les papes ont fondé les universités sui-
vantes: Bologne, Paris, Oxford, Salamanque, Toulouse,
Rome, Padoue, Cambridge, Pise, Pérouse, Florence,
Pavie, Lisbonne, Sienne, Grenoble, Prague, Vienne,
Cologne, Heidelberg, Leipzig, Montpellier, Ferrare,
Louvain, Bâle, Cracovie, Vilna, Graz, Valladolid,
Mexico, Alcala, Manille, Santa-Fé, Lima, Guatemala;
Cagliari, Lemberg et Varsovie.
B) Mais ils ne sont pas mOIndres les mérites acquis nar
les papes pour la propagation et la défense de La vénté.
LA PAPAUTÉ DANS L'HISTOIRE
a) La solution des problèmes terrestres dépend
toujours de la manière d'envisager les choses éternelles.
La politique, l'éducation, la vie sociale, la vie juridique
et morale sont en relations avec les réponses que nous
donnons aux questions dernières. Aussi est-ce un mérite
impérissable des ~apes qu'en maintenant la pureté
des vérités du christianisme ils aient élevé l'Occident
chrétien dans une tradition culturelle unie, forte et sûre.
Ce furent toujours les papes qui proclamèrent et défen-
dirent dans le monde la supériorité de l'esprit sur la
matière, la supériorité de l'âme sur le corps, de la
morale sur le profit, du droit sur la force, de la vérité
sur le mensonge. Mais qui ne verrait que la vie humaine
ordonnée dure ou disparaît selon le degré de certitude
de ces vérités? Qui ne verrait que la défense de la
vérité a fait de la papauté le premier facteur civilisateur
de l'humanité?
b) C'est seulement aujourd'hui que nous pouvons
réellement pleinement apprécier par les gémissements
. de l'humanité égarée à la poursuite du feu follet d'une
philosophie erronée ce que signifie pour la civilisation
la proclamation de la vérité. Tous les plans, tous les
désirs, tout l'être de l'homme d'autrefois étaient étroite-
ment unis avec le surnaturel. L'homme d'aujourd'hui
a voulu s'en affranchir, croyant qu'il se suffirait à lui-
même et pourrait se sauver lui-même. Mais après les
bouleversements sociaux continuels et les révolutions
perpétuelles, aujourd'hui, déjà, il voit de nouveau
que la reconnaissance du monde surnaturel est la seule
garantie certaine" de l'ordre dans la vie terrestre.
Seule peut jeter un pont entre les contrastes, écarter les
 LE SYMBOLE DES APôTRES
incertitudes, donner UIie réponse satisfaisante la sagesse
que la papauté enseigne depuis dix-neuf siècles. Et si
les papes n'avaient pas fait autre chose que d'élever
le flambeau de la vérité au-dessus de l'humanité, ils
seraient déjà les premiers bienfaiteurs de l'humanité.
C) Mais à côté de la prédication de la vérité ils se
sont acquis des mhites éminents sur le terrain de la
défense du droit. " _'
a) On peut voir au Vatican un tableau célèbre de
Raphaël : la rencontre d'Attila et de Léon I. Les
hordes dévastatrices des Huns se précipitent de Venise
vers Rome et menacent de balayer le monde civilisé.
Dans cette détresse le pape Léon alla au-devant d'Attila
pour lui demander d'avoir pitié. Cette rencontre
historique eut lieu à Mantoue en 452. SUl: le tableau
à côté du pape un vieillard aux cheveux gris (saint
Pierre) menace de son glaive le prince dévastateur.
Cette peinture symbolique représent~ le courage
intrépide avec lequel les papes ont toujours élevé la
voix pour la défense du droit; et c'est à cela que
pensait certainement le célèbre publiciste français
Veuillot, lorsqu'il écrivait : {( Erilevez saint Pierre au
monde et c'est la nuit dans laquelle un Néron se lève,
grandit et parvient au trône ». -)
Les papes n'ont pas seulement proclamé la pensée
de saint Paul que l'autorité légale vient de Dieu
(Romain~, XIII, 1), mais ils se sont efforcés en retour
de proclamer la vérité en façe des empiétements de
l'État. Les papes ont coa"damné la démagogie, cette
doctrine qui fait dériver tout pouvoir du peuple,
comme ils ont cOl~~alllné l'~tatismê qui fait venir tout
LA PAPAUTÉ DANS L'HISTOIRE
pouvoir de l'État. Jamais ils n'ont manqué de faire
ressortir -ie lien existant entre le droit et la morale et
par là ils ont empêché que des questions de droit
deviennent des questions de force. Le' -« droit » est ce
qui est « juste »; mais ce qui est juste est déterminé par
les lois éternelles de Dieu et non par le bon plaisir de
l'homme. Celui qui aime Dieu respecte aussi le droit :
l'homme religieux est donc aussi le meilleur citoyen.
Du fait que les papes prêchèrent et défendirent
cette idée, ils rendirent au droit un service incom-
mensurable. Lorsque les plus fortes crises se déchaî-
nèrent dans l'existence des peuples, les papes ne
manquèrent pas d'élever la voix dans l'intérêt de l'auto-
rité la plus haute, du devoir social et du droit et
ainsi de sauvegarder les bases de la vie sociale humaine
organisée. « Au moyen âge les papes ont été les véri-
tables remparts du droit », dit l'historien non-catholique
Heinrich Leo. Cette attitude courageuse exigeait un
tel désintéressement et de tels sacrifices que pour
ainsi dire chaque pape aurait pu dire ce que le pape
Grégoire VII disait avant sa mort en exil: « J'ai aimé
la justice et haï l'iniquité, c'est pourquoi, je meurs
en exil ».
Quand le célèbre historien de Rome, Grégorovius
écrit : « La religion chrétienne fut l'unique rempart
contre lequel vinrent se briser les flots des barbares »,
nous comprenons aussi son autre affirmation : « Le
culte des peuples du moyen âge pour la ville de Rome
était sans bornes ». Oui, car l'humanité avait trouvé
dans la papauté la garantie d'un jugement impartial
ct juste.

186 LE SYMBOLE DES APÔTRES
b)Aujourd'hui encore beaucoup combattent le
pape. Pourquoi? Parce que la foi chrétienne les gêne?
Pas du tout. Mais ils 'le combattent parce que la papauté
est la plus haute personnification de l'idée d'autorité.
Ce fut toujours la cause dernière des attaques contre
le pape. Les tendances révolutionnaires sentaient bien
qu'il est le seul bastion à, prendre àu sérieux.
Et si la papauté est la marque de la civilisation et
de l'humanité, alors nous comprenons ce que serait
devenue l'humanité sans la papauté. Que serait-il
advenu de l'Europe, si elle avait été privée de cette
puissante protectrice de la civilisation, de la vérité
et du droit, de cette représentante de la supériorité
intellectuelle et de cette personnification de l'autorité?
Ce n'est pas moi qui répondrai à cette question, mai~
l'illustre disoiple de Kant, Herder qui a écrit dans son
livre « Ideen zur Philosophie der Geschichte der
, Menscheit » : « Si les Huns, les Sarrasins, les Tartares,
les Turcs et les Mongols n'ont pas absorbé l'Europe
pour ,toujours, c"est l'œuvre de la papauté. Sans la
hiérarchie romaine l'Europe serait vraisemblablement
devenue la proie des despotes, le théâtre de discordes
ét,ernelles ou b~en aur~it é,té~ ~hangée en désert mongol ».
Mes frères, maintenant, je pose de nouveau la
question : faut-il nous regarder comme insultés,
lorsque des gens bornés nous traitent dédaigneusement
,~~" C( papi~!~s__ »? Est~ce une, ~onte pour nous que notre
LA PAPÀUTÉ DANS L'HISTOIRE
(
foi soit bâtie sude rocher d'une institution unique ou
bien n'est-ce pas plutôt une honte que certains n'aient
aucune notion des mérites historiques impérissables
pour lesquels tout homme cultivé doit une reconnais-
sance éternelle à la papauté?
Ce que le monde doit à la papauté, il n'est pas facile
de le résumer. Il lui doit la conservation intégrale de
la foi chrétienne. Il lui doit la prédication intégrale
et sans compromis de la morale chrétienne. Il lui doit
la propagation du royaume du Christ. Il lui doit toute
la civilisation chrétienne, les arts et les sciences. Il
lui doit la garde courageuse des trésors les plus précieux
de l'humanité: la vie familiale, l'éducation, la justice
mutuelle.
C'est justement pendant les deux dernières dizaines
r
'/
d'années que l'hqmanité a tourné fréquemment les
yeux vers Rome: dans les océans d'amertume de la
grande guerre et des temps qui l'ont suivie. Comme
le rocher au-dessus des vagues, le trône du pape se
tient ferme et avec une autorité grandissante dans
\ le monde où des trônes vieux de plusieurs siècles se
sont écroulés et où toute autre autorité semble dispa-
raître. La tiare du pape resplendit, quand les couronnes
des souverains tombent par douzaines dans la poussière.
Et si l'humanité devient assez insensée pour se
déchirer elle-même et si elle continue à suivre des
philosophies séduisantes et le feu follet des mots
trompeurs et si elle dilapide les trésors et les valeurs
spirituelles gagnés autrefois, alors dans le chaos des
sociétés en ruines et des débris des civilisations réduites
en poussière, la papauté restera debout et les dominera,
188 LE SYMBOLE DES APôTHES

comme les pyrûmides d'Égypte restent debout et dominent

les plaines de sable étendues à leur pied par les siècles.
Mes frères,' )rendons grdce à Dieu d'être nous aussi
des « papistes ». Amen.
XIII

SALUT, ROME SAINTE!

MES FRÈRES,

.__ ._~
Les fidèles qui assistent aux offices dans cette
église ont dû certainement être frappés de la grande
diminution du nombre de nos séminaristes ces jours
derniers. Nos élèves de cinquième année sont bien
loin de nous sur le chemin de Rome pour que ceux
qui dans un avenir prochain seront ordonnés pl-êtres,
reviennent sous l'impression de ce saint pèlerinage.
L'année sainte a attiré des centaines de milliers de
pèlerins vers la ville éternelle; mais on ne peut pas non
plus s'y rendre en autre temps sans s'y rencontrer
avec des pèlerins arrivés de tous les coins du monde.
En effet, en dehors de la Terre Sainte;'Jdont le sol a
été foulé par le Fils de , Dieu et, en dehors de notre
terre natale dans Je sein 'de laquelle reposent les restes
de nos ancêtres; il n'y a pas dans le vaste monde un
endroit aussi saint pour les chrétiens que ,le sol de
. Rome. ~"~'
 LE SYMBOLE DES APôTRES
Mais ce n'est pas l'ancienne capitale du monde
antique qui nous enthousiasme. Ni non plus la ville
aux incomparables chefs-d'œuvre qui nous enflamme.
Mais nous aimons la pierre fondamentale.~qui est
~ Rome et sur laquelle ' le Christ a bâti son Église.
Nous aimons 1e cœur qui bat à Rome et fait circuler
la vie chrétienne dans les membres de l'Église uni-
verselle. Nous aimons la tête qui, de Rome, donne ses
directives et promulgue la doctrine chrétienne dans
le monde entier. Nous aimons la main paternelle qui,
de Rome, s'élève bénissante sur le monde entier.
C'est en cela que consiste l'attrait mystérieux de
la cc Rome éternelle ».
cc Salut, Rome sainte 1 », s'écriaient avec enthousiasme
en 1300, les pèlerins venus pour le premier jubilé
de l'année sainte, lorsque, après un long et fatigant
voyage, du haut du monte Mario, ils apercevaient aux
l a) La vieille Rome païenne a pu aussi être grandiose,
derniers rayons de soleil la ville sainte devant eUx.
cc Salut, Rome sainte 1 », s'écrie aujourd'hui encore
tout bon chrétien qui réfléchit consciencieusement à
ce que l'âme chrétienne doit à Rome. L'amour enthou-
siaste de Rome a toujours été la marque des bons
catholiques dans le monde entier. C'est un fait si
connu qu'il n'est pas nécessaire d'en parler davantage.
Mais il sera d'autant plus instructif dans le sermon de
ce jour d'étudier les causes de ce fait et de poser la ques-
tion pourquoi nous nous appelons nous-mêmes catho-
liques-romains, c'~st-à-dire,pourquoi aimons-nous Rome?
Notre -léponse sera double. 1. Nous aimons Rome,
parce que c'est là que bat le cœur de l'Église et II. nous
aimons Rome parce que c'est là que vit le chef de l'Église.
SALUT, ROMll SAINTE 1
l
C'EST A ROME QUE BAT LE CŒUR DE L'ÉGLISE.
Tout d'abord, nous nous reconnaissons comme
catholiques-romains et nous aimons Rome parce que
là bat le cœur de l'Église et A) de même que cette
ville a été la gloire du christianisme dans le passé, B) de
même elle est encore la source vitale de son épanouis-
sement actuel.
A) Le glorieux passé du christianisme est insépara-
blement uni au nom de Rome.
- mais comme l'âme humaine y était misérable! Les
.Romains distingués habitaient dans des palais de
marbre doré, ils lisaient Homère, Horace, Virgile,
le Forum était plein de vie, les temples païens se
touchaient, - mais ensuite les portes de l'arène
s'ouvraient et dans le Colisée empereurs, politiciens,
chefs d'armée, écrivains, poètes et vestales con-
templaient de tous leurs yeux les combats à la vie
et à la mort des gladiateurs. Et cette foule de go.ooo-
personnes réunies dans le Colisée < , hurlait et
trépignait d'indignation, quand les gladiateurs se
ménageaient entre eux ou s'achevaient trop rapidement,
en effet,,_les spectateurs voulaient voir du sang, du
sang humain coulant lon?temps : elles les vestales,
eux les grands hommes d'Etat. Et lorsque le gladiateur
vainqueur regardait vers la loge impériale implorant
la vie sauve pour son adversaire tombé à terre blessé,
 LE SYMBOLE DES APôTRES
la main délicate de l'empereur tournait le pouce vers
le sol dans un geste sanguinaire: pas de grâce. Tue-le,
tue-le 1 ./
C'était cela la Rome païenne.
b) Mais un jour, un pêcheur de Bethsaide s'approch.a
de Rome en suivant la voie impériale : il s'appelalt
jadis Simon, mais à présent, il se nommaitPier:--e.
Sur une autre voie impériale des soldats romams
conduisaient un prisonnier que le gouverneur Festus
avait envoyé de Judée; il se nommait Paul de Tarse.
Et lorsque Pierre et · Paul franchirent les portes de la
grande ville païenne, à l'instant l'histoire du m~nde
fut transformée. Cette Rome qui jusqu'alors étalt le
nid et la pépinière de la sensùalité, des combats de
gladiateurs, des idoles, commença à être le point de
départ et la pépinzêre d'une nouvelle, sainte et noble
civilisation, de · la spiritualité chrétienne : Rome devint
le cœur de l'Église. Et de même que des veines du corps
tout le sang affiue au cœur, de même Rome est devenue
le centre mopdial de pèlerinage, la plus vieille ville
touristique où depuis dix siècles, lorsque personne
ne parlait de tourisme, les peuples accouraient en
foule : ils étaient attirés par les battements du cœur
. de l'Église. C'est ainsi que Rome est devenue la « ville
éternelle )J. Mais il n'y a d'éternel en elle que ce qui
vient de ·saint Pierre et de saint Paul.
Depuis, Rome est devenue pour nous un lieu saint,
parce qu'au Colisée, nos frères, les premiers chrétiens,
ont souffert par dizaines de mille, sous la dent des
lions et des tigres, des panthères et des ours : des
dizaines de mille de prêtres, d'évêques, de mères, de
SALUT, ROME SAINTE!
jeunes filles, · d'enfants, de vieillards. Ils sont morts
pour le triomphe de la croix, pour le triomphe de
l'âme, pour la cause du Christ. De leurs tombeaux est
sortie une autre Reime, Rome la sainte, Rome l'éternelle.
B) Mais de même que Rome a été la scène du passé
glorieux du christianisme, de même elle est encore
la source. vivifiante de son épanouissement actuel.
a) L'Italie et Rome ont depuis des siècles exercé
une puissante attraction sur les peuples et les individus.
Les Cimbres, les Teutons, les Celtes furent peut-être
plutôt attirés hors de leur patrie nordique et froide
. par la chaleur du ciel méridional et beaucoup de
voyageurs aujourd'hui sont peut-être seulement attirés
par les trésors artistiques de l'Italie.
Mais on peut affirmer ayec certitude que la plus
grande partie des voyageurs des rapides et des longs
trains de pèlerinage se dirigeant vers Rome ne vont
pas à Rome en premier lieu pour jouir de la chaleur
du soleil ni pour voir des chefs-d'œuvre. Mais, de
même que les peuples affiuaient du monde entier dans
l'ancienne Rome païenne pour s'y procurer l'orientation
juridique, politique, artistique et économique, et
retourner dans leur patrie lointaine avec une nou-
velle ardeur au travail, de même les chrétiens vont
visiter dans la nouvelle Rome le centre du christia-
nisme, et ayant rajeuni leur âme au contact du cœur de
l'Église, ils rentrent chez eux ·plus forts pour leur tâche
quotidienne.
On dit de Gœthe que lorsqu'il fit son fameux voyage
en. Italie et gagna Rome presque sans arrêt,ce fut à
proprement parler une fuite hors d'un milieu familial
Symb. des Ap. - t. V 7
 SALUT, nOME SAINTE 1 195
194 LE SYMBOLE DES AP{)TIŒS

c) Et ici je voudrais encore vous indiquer une idée

étroit, mesquin, pesant, loin du brouillard du doute
intéressante : Rome est devenue la mère commune de tous
et ~~ l'incertitude vers la lumière d'une philosophie
les chrétiens, sans qu'aucun soit obligé de renier sa natio-
pOSitIve, et aux larges vues.
nalité. C'est la vérité. En effet, quand nous allons à
C'est ce que ressent tout pèlerin de Rome; il sent
Rome, 'ce n'est pas la capitale de l'Italie que nous
son âme transformée, remplie de grandes et sublimes
voulons visiter, mais le cœur du monde chrétien.
pensées, par la contemplation des valeurs absolues et
Ainsi peut-on comprendre ce fait particulier, qu'à
de principes éternell:ment valables. O~ ne vient pas
Rome les pèlerins, malgré leur enthousiasme, n'oublient
à Rome comme touriste, mais en pénitent en pèlerin
pas du tout leur propre patrie, mais ne pensent nulle
en voyageur altéré, en homme faible qui 'cherche de~
part avec autant d'amour à leur patrie, ne compatissent
forces pour son âme. En effet, celui qui viendrait
nulle pàrt autant à ses . souffrances, ne chantent nulle
u.niquem.ent à Rome pour voir des chefs-d'œuvre, y
part avec autant d'ardeur leurs hymnes nationaux
~lrculeralt en aveugle et en prisonnier spirituel. Quelle
qu'ici dans la ville éternelle.
Importance peuvent bien avoir les richesses passagères
de la Rome artistique à côté des problèmes éternels
auxquels l'autre Rome, la Rome sainte, la Rome
éternelle donne la réponse. II
b) Il est impossible de décrire les sentiments qui
C'EST A ROME QUE VIT LE CHEF DE L'tGLISE.
envahissent l'âme du visiteur à Rome, il faut les avoir
éprouvés. On se trouve là à côté du tombeau de celui
Mais nous n'aimons pas seulement Rome, parce que
qui a parlé avec Notre-Seigneur Jésus-Christ. On se
là bat le cœur du christianisme, mais aussi parce que
t;ouve ?ans la :rille où a été continuellement prêché
chez elle vit le chef du christianisme, parce que là vit :
1 ÉvangIle depUis que le premier pape y a pénétré.
A) le pape, B) notre Saint-Pere le pape .
On est dans la Rome chrétienne qui n'a pas été
A) Nous aWlUllS Rome, parce que le pape habite
. fondée par Romulus et Remus, comme la Rome
à Rome.
païenne, mais par saint Pierre et saint Paul. Là on
a) Qu'est-ce que le pape? Que pense de lui ['Église
resp.ire ~~e atmosph,ère chrétienne, là .on goûte le
catholique?
levam VIVIfiant de l'Evangile qui a christianisé l'âme
Ce 'que pense le monde, nous le voyons à chaque
~~ïe~ne, tout comme le Panthéon païen est devenu
élection d'un pape. La presse mondiale publie de
1 egllse des martyrs, le temple de Minerve J'église
~~nt.a Maria sopra Minerval le temple d~ Diane, gigantesques articles, elle fait des conjectures pour
savoir quel sera le nouveau pape, ce qu'on pourra
leghse Sainte-Sabine.
196 LE SYM'DOLE DES APôTRES
attendre de lui, quelle ligne politique il adoptera ...
Voilà ce que le monde en pense.
Et l' ~glise? Elle ordonne une messe spéciale pour
le moment où a lieu l'élection du pape, - Missa pro
eligendo Summo Pontifice - et la ' collecte de cette
messe montrt~ magnifiquement ce que l'Église attend
du ·pape. 1..i8on8 l'oraison de cette messe. Quel pape
l'Église' demande-t-elle à , Dieu? Un grand ami des
arts? Un grand bâtisseur? Un grand politique, un
diplomate? Rien de tout cela. Mais un pape qui par
sa sollicitude pour nos âmes (<< pio in nos studio »)
soit toujours agréable à Dieu et digne de respect pour
son peuple.
Voilà' comment l'Église prie pour le pape. C'est la
prière qu'elle a apprise de Notre-Seigneur Jésus-Christ
qui a dit un jour à saint Pierre: « Simon, Simon, voici
que Satan vous a réclamé pour vous cribler comme
le froment; ,mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne
défaille point et toi, quand tu seras converti, affermis
tes frères» (S. Luc, XXII, 32-31).
Quelles paroles extraordinaires, le Christ a prié
pour Pierre. Le Christ prie pour le pape, car Il sait
quelle tâche lui incombe : le sort éternel de milliards
d'âmes humaines immortelles dépend de son infail-
libilité, de la fermeté de sa foi.
Les chrétiens ont appris du Christ à prier eux
aussi beaucoup pour le pape. On lit déjà des premiers
chrétiens que, pendant que Pierre était en prison,
« l'Église ne cessait' d'adresser pour lui des prières
à Dieu" (Actes, XII, 5).
b) Ces paroles du Christ ont encore une autre
SAUlT, RO ME SAINTE 1 197
conséquence; J'obéissance ardente,pleinl' rie 'vénération
filiale que les états et les peuples menant. une vie
véritablement chrétienne ont toujours montrée envers
le pape: En effet, si le Christ a commandé au pape
d'affermir se~ frères clans la foi, il nous ,a ordonné
aussi en retour cl' êtrf.' ·qe~ fiJs obéissants et souillis, quand
il veut nous conduire et nous dirigér danf< notre foi .
« Devons-nous obéi\( awuglément aux paroles du
pape »? Mais oui. 'l'".nt COI\\me , un homme raison-
nable a coutume d' obéir. ~veHglément à sa. tête, - et
non pas à sa m:dn 01\? P?l l:mgue. En, effet. nous, les
fidèles, nous somme·' les m?i.Ds, les pieds et le corps
de l'Église. Mais la t~tc, c'est le Christ et son repré-
sentant, le pape.
Lisez ce que saint Paul dnl: de Notre-Seigneur Jésus-
Christ dans son épître aux Éphésiens : « Il a tout mis
sous ses pieds et il l'a dount: pour chef suprême à
toute l'Église qui est sun coq)!;, la plénitude de celui
qui remplit tout en tous » (Éphésien8, l, 22-23).
Le Christ est donc la tête de l'Église, mais le pape
est le représentant du Christ sur la terre; et nous
aimons Rome, parce que c'est là qu'habite le pape, le
représentant de Notre .. Seiglleur sur la terre.
B) Mais notre ~mour a en ..ore 'me source plus
profonde. Non seulement la tête, If' chef suprême de
l'Église, habite à Rome. maj~ c'est aussi le père au
cœur aimant de toute la chrétie.nté, Notre Saint-Pere,
.et seule cette expression peut p16nement traduire
l'amour profond qui a toujours attiré vers Rome les
fidèles.
a) En , effet même les non·catholiques sont saisis d'un
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
respect et d'une émotion toute particulière lorsqu'ils
sont en présence du Saint-Père, à l'occasion d'une
audience. A combien est arrivé quelque chose d'ana-
logue à ce qui s'est passé pour le puissant ministre
du roi Louis-Philippe, Thiers, qui pendant son séjour
à Rome, sollicita une audience du pape, mais demanda,
en qualité de protestant, de ne pas être obligé de
s'agenouiller devant le pape ni de lui baiser la main.
Quand on présenta cette demande à Grégoire XVI,
il répondit en souriant que Thiers pourrait faire
comme il voudrait.
Et le président du conseil français s'avança. Mais
quand il fut devant le pape, un sentiment singulier
s'empara de lui: il s'agenouilla devant lui et lui baisa
le pied.
Le pape lui demanda aimablement : « Monsieur le
ministre, auriez-vous fait un faux pas? II
Le spirituel français répliqua adroitement: « C'est la
vérité, nous trébuchons tous devant la grandeur de la
papauté ll.
Voilà ce que sent même un non-catholique devant
le pape.
b) Que ressentent donc les fidèles catholiques, quand
r:ls prononcent ces deux mots : « Notre Saint-Père! II
Quel terme plein de ferveur et de vénération! Quel
respect, quelle confiance d'enfant en rayonnent 1 Que
ne disent pas ces deux mots « Le Saint-Père III
D'abord. ce sont des paroles de confiance. Vous êtes la
pierre sur laquelle repose notre foi. Vous êtes la base
sur laquelle s'élève notre maison de famille à tous,
l'Église catholique. Vous êtes la colonne qui supporte
SALUT, ROME SAINTEI 199
la voftte de l'Église universelle. Vous êtes la tête qui nous
indique le chemin. Vous êtes le cœur qui bat pour nous.
Mais cette expression indique aussi un grand amour.
Vous êtes le chef de famille et chacun se sent chez
soi près de vous. Vous êtes le père et de tous les coins
du monde vos enfants accourent vers vous. Vous
êtes cc la patrie des âmes ll, comme Sienkiewicz a appelé
un jour Rome.
. Il n'y a pas au monde un seul royaume aussi varié
dans sa langue, dans son histoire, dans l'aspect extérieur
de ses membres, dans la nature spirituelle et culturelle
que l'Église catholique. Et un seul point maintient
merveilleusement unie cette diversité, le centre de
l'Église, le pape. Il est le législateur suprême, le guide,
le rocher, la base, le point central - le représentant
du Christ.
c) On lit au chapitre LX du prophète Isaïe la des-
cription d'une vision sublime: cc Lève-toi, Jérusalem,
et resplendis. Car ta lumière paraît et la gloire du
Seigneur s'est levée sur toi. Les ténèbres couvraient
la terre et une sombre obscurité les peuples; mais sur
toi le Seigneur se lèvera et sa gloire resplendira sur
toi. Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois
vers la clarté de ton lever. Porte tes regards alentour et
vois : ils se rassemblent tous et viennent à toi; tes fils
viennent de loin, et tes fIlles sont portées sur les bras»
(Isaïe, LX, 1-5).
Quand on lit ces lignes, on songe à une grande
audience pontificale pour un pèlerinage de ['année sainte.
Il semble qu'Isaïe lui ait emprunté littéralement ses
vivantes couleurs.
 200 I,E SYMROLF DES APôTRES
Les antiques et magnifiques salles du Vatican sont
remplies· de pèlerins venus de tous les points du
monde; ils se tiennent les uns à côté des autres com-
muniant dans la même' prière comme frères dans le
Christ et attendant leur père commun à tous, le pape.
Blancs et Jaunes, Européens, Asiatiques, Égyptiens,
Indiens, llont les uns à côté des autres. Leurs langues,
leurs vêtements, la forme de leurs yeux, leur éducation
diffèrent, - mais ils ont la même foi, le même Christ
et le même Vicaire du ChriRt qui s'approche d'eux dans
ses vêtements blancs ... les gens s'agenouillent, baisent
la main bénissallte de leur père, à peine y en a-t-il
pour ne pas avoir les larmes ~mx yeux... A présent
chacun sent quelle joie il y a à être catholique. Quelle
fierté il y a à appartenir à la véritable Église t Quelle
tranquillité de savoir que ma foi aujourd'hui encure
repose sur la pierre sur laquelle le Christ l'a jadis
pusée et à laquelle il Il. f ...it cette promesse . {( les portes
de l'enfer ne prévaudrollt point contre elle Il.
... .'
Mes frères, Une des plus célèhres voies impériales
de Rome s'appellt: la Voie Appienne. Une route désolée,
le long de laquelle ,sont rangés des tombeaux ombragés
de pins et de cyprès. A un croisement une petite
chapelle rappelle la place où Ruivant la tradition l'apôtre
sàint Pierre échappé de la prison mamertine et s'en-
fuyant de Rome la nuit, rencontra le Christ ensanglanté
et lui demanda d'une âme bouleversée ~ « Quo vadis,
",
SALUT, ROME SAINtE 1 201
Domine? » « Où allez-vous, Seigneur? » Et le Sauveur
lui fit cette réponse inoubliable : « Je vais à Rome,
,pour m!y faire crucifier ». Pierre comprit le Christ,
il s'en retourna aussitôt et travailla pour le Christ,
plein .. <je mépris pour la mort, jusqu'à ce que le
29 juin 67, dans le cirque de Néron, non loin de la'
basilique Saint-Pierre où se trouve aujourd'hui son
tombeau, il fut crucifié la tête en bas.
C'est à Rome que le premier pape a donné sa vie
pour le Christ, c'est à Rome que vit aujourd'hui encore
le 26x e successeur du premier pape.
Et depuis, « ubi Petrus, ibi Ecclesia, ubi Ecclesia,
ibi vita aeterna», « où est Piene, là est l'bglise, où
est l'Église, là est la 'oie ,éternelle». Ces parolés
éternellement belles du grand évêque de Milan, saint
Ambroise, ne sont pas · seulement inscrites en lettres
d'or sur la coupole de la cathédrale de Milan,
mais elles vivent ineffaçables dans l'âme de tous les
chrétiens.
Et maintenant nous comprenons pourquoi les foules
de pèlerins affiuent vers Rome et pourquoi, dès qu'ils
aperçoivent le dôme de Saint-Pierre, s'échappe de leurs
lèvres ce cri enthousiaste : « Salut, Rome sainte! ».
Salut, Rome Sainte! Sous tes pieds s'étendent les
galeries souterraines des catacombes avec les tombes
des martyrs chrétiens, qui ont donné leur vie pour
leur Maître. Elles sont saintes ces galeries parce que
leurs images bibliques et leurs scènes .liturgiques
peintes en traits anguleux ' et seulement ébauchés
enseignent hautement qu'aujourd'hui encore notre foi
est la même que celle des premiers chrétiens et parce
202 LE SYMBOLE DES APôTRES

que dans ces galeries trempées du sang des martyrs

notre religion actuelle a pris racine.
Salut, Rome sainte! C'est chez toi que s'élève au-
dessus du tombeau de Pierre la basilique Saint-Pierre.
Salut, "Rome sainte! C'est chez toi que s'élève la
basilique Saint-Jean avec cette fière inscription à son
fronton : « Mère et tête de toutes les églises ».
Salut, Rome sainte! C'est chez toi que se dresse sur
la place Saint-Pierre le puissant obélisque qui proclame
à la face du monde : « Christus vincit, Christus regnat,
Christus imperat », (( le Christ est vainqueur, le Christ
règne, le Christ commande ».
Salut, Rome sainte! C'est en toi que bat le cœur de
l'Église, en toi que vit le chef de l'Église. Et c'est
pourquoi du fond de notre âme nous faisons monter
vers le ciel cette prière :
(( Seigneur, protége~ le Saint-Père, le vicaire du Christ».
Amen.
.ou d'un scandale est le dessert pimenté quotidien
. ment développée de l'Église et le dédale compliqué
XIV
LE VISAGE TERRESTRE DE L'tGLISE
MES FRÈRES,
Ce que j'ai dit jusqu'à présent dans mes instructions
de l'Église catholique n'a été qu'éloge et glorification.
Comme elle est belle, l'Église du Christ 1 Comme elle
est pleine de sollicitude, notre mère l'Église! Comme
elle est sainte l'Église 1 Quel enthousiasme, quel amour
pour l'Église 1
Mais l'image que nous avons dessinée de l'Église'
catholique dans nos sermons ne serait pas complète,
si à côté des accents de reconnaissance et des éloges ne
se faisaient pas entendre les reproches, les contra-
dictions, les difficultés qui surgissent contre l'Église
tantôt ici, tantôt là. Surtout pour une société indiffé-
rente ou pour les gens frivoles la découverte d'un cancan
que doit leur offrir un habile éditeur.
Certains sont choqués par la hiérarchie prodigieuse-
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
des articles du droit canonique. D'autres ne peuvent
se réconcilier avec la manière de vivre et de faire
de l'Église.'_
Certains sont choqués par l'éclat extérieur et la
pompe de la papauté. « Le Christ était pauvre et allait
nu-pieds. Mais voyez dans quelle splendeur habite son
représentant! » - disent-ils. Les autres - qui ne
connaissent pas l'histoire - critiquent les papes qui
ont été en lutte avec les rois, ont nommé des princes
ou les ont déposés de leurs trônes.
L'un n'arrête pas de parler sur « les mauvais papes ».
L'autre trouve bien des choses à reprendre dans la
vie des catholiques.
Que dire de cela, mes frères? Éviterons-nous ces
questions embarrassantes? Pas le moins du monde.
Allons-nous nier des cas regrettables? Dieu m'en
garde. On n'a jamais le droit, dans n'importe quel but,
de nier la vérité. Oui, il est vrai que dans les livres
hostiles de parti-pris ou sur les plages ou en jouant
aux cartes on raconte des scandales dont pas même un
dixième ne repose sur la vérité. Mais d'autre part
il nous faut franchement reconnaître que dans l'histoire
de l'Église - malheureusement - il Y a eu dans le
passé des incidents et il y a actuellement encore des
faits qui sont bien douloureux, pénibles et attristants
pour le peuple chrétien.
C',est- malheureusement - ainsi, on ne peut le
nier; mais il nous faut chercher à l'expliquer. Non pas
à excùser, mais à comprendre.
C'est à cela que je veux consacrer le sermon d'au-
jourd'hui et même aussi les deux sermons suivants.
LE VISAGE TEHRESTRE DE L'ÉGLISE 20 5
En effet, que de fois même les meilleurs de nos fidèles
sont dans l'embarras, lorsque de:; membres d'autres
religions leur glissent à l'oreille triomphalement tel
'ou tel fait scandaleux du passé ou du présent: « Eh
bien 1 vous voyez. Voilà votre religion catholique'l
Voilà votre sainte Église 1 Voilà votre belle Église! »
Et nos frères déconcertés restent muets; ils ne savent
pas répondre; ils ne savent quoi dire.
Mais tout cela s'explique si nous examinons l'idée
dont je veux m'occuper dans le sermon de ce jour,
à savoir 1. que ['Église a un double visage, non seulement
un visage divin, mais aussi un visage humain; il n'y a
donc pas lieu de s'étonner si le visage de l'Église
vieux de dix-neuf siècles présente des rides et II. s'il
y a aussi des pages bien tristes dans l'histoire de l'Église.
l
LE DOUBLE VISAGE DE L'ÉGLISE.
Toutes les objections, toutes les difficultés, tous les
incidents douloureux s'expliquent par le fait que
l'Église a un double visage. Tout comme le. Christ qui
vit en elle est le Fils de Dieu, - mais aussi le fils de
l'homme; il a vécu dans la gloire et aussi dans l'humi-
liation; il était le Verbe éternel, et aussi le petit enfant
de Bethléem, 11 en est de même de l'Église du Ch~ist.
Corps mystique du Christ, elle est un royaume céleste
et aussi un royaume terrestre; elle mène au ciel, mais
elle a aussi besoin des formes et des moyens des

206 LE SYMBOLE DES APôTRES
sociétés terrestres; « elle n'est pas de ce monde »
(S. Jean, XVIII, 36), mais elle vit dans le monde: elle a
donc un visage divin et un autre visage humain.
De là résulte pour l'Église un avantage, mais aussi par
contre un désavantage.
A) Quel avantage Tésulte-t-il du fait que deux éléments
exercent leur activité dans l'Église?
Ces deux éléments ne se rencontrent pas à côté
l'un de l'autre, mais ils sont unis entre eux, o'nt grandi
ensemble, ils sont amalgamés, assemblés oTganiquement.
On ne peut pas séparer l'un de l'autre, l'un ne peut
pas se passer de l'autre et c'est précisément l'existence
de ces deux éléments qui introduit dans la vie de
l'Église ce contraste particulier qui assure l'activité
débordante de l'Église, comme par exemple loi et
liberté, droit et charité, individualité et vie commune,
conservatisme et progrès, cérémonies extérieures et
recueillement intérieur.
B) Mais par contre l'activité de ces deux éléments
a aussi un désavantage. Une conséquence regrettable
qui en découle est celle que Notre-Seigneur Lui-même
a indiquée dans une de ses paraboles, à savoir que dans
l'Église il y a des méchants à côté des bons et qu'à côté
de la lumière il y a aussi des ombres.
a) Un cultivateur avait semé du bon grain dans
son champ, mais son ennemi pendant la nuit sema en
secret de l'ivraie. Les serviteurs lui demandent avec
émoi: «Maître,· est-ce que vous n'avez pas semé du
h ,.
bon grain dans le champ? d'où vient donc qu'il s'y trouve
de l'ivraie? » (S. Matthieu, XIII, 27).
Que de fois a été entendue depuis cette question!
LE VISAGE TERRESTRE DE L'ÉGLISE 207
partout où se produit quelque chose de triste panni
les membres de l'Église. Faiblesse humaine faute,
faux pas, péché... les gens demande?t avec effroi :
Est-il possible? En effet on dit que l'Eglise est sainte.
Est-il possible alors que tel ou tel de ses membres. mène
pareille vie, que la nature humaine corr~~pue aIt t~nt
de force sur lui. Que dire d'un tel qUI Joue un role
de chef dans la vie catholique. D'un autre qui est si
dévot à l'église. D'un autre encore qui est même
prêtre ...
Comment peut-on comprendre cela, mes frères?
b) La plus haute qualité de l' homme est sa . volont~
libTe. C'est un grand honneur pour nous, malS aUSSI
un grand danger. Dieu ne s'immisce pas dans son
fonctionnement, Il ne la supprime pas, même quand
quelqu'un s'en sert pour le mal. Il ne la supprime pas,
même quand l'homme cesse d'être « un homme».
Malheureusement, dans l'histoire de l'Église, les
puissances ténébreuses de la nature hu.ma~ne déch~e
se font jour: la soif de l'argent, la SOIf au pOUVOIr,
l'égoïsme, la sensualité ont levé la tête chez les membres
et même les chefs de l'Église, chez les laïques et même
chez les prêtres, et la conscience perpétuellement vivante
de l'Église n'a pas réussi à les vaincre. Hélas! il Y a
aussi de tristes pages dans l'histoire de l'Église, 10;sq~Ie
les vagues des ténèbres ont b,alayé les murs de l'EglIse
et que leurs ombres se sont répandues sur elle. ;
La parabole du Sauveur aurait pu nous préparer
à ce fait que dans le champ de l'Église l'ivraie pous.s;ra
à côté du froment: dans toute famille, dans toute socICté,
dans toute paroisse) il y a aussi de l'ivraie. Nous en
 2c8 LE SYMBOLE DES APÔTRES ·
gémissons, nous en pleurons et . nous travaillons pour
que l'ivraie diminue de plus en plus, - seulement
notre foi ne doit pas sombrer. En effet Notre-Seigneur
n'a-t-Il pas dit aussi : « Malheur à l'homme par qui
le scàndale arrive! » (S. Matthieu, XVIII, 7). Et n'a-t-IJ
pas dit encore : « Au temps de la moisson je dirai aux
moissonneurs : cueillez d'abord l'ivraie et liez-la en
gerbes pour la brûler )l (S. Matthieu, XIII, 30 ).
C) Mais ainsi nous comprenons bien des choses.
a) Nous comprenons que l'Église ait des prières
délicieuses mais qu'il y ait aussi des gens dont toutes
les prières ne soient qu'un mouvement des lèvres sans
âme. Elle est noble et émouvante la liturgie de l'Église,
mais certains prêtres par leur précipitation la trans-
forment en gestes ridicules. Suivant les désirs et dans
. la pensée de l'Église ses prêtres sont les combattants
valeureux de la pensée du Christ, mais il ya aussi parmi
eux des âmes faibles, des hommes mesquins et grossiers.
Certains fidèles peuvent être fervents, pieux, con-
sciencieux, mais ils peuvent aussi être en même temps
insupportables et capricieux.
A-t-on le droit de s'en scandaliser? Seul en a le
droit celui qui ne voit pas que l'Église est éternelle,
mais que ses membres et ses prêtres naissent et meurent,
qu'ensuite en arrivent des nouveaux et qu'il faut tout
recommencer depuis le début : guérir leurs nouvelles
faiblesses, leurs mesquineries terre à terre, leurs
nouveaux défauts.
b) Oui, l'Église reste sainte, immaculée et sans ride ,
malgré tout cela, bien que · ses membres commettent
des fautes ou des péchés. Car comme l'hommel l'Église
LE VISAGE TERRF,STRE DE L'ÉGLISE 2°9
est aussl~ composée d'un corps et d'une âme. Le corps
de l'Église, c'est nous, I~s membres; l'âme c'est le
Saint-Esprit. L'homme n'est pas responsable de ce
que fait le corps contre la volonté de l'âme, sans son
autorisation; l'homme est seulement responsable des
actes où il y a eu consentement de l'âme. Or il en
est de même pour l'Église. Elle n'est pas responsable
de ce que fait son corps, de ce que font ses membres,
contre la volonté de son âme, le Saint-Esprit. C'est
ainsi que l'Église reste pure et immaculée même aux
époques les plus tristes. Ce que nous trouvons en elle
d'immondices ne vient pas d'elle, mais lui a été apporté
du dehors.
Nous devons nous en souvenir, quand nous lisons
l'histoire de l'Église et que nous y trouvons des pages
noires. Nous devons nous souvenir que l'Église a
deux histoires. L'une, la véritable histoire, mais que
des yeux humains ne peuvent percevoir : l'histoire
de la vie de la grâce qui jaillit des sept sacrements,
et de la divinisation des âmes. L'autre qui se déroule
sous nos yeux, l'histoire du corps de l'Église où il y a
sûrement des fautes, des faux pas et des péchés de
toute sorte : même l'arbre le plus sain a des fruits
tombés et l'armée la meilleure a aussi ses déserteurs.
II
LES PAGES LAMENTABLES DE L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE.
Si nous considérons sans parti pris ce que nous
venons de dire, notre foi ne fera pas naufrage à cause
 ,
210 LE SYMBOLE DES APÔTHES
des tristes pages de l'histoire de l'Église que les ennemis
de l'Église catholique ont l'habitude de montrer avec
un air de méchanceté triomphante.
A) Qui, par exemple, n'aurait pas encore entendu
parler des « mauvais papes»? Que devons-nous penser
de la question? Est-il vrai qu'il y a eu aussi des mauvais
papes ?Et s'il y en a eu, quel doit être notre jugement?
a) Les catholiques appellent le pape: « Saint-Père ».
Et quand ils parlent de lui, ils disent : « Sa Sainteté ».
Cette expression magnifique s'applique-t-elle à la
personne ou à la dignité? Voulons-nous dire par là
que quand quelqu'un devient pape, il ést déjà un
saint?
Eh bien! non. C'est ta charge, la dignité qu'il revêt,
qui est sainte. Et cette dignité en fait l'oblige à s'efforcer
d'atteindre lui aussi à la plus grande sainteté de vie.
Et nous voyons en réalité que parmi les 261 papes
il y a eu 81 saints canonisés, 33 martyrs et 7 bien-
heureux, sans compter ceux qui ont mené une vie véri-
tablement sainte, mais n'ont pas encore été canonisés
par exemple un des papes les plus récents, Pie X.
Chose étrange, il y a des hommes qui dans cette
magnifique histoire de dix-neuf siècles n'aperçoivent
que les quelques années ou dizaines d'années couvertes
d'ombres. Le soleil a aussi des taches. Mais y a-t-il
quelqu'un pour en être choqué et tourner le dos au
soleil? Et à cause des quelques pages sombres et
brumeuses de l'histoire des papes allons-nous oublier
les nombreuses pages lumineuses et édifiantes, en
parcourant le volume tout entier?
b) Mais s'il est vrai, et si nous pouvons affirmer avec
LE VISAGE TEHRESTRE DE L'ÉGLISE 2II
fierté, que chez le plus grand nombre des papes
l'expression « Très Saint Père » ne convient pas se~~e­
ment à la dignité, mais aussi à la personne, la venté
nous oblige cependant à reconnaîtr.:: avec douleur
que, tout comme parmi les douze apôtre~, il y a eu un
Judas, de même parmi les 261 papes 11.y en a eu
aussi quelques-uns - qui ne fUl'ent pas dignes de leur
charge.
Si pénible que soit cette co~statation, elle ne peut
pourtant pas ébranler notre foi. Les papes aux noms
desquels s'attachent de tristes souvenirs, furent surtout
en lutte les uns avec les autres, soumis à l'influence
de partis puissants et por~és sur le trône ~ontifical
par l'ambition de leur famille ou de leur natlOn.
Il y a donc eu aussi des mauvais papes? Malheureu-
sement oui.
En résulte-t-il pour cela que le Christ n'ait pas
fondé la papauté? Pas du tout. .
En effet, le Christ a prédit que l'enfer déchaînerait
toutes les attaques contre l'Église. Et aurait-il pu
songer à une attaque plus dangereuse que celle qui
atteindrait l'Église dans son chef?
Les mauvais papes sont donc aussi une preuve de
l'origine divine de l'Église. Car si la religion catholique
était une création humaine, alors elle aurait été irrémé-
diablement ruinée\ par 1es mauvats. papes. ~
B) Précisément cette idée ouvre de nouveaux po~nts
de vue qui éclairent encore davantage la questlOn.
Le rôle de la divine Providence dans l'Église.
Lorsque Notre-Seigneur Jésus- Christ plaça son
Église dans le monde, il la munit de ce viatique :
 212 LE SYMBOLE DES APÔTRES
« Voici que je suis avec vous tous' les jours jusqu'à la
fin du monde» (S. Matthieu, XXVIII, 20). Et Notre-
Seigneur a réellement toujours protégé son Église et
a été avec elle dans toutes les luttes et les épreuves
qu'elle a dù souffrir jusqu'à présent dans le monde.
a) Avec quelle sollicitude la Providence a guidé son
Église!
D'abord, il y a eu' trois siècles de persécutions
,sanglantes. Lcur but était de faire mùrir l'Église du
Christ en vue de la domination spirituelle et de prouver
que la vérité ne serait vaincue par aucune terreur
sanglante.
Aussitôt après la victoire de la vérité, l'Église put
entreprendre une nouvelle tâche : l'éducation des
peuples. Mais maintenant, à côté du triomphe des force8
de la vérité devait prendre place la victoire morale de
la cgnquête des nations barbares; par une patience et
une charité sans exemple, ou par une sévérité et une
discipline paternelles, ou même par l'éclat de ses
pompes extérieures.
Combien se scandaliseraient aujourd'hui de la sévérité
et des pompes de l'Église au moyen âge! Pourtant si
l'Église - dans l'intérêt du salut de l'âme de ses enfants
- a combattu, a frappé de l'excommunication, a puni
les obstinés, seul peut s'en scandaliser celui qui n'a
pas encore vu une mère en train de punir ou les yeux
chargés de menace d'un père, lorsqu'ils élèvent des
enfants indisciplinés ou cherchent à les protéger dans
les dangers. Il ne nous faut pas envisager tout cela
du point de vue actuel, mais d'après la manière de
penser de cette époque.
LE VISAGE TERRESTRE DE L'ÉGl ,ISE 21:)
Et si les . évêques 'au moyen âge galopaient sur des
coursiers fougueux et défilaient devant leurs peuples
suivis d'une escorte éblouissante, s'ils résidaient dans
des châteaux, comme « des 'princes de l'Église »...
tout cela évidemment nous paraît actuellement inima-
ginable. Mais ne soyons pas choqués qu'il en fût ainsi
autrefois. En effet, on n'aùrait pas pu gàgner au Christ
un peuple habitué à l'éclat, aux pompes extérieures
et au faste avec des moines allant nu-pieds, mais il
fallait des princes de l'Église passant sur des coursiers
écumants en vêtements d'or et d'argent.
Et voilà pourquoi au moyen âge les évêques allaient
à cheval et étaient aussi de riches seigneurs ...
Seulement ...
b) Seulement la divine Providence sait bien quand
l'Église a besoin de la puissance extérieure pour
réaliser son but et aussi quand elle n'en a pas besoin.
Et quand elle n'en a pas besoin et quand il vaut mieux
' qu'elle en soit privée pour la direction des âmeR;
alors Dieu a soin de l'ôter des mains de l'Église et de
la remplacer par autre chose.
Pour dompter les peuples barbares du moyen âge,
l'Église avait aussi besoin de la force extérieure, tempo-
relle. Mais aujourd'hui, il semble que la divine Provi-
dence veuille rapprocher l'Église des âmes sans la
puissance politique, sans les biens terrestres, en dehors
de l'influence de l'État, uniquement par la force de
l'amour et de la charité. Quoi qu'il en soit, tout arrive
comme le veut la Providence. Mais il est sûr .que,
quels que soient les changements que l'avenir réserve,
l'humanité ne pourra jamais se passer de l'amour des.
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
prédicateu lS du Christ ni de la force qui prêche la
fidélité au devoir et la pureté des mœurs) dans ses
institutions politiques et sociales.
Tant ' que les enfants sont encore en bas âge, ils ont
fréquemment besoin des avertissements de leurs
parents et méritent parfois même de sérieuses punitions.
C'est pourquoi dans les siècles ancieu's sortaient fré-
quemment des lèvres de l'Église des paroles de blâme,
et même si cela ne suffisait pas, elle frappait de l'excom-
munication les gouvernants et les peuples.
Aujourd'hui lea peuples sont devenus majeurs.
L'Église ne cesse évidemment pas de demeurer leur
mère, mais elle leur parle comme les parents font
avec leurs enfants devenus grands, - aujourd'hui
encore elle fait des reproches, quand il le faut, non plus
sur le ton sévère d'autrefois, mais bien plutôt avec les
accents d'un amour inquiet. Aujourd'hui encore il
y a parmi vous des évêques et des prêtres, mais ils
n'ont plus le droit de vivre en seigneurs derrière les
fenêtres grillagées des évêchés, ils compatissent dans
leur âme aux souffrances de corps et d'âme de leurs
fidèles.
Mais de même que le Christ était avec l'Église,
quand elle était entourée de cet éclat mondain, de
cette puissance et de cette splendeur, il sera aussi avec
l'Église, si un jour, peut-ftre, elle est obligée, dépouillée
de toute puissance et de tout éclat extérieur, de continuer
sa sainte mission de prêcher à ses fide/es la doctrine du
Christ.
Saint Pierre, le premier pape, avait un bâton pastoral
en bois. Pie XI) le 26l e pape, a une crosse- d'or et
LE VISAGE TERRESTRE DE L'ÉGLISE 21 5
d'argent. En quoi sera celle du dernier pape? Qui
pourrait le dire?
a) Si Notre-Seigneur Jésus-Christ venait actuellement
au Vatican et y recevait les hommages du pape descendu
de son trône et prosterné devant Lui dans la poussière,
très certainement, il n'enlèverait rien à sa puissance~
ni à son champ d'activité, mais rien non plus à son
train de cour, à son habitation, à ses ornements d'or.
En effet, c'est la divine Providence qui a voulu
que durant les trois premiers siècles, les papes ne
fussent pas sur ·un trône, mais en prison et que des
32 premiers papes, 30 mourussent martyrs. C'est
la divine Providence qui a voulu qu'au moyen âge,
les papes et les évêques fussent sur des trônes, entourés
de splendeJlr et de faste pour conduire le troupeau
du Christ. Mais de même la divine Providence pourrait
aussi vouloir qu'un jour le vicaire du Christ fût obligé
de redescendre dans la nudité des catacombes.
b) Nous ne connaissons pas l'avenir. Nous ne savons
pas ce que la Providence réserve à l'Église.
Mais nous savons une chose. Nous savons que l'Église
a deux visages, humain et divin. Nous savons que
l'activité de l'Église est composée de ces éléments
humain et divin et seuls ceux qui n'y songent pas se
scandalisent des fautes et des poussières qui s'attachent
à l'Église.
Précisément parce que l'Église est composée
d'hommes, toujours des faiblesses humaines y pénètrent.
N'ayons pas honte de reconnaître avec l'apôtre saint
Jacques que « nous péchons tous en beaucoup de
choses If (S. Jacques, III, 2). N'ayons pas honte de
1
LE SYMDOLE DES APôTRES
1
reconnaître que nous avons nos défauts et que pèsent
sur nous les imperfections de milliards de chrétiens
depuis dix-neuf siècles. Mais à côté des petitesses
humaines, il faut aussi songer à la grandeur divine.
Sur le visage de l'Église, il ne faut pas voir seulement
les tr~its humains, mais aussi les traits divins, de sorte
qu'il est impossible de ne pas songer à une sollicitude
manifeste de la divine Providence.
Celui qui regarde sans parti pris l'Église, même
derrière ses rides de dix-neuf siècles, s'aperçoit combien
le Saint-Esprit agit inlassablement en elle avec une
force qui ne décroît pas.
Celui qui voit tout cela est aujourd'hui encore
obligé de s'écrier, comme Jacob, lorsqu'il se réveilla
après son songe : « Certainement le Seigneur est en
ce lieu et je ne le savais pas » (Genèse, XXVIII, 16).
Il est obligé de rendre le témoignage que N otre-
Seigneur a rendu de Lui-même : « Les aveugles
voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéri5,
les sourds entendent, les morts ressuscitent ... Heureux
celui qui ne se scandalisera pas à mon sujet »
(S. Matthieu, XI, 5-6).
Et maintenant, mes frères, répondez à une question:
Pouvez-vous regarder ainsi l'Église, avec l'enthousiasme
d'une piété filiale? Ou bien, lorsque sur la plage ou
dans une atmosphère viciée par la fumée des cigarettes,
on calomnie notre sainte religion, ne vous joignez-vous
LE VISAGE TERRESTRE DE L'ÉGLISE 21 7
pas faciiement aux railleurs et ne jugez-vous pas aussi
rapidement que le savetier de Venise?
Que faisait donc ce brave savetier? Il se tenait en
badaud devant le tableau d'un célèbre peintre italien
et quand on lui demanda si le tableau lui plaisait,
il répondit en haussant les épaules: « C'est beau, c'est
beau. Mais un crochet de la chaussure d'un des person-
nages n'a pas été peint à la bonne place ».
Mes frères, notre Église suit la routé de l'histoire
depuis dix-neuf siècles. Cette route est certainement
poussiéreuse, raboteuse, - serai-je scandalisé de ce
que ses pieds sont aussi couverts de poussière? Serai-je
scandalisé de ce que l'idéal et la réalité ne se recouvrent
pas toujours exactement, comme ils ne se recouvrent
jamais nulle part, là où intervient une main humaine.
L'Église a deux visages. Et je t'aime, Église catholique,
ma Mère, malgré les rides de ton visage, je t'aime malgré
les quelques défauts de ta vie extérieure, car j'aime ton
visage intérieur, ton âme, la source de ta vie intime :
i' aime Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen.

xv
L' « INTOLÉRANCE» DE L'ÉGLISE
Le sermon de ce jour sera ]a suite logique de celùi
de dimanche dernier. Pour formuler un jugement
impartial, il est nécessaire que nous regardions en
face les objections que soulèvent contre notre Église
les esprits superficiels; celles qui concernent des
défauts réels de la vi~ de l'Église, et celles aussi qui
concernent des défauts apparents et qui ne peuvent
être appelés ainsi qu'à la suite d'un jugement précipité
et partial.
Il y a eu dans l'histoire de l'Église des pages réelle-
ment tristes et il y a eu aussi dans la vie de l'Église
des événements dans lesquels le côté humain de
l'Église est malheureusement trop accusé. Nous les
regrettons et nous travaillons pour que l'élément
humain soit de plus en plus rejeté à l'arrière-plan
dans l'Église. Il ne sera donc jamais possible d'écarter
otalement ces défauts, car ils vont de pair avec le
L' « INTOLÉRANCE » DE L'ÉGLISE 2i9
double visage de l'Église, avec sa double nature, divine
et humaine, comme il en a été question dans le sermon
précédent. ,
Mais il y a eu aussi dans l'Église des qualités, il y
a eu dans sa vie des manifestations que certains
regardent comme des défauts, des lacunes et des
imperfections, mais qu'il est impossible d'appeler
ainsi. Nous entendons à chaque instant des allégations
lancées à la légère par des gens frivoles ou mal disposés;
il vaut donc la peine d'examiner en détail ces prétendus
défauts de notre Église, pour nous rendre compte si
ce sont des défauts ou plutôt des vertus, si nous devons
nous en scandaliser ou bien plutôt y reconnaître les
marques de la véritable Église.
Et pour pouvoir examiner en face ces difficultés,
j'y consacrerai non seulement le sermon d'aujourd'hui,
mais encore celui de dimanche prochain.
1
L' « INTOLÉRANCE » DE NOTRE ÉGLISE A L'ÉGARD
DES AUTRES RELIGIONS.
Parmi les (! défauts » que certains nous reprochent
si aisément le courage et la franchise de l'Église catholique
jouent peut-être le premier rôle; c'est pourquoi nous
sommes obligés d'entendre la plupart de ces reproches
c'est pourquoi on dit de notre Église qu'elle est (( into-
lérante » à l'égard des autres religions.
 L' « ' INTOLÉRANCE » DE L'ÉGLISE 221
220 LE SYMBOLE DES APÔTRES

contredit déjà cette affirmation que « toutes les religions

« Comment l'Église catholique peut-elle être aussi
sont bonnes ).
intolérante! entend-on dire à chaque instaht. Elle
b) ]\lIais la saine raison aussi la contredit. Admettons
proclame qu'elle seule est la religion du salut. Or,
que les représentants des diverses religions sment dans
n'est-il pas indifférent que Dieu soit adoré dans telle
la même salle les uns à côté des autres : quelle confusion
église plutôt q'ue dans telle autre? Les autres confes-
il y aurait! Brahma, Mahomet, Mars, Jupiter, Luther,
sions chrétiennes du moins reconnaissent la légitimité
Calvin, les idoles, Bouddha, les dieux de l'Olympe -,
des autres religions; mais l'Église catholique ne le
sont-ils tous également dignes de notre culte? L'un '
fait pas. Elle dit qu'en dehors d'elle il n'y a pas de
enseigne une chose totalement opposée à la doctrine
salut. N'est-ce pas épouvantable? Serait-il possible que
de l'autre. L'un adore ce que l'autre , rejette.
quiconque n'est pas catholique soit damné »?
« Toutes les religions sont bonnes ;) - cette maxime
C'est ainsi qu'on se révolte souvent contre l'Église,
a déjà pénétré dans le peuple, mais a-t-elle rendu les
qu'on s'indigne et se scandalise, mais seulement
hommes plus religieux? Pas du tout. Elle les a rendus
parce que A) d'une part, on ne réfléchit pas à ce que
irréligieux. Car c'est la suite logique. Si toutes les
l'on ~it, B) d'ilUtre part, on ne connaît pas là doctrine
religions sont bonnes, alors chacune, en particulier,
de l'Eglise ou bien on ne la connaît qu'à moitié.
n'est pas bonne. « Toutes les religions sont bonnes » -
A) Il convient à un homme raisonnable, lorsqu'il
ceux qui le d:'lent sont ceux qui n'ont plus de religion.
affirme quelque chose, de réfléçhir aussi à toutes ses
c) Mais cette affirmation est aussi contraire à la morale.
conséquences. Eh bien! réfléchissons à ce qui résulte
La religion pénètre profondément la vie de l'homme.
de cette affirmation que chacun peut adorer Dieu
C'est elle qui crée la civilisation et la culture morale. '
dans n'importe quelle religion, c'est-à-dire que toutes
Si le fondement religieux est faux, la formation du
les religions sont également bonnes.
~euple est fausse aussi. Les dieux de l'Olympe sont
a) Si toutes les religions sont également bonnes,
Immoraux : les peuples grec et romain sont sans
alors nous ne comprenons pas pourquoi chaque religion
moralité. Les statues de Bouddha sont inertes : ses
s'efforce de gagner à soi les hommes. A quoi bon alors
serviteurs sont inertes, sans énergie. Oui, telle religion,
tous ces grands efforts pour faire des conversions?
tel peuple. Elle n'est donc pas indifférente la nature
Si toutes les religions sont également bonnes, alors
de la religion. ' .
pourquoi des centaines de sectes, les Baptistes, le~
Dans l'Hindoustan, on se jetait sous les roues des
Nazaréens, les Méthodistes, les Adventistes, les Sabba-
voitures des dieux. A Carthage, on tuait des enfants.
tistes, les Salutistes, etc., montrent-elles tant d'activité
A La Mecque, on faisait des hécatombes humaines -
parmi nous?
Eh bien! n'est-ce pas, l'expérience quotidienne et tout cela est indifférent à Dieu? Tout cela est égale~
222 LE SYMBOLE DES APÔTRES
ment agréable devant Dieu? La vie d'un saint Louis
de Gonzague aurait la même valeur pour Dieu que
celle d'un sultan turc avec son harem de cent cinquante
femmes? La charité héroïque d'un saint Vincent de
Paul serait 'équivalente à l'attendrissement sentimen'jal
dont se contentent certaines religions?
Le païen idolâtre prie de cette manière : « Taureau,
c'est toi qui es dieu; cigogne, ibis, chat, c'est toi Qui
es dieu, je t'adore ». Et qu'est-ce que Dieu en dit t
Il approuve, il trouve cela bien, puisque « toutes les
religions sont bonnes ».
Les anciens Romains priaient ainsi : « Vénus, tu es
une déesse, la déesse de l'impureté, moi aussi je serai
impur. Mercu~e, tu es un escroc, moi aussi je le serai.
Mars, tu es un emporté, moi aussi je le serai. Mais
le catholique fait cette prière : « Seigneur, Vous ête~
la pureté, aidez-moi à être pur. Seigneur, Vous êtes la
justice, aidez-moi à être juste. Seigneur, Vous êtes la
douceur, aidez-moi à être doux ». Est-ce que cela est
indifférent à Dieu? Mais si « toutes les religions sont
bonnes )) alors cela doit Lui être indifférent. Vous
voyez, mes frères, il suffit de réfléchir aux consé~uences
de cette affirmation jetée à la légère que « peu Importe
l'église où nous adorons Dieu )). Mais ils se scandalisent
facilement ceux qui ne réfléchissent pas à ce qu'ils
disent.
B) Ils se scandalisent pareillement ceux qui ne
connaissent pas exactement ou ne connaissent qu'à
moitié la doctrine de l'Église. Notre Église soutient
réellement qu'elle seule est la véritable Église du
Christ, donc l'Église catholique est la seule Église qui
L' « INTOLÉRANCE )) DE L'ÉGLISB 223
pU1~sse nous sauver et en dehors d'elle il n'y a pas de
salut. Que de difficultés, que d'objections sommes-
nous obligés d'entendre de ceux qui ne comprennent
pas bien ce dogme de foi 1 « Comment peut-on être
aussi intolérant, aussi arrogant 1 )) - disent-ils.
Or, il suffirait de bien comprendre ce dogme et tous
les malentendus disparaîtraient.
a) Lorsque notre religion proclame qu'elle est la
seule Église qui puisse procurer le salut - car c'est
ce qu'elle proclame réellement - elle dit par là qu'elle
est seule en possession des pouvoirs donnés par le Christ
à son Église et qu'elle seule conserve la totalité de la
révélation et la plénitude des instruments de grdce.
Oui, c'est ce qu'elle enseigne.
Quoi donc?
Que le Christ n'a donné qu'une barque sur laquelle
on peut traverser la vie de manière à aborder sur les
rives de l'éternité bienheureuse. Que le Christ n'a
fondé qu'une seule Église et c'est l'Église catholique.
Qu'elle seule conserve la doctrine que le Christ
a prêchée, les pouvoirs qu'Il a donnés. les instruments
de grâce qu'Il a institués pour fortIfier et guider
les âmes.
Mais comment l'Église ose-t-elle affirmer cela?
N'y a-t-il pas d'orgueil à affirmer qu'en dehors de
l'Église il n'y a pas de salut jl
Mais ce n'est pas nous qui l'affirmons. c'est Notre-
Seigneur Jésus-Christ qui en a ainSI décidé. Dieu est
le souverain Maître de ses créatures. Il a le droit de
leur prescrire la route à suivre. « Nul, s'il ne renaît
de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume
 LE SYMBOLE DES APôTRES
224
de Dieu» (S. Jean, III, 5). « Je suis la voie, ta vérité,
la vie» (S. Jean, XIV, 16), celui qui ne suit pas cette
voie périra. c Celui qui c~oira et sera baptisé sera
sauvé; celui qui ne croira pas sera condamné» (S. Marc,
XVI, 16).
Ces paroles sont décisives, impossible de tergiverser
et de leur donner un autre sens.
b) On reproche à notre Ég!ise d'être « intolérante »,
parce qu'elle ne reconnait pas les autres confessions
comme véritables religions du Christ. Mais ce n'est
pas ['Église qui est intolérante, c'est la vérité elle-même.
La vérité est intolérante, parce qu'elle ne supporte pas
l'erreur à côté d'elle. Le rayon de soleil est intolérant,
parce qu'il ne supporte pas de glace à côté de lui.
Les mathématiques sont intolérantes, ' parce qu'elles
ne supportent pas que 2 X 2 = 5. Enfin l'Église catho-
lique est intolérante, parce que le Christ n'a fondé
qu'une seule Église, une seul~ religion. Si elle croit être
la véritable Église du Chnst, dès cet instant elle est
obligée d'affirmer que les autres confessions ne sont
pas len possession de toute la doctrine du Christ, c'est-
à-dire que celui qui n'est pas membre de l'Église
catholique, ne peut être sauvé.
c) « Ah! Voilà préèisément l'orgueil! - s'exclame-t-on.
Comment peut-on dire pareille chose? Que le protestant,
le juif, le musulman, le païen sont tous damnés?
Mais qui dit cela? - demanderai-je à ceux qui
s'indignent ainsi.
C'est vous qui venez de le dire! Celui qui n'est pas
membre de l'Église catholique sera damné.
Oui~ oui!.. . malI; attendez un peu. C'est. vrai que
L' « INTOLÉRANCE » DE L'J~GLrSE
celui qui n'appartient pas à l'Église catholique sera
damné. Mais on peut appartenir à l'Église catholique
de deux manieres. On lui appartient, quand on a été
baptisé catholiquement et que p'1r là on a été admis
parmi les membres de l'Église: il y a au monde environ
360 millions de catholiques de ce genre. Mais nous
comptons aussi parmi les catholiques cette foule
d'hommes de bonne volonté, quelle que soit la religion
dans laquelle ils sont nés, qui, sans qu'il y ait faute
de. leur part, ne connaissent pas l'Église catholique,
qUI sont persuadés de la vérité de leur religion et en
observent les préceptes. Ils sont membres en âme et
en désir de l'Église; en conséquence ils participent aussi
à la vérité et aux grâces du Christ.
Il y a donc dans le monde environ 360 millions de
catholiques - dans les registres de baptêmes de la
terre; mais dans le . registre de baptêmes du ciel -
c'est-à-dire devant Dieu qui sait tout - ils sont
beaucoup plus. En effet l'Église catholique regarde
comme ses enfants - quelle sublime doctrine! -
tous ceux même d'une autre religion, qui, comme
l'enfant prodigue, se trouvent en route vers la maison
de leur Père, mais à cause du brouillard et des ténèbres
n'ont pas encore pu la trouver. Notre Église ne peut
pas oublier ces paroles du Sauveur : « J'ai encore
d'autres brebis qui ne sontl .. pas de cette bergerie »
(S. Jean, X, 16) et de même que nous n'enseignons
pas que tous les catholiques seront sauvés, de même nous
n'enseignons pas que tous les membres des autres reli-
gions seront damnés. En effet le païen de bonne foi ou
i' égaré de bonne foi appartient d'âme et de désir à i' Église.
Symb. de. Ap. t. V Il
226 LE SYMBOLE DES ,ApôTRES
C) Mais je crois, mes frères, que nous pouvons
maintenant répondre à la question, notre religion
est-elle vraiment intolérante?
La réponse est simple et claire : Certainement
dans nos dogmes, nous sommes intolérants; mais nous
ne le sommes pas dans la vie civique et sociale.
a) Nous sommes intolérants dans les questions dogma-
tiques. Il n'y a qu'une religion qui puisse être la vraie:
c'est le catholicisme. Nous en sommes persuadés.
Une religion qui n'ose pas affirmer cela d'elle-même
commet un suicide. Mais notre Église ose l'affirmer.
Et elle ose aussi en tirer les dernières conséquences.
Aussi ne peut-elle permettre que nous participions
à un culte d'une autre religion, car ce serait de l'apos-
tasie. Aussi ne peut-elle permettre que les enfants
d'un mariage mixte soient d'une autre religion, car
ce serait une apostasie. Ce dogme est-il sévère?
Il l'est. Mais si l'Église cédait, on pourrait dire :
l'Église elle-même ne croit pas à sa vérité.
L'Église catholique est-elle intolérante? Oui, mais
Notre-Seigneur Jésus-Christ l'était aussi, quand il a dit
que celui qui n'écoute pas l'Église « soit pour toi
comme un païen et un publicain» (S. Matthieu, XVIII, 17).
Ils l'étaient aussi les apôtres, lorsqu'ils excom-
muniaient les hérétiques : « Quand nous-mêmes ou
un ange venu du ciel vous annoncerait un autre Évangile
que celui que vous avez reçu qu'il soit anathème »
(Galates, l, 8).
Dans ·les questions dogmatiques nous sommes donc
réellement intolérants, tout comme sont intolérantes
non seulement les vérités de foi, mais aussi toutes les
L' « INTOLÉllANCE » DE L'ÉGLISE 227
autres vérités. 2 X 2 ne « tolèrent II pas qu'ils fassent 5.
Le jardinier ne « tc(ère » pas l'herbe dans un parterre
de fleurs. Le maître ne « tolère» pas une réponse fausse,
le médecin ne « tolère » pas la maladie ni le juge le
criminel. Dès que je suis persuadé qu'une chose
est vraie, dès cet instant, je suis intolérant à l'égard
de celui qui s'oppose à ma conviction.
Et c'est juste. Seulement je ne dois pas exiger que
celui qui est d'une autre opinion soit obligé de courber
la tête.
b) C'est pourquoi, si nous proclamons l'intolérance
dans les questions dogmatiques, nous ne la proclamons
pas également dans la vie civique. Sans doute, nous
sommes en guerre avec l'erreur, mais nous voulons
être en paix avec les hérétiques.
M éprisons-nous donc les autres religions ? Oh! non.
Bien que nous regrettions qu'ils ne soient pas parmi
nous et bien que nous priions ardemment pour que se
réalise l'ardent désir du cœur de Notre-Seigneur
qu'il n'y ait qu'un troupeau et qu'un pasteur, nous
savons respecter les convictions' des autres. Mais
nous ne pouvons rien céder des principes de notre foi
et nous ne pouvons pas dire « toutes les religions
·sont bonnes », car cela équivaudrait à dire que « toutes
les religions ne valent rien ».
Je pense, . mes frères, qu'après ces explications
je n'ai plus rien à dire sur les objections qu'on nous
adresse constamment.
« Celui qui n'est pas membre de l'Église ne sera pas
sauvé ». A première vue une phrase réellement sévère.
Mais quand on sait que l'Église catholique range parmi
228 LE SYMBOLE DES APôTRES
ses membres tout homme de bonne volonté qui croit
inébranlablement que sa religion est la bonne et qui
utilise tous les moyens de cette religion pour servir
Dieu, alors réellement il n'y a rien de « terrible» dans
ce dogme. L'Église pourrait-elle être plus libérale -
donc non pas « intolérante », mais au contraire « indul-
gente » - que lorsqu'elle proclame que celui qui
extérieurement est bien loin de la véritable religion
du Christ et même peut-être n'a jamais entendu parler
du Christ, peut aussi appartenir à l'Église catholique.
Ainsi comprenons-nous que l'Église reconnaisse comme
siens les hommes qui ayant vécu avant le Christ, ont
aimé et servi Dieu sérieusement et enseigne qu'eux
aussi pouvaient être sauvés par les mérites du futur
Rédempteur.
II
L' « INTOLÉRANCE » DE NOTRE ÉGLISE
A L'ÉGARD DE sÈs PROPRES FIDÈLES.
- Mais l'Église catholique est encore obligée d'entendre
des critiques ,d'un autre genre. Certains lui reprochent
d'être intolérante à l'égard des autres religions. Mais
d'autres l'accusent d'une autre extrémité : d'être
intolérante mfme envers ses pmpres fidèles.
A) Il Y a des gens qui ne peuvent 'supporter le
principe d'autorité, la soumission, l'obéissance qui ne
supporte pas l'opportunisme, que l'Église exige de ses
pro2~es fidèles. « C'est trop - disent-ils. Quelles que
L' « INTOLÉRANCE » DE L'ÉGLISE 229
soient les prescriptions de l'Église, si profondément
qu'elles pénètrent dans la vie privée et familiale, il faut
lui obéir comme à la parole de Dieu ». '
a) Et c'est la vérité: De mfme que l'Église obéit à
Dieu; de m§me elle réclame l'obéissance de ses jùIèles
envers elle-même. Aussi l'obéissance est-elle la vertu
caractéristique du catholique, c'est ce que saint Paul
fait ressortir le plus de la vie du Christ: « Il s'est abaissé
lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et la
mort de la croix )~ (PhiIippiens, II, 8).
L'Église demande de nous une obéissance sans
condition, parce que le Christ lui a confié avec le soin
du salut de nos âmes une grande responsabilité. C'est
de l'Église que dépendent l'extension du vrai culte de
Dieu et l'extension des effets de la rédemption. C'est
à elle que s'adresse en premier lieu l'avertissement de
saint Paul : « prêche la parole, insiste à temps et à
contre-temps, reprends, menace, exhorte, avec une
entière patience et toujours en instruisant » (Ile Timo-
thée, IV, 2).
b) Si nous considérons ces choses, nous comprendrons
mieux la psychologie de l'ÉgHse. Nous comprendrons
pourquoi elle est si susceptible dans les questions de
respect de l'autorité : elle représente parmi nous
l'autorité divine. Si quelqu'un l'attaque, ce n'est pas
elle qu'elle sent attaquer, mais les droits de Dieu.
C'est ce sentiment de responsabilité que nous devons
découvrir dans il'attitude de l'Église exigeant une
obéissance inflexible, sans compromis.
Est-elle exagérée cette conviction qu'a l'Église que
~errière toutes ses prescripti9ns se trouve l'autorité
 LE SYMBOLE DES APÔTHES
23°
de Dieu, alors que le Fils de Dieu a prononcé ce~ paroles
extrêmement significatives : « Celui qui vous écoute
m'écoute, et celui qui vous méprise me méprise; or
celui qui me méprise, méprise Celui qui m'a envoyé»
(8. Luc, x, 16). Et dans une autre circonstance: « En
vérité je vous le dis, tout ce que vous lierez sur la terre
sera lié dans le ciel, et tout ce que vousdélierei sur
la terre sera délié dans le ciel» (8. Matthieu, XVIII, 18).
B) A la lumière de ces idées nous pouvons aussi
repondre à une autre objection. « De même gue l'Église
est intolérante à l'égard des membres des autres reli-
gions, de même elle est parfois trop sévère pour ses
propres fidèles et semble bien dure dans ses comman-
dements. Il y a des hommes qu'elle excommunie.
Aux uns elle ne permet pas de se confesser ni de com-
munier. D'autres voudraient se marier et l'Église catho-
lique ne les marie pas. C'est exagéré.
Mais il suffit d'examiner un peu plus à fond ces
allégations et on comprend le bien-fondé de l'attitude
de l'Église.
a) D'abord l'Église ne « maudit » personne. L'Église
du Christ a l'habitude de bénir, jamais de maudire.
Dans les cercles on ne « maudit » pas les membres
indignes mais on les « exclut ». L'Église aussi ne fait
que les exclure. Et si la dernière association d'un village
a le droit d'exclure ceux de ses membres qui n'obéissent
pas aux statuts de l'association, peut-pn refuser ce
droit à la plus grande association du monde, l'Église
catholique.
Mais d'abord il a fallu que quelqu'un ait gravement
transgressé un ordre de l'Église, pour que l'Église lui
L' « INTOLÉRANCE » DE L'ÉGLISE 23 1
déclare: Du moment que tu n'as pas ~bservé mes règles
fondamentales et que tu m'as tourné le dos, il ne me
reste plus autre chose que d'en tirer les conséquences:
je t'exclus de la liste de mes membres et naturellement
aussi de la jouissance de leurs droits. Voilà cette
« excommunication » si fréquemment évoquée.
b) Mais croyez bien que notre Église ne se décide
à cette peine douloureuse qu'à la dernière extrémité.
Prenons un cas précis. Un mariage mixte se prépare,
mais la partie non-catholique ne veut pas signer l'enga-
gement de faire élever catholiquement les enfants.
L'Église catholique ne peut pas admettre que même
un seul des enfants de ses membres soit élevé dans
une autre religion et c'est pourquoi, si l'engagement
n'est pas signé, elle ne procède pas au mariage. Les
gens vont alors se marier dans l'église d'une autre
religion. Mais dès cet instant la partie catholique a bravé
l'Église et s'est exclue de l'Église. Quelques années
après, sa conscience ne lui laisse plus de repos elle
voudrait se confesser, mais elle ne peut pas recevoir
l'absolution, parce qu'elle vit dans un mariage qui n'est
pas valide pour l'Église et ne , veut pas changer de
situation.
Mais alors survient la récrimination habituelle,
« l'Église est « cruelle », « sans cœur », elle ne laisse
même pas les gens se confesser ».'..,
Pourtant, mes frères, dites-moi, qui s'est avancé en
un geste de défi sur la route d'où il ne peut pas revenir?
L'Église souffre d'être obligée de sévir contre certains
de ses enfants; mais elle ne peut pas faire autrement,
,sans devenir infidèle au mandat du Christ. '
 LE SYMBOLE DES APôTRES L' « INTOLÉRANCE » DE L'ÉGLISE 233
de saint Paul: « Je vous exhorte, mes frères, à prendre
garde à ceux qui causent les divisions et les scandales,
s • .. en s'écartant de l'enseignement que vous avez reçu;
éloignez-vous d'eux. Car de tels hommes ne servent
Mes frères, sans le Christ il n'y a pas de salut. Mais point le Christ Notre-Seigneur ... Le Dieu de paix
sans l'Église non plus, car l'Église est le Christ vivant écrasera bientôt Satan sous vos pieds. Que la grâce
parmi nous. « Il ne peut avoir Dieu pour Père, celui qui de Notre-Seigneur Jésus-Christ - soit avec vous!
n'a pas l'Église pour Mère» (S. Cyprien). C'est ce qu'a (Romains, XVI, 17-20). Amen.
toujours affirmé le christianisme, aurait-on maintenant
le droit de le nier? La religion du Christ, c'est la religion
catholique - nous ne cédons rien de cette croyance.
Mais si nous affirmons que notre religion est la vraie, .
nous ne faisons pas tort à une autre; nous savons que
l'autre est dans l'erreur, cependant nous respectons ses
convictions religieuses. Mais nous ne cessons jamais
de prier pour qu'arrive le jour où se réalisera la plus
grande joie de Notre-Seigneur, qu'il n'y ait qu'un
troupeau et qu'un pasteur.
Chaque fois qu'on critique à la légère devant nous
la . sainte Église, rappelons-nous ces paroles de saint
Augustin (Enarratio in psalm. LXXXVIII) : Ct Aimons le
Seigneur, notre Dieu, aimons aussi son Église. Dieu
comme notre Père, l'Église comme notre Mère ...
A quoi bon confesser le Seigneur, vénérer et glorifier
Dieu, confesser aussi son Fils et reconnaître qu'Il est
assis à la droite de Dieu, si en même temps vous
méprisez son Église ?... C'est pourquoi; mes frères,
tenez-vous tous unanimement et courageusement près
de Dieu; notre Père et de l'Église, notre Mère ». Et
chaque fois que dans une société légère on offense
notre sainte religion" souvenons-nous de l'avertissement

XVI
LA {( MONDANITE Il DE L'ÉGLISE
MES FRbms,
La sainte Église du Christ n'a rien à dissimuler.
Son histoire dix-neuf fois centenaire est une suite si
ininterrompue d'activité grandiose et bénie que nous
apercevons tranquillement, sans épouvante, sur son
visage, quelques rides accidentelles et que nous lisons
sans déception dans les gros et magnifiques volumes
de son histoire les quelques pages déplorables où
l'élément humain apparaît douloureusement sur sa
face, tandis que s'obscurcissent les traits divins.
Le grand penseur hongrois, Joseph E6tv6s a raison
d'écrire: « Dans une histoire de près de deux mille ans
nous trouvons sans doute bien des choses qui semblent
viles. Les siècles, comme les eaux, ne déposent pas sur
leur passage leurs éléments les plus purs et si nous
considérons le long passé de la civilisation chrétienne,
réellement nous ne nous étonnons d'aucune de ces
excroissances, mais n'oublions pas de juger l'arbre
LA ( MONDANITÉ » DE L'ÉGLISE 235
non pas seulement sur son écorce fendillée qui
porte des cicatrices centenaires - mais aussi sur son
abondant feuillage, ses fleurs et ses fruits, et qui peut
regarder ainsi le christianisme sans reconnaître sa
grandiose bienfaisance? »
Dans notre dernier serlnon nous avons considéré
quelques-unes des critiques ·que des esprits superficiels
adressent gratuitement à l'Église et nous avons vu que
les choses ainsi reprochées n'étaient pas des défauts,
mais au contraire des vertus. Mais je ne voudrais pas
qu'il restât dans l'âme de mes chers auditeurs trace du
moindre doute. Aussi dans le sermon d'aujourd'hui je
continuerai à répondre à d'autres objections.
Dans le sermon de dimanche dernier il a été question
de la soi-disant « intolérance » de l'Église, dans celui
d'aujourd'hui il sera question cie la soi-disant «( mon-
danité » de l'Église. Je voudrais m'occuper aujourd'hui
du reproche que des gens adressent à la légère sous
le nom de sécularisation de l'Église. Qui n'a pas entendu
des phrases de ce genre: L'Église catholique est aujour-
d'hui bien éloignée du christianisme antique, elle n'est
plus la vieille Église du Christ. Le Christ avait dit :
« Mon royaume n'est pas de ce monde» (S. Jean, XVIII,
36), mais l'Église catholique avec la: fortune de ses
papes et de ses prêtres, avec son luxe, sa puissance
extérieure, la tiare d'or, ses ornements précieux ~st
certainement beaucoup de ce monde. PourquoI ce
puissant palais du Vatican, ces grands appartements,
ces trésors, alors que le Christ et ses apôtres n'avaient
pas où reposer leur tête. Pourquoi cette foule
 LE SYMBOLE DES APôTRES
d'employés, pourquoi le denier de saint Pierre, alors que
le Christ était pauvre et marchait nu-pieds. Pourquoi
ces nombreuses cérémonies, ces ornements sacrés d'or
et d'argent, ces pierreries et les richesses artistiques
des églises, alors qu'on pourrait aussi adorer Dieu
dans .le silence , d'une simple petite chambre. Voilà
dans quelle large mesure l'Église catholique ·s'est
mondanisée.
Mes frères, qui n'a pas entendu des critiques, des
reproches, des objections de ce genre ou analogues?
Qu'allons-nous faire? En avons-nous peur?
Pas du tout.
Envisageons-les courageusement. Regardons tran- .
quillement ces affirmations.
1
. L'ÉCLAT EXTÉRIEUR ET LA RICHESSH DE L'ÉGLISE.
Tout d'abor~ on nous reproche l'éclat extérieur de
la papauté et la richesse matérielle de l'Église comme
des signes certains de la « mondanité » de l'Église.
A) On reproche au pape le magnifique palais du
Vatican, ses grands appartements,~es fonctionnaires,
ses secrétaires, tout cet immense appareil administratif
avec lequel il dirige les affaires de l'Église universelle.
« Pourquoi tout 'cet immense organisme de direction?
demande-t-on sur un ton d'indignation. Il n'y avait
-rien de tout cela à l'époque du Christ lI.
LA « :MONVANITÉ )) DE L'ÉGLISE 237
a) C'est bien vrai: à l'époque du Christ il n'y avait
rien de tout cela. Parce qu'il n'en était auctinement
besoin.
Mais nous devons reconnaître que si Notre-Seigneur
Jésus-Christ a réellement voulu étendre son Église
dans le monde entier, il lui fallait pour cela une grande
organisation. A mesure que grandissait l'Église, il a
fallu que grandît aussi cette organisation. A l'époque
du Christ il y avait 12 apôtres et 72 disciples; mais
actuellement les 12 apôtres sont devenus 1500 évêques
et les 72 disciples 300.000 prêtres.
-Lorsque le Christ atteignit l'âge de trente ans, il ne
portait plus les vêtements qu'Il avait à trois ans, de
même le gouvernement d'une Église de 360 millions
de membres exige cette foule de paroisses et de diocèses
et les congrégations romaines c'est-à-dire ces ministères
variés qui en vérité n'existaient pas autrefois, parce
qu'ils étaient superflus dans l'Église primitive qui
comptait quelques centaines ou milliers de membres .
Mais on n'a pas le droit à cause de cela de dire que
l'ltglise catholique s'est mondanisée.
b) En outre;' si le Christ a réellement voulu étendre
sa religion dans le monde entier, certainement on ne se
scandalisera pas si chez les peuples occidentaux les
fidèles et les prêtres portent d'autres vêtements que
chez les orientaux, s'ils vivent dans d'autres logements,
dans d'autres formes sociales, se nourrissent différem-
ment et suivant les changements de temps. et les
progrès des époques, ne marchent pas' nu-pieds, ne
s'habillent pas de bure, ne mangent pas de sauterelles
ni de miel s~uvage ... On n'a pas le droit à c~~se de
 LE SYMBOLE DES APôTRES
{j<
cela de les accuser de s'être mondanisés et de s'être
éloignés du Christ.
Sans doute le Christ a dit à ses apôtres : « Suivez-
moi )J, mais Il n'a pas dit: « Copiez-moi )J. Oui, copions
son âme, son esprit, mais non son aspect extérieur.
Notre-Seigneur, vraisemblablement, marchait en
sandales ou peut-être nu-pieds, mais nous ne lisons
nulle part qu'Il ait dit: « Apprenez à marcher nu-pieds
à mon exemple », Il a dit: « Apprenez de moi que je suis
doux et humble de cœur» (S. Matthieu, XI, 29).
Notre-Seigneur mangeait du pain, du poisson, des
dattes, du miel, et allait à pied, mais Il n'a jamais dit:
« si vous n'allez pas à pied comme moi et si vous ne
mangez pas comme moi, vous ne pouvez pas être
mes disciples )J.
Notre-Seigneur avait vraisemblablement les cheveux
longs et portait la barbe, mais les prêtres actuels ne se
sont pas éloignés de Lui, parce qu'ils se font couper
les cheveux et la barbe.
Notre-Seigneur naviguait sur un canot à rames,
le missionnaire actuel voyage sur un transatlantique;
le Christ est entré à Jérusalem sur une ânesse, le succes-
seur actuel des apôtres ' circule en auto chez ses fidèles,
- et cependant il ne s'écarte pas du Christ. En effet
le Christ :,J voyagé, s'est habillé, a mangé et a parlé
comme les hommes de son époque; et on ne peut
reproch'u à son Église et à ses prêtres de suivre exté-
rieurement les usages des différents peuples et époques.
En Chine, les missionnaires portent la natte et j'ai vu
personnellement un évêque catholique indien portant
sur la tête la magnifique parure de plumes de sa tribu,
LA « MONDANITÉ )J DE L'ÉGLISE 239
mais je n'oserais pas affirmer pour cela qu'ils s'écartent
du Christ.
B) « Mais je vous en prie - réplique-t-on - il n'est
pas seulement question de choses pareilles. Dites-nous
donc pourquoi l'Église a-t-elle besoin de biens terrestres
et pourquoi le pape a-t-il besoin de tant d'argent
qui lui est envoyé du monde entier sous le no.m de
denier de saint Pierre? Lorsque le Saint-Siège falt une
nomination ou confère une distinction, lorsqu'il donne
uné dispense, par exemple à l'occasion d'un mariage
mixte, il faut payer une taxe, une compensation.
Actuellement on frappe même des monnaies du pape.
N'est-ce pas un signe de sécularisation? )) - demandent
certains.
, ., h
Et pour montrer que nous n avons nen a cac el'
relativement à notre Église je ne veux pas esquiver
ces questions.
a) L'Église du Christ sans doute n'est pas de ce
monde, mais elle exerce son action dans le monde. Elle
ne peut donc pas s'affranchir de cette loi générale
qui l'oblige à utiliser pOUl' son œuvre des moyens
matériels. En effet elle doit aussi payer ses employés,
on ne lui donne pas gratis le papier, les timbres, l'encre
et la lumière, elle ne peut non plus sans argent bâtir
des églises, secourir les pauvres, aider les missionnaires.
Notre-Seigneur Lui-même avait une caisse commune
avec ses apôtl'es qui était tenue pal' le malheureux
Judas (S. Jean, XII, 6); le Christ ne se scandalise donc
certainement pas si son Église possède aussi une caisse.
b) Le ga~llvernement de l'Église universelle exige
de l'argent, beaucoup d'argent et les catht)liql~es du
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
monde entier le fournissent sous le nom de denier de
saint Pierre. Le denier de saint Pierre est la contribution
versée à l'Église dans un but ecclésiastique. Mais c'est
une contribution volontaire - jamais personne ne vient
la recouvrer. C'est le seul impôt au monde que chacun
verse avec joie et de grand cœur. Car celui qui ne le
verserait pas avec joie ne le verse pas. 1"'
Mais - laissez-moi vous parler franchement -..,. le
pape ne dépense pas cet argent pour sa cuisine. Je ne
sais pas s'il y a une famille de la classe moyenne dont
la table ne soit pas de beaucoup supérieure à la table
du pape. J'en ai déjà parlé dans un de mes derniers
sermons; mais je suis forcé d'y revenir, parce qu'il y a
toujours des gens qui se figurent que le pape, quand il
s'assied pour déjeuner, porte une couronne d'or sur la tête.
Où va donc le denier de ' saint Pierre? Il va aux
œuvres charitables du pape, il va aux œuvres de bien-
faisance du pape qui secourent les fidèles frappés par
le sort dans toutes les parties du monde, il va aux
œuvres missionnaires.
La basilique Saint-Pierre au marbre étincelant
n'existe pas pour le pape, mais pour toute l'Église
catholique. Dans les magnifiques appartements du
Vatican ne vit pas un particulier fort riche' -- par
exemple un grand banquier - mais le chef de 360 mil-
lions de catholiques. Et si un petit royaume de ,~ ou
5 millions d'habitants attache de l'importance à ce que
le chef de l'état vive somptueusement dans un palais
grandiose, qui pourrait faire un grief à l'Église de
360 millions de catholiques s'il lui plaît de voir son chef
dans les splendides salles du Vatican?
LA « MONDANITÉ » DE L'ÉGLISE
Mais je répète avec insistance que tout cela n'est
pas chose essentielle pour l'Église. Et si un jour un
terrible tremblement de terre secouait le sol de Rome,
si tous les murs de la basilique Saint-Pierre s'écrou-
laient, si le feu consumait tous les musées, les œuvres
d'art et les appartements luxueux du Vatican, l'Église
ne perdrait aucune de ses valeurs vivantes. Il lui suffit
que subsiste le tombeau de saint Pierre, le tombeau
de ce Pierre qui est le prédécesseur de tous les papes
et la pierre de base de l'Église éternelle.
Voilà ce dont nous devons nous souvenir, lorsque
des esprits superficiels reprochent à l'Église de s'être
écartée de son antique simplicité et soutiennent que
le luxe et la puissance ont mondanisé la papauté.
Rappelons-nous le grand éloge que Schiller a fait des
papes, lorsqu'il écrivait d'une manière bien propre
à imposer silence à ceux qui ignorent l'histoire : « On a
vu des empereurs et des rois, des hommes d'état
éclairés et des guerriers indomptables, sous la poussée
des circonstances, sacrifier des droits, devenir infidèles
à leurs principes et céder à la nécessité; on n'a rencontré
que rarement ou même jamais pareille chose chez le
pape. Même quand il errait dans la détresse, qu'il
n'avait plus un pouce de territoire en Italie et qu'il
vivait de la charité des étrangers, il a toujours tenu
fermement pour les privilèges du Saint-Siège et de
l'Église ... Si différents qu'aient pu être les papes dans
leur tempérament, leur manière de penser et leurs
capacités, leur politique a été aussi ferme, aussi iden-
tique, aussi immuable. Leurs capacités, leur tempé-
rament, leur manière de penser semblent n'avoir eu
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
aucune influence sur leurs fonctions; leur personnalité,
pourrait-on dire, disparaissait dans leur dignité et les
. "o. . 0
paSSIOns s etelgnatent sous la tnple couronI}e. Dien
que, à chaque pape qui meurt, la chaîne de succession
soit brisée et renouée avec chaque nouveau pape, bien
que dans...,Ie monde aucun trône n'ait autant changé
de ma~tre, n'~it été occupé et quitté parfois brusque-
ment, Il a touJours été l'unique trône du monde chrétien
qui ait paru ne jamais changer de possesseur, parce
qu.e s~ul,s :es. papes mouraient, mais l'esprit qui les
ammaIt etait unmortel » (Schiller, Universalhistorische
Ubersicht der merkwürdigsten Staat~begebenheiten
zur Zeit Friedrichs 1). .
II
L'ÉCLAT DE NOS CÉRÉMONIES.
On ne peut donc pas reprocher à ' notre Église de
s'être mondanisée parce que, pour son immense activité,
elle a besoin d'une vaste hiérarchie et de nombreux
en:ployés. Mais elles sont aussi peu solides les objections
qUl veulent nous accuser de mondanité à cause des
splendeurs de notre liturgie et de la richesse des vêlements
et des objets liturgiques.
« Pourquoi cette foule de cérémonies qui ont lieu,
par exemple, à une messe pontificale? On se lève, on
s'assoit, on va ici, on va là, on encense, on sonne,
on chante ... Et ces riches ornements de velours ou de
soie, ces calices en or.. . Il
LA « MONDANITÉ » DE L'ÉGLISH 243
Vous voyez, mes frères, nous n'esquivons pas ces
reproches.
A) Tout d'abord n'oublions pas que derrière la
liturgie actuelle et les vêtements liturgiques il y a de
longs siècles, le legs précieux des vieilles .générations
chrétiennes, de nos ancêtres chrétiens.
a) Je suis moi-même persuadé que si l'Église réglait
auJourd' hui ses vêtements et ses cérémonies liturgiques,
elle le ferait autrement et sous une forme beaucoup plus
simple.
Mais ces vêtements et ces cérémonies, ces rites
et ces gestes ont été introduits, il y a bien des siècles,
à une époque où les gens vivaient eux-mêmes avec
un tel cérémonial et où les gens, aux jours de fêtes,
s'avançaient revêtus d'habits somptueux et couverts
de pierreries.
b) Mais alors pourquoi ne pas les simplifier con-
formément aux idées actuelles? pourrait-on
demander.
Il n'y a pas bien longtemps circulait à travers l'huma-
nité aveuglée par les progrès techniques ce mot d'ordre:
Débarrassons-nous du pas!lé! Oublions le passé!
Rien que le progrès, le progrès!
Mais actuellement nous commençons à nous dégriser.
Nous - commençons à découvrir que de même que
l'avenir sort du présent, de même le présent aussi ne
peut se construire que sur le passé. On commence
partout à apprçcier le passé et sous tous ses aspects. La
famille estime ses ancêtres et accroche fièrement leurs
images dans la chambre. La nation estime son histoire
et l'enseigne fièrement à la nouvelle génération. Dans
 LE SYMBOLE DES APôTRES
le peuple on estime les anciens costumes aux mnO'ni- b
figue~ couleurs et les anciennes cérémonies; on les
recueille dans le folklore et on ·Ies préserve de la dispa-
rition. M~is alors peut-on raisonnablement s'indigner,
si notre Eglise catholique est fière de son passé dix-
neuf fois centenaire et si sa piété respectueuse du passé
la détourne de simplifier même aujourd'hui ses antiques
et pittoresques cérémonies.
Nos ancêtres étaient vêtus de velours noir et de
manteaux de fourrure bordés de soutaches, ils portaient
des pantalons lacés et des bottes aux éperons sonores.
Aujourd'hui ce n'est plus la mode. Mais peut-on
trouver choquant qu'à l'occasion d'une grande fête
nationale, pour un événement notable de la vie publique,
on ne revête pas ses habits ordinaires, mais sa tenue de
gala? Mais si nous comprenons très bien cette attitude
à l'occasion d'un concours d'élégance ou d'une fête
nationale, pourquoi ne comprenons-nous pas de même
les plus grands événements de la vie religieuse et les
rites les plus solennels, la sainte messe et les autres
cérémonies ecclésiastiques?
Les soldats aussi portent un uniforme et dans les
circonstances plus solennelles une tenue de parade,
d'étoffe plus fine et garnie de soutaches d'or. Pourquoi
portent-ils un uniforme, alors qu'ils ·pourraient tout
aussi bien faire leur service en tenue de travail ou en
costume touriste? C'est pour que chacun s'aperçoive
qu'ils ·ne- sont pas de simples particuliers, mais des
serviteurs du pays. Personne ne reproche aux soldats
leur uniforme. Mais alors pourquoi n'apporte-t-on pas
la même compréhension pour les prêtres célébrant la
LA « MONDANITÉ » DE L'ÉGLISE 245
messe? Pourquoi critique-t-on l'Église de ce qu'elle
les revêt d'un uniforme de cérémonie, lorsqu'ils s'avan-
cent vers l'autel, alors qu'elle indique parees vêtements
qu'ils ne s'avancent pas comme particuliers, mais
comme serviteurs de Dieu? ;
B) Et nous voici arrivés à la seconde partie de la
réponse.
Ceux qui se scandalisent de nos riches ornements,
des calices en or, des églises décorées oublient que tout
ee luxe ne s'adresse pas à ceux qui le portent. mais à
Dieu dont le culte réclame à bOll droit les choses les plus .
belles et les plus précieuses.
a) Celui qui ne croirait pas que tout cet éclat et
toutes ces pompes liturgiques ne s'adressent pas à
l'homme, n'a qu'à assister au couronnement du llouveau.
pape; il remarquera que, lorsque le pape entre dans la
basilique Saint-Pierre, au milieu des plus grandioses
solennités on brûle devant lui une poignée d'étoupe et
on lui dit à l'oreille : « Beatissime Pater, sic transit
gloria mundi », « Très Saint-Père, c'est ainsi que passe
la gloire de ce monde ».
L'éclat et la pompe de nos cérémonies n'existent
donc pas pour le prêtre ou l'évêque qui célèbre la
messe, mais uniquement pour Dieu. Et très certaine-
ment on pourrait regarder bien plus comme de la
mondanité si, au lieu de l'aube blanche et des ornements
de soie imposés par une habitude millénaire, ils s'avan-
çaient vers l'autel pour célébrer le saint, sacrifice en
frac ou en smoking - pour ne pas dire f en pyjama.
Faites vous-mêmes la réponse, l'Église servirait-elle
mieux la cause .de Dieu, faciliterait-elle le cul~e divin,
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
si elle vendait aux marchands d'antiquités les ornements
brochés d'or hérités de nos pieux ancêtres, pour en
faire des dessus de canapé dans de riches salons?
Aurait-elle raison? Et si on enlevait des églises toute
ornementation, toute image sainte et toute statue de
sorte qu'elles fussent comme des greniers blanchis à
la chaux, le culte divin en serait-il favorisé?
Mais si quelqu'un disait - comme on a coutume
de dire - « le Christ était pauvre, il vivait simplement
et le luxe et la splendeur lui étaient choses étrangères »,
qu'il se rappelle que dans nos cérémonies nous n'hono-
rons pas seulement le Christ vivant dans une pauvreté
volontaire sur la terre, mais aussi le Christ-Roi qui par
ses souffrances volontaires a mérité les splendeurs du ciel :
qu'il se rappelle que lorsque Judas murmura, à cause
du parfum précieux versé sur les pieds du Sauveur, .
Notre-Seigneur Lui-même prit la défense de l'amour
généreux de Madeleine.
b) Il est donc vrai que nos cérémonies sont riches
et fastueuses. Il ·est vrai aussi que du temps de saint
Pierre il n'y avait ni Vatican aux murs de marbre ni
salle d'audiences tapissée de Gobelins. Mais si ,saint
Pierre ressuscitait un jour et sortait de son tombeau avec
l'auréole de la gloire éternelle, s'il pénétrait sous les
voûtes de la basilique Saint-Pierre, s'il entrait au
Vatican et dan~ le cabinet de travail de Pie XI...
il est certain qu'il ne regarderait pas Pie Xl sans com-
prendre, qu'il ne serait pas saisi d'étonnement, mais que
plutôt il s'exprimerait ainsi:
Frère, je te sallie, toi qui es la pierre fondamentale
que j'ai été autrefois, Il y a dix-neuf cents ans! Certaine-
LA «( MONDANITÉ » DE L' ÉGLISE 247
ment il y a longtemps ~ pour nous, pour des hom~es.
Mais devant Dieu «( mille ans sont comme le JOur
d'hier qui n'est plus » (Psaume LXXXIX, 4)· ,
Depuis, la vie terrestre a certainement change. ~~s
habits étaient différents des tiens. Mon logement etalt
différent du tien. Ma langue était différe~te .de la
tienne... Beaucoup de choses sont aujourd h~l t~ut
autres que de mon temps. Dans une seule cho~e il n y a
entre nous aucune différence : dans not1~e f~l. C~ q~~
tu enseignes sur Notre-Seigneur Jésus-Chns~, Je l al
eigné moi aussi. Ce que tu prêches au sUJét de la
enS . . l" h'
rédemption dans tes lettres apostoliques, Je, al p~ec e,
A
moi aussi. Les sacrements que tu conferes, Je les .
ai conférés moi aussi. ,
Nous avons une même foi; Nous avons ausSl un
même amour. J'ai comparu devant Né~on à caus~ du
Christ tu te dresses aussi contre les Nérons du Mexlq~e,
de Ru'ssie ... Ce que je vois aujourd'hui dans l'Éghse
catholique, les cérémonies, les bea~x ornements, les
fêtes, les pèlerinages, si je ne les al pas connus, tout
cela est un développement naturel de la semence
qu'a semée Notre-Seigneur Jésus-Christ. .
Voilà à peu près comment saint Pierre parleralt au
pape actuel et ensuite il retournerait dan~ ,son .tombeau.
Et il est sûr qu'il n'irait pas se reposer nt a Wlttemberg
. , Genève ni à Oxford ni à Pétrograd; ni à Constan-
111 a . h" . 1
t' le mais tout simplement 11 c .00Slralt encore a
. •1110p ,
Rome catholique pour son tombeau.
 LE SYMBOLE DES APÔTRES

Mes Frères, tes un~ reprochent à l'Église de s'être

mondanisée; d'autres, par contre, l'attaquent parce
XVII
qu'elle s'est écartée du monde, parce qu'elle n'avance
pas suffisamment avec son siècle, parce qu'elle ne
LES MÉRITES DE L'ÉGLISE (1)
comprend pas le langage des temps nouveaux. L'Église
ne s'est réellement pas mondanisée; le fait que le
monde a toujours persécuté et hai l'Église catholique
le prouve mieux que tout raisonnement. Notre-Seigneur
MES FRÈRES,
n'a-t-Il pas prédit à ses disciples: «Si vous étiez du
monde, le monde aimerait ce qui lui appartiendrait en
. propre, mais parce que vous n'êtes pas du monde ...
Les Actes des apôtres ont résumé avec une concision
le monde vous hait» (S. Jean, xv, 19). La haine inces-
i1\égalable l'activité terrestre de Notre-Seigneur Jésus-
sante dont le « monde » poursuit aujourd'hui encore
Christ, en disant de Lui : « Il allait ge lieu en lieu,
l'Église du Christ est la preuve la plus éclatante que
faisant du bien» (Actes, x, 38). Toute sa vie terrestre
l'Église ne s'est réellement pas « mondanisée ».
n'a été que bénédiction et bienfait.. . _ .
Malheureusement, il y a aussi de tristes pages dans L'Église catholique est le corps mystIque du Chnst,
l'histoire de l'Église - comme nous l'avons vu dans
le Christ continuant à vivre parmi nous. Il est donc
la précécjente instruction; il Y en a eu, parce que
tout naturel qu'on puisse appliquer à son activité
Notre-Seigneur a mis la destinée terrestre de l'Église
les mêmes paroles de la sainte Écriture "/" Elle passe
divine entre les mains d'hommes fragiles et portés
en faisant le bien ». .
au péché. Mais celui qui lit sans parti pris l'histoire On entend si SQuvent parler de « culttÏre chrétienne JI
de, l'Église est obligé de -faire cette constatation ' :
et de « civilisation chrétienne », qu'à présent - en
Le corps del'Église est de la terre, son âme est du ciel,
connexion avec mes instructions sur l'Église - je
mais moi, je veux être à l'Église catholique tout entihe.
voudrais examiner plus à fond les bénédictions, les
Je veux être l'enfant fidèle de mon Église maintenant
bienfaits et les mérites de l'Église relativement à la
sur la terre, pour pouvoir être un jour l' heureux enfant
civilisation. Le. pape"" Léon XIII dans son encyclique
de Dieu dans le ciel. Amen. -
« Inscrutabili » a appelé l'Église catholique la " _mère
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
de la ' civilisation ». N'est-ce pas un enthousiasme
exagéré, n'est-ce pas une exagération sans fondement?
Est-il réellement vrai qu'il n'y ait pas une seule insti-
tution dans le monde pour avoir fait, même approxi-
mativement, autant de bien à l'humanité sur le terrain
de la véritable civilisation que l'Église catholique?
N'a-t-il pas ex~géré l'écrivain qui a fait cette consta-
tation : « Qu'on tourne la question comme on veut, il
reste vrai que l'Europe occidentale est essentiellement
une création de l'Église latine, du Saint-Siège, de la
papauté romaine )) (Jakob Philipp Fallmerayer :
Gesammelte Schriften, II, 202). ' a nié que le Christ ait une volonté libre. Apollinaire
Si nous examinons de près dans le sermon d'aujour-
d'hui et dans le sermon suivant les mérites de l'Église"
nous le faisons pour faire monter plus haut la flamme
de notre amour envers notre sainte Église catholique.
Quels sont donc les mérites de l'Église qui obligent
toute l'humanité à lui vouer une reconnaissance éternelle?
1
L'ÉGLISE EST LA GARDIENNE DE L'ENSEIGNEMENT
DU CI UUST.
Le premier mérite de l'Église catholique - et qui
rejette dans l'ombre tout autre mérite - c'est qu'elle
garde dans sa pureté intégrale l'enseignement du Christ.
A) Personne ne peut dénier à l'Église catholique
le grand mérite d'avoir conservé intégralement et",dans
}.E.'i MÉRITES DE L'tGLISB
sa pureté absolue au cours des te11ljYétes des siècles passés
le précieux héritage du Christ.
a) Sans le Christ pas de christianisme. Mais regardons
autour de nous dans le monde entier : ou trouvons-nous
le visage du Christ sans déformation? Uniquement daus
l'Église catholique. Partout où nous portons nos regards,
1'image de Notre-Seigneur Jésus-Christ est défectueuse:
ou bien on lui a ôté quelque chose ou bien on a déformé
ses traits. Arius nie la divinité du Christ, Nestorius nie
l'unité de sa personne, Eutychès nie la coexistence
d'une nature divine et d'une nature humaine. Sergius
a nié qu'il ait une âme humaine, Basilide nie la réalité
du corps humain du Christ. Quelles luttes acharnées
a livrées l'Église pour défendre la personne du Christ
contre les anciens hérétiques.
Puis arrivèrent de nouveaux adversaires, plus dan-
gereux que les anciens. L'un enseignait que le Christ
n'avait jamais existé, que ce n'était qu'une légende.
Un autre enseigna que le Christ était un habile hypno-
tiseur. Un troisième, qu'Il était un rêveur, un idéo-
logue. Un quatrième, qu'Il a été le premier socialiste ...
Il est effrayant d'imaginer ce qui serait resté du Christ,
si, au milieu des vagues écumantes de la haine et de la
méchanceté, l'Église catholique n'avait pas tenu bien
haut pour la défendre l'image bénie du Christ.
b) Mais c'est de nos jours qu'est survenu l'adversaire
le plus dangereux, cent fois plus dangereux que tous
les précédents ~ J'incrédulité, l'athéisme organisé.
Qui n'a pas encore entendu parler des assauts de
l'athéisme organisé! Quand deux .braves Hongrois se
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
rencontrent, ils se saluent réciproquement en disant :
« Dieu vous bénisse» et l'autre répond: « Dieu vous
le rende ». Mais aujourd'hui chez les Soviets quand un
Russe en rencontre un autre, il doit lui dire : « Il n'y
a pas de Dieu ». Et l'autre répond: « Il n'yen a pas eu
et il n'yen aura pas ». . eHe administre les sacrements. C'est que le Christ
Feuilletons les revues de ces sans-Dieu, qui attaquentM
elles avec la haine la plus implacable? Le pape de Rorne.
Il suffit de jeter Ull coup d'œil dans les livres de lecture
des écoles primaires russes : Sur qui lancent-ils le
plus de bave, de boue, de calomnies? Sur l'Église
catholique romaine. Et pourquoi? Parce qu'ils sentent
qu'elle est le seul obstacle sérieux à leur succès. Ils
sentent que le Christ - qu'ils veulent extirper de
l'âme humaine - vit et agit dans l'Église catholique,
que c'est là qu'on peut trouver le Christ tout entier,
sans falsification, le Christ qui a été prédit par les
prophètes, le Christ dont parlent les évangiles, le
Christ tout entier avec sa divinité et son humanité,
avec ses commandements et ses sacrements, avec ses
mains bénissantes et son · cœur miséricordieux, le
Christ qui le jour de son ascension a dit à son Église:
« Allez, enseignez toutes les nations, baptisez-les au
nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur appre M
·nant à garder tout ce que je vous ai .commandé »
(S. Matthieu, 'XXVIII, 19-20). . .'
B) Et c'est précisément en cela que consistent le
plus haut bienfait et le plus grand mérite de l'Église :
Elle apprend aux hommes à observer les commandements
du Christ, eUe les sanctifie et les conduit à la vie éternelle.
, a) L'Église continue la rédemption, elle est le Çhrist.
LES MÉRITES · DE L'ÉGLISB 253
' ..
vivant toujours parmi nous.c Or l'incarnation du Christ
avait pour but d'élever les hommes jusqu'à Dieu, de
les sanctifier. Voilà pourquoi prie l'Église, voilà pour-
quoi elle prêche la parole de Dieu, voilà pourquoi
cHe offre le saint sacrifice de la messe, voilà pourquoi
est venu pour que les hommes « aient la vie et l'aient
en abondance »(S. Jean, x, 10).
b) Si nous voulons décrire avec plus de précision
les mérites religieux de l'Église, il nous suffit de nous
représenter ce que serait le monde, sans l'Église, ce
qu'il deviendrait, si l'Église disparaissait.
C'est épouvantable d'y penser .. ~ Que deviendrait
l'humanité, si la foi disparaissait des âmes? La foi en
un Dieu qui a créé et conserve le monde. La foi en
la divine Providence. La foi en la justice et la miséri-
corde de Dieu. La foi en la bonté et en l'amour divins.
Qu'arriverait-il si Notre-Seigneur Jésus-Christ dispa-
raissait du milieu de nous? S'il n'y avait plus l'Église
qui prêche constamment le Christ, son image serait
recouverte de la poussière des siècles, tout comme
l'histoire recouvre de sa poussière tant de ses acteurs.
Et qu'arriverait-il si les sept sources qui nous
amènent par l'Église la grâce de la rédemption
tarissaient?
Quelle aridité, guel gouffre béant, quel vide spirituel
autour ~e nous! Et le plus grand mérite de l'Église
est de dous avoir conservé tout cela. Et c'est pourquoi
elle mérite en premier lieu ces paroles de la sainte
Écriture: « Elle a passé en faisant le bi'en JI.
 LE SYMBOLE DES APôTRES
II
l,ES MÉRITES DE L'ÉGLISE DANS LA DÉFENSE DE
L'ORDRE MOHAL.
Mais si réellement Je premier but et le plus haut
mérite de l'Église résident en ce qu'elle a gardé sans
altération la doctrine du Christ et veillé à l'éducation
spirituelle des enfants 'du Christ, elle a encore distribué
d'autres bienfaits que nous n'avons pas signalés en
premier lieu, mais qu'il serait injuste de passer sous
, silence.
Avant tout,je pense à la défense inébranlable de l'ordre
moral.
A) Toute l'idée de l'Église catholique, toute l'histoire
de ses dix-neuf siècles garantissent que si la base de
l'ordre moral a pu vaciller partout dans le monde, si
les philosophes, les hommes de guerre, les hommes
politiques, les hommes d'argent ont pu trahir l'hon-
nêteté et la moralité, il y a dans le monde un rocher
qui se dresse inébranlable au-dessus des flots écumants
et changeants : le rocher de l'Église.
a) L'Église n'a pas pour vocation de se mêler de
la politique des États; triais sa sainte vocation et son
'"\
devoir sont d'assurer les fondements moraux sans
lesquels il n'y a pas de vie sociale humainement
organisée. Tout le monde a pu chanceler, tout le monde
a pu tomber dans le désordre, tout le monde a pu avoir
des instants de faiblesse, dans lesquels il était infidèle
à la morale, seule l'Église catholique n'a jamais_renié
LES MÉRITES DE L'ÉGLISE 255
la morale du Christ, n'a jamais marchandé avec elle
mais elle a regardé en face les fautes des tyrans et de~
révolutionnaires, des Nérons et des Césars, des Napo.
léons, des Henris et des Philippes avec la même
hardiesse que saint Jean-Baptiste jetant à la face du
puissant Hérode: « Non licet tibi », « il ne t'est pas
permis» (8. Marc, VI, 18) de faire ceci ou cela.
Soit qu'une fausse philosophie veuille bercer le
monde dans ses fausses idées, soit qu'elle propage de
dangereuses doctrines morales, l'Église élèvera aussitôt
la voix. Malheureusement, souvent on ne l'écoute pas,
mais du moins on ne peut pas dire que personne ne
nous a avertis.
b) Et par là l'Église est devenue le tout premier facteur
de la civilisation. Il n'est pas facile de donner une
.définition exacte et précise de ce terme de civilisation,
mais tout , le monde est d'accord pour reconnaître
que la civilisation signifie le perfectionnement,
l'élévation, l'ennoblissement de la nature humaine ,
l'épanouissement des valeurs qui sont en germe au
dedans de nous.
Mais si cela est vrai, alors le catholicisme est le
plus haut, le plus fort, le plus précieux facteur de
civilisation, car son fondateur, le Fils de Dieu, a fait
naître en nous le désir des hauteurs spirituelles. Le
Christ est venu pour que les hommes « aient la vie
et l'aient en abondance» (S. Jean, x, 10). Il n'a pas
seulement donné aux hommes ce commandement :
« Soyez parfaits, comme votre Père du ciel est parfait»
(S. Matthieu, v, 48), - mais Il leur a aussi donné
le pouvoir de «~~~enir enfants de Dieu» (S. Jean,.!! 12).
 LE SYMBOLE DES APôTRES
C'est dans ce terrain magnifique qu'ont grandi les
saints qui, grâce à la force. divine qui découle des
sacrements de l'Église, ont élevé jusqu'aux hauteurs
vertigineuses de l'union aveè Dieu la nature humaine
si faible et si portée au péché. On pourrait consacrer
un sermon spécial à exposer les mérites de l'Église de'
donner des saints à l'humanité et de les avoir tirés
des plaines de la vie terrestre pour les placer sur les
montagnes, afin que leur vue nous encourage et nous
fortifie, lorsque l'amertume et un abattement désespéré
nous saisissent devant les profondeurs insondables de
la méchanceté humaine.
B) Comprenons donc la sévért"té morale sans compro-
mission de l'Église. Il y en a eu parfois qui à cause de
cela lui ont reproché d'être l'ennemie de la civilis~tion:
et de la vie terrestre. Mais aujourd'hui, les historiens
non-catholiques découvrent de plus en plus que les
commandements de l'Église favorisént la vraie civili-
sation, ces commandements qui apparemment s'op-
posent à la jouissance de la civilisation terrestre ou
des biens terrestres. .
a) Il y a eu une époque où, par exemple, on reprochait
à l'Église de gêner par l'obligation du repos du dimanche
le développement de l'activité humaine. Mais aujour-
d'hui, il n'y a personne qui n~ voit que l'homme n'est
pas unémachine qui peut travailler sans arrêt, mais
un être vivant qui a une âme et que cette âme a besoin
du fortifiant religieux du dimanche et en même
temps 'que ce repos physique seul rend plus suppor-
table et plus intéressant le travail de la semaine.
, Bien loin de nous, bien loin du christianis1ll.e de
tES MERITES DE L'ÉGLISÈ '
condamner cet ~mpressement sans ~~emple avec· iequel:
l'homme actuel travaille au progrès de la civilisation.!
Mais le christianisme élève sa protestation contre cet
exclusivisme exagéré qui dans l'activité continuelle
extérieure oublie ·le Moi intime, comme si l'homme
existait pour la civilisation et non pas inversement.
Aujourd'hui déjà nous voyons que l'Église a grande-'
ment raison de prescrire le repos du dimanche; car
si on n'imprègne pas de christianisme la civilisation,
elle se change en malédiction qui sous son vernis
extérieur cache une misère effrayante. .
b) D'autres regardent comme une sévérité exàgérée
l'affirmation sans compromis du VIe commandement,
parce que par là l'Église prive l'homme de la jouissance,
de la sensualité, Mais la foule de misères physiques et
morales, de maladies, d'hospices d'aliénés et d'hôpitaux
montrent bien ce que deviendrait l'humanité saD§ les
obligations du VIe commandement.
c) D'autres encore ne comprennent pas la loi du
jeûne. A quoi bon? demandent-ils avec indignation.
Pourquoi l'Église ne permet-elle pas de profiter des
plaisirs i~noce nts de la terre?
Je n'ai pas besoin de vous dire que de nos jours le
jeûne est si--facile qu'il n'empêche plus personne
d'accomplir ses obligations prfoessionnelles. Mais je
dois insister sur l'avantage que le commandement du
jeûne signifie pour parvenir à la maîtrise des valeurs
spirituelles . . En effet, l'homme s'attache tellement à
la terre, il gémit tellement sous la tyrannie des sens,
qu 'il faudrait réellement se réjouir quand arrive le
vendredi ou un autre jour d'abstinen·ce et qu'on doit
Symb. des Ap. - t. V 9
 · LE SYMBOLE DES APÔTRES
alors réfuser à ses sens telle ou telle chose que nous
aimons tant sur le moment, et ainsi -pouvoir assurer
la maîtrise de l'âme sur la matière. , sinon en suivant la route du christianisme» (GŒTHE,
Vous le voyez, mes frères, l'Église ne veut jamais
détruire, mais construire et même là où en apparence
elle gêne, réfrène ou comprime, en réalité elle favorise
les plus nobles idéals de l'humanité. Et c'est en cela
que consiste sa grande valeur culturelle. Car « nous
ignorons si l'automobile et l'avion marquent un
progrès; mais il 'est sûr que l'affranchissement du
péché et des passions e~t un progrès réel» (Foerster).
III
LES MÉR~TES
"~
DE L'ÉGLISE DANS LE ,DOMAINE SOCIAL.
Et let nous arrivons à un gi'oupe tout nouveau de
mérites de l'Église, à l'activité de l'Église sur le terrain
social.
, A) Entre autres mérites, il nous faut citer en premier
lieu le p,-incipe d'autm'ité.
a) Sans le respect de l'autorité, il n'y a pas de vie
sociale possible; mais par contre, l'Église catholique a
toujours défendu et garanti le principe d'autorité,
conformément à ces paroles de saint Paul: « Que chacun
soit soumis aux autorités supérieures. Car il n'y a
point d'autorité qui ne vienne de Dieu;- et celles qui
existent ont été instituées par Lui » (Romains, XIII, 1).
Et nous pouvons Croire Gœthe, quand il écrit :
~ I.,orsque Paul dit : Obéissez à vos supéïieurs, ~arce
LES MÉRITES DE L'ÉGLISE 259'
que Dieu l'a ordonné - il proclame par là une si
grande culture que personne ne pourrait l'atteindre,
Gesprache mit Reimer, Nov. 1806)i..~F~glise catholique
est proverbialement la première gardienne du respect
de l'autorité, mais du respect de l'autorité qui, lorsque
nous nous humilions devant elle, nous élève spirituel-
lement et lorsque 'nous nous inclinons devant elle, rend
notre âme plus grande.
b) Il n'y a pas une seule religion où les fidèles entourent
leurs pïêtres, leurs évêques et le pape d'un respect aussi
profo~ld que la nôtre, car ils savent bien que leur pouvoir
spirituel et leur dignité remontent aux apôtres. Lorsque
les fidèles respectent leurs prêtres, ils respectent en
eux les successeurs des apôtres du Christ et quand ils
's'agenouillent devant le pape, ils s'agenouillent devant
le successeur de saint Pierre.
Ce que signifie pour nous l'autorité du pape, on le
comprend seulement quand on voit ce que son; devenu.s
ceux qui ont bravé le pape et se sont sépares de ~Ul.
« Qui mange du pape, en meurt» - constate la philo-
sophie de l'histoire. L'une des sectes séparées s'est
figée et traîne une vie languissante; les autres 300 sectes
ont été englouties et disséininées par la vie, - mais
celui qui se tient sur le rocher de Pierre brave les siècles.
Celui qui est au courant de la mission -divine de
l'Église'~ trouvera' tout naturel de s'incliner devant
l'autorité de l'Église. L'étroitesse et les erreurs de la
· .') d
raison humaine ne peuvent que nous remp 1lr e
modestie et nous préparer à écouter d'autant plus facile-
ment les paroles de l'autorité de~rière laquelle nous
 LE SYl\1:BOLE DÈS APôTRES
savons que se trouve l'3:-ppui de Dieu qui la préserve:
de l'erreur.
i: L'accord de l'aùtorîté et de la liberté est pour l'hu~à-'
;riité un problème qui monte constamm,ent à la surface.
iMais on ne le résout pas en rejetant la première;
:détruire ne serait pas une solution. Mais faisons comme
l'Église : elle commande et réclame pour elle-même
fautorité, mais comme nous sommes contents de savoir
que celui qui commande ob#t lui-rp.ême au :mêl'l;\e
:instant : il obéit à Dieu~ ' ". ' .... ' ..' ._. .' .
.. : B ) A cette occasion il nous 'faut rappeler un a~tre
ï~érite de l'Église auquel généralement on n'a pas
l'habitude de penser, mais qui n'est pas inférieur aux
précédents : l'Église, qui d'une part est la plus forte'
personnification du principe d'autorité, est d'autre
part la première à défendre les droits de l'individu devant
les exagérations du pouvoir de l'État. Aussi a-t-elle lutté
contre l'esclavage, aussi a-t-elle proclamé l'égalité et
la fraternité entre les hommes de toute race. Aussi
proclame-t-elle et exige-t-elle la liberté de conscience.
L'Église défend les droits de l'individu contre les
empiétements éventuels du pouvoir civil. Pour ne citer
que l'exemple le plus récent, qùi a élevé la voix contre
la propagande en faveur de la stérilisation eugénique
qui était une agression contre les droits d~ l'individu l
Personne sauf le pape de Rome.
. On entend fréquemment sur les lèvres des hommes
au pouvoir les . paroles prononcées par l'orgueilleux
Pharaon, l'6rsque)Moïse, au nom du Seigneur, lui
'demanda la lihération des Juifs: « Qui est le Seigneur
pour que j'bbé.is"s~ à sa voi?,? » (Exode, v, 2). Mais
LES MÉRITES DE LJÉGLISE i61"
...... i
l'Église répond toujours comme le Christ a répo~d~!
à Pilate : « Je sUIS venu dans le monde pour rendre
témoignage à la vérité » (S. Jean, XVIII, 37). De même
que saint Ambroise osa s'opposer à Théodose qui ne
faisait pas pénitence, de même que Léon l osa affronter:
Attila, de même l'Église a toujours défendu<S\l'ordre'
moral, la justice, le droit, l' équit~ contre toute tyrannie. '
Lorsque, à notre époque, la grande industrie et les
grandes entreprises ont abaissé la vie de millions de
travailleurs à un niveau inhumain, n'est-ce pas le
pape Léon XIII qui dans sa magnifique encyclique
« Rerum novarum » a élevé la voix en faveur des oppri-
més? Et n'est-ce pas le pape Pie XI qui dans son ency-
clique « Quadragesimo anno» a renouvelé avec insistance'
l'avertissement de l'Église? . " ..
C) Enfin je rappellerai en passant qUe par te dogme
de la communion des saints - le dogme le plus social
de l'Église - l'Église proclame la grandiose fraternité
entre les hommes. Un catholique ou un peuple catholique
n'est jamais seul, car chaque individu est membre du
corps mystique du Christ. Qui ne verrait comme cette
doctrine apaise magnifiquement les contrastes natio-
naux, raciaux, sociaux ou politiques! De fait, l'histoire,
prouve que tant que les royaumes chrétiens d'Europe
ont été unis par la même foi et la même philosophie,
on n'a pas entendu résonner sur l'Europe la cloche
funèbre du « Déclin de l'Occident ». '-' ._~._.
Quand nous lisons jusqu'au bout i'hist~i~e de 1~
civilisation européenne chrétienne et que nous voyons
les résultats prodigieux que le monde a obtenus de la
ciyilis~~~qp. ocçide_
ntale., on a l~ _.~r?~t _~~_~~. pos_~r ~~tte
 LE~:YM:BOLE DES APô'(RES
,qùestiQn : Mais quï donc a créé toute cette civilisation
:occidentale? A qui le mérite d'avoir amenéJes tribus
barbares des ténèbres de la barbarie au foyer de
lumière de l'Évangile ? A qui le mérite d'avoir fait des
'peuples nomades qui se massacraient les uns les autres,
des nations organisées et civilisées? A qui le mérite?
Certainement pas à l'arianisme ni au gnosticisme,
non plus au pro~estaIl:tisme, mais uniquement à l'Église
'catholique. - ' -
,- L« :La religiori 'êst le sel qui préserve la science de la
-ë6~ption »~ - a affirmé Bacon lui-même. Cette
'affirmation vaut ' non seulement pour la science, mais
aussi pour les diverses activités de l'esprit humain et
doit ' s'entendre tout particulièrement de la religion'
'1.des religicins,. du catholicisme. ~ .,
'
;".... , . «:F
...-~,
.',
:, Ces mérites que j'ai indiqués dans la seconde partie
'd ll sermon de ce jour ne sont pas les tout premiers'
mérites de l'Église du Christ. Son premier mérite -
comme je l'ai dit ' au début de cette instruction -
est de prêcher la religion du Christ, de la préserver de
toute altération et _..........
ainsi
~
d'assurer le salut éternel de
-"- -. - . ...
nos âmes. ' -'
'- ! Mais 'nous né~ dév6ns" pàs moins être reèônûàissants
à notre sainte Église de ce que, à côté du soin des
intérêts de notre vie éternelle elle rend plus facile,
plus supportable, plus ordonnée la vie terrestre. Elle
reste toujours vraie cette constatation de Gœthe :
« Quels que soient les progrès de la culture intellectuelle,
des sciences --naturelles et de l'esprit humain)jamais
!ils ne dépasseront les sommets de culture morale du
christianisme, telle qu'elle bl~ille dans les évangiles «
:'
LES MÉRITES DE L'ÉGLISE
(Gœthe: Gesprache mit Eeckermann. Reclam's Ausg.'
III, 24").
• ••
Mes frères, un voyageur las de corps et d'âme frappa
un soir à la porte d'un couvent italien et demanda à
entrer. « Que demandes-tu?» interrogea le frère portier. '
« La paix » répondit le malheureux, le fameux poète
le Tasse. Actuellement toute l'humanité est devenue
semblable au Tasse, elle cherche la paix. Où la trou-
verons-nous? Nulle part ailleurs que dans l'Église du
Christ. Car c'est à elle que le Sauveur a fait cette'
promesse : « Je vous laisse la paix; je vous donne
ma paix; je ne la donne pas comme la~orllle le mollde »,
'(S. Jean, XIV, 27).
Dieu ne pourrait-Il pas nous dire ce qu'Il a dit au
peuple élu par le prophète Aggée : Vous avez semé
beaucoup et peu recueilli; vous mangez et- vous n'êtes
pas rassasiés; vous êtes vêtus, mais vous n'~tes pas ,
_ réchauffés; vous avez amassé de l'argent, malS votre
bourse était trouée (Cf. Aggée, l, 6). Ne faisons-nous
pas sur nous-mêmes l'expérience de ce passage du
livrJ ' de Job : (( Durant le jour ils rencontrent les
ténèbres; en plein midi ils tâtonnent comme dans la
nuit» (Job, 'v, 14). .
Aujourd'hui chacun voit bien que ni les perpétuelles
conférences des sages de ce monde ni ce flot d'ordon-
nances économiques et politiques ne sont cap_ab~es
d'assurer un avenir meilleur. C'est près de l'Eihs~
264 tE SYMBOLE DES APÔTRES
, "
'catholique ' qu'il nous faut apprendre la justice et
l'amour, le droit et la paix. Auprès de l'Église à qui
s'appliquaient déjà il Y a dix-neuf siècles ces paroles
de la sainte Écriture : « Elle a passé - comme le
Christ a passé sur la terre - en faisant le bien ».0
, Ne nous faisons pas d'illusions: cette terre ne sera
jamais plus un paradis : on y trouvera toujours des
luttes, des privations, des guerres et des souffrances;
il n'y aura de paix éternelle que dans le royaume
éternel de Dieu. Mais pour pouvoir supporter ce~ luttes,
pour ne pas nous écrouler sur la route, pour que l'égoïsme,
la haine, la cupidité, la soi] du pouvoir et la soi] des
iouissances ne submergent pas la terre, pour que les races
et les peuples puissent travailler en commun, comme des
frères, pour faire progresser la civilisation de ['humanité,
pour atteindre tout cela, il nous faut ltre des enfants plus
dociles, plus obéissants et plus fidèles de notre sainte
et bénie Église catholique. Amen. ,
XVIII
LES MÉRITES DE L 'l!:GLISE (II)
MES FRÈRES,
Le divin Fondateür de notre religion donna un jour
à ses disciples ce commandement éternellement mémo-
l'able: « Cherchez d'abord le royaume de Dieu et sa
justice» (S. Matthieu, VI, 33) et le l'este vous sera donné
par surcroît. L'Église catholique a toujours gardé sous
ses yeux cette règle de conduite : Le Seigneur m'a
envoyée pour sauver les âmes. Donc non pas pOUl'
développer la civilisation? Non. Ni pour fonder
le bonheur sur la terre ?Non plus. Fonder le royaume
de Dieu dans les âmes - voilà la première et la plus
haute tâche de l'Église catholique. ',_ _ ,_. _
Mais~si l'Église a toujours cherché uniquement à
remplir -;ette tâche; conformément à la promesse de
son divin Fondateur, les autres choses lùi ont été
données par surcroît.- Si par son enseignement, sa
législation, ses commandements, son culte divin, elle a
réellement visé à sauver les âmes pour la vie de l'autre
,~c)llde, elle a donnéel1 nlê~et~mps un~~~.~E , :s~~~,
,1
.,
LE SYMBOLE DES APÔTRES
"
exemple au bonheur terrestre de ' l'humanité, elle est
devenue la source de toute la civilisation européenne
que nous appelons avec raison « civilisation chrétienne ».
; Dans le sermon d'aujourd'hui je veux compléter ce
que j'ai dit précédemment des mérites de l'Église.
Dans mon dernier sermon j'ai parlé des mérites religieux
et moraux de notre Église, aujourd'hui je vais parler
de ses mérites par rapport à la civilisation. Au point
de vue religieux le mérite de l'Église réside dans ce fait
qu'elle nous a conservé sans altéràtion la doctrine de
Notre-Seigneur Jésus-Christ; au point de vue moral,
par la défense du respect de l'autorité, de la justice et
des droits des individus, elle a rendu possible la vie
sociale de l'homme. Voilà ce que j'ai démontré dimanche
dernier.
Aujourd'hui je continue le développement de ma
dernière pensée et je voudrais montrer à grands traits
les mérites de l'Église par rapport à la civilisation. Je
voudrais raconter comment l'Église n'a pas seulement
rendu possible une vie sociale ordonnée, mais a encore
rendu plus belle, plus facile, plus agréable la vie
humaine par le développement sur une large échelle
l, de la civilisationl II. des sciences et III, des arts, '
1 Live, Rist. XXXIV, 2). Les Romains parlaient à côté de
L'ÉGLISE ET LA CIVILlSATION,
Tout d'abord nous allons poser cette question
Qu'est-ce que la civilisation doit au christianisme?
LES MÉRITES DE L'ÉGLISE
. Il Y a dix-neuf siècles retentit aux' oreilles de la
malheureuse humanité un son inconnu : la voix du
christianisme; et cette voix commença à tracer au centre
de la société païenne corrompue et menaçapt ruine au
dehors et au dedans le contour d'un monde nouveau
dans les âmes. ' ,."
a) Au temps du paganisme, la compassionët la -pitié
étaient regardées comme une honte et l'amour du prochain
était inconnu, on ne connaissait ni orphelinats ni hôpi-
taux ni asiles de vieillards, - c'est seulement depuis
le christianisme, c'est seulement depuis la doctrine
du Christ que tendre à un malheureux un simple verre
d'eau est considéré comme une œuvre méritoire.
b) Le paganisme ne regardait pas la femme comme
égale en droits avec l' homme, car l'homme chassait sa
femme, quand il voulait. ,
Écoutez seulement ce que des écrivains classiques
pensaient des femmes, Hésiode écrit : « Les femmes
sont une race maudite, le plus lourd fléau des mortels»
(Théogonie, v. 584, 589, 601). Eschyle dit des femmes:
« Vous êtes à la ville et à la maison les pires fléaux »
(Sept contre Thèbes, v. 165, 169, 172). Caton prenait
feu contre elles: « Voulez-vous peut-être ôt,er les liens
à ces animaux indomptables et vous livrer à l'espérance
qu'ils dompteront leurs propres rejetons? » '(Tite-
la « majesté des hommes » (( majestas virorum ») du
sexe féminin comme du sexe « faible» (sexus imbecillis),
léger (levis), incapable de travail (impar laboribus).
Mais lé- ~-ci1fistianisme arriva, et retira la femme de
,cette situation humiliée, lorsqu'il procl~ma que le

LE SYMBOLE DES APÔTRES '
mârYage est un sacrement qüi ne peut ja~ais être romp~
et lorsqu'il plaça sur les autels la vierge Marie et depuis,
chez les hommes, ne s'est jamais éteint un tel respect
envers la femme qu'après dix-neuf siècles la frivolité
de l'époque moderne seule a pu lui chercher noise. La
famille est la ba!le de la société humaine, or la conso-
lidation de la vie familiale est l'immense mérite du
christianisme. - .
: c) Du temps du pag~nis";'e - le sort de r ;njant étaii
déplorable. Il dépendait de son père qu'il fût gardé en
vie ou bien qu'il fût précipité de la roche tarpéienne.
Dans la « Loi des Douze Tables » par exemple, il est
dit : « On noiera les enfants débiles et difformes »
(Liberos si debiles monstrosique sunt mergimus).
« L'enfant n'est pas encore un être humain» «< Infans
homo nondum est ») - tel était l'axiome de la juris-
prudence romaine. Le Christ au contraire embrassait
les enfants et enseignait que même dans l'enfant le plus
abandonné vit une âme immortelle. De même que le
culte de la Vierge Marie a été la première loi de pro-
tection de la femme, de même le Christ a porté la
première loi de protection de l'enfance, quand Il a dit:
« Celui qui scandalisera un de ces petits qui croient
en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât
au cou une meule de moulin et qu'on le précipitât
au fond de la mer Il (S. Matthieu, XVIII, 6). . . .-
d) Mentionnerai-je encore les longs siècles de lutt~s
que ltf christianisme a soutenues pOUT la suppressiolt
de l'esclavage, cette honte de l'humanité? -... "',
Aujourd'hui nous avons peine à croire que- 'p~nda-nî
dei3 .siècte.s .qe§. homme13.QAt ~t~ YJ?!t..dgsll\lr les rnilrç4~s.
-1
LES MÉRITES DE L'ÉGLISE
comme des animaux. On examif\ait leurs dents, on
retroussait leurs lèvres, on tâtait leurs muscles, puis
on versait le prix et on les emmenait chez soi comme
des animaux. Le propriétaire les frappait avec un fouet
et s'il lui plaisait, les jetait dans son vivier, et nourrissait
ses poissons avec le corps de ses esclaves. « Tout est
permis à l'égard des esclaves »\,. (omnia in servum
licent), - si un noble caractère tel que Sénèque peut
dire pareille chose (De c1ementia, l, 18), nous pouvons
imaginer quel pouvait être le sort de ces malheureux.
Si le maître de la maison venait à être assassiné tous
les esclaves de cette maison étaient mis à mort (Tacite:
Annales, XIV, 42) . Et tandis que la noble Romaine
se fardait ou conversait avec ses amies, elle s'amusait
à piquer avec une aiguille l'esclave qui la servait
(Ovide: Art d'aimer, III, 239). .
Mais .le christianisme vint et proclama que devant
Dieu il n'y 'avait pas de différence entre l'homme
libre et l'esclave, car quiconque a un visage d'homme
possède une âme à l'image de Dieu; c'est le christia-
nisme qui a fondé des ordres religieux pour le rachat
des esclaves, dont les membres devaient mettre tout
en œuvre pour les libérer, au point que s'ils ne pouvaient
pas y réussir autrement, ils se donnaient eux-mêmes en
'h ange. '. r
ec __ .. .- _ , _. "; "
. e) L'Europe fut au moyen ~ge envahie pa; les p~uple;'
barbares et c'est le christianisme qui les convertit. Les
moines missionnaires s'en allèrent'-jJartout pour leur
apporter la lumière de l'Évangile; et en même temps
qu'ils leur prêchaient le Christ, ils apprirent à ces
peuples 'luiv.iy~i_el?-t . ~~~~ un aveuglefP-.ent de ~orpse~i
 LE SYMBOLE DES APôTRES
'd'âm~ l'agriculture, l'architecture, le défrichement
du sol, l'industrie et la vie paisible, en un mot, la
1civilisation. A Pannonhalma se dresseJaujourd'hui
:encore le cloître d'où est sortie toute la civilisation
hongroise et de même que dans saint Adalbert, dans
saint Gérard et dans les ordres religieux nous vénérons
non seulement les messagers de la foi, mais aussi les
fondateurs de la culture hongroise, de même chaque
peuple européen moderne vénère dans tel ou tel prêtre
à l'âme héroïque, dans tel ou tel saint, dans tel ou tel
martyr de l'Église catholique le créateur de sa propre
civilisation: pour les Français c'est saint Remi, pour
les Irlandais saint Patrice, pour les Écossais saint
Colomban, pour les Allemands saint Boniface, pour les
Slaves saint Cyrille et saint Méthode, etc.
Seul peut apprécier convenablement l'œuvre 'civi-
lisatrice incommensurable de l'Église catholique, celui
qui connaît la nature sauvage et indomptée de ces
peuples qu'il fallut dompter. Ce que par éxemple les
moines ont réalisé en défrichant les forêts vierges,
en enseignant l'agriculture, en transformant en peuples
sédentaires ces peuples nomades et en fondant des
écoles fut réellement un travail surhumain
Que serait devenu le monde sans l'inla:sable travail
culturel des moines du moyen âge? Lat<. conversion
des peuples fut partout suivie par la civilisation maté-
rielle. Chez nous, dans nos pays ravagés par les Tartares
et les Tùrcs, c'est seulement ici ou là que subsistent
quelque souvenir; quelque ruine ou quelque déno-
mination' qui rappellent l'œuvre des anciens moines.
Mais dans nos voyages en Autriche, en Allemagne,
LES MÉRITES DE L'ÉGLISE
en Suisse, en France, en Hollande ..'. à chaque pas,
aujourd'hui encore, ou bien existent ou bien survi-
vent dans Jes appellations de villes ou de villages,
des milliers d'abbayes, de collégiales, d'églises, de
cloîtres, centres de la civilisation de leur époque. La
plupart des anciennes villes de l'étranger ont eu popr
noyau un cloître autour duquel se sont bâties les maisons
de la ville.
Et non seulement le christianisme dut créer cette
civilisation, mais il dut aussi la sauvegarder. D'abord
les Vandales, les Goths, les Huns, les Lombards, les
Avares, les Magyars, puis les Arabes, les Tartares,
les Turcs menacèrent la civilisation chrétienne. Et qui
la défendit? Toujours l'Église. A commencer par
saint Léon le Grand qui affronta Attila jusqu'à
Innocent XI qui réussit à chasser les Turcs de la
Hongrie. Sur le champ de bataille de Mohacs, il y a
quatre cents ans, évêques et archevêques avaient trouvé
la mort et lorsque les Turcs eurent instauré leur
tyrannie dans le pays et que le peuple hongrois fut
opprimé, quels furent pour ainsi dire les seuls appuis
du peuple? Les religieux franciscains qui circulaient
sous un déguisement dans le pays. Ils furent les
seuls amis de ce peuple martyr; depuis on leur a
donné le nom d' « amis ».
272 LE SYMBOLE DES APôTRES
II
L'ÉGLISE ET LA SCIENCE.
A côté du développement de la civilisation matérielle,
le christianisme a encore un autre mérite: le dévelop-
pement de la culture intellectuelle.
A) Tout d'abord, il me faudrait parler dans un
chapitre spécial du rôle du catholicisme à l'égard de
l'enseignement. Mais c'est un fait trop connu pour
qu'il me faille en parIer longuement. C'est un fait
notoire que ce qui nous reste des chefs-d'œuvre clas-
siques du paganisme nous le devons au labeur des
moines du moyen âge qui passaient leurs nuits à les
copier. « Si la nation anglaise surpasse n'importe quel
peuple de l'Europe par l'abondance de ses annales et
de ses souvenirs historiques, elle le doit exclusive-
ment au sacerdoce catholique qui nous a conservé
ces trésors )l (David Hume, Richard III, ch. 23).
L'Église, dès le ne siècle, avait fondé des écoles
florissantes à Alexandrie, Edesse, Antioche, Nisibe.
Ensuite furent créées par milliers les écoles claustrales
et paroissiales. Et enfin les universités. C'est un fait
bien connu que l'idée d'université est en elle-même
une idée purement ecclésiastique et les plus célèbres
et les plus anciennes universités se sont développées
avec l'appui de l'Église. Avant le xv e siècle, ~n connaît
déjà cinquante-deux -.universités. Vingt-neuf d'entre
elles furent fondées par les papes, dix autres conjoin-
.t ement par leE .rapes et les souverains. Quelle joie doit ,
LES MÉRITES DE L'ÉGLISE 2'tS
remplir Pâme de l'homme moderne si fier de sa science,'
lorsqu'il songe que jadis, il y a des siècles, lorsque les
gens les plus distingués se souciaient davantage de
l'épée que de la science et qu'il était courant de voir
même des rois ne savoir ni lire ni écrire, l'Église
fondait d~jà des ,universités!
Aujourd'hui encore, il ya chez nous autant d'écoles
confessionnelles que d'écoles officielles et il est notoire
que si quelqu'un veut donner une bonne éducation à
sa jeune fille, il la place chez les Dames Anglaises,
au Sacré-Cœur, à Saint-Vincent de Paul ou à Sion.
Il est notoire qu'aujourd'hui encore nos premiers
collèges sont aux mains des Bénédictins, des Cisterciens,
des Piaristcs, des Jésuites et des Prémontrés.
B) Mais peut-être ne connaît-on pas autant, il faut
donc que je le relève spécialement, le travail immense
accompli par l'Église non seulement pour la divulgation,
mais aussi pour l'avancement de la science.
La foi et la science, la vie religieuse et un savoir
très étendu sont regardés par certains commeincom-
patibles. Hélas! notre jeunesse actuelle qui a soif de
la science se trouve fréquemment devant ce di.lemme :
« Ou bien rester bon catholique ou bien devenir un
savant ». Disons bien franchement que cette opposition
est sans fondement. Nous pouvons montrer des savants
éminents qui étaient, en même temps~ des enfants
fidèles de notre religion. '
S'il y a parmi vous un philosophe, je lui demanderai
s'il peut se représenter la philosophie sans saint
Augustin, Pierrl Lombard, saint Albert le Grand,
saint Thomas cl' Aquin1. saint Bonaventure et Duns
 LE SYMBOLE DES APôTRES
Scot ?Non ?' Eh bien 1 ils n'étaient pas seulement de '
grands philosophes, mais en même temps des catho-
liques vivant selon leur foi.
': S'il y a parmi vous un physiCien, je lui demanderai
s'il peut se représenter la physique sans Galvani,
Volta, Ampère, Fraunhofer, Fizeau, Foucault, Siemens,
Hertz, Ruhmkorff, Rontgen, Marconi? Non? N'oub1iez
pas qu'ils étaient tous catholiques sincères.
, Et s'il y a parmi vous un mathématicien, je lui
demanderai s'il peut se représenter les mathématiques
sans Cauchy, Descartes, Pascal, Leibnitz, Euler et
Gauss? Ou bien l'astronomie sans Copernic, Kepler,
Newton, Herschel, Leverrier? Ou la chimie sans
Liebig, Pasteur, Dalton, Bequerel? Non? Eh bien 1
non seulement ce furent des savants illustres, mais
aussi des enfants fidèles de notre Église.
III
L'ÉGLISE ET LES ARTS.
A) Mais je ne puis continuer davantage cette énu-
mération, car un autre terrain, presque incommen-
surable, m'attend : l'influence du christianisme sur les
arts. J'avoue",qu'il n'est pas possible de se mesurer
avec cette question dans le cadre d'un sermon. Il me
faudrait présenter toute l'histoire de l'art, si je voulais
montrer l'influence féconde que le ' ,christianisme a
exercée _dans toutes ~ les branches de l'art. En effet,
lorsque le catholicisme présente devant les âmes les
LES MlilliTES DÉ L'ÉGLISE 275:
- (,
beautés infinies de l'autre vie, il fait naître en même
temps dans l'âme de l'artiste la plus belle inspiration
créatrice. Il n'est pas étonnant que l'Église catholique
qui n'a toujours regardé que le plus beau comme
digne de la louange divine, soit devenue la protectrice
incomparable des arts de la terre. C "
a) Que doit ['architecture à l'Église cath_olique? Il
suffit d'interroger n'importe quel historien de l'art
si les styles roman, gothique, renaissance et baroque
ne sont pas autre chose que la traduction des efforts de
l'Église catholique voulant glorifier Dieu par la pierre.
S'il n'y avait pas d'Église catholique, alors il n'y
aurait pas Sainte-Sophie à Constantinople, il n'y
aurait pas à Worms, Mayence, Bamb,erg, Spire et
Pise les ,cathédrales romanes. S'il n'y avait pas d'Église
catholique, on ne verrait pas s'élancer vers le ciel les
cathédrales de Rouen et de Reims, ni Notre-Dame
de Paris, ni le dôme de Milan, ni les cathédrales de
Sévil.1e et de Tolède, ni le dôme de Cologne, ni l'église
Saint-Étienne de Vienne, ni Sainte-Élisabeth, de Kassai,
ni Saint-Mathias de Buda. S'il n'y avait pas d'Église
catholique, alors il n'y aurait pas non plus, ni Donatello
et Çcllini, ni Bernin et Maderno, ni la basilique
s:,;iAt-Pierre de Michel-Ange, ni mille autres trésors
d'architecture.
b) Et après l'architecture faut-il dire un mot aussi de
la peinture? On voyage à l'étranger, on visite les
premières galeries de tableaux du monde : les galeries
de Munich et de Dresde, le Louvre à Paris, le musée
de l'État à Amsterdam, la galerie des Offices à Florence,
les collections du Vatican ... qu'en resterait-il, si on
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
en ôtait les tableaux religieux? Des pPemiers musées de'
peinture du monde il ne resterait que des murs vides.
Oui, qu'on essaye de se représenter la peinture sans
Guido Reni;-Giotto, fra Angelico, Ghirlandaio, Filippo
Lippi, Botticelli, fra Bartolomeo, le Titien, Léonard
de Vinci, Michel-Ange et Raphaël, sans van Eyck,
Memling, Rubens, van Dyck, Murillo! Or, tous ces
artistes ont puisé leur inspiration dans le catholicisme
et ont trouvé dans le catholicisme un généreux Mé .ène.
c) Parlerai-je aussi de la musique? Dirai-je que la
musique et la musique d'église ont été longtemps
identiques? Dirai-je que la notation musicale a été
inventée par les moines? .Que la préface que l'Église
chante à chaque messe n'est composée que sur quatre
notes et que néanmoins Mozart « était prêt à sacrifier
toutes ses compositions pour elle ». Parlerai-je de
Palestrina, de l'Ave Maria de Gounod, des messes de
Hrendel, de Haydn et de Liszt, du Requiem de Mozart?
En vérité, même ceux gui ne veulent rien savoir de
Dieu et de la religion et pour quine compte pas l'activité
religieuse de l'Église catholique, même ceux-là sont
contraints · de reconnaître que depuis dix-neuf siècles
le catholicisme est la source inépuisable de la plus
vivante création artistique et que l'Église dans toutes
les branches de l'art s'est acquis un mérite impérissable
par sa protection inégalable de l'architecture, de la
peinture, de la sculpture, de la m'U'sique et de la poésie.
B) Mais il vaut également la peine de rechercher
queUe peut en être la cause? Quelle peut être l'expli-
~ation de la grande influence de l'Église sur la civilisation?
a) Vue. 4.e ces c<lus.es -:-::- m'lis n()!l la prerlli.~+e ~
l.ES MÉRItES DE L'ÉGLISB
c'est la généreuse aide matérielle des papes et des
évêaues, qui furent de vrais Mécènes. ['
b)' A côté de cètte cause externe, il y en a une interne
plus importante: l'optimisme qui baigne tout le catho-
licisme, cette sérénité et cette joie intérieures qui
constituent l'atmosphère vivifiante de tous les arts.
La vie est certes pénible et austère et la tâche la plus
noble de l'art consiste à dorer, à embeUir, à auréoler
de lumière cette vie austère et même parfois bien morne.
Et c'est le soleil d y l'Évangile qui l'en rend capable.
c) L'art a besoin d'idéal et de sujets. Mais où l'art
pourrait-il trouver un idéal plus élevé et des sujets
plus puissants que dans le catholicisme? Aussi n'est-ce
pas par hasard que de l'idéal sublime du culte de
Marie soie.n t issues par milliers des images plus beUes
les unes que les autres et qu'il ait fourni par dizaines de
milliers les sujets à la musique et à la poésie. Il n'y avait
pas et il n'y aura jamais de thème plus sublime, plus
émouvant et plus capable de stimuler l'âme des plus
grands artistes que l'Enfant-Dieu dans les bras de la
sainte Vierge. Or ce n'est qu'un épisode de la vie de
la Bienheureuse Vierge. Ajoutons toute cette foule de
sujets que sa vie met à la disposition de l'art - depuis
la Mère qui se réjouit près de la crèche de Bethléem
jusqu'à la Mère des Douleurs au pied de la croix -
et noUs trouvons une source pour ainsi dire inépuisable
d'inspirations artistiques. .
Rappellerai-je combien de thèmes offrent d'eux-
mêmes aux arts les saints qui sont les chefs-d' œuvre
vivants du Saint-Esprit et dont la vie reflète la source
dernière de tOlite b~auté, };\j()tre~ ~~Jgn~uE Jé~lIs:..Çhrist.
 LE SYMBOLE DES APôTRES
Autant il Y a de saints dans l'Église, autant de thèmes
et de sujets nouveaux pour les arts.
d) Mais si le catholicisme est devenu la serre chaude
des plus hautes créations artistiques, en dehors des
causes én'umérées jusqu'ici, la raison en est aussi dans
la profondeur de vie intérieure .de l'Église. Les grandes
idées ne naissent pas dans le bruit de la rue; les con-
ceptions artistiques ont besoin de recueillement, de
silence et de- paix de l'âme. Or le catholicisme nous
donne ces dispositions et cette paix de l'âme. Par les
sacrements il communique la grâce de Dieu, pour
que nous puissions dire avec saint Paul: « Ce n'est plus
moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi » (Galates,
II, 20). C'est Dieu Lui-même qui vit dans l'âme de
cet « homme nouveau » et celui qui descend avec une
âme méditative dans les profondeurs mystérieuses de
cette sublime réalité s'aperçoit que plus les yeux de
son corps se ferment pour le monde, plus son génie
commence à voir clairement des beautés surnaturelles
insoupçonnées. Les chefs-d'œuvre d'une grâce et
d'une finesse inégalables des artistes religieux du
moyen âge sont la preuve de cette dépendance entre
l'art et la mystique.
L'histoire de l'art montre que l'art d'un peuple est
toujours le reflet de sa religiosité. C'est donc seulement
ainsi qu'on peut comprendre que doit être le plus beau
l'art dans lequel se reflète ll,l seule véritable religion,
la religion' du Christ. La bÈ:auté se nourrit de la vérité
et c'est pourquoi la religion qui prêche la vérité parfaite
est devenue la sourcè de la plus parfaite beauté.
'. Nous voici maintenant à la cause dernière qui a
, LES MÉRITES DE L'ÉGLISE 279
fait du catholicisme la source la plus haute des arts.
Cette cause, c'est que l'Église elle-même est le Christ
continuant à vivre parmi nous, qu'elle est la source
dernière, éternelle et unique de toute beauté. Il a
fallu que l'Église devienne la mère des arts, parce que
tout son être est baigné dms la beauté de son divin
Fondateur. -
Mes frères, li Église catholique a enseigné aux
Européens ce travail ardent d'où est sortie toute
notre civilisation et c'est pourquoi je ne puis pas me
représenter comment un Européen pourrait devenir
bouddhiste, bien que certains, après la Grande Guerre,
aient essayé de nous gagner au bouddhisme. Il y a
des âmes paressèuses qui flirtent avec les brouillards
du Nirvana, il y a des âmes séduites par une mode
insensée qui, au lieu du crucifix, au lieu de la ' croix
du Christ souffrant et mourant pour nous et nous
rachetant, placent sur leur bureau une statue de
Bouddha obèse se prélassant paresseusement, éteignant
en lui tout sentiment ... Mais quand personne d'autre
ne contredirait cette aberration d'esprit, l'âme imagi..,
native et perpétuellement l~quiète du travailleur euro-
péens'y ., opposerait. Où est l'Européen qui )ferait
sien le dogme .bouddhiste de la lâcheté et du froid de
la mort :« Il ~aut mieux être debout que marcher; il
vaut mieux être assis que debout; il. vaut mieux être
couché qu'assis; il vaut mieux dorIJlir 'que d'être éveillé
et il vaut mieux mourir que vivre ».
 1
1

l 280 LE SYMBOLE DES APÔTRES

Quel tombeau 1 QueUe léthargie!

En revanche, son histoire dix-neuf fois centenaire
parle pour notre Église. En sa faveur parle le fait
qu'elle ,vit encore après une foule d'attaques. En sa
faveur parle le fait que des millions et des millions
de martyrs ont donné leur vie pour elle. Parlent encore XIX
en sa faveur son unité, sa sainteté, son apostolicité et
sa civilisation. Enfin parlent en sa faveur ces innom- LES PRttTRES DE L'ÉGLISE (1)
brables bénédictions qu'elle a répandues sur l'individu
et la famille, la vie privée et la vie sociale, les peuples
et les pays, les sciences et les arts et à cause desquelles
le pape Léon XIII a nommé à juste titre l'Église « la
Mère de la civilisation ». MES FRÈRES.

Je crois donc en cette Église. Sans doute, c'est le

Christ seulement que je cherche, mais je demande à
Le jeudi soir, du 15 mars 1934, les trois cent mille
l"
l'Église de me mener à Lui par un chemin sûr. Je veux
prêtres catholiques du monde ont célébré une fête
observer les commandemen~s du Christ, mais je sans exemple peut-être dans l'histoire,
demande à l':f:glise ce qui est un péché et ce qui n'en
Nous étions arrivés à la dernière semaine de
est pas un. Je crois à mon Église et je la suis pour l' « année sainte » que le pape Pie XI a promulguée
pouvoir vivre dans la lumière, la force, le progrès et
à. l'occasion du dix-neuvième . centenaire de la
la tranquillité d'âme.
Rédemption. En cette année sainte nous avons remercié
Voilà ma sainte Église catholique, « qui est l'Eglise
d'un cœur reconnaissant Notre-Seigneur Jésus-Christ
du Dieu vivant, la colonne et la · base de la vérité»
pour tous ses dons : pour son amour, ses souffrances,
(le Timothée, III, 15). CI Je n'en ai pas honte, car je
sa mort sur la croix, le saint sacrifice de la messe ...
sais en qui j'ai mis ma confiance» (Ile Timothée; l, 12).
Car il y a actuellement dix-neuf siècles que nous avons
Cette foi me donne le calme dans l'agüation de la vie.
reçu- tout cela.
Elle me donne la lumière dans les ténèbres de,la vie.
Actuellement aussi il y a dix-neuf siècles qu'a été
Blle me donne la force dans les combats de la vie.
institué le sacerdoce chrétien. Ne vous étonnez donc
Et - je le crois - elle me donnera un jour la couronne
pas si parmi les fidèles qui ont célébré la rédemption,
éterlzelle, après que j'aurai soutenu victorieusement les
luttes de la vie. Amen. le sacerdoce fut spécialement en fête et si tous les
prêtres catholiques du monde, à la même heure, ont
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
exposé le Très Saint Sacrement, pour remercier de
l'institution du sacerdoce le divin Cœur qui brûle sans
cesse d'amour pour nous.
N'est-il pas tout naturel dès lors de parler aujourd'hui
du sacerdoce?
En effet, dans la série de sermons consacrés à l'Église,
il me faut bien parler des prêtres de l'Église, car on
ne peut se représenter l'Église sans ses prêtres.
Dans l'Église, il y a des fidèles et il y a des chefs :
les prêtres, les évêques et le pape. Il y a un sacerdoce
qui prêche la parole de Dieu, offre le sacrifice du Christ,
dont les prières servent de lien entre Dieu et les fidèles
et qui par les sacrements communique aux fidèles
la grâce du Christ.
Le sacerdoce catholique! Cible de combien de
railleries et de calomnies de la part des esprits frivoles!
Motif à combien d'idées et de jugements erronés de
la part de gens de bonne volonté! Mais aussi objet de
quel chaleureux et pieux respect de la part du peuple
chrétien croyant!
Le sacerdoce catholique! En a-t-on vraiment besoin?
Le Christ a-t-Il vraiment voulu que dans son Église
ily eût une classe spéciale, une classe d'hommes
choisis, séparés du peuple, portant un costume spécial?
Le Christ a-t-Il organisé le sacerdoce? N'ont-ils pas
raison ceux qui disent qu'ils sont ({ croyants »,
« chrétiens » ou même ({ bons catholiques », mais qu'ils
({ n'ont besoin ni d'églises, ni de la messe, ni · de la
confession, ni surtout des prêtres? Car ceux-ci se
mettent entre Dieu et l'homme. Je prie Dieu de me
pardonner mes péchés et de me donner la grâce -
LES PRÊTRES DI! L'ÉGLISE
'J,
(
mais ne peut-Il pas me donner tout cela sans les
prêtres ?... »
Voilà des idées qui surgissent constamment en
société tantôt ici tantôt là, il convient donc que nous
tirions aussi au clair cette question. Est-ce que Notre-
Seigneur Jésus-Christ a 1"tellement institué le sacerdoce?
- Nous allons chercher à répondre à cette question
dans le sermon d'aujourd'hui. Et que pmse l'Église de
ses prêtres? sera le sujet du prochain sermon.
1
LE CUL~E DU SACERDOCE.
Pour résoudre la question que nous avons soulevée,
je voudrais rappeler en guise d'introduction quelques
faits de l'histoire de la civilisation. je voudrais montrer
rapidement ce fait intéressant que chez tous les peuples
on rencontre le respect du sacerdoce, que chez les païens
comme chez les chrétiens, ce respect il toujours été
l'indice du niveau de la moralité d'un peuple.
A) Je irappellerai seulement brièvement quelques
exemples du monde grec et romain.
Dès la première page de l'Iliade d'Homère, le prêtre
apparaît comme une puissance inorale · dominant toute
autre chose. Dans les théâtres à Athènes les prêtres
avaient les premières places, c'étaient des prêtres qui
gardaient le sanctuaire des mystères d'Éleusis, sans
les prêtres n'avait lieu aucun acte officiel: ni traité de
paix, ni réconciliation des partis politiques. On peut
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
réellement dire que l'État grec antique était foncièrement
fi. clérical »,
Il en était de même chez les Romains. Toute activité
politique ou publique était sous l'influence des prêtres.
On apporta de Grèce les oracles sybillins et on fonda
un collège spécial de prêtres pour les interpréter.
. Le tout-puissant Auguste n'osait même pas déposer .
le grand prêtre, le « Pontifex Maximus »,
B) Cette conception du sacerdoce s'est naturellement
intensifiée dans une mesure notable dans la doctrin,e
chrétienne. Dans les pays chrétiens les prêtres font
l'objet' d'u~ grand respect à cause de leurs mérites
moraux et culturels sans exemple. C'est le sacerdoce
qui a propagé la civilisation parmi les peuples convertis
et sans son œuvre toute l'Europe aurait été submergée
par les flots de la barbarie. Sans son action conser-
vatrice il ne serait peut-être resté qu'un souvenir de
la civilisation antique. C'est le travail patient des
moines copistes qui nous a conservé la base de nos '
'connaissances classiques actuelles : les anciens manus-
crits grecs et romains. Architecture, musique, peinture,
écoles, universités, nous devons tout cela au sacerdoce.
Et tout l'ordre public, le respect de la morale, le triom-
phe du droit et de la justice 1 Rien d'étonnant, si les
états qui en bénéficièrent honorèrent le sacerdoce, '
Sans doute je sais bien que ce que je viens de dire
jusqu'ici ,est plutôt destiné à étayer les preuves que
j'exposerai par la suite, mais ne constitue pas la réponse
à la question soulevée. Si les peuples ont partout honoré
leurs prêtres, c'est tout au plus un fait historiqu~,
mais non pas une réponse à la grande questio~; Le
LES PRÊTRF"s DE L'ÉGLISE
christianisme a-t-il besoin aussi d'un sacerdoce?
Le Christ a-t-Il réellement fondé le sacerdoce et
pourquoi l'a-t-Il fondé?
Voilà les importantes questions qui attendent à
présent une réponse,
II
LE CHRIST A FONDÉ LE SACERDOCE,
Nous affirmons donc que Notre-Seigneur Jésus·· Christ
a institué dans l'Église un sacerdoce spécial, et l'a chargé
de communiquer aux hommes les bienfaits de la
Rédemption. Le ' Christ n'a pas voulu - comme
certains l'affirment par erreur - que les âmes com-
muniquent sans intermédiaire avec Dieu, qu'elles
. \Soient reliées « en ligne directe » avec Dieu. Mais Il a
voulu créer dans le sacerdoce une grande centrale
téléphonique à la disposition des hommes, pour que
les hommes, grâce à elle, soient mis en communication
avec la ligne du ciel. .
Comment le savons-nous?
A) Par l'enseignement très clair des Évangiles. Nous
y lisons ces belles paroles que le Sauveur a adressées
à ceux qu'Il avait spécialement choisis: « Je ne vous
appelle plus serv:iteurs, parce que le serviteur ne sait
pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés
amis, parce que tout ce que j'ai entendu de mon Père,
je vous l'ai fait connaître. Ce n'est pas vous qui m'avez
choisij mais c'est moi qui vous ai choisis et qui v<:>.~s ai
286 LE SYMBOLE DES APôTRES
établis, pour que -vous alliez et que vous portiez du
fruit et que votre fruit demeure» (S. Jean, xv, 15-16).
Notre-Seigneur Jésus-Christ a aussi ordonné que
quiconque veut entrer dans son royaume doit être
baptisé pour renaître de nouveau."" Mais c'est aux
apôtres et à leurs successeurs qu'Il a confié la charge
d'administrer le baptême (S. Matthieu, XXVIII, '19).
A celui qui, après le baptême, commet le péché,
Il donne l'absolution, mais ce pouvoir Il l'a mis encore
entre les mains des apôtres (S. Jean, XX, 22).
Il nous a rachetés par sa mort. Mais le renouvellement
de sa mort rédemptrice Il l'a encore confié à ses apôtres.
Le gage de la vie éternelle est la réception du corps et
du sang du Christ; mais ce pouvoir aussi Il ne l'a donné
qu'aux prêtres (S. Luc, XXII, 19).
De même Il leur a fait un devoir de prêcher la doctrine
chrétienne: « Allez, enseignez tous les peuples, baptisez-
les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit»
(S. Matthieu, XXVIII, 19).
En vérité, celui qui a lu les Évangiles ne peut s'em-
pêcher de faire cette constatation : le Christ, pour
assurer -l'extension du royaume de Dieu sur la terre,
a choisi quelques hommes en particulier, les a délégués
et les a revêtus de son pouvoir. ;.J
Ceux qu'Il a envoyés ont la sainte obligation de
travailler pour le royaume de Dieu, ceux à qui Il les a
envoyés ont la 'sainte obligation de les écouter. Car Il
leura dit également: (c Qui vous écoute m'écoute l)
(S. Luc, X, 16). Le Christ a lui-même organisé Il!
troupe des « envoyés » en plaçant à leur tête, comme
son représentant visible, un chef monarchique. _
LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE
Oui, le sacerdoce catholique représente la pensée
du Christ.
B) Mais, mes frères, quand nous réfléchissons
à la tâche immense que Notre-Seigneur Jésus-Christ
a donnée à ses prêtres, nous sommes presque obligés
de dire que Notre-Seigneur - humainement parlant
- a commencé une entreprise désespérée, lorsqu'Il a réalisé
cette chose étonnante.
a) Mettre aux mains des hommes les forces, les mérites,
le sort de la Rédemption! Aux mains d'hommes qui,
même après avoir . reçu cette mission, demeureraient
toujours des hommes, avec une nature humaine portée
au péché et avec le fardeau des faiblesses humaines 1
Ensuite obliger les autres hommes à se tourner pour
les affaires de leurs âmes vers cette petite troupe
d'élus, même quand ces membres ne seraient pas
des saints ou des génies, même quand leur âme à eux
serait peut-être dans un pénible éloignement du Christ.
- Le sacerdoce a deux visages : il vit sur la terre,
mais il n'a pas le droit d'être du monde. Le prêtre est
notre compatriote, fait partie de nos connaissances, est
l'enfant de telle ou telle famille, - et pourtant, depuis
son ordination, il est plus que cela, bien plus. Il faut
que son amour s'étende aussi loin que l'humanité. Il
doit aller sans hésitation là où Dieu l'a appelé: dans
un petit village, dans une grande ville, près des enfants
dans une école, ---des malades dans un hôpital, des
pauvres dans un hospice, près des étrangers, chez les
païens. Nulle part il n'a le droit de s'arrêter définitive-
ment, de se lier définitivement avec quelqu'un, il doit
être un voyageur perpétuel sur la terre et se rendre
 tE SYMBOLE DES APÔTRE:i
immédiatement et avec empressement là où Dieu
l'appelle. Il faut qu'il vive dans le monde pour pouvoir
le sauver et cependant en dehors du monde -pour ne
pas périr avec lui.
b) Tâche à donne1· le vertige. En effet même si chaque
prêtre était un saint et un génie, même alors on ne
comprendrait pas la mystérieuse décision du Christ
qui a attaché la répartition de ses . grâces à des inter-
médiaires humains. Du fait qu'Il a laissé dans ses
prêtres la faiblesse humaine, il est sûr que notre foi
est fréquemment mise à une très lourde épreuve.
Il serait plus facile d'écarter de notre foi n'importe
quel autre obstacle que èle guérir cette plaie douloureuse
que nous infligent les fautes humaines des prêtres
élus et délégués par le Christ. Elle est si terrible cette
épreuve de notre foi que beaucoup ne peuvent la
supporter.
Vous savez, n'est-ce pas, ce à quoi je pense actuelle-
ment. A la plus grandédouleur de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. Mais une douleur que le Sauveur avait
pour ainsi dire prévue - et néanmoins Il ne renonça
pas à fonder le sacerdoce. Partout où il y ades hommes,
la faiblesse humaine aussi se rencontre. C'est vrai :
nous devons travailler de toutes nos forces pour que
les traits humains disparaissent de plus en plus du
sacerdoce de l'Église. Mais si cela ne réussit pas com-
plètement, si çà et là se présentent de déplorables
défauts, des faiblessès et même des péchés, nous
n'avons pas le droit de chanceler dans notre foi, lorsque
nous savons que saint ' Pierre, le jour de sa première
communion et le jour de son ordination) a renié son
r
.1
1
LES PRÊTRES DE L'ÉGLISn
Maître et lorsque nous savons que les apôtres ont
lâchement abandonné le Sauveur le jour même de
leur ordination. .~ ,
Notre-Seigneur avait prévu tout cela. Et néanmoins
Il a institué le sacerdoce, certainement lI1'a fait pour
de graves raisons. Efforçons-nous de rechercher avec
humilité ces raisons: Pourquoi Notre-Seigneur a-t-Il
établi cet intermédiaire, ce trait d'union entre Dieu et
les hommes? Pourquoi a-t-Il institué le sacerdoce?
III
POURQUOI LE CHRIST A-T- IL INSTITUÉ LE SACERDOCE?
Théoriquement on pourrait se représenter la rédemp-
tion de telle manière que nous participions à ses grâces
. sans intennédiaire d'aucune sorte. Si Dieu voulait,
il suffirait de dire « Je crois en Vous, Seigneur» et l'on
deviendrait chrétien sans réception extérieure du
baptême. Dieu pouvait faire qu'en nous' agenouillant
et na'lS frappant la poitrine « Seigneur, ayez pitié de
moi> pauvre pécheur » immédiatement nous soyons
pardonnés de nos péchés sans confession et absolution
du prêtre. .
Mais en réalité Dieu ne ['a pas voulu. Le' Christ a
ordonné que pour la transmission de ses grâces il nous
faudrait recourir à des signes extérieurs visibles et à
des gestes détem\inés, or ce n'est pas n'importe qui
qui peut accomplir ces gestesl mais seulement ceux qu'Il
Symb . des Ap, - t, V 10
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
en a chargés. En d'autres termes, le Christ a établi des
intermédiaires pour la grâce - ces intermédiaires nous
les appelons les prêtres.
•. Mais surgit en nous cette question: Pourquoi fallait-il
des intermédiaires? Pourquoi Dieu ne donne-t-Il jJas
directement ses grdces?
i Il suffit de réfléchir I.Jfl peu pour pouvoir donner
la réponse. - leurs œuvres» (S. Matthieu, XXIII, 3).
A) Disons-nous bien tout d'abord que ['homme
n'est pas seulement esprit mais aussi· matzëre.
i a) Il est tout à fait conforme à notre nature maté-
rielle que Dieu, pour nous donner sa grâce invisible,
se serve de signes et de gestes extérieurs visibles. C'est
pour cela qu'il faut le sacerdoce, un sacerdoce choisi
dans le monde mais vivant uniquement pour le service ·
de Dieu. En effet la sainteté de Dieu est aujourd'hui
la même qu'à l'époque de Moïse. Et si Moïse a été
profondément troublé d'entendre les paroles venant
du buisson ardent : « Ote les sandales de tes pieds,
car le lieu sur lequel tu te tiens est uile terre sainte »
(Exode, . III, ,5) - aujourd'hui encore il en est de
même: aucun homme ne peut s'approcher des sources
de la grâce divine sinon celui que Dieu a choisi pour
y puiser et donner à boire à son peuple. Et ainsi nous
comprenons exactement l'essence du sacerdoce catho-
lique, son essence intime et sa raison d'être:~ A quoi
sert le prêtre? A servir Dieu. A conduire les âmes à
Dieu. A être l'intermédiaire entre Dieu et l'homme.
b) Et il faut que le prêtre sache très bien que c~tte
dignité et cette sainte fonction comportent une grande
responsabilité. Il n'a pas le droit d'être seulement un
LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE
phare qui montre à autrui le chemin du port tandis
que lui-même ne suit pas le bon chemin. Il n'a pas le
droit de prêcher théoriquement le Christ et de marcher
lui-même pratiquement sur une autre route. Il n'a pas
le droit de mériter la parole prononcée par Notre-
Seigneur à propos des Pharisiens : « Faites donc et
observez tout ce qu'ils vous disent; mais nlmitez pas
..
Les prêtres ne sont donc pas pour régner sur les
fidèles? Pas du tout. En effet ils lisent assez souvent
ces paroles du Christ: « Le plus grand parmi vous sera
votre serviteur» (S. M; tthieu, XXIII, II). Et ces mots
de saint Paul: « Nous Le prétendons pas dominer sur
votre foi, mais nous con tribuons à votre joie » (Ile
Corinthiens, 1, 23). Et cet avertissement de saint
Pierre : « Paissez le troupeau de Dieu qui vous est
confié, veillant sur lui, non pal' contrainte, mais de
bon gré, non dans un intérêt sordide, mais par dévoue-
ment; non en dominateurs des églises, mais en devenant
les modèles du troupeau» (le S. Pierre, v, 2-3).
B) Mais la chose devient encore plus claire, quand
nous songeons que Dieu a attaché notre redemption
à la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ et que
nous sommes rachetés dans la mesure où nous réus-
sissons à devenir membres du corps mystique du
Christ.
a) Devenir membre du corps du Christ! - voilà
l'essence du christianisme : le reste, la liturgie, les
commandements, les fêtes, les formes de dévotion,
tout cela n'est pas l'essentiel. Sans doute, nous ne
pouvons pas, sans les sacrements de l'Églisel . devenir
 LE SYMBOLE DES APôTRES
l ,. ,
membres du Christ et pour administrer les sacrements
il faut le sacerdoce. C'est pàr l'activité sacramentelle
du sacerdoce que nous devenons membres du corps du
Christ. ) . il a dit à ses apôtres : « Les péchés seront remis à ceux
b) « Alors je ne pourrais pas de moi-même participer
aux mérites du Christ? Par une communication directe
entre mon âme et le Christ? Le Dieu éternel et mon
âme ne suffisent-ils pas? Pourquoi donc le sacerdoce '? »
C'est le Christ Lui-même qui donne la réponse.
, Avec quelle clarté il a donné cet ordre à ses apôtres:
"
a Allez, enseignez tous les peuples, baptisez-les »
... .
(S. Matthieu, XXVIII, 19), donc c'est vous qui donnez le
baptême. « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé »
(S. Marc, XVI, 16), donc « sera baptisé» et non pas:
se baptisera lui-même. Nicodème s'entretient toute
une nuit avec le Christ sur la justification. Et le Christ
ne lui dit pas « il suffit de Dieu éternel et de ton âme »,
mais Il lui parle de sa mort sur la croix et lui dit :
« si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit il ne peut
entrer dans le royaume de Dieu» (S. Jean, III, 5).
Il y a ensuite la Sainte Eucharistie. La vie divine
peut-elle sans elle exister en nous ? Non. Vous connaissez
les paroles du Sauveur: « Si vous ne mangez la chair du
Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous
n'aurez pas la vie en vous Il (S. Jean, VI, 54). Mais
comment nous approcherions-nous aujourd'hui du
corps du Christ, s'il n'y avait pas de prêtres qui, à la
messe, le~l'fassent descendre du ciel parmi nous? Or
nous n'avons pas "le droit, de croire que le Christ a
donné à tous les hommes le pouvoir ,de consacrer.
Et la pénitence! Quel sacrement indi~pensablepour
LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE 293
les faibles hommes 1 Est-ce que le Christ a dit :
« Repentez-vous de vos péchés et alors le Père voùs
les pardonnera à cause de mes mérites»? Non. Mais
à qui vous les remettrez Il (S. Jean, xx, 23). Donc c'est
. vous qui les remettrez. J.
Il est tout à fait sûr que le Christ n'a confié qu'aux
apôtres et à leurs successeurs l'administration . des
sacrements, et non pas à tous ses fidèles et à tous ses
disciples. En effet Il leur a dit : « Comme mon Père
m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie Il (S. Jean, XX, 21) •
Et seuls les apôtres ont pu dire à ceux qu'eux-mêmes
choisirent : « Comme le Christ nous a envoyés, nous
aussi, nous vous envoyons ».
Et c'est ainsi que le pouvoir d'administrer les sacre-
..
ments donné par le Christ aux apôtres continue chez
les successeurs des apôtres, c'est ainsi qu'il continue
dans l'Église, depuis dix-neuf siècles, pour faire des
hommes qui aspirent au salut éternel les membres
du corps mystique du Christ.
• "" •
Mes frères, l'tglise a vécu au cours de ces dix-neuf
siècles des moments terribles, mais jamais les prêtres
'ne lui ont manqué. Le Christ en a toujours appelé à
l'œuvre autant qu'il était nécessaire. Le Christ sait que
l'Église a besoin de prêtres, qu'il faut des ouvriers
pour la moisson et Il dépose toujours sur le front de
nouveaux jeunes gens le baiser invisible qui les appelle
au travail
294 LE SYMBOLE DES APÔTRES
Il n'est pas possible de dire en quoi consiste cet appel
du Christ. Comment des profondeurs de l'âme d'un
jeune homme surgit le désir mystérieux de donner
sa vie entière au Christ, de sorte qu'il n'y a plus un
seul instant, un seul battement du cœur, un seul
projet, un seul désir, une seule pensée, une seule
minute qui ne soit pas pour le Christ et les âmes
immortelles.
Et bien que, d'après les calculs humains, il paraisse
une entreprise néfaste de confier à de frêles épaules
humaines les valeurs éternelles, on voit cependant
que l'eXpérience a montré l'inanité de toute crainte.
On voit que malgré d'humaines faiblesses qui
existent malheureusement, le sacerdoce est devenu
le robuste soutien de l'Église. Il n'y a rien de com-
parable à l'amour pieux que les fidèles manifestent
envers leurs prêtres, car au-delà de toutes les faiblesses
humaines ils voient sur eux l'auréole de l'ordination
et baissent humblement leur front devant la bénédiction
des mains qui donnent l'absolution et élèvent le
Saint Sacrement.
Mes frères, lorsque les prêtres du monde entier
se sont agenouillés devant le Sacré-Cœur de Jésus '
et l'ont remercié de la dignité surhumaine à laquelle
Il les a appelés, sans qu'ils l'aient méritée, vous aussi,
nous tous, nous avons fait monter vers Dieu une prière
fervente pour ses prêtres.
Ce fut une soirée splendide. .. Trois cent mille
prêtres catholiques s'agenouillèrent devant le Sacré-
Cœur et ont fait cette prière : « Seigneur Jésus, nous
vous remercions humblement de nous avoir appelés à
LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE
cette dignité surhumaine. Nous ne vous demandons
qu'une seule chose : de pouvoir être des prêtres selon
votre saint Cœur. .'
D'être des flambeaux qui brûlent pour Vous.
D'être un foyer qui réchauffe seulement par Vous.
D'être une route qui conduit seulement à Vous.
D'être un bras robuste qui élève vers Vous.
D'être une colonne qui ne vacille pas, un chêne
auquel se cramponnent les âmes. _ _ _
D'être des prêtres qui n'aient pas un battement de
cœur, pas un regard, pas une pulsation - qui ne soit
pour Vous et les âmes immortelles. . - .
D'être des prêtres qui n'attendent rien sur la terre
pour leur travail - ni confort, ni plaisir, ni bien-être,
ni richesses, ni distinctions, ni honneurs - absolument
rien, parce que nous avons beaucoup plus que cela,
la promesse de saÎnt Pierre : « Quand le Prince ~es
pasteurs paraîtra, vous recevrez la couronne de glOIre,
qui ne se flétrit jamais» (le S. Pierre, v, 4)· _ - -
: Seigneur. donnez-nous des prêtres avec cet idéal qui
fassent la joie de Votre Très Sacré. Cœur et le salut du
troupeau qui leur est confié. Amen.

xx
LES PRitTRES DE L'ÉGLISE (II)
MES FRÈRES,
Il a été question des prêtres de l'Église dans le
isermon précédent : il a été dit que Notre-Seigneur
Jésus-Christ a véritablement institué le sacerdoce
chrétien. J'ai indiqué alors que je consacrerais encore
un autre sermon au sacerdoce, à montrer ce que l'Église
pense de ses prêtres et ce qu'elle en attend. Et cela
rious ne pouvons peut-être jamais le sentir plus pro-
fondément que dans les sublimes cérémonies de
l'ordination. ' doce éternel. Je m'efforcerai dans le sermon d'aujour-
.- Vêtus de l'aube blanche, les futurs prêtres sont
étendus comme des morts sur le sol, tandis que l'évêque
récite sur eux les litanies des saints. « Kyrie eleison!
Christe eleison! Kyrie eleison! » Les litanies s'a~hèvent.
Ensuite l'évêque étend ses deux mains sur la tête des
ordinands et les laisse étendues un instant sans mot
dire dans un silence complet. En même temps aussi,
1
silencieusement, les prêtres qui assistent l'évêque
· . .,. , ' .
I,.ES PRÊTRES DE L'ÉGLISE 297
tiennent leU'rs mains étendues.~ En vérité, seul ce
silence émouvant qui accompagne la cérémonie, seul
ce grand silence peut exprimer dignement ce qui se
passe alors: une faible créature devient à cet instant une
reproduction vivante de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
En effet le prêtre est aux yeux de l'Église un « alter
Christus» « un autre Christ ». Depuis dix-neuf siècles
le prêtre catholique vit sur la terre et y vivra, tant que
vivra l'Église. tant qu'il y aura des hommes sur la
terre. Les nations vont et viennent, mais les serviteurs
du Christ se renouvellent parmi elles. Les prêtres
aussi meurent, mais le sacerdoce ne meurt pas, -
il est éternel.
Deu~ traits caractéristiques apparaissent spéciale-
ment sur l'image de ce sacerdoce éternel. Tous deux
sont des particularités sans lesquelles ne peut exister
le prêtre idéal, mais aussi des particularités qui font
naître le respect fervent et sans exemple des fidèles
catholiques pour leurs prêtres. J. Le premier c'est:
l'amour des âmes. II. Le second c'est: la responsabilité
devant le Pasteur suprême des âmes. Voilà les deux
traits les plus caractéristiques sur le visage du sacer-
d'hui de peindre sous ces deux aspects le sacerdoce
catholique. Seulement que personne ne dise à la fin :
« Ah! Comme la réalité reste bien éloignée de cet
idéal! » Hélas! elle en reste loin c'est vrai; tout comme
l'idéal et la 'réalité sont loin l'un de l'autre partout
où intervient une main humaine. Mais il nous faut
pourtant savoir comment l'Église du Christ se repré-
i ISente ses prêtres : et nous, prêtres, nous devons savoir
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
comment nous devons être; il faut enfin que nous
et les fidèles sachions que nous devons prier pour les
prêtres.
1
,1
L'AMOUR DES AMES.
La première caractéristique d'une âme sacerdotale
doit être celle-ci : un amour sans borne pour les âmes
A) C'est chose bien connue que le sacerdoce catho-
lique se présente devant nous dans une hiérarchie gran-
diosement organisée.
a) Les prêtres n'obtiennent pas d'eux-mêmes leurs
pouvoirs, mais ils sont envoyés par les évêques, les
évêques par le pape, et les papes par le Christ. On peut
dire, pour employer une expression banale, que les
prêtres de l'Église ne travaillent pas ({ à leur compte »,
sous leur propre responsabilité, mais comme investis
de la plus haute mission.
Nous sentons aussi la force que nous donne notre
union avec le chef de l'Église, le pape. ({ Je vais pêcher ))
(S. Jean, XXI, 3), dit un jour Simon-Pierre, le premier
pape, près du lac de Génésareth. Et les apôtres qui
étaient avec lui dirent unanimement: II: Nous allons
avec toi )) (S. Jean. XXI, 3). Et ils prirent part ensemble
au dm; ,travail de la nuit, à sa riche pêche au matin et
ils virent ensemblele i>~eigneur. ({ Je vais pê~her ))-
ont dit depuis 261 papes, et des centaines et 'des cen-
taines de milliers de prêt~es ont répon~u : « Nous
, ".
LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE 299
allons avecvous)). Nous savons bienq~e seul peut devenir
prêtre celui que le Seigneur a choisi, appelé et envoyé.
b) Mais nous savons aussi autre chose. Nous savons
aussi que le Sauveur, lorsqu'Il choisit le premier pape,
saint Pierre, et lui donna le pouvoir suprême, ne lui
parla pas ainsi en ce jour mémorable : Pierre, as-tu
beaucoup étudié? Pierr~, es-tu savant? Pierre, es-tu
bon organisateur? Es-tu un grand juriste? Non.
n ne lui a rien demandé de tout cela. Mais 11 lui a dit:
Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci? (S. Jean,
XXI, 15). Et Pierre reçut les pOJlvoirs de pasteur suprême
après avoir trois fois affirmé son amour. Depuis, nous
devons aussi savoir que le baiser du Christ qui consacre
prêtre l'aspirant au sacerdoce oblige le prêtre à aimer
le Christ et son corps mystique, les fidèles de l'Église.
c) A son ordination il reçoit cette mission du Christ"
cette dignité sacramentelle et le pouvoir qui y es~
annexé - voilà la marque la plus importante du 1
prêtre de l'Église. Cette mission sublime, ces pouvoirs
sacerdotaux sont indépendants des capacités individuelles.
C'est ce qui rend si digne de respect devant les fidèles
le plus simple prêtre, car derrière cette forme humaine
défectueuse, )fragile, mesquine, brille la grandeur du
Christ. Que le prêtre qui célèbre la messe soit un grand
savant ou un homme ordinaire, que le --<:onfesseur soi(
un vieux directeur--plein d'expérience ou un prêtre"
ordonné il y a une paire de jours, /un jeune homme de
22 ans, peu importe :, c'est le Christ le principal, c'est
le Christ qui compte, c'est le Christ que nous cherchons, I
c'est le Christ qui les a envoyés, c'est le Christ qui leur
a donné ses pouvoirs. '" ",' ---"

300 LE SYMBOLÈDES APÔTRES
B) Et maintenant le prêtre catholique commence
déjà à prendre devant nous une forme concrète : Quel
être merveilleux que le prêtre catholique 1 r
a) C'est u'n homme qui n'a pas de famille et qui a
pourtant les centaines et les milliers de familles de sa
paroisse. Un horrime vers qui les autres hommes se
tournent aux jours les plus joyeux et les plus tristes
de leur vie. Un homme que des inconnus appellent
« mon père ». Un homme à qui on raconte avec con-
fiance les secrets fIes plus pénibles et anxieusement
i' .
cachés qu'on ne dirait jamais à personne : ni à ses
meilleurs amis, ni à son époux ou à son épouse, ni à ses
parents. Un homme vers qui - pour chercher un
soulagement dans la détresse physique et morale -
chacun se tourne avec confiance, car on sait qu'être
prêtre c'est être dispensateur de l'amour divin, c'est
redire .à toute âme épuisée, malade, souffrante et
luttante les paroles éternellement mémorables du
Souverain Prêtre : « Vepez à moi, vous tous qui . êtes
fatigués et chargés et je vous soulagerai» (S. Matthieu,
XI, 28). ' Voilà pourquoi les prêtres ne se marient pas.
b) Le sacerdoce est pour nous comme les hautes mon-
tagnes aux sommets couverts de neige : de quèlque côté
que nous les regardions, chaque fois gue nous avançons
d'un pas, nous éprouvons sans cesse une nouvelle
impression qui change constamment. Ici c'est une
cime .qui surgit devant nous, là c'est un ruisseau,
là-bas c'est un troupeau en train de paître, ailleurs une
petite cabane, un charnois bondissant ou une cascade
rapide, - mais la cime la plus haute semble ne rien
LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE :;01
, ,
savoir de tout 'cela: elle se dresse dans sa blancheur
éternelle vers le ciel pur.
Dans l'âme du prêtre aussi il faut qu'il y ait une
hauteur, une cime blanche comme la neige où le
tumulte de la vie n'a pas le droit de pénétrer, mêm e
si la vie fourmillante suit son cours sur les pentes de
la montagne.
Mais certainement il faut que son cœur batte d'une
grande vie. La vie actuelle appelle souvent le pasteur
d'âmes hors de la chaire, hors de l'église, à l'école, dans
les œuvres, dans la société. Je dois aussi connaître
les questions économiques, la politique, - mais
il me faut être en contact avec tout cela de manière à
ne pas m'y attacher et qùe le bruit de la vie ne pénètre
pas dans le silence des cimes blanches de neige; .
c) Mais précisément parce que les prêtres de l'Eghse
doivent répondre à tant de choses, il faut qu'ils soient
célibataires. C'est seulement ainsi qu'ils peuvent
réaliser ces paroles de saint Paul : « Celui qui n'est
pas marié a souci des choses du Seigneur, il cherche
à plaire au Seigneur» (le Corinthiens, VII, 32 ).
Ou plutôt ils se marient dans un sens spécial : au
moment sublime de l'ordination, lorsque irrévocable-
ment le prêtre s'unit au Christ. Le rite de la con-
sécration épiscopale le montre aussi très clairement,
lorsque - tout à fait comme au mariage - le nouvel
évêque reçoit l'anneau bénit avec ces mots: Prenez
cet anneau, signe de fidélité; car vous devrez gar.der
intacte avec une fidélité inviolable l'épouse de DIeu,
1'Église. « Oui, l'Église et ses membres ·sont la famille

3°2 LE SYMBOI,E DES APÔTRES
/
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7t'
'J /
du p:être, ses e~f3m~s et son ~pouse. le prêtre doit
travaIller pour 1 EglIse au pnx de tous les sacrifices
comme la mère pour sa famille. Et Îa joie du prêtre'
c'est la vie de l'Église, commel l'homme marié s;
réjouit de l'ép.anouissement de sa famille. Il se réjouit,
qua~d son églIse est comble: il se réjouit, quand il peut
à peme suffire aux nombreuses confessions; il se réjouit,
quand à la table de communion la foule s'empresse
vers Notre-Seigneur.
, C) Cet amour des âmes est un élément essentiel, i~dis­
pensable de l'âme sacerdotale: faire rayonner l'amour
éternel de. Dieu - voilà le but d'une âme de prêtre.
a) « Dzeu ne peut pas être partout, c'est pou;quoi
Il a créé la mère de famille », disent les Arabes. Il faudrait
dir~ plus exa~tement : on ne peut pas voir Dieu partout,
maIS pour faIre sentir partout son amour, Il a créé le
cœur maternel.
C'est ~?tir ~ela aussi qu'Il a créé le cœur du prêtre.
Pour qu Il SOIt par un amour surnaturel des âmes
l~ pr~uve ~e l'amour de Dieu. « Reliquit nos tanquam
Vlcanos sUl am oris » - écrit saint Ambroise avec une
- concision classique; « Il nous a laissés comme les
représentants de son amour ». Le cœur du père, le cœur
de la mère, le cœur· de prêtre sont les trois sources
desquelles Jjaillit l'eau fertilisante de la vie la force
mystérieuse de la vie: l'amour de Dieu. ' d'inquiéter l'homme qui vit tranquillement dans ses
Et maintenant je comprends qu'un t~l cœur doive
demeurer libre : pour pouvoir aimer tous les fidèles.
Je comprends'-'que personne ne doive lier une telle
ma.in. Oui, le prêtre contracte une unionJ une sainte
,unIOn avec l'amour éternel de Dieu.
//
/
'"
'" LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE 30 3'
, \ . ,
b) NIais nous comprenons aUSSI à present ce respect
chaleureux et ·~lial que les fidèles manifestent envers
leurs pretres. N ous
A \ comprenons qu ,aUJour. d'h' Ul encore,
à une époque de fr~i<~e objectivité, les fidèles célèbrent
avec un enthousiasme incroyable l'entrée du pape à
Saint-Pierre. Et même il suffit qu'un légat ,du pape
apparaisse quelque part, par exemple à un congrès
eucharistique international, ou chez nous pour le jubilé
de saint Emeric : quelle joie et quel accueil triomphal
l'accompagnent partout. ,
c) Sans doute, il y a aussi des hommes qui ne sont pas
pour les prêtres, qui pensent d'eux tout le mal possible.
C'est vrai, suivant l'évangéliste saint Matthieu il y en
avait déjà pour dire de Notre-Seigneur Jésus-Christ:
« C'est un homme qui aime la bonne chère et le vin, un
ami des publicains et des pécheurs » (S. Matthieu,
' XI, 19). Il Y a des messieurs bien habillés et des dames
distinguées qui - lorsqu'ils rencontrent un , prêtre
dans la rue - saisissent, épouvantés, un bouton de
leur manteau et bégayent avec des lèvres tremblantes :
« Ah! il va m'arriver malheur ».
Ne soyez pas surpris de ce que je vais vous dire:
Nous autres, prêtres, nous sommes fiers que le monde
tombé dans le péché soit inquiet et troublé à la vue
du prêtre. Ç)ui, c'est aussi un des devoirs du prêtre
péchés. Lorsque dans le chaos des réclames électriques
flamboyantes, dans le tumulte des rues animées, passe
à côté de vous un prêtre avec sa longue soutane noire,
involontairement, malgré vous, vous songez à l'autre
vie, à la seule vie véritable, à la vie éternelle que l'on
 /
3"4 LB SYMBOLE DES APôTRES /
oublie si facilement dans la lutte pour le pain quotidien.
La mission du prêtre est analogu)-'à celle du soleil
dans le ciel : il doit répandre ses r~yons avec la même
chaleur sur les bons et les méch?nts. Et ce soleil doit
luire avec sérénité, même quand il sait que l'espace -
glacé et ténébreux absorbe toute sa chaleur, que ses
intentions les plus saintes ne rencontrent fréquemment
qu'insensibilité, incompréhension, calomnie.
En effet celui qui n'aime pas les âmes, les agneaux
du Christ, ne peut pas être un digne prêtre du Christ.
II
RESPONSABILITÉ DEVANT LE PASTEUR SUPRÊME DES Al\IES.
Mais - de l'amour généreux des âmes immortelles
découle un second trait bien visible de l'âme du prêtre:
l'émouvante conviction de sa -responsabilité envers le
Pasteur suprême des âmes.
A) Tout homme doit avoir le sentiment de sa
responsabilité, mais personne ne l'a plus fortement
que le prêtre. B) Tout homme doit faire son examen
de conscience, mais personne ne doit le faire plus
sévèrement que -le prêtre.
A) Les -'prêtres du Christ savent quelle immense
responsabilité va de pair avec leurs pouvoirs. Ils savent
qu'un mauvais prêtre peut accumuler plus de ruines
que dix anges ne peuvent en réparer.
a) Quel prêtre ne tremblerait pas à la pensée de sa
,esponsabilité, du fait que le sort de ['Église est entre
\ LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE
ses mains. Que le royaume de Dieu ne peut s'étendre
parmi les hommes que si le visage de Notre-Seigneur
Jésus-Christ rayonne brillant de l'âme des prêtres eux-
mêmes; que si leur genre de vie rend témoignage pour
le Christ; que s'ils montrent dans leur vie c~ qu'ils
prêchent dans leurs discours. _
Nous sentons que nous devons être des porteurs de
lumière dans les nuits orageuses et que nous devons
élever nos flambeaux allumés au feu du ciel au-dessus
des routes terrestres enveloppées dans les ténèbres.
Nous sentons qu'il nous faut une main robuste, des
bras gonflés de la force divine pour les tendre à tous
ceux qui sont tombés. -
Nous sentons que nous devons avoir un cœur ardent,
un cœur enflammé auprès du divin Cœur de Jésus qui
avec un amour compatissant travaille à délivrer toutes
les brebis qui se débattent au milieu des épines.
Voilà ce que sent l'âme sacerdotale. Elle le sent -
et en frémit.
b) Oui, nous sentons bien que le sacerdoce est la
plus sublime vocation qui puisse échoir à l'homme sur
la terre, mais en même temps la plus difficile. Ne peut lui
appartenir que celui qui sait s'affranchir de tout ce qui
signifie argent, carrière, bien-être et vie de famille.
Ne peut lui appartenir que celui en qui vit la flamme
inextinguible avec toutes ses pensées, tous ses desseins,
ses ambitions, toutes ses ardeurs de réaliser l'œuvre
du Christ, le salut des âmes, l'extension du royaume
de Dieu. »
Peut seul devenir prêtre celui qui sait, qui comprend,
. qu'il n'y a pas dans le monde de joie plus saune, plus
( - -
 LE SYMBOLE DES APôTRES
élevée, plus féconde que d'être pou~ es frères qui
: ! cherchent leur route dans les tén,res un flambeau
allumé au cœur du Christ, d'être l~pasteur qui ramène
au Christ les brebis perdues dani les épines.
Seul peut devenir prêtre celui qui peut dire avec le
saint curé d'Ars: « Si j'avais déjà un pied dans le
paradis et que je puisse encore sauver un seul pécheur
sur la terre, je n'hésiterais pas un seul instant à retourner
sur terre ».
Seul peut devenir prêtre celui qui peut dire de lui-
même ces paroles du Sauveur : « Je suis venu apporter
.le feu sur la terre et que désirai-je sinon qu'il soit
allumé» (S. Luc, ,XII, 49).
Seul peut être prêtre celui qui n'est pas comme
le fil électrique qui amènè aux hommes le courant
vivifiant, mais demeure lui-même glacé; mais celui qui
peut dire aux fidèles ces mots de saint .Paul : « Soyez
mes imitateurs, comme je le suis du Christ» (le Corin-
thiens, IV, 16). Seul peut l'être celui à qui s'appliquent
ces paroles de saint Paul : « Jerne suis fait tout à tous,
afin de les sauver tous » (le Corinthiens, IX, 22); ou
encore celui qui peut dire ces paroles de l'apôtre
pleines d'un- amour enthousiaste du prochain : « Je
souhaiterais d'être moi-même anathème loin du Christ
pour mes frère~ » (Romains, IX, 3).
B) Et parce que le prêtre doit sentir cette immense
responsabilité il a besoin d'un examen de conscience
continuel et rigoureux.
a) S'il est ' vrai que les mots ont un sens en eux-
mêmes, alors notre mot « saœrdos » veut dire un saint
cadeau de Dieu.
LES PRÊTRES DE L'ÉGLISE
Les hommes ,nous appellent « mon père )J. C'est le
titre le plus noble que puisse recevoir un prêtre. Mais
en meme• temps \c'est aUSSI. un grand '
avertlssemen t
pour nous/: sommes-~ous réellement tels toujours et
dans toutes nos actions? Sans doute ce titre accompagne
la fonction et non pas la personne. Mais nous n'avons
pas le droit de nous tromper nous-mêmes : si tout
chrétien doit être « alter Christus », combien plus le
prêtre doit-il l'être. Il faut que nous montrions nous-
mêmes tout ce qui est visible du Christ sur la terre.
b) Mais si nous voulons être tels qu'on nous appelle,
il faut que petit à petit nous arrivions à ce que le Çhrist
paraisse à la place de notre moi, que nos désirs, nos
projets, nos ambitions fassent place aux désirs, aux
projets, aux ambitions du Christ. Il faut que nous disions
ce que saint Jean-Baptiste a dit du Sauveur: « Il faut
qu'il croisse et que je diminue » (S. Jean, III, 30).
Il faut que nous arrivions à un tel point que s'applique
à nous cette phrase de saint Paul: « Ce n'est plus moi
qui vis, c'est le Christ qui vit en moi » (Galates, II, 20).
Il faut que nous devenions comme les saintes espèces
dans le Très Saint Sacrement: tout ce qu'il y a en moi
n'est qu'une apparence extérieure, un ·accessoire, mais
l'essentiel en moi c'est le Christ. Ce dépouillement de
l'âme sacerdotale, cette « exinanitio » est un exemple
de cettecinort mystique qui est en vérité le plus bel
accroissement de vie.
Et tout prêtre doit sentir que sa sainte vocation lui
impose cette o'bligation.
Par le temps qui court, les hommes n'ont que de
faibles petits récepteurs pour percevoir les idées éter-
 /
/
-'
LE SYMBOLE DES APôTRES / LES PRÊTRES DE L'~GLISB
- ,'
neHes. Ils n'ont pas d'autre secours que si nous, prêtres,
nous augmentons de plus en plus f9Itement en nous-
m êmes les énergies de la station émettrice. Il faut aujour-
d'hui que nous fassions rayonner les beautés de la vie
chrétienne avec une telle supériorité qu'elles trouvent
un écho même dans les âmes qui possèdent le plus
faible appareil récepteur.
C'est ce sentiment profond de sa responsabilité qui
apparaît comme second trait caractéristique sur le
visage des prêtres de l'Église.
C'est l'éternel avertissement que font sans cesse
résonner à nos oreilles ces paroles du Pasteur suprême:
i« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel s'affadit, avec quoi
lui rendra-t-on sa saveur? Il n'est plus bon à rien qu'à
'être jeté dehors et foulé aux pieds par les hommes.
Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur
une montagne ne peut être cachée .•• Qu'ainsi votre
lumière brille devant les hommes; afin que, voyant vos
bonnes œuvres, ils glorifient votre Père qui est dans ka
cieux» (S. Matthieu, v.. 13- 16).
... !
Mes frères, personne ne peut prédire combien de
jours doit encore durer le royaume de Dieu... Mais
il est sûr que tant qu'il y aura un sacerdoce qui, chaque
matin avant de commencer son travail, contemplera
pendant sa méditation Notre-Seigneur Jésus-Christ
et Lui demandera ; Seigueur, conunent aujourd'hui
pourrai-je remplir Votre sainte volonté, - le royaume
de Dieu, malgré toutes les attaques et les.persécutious,
continuera à vivre et à prospérer. ,
L'Église du Christ continuera à faire des conquêtes'
et à s'étendre, tant qu'il y aura des prêtres qui chaque
jour se poseront à eux-mêmes cette question de l'apôtre:
« Qui nous séparera de l'amour du Christ? La tribu-
lation ou l'angoisse? La persécution, la faim, la nudité,
le péril ou l'épée? (Romains, VIII, 35). Ils se posent
cette question et y répondent immédiatement avec
saint Paul: « J'ai l'assurance que ni la mort, ni la vie,
ni les anges, ni les principautés, ni les choses présentes,
ni les choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la
profondeur, ni aucune autre créature, ne pourra ' nous
séparer de l'amour de Dieu en Jésus-Christ Notre-
Seigneur li (Romains, VIII, 38-39).
Il n'est pas vrai qu'aujourd'hui l'humanité n'ait
plus besoin de prêtres. Oui, il en faut, - mais se~lement
de saints prêtres. Il ne faut pas de prêtres à l'âme
glacée, il ne faut pas de prêtres au caractère faible, il ne
faut pas de prêtres fonctionnaires. Mais aujourd'hui
encore les âmes qui aspirent à la lumière éternelle
affiuent vers les prêtres dont l'âme brûle de l'amour
du Christ, vers les prêtres dont le cœur bat à l'unisson
avec le cœur du Christ, comme par un calme soir
d'été les papillo~s qui cherchent la lumière volent
vers la douce lueur de la lampe sur ma table de travail.
Ah! mes frères, priez pour de tels prêtres. Car, nous
aussi, nous prions ainsi pour nous-mêmes; « Seigneur,
faites que je sois un tel prêtre.
Que je sois le sel qui prése~ve ~e la corrup_!i?~~
 3 10 LE SYMBOLE DES APÔTRES

Que je sois la lumière du monde qui montre le

chemin vers Vous.
Que je sois la ville placée sur la montagne dont on
aperçoit de loin les exemples. ,
Que je sois un cierge qui Vous éclaire.
XXI
Que je sois un flambeau ardent que Vous teniez dans
Votre main.
Que je sois un prttre selon Votre Saint Cœur, dont
L'ÉGLISE PERSÉCUTÉE
vos fidèles et vos agneaux puissent dire : il est véritablement
la lumière qui nous conduit vers Dieu ». Amen.

MES FRÈRES,

t.
Nous -avons coutume d'app~ler l'Église du Christ( J
i
l'Église catholique, selon l'expression de saint Paul

~----
« le corps mystique du Christ », du Christ continuant
à vivre d'une manière mystérieuse parmi nous. Mais
s'il en est ainsi, alors nous ne pouvons p lS nous étonner
l
1

l
que l'histoire de l'Église soit la répétition, l'édition
augmentée de l'histoire de la vie terrestre du Christ et
i' que l'Église soit obligée de supporter toutes les souf-
frances qui ont été le lot du Christ. '~
Au cours des siècles, seuls ont changé les noms, les
lieux\t les dates, mais non pas le fond des événemenls.
Le Christ a été persécuté par Hérode et Judas, Caïphe
et Pilate, les Phari&,iens et les Scribes, l'Église a été
persécutée par les' empereurs romains, les despotes
byzantins, des princes grands et petits, 'les francs-

l mâçons et les bolchevistes - mais la persécution est

essentiellement la même, c'est toujours le même cri:

'~
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
« Nous ne voulons pas qu'il règne stl'r nouS» (S. Luc, -
XIX,14), « crucifiez-le» (S. Marc, xv, 13).
La digne épouse du Christ persécuté . ne pouvait
véritablement être que l'Église persécutée.
L'Église "'persécutée! Quels douloureux souvenirs,
mais en même temps quelles consolantes pensées
s'éveillent en ·nous, lorsque nous prononçons simple-
ment ces quelques mots: l'Église persécutée! A peine
N otre-Seigneur avait-Il quitté la terre qu'éclatait
déjà à Jérusalem la première persécution contre les
chrétiens et cette flamme dévastatrice ne devait plus
s'éteindre, mais tantôt ici tantôt là continuera à s'élancer,
tant que l'Église catholique subsistera sur terre, tant
qu'il y aura un homme dans le monde.
Ce sera une méditation sans doute bien douloureuse,
mais aussi bien instructive, réconfortante et propre à
fortifier notre foi, si 1. dans la première partie de notre
sermon d'aujourd'hui nous passons rapidement en
revue les persécutions sanglantes que l'Église a été
obligée d'endurer depuis dix~neuf siècles; si ensuite
II. nous nous efforçons d'apercevoir le but que la divine
Providence veut atteindre par cette épreuve. Aujourd'hui
je vais parler de ({ l'Église persécutée », dans le sermon
suivant je traiterai de « l'Église invincible )), c'est-à-dire
que nous tirerons la grande leçon que l'Église proclame
avec une force indestructible.
L' ÉGLISE PERSÉCUTÉB
1
LES P ERSÉCUTIONS CONTRE L' É GLISE.
A) Les premiers persécuteurs de l'Église ont été les
Juifs. .. '
Les apôtres prêchaient que le Chnst était le M eSSIe
promis, non pas un libérateur politique, comme
l'attendaient les Juifs, mais le sauveur des âmes. Cela
ne plaisait pas aux Juifs, aussi convoquère~t-ils les
apôtres devant le Sanhédrin pour les contramdre au
silence. Mais le docteur de la loi, Gamaliel, adressa
alors aux membres du Sanhédrin ces paroles mémo-
rables : ({ Ne vous occupez pas de ces gens-là et laissez-
les aller. Si cette idée ou cette œuvre vient des hommes, .
elle tombera d'elle-même; mais si elle vient de Dieu,
vous ne pourrez pas la détruire » (Actes, v, 38-39).
Paroles magnifiques; mais les Juifs ne les écout~rent
pas et la première persécution. conti~u~. Le dIa~re
saint Étienne en ' fut la premIère VIctIme, ensUIte
saint Pierre fut jeté en prison. Suivant Justin, les Juifs
avaient chargé des émissaires de suivre pas à pas l~s
apôtres et de chercher à affaiblir la fo rce de leur prédI-
cation en les accusant d'impiété et d'athéisme. Mais tout
celan~ put nùire à l'Église : la semence jetée par les
apôtres grandit à vue d'œil et devint plus f~r\te de
jour en jour. ( , •
B) La persécution juive fut suivie d'une persé~utlOn
beaucoup plus dangereuse: ['intervention de la p umance
omaine contl'e le christianisme.

LE SYMBOLll DES APôTRES
a) La perséclltt:on romaine contre ies chrétiens fut d'lflle
cruauté sans exemple et particulierement sanglante.
C'est une énigme humainement inexplicable de l'histoire
du monde que le christianisme ait pu tenir tête aux
violences de la puissance romaine, à la défense déses-
pérée de la gigantesque civilisation païenne, aux
calomnies, aux injures, aux sarcasmes et à la violence
ouverte.
Quelles calomnies inouïes furent lancées contre les
chrétiens! Le culte spirituel d'un Dieu spirituel fut
traité d'athéisme; le repas eucharistique fut traité de
repas de Thyeste; les réunions des chrétiens dans les
catacombes furent traitées de complots; l'amour du
prochain passa pour. de- la débauche ... et tout cela .ne
put anéantir le christianisme. Des centaines de mIlle
donnèrent leur vie pour la foi chrétienne.
Et quels moyens inouIs furent mis en œuvre contre
eux! L'empereur Hadrien fit élever une statue de
Vénus sur le Calvaire et une de Jupiter sur le tombeau
du Rédempteur, · - mais en vain. Sévère interdit de
se faire chrétien «( Judaeos fieri vetuit, idem etiam de
christianis sanxit ») - mais en vain. Dioclétien, après
une cruelle persécution, fit élever un monument com-
mémoratif avec cette orgueilleuse inscription: « Nomine
christianorum deleto », cc en souvenir de la destruction
du nom chrétien », - mais en vain.
b) Même la _ persécution la plus sanglante fut
. inutil~ : la jeune épouse du Christ, l'Église, essuya
son visage baigné de sang et reprit sa marche plus
forte qu'avant les persécutions. Certainement Maximien
n'aurait jamais pensé qu'à la place où s'élev~it son palais
L'ÉGLISE PERSÉCUTÉE
et où avait été préparée la plus sanglante persécution,
se dresserait un jour la Basilique de Latran avec cette
inscription : cc Mère et maîtresse de toutes les églises »,
et qu'à l'endroit où se trouvait son trône s'élèverait
le trône d'une dynastie impérissable: le trône du pape.
Certainement Agnès, la jeune martyre de 14 ans,
lorsqu'on la traîna violemment dans l'antre du vice,
n'aurait pas pensé à ce que deviendrait un jour ce lieu
de péché. En effet c'est là que se dresse à présent
l'église Sainte-Agnès, _une des plus belles églises de
Rome, sur la Piazza Navona.
Vous parlerai-je du jeune martyr saint Pancrace?
,
Sa mère, Lucina, prie pour lui avec angoisse : son fils
sera-t-il un confesseur de la foi aussi intrépide que
l'a été son époux qui a donné sa vie pour le Christ.
1i
Le fils - l'âme enflammée - estassis sur les genoux
de sa mère. A quoi pense-t-il? Pas à la magnifique
basiliq'fe que, mille six cents ans plus tard, la foule des \
pèlerins viendra visiter à Rome et qui portera son nom.
Il ne voit pas le reliquaire d'argent dans lequel le pape
Honorius 1 déposera ses restes. Il ne songe pas que des 1
milliers liront un jour son nom au martyrologe et que
sur un autel son image auréolée de gloire brillera comme
c~lle de l'enfant-martyr du christianisme primitif.
Il ne pense pas à tout cela, le jeune enfant. Seul l'a
prévu le Christ, son bon Rédempteur qui a donné sa
vie pour lui et pour qui lui aussi donnera sa jeune vie.
c) La puissance romaine n'a pas pu triompher de cet
esprit. Lorsque Dioclétien descendit de son trône de
pourpre et mourut en vieillard morose; lorsque
Galère mourut dévoré par les vers et reconnut l'injustice

LE SYMBOLE nES APÔTRES
de son édit de persécution; lorsque Maximien Hercule
'"
se suicida, que Maxence se noya dans le Tibre, que
Maximin expira dans des souffrances aussi atroces
que celles qu'il avait préparées aux chrétiens, que
Licinius succomba sous l'épée de Constantin -
l'épouse du Christ était toujours là : couverte de sang,
mais pleine de force et d'ardeur au combat.
A la fin de ces trois cents ans de persécutions la jeune
Église essuya son visage ensanglanté et, plus belle et plus
jeune, continua son œuvre: les portes de l'enfer avaient
lutté contre elle et les portes de l'enfer n'avaient pas
pu l'emporter sur elle.
C) Mais après les persécutions ouvertes des Romains
un assaut plus dangereux fut lancé contre l'Église :
les attaques spirituelles. Lucifer changeait de tactique.
Il n'attaque plus ouvertement, mais il agit comme
un adversaire trop faible; il empoisonne les puits de
l'ennemi.
a) Les schismes surgissent dans l'Église et le danger
des invasions barbares hors de ['Église. A chaque siècle
les hérétiques attaquent l'Église de tous les côtés.
Parfois un petit rameau seulement se brise, d'autre fois
c'est une grosse branche, et même il y eut un temps
où pour ainsi dire « le monde entier » se trouva dans
l'hérésie. Et pourtant : l'Église pleura sans doute ses
fils separés,. les fruits véreux tombés de l'arbre de
l'Église, mais ensuite avec une force nouvelle elle a
poursuivi son chemin dans le ~fhamp de l'histoire.
Viennent les invasions barbares. Des forces brutales
déferlent sur l'Europe. Et au centre de ce gra~d mou ...
vement se tient debout le rocher contre lequel les portes
1 ~
L'ÉGLISE PERSÉCUTÉB
de !'enfer ne prévalent point. Nous voyons ce qu'il en
est advenu. Qu'est-ce qui est arrivé ?L'Église n'a pas
accepté cet esprit sauvage, mais ce sont les peuples
barbares qui ont accepté le joug suave du Christ.
b) · L'assaut est venu d'un autre côté: l'idéal du monde
païen est revenu à la surface avec la R enaissance. La
Renaissance contamine la vie et les mœurs chrétiennes
jusque dans leurs chefs, jusque dans les plus) haUtes
autorités. A cette époque, des sources de ruines se
sont insinuées dans la vie de l'Église. En vérité elle
aurait dû périr, si elle avait été une œuvre humaine.
Et quel fut le résultat? La puissance de vie de
l'Église a rejeté loin d'elle l'infection et a triomphé
des assauts désespérés de l'idéal païen.
Puis sont venus les hérauts du « philosophisme »,
puis la révolution française. « Je suis las d'entendre ,
toujours dire - déclarait Voltaire - qu'il a suffi de
douze hommes pour fonder le christianisme. Il me plaît
de vous certifier qu'il en suffira d'un seul pour le
détruire ». Et il lança ce mot d'ordre: « Écrasez l'in-
fâme ». Mais l'Église catholique est toujours là.
c) Après tout cela sont arri~JÜs les persécutions actuelles.
L'athéisme déclaré des Soviets . russes qui veulent par
la terreur, le sang, le feu , le fer, la raillerie, la dynamite
l'exil,C>arracher de l'âme humaine la foi en Dieu. Pui~
~. est arrivé un autre assaut non moins dangereux qui ne
combat pas contre Dieu ouvertement comme les Soviets,
mais veut créer . avec les'~ légendes · fantastiques des
1
religions païennes primitives une nouvelle religion et
1
ainsi amener l'homme à l'irréligion totale.
1 Ces luttes durent encore, la persécution ne cesse
l
I
1
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
pas, mais qui sera vainqueur : Dieu ou l'athéisme,
J ésus-Christ ou . Satan? le témoignage de l'histoire
jusqu'ici ne permet pas de douter ~n seul instant du
résultat. ' Lorsque le feu de la souffrance brûlait les fidèles
En effet il n'y a pas un terrain de la civilisation
humaine où l'on ne soit allé chercher jusqu'ici des
arguments contre l'Église - et aucun n'a réussi.
Un jour c'est l'astronomie qu'on oppose aux dogmes.
une autre fois c'est la biologie. Un jour on part en
guerre contre elle au nom de la géologie, une autre
fois au nom de la philosophie. On recourt aux inscrip-
tions des temps préhistoriques, aux coutumes des
peuples primitifs ... Et à la fin de tous ces efforts il reste
qu'il n'y a pas une seule vérité scientifique certaine
pour être en contradiction avec nos dogmes j et après
des persécutions sans trêves l'Église catholique n'a
jamais eu autant de fidèles qu'actuellement, n'a jamais
eu autant d'églises qu'aujourd'hui. Quand on commence
à la persécuter dans un pays, elle s'épa·n ouit plus forte
dans une autre partie du monde et l'on voit se réaliser
en elle de façon tangible et visible les paroles que le
Sauveur adressait à saint Pierre, lorsqu'Il fonda
l'Église: « Les portes de l'enfer ne prévaudront point
contre elle ".
II
LA DIVINE PROVIDENCE ET LES PERSÉCUTIONS.
l
Mais, mes frères, ne nous contentons pas de constater
simplement les faits. Nous croyons que pas un seul
,\
L'ÉGLISE PERSÉCUTÉE
de nos cheveux ne tombe sans que le sache notre Père
du ciel. Dieu a donc de grands desseins lorsqu'Il permet
que son Église soit persécutée. .
du Christ, ils ne savaient certainement pas ce que leur
. voulait la Providence. Ceux qui vivaient dans la tempête
des persécutions n'ont pas aperçu les desseins de Dieu.
Mais aujourd'hui nous voyons tout dans une autre
clarté. - Tout répond à un plan de Dieu, quoi qu'il
arrive à une nation ou à sa propre Église.
Aujourd'hui déjà nous voyons clairement qué la
persécution réalise un double but entre les mains de
la Providence.
A) Les persécutions contribuent à l'affermissement et
à l'extension de l'Église. De même qu'un vent violent
secoue en tous sens les branches de l'arbre et, en
détachant les fruits, porte à longue distance la semence
de nouveaux arbres, de même les· persécutions ont
propagé l'Église du Christ.
A peine Notre-Seigneur avait-Il quitté la terre '
qu'éclatait à Jérusalem la première persécution et les
apôtres étaient obligés d'abandonner la capitale juive.
Il est sûr que cela leur fut pénible et qu'ils en souffrirent.
Mais nous voyons à présent combien cela a servi les
desseins de la divine Providence. En effet cette persé-
cution a contribué à l'accomplissement du comman-
dement divin: « Vous serez mes témoins ... jusqu'aux
extrémités . . de la terre» (Actes, l, 8).
Le christianisme prend pied à Rome. Là s'allument
la persécution de Néron et ensuite les persécutions les
plus sanglantes pendant trois siècles, mais - plus le
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
sang chrétien coule, plus la croix du Christ se dresse
victorieusement. « Sanguis martyrum semen chris-
tianorum )J, du sang des martyrs naît une nouvelle vie
chrétienne, comme après une pluie de mai commence
à lever la moisson et comme du grain de sable qui
torturè- le coquillage naît la perle précieuse. ;
La route de l'Église du Christ a été, tout au long
de son histoire, un chemin de croix continuel. Chose
remarquable, les pages les plus éclatantes de son
histoire n'ont pas été écrites aux époques où l'humanité
s'inclinait devant la grandeur de l'Église, mais quand
l'Église a le plus souffert, - car la marque la plus chère
à l'Église c'est la croix. Personne ne saisit aussi pro-
fondément le sens et l'utilité de la souffrance que
l'Église du Christ qui sait que sous les coups de marteau
1
de la souffrance s'ouvrent dans l'âme humaine des
" était trois . heures du matin. La barque des apôtres était
profondeurs insoupçonnées et que nos yeux perçoivent
davantage la véritable signification des choses. Les
temps de persécutions ont toujours été les époques
les plus glol:ieuses de l'Église, car celui qui avance sur
le chemin de la croix doit inévitablement se rencontrer
avec le Christ portant sa croix. <
« Otez les persécutions et les perles de l'Église dispa-
raîtront Il - disait saint Ambroise, entendant le martyre
sous le nom de perle. « S'il n'y avait pas eu d'hérétiques,
dit saint Thomas, la science des saints n'aurait pas
fleuri )J . Ainsi les hérésies et les persécutions, les forces
extérieures et les résistances intellectuelles ont préparé
le triomphe de l'Église. Elles sont bien vraies, ces
paroles de saint Hilaire : « L'Église fleurit, quand
elle est persécutée; elle triomphe~ quand elle est
L'ÉGLISE PERSÉCUTÉE 3 21
opprimée; elle progresse quand elle est méprisée; elle
reste debout, quand elle semble vaincue )J. « Ecclesia,
dum persecutionem patitur, floret; dum opprimitur, vin-
cit; dum contemnitur, proficit; stat, cumsuperari videtur )1.
B) Mais la divine Providence a encore un autre but,
lorsqu'elle permet les persécutions de son Église. Non
seulement elle veut la fortifier au milieu des tempêtes
des persécutions, mais elle veut aussi la consoler et
l'encourager. Le fait que l'Église sans cesse dans la
lutte a toujours triomphé est pour nous une grande
consolation et un réconfort en même temps qu'une
certitude de la vérité de la promesse du Christ suivant
laquelle les portes de l'enfer ne prévaudront point
contre l'Église )J.
a) Le chapitre XIV de l'évangile de saint Matthieu
nous montre Notre-Seigneur marchant sur les eaux. Il
jetée de côté et d'autre par les vagues ... tout à coup
le Sauveur apparaît marchant sur les eaux et appelant
Pierre à Lui. Lorsque Pierre à l'âme de feu s'entend
appeler par le divin Maître, il n'a pas un instant
d'hésitation : . il saute à l'eau et s'avance vers Notre-
Seigneur.
Mais l'eau était agitée. Les vagues se dressaient bien
haut et Pierre eut peur. Et à mesure que sa foi et sa
confiance diminuaient: il commença à enfoncer ' dans ,
les flots. « Seigneur, sauvez-moi Il, s'écria-t-il avec
désespoir. Et atissitôt Jésus étendant la main le saisit
et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu
douté? Et lorsqu'ils furent montés dans la barque, le
vent s'apaisa Il (S. Matthieu, XIV, 31-32).
Symb. des Ap. - t. V , 11
 LIt SYMBOLE DFS AP6TRFS
: Image frappante de l'Église du Christ 1 Le Seigneur
ne l'a pas épargnée dans le passé et ne lui épargnera
' pas dans l'avenir les vagues de la persécution, mais
nous n'avons pas le droit de manquer de foi ni de
nous désespérer, parce que le Seigneur ne laissera pas
sombrer la barque de Pierre. '
b) Que de fois des tempêtes en apparence irrésistibles
ont fait rage autour de la barque de l'Église, dans
les luttes intérieures que l'Église a dû endurer au
moment des hérésies : arianisme, nestorianisme,
monophysisme, pélagianisme... Quel danger a signifié
pour l'Église le byzantinisme qui cherchait à la réduire
en esclavage, puis le schisme de l'Église d'Orient.
Puis comme un nouveau spectre dévastateur le maho-
métisme se jette sur l'Europe. Puis arrive le douloureux
schisme d'Occident ... Et aujourd'hui? Un danger plus
l'
terrible que toutes les hérésies et tous les schismes :
l'athéisme organisé, scientifique, muni de moyens
puissants ... Et malgré tant de persécutions sanglantes,
comme par un miracle perpétuel l'Église catholique
reste debout avec une force qui ne faiblit pas depuis
dix-neuf siècles. « Les portes de l'enfer ne prévaudront
point contre elle 1.
Elle a vu se liguer contre elle les indi~idu~, lès
institutions. les souverains, les courants d'idées, la
science, la philosophie, les forces des états... Depuis
des siècles, démagogues et révolutionnaires ont eu
constamment à la bouche « à bas l'Église Il. Et ils
·n'ont rten obtenu., Est-ce qu'une cathédrale millénaire
souffre, -~quand un gamin mal élevé gratte ses murs
avec un couteau? Est-ce que l'Église catholi~ue vieille
rr L'ÉGLISE PERSÉCUTÉE
~) de dix-neuf siècles souffre, quand des révoltés he~rt~nt
, 1 avec rage leur tête contre le rocher de l'Église?
Chaque demi-siècle apparaît ici ou là sur la terre
un personnage à la mode qui prononce 1'01'$on
funèbre de l'Église, - et cependant c'est l'Église qui a
enterré celui qui la traitait avec tant de supériorité. ,
Que d'accusations ona portées contre elle au nom de
la philosophie moderne et de la science qui soi-disant
ne peuvent s'accorder avec les dogmes de l'Église!
Et l'Église n'a jamais eu peur des railleries ni n'a
jamais rien retiré de ses enseignements, car elle avait
le temps d'attendre que les résultats certains des
chercheurs sérieux démentis.sent les accJ.l~atiQJ!s
frivoles des incrédules.
L'Église est debout. A côté d'elle se ~on~ 'é~touIés
'r
1
d'immenses empires qui disposaient de puissants .
moyens pour leur défense. Et l'Église est debout sans
canons, sans baïonnettes, sans forteresses, sans avions,
1 sans tanks, s'appuyant simplement sur deux phrases,
deux petites phrases mais qui sont plus fortes que toutes
les armées, que la franc-maçonnerie et les lîgues des
« sans-Dieu », parce que c'est le Fils de Dieu qui les a
1
prononcées. « Les portes de l'enfer ne prévaudront
point contre elle D (S. Matthieu, XVI, 18) et· « Voici
1 que je suis avec vous" jusqu'à la fin dy,1ponde JI
(S. Matthieu, XXVUJ, 20). ' .
1
1
Mes frères, l~glise est le Christ c~ntinuailt à vivre
parmi nous; dans son histoire se renouvelle donc
'1
 LE SYMBOLE DES APÔTRES L'ÉGLISE PERSÉCUTÉE

l'histôire terrestre de Notre-Seigneur Jésus-Christ . Oh! oui, elle brûle aussi en moi la flamme du patrio-
ses ' souffrances - mais aussi son triomphe.- ' tisme - seulement je sais qu'elle ne peut pas remplacer
, Depuis que l'Église existe, elle est sans cesse en le feu sacré de nos autels. '
lutte, mais le témoignage de dix-neuf siècles crie à nos Oui, je suis hongrois, moi aussi, - seulement je ne
oreilles: De même que le Christ n'a été vaincu qu'en veux pas être plus hongrois que ne l'était saint Étienne
apparence par ses ennemis, de même que le vendredi qui savait bien pourquoi il dressait la croix du Christ
sâint a fait place à la gloire du jour de Pâques, de même au-dessus des têtes des Hongrois païens.
les blessures infligées à l'Église par ses ennemis sont Je sais que je ne tra~)aille pas seuleme1ltpour le salut
devenues les marques de son triomphe. Chaque défaite de mon âme, mais que je sers le mieux les intérêts de ma
qu'elle a subie est devenue la source d'un nouvel patrie, quand je m'efforce d'être un enfant obéissant,
accroissement et sur son étendard victorieux brille dévoué et fidèle de 1'É'glise cathoUque sans cesse persécutée,
continuellement ,la réalisation de la promesse , du mais sans cesse victorieuse. Amen.
Christ: « Je vis et vous vivrez» (S. Jean, XIV, 19).
C'est la seule barque dont on ait le droit de dire :
« Fluctuat nec mergitur», « elle flotte et n'enfonce pas »;
c'est un rocher contre lequel se brisent les assauts des
vagues, mais le rocher lui-même ne bouge pas.
Et je crois à l'Église catholique. C'était le cri de foi
des premiers chrétiens il y a dix-neuf siècles, ce sera
la croyance des l10mmes rachetés, tant qu'un homme
vivra sur la terre, jusqu'à ce que le Christ revienne
pour juger les vivants et les morts.
Et je resterai avec tout mon amour jusqu'à mon
dernier soupir aux côtés de l'Église chrétienne persé-
cutée. Et si chez nous des hommes à l'intelligence
brumeuse se présentaient pour vouloir faire parmi
nous de la propagande pour quelque religion païenne
- comme si le peuple hongrois n'avait pas d'autre souci
- si de teUes attaques insensées se lançaient contre la
vieille foi ~hrétienne, alors je ' me tiendrais avec un
amour encore plus fort aux côtés de ma sainte religion
catholique•.
'u '
XXII
L'ÉGLISE INViNCIBLE
MES FRÈRES,
, LOfsqu'ausiècle dernier faisait rage en Allemagne
'la persécution déclenchée par Bismarck contre l'Église ,
catholique, « le Kulturkampf », on voyait aux devantures,
de certains magasins une curieuse affiche destinée à
êonsoler les catholiques.
Cette affiche représentait un gros rocher sur le bord
de la mer, des vagues furieuses écumaient autour de lui,
tandis qu'un groupe d'hommes en bras de chemise
s'efforçaient de le précipiter dans les flots ... à l'arrière-
plan on voyait le diable qui disait avec une figure
grimaçante : « Voilà deux mille ans que je travaille en
vain avec toute la puissance de J'enfer à renverser ce
rocher. Aussi suis-je obligé de rire de,s otre travail ».
En vérité, mes frères, celui qui connaît les persé-
cutions que l'Église du Christ a dû endurer depuis
dix-neuf siècles - et que j'ai rappelées dans mon
sermon de dimanche dernier, - donnera raison à cette
curieuse image.
L'ÉGLISn INVINCIBLE
Que de fois les ennemis de l'Église ont-ils crié que
demain ce serait fini d'elle et voilà qu'elle est toujours là.
Demain c'est fini de l'Église - disait Dioclétien
qui faisait verser à flots le sang chrétien. Et Dioclétien '
est mort, dépoùillé de sa pourpre et de la cou:onne;
mais l'Éalise
o
avec le triomphe de Constantm .
est
montée sur le trône impéri:!l : elle n'étaIt pas morte.
Demain c'est fini de l'Église - disait Julien l'Apostat.
Et Julien mourut avec un dernier blasphème sur les
lèvres et combien d'autres après lui, combien y a-t-il
de ces apostats orgueilleux et blasphémateurs : mais
l'Église n'est pas morte.
Demain c'est fini de l'Église - disait Robe~pierre,
le chef de la révolution française, qui envoya à la
guillotine des centaines de serviteurs de. l'É.glise; et
bientôt il dut lui-même monter sur la gmllotme et sa,
tête tomba dans le panier de son: mais l'Église n'était
pas morte. .. . .
Demain c'est fini de l'Église - dIsmt Ganbaldl,
le conquérant de Rome; et l'Église n'était pas finie:
elle vit et est en pleine vigueur.
Demain c'est fini de l'Église - s'écrient actuellement
les bolchevistes, les socialistes et les francs-maçons.
Et l'Église, comme auparavant, ne périra pas, ~a:s fera
de nouvelles conquêtes et cet arbre touffu qUl s étend
sur l'univers continuera à grandir.
Tout cela est un fait historique dont il a été question
dans mon dernier sermon, - aujoun!1'hui je voudrais
essayer de résoudre ce problème singulier et d.'e~ tir~r
les conclusions qui en découlent. 1. PourquOI 1 Égltse
est-elle invincible et II. quelles conséque,!ces peut- oJ~
 LE SYMBOLE DES APÔTRES
en tirer - il vaut certainement la peine de consacrer
à la solution de ces deux questions le sermon
d'aujourd'hui.
1
POURQUOI L'ÉGLISE EST-ELLE INVINCIBLE?
Il est très naturel que la merveilleuse force vitale de
l'Église qui .a triomphé de toutes les persécutions
demande une explication.
A) Avant tout il faut bien noter que ce serait une
explication absolument fri1)ole que de chercher la solution
de .ce mystère dans les moyens extérieurs, les richesses ou
la complaisance montrée dans des questions de principe.
Il y a eu des gens pour chercher sur cette voie l'expli-
cation, mais ils n'ont jamais pu la trouver; .
a) Une institution terrestre ne peut évidemment
pas atteindre son but sans des moyens terrestres :
il a donc fallu que l'Église se ser~!ît de la richesse comme
d'un moyen terl·estre.
Les biens terrestres ne sont pas seulement des
moyens qui facilitent un but, mais aussi un danger.
Pour les particuliers et aussi pour l'Église. Si l'Église
a disposé de grands biens dans le passé, cela n'a pas
seulement favorisé sa tâche, mais a peut-être été l;lussi
le plus grand danger avec lequel el1e~ait dû lutter.
La richesse terrestre est un terrain très favorable pour
le développement des façons de penser terre à terre et
celui qui connaît l'histoire de l'Église regarde certaine-
L'ÉGLISE INVINCIBLE
ment avec un cœur plein d'amertume les blessures que
l'Église a reçues bien souvent à cause de ses richesses
terrestres.
Il nou~ faut donc dire que l'Église subsiste, non pas
à cause de ses richesses, mais - malgré ses richesses.
b) Il faut alors chercher ailleurs la source de la force
de l'Église. Peut-être dans le fait qu'elle flatte la natll1'e
humaine corrompue, qu'elle est complaisante et indulgente
pour elle?
Eh bien 1 je ne sais pas qui oserait le soutenir. Qui
ne connaît en effet les renoncements rigoureux, la
sévérité morale qui ne supporte aucune compromission,
les nombreux sacrifices, la droiture de consciènce
que la religion catholique a toujours exigé~ et exig~
aujourd'hui encore de ses membres, attItude qUl
légitime cette réputation que la religion catholique est
la religion « la plus sévère », « la plus difficil.e ». C'e~t
ainsi. 11 n'y a pas de religion pour oser autant mtervemr
dans les affaires les plus intimes des hommes, dans
leurs plans, dans leurs projets, dans leur vie familiale,
dans leurs pensées, dans leur nourriture, dans leurs .1
distractions... Si la religion catholique a soutenu
victorieusement une lutte de dix-neuf siècles, ce n'est
certainement pas parce qu'elle a une nature portée
aux compromissions. Nous devons donc répéter que
l'Église subsiste non pas à cause de ~o~ in~ulgence;
mais - au contraire - parce qu'elle n a JamaiS adopte
une attitude de lâcheté.
B) Mais où est donc la soùrce où l'É,glise. p~ise
sa force? Nous avons cherché en vain 1 exphcatlOn
.dans les causes extérieures, il ne nous reste qu'une
 0'0
"
33 0 LE SYMBOLE DES APÔTRF.c;
;,'[
Il '1
,-
0 ' cause interne : l'Église est le corps mysiique du Christ,
,- -
or le Christ ne peut plus mourir.
a) L'invincibilité de l'Église est la conséquence de sa
constitution intime. Du fait que l'Église est le Christ
continuant à vivre parmi nous, or « nous savons que
le Christ regsuscité des morts, ne meurt plus; la mort
n'a plus d'empire sur lui» (Romains, VI, 9).
L'invincibilité de l'Église résulte de ce que l'Église
garde les trésors de la rédemption et les communique
de génération en génération à l'humanité, elle ,devra
donc subsister aussi longtemps qu'il y aura un homme
sur la terre.
Elle résulte aussi des paroles de Notre-Seigneur
," Jésus-Christ à saint Pierre: « Les portes de l'enfer
ne prévaudront point contre elle» (S. Matthieu, XVI, 18),
0'
or il faut que les paroles du Sauveur se réalisent, car
r Il a dit Lui-même : « Le ciel et la terre passeront,
mais mes paroles ne passeront pas » (S. Matthieu,
XXIV, 35).
b) Après cela nous ne pouvons pas nous étonner de
ce que nous apprend l'histoire : le Christ et l'Église
souffrent ensemble, mais les persécuteurs de l'Église
finissent aussi comme ont fini les ennemis du Christ.
, ~
De même que Judas a fini au bout d'une corde,
qu'Hérode, le meurtrier des enfants de Bèthléein, a été
dévoré par les vers, 'que Pilate est mort en exil, que
Jérusalem a été détruite, de même celui qui déchire
à belles dents l'Église du Christ ou son chef, ira à sa
ruine, lui et non pas l'Église.
Voilà le véritable secret de l'invincibilité de l'Église.
Voilà la base de la force inébranlable de l'Église. Mais
L'ÉGLISE' INVINCIBLE 33 1
c'est en même temps la source des leçons et des
conclusions que nous devons tirer de l'invincibilité
de l'Église~
II
QUELLES SONT LES LEÇONS DE L'INVINCIBILITÉ
DE L'ÉGLISE?
L'invincibilité de l'Église est pour nous une grande
preuve qui donne naissance à la tranquillité inébranlable
de la conscience catholique.
A) L'invincibilité de l'Église qui lui a fait surmonter
de perpétuelles persécutions est avant tout pour nous
une grande preuve.
a) La preuve que ['Église catholique est réellement
la 'véritable Église du Christ.
Un protestant sollicitait un jour son admission
'dans l'Église catholique. Le curé lui demanda qu'est-ce
qui l'amenait vers nous. -Cet homme répondit: Depuis
des années je lis attentivement la Bible et j'ai été frappé
de voir le Christ prédire à ses disciples beaucoup de
souffrances et de persécutions. Mais quand je regarde
le monde, je ne vois pas d'autre religion perséc~tée
sinon le catholicisme. Quand les journaux publIent
quelque diffamation sur les prêtres ~t les religieuses,
il s'agit toujours d'un prêtre ou d'une religieuse catho-
lique. On attaque tantôt le paIJe; tantôt les évêques.
Tantôt on se moque des cérémonies catholiques, tantôt
on expulse d'un pays les religieux. Lorsque j'eus
réfléchi tranquillement à cela, je fus obligé de conclure
33 2 LE SYMBOLE DES APôTRES
que la véritable religion du Christ se trouvait dans
le catholicisme, car il souffre cette persécution que le
Christ a prédite à ses disciples.
Quelle intéressante conclusion 1 N'en est-il pas ainsi
en réalité? Ne se réalisent-elles pas dans notre Église
les paroles si claires de Notre-Seigneur: « Si le monde
vous hait, sachez qu'il m'a halle premier. Si vous étiez
du monde, le monde aimerait ce qui lui appartiendrait;
mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous
ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde
vous hait ») (S. Jean, xv, 18-19).
b) Ainsi je puis aussi répondre à la question qui
certainement surgit dans la pensée de tel ou tel chrétien:
« Si l'Église catholique est réellement la véritable
Église du Christ; pourquoi Vieu tolère-t-ll, pourquoi
permet-Il qu'elle soit continuellement persécutée? Ne
pourrait-Il pas empêcher cela? »
. Mais si. Seulement Il ne veut pas.
Lorsque saint Pierre au jardin des Oliviers coupa
l'oreille à l'un des soldats, Notre-Seigneur lui dit:
« Crois-tu que je ne puisse pas prier mon Père qui me
donnerait plus de douze légions d'anges? Comment
donc s'accompliraient les Écritures qui attestent qu'il
en doit être ainsi? » (S. Matthieu, XXVI, 53-54). Il agit
de même envers son Église: Il n'écarte pas d'elle les
épreuves, afin que son origine divine se présente
d'autant plus clairement devant nous, lorsque de siècle
en siècle nous constatons que les choses devaient se
passer comme Notre-Seigneur l'avait dit, c'est-à-dire
que les portes de l'enfer ne prévaudraient point contre
elle.
"1
1
L'ÉGLISE INVINCIBLE 333
On dit qu'il y a des perles qu'il faut plonger de temps
en temps au fond de la mer, pour qu'elles retrouvent
leur ancien éclat. Il faut de même que l'Église de temps
en temps ~oit plongée dans un océan de ·souffrances,
pour qu'ensuite sur son visage rayonne plus pure
la beauté divine.
B) Mais l'invincibilité de l'Église donne aussi
naissance à la véritable conscience catholique.
a) Pourquoi apprenons··nous à l'école l'histoire de notre
patrie? Pour apprendre à aimer notre chère patrie avec
une généreuse fierté à cause des guerres difficiles, des
luttes héroïques et du sang versé pour elle.
Mais il en est de même pour notre sainte Église.
Notre patrie a mille ans d'existence, notre Église catho-
lique en a deux mille. J'aime ma patrie, je suis prêt à
me sacrifier pour elle et je reconnais avec fierté que
je suis hongrois. Mais j'aime aussi mon Église catho-
lique et je reconnais avec fierté que je suis catholique.
Je reconnais avec saint Augustin: « Le· Saint-!,:sprit vit
en vous dans la mesure où vous aimez l'Eglise ».
« Quantu~ quisque amat ecclesiam Dei, tantum habet
Spiritum Sanctum » (In Jo. XXXII, 8). Je reconnais
avec saint Cyprien : « Il ne peut pas avoir Dieu pour
Père, celui qui n'a pas l'Église pour Mère» (De unit.
Eccl. Vi).
b) Est-ce que vit en nous cette courageuse et f erme
conscience catholique?
On raconte une histoire intéressante sur la princesse
russe Rostopchine qui était née dans la religion grecque
schismatique, mais quand elle eut connu la vérité
catholique, elle se fit catholique et pratiqua courageuse-
 , 334
'. LE SYMBOLE DES APÔTRES
ment sa foi. Tous les dimanches, sa voiture s'arrêtait
devant l'église Saint-François à Moscou et chacun
savait que la princesse était à la messe. Mais les autorités
orthodoxes ne voyaient pas cela d'un bon œil et
le gouverneur , lui fit savoir qu'il était obligé de faire
. '"
connaître la chose au tsar. Mais la princesse écrivit
une lettre au tsar avant le gouverneur. Elle y disait :
« Majesté, le gouverneur de Moscou me menace
d'écrire à la plus haute autorité que je suis catholique
et ,~~e ~e prat~que ~a religion. Et ce que j'ai fait jus-
qu ICI, Jecontmueral à le faire. Votre Majesté, si elle
le veut, peut me faire arrêter comme une criminelle
me dépouiller de toute ma fortune, m'exiler en Sibérie:
Il y a une seule chose qu'elle ne peut pas: enchaîner
ma conscience et m'empêcher de servir Dieu ».
Ne sentez-vous pas, mes frètes, comme cette lettre
déverse sur nos âmes le souffie vivifiant de la foi
intrépide et du calme inébranlable des premiers
chrétiens?
C) Et cette sainte tranquillité d' dme est une autre
co~séquence de l'invincibilité de l'Église. L'espérance
qUI ne tremble pas et qui ne doute pas de la destinée
de l'Église, quelles que soient les épreuves et les
pe.rsécutions que lui réserve l'avenir. Quelles que
SOIent les persé;cutions qui attendent notre Église,
nous pouvons dIre tranquillement : « Alios jam vidi
ventos », « j'ai déjà vu de bien plus grands dangers ».
• a) Les ennemis de l'Église ne dorment pas de nos
J ours, et quand on pense à leurs efforts criminels
contre l'avenir de l'Église, dans bien des âmes peut
surgir l'angoissante question : L'Église a-t-elle encore
f\
"
L'ÉGLISE INVINCIBLB 335
une mrsswn à remplir? Ne devons-nous pas craindre
qu'elle périsse? Mais elles valent aussi pour l'avenir
les paroles du Christ: « Ne craignez point, petit trou-
peau, car il a plu à votre Père de vous donner le
royaume» (S. Luc, XII, 32) .
L'Église toujours persécutée et toujours invincible
nous donne la réponse, une réponse apaisante et
réconfortante.
A Rome se trouvent tout à côté l'un de l'autre deux
puissants monuments: le Colisée et l'arc de triomphe
de Constantin. Le Colisée, pour ainsi dire le tombeau
de l'immense puissance des empereurs, est en ruines,
l'arc de triomphe de Constantin, le symbole de la
liberté donnée au christianisme, est encore debout.
Qu'était-ce donc jadis que ce Colisée aux gigan-
tesques proportions? Il était la personnification de la
puissance et de l'esprit de Rome. Quatre-vingt-
sept mille hommes étaient assis sur ses gradins, de
l'empereur au dernier esclave, lorsque les chrétiens
condamnés à mort - hommes, femmes, enfants --
s'avançaient dans l'arène en chantant des hymnes,
pour être déchirés par des fauves affamés, rendant
témoignage au Christ, au Fils de Dieu crucifié.
Mais après trois siècles de persécutions sanglantes,
le sénat et le peuple romain élevèrent à côté du Colisée
l'arc de triomphe de Constantin et ce mémorial de la
liberté de l'Église est encore debout après seize siècles,
mais le Colisée est tombé en ruines.
, « J'ai cessé depuis longtemps - dit Heine - de
combattre l'Église catholique. Je connais la mesure de
1 mes forces intellectuelles et je sais que jamais les assauts
',r
LE SYMBOLE DES APÔTRES
les plus furieux ne pourront faire de brèche dans ce
puissant colosse qu'est l'Église de saint Pierre. Plus
d'une tête légère se brisera encore contre ce roc ».
C'est de cette force invincible que naît notre calme
confiance. En effet si le chemin de l'Église passe toujours
' près du Golgotha, il y aura toujours des prêtres qui
diront avec saint Paul : « L'Esprit-Saint m'assure
que de ville en ville des chaînes et des persécutions
m'attendent. Mais je n'en tiens pas compte et je
n'attache pour moi-même aucun prix à la vie, pourvu
que je consomme ma course et que j'accomplisse le
ministère que j'ai reçu du Seigneur Jésus (Actes, XX,
23-24). Et il y aura toujours de~ fidèies qui, avec foi
et patience et, s'il le faut, en versant leur sang, rediront
de même ces paroles de saint Paul : « Qui nous séparera
de l'amour du Christ? ... Ni la mort, ni la vie, ni les
anges, ni les principautés, ni les choses présentes, ni les
choses à venir, ni les puissances, ni la hauteur, ni la
profondeur, ni aucune autre créature, ne pourra nous'
séparer de l'amour de Dieu en Jésus- Christ Notre-
Seigneur » (Romains, VIII, 35-39).
b) Ceux qui ont pris part à une audience pontificale
à Rome ont constaté avec étonnement la douce sérénité
et la paix qui rayonnent SU1' le visage du pape. Regardez
n'importe quel portrait de pape, la même tranquillité
s'y révèle.
Nous ne nous étonnons pas du visage paisible du
Christ; or le visage plein de sérénité du pape est le reflet
de la sérénité du Christ. Nous admirons spécialement
le calme du visage du Sauveur, lorsque le jour de
l'Ascension il est là debout sur la montagne au milieu
:"
L'ÉGLISE INVINCIBLE 337
du cercle de l'Église commençante et que, devant ses
yeux qui voient tout, passent les tempêtes des siècles
à venir, -c'est cette paix que nous admirons. Après
avoir contemplé cette suite de tempêtes Il donne avec
un calme divin ce dernier ordre : « Allez, enseignez
toutes les nations» (S. Matthieu, XXVIII, 19).
Allez! - dit Notre-Seigneur.
Seigneur,où irons-nous? .
Partout. De ville en ville, de pays en pays, de con-
tinenten continent. Il n'y aura ni mort, ni fin, ni arrêt,
ni obstacle. Allez! Les persécutions sanglantes des
empereurs romains ne peuvent pas être un obstacle.
Le flot envahisseur des peuples barbares ne peut pas
être un obstacle. Je suis avec vous. Au-dessus de la
puissance musulmane, au-dessus des schismes, au-
dessus des violences ouvertes, au-dessus des sourdes
menées des francs-maçons, au milièu des atrocités des
sans-Dieu. Moi je suis avec vous. Allez, baptisez,
confessez, dites la messe, prêchez, consolez, 'relevez
vers le ciel les têtes fatiguées... et quoi qui puisse
' arriver, ne craignez pas, ·car « le ciel et la terre
passeront, mais mes paroles ne passeront pas ».
(S. Matthieu, XXIV, 35).
Et cette assurance, cette sainte tranquillité d'âme sont
les plus beaux effets de ['invincibilité de i' lf.'glùe.
.. .. .
Mes frères, dans la salle du Vatican où les papes
signaient les actes d'une importance capitale pour le sort
' de l'humanité, - dans la « Stanza delle segnatura » -
S~mb. des Ap. - t. V
"

LE SYMBOLE DES APÔTRES L'ÉGLISE INVINCIBLB 339

le pape' Jules II a fait peindre par Raphaël quatre Je regarde avec amour notre Église, parce que son
fresques fameuses. Elles représentent la théologie, la invincibilité m'apprend à avoir une foi inébranlable
philosophie, la poésie et le droit, c'est-à-dire la vérité dans son avenir.
en tant que révélation, en tant que travail de la raison, Je crois que le rocher sur lequel elle est bâtie ne
en tant que beauté et en tant qu'ordre chrétien. Ces chancellera pas.
quatre peintures sont un magnifique symbole : elles ' Je crois que la barque sur laquelle je rame ne coulera
veulent dire : l'humanité ne trouvera le bonheur, la ~L _
satisfaction, l'ordre et la civilisation que si les diverses Je crois que le pêcheur aux vêtements blancs qUI est
formes de l'unique Vérité travaillent en harmonie assis au gouvernail ne peut pas se tr'Ûmper.
en s'aidant mutuellement. Je crois que, tout en ne s'écartant pas d'un iota de
C'est ainsi qu'agit et travaille l'Église du Christ l'enseignement du Christ, tout en ne s'écartant pas
depuis déjà dix.:.neuf siècles. d'un pas de la morale du Christ, elle triomphera
Et voilà pourquoi je suis fier de cette Église. glorieusement, elle subsistera et conduira les. hommes
Mais à quoi me servirait-il d'en être fier, si je ne jusqu'au dernier jour où elle cessera ... car la VIe cessera
m'efforçais pas à devenir pour elle de jour en jour un sur la terre ... et tous ceux qui auront eu pleine confiance
fils meilleur. en ['Église du Christ sur la terre entreront en vainfJUeurs
. Que faut-il pour être un bon fils de l'Église? Il faut dans l'Église éternelle de Dieu. Amen.
quatre choses: la foi - la fidélité - l'obéissance -
la grâce.
La foi. Le Christ a imposé à l'Église le devoir
d'enseigner toutes les nations; mais alors Il m'a imposé,
~, 1
à moi, l'obligation d'écouter l'Églîse : j'accepte donc
et je crois avec empressement ce qu'elle enseigne.
La fidélité. Je suis à ses côtés avec un amour filial :
celui qui l'offense m'offense moi aussi.
L'obéissance. Quoi qu'elle demande, quoi qu'elle
prescrive, je ne la critique pas, je ne la dénigre pas,
je sais qu'elle veut mon bien: je fais ce qu'elle demande.
Mais pour avoir en moi la foi, la fidélité et l'obéis-
sance, il me faut la grâce, il me faut en kbondance
les moyens de grâce que mon Église offre_à pleines mains.

" ,

.,'

"

XXIII
JE SUIS CATHOLIQUE
MES FRÈRES,
A D:~s la, secon~e ,moitié du siècle dernier vivait un
g Quand on lit des cas semblables et quand on voit
le n : tres. culttve, le marquis de Ripon, qui était
g d-~altre de la franc-maçonnerie anglaise et
:~'àe~nemt acharné de l'Église catholique. Il y avait
'u; ~ ors u~ fort mouvement de conversions qui dura
Jd' qu ,à nos Jours et qui a ramené une l'coule d'a nglcans
l'
annee en année au sein du catholicisme, Les francs-
maçons, pour paralyser ce mouvement de conversions
voulurent publl'er un ouvrage Important
' et d' ' r,
contre le catholicisme. .eClSl
~a rédaction de l'ouvrage fut confiée au grand-maître
qUI acc~pt~ .cette tâche de grand cœur,
« Mals SI Je d?is écrire contre le catholicisme, il Fau!
aup~ravant ~ue Je le connaisse» - pensa-t-il à part lui'
et il . se mIt à r 1redes ouvrages traitant de la ' f ,'
catholtque. 01
Il en lut pendant dix mois.
",
JE SUIS CATHOLIQUE
Mais après ces dix mois il se présenta chez les
Oratoriens de Londres et demanda à être reçu dans
l'Église catholique.
Ce fut une immense surprise.
Comment? - lui demanda-t-on, Vous, membre de
la noblesse anglicane, grand-maître de la franc-maçon-
nerie, vous voulez devenir catholique? Qu'est-ce qui
vous est arrivé?
Le marquis répondit: « J'ai trouvé dans l'Église
catholique trois choses qui obIlgent tout homme sans
parti pris à reconnaître que cette Église - et elle seule
- est l'Église de Jésus-Christ. Dans l'Église catholique
il y a un rocher, un confessionnal et un tabernacle »,
Et le marquis devint réellement catholique et vécut
le reste de sa vie 'en membre fervent de notre Église.
comment des hommes sérieux et réfléchis, qui n'étaient
pas nés dans le catholicisme, sont enfin parvenus, après
de longues recherches et de longues inquiétudes, au
port de notre mère l'Église catholique, alors nous nous
posons cette question: est-ce que nous, qui sommes nés
. par une grâce spéciale de Dieu dans la vraie religion,
nous en sommes heureux et fiers, est-ce que nous avons
conscience d'être membres de cette Église? Est-ce
que nous sentons cet honneur, mais en même temps
aussi .notre responsabilité, lorsque nous prononçons
ces mots : « Je suis catholique ».
Lorsqu'au début de l'année universitaire j'ai com-
mencé 'à parler de l'Église du Christ, j'ai indiqué
que je donnerais vingt instructions sur ce sujet, C'est
aujourd'hui la vingtième. Je termine donc en ce
 LE SYMBOI,E DES APÔTRES
) moment la série que j'ai consacrée à l'explication de
l'article du Symbole Sur « l'Église catholique ». Pourrait-
on la terminer plus utilement, pourrait-on résumer
avec plus de profit la matière 'déjà traitée, qu'en mon-
tra?t la triple idée que renferme en eUe cette phrase
" pleIne de fierté et de gratitude : « Je vous remercie
Seigneur, d'être catholique. )J, ' français : t( Mes frères, vous n'êtes . pas assez fiers,
Qu:.l1~s sont c~ trois pensées? 1. Je suis catholique,
donc J.,at u~e ,consCIence .catholique. II. Je suis catholique,
~o~c J obéts a man Égltse. Ill. Je suis catholique, donc
1 aune mon Église.
1 le bonheur qu'il y a d'être catholique.
J'AI UNE CONSCIENCE CATHOLIQUB.
Je suis catholique, donc il faut que vive en moi la
conscience catholique. Qu'est-ce que cela signifie?
De quels éléments se compose la véritable conscience
catholique?
A) Le premier élément est avant tout une sainte et
humble .fierté qui prend conscience d'elle-même.
a) Une humble fierté, car ce n'est pas la fierté de
bien des gens, Il nous faut reconnaître la sublimité de
l'idéal que nous présente le catholicisme et combien _
hélas 1 - nous en sommes éloignés. Nous combattons
pour cet idéal, nous tâchons de l'atteindre, plus nous
marchons vers lui, plus il demeure loin de nous _
c'est ce qui éveille en nous l'humilité
b) Mais à côté de cette humilité vit aussi en nous
une sainte fierté de ce que nous plongeons nos racines
1.
JE SUIS CATHOLIQUE 343
dans un sol aux traditions dix-neuf fois centenai~es. Où
y a-t-il au monde, une s~uch~ noble ,de dIx-neuf
cents ans? Notre arbre génealoglque à nous catho-
lique!; a cet âge. Ainsi comprenons-nous la p~rase
qu'un jour Montalembert lança aux cathohques
vous n'aimez pas assez ta vieille noblesse de notre
catholicisme ». •
B) Une autre caractéristique d~ la co~s~le~ce
catholique c'est la joie dibordante - qUI pour aInSI d~re
éclate au dehors et cherche à montrer au monde entier
a) Ah! si nous savions tous ce ~ c'est que d'Itre
catholiques, comme notre cœur battrait, com~e nos ye~x
brilleraient de joie! Comme nOus marchenons la tete
haute au milieu des attaques, comme nous nous
tiendrions avec fermeté et assurance dans . la tempête 1
Chaque fois que nous. récitons. dans le Symbole
« Je crois en la sainte Éghse cathoh~ue )J, un cour~nt
'lectrique devrait passer dans nos veInes et nous faire
;elever la tête : u Je vous' remercie, Seigneur, d'être
catholique ». • ,.
Savez-vous quelle fête nous célébrons aUJourd h~l ?
C'est la fête de saint Pierre de Vérone ~29 avnl).
Alors qu'il était encore petit élève, son oncle lUI demanda
ce qu'il apprenait à l'école. Il J'ai appris le Symbole des
apôtres »' - répondit fièrement l'enfant. Cet enfant
grandit -et devint prêtre et lor~q~'il ~ut ~ercé de coups
de poignard à cause de sa fOl, Il s lécn~ : I~ Credo !l,
. )J. Et lorsqu'il arriva à ses uermers Instants • et
t( J e crOlS
qu'il n'eut plus la force de parler, il trempa un dOlgt
:1' " .---
344 LE SYMBOLE DES APÔTRES
dans son sang ' et écrivit ce seul mot sur la terre .
« Credo ». S~int Pierre de Vérone est pour nous tou~
u.n exemple Immortel de la manière dont noys devons
aImer notre foi et la confei?ser avec joie et fierté.
b) M~is pourquoi mè r~iouir et pourquoi être heureux?
..
"
~
Je dOlS. me réjouir et être heureux, parce que ma
mère est rIche,. parce que ma mère est belle, parce que
ma mère ,est m,mable : cette mère c'est l'Église.
Ma , mere, 1 Église, est riche. Que de trésors elle
possède! De l'or, des diamants? Ohl non. Mais le sang
du Christ à la sainte messe. Le corps du Christ dans la
blanche hostie. Chaque parole du Christ dans l'Évangile.
", Chaque grâce du Christ dans les sacrements
Le cardinal Newman était avant sa ~onversion
p,~steu~ de l'église anglicane. Son revenu annuel
s elevatt à ql~a~re mille livres sterling. Il étudia long-
temps ,l~ rel~gl~n .catholique. Finalement il ne put
plus reslster a 1 attirance de la Sainte Eucharistie.
Quel~ues jours avant sa conversion, ùn de ses amis
cherchatt à le détourner de cette démarche:
Songez donc à ce que vous faites. Si vous devenez
catholique, vous perdez un revenu de quatre mille
livres.
Newman fit cette réponse : '
" Et qu'est-ce que quatre mille livres en comparaison
d'une seule communion?
Oh! oui, elle est riche mon Église.
" Comm.e elle es.t belle l'Église, ma mère! Avec que!
e~thouslas~e samt Paul a-t-il écrit : « Le Christ a
aimé l'~gltse et s'est livré lui-même pour elle, afin de
la sanctifier, après l'avoir purifiée dans l'eau baptismale,
ii
1
JE SUIS CATHOLIQUE 345
avec la parole de vie, pour la faire paraître devant lui,
cette Église, 'glorieuse, sans tache, sans ride, ni rien
de semblable, mais sainte et immaculée » (Éphésiens,
v, 25- 2 7). Comment ne serait-elle pas belle cette Église
qui est le corps mystique du Christ! Comment ne
serait-elle pas bene, cette Église qui est le temple du
Saint-Esprit, « l'Église du Dieu vivant, la colonne
et la base de la vérité I l (le Timothée, III, 15)? Et ses
enfants sont-ils aussi beaux, sont-ils sans tache? Ah!
non, malheureusement. Ils peuvent commettre des
fautes _ mais leur Mère ne peut pas.
Et comme elle est aimable, l'Église, ma Mère! Elle est
aimable, parce que mon Église est l'amour même.
Elle reflète sans cesse l'amour divin. Avec cet amour
généreux elle a conquis les peuples au joug suave du
Christ, avec cet amour plein de sollicitude elle surveille
chacun de nos pas. y a-t-il une mère pour ,s'attrister
davantage des faux pas de ses enfants que l'Eglise qui
pleure sur ceux qu'urt écart de conduite ou de croyance
a séparés d'elle?
Lorsque je réfléchis à tout cela, il est impossible
Cj.ue ma conscience catholique ne soit pas f~rtifi~e. et
que ne iaillisse ?as du fond de mon âme ce CrI de .lote:
« Je vous remercie, Seigneur, d'être catholique ».
Il
J'OBÉIS A MON ÉGLISE.
Mais, comme je l'ai rappelé, être catholique n:est
pas seulement une source de joie, mais aussi de salfits
1
, ~
 ,LE SYMBOLE DES APÔTRES
devoirs. Si je suis catholique, j'obéis à mon tglise.
Je lui obéis A) en confessant sa doctrine et B) en obsérvant
ses commandements.
A) Je suis' catholique, je mets donc le catholicisme
à la base de ma vie.
a) Je suis cathoNque, donc je crois à la valeur du
surnaturel. Je reconnais franchement que cette vie
terrestre ne peut parvenir au bonheur que par les
moyen surnaturels, la prière et les sacrements.
Je suis un homme moderne, j'apprécie donc aussi
le génie, l'énergie et le travail humains. Je suis un
homme moderne, j'estime donc la machine, la technique,
l'industrie et le commerce. Je suis un homme moderne,
j'honor~ donc la science, les arts, l'activité sociale.
"
Mais je ne suis pas assez aveugle pour regarder tout
cela comme suffisant pour lui-même, pour ne p~s
adorer et prier par-dessus et au delà Celui qui a dit
de Lui-même : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire »
(S. Jean, xv, 5) et dont les paroles conservent toute
leur vérité même à l'époque des conquêtes scienti-
fiques : les ruines spirituelles de notre époque en sont
\. la triste preuve.
<"
b) Je suis catholique. Donc je ne suis plus un homme?
Comment? Si, je suis un honune composé d'un corps
et d'une âme mais je suis encore da~lantage 1
A ma naissance, j'étais seulement un homme: l'homme
naturel. Mais après ma naissance, je suis né une seconde
.,
l,..
fois, comme le Christ l'a ordonné, je suis né de nouveau
« de l'eau et de l'Esprit» (S. Jean, III, 5), et depuis
je suis un catholique.
Est-~e quelque chose de plus que l'homme naturel?
JE SUIS CATHOLIQUE 347
L'homme naturel est celui dont le corps renferme une
âme, le catholique est celui dont l'âme. est la d~meure
de Dieu. Si l'âme quitte mon corps, Je ne SUIS plus
un homme , mais un cadavre qui s'en va en poussière,
, 1
de même si Dieu quitte mon âme, cette âme n a p us
la vie.
Donc, 1\ je suis catholique» veut dire: je suis un
homme bienfaisant, un homme bon»? Beaucoup plus.
(1 Je suis catholique» veut dire « je vais à la messe,
je jeûne et je prie? Il Beaucoup plus.
Qu'est-ce que cela signifie donc? '
Cela signifie l'étincelle de vie surnaturelle et divine
qui en moi devient une flamme. II. A tous c~ux qui l'ont
re~u, il leur a donné le pouvoir de devemr enfants de
Dieu, à ceux qui croient en son nom» (S. Jean, l, 12).
Cette vie divine nouvelle implantée dans l'homme,
cette II. participation à la nature divine» (Ile S. Pier~e,
l, 4), saint Pierre nous dit que c'est l'essence du ~hns­
tianisme. Ce que le christianisme a donné à la SCience,
à l'économie politique, aux arts et à la civilisation est
un mérite de second ordre à côté de ce fait qu'il a
donné Dieu à l'âme.
c) Quel est donc le véritabl~ catholique? L~ho:nm~ à
qui s'applique l'inscription profondém~nt slgmficatlve
du portail de l'église Saint-Jacques d'Alx-la-Chapelle :
« A Deo - per Deum - ad Deum Il je viens de Dieu
et avec sa grâce je_vais vers Lui. .
Qu'est-ce que le vrai catholique? L'homme en qUI
vit Dieu. L'homme qui vit de Dieu et pour Dieu.
L'homme dont toute l'âme est remplie d'une vie
surnaturelle.
 ~ .' .
LE SYMBOLE DES APÔTRES
~. :.
Vous dites peut-être en gémissant: «Mais ce sont
les saints? »
Et je vous réponds: Oui, ce sont les saints. Et tout
'\!,
'1 vrai catholique est en même temps un saint. Aussi la
Sainte Écriture appelle-t-elle les premiers chrétiens
simplement les « saints II.
, clochions pas.
" « Ah! comme j'en suis loin! 1) -dites-vou:;; avec
effroi. Pourtant vous n'avez pas le droit d'avoir peur.
Si vous êtes loin de l'idéal, vous êtes à la meilleure
école. Qu'est-ce que l'Église catholique? L'école de
'l " , la sainteté. A cette école, tout, tout ne sert qu'à faire
des élèves des saints.
B) Et comment deviendrons-nous des saints? _
demandez-vous peut-être. Eh bien 1 en obéissant à
l'Église, en ne clochant pas de droite à gauche, mais
en observant les commandements de notre É'gHse.
a) CI Ne pas clocher? » savez-vous ce que signifie ce
mot de la Sainte Écriture?
Dans le chapitre XVIII du 1er Livre des Rois on lit
de tristes choses sur la corruption morale et religieuse
du peuple juif à cette époque. La maison royale mon-
trait l'exemple dans cette dépravation. L'idolâtrie était
élevée au rang de religion officielle, les fame prophètes
étaient reçus à la table royale, tandis que le culte du
vrai Dieu était de plus en plus relégué à l'arrière-plan.
. ""
Il y avait encore des Israélites pieux et fidèles, mais
ils se tenaient à l'écart, craintifs et découragés.
Et voici que dans ce monde dégénéré et découragé,
dans ce monde sans caractère et sans morale, au milieu
de ces gens à la recherche des flatteries et des avantages
matériels retentit tout à coup une voix tonnante. La voix
JE SUIS CATHOLIQUE 349
puissante du prophète Élie: « Jusques à quan~ c1och~rez­
vous des deux côtés? Si le Seigneur est DICu, SUlvez-
Le )1 (le Rois, XVIII, 21).
Eh bien! chaque commandement et chaque pres-
cription morale de l'Église demandent que nous ne
Le vrai catholique ne cloche pas. '
C'est un fait curieux que les gens raillent facilem~nt
la boiterie physique, et ne prennent pas en mauvaise
part la boiterie morale, mais même la regardent comm:
un avantage. Celui qui ne boite pas m~raleme~t, ~elUl
qui est fidèle à ses principes et les sUlt, CelUl qUI ne
prat,ique pas la duplicité, celui qui n~ to~rne pas co~me
une girouette à tous les vents, celu~ q~l confesse fiere-
ment sa , foi et vit sans compromisSIOn, en un , mot,
1,' celui qui est un vrai catholique, les gens l'appel1~nt
t facilement aujourd'hui : intolérant, être à part, enteté,
bigot, esprit étroit, arriéré. .
Quand quelqu'un veut avancer rapld~men~ sur u~e
r oute , certainement il ne faut pas qu 11 bOite. MalS
d '
si l'on veut avancer rapidement sur la route u sucees,
1 on avance davantage; en boitant, en faisant des cou~­
bettes de côté et d'autre qu'en suivant son chemm
dro~ .
Les avantages de cette claudication morale son~ SI
évidents pour une certaine op!nion ~~'on estime
qu'actuellement un catholique séneux qUl Ign?fC to~te
compromission et ne sait pas fermer les yeux à l.occaslO.n
ne peut ni diriger un commerce ou une mdustne
ni réussir en politique ou en littérature.' ,
Ne voit.. on pas combien il y a un besom urgent
 350 LE SYMBOLE DES APÔ!!ŒS
de catholiques sérieux, marchant droit devant eux,
lorsque peu à peu chacun se met à clocher et qu'on
commence à s'étonner de voir quelqu'un marcher
droit? .'
b) A,u jourd'hui c'est devenu une mode de veiller
à la pureté de la race. « Ne mêlons pas de sang étranger
dans la race Il. Très bien. Mais mettons pareillement
à .la frontière de nos convictions religieuses et de notre
VIe morale un poteau portant cette défense : Restez
catholiques sans mélange et ne laissez pas vos convictions
catholiques se délayer et se contaminer dans les maximes
à la mode. Ne soyez pas catholiques à demi comme ce
chef barbare qui extérieurement se prosternait devant
le Christ, mais offrait aussi des sacrifices à ses dieux .
païens: Ah! c~mbien d'hommf'.g que l'on appelle
ca.thohques s~cnfient aujourd'hui encore par leur vie
fnvole aux Idoles du paganisme?
~) Archimè~e disait: « Donnez-moi un point d'appui
et ~e soulèveraI le monde ». Eh bien! il Y a un dogme
qUI soulève le monde, c'est celui-ci : le Christ était
, Dieu. En effet si je le crois, dès cet instant je m'attache
"" à tout ce qu'Il a enseigné ou prescrit.
~e suis catholique, donc je ne choisis pas parmi les
artl~l~s d~ .foi ~t les lois morales, car je ne puis pas
chOIsIr. SI Je SUIS un catholique conscient, alors je suis
fier de toutes les manifestations de mon Église. Je suis
fier de ses dogmes et je les confesse. Je suis fier de ses
,. cérémonies et j'y participe. Je suis fier de sa hiérarchie
et je la respecte.
Ou bien mon Église est infaillible ou bien elle ne vaut
rien. Mais si elle est infaillible, alors j'ai confiance en
j
JE SUIS CATHOLIQUE 35 1
elle. Et j'obéis à toutes ses paroles et je ne la critique
pas. « Je suis catholique» c'est-à-dire j'ai une conscience
catholique et j'obéis à mon Église.
m
J'AIME MON P.:GLISB.
Mais cela veut encore dire autre chose. Non seule-
ment j'obéis à mon Église, mais je l'aime.
Comment montrer mon amour? A) en me faisant
son apôtre et B) s'il le faut, en me faisant son défenseur.
A) Si je suis catholique et si j'aime mon Église, je me
réjouis de pouvoir être son apôtre, de sentir en moi
l'esprit d'apostQlat.
a) Celui qui se réjouit de pouvoir être membre de
la véritable Église du Christ, ne se contente pas de
participer lui-même à cette vérité, mais il s'efforce de
faire participer les autres à ce bonJutur. Celui qui possède
la lumière s'efforce d'éclairer aussi les autres; celui qui
possède de la chaleur, s'efforce de réchauffer aussi les
autres.
Actuellement le travail du prêtre ne suffit plus à la
propagation de la vérité chrétienne. La vie actuelle est
si compliquée, que la parole du prêtre ne parvient plus
à beaucoup d'endroits. Quel magnifique champ d'action
s'offre là à l'apostolat des laïques!
b) Mais n'oublions pas que le meilleur apostolat
est l'exemple de notre propre vie. Noblesse oblige. On
demandait un jour à un petit collégien: « Qu'est-ce

35 2 LE SYMBOLE DES APÔTR.ES
que fait ton père? » « Il est menuisier, mais il ne travaille
1',' pas » - fut la réponse Cela passe encore. Mais quand
on demande de quelqu'un quelle est sa religion, quelle
douleur d'entendre cette réponse: (c Il est catholique,
mais il ne pratique pas ... » Si je suis" catholique, il faut
que je sente la responsabilité qui s'attache à ce nom.
Soyons-en bien persuadés, bien que la vérité du
catholicisme soit plus claire que le jour, quand bien
même les arguments par lesquels nous prouvons
l'origine divine de notre foi seraient encore plus
puissants que ceux d'aujourd'hui, la force de recru-
tement du catholicisme ne pourra pas se déployer , si
à côté des preuves théoriques ne se présente pas
"
comme argument efficace la vie irréprochable, digne de
\1 respect, et admirable des ftdèles.
!
Beaucoup ne se doutent pas de la force persuasive
qu'exercent sur ceux du dehors, sur les non-catholiques
les observations qu'ils font con:.tamment parmi nous.
Cette femme a perdu son mari et l-ependant avec quelle
force d'âme elle supporte le coup du sort, quand
elle se relève après avoir prié devant l'image de Notre-
Dame des Sept Douleurs; cet homme est si gai en
société, mais pendant la messe, quel recueillement, c'est
comme s'il oubliait le monde entier; œlui-ci vit plutôt
dans la gêne, et pourtant il fait beaucoup de bien;
comme les yeux de cet autre brillent, quand il sort du
confessionnal e~ l'â~e purifiée, commence aveL élan
une vie nouvelle ... Ah! oui, mes frères, voilà le sentiment
catholique de la responsabilité, magnifique instrument
d'apostolat; et c'est ma sainte convic~ion que la con-
version du monde serait plus proche, 'si la vie de tous
!
Il
f,
JE SUIS CATHOLIQUE 353
1
l '
'1 les catholiques était une recommandation de la vérité
1
de la doctrine du Christ.
B) Mais c;i je suis catholique et si j'aime mon Église,
r je serai aussi son défenseur et je n'écouterai pas lâche-
ment, sans mot dire, quand on l'attaque et qu'on
l, l'insulte. Y a-t-il un homme qui puisse entendre, sans
mot dire, insulter sa mère? Et cependant il y en a qui '
supportent qu'on injurie notre Mère l'Égli~e.
Que d'attaques chaque jour! Dans les journaux,
dans les réunions, au café, en société. Certains ne
tarissent pas, quand il s'agit de critiquer l'Église. Mais
1
avons-nous le courage de défendre notre Église?
En ces circonstances songeons-nous aux paroles du '
Christ: « Celui qui aura rougi de moi et de mes paroles
au milieu de cette génération pécheresse, le Fils de
l'homme aussi rougira de lui, lorsqu'il viendra dans la
gloire de son Père » (S. Marc, VIII, 38). Savons-nous
alors nous écrier courageusement avec saint Paul:
« Je n'ai point honte de l'Évangile, c'est une force divine
pour le salut de tout homme qui cr?it» (Romains,' I, 16).
Mais je crois. « Credo in unam, sanctam, catholicam
et apostolicam Ecclesiam ». « Je crois à ma mù'el'É,glise,
une, sainte, catholique et apostolique ».
Et maintenant, prenons congé de cet article de foi
que nous avons médité dans vingt sermons, mais ne
prenons pas congé de notre Église que nous avons appris
à aimer de plus en plus au cours de ces instructions.
1
.!
1
1
354 LE SYMBOLE DES APôTRES

En effet c'est maintenant seulement que je puis

remercier Dieu en pleine connaissance de cause de la
grâce qu'Il m'a faite d'être catholique.
Je suis catholique, donc membre de cette Él?lise à
qui le Christ a confié la prédication de sa doctrlOe.
Je suis catholique, donc membre de cette Église
qui a répandu dans le monde la foi chrétienne. TABLE DES MATIERES
Je sui& catholique, donc membre de cette Église qui
garde intact l'héritage du Christ et aujourd'hui encore
envoie des missionnaires enthousiastes vers les peuples
les plus lointains, tout comme elle prêche le Christ
avec un amour infatigable au milieu du bruit et des
trépidations de notre civilisation industrielle et au
milieu de nos grandes villes modernes. 1. - Qu'est-ce que ]e Saint-Esprit?............ ...... S
Je suis fier de vous, ma Mère, la sainte Église catho- II. - Les symboles du Saint-Esprit.............. ..... 20

lique. Et je vous applique ces paroles des psaumes : III. - Què nous donne le Saint-Esprit ?............... 3S
« Si je t'oublie, Jérusalem, que mon bras se dessèche.
Que ma la~gue s'attache à mon palais, si je ne me
IV. - Qu'est-ce que l'Église ?........................... 50

souviens pas de toi » (Ps. CXXXVI, 5-6). V. - L'Église du Christ est une.... .................... 66
Je sais que le monde pécheur ne hait personne VI. - L'Égiise du Christ est saipte..................... 80
autant que vous. Mais le monde sait aussi que plus il vous VII. - L'Église du Christ est catholique...... .... ..... 95
hait, plus je vous aime et plus s'échappe triomphalement
VIII. - L'Église du Christ est apostolique............ 1 II
de mes lè"res ce cri de foi : Je suis catholique. Je vous
remercie, Seigneur, de ce que je suis catholiq!le. Amen. IX. - «Tu es Pierre ... » .......... ~ ...................... 128
X. - L'infaillibilité du pape.. .......................... 144
XI. - La couronne d'épines du pape.................. 159
XII. - La papauté dans la balance de l'histoire...... 174
XIII. - Salut, Rome sainte 1.......... .................... 189
XIV. - Le visage terrestre de l'Église .................. 203

XV. - L' « intolérance» de l'Église ..................... 218

 "
TABLE DES MATIÈRES

XVI. La • mond~nité » de l'Église .................... . 234

XVII. - Les mérites de l'Église li),. ; .............. : .... . 249
XVIII. - Les mérites de l'Église (II) ...... ; .. : ........... 265
XIX. - Les prêtres de l~Église (1) ........................ 281

XX. - Les prêtres de l'Église (II) ..................... 296

. XXI. -L'Église persécutée...... .. .... . .................... 3 I I
XXII. - L'Église invincible . ...... .......................... 326 .
XXIII. - Je suis catholique .. ... .............................. 340

[mprlmé en Belgique. - Prlnted in Belgium. D 133.

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