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CHAPITRE IV
LES PUISSANCES EN TRIPHASÉ
Nous avons déjà examiné au chapitre2 l’intérêt d’introduire les notions de puissances actives,
réactives et apparentes dans un système monophasé.
L’approche par puissance présentée pour le régime monophasé est étendue au système triphasé, ce
qui, sur le plan industriel, correspond à la réalité.
En effet, la production, le transport et la distribution de l’énergie électrique ne se font que par le
biais du processus triphasé, et la problématique du dimensionnement des lignes, du respect des
paramètres nominaux et des chutes de tension ne se font en réalité que dans ce cadre.
Les mêmes critères pour les choix des câbles d’alimentation sont établis, avec les limites associés à
la chute de tension admissible et le calcul des puissances d’un réseau donné est alors nécessaire
pour répondre à la qualité d’une ligne de transport ou de distribution.
2 2 2 2
2VJ cos(t V ) cos(t J ) 2VJ cos(t V ) cos(t J )
3 3 3 3
En développant l’expression précédente on trouve:
4 4
p(t) 3VJ cos( J V ) VJ cos(2t V J ) cos(2t V J ) cos(2t V J )
3 3
0
Par conséquent :
p(t) 3VJ cos( J V ) 3VJ cos
On voit que la puissance instantanée est constante et égale au triple de la puissance
active par phase. Il n’y a donc pas de puissance fluctuante en régime triphasé équilibré,
comme le montre la figure ci-dessous:
3
P
i 1
Vi J i cos i
P V1J1 cos 1 V2 J 2 cos 2 V3J 3 cos 3
Q V1J1 sin 1 V2 J 2 sin 2 V3J 3 sin 3
3
Q V J sin
i 1
i i i
Remarque : Ce théorème ne s’applique pas aux puissances apparentes, que l’on ne peut
cumuler (la puissance apparente est une somme complexe, de composantes pas
nécessairement en phase).
V1 V2 V3 V
J1 J 2 J 3 J
cos cos cos cos
1 2 3
On obtient :
P P1 P2 P3 3VJ cos
Q Q1 Q 2 Q3 3VJ sin
Si la charge est en étoile :
3) Représentation complexe
On peut exprimer la puissance complexe qui serait définie par :
4) Facteur de puissance fp
La problématique du facteur de puissance est la même que pour le régime monophasé, il
s’agit de ne pas permettre, pour les mêmes raisons que nous avons développé, un facteur
de puissance trop bas pour ne pas perturber la distribution de l’énergie en termes de
rendement de la ligne et de chute de tension.
Aussi, il faut préciser que dans la réalité, ce sont les récepteurs triphasés, notamment les
industriels qui font l’objet de contrôle du facteur de puissance. La démarche est tout à
fait analogue à celle déjà étudiée pour les lignes monophasées.
5) Méthode de Boucherot
Soit une installation qui comprend de nombreux récepteurs triphasés équilibrée, les uns
peuvent être en étoile, les autres en triangle (on ne précise pas sur le schéma parce que
c’est inutile). Il est plus pratique de représenter l’installation de la façon qui suit, en
illustrant uniquement les courants de la phase 1 (sachant que les courants des autres
phases sont identiques mais déphasés respectivement de 2 3 et 2 3 ).
Les courants I i illustrés sur la figure sont les courants de lignes (composés) de chaque
récepteur, qu’il soit en étoile ou en triangle.
On en déduit :
S t Pt 2 Q t 2
Remarquons que le retour qui se fait par le neutre n’est parcouru par aucun courant (la
charge étant équilibrée), la chute n’est donc occasionnée que par un seul câble, celui de la
phase considérée (1, 2 ou 3).
On établit donc l’équation électrique de la ligne :
V s (rc jx c )I V
On définit la chute de tension par :
V Vs V
Si on s’intéresse à la tension composée, on peut aussi définir la chute de tension par
rapport à la tension composée de la source :
U 3 Vs V
Comme on s’intéresse à la différence des tensions en module, on établit des expressions
analogues à celles établies pour le monophasé en utilisant la formule de Kapp.
Pour une charge selfique, on représente les vecteurs courant-tensions, qui illustrent
l’équation électrique de la ligne:
V s rc I jx c I V
Le schéma électrique est donc :
On obtient alors :
V=r c Icos +x c I|sin| pour récepteur inductif
Pour une charge capacitive, on représente également les vecteurs courant-tensions,
qui illustrent l’équation électrique de la ligne (c’est la même chose sauf que est positif):
V s rc I jx c I V
2
S = 3VJ = 3UI = P 2 + Q 2 Q = 3UI P 2
2
W VJ cos( ) P
3
W1 U 13 J 1 cos( U 13 , J 1 )
W2 U 23 J 2 cos( U 23 , J 2 )
Si on représente vectoriellement les tensions et courants, on peut déterminer les angles
entre U 13 et J 1 , puis entre U 23 et J 2 :
U 13 , J 1 30 et
U 23 , J 2 30
Par conséquent :
W1 U 13 J 1 cos( U 13 , J 1 ) UI cos(30 )
W2 U 23 J 2 cos( U 23 , J 2 ) UI cos(30 )
(I=J puisqu’on se ramène toujours à l’étoile équivalente)
On obtient donc :
W1 W2 UI cos(30 ) UI cos(30 ) 2UI cos 30 cos 3UI cos
En effectuant la différence :
W1 W2 UI cos(30 ) UI cos(30 ) 2UI sin 30 sin UI sin
Comme cette méthode permet de mesurer les deux puissances à la fois, il est inutile de
placer d’autres appareils comme l’ampèremètre ou le voltmètre (sauf si c’est pour
contrôler les valeurs absorbées).
Remarque
On montre que, même pour un régime déséquilibré, et en l’absence du fil neutre, la
puissance active peut être mesurée à l’aide de cette méthode (mais attention elle n’est
pas valable pour la puissance réactive). On a en effet, en valeur instantanée, puisqu’il n y
a pas de fil neutre :
j1 j2 j3 0
Si on exprime la puissance instantanée totale, on aura :
p(t) v1 j1 v 2 j2 v3 j3 v1 j1 v 2 j2 v3 j1 j2
En arrangeant les termes, on trouve, en instantané :
p(t) v1 v3 j1 v 2 v3 j2 u13 j1 u 23 j2
On trouve donc la puissance active, qui est la valeur moyenne de la puissance
instantanée :
P U 13 J 1 cos( U 13 , J 1 ) U 23 J 2 cos( U 23 , J 2 )
Il est donc possible de mesurer la puissance active à l’aide de cette méthode, même dans
le cas déséquilibré.
4) Méthode de Boucherot de mesure de la puissance réactive
Il s’agit d’une méthode de mesure de puissance réactive pour un récepteur triphasé
équilibré. Le branchement doit être effectué de la manière indiquée sur la figure ci-
dessous :
W U 23 J 1 cos( U 23 , J 1 )
Si on représente vectoriellement les tensions et courants, on
peut déterminer l’angle entre U 23 et J 1 :
U 23 , J 1 90
Par conséquent :
W U 23 J 1 cos( U 23 , J 1 ) UI cos 90 UI sin
On obtient donc :
Q
W UI sin Q 3W
3
Pour déterminer la puissance active, il faut mesurer également la puissance apparente à
travers le voltmètre et l’ampèremètre :
2
S = 3UI = P 2 + Q 2 P = 3UI Q2
Il est tout à fait possible de prendre l’inverse : V J , on aurait eu les signes inversés.
Il faut comprendre que cela n’a pas d’importance, pourvu qu’on prenne soin de donner des signes
contraires aux consommateurs inductifs (par exemple bobine, moteur, atelier etc) par rapport aux
consommateurs capacitifs (condensateurs).
En électrotechnique, c’est souvent la tension (et non le courant) qui est la référence, notamment
en terme d’origine de phase, d’où le choix de la définition du déphasage qui a été choisi dans ce
cours.
Exercice1
Un moteur connecté en étoile, alimenté sous une tension composée de 380 V, délivre une
puissance utile de P=95 kW avec cos=0,8.
1) Sachant que le rendement du moteur est =85%, déterminer le courant simple
absorbé.
2) Le même moteur étant connecté en triangle, sous quelle nouvelle tension composée
devrait-il être alimenté si on doit respecter la même valeur de la tension simple du
moteur (valeur nominale).
3) Dans le cas de la question 2, déterminer les courants simples et composés absorbé par
le moteur. Conclusion.
Solution
1) Le rendement d’un moteur est donné par le rapport entre la puissance utile et la
puissance électrique absorbée, c'est-à-dire la puissance active :
Pu P 95000
P u 111,8kW
P 0,85
On a donc:
P 111,8.103
P 3UI cos I 212,3A
3U cos 3.380.0,8
P 111,8.103
P 3UI cos I 367 A
3U cos 3.220.0,8
Le courant simple, puisque le moteur est en triangle est de :
I 367
J 212A
3 3
On retrouve bien entendu la même valeur du courant simple.
Exercice2
Un réseau triphasé 220/380V 50 Hz alimente un atelier triphasé équilibré en triangle qui
consomme un courant composé I=44,5A avec un facteur de puissance cos de 0,45.
1) Déterminer le courant simple J absorbé par l’atelier et les puissances active et réactive
absorbées P et Q. En déduire l’impédance équivalente complexe R+jX de chaque branche
de l’atelier (la consommation de l’atelier est inductive).
2) La ligne d’alimentation possède pour chaque fil l’impédance suivante :
z c (0,1 j0,15)
S s = 3 U s I Ps 2 + Q s 2 30352VA
q' = 3 x c I ' = 3.0,15.21 198VAR
2 2
V2 2202
Pb 3.RI b 3.R 2 3.3 2 1866 W
2
R X 2
3 15 2
Bobines en étoile
Q b 3.XI b 2 3.X V2 2202
3.15 9331 VAR
R 2
X 2
3 2
15 2
Pa 3UIa cos a 3.380.100.0,8 52654 W
Atelier
Q a 3UIa sin a 3.380.100.0, 6 39491 VAR
Le bilan total :
Pt Pm Pb Pa 55461 W
Q t Q m Q b Q a 49652 VAR
On exprime la puissance apparente globale :
St Pt 2 Q t 2 74440 VA
Et on a d’autre part :
St 74440
St 3UIG IG 113,1A
3U 3.380
Et le facteur de puissance :
Pt 55461
cos G 0, 745
St 74440
2) Etablissons de nouveau le bilan des puissances en imposant un facteur de puissance
de 0,95 et en gardant la même valeur de la puissance active puisque les capacités ne
fournissent que de la puissance réactive:
Pour une consommation inductive ou selfique (Q’ t 0)
P 't Pt 55461W
Q 't Pt tg 't 55461.tg(arc cos 0,95) 18229VAR
La valeur de la capacité à placer est donnée par le bilan des puissances réactives :
Q 't Q t QC QC Q 't Q t 18229 49652 31423VAR
Et puisque les capacités sont en étoile :
Qc 31423
Q c 3V 2 C 31423VAR C 690µF
3V 2202 2.50
2
P 't Pt 55461W
Q 't Pt tg 't 55461.tg(arc cos 0,95) 18229VAR
La valeur de la capacité à placer est donnée par le bilan des puissances réactives :
Q 't Q t QC QC Q 't Q t 18229 49652 67881VAR
Et puisque les capacités sont en étoile :
Qc 67881
Q c 3V 2 C 67881VAR C 4, 46mF
3V 2202 2.50
2
On voit bien que « rendre l’installation capacitive » exige un coût beaucoup plus élevé (le
prix des capacités (à égale qualité) est proportionnel à leur valeur). Ce procédé est donc
inutile puisqu’il suffit de respecter la valeur du facteur de puissance exigée par la société
de distribution.
Dans le deuxième cas, le consommateur fournit du réactif au réseau et ce n’est pas là ce
qu’on attend de lui.
3) Le courant absorbé est le même dans les deux cas puisqu’il s’agit de la même
puissance apparente (seul le déphasage est positif ou négatif), on a donc :
Pt 55461
Pt 3UI 'G cos 'G I 'G 88, 7 A
3U cos 'G 3.380.0,95
On voit bien que le courant global est diminué par rapport au cas où il n y a pas de
capacités de compensation, ce qui est le but recherché.
4) Diagramme vectoriel
En supposant que la tension aux bornes de l’installation n’a pas varié, déterminer la
tension à l’origine de la ligne avant le branchement des condensateurs et après.
Solution
1) On effectue le bilan de puissance:
Avant le branchement des capacités
3 2.50
3
Le courant absorbé dans ces conditions :
P 15155
P 3UI 'cos ' I ' 78A 100A
3U cos ' 3.125.0,9
On voit bien que le courant global diminue grâce à l’apport capacitif des condensateurs.
2) Si les condensateurs sont en triangle, rien ne change pour le courant global mais la
valeur des capacités C à placer est différente, puisque la tension aux bornes de chaque
condensateur n’est plus la tension simple V de la source mais la tension composée U de
la source :
Qc 8118 C
Qc 3U 2 C 8118VAR C 0,55mF Y
3U 3125 2.50
2 2
3
On voit donc qu’il est plus économique de placer les condensateurs en triangle plutôt
qu’en étoile puisqu’on a :
CY 3C
3) Deux méthodes peuvent être envisagées :
La méthode de Boucherot
La méthode du schéma par phase (schéma de l’étoile équivalente)
V V s V Vs V
La méthode de Boucherot
On a, puisque les bobines sont placées en triangle :
U 220
J 110A
Courants simples et composés R 2
X 2
1, 6 2
1, 2 2
I J 3 190,5A
P 3.RJ 2 3.1, 6.1102 58080W
Bobines
Q 3.XJ 3.1, 2.110 43560VAR
2 2
Le courant de ligne a changé à cause des capacités :
S's 62752
S's 3UI ' I' 164, 7A
U 3 220 3
Le bilan de puissance dans ces conditions :
P ' 58080W
Bobines capacités Q ' 23760VAR
p ' 3rc I '2 3.0, 02.164, 7 2 = 1628W
Ligne triphasée
q ' 3x c I ' 3.0, 04.164, 7 3256VAR
2 2
Solution
1) le couplage doit être en étoile pour assurer la tension nominale simple du moteur qui
est de 220V. Si on le mettait en triangle, chaque branche du moteur serait sous la tension
de 380V et on risque de griller le moteur.
2) Le montage à effectuer et les calibres choisis, compte tenu des valeurs des tensions et
courants à injecter dans les wattmètres (380V et 7A) :
On en déduit :
P W1 +W2 2720 960 3680W
Q 3 W1 W2 3 2720 960 3048VAR
La puissance réactive a été prise en valeur absolue mais on sait que le moteur absorbe du
réactif donc selon les conventions on aura :
P 3680W Q 3048VAR
Le courant de ligne peut être obtenu à partir de la puissance apparente :
P2 Q2 36802 30482
S P 2 Q 2 3UI I 7, 26A
3U 380 3
Et le facteur de puissance :
P P 3680
cos 0, 77
S P Q
2 2
3680 3048
2 2
Exercice7
Un alternateur triphasé en étoile de tension simple V=220V alimente un groupe de 3
récepteurs déséquilibrés couplés en étoile ayant les caractéristiques suivantes :
P 1 = 3872 W Q 1 = 0 P 2 =2420 W Q 2 =0 P 3 =2420 W Q 3 =0
On suppose que le fil neutre possède une impédance négligeable.
V1 V 2 V3 V=220V
D’où :
V 2 2202 V 2 2202 V 2 2202
R1 12,5 , R2 =20 , R 3 =20
P1 3872 P2 2420 P3 2420
On en déduit les courants simples et le courant dans le fil neutre:
V1 220
J1 17, 6A
R 1 12,5
j
2
2
V 2 220e 3 j
J 2 11e 3
5,5 j9,53 A
R 2 20
2
j 2
V 3 220e 3
11e 3 5,5 j9, 53 A
j
J 3
R 3 20
I J1 J 2 J 3 6, 6A
n
Le diagramme vectoriel :
V s2 V 2 u n V 2 V s2 u n 220e
3
36, 7 146, 7 j190 V V2 240V
V s3 V 3 u n
2
V 3 V s3 u n 220e j 3 36, 7 146, 7 j190 V V 240V
3
Conclusion
Baisse de tension au niveau du récepteur1 et surtension pour les récepteurs 2 et 3.
On note que, malgré le fait qu’en module les courants sont identiques, le courant dans le
fil neutre est beaucoup plus élevé dans ce cas ( 20, 7A 6, 6A ) parce que le facteur de
puissance de la phase 1 crée un grand déséquilibre.