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Enonciation et narration.
Jean-Paul Simon
Simon Jean-Paul. Enonciation et narration.. In: Communications, 38, 1983. Enonciation et cinéma. pp. 155-191;
doi : https://doi.org/10.3406/comm.1983.1572
https://www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1983_num_38_1_1572
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l'autre, qui est un essai d'illustration d'un propos de Berkeley « esse est
percipi » (exister c'est être vu), montre une course -poursuite du
regardant et du regardé et pose la question du renvoi du regard comme
constitutif d'un sujet. On entrevoit déjà peut-être les recoupements avec
les questions clefs de la narration : qui parle ? qui voit ? et leur mise en
fonctionnement dans un texte filmique.
L'hypothèse implicite qui sous-tend notre démarche est, bien
entendu, que cette marginalité n'est qu'apparente (du moins sur le plan où
nous nous plaçons : celui de la narration) et que ces films laissent
entrevoir par cette mise à nu, par cette concentration sur un nombre
restreint de paramètres, la nature des articulations de tout film
narratif 3.
Une première analyse, celle de la Dame du lac, nous conduira à
affiner nos hypothèses et à présenter un premier modèle, lequel sera à
son tour confronté à Film. Dernier mouvement : passer d'un modèle
descriptif à un modèle explicatif, du moins avancer quelques hypothèses
plus générales sur l'économie narrative du film.
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I II III IV
je absent je absent je présent Je présent
tu absent tu absent tu absent tu absent
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Le spectateur progresse bien avec le narrateur, mais sans qu'il lui soit
possible de resituer celui-ci, puisqu'il coïncide avec le personnage et
qu'il n'est pas montré (ce qui n'est pas tout à fait le cas chez James :
narration à la troisième personne avec quelques inserts, le narrateur
adoptant le point de vue du personnage sans totalement coïncider avec
lui — il émet en particulier des jugements de valeurs). L'autre film cité
par Gérard Genette comme exemple de focalisation interne stricte est
Lady in the lake, où la caméra adopte le point de vue du personnage
principal, mais pas seulement, car le narrateur s'y présente d'abord
comme tel avant d'y intervenir sous forme de personnage par le
truchement de la caméra. A la différence de B. Mangolte, il ne va pas au
bout de son parti pris et prend au contraire bien soin d'initialiser le récit.
De plus, le narrateur reste présent et réintervient à certains moments.
C'est sur ces différents aspects que nous allons maintenant porter notre
attention.
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3 3'
interrogatoire appartement Lavery
Lavery
4 commissariat de 5'
arrestation/séj our
au poste Bay Area
11 4'30"
Marlowe téléphone m4 chambre Marlowe
13 se dégage de 6'30"
route {idem 12)
l'accident
téléphone à A.F.
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générique 30"
paupière qui
s'ouvre
fin : œil V
puis crédits
Total: 21'
On se reportera au projet, surtout dans sa variante illustrée, qui distingue dans trois
sous-parties (a, b, c) que nous n'avons pas jugé utile de démêler plus dans ce cadre.
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EXTRADISCURSIF INTRADISCURSIF
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rent 77. D'une certaine façon, si l'illusion se maintient, c'est plus grâce à
l'acceptation du mécanisme qui le constitue comme tel que par
l'acceptation « vraie » de sa « réalité » référentielle, le réfèrent tendant
aussi à être produit. Cette autoproduction, si elle accompagne souvent
l'intrusion du narrateur, agit contradictoirement en ce qu'elle mine sa
légitimité fondatrice : elle jette le doute sur l'ensemble de la narration et
sur son fondement. D'où les interventions du narrateur, et d'où, aussi,
cette tentative de films qui sont à eux-mêmes leur principe et dont ils
assurent l'exposition : autoproduction (ex. : Octobre à Madrid de
Marcel Hanoun, 1965). Nous retrouvons de nouveau nos deux films
analysés, l'un jouant sur sa double diégèse et se plaçant à tous les
niveaux, l'autre laissant la narration flotter entre l'histoire et la diégèse.
Dans le premier cas, l'autocréation de l'énoncé est explicitée, dans le
second, elle est fondée métonymiquement par la série de l'œil 78. On
entrevoit ici le lien avec le problème de la réflexivité du film en général et
celui de sa réflexivité locale, en d'autres termes du rapport entre un
segment et l'ensemble. Les classements précédemment proposés devront
être enrichis de l'analyse de ces rapports, de façon à définir ce qui serait,
pour paraphraser Michel Serres, le « théorème canonique de la
représentation cinématographique » : rapports du segment à l'ensemble en
termes d'expansion, réduction sur le plan syntaxique, ou de répétition/
reduplication sur le plan structurel 79. Mais contentons-nous d'un renvoi
à la position du narrateur (et non plus de son statut, comme dans le
tableau précédent) : il est celui qui rapporte les faits réels ou fictifs
(l'histoire supposée, la diégèse étant sa reconstruction par le
spectateur) et qui doit donc être crédible ou accepté comme véridique. Le
narrateur, nous rappelle Jean-Pierre Faye, est celui qui sait : « le
narrator, c'est aussi Narus ou gnarus, le contraire de l'ignare : celui qui
sait80 », l'histoire est ce savoir qui nous est proposé. Premier
dévoilement : l'historien est celui qui veut savoir, ce savoir est suffisant pour
être transparent, l'histoire se déroule et le narrateur s'efface devant ce
qu'il rapporte, même si cet effacement repose sur une double
dénégation, comme l'a montré Louis Marin à propos du tableau historique 81.
Mais il peut y avoir crise de croyance, refus du « willing suspension of
disbelief» des anglo-saxons, et dans ce cas, d'où va-t-il tirer sa
légitimité, où peut-il se réfugier ? Nous avons vu que l'illusion
référentielle pouvait fournir une telle légitimation, mais, fondamentalement,
celle-ci vient de la position « auteur », qui reste le dernier stade non
contestable. Etymologiquement, « auteur » renvoie à autorité, « auc-
tor » à « auctoritas » : « on qualifie d'auctor », dans tous les domaines,
celui qui « promeut », qui prend une initiative, qui est le premier à
produire quelque activité, celui qui fonde, celui qui garantit, et
finalement l'« auteur », l'« auctoritas », est dans ce cas cette possibilité
«de faire surgir quelque chose... de produire l'existence82». On
retrouve ainsi le fondement de la production des énoncés à travers cette
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NOTES
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21. Sans préjuger des possibilités que lui confèrent ses cinq matières de l'expression,
de la richesse du « lacis audiovisuel », de l'« entrelacs audiovisuel », cf. sur ce point,
Dominique Chateau, François Jost, « II. Du plan à la dialectique audiovisuelle », in
Nouveau Cinéma, Nouvelle Sémiologie. Essai d'analyse des films d'Alain Robbe-Grillet,
Paris, « 10/18 », 1979, en particulier p. 26-33, où l'on trouvera une très utile
classification de ces interactions.
22. Même dans le cas du « showing » jamesien, la narration peut être à la « première
personne » (le Tour d'écrou est introduit par un narrateur) où à la « troisième
personne » (Ce que savait Maisié).
23. Cf. Gérard Genette, op. cit., et François Jost, « Discours cinématographique,
narration », op. cit.
24. Cf. Groupe (jl, Rhétorique générale, Paris, Larousse, 1971, « 2.5. Le point de
vue », p. 187-189.
25. Mes souvenirs de ce film sont par trop imprécis, mais Barefoot Comtessa de
J.L. Mankiewicz présente une structure analogue : chaque personnage rapportant non
plus sa propre version des faits, mais sa perception du personnage central, qui est ainsi
reconstitué lors de son enterrement. Dans ce cas, la narration commence toujours à la
« première personne » sonore pour passer ensuite en focalisation externe, selon
l'acception qui découle de ce que nous avons dit.
26. Procédé courant lors d'un dialogue entre plusieurs personnages autour d'une
table : on peut alors avoir alternance de champ/contrechamp un peu plus éloigné.
27. Que nous notons avec toutes précautions, cette dénomination, comme celle de
« personne » (première, seconde et troisième), étant susceptible d'apporter plus de
confusion que de clarté en tendant à mélanger les problèmes d'énonciation, de voix et de
mode.
28. Quoique tout à fait intéressant comme limite de la narration.
29. On peut se reporter également au roman de Raymond Chandler, dont est tiré
le film. Nous avons utilisé la Dame du lac, Paris, Gallimard, coll. « Carré noir »,
1979. La copie qui nous a servi à établir ce découpage est une copie 16 mm distribuée
par Films Incorporated, 467 Plesaman DR NE, Atlanta, Georgia 30324, USA. Le
découpage a été réalisé à l'occasion d'un séminaire donné à l'University of North
Carolina at Chapel Hill, French Dpt. Avant cela, nous avions utilisé une copie distribuée
par le Film Library Museum of Modem Art, New York, à l'occasion d'un séminaire
donné à Purdue University, Lafayette, French Dpt.
30. « Sur le sujet de renonciation cinématographique », op. cit., p. 118-119.
31. La caméra « subjective » aurait dû se parfumer, ce qui, dans l'état actuel du
développement technique des matières de l'expression, n'est pas encore réalisé.
32. A la façon dont Clint Eastwood, dans les films de Sergio Leone, exhibe les
blessures qu'il accepte avec flegme, marque de son inaltérabilité profonde.
33. Thierry Kuntzel, « Savoir, voir, pouvoir », in Ça cinéma, n° 7, 1975, repris dans
le Cinéma américain, analyse de films (sous la direction de Raymond Bellour), Paris,
Flammarion, 1980 ; « Le travail du film », in Communications, n° 19, 1972.
34. Toute coïncidence avec un quelconque stade du miroir ou une relation spéculaire
au cinéma ne saurait être, bien sûr, que pure coïncidence. Cf. « Sur le sujet de
renonciation cinématographique », op. cit., et, plus particulièrement, p. 107-110,
l'analyse des Ménines et de la Vénus au miroir de Velasquez.
35. Marc Vernet, à qui je dois ce rappel du lien énigme/Œdipe, me fait également
remarquer la proximité avec le début de « Sarrazine », cf. S/Z, Paris, Éd. du Seuil,
1970.
36. « Histoire/Discours. Note sur deux voyeurismes », in le Signifiant imaginaire,
op. cit.
37. Cf. Christian Metz, « Le régime scopique au cinéma », in le Signifiant imaginaire,
op. cit., p. 85-92.
38. Il y a là, peut-être, une base métapsychologique de l'échec commercial de ce
film.
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