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La dette publique au Maroc :

évolution, contraintes et perspectives

L’analyse de l’évolution de l’économie marocaine ne peut être dissociée Mohamed


de la question de la dette publique et de ses implications. Les contraintes Boussetta
qu’exerce l’endettement public sur toute la politique économique nationale Université Mohammed V-
depuis le milieu des années soixante sont très fortes. Ce phénomène n’a Agdal, Rabat.
cessé de rétrécir les marges de manœuvre des pouvoirs publics en matière
budgétaire et financière.
L’origine du processus d’endettement public remonte à la politique
budgétaire fortement expansionniste et à la stratégie d’investissement public
intensif du milieu des années soixante-dix consécutives au “boom
phosphatier”. Ce qui s’est traduit par des déficits budgétaires considérables
dont la couverture a été assurée principalement par l’emprunt extérieur dans
une première phase (1). Le financement de ces déficits persistants a conduit (1) M. Boussetta (1992),
à l’accumulation d’une dette publique externe qui est devenue très vite, Financement public et
soldes budgétaires, thèse
au début des années quatre-vingts, insupportable. Ces indicateurs ont atteint d’Etat, Rabat.
des niveaux tels qu’il est apparu impossible de faire face à ces échéances
(2). Cette situation critique a imposé le rééchelonnement de cette dette (2) M. Boussetta (1995),
« Financement public,
avec comme condition la mise en application d’un programme d’ajustement
déséquilibres budgétaires
structurel à partir de 1983 sous la houlette du F.M.I. et accumulation de la
Avec ce programme d’ajustement, la politique de financement dette publique au
Maroc », Annales
budgétaire s’est orientée de plus en plus vers les ressources domestiques. Marocaines d’Economie
Ainsi les emprunts intérieurs ont-ils pris largement le relais du financement n° 11.
d’origine externe depuis le milieu des années quatre-vingts, ce qui a abouti
à l’accumulation d’une dette intérieure de plus en plus insoutenable (3). (3) M. Boussetta,
« Financement public,
Cette évolution en deux phases – 1975-1983 et 1984-1999 – s’est traduite déséquilibres… », op. cit.
en fin de compte par l’accumulation d’un stock globale de la dette publique
sans cesse croissant et contraignant. La réduction, somme toute relative,
de l’encours de la dette extérieure observée ces dernières années n’a pas permis
de compenser la progression importante et régulière de la dette intérieure.
De ce fait, la problématique de l’endettement public demeure toujours à
l’ordre du jour et continuera de peser encore lourdement sur l’évolution
de l’économie nationale au cours des prochaines années.

1. Analyse comptable et financière de la dette publique


On peut distinguer deux périodes dans l’évolution de l’endettement
public : 1975-1982 et 1983-1999.

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Mohamed Boussetta

1.1. 1995-1983 : un endettement extérieur cumulatif et contraignant


L’année 1975 a marqué une nette rupture des tendances du passé en
matière de déficits budgétaires et d’endettement public.
Ainsi, pour la seule année 1975, le déficit budgétaire a été multiplié
par 110,4 % et atteignait 9,1 % du P.I.B. contre seulement 2,8 % du PIB
(4) M. Boussetta, en 1973 (4).
« Financement public
et soldes budgétaires »,
op. cit.
Tableau 1
Déficits budgétaires en % du PIB (1975-1982)

Années Déficits en % du PIB


1975 9,1 %
1976 18,4 %
1977 16,2 %
1978 12,4 %
1979 11,6 %
1980 12,1 %
1981 16,7 %
1982 11,6 %
Source : Rapports de Bank Al Maghrib.

Le financement de ces déficits considérables et chroniques a été assuré


pour une large part par le recours aux emprunts extérieurs.
Au cours de la période, cette modalité de financement a couvert en
moyenne les deux tiers des déficits. Ce qui s’est traduit par l’accumulation
d’une dette extérieure importante. Toutes les sources de l’endettement
extérieur ont connu une forte croissance, mais qui demeure toutefois
différenciée d’une source à l’autre. Ainsi l’endettement auprès des
créanciers traditionnels du Maroc, en particulier les pays de l’OCDE, la
Banque mondiale et les pays arabes, a enregistré une nette tendance à la
hausse. L’expansion qu’a connue ce type d’endettement s’explique
largement par le développement des concours des pays arabes du Golfe.
La contribution de ces pays s’élevait à 60 % de l’encours total de la dette
bilatérale en 1982. Quant aux emprunts contractés auprès des organismes
internationaux, leur croissance rapide provient du recours massif aux facilités
du F.M.I.
Cette période reste fondamentalement marquée par un accroissement
sans précédent des sources privées de financement. Entre 1975 et 1982,
l’encours de la dette extérieure mobilisée a grimpé de 396 millions de dollars
à 3 568 millions de dollars. L’encours des créanciers privés dans la dette
extérieure globale a atteint 38 % en 1983.

72 Critique économique n° 2 • Eté 2000


La dette publique au Maroc : évolution, contraintes et perspectives

Tableau 2
Evolution de la dette extérieure au Maroc 1975-1982

Années En millions de dollars Variation annuelle En % du PIB


1975 1 800 + 83,1 % 20
1976 2 464 + 36,8 % 27
1977 3 733 + 51,6 % 34
1978 5 073 + 35,9 % 38
1979 6 460 + 27,2 % 41
1980 7 686 + 18,9 % 49
1981 8 417 + 9,5 % 55
1982 12 337 + 46,5 % 80

Source : ministère de l’Economie et des Finances.

L’évolution croissante de l’encours de la dette s’est accompagnée d’un


important changement au niveau de sa structure. Ainsi, on a pu remarquer
au cours de cette période :
– une réduction non négligeable de la dette bilatérale qui est passée de
47 % en 1973 à 40 % en 1983 ;
– une chute importante de la dette multilatérale qui a régressé de 47 %
à 22 % entre 1973 et 1983 ;
– une forte augmentation de la dette d’origine privée qui a progressé
de 6 % en 1973 à 38 % en 1983.
Ces éléments ont alourdi considérablement les indicateurs de la dette,
exerçant par-là des conséquences néfastes sur les finances de l’Etat (5). Ce (5) M. Boussetta (1994),
« Les implications
qui a aggravé les déséquilibres financiers macro-économiques et a budgétaires du PAS,
débouché sur une situation de cessation de paiement nécessitant la mise in « le Bilan décennal du
en application du programme d’ajustement structurel (PAS) en juillet 1983. PAS », Annales
Marocaines d’Economie,
Avec le PAS, un changement fondamental s’est opéré au niveau de la politique n° spécial.
d’endettement public.
1.2. 1985-1999 : la spirale de l’endettement intérieur
Les contraintes du surendettement extérieur et le tarissement des sources
de financement étranger ont obligé les pouvoirs publics à s’orienter de plus
en plus vers les ressources domestiques. Ainsi l’appui sur les emprunts
d’origine interne a-t-il été constant depuis le milieu des années quatre-vingt.
Ce qui a conduit à un accroissement sans précédent de l’endettement
intérieur du Trésor. Celui-ci a enregistré un rythme d’accroissement qu’il
n’avait jamais atteint auparavant (6). (6) Sbaï El Idrissi (1997),
« La dette publique
Globalement, l’encours de la dette intérieure du Trésor, qui n’était que intérieure marocaine face
de 26 375 millions de dirhams en 1985, a été multiplié par presque 5 fois aux contraintes
au cours de cette période, s’élevant à 130 847 millions en 1998. financières et à la

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Mohamed Boussetta

nécessité de Tableau 3
modernisation », Annales Encours de la dette intérieure du Trésor
Marocaines d’Economie, (en millions de Dh)
n° 20, 1997.

Année 1985 1987 1990 1992 1994 1996 1998


Système 16 839 26 646 32 340 39 633 51 392 58 096 75 434
bancaire
Système 9 536 19 192 24 786 27 592 42 451 52 397 55 413
non bancaire
Total 26 375 45 838 57 126 67 225 93 843 110 493 130 847

Source : ministère de l’Economie et des Finances.

Trois sous-périodes peuvent être distinguées dans l’évolution de la dette


publique interne :
– De 1985 à 1989, la dette intérieure a connu une évolution très forte.
Sa variation a été en moyenne de 25% par an.
– Les années 1990 et 1991 ont été marquées par une stagnation de
l’encours de la dette. Elle s’est ainsi stabilisée autour de 58 milliards de
dirhams.
– Depuis 1992, le rythme d’accroissement de l’endettement intérieur
du Trésor est devenu élevé, se situant autour d’une moyenne annuelle de
18 %. Ainsi, l’encours de la dette intérieure est-il passé de 67,2 milliards
de dirhams fin 1992 à 130,8 milliards fin 1998.
Cette progression de l’endettement intérieur du Trésor s’est accompagnée
d’un changement dans sa structure. En effet, l’endettement auprès du système
bancaire, qui représentait 63,8 % de l’encours de la dette intérieure, a régressé
à 57,6 % en 1998. En revanche, l’endettement auprès du système non
bancaire n’a cessé d’augmenter, passant de 36,2 % de l’encours total de la
dette intérieure en 1985 à 42,4 % en 1988. La composante non bancaire
a été donc largement à l’origine de l’explosion de l’endettement interne
du trésor depuis le milieu des années quatre-vingts.
Parallèlement à cette évolution quantitative et qualitative de la dette
intérieure, la dette extérieure a enregistré un faible taux d’accroissement,
voire une certaine baisse. L’encours de la dette extérieure totale est passé
de 20,034 milliards de dollars, comme en 1955, à 19,3 milliards fin 1998.
La structure de l’encours par créanciers montre que la BIRD est le premier
créancier du Maroc, suivie par la France, avec, respectivement, 18 % et 16 %
du total. La part du club de Paris est de 40 % contre 20 % pour les banques
commerciales.
L’évolution générale de la dette extérieure depuis une dizaine d’années
dénote un processus progressif de diminution du stock de la dette depuis
la fin du rééchelonnement en 1993 même si les variations annuelles ont
été irrégulières. L’encours de la dette a baissé de 3,3 % entre 1989 et
1999.

74 Critique économique n° 2 • Eté 2000


La dette publique au Maroc : évolution, contraintes et perspectives

Tableau 4
Evolution du taux de croissance de l’encours de la dette extérieure

Années Taux d’accroissement de la dette extérieure


1989 + 3,1
1990 – 1,1
1991 + 2,4
1992 + 1,1
1993 – 2,0
1994 + 4,2
1995 + 2,1
1996 – 1,8
1997 – 9,7
1998 + 1,9
1999 – 2,3
Source : Rapports de Bank Al Maghrib.

En définitive, l’accroissement de l’endettement public au cours de cette


période s’explique par l’expansion de la dette intérieure. Celle-ci constituait
42,2% de l’endettement total en 1998, ce qui n’a cessé d’alourdir ses
indicateurs tout en posant la question de sa soutenabilité.

2. Indicateurs de la dette publique


L’analyse du fardeau de la dette appelle la confrontation de son encours
et de son service à certains agrégats et variables économiques. Ainsi, plusieurs
indicateurs sont-ils généralement utilisés pour mesurer l’ampleur de la dette
et apprécier le caractère plus ou moins contraignant de sa charge.
Le premier indicateur employé est le taux d’endettement qui est le rapport
de l’encours de la dette publique au P.I.B. Au Maroc, ce ratio n’a cessé de
s’améliorer de manière significative depuis la mise en application du
programme d’ajustement structurel en 1983. Même s’il a connu une certaine
augmentation pendant certaines années (1985, 1987…), sa tendance générale
est nettement à la baisse.
Depuis 1983, le taux d’endettement a diminué de presque la moitié,
passant de 97 % en 1983 à 59,4 % en 1999. Il est descendu au-dessous
du taux généralement admis par exemple au niveau du traité de Maastricht
qui est de 60 %. Néanmoins, on peut affirmer que le ratio demeure
contraignant et constitue toujours un obstacle à une réactivation du rôle
socio-économique des finances publiques.
L’autre indicateur utilisé dans ce domaine est le taux du service de la
dette par rapport aux recettes d’exportation de biens et services. Ce ratio,
qui mesure l’ampleur des charges de l’endettement public, a également
tendance à s’améliorer de manière significative depuis 1983. Il est en effet
passé de 58 % en 1985 à 39 % en 1991 et à 24,1 % en 1999. Il faut signaler
qu’il n’était que de 7 % en 1974 et de 11 % en 1976.

Critique économique n° 2 • Eté 2000 75


Mohamed Boussetta

Tableau 5
Evolution du taux d’endettement (1983-1999)

Années Taux d’accroissement de la dette extérieure


1983 96,1
1985 122,3
1987 102,4
1989 88,5
1991 72,3
1993 81,2
1995 68,5
1997 66,2
1999 65,1
Source : Rapports de Bank Al Maghrib.

D’autres indicateurs sont utilisés comme le rapport du service de la dette


publique aux recettes courantes ou aux dépenses publiques.
L’analyse de l’évolution de ces ratios montre également une certaine
amélioration des indicateurs de la dette depuis le milieu des années quatre-
vingts, même s’ils demeurent toujours à des niveaux encore élevés. Ainsi
le rapport du service de la dette aux recettes ordinaires, qui a culminé à
31,3 % en 1986, s’est stabilisé ces dernières années autour de 21 %.
Le service de la dette publique absorbait 21,6 % et 21,1 % des recettes
ordinaires, respectivement en 1996-1997 et 1998-1999. Quant à l’autre
indicateur, la même tendance a été observée. Le rapport entre le service de
la dette publique et les dépenses publiques, qui avait son plafond en 1988
avec 22,9 %, a reculé depuis pour se situer à 19,8 % en 1998-1999. Malgré
cette baisse, le service de la dette représente un peu moins du cinquième
des dépenses publiques, ce qui demeure encore fortement pénalisant.
Graphe 1
Evolution du service de la dette par rapport aux recettes
ordinaires et aux dépenses publiques
35

30 Recettes en %
Dépenses en %
25
% des D et R

20

15

10

0
1980 1983 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1997 1998-99

Années

76 Critique économique n° 2 • Eté 2000


La dette publique au Maroc : évolution, contraintes et perspectives

En définitive, l’analyse de l’évolution de l’endettement public montre que :


– Le processus de diminution du stock de la dette extérieure entamé
depuis la fin du rééchelonnement en 1993 se poursuit de manière
progressive. Par contre, l’encours de la dette intérieure ne cesse
d’exploser d’année en année, ce qui pose avec acuité la question de
sa soutenabilité.
– Les indicateurs de la dette connaissent une amélioration sensible même
s’ils se situent toujours à des niveaux critiques. Ainsi, par exemple,
le service de la dette publique/recettes ordinaires est-il passé de 26,1 %
au cours de la période 1983-1992 à 22,1 % entre 1993 et 1998-1999.
De même, le rapport du service de la dette aux les dépenses publiques
a-t-il régressé de 21,1 % à 19,6 % entre les deux périodes.

3. La gestion active de la dette publique et ses perspectives


Le traitement de la question de la dette extérieure, en dehors de la logique
du rééchelonnement est devenue une nécessité impérieuse depuis plusieurs
années. La sortie du processus de rééchelonnement en 1993 impose la
recherche d’alternatives à mettre en œuvre avec la participation et le soutien
des parties créancières. C’est dans cette perspective que de nouveaux
instruments de gestion active de la dette ont été mis en place depuis 1995
dans l’objectif d’alléger son fardeau et de le rendre supportable.
Parmi ces instruments, il y a les techniques de refinancement, de
remboursement anticipé et de la reconversion de la dette. Le refinancement
consiste à rembourser une dette chère (de 9 % à 12 % de taux d’intérêt)
au moyen d’emprunts à faible taux. L’obtention de ce refinancement est
souvent conditionné par l’existence d’une garantie. En 1998 par exemple,
les opérations de refinancement de la dette onéreuse ont été réalisées auprès
de la BAD pour 1,1 milliard de dirhams, du Japon pour 0,6 milliard de
dirhams et du club de Paris pour 2 milliards de dirhams. Le Maroc a lancé
également à Paris un emprunt obligataire pour le refinancement de la partie
onéreuse de la dette à l’égard de la France. Cet emprunt garanti par l’Agence
Française de Développement est d’un montant de 1 milliard de F.F. Il a
été contracté au taux de 3,95 % et servira à refinancer une dette dont le
taux est de 9 %.
Dans le cadre de cette politique d’allègement de la dette extérieure, la
technique de remboursement anticipé est également employée. Ainsi, en
1998, 1,2 milliard de FF ont-il été remboursés au club de Paris, dont
800 millions pour la France.
Enfin, la reconversion de la dette constitue la technique la plus importante
dans cette perspective de rénovation de la gestion de la dette externe. Elle
consiste à prendre une créance d’un pays donné sur le Maroc et de la vendre
à une entreprise du pays créancier concerné qui investit au Maroc. L’objectif
essentiel de cette opération est d’effacer une partie de la dette avec de la
monnaie nationale sans puiser dans les réserves de change. L’entreprise qui

Critique économique n° 2 • Eté 2000 77


Mohamed Boussetta

achète la créance paie le Trésor du pays créancier et reçoit en contrepartie


un montant en dirhams qu’elle investira au Maroc. Les conversions de dettes
en investissements sont autorisées par le club de Paris dans la limite de 20 %
des créances commerciales.
En revanche, pour les créances liées à l’aide au développement, il n’y a
aucune limitation. En 1988, il y eut une accélération des opérations de
conversion de la dette en investissements privés : les montants (0,6 milliard
de dirhams en 1997) ont été portés à 1,3 milliard en 1998, dont 0,8 milliard
avec la France et 0,5 milliard avec l’Espagne.
Les efforts déployés ces dernières années au niveau de la gestion de la
dette externe ont permis l’enclenchement et la poursuite d’un processus
de réduction de son encours et d’amélioration des indicateurs. Ainsi le stock
de cette dette est-il passé de 186,1 milliards de dirhams en 1997 à
178,9 milliards en 1998, soit une réduction de 4 %. Une telle réduction
est la résultante de trois principaux facteurs :
– l’impact des fluctuations des taux de change qui ont permis une baisse
de l’encours d’environ 2 milliards de dirhams ;
– l’accélération des opérations de reconversion de la dette en
investissements privés ;
– les flux nets de capitaux qui ont dégagé un solde en faveur de l’extérieur
de près de 4 milliards de dirhams.
Par ailleurs, les indicateurs de la dette ne cessent de s’améliorer de façon
progressive. Par exemple, le taux de la dette par rapport au PIB est passé
de 58,3 % en 1997 à 51,6 % en 1998. Parallèlement, le service de la dette
par rapport aux recettes courantes de la balance de paiement s’est établi à
24,4 % en 1998 contre 26,4 % un an auparavant.
Cette tendance à la baisse de la dette extérieure est surcompensée par
la forte augmentation de la dette intérieure qui pose de plus en plus la
question de sa soutenabilité. Celle-ci est fondamentalement liée à la capacité
de l’Etat à faire en sorte que l’accumulation d’un stock excessif de la dette
ne dépasse pas une certaine limite considérée comme raisonnable. Elle soulève
en fait le problème de l’accumulation de la dette par rapport aux possibilités
d’imposition future, dès lors que la dette est l’impôt de demain.
Les travaux menés dans ce cadre mettent l’accent sur la dynamique des
charges de la dette et les risques de son explosion se traduisant par un effet
(7) B.Landais (1998), boule de neige (7). C’est le cas au Maroc puisque l’accumulation de la dette
Leçon de politique
budgétaire, De Boeck
intérieure réduit encore plus les marges de manœuvre notamment sur le
Université, Balises. plan de l’accroissement de la pression fiscale. D’autant plus que celle-ci a
déjà atteint un seuil élevé qu’il est difficile de dépasser sans conséquences
négatives sur l’investissement et l’emploi. Avec des charges de plus en plus
insupportables, l’endettement intérieur, qui aurait servi à limiter les taux
d’imposition, serait au contraire et paradoxalement à l’origine de leur
alourdissement.

78 Critique économique n° 2 • Eté 2000


La dette publique au Maroc : évolution, contraintes et perspectives

La soutenabilité de la dette suppose que les déficits budgétaires ne


conduisent pas à un taux de croissance de la dette supérieur à celui du PIB,
ce qui n’est pas le cas au Maroc depuis plusieurs années.

Graphe 2
Evolution des taux de croissance
de la dette intérieure et du PIB
30

20

10

0
1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

10
Taux de croissance de la dette intérieure Taux de croissance du PIB

Depuis le début des années quatre-vingt-dix, il apparaît que la dette


ultérieure augmente à un taux largement supérieur à celui du PIB, ce qui
accroîtrait à terme le risque d’explosion de la dette et renforcerait les
contraintes budgétaires déjà très fortes.
Un processus cumulatif de plus en plus contraignant, comparable à celui
naguère observé au niveau de la dette extérieure, est déclenché. Le poids
écrasant du service de l’endettement intérieur et les charges budgétaires y
afférentes constitue désormais une source principale des déficits budgétaires.
C’est l’une des causes essentielles de leur persistance et de leur amplification,
du moins en termes absolus.

Conclusion
En guise de conclusion, on peut affirmer qu’avec une période
d’inconscience financière de quelques années, l’économie nationale paye
un lourd tribut depuis plus de 20 ans. Le bout du tunnel de la dette publique
n’apparaîtra qu’à partir de 2010, si toutefois on ne retombe pas dans le cercle
vicieux de l’endettement public.
Le cercle vicieux est devenu réel sur le plan de la dette intérieure suite
à l’effet “boule de neige”, ce qui pourrait conduire à terme à de graves
difficultés financières et budgétaires, comparables à celles du début des années
quatre-vingt. De même, le poids de la dette extérieure demeurera encore
lourd et pesant pour les prochaines années. Ce n’est qu’à partir de 2001
que les échéances de la dette publique externe descendront au-dessous de
20 milliards de dirhams. En attendant, le dépassement de ces fortes

Critique économique n° 2 • Eté 2000 79


Mohamed Boussetta

contraintes et la réhabilitation du rôle socio-économique des finances


publiques passe par :
– d’une part, la réalisation d’excédents primaires importants afin de faire
face sans trop de difficultés au service de la dette ; ceci devrait constituer
l’un des axes essentiels de la stratégie budgétaire de l’Etat pour les
prochaines années ;
– d’autre part, une croissance économique soutenue et régulière, seule
susceptible d’offrir de larges potentialités fiscales, ce qui permettrait
d’améliorer les indicateurs de la dette. L’allègement du poids de la dette
devrait être l’une des priorités de la politique financière de l’Etat.

Références bibliographiques

Artus P. (1996), Déficits publics : théorie et pratique, Economica, Paris.


Blanchard O., Chouraqui J.C., Hageman R.P. et Sartor N. (1990), « La
soutenabilité de la politique budgétaire, nouvelles réponses à des questions
anciennes », Revue économique de l’OCDE, n° 15.
Boussetta M. (1992), Financement public et soldes budgétaires, thèse d’Etat,
Rabat.
Boussetta M. (1994), « Implications budgétaires du PAS », Annales
Marocaines d’Economie, n° spécial.
Boussetta M. (1995), « Financement public, déséquilibres budgétaires et
accumulation de la dette publique au Maroc », Annales Marocaines
d’Economie, n° 11.
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développement », in Pour une approche alternative du développement,
Fondation Ibn Abdelaziz pour les sciences humaines et islamiques.
Greffe X. (1993), Comprendre la politique économique, Economica.
Jondeau E. (1992), « La soutenabilité de la politique budgétaire », Economie
et prévision, n° 104.
Landais B. (1998), Leçons de politique budgétaire, De Bock Université, Balises.
Sbai Iddrissi L. (1997), « La dette publique intérieure marocaine face aux
contraintes financières et à la nécessité de la modernisation », Annales
Marocaines d’Economie, n° 20.

80 Critique économique n° 2 • Eté 2000

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