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S o u s l a d i re c t i o n d e

Je a n - C l a u d e C a r o n , L a u re n t L a m o i n e
et Natividad Planas

C o l l e c t i o n H i s t o i r e s c r o i s é e s

EntrEtracEs mémoriEllEs
Et marquEs corporEllEs
rEgards sur l’EnnEmi
dE l’antiquité à nos jours

Presses universitaires Blaise Pascal


Entretraces mémorielles
et marques corporelles
Regards sur l’ennemi
de l’Antiquité à nos jours
©

Collection “Histoires croisées”


publiée par le Centre d’Histoire “Espaces et Cultures” (CHEC), Clermont-Ferrand.

Illustration de couverture :
I. Courtin, Cusset, lithographie extraite de l’Ancien Bourbonnais
par Achille Allier, 1838.
BCIU de Clermont-Ferrand, cliché UBP.

Vignette : Révolution de 1830. Soldat en naissant,


le français ne compte pas les années quand il faut vaincre,
lithographie en couleurs, s. d., Paris, chez Codoni.

ISBN (version papier) : 978-2-84516-678-3


ISBN (PDF) : 978-2-84516-679-0
Dépôt légal : quatrième trimestre 2014
S o u s l a d i re c t i o n d e
Je a n - C l a u d e C a r o n , L a u re n t L a m o i n e
et Natividad Planas

C o l l e c t i o n H i s t o i r e s c r o i s é e s

Entretraces mémorielles
et marques corporelles
Regards sur l’ennemi
de l’Antiquité à nos jours

2 0 1 4
Presses universitaires Blaise Pascal
Les Auteurs

BOUCHET Julien, ATER à l’Université Blaise Pascal – Clermont 2


CARON Jean-Claude, Professeur d’histoire contemporaine, Université Blaise Pascal – Clermont 2 ; Membre de l’IUF
CAVAILLÉ Jean-Pierre, École des hautes études en sciences sociales
DORNEL Laurent, Maître de conférences en histoire contemporaine – Université de Pau et des Pays de l’Adour / ITEM
(EA 3002) ; Centre d’histoire sociale du XXe siècle (UMR 8058)
FIERRO Maribel, Directrice de recherche – Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC)
GARCÍA RIAZA Enrique, Profesor Titular de Historia Antigua – Universitat de les Illes Balears / Grupo Occidens
GIUDICELLI Christophe, Maître de conférences sur chaire mixte CNRS (CERHIO / équipe CHACAL) – Université Rennes 2
LAMOINE Laurent, Maître de conférences en histoire romaine, Université Blaise Pascal – Clermont 2
MALLART Louise, Fonctionnaire stagiaire en histoire-géographie
MARCELLA Valentina, Doctorante au Département d’Histoire et Civilisation européenne, Institut universitaire européen,
7
Florence (Italie)
MÜLLER Martin, Doctorant au Département d’Histoire et Civilisation européenne, Institut universitaire européen, Florence
(Italie)
NEF Annliese, Maître de conférences en histoire médiévale – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; UMR 8167 « Orient
et Méditerranée » ; IUF
OUALDI M’hamed, Associate Professor, Histoire moderne et contemporaine du Maghreb – Princeton University
PALOMO Federico, Profesor Titular de Historia Moderna – Universidad Complutense de Madrid
PÉREZ TOSTADO Igor, Profesor Contratado Doctor (Permanent Lecturer) – Universidad Pablo de Olavide, Séville (Espagne)
PICHON Blaise, Maître de conférences en histoire et archéologie romaine, Université Blaise Pascal – Clermont 2
PIVOTEAU Sébastien, Doctorant en histoire moderne, Centre d’Histoire « Espaces et Cultures » (EA 1001), Université Blaise
Pascal – Clermont 2
PLANAS Natividad, Maître de conférences en histoire moderne, Université Blaise Pascal – Clermont 2
RENAUT Luc, Maître de conférences en histoire de l’art et Membre du CRHIPA – Université Pierre-Mendès-France (Grenoble)
Marquer et éliminer l’ennemi

TROISIÈME
PARTIE
22

Le corps de l’ennemi de Dieu et des hommes :


le supplice de Jules-César Vanini,
condamné au bûcher pour blasphème
et athéisme (1619)

Jean-Pierre Cavaillé

Résumé – Le 9 février 1619, le philosophe Jules-César Vanini est condamné à avoir la langue arra-
chée et au bûcher par le parlement de Toulouse pour blasphème et athéisme. En nous appuyant 323
sur l’interprétation de Foucault (Surveiller et punir), nous analysons ce supplice, où se joue le
rétablissement spectaculaire de la “souveraineté” monarchique, qui s’impose aussi et peut-être
d’abord par l’appropriation de la juridiction des crimes de religion et relève d’un “droit de punir”
considéré comme une forme du droit de faire la guerre à ses ennemis. Dans le spectacle du sup-
plice, le corps de l’ennemi intérieur occupe le centre du dispositif, soumis à une extrême rituali-
sation visant à une réintégration du corps impur dans l’ordre de la cité et le giron de l’Église qui
culmine dans “l’amende honorable” et la mise à mort. Mais dans l’interaction du condamné avec
la foule, il existe aussi une économie subversive du supplice, que Vanini exploite en refusant de
faire amende honorable et déclarant vouloir “mourir en philosophe”. Par ce geste révolutionnaire
il affirme que l’athéisme ne constitue pas en soi une rébellion politique et dénonce l’injustice de
sa condamnation.
Abstract – On 9 February 1619, the philosopher Giulio Cesare Vanini was sentenced by the par-
liament of Toulouse to have his tongue torn out and to be burned at the stake for blasphemy and
atheism. In light of the interpretation of Michel Foucault (Discipline and Punish), we analyze this
terrible punishment as a spectacular restoration of the monarchic “sovereignty,” which establishes
itself by the appropriation of the jurisdiction of religious crimes, and which is part of a “right
to punish” considered as a form of the right to wage war on his enemies. In the spectacle of
the punishment, the body of the enemy occupies the center of the scene, and submits to a very
meticulous ritual, aimed at the reintegration of the impure body in the order of the city and in
the bosom of the Church, culminating in the amends and the execution. But in the interaction
of the condemned with the crowd, there is also a subversive economy of punishment that Vanini
performs by refusing to make amends and by proclaiming that he wanted to “die as a philosopher.”
Through this revolutionary gesture, he claims that atheism is not in itself a political rebellion and
denounces the injustice of his sentence.
Jean-Pierre Cavaillé

S
oit l’extrait de la pièce d’archive suivante, qui est l’arrêt de la grande chambre
et de la chambre criminelle assemblées du parlement de Toulouse, datée du
9 février 1619 :

Veu par la court, les deux chambres assemblées, le procès faict d’icelles à
la requeste du procureur-général du roy, à Pompée Ucilio, Néapolitain de
nation, prisonier à la Conciergerie […] la court a déclairé et desclaire le
dit Ucilio ataint et convainscu des crimes d’atéisme, blasphèmes, impiétés
et autres crismes résultant du procès, pour pugnition et réparation
desquels a condamné et condamne icelui Ucilio a estre deslivré ès mains
de l’exécuteur de la haulte justice, lequel le traynera sur une claye, en
chemise, ayant la hard au col, et pourtant sur les espaules ung cartel
contenant ces mots : Atéiste et blasphémateur du nom de Dieu ; et le
conduira devant la porte principale de l’église métropolitaine Sainct
Estienne, et estant illec à genoulx, teste et pieds nuds, tenant en ses
mains une torche de cire ardant, demandera pardon à Dieu, au roy et
à la justice desdicts blasphêmes, après l’adménera en la place du Salin,
et, attaché à ung poteau qui y sera planté, lui coupera la langue et le
stranglera ; et après sera son corps bruslé au bûcher qui y sera apresté, et
324
les cendres jetées au vent […].1

L’homme condamné sous le nom de Pompeo Usciglio s’appelait en réalité


Giulio Cesare Vanini. En effet, les magistrats toulousains, à l’issue du procès,
ignoraient qu’ils envoyaient au bûcher l’auteur de deux ouvrages de philosophie,
dont l’un, Les Admirables Secrets de la nature déesse des mortels (1616)2, signé de
son vrai nom, avait été condamné en Sorbonne pour ses impiétés, ce qui condui-
sit son auteur à quitter Paris et à venir s’installer à Toulouse, pour son plus grand
malheur. Il est à noter que l’arrêt cité ci-dessus est la seule pièce qui nous soit
parvenue du procès, dont les actes sont à ce jour perdus, et dont le long déroule-
ment et l’interminable instruction de six mois qui l’a précédé restent d’une très
grande opacité ; ce qui d’ailleurs est un trait typique du procès pénal d’ancien
régime, qui reste enveloppé du plus grand secret et ne reçoit de publicité qu’à
travers la sentence et son exécution3. Cette sentence fut scrupuleusement exécutée
le jour même. Les nombreux témoignages concordent sur ce point : le condamné
1. Francesco Paolo Raimondi, Giulio Cesare Vanini nell’Europa del Seicento. Con una appendice documentaria,
Pise – Rome, 2005, appendice, pièce CLVIII, p. 500.
2. Giulio Cesare Vanini, De admirandis naturae reginae deaeque mortalium arcanis, Paris, 1616 (rééd. Galatina,
1985) ; I Meravigliosi Segreti della natura, regina e dea dei mortali, F. P. Raimondi (éd.), Galatina, 1990. Voir
désormais l’édition critique bilingue, G. C. Vanini, Tutte le opere. Testo latino a fronte, F. P. Raimondi et Mario
Carparelli (éd.), Milan, 2010.
3. Voir Michel Foucault, “L’éclat des supplice”, dans Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, 1975
(édition consultée : 2004) ; également Jacques Chiffoleau, “Le crime de majesté, la politique et l’extraordinaire :
Le corps de l’ennemi de Dieu et des hommes : le supplice de Jules-César Vanini, condamné au bûcher pour blasphème et athéisme (1619)

afficha un comportement entièrement opposé à ce que l’on attendait de lui. Il


aurait refusé de faire “amende honorable” et rejeté l’assistance des religieux, tenant
au contraire des propos dignes de l’athée qu’il était, jusqu’à ce qu’on lui arrachât
la langue.
Soit, le récit suivant de François de Rosset, bien informé de l’affaire toulou-
saine, qui consacra, l’année même du supplice, l’une de ses Histoires tragiques à
Vanini : “Quand on commença d’exécuter ce juste arrêt et qu’on lui voulut faire
demander pardon à Dieu, il dit tout haut qu’il ne savait que c’était que Dieu, et
par conséquent, qu’il ne demanderait jamais pardon à une chose imaginaire. Les
ministres de la justice le pressèrent néanmoins de le faire, de sorte qu’enfin il tint
ce discours : ‘Et bien, ie demande pardon à Dieu, s’il y en a’. Et lors qu’il fallust
aussi qu’il demandast pardon au Roy, il dit qu’il luy demandoit puis qu’on le
vouloit, et qu’il ne croyoit pas estre coupable envers sa Maiesté, laquelle il avoit
tousiours honoree le mieux qu’il avoit peu : mais pour Messieurs de la iustice,
qu’il les donnoit à trente mille chartees de diables”4. Plus loin, le même Rosset
poursuit ainsi :

Estant monté sur l’eschafaut il ietta les yeux d’un costé et d’autre, et
ayant veu certains hommes de sa cognoissance parmy la grande foule du
peuple, qui attendoit la fin de cét execrable, il leur tint ce langage : Vous 325
voyez (dit il tout haut) quelle pitié, un miserable Iuif est cause que ie suis
icy. Or il parloit de nostre Seigneur JESUS-CHRIST le Roy des Roys, et Sei-
gneur des Seigneurs, dont ce chien enragé taschoit de deschirer la divine
Maiesté, au grand scandale d’une infinité de peuple, qui crioit qu’on
exterminast cét execrable blasphemateur : car il usoit encores d’autres
termes que ie ne sçaurois escrire sans horreur et sans offencer les oreilles
de ceux qui prendront la peine de lire ceste Histoire.5

note sur les collections érudites de procès de lèse-majesté du xviie siècle français et sur leurs exemples médiévaux”,
dans Yves-Marie Bercé (dir.), Les Procès politiques (xive-xviie siècle), Rome, 2007.
4. Rosset ajoute : “Et nous voyons par ce dernier discours comme ce miserable se prenoit luy-mesme par ses
propres paroles. Il nie tantôt qu’il n’y a point de Dieu, et maintenant il avoüe qu’il y a des diables. Choses qui sont
du tout contraires, puis que l’un presuppose l’autre”, François de Rosset, De l’exécrable docteur Vanini, autrement
nommé Luciolo, de ses horribles impiétés et blasphèmes abominables, et de sa fin enragée, Didier Foucault (éd.), La
Lettre clandestine, no 4, 1995, p. 506. L’Histoire véritable, canard qui paru l’année même à Paris, affirme qu’il n’est
pas pour autant tombé dans une si grossière contradiction : “[…] lorsqu’on lui dit qu’il criât merci à Dieu, il dit
ces mots en la présence de mille personnes, il n’y a ni Dieu ni diable, car s’il y avait un Dieu, je le prierais de lancer
un foudre sur le Parlement d’ici comme du tout injuste et inique, et s’il y avait un diable, je le prierais aussi de
l’engloutir aux lieux souterrains, mais parce qu’il n’y a ni l’un ni l’autre, je n’en ferai rien”, D. Foucault, “Docu-
ments toulousains sur le supplice de Vanini”, La Lettre clandestine, no 5, 1996, p. 30 (repris par le Mercure françois).
5. F. de Rosset, De l’exécrable docteur Vanini […], op. cit.
Jean-Pierre Cavaillé

Et Rosset poursuit encore, car il nous faut aller jusqu’au bout, au bout de l’hor-
reur, jusqu’au récit du supplice, c’est-à-dire jusqu’à la façon dont les contemporains
rendent compte du spectacle de la torture pénale et de la mise à mort :

Enfin on voulut arracher la langue à ce martyr du diable : mais quelques


constance qu’il tesmoignast en ses paroles, comme celuy qui se disoit
plus constant et plus resolu que le Fils de Dieu, il descouvrit bien tost
qu’il luy faschoit de mourir. On ne peut du premier coup que luy empor-
ter le bout de la langue parce qu’il la retiroit. Mais au second coup on y
mit si bon remede, qu’avec les tenailles on la luy arracha toute entiere-
ment avec la racine. Ce fait, son corps fut jetté dans le feu, et ses cendres
au vent, tandis que son ame alla recevoir aux Enfers le juste chastiment
de ses horribles blasphemes et impietez.6

Le récit omet l’étranglement ou pendaison, ce qui montre d’ailleurs que Rosset,


pourtant bien informé, ne fut pas un témoin direct de l’exécution.
Pour terminer cette entrée en matière, je citerai un extrait, traduit du latin, de
ce qu’à rapporté un témoin oculaire, l’historien Gabriel Barthélemy de Gramond,
dont le père fut l’un des juges de Vanini. “Je l’ai vu, quand sur la charrette on le
326
conduisait au gibet, se moquant du franciscain qui s’efforçait de fléchir la férocité
de cette âme obstinée […]. Il rejetait les consolations que lui offrait le moine,
repoussait le crucifix qu’il lui présentait, et insulta au Christ en ces termes : ‘Lui, à
sa dernière heure, sua de crainte ; moi, je meurs sans effroi’. Il disait faux, car nous
l’avons vu, l’âme abattue, démentir cette philosophie dont il prétendait donner des
leçons. Au dernier moment, son aspect était farouche et horrible, son âme inquiète,
sa parole pleine de trouble, et quoiqu’il criât de temps en temps qu’il mourait en
philosophe7, il est mort comme une brute. Avant de mettre le feu au bûcher, on
lui ordonna de livrer sa langue sacrilège au couteau : il refusa ; il fallut employer des
tenailles pour la lui tirer, et quand le fer du bourreau la saisit et la coupa, jamais on
n’entendit un cri plus horrible ; on aurait cru entendre le mugissement d’un bœuf
qu’on tue. Le feu dévora le reste, et les cendres furent livrées au vent”8.
Voilà comment, en 1619 dans la ville de Toulouse, réputée pour son intransi-
geance et son rigorisme en matière de religion, est traité par la justice du roi (et
non de l’Église, comme on le lit parfois), le corps de celui qui, au terme d’une

6. F. de Rosset, De l’exécrable docteur Vanini […], op. cit.


7. “Il faisoit semblant de mourir for constamment en philosophe comme Il se disoit, et en homme qui
n’aprehandoit rien apres la mort d’autant qu’il ne croyoit point L’immortalité de l’ame”, D. Foucault,
“Documents toulousains […]”, art. cit., p. 19 ; “sortant de la Conciergerie comme joyeux et allègre, il prononça
ces mots en italien : allons, allons, allégrement mourir en philosophe”.
8. Gabriel Barthélemy de Gramond, Historiarum Galliae ab excessu Henrici IV, Toulouse, 1643, liv. XVIII,
traduit dans Victor Cousin, Vanini, ses écrits, sa vie et sa mort, dans idem, Œuvres, t. IV, Bruxelles, 1845, p. 208.
Le corps de l’ennemi de Dieu et des hommes : le supplice de Jules-César Vanini, condamné au bûcher pour blasphème et athéisme (1619)

longue procédure, fut décrété ennemi de Dieu et des hommes. Rosset, déjà cité,
nous dit bien en effet que Vanini fut déclaré “atteint et convaincu de crime de
lèse majesté divine et humaine au premier chef ”, ce que le texte de la sentence ne
dit pas en mots propres mais, en effet, telle était la dénomination, fondamentale
pour ce type de crime, qui consiste en une atteinte à la majesté de Dieu et donc à
celle du roi, son garant sur terre. Car le crime de lèse majesté divine, tel qu’il est
poursuivi par les tribunaux civils, marque une volonté déjà ancienne d’appropria-
tion politique de prérogatives juridictionnelles que l’on pourrait croire relever de
la justice ecclésiastique. Ce qui est en jeu est bien le rétablissement spectaculaire,
“éclatant” pour le dire avec Michel Foucault, de la “souveraineté” monarchique9,
dont il est affirmé qu’elle est elle-même atteinte directement par ces crimes de
religion. Selon une expression de Robert Muchembled, qui s’appuie largement sur
Foucault, le supplice est le “moyen de réparer sur les corps coupables une atteinte
à la souveraineté”10.
Pouvaient être ainsi identifiés, poursuivis et châtiés, les crimes de blasphème,
d’apostasie, de prévarication, d’hérésie, de sorcellerie, de magie et de sacrilège11. Ce
qu’il y a de nouveau, avec Vanini, est l’imputation du crime d’athéisme, ou plutôt
la constitution de l’athéisme en crime spécifique, cependant non clairement distin-
gué du blasphème et même, en un certain sens, assimilable à celui-ci, pour lequel
il existait une très importante littérature juridique et une juridiction (d’ailleurs très 327
diversifiée) reposant sur de multiples précédents12. Il est important de signaler que,
dans l’original de l’arrêt, le début du mot “hérésie” est biffé pour être remplacé
par celui d’“athéisme”. Avec le cas de Vanini, quelque chose change, et cela ne
passera pas inaperçu, dès les récits contemporains du supplice (voir infra). Car il
est évident que la figure d’athée par excellence, d’athée accompli et parfait, qui s’est
imposée très vite dans les années suivant immédiatement celle du procès, après

9. Voir Jean Bodin : “La Souveraineté est la puissance absoluë et perpétuelle d’une république que les romains
appellent majestatem”, Six livres de la République, I, VII. M. Foucault, Surveiller et punir […], op. cit.
10.  Robert Muchembled, Le Temps des supplices. De l’obéissance sous les rois absolus, xve-xviiie siècle, Paris, 2005,
quatrième de couverture.
11. Voir par exemple Claude Le Brun de La Rochette, “Le crime de leze majesté divine”, dans Le Procès civil et
criminel divisé en cinq livres contenant en tables abrégées la méthodique liaison du droict et de la practique judiciaire,
Rouen, 1611, p. 134 sq.
12. Voir par exemple C. Le Brun de La Rochette : “Le blasphème n’a que Dieu pour object & se commet en
disant de Dieu tout-puissant, ou luy attribuant chose qui ne convient à sa toute puissance : comme l’impuissance,
l’injustice, la malice, la cruauté […]. Ou luy ostant les divins attributs, qui nous les rendent incomprehensibles,
& qui luy conviennent tres-proprement : comme la providence de toutes choses, la toute-puissance, la prescience,
la bonté, justice, & misericorde, Que le Sauveur de nos ames ne soit pas vray Dieu & homme. Qu’il ne haysse
pas le peché : ou qu’il ne soit réellement au saint Sacrement de l’Eucharistie. Ou en attribuant à la creature,
l’honneur deu au Createur : comme de dire que l’homme mortel soit Dieu, qu’une statuë puisse conferer la
grace de Dieu, qu’un homme puisse predire, & annoncer les choses cogneuës à Dieu seul”, ibid., p. 134-135.
L’histographie sur le blasphème est assez considérable : voir au moins Alain Cabantous, Histoire du blasphème en
Occident (xvie-xixe siècle), Paris, 1998 ; voir également Gerd Schwerhoff, Zungen wie Schwerter. Blasphemie in
alteuropäischen Gesellschaften 1200-1650, Constance, 2005 ; André Brulé, Blasphème et sacrilège devant la justice
de Metz (xiie-xviie siècles), Paris, 2009.
Jean-Pierre Cavaillé

que sa vraie identité fut reconnue, est associée à cet arrêt, en même temps qu’aux
témoignages convergents de ce qu’auraient été ses déclarations sans équivoque le
jour du supplice. Il est cependant intéressant de noter que cette identification de
l’athéisme n’allait pas de soi. D’ailleurs, on sait que Vanini fut identifié par certains
Toulousains, au moment du supplice, comme un “sorcier et magicien”. C’est en
effet ce que révèle la liste des fournitures établies par le capitaine de santé pour
le supplice ainsi que le compte des journées de travail du charpentier13. “Athée”,
“hérétique”, “sorcier”, “magicien”, tous ces anathèmes se confondaient manifes-
tement encore pour bien des gens14. Mais, c’est que, justement, dans tous les cas,
on a bien affaire à des crimes appartenant à la même catégorie, tous “brûlables”
et accompagnés généralement de sévices et de tourments. “Lèse majesté divine et
humaine” est en effet la pire des accusations. Dans la bouche des magistrats, elle
est l’expression claire de la volonté d’appliquer, comme l’on disait, un “châtiment
exemplaire”. Le plus souvent celui-ci consistait en un supplice capable d’inspirer
la terreur, par les tourments et flétrissures imposés au corps du condamné. En
l’occurrence, outre le bûcher (après étranglement, ce qui était considéré comme
un adoucissement), l’extirpation à vif de l’organe qui avait été l’instrument du
blasphème et des propositions d’athéisme. Rappelons en effet que Vanini fut pour-
suivit pour ces propos oraux, non pour ses écrits.
328
Par delà sa spécificité, qui est de cristalliser la figure de l’athée en la distinguant
des figures concomitantes de lèse majesté divine (blasphème “simple”, si l’on peut
dire ; hérésie, sorcellerie…), le bûcher de Vanini, dans la France d’Ancien Régime,
est un maillon dans la longue chaîne de supplices exemplaires punissant l’injure
faite à Dieu et donc au roi tout chrétien ; disons, pour en mentionner quelques
uns, entre le bûcher de Geoffroy Vallée en 1573, condamné pour avoir écrit La
Beatitude des Chrestiens ou le Fleo de la foy et ceux de Claude Le Petit en 1662,
supplicié pour ses écrits de pornographie politique, portant atteinte à la souverai-
neté de Louis XIV et à l’Église, et enfin du chevalier de la Barre atrocement mis à
mort pour blasphème et sacrilège en 1766, dernier supplice pour fait de religion
que la France ait connu. Mais il faudrait sans aucun doute remonter plus haut dans
le temps, jusqu’à la constitution politique même du crime de lèse-majesté, à la
fin de l’époque médiévale (entre autres le fameux procès contre les Templiers sous
Philippe le Bel), qui est essentiel dans le dispositif de production de la souveraineté
moderne, ainsi que l’a montré Jacques Chiffoleau dans son archéologie de la caté-
gorie de nefandum15.

13. F. P. Raimondi, Giulio Cesare Vanini […], op. cit., appendice, pièces CLXI et CLXII, p. 503.
14. Voir le récit récurrent, la littérature de fiction et les historiettes, de la vindicte populaire à l’égard d’un esprit
libre, accusé pêle-mêle et simultanément d’hérésie, de libertinage et de sorcellerie.
15. J. Chiffoleau, “Dire l’indicible. Remarques sur la catégorie du nefandum du xiie au xve siècle”, Annales.
Économies, Sociétés, Civilisations, 45e année, no 2, 1990, p. 289-324. Voir aussi, du même, un autre article remar-
quable : “Le crime de majesté […]”, art. cit.
Le corps de l’ennemi de Dieu et des hommes : le supplice de Jules-César Vanini, condamné au bûcher pour blasphème et athéisme (1619)

Or il nous semble approprié de présenter le corps du supplicié pour lèse-majesté


divine et humaine comme un corps d’ennemi ; un ennemi intérieur, en quelque
sorte, un ennemi intestin, qui agit comme un poison, une peste sur le corps social.
Nous nous réfèrerons ici aux analyses bien connues de Michel Foucault sur “l’éclat
des supplices”, dont l’acuité ne nous semble guère émoussée avec le temps, car elles
ne nous paraissent remises fondamentalement en cause par aucune des nombreuses
critiques qui ont pu lui être adressées, même si ces analyses doivent, en effet, être
complétées et nuancées sur de nombreux points. Foucault remarque que “le droit
de punir” est “comme un aspect du droit que le souverain détient de faire la guerre
à ses ennemis” et il rappelle, en citant un ouvrage de la fin du xviiie siècle, que le
châtiment relève du “droit de glaive, de ce pouvoir absolu de vie ou de mort dont
il est parlé dans le droit romain sous le nom de merum imperium, droit en vertu
duquel le prince fait exécuter sa loi en ordonnant la punition du crime”16. De sorte,
écrit encore Foucault, que “l’exécution publique […] clôt solennellement entre le
criminel et le souverain une guerre, dont l’issue était jouée d’avance ; elle doit mani-
fester le pouvoir démesuré du souverain sur ceux qu’il a réduits à l’impuissance”17.
Mais alors, cette guerre est très spécifique, à la fois réelle (guerre à mort faite au
rebelle) et hautement symbolique ; elle consiste en une action publique spectacu-
laire, une mise en scène dont le corps de l’ennemi occupe le centre. “Le corps du
condamné est à nouveau une pièce essentielle dans le cérémonial du châtiment 329
public. Au coupable de porter en plein jour sa condamnation et la vérité du crime
qu’il a commis. Son corps montré. Promené, exposé, supplicié, doit être comme
support public d’une procédure qui était restée jusque-là dans l’ombre ; en lui, sur
lui, l’acte de justice doit devenir lisible pour tous”18. L’enjeu, par cette exhibition
de la violence ritualisée infligée au corps de l’ennemi intestin est la réaffirmation
et la restauration de la souveraineté ou majesté lésée. C’est en ceci que “le supplice
a […] une fonction juridico-politique. Il s’agit d’un cérémonial pour reconsti-
tuer la souveraineté un instant blessée. Il la restaure en la manifestant dans tout
son éclat”19.
On aurait cependant tort de concevoir cette guerre comme une relation fron-
tale entre le souverain et les ennemis rebelles, auteurs de troubles civils contre la
religion ; cette guerre est aussi et d’abord celle que mènent les magistrats et les
autorités villageoises, civiles et religieuses, ici les Capitouls de Toulouse et leurs
clientèles et appuis ecclésiastiques, contre le nouveau péril dénoncé par les apolo-
gètes : les libertins et les athées qui gangrènent le corps de la société chrétienne et,
indirectement, ceux qui les tolèrent ou les soutiennent. Dans le cas toulousain, les
16. Pierre-François Myart de Vouglans, Les Lois criminelles de France dans leur ordre naturel, Paris, 1780, p. 34 ;
M. Foucault, Surveiller et punir […], op. cit., p. 59.
17. M. Foucault, Surveiller et punir […], op. cit., p. 61.
18. Ibid., p. 53.
19. Ibid., p. 59.
Jean-Pierre Cavaillé

historiens ont pu suspecter un conflit, en sous-main, des Capitouls contre la haute


aristocratie qui, comme le comte de Monluc, avait accueilli et semble avoir cherché
à protéger Vanini, voire contre le premier d’entre eux, le duc de Montmorency
lui-même, qui avait humilié les Capitouls quelques semaines avant l’exécution de
Vanini en obtenant d’eux qu’ils présentent les armes à sa jeune épouse, Maria Felice
Orsini20. Ainsi a-t-on pu faire l’hypothèse que Vanini, étranger à la ville, insuffi-
samment inséré dans les réseaux du capitoulat et de la magistrature, était la victime
toute trouvée du conflit latent et peut-être endémique entre la haute noblesse et la
magistrature toulousaine.
Il se trouve d’ailleurs que le supplice prend place au milieu des festivités d’une
splendeur inégalée organisées par le duc en l’honneur de l’entrée à Toulouse de sa
jeune épouse italienne, entre la représentation d’un ballet de cour (dit des Incons-
tants) le 3 février et une course de quintaine qui eut lieu le lendemain du bûcher,
sur la même place ou venait d’avoir lieu le supplice.
Même si l’on a peu de documentation sur ces tensions et conflits entre Capi-
touls et haute aristocratie nobiliaire, il est important d’en tenir compte, ne serait-ce
que pour montrer comment l’exhibition du corps dansant aristocratique dans le
ballet de cour, du corps guerrier déguisé et même travesti (“sous un habit emprunté
d’un sexe mol et délicat”, dit la relation imprimée) dans la parade et le jeu d’ha-
330
bileté équestre, appartiennent à un même univers de mise en représentation
publique et politique que l’exposition du corps supplicié de l’ennemi de Dieu et
des hommes. On est tenté de parler d’une économie baroque de la représentation
politique21, bien que l’adjectif galvaudé de baroque ne saurait évidemment tenir
lieu d’interprétation.
Cela nous conduit en outre à insister sur la dimension relativement exception-
nelle de ces grands spectacles d’effroi. On a en effet montré que la fréquence des
supplices ne cesse de décroître entre xvie et xviiie siècle (du moins en France)22 ;
mais justement sa (très relative) rareté, son caractère exceptionnel, lui confère une
valeur d’autant plus exemplaire et terrifiante. L’analyse de Foucault n’en est nulle-
ment affaiblie pour autant ; au contraire elle est d’une certaine façon confirmée, car
l’exceptionnalité du châtiment n’en accentue que plus la force et le sens politiques.
Surtout, comme Foucault encore l’a souligné, cette violence n’est pas le déchaî-
nement aveugle de la cruauté sur le corps du condamné, mais obéit à une extrême
ritualisation, qui s’inscrit dans une longue durée et confère au spectacle la dimen-
sion d’un cérémonial à la fois juridique et proprement religieux (un aspect sur lequel

20. D. Foucault, Un philosophe libertin dans l’Europe baroque. Giulio Cesare Vanini (1585-1619), Paris, 2003,
p. 483.
21. Voir Louis Marin, “Pour une théorie baroque de l’action politique”, introduction à Gabriel Naudé, Consi-
dérations politiques sur les coups d’État, Frédérique Marin et Marie-Odile Perulli (éd.), Paris, 1988.
22. Alfred Soman, “La justice criminelle, vitrine de la monarchie française”, Bibliothèque de l’École des chartes,
no 153, vol. 2, 1995, p. 291-304.
Le corps de l’ennemi de Dieu et des hommes : le supplice de Jules-César Vanini, condamné au bûcher pour blasphème et athéisme (1619)

Foucault n’a pas suffisamment insisté) ; non donc seulement une “manifestation du
pouvoir qui punit” par le marquage et la destruction du corps de l’ennemi23 ; mais
d’abord et en même temps une réintégration de ce corps impur, souillé par les plus
horribles péchés, dans l’ordre de la cité et le giron de l’Église à travers l’accom-
plissement d’un parcours et de gestes rituels culminant dans l’amende honorable.
Ainsi, non seulement l’ennemi devait-il manifester sa défaite absolue en s’humi-
liant devant le souverain et ses représentants, mais aussi reconnaître la vérité de ses
crimes et la justice de sa condamnation ; on attendait enfin de lui qu’il acceptât
humblement la sentence, en chrétien repenti, assisté des hommes de la religion,
tout le temps de son fatal parcours et jusque dans le supplice.
Cependant les innombrables récits de supplice sous l’Ancien Régime nous
apprennent que l’attitude des condamnés ne correspond pas toujours, loin s’en faut,
à celle que l’on attend d’eux et que prescrit le cérémonial ; tous les effets de la terreur
panique et de la résistance des corps au supplice viennent déranger le scénario idéal
de la bonne mort du condamné, mais aussi les imprécations, les injures et les malédic-
tions contre les bourreaux, l’assistance voire le Ciel lui-même, n’étaient-ils pas rares.
Dans l’interaction du condamné avec la foule, il existe aussi une économie subver-
sive du supplice24, que Foucault encore a bien décrite : “Si la foule se presse autour de
l’échafaud, ce n’est pas simplement pour assister aux souffrances du condamné ou
exciter la rage du bourreau : c’est aussi pour entendre celui qui n’a plus rien à perdre 331
maudire les juges, les lois, le pouvoir, la religion. Le supplice permet au condamné
ces saturnales d’un instant, où plus rien n’est défendu ni punissable. A l’abri de la
mort qui va arriver, le criminel peut tout dire, et les assistants l’acclamer”25.

23. “Le supplice pénal ne recouvre pas n’importe quelle punition corporelle : c’est une production différenciée
de souffrances, un rituel organisé pour le marquage des victimes et la manifestation du pouvoir qui punit ; et
non point l’exaspération d’une justice qui, en oubliant ses principes, perdrait toute retenue. Dans les ‘excès’ des
supplices, toute une économie du pouvoir est investie”, M. Foucault, Surveiller et punir […], op. cit., p. 44.
24. Il est évidemment aussi de la plus grande importance de tenir compte des clivages sociaux du public.
Voir à ce propos les remarques de R. Muchembled, Le Temps des supplices […], op. cit., p. 14-15 : “Lors des
exécutions capitales, la peur agit d’ailleurs de manière sélective. Il faudra un jour faire une histoire totale
de ce mécanisme de la cohésion des sociétés susceptible de développer d’infinies variations, bien au-delà du
sentiment primaire de crainte immédiate face aux souffrances d’un être humain. Le marginal puni, le bour-
geois aisé qui le regarde, le paysan des environs venu au spectacle, le bourreau, les gens de loi, les soldats de
la garde ne peuvent certainement pas éprouver la même chose en même temps. Certains apprennent alors par
la crainte la nécessité de l’obéissance. D’autres s’y trouvent rassurés sur la force du prince, sur la pertinence
des valeurs qu’il défend. Privilégiés, citadins aisés présents ressentent l’importance d’une certain sens de com-
munion au moment où ils doivent adapter leurs repères habituels, leur vie, leurs espoirs, leurs sentiments à
ce qui se passe au plus profond d’eux-mêmes, puisqu’il leur faut identifier, chacun à sa mesure, le moteur de
l’acte extraordinaire en cours”.
25. M. Foucault, Surveiller et punir […], op. cit., p. 73 et il cite un magnifique passage d’un auteur du
xviiie siècle, Antoine-Gaspard Boucher d’Argis : “S’il existait des annales où l’on consignât scrupuleusement
les derniers mots des suppliciés, et qu’on eût le courage de les parcourir, si l’on interrogeait seulement cette vile
populace qu’une curiosité cruelle rassemble autour des échafauds, elle répondrait qu’il n’est pas de coupable atta-
ché sur la roue qui ne meure en accusant le ciel de la misère qui l’a conduit au crime, en reprochant à ses juges
leur barbarie, en maudissant le ministère des autels qui les accompagne et en blasphémant contre le Dieu dont il
est l’organe”, Observations sur les lois criminelles de France, s. l., 1781, p. 128-129.
Jean-Pierre Cavaillé

Dans le cas de Vanini, l’enjeu de la réparation était la reconnaissance publique


par l’athée de ses crimes et la manifestation rituelle (par les formules de l’amende
honorable), mais aussi spontanée, de sa contrition et de sa conversion ou reconver-
sion finale. Or, selon les témoignages concordants (qui demeurent cependant, il ne
faut jamais l’oublier, des reconstructions a posteriori, d’où la prudence qui s’impose
à l’historien), Vanini a refusé le jeu du pardon et du repentir qu’on cherchait à lui
faire jouer, pour imposer le sien : une sorte de happening philosophique et athéiste.
Il répète en effet qu’il meurt en philosophe et non en chrétien ; il refuse le fond de
l’amende honorable, c’est-à-dire de reconnaître qu’il a offensé Dieu, puisque celui-
ci n’existe pas, ni qu’il a porté tort au roi (ce qui implique l’affirmation absolument
révolutionnaire que l’athéisme ne constitue pas en soi une rébellion politique et
que l’on peut être à la fois un athée et un bon sujet du monarque) et enfin, au
lieu de demander pardon aux juges qui l’ont condamné au supplice, les voue-t-il
aux gémonies (voir le passage de Rosset déjà cité). Enfin, le corps de Vanini, sans
doute plus ordinairement, plus trivialement, est-il un corps qui résiste, qui cherche
à se soustraire au tourment, réaction sans doute instinctive d’un corps qui cherche
à fuir la souffrance, mais qui est aussi interprétée comme une confirmation de la
désobéissance et de l’impénitence. Mais il faudra revenir sur ce point, tout à fait
essentiel dans la documentation.
332
Ce qui frappe le plus est la posture alternative à celle du supplicié chrétien
ou plutôt, faut-il dire, du supplicié “modèle”, repentant, contrit et obéissant, que
Vanini semble avoir voulu assumer : la posture du philosophe injustement mis
à mort ; le modèle de Socrate si l’on veut. À cette différence près que Socrate ne
remet pas en cause les institutions qui le condamnent ; ce que Vanini fait avec
la plus grande véhémence. Les témoins disent que Lucilio (Usciglio ou Uciglio),
au lieu de présenter la face lugubre et livide du condamné à mort, arborait le
visage détendu et même allègre de celui qui déclare “mourir en philosophe”26 ; une
forme en quelque sorte radicalement profane, et donc inversée, du martyre chré-
tien (d’où le syntagme utilisé à son encontre par les contemporains de “martyre de
l’athéisme”27).
Aussi vont-ils guetter le point où la posture du philosophe, au contact avec les
tenailles du bourreau, va, devant leurs yeux, se défaire, s’anéantir dans l’absolue
douleur de la mutilation. Il faut bien prendre la mesure de l’enjeu de cette posture
et ce qu’a pu avoir de rassurant le fait, souligné par la plupart des témoignages, qui
nous paraissent aujourd’hui le comble de l’inhumanité (tel celui de Barthélemy
de Gramond), que le fier philosophe est mort comme une bête, hurlant comme
un bœuf.

26.Annales de la ville de Toulouse, pièce éditée par F. P. Raimondi, Giulio Cesare Vanini […], op. cit., p. 502.
27.“Il est mort martir de l’Atheisme”, propos de Naudé recueillis par Patin, ms. Vienne, 27 et 71 ; Rosset le
nomme “martyr du diable”, p. 177 ; “Il est mort athée persévérant toujours”, Guillaume de Catel, p. 25.
Le corps de l’ennemi de Dieu et des hommes : le supplice de Jules-César Vanini, condamné au bûcher pour blasphème et athéisme (1619)

Car cette posture de l’athée philosophe confirmait la justice de la sentence et


la subvertissait à la fois complètement ; imposant ou plutôt performant une vérité
alternative à celle que l’on chargeait son corps d’exhiber. En effet, le cérémonial
vise, comme l’a dit Foucault, à faire du “coupable le héraut de sa propre condamna-
tion. On le charge, en quelque sorte, de la proclamer et d’attester ainsi la vérité de
ce qui lui a été reproché : promenade à travers les rues, écriteau qu’on lui accroche
au dos, sur la poitrine ou sur la tête pour rappeler la sentence ; haltes à différents
carrefours, lecture de l’arrêt de la condamnation, amende honorable à la porte des
églises, au cours de laquelle le condamné reconnaît solennellement son crime”28.
En refusant de reconnaître ses crimes, de demander pardon, d’écouter les
paroles du moine qui l’assiste, d’embrasser le crucifix, en continuant à blasphémer,
d’une certaine façon, Vanini est dans son “rôle” d’athée impénitent et justifie par
son comportement la sentence, révélant ainsi au grand jour la vérité de ce dont
la cour semble avoir douté si longtemps. Il paraît ainsi justifier le supplice même
de la langue arrachée, une langue qui jusqu’au bout aura blasphémé et offensé
le souverain suprême et donc son représentant sur terre, en même temps que la
communauté entière de ses sujets fidèles et bons chrétiens. En ceci son comporte-
ment s’apparente à celui du sorcier, lorsqu’il montre jusqu’au bout par le dérègle-
ment de sa parole et de ses gestes qu’il n’a pas renié le démon, et confirme ainsi la
justice de sa condamnation au bûcher. C’est pourquoi aussi, on ne peut que rece- 333
voir avec circonspection ces témoignage écrits qui nous font apparaître l’homme
que l’on conduit au supplice comme jouant parfaitement, trop parfaitement, le
rôle que la condamnation a d’une certaine façon irrévocablement fixé pour lui29.
D’une certaine façon, la mort en athée impénitent, “obstiné en son péché”30, était
une option du scénario qui ne remettait nullement en cause, bien au contraire, le
dispositif pénal. Du reste, s’il avait cédé, s’il s’était plié, s’il avait demandé pardon
et embrassé le crucifix, aurait-on dit sans aucun doute, que “Lucilio” était mort
en hypocrite.
Mais en fait la comparaison n’est pas bonne, et l’on aperçoit, jusque dans les
discours les plus hostiles, tout ce qui sépare la figure de l’athée telle que Vanini
semble l’avoir assumée dans ses dernière heures, de celle du sorcier, qui n’a d’autre
échappatoire au personnage que sa condamnation lui impose qu’une pleine et
entière confession, c’est-à-dire soumission à ses bourreaux. En effet, le compor-
tement de cet homme que l’on conduit dans les rues de Toulouse de sa prison
vers le lieu de son supplice, n’est justement pas déréglé et désordonné ; il relève de

28. M. Foucault, Surveiller et punir […], op. cit., p. 54.


29. Voir par exemple les Annales de la ville de Toulouse : “Ce monstre par sa mauvaise fin attira sur soi l’exécration
et Malédiction de tout le Peuple, ne pouvant souffrir ce prodige en une saison ou notre religion Catholique,
Apostolique, Romaine est en sa fleur et plus grande vigueur”, F. P. Raimondi, Giulio Cesare Vanini […], op. cit.,
pièce CLIX, p. 502. Nous n’avons cependant aucun témoignage fiable de la réaction populaire lors de l’exécution.
30. F. P. Raimondi, Giulio Cesare Vanini […], op. cit., appendice, pièce CLXIII, p. 503.
Jean-Pierre Cavaillé

la forme autoproclamée de la philosophie comme mode d’être et d’agir, de vivre


et de mourir. De ce point de vue, ce qui se passe avec Vanini, dans l’histoire des
supplices modernes, est peut-être proprement inouï, absolument nouveau : il y
a en ses propos, en son maintien, en sa constance comme une préfiguration de
l’athée vertueux de Bayle qui semble avoir troublé et même fasciné y compris les
témoins les plus hostiles. Le corps du philosophe que l’on traîne à la mort est un
corps en dignité, un corps maîtrisé, exprimant, au dire de certains, un “détache-
ment” et même un “entrain”. N’aurait-il pas déclaré, au sortie de sa prison, “Allons
mourir en philosophe” ? Il y a dans ces mots et dans cette perception, sans aucun
doute, des réminiscences de l’imagerie chrétienne du martyre, mais entièrement
dévoyées, évidemment, par leur association à l’athéisme (Vanini, encore une fois,
“martyre de l’athéisme”) et surtout par l’assomption du modèle alternatif de la
mort philosophique, bien présente dans la culture humaniste de l’époque, et dont
on peut penser qu’il était secrètement attractif pour beaucoup plus de gens que
l’on ne l’imagine. Vanini devenait une incarnation publique de cette mort et de sa
revendication. Cela mérite d’être d’autant plus souligné, qu’aucun des témoignages
directs ou immédiats du supplice ne se montre favorable au condamné, mais tous
ont souligné, pour la dénoncer ensuite, cette conduite “philosophique” revendi-
quée par le condamné.
334
Mais pour la dénoncer, il fallait faire apparaître cette posture comme fausse et
artificielle, en Vanini, comme en toute philosophie prétendant à un art de vivre et
surtout de mourir étranger au christianisme et à toute religion. C’est pourquoi le
moment proprement dit du supplice est capital, déterminant et, pour tout dire,
rassurant pour les fidèles. C’est ainsi qu’il faut lire le récit de Gramond cité au
début : dans la plus atroce des douleurs, ne pouvant plus rien faire d’autre que
pousser des hurlements, le prétendu philosophe se comporte et meurt comme une
bête, un “tigre”31 ou un “bœuf ” ; “il est mort en bête brute”. Son corps en effet est
transformé en corps animal, il est animalisé par l’amputation de l’organe même de
la parole, qui distingue l’homme de l’animal et par la souffrance absolue qu’aucun
mot ne peut plus dire. Mais là encore, cette animalisation, par un acte qui nous
paraît de la plus extrême barbarie (et qui l’était d’ailleurs, la langue en général était
percée, voir coupée, mais non arrachée), pouvait être perçue comme un acte de
vérité, un moment de révélation : la nature animale de l’homme qui vit sans Dieu.
Ne dit-on pas du mécréant qu’il meurt comme un chien ?
Évidemment, une autre lecture était possible, à partir de la philosophie même
imputée à Vanini, et en effet présente dans ses ouvrages : une lecture strictement
matérialiste, où l’animalité est affirmée comme la condition même de l’humanité,
condition corporelle, qui s’éprouve dans le partage du plaisir, de la douleur et de la
31. “Il faisoit semblant de mourir fort constamment en philosophe, comme il se disoit, et en homme qui
n’appréhendoit rien après la mort, d’autant qu’il ne croyoit point l’immortalité de l’âme”, Annales manuscrites de
l’hôtel de ville de Toulouse, pièce publiée par F. P. Raimondi, Giulio Cesare Vanini […], op. cit., p. 502.
Le corps de l’ennemi de Dieu et des hommes : le supplice de Jules-César Vanini, condamné au bûcher pour blasphème et athéisme (1619)

mort. Qui en effet peut nier que les cris de douleurs des hommes et des animaux
sont si souvent indiscernables ? En mourant comme une bête, Vanini, finalement,
n’apportait-il pas du crédit à la thèse de la mortalité de l’âme qu’il avait défendue
de son vivant et qui l’avait conduit au bûcher ? Cette question allait sans aucun
doute, d’une façon ou d’une autre, rouler dans la tête de tous ceux qui allaient faire
de lui, en s’appuyant largement et peut-être principalement sur l’épisode toulou-
sain, l’incarnation de l’athéisme accompli, la figure de l’athée par excellence et qu’il
est resté jusqu’à nous.

335
Table des illustrations

Article 4 1. Tableau des occurrences tacitéennes 48


2. Monument de Firmus, fils d’Ecconus

(Salomon Reinach, Répertoire de reliefs grecs et romains,
t. II, Paris, 1912, p. 54) 53

Article 12
1. António F. Cardim, Fasciculus e Iapponicis floribus
suo adhuc madentibus sanguine (Rome, 1646).
Gregório Carvalhal († 1592) 180
2. António F. Cardim, Fasciculus e Iapponicis floribus
suo adhuc madentibus sanguine (Rome, 1646).
João Baptista Machado († 1617) 181
3. António F. Cardim, Fasciculus e Iapponicis floribus
suo adhuc madentibus sanguine (Rome, 1646).
Paul Mikki († 1597) 182
4. António F. Cardim, Fasciculus e Iapponicis floribus
suo adhuc madentibus sanguine (Rome, 1646).
Nicolau Kean († 1633) 183
5. António F. Cardim, Fasciculus e Iapponicis floribus
371
suo adhuc madentibus sanguine (Rome, 1646).
Francisco Pacheco († 1626) 184
6. António F. Cardim, Fasciculus e Iapponicis floribus
suo adhuc madentibus sanguine (Rome, 1646).
Mateus de Couros († 1632) 185

Article 14
1. Weapons
(Source : Edward Belcher, Narrative of the voyage
of H.M.S. Samarang, During the Years 1843-46;
Employed Surveying the Islands of the Eastern Archipelago,
London, 1848, 2 vols., vol. 1) 209
2. Warrior
(Source : Frank S. Marryat, Borneo and the Indian
Archipelago, London, 1848) 209
3. War Prahu
(Source : F. S. Marryat, Borneo […], op. cit.) 209
4. A chief
(Source : F. S. Marryat, Borneo […], op. cit.) 211
5. Weapons
(Source : E. Belcher, Narrative of the voyage
of H. M. S. Samarang […], op. cit.) 211
6-7. Sea Dyak Warriors
(Source : F. S. Marryat, Borneo […], op. cit.) 214

Table des illustrations

8. Sea Dyak bankong (war canoe)


(Source : F. S. Marryat, Borneo […], op. cit.) 214
9. A Moluccan Kora Kora
(Source : Edmond Paris, Essai sur la construction navale
des peuples extra-Européens, ou Collection des navires
et pirogues construits par les habitants de l’Asie, de la Malaisie,
du Grand Océan et de l’Amérique, Paris, 1841, 2 vols.) 220
10. Thomas Baines, Trading Proa in Madura Strait, 1856 220
11. An Illanum War Prahu
(Source : Rodney Mundy, Narrative of Events in Borneo
and Celebes, Down to the Occupation Labuan:
From the Journals of James Brooke, Esq. Together
with a Narrative of the Operations of H.M.S. Iris,
London, 1848, 2 vols., vol. 2) 220
12. Synthetic Table of the Illustrations 221

Article 15
1. Le Grelot (républicain satirique), 16 octobre 1881,
Alfred Le Petit, “UN CAUCHEMAR DE J. FERRY” 226
2. La Charge (boulangiste), 14 juillet 1888,
Alfred Le Petit, “SOUVENIR DU 14 JUILLET” 226
3. “Une” d’un numéro de La Bastille (antimaçonnique),
5 janvier 1907, Bruno, “NOS SOUHAITS
À ‘CES MONSIEURS’” 227
4. Le Grelot (satirique), 16 juin 1889, Pépin,
372
“UNE BELLE PENSÉE DE JULES FERRY” 228
5. Caricature de situation, deuxième semestre 1889 228
6. La Ménagerie républicaine, 1889, Blass, “L’AUTRUCHE” 229
7. La Ménagerie républicaine, 1889, Blass, “LE LIÈVRE” 229
8. La Ménagerie républicaine, 1889, Blass, “LE CASTOR” 229
9. “Une” du Don Quichotte (républicain),
21 décembre 1883, Charles Gilbert-Martin,
“(NOËL) L’ADORATION DES MAGES” 229
10. Le Grelot (satirique), 18 août 1889, Pépin,
“LA PASSION DE LA BOULANGE” 230
11. Carte postale, 1906, “COMBES TERRASSANT
LE DIABLE” 230
12. Cartes postales, Orens Denizard 231
13. Le Pilori (monarchiste), Blass,
“FERRYBOULANGISME” 232
14. É. Muller, 1903-1904, “MR COMBES” 232
15. Le Pèlerin (catholique antisémite), 27 juillet 1902,
Lemot, “LE COMBES DE L’ACTIVITÉ
DÉVORANTE POUR FAIRE LE MAL” 233
16. La Ménagerie républicaine, 1889, Barentin,
“LA SOURIS BLANCHE” 234
17. La Volonté nationale (journal d’arrondissement
nationaliste, Remiremont, Vosges), 21 août 1904, Henriot 234
18. Caricature émanant d’un publiciste radical 235

Table des illustrations

19. L’Assiette au beurre (satirique anarchiste), 14 mai 1904,


Gustave-Henri Jossot, “LE CREDO” 236
20. L’Aigle (organe des comités impérialistes lyonnais),
20 juillet 1884, Grépinot, “À PROPOS DE RÉVISION” 237
21. Illustration d’un journal conservateur, 1904,
“LE TONTON” 238
22. Musée des Horreurs (antisémite), 1900, V. Lenepveu,
“À LA NICHE” 239
23. Carte postale, 1906, Orens 239
24. Jean Effel, mai 1958, “L’ASSUMOIR” 241

Article 16 1. Bozkurt Belibağlı, “İçerden Dışarıya Sevgilerle”


Karikatür Sergisi, 1986 251
2. Mithat Solmaz, Gırgır, 4th September 1983 251
3. Metin Cedden, “İçerden Dışarıya Sevgilerle”
Karikatür Sergisi, 1986 252
4. Orhan Coğuplugil, “İçerden Dışarıya Sevgilerle”
Karikatür Sergisi, 1986 253
5. “İçerden Dışarıya Sevgilerle” Karikatür Sergisi, 1986 255
6. Orhan Coğuplugil, “İçerden Dışarıya Sevgilerle”
Karikatür Sergisi, 1986 255

Article 18 1-5. Médinet Habou, temple de Ramsès III,


373
mur d’enceinte nord, bas-relief extérieur, panneau XV,
d’après Medinet Habu, t. I, Earlier Historical Records
of Ramses III, Chicago, 1930, pl. 42 282-283
6. Tombe thébaine no 93, tombe de Qénamon
(c. 1400-1350 av. J.-C.), timbres à ferrade,
d’après J. Vandier, Manuel d’archéologie égyptienne,
t. V, Bas-reliefs et peintures. Scènes de la vie quotidienne
(2e partie), Paris, 1969, t. I, p. 267, fig. 119, 4 282-283
7-8. Timbres à ferrade en bronze, collection
William M. Flinders Petrie. Copyright : Petrie Museum
of Egyptian Archaeology, University College London,
UC63717 (estampille = 10,3 x 9,6 cm)
et UC63714 (9,2 x 3,3 x 1,4 cm) 282-283
9. Tombe thébaine no 17, tombe de Nébamon
(c. 1400-1350 av. J.-C.), Nébamon supervisant
les activités de son domaine. Tempéra sur papier
par Charles K. Wilkinson, 1928. Copyright :
New York, Metropolitan Museum of Art, 30.4.57 282-283
Table des Matières

INTRODUCTION
1 Jean-Claude Caron, Laurent Lamoine, Natividad Planas 9

PREMIÈRE PARTIE L’ennemi, un lieu de mémoire


2 Jean-Claude Caron
Introduction. De l’utilité mémorielle de l’ennemi 25

3 Enrique García Riaza


Hispanis hostes : de la praxis militaire
à la représentation idéologique dans la Rome républicaine 31

4 Laurent Lamoine
Le corps du rebelle Sacrovir, de l’ostentation
à l’immolation (21 apr. J.-C.) 43

5 Blaise Pichon 375


Les Germains et l’Empire chez les historiens romains,
de Tacite au début du ve siècle 61

6 Annliese Nef
La Lettre au trésorier de l’église de Palerme
ou de l’art de choisir ses ennemis 85

7 Jean-Claude Caron
Mémoires de guerre civile ou l’ennemi absolu.
Lyon, 1831 : un nouveau 1793 ? 95

8 Laurent Dornel
La fabrication de l’ennemi “héréditaire”
allemand (1815-1914) 107

DEUXIÈME PARTIE De chair et d’encre


9 Laurent Lamoine
Introduction. De chair et d’encre 125

10 Christophe Giudicelli
De l’utilité politique de l’ennemi. Les “Indiens de guerre”
et la construction des frontières de l’Amérique espagnole 131
Table des matières

11 Natividad Planas
La Judith musulmane. Action politique et commensurabilité
selon les captifs chrétiens d’Alger (xviie siècle) 149

12 Federico Palomo
Teatro de sangue, espelho de aço. António Francisco Cardim
et la représentation du martyre dans le monde portugais
de la première modernité 165

13 Sébastien Pivoteau
Les deux corps de l’ennemi. L’imbrication du biologique
et du social dans l’identification des auteurs de l’assassinat
commis au château de la Borie (Maurs, Cantal) en 1827 187

14 Martin Müller
Embodying Piracy, Textualizing the Piratical Body:
Defining, Combating, and Punishing Southeast Asian
“Piratical Communities” in British Discourse
and Practice, c. 1810-1860 201

15 Julien Bouchet
L’adversaire politique en images.
Usages du corps dans la France républicaine (1880-1914) 223

16 Valentina Marcella
376 Smuggling Intellectual Freedom under Physical Constraint:
The Enemy’s Body in Turkish Prison Cartoons 243

TROISIÈME PARTIE Marquer et éliminer l’ennemi


17 Natividad Planas
Introduction. Le corps de l’ennemi 261

18 Luc Renaut
Signation chrétienne et marquage des captifs
dans le monde antique : pratiques et représentations 269

19 Maribel Fierro
Murder as Accident : The Deaths of the Abbasid
‘Abd Allah b. ‘Ali and the Sultan Ghiyath Al-Din of Delhi 285

20 Louise Mallart
Représentations et significations de la consommation
du corps de l’ennemi dans l’Occident médiéval 297

21 Igor Pérez Tostado


Châtiment et persuasion : le corps de l’ennemi catholique
en Angleterre (xvie et xviie siècles) 309
Table des matières

22 Jean-Pierre Cavaillé
Le corps de l’ennemi de Dieu et des hommes :
le supplice de Jules-César Vanini, condamné
au bûcher pour blasphème et athéisme (1619) 323

23 M’hamed Oualdi
Circoncire des Européens à Tunis. Significations
d’une étape de conversion et d’intégration
(début du xviiie-milieu du xixe siècle) 337

CONCLUSION
24 Jean-Claude Caron, Laurent Lamoine, Natividad Planas 353


BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 365

TABLE DES ILLUSTRATIONS 371

TABLE DES MATIÈRES 375


377
Déjà parus aux PUBP
– Philippe Bourdin, Jean-Claude Caron et Mathias Bernard (dir.), La Voix et le
geste. Une approche culturelle de la violence socio-politique, 2005.

– Natividad Planas et José Javier Ruiz Ibanez (dir.), “Vivre avec l’ennemi”, Siècles,
no 26, 2008.

– Jean-Claude Caron (dir.), “L’identification de l’ennemi”, Siècles, no 31, 2010.

– Rose Duroux et Catherine Milkovitch-Rioux (dir.), J’ai dessiné la guerre.


Le regard de Françoise et Alfred Brauner, 2011.

– François Marotin (dir.), Révolutions au XIXe siècle. Violence et identité, 2011.

– Laurent Lamoine, Clara Berrendonner et Mireille Cébeillac-Gervasoni,


Le Quotidien municipal II. Gérer les territoires, les patrimoines et les crises, 2012.
Q u’il soit aux portes ou à l’intérieur de la Cité, l’ennemi est une catégorie
omniprésente dans le vocabulaire mémoriel comme dans le récit historique
ou le discours politique. Cet ouvrage interroge sa pertinence en mettant en
lumière les contextes où elle est à l’œuvre de l’Extrême-Orient à l’Amérique
espagnole, en passant par l’Europe et l’Afrique du Nord, au cours d’une
période qui va du VI e siècle av. J.-C. au XIX e siècle. Il s’agit d’analyser les usages
que les sociétés du passé font des figures de l’ennemi, souvent réduites à de
simples topoï. Objet de traitements antagonistes, entre massacre et intégration
au sein des plus hautes sphères de l’État, ceux que l’on nomme ennemis sont
parfois devenus des figures mythiques que cette enquête vise à déconstruire.

Presses res
Universitai
BLAISE PA
SCAL C o l l e c t i o n H i s t o i r e s c r o i s é e s

Jean-Claude Caron, professeur d’histoire contemporaine à l’UBP et membre de l’IUF,


travaille sur les violences socio-politiques au XIX e siècle.

Laurent Lamoine est maître de conférences en histoire romaine à l’UBP. Ses travaux portent sur les élites
et les institutions locales en Gaule à l’époque de l’indépendance et à l’époque romaine.

Natividad Planas, maître de conférences en histoire moderne à l’UBP,


travaille sur les relations entre l’Espagne et l’Islam.

9 782845 166783
ISBN 978-2-84516-678-3 / PRIX 25 €

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