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Annales littéraires de l'Université

de Besançon

Héraclès aux portes du soir : mythe et histoire


Colette Jourdain-Annequin

Citer ce document / Cite this document :

Jourdain-Annequin Colette. Héraclès aux portes du soir : mythe et histoire. Besançon : Université de Franche-Comté, 1989.
pp. 3-729. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 402);

https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1989_mon_402_1

Fichier pdf généré le 07/12/2018


Centre de Recherches d'Histoire Ancienne

Volume n° 89

Colette JOURDAIN-ANNEQUIN

HERACLES

AUX PORTES DU SOIR

MYTHE ET HISTOIRE

Diffusion
Annales
Les Belles
Littéraires
Lettres,
de l'Université
-95,
1989
boulevard
- de Besançon,
Raspail, 75006
n° 402
PARIS
Β

Λ/
;

Ψ*
Pour Muriel. Pour Jacques.
7

Remerciements

Cet ouvrage a d'abord été une thèse de Doctorat d'Etat. Les


contraintes de l'édition en ont quelque peu modifié la
présentation : certaines discussions sont passées dans les notes,
elles-mêmes allégées ; quelques illustrations ont été sacrifiées.
Seule modification conséquente, une importante annexe
iconographique, consacrée à l'examen du type d'Héraclès-
Melqart à partir des statues - en partie inédites - découvertes
dans son sanctuaire d'Amrith, a été détachée de l'ensemble et sera
publiée ailleurs, par les soins de la maison de l'Orient à Lyon.

Cette thèse, déposée auprès de l'Université de Besançon en


décembre 1986, a été soutenue en avril 1987 devant un jury
présidé par M. Jean Pouilloux, membre de l'Institut, et réunissant
les professeurs Pierre Lévêque, rapporteur, Pierre Briant,
Françoise Dunand, Oddone Longo et Marie-Madeleine Mactoux.
Que tous soient ici remerciés pour avoir fait de cet exercice
universitaire qu'est la "soutenance" une discussion enrichissante
et stimulante.
Que Pierre Lévêque, en particulier, trouve dans ces pages
l'expression de ma gratitude, lui qui, professeur, sut me
communiquer sa passion de l'histoire ancienne, puis, directeur de
thèse, me redonner le courage d'écrire, alors que la situation
universitaire n'incitait ni à l'effort, ni à l'optimisme., lui qui,
enfin, accueille ce volume dans les publications du Centre
d'Histoire Ancienne de Besançon.
Et, s'il est vrai que, comme l'affirme Georges Bataille dans
un petit ouvrage - fort original - qu'il consacre à une théorie
de la religion, "le fondement d'une pensée est la pensée d'un
autre", je tiens également à témoigner ici de ma reconnaissance
envers tous ceux qui, connus ou inconnus de moi, ont, par leurs
paroles ou par leurs écrits, éclairé, à un moment ou à un autre, le
8

cheminement de cette recherche.


Ma reconnaissance va encore - mais est-il besoin de le
dire ? - à mon mari qui, presque autant que moi, vécut avec cette
thèse et se garda de l'oublier lorsque son "territoire" d'historien
croisait le mien ... Elle va, de même, à mon oncle, François
Martine, qui voulut bien passer du latin au grec et des Pères de
l'Eglise du Jura à ce païen, à ce paillard que fut Héraclès, pour
discuter avec moi de mes traductions.
... Elle va, enfin, à tous ceux qui firent des manuscrits
informes que je leur confiais les trois volumes dactylographiés
d'une thèse, puis le livre qu'ils sont devenus. A ce titre que
Mmes Maillardet, Amiotte et Michel, que M. Royer, que S.
Rémond surtout qui eut en charge la réalisation de l'ensemble,
que la Faculté des Lettres et le Centre d'Histoire Ancienne de
Besançon soient vivement remerciés.

♦J'ai plaisir à évoquer encore l'appui du Conseil


Scientifique de l'Université des Sciences Sociales de Grenoble,
qui, par ses subventions, a tenu à participer à l'édition de cette
recherche et je n'oublierai pas le soutien chaleureux du
philosophe Henri Joly qui demanda la prise en charge, pour
publication, de cette "géo-histoire" et "mythopoièse" d'un mythe.
Je n'ai, hélas, pas eu la possibilité de l'en remercier : peu de
temps après, il mourait tragiquement en mer.*
Je regrette profondément, enfin, de ne pouvoir associer à
cet hommage Paul Petit, lui aussi trop tôt disparu. Acceptant de
faire confiance à un professeur de lycée qu'il ne connaissait pas,
il m'accueillit dans la section d'Histoire Ancienne de l'Université
de Grenoble. Sans lui, en définitive, ce travail n'aurait jamais vu
le jour.

Lyon, Octobre 1987


* Octobre 1988
"Ce n'est pas une science de s'être
rempli la tête de toutes les
extravagances des Phéniciens et des
Grecs ; mais c'en est une de savoir ce
qui a conduit les Phéniciens et les
Grecs à ces extravagances..."

FONTENELLE (1)

"... car qu'aurions-nous donc à faire


de ces histoires de dieux, souvent
compliquées à l'extrême et peu sûres,
d'ailleurs, tant elles ont été tranformées
par la mémoire oublieuse et par
l'infinie et plaisante fantaisie de notre
esprit, qu'aurions-nous à en faire, si ce
qu'elles racontaient était autre chose
que notre propre histoire, qui est, elle
aussi, compliquée, pas tellement sûre,
car chaque existence humaine est
pareillement pleine d'oubli d'elle-
même et pareillement peuplée de
fantaisie".

Cl. METTRA (2)


11

"Nuit enfanta l'odieuse Mort, et la noire


Kère, et Trépas. Elle enfanta Sommeil et,
avec lui, toute la race des songes - et elle les
enfanta seule, sans dormir avec personne,
Nuit la ténébreuse. Puis elle enfanta
Sarcasme, et Détresse la douloureuse, et les
Hespêrides, qui, au delà de l'illustre Océan,
ont soin des belles pommes d'or et des
arbres qui portent tel fruit".
Hésiode, Théogonie, 211-216

"Chrysaor engendra Géryon aux


trois têtes, uni à Callirhoé, fille de
l'illustre Océan. Celui-là, Héraclès le
fort le tua, près de ses boeufs à la
démarche torse, dans Erythée
qu'entourent les flots, le jour où il
poussa ces boeufs au large front vers
la sainte Tirynthe, après avoir franchi
le cours d'Océan et tué ensemble
Orthos, et Eurytion le bouvier, dans
leur parc brumeux, au delà de l'illustre
Océan".

Hésiode, Théogonie, 287-294

C'est à dessein que nous choisissons Hésiode pour


introduire cette étude des travaux occidentaux d'Héraclès. Témoin
ancien, bien sûr, et historiquement plus facile à utiliser qu'un
problématique Homère, il est aussi le premier qui nous donne à
voir, pareillement situés "au delà de l'illustre Océan", les
Hespêrides
"épreuves" que
et Géryon,
la tradition
protagonistes
prête à Héraclès,
du héros
lorsque
dans
s'achève
les deux
la
série des athloU imposés par Eurysthée (3) : épreuves toutes deux
localisées aux confins des terres habitées ou supposées telles et
dont la structure symétrique - qu'elle soit géographique ou
symbolique - ne manquera pas de nous retenir.
Or, pour Hésiode, incontestablement, la lutte contre Géryon
est un épisode de la geste héracléenne. Il n'en est pas de même
des Hespêrides, qui, citées à d'autres reprises encore (4), ne sont
jamais en relation avec Héraclès (5). C'est donc le mythe
relativement proche encore de ses origines que nous restitue
12

Hésiode, des mythes, plus exactement, qui n'ont pas achevé leur
rencontre avec le héros, ne sont, en tout cas, pas encore
subordonnés à une biographie, pas encore entrés dans ce cycle
héroïque que l'activité fabulatrice des Grecs n'a cessé d'enrichir,
le transformant bientôt en un véritable roman plein
d'incohérence... roman qui ne trouve plus réalité et logique que
dans le personnage du héros lui-même.
L'écheveau est, à ce stade, bien difficile à débrouiller ; aussi
aurons-nous soin, en analysant le mythe arrivé au terme de son
évolution, enrichi, transformé, détourné même par cette
évolution, de ne jamais perdre de vue les allusions, sommaires
peut-être, mais si puissamment évocatrices, d'Hésiode.
Les Grecs distinguaient les deux fonctions du langage : la
parole qui "raconte" (μΰθος-) et celle qui "démontre" (λόγος-). Du
mûthos la loi du genre veut que nous fassions un logos.... puisse
le mythe ne pas trop y perdre de son charme éternel.
TABLEAU 1 = LE DODECATHLOS DANS LA TRADITION LITTÉRA
APOLLODORE DIODORE HYGIN TABULA ALB ΑΝΑ AUSONE SËRVIUS
II 74 - 126 IV, 11 à 18 Fables , F. Gr. Hisl. Eglogues, Commentaire
= II, 5,1 1 12 XXX ,40 (Jacoby p. 261-263 XXIV l'Enéide.
VHl. 299
1 -Lion Lion Lion Lion Lion
2 -Hydre Hvdte Hydre Hvdre Hvdre Hvdre
3 -Cerf ou biche Sanglier Sanglier Sanglier Sanglier Sanglier
4 -Sanglier Cerf ou biche Cerf ou biche Cerf ou biche Cerf ou biche Cerf ou biche
5 - Augiai Otoaux Oiseaux Oiseaux Oiseaux Oiseaux
6 - Oiseaux Auciw Augia» Augias Amazones Auiiaj
7 -Taureau Taureau Taureau Taureau Auiiaj Civajfi
8 - Cavales Cavales Cavales Cavales Taureau Amazones
9 -Amazones Amazones Amazones Amazones Cavales Géryon
10 - Géryon Géryon Géryon Géryon Géryon Hespérides
ll-Hespendes Cerbère Hespérides Cerbère Hespérides
12-Cerbère Hespérides Cerbère Hespériocs Cerbère
Voir aussi O. GRUPPE, s
Suppl. III, 1918, Col. 10
15

PROLOGUE
17

Ι - DES POMMES D'OR DES HESPÉRIDES AUX


AVENTURES OCCIDENTALES D'HÉRACLÈS :
L'ÉVOLUTION D'UN PROJET

Un peu comme un mythe, un projet de thèse évolue, pour


peu qu'il soit longuement mûri !... Parti d'une séquence précise
de la légende héracléenne : la quête des pommes d'or des
Hespérides, il s'enfle, se développe, se transforme, change de
perspectives et se retrouve, à l'arrivée, profondément différent de
ce qui avait été conçu.
Le sujet paraissait simple, en tout cas clairement circonscrit,
et pourtant, ce sont des problèmes de définition que nous avons
dû résoudre dès le départ :
Ainsi - et c'est la première question que nous nous sommes
posée - quelle place devait-elle être faite au héros lui-même ?
dans quelle mesure sa nature, sa "personnalité" pouvaient-elles
éclairer la signification du mythe ?
Encore eût-il fallu, pour conduire une telle étude, que cette
personnalité fût évidente et indiscutée, ce qui était loin d'être le
cas. Π nous paraît inutile de reprendre, une fois de plus, les
exégèses, on ne peut plus variées, qui, tantôt donnent à Héraclès
une origine phénicienne, tantôt font de lui un héros aryen ; tantôt
voient en lui l'archétype du Dorien, tantôt un Achéen ou un
Cretois... qui tantôt le considèrent comme un dieu solaire, tantôt
comme un démon de la végétation (6)... Leur multiplication, la
part de vérité qu'elles contiennent toutes, mais aussi l'échec relatif
de chaque explication d'ensemble, prouvent assez l'hétérogénéité
des sources, du culte et de la légende.
Aussi les études consacrées à Héraclès sont-elles
désormais plus partielles. Elles n'en sont pas moins enrichissantes
pour autant et viennent éclairer certains aspects d'un héros pour le
moins complexe et déroutant. On a pu découvrir ainsi, grâce à J.
Bayet, un Hercule funéraire (7), grâce à M. Détienne, un
Héraclès des savants et des philosophes (8) ; on a pu prendre la
mesure des influences phéniciennes dans certains de ses cultes
(9); et on nous promet d'éclairer ses rapports étranges avec le
sacrifice (10)... On a vu monter la fortune du héros ou se
transformer sa légende en fonction des circonstances politiques
(11), mieux compris le passage de l'Héraclès grec à l'Hercule
romain
"sauveur"
(12)
qu'était
et apprécié
devenu l'enjeu
le fils de
deZeus
la confrontation
et celui des Chrétiens
entre ce
(13). Dans le même temps était mieux connue l'iconographie du
personnage mythique (14) et les particularités régionales d'un
18

héros devenu dieu et désormais vénéré dans tout l'Empire


romain.
La cohérence d'Héraclès n'a rien gagné à toutes ces
recherches et c'est tant mieux dirons-nous. Comment, en effet,
réduire à l'unité le dieu et le héros ? L'Argien et le Thébain ? Le
géant et le dactyle ? (15), la brute et le héros civilisateur ?... Le
personnage, certes, a pris son autonomie au cours des temps, on
lui a même constitué une biographie et c'est un véritable roman
que celui de sa vie mais c'est, je crois, faire une erreur profonde
sur le mythe que de l'interpréter à partir de ce qu'est - ou pourrait
être - Héraclès et non pas à partir de ce qu'il fait , de ce pourquoi
il existe (16).
Mieux vaut donc oublier, pour un temps, les théories déjà
énoncées et, puisqu'il faut "présenter" le héros, prendre comme
point de départ le visage d'Héraclès tel qu'il nous apparaît dans
les plus anciens témoignages littéraires. Dans XIliade, il ne joue
pas un grand rôle, mais ceux qui l'invoquent voient en lui un
mort héroïque des temps passés, exactement ce que
représenteront, pour les Grecs du Vème siècle, les héros de la
guerre de Troie. Dès que les dieux l'ont ordonné, dit Achille, il a
reçu le trépas : "le puissant Héraclès lui-même n'a pas échappé à
la mort ; il était cher cependant, entre tous, à sire Zeus, fils de
Cronos, mais le destin l'a vaincu, et le courroux cruel d'Héré"
(17).
Héraclès "l'invincible" est donc mortel ; il est dit fils de
Zeus et d'Alcmène, et le seul épisode important qui lui soit
consacré rapporte comment, à Thèbes, sa naissance fut retardée
par Héra afin qu'il ne régnât pas" sur tous ses voisins", mais au
contraire fût soumis à Eurysthée (18). Les autres allusions
fonf d'ailleurs large part à cette inimitié de la déesse (19). On
connaît plus mal ses titres de gloire, la première expédition qu'il
aurait menée contre Troie (20), et les "Travaux" (21) dont on ne
souligne guère que l'aide constante apportée par Athéna : "Π ne se
rappelle guère", dit de son père la déesse, "combien de fois je lui
ai, moi, sauvé son fils, lorsqu'il était à bout de souffle, au cours
des travaux d'Eurysthée. Il pleurait alors vers le ciel, et c'était
moi que Zeus, du haut du ciel, envoyait à son secours. Que
n'ai-je su cela, en mon âme prudente, aux jours où Eurysthée
l'expédiait chez Hadès aux portes bien closes, pour lui ramener
de l'Erèbe le chien du cruel Hadès ! Il n'eût point échappé au
cours profond du Styx" (22).
Il n'est pas indifférent de noter que, si, dans Ylliade,
Héraclès apparaît uniquement comme un héros mortel, le seul des
travaux imposés par Eurysthée qui soit jugé digne d'être rapporté,
19

c'est, tout de même, sa victoire sur l'Hadès (23).


Dans YOdyssée le nom d'Héraclès n'apparaît que trois fois
(24), et le passage le plus intéressant est celui où, dans la Nékyia,
le poète nous plonge dans le royaume des morts. Parmi les héros
antiques entrevus par Ulysse se trouve Héraclès, au sujet duquel
s'expriment les hésitations de la tradition entre l'homme et le
dieu : il évoque "les misères sans bornes" imposées "par le pire
des humains", et encore une fois, un seul de ses exploits est
mentionné : la capture du chien des Enfers ; encore une fois c'est
Athéna " la déesse aux yeux pers", c'est Hermès aussi qui lui
servent de guide... mais au royaume des morts le héros n'est
qu'une "ombre"; le véritable Héraclès, est, en effet, parmi les
dieux : "parmi les Immortels, il séjourne en personne dans la joie
des festins ; du grand Zeus et d'Héra aux sandales dorées, il a la
fille Hébé aux chevilles bien prises" (25).
La tradition de l'immortalité d'Héraclès est donc connue.
Seul héros à s'être fait une place parmi les dieux, dans ce monde
homérique, où le fossé paraît infranchissable entre les "dieux
toujours vivants" et les hommes qui "tels les feuilles ne vivent
qu'une saison "(26), le cas du fils d'Alcmène est suffisamment
exceptionnel pour être retenu (27). Il est vrai que cette Nekyia
passe pour être un des passages de YOdyssée composés, ou, en
tout cas, ajoutés, tardivement.
Hésiode cependant nous transmet un témoignage très
voisin : "Et ce fut Hébé, fille du grand Zeus et d'Héra aux
brodequins d'or, que le vaillant fils d'Alcmène aux fines
chevilles, le puissant Héraclès, ayant achevé ses gémissants
travaux, se donna pour chaste épouse dans l'Olympe neigeux -
héros bienheureux, qui, sa grande tâche accomplie, habite chez
les Immortels, soustrait au malheur et à la vieillesse pour les
siècles à venir" (28).
Aucune ambiguïté dans ce texte où Héraclès est sans
conteste devenu l'un des Olympiens, et cela, semble-t-il - nous y
reviendrons - en récompense des travaux dont l'accomplissement
est, en tout cas, présenté comme nécessaire et précédant
directement l'immortalité. Faut-il voir là, comme le veut W.K.C.
Guthrie, l'origine des hésitations de la tradition entre le héros et le
dieu (29) ? Je suis pour ma part, loin de penser que, "lorsque
d'autres auteurs disent d'Héraclès qu'il est à la fois dieu et héros,
c'est cette élévation qui leur vient sans doute à l'esprit" (30). Il
me semble, en effet, que la tradition d'un Héraclès dieu -celle qui
embarrasse les auteurs grecs- lui suppose une origine divine, et
que, si influence il y eut, ce pourrait être plutôt à l'inverse : une
incitation à admettre l'accession finale au rang des dieux du fils de
20

Zeus et d1 Alcmène.
Restons en là, pour l'instant, sur un problème auquel nous
ramènera l'étude du mythe et retenons simplement que l'Héraclès
qui transparaît dans les premiers témoignages littéraires (31) est
un héros thébain - mais d'ascendance argienne - fils de Zeus et
d'Alcmène, que l'inimitié d'Héra soumet au souverain d'Argos,
qui l'a évincé : Eurysthée. Ce héros est encore essentiellement un
archer, et nous sommes frappés de voir à quel point son image
est, pour ces premiers Grecs, liée à la victoire sur la mort : qu'elle
soit indirecte et passagère avec la prise de Cerbère - et \ Iliade
semble en rester là - qu'elle soit définitive comme il apparaît dans
la Nekyia et dans la Théogonie. Ce sont là, les seules données
objectives que nous pouvons admettre comme point de départ
D'ailleurs, comment pourrait-on expliquer le mythe par la
nature d'un héros avec lequel rien ne prouve qu'il soit
véritablement lié dès l'origine... ou, autre façon de dire les
choses, qui était le héros avant qu'autour d'un nom ne se soient
rassemblés tel ou tel mythe ? Ce que nous tenterons de faire, c'est
bien plutôt d'expliquer pourquoi le mythe a pu être attribué à
Héraclès et comment une telle attribution a pu le modifier... Alors
peut-être certains aspects de la "personnalité" du héros
s'éclaireront-ils de surcroît.

Nous rejoignons là le deuxième problème posé par cette


étude : une séquence mythique se lit difficilement seule. Etait-il
possible d'isoler tout à fait de l'ensemble de la légende cet
épisode que représente la conquête des pommes d'or ? Fallait-il
au contraire le considérer comme partie intégrante d'un tout et
l'étudier comme telle ?
Il est bien évident que, dans un cycle aussi complexe que
celui d'Héraclès - le plus complexe sans doute de toute la
mythologie grecque - nous ne pouvions tout retenir. Ni les douze
travaux, dont l'ordre, d'ailleurs, change avec les mythographes,
ni les Parerga, plus nombreux encore, ne constituent une
biographie cohérente, et ce, même dans la mythologie mise en
ordre d'un Apollodore, ou d'un Diodore. De toutes ces anecdotes
tant bien que mal juxtaposées, de toutes ces prouesses
interchangeables, lesquelles sont vraiment significatives ?
Lesquelles peuvent nous aider à mieux comprendre celles que
nous avons choisi d'expliquer ? Prenons un exemple : la
rencontre d'Héraclès et d'Atlas : chez Apollodore, elle fait partie
intégrante du 1 lème exploit ; c'est à Atlas, en effet, que, sur les
21

conseils de Prométhée, Héraclès demande d'aller cueillir les


pommes dans le jardin des Hespérides ; en l'absence du géant il
portera à sa place le fardeau du monde et l'on sait la ruse qu'il
doit inventer pour s'en libérer (32). C'est Phérécyde qui, au
début du Vème siècle, passe pour avoir introduit cet épisode
d'Atlas faux ami d'Héraclès (33), mais l'anecdote était connue à
Olympie, à la même époque, par le sculpteur qui représenta les
travaux d'Héraclès sur les métopes du temple de Zeus (34)... Elle
l'était même dès le Vlème siècle, si l'on en croit Pausanias qui l'a
vu figurer sur le coffre dédié par Cypsélos dans ce même
sanctuaire d'Olympie (35). Cependant Euripide, s'il ne l'ignore
pas - il chante en effet dans son Héraclès "la force d'un homme"
qui parvint à soutenir "les palais étoiles des dieux" (36) -
curieusement la dissocie de la quête des pommes d'or (37). La
relation est moins évidente encore chez Diodore de Sicile qui, très
influencé par révhémérisme, explique "l'allégorie" selon laquelle
le héros aurait reçu d'Atlas "le fardeau du monde" par les
connaissances astronomiques que lui aurait enseignées le géant en
reconnaissance de son intervention efficace contre les pirates,
envoyés par Burins pour enlever les Hespérides présentées ici
comme les filles d'Atlas (38).
On constate, dans cet exemple, l'embarras des auteurs face
aux errements d'une tradition qui juxtapose des éléments
probablement étrangers à l'origine ; on constate également - par
cette discordance entre des mythographes également tardifs - à
quel point l'évolution du mythe a pu, ici ou là, s'accomplir
différemment. Quel enseignement, dans ces conditions, tirer de
cet épisode d'Atlas ? Faut-il simplement l'expliquer par la force
du héros, une force telle qu'il peut porter le ciel... C'est ce qui
semble ressortir du plus ancien des témoignages littéraires
évoqués, celui d'Euripide.. Faut-il, au contraire, lui attribuer, au
profit d'Héraclès, une signification cosmogonique ? et dans ce
cas à partir de quand ? et pourquoi ?
Enfin c'est aux confins du monde habité que les Hespérides
veillent sur les pommes d'or... C'est là aussi que le géant
supporte le fardeau des cieux : la rencontre des deux mythes
serait-elle pure coïncidence géographique ? ou bien au contraire
Héraclès a-t-il, comme le veut J. Carcopino (39) - après
Wilamowitz (40) -, suivi Atlas, lorsque celui-ci a trouvé dans la
chaîne libyenne sa localisation définitive ? auquel cas il faudrait
entre eux supposer un lien plus puissant, un lien qui expliquerait
aussi que ces colonnes du ciel, confiées, dans YOdyssée* à la
garde du géant soient devenues les colonnes d'Héraclès. Le
problème, on le voit, est d'importance.
22

Mais si le rôle d'Atlas apparaît comme directement lié à


l'obtention du fabuleux trésor, d'innombrables aventures, entrées
dans le récit de la quête des pommes d'or, semblent bien n'avoir
avec elle qu'un rapport on ne peut plus accidentel. Il n'est que de
reprendre le texte d'Apollodore (41) pour s'en convaincre...
Apollodore, qui d'ailleurs situe le jardin des Hespérides "non
dans la Libye, comme le disent certains", mais "auprès de l'Atlas,
dans le pays des Hyperboréens". Avant qu'Héraclès ne parvienne
au terme de son voyage, mille aventures le retiennent : en
Macédoine, il lutte contre Cycnos, fils d'Ares, puis, traversant
rillyrie, il arrive au bord du fleuve Eridan, où, grâce aux
Nymphes, il trouve Nérée "qu'il ne lâche point" avant d'avoir
obtenu de lui qu'il lui dise où se trouvent les pommes d'or et les
Hespérides. Son itinéraire devient ensuite tout à fait incohérent : il
se rend en Libye (séjour imposé peut-être par le souvenir de la
localisation la plus couramment admise !) et triomphe d'Antée qui
gouverne alors la région ; de la Libye il passe en Egypte (42) où il
tue Busiris, le roi inhospitalier. Ici s'intercalent étrangement les
aventures d'Héraclès à Rhodes, aventures qui prétendent
expliquer un curieux rite des habitants de 111e (ceux-ci, en effet,
lorsqu'ils sacrifient à Héraclès, l'accablent d'imprécations). Nous
retrouvons notre héros en Arabie, où, dit Apollodore, il tue
Emathion, fils de Tithon (43) ; par la Libye, il parvient ensuite à
l'Océan où il emprunte la coupe du soleil et, grâce à elle, gagne
l'Asie, délivre Prométhée sur le Mont Caucase et arrive enfin
auprès d'Atlas et des Hespérides.
Nous avons tenu à retracer - ici de la façon la plus "naïve"
qui soit - cet itinéraire extraordinaire pour mettre l'accent sur
l'apparente incohérence d'un récit, compliqué, allongé à plaisir
par des additions successives, des contaminations (44). Le
rapport avec la quête des pommes d'or paraît purement fortuit, la
géographie du voyage si peu intelligible qu'elle n'éclaire pas la
localisation du jardin mythique, pas plus que la signification des
différents épisodes ne semble éclairer le sens du mythe
principal... Pourtant, dans ce véritable maquis où le conte
folklorique côtoie la légende étiologique, certains thèmes se
retrouvent avec insistance : celui de la lutte contre des souverains
indigènes, par exemple, tels Emathion, Antée, et surtout Busiris,
le roi qui massacre les étrangers... On peut encore s'interroger,
dans ce dernier épisode, sur les rapports qu'entretient Héraclès
avec le sacrifice... rapports qu'on retrouve, différemment
exprimés, dans certains "doublets" : l'aventure d'Héraclès à
Rhodes, aition d'un rite ancien reprenant, sous une autre forme,
semblable rencontre au pays des Dryopes.
23

Or, ce voyage au pays des Hespérides, à certains égards,


rappelle le voyage d'Héraclès vers l'île rouge de Géryon... Il lui
ressemble tant que quelque confusion s'est introduite dans le
déroulement des deux récits : pour Diodore, par exemple, les
épisodes d'Antée et de Busiris appartiennent à l'expédition contre
Géryon (45). L'impression naît ainsi d'une geste d'Héraclès aux
bornes occidentales du monde, près de ces "colonnes" qu'il y a
lui-même placées, geste enrichie ensuite d'épisodes variés sur les
rivages de la Méditerranée, une geste à laquelle sa signification
pourrait conférer une unité profonde, située qu'elle est près
d'Océan, là où "se dresse l'effrayante demeure de l'infernale nuit"
(46)... Là où "sélève en face de l'arrivant la demeure sonore du
dieu des Enfers,
redoutable" (47). le puissant Hadès, et de Perséphone la

Si nous pensons encore que ces deux épreuves sont parmi


les dernières (48), que, dans certaines versions du mythe
Héraclès rapporte lui-même les pommes d'or devant l'assemblée
des dieux (49), nous accorderons une attention renouvelée au
thème d'Héraclès vainqueur de la mort, important très tôt dans la
légende, avons-nous vu (50), et très vite répété : c'est encore
Héraclès qui ramène Alceste des Enfers (51) ; lui toujours qui
arrache Thésée au royaume d'Hadès (52) ; c'est lui enfin qui
connaît la mort divinisante sur le bûcher de l'Oeta (53).
"marginale"
C'est ce
des thème
deux derniers
qui, tout
travaux
autant
d'Héraclès
que la (et
géographie
bien sûr,
nous le verrons, l'un et l'autre structuellement liés), nous a paru
définir l'unité profonde du champ d'enquête qui devait être celui
de notre travail.
Pour autant, était-il possible de s'en tenir rigoureusement à
la sphère occidentale ? de ne connaître des exploits d'Héraclès
que la quête des boeufs de Géryon et celle des pommes d'or ?
Nous avons craint, à nous limiter à ces épisodes, d'être conduite
à envisager trop étroitement les "matériaux" du mythe : l'arbre,
cette première structure, à la fois architecturale et vivante, que
semblent s'être donnée les hommes, l'or, dont le rôle dans les
mythes de souveraineté n'est plus a souligner ; la pomme, le
dragon (ou le monstre) dont il n'est pas besoin de dire qu'ils
constituent les "images" fondamentales de toute mythologie...
Une telle étude était certes possible (54), nous avons craint, à
nous y livrer, de ne pouvoir éviter le danger d'un comparatisme
débridé... Si les parallèles, en effet, ne manquent pas dans les
mythologies de tous les peuples, en quoi, en les rapportant,
aurons-nous mieux compris le sens précis que, pour les Grecs,
prenaient ces symboles...?
24

Aussi ne perdrons-nous pas de vue la place que tient ce


jardin merveilleux dans le cycle d'Héraclès... "quête du pays
transcendant", rêve du domaine ou de l'objet "interdit", lutte
contre le monstre triple et conquête du bétail merveilleux, autant
d'exploits qui, au fur et à mesure que nous poursuivions notre
enquête, nous ont paru s'intégrer dans l'ensemble d'un destin,
dont nous devinions le sens non seulement mythologique, mais
bien encore historique... Comment comprendre l'aspect fortement
initiatique de ces épreuves sans essayer de savoir si leur héros
avait pu, dans le passé des Grecs - où qu'ils fussent -, avoir
quelque rapport avec de telles pratiques d'intégration sociale ?
Aussi ne s'étonnera-t-on pas des "détours" d'une étude, qui, pour
mieux saisir le sens profond de ces deux légendes, paraîtra
parfois s'en éloigner...
Comment comprendre la localisation occidentale, et
finalement précise de ces épisodes sans analyser les rapports
entretenus par le héros grec avec le seigneur de Tyr, Melqart,
présent non seulement à Gadès et à Lixos - théâtres des deux
derniers exploits terrestres d'Héraclès - mais encore dans ses plus
fameux sanctuaires : à Thasos, à Chypre et sur la côte
phénicienne ? Aussi ne s'étonnera-t-on pas si, à l'exemple même
de ce héros voyageur que fut Héraclès, nous naviguons d'une
rive à l'autre de la Méditerranée...
Comment comprendre le mythe, enfin, sans savoir, comme
l'écrit J.P. Vernant, "faire sauter le cloisonnement qui (sépare) la
tradition proprement mythologique des témoignages appartenant
aux autres
Grecs" ? (55)
secteurs de la vie matérielle, sociale et spirituelle des

Ainsi se sont élargis, non seulement notre champ d'étude,


mais encore les perspectives dans lesquelles nous abordions notre
sujet.
Disons, enfin - et nous en aurons terminé sur ce point - que
nous avons tenté de tenir compte de ces nouvelles conquêtes des
sciences de l'homme, qui aident l'historien à mieux cerner - voue
à mieux penser- son enquête : linguistique et sémiologie,
ethnologie et sociologie, psychanalyse enfin... On comprendra
que, dans cette matière aussi considérable que multiforme qui
s'offrait à nous, nous n'ayons pu tout traiter.
Nous nous sommes donc donné le droit de choisir, et,
laissant dans l'ombre certains aspects du mythe, nous avons
privilégié ceux qui nous paraissaient expliquer le mieux à la fois
sa permanence et les formes multiples qu'au cours des siècles il
devait finir par épouser.
25

II. LE MYTHE / MODE D'EMPLOI

Le mythe.. ..Encore fallait-il savoir comment l'approcher !


L'époque était celle des beaux jours du structuralime.Cl.
Lévi-Strauss l'appliquait, avec le retentissement que l'on sait, à
l'étude des récits amérindiens et, avec l'éternelle histoire
d'Oedipe, il se proposait de l'employer de même au décodage de
la mythologie grecque. Cette méthode, qui paraissait si bien
convenir à l'étude du mythe, n'était pas sans poser quelques
problèmes à l'historien - nous y reviendrons - et l'engouement
qu'elle suscita se traduisit d'abord, il faut l'avouer, par un
véritable "blocage" au niveau de mes propres recherches.
Elle eut aussi - et cet heureux effet dépasse, me semble-t-il,
largement mon exemple personnel - l'immense avantage d'obliger
à une réflexion méthodologique qui, sans elle, n'aurait sans doute
pas paru aussi nécessaire.
Sans retracer ici les longs détours de mes interrogations et
de mes réflexions sur le mythe, sans refaire l'histoire d'une
science dont il a beaucoup été question récemment (56), il me
paraît nécessaire et désormais possible, avant d'aborder l'analyse
des travaux occidentaux d'Héraclès, de "faire le point", de
préciser les exigences méthodologiques d'une recherche,
confrontée depuis plusieurs années aux théories - hégémoniques
ou non - qui font l'histoire des religions antiques.
La réhabilitation du mythe n'est plus à faire : il n'est plus
pour personne, cette maladie du langage et la mythodologie, cette
collection d'absurdités et d'horreurs, qui, selon M. Millier "ferait
frissonner le plus sauvage des Peaux-Rouges" (57). Il n'est plus,
non plus, la pensée d'une humanité dans l'enfance incapable de
produire autre chose qu'une "philosophie de nourrice" (58), et,
en ce qui concerne notre objet propre, la Grèce, on n'ose même
plus écrire, comme le faisait P. Grimai en 1968, que le Mûthos
s'oppose au Logos "comme la fantaisie à la raison, la parole qui
raconte à celle qui démontre" (59). La science moderne a donc
réglé
"dévaluaient"
leurs comptes
le mythe
aux théories,
comme explication
qui, au débutfantaisiste,
du siècle encore,
ou, au
mieux, incomplète et erronée - parce que pré-scientifique - du
monde... Elle n'est guère plus tendre d'ailleurs pour celles qui, à
l'inverse, le "dévaluent" comme vision populaire tout entourée
d'une gangue fabuleuse, d'un récit historique. Et peut-être faut-il
soulever là un premier problème ?
26

1 - Le mythe : "Une parole choisie par l'histoire*1 ?

On a beaucoup critiqué, en effet, cette attitude - que


d'aucuns appellent historiciste - et qui consiste à mettre en
lumière, comme l'a fait J. Bérard pour les NostoU par exemple, le
substrat de réalité historique que, parfois, recouvrent les légendes
(60). Convenons que ramener le mythe à l'histoire c'est procéder
par réduction et, dans une très large mesure, méconnaître la
spécificité du discours mythique. Convenons encore que cette
méconnaissance peut être préjudiciable au projet historique
lui-même. Que penser, par exemple, de l'interprétation "réaliste"
que donne R. Dion des travaux d'Héraclès, imposés par
Eurysthée, qui, parce qu'il était roi et très riche n'hésitait pas à
envoyer chercher jusqu'aux extrémités du monde "ce qui pouvait
être utile ?à (61).
vergers" l'amélioration de sa cavalerie, de ses troupeaux, de ses

"historicisante"
Accordons que
encore
la aux
découverte
détracteurs
d'une
d'une
inscription
lecture
hiéroglyphique gravée pour Aménophis ΙΠ et associant le nom de
Nauplie aux Danaoi apparemment soumis au Pharaon (62)
n'explique pas pourquoi "les Danaïdes sont à la fois des femmes
qui fuient le mariage avec des mâles qui leur sont trop proches et
des épouses qui passent pour avoir introduit en Grèce le grand
rituel du mariage, la fête des Thesmophories" (63). Certes, pour
comprendre le mythe il faut, comme le dit M. Détienne, prendre
en compte "le contexte ethnographique" et l'ensemble des mythes
qui "comme celui des Lemniennes constitue son groupe de
transformation". Mais n'est-ce pas aller trop loin qu'affirmer que
le document de 1380, parce qu'il est "un document d'histoire
politique", "ne peut rien expliquer" ?
N'est-il vraiment d'aucun intérêt ce clin d'oeil du mythe à
l'histoire dans la région d'Argos, au XlVème siècle avant notre
ère et dans le cadre de ces contacts entre Grecs et Egyptiens ? De
même, les relations qu'attestent les Nostoi entre la Grèce de l'âge
du bronze et le monde méditerranéen occidental ne sont-elles
vraiment d'aucun inrérêt, je ne dis pas pour l'historien mais pour
le mythologue lui-même ? C'est oublier, à mon avis, que le temps
et le lieu peuvent être de quelque importance dans la constitution
du discours mythique lui-même ; que les contacts attestés, dans
l'un et l'autre cas, sont des réalités d'importance ; que si, pour les
Danaïdes, ces contacts prennent la forme de relations de dominant
à dominé, ce n'est peut-être pas indifférent, pas plus que ne sont
indifférentes les raisons commerciales de l'expansion vers l'ouest
des peuples égéens. Un historien ne peut que s'insurger devant ce
27

refus de lan'est
l'origine" "perspective
pas une fin
génétique"
en soi, si elle
(64) s'avère
et, si "la
souvent
découverte
difficile
de
et hasardeuse, il n'est pas sûr qu'elle ne soit en rien éclairante.
C'est pourquoi je voudrais revenir sur une étude de B.
Sergent, parue en 1979 (65) et qui me paraît mériter plus
d'attention qu'on ne lui en a portée. L'auteur prend la précaution
de rendre au structuralisme ce qui lui revient (peut-être!) en le
déclarant "le seul (traitement) exhautif" de cette matière
multiforme qu'est la mythologie, et, se défendant de tout
"historicisme", il n'en propose pas moins une étude où "l'histoire
est prise pour elle-même comme plan de signification, comme
objet codant" (p. 64). Cette attitude est justifiée par le fait que, se
constituant, le mythe intègre des fragments de discours "portant
soit sur l'astronomie, soit sur la culture matérielle, soit sur les
hommes et les lieux etc.." c'est-à-dire des éléments d'une réalité
intégrée à l'histoire. Il livre ainsi, pour B. Sergent, "une histoire
découpée, hachée, triée, expurgée" (peut-être n'est-ce pas là
d'ailleurs l'essentiel de la transformation opérée par le mythe),
"une histoire qui n'est pas la vérité du mythe, parce qu'elle n'en
constitue ni l'armature ni le message, mais que le mythe utilise"
(p. 63).
Si le détail - d'ailleurs touffu - de cette étude ne nous
intéresse pas ici, on pourrait presque dire qu'à la "loi de Nilsson"
bien connue (la coïncidence presque parfaite des principaux sites
archéologiques achéens et des villes dont l'héritage mythologique
est le plus riche), s'ajoute maintenant une "loi de Sergent", loi de
la coïncidence chronologique (entre le cadre assigné, par
Hérodote par exemple, aux temps héroïques et celui que les
archéologues proposent aujourd'hui pour l'Helladique récent).
Faut-il alors faire, avec l'auteur, l'hypothèse de travail que "tout
élément de mythologie est historique" et qu'on peut utiliser cette
dernière "comme corpus d'indications potentielles" ? Non, sans
doute, et ces conclusions, à notre avis réductrices, peuvent
paraître curieuses après les précautions méthodologiques du
départ. Il reste qu'en gardant pleine conscience de la distance
creusée entre l'événement et le mythe, il peut être bon de rappeler
que le discours mythique est aussi le produit de l'histoire... non
seulement
"éclats" de telle
parceexpérience
qu'il véhicule,
historiquement
comme lesituée,
dit B.mais
Sergent,
parce que
des
sa mise en forme, elle-même, n'est pas sans rapport avec le
moment : "Le mythe est une parole choisie par l'histoire" écrit,
avec bonheur, Roland Barthes (66).
"In Mo tempore" dit le mythe, et sans doute est-ce là
manière d'effacer un temps trop présent encore au creux du récit,
28

volonté de retrouver le temps des origines - qu'il soit, avec les


dieux, celui de la fondation du monde, ou, avec les héros, celui
de la mise en ordre des sociétés - simple ruse du discours pour
assurer au mythe et son efficace, et sa vie éternelle.

2 - Le mythe : "Un fait social total"

Pour des raisons semblables il peut paraître injuste de


rejeter en bloc le "Fonctionnalisme" au rang des doctrines
périmées. N'est-ce pas méconnaître ce que des anthropologues
comme Malinowski ont apporté à la connaissance des mythes en
soulignant le rôle qu'ils jouent effectivement dans le contexte
social des peuples pour lesquels ils sont encore une réalité vivante
(67). "Quelle que soit la réalité cachée de leur passé non
enregistré, les mythes servent à voiler certaines contradictions
engendrées par les événements historiques plutôt qu'à enregistrer
fidèlement ces événements... l'application du point de vue
historique à l'étude des mythes est donc intéressante en ce qu'elle
montre que le mythe, envisagé dans son ensemble, ne représente
pas une histoire froide et dépourvue de passion, puisqu'il est
toujours créé volontairement pour remplir une certaine fonction
sociologique, pour glorifier un certain groupe ou pour justifier un
état de chose anormal" (68) écrivait Malinowski.
On peut railler cet "optimisme finaliste" (69), regretter "ce
curieux mélange de dogmatisme et d'empirisme qui contamine
tout le système" (70). On peut souligner, à juste titre, que le
discours mythique n'est pas le nécessaire reflet de la réalité et que
le rapport qu'il entretient avec elle n'est pas toujours de l'ordre de
la représentation, il reste que cette conception du mythe comme
partie intégrante d'un ensemble plus vaste (la vie sociale en tant
que système complexe d'institutions, de pratiques, de valeurs)
sera aussi, à la même époque, celle de M. Mauss, puis, pour la
Grèce, celle de L. Gernet. Enregistrant les conquêtes de la
psychologie et de la linguistique, ces derniers fonderont la
nouvelle science des mythes, fonderont également une nouvelle
science des religions. Enfin, cette idée des "fonctionnalistes" que
le mythe naît des contradictions de l'expérience humaine
n'annonce-t-elle pas l'une des conclusions de Cl. Lévi-Strauss
qui voit dans le mythe un outil logique opérant des médiations ou
des connexions entre des termes contradictoires (71) ?
En définitive, le plus gros écueil de l'interprétation
fonctionnaliste paraît bien être son refus de prendre en compte la
dimension symbolique du mythe. Malinowski est, sur ce point,
29

très clair, pour ne pas dire brutal : "expression directe du sujet sur
lequel il porte" le mythe n'est pas "une production symbolique"
(72) et l'auteur s'en prend tout spécialement aux psychanalistes,
"ces derniers venus, qui prétendent nous enseigner que le mythe
ne représente pas autre chose qu'un rêve diurne de la race et qu'il
n'est possible de l'expliquer qu'en tournant le dos aussi bien à la
nature qu'à l'histoire et à la culture pour descendre dans le marais
du subconscient, au fond duquel se trouvent relégués tous les
accessoires et symboles de l'exégèse psychanalytique courante"
(73).

3 - Le mythe, comme le rêve...?

Un peu comme Fontenelle - pour qui "tous les hommes se


ressemblent si fort" (74) - les psychanalystes mettent l'accent sur
l'universalité de certains schémas mythiques. Ils insistent,
surtout, sur leur ressemblance avec les motifs oniriques et en
déduisent qu'ils naissent de la même source : pour Freud et ses
disciples, le mythe, comme le rêve, raconterait ainsi, en images,
les méandres du psychisme humain.
Mais si, comme le dit André Green, le psychanalyste se
sent chez lui dans la mythologie - et plus encore s'il s'agit de celle
des Grecs - il faut bien reconnaître que l'historien, quant à lui, a
tendance à le considérer comme un intrus... Lorsqu'il lit
qu'Aphrodite est un "phallos métamorphosé" ou encore "le
phallos lui-même" ; lorsqu'on lui dit qu'Athéna est, tout
simplement, au niveau fantasmatique, "la virilité de son père", il a
quelque difficulté à penser qu'on parle le même langage que lui,
pire encore, que l'objet d'étude est le même. Et, s'il veut bien
admettre que ces divinités puissent être, effectivement, ce qu'en
dit Georges Devereux (75), il n'aura pas de mal à démontrer
qu'elles sont bien plus, et bien autre chose.
On peut trouver aussi, comme G. Kirk, que, dans ces
explications que donnent les psychanalystes des mythes grecs, le
détail, trop souvent, "ne colle pas" (76)... Le détail et, disons-le,
un peu plus, parfois, que le détail. Nous ne reprendrons pas, ici,
le dossier d'Oedipe, avec, ou, comme le préfère Jean-Pierre
Vernant, sans complexe, mais nous aurons, dans la suite de notre
étude, l'occasion de revenir sur l'interprétation que propose
Philip Slater des rapports ambigus qui à la fois unissent et
opposent Héraclès à Héra (77). Pour lui Héra, c'est la mère
d'Héraclès, et toutes les femmes de sa légende - épouses ou
maîtresses-symbolisent, au fond, la même relation... Là encore,
30

le détail ne respecte qu'imparfaitement la réalité : l'adoption, dans


le mythe, ne peut traduire la maternité. Là non plus
l'interprétation elle-même ne convient pas : on ne peut confondre
Héra et Déjanire, Mégara ou Hébé... pour ne pas parler
d'Omphale ; et surtout il ne fait aucun doute que les rapports du
héros et d'Héra exprimèrent, pour les Grecs, bien autre chose que
"l'amère ironie de la relation entre la mère et le fils".
H faut donc bien reconnaître qu'en ce qui concerne le mythe
grec, la démarche psychanalytique n'a pas toujours été, jusqu'ici,
très éclairante (78). Affirmer, comme le fait N. Nicolaïdis (79)
peuple"
que le mythe
(p. 192)
se construit
peut encore
pour
paraître
"mettre- en
même
forme
s'il les
estdésirs
désormais
d'un
tenu compte de la spécificité culturelle - à la fois réducteur et
globalisant. Réducteur, dans la mesure où l'expérience humaine
se résume difficilement à l'expression de sa libido ; globalisant,
dans la mesure où tout discours, qu'il soit produit ou reproduit,
met en scène des groupes ou des catégories sociales dont le
rapport "aux pouvoir-dire et aux savoir-dire" n'est pas, comme le
fait remarquer J. Jamin, sans influence sur le discours (80). Bref,
la démarche psychanalytique ne permet guère de s'interroger sur
les conditions sociales d'exercice de la parole, conditions qui,
bien manifestement, en infléchissent et le sens et la valeur.
Moins réductrices, sans doute, sont les théories de Jung et
de Kérényi pour qui le symbole se situe moins "dans les marais
du subconscient" pour reprendre l'expression péjorative de
Malinowski que dans un inconscient collectif capable de saisir ce
qui dépasse les limites du concept (81). Et leur vision du mythe
nous paraît beaucoup plus juste, qui met en oeuvre à la fois des
données objectives, celles de l'univers ambiant et un apport
subjectif, celui par lequel la psyché transforme en symboles ces
données objectives.
Moins réductrices également, et plus riches de perspectives
historiques sont les études de Georges Devereux, qui, de plus,
connaît bien le maquis de la mythologie grecque et le milieu
socio-culturel qui l'a vu naître. Jamais, en effet, l'inventeur de
l'ethno-psychiatrie ne présente l'explication psychanalytique
comme la seule valable, comme le recours ultime. Bien au
contraire, d'autres -dit-il- sont "non seulement possibles, mais
souhaitables".. .puisqu'une interprétation psychanalytique, qui part
du dedans de l'homme, est possible, une interprétation sociale,
qui part "du dehors", est également possible et constituera le
complément de l'interprétation psychanalytique. Pour Georges
Devereux, un mythe (comme un rêve) qui ne serait expliqué que
d'une manière ne serait pas complètement expliqué (82).
31

C'est dans cet esprit, semble-t-il, que nombre de


psychanalystes abordent désormais le mythe grec : c'est une
réflexion analogue qu'ouvrant la colloque de Deauville, en 1981,
R. Diatkine appliquait, pour sa part, à la genèse et à l'évolution
des mythes. "Produits d'une élaboration collective, tant dans leur
histoire la plus reculée que dans leur transmission", ils sont
l'affaire de "la cité" (précision, bien sûr, par trop restrictive) et
c'est à ce travail collectif que le psychisme individuel a apporté
sans cesse des matériaux. Encore ces éléments furent-ils "soumis
à un traitement compliqué aussi bien pour devenir un récit
commun que pour répondre aux nécessités sociales et historiques
du groupe" (83). C'est dire, et les psychanalystes le disent, que
personne aujourd'hui
superficielles" d'antanne
(84).
peutC'est
plus àsedire
satisfaire
qu'ils ne
desprétendent
"formulations
plus
que rarement détenir à eux seuls la clef de ces "personnages" que,
d'ailleurs, ne sont pas les héros ! (85). Et, si l'historien des
mythes, finalement, gagne beaucoup à la lecture de certains de
leurs ouvrages, c'est parce qu'il a lui-même beaucoup à
apprendre de ces processus qui trop souvent lui échappent et par
lesquels le mythe intègre, mais aussi transforme profondément les
éléments de l'expérience humaine. Comment comprendre, par
exemple (nous aurons l'occasion d'y revenir) les rites et, par
conséquent, les mythes initiatiques sans le secours de la
psychanalyse qui seule éclaire vraiment les rapports ambigus qui,
dans le psychisme humain, se tissent entre masculin et féminin et
déterminent - les anthropologues l'ont compris depuis longtemps
- tant de pratiques ou de récits dont la cohérence, au premier
abord n'est pas évidente ? (86).
"Le mythe tout entier", écrit G. Devereux, "tout autant que
chacun de ses éléments est surdéterminé" (87) et la psychanalyse
est, sans nul doute, l'une des façons d'expliquer cette
"surdétermination", cette "majusculisation" qu'opère le mythe, de
comprendre comment s'effectue, sous-tendue et parfois
déterminée par les activités de l'inconscient, la mise en forme
mythique des événements, pratiques, croyances... Bref de tout ce
qui constitue le "vécu" de l'homme, son histoire.

4 - Le mythe "Discours ultime" ?

C'est encore cette "surdétermination" ou cette


"majusculisation" opérée par le mythe que retiennent les "Symbolistes" pour
qui le mythe représente le "discours ultime" (88).
32

Pour J. Rudhardt, par exemple, le mythe exprime ainsi un


"vécu global" que ne pourrait pas percevoir la pensée conceptuelle
sans le désintégrer ; il est, pour les Grecs, "le moyen d'exprimer
leur pensée sur des sujets singuliers, en rattachant de telles
pensées particulières au sens sacré de toutes choses" (89). Loin
d'être une forme "inférieure" de la pensée le mythe serait donc
l'instrument par excellence capable de dévoiler le sens de
l'expérience humaine, "le dernier mot prononçable" au sens où
van der Leeuw admet que le sens religieux est celui auquel ne
peut accéder aucun sens plus profond. Comment alors
pourrait-on comprendre le mythe grec ? Il faudrait pour cela
"refaire soi-même l'expérience intérieure dont il fut conjointement
l'expression et l'instrument" (90), démarche que l'auteur
reconnaît irréalisable. De plus, quand bien même en aurait-on
saisi le sens, on ne saurait que le suggérer, puisque l'exprimer en
termes conceptuels serait, nous l'avons vu, l'abolir.... Théorie
qui, pour avoir le mérite d'inciter à la prudence, ne doit pas pour
autant conduire au renoncement, à l'abandon de toute attitude
scienfique.

5 - Le mythe, un langage à décoder ?

On le savait, et l'on aura senti, une fois de plus, tout au


long de cette mise au point, le débat contemporain sur le mythe
porte en lui la marque profonde du structuralisme, théorie pendant
de longues années hégémonique, en ce domaine en tout cas. C'est
une véritable coupure épistémologique qui s'introduit lorsque,
appliquant au mythe le modèle de la linguistique structurale, on
déplace l'attention du chercheur, de la chaîne syntagmatique du
récit qui l'occupait jusqu'alors, sur ses unités constitutives (les
mythèmes) et les relations qui les unissent (ou opposent) en
système. Dans son Anthropologie struturale, Claude Lévi-Strauss
appliquait lui-même sa méthode à la Grèce, en "décodant" le
mythe d'Oedipe (91) et, si les hellénistes refusaient généralement
cette lecture (92), certains d'entre eux allaient reprendre et parfaire
l'analyse, l'appuyant sur une connaissance approfondie "du
contexte ethnographique" dont Lévi-Strauss avait d'ailleurs
montré le rôle essentiel dans le déchiffrement de la geste
d'Asdival (93).
Vingt ans après cette "vague structuraliste" Marcel Détienne
s'interroge "d'abord pour avoir cru, en bonne et amicale
compagnie, que, sur ce territoire, une réflexion théorique neuve
allait permettre d'écrire une vraie grammaire du langage
33

mythique, après quelques années de pratiques et de formes


d'analyses inédites" (94). Faut-il voir là l'aveu d'un échec ? la
démission du "théoricien" que paraît encore attendre la conclusion
du même ouvrage ? (95).
Ce serait oublier que les recherches ainsi conduites ont
souvent fait apparaître le sens profond d'un mythe qu'une lecture
de surface laissait échapper, oublier qu'on leur doit les analyses
parmi les plus pénétrantes jamais consacrées à la mythologie :
celles que Jean-Pierre Vernant, singulièrement, a données du
mythe des Races, des mythes de Pandore et de Prométhée chez
Hésiode (96) ; ce serait oublier d'une façon plus générale,
l'intérêt des travaux du groupe des Hautes Etudes, même si, au
fur et à mesure de leur développement, d'aucuns se laissaient peu
à peu prendre au piège de ce qui, facilement, pouvait se figer,
devenir un formalisme... un formalisme lourd des dangers dont
on le sait porteur et qu'avouent trop souvent les procédés
répétitifs et les "tics" de langage bien connus! N'est-ce pas, là
d'ailleurs, la raison du désenchantement perceptible dans le
dernier livre de Marcel Détienne ? (97).
Incontestablement, après l'engouement des premières
années, l'analyse structurale pose problème. Problème qui se
situe peut-être au niveau du "modèle" lui-même, c'est-à-dire de
l'application à l'étude du mythe des méthodes de l'analyse
linguistique.
dire" - et c'estLe
Roland
mythe,Barthes
certes, qui
est parole,
l'affirmemais
- "qu'on
"cecidoive
ne veut
traiter
pas
la parole mythique comme la langue" (98). Le mythe relève, en
fait, de la sémiologie, mais - et là encore l'auteur de Mythologies
l'a très bien expliqué - c'est un système sémiologique second : en
effet, ce qui est signe (il entend par signe le "total associatif' du
signifiant et du signifié) dans le premier système, celui du
langage, devient simple signifiant dans le second, celui du
mythe... système agrandi, décalé "déboîté" donc par rapport à
celui du langage qui préexiste au mythe. Le troisième terme de
cette chaîne sémiologique nouvelle - celle du mythe - n'est plus
alors le "signe", il est la "signification"... Un mot que l'auteur
justifie par la double fonction du mythe : certes "il désigne et il
notifie", mais encore "il fait comprendre et il impose" (99). Une
telle analyse montre à la fois la nécessité d'une approche formelle
du mythe, mais aussi ses limites. Citons encore une fois Roland
Barthes : "c'est le jeu intéressant de cache-cache entre le sens et la
forme qui définit le mythe" (100).
C'est encore le modèle même de l'analyse structurale du
mythe que critique P. Ricoeur, lorsqu'il suggère de faire place, à
côté du modèle structural qui conduit à accentuer la texture
34

syntaxique du mythe, au modèle métaphorique qui permet de


mettre en valeur le jeu interne des contenus sémantiques
eux-mêmes (101). Et cela d'autant plus que, si les mythes étudiés
par Lévi-Strauss multiplient les constructions de type
classificatoire et par là même se prêtent bien à l'analyse
structurale, les mythes grecs (comme ceux de tout le domaine
indo-européen et sémitique) ont une richesse sémantique telle
que, permettant des réinterprétations dans des contextes sociaux
variés, elle leur donne une relation différente au temps et à
l'histoire (102).
Le temps et l'histoire. C'est là précisément que se situe la
difficulté de l'interprétation "structuraliste" pour l'historien qui,
bien souvent, a l'impression qu'elle n'épuise pas l'intelligence
des mythes (103). On peut en juger dans les études, au reste
remarquablement intéressantes, que N. Loraux a récemment
consacrées aux mythes de l'autochtonie athénienne (104). Contre
"l'autonomie souveraine du discours mythique" (105) l'auteur
affirme "qu'il n'est pas de mythe qui soit totalement autonome à
l'égard du réel" et forme le projet "de lire, en historien, des
mythes dans leur ancrage civique", méthode avec laquelle nous ne
pouvons qu'être d'accord et c'est très certainement ce souci
constant de retrouver le mythe, dans la cité, "tissé dans la
multitude de ses manifestations et de ses discours" (106), qui
rend si pertinentes et si convaincantes les réflexions consacrées à
"l'impossible figure athénienne de la femme" (107).
Mais peut-on en rester là ? Dire que le mythe "est toujours
déjà là dans la cité" ? ... Parier "que c'est la cité qui parle,
là-même où le mythe raconte des histoires saugrenues", n'est-ce
pas encore mutiler le mythe, ou en tout cas le fixer, le priver de
son contenu dynamique ? En témoigne, à notre sens, la figure
centrale de l'autochtonie athénienne : Athéna, la divinité poliade.
Elle est, pour N. Loraux, ce qu'en dit la cité : la Parthénos "image
rassurante d'une féminité entièrement absorbée par le service de
Yandreia " (108). C'est joliment dit - et de plus c'est juste -, mais
Athéna n'est-elle que la Parthénos ? La déesse de l'arbre et du
serpent sur l'Acropole, la "Dame du palais" aux fonctions
beaucoup plus complexes ne peut-elle, en aucune manière,
expliquer la Poliade, et le mythe, qui n'est pas né dans la cité,
n'était-il pas déjà "tissé dans la multitude des manifestations et
des discours" de cette société d'avant la cité, de ces temps où,
pour les Grecs déjà, s'emmêlent la mythologie et l'histoire ?
Même si la cité l'adopte, le transforme au point de le
resémantiser, le mythe n'aurait-il rien conservé de son contexte
historique et social primitif ? Encore une fois, peut-on ainsi
35

effacer le temps ?
Et encore : "Il n'y a pas de mythe qui soit totalement
autonome à l'égard du réel", écrit, nous l'avons vu, N. Loraux,
et elle poursuit "que l'on donne à ce réel un contenu "réaliste" ou
qu'on le définisse comme l'ensemble des représentations
partagées dans la cité" (109). Que ces "représentations" existent et
très fortement, c'est bien évident, qu'elles apparaissent "partagées
dans la cité" c'est presque aussi évident, qu'elles entrent au
nombre des données à partir desquelles s'élabore le mythe,
l'auteur le souligne à juste titre. Mais cet "imaginaire" - dont on
parle beaucoup - faut-il lui donner même statut qu'au réel ? Il
existe, bien sûr, mais pour qui ? pour tous les Athéniens ? ou
pour certains d'entre eux seulement ? ou plus exactement quelle
est la situation de ces Athéniens face à ces représentations :
sont-ils acteurs ? sont-ils objets ? C'est là me semble-t-il qu'un
rejet trop catégorique du fonctionnalisme peut créer l'illusion. Le
mythe grec "fonctionne" lui aussi ; même lorsqu'il est écrit,
lorsqu'il est interprété, il l'est dans un contexte historique et
social dont il constitue encore l'une des productions. Faire du réel
sur lequel il s'articule un imaginaire valable pour tous n'est-ce pas
tomber dans l'illusion intégratrice du mythe ? n'est-ce pas
oublier, comme le rappelle fort utilement J. Jamin, que la parole
se trouve prise dans un réseau social qui n'est pas sans la
déterminer? (110)

6 - Le mythe, "Un jeu de cache-cache entre la forme


et le sens11

Il ne pouvait être question de refaire ici une histoire de la


science des mythes ; aussi nous sommes nous contentée
d'envisager les principales approches sans à priori, refusant
d'opposer doctrines périmées et méthodes nouvelles hors
desquelles point ne serait de salut, cherchant au contraire à
retrouver dans quelle mesure chacune d'elles pouvait concourir à
l'étude du mythe, en constituer l'une des possibles lectures.,
lectures qui toutes méritent d'être prises en compte si l'on veut
dépasser l'explication partielle, schématique et mutilante et donner
du mythe une vision globale. Quant à l'analyse structurale
inspirée de Lévi-Strauss, s'il faut reconnaître qu'il n'est plus
possible, depuis, de poser dans les mêmes termes les problèmes
anciens, on peut
synchronie" (111)remarquer
qu'à sa suite
aussi
avaient
que lefait
"pari
certains
en faveur
hellénistes
de la
s'est, à l'usage, sagement nuancé (112) ou qu'il provoque
36

aujourd'hui de sérieux doutes chez ceux qui ont tenté de le tenir le


plus loin possible (113). J'ai, quant à moi, fait l'expérience, au
cours de mes recherches, que, même dans le domaine du mythe
qui paraissait si bien lui convenir, l'historien ne pouvait se
satisfaire de l'analyse structurale, alors même qu'elle s'impose à
lui comme une étape nécessaire.
Pragmatisme, éclectisme ? Je n'en crois rien et je ferai
mienne, sur ce point, cette profession de foi de Roland Barthes :
"l'important, c'est de voir que l'unité d'une explication ne peut
tenir à l'amputation de telle ou telle de ses approches, mais,
conformément au mot d'Engels, à la coordination dialectique des
sciences spéciales qui y sont engagées" (114).
D'ailleurs, le mythe est-il toujours et partout justiciable du
même traitement ? Pour retrouver Héraclès, la version que donne
Diodore de Sicile de la geste occidentale du héros, peut-elle être
simplement considérée comme une "variante" des travaux
d'Héraclès chez Homère ou chez Hésiode ? Certainement pas
(115).
Pour réduire la difficulté que présente une approche
multiforme, et sans pour autant partager une conception du mythe
conçu comme "module de l'histoire", (116) j'emprunterai aux
recherches de Gilbert Durand la distinction qu'il établit entre ce
qui dans le mythe est pérennité : son "aspect sempiternel" et ce
qui est dérivation (l'excès de dérivation pouvant aboutir à un
seuil critique où "se perd le fil conducteur de l'ensemble du
mythe", où "s'use le mythe") (117). Cette distinction fort
pertinente, et qu'on peut d'ailleurs retrouver, sous des formes
voisines, chez d'autres théoriciens (118), justifie, nous
semble-t-il, une démarche qui, tout en respectant la spécificité du
mythe, rend toute sa place à l'histoire. L'étude même des
dérivations, justiciables parfois d'explications évhéméristes,
accidentelles, d'explications au niveau de l'événement, - au sens
le plus large - justiciables aussi, dans certains cas, d'analyses
structurales, ne permettrait-elle pas de mieux comprendre, de
mieux atteindre, ce qui, dans le mythe, est "pérennité", ce qui se
maintient toujours. Qu'on ne s'y trompe pas, il ne s'agit pas de la
recherche du "mythe introuvable" à laquelle se refuse Marcel
Détienne (1 19), mais d'un essai pour cerner au plus près, au-delà
des réinterprétations multiples, des resémantisations qui sont le
fruit de l'histoire, ce pourquoi dure cette "prégnance symbolique"
dont parle E. Cassirer. Dans ce va-et-vient continu entre le monde
du rêve et celui de la réalité objective (120) c'est peut-être la part
du "rêve" que nous devrons laisser, mais le plus tard possible,
aux symbolistes le soin d'élucider (121).
37

?? - DES MOTS ET DES IMAGES (122) : AUX SOURCES


DU DISCOURS MYTHIQUE

DES MOTS... Le mythe est, avant tout récit. Notre


documentation, en conséquence, restera, pour l'essentiel celle des
textes, et, préciserons-nous, des textes littéraires. Il nous
arrivera, certes, d'utiliser telle ou telle inscription. Qu'un
document épigraphique de Malte, par exemple, traduise :
Notre Seigneur Melqart, maître de §or (Tyr) par '??a????-
??????tt?G (123), ne soit pas indifférent pour notre propos, on le
comprendra sans peine... Qu'il ne soit pas sans intérêt non plus,
de lire, sur un bloc calcaire trouvé aux confins des territoires de
Sélinonte et de Ségeste qu'un sanctuaire à Héraclès existait (là ?)
dès le tout début du Vlème siècle (124), cela ne fait aucun doute.
Reste que les inscriptions, liées au culte beaucoup plus qu'au
mythe, ne seront guère évoquées qu'à titre documentaire, et à
l'appui de tel ou tel point de notre développement. Elles ne seront
jamais la substance de notre recherche et on ne doit pas s'attendre
à trouver ici une étude épigraphique.
Tout autre, bien sûr, se présente l'utilisation du texte
littéraire, fondement même de notre travail. Partie d'un corpus
relativement circonscrit : les textes qui - grecs ou latins - évoquent
le mythe des pommes d'or et celui de Géryon, nous avons
rapidement pris conscience, au moment même où évoluait notre
conception d'ensemble du sujet, de la nécessité d'ouvrir plus
largement ce corpus. La seule présentation du héros le prouvait,
qui, dans nos première pages invoquait sans exclusive les
premiers textes portant témoignage sur le fils de Zeus et
d'Alcmène. Nous en userons de même avec les grandes
synthèses mythographiques : chez Diodore, loin de nous limiter
au récit des dixième et douxième exploits, c'est, très rapidement
toute la geste occidentale d'Héraclès, puis, non moins
nécessairement, l'ensemble de cette véritable biographie romancée
que reconstitue Diodore qu'il nous a fallu prendre en
considération. De même chez Apollodore c'est la totalité de la vie
du héros et même, en ce qui concerne certains termes du
vocabulaire, l'ensemble de l'oeuvre, qui nous ont retenue, et non
seulement les dixième et onzième "travaux" auxquels d'ailleurs -
nous y reviendrons - cet auteur donne un assez faible
développement
"matière"
Cettemythique.
"inflation",
Lorsque
on le
la possibilité
voit, ne s'est
nouspas
en alimitée
été donnée,
à la
38

nous avons utilisé cet outil incomparable qu'est l'ordinateur


(125), en ce qu'il facilite l'étude exhaustive du vocabulaire et peut
ainsi donner accès à une autre vérité du texte, atteindre
l'imaginaire, conscient ou inconscient, de l'auteur. Plus
modestement, nous nous sommes toujours refusée à traiter le
mythe comme un élément à part, qu'il serait possible
d'appréhender et d'analyser seul. C'est dans leur rapport les unes
avec les autres, et en fonction les unes des autres que se
comprennent bien, non seulement les différentes manifestations
du fait religieux, mais encore les représentations les plus diverses
du monde et de l'action humaine. Prendre en considération le
thème initiatique qui transparaît si vivement dans la séquence
mythique opposant Héraclès à Géryon, l'adversaire triple, dans la
conquête
"motif' dudes
voyage
fruitsvers
d'orl'Ouest,
ou, plus
impliquait
généralement
une recherche
encore, dans le
domaine des cultes et des pratiques d'intégration sociale auxquels
le héros, d'une façon ou d'une autre pouvait être lié... supposait,
en conséquence, la référence à d'autres auteurs que les
mythographes, aux historiens peut-être, à Pausanias, surtout,
qui, dans sa Périégèse a laissé une description si minutieuse des
cultes et des usages des cités grecques, aux auteurs tardifs enfin,
souvent si précieux (126). De même une interrogation à la fois
plus générale et plus profonde sur la notion même de "travaux"
appliquée aux exploits d'Héraclès (dits athloi, mais aussi ponoi,
mochthoi, voire erga) impliquait un élargissement de l'enquête à
la réalité si complexe du travail en Grèce... (127). On aura bien
d'autres exemples de telles extensions du champ d'enquête
rendues nécessaires par notre conviction que seule une conception
synthétique de l'histoire est susceptible de rendre intelligible cette
recherche des articulations et des équilibres que peut révéler le
mythe.
C'est ainsi d'un corpus démesurément étendu que nous
avons dû disposer. De ce corpus, il ne pouvait plus être question
- c'était pourtant notre idée première - de donner une présentation
intégrale. Nous avons choisi un autre parti, confortée en cela par
une certitude de plus en plus ferme au fur et à mesure que se
poursuivaient nos recherches : 1 Héraclès des poèmes homériques
(et ce singulier est déjà fort abusif) n'est pas celui de Pindare.
Celui des Tragiques (et, là encore, comment confondre le héros
d'Euripide et celui de Sophocle !) n'est évoqué que d'assez loin
par le "personnage" des biographies reconstituées par les
mythographes !... Autant de remarques qui seraient simples
truismes, s'il n'était pas aussi fréquent - dans les analyses
39

plat"
structurales
et toutes
enensemble
particulier
constituer
- de voir
le toutes
corpusces
d'une
sources
seule "mises
et mêmeà
grille de lecture. Les méthodes nouvelles de lecture du texte ont
permis, en atteignant ses niveaux les plus complexes, de lire,
dans son fonctionnement, à la fois le reflet des données objectives
d'une époque, d'une société, et celui de l'imaginaire d'un auteur.
Elles confirment notre impression qu'une utilisation, sur le même
plan, des sources - des plus archaïques aux plus tardives, des
plus construites aux plus ténues -, que l'élaboration d'une grille
de lecture qui refuserait la constante référence à telle époque, à
telle société ne pourraient que fausser les perspectives...
Remarque qui plaide, bien sûr, pour une reprise en considération
de la diachronie et d'un contexte qu'on peut dire ethnologique,
tout aussi bien qu'historique, mais qui va bien au delà : en
témoignent deux auteurs qui tous deux se réfèrent à la mise en
ordre, relativement tardive, de la mythologie, et qui nous ont
laissé les deux synthèses '"majeures" des faits et gestes du héros
que nous avons choisi d'étudier.
Que Diodore de Sicile, dans la longue notice qu'il consacre
à Héraclès, s'inspire d'une Géryonide composée à Himère - une
colonie grecque aux frontières de la zone d'influence des
Phéniciens - n'est pas sans conséquence sur la vision qu'il a et
qu'il donne du héros (128)... Qu'Apollodore, au contraire, tire la
plus grande partie de son récit des dixième et onzième travaux du
fils d'Alcmène d'une source purement grecque, Phérécyde,
explique que des "exploits" apparemment identiques soient à la
fois les mêmes (129) et témoignent d'une "philosophie" fort
différente (130). L'auteur athénien, en effet, au Vème siècle,
résume dans l'expédition contre Géryon le voyage d'Héraclès aux
marges occidentales du monde, alors que la localisation du jardin
des Hespérides dans l'extrême Nord paraît obéir, dans son esprit,
à la volonté de meubler l'univers entier des actions retentissantes
du héros. Mais plus que de telles divergences dans la géographie
des travaux, c'est la conception du héros qui nous retiendra. Dans
la Bibliothèque d'Apollodore, l'image d'Héraclès reste archaïque
et son mythe assez proche - nous y reviendrons - des sources
primitives ; celle de Diodore fortement empreinte d'évhémérisme
rationalise le mythe et le transforme profondément
Tout autre encore nous apparaît l'image d'Héraclès qui, tel
un tableau impressionniste, se compose à la lecture de Pausanias.
Ces multiples touches faites de l'observation de cultes ou
d'usages locaux, de quelques récits mythiques évoqués au hasard
de ses promenades rendent bien compte de la représentation que
40

pouvaient se faire du héros non plus seulement un poète, non


plus les mythographes ou les "docteurs" auxquels ceux-ci se
réfèrent si fréquemment, non plus une aristocratie sociale ou
religieuse qui bien souvent est la seule à s'être exprimée, mais,
pour une fois, les usagers du culte, les "destinataires" de la parole
mythique qu'il est trop facile de confondre sous le dénominateur
commun de Grecs.
Nous avons cherché à tenir compte de telles différences
dans l'utilisation de nos sources : pas de présentation globale, pas
de grille de lecture qui leur donne même statut : une volonté, au
contraire, d'insister sur ce qui les individualise et fait l'intérêt
majeur de chacune d'elles. A Pausanias nous demanderons de
nous éclairer sur les rapports que, dans tant de cités grecques (ou,
nous le verrons, sur leurs marges indécises), le héros entretient
avec la jeunesse et, plus précisément avec les pratiques
d'intégration qui l'introduisent dans le monde des adultes (131).
C'est en revanche dans le récit de Diodore que nous chercherons
à comprendre comment, pour les colons grecs d'Occident, le
voyage vers l'ouest d'Héraclès, préfigurant leur expansion
propre, a fait du héros le paradigme de VArchégète, le modèle de
leur action acculturatrice... C'est enfin à la Bibliothèque
d'Apollodore que nous aurons recours pour tenter de retrouver
trace des éléments les plus archaïques du mythe, des héritages
anciens... Je ne dis rien ici du témoignage qu'il est convenu
d'appeler "homérique" (132), rien non plus d'Hésiode. Ils furent
notre point de départ, ils resteront la référence constante, obligée
et comme le pivot de notre recherche. Je ne dis rien non plus de
tant d'auteurs qui sur tel ou tel point - et non des moindres -
auront un rôle capital. Il faut bien, ici, simplifier. Qu'on sache
bien cependant que, si, à tel moment ou à tel autre, l'utilisation
d'un auteur est privilégiée, elle n'est, bien sûr, jamais exclusive.
Peut-être entre-t-il une certaine part de "jeu" dans cette option,
après mûres réflexions, librement choisie. Elle nous paraît surtout
présenter l'immense avantage de réunir, dans un même effort
d'unité, l'approche des sources et le projet d'ensemble. Par delà
les diversités d'interprétation où nous pourrons retrouver trace
des dérivations successives de la légende, ce qui, chez tous ces
auteurs rendra le même son, nous permettra, nous l'espérons,
d'atteindre à la "pérennité" du mythe (133).
41

DES IMAGES... "Le mythe est une parole" disait Roland Barthes
(134). Le définir ainsi n'est pas le limiter ; nombreuses, en effet,
sont les formes que peut prendre cette parole ; l'image en est une,
par exemple, qui, système de communication au même titre que le
discours - qu'il soit oral ou écrit - est, elle aussi, "message"
(135).
Il nous paraît commode, pour dire ce que nous attendons de
l'image comme source de notre étude, de reprendre la distinction,
appliquée aux "produits des temps culturels" par M. Foucault
entre le document - qui peut se lire de manière directe, en fonction
du réfèrent que l'on a soi-même posé - et le monument qui doit
être considéré du point de vue de sa logique interne, de ce qu'il a
à dire en tant que tel (136). L'image est à la fois l'un et l'autre et il
n'est pas question ici, de privilégier l'un par rapport à l'autre.
L'image-document, l'image-témoignage pourrait-on dire aussi,
est ce qu'est tout vestige archéologique : jalon chronologique,
signe d'une présence. Une présence qu'il nous sera souvent bien
utile de rencontrer... telles ces représentations d'un
Héraclès-Melqart par exemple, qui, tant à Chypre que sur la côte
syrienne - et très vite pensons-nous à Rome même (137) -
traduisent l'assimilation du héros grec et du dieu tyrien plus d'un
siècle avant qu'Hérodote nous en donne l'attestation formelle
(138).. tels ces portraits d'Héraclès sur les monnaies de telle ou
telle cité, de tel ou tel empereur (139)... telles surtout, reproduites
à l'envi sur les vases, ces images du héros luttant, tuant,
domptant, se reposant, et finalement pénétrant en vainqueur dans
la société des Immortels. La peinture, elle aussi, est d'abord
document, témoignage : lorsque K. Schefold reconnaît sur le
bouclier de Tirynthe - la première peinture monumentale que l'art
grec, dit-il, nous ait conservée - le triomphe d'Héraclès sur la
reine des Amazones, il ne peut être indifférent qu'autour du héros
soit née "l'une des premières images mythologiques qu'ait créée
la conception homérique de l'homme" (140). Lorsque V.
Karageorghis propose de lire, sur une céramique chypriote du
Xlème siècle, le combat du héros contre l'hydre (141), tout, dans
ce témoignage, nous intéresse : la date, le lieu, et, bien sûr, le fait
qu'un des premiers mythes attestés dans l'art grec soit ainsi celui
d'Héraclès... On sait pour en terminer avec cet aspect de la
question, tout ce que, dans un esprit semblable, H. Metzger a pu
tirer de l'étude des céramiques attiques du IVème siècle (142) :
faveur nouvelle pour certains épisodes de la légende, oubli de
certains autres, goût prononcé pour la représentation du repos
héroïque, évolution donc dans la conception du héros et de la
42

valeur attachée à ses actes.


La peinture cependant - et, en ce qui concerne la Grèce, on
peut préciser qu'elle est essentiellement celle des poteries
décorées - n'est pas un objet archéologique comme un autre. Au
flanc des vases en effet et dans le creux des coupes figurent et
agissent, non seulement les personnages de la vie quotidienne des
Grecs, mais aussi leurs dieux et leurs héros, déroulant ainsi sous
nos yeux (mais pas pour nos yeux !) de véritables scènes
mythologiques.
Le temps n'est plus où ces scènes n'étaient lues que comme
illustrations et, dans le meilleur des cas, compléments du texte.
Claude Bérard naguère, et d'autres après lui, ont rendu hommage
à ceux qui, comme Charles Dugas, ont su revaloriser la fonction
de l'image et poser de façon théorique le problème de ses rapports
au texte (143). De même que l'étude des textes a désormais
dépassé le stade de la philologie (exégèse et étude des filiations),
l'étude des vases peints s'est faite interrogation sur l'image
elle-même, sur les règles de sa construction, sur son contenu et,
de là, sur sa fonction... l'image est devenue "monument" pour
reprendre la terminologie de Michel Foucault, et c'est à créer une
véritable "sémantique de l'image visuelle" que travaillent
désormais les spécialistes (144).
Nous l'avons dit déjà, notre étude sera fondée
essentiellement sur les textes littéraires ; une thèse d'ailleurs est en
cours qui, analysant les "aspects de la légende d'Héraclès dans
l'art grec archaïque" (145), nous invite à ne pas développer outre
mesure l'aspect iconologique de la question. Il reste que nous ne
pouvons ignorer ce "discours sur les signes" qu'est l'analyse de
l'image, comme l'est aussi, on l'a déjà noté, l'analyse des
mythes. C'est Claude Bérard, en effet, qui remarquait à quel
point "l'imagerie est adaptée à l'expression de la mythologie", à
quel point "elles possèdent des affinités structurales qui les
rendent solidaires" (146).
Et il est vrai que, comme l'écriture qui traduit le mythe,
l'image "est formée d'une matière déjà travaillée en vue d'une

communication
lexis" (147), comme
appropriée",
eue toujours,
commeelle l'écriture
est, pour le
elle
mythe,
"appelle
matière
une
première, terme final d'une première chaîne sémiologique et
élément premier du système "agrandi", et "dérivé" qu'édifie le
mythe lui-même (148). Le sémiologue est ainsi fondé, selon
Roland Barthes, "à traiter de la même façon l'écriture et l'image :
ce qu'il retient d'elles, c'est qu'elles sont toutes deux des signes,
elles arrivent au seuil du mythe, douées d'une même fonction
43

signifiante, elles constituent l'une et l'autre un langage-objet"


(149).
On ne peut mieux résoudre le problème des rapports de
l'image et du texte : tous deux ont simplement, en ce sens, même
statut (150).
On peut, je crois, en ce qui concerne la Grèce et
singulièrement le discours sur le mythe, qu'il soit dit, écrit ou
figuré, aller plus loin : on connaît l'importance, pour la
mythologie, de l'épopée homérique et, au delà, de cette longue
tradition de poésie orale qui finit par s'organiser, se figer,
s'écrire. Processus impossible à reconstituer, en ce qui concerne
la Grèce, mais sur lequel, me semble-t-il, l'Orient peut apporter
quelque lumière avec la multiplicité des textes qui, du Vème au 1er
millénaire, racontent la même épopée de Gilgamesh (l'exemple
bien sûr n'est pas pris au hasard). Ici chaque version a trouvé son
écriture, des premiers éléments sumériens aux tablettes plus
complètes de la bibliothèque d'Assurbanipal au Vllème siècle, en
passant par les exemplaires de la première dynastie babylonienne
et même les fragments hittites... Une aventure qui invite à songer
à la longue histoire des mythes grecs, une histoire dont les
sources littéraires ne donnent que l'aboutissement... la partie
émergée de l'iceberg, en somme.
Or les traits spécifiques de cette tradition orale sont
maintenant mieux connus, grâce aux travaux de M. Parry et de
son disciple A.B. Lord et aux comparaisons qu'ils inaugurèrent
avec les sociétés contemporaines où l'oralité est encore la règle
(151). On connaît bien, maintenant, la stratégie discursive du
style formulaire. Reprenons, par exemple, la définition que donne
de ce mode d'expression P. Zumthor (152) : "Le style formulaire,
dit-il, enchâsse dans le discours, au fur et à mesure de son
déroulement et intègre en les y fonctionnalisant, des fragments
rythmiques et linguistiques empruntés à d'autres énoncés
préexistants, en principe appartenant au même genre et renvoyant
l'auditeur à un univers sémantique qui lui est familier", et pour
M. Parry qui
homériques" c'estélabora
tout un système
sa théorie
de formules
à partir
quedes
met"épithètes
en oeuvre
le poème épique, formules reliées entre elles par des rapports
complexes d'équivalence, de complémentarité ou d'oppositions
soit sémantiques, soit fonctionnels.
Si nous abordons ici ce problème du style formulaire, c'est
qu'il nous paraît évoquer d'assez près ce "trésor" d'objets, de
signes, de formules que retrouvait Claude Lévi-Strauss dans l'art
brut, ces "unités formelles", cet "ensemble d'éléments déjà
44

constitué, fixé et donc limité" dont usent les imagiers de la Grèce


selon Cl. Bérard (153).
Et il est bien vrai que l'image est une formalisation du réel
beaucoup plus qu'une représentation du réel, que le cadre de
l'image crée un espace autonome, que les personnages
représentés sont des "catégories" plus encore que des portraits
(154), que pour être lisible par ses destinataires l'image doit
opérer des sélections, utiliser des codes compréhensibles par tous
(tel attribut : la massue par exemple ou la léonté, suffira ou aidera
à identifier le héros : Héraclès)... toute cette combinatoire de
signes, tout ce vocabulaire de l'image qui, comme la formule,
renvoient le destinataire à un univers qui lui est familier, c'est ce
que l'analyse de l'image doit permettre de décrypter. Alors,
autant, sinon plus que le texte, l'image permettra de retrouver ces
"attitudes fondamentales" d'une époque, s'il est vrai - et il semble
bien que ce puisse l'être - que les unités essentielles des sociétés
apparaissent comme des unités de représentation (155).
Encore faut-il, dans cette étude, ne pas perdre de vue la
perspective diachronique : le récent travail de J.M. Moret le
prouve, qui, étudiant alternativement les thèmes légendaires de
rilioupersis dans la céramique italiote puis les formes et procédés
de composition, montre bien comment le même "motif', celui de
la saisie par les cheveux, par exemple, voit son sens évoluer au
cours des siècles. S'il indique nettement, à l'origine, que l'un des
adversaires sera mis à mort, ce sens premier s'est déjà affaibli au
Vème siècle ; il s'est perdu tout à fait au IVème siècle, puisqu'on
l'applique systématiquement à la représentation du rapt de
Cassandre par Ajax, et qu'il s'introduit même dans les scènes
d'enlèvement amoureux (156).
L'auteur, à ce sujet, fait remarquer que, si l'archéologue
peut, dans la mesure où il dispose d'un matériel s'étendant sur la
longue durée, embrasser "d'un seul regard toute l'histoire d'un
thème iconographique", la position des anciens - et des peintres
en particulier - était bien différente dans la mesure où la fragilité
du matériel et l'habitude d'enterrer les plus beaux vases avec les
morts les privaient de cette vision synthétique : eux n'ont pu
connaître "qu'une portion infime de l'immense production que les
fouilles nous ont restituée" (157). Ainsi s'explique, sans doute,
l'évolution de ces "codes" qu'on aurait tort de croire immuables,
le principe d'analogie jouant - Panofsky déjà l'avait montré - un
rôle déterminant dans ces transformations iconographiques,
comme, d'ailleurs, dans l'évolution des langues (158).
Une conséquence : si nous voulons tenter de retrouver, par
45

la médiation de l'image - comme par celle du texte littéraire - la


façon dont, comme le disent d'aucuns, les Grecs "se donnent à
voir",
social"sidont
nousonvoulons
peut se demander
reconnaîtres'illeest
travail
ausside
homogène
cet "imaginaire
que les
mêmes veulent bien le dire, il faut donc tenir compte - il nous plaît
de l'avoir vu démontrer - de la diachronie. Il faut aussi tenir
compte de cette double sphère, ou, comme le dit G. Livet, de ce
double espace dans lequel se développe l'image : l'espace
intérieur de la créativité, l'espace extérieur - qu'on pourrait
appeler l'espace social - de la diffusion, l'un et l'autre établissant
entre eux, bien
inconscients" et qui
sûr,"se
"tout
fontun
miroir"
système
(159).
de relations, d'échanges

Encore une fois le processus évoque la poésie orale et


singulièrement, les "péripéties de ce drame à trois qui se joue...
entre l'interprète, l'auditeur et le texte" (160) et qu'on a pu
observer aussi bien chez les Manobo des Philippines que chez les
Mossi du Burkina Faso, dans les tavernes yougoslaves où Parry
venait écouter les récits du guslar, ou chez les nomades Kirghiz
de Radloff.
Partout le récitant - et sans doute en allait-il de même de
l'aède en Grèce - adapte son récit à l'auditoire, module le ton, le
geste, mais aussi l'ordonnance même du récit. Radloff a vu ainsi
les chanteurs épiques d'Asie Centrale intégrer des généalogies
flatteuses pour les nobles, critiquer vertement les riches devant les
pauvres... essayer même de s'adapter au public que constituait
Radlofflui-même!(161).
Si ce "contrôle social" de l'auditeur se fait moins direct (et
encore) avec le spectateur de théâtre et surtout avec le lecteur, le
peintre, comme le potier, reste, - cela paraît logique - beaucoup
plus dépendant de sa clientèle, puisqu'il faut bien oser donner sa
réalité
"récepteur"
économique
! à l'image quelque peu désincarnée du

Cette prise en considération du destinataire du message -


c'est-à-dire, ne l'oublions pas, de l'objet vendu - est, me
semble-t-il, plus avancée pour d'autres périodes que la nôtre.
Georges Mounin, pour ne prendre qu'un exemple, à montré, il y
a quelques années, comment les tableaux de crucifixion non
seulement véhiculaient des informations (dont les traits pertinents
sont relativement faciles à mettre en évidence), mais parce qu'ils
étaient, de surcroît, destinés à émouvoir, à provoquer des
réactions, des sentiments, rendaient plus complexe la sélection de
ces traits pertinents, obligeaient à une prise en considération du
récepteur (162)...
46

Or, qu'en est-il pour la Grèce ? Si les critères historiques et


culturels (ceux que dicte la cité par exemple), si les goûts du
moment, la mode, sont parfois évoqués, que sait-on de la
clientèle du potier ?
On connaît la théorie de l'image, divertissement des masses
et instruction des fidèles, langage que chacun comprend, partage
et communique, alors que les autres arts... musique, théâtre,
littérature seraient le privilège de quelques Happyfew...
Mais est-ce bien vrai de la Grèce ?
C'est vrai sans doute de l'oeuvre des historiens et des
mythographes - et encore ! - Certes ils "embaument" un savoir,
mais à quelles fins ? Celle peut-être de le transmettre plus
largement... C'est bien peu vrai, en tout état de cause, du théâtre
qui, comme nous le savons, était une fête de la cité tout entière.
Dans ce cas précis il semble que le public - l'auditeur - soit mieux
connu que les clients de tel ou tel potier. Les destinataires de
vases peints étaient-ils athéniens ? (et de quelle condition ?)
Croyaient-ils aux mythes qu'ils avaient "achetés" avec leur
poterie ? Etaient-ils grecs, et de quelle cité ? (quelles préférences
étaient leurs quant aux dieux, quant aux héros et aux exploits
qu'ils voyaient représentés sur leur vaisselle ?) Etaient-ils
étrangers, étrusques par exemple ? (et on sait qu'ils le furent
souvent !). Autant d'indices qui nous seraient précieux, à nous
qui ne sommes pas les destinataires de ces images, à nous qui
voyons les choses de si loin.
Une "sémantique de l'image visuelle" peut-elle ainsi, en ce
qui concerne la céramique grecque, se constituer de façon
indépendante ? Ne serait-il pas nécessaire de mener conjointement
l'étude sociale des destinataires de ces images et même celle des
courants de commerce qui emportèrent ces dernières sur tous les
rivages de la Méditerranée ? Peut-être serait-il alors plus facile de
décrypter les messages brouillés qu'elles nous adressent ?
Constat de carence, hélas, pour l'instant et ce n'est pas
nous qui, dans le cadre de cette recherche, pourrons mener à bien
pareil programme. Il semble cependant raisonnable de penser
que, malgré les lacunes et l'aspect mouvant d'une documentation
toujours susceptible de s'enrichir et de modifier les données du
problème, malgré les incertitudes qui pèsent souvent sur le
matériel ancien, une telle étude ne soit pas sans signification.
Si nous prenons l'exemple des représentations du combat
d'Héraclès contre Géryon sur 37 vases dont la provenance est
connue (c'est-à-dire beaucoup plus de la moitié), 24 ont été
trouvés en Etrurie (surtout à Vulci), 4 proviennent de
47

Grande-Grèce et 3 de Sicile, alors que 6 seulement ont été utilisés


en Grèce propre (163). Il paraît légitime de lire, dans cette
écrasante disproportion, la volonté des potiers grecs de plaire à la
clientèle occidentale, en lui offrant l'image d'un mythe "local" et
sans doute fort populaire depuis que Stésichore l'avait chanté
dans sa Géryonide. Faut-il en attribuer la responsabilité à
Pisistrate et à ses désirs d'expansion vers l'Occident (164) ? La
coïncidence chronologique est certes remarquable mais dans
quelle mesure pouvait-il dicter leurs modèles aux peintres de
vases ? Ce qui, en revanche, est incontestable, c'est que cet
opportunisme commercial se nourrissait de la propagande des
tyrans athéniens qui, on le sait, avaient fait d'Héraclès leur héros
favori (165). Mais pour que de telles constatations prennent tout
leur sens, c'est une analyse rigoureuse et systématique de toutes
les représentations de la légende d'Héraclès dans la céramique
qu'il faudrait conduire. D'autres, rappelons-le, l'ont entreprise.
Plus modestement nous utiliserons le témoignage des scènes
figurées en gardant à l'esprit cette égalité de statut, en tant que
langage du mythe, de l'image et du texte ; leur relative
indépendance (166), les lois d'évolution propres de l'une et de
l'autre, la nécessaire exigence de prendre en considération le
lecteur, l'auditeur, le spectateur - qu'il soit celui du théâtre ou
celui de l'image -... bref le contexte historiquement daté,
socialement et culturellement déterminé dans lequel (l'auteur lui
aussi dépend de son milieu) et pour lequel, le texte, comme
l'image ont été produits.
Des mots et des images... Nous en userons conjointement
et, si c'est du texte littéraire que se nourrit la substance de cette
étude, c'est cependant l'image qui, nous le verrons, aura le
dernier mot.
49

IV - PERSPECTIVES

Les grands mythes occidentaux d'Héraclès ont évolué dans


le temps et dans l'espace, se sont investis dans des projets
nouveaux. C'est dans ce sens que nous souhaiterions, d'abord,
interroger ces récits laissés par une longue tradition, d'un héros
confronté à ses derniers exploits "terrestres", près d'Océan, aux
bornes du monde habité. Le poids de l'histoire, sorte d'écume
des temps, nous choisirons donc de l'appréhender, d'abord, au
terme de l'aventure, au moment où l'Héraclès grec va se désister
en faveur de l'Hercule romain.

1 - Héraclès et l'écume des temps :


l'enquête historique.

1.1 Enquête historique, et ajoutons-le géographique, car


c'est à situer, dans la géographie des Grecs, le théâtre des travaux
occidentaux d'Héraclès que nous nous attacherons d'abord.
Sans doute n'accorderions-nous pas, dans cette étude, tant
de place à la géographie, si, au-delà de toutes les traditions
divergentes, le témoignage d'Hésiode et la version "définitive" ne
concordaient pas sur ce point. C'est au-delà de "l'illustre Océan"
que le poète béotien situe le jardin des pommes d'or et les
"Hespérides sonores" (167), au-delà de l'illustre Océan également
que, "dans leur parc brumeux", Héraclès s'empare des boeufs de
Géryon (168). C'est là, enfin, qu'à Lixos pour les Hespérides, à
Gadès pour les troupeaux de Géryon, on finira par situer le
mythe, non loin de ces colonnes qui, depuis longtemps, portent le
nom du héros (169). Cette tradition est bien établie au 1er siècle
après J.-C. et réputée d'origine grecque, mais, ni Strabon - qui
s'excuse du "caratère merveilleux de ces récits" (170) -, ni Pline
l'Ancien - qui rapporte "ces prodigieuses inventions des Grecs"
(171) -, n'éprouvent malheureusement le besoin de citer leurs
sources (172).
Cette localisation des deux mythes, aux confins du monde
habité procède d'un curieux esprit de symétrie. En témoignent les
cartes qui tentent de donner une représentation figurée de
Yoicouménè et qui, du monde d'Hécatée au monde de Strabon,
traduisent, certes, le progrès des connaissances géographiques
mais sans pour autant échapper à la catégorie des "cartes images"
que G. Kish oppose aux "cartes instruments" des modernes
(173). L'essentiel du schéma primitif subsiste en effet (174). La
50

mer extérieure a, certes, remplacé le "fleuve puissant" qu'était


l'Océan d'Homère (175) et c'est un monde moins circulaire
qu'elle délimite, mais ce monde, comme autrefois, s'organise
autour d'un axe intangible, sur lequel, de Gibraltar à l'Inde, les
géographes mesurent désormais la plus grande largeur de
Voicouménè et sur lequel, depuis longtemps, on s'efforce de
retrouver toutes sortes de correspondances : à l'Est par exemple,
la limite des errances de Dionysos correspond aux bornes
qu'Héraclès, à l'Ouest, avait lui-même placées à ses travaux
(176).
Or, sur ce "diaphragme" se trouvent le détroit de Gibraltar
et les colonnes d'Héraclès (177). De part et d'autre de ces
colonnes, Gadès et Lixos occupent une position extrême sur le
méridien le plus occidental de la terre habitée : "Hominumfinem
Gadis", écrit Silius Italicus, "terrarum finis Gades"t répète-t-il
(178). C'est donc, aux frontières du monde connu, une place
pleine de signification qu'occupent Gadès et Lixos, théâtres des
deux derniers exploits terrestres d'Héraclès.
Pays verts, pays féconds où "les fruits de toutes sortes
viennent sans culture et en telle quantité que partout les désirs
sont rassasiés" (179), ces régions atlantiques brûlent encore, pour
les Anciens, de toutes les séductions des métaux rares, l'argent,
l'étain, l'or peut-être et c'est - alors que nous pensions être sur le
terrain confortable des "realia", de la géographie, des richesses
naturelles - l'image d'un véritable "mirage occidental" qui finit par
s'imposer, comme si, à ce niveau déjà, le mythe avait magnifié
les très réels attraits de ces régions lointaines, théâtre des efforts
d'Héraclès, certes, théâtre aussi des très historiques efforts des
hommes pour en acquérir les richesses.

1.2. Sur ces marges occidentales du monde grec, nous


rencontrons les traces de cette dévaluation "historiciste" du mythe
dont il était question plus haut : pour certains auteurs modernes,
en effet, ces épreuves lointaines du héros sont les dernières, non
seulement parce qu'elles terminent sa carrière terrestre, mais
aussi, et surtout, parce qu'ils les imaginent plus tard venues dans
la geste d'Héraclès. C'est A. Schulten, peut-être, qui exprime le
plus nettement cette opinion, lorsqu'il affirme que "la légende
s'enrichit de trois nouveaux exploits quand les Phocéens arrivent
à Tartessos" (180).
Certes les Grecs d'Occident, qu'ils soient Rhodiens ou
Phocéens - et c'est oublier le rôle des Chalcidiens (181) - ont
certainement joué un grand rôle dans la diffusion du culte
51

d'Héraclès et même de sa légende, voire dans la précision de


certaines localisations (182), peut-être même dans l'attribution au
cycle d'Héraclès du mythe des Hespérides ; ils ont aussi - nous y
reviendrons - profondément retouché le sens des exploits
d'Héraclès, mais le voyage vers l'Ouest n'est pas né de la
colonisation, puisqu'au moment où Phocéens et Rhodiens
abordent ces rivages lointains, l'époque est passée où Hésiode
chantait le triple Géryon et ses "boeufs à la démarche torse"
qu'Héraclès
flots" (183). le fort avait capturés "dans Erythie qu'entourent les

D'ailleurs la localisation à Lixos et à Gadès des deux


derniers exploits terrestres d'Héraclès invite à suivre une autre
piste. Ces deux établissements sont en effet des fondations
phéniciennes auxquelles la tradition attribue une grande
ancienneté : ils seraient, avec Utique, les premières colonies de
Tyr
"l'enclos"
en Occident
(184) - Gadès,
aurait été
oucréée
plus exactement
vers 1 1 10 avant
Gadirnotre
-en phénicien
ère (185),
Utique peu après (1101) ; quant à Lixos, le souvenir précis de
ses origines n'a pas été conservé, mais le périple d'Hannon, si on
peut lui reconnaître quelque autorité (186), fait état des Lixites et
Scylax, au milieu du FVe siècle, mentionne expressément la ville
comme étant phénicienne (187). Pline, enfin, rapporte que près
de Lixos un sanctuaire à Hercule passait pour être plus ancien que
celui de Gadès (188).
Nous interrogerons les archéologues pour nous faire une
idée plus précise de ce qu'à la suite de W.F. Albright et de P.
Bosch-Gimpera nous appellerons le "climax" des entreprises
phéniciennes dans la Méditerranée occidentale, mais nous
n'aurons garde d'oublier que, quelles que soient leurs
conclusions quant aux établissements eux-mêmes, c'est à propos
d'Héraclès seulement et non de la ville que Pline fait état des
prétentions des Lixites à l'antiquité vénérable de leur sanctuaire
(189) et que Pomponius Mêla, de même, ne mentionne les
fondateurs tyriens et l'époque de la Guerre de Troie qu'à propos
de cet Hercule qu'il dit d'ailleurs "égyptien" (190).

1.3. Lixos et Gadès sont, en effet, des sanctuaires à


Héraclès-Melqart et c'est l'histoire des religions que nous
retrouvons au terme de cette étude de la localisation occidentale
des travaux d'Héraclès ; plus précisément encore, le problème du
syncrétisme entre le héros grec et Melqart, le "Maître de Tyr"
(B'L SWR) ou mieux encore le "Roi de la Cité", comme
52

l'indique son nom (MLK QRT ou MLQRT) (191).


Pour les historiens modernes il ne fait guère de doute, en
effet, qu'en Occident les colonnes de Melqart ont précédé celles
d'Héraclès, pas plus qu'ils ne contestent que, de ce pays
miroitant de toutes les séductions, de ce pays de rêve, les
Phéniciens, déjà, avaient fait une réalité. Lixos et Gadès
symbolisaient leur réussite, toutes deux consacrées au dieu garant
de leur succès. Melqart, en effet, les accompagne partout où ils
s'installent, auprès des mines de cuivre de Chypre (192), à
Thasos, plus intéressante par la proximité de Y El Dorado thrace
que par ses propres gisements métallifères (193), en Sardaigne
(194), peut-être même à Rome, en ce lieu de passage que fut très
tôt le Forum Boarium (195). η était avec eux, déjà, lorsqu'au IXe
siècle ils fondèrent Carthage (196) ; bref, il est pour son peuple
Yarchégète, qu'est devenu aussi Héraclès et l'inscription bilingue
de Malte (197) est du plus haut intérêt qui traduit :

"Notre Seigneur Melqart, maître de $or (Tyr)


par Ήραχλης· 'Αέ

Où se fît la rencontre du dieu phénicien et du héros grec ? A


Tyr, comme le veut J. Carcopino ? ou à l'un de ces carrefours
commerciaux fréquentés également par les Grecs ? Dans ce pays
de Tartessos où ils luttèrent d'influence avec les Phéniciens ? A
Thasos où les colons de Télésiclès, vers 720, trouvèrent -
l'archéologie le prouve - une île déjà occupée ? (198), à Chypre,
enfin, selon l'hypothèse la plus probable ?
.... Une étude qui, on le voit, nous conduira, poussés par
les vagues de l'histoire, d'une rive à l'autre de la Méditerranée.

2 - Héraclès et le modèle absent de la cité :


Le "Schéma structuraliste"

Après avoir tenté de fixer le plus scrupuleusement possible,


ce qui, dans le mythe d'un Héraclès occidental, pouvait être
tributaire de la géographie et des grands remous de l'histoire,
c'est le récit lui-même qu'il fallait interroger. Nous choisirons,
pour ce faire, celui que donne Diodore de Sicile de la quête des
boeufs de Géryon et du retour du héros, conduisant le troupeau
conquis depuis la lointaine Ibérie jusqu'à l'Argolide. Véritable
périple de la Méditerranée occidentale, l'expédition d'Héraclès
vers nie rouge de Géryon, le meurtre du tricéphale lui-même, ont
53

pris pour Diodore un sens très clair : voyage vers l'Ouest, certes,
mais surtout voyage "civilisateur" ; Héraclès y apparaît comme
celui
civilisation"
qui, partout
(199). C'est
où il en
passe,
effet ainsi
répandque"les
ce Grec
bienfaits
d'Occident
de la

interprète les "pénibles travaux entrepris au profit du genre


humain"
(200) et il apparaît vite que cet ordre, qu'oppose ainsi le
héros grec à la sauvagerie barbare, c'est celui de la cité...
nature/culture ; ordre/sauvagerie... Ces oppositions, bien sûr,
rappellent avec suffisamment de force le "schéma" structuraliste
pour que nous tentions de saisir dans quelle mesure et dans
quelles limites il était possible de l'appliquer à l'étude du mythe
d'Héraclès.
Dans un réquisitoire très acerbe que dans L'homme et la
Société (201) Laura Makarius dresse contre le structuralisme, elle
fait remarquer que l'atout essentiel de l'anthropologie structurale
est l'opposition société/nature... une opposition qui,
ironise-t-elle, "offre l'utile ubiquité d'une dichotomie
omni-présente". Or, et c'est sur ce principe que se fonde toute
son argumentation, cette antithèse est radicalement étrangère à la
pensée primitive : les structuralistes, en fait, "baptisent du terme
de nature leur ignorance des faits ethnologiques". Un ensemble
de notions antithétiques à société existe, certes, mais sous les
formes de la violation de l'interdit social : l'opposition en
question, loin d'être "structure inconsciente de l'esprit", serait
donc, elle aussi, "issue d'une expérience collective entièrement
déterminée par les conditions sociales". (La confusion naîtrait de
ce qu'on se débarrasse de la souillure - imprimée par la violation
du tabou - dans les forêts, sur les montagnes, dans les lieux
lointains et isolés, bref hors de l'espace social).
Il faut souligner la pertinence d'une critique, qui, sur la
base des observations de Durkheim et de Mauss, peut aussi
s'appliquer à la Grèce primitive : l'étude de la religion minoenne
et mycénienne (et parallèlement l'étude du pouvoir à cette même
époque) soulignent assez, effectivement, l'extraordinaire
solidarité perçue entre la société/la nature/l'univers tout entier -
solidarité dont la religion grecque portera longtemps la marque
d'ailleurs, ne serait-ce que dans la persistance de certaines
pratiques comme celle de l'hiérogamie. La critique cependant
paraît moins opérante lorsqu'elle s'adresse, par exemple, à
l'interprétation qu'a donnée P. Vidal-Naquet de la cryptie
lacédémonienne. Situant l'institution du côté de la nature, du
"cru", l'historien en fait le symétrique de l'armée hoplitique,
située, elle, du côté de la "culture", du "cuit" (202). Pour
54

l'anthropologue, au contraire, les conditions de vie du crypte sont


subordonnées à un fait principal : le meurtre des hilotes ; dans
cette perspective son isolement est celui de l'être souillé par le
crime, par la violation d'un tabou social.
On peut certes objecter que nos sources les plus anciennes
laissent dans l'ombre - ou ignorent - le meurtre des hilotes et que
rien ne prouve, en conséquence, qu'il soit une donnée originelle.
Point n'est d'ailleurs besoin de l'invoquer, il y a, nous semble-t-il
et nous le verrons ailleurs (203), une raison beaucoup plus simple
à la marginalité du crypte en ces temps primitifs.
Et, en tout état de cause, il faut bien reconnaître que, quel
que soit le bien-fondé des positions de principe de L. Makarius,
quelle que soit la pertinence de ses réserves pour les temps
primitifs, lorsque P. Vidal-Naquet l'envisage, c'est-à-dire lorsque
l'usage, probablement plus ancien est récupéré, réinvesti par la
cité, lorsqu'elle est devenue institution, la cryptie est bien telle
qu'il l'analyse. Non parce qu'elle était telle à ses débuts, mais
parce qu'elle porte la marque d'une structure nouvelle : celle de la
cité. Peut-être faut-il faire remarquer, d'ailleurs, que loin d'être
une structure de l'esprit celle-ci est, bien au contraire, le fruit
d'une expérience à la fois économique, sociale et politique
originale. H reste qu'elle n'est en rien née de l'imagination du
chercheur, comme semble le penser Laura Makarius.
Nous sommes moins loin qu'il n'y paraît de l'objet précis
de notre étude, et, pour mieux apprécier encore la valeur
opératoire de l'analyse structurale appliquée, cette fois, au mythe
d'Héraclès, attardons nous un peu sur la lecture qu'il y a
quelques années, donnait W. Burkert du mythe de Géryon (204).
Trois thèmes s'associent, dans cette aventure d'Héraclès,
celui du voyage dans l'au-delà, celui du combat contre le
monstre, celui enfin de la capture du bétail... thèmes sans doute
indépendants du point de vue narratif, remarque l'auteur qui se
propose de trouver les raisons de leur interconnexion dans le
mythe. Ces raisons, il les cherche d'abord dans une analyse
structurale, confrontant le récit de Géryon et d'autres, qui, "avec
certaines variations", manifestent une combinaison analogue des
trois thèmes (mythe d'Hercule et de Cacus ; mythe d'Indra ;
mythe de l'origine des Scythes). Mais qu'apporte à l'intelligence
du mythe l'étude des parallèles envisagés ? L'interprétation
dTErythie
terre" (p. comme
277) neune
paraît
médiation
guère éclairante
"entre brillant
et, sietlenoir,
problème
entre ciel
de et
la
"maîtrise des animaux" se pose effectivement, c'est en ajoutant
une donnée aux termes de l'analyse structurale que l'auteur nous
55

y conduit (205). Il reconnaît d'ailleurs lui-même qu'il faut


"chercher plus profond" un principe unifiant qu'il trouvera
finalement dans le rituel des peuples de chasseurs, en revenant,
donc, à l'étude génétique.
Et pourtant, malgré sa prudence de son pragmatisme, G. S.
Kirk reconnaît que, s'il est un mythe qui supporte l'analyse
structurale et justifie l'opposition nature/culture, c'est bien le
mythe d'Héraclès (206). Tout notre effort portera précisément à
démontrer comment et dans quelle mesure ; toute notre attention
se concentrera, dans la seconde partie de notre étude, à mieux
comprendre le rôle de la cité dans cette nouvelle
dimension donnée au héros. Car c'est bien la cité,
pensons-nous, qui, organisant l'espace et la société, mais aussi
l'univers mental des hommes de manière nouvelle, permet - ou
creuse - cette opposition.
Le mythe d'Héraclès, tel que le diffusent, tel que l'utilisent
sans doute aussi les colons grecs d'Occident est d'abord et avant
tout un mythe revu, reconstruit par la cité.

3 - Héraclès entre le rêve et la réalité :


Symbolisme et fonctionnalisme

3.1. Malgré l'existence de quelques variantes qui ont pu


faire penser à une progression vers l'Ouest de l'aventure
héracléenne (207), il est bien évident que le voyage du héros vers
l'extrême Occident n'est pas une création coloniale. Hésiode,
nous l'avons dit, sait que c'est "au-delà de l'illustre Océan"
qu'Héraclès s'empare des boeufs de Géryon (208) et c'est là
aussi qu'il situe le jardin aux pommes d'or (209), même si, à son
époque, le mythe n'a pas encore rencontré le héros. Ce pays des
"Hespérides sonores" il le place "aux frontières de la nuit", "aux
limites mêmes du monde" (210). Peut-être n'est-il pas nécessaire
de faire appel à son interpolateur qui, lui, dévoile plus clairement
ce que sont "ces extrémités de tout" : "l'effrayante demeure de
l'infernale nuit", certes, mais encore "la demeure sonore du dieu
des Enfers, le puissant Hadès, et de Perséphone la Redoutable"
(211). Une fois de plus nous retrouvons Héraclès aux frontières
du monde des hommes, mais il s'agit cette fois de frontières
mythiques, celles où le soleil disparaît - et dans certaines
versions, Héraclès, pour s'y rendre emprunte la coupe d'or
d'Hélios (212) -, celles où l'on passe du jour à la nuit, celles
surtout, où l'on passe de la vie à la mort...
56

Nous n'insisterons pas ici sur l'identité profonde, bien


souvent soulignée (213), entre les représentations du pays des
dieux, du pays des fruits merveilleux, de l'âge d'or et du pays
des morts ; nous ne reviendrons pas, non plus, sur le caractère
infernal de Géryon le monstre tricéphale, symbole des puissances
de la mort pour certains (214), bouvier des morts pour d'autres
(215) ; nous rappellerons simplement la très belle étude d'A.
Motte sur les prairies et jardins de la Grèce antique (216). Le
λειμών fameux d'Erythie où paissent les boeufs de Géryon, le
KTinoc des dieux où poussent les pommes d'or offertes à Héra,
lors de ses noces avec Zeus sont bien - et c'est pourquoi nous y
reviendrons longuement dans notre quatrième partie - "des images
exemplaires de la vie", mais pour cela-même, parce qu'elles
peuvent s'offrir à l'imagination des Anciens "comme des foyers
où se boucle le cycle de la génésis et de luphthora" (217), elles
sont aussi "marquées d'un sceau funèbre"... lieux où l'on
rencontre la mort, lieux ouvrant sur la renaissance à un autre
monde. De plus, 111e rouge de Géryon, lile du soleil couchant, et
le pays des Hespérides, ces nymphes du soir, sont "aux
extrémités de tout", "aux frontières de la nuit"... aux frontières de
Nuit, la Divine, la Redoutable, la mère des Hespérides, mais
aussi des Kères et des Moires à qui, chez Hésiode, elles sont
associées, la mère, encore, d'Hypnos et de Thanatos, souvent
représentés ensemble auprès des morts de l'épopée homérique
(218). Ce sont bien des "portes du soir" qui par deux fois sont le
théâtre des derniers exploits terrestres d'Héraclès, deux seuils où
se croisent Jour et Nuit, où le sommeil et la mort peuvent
surprendre-
La prairie d'asphodèles, "où habitent les ombres, fantômes
des défunts", n'est-elle pas déjà, chez Homère, située par-delà le
cours d'Océan, non loin des portes du soleil (219) ?
Et justement, que nous apprend Homère d'Héraclès ? De
ses "gémissants travaux" imposés par Eurysthée et menés à bien
grâce à l'aide constante d'Athéna, un seul, mérite, nous l'avons
vu, d'être rapporté : la capture de Cerbère, le chien des Enfers, la
victoire d'Héraclès sur Hadès (220).. Hadès que d'ailleurs, il
avait blessé "à Pylos, au milieu des morts" (221). De plus, si,
dans l'Iliade, le héros vaincu par "le cruel courroux d'Héré"
n'échappe pas lui-même à la mort (222) et si, dans la Nekyia,
Ulysse l'entrevoit "ombre au royaume des morts", Homère paraît
savoir, dans YOdyssée, que le véritable Héraclès séjourne parmi
les Immortels "dans la joie des festins" (223), seul héros à avoir
vaincu la mort, à être admis au rang des dieux.
57

Ce thème du héros vainqueur de la mort peut, à bon droit,


paraître fondamental. C'est avec lui, très certainement, quelque
chose qui tient de la pérennité du mythe que nous atteignons.
L'insistance même avec laquelle les Grecs l'ont repris, au profit
d'Héraclès, sous des formes différentes le prouve (224). Elle
prouve aussi de quel poids pesait cette angoisse. Et, tout à coup,
l'utilisation d'un passé et la spécification à la Grèce deviennent
gênantes. Ce sont là non seulement les inquiétudes d'une culture,
mais celles de l'humanité tout entière... Ici l'historien semble
devoir s'effacer devant le psychanalyste, le philosophe... le
théologien peut-être, à moins qu'il ne se fasse lui-même
psychanalyste... philosophe... théologien... De toute façon il
n'évitera pas une explication de type symboliste.
Mais celle-ci suffîra-t-elle ? ne doit-il pas l'inscrire à son
tour dans le contexte grec : tenter de cerner au plus près la façon
dont s'est traduite cette préoccupation universelle dans l'univers
particulier des Grecs... voir, enfin, la signification sociale qu'ont
pu prendre de telles représentations ? On nous permettra de ne
choisir parmi tous ces symboles qu'un seul exemple : l'épisode
de Géryon et de ses boeufs dérobés. Plus tôt lié au cycle du héros
que celui des Hespérides, puisqu'attesté dès le Ville siècle dans
la littérature et au siècle suivant dans l'art (225), il est aussi mieux
connu, non seulement en Occident où la Géryonide de Stésichore
ne pouvait manquer de le répandre (où peut-être il rencontre des
traditions locales avec lesquelles il pouvait se confondre), mais
encore dans la Méditerranée orientale, à Chypre par exemple, où
le thème est très populaire (peut-être parce que, grâce à Melqart et
aux Phéniciens, les contacts avec la lointaine Ibérie furent de
bonne heure très vivants). Plusieurs représentations sculptées du
monstre tncéphale en proviennent en effet (226), et, bien sûr, le
très beau bas-relief de la collection Cesnola qui, sur deux
registres oppose Héraclès (vêtu d'une peau de lion à longue
queue rappelant celle de Bès) à Eurytion le berger et à Orthros le
chien - ici à trois têtes - de Géryon (confusion avec Cerbère ou
peut-être avec Géryon lui-même ?). Près du berger, s'éloigne, en
rangs pressés, le fameux troupeau (227).
Avec cet épisode, nous avons l'impression - nous y
reviendrons - d'être en présence, non pas d'un motif surajouté,
capté par un héros dont le succès attire à lui traditions,
interprétations, voire réflexions nouvelles, mais d'une
coïncidence très forte entre la matière mythique et, peut-être, la
réalité profonde d'Héraclès. Le thème est, de plus,
particulièrement riche, puisqu'il concentre les deux aspects du
58

chthonien : celui qui tient aux couches superficielles de la terre -


celles qui donnent les récoltes, celles qui donnent l'abondance -
et celui qui a pour lieu la terre en ses profondeurs - celle qui
retient les morts, celle qui est le domaine d'Hadès - (le double
aspect, des Leimones d'Erythie qui nourrissent des troupeaux
fabuleux et sont défendus par des monstres infernaux), mais il
possède aussi cette troisième dimension - pourrait-on dire - de
l'inconnu, cette troisième profondeur (228) qu'est le "nocturne"
sur laquellepâturages.
"brumeux" ouvre aussi Erythie, me du soleil couchant avec ses

3.2. Image mythique certes, que celle de ces prairies, de ce


gardien infernal, de ces troupeaux en qui HJ. Croon veut voir les
âmes des morts (229). Mais ce monstre dont triomphe Héraclès
est, chez Hésiode, et dès ses premières représentations, un
monstre tricéphale, et, dans ce combat contre l'adversaire triple,
très tôt, G. Dumézil devait reconnaître une épreuve initiatique des
jeunes guerriers indo-européens (230). Poursuivant cette voie, B.
Lincoln admet à la suite de W. Kirfel, que, si le tricéphale est une
figure majeure du panthéon des peuples pré-indo-européens de
l'Inde et du domaine méditerranéen, il ne figure jamais dans celui
des Indo-Européens eux-mêmes, il est l'aborigène, l'autochtone
(et les auteurs reconnaissent là que sa monstruosisté même en fait
un être en étroite relation avec la terre). "He is the aborigine,
uncivilized and bound to his land, who opposes the LE. invader
and meets defeat at his hands... The description of the tricephal's
defeat is thus the description of the Indo-European victory". Le
jeune initié, dans son combat, retrouve ces temps primordiaux,
redevient Tritoy le héros, le premier guerrier "and he assimilâtes
himself to the entire LE. onslaught that overthrew aboriginal
opponents in every corner"... (231).
Nous avons laissé à l'auteur la responsabilité de ses écrits,
car, si l'existence de l'épreuve initiatique ne pose guère de
problèmes, la signification qui lui est donnée ici paraît suspecte,
et cela pour plusieurs raisons : d'abord parce qu'on peut douter
des prémisses du raisonnement, parce qu'ensuite, l'auteur donne
d'Hésiode (Théogonie, 287-294) une lecture pour le moins
étonnante, faisant de Géryon lui-même le meurtrier d'Eurytion et
d'Orthros (la grammaire ne s'y oppose pas, dit-il, et le mythe est
ainsi plus en accord avec le prototype indo-européen... raisons
qu'on peut trouver un peu légères pour bouleverser une tradition
aussi bien établie) ; parce qu'enfin le raisonnement paraît quelque
peu vicieux : si Trito est le héros guerrier proto-indo-européen
59

(232), comment son combat peut-il représenter la conquête


indo-européenne, la victoire sur l'autochtone, où qu'il soit..?
serait-ce alors une préfiguration ? il y a là plus qu'un problème.
Si l'on tient compte, d'ailleurs, du scénario initiatique
partout où il est pratiqué, le combat contre le monstre prélude
souvent à cette mort fictive qu'est l'initiation (lorsqu'elle n'en est
pas la manifestation même), le jeune homme qui s'y soumet
devant renaître à un état nouveau (233). La rencontre du monstre
infernal et des pratiques rituelles intégrant les adolescents à la
société des adultes paraît assez logique et, quelle que soit la
signification du mythe à l'époque historique, à l'époque de la
colonisation, il nous paraît difficile de faire ainsi de Géryon, dès
l'origine, le symbole de l'autochtone barbare !
En revanche l'existence attestée de ce tricéphale
indo-européen, et la signification initiatique du combat qui
l'oppose au héros, nous paraissent du plus haut intérêt pour
expliquer, peut-être, le succès du culte d'Héraclès en Occident,
et, en particulier, chez les peuples italiques. On peut voir dans le
mythe de Cacus une création assez tardive, une fable "née à Rome
d'imaginations grecques" (234), on peut-être sensible au fait que,
chez Properce seulement, Cacus est un monstre à trois têtes
(235), mais on peut également mentionner la tradition indigène,
qui attribue la victoire sur Cacus à un héros local nommé
"Recaranus"... (236) : un" tricaranos", et les stèles dauniennes,
étudiées par S. Ferri, représentent des monstres infernaux qui
pourraient très bien se rapporter au mythe indo-européen du
τριχάρανο? : parmi ces stèles, un Héraclès à trois cornes de
l'époque archaïque... (237). Le héros, ainsi, aurait attiré à lui un
vieux mythe italique probablement d'origine indo-européenne.
Quant à la signification - ou à l'utilisation - initiatique du

mythe,
"épreuves"
elledu
explique
héros, mais
peut-être,
encorenon
les liens
seulement
qu'il entretient
les multiples
avec
l'initiation des jeunes gens. Le témoignage de Diodore sur
Agyrion est, à ce titre, extrêmement précieux. Après avoir été
pour la première fois honoré comme un dieu par les Agyréens et
avoir laissé chez eux de nombreuses traces de son passage, il
consacre deux enceintes - encore vénérées par les indigènes à
l'époque de Diodore - l'une au "héros Géryon", l'autre à Iolaos
son neveu "et compagnon d'armes" à qui, - sous peine de devenu-
muets - les enfants doivent faire l'offrande de leurs chevelure.
Nous aurons, bien sûr, l'occasion de revenir sur ce rituel
sicilien dont la signification est assez claire et nous verrons que ce
lien d'Héraclès et des pratiques initiatiques n'est pas un
60

"accident" dans ses aventures occidentales et qu'en Grèce même


survivent quelques vestiges du rôle qu'aurait pu jouer Héraclès
dans l'intégration sociale des jeunes gens (239).
Faut-il alors interpréter le mythe de Géryon, et même tout le
personnage d'Héraclès comme une représentation de la fonction
guerrière chez les Indo-Européens ? C'est ce qu'a tenté G.
Dumézil (240) en montrant comment l'histoire du héros était
jalonnée
"péchés" du
parguerrier
trois épisodes
et la "punition"
"idéologiquement
qu'ils entraînent
solidaires",
: l'hésitation
trois
à accomplir les travaux imposés par Zeus, sanctionnée par la folie
que lui envoie Héra (manquement à la première fonction) ; la ruse
contre Iphitos, frère d'Iole et fils d'Eurytos (infraction au code de
l'honneur du guerrier, en réparation de laquelle il doit, pour
retrouver la santé, se vendre comme esclave chez Omphale) ;
enfin
"péché"
l'installation,
contre la troisième
qu'il envisage,
fonction,
de cette
Iole dans
fois puni
son propre
par la mort...
foyer,

Mais
"accidents"
les excès
ainsi
d'Héraclès
expliquésme
dans
paraissent
le cadredépasser
de la trifonctionnalité
largement ces
indo-européenne (241) ; la construction, d'autre part, s'applique à
la légende plus qu'aux mythes primitifs, et surtout au personnage
du héros plus qu'à ses actes essentiels : ces athloi qui semblent
bien être, et dans la tradition et dans la logique, l'essentiel.
Qu'Héraclès, en revanche, ait capté à son profit ce schéma
mythique, qu'il soit devenu le prototype du guerrier et même du
guerrier indo-européen, c'est trop évident, puisque pour les
Grecs eux-mêmes il a fini par devenir le héros dorien par
excellence (242).
Il n'est pas jusqu'au thème du "vol" des troupeaux de
Géryon qui ne porte la marque des sociétés indo-européennes.
Sur ce point B. Lincoln remarque fort justement, non seulement
l'extraordinaire importance du bétail dans la vie économique de
ces sociétés pastorales, mais aussi, et c'est sans surprise, dans
leurs représentations idéologiques (243). Ainsi, sans
accompagner B. Lincoln jusqu'au bout de sa démonstration et
sans admettre que le vol des troupeaux de Géryon soit la version
grecque du "prototype" établi par Triîo pour ses descendants
indo-européens (244), il n'est est pas moins certain qu'un des
éléments de son succès fut, outre l'importance considérable de
l'élevage chez les Indo-Européens, l'utilisation initiatique, et
peut-être didactique, qu'ils ont su faire d'un mythe qui, à bien des
égards, semble antérieur à leur arrivée en Grèce.

3.3. Ce qui frappe, en effet, c'est l'adéquation étroite qui


61

existe entre le mythe et le héros. Depuis J. Bayet, on connaît bien


le caractère assez particulier d'Héraclès en Italie méridionale. Il
apparaît comme garant de l'abondance pour les agriculteurs avec
un aspect apotropaïque fortement marqué : à Métaponte il est
destructeur de sauterelles (comme d'ailleurs en Grèce dans la
région de l'Oeta où on le nomme ?????p???) ; à Crotone il
chasse les mouches ; entre Locres et Rhégion il est l'ennemi des
cigales ; un Héraclès-bouvier est d'ailleurs plus particulièrement
connu en Campanie sur le territoire de Rhégion et, près de
Crotone, étroitement uni à Héra Lacinienne, il protège avec elle
les troupeaux bovins (245)... Si l'on quitte l'Italie grecque, ce
caractère paraît s'affirmer à Rome, que ce soit dans le mythe
(greffé sur le récit du retour du héros avec les boeufs arrachés à
Géryon, et lui-même victime d'un vol de bétail), dans la
localisation des cultes, sur le Forum Boarium ; dans le rituel
peut-être, s'il est vrai que la dîme, dont la tradition fait un usage
très ancien, ait pu être, au départ, une offrande pastorale au dieu
assurant la sécurité des échanges. Offrande sans doute
consommée dans un repas rituel (246).
Plus encore que l'Hercule romain, vite détourné de ses
préoccupations pastorales par la croissance de la ville et son
avenir de dieu officiel, l'Hercule adopté par les populations
italiques (singulièrement dans les régions montagneuses de l'Italie
centrale) garde très fortement ses attaches populaires, comme en
témoigne l'extraordinaire diffusion des petits bronzes le
représentant, et ce dès l'époque "archaïque", les VIe-IVe siècles
av. J. -C. (247). Or, lorsque l'étude des découvertes est conduite
avec précision - comme pour le territoire des Paeligni, par
exemple - elle démontre la présence du dieu dans "les endroits
fréquentés essentiellement par les bergers... près d'une source ou
d'une fontaine, lieu de repos pour les troupeaux", ou encore dans
"ce centre de rencontre des agriculteurs de la vallée et des bergers
des montagnes environnantes" qu'est Corfinium (248).
Emprunt aux divinités, aux génies indigènes qui l'ont
précédé... ou affinité ayant pu, elle-même favoriser
l'association ? C'est bien plutôt ce que nous pensons. En Orient
certains rapprochements ont fort bien pu se faire sur des bases
voisines : nous ne traiterons pas ici d'un problème sur lequel
nous souhaitons revenir plus longuement (249), mais les
représentations figurées - notre élément le plus ancien jusque là
pour attester du syncrétisme avec Melqart, toujours assez obscur -
prouvent le rôle qu'a pu jouer un Héraclès "p?t????·" ?e??t??"
(250), comme l'était Bès, le dieu égyptien représenté à Chypre
62

dès la période du bronze récent, comme l'était encore Gilgamesh,


dont la légende présente tant de points communs avec celle
d'Héraclès, comme l'était le Babylonien Nergal, par exemple,
tueur de fauves et roi des Enfers (251). Maître ces fauves, le
dieu, ou le héros, n'est-il pas le protecteur naturel des troupeaux
(252).
Cela apparaît très clairement en tout cas dans cette "vulgate"
du mythe héracléen qu'est le texte d'Apollodore : le héros qui
grandit auprès des troupeaux de boeufs d'Amphitryon tue son
premier lion - celui du Cithéron - parce qu'il ravageait le bétail de
son père (253) ; la plupart de ses "travaux" sont présentés
comme une protection des champs, mais surtout du bétail des
propriétaires du Péloponnèse et, tout au long de son histoire, les
épisodes qui l'associent - ou l'opposent - à des bouviers sont
légion... jusqu'à sa fin sur l'Oeta, puisque c'est encore un
berger, venu chercher ses troupeaux qui, seul, accepte d'allumer
le bûcher qu'il s'est fait préparer (254). Enfin, puisque nous
avons retrouvé la Grèce, revenons aussi au mythe de Géryon.
Héraclès, certes, rapporte à Eurysthée les boeufs arrachés à leur
monstrueux gardien, mais c'est à Héra qu'ils seront finalement
consacrés (255).
Héra, la grande déesse d'Argos, Héra que des liens très
forts - aussi bien dans l'étymologie que dans le mythe - unissent
sans doute à Héraclès, avant qu'ils ne l'opposent à ce fils, né
d'une infidélité de Zeus (256).... Et c'est pour elle, déesse de la
terre riche en boeufs, pour elle dont la fête principale était les
Hécatombaia, que le héros rapporte le fabuleux bétail de Géryon.

Enquête historique, perception du schéma structuraliste,


conscience de la fonction qui fut, à un moment ou à un autre,
celle du mythe pour les sociétés qui l'ont porté, prise en compte
de sa prégnance symbolique... Autant d'approches qui - on
voudrait en avoir convaincu le lecteur - non seulement ne
s'excluent pas, mais participent de la même volonté de saisir le
mythe comme un "tout" (257), de prendre conscience d'une
polysémie qui lui est propre, de comprendre, aussi, comment son
évolution dépend, en dernière analyse, de l'histoire.
Peut-être faut-il, ici, lever une équivoque ? Si, dans la ligne
de notre étude méthodologique, nous avons tenu à présenter
séparément ces niveaux d'intervention, il est bien évident qu'il y a
là quelque artifice. Le mythe signifie et enseigne tout à la fois ; et
63

c'est à tout moment, aussi, que l'histoire le charge d'une force


nouvelle. Seule l'explication structuraliste nous a paru coïncider
avec un moment précis : celui où le discours mythique est pris en
charge, "structuré" (nous tenons à la répétition du terme) par la
cité. Nous n'irons pas plus loin, mais il nous semble qu'il y a là
matière à douter quelque peu de la valeur universellement
opératoire d'une méthode...
Cela d'autant plus que le mythe d'Héraclès dans la cité plus
que jamais "fonctionne", intègre, utilise des héritages,
resémantise, joue à la fois des permanences et des dérivations,
bref plus que jamais nous paraît requérir cette approche
multiforme que nous avons tentée.
64

NOTES DU PROLOGUE

1 - FONTENELLE, De l'origine des Fables, éd. G.B. DEPPING, t. ?.


Genève 1968 (réimpression de l'édition de 1818, Paris), p. 398.
Fontenelle poursuit d'ailleurs : "Tous les hommes se ressemblent si
fort qu'il n'y a point de peuple dont les sottises ne nous doivent faire
trembler".
2 - Cl. METTRA, Saturne ou l'herbe des canes, Paris, 1981, p. 21.
3 - Sur la place de ces deux mythes, dans la série des travaux d'Héraclès,
voir le tableau I. Disons sommairement ici qu'ils occupent
généralement les 10e et 11e places, avant la descente d'Héraclès aux
Enfers, d'où le héros doit ramener le chien Cerbère.
4 - HÉSIODE, Théogonie, 173-275 ; 517-519.
5 - Contrairement à ce qu'affirme DURRBACH, in, DAGR, m, 1, s.v.
Hercules, pp. 78-128.
6 - On trouvera dans V. BÉRARD (De l'origine des cultes arcadiens,
Paris, 1894, pp. 27-28) et O. GRUPPE (Die griechische Mythologie
und Religionsgeschichte, 1906, 1, pp. 450-501 et R.E., Supl. ??,
1918, V, col. 910-1121)
"linguistiques" de l'écoleladediscussion
Kuhn et Max
des hypothèses
Muller. On"indianistes"
verra dans O.
et
MULLER et surtout U. von WILAMOWTTZ (Euripide s Herakles,
1889, 1895, 1909, et nouvelle édition, Darmstadt, 1959) l'exposé de la
théorie "dorienne" d'ailleurs quelque peu modifiée dans Der Glaube der
Hellenen de ce dernier auteur, théorie reprise par B. SCHWETTZER
(Herakles, TUbingen, 1922) qui cherche du côté des Doriens
"indogermaniques" l'origine du héros. J.E. HARRISSON (Themis, 1912,
pp. 363-381) offre une opinion plus nuancée des origines d'Héraclès,
en qui, cependant, elle souligne surtout l'aspect chthonien. Les plus
anciennes théories sont exposées par DURRBACH ( DAGR., III, 1
s.v. Hercules, pp. 78-124) et par M. DELCOURT, Légendes et cultes
des héros en Grèce, Paris, 1942, pp. 119-120. La théorie "solaire" des
douze travaux d'Héraclès a été reprise par L. DRESS, Der Ursprung der
olympischen Spiele, Stuttgart, 1962 et critiquée par P. LEVEQUE,
Des dieux et des jeux d'Olympie, REG, LXXXVII, 1974, pp.
341-344.
7 - J. BAYET, Hercule Funéraire, Mélanges d'archéologie et d'histoire, 39
(1921-1922), pp. 219-266 et 40 (1923), pp. 19-102, repris dans
Idéologie et plastique, Paris-Rome 1974, pp. 199-330.
8 - M. DETIENNE, Héraclès, héros pythagoricien, RHR, 1960, 2, pp.
19-53 ; cf. aussi J. CARCOPINO, Les origines pythagoriciennes de
l'Hercule romain, dans Aspects mystiques de la Rome païenne, Paris
1941.
65

9 - A Gadès, à Rome et à Thasos selon D. VAN BERCHEM, Sanctuaires


d'Hercule - Melqart, contribution à l'étude de l'expansion phénicienne
en Méditerranée, dans Syria, XLIV, 1967, pp. 73-109 et 307-338. Cf.
aussi R. REBUFFAT, Les Phéniciens à Rome, MEFRA, LXXVÏII,
1966, 1, pp. 7-48
10 - C'est, semble-t-il, l'une des orientations de l'analyse du système
sacrificiel opérée par le Centre de Recherches comparées sur les
sociétés anciennes des Hautes-Etudes. Cf. M. DETIENNE dans La
cuisine du sacrifice en pays grec, Paris, 1979, p. 13. Le thème
d'Héraclès "victime récalcitrante" du sacrifice organisé par Busiris est
encore évoqué dans L'invention de la mythologie, Paris, 1981, du
même auteur, pp. 100-101. Cf. désormais, JX. DURAND, Sacrifice
et labour en Grèce ancienne, Paris, Rome, 1986, singulièrement, chap.
V.
11 - J. BOARDMAN, Peisistratos and Sons, RA 1972, 1, pp. 57-72, et,
du même auteur, Herakles, Peisistratos and Eleusis, JHS, XCV, 1975,
pp. 1-12 ou encore Herakles Delphi and Kleisthenes of Sikyon, RA,
1978, 2, pp. 227 sq. En ce qui concerne Rome, Cf. R. SCHILLING,
L'Hercule romain en face de la réforme religieuse d'Auguste, RPh,
1942, pp. 31-57 ; P. M. MARTIN, Héraclès en Italie d'après Denys
d'Halicarnasse, Athenaeum, L, 1972, pp. 252-275 ; M.
JACZYNOWSKA, Le culte de l'Hercule romain au temps du
Haut-Empire, ANRW, II, 17, 2, 1981, pp. 631-661 et tout
récemment, M.A. LEVI, Roma Colonie e Commodo Conditor,
Colloque de Bressanone, (oct 1981) Religione e città nel mondo
antico, Rome, 1984, pp. 315-320.
12 - J. BAYET, Les origines de l'Hercule romain, Paris, 1926.
13 - M. SIMON, Hercule et le christianisme, Paris, 1959.
14 - Cf. en particulier, F. BROMMER, Herakles, Die zwôlf Taten des
Helden in antiker Kunst und Literatur, Munster-Cologne, 1953-1972
et du même auteur Vasenlisten zur griech. Heldensage, 1960 (2)
Denkmdlerlisten zur Heldensage, I, Herakles (1971).
15 - C'est pourtant le dactyle idéen qui est censé avoir fondé les jeux en
l'honneur de son père à Olympie (cf. DIODORE, V, 64, 3-7 ;
STRABON, Vin, 3, 30 - qui d'ailleurs rejette cette tradition - ;
PAUSANIAS, V, 7,6-7) et sur le même site, les dimensions
exceptionnelles du stade, tracé par Héraclès, auraient permis à
Pythagore de calculer la taille du héros, elle aussi exceptionnelle
(AULU-GELLE, après Plutarque, Les Nuits atûques, 1, 1).
16 - Cf. J.-P. VERNANT, La personne dans la religion, dans Mythe et
pensée chez les Grecs, Paris, 1969 (le éd.) p. 278 : "Ce qui le définit
(le héros) au sein même de son destin d'homme, ce sont les actes qu'il
a osé entreprendre et qu'il a pu réussir : ses exploits. L'exploit héroïque
condense toutes tes vertus, et tous les dangers de l'action".
66

17- Iliade, XVU1, 115-118.


18- Iliade,X5X, 98-133.
19 - C'est elle qui, retardant la naissance d'Héraclès, le soumet à Eurysthée
(cf. supra note 18) ; à son retour de Troie, elle suscite une tempête
pour le perdre (Iliade, XIV, 249-262) ; elle est à son tour blessée par
"le trait à trois arêtes" d'Héraclès (Iliade, V, 392-394).
20 - Iliade, V, 638-643 et XIV, 249-262.
21 - Déjà mentionnés en XIX, 131-133.
22- Iliade, Vffl, 360-369.
23 - Nous disons bien "le seul... qui soit jugé digne d'être rapporté" et non
pas le seul à être connu. Nous reviendrons sur ce problème plus tard.
Cf. pp. 460sq.
24 - a) Odyssée, VIII, 223. Ulysse se vante de son habileté à tirer à l'arc,
mais ne prétend pas égaler les anciens héros "tel Héraclès et tel
Eurythos d'Oechalie ; car ceux-là c'est les dieux qu'à l'arc ils égalaient".
Remarquons que, de même que dans XIliade, l'arc est donné comme
l'arme caractéristique d'Héraclès.
b) Odyssée, XXI 24-30 (épisode d'Iphitos tué par Héraclès). Le passage
est jugé comme étant une interpolation : les vers 15 à 41 du chant
XXI en effet mentionnent Messène que le poète, et pour cause, ne
pouvait connaître.
Il peut paraître curieux également qu'Ulysse rencontre une future
victime d'Héraclès, lequel est déjà pour lui un héros.
c) Odyssée, XI, 601-626. Cest, encore une fois, en archer qu'Héraclès
apparaît à Ulysse dans la "maison d'Hadès". Là encore V. BÉRARD
(Les Belles Lettres, 1924) dénonce l'interpolation reconnue dès les
Alexandrins, mais contestée encore de nos jours. Cf. J.T. HOOKER,
The apparition of Héraclès in the Odyssey, LCM, 1980, pp. 64-67.
Cf. sur ce problème J. PEPIN, Héraclès et son reflet dans le
néoplatonisme, dans, Le Néoplatonisme. Actes du Colloque de
Royaumont (9-13 juin 1969), CNRS, 1971, pp. 167-192.
25 - Odyssée, XI, 602-604.
26 - Iliade, VI 146-150 : "Comment naissent les feuilles, ainsi font les
hommes ; tes feuilles tour à tour, c'est te vent qui les épand sur le sol
et la forêt verdoyante qui les fait naître, quand se lèvent les jours du
printemps, ainsi des hommes : une génération naît à l'instant même
où une autre s'efface".
27 - Cf. W.K.C. GUTHRIE, Les Grecs et leurs dieux, traduction française
de S.M. Guillemin, Paris, 1956. L'auteur pense qu'on a voulu "faire
concorder ici deux traditions différentes et expliquer la plus nouvelle
dans les termes de l'ancienne" ; "cet effort", ajoute-t-il, "n'a pas été
absolument couronné de succès".
28 - HÉSIODE, Théogonie, 950-955. Hésiode rapporte également la
naissance d'Héraclès, fils d'Alcmène "unie d'amour à Zeus assembleur
67

des nuées" (943-944), et, au hasard de ses généalogies, quelques uns


des travaux imposés au héros : la lutte contre "Géryon aux trois têtes"
(287-294 et 979-983) ; contre l'hydre (312-318) ; contre le lion de
Némée (327-332) ; la délivrance de Prométhée (526-534).
29 - "Ce héros, ce dieu..." disait déjà Pindare, Néméennes, ??, 22. Nous
aurons à revenir sur les théories des auteurs postérieurs.
30 - W.K.C. GUTHRDE, op. cit., p. 264.
31 - Nous n'avons pas l'intention de traiter ici de la "question homérique".
Nous parlerons d'Homère comme l'a toujours fait une tradition qui
cependant - et cela, dès les Alexandrins - doutait de l'existence d'un seul
auteur. Nous tiendrons pour acquise l'antériorité de Ylliade par rapport à
YOdyssée (une génération, environ, séparerait les deux poèmes
composés selon l'opinion la plus couramment admise vers le milieu
du Vinème siècle pour te premier, à la fin de ce même Vlïïème siècle -
peut-être même au début du Vllème - pour le second).
De plus grande importance nous paraît être le problème du témoignage
homérique. Nous ne sommes pas convaincue par la théorie bien
connue de M.I. FINLEY, pour qui le monde homérique ne représente
ni Mycènes, ni la Grèce des VIIIe- VIIe siècles, mais la société - déjà
assez lointaine pour être magnifiée - qui suit tes invasions doriennes :
celle des Xème-IXème siècles. (Sur ce point voir la critique de P.
VIDAL-NAQUET, Homère et le monde mycénien, Annales E.S.C.,
1963, p. 703 sq.). Nous insisterons, quant à nous, sur la complexité
d'un témoignage où se mêlent des souvenirs de différentes époques, où
la poésie et la fiction ont également leur part Sans épiloguer ici - ce
n'est guère le lieu de le faire - sur la composition de Ylliade et de
YOdyssée il nous paraît nécessaire de rappeler qu'à la source des
poèmes homériques - qui ne seront finalement rédigés qu'au Vlème
siècle - se trouve une longue tradition de poésies épiques d'origine et de
date probablement fort différentes. Nous reviendrons plus tard sur ce
problème capital pour nous, de la poésie orale (Cf. injra pp. 43-45),
nous voudrions simplement inclure dans cette problématique la
question des "interpolations" qui ne nous paraissent pas devoir jeter la
suspicion sur un texte, mais parachever ce lent travail d'élaboration ;
et, s'il faut tenir compte du décalage chronologique qu'elles
introduisent peut-être - qu'il est parfois possible d'évaluer d'ailleurs -
nous dirions volontiers, comme L. GERNET qui proteste contre la
tentation d'éliminer ces fragments : "comme si "Homère" ne consistait
pas, pour une bonne part, en interpolations" ! (Delphes et la pensée
religieuse en Grèce, Annales, X, 1955, pp. 526-542, repris dans Les
Grecs sans miracle, Paris, 1983, p. 224). En ce qui concerne Hésiode,
on peut abandonner la chronologie haute encore adoptée, par exempte,
par J. Carcopino, Le Maroc antique, Ilème édition, 1943 (IXème
siècle) et admettre, avec Hérodote, qu'il fut "contemporain d'Homère" ;
68

son oeuvre serait à situer entre le milieu du Ville siècle et le début du


Vllème siècle, M.L. West, dans son édition de la Théogonie le place
dans le dernier tiers du VHIème siècle. (Hésiod, Theogony, Oxford,
1966, 1971) et c'est cette datation que nous retiendrons.
32 - APOLLODORE, Bibliothèque, ?, V, 11 ; Apollodore mentionne
aussi la tradition selon laquelle Héraclès aurait lui-même cueilli les
pommes d'or des Hespérides.
33 - Scholie à APOLLONIOS, IV, 1396.
"Atlas, ayant donné à Héraclès te ciel à porter sur ses épaules, alla vers
les Hespérides, en reçut les pommes et revint vers Héraclès ; mais il
lui dit qu'il porterait lui-même les pommes à Eurysthée pendant
qu'Héraclès continuerait de porter le ciel à sa place. Héraclès - qui le lui
avait promis - remit pourtant Ouranos sur la tête d'Atlas, grâce à une
ruse que lui avait conseillée Prométhée : il pria Atlas de reprendre le
ciel jusqu'à ce qu'il eût fait un coussin pour mettre sur sa tête".
34 - Nulle trace ici, cependant, d'une quelconque hostilité entre les deux
personnages ; Atlas semble se conduire en partenaire désintéresé. Cf.
aussi, pour la céramique, E. SELLERS, Three attic lecythoi from
Eretria, JHS, ???, 1892-1893, pp. 1 à 12 et pi. Xffl.
35 - PAUSANIAS, V, 18, 4. C'est une version plus dramatique qui est
représentée sur le coffre : Héraclès marche contre Atlas l'épée à la
main. Pour la datation, cf., résumant les autres interprétations : E.
Will, Korinthiaka, Paris, 1955, p. 412. Cf. aussi PAUSANIAS VI,
19, 8, pour les sculptures de Théoclès qu'avaient consacrées les
Epidamniens à Olympie et V, 1 1, 5, pour tes peintures des balustrades
qui entouraient te trône de Zeus.
36 - EURIPIDE, Héraclès, 404-408.
37 - EURIPIDE, Héraclès, 395 sq. Cest cette version d'Héraclès vainqueur
du dragon que retient aussi SOPHOCLE, Trachiniennes, 1099-1100.
c'est encore elle que reprendront APOLLONIOS DE RHODES,
Argonautiques, IV, 1396-1407 et QUINTUS DE SMYRNE, VI,
255-260, qui s'en inspire sans doute dans sa description du bouclier
dliurypyle. L'effroi des Hespérides n'est, en effet, pas habituel, et c'est
plus tardivement que dans l'iconographie elles sont représentées en
spectatrices non plus bienveillantes, mais épouvantées de l'exploit
d'Héraclès : cf. P. LÉVEQUE, Un fragment inédit de la frise du théâtre
de Delphes, BCH, LXXIV, 1950, pp. 224-232. Pour un commentaire
de ces différentes traditions, voir notre quatrième partie.
38 - DIODORE DE SICILE, IV, 27.
39 - J. CARCOPINO, Le Maroc antique, 1 1 éd., 1943, pp. 70-71.
40 - U. VON WILAMOWITZ, Euripides Herakles, op. cit., Commentaire
au vers 394, pp. 303-309.
41 - APOLLODORE, Bibliothèque, ?, V, 11.
42 - Un épisode vient, parfois, se greffer à cet endroit de la légende, celui
69

d'Héraclès assailli par les Pygmées qu'il retient prisonniers dans la


dépouille du lion de Némée : cf. DURRBACH, loc. cit., p. 96 et note
5.
43 - Emathion était roi d'Ethiopie suivant DIODORE DE SICILLE (IV,
27).
44 - Nous reviendrons, bien sûr, sur cet itinéraire dans notre quatrième
partie.
45 - DIODORE DE SICILE, IV, 18.
46 - HÉSIODE, Théogonie, 744-745 (interpolation).
47 - HÉSIODE, Théogonie, 767-768 (interpolation). Nous aurons à revenir
sur l'interprétation du "triple" Géryon, disons simplement ici qu'il est
souvent considéré comme un être infernal : cf. WILAMOWITZ,
Herakles, 1, 2, pp. 45 et 65 ; L. WIKCKER, R.E., 1913, VIII, col.
516-528 ; B. SCHWEITZER, Héraklès, 1922, p. 87 ; J. BAYET,
Hercule funéraire, MEFR, XXXIX, 1921-1922, pp. 219-266 et XL,
1923, pp. 18-102, ou encore F. Benoit, La légende d'Héraclès et la
colonisation grecque dans le delta du Rhône, Lettres d'humanité, Vin,
1949, pp. 104-148 : "Le dieu cueille les fruits d'immortalité après
avoir tué le monstre tricéphale qui symbolise les puissances de la
mort".
48 - Dans certains cycles, la quête des pommes d'or représente te dernier des
douze travaux d'Héraclès, semblant ainsi clore sa carrière terrestre : cf.
DIODORE DE SICILE, IV, 26 ; Table Farnèse, 354.
49 - Cette version de la légende est représentée sur deux vases attiques du
Vème siècle ; cf. FURTWAENGLER, Rochers Lexikon, col. 2228.
50 - Cf. supra, pp. 18-20.
51 - C'est te sujet de la tragédie d'EURIPIDE, Alceste.
52 - DIODORE DE SICILE, IV, 26, 2. Héraclès, avec l'aide de Thésée,
délivre aussi Pirithotts.
53 - Cf. Y. BÉQUIGNON, La Vallée du Spercheios des origines au TVe
siècle, BEFAR, 1937, pp. 201-230. Nous aurons, bien sûr, à revenu-
sur cette autre forme de la légende "qui substitue à l'immortalité
magique, donnée par les pommes, une immortalité transcendante
résultant de l'apothéose", écrit M. DELCOURT, op. cit., p. 127.
54 - C'est par exemple, un aspect important d'une thèse de l'Université
d'Amsterdam, Van WILLEM SCHULTE NORDHOLT, De tuin der
Hesperiden, 1951.
55 - J.P. VERNANT, introduction à l'ouvrage de M. Détienne, Les jardins
d'AdonisPms, 1972, p. IV. Sur cette nécessité d'inclure le mythe dans
le système culturel dont il est te produit, cf. encore Cl. CALAME, Le
discours mythique dans Sémiotique, l'école de Paris, Paris, 1982, pp.
85-102.
56 - On nous permettra de choisir ici l'étude à la fois historique et
méthodologique de J. -P. VERNANT, Raisons du Mythe, dans Mythe
70

et Société en Grèce ancienne, Paris 1974, et plus récemment, les


interrogations de M. DETIENNE dans l'Invention de la Mythologie,
Paris 1981 : "c'est sur la légitimité d'une science des mythes que nous
nous sommes interrogés..." (p. 13). Mentionnons encore, P. VEYNE,
Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, 1983.
57 - F.M. MOLLER, Nouvelles leçons sur la science du langage, traduit
par G. HARRIS et G. PERROT, Paris 1968 ; cité par M.
DETIENNE, op. cit., p. 18. Sur cette école de mythologie comparée,
voit J. -P. VERNANT, loc. cit., pp. 218-219 (éd. 1974).
58 - E.B. TYLOR, Primitive Culture, Researches into the development of
Mythology, Philosophy, Religion, Language, Art and Custom,
Londres 1903. Cité par M. DETIENNE, op. cit., p.34. Sur l'école
anthropologique anglaise voir J. -P. VERNANT, loc. cit., pp.
219-221 (éd. 1974).
59 - P. GRIMAL, La mythologie grecque, Paris 1968, pp. 6-7. J. -P.
VERNANT (loc. cit., p. 196 sq.) rapproche au contraire la valeur
sémantique des deux termes mâthos ti logos et l'on peut, à bon droit,
souligner que le mythe par excellence est souvent dit hieros logos. En
fait, chez les Grecs eux-mêmes, si le mythe est encore vérité pour
Homère et Hésiode, il est devenu, pour Platon, l'affaire des poètes
(ceux que la République chassera de la cité comme menteurs) et pour
Aristote ceux qui "usent du mythe" sont indignes qu'on s'occupe d'eux
sérieusement (Métaphysique, ??, IV, 14, Loeb, 1968).
60 - Sur la philologie historique voir J. -P. VERNANT, loc. cit., pp.
221-224.
61 - R. DION, Géographie historique de la France, Annuaire du Collège de
France, Paris 1962, p. 388 (383-406).
62 - Cf. P. FAURE, Aux sources de la légende des Danaïdes, REG, 82,
1969, pp. XXVI-XXVm. Pour PAUSANIAS (IV, 35, 2), Nauplie a
été fondée par les Egyptiens et la Danaïde Amymonè.
63 - M. DETIENNE, Mythes grecs et analyse structurale, // Mito Greco
(Actes du colloque dVrbino, mai 1973), Roma 1977, p. 85. Faut-il
d'ailleurs admettre, avec M. Détienne, que le document de 1380 date tes
aventures de Danaos et de ses filles ? La soumission des Danaoï
est-elle "évément historique" ou s'inscrit-elle dans une certaine durée ?
En fait le document ne constitue pas "l'acte de naissance" du mythe
puisque les Danaoï figurent déjà dans un tribut apporté en Egypte vers
1450 sous le règne de Thoutmosis m. Paul Faure fait remarquer que
tes chroniques grecques héritées des prêtresses d'Argos placent le crime
des Danaïdes, meurtrières de leurs cousins d'Egypte, à la même époque.
64 - J. -P. VERNANT, loc. cit., p. 225.
65 - B. SERGENT, Mythologie et histoire en Grèce ancienne, DHA, V,
1979, p. 59-101. Cf. encore C. BRILLANTE, La leggenda eroica et la
civiltà micenea, Rome 1981.
71

66 - R. BARTHES, Mythologies, Paris, 1957, coll. Points, p. 194.


67 - B. MALINOWSKI, Le mythe dans la psychologie primitive, dans
Trois essais sur la vie sociale des primitifs, rééd. 1980. Le mythe,
écrit Malinowski (p. 103), "n'a rien d'une explication destinée à
satisfaire l'intérêt scientifique, mais constitue une résurrection narrative
d'une réalité ancienne, destinée à satisfaire de profonds besoins
religieux, des aspirations morales, à appuyer des exigences et des
revendication sociales, voire à venir en aide à des nécessités pratiques.
Dans la civilisation primitive, le mythe remplit une fonction
indispensable : il exprime, rehausse et codifie les croyances, il
sauvegarde et favorise la morale ; il garantit l'efficacité du rituel et
contient des règles pratiques pour la conduite de l'homme...." Il est
encore "un élément vital des rapports pratiques qui existent entre
l'homme et le milieu (p. 153)"... Bref, "la fonction du mythe consiste
à renforcer la tradition, à lui conférer un prestige et une valeur plus
grande, en la faisant remonter à une réalité initiale plus élevée,
meilleure, d'un caractère plus surnaturel" (p. 152).
68 - B. MALINOWSKI, loc. cit., p. 130.
69 - J. -P. VERNANT, loc. cit., p. 232 qui cite Cl. Lévi-Strauss : "dire
qu'une société fonctionne est un truisme ; mais dire que tout, dans une
société, fonctionne est une absurdité". Anthropologie Structurale,
Paris, 1958, p. 17.
70 - LÉVI-STRAUSS,
"continuateurs" de Malinowski,
op. cit., p. 21.
en particulier
La même àcritique
M. Mead.
s'applique aux

71 - Op. cit., p. 254. "S'il est vrai que l'objet du mythe est de fournir un
modèle logique pour résoudre une contradiction..." Pour M.
DETIENNE cependant (// mito Greco, loc cit., p. 71) c'est par un
"contresens fonctionnaliste" que l'anthropologue anglais Ed. LEACH
(Genesis as Myth and other Essays, Londres, 1969) en déduit que
l'aspect médiateur du mythe est sa seule fonction.
72 - B. MALINOWSKI loc. cit., p. 103.
73 - B. MALINOWSKI, loc. cit., p. 101.
74 - De l'origine des Fables, voir exergue et supra note 1.
75 - G. DEVEREUX, Femme et mythe, Paris, 1982, p. 116 et p. 151.
L'auteur, il est vrai, parte de "naissances divines" et ne préjuge pas de
ce que fera l'histoire de ces figures mythologiques. Sur les théories de
G. Devereux voir infra pp. 30-31.
76 - Même lorsque la légèreté de l'auteur n'a pas de conséquences sur
l'interprétation, on s'étonne de voir certains psychanalystes lire aussi
rapidement le mythe grec, confondre les personnages... etc... Cf. par
exemple : "Le pleutre Egysthe" (sic) remplace Eurysthée dans l'article
de M.T. NEYRAUT-SUTTERMAN, Héraclès et l'épilepsie, Mythes
(Colloque de Deauville) Revue Française de Psychanalyse, XL VI,
1982, p. 854.
72

77 - Ph. SLATER, The Glory of Hera, Greek Mythology and the Greek
Family, Boston, 1968. N. LORAUX a critiqué, déjà, cette
interprétation dans Héraklès, le surmâle et le féminin, Mythes, op.
cit., pp. 697-792, singulièrement p. 704 et p. 721.
78 - Sans ouvrir à nouveau le dossier d'Oedipe (cf. J. -P. VERNANT dans
Raison présente, 4, 1967 pp. 3-20 repris dans Mythe et tragédie en
Grèce ancienne, Paris, 1972) il faut reconnaître que les tentatives de D.
Anzieu et G. Devereux n'ont guère convaincu les hellénistes et les
historiens.
79 - N. NICOLAIDIS, Oedipe, le message de la différence, dans
Psychanalyse et culture grecque, Les Belles Lettres, Paris 1980, pp.
183-195. Du même auteur et dans le même volume voir aussi :
Mythes et écritures, moyens d'approche de l'appareil psychique, pp.
197-214.
80 - J. JAMtN, Les lois du silence, essai sur la fonction sociale du secret,
Paris 1977, p. 10 - L'objet de l'étude de J. Jamin est la parole (ou le
secret) initiatique et l'auteur s'attache à retrouver la fonction de
reproduction sociale de l'initiation, souvent négligée, dit-il, voire
évacuée, au profit de ses fonctions pédagogiques, symboliques et
culturelles (p. 90). Pour lui la "ruse" de la "raison initiatique" consiste
précisément, sous le sceau du secret et du silence, à dissimuler des
rapports de force et de pouvoir, voire des rapports de production, à les
rendre donc "ni assignables, ni contestables" (p. 95). Ces remarques
peuvent paraître d'un grand intérêt pour qui étudie la mythologie
grecque, et tout particulièrement la mythologie héroïque pour laquelle
les rapports avec les cérémonies initiatiques sont au moins fortement
probables. En ce qui concerne Héraclès, voir infra, notre troisième
partie.
81 - Cf. C.G. JUNG et Ch. KERENYI, Introduction à l'essence de la
mythologie, Paris 1974 (4).
82 - G. DEVEREUX, op. cit., p. 98. De ce rapprochement - dont nous
prenons la responsabilité - rien ne serait plus faux que de conclure que
G. Devereux est un disciple de Jung. C'est lui qui, au contraire,
qualifie "d'absurde" sa théorie des archétypes.
83 - R. DIATKINE, Mythes, op. cit., p. 692.
84 - R. DIATKINE, ibid. p. 693. Dans cette "formulation superficielle"
qui postule "que les religions et les mythes ont emprunté leurs thèmes
aux théories sexuelles et aux fantasmes des enfants" on reconnaît, bien
sûr, la doctrine de Freud.
85 - La tentation parfois reste proche. Cf. M. T.
NEYRAUT-SUTTERMAN, loc. cit.,(Mythes) p. 853 à qui "le
décryptage, psychanalytique du personnage d'Héraclès à l'aune de son
épilepsie... fournit., un lieu de compréhension du héros apparemment
si polymorphe"
73

86 - Cf. infra, notre étude des rapports d'Héraclès aux pratiques initiatiques
(troisième partie).
87 - G. DEVEREUX, op. cit., p. 98.
88 - L'expression est de G. DURAND, Figures mythiques et visages de
l'oeuvre, 111e Verte, 1979, p. 28. On ne saurait toutefois faire de ce
théoricien de l'imaginaire un "symboliste". Il se définit lui-même
comme un "structuraliste mitigé" (ou encore un "structuraliste
figuratif) Actes du colloque de Chantilly. Problèmes du mythe et de
son interprétation. Paris 1978, pp. 27-50. Sur les travaux de ces
"symbolistes" dont l'interprétation ouvre sur le sacré voir J.P.
VERNANT, loc. cit., pp. 227-232.
89 - J. RUDHARDT, La fonction du mythe dans la pensée religieuse de la
Grèce, // Mito Greco, Rome 1977, p. 317.
90 - J. RUDHARDT, loc. cit., p. 314.
91 - Cl. LEVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, Paris 1958, pp. 235
sq..
92 - Cf. par exemple, M. DETIENNE, loc. cit., Il Mito Greco, pp. 70-71.
93 - Pour la présentation de la méthode mise en oeuvre autour de J. -P.
VERNANT, M. DETIENNE et P. VIDAL-NAQUET à la IVe section
des Hautes Etudes voir, par exempte, J. -P. VERNANT, Lectures et
problèmes du mythe, loc. cit., pp. 244-250 et M. DETIENNE,
Mythes grecs et analyse structurale, // Mito Greco, pp. 69-90, repris
dans le chapitre : Les Grecs ne sont pas comme les autres, Dionysos
mis à mort, Paris 1977, pp. 17-47.
94 - M. DETIENNE, L'invention de la mythologie, Paris 1981, pp. 9-10.
95 - M. DETIENNE, op. cit., p. 242 "une dernière histoire en attendant le
théoricien. On raconte qu'à Syracuse.. ..etc...".
96- Il semblerait bien que les plus grandes réussistes soient les
interprétations les plus "libres"... en particulier celles qui poussent au
plus loin le déchiffrement d'un texte précis (ici Hésiode), l'intégration
dans le contexte historique et culturel est alors possible, ce qui n'est
pas le cas, lorsqu'il s'agit, à l'exemple de Lévi-Strauss, de dégager
l'armature commune d'une multitude de versions de nature et d'époques
différentes.
97 - Cf. supra note 95. Déjà en 1973, au Colloque dUrbino, M.
DETIENNE prenait quelque distance avec le structuralime de Cl.
LÉVI-STRAUSS, loc. cit.. Il Mito Greco, p. 69-90. Quand à J. -P.
VERNANT, en 1974 (Mythe et Société p. 250), il se tournait "vers
les linguistes, les logiciens, tes mathématiciens" dont il espérait "le
modèle structural d'une logique qui ne serait pas celle de la binante, du
oui ou du non, une logique autre que la logique du logos".
98 - R. BARTHES, op. cit., p. 195.
99 - R. BARTHES, op, cit., p. 202.
74

100 - R. BARTHES, op. cit., p. 203.


101 - On songe à ce que G.H. SCHUBERT déjà (1780-1860) disait du
"langage métaphorique du rêve" qu'il rapprochait de celui du mythe (La
symbolique du rêve, chap. 1, rééd. Paris, 1982).
102 - P.RICOEUR, sv. Mythe (Signification philosophique), Encyclopedia
Universalis, 12, pp. 883-890.
103 - Même lorsqu'elle travaille, comme le disait J. -P. VERNANT en 1973
à Urbino, "sur tes documents écrits et datés, de forme littéraire, et dont
le déchiffrement suppose qu'on les ait au préalable situés dans leur
contexte historique et culturel" (// Mito Greco, p. 397). Nous ne
pensons pas, contrairement à ce qu'affirme l'auteur (p. 398), que pour
autant "l'équivoque sur l'histoire (soit) levée".
104- N. LORAUX, Les enfants d'Athéna, Idées athéniennes sur la
citoyenneté et la division des sexes, Paris 1981.
105 - N. LORAUX, op. cit., p. 9 et note 6.
106 - N. LORAUX, op. cit., p. 10.
107 - N. LORAUX, op. cit., p. 252.
108 - N. LORAUX, op. cit., p. 22.
109- N. LORAUX,©/?. cit., p. 10.
110- Cf. p. 30 et note 80.
111 - J. -P. VERNANT, Religion grecque, Religions antiques, (leçon
inaugurale au Collège de France, 5 déc. 1974), Paris 1976, repris dans
Religions, histoires, raisons, Paris 1979.
112 - Cf. p. 33 et notes 95 à 97; cf. aussi les affirmations de N. LORAUX,
op. cit., p. 10.
113 - Cf. les interrogations de M. DETIENNE dans l'Invention de la
Mythologie.
114 - R. BARTHES, op. cit., p. 197.
115 - Sur les mythographes voir M. DETIENNE, art Mythe (mythe et
écriture : les mythographes), Dictionnaire des Mythologies, op. cit.,
pp. 141-143.
116 - Cf. G. DURAND, Figures mythiques et visages de l'oeuvre, l'Ile
verte, 1979, p. 31 "C'est le mythe qui, en quelque sorte, distribue tes
rôles de l'histoire et permet de décider ce qui "fait" le moment
historique, l'âme d'une époque, d'un siècle, d'un âge de la vie. Le
mythe est le module de l'histoire et non l'inverse". Il est bien difficile
à un historien de souscrire à pareille théorie, même - et surtout -
lorsqu'il affirme l'importance du mythe "fait social total", comme le
disait L. Gemet
117 - G. DURAND, Pérennité, dérivations et usure du mythe, dans Actes
du Colloque de Chantilly. Problèmes du mythe et de son
interprétation, Paris 1978, pp. 27-50.
118 - On peut, en effet, dans une certaine mesure estimer que cette
distinction rencontre celle qu'établit Lévi-Strauss entre "parties
75

cristallines" et "parties probabilistes" du récit ou M. Eliade entre la


fonction d'instauration du mythe et ses représentations.
119 - M. DETIENNE, loc. cit., Il Mito Greco, p. 74.
120 - E. CASSIRER, La philosophie des formes symboliques, ?, La pensée
mythique, Paris 1972, p. 58. Redisons, une fois de plus, que nous
n'approuvons pas l'économie générale du projet : cf. en particulier p.
20, ce paragraphe que l'on comparera à la citation de G. Durand (cf.
note 116) : "Dans le rapport entre la mythologie et l'histoire, la
mythologie apparaît toujours comme le terme premier et l'histoire
comme le terme secondaire et dérivé. Ce n'est pas son histoire qui
détermine la mythologie d'un peuple, mais à l'inverse la mythologie
qui détermine son histoire - ou, qui plus est, la mythologie ne
détermine pas, elle est elle-même le destin de ce peuple".
121 - C'est cette démarche que nous avons suivie dans une communication
au Colloque de Bressanone (oct. 1981), Religione e citta' nel mondo
antico, Rome, 1984, pp. 9-29.
122 - Ce titre est aussi celui de la communication de G. LIVET au colloque
de Strasbourg : Méthodologie iconographique, (1979), éd. G.
SEEBERT, Strasbourg, 1981.
123 - CIS 1, 122 ou IG, XIV, 600. Cf. infra notre étude sur Melqart
124 - Cf. M. T. PIRAINO, Iscrizione inedita da Poggioreate, Kokalos, V,
1959, pp. 159-173. Iscrizioni greche lapidarie del museo di Patermo,
1973, p. 60 sq. n° 35, pi. ???, 35 ; Su alcuni documenti epigraphici
délia religiosité sicehota (Actes du Colloque de Bressanone, 1981), op.
cit., Rome, 1984, pp. 165-170. Pour l'auteur l'inscription date de la
fin du VHème siècle ou du début du Vlème siècle et pourrait n'être
qu'un réemploi par les indigènes. Cf. encore M. GUARDUCCI,
Annuario, 1959-1960, p. 272, pi. IV.
125 - C'est ainsi que, dans le cadre de notre participation aux travaux du
Centre de Recherches de Besançon (U.A. 338 du CNRS : Analyse des
formations sociales de l'Antiquité) et à G ATP "Polythéïsmes" du
CNRS (Analyse du discours mythologique chez Apollodore), nous
avons pu disposer de l'enregistrement informatisé du texte d'Apollodore
(Edition R. WAGNER, Mythographi graeci, I, Apollodori
Bibliotheca, Teubner, réimpression de Stuttgart, 1965).
126- Cf. notre troisième partie.
127- Cf. notre quatrième partie (chapitre I).
128 - Nous reviendrons sur ce point dans notre Hème partie, chapitre 1 .
129 - On s'en apercevra par certaines constantes du vocabulaire. Cf. IVème
partie, chap. 1.
130- Voir le premier chapitre de la deuxième partie.
13 1 - Voir notre troisième partie.
132 - Nous aurons l'occasion de revenir, sinon sur la "question homérique",
du moins sur le problème, plus important pour nous, de la poésie
76

orale, condition même de l'existence, en Grèce comme ailleurs, du


discours mythique. Sur ce point voir R. FINNEGAN, Oral Poetry, lis
Nature, signifiance and social context, Cambridge, 1977 ; P.
ZUMTHOR, Introduction à la poésie orale, Paris 1983 et surtout, en
ce qui concerne la Grèce, les travaux de M. PARRY dans l'édition
qu'en donne A. PARRY, The Making ofHomeric Verse, Oxford 1971
et J. SVENBRO, La parole et le marbre, aux origines de la poétique
grecque, Lund, 1976.
133 - Pour l'acception de ces termes (dérivation/pérennité) v. supra p. 36 et
notes 116 et 117.
134 - R. BARTHES, Mythologies, op. cit., p. 193.
135 - Poursuivons la définition que donne du mythe R. BARTHES (op. cit.,
p. 193) "... Ce qu'il faut poser fortement dès le début, c'est que le
mythe est un système de communication, c'est un message".
136 - Cf. M. FOUCAULT, L'archéologie du savoir, Paris, 1969, p. 182.
137 - Cf. notre Epilogue.
138 - Cf. notre première partie chap. 4 et l'étude que nous avons consacrée à
ces représentations (à paraître).
139 - Sans doute est-il nécessaire, pour interpréter correctement une image
monétaire, de chercher, comme le demande O. PICARD (Problèmes de
numismatique thasienne, CRAI, 1982, pp. 412-424) "à déchiffrer sa
signification proprement monétaire en la replaçant dans le système
monétaire de la cité". Peut-être y a-t-il quelque excès, cependant, à
affirmer que le choix d'un type monétaire (celui de l'Héraclès ou du
Dionysos imberbes plutôt que celui de l'Héraclès ou du Dionysos
barbus par exemple), loin de traduire "une évolution à une sensibilité
religieuse.. .(ou) une transformation du goût" obéirait à "une nécessité
financière" et aurait "pour fonction première de marquer les diverses
étapes de l'histoire monétaire de la cité, de faciliter le contrôle des
espèces circulant, de permettre de les trier mieux que ne le ferait une
simple évolution stylistique...".
140 - K. SCHEFOLD, Poésie homérique et art archaïque, RA, 1, 1972, fig.
2 et du même auteur s Texte et image à l'époque archaïque grecque
dans Texte et Image, Actes du Colloque international de Chantilly
(oct. 1982), Paris, 1984, pp. 41-52. Voir aussi Gôtter und
Heldensagen der Griechen in der spûtarchaîschen Kunst, Miinchen,
1978.
141 - V. KARAGEORGHIS, De l'adaptation et de la transformation de la
mythologie grecque à Chypre durant la période archaïque et classique,
Colloque du CNRS n°593, addendum p. 86 et planche VI, 2.
142 - H. METZGER, Les représentations dans la céramique attique du
TVème siècle, Paris, 1951 ; d Recherches sur l'imagerie athénienne,
Paris, 1965.
143 - Ch. DUGAS, Décoration et imagerie dans la céramique grecque, REG,
77

49, 1936 pp. 440 sq. et, du même auteur : Tradition littéraire et
tradition graphique, AC, 6, 1937, pp. 5 sq. Pour un historique et une
bibliographie de la question voir CL. BÉRARD, Anodoi, essai sur
l'imagerie des passages chthoniens, Neuchâtel, 1964. Voir aussi F.
LISSARRAGUE et A. SCHNAPP, Imagerie des Grecs ou Grèce des
imagiers ?, Le temps de la réflexion, ?, 1981, pp. 275-297 et Image et
Céramique grecque, Actes du colloque de Rouen éd. par F.
LISSARRAGUE et F. THÉLAMON, Rouen, 1983.
144 - E. H. GOMBRICH, L'Art et l'illusion, 1971, p. 28 (sémantique
traduit ici "linguistics").
145 - A l'Université de LYON ?. Cf. Bulletin de liaison de la Société des
amis de la Bibliothèque Salomon-Reinach, 1985, 3, p. 63.
146 - Cl. BÉRARD, Anodoi, opxit., p. 47.
147 - R. BARTHES, op. cit., p. 195.
148 - Cf. supra p. 33.
149 - R. BARTHES, op. cit., p. 200.
150 - Ce qui, bien entendu, n'implique en rien une identité de fonction.
151 - Voir notre note 132. Les livres cités de R. FINNEGAN et P.
ZUMTHOR donnent une vue synthétique du problème. On peut
donner quelques exemples de ces traditions orales contemporaines : Cf.
J. BARRE-TOELKEN, The pretty Langage ofyellowman, 1969 ; E.
MAQUISO, Ulahingan, An Epie of the Southern Philippines,
Dumaguete - City, 1977 ; I. OKPEWHO, The Epie of Africa,
New-York, 1979.
152 - P. ZUMTHOR, op. cit., p. 116. Notons encore la formule (au sens
habituel du terme ici) de P. Zumthor pour qui la formule (de l'épopée)
"neutralise l'opposition entre la continuité de la langue et la
discontinuité du discours" (p. 1 19).
153 - Cl. BÉRARD, Anodoi, op. cit., p. 47. Cf. encore U. ECCO, La
structure absente. Introduction à la recherche sénuotique, trad. française
de 1972, p. 178 : "Les signes iconiques reproduisent certaines
conditions de la perception de l'objet, mais après les avoir sélectionnés
selon des conventions graphiques".
154 - Cf. F. LISSARRAGUE, A. SCHNAPP, loc. cit., p. 281 : "Vieillard,
femme, cavalier, hoplite, par exemple, qui sont dans l'image des
agents narratifs, non des données statistiques".
155 - G. LIVET, loc. cit., p. 6.
156 - J.M. MORET, L'Ilioupersis dans la céramique italiote, les mythes et
leur expression figurée au IVème siècle, Genève, 1975, chapitre 12 et
p. 194. Le "schéma agenouillé" qu'étudie aussi l'auteur subit, au cours
des siècles, la même évolution sémantique.
157 - J.M. MORET, op. cit., p. 294.
158- L'auteur étudie également les phénomènes de synonymie
(représentation d'un même épisode légendaire au moyen de schémas
78

graphiques différents) p. 297, et d'homonymie (images d'aspect


identique, ou presque, mais auxquelles on donne un sens différent) p.
298. Toutes ces transformations ne sont pas sans influence sur le
mythe lui-même "dans ce jeu d'actions et de réactions exercées par le
mythe sur l'image et par l'image sur le mythe, il y a métamorphose
des deux entités" (p. 297). L'iconographie d'Héraclès offre d'ailleurs un
exemple intéressant de telles "déviations" de l'image. Lorsque les
chrétiens donneront leurs premières représentations du péché originel
(fresques de la basilique des Saints Martyrs de Citimite en Campante,
par exemple), ils figureront Adam sous les traits d'Héraclès au jardin
des Hespérides. Le thème du "jardin" se prêtant - comme d'ailleurs le
"sauveur" qu'était devenu Héraclès - à l'interpretatio christiana. Cf. L.
TODISCO, Modelle classica par le prime espressioni figurative del
peccato originale, AFLB, ????, 1980, pp. 163-186.
159 - G. LIVET, op. cit., p. 7.
160 - P. ZUMTHOR, op. cit., p. 233.
161 - Pour la bibliographie voir supra note 132.
162 - G. MOUNIN, La crucifixion, approche sémiologique d'un thème...,
dans les Actes du Colloque d'Aix-en-Provence : Iconographie et
histoire des mentalités, CNRS, Marseille, 1979, pp. 33-38.
163 - L. TIBERI, Stesicoro e le raffigurazioni vascolari délia Gerioneide,
Arch. Class., XXDC, 1, 1977, pp. 175-179, pi. XLIV et XLV. M.
ROBERTSON, Geryoneis : Stesichorus and the vase-painters, CQ,
XDC, 1969, pp. 207-221 ; P. BRIZE, Die Geryoneis des Stesichoros
und diefrOhegriechische Kunst, Wttrzburg, 1980.
164 - L. TIBERI, loc. cit., p. 178.
165 - Cf. J. BOARDMAN, Peisistratos and Sons, RA, 1972, 1, pp. 57-72
ou encore JHS, XCV, 1975, pp. 1-12. Encore faut-il remarquer avec
D.WILLIAMS (Herakles, Peisistratos and the Alcmeonids, Colloque
de Rouen, op. cit., pp. 131-140) que les Pisistratides reprenaient là un
même développé d'abord par les Alcméonides.
166 - J.M. MORET qui avait entrepris sa thèse afin d'étudier tes rapports
entre la tragédie et la céramique peinte d'Italie méridionale et pensait
que le résultat confirmerait l'origine théâtrale des scènes de vases a, au
terme de ses recherches, "ramené à de plus justes proportions le rôle
des influences littéraires et restitué à la tradition figurée la part
d'invention qui lui revient" (op. cit., p. 6).
167 - HÉSIODE, Théogonie, 215, 273-75 et 517-519. Nous avons déjà noté
que, chez Hésiode, les Hespérides ne sont jamais mises en relation
avec Héraclès, contrairement à ce qu'affirme DURRBACH, in, DAGR,
ffl, 1, s.v., Hercules, p. 78-128.
168- HÉSIODE, Théogonie, 287-294
169 - n faut préciser toutefois qu'avant les colonnes d'Héraclès, les Grecs
avaient connu les colonnes d'Atlas (Odyssée, 1, 52-55 : "Atlas cet
79

esprit malfaisant... qui veille, à lui seul, sur les hautes colonnes qui
gardent écarté de la terre, le ciel"). Leur "fonction" - et c'est encore
celle que leur prête la Théogonie (517) - est par conséquent différente
(plus cosmogonique que géographique) de celle qu'assument les
colonnes d'Héraclès, dressées par le héros "pour maintenir ouverte la
route qu'il a creusée entre l'océan extérieur et notre mer intérieure" ou
au contraire "pour empêcher les monstres de l'Océan d'envahir la
Méditerranée" (DIODORE, IV, 18). Il est d'ailleurs intéressant de
remarquer que Diodore n'éprouve pas le besoin de choisir entre les deux
versions : seule survit donc, dans l'utilisation qu'il fait du mythe sa
fonction ordonnatrice, fonction passée de l'ordre cosmogonique - et
divin - à l'ordre géographique (une géographie retouchée pour
l'homme), fonction passée aussi d'Atlas à Héraclès. Au Vlème siècle,
l'expression est suffisamment liée au héros pour faire partie du
vocabulaire géographique courant : si dans un fragment d'Hécatée de
Milet ne sont mentionnées que les colonnes sans référence à Héraclès
?????? p????- pe?? ta?· st??a?· F.H.G., ?, frg. 325, ?. 25,
Mtiller = 372 Nenci = 356 Jacoby) chez PINDARE (Néméennes, III,
37) elles sont bien les colonnes d'Héraclès et, au Vème siècle,
Hérodote emploie couramment l'expression (cf. IV, 8 ; 1, 20 ; IV, 43 ;
IV, 96 etc...). Cf. encore PLATON (Timée, 25e) qui nomme
les ' ??a??????- st??a? et les '??a??????- d???.
170- STRABON, XVII, 3, 3.
171 - PLINE L'ANCIEN, Histoire naturelle, V, 3-5.
172 - Strabon est plus précis dans sa description de la Turdétanie, lorsqu'il
cite Homère et les "poètes postérieurs qui multiplient à l'envie les
récits analogues, décrivant les expéditions faites pour conquérir les
troupeaux de Géryon et les pommes du jardin des Hespérides, les
fameuses pommes d'or" (III, 2, 13). Il attribue même à Stésichore la
localisation à Erythie, île voisine de Gadeira (=Gadès), le lieu de la
naissance du bouvier Géryon (III, 2, 11). Cf. infra, notre deuxième
partie.
173 - Cf. G. KISH, La carte image des civilisations, Paris, 1981 ; R.
BALADIÉ (Le Péloponnèse de Strabon, étude de géographie
historique, Paris 1980), rappelle utilement que Strabon lui-même ne
permet pas, véritablement, de caitographier les pays qu'il décrit : "des
données où voisinent de façon à peu près inextricable la vérité et
l'erreur : orientations inexactes dans bien des cas, localisation vague
des points remarquables sur lesquels repose la construction de
l'ensemble, évaluation quelquefois exacte, le plus souvent
approximative, des distances, confusion, erreurs caractérisées,
flottement résultant de la valeur du stade..." (p. 37).
174 - Cf. infra fig. 1 et pp. 92 sq.
80

175 - Iliade, XVIII, 606 ; Iliade, XVIH, 399, Odyssée, ??, 1-2 et XX. 65.
C'est une image toute semblable qui se dessine encore dans la
Théogonie d'Hésiode (242 ; 265 ; 292 ; 776 ; 787-790).
176 - Cf. J. GAGE, Hercule Melqart, Alexandre et les Romains à Gadès,
REA, XLII, 1940, pp. 425-438, et, du même auteur, Gadès, llnde et
les navigations atlantiques dans l'Antiquité, RH, 205, 1951, pp.
189-216. Cf. encore A. BERTHELOT, Les données numériques de la
géographie antique d'Eratosthène à Ptolémée, RA, XXXVI, 1931, pp.
1-34.
177- Pour l'identification des "colonnes" voir infra p. 103 ; Calpé
(aujourd'hui Gibraltar) sur la côte espagnole et, sur la côte marocaine,
Abyla (soit te Mont Acho au N.E. de Ceuta, soit le Mont aux singes,
au S.W.) Cf. en particulier, St GSELL, Histoire ancienne de l'Afrique
duNord,H,pp. 167-16S.
178 - SILIUS ITALICUS, Us Puniques, 1, 141 ; XVIH, 637.
179- PLINE L'ANCIEN, Histoire Naturelle, W, 6.
180 - A. SCHULTEN, La geste d'Héraclès, dans Tartessos, Contribuciôn a
la historia mas antigua de Occidente, Madrid 1924 ; et id., Die
Griechen in Spanien, dans Rh. M. LXXXV, 1936, p. 302, voir infra
pp. 97sq.
181 - Pour J.H. CROON, The Herdsman of the Dead, Studies on some
Cuits, Myths and Legends of the ancient greek colonization-aera,
Amsterdam 1942, la légende de Géryon est apportée par les
Chalcidiens dans la région de Cumes et en Sicile et ce sont les
Phocéens, leurs alliés commerciaux qui la transportent à Gadès, sur les
lieux de leurs expéditions lointaines. Sur les mythes d'Héraclès à
Cumes voir N. VALENZA-MELE, Eracle euboico a Cuma. La
Gigantomachia e la via Heraclea, dans Recherches sur les cultes grecs
et l'Occident, Cahiers du Centre Jean Bérard, V, Naples 1979.
1 82 - Il faut rappeler là, l'importance de la Géryonide de Stésichore dHimère
vers 600 à qui Strabon (III, 2,1 1) rapporte la localisation de Géryon à
Erythie.
183 - HÉSIODE, Théogonie, 287-294. Même pour qui ne partage pas tout à
fait "le doute méthodique" de J. -P. Morel, loc. cit., p. 419 sur la
colonisation phocéenne à Tartessos ou, d'une façon générale, sur la
présence ancienne des Rhodiens et Phocéens dans les mers
occidentales, il est certain que cette présence est postérieure à l'époque
d'Hésiode (qui d'ailleurs paraît tout ignorer de la colonisation).
L'aventure de Colaios, rapportée par HERODOTE (V, 152) témoigne
sans doute du rôle important joué par tes Samiens "associés à l'activité
commerciale des Phocéens" (F. VHJLARD, La céramique grecque de
Marseille, essai d'histoire économique, Paris 1960, p. 56 et 72), mais,
malgré les dates hautes proposées par A. SCHULTEN (op. cit, p. 45),
MAZZARINO (Fra Oriente et Occidente, p. 1 17) et A. GARCIA Y
81

BELLIDO (Hispania Graeca, I, p. 1 15 et 130), il reste finalement daté


de 630 environ.
184 - PLINE L'ANCIEN, Histoire Naturelle, IV, 120.
185- STRABON, ??, 5, 5.
186 - Nous aborderons dans une annexe à la première partie ce problème
encore très controversé. Contentons-nous de renvoyer ici à J.
DES ANGES, op. cit., pp. 39-85 pour un état de la question et pp.
392-403 pour la présentation et la traduction de la version d'Heidelberg
et des sources relatives à ce périple. Cf. du même auteur, Le point sur
"Le périple d'Hannon", controverses et publications récentes, dans
Enquêtes et documents, Nantes-Afrique- Amérique, VI, 1981, pp.
13-29, et les deux articles de R. REBUFFAT, D'un portulan grec du
XVIème siècle au périple d'Hannon, Karthago, XVII, 1976, pp.
139-151 ; Recherches sur le bassin du Sébou, II, le périple d'Hannon,
BAM, XVI, 1985-1986, pp. 257-284.
187 - SCYLAX (ou Pseudo-Scylax), 112 : cf. J. DESANGES p. 113. Selon
F.C. MOVERS, Die Phônizier, p. 540, l'étymologie du nom de la
cité pourrait être phénicienne (mais on préfère généralement reconnaître
une origine berbère au nom primitif de la ville Liks) et St GSELL a
pu démontrer que les textes épigraphiques, bien rares et mutilés il est
vrai, "y ressemblaient à ceux de la côte syrienne beaucoup plus qu'à
ceux de Cannage" (op. cit., ?. p. 73).
188- PLINE L'ANCIEN, Histoire Naturelle, XDÎ, 63.
189 - PLINE L'ANCIEN, Histoire Naturelle, XDC, 63.
190- POMPONIUSMELA.m.6.
191 - Notons que si, comme nous le pensons, cette assimilation est
ancienne, elle éclaire peut-être le problème de la double nature - héros
et dieu -d'Héraclès.
192 - Voir infra te quatrième chapitre de notre première partie.
193 - Voir infra, notre première partie pp. 158-161.
194 - Une dédicace de Tharros se rapporte à un sanctuaire d'Hercule-Melqart
(cf. Ph. BERGER, CRAI, 1901 pp. 578 et M. LIDZBARZKI,
Ephemfttr Semit.Epigr., ?, p. 62). On peut mentionner la légende qui
s'attache à la colonisation de la Sardaigne (PAUSANIAS, X, 17, 2) et
te rasoir cathaginois, qui, figurant d'un côté Héraclès-Melqart, de l'autre
Sardos, paraît se rapporter à la même légende (CRAI, 1905. pp.
325-327 ; R. DUSSAUD, loc. cit., pp. 214 fig. 3). Pour les
témoignages les plus récents se référer à F. BONDI, loc. cit., Colloque
deCortona, 1981.
195- Cf. D. VAN BERCHEM, loc. cit., Syria, pp. 307-338. Nous
pensons, quant à nous, que les éléments sémitiques, certes frappants,
dans te culte de YAra Maxima, peuvent s'expliquer, aussi bien que par
un contact direct avec les Phéniciens, par l'intermédiaire des Grecs -
présents plus tôt et plus intensément qu'on ne te pensait - à Rome et
82

dans le Latium (cf. par exemple, PP., 1977, Lazio arcaico e mondo
greco). Ceux-ci ayant pu apporter, non seulement le culte des colonies
de Grande-Grèce et de Sicile (cf. J. BAYET, Les origines de l'Hercule
romain, Paris 1926), mais aussi celui d'un Héraclès-Melqart déjà connu
en Orient Nous pensons au type de l'Héraclès chypriote qu'évoque la
grande terre cuite architectonique qui ornait, dès la deuxième moitié du
Vie siècle, le temple archaïque de l'aire sacrée de S. Omobono et que
rappellent aussi de très nombreux petits bronzes dits étrusco-italiques.
On se reportera à notre épilogue.
196 - Melqart avait un temple à Carthage (CIS, 264). Tous les ans la ville
envoyait une ambassade au dieu de la métropole, et au Ile siècle avant
J.C., lui adressait encore la dîme (JUSTIN, XVIII, 7, 7 et DIODORE,
XX, 14 et XIII, 108). Cf. encore QUINTE-CURCE, Histoire
d'Alexandre, IV, 2, 10 et IV., 3, 22 ; ARRIEN, Anabase, ?, 24, 5 et
POLYBE, XXXI, 12 et 20. Cf. C. BONNET, Le culte de Melqart à
Carthage : Un cas de conservatisme religieux, Studia Phoenicia, IV,
Religio Phoenicia, 1986, pp. 209-222.
197 - CIS , 1, 122, ou /G, XIV, 600. Cette inscription est du Ile siècle avant
J.-C. Les marins tyriens réclament de même à Délos un téménos pour
leur Héraclès qu'ils qualifient à la fois d'Arc hé gè te de Tyr et de
bienfaiteur de l'humanité (1519, lignes 14-16).
198 - Cf. J. POUILLOUX, loc. cit., p. 309 et du même auteur, Archiloque,
Fondation Hardt, X, p. 22.
199- DIODORE DE SICILE, IV, 8, 5.
200- DIODORE DE SICILE, 1,2,4.
201 - L. MAKARIUS, Ethnologie et structuralisme, l'apothéose de Cinna,
mythe de naissance du structuralisme, L'homme et la société, 1971, 4,
pp. 191-210.
202 - P. VIDAL-NAQUET, Le chasseur noir et l'origine de l'éphébie
athénienne, Annales ESC, ????, 1968, pp. 947-964 repris (et
remanié) dans Le Chasseur Noir, Paris 1981.
203 - Cf. infra dans notre troisième partie. L'étude des rapports entretenus
par Héraclès avec les jeunes gens nous conduira à aborder le problème
des pratiques initiatiques.
204 - W. BURKERT, Le mythe de Géryon : perspectives préhistoriques et
tradition rituelle, dans // Mito Greco, op. cit., pp. 273-283.
205 - Il faudrait ajouter les critiques de D. SABBATUCCI sur l'utilisation
qui est faite du mythe de Cacus, op. cit., p. 284.
206 - G.S. KIRK, Methodological reflexions on the myths of Héraclès, //
Mito greco, op. cit., pp. 285-297. Nous ne partageons pas, cependant,
la conviction exprimée p. 286 que les contradictions d'Héraclès
appartiennent probablement à la tradition orale pré-homérique.
207 - Cf. supra, pp. 43 sq. Cf. encore pp. 221 sq. ; cf. enfin notre
quatrième partie.
83

208 - HÉSIODE, Théogonie, 289-294 (cf. encore 980-983).


209 - HÉSIODE, Théogonie, 215-216.
210 - HÉSIODE, Théogonie, 273-275 ; 517-520.
211 - HÉSIODE, Théogonie, 744-745 ; 767-768 (interpolation).
212 - PISANDRE aurait, le premier, donné cette précision (frg 5K apud
ATHENEE, XI, 469c) reprise au Ve siècle par PANYASIS (frg. 7K
apud Athénée ibid.) et encore MACROBE, Saturnales, V, 21, 19.
Pour APOLLODORE (II, V, 10) c'est au retour qu'Héraclès obtient la
coupe du soleil dans laquelle il entasse les troupeaux de Géryon. Dans
cette coupe G. DUMEZIL retrouve la "cuve" présente dans les légendes
indo-européennes du cycle de l'ambroisie (Le festin d'immortalité,
Paris 1924, pp. 116-125).
213 - Cf. par exemple, par L. GERNET, La cité future et le pays des morts,
REG, 46, 1933, pp. 293-310... Peut-être même n'est-il pas nécessaire
de parler comme HJ. ROSE (Handbook of Greek Mythology, London
1958, p. 216) et L.R.FARNELL (Greek Hero Cuits, Oxford 1921, p.
171) d'une conquête de l'immortalité par la recherche des fruits de
l'arbre de vie. On ne peut cependant dénier à l'épisode des Hespérides,
comme le fait J.O. HANSON (Muséum Africum, 1, 1972, pp. 1-3), sa
valeur symbolique sous prétexte que "l'idée de l'arbre de vie ne vient
pas des Grecs, mais des Hébreux" (p.l), que les pommes sont
généralement liées à l'amour et à la beauté plus qu'à la mort (p.2) et
que, si l'un des exploits d'Héraclès est une quête de l'immortalité, c'est
sa victoire sur l'Enfer ou peut-être la défaite de Thanatos dans le mythe
d'Alceste (p.2). Il peut paraître plus faux encore d'affirmer que
l'immortalité n'a été pour Héraclès que la récompense des services
rendus à l'humanité (p.l). Cest certes ce que dit Diodore, c'est ce qu'est
devenu le mythe, mais c'est loin d'en être une donnée première (cf.
Homère).
214 - Cf. par exemple, WILAMOWITZ, op. cit., 1, pp. 45 et 65 ;
ZWICKER, R.E. 1913, VIII, col. 516-528 ; B. SCHWEITZER, op.
cit., p. 87 ; J. BAYET, Hercule funéraire, MEFR, XXXIX,
1921-1922, pp. 219-266, et 1923, pp. 18-102 ; F. BENOIT, La
légende d'Héraclès et la colonisation grecque dans le delta du Rhône,
Lettres d'humanités, VIII, 1949, pp. 104-148.
215 - Cf. J.H. CROON, The Hersdsman ofthe Dead, (op. cit.) : cf. encore
l'hypothèse d'un "bouvier de Dis" au Vélabre par A.W.J.
HOLLEMAN, Larentia, Hercules et Mater Matuta (Tib. ?, 5), AC,
45, 1976, pp. 197-207.
216 - A. MOTTE, Prairies et jardins de la Grèce antique, de la religion à la
philosophie, Bruxelles 1973. Cf. aussi G. SOURY, La vie de
l'au-delà. Prairies et gouffres, REA, 46, 1944, pp. 169-178.
217 - A. MOTTE, op. cit., p. 241.
84

218 - C. RAMNOUX, La nuit et les enfants de la nuit, Paris 1959, pp. 48


sq..
219 - HOMERE, Odyssée, XXIV, 11-13.
220 - HOMERE, Iliade, Vffl, 360-369 ; Odyssée, XI, 618-626.
221 - HOMERE, Iliade, V, 395-398. Hadès partage en cela le sort d'Hère elle
aussi cruellement blessée au sein par "le rude enfant d'Amphitryon... le
fils de Zeus qui tient l'égide". Peut-être faut-il encore souligner que le
choix de Pylos (=la porte) pourrait, lui aussi, être signifiant.
222 - HOMERE, Iliade, XVIH, 1 15-1 18.
223 - HOMERE, Odyssée, XI, 602-604. Le passage il est vrai est douteux.
224 - Ce thème est lié à l'aspect très fortement chthonien du héros ; en
témoignent ses rapports avec les sources chaudes, les liens qui
l'unissent aussi aux grandes divinités chthoniennes : Héra en Grande
Grèce, Déméter et Coré en Sicile, pour nous limiter à l'Occident grec.
225 - Alors que les Hespérides ne sont, avec certitude, mises en rapport avec
le héros qu'au Vie siècle dans l'art, et au Ve siècle dans la littérature,
on trouve, au Vile siècle, des représentations de Géryon dans l'art, et
dans la littérature, cf. BROMMER, Die zwôlfTaten..p. cit., tableau
p. 54. Remarquons que l'oeuvre d'Hésiode est, depuis tes travaux de P.
Walcot et ML·. West, plus généralement située dans le dernier tiers du
vme siècle.
226 - Cf. infra, pp. 163-165 et fig. 20.
227 - JX. MYRES, op. cit., n° 1368. Cf. infra, fig. 33.
228 - Cf. C. RAMNOUX, op. cit., p. 37. L'auteur dans son étude sur "le
chthonien et le nocturne" (pp. 37-40) part de la distinction établie dans
YOrestie par Eschyle (dont les mots "sont mots de catalogue, lourds
d'intentions et de sens") entre un Hermès Chthonios et un Hermès
Nychios.
229 - HJ. CROON, op. cit., reprenant la thèse de O. GRUPPE, pour qui
Héraclès n'était pas lui-même de nature chthonienne et n'était considéré
comme tel que parce qu'il avait vaincu et supplanté des génies
chthoniens, voit en Géryon un autre Hadès, un bouvier des morts,
accompagné d'ailleurs du chien Orthros, comparé au Cerbère des
Enfers.
230 - G. DUMÉZIL, Mythes et dieux des Germains, Paris 1939, pp. 92-106
et surtout du même auteur, le combat contre l'adversaire triple, dans,
Horace et les Curiaces, Paris 1942.
231 - B. LINCOLN, The Indo-European Cattle Raiding Myth, HR, XVI,
1976, pp. 42-61. Cf. aussi W. KIRFEL, Die dreikôpfige Gottheit,
Bonn 1948.
232 - B. LINCOLN, loc. cit., Tableaux p. 46 et 60.
233 - Nous renvoyons, sur ce point à notre troisième partie.
234 - J. BAYET, Origines..., p. 233. Signalons encore la théorie de D.
SUTTON (The greek origins of Cacus myth, CQ, XXVII, pp.
85

391-393) pour qui la légende de Cacus est un "remake" d'un vieux


mythe italique hellénisé par sa rencontre avec le mythe de Sisyphe
volant les chevaux de Diomède (seul mythe grec qui unisse Sisyphe et
Héraclès).
235 - PROPERCE, Elégies, IV, 9, 10. On peut remarquer cependant que
l'élément triple est, sous différentes formes, présent dans la plupart des
versions de la légende : chez PROPERCE, encore, la massue frappe
trois fois (IV, 9, 15), chez OVIDE (Fastes, 1, 575) elle est dite
trinodis, chez VIRGILE (Enéide, 230 sq.), trois fois Héraclès parcourt
l'Aventin, trois fois il s'évertue à forcer la retraite du fils de Vulcain,
trois fois, tombant de fatigue, il doit s'asseoir. Notons pour notre part,
que ce rythme ternaire peut-être relevé aussi chez Apollodore, très
proche des sources grecques anciennes.
236 - De origine gentis Romanae, VII, VIII. On retrouve sans doute la
même tradition chez SERVIUS (Sur l'Enéïde, VIII, 203) lorsqu'il
rapporte que Verrius Flaccus donnait au vainqueur de Cacus le nom de
Garanus.
237 - S. FERRI, Mostri inferi délie stèle daunie, RAL, XXIV, 1969, pp.
133-153. Cf. aussi G. PUCCIONI, Hercules Trikaranos nell origo
gentis Romanae, Scripta Untersteiner, 1970, pp. 235-239.
238- DIODORE, XXIV, 4-6.
239 - Ce sera l'objet de notre troisième partie.
240 - G. DUMÉZIL, Heur et malheur du guerrier, Paris 1969 ou Mythe et
Epopée, II, Paris, 1971, pp. 117-124. Cf. encore Mariages épiques,
Héraclès, Sigurdr, dans, Mariages indo-européens, Paris 1979, pp.
59-65. G. Dumézil retrouve dans les mariages ou unions d'Héraclès le
parallèle des mariages que l'Inde appelle brahma (Mégara), asura
(Déjanire) raksara (Iole) et éventuellement gandharva (ses nombreuses
unions).
241 - Cf. C. JOURDAIN-ANNEQUIN, Héraclès héros culturel, loc. cit.,
Héraclès mortel ou immortel, héros-bête, comme nous le nomtre la
comédie, ou héros-dieu comme l'écrit PINDARE (Néméennes, III, 22).
Moins homme que les hommes, non pas seulement par son apparence
et ses excès mais aussi par ces transgressions de l'humain que sont la
folie de l'esclavage ; plus dieu qu'homme par ses victoires répétées sur
ltladès et sa mort divinisante sur le bûcher de l'Oeta. C'est dans cette
tension permanente que se trouve l'intérêt du personnage et nous
serions tentée d'en faire, comme A. BRELICH, te héros par excellence,
celui qui parcourt tout Yhinterland entre le monde d'en bas et celui des
dieux. Cette ambiguïté fondamentale d'Héraclès apparaît également
dans l'article que N. LORAUX consacre au héros dans Dictionnaire des
Mythologies, op. cit., I, pp. 492-497.
242 - Quant à la bibliographie moderne nous n'y reviendrons pas.Cf. note 6.
243 - Cf. B. LINCOLN, loc. cit., pp. 62-65. Nous reviendrons sur ce point
86

dans le deuxième chapitre de notre quatrième partie.


244 - La formule, un peu hasardeuse semble-t-il, est de B. LINCOLN, loc.
cit., p. 63. Une interprétation du mythe d'Héraclès, en particulier de
l'épisode de Cacus par comparaison avec les mythologies
indo-européennes a déjà été donnée par B. SCHWEITZER, op. cit, pp.
211-219 ; M. BRÉAL, Hercule et Cacus, Paris 1863, contra H.J.
ROSE, Chthonian Cattle, Numen, 1, 1954, pp. 213-227 qui voit, dans
le mythe d'Héraclès et Géryon, un récit des populations non
indo-européennes.
245 - J. BAYET, Origines,... p. 410 sq.. Cf. ??? LIVE, 24, 3, 2.
246 - J. TOUTAIN, Observations sur le culte d'Héraclès à Rome, REL,
1928. pp. 200-212 (p. 208). Cf. infra, notre quatrième partie pp.
485-487 et notre Epilogue.
247 - G. COLONNA, Bronzi votivi umbro-sabellici a figura humana,, I,
periodo "arcaico". Florence 1970. Cf. aussi J. -Ch. BALTY, Note sur
un type italique de l'Hercule Promachos, dans Bull. Art et Hist, 4ème
série, 33, 1961, pp. 2-26 et, du même auteur, a propos de quelques
séries de bronzes italiques et du culte d'Hercule en Italie Centrale.
Problèmes et orientations des recherches dans, Alumni, XXXIV,
Bruxelles 1964, pp. 45-54.
248 - F. VAN WONTERGHEM, Le culte d'Hercule chez les Paeligni, AC,
XLH, 1973, 1, pp. 36-48.
249- A la fin de notre première partie.
250 - Nous maintenons, sachant très bien, cependant que P. CHANTRAINE
ne l'admet qu'au féminin, - l'expression de "p?t????·" ?e??t??. Elle
est la seule qui convienne parfaitement au "maître des lions" que les
archéologues retrouvent si fréquement au Moyen Orient Cf. infra, pp.
566 sq.
251 - Cf. H. SEYRIG, loc. cit., Syria, 1944-1945.
252 - Cf. par exemple, R. DUSSAUD, loc. cit., Syria, p. 221.
253- APOLLODORE, ?, IV, 9.
254- APOLLODORE, ?, VU, 7.
255 - APOLLODORE, ?, VII, 10. Sauf ceux qu'Héra avait elle-même
dispersés dans les montagnes de Thrace où il redevinrent sauvages,
comme ces acheta zoa, généralement réservés pour le sacrifice.
256 - Héraclès formé sur Héra et cléos signifierait, selon une étymologie
déjà donnée par les Anciens "gloire d'Héra" (Etym Magn., p. 435 ;
APOLLODORE, II, 73 ; DIODORE de SICILE, I, 24, 4 et IV, 10,
1). Sur cette relation "probable et pour le moins étymologique" entre
Héra et Héraclès voir M. DELCOURT, Légendes et cultes des héros en
Grèce, 1942, p. 118 ; L. SÉCHAN et P. LÉVEQUE. Us grandes
divinités de la Grèce., Paris, 1966, p. 177 et note 55 p. 187 ; P.
CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque,
87

Paris, 1968, s.v. "??a, pp. 415-416. WILAMOWITZ, déjà, voyait


en Héraclès la "gloire d'Héra" ; P. KRETSCHMER (Glotta, 8, pp.
121 sq.) estime que ce nom devait être un nom théophore répandu à
Argos avant de s'appliquer, singulièrement, à Héraclès. Pour W.
POETSCHER (Emerita, 39, 1971, pp. 169-184), c'est une
réinterprétation ultérieure du mythe qui ferait des exploits accomplis
pour la gloire commune de la déesse et du héros des athloi imposés
par une Héra jalouse de ce fils de Zeus et d'une mortelle. Il donne ainsi
quelques exemples des liens qui unissent plus qu'ils n'opposent ceux
qui, à l'époque mycénienne, devaient, pense-t-il, former un couple
divin (cf. aussi, du même auteur, Héra und Héros, Rhein. Mus., 104,
1961, pp. 302 sq.). Nous proposerons, dans cet ouvrage, d'autres
éclairages pour comprendre et cette interprétation du mythe et la
probable valeur initiatique de ce deuxième nom (Héraclès se serait
d'abord appelé Alcide). Contre la conception parfois acceptée d'Héraclès
comme le "héros" ou le "jeune héros" voir A;
MORESCfflNI-QUATTORDIO, ??a ed "????- . Un tentativo di
exegesi etimologica, SSL, 19, 1979, pp. 167-198. De façon plus
générale, contre une étymologie "à la grecque", nous ne retiendrons pas
l'argumentation de G. Donnay (Autour de l'Héraclès chypriote,
??a?t??? t?? ? 'd?e?????- ??p?????????? s??ed????, ?, éd.
par Th. Pappadopoulos et S.A. Hadjistyllis, Nicosie, 1985, pp.
373-377 : son appel à une comparaison, pour le moins saugrenue, ne
disqualifie en rien une explication fondée sur le nom de la déesse.
Quant à l'étymologie proposée par H. SCHRETTER et reprise par
l'auteur (p. 374), elle reste hautement hypothétique et les rapports
d'Héraclès et de Nergal, s'ils existent effectivement (voit infra p. 169 )
sont loin d'avoir la prégnance de ceux que, tant dans le mythe que dans
le culte, le héros entretient avec Héra.
257- Au sens où l'entend L. ALTHUSSER lorsqu'à plusieurs reprises il
oppose la catégorie de "totalité", qu'il "laisse" à Hegel à la catégorie de
"tout" qu'il revendique pour la pensée marxiste. Totalité : tentation de
l'immobilité, cercle (ou sphère) qui se ferme et renvoie à un centre ;
tout : complexe et inégal, qui fait sa place au devenir.
&

PREMIERE PARTIE

D'UNE RIVE A L'AUTRE

DE LA MÉDITERRANÉE
91

"Au point de jonction de la mer de


Rown et de l'Océan se trouvent les
phares de cuivre et de pierre bâtis par
Hercule, le héros. Ils sont couverts de
caractères et surmontés de statues qui
semblent dire du geste "il n'y a ni route
ni voie derrrière nous pour ceux qui,
de la mer de Roum, voudraient entrer
dans l'Océan" .

La tradition arabe associe ainsi, en l'an 332 de l'Hégire (1),


le nom d'Héraclès au passage difficile d'une "mer de Roum"
-qu'il faut, bien sûr, identifier avec notre Méditerranée- vers un
océan, "dont
Ténèbres" ouon
"Mer
ne connaît
Environnante"
ni l'étendue
qui évoque
ni la fin",
d'assez
une "Mer
près, des
nos

plus anciens textes grecs.


Ce héros, lié aux bornes occidentales du monde connu,
comme l'était Dionysos à ses limites orientales, est celui qui, chez
Diodore, (2) profita de son expédition contre Géryon pour
retoucher le détroit de Gibraltar dont les deux rives étaient
soudées selon certaines traditions, ou trop distantes selon
d'autres. C'est aussi celui qui, chez Apollodore, érige ces
fameuses colonnes, lorsqu'avant d'obtenir la coupe du soleil qui
le conduira vers l'île d'Erythie, il passe de la Libye au royaume
de Tartessos (2). Enfin - mais cela nous l'avons déjà dit (4) - la
tradition tardive rejoint le témoignage d'Hésiode pour situer le
jardin aux pommes d'or et les parcs brumeux de Géryon près
d'Océan, et localise ainsi, non loin des colonnes qui portent le
nom d'Héraclès, les deux derniers exploits terrestres du héros.
Peut-on dire, alors, avec Jérôme Carcopino, que "l'éden"
où chantaient "les voix claires des nymphes du soir s'est déplacé
avec l'horizon des Grecs" (5), de même que, sur les rivages
septentrionaux de la Méditerranée, l'île d'Erythie, séjour de
Géryon, gagnait progressivement l'Espagne ? Certes, il est vrai
que dans la seconde moitié du Vlème siècle on cherchait le jardin
merveilleux "dans des îlots du lac Triton, c'est-à-dire des Syrtes"
(6), mais il n'en est pas moins vrai qu'Apollonios de Rhodes
situe toujours la rencontre des Argonautes et des nymphes dans la
même région... (7). On n'en conclura pas, pour autant, que vers
200 avant J. -C, la Cyrénaïque demeurait la limite occidentale du
monde connu.
Il est vrai, aussi, qu'à la fin du Vlème siècle, Hécatée de
Milet plaçait Erythie, l'île du bouvier monstrueux, au large de
92

l'Epire (8). Mais doit-on imaginer qu'il est en retrait par rapport
aux connaissances géographiques des contemporains d'Hésiode ?
Tous deux paraissent plutôt représenter des traditions
divergentes par rapport à la version première qui d'emblée - et
pour cause ! - localise Erythie et le Jardin des Hespérides à
l'extrême Ouest. Il est curieux, en effet, que tous les historiens
citant ce fragment du logographe, conservé par Arrien, laissent à
penser qu'Hécatée ne connaît qu'une localisation des prairies de
Géryon ; le texte pourtant - qui oppose l'Ibérie à l'Epire - paraît
plutôt traduire un choix - ratifié par Arrien - choix en faveur de la
vraisemblance, dans la mesure où l'Ibérie est jugée trop lointaine.
Et c'est une attitude comparable qu'on retrouverait chez l'auteur
de l'écrit pseudo-aristotélicien Mirabiles Auscultationes qui
polémique contre la version occidentale du mythe et, comme
Hécatée (comme Lycos de Rhégion et Théopompe encore), situe
le dixième expoit d'Héraclès dans la zone adriatico-épirote (9).
D'ailleurs, si Hécatée situe Erythie dans la mer Ionienne, il
sait parfaitement que là n'est pas l'Océan ; c'est du moins ce que
prouve la carte de Voicouménè (10), que, reprenant et corrigeant
à la fois Anaximandre, il aurait ajoutée à la Description de la terre
(H).
Malgré la part d'arbitraire que suppose toute reconstitution,
il ne fait aucun doute qu'y triomphe la conception d'un Océan
"extérieur", embrassant l'univers, conception qui rappelle tout à
fait ce que nous en apprennent nos premières sources littéraires.
Dans Ylliade, en effet, l'Océan est considéré comme un fleuve
puissant (12), et c'est une conception semblable qui s'exprime
dans YOdyssée où le "cours d'Océan" est opposé au "flot du
grand large" (13). Continuellement, dans les deux épopées, en
effet, on le distingue de la "mer immense", de la Méditerranée, et
on le définit par son courant. R. Dion (14), insiste sur la
singularité de ce courant : un courant qui revient sur lui-même
(15), qui semble ne pouvoir se déverser nulle part, et au
contraire, trouve en lui sa propre fin.
C'est une représentation toute semblable qui se dessine
dans la Théogonie d'Hésiode : image d'un "fleuve sans rival"
dont Héraclès un jour franchira "le cours" (16). Dans un passage,
il est vrai d'utilisation délicate, c'est l'expression même de Ylliade
qui se retrouve
source" ; plus loin
: l'Océan
même, est
il est
un dit
fleuve
d'Océan
qui "revient
qu'il "s'enroule
vers sa
autour de la terre et du large dos de la mer" (17).
Pour R. Dion, il ne fait aucun doute que ce courant revenant
sur lui-même traduit l'expérience - directe ou indirecte - que
pouvaient avoir les Grecs de la marée dans le détroit de Gibraltar.
93

Peut-être...
"fleuve" représenté
; ce quipar
estHéphaïstos
bien certain,
autour
en tout
du monde
cas, c'est
exemplaire
que ce

du bouclier d'Achille, ce fleuve "enroulé autour de la terre",


correspond à une conception rigoureusement symétrique d'un
monde embrassé sur toute sa périphérie par les eaux d'Océan.
C'est cette représentation que nous restitue la carte ionienne, celle
encore que critique Hérodote (18), sans d'ailleurs rien pouvoir lui
opposer.
Ainsi il nous paraît difficile de retrouver la progression des
connaissances géographiques des Grecs à travers une évolution
dans la localisation du mythe, qui semble bien n'avoir été ni aussi
simple, ni aussi linéaire qu'on l'a prétendu. Le problème sans
aucun doute est mal posé. Il semble qu'on puisse admettre une
situation d'emblée occidentale et, par là-même, océanique du
mythe. Ce que nous chercherons à expliquer c'est la précision
d'une localisation qui à Lixos pour les Hespérides, à Gadès pour
les troupeaux de Géryon est, à l'époque romaine, couramment
admise.
95

CHAPITRE PREMIER

LIXOS ET GADES,
BORNES OCCIDENTALES DU MONDE CONNU

1-1 Dans sa description des Maurétanies, Pline l'Ancien


mentionne Tingis, "jadis bâtie par Antée", (19) et, à trente-deux
milles, Lixos, que Claude venait d'ériger en colonie. "C'est là",
dit-il, "qu'on plaçait, et le palais d'Antée, et son combat avec
Hercule, et les jardins des Hespérides. Un estuaire, qui se glisse
en replis sinueux dans les terres, offre, selon les explications
modernes, quelque ressemblance avec le dragon qui les gardait :
au milieu se trouve une île qui, bien qu'isolée et plus basse que
les alentours, n'est jamais inondée par la marée. On y voit encore
un autel d'Hercule ; mais, à l'exception de quelques oliviers
sauvages, rien ne donne l'idée de la fameuse forêt d'arbres aux
fruits d'or" (20). Il est bien regrettable que Pline ne dise pas d'où
lui viennent ces "progigieuses inventions des Grecs"!
Pas plus que lui, Strabon n'avait éprouvé le besoin de citer
les sources de(21).
mensongères" ce que,
En s 'excusant
lui ausi, considérait
du "caractère
comme
merveilleux
"fables
de
ces récits", il rapportait cependant qu'au Sud de Lixos se trouvait
"un antre à l'intérieur duquel la mer, à marée haute, pénétrait
jusqu'à sept stades" et qu'en avant de cet antre, s'étendait un
terrain plan où s'élevait un autel d'Hercule que ne recouvrait
jamais le flux. (22). Le jardin des Hespérides était-il l'une de ces
"fables inventées par les historiens" à propos de cette côte de la
Libye extérieure ? Strabon ne le dit pas, mais il est permis de
supposer qu'il connaît, sinon cette localisation, du moins une
localisation très voisine. Dans sa description de la Turdétanie (ou
Bétique) il évoque en effet les allusions qu'ont pu faire à ces
régions Homère et les "poètes postérieurs"... Ceux-ci, dit-il, ont
multiplié à l'envi les récits analogues "décrivant les expéditions
faites pour conquérir les troupeaux de Géryon et les pommes du
jardin des Hespérides, les fameuses "pommes d'or", et nommant
Iles des Bienheureux certaines îles dont nous savons qu'elles se
voient aujourd'hui encore non loin de l'extrémité de la Maurusie
qui fait face à Gadéira" (23).
L'association des trois thèmes nous paraît d'un intérêt
capital, et pour la signification de ces exploits occidentaux et pour
leur localisation. C'est un domaine atlantique chargé de valeurs
96

mythiques qui se dessine : les côtes ibériques près de Gadès, les


côtes maurétaniennes qui leur font face et les îles voisines, que
très tôt les Grecs ont considérées comme le séjour des
bienheureux.
Quant à la date de ces poèmes simplement dits "postérieurs
à Homère", nous n'avons malheureusement aucune certitude,
même si l'ensemble du texte donne l'impression que ce sont des
légendes anciennes que Strabon évoque ici (24). Peut-être,
cependant, pourrions-nous déduire, de la longue citation qu'au
livre IV, ce même auteur nous fait du combat d'Héraclès contre
les Ligyens, qu'Eschyle, en tout cas, connaissait cette
localisation ; c'est en effet lorsque "Prométhée instruit Héraclès
des routes qui mènent du Caucase au Jardin des Hespérides" (25)
qu'il lui annonce cette épreuve nouvelle. Le chemin de la Crau,
semble bien mener vers les régions atlantiques - il écarte en tout
cas la possibilité d'une localisation en Cyrénaïque, mais -depuis
Diodore - on imagine plutôt cette "voie héracléenne" suivie par le
héros, avec les boeufs qu'il a ravis à Géryon et emmène à
Tirynthe... preuve supplémentaire, s'il en était besoin, des étroits
rapports qui unissent les deux "exploits". Enfin ce désert de
pierres qu'est la Crau, ce vent froid que Strabon nomme
Mélamborée - notre mistral - mais qui, dans le Prométhée Délivré
était tout simplement Borée (26), la tradition d'Apollodore, qui
nous présente Héraclès, guidé par Prométhée, dans la dernière
partie de son voyage, vers le pays des Hyperboréens... autant de
raisons qui nous incitent à la prudence (27).
Sans développer, pour l'instant, l'intérêt que représente ce
passage conservé d'Eschyle quant à la signification du mythe,
nous nous en tiendrons, en ce qui concerne sa localisation, à un
petit nombre de certitudes.
Au 1er siècle après J. -C, une tradition bien établie et
réputée d'origine grecque, a fixé le souvenir d'Héraclès, dans ces
parages de la Libye atlantique. Le héros a cueilli là les fruits d'or
- localisation qui, pour être plus précise, n'en est pas moins
conforme à ce qu'en savait déjà Hésiode -. Il y a vaincu Antée
(28), il y reçoit un culte (29).. tout cela non loin des "colonnes",
qui, depuis très longtemps dans la géographie grecque, portent
son nom (30).
Au-delà de ces colonnes, mais au Nord, sur la côte ibérique
s'était, depuis plus longtemps, précisée la localisation d'Erythie,
ltle de Géryon, l'île "rouge", "l'île du soleil" (31) qu'Hésiode
plaçait simplement au delà de l'Océan. Stésichore le premier,
semble-t-il, l'aurait située dans le pays de Tartessos, face au
fleuve "aux racines d'argent" (32) (le Baetis, ou Guadalquivir) ;
97

au début du siècle suivant, Phérécyde nommait plus précisément


Gadeiraune
plutôt" (Gadès)
île qui(33),
s'allonge
alors parallèlement
que "d'autres à
auteurs"
la ville,indiquaient
de "l'autre
côté d'un détroit large d'un stade" (34).
C'est aussi "près de Gadès" qu'Hérodote (35) et Scymnos
(36) situent les pâturages de Géryon : la tradition ne variera plus
guère. Plinequ'était
oblongue" par exemple,
primitivement
rapporteGadès,
que c'est
île dans
qu'Ephore
une "île
et
Phikstide appelaient Erythée, et dans laquelle "quelques auteurs"
plaçaient "les Géryons qu'Hercule dépouilla de leurs boeufs"
(37).
L'évolution est on ne peut plus intéressante : le rôle décisif
que semble avoir tenu Stésichore d'Himère dans la précision
géographique des lieux, la mention de ce pays de Tartessos qui
fut YEl Dorado des premiers colons, autant de facteurs qui
incitent à considérer le rôle, certainement très grand, qu'a sans
doute eu l'expansion grecque de la période archaïque dans la
diffusion des légendes vers l'ouest, et tout particulièrement des
derniers exploits d'Héraclès.

1-2 Les derniers exploits d'Héraclès... ? semble qu'on


ait parfois confondu la matière mythique, et l'histoire de ce
mythe ; pour certains auteurs, nous l'avons vu, ces épreuves
occidentales du héros sont les dernières, non seulement parce
qu'elles terminent sa carrière terrestre, mais aussi et surtout parce
qu'ils les imaginent plus tard venues dans la geste d'Héraclès.
Sans nier - nous venons de le souligner et nous aurons l'occasion
d'y revenir longuement (38) - le rôle fondamental de la
colonisation grecque, nous ne pouvons que nous élever contre de
telles opinions : comment, en particulier, suivre A. Schulten
lorsqu'il affirme que la légende "s'enrichit de trois nouveaux
exploits quand les Phocéens arrivent à Tartessos" ? (39).
Comment croire, avec P. Laviosa-Zambotti (40), que la légende
de Géryon rappelle les rapports primitivement hostiles entre
Phocéens et Tartessiens ? L'hypothèse rhodienne, préférée par A.
Garcia y Bellido (41) et H. Rolland (42), ne paraît pas plus
satisfaisante. La colonisation a certainement joué un grand rôle
dans la diffusion de la légende et du culte d'Héraclès, voire dans
la précision de certaines localisations, peut-être même dans
l'attribution au cycle d'Héraclès du mythe des Hespérides (nous
aurons à revenir sur ces différents points), mais elle ne peut en
aucun cas expliquer la création des exploits occidentaux
d'Héraclès, puisqu'au moment où les colons grecs découvrent
98

ces rivages lointains, Hésiode, depuis longtemps, a situé au delà


d'Océan l'île brumeuse de Géryon et les jardins des Hespérides
(43).
Pourquoi donc ces bornes occidentales ? Pourquoi, plus
précisément, Lixos et Gadès ? Il semble que, si l'on pouvait - tout
en restant pour l'instant, nous le rappelons, dans le domaine des
réalités positives - déceler de quelles valeurs les chargeaient les
Anciens, on comprendrait mieux ensuite qu'elles aient fixé la
légende.
Or, il est frappant de remarquer une certaine concordance
dans les témoignages littéraires : ces régions atlantiques sont
représentées comme des terres merveilleusement riches. Strabon
et Pline, s'ils doutent des inventions mensongères des Grecs, se
rejoignent dans leur étonnement devant une nature
exceptionnelle : le premier rapporte, vraisemblablement d'après
Poséidonios, que ce sont les excellents pâturages d'Erythie qui
auraient suscité la légende des troupeaux de Géryon, "car le lait
du bétail qu'on y met à paître ne caille pas. Pour en faire du
fromage, on doit y mêler une grande quantité d'eau, tant il est
gras. Quant au bétail, il meurt par suffocation au bout de trente
jours, si on ne lui retire une certaine quantité de sang au moyen
d'une incision. En effet, l'herbe dont il se nourrit est sèche, mais
très engraissante" (44). La flore apparaît ainsi particulièrement
luxuriante. Elle comprend même des espèces inconnues ailleurs,
tel cet arbre signalé par Poséidonios et auquel Strabon cherche
vainement des équivalents : ses rameaux, dit-il, "se recourbent
vers le sol, avec des feuilles en forme de glaive, dont la longueur
atteint souvent une coudée et la largueur quatre doigts... Si
quelqu'un en rompt une branche, il s'en écoule du lait, et, si l'on
en coupe une racine, il en sort un liquide de vermeil" (45). Cet
arbre, qu'A. Garcia y Bellido identifie au dragonnier (46), est
sans doute celui dont nous parle aussi Philostrate et qui, selon lui,
"distillait du sang" (47). Or, cet auteur, au début du Ûlème siècle
de notre et
Géryon" ère,
que
rapporte
deux deque
ces les
arbres
habitants
poussent
l'appellent
sur le tertre
"arbre
élevé
de
au-dessus de son corps.
Faut-il citer encore cet arbre que Pline croit connaître, au
large de Cadix, un arbre "dont les rameaux s'étendent tellement
que c'est pour cette raison qu'il n'est jamais entré dans le détroit"!
(48).
Cette herbe dont les propriétés "engraissantes" sont d'autant
plus mystérieuses qu'elle est dite "sèche", ces arbres aux feuilles
immenses (49), leurs particularités saisissantes font du pays
même de Géryon un pays propice à la légende, un pays de rêve
99

pour des agriculteurs qui ne connaissent que les terres sèches de


la Grèce.
Or, c'est une image assez semblable qui nous est donnée du
pays des Hespérides - si du moins on s'en tient à la localisation
marocaine - Hérodote, déjà, opposait la Libye sèche, basse et
sablonneuse, à la Libye occidentale (à partir du Triton), "celle
des cultivateurs... montagneuse, boisée, riche en bêtes..." (50).
Strabon encore, loue cette opulence de la Maurusie" : "Elle
est extrêmement riche en forêts hautes et denses ; tout y pousse.
Ainsi ces tables d'une seule pièce, aux couleurs variées, si
grandes, c'est elle qui les fournit aux Romains... (On raconte
qu')il y pousse une vigne, si grosse que deux hommes ne
peuvent en embrasser le tronc ; elle donne des grappes d'une
coudée environ ; toutes les herbes y sont hautes" (51)...etc... et la
faune participe aussi de cette exubérance. Le tableau est le même
chez Pline qui connaît aussi ces citres dont on fait des tables (52),
décrit ces forêts "épaisses", profondes formées par une espèce
d'arbre inconnue et bien sûr remarquable (53) ; il n'y manque
même pas le prodige : une mauve arborescente, précisément
située "dans l'estuaire où se trouve la ville de Lixos" et "où
furent, dit-on, les jardins des Hespérides" et qui, haute de vingt
pieds, est, comme la vigne de Strabon, "si grosse que personne
ne peut l'embrasser" (54). Terminons enfin par cette description
qui pourrait être celle d'un paradis terrestre ou de l'âge d'or : "Les
fruits de toutes sortes y viennent sans culture et en telle quantité
que partout les désirs y sont rassasiés" (55).
Le parc "brumeux" où Géryon tient enfermé son bétail
correspondrait-il à une expérience géographique ? (56) Celle d'un
pays océanique, d'un pays de marais où la quantité des herbages
est telle qu'elle donne valeur exemplaire à ces rapts de bétail, au
reste si courants dans la société archaïque qu'à plusieurs reprises
la mythologie s'en inspire. Quant aux arbres des Hespérides,
peut-être n'est-il pas besoin de les identifier, comme le faisait le
roi Juba, avec les citronniers de son royaume (57), pour estimer
que leurs fruits devaient paraître particulièrement désirables,
venant d'un pays aussi fécond (58), d'un pays où, comme le dit
Pline, "tous les désirs sont rassasiés".
Mais ces régions atlantiques ne sont pas seulement pour les
Anciens des pays verts, ce sont aussi des pays brillant de toutes
les séductions des métaux rares, l'argent, l'étain, l'or peut-être...
La réputation du pays de Tartessos est suffisamment
connue pour qu'il soit permis de passer rapidement. Peut-être
savait-on déjà, au moment où s'élaboraient les poèmes
homériques, que l'argent venait de ces régions occidentales...
100

(59) Stésichore en tout cas connaît vers 600 -et dans cette ville
d'Himère dont le monnayage est très précoce- l'existence du
fleuve "aux racines d'argent" (60), et, à l'autre extrémité du
monde grec, Anacréon fait un parallèle éloquent entre la corne
d'Amalthée et "un règne de cent-cinquante années à Tartessos"
(61). C'est ensuite, rapportée par Hérodote, l'aventure du Samien
Colaios et de ses compagnons qui tirèrent de la vente de leur
cargaison de tels bénéfices qu'ils purent offrir une dîme
somptueuse à YHéraion de Samos (62). C'est enfin l'histoire de
ce "bon roi" Arganthonios avec lequel les Grecs se lièrent
d'amitié et qui, s'ils refusèrent l'offre de s'établir dans le pays,
reçurent assez d'argent pour constuire les murs de Phocée
menacée (63).
Diodore évoque, dans son développement sur les Ibères,
les grandes richesses métallifères du pays et plus particulièrement
les mines d'argent "très belles, très abondantes, et très
productives pour ceux qui les exploitent" (64). Lui aussi croit à
l'existence de ruisseaux d'argent pur, nés de la combustion des
Pyrénées (65), et rapporte que dans leur naïveté les Ibères
échangèrent le métal contre des marchandises de peu de prix aux
Phéniciens qui gagnèrent ainsi d'immenses richesses et après
avoir continué longtemps ce commerce "devinrent si puissants
qu'ils envoyèrent de nombreuses colonies dans la Sicile et les îles
voisines, ainsi que dans la Libye, la Sardaigne et l'Ibérie" (66).
Mais c'est Strabon qui, encore une fois, nous instruit le
plus et sur "la richesse stupéfiante" qu'avait à son époque
conservée le pays du Baetis et sur la réputation qu'il avait chez
ses prédécesseurs (67). "En aucun lieu de la terre", estime-t-il,
"on n'a pu voir jusqu'à présent ni l'or, ni l'argent, ni le cuivre, ni
le fer être produits en quantités si grandes et avec une telle
qualité". (68). Toutefois sa description des richesses minières
n'est rien a côté de celle de Poséidonios, qui, de l'aveu même de
Strabon, "se livre à l'enthousiasme de l'hyperbole" et accorde
crédit "à la fable selon laquelle la terre de cette contrée, précieux
composé d'argent et d'or, aurait jadis fondu dans l'embrasement
des forêts., puisque, dit-il, chaque montagne, chaque colline de
l'Ibérie est en réalité, par le fait d'un destin incomparablement
prodigue, un amas des matières dont on tire la monnaie" (69).
Quant à l'étain, Strabon rapporte l'opinion de Poséidonios
qui affirme qu'on l'extrait du sol, contre l'idée assez répandue
qu'on le trouve à la surface (70)... C'est pourtant cette théorie
que reprendra Aviénus : "Au dessus des marais, dit-il, s'allonge
le mont Argentarius, ainsi nommé à cause de son éclat : l'étain
resplendit sur ses flancs ; il fait surtout jaillir la lumière dans les
101

airs, quand le soleil de ses rayons frappe sa tête élevée. Le fleuve


Tartessos roule des flots chargés de parcelles d'étain, et apporte
aux villes ce riche métal" (71).
En réalité la région de Tartessos-Gadès semble n'avoir été
longtemps qu'un entrepôt pour l'étain que ses marins allaient
chercher au delà de l'Océan. Aviénus, d'ailleurs, sait que les
Tartessiens commercent avec les îles Oestrymnides "riches de
leurs mines d'étain et de plomb", (72) mais il ne nous appartient
pas, ici, de faire la part de la vérité et du merveilleux (73). Nous
dirons même que, pour l'heure, le merveilleux nous intéresse
également dans la mesure où nous importe surtout l'image de ce
pays tout auréolé de légende.
Retrouverons nous au pays des Hespérides pareilles
séductions, pareilles richesses ? C'est en tout cas ce que pense
Jérôme Carcopino. Il estime, en effet, que Lixos était le centre
"d'un réseau de négociations et de voyages" qui, périodiquement,
y amenaient 'Tor du Soudan et l'argent de l'Atlas marocain".
(74). Nous reprendrons ici, en quelques mots son argumentation.
Pour l'or, elle se fonde sur le passage bien connu d'Hérodote
rapportant, d'après - dit-il - les Carthaginois, comment ceux-ci
commerçaient avec les Libyens au delà des colonnes d'Héraclès.
"Le trafic de l'or soudanais se pratiquait au Vème siècle avant
notre ère exactement selon les naïves méthodes qu'il y a cinquante
ans les Européens employaient encore avec les orpailleurs du
Sénégal "remarque-t-il" et la simplicité enfantine qu'affectent ces
échanges, immuables pendant deux millénaires et demi, nous
engage à en attribuer le mécanisme, au delà d'Hérodote qui, pour
la première fois, l'a décrit, aux Phéniciens qui, six siècles
auparavant,
aventure" (75).
avaient arrêté à l'étape de Lixos leur prodigieuse

Peut-être...
Lixos serait aussi l'entrepôt de l'argent et la base de départ
"pour la prospection des mines d'argent de l'Atlas" et les
"palabres avec les indigènes" dont elles étaient la propriété...
Comme le pays de Tartessos, la Libye aurait sa montagne
d'argent, celle où Promathos de Samos, repris par Aristote,
situait et les sources du Nil, et celles d'un fleuve "Chrémètès"
tributaire de l'océan Atlantique (76).
Cette montagne d'argent serait le Grand Atlas, où Juba et
Vitruve, repris par Pline, placent aussi l'une des sources du Nil,
et le Chrémètès correspondrait au Flumen Darat de Pline (77), au
Dyris de Vitruve (78), au Darados de Ptolémée (79), c'est-à-dire
à l'Oued Draa. Selon Jérôme Carcopino toujours, la traduction
grecque insisterait sur l'aspect "lucratif du fleuve ; Ptolémée au
102

contraire aurait conservé, "sous sa forme déguisée", le vocable


phénicien, formé sur le nom même de l'argent (80).
Ainsi, au même titre que Gadès pour les mines de Huelva et
de la Sierra Morena, Lixos serait la clef d'un El Dorado africain,
et
métal"
les pommes
qu'on allait
d'or,y chercher...
peut-être, le
Reconnaissons
reflet mythique
cependant
du "fabuleux
que la
réputation de la Libye est, dans ce domaine, loin d'atteindre celle
du pays de Tartessos, et qu'elle n'a guère frappé les imaginations
antiques... Certes, on peut essayer de trouver des explications à
ce relatif silence, la moindre connaissance qu'ont eue les Grecs
de ces régions, la rupture peut-être de ces relations avec l'Afrique
profonde, alors que l'Espagne, plus proche de Rome continuait
d'être exploitée ? Il n'empêche que le doute peut planer... que
Lixos apparaît surtout, d'après le témoignage de l'archéologie,
comme une cité vivant de la pêche et de la fabrication du garum
(81), ou de l'agriculture (82), comme le prouvent encore, à
l'époque romaine, les nombreuses exploitations dégagées, avec
leur pressoir à huile ou à vin, leurs cuves et leurs silos. Même si
les deux types d'activité ne sont pas exclusifs, même s'il est
difficile de retrouver des traces du commerce des métaux, même
si l'archéologie ne peut porter qu'un témoignage partiel et
toujours susceptible de s'enrichir ou de se renouveler, il restera
toujours une disproportion entre l'image merveilleuse que nous
ont laissée les Anciens de Tartessos, et celle, nettement plus
terne, de la Libye occidentale. Terminons, cependant, par
l'opinion d'Hérodote susceptible, peut-être, de nuancer ces
considérations par trop réalistes : dans sa description des
"extrémités du monde", au livre III, il constate que celles-ci sont
liées à la possession de l'ambre, de l'étain et de l'or et termine
ainsi:
"Quoi qu'il en soit, il paraît que les régions extrêmes qui
entourent le reste du monde et l'enferment entre elles possèdent
seules les choses que nous estimons les plus belles et qui sont les
plus rares" (83).
Les troupeaux de Géryon, les fruits d'or des Hespérides,
n'étaient-ils pas, pour les Grecs, de ces choses les plus belles, les
plus rares.

1-3 Ce texte d'Hérodote, certes, nous confirme dans l'idée


que nous avions d'un "mirage occidental" propre à conférer à ces
régions atlantiques, enveloppées de mystère, toutes sortes de
vertus merveilleuses. Il offre également l'intérêt tout aussi capital,
de nous rendre compte, une fois de plus, de cet esprit de symétrie
103

qui semble avoir guidé les Anciens dans leurs tentatives pour se
représenter le monde. La localisation à Gadès d'une part, à Lixos,
d'autre part, des deux derniers travaux d'Héraclès, nous paraît
procéder de ce même esprit de géométrie : on en jugera mieux en
reprenant ces cartes qui tentent de donner une représentation
figurée des connaissances géographiques acquises à une époque
donnée (84).
Ces dernières se précisent, surtout à partir d'Eratosthène,
et, grâce à l'expédition d'Alexandre sans aucun doute, l'Asie, en
particulier, voit ses proportions et ses contours s'améliorer. Mais,
sur la carte du monde "selon Strabon" (85) encore, l'essentiel de
la symétrie primitive subsiste et, en particulier, cet axe intangible,
ce parallèle censé diviser le monde en deux parties égales et sur
lequel, de Gibraltar à l'Inde, les géographes mesuraient la plus
grande largeur de Yoicouménè (86), sur lequel aussi on
s'ingéniait, nous l'avons dit, à retrouver toutes sortes de
correspondances largement mythiques (limite des errances de
Dionysos à l'Est, bornes qu'à l'Ouest Héraclès lui-même avait
mises à ses travaux), et qui disent assez que l'imaginaire
l'emporte sur la représentation "scientifique" du monde !
Sur cette "carte-image" que nous avons tenté de reconstituer
(fig. 1) figure donc ce diaphragme, et sur ce diaphragme se
trouvent précisément le détroit de Gibraltar et les colonnes
d'Héraclès (87), le Mont Calpé sur la côte espagnole, le Mont
Abyla, sur la côte africaine (88). De part et d'autre de ces
colonnes, Gadès (la Gadeira de Strabon) et Lixos occupent une
position extrême sur le méridien le plus occidental de la terre
habitée : "la terre, le monde des hommes, finissent à Gadès" écrit
Silius Italicus (89). Les deux villes sont des finistères,
parfaitement symétriques et cette symétrie, déjà, avait frappé
Strabon qui, dans sa description de la "Maurusie" mentionne "une
petite ville qui domine la mer, Trinx selon les Barbares, Lynx
d'après Artémidore, Lixos selon Eratosthène" ; cette petite ville
est, dit-il, "en face de Gadeira dont elle est séparée par un bras de
mer de huit cents stades ; la même distance sépare les deux villes
des colonnes d'Hercule" (90).
Que le théâtre des deux derniers exploits terrestres
d'Héraclès occupe dans ces projections de Yoicouménè cette
place pleine de signification n'est pas pour nous étonner ; nous
nous étonnerons moins encore quand nous saurons qu'à Lixos
comme à Gadès, fondations phéniciennes, était vénéré le dieu
Melqart, auquel, si souvent, le héros grec est associé, voire
identifié.
104

Fig. 1 : Les travaux occidentaux d'Héraclès et Yoicouménè


Deux "cartes-images"

C ? A N

coucher du soleil lever du soleil


en été ¦ Caspienne * en gté

limite des Gai limite des


courses de Dionysos
travaux d'Héraclès
1 / Colonnes d'Héraclès1 \ ? lever du
?? spleil
Gß en hiver
toucher du soleil
en hiver

1. A la fin de l'époque archaïque.

MER EXTERIEURE

2. A l'époque hellénistique.

Ces cartes s'inspirent de celles qu'ont réalisées J.O. THOMSON


(History of Ancient Geography ) et E,H. BUNBURY (A History of
Ancient Geography ).
105

DEUXIEME CHAPITRE

LIXOS ET GADES FONDATIONS PHÉNICIENNES.

2-1 Lixos et Gadès, théâtres des deux derniers exploits


terrestres d'Héraclès, sont, en effet, des fondations phéniciennes.
La tradition leur confère une grande ancienneté : elles seraient,
avec Utique, les premières colonies de Tyr en Occident et
précéderaient ainsi Carthage dans le rôle d'entrepôt qui devait
plus tard être le sien. Gadès, ou plus exactement Gadir, - en
phénicien "l'enclos" (91) - aurait été créée vers 1 1 10 avant notre
ère (92), Utique peu après (1101) ; quant à Lixos, le souvenir
précis de ses origines n'a pas été conservé, mais le périple
d'Hannon, si on peut lui reconnaître quelque autorité (93), fait
état des Lixites et Scylax, au milieu du IVème siècle, la mentionne
expressément comme étant une ville phénicienne (94). Selon F.C.
Movers, l'étymologie du nom même de la cité pourrait être
phénicienne (95) et Stéphane Gsell a pu démontrer que les textes
épigraphiques, bien rares et mutilés il est vrai, y "ressemblaient à
ceux de la côte syrienne beaucoup plus qu'à ceux de Carthage"
(96). Pline, enfin, rapporte que, près de Lixos et à deux cents pas
de l'Océan, un sanctuaire à Hercule passait pour être plus ancien
que celui de Gadès (97). Pour P. Cintas "c'est asssez dire que
l'on peut bien croire que la ville de Lixos est une création
phénicienne et que les Phéniciens la construisirent assez tôt" (98).
Stéphane Gsell et, après lui, Jérôme Carcopino, éprouvent
cependant le besoin d'invoquer à l'appui de ce qui n'est guère
qu'une forte présomption, cette symétrie plusieurs fois soulignée
déjà ; "la géographie, écrit J. Carcopino, dispose Gadès et
Lixus... à égale distance du détroit de Gibraltar, comme escale,
bases..."
sur leur (99).
retour, des navigateurs tyriens voguant vers leurs

Encore faudrait-il que soit confirmée la tradition qui fait des


deux autres comptoirs des fondations de la fin du second
millénaire : les textes bibliques, s'il faut les retenir, tendraient
plutôt à prouver que Gadès n'existait pas encore en tant que cité
au moment où sont mentionnés les rapports avec Tarshish (100) ;
et c'est à partir d'Hérodote, seulement, que les sources nomment
Gadès
"l'héritière"
(101)de
; certaines,
Tartessos d'ailleurs,
: pour Salluste,
font de
c'était
la cité
là l'ancien
phénicienne
nom
de Gadès (102). Pline (103), et plus tard Festus Aviénus (104)
106

laissent plutôt entendre que Gadès a succédé à Tartessos. Quant


aux auteurs qui essaient de situer dans le temps cette fondation,
ils s'accordent sur sa haute antiquité : "Les Phéniciens amassèrent
de grandes richesses et ils résolurent de naviguer sur la mer qui
s'étend en dehors des colonnes d'Héraclès et qu'on appelle
l'Océan. Tout d'abord ils fondèrent en Europe, près du passage
des colonnes, une ville à laquelle ils donnèrent le nom de
Gadeira", écrit Diodore (105). Velleius Paterculus, (106) Strabon
(107) et Pomponius Mêla (108) sont plus précis, qui estiment que
Gadès fut fondée peu après la guerre de Troie (109). Faut-il -
encore que pareille tentative ait été faite pour Carthage (1 10), dont
la naissance est bien sûr liée à celle de ses "soeurs occidentales" -
mettre en doute systématiquement les données d'une tradition,
pour une fois unanime... ? Le problème est peut-être d'interpréter
cette tradition, et ce, à la lumière de l'archéologie.
n faut bien le dire, les découvertes archéologiques faites à
Cadix ne répondent guère à notre attente ; mais les modifications
qu'a subies le littoral à cet endroit depuis l'antiquité sont sans
doute en partie responsables de cette carence, et peut-être aussi
l'agglomération actuelle dont l'emplacement ne doit pas être très
différent de celui de la ville antique. Cette ville antique,
cependant, était une île et, nous l'avons vu, les sources ne
laissent aucun doute à ce sujet. Pomponius Mêla la décrit ainsi :
Gadès "n'est séparée du continent que par un petit bras de mer
semblable à une rivière. Du côté de la terre elle est presque
rectiligne ; du côté de la mer elle s'élève et forme une courbe
terminée par deux promontoires, sur l'un desquels est une ville
florissante du (111).
d'Hercule..." même nom
L'île,que
ainsi
l'île, que
et sur
le l'autre
montreun bien
temple
la

reconstitution de A. Garcia Y Bellido (112), s'étendait donc de la


ville actuelle à l'îlot de Santipetri, distant de 18 km (113).. L'île,
ou plutôt les îles : le périple du Pseudo-Scylax signale en effet des
îles ( G?de??a ??s?? ) dont "l'une d'entre elles possède une ville"
(114). C'est bien un archipel qu'il faut imaginer, "un archipel
d'îlots entre lesquels la mer circulait ou stagnait, "écrit Victor
Bérard qui décrit ainsi le site : "La ville a toujours occupé le plus
grand de ces îlots ; d'autres subsistent à quelques mètres du
rivage (Castello de San Sébastian) ou plus au large (Los
Cochinos, Los Puercas etc.). L'île de Cadix est aujourd'hui
reliée à la terre ferme, par une bande de sables ; sur 15 kilomètres
de long, cet isthme n'a, par endroits, que 200 mètres de large
entre la mer extérieure et le golfe boueux où le Guadalete pousse
son multiple delta ; dix et vingt bras de ce fleuve découpent en de
nombreuses îles la terre ferme" (115). La présence d'eaux peu
2 - Cette même côte dans
BELLIDO).
La côte actuelle entre Cadix et l'îlot de Santi Pétri
(L'indication des profondeurs est donnée en mètres). Ces deux cartes sont extrait
Hercules Gaditanus, Madrid
108

profondes, alentour, rend ainsi plausible la modification du


dessin de la côte, de même que les importantes alluvions du
Guadalete et les fortes marées expliquent qu'ait pu être rattachée
au continent l'extrémité nord de l'île.
Autant de bouleversements rendent compte de la pauvreté
de Cadix en "Antiquités" - pauvreté plus grande encore
aujourd'hui qu'au XVIIIème siècle, lorsque J.R. Suarez de
Salazar en faisait une scrupuleuse description (116) - et de la
faiblesse de la documentation archéologique. Celle-ci provient
essentiellement d'une importante nécropole, située au sud de la
ville ancienne (117). Le matériel recueilli dans les tombes, bijoux
d'argent et d'or souvent très précieux, témoigne de la résidence,
en ce lieu, d'une population aisée, mais ne permet guère de
remonter au delà du Vlème siècle, bien loin donc de la date
donnée par la tradition à la fondation de la ville. "Cette opulence
cependant, fait remarquer P. Cintas, postule une très longue
occupation antérieure des lieux" (118), et il reste, pour sa part,
persuadé que les nécropoles connues jusqu'à présent à Cadix sont
loin d'être les plus anciennes.
Le vestige le plus reculé dans le temps d'une présence
phénicienne à Gadès est un chapiteau proto-éolique du VlIIème
siècle, qui, retrouvé au large de l'îlot d'Erythéia, pourrait avoir
appartenu au sanctuaire d'Astarté dont le culte - c'est loin d'être
un exemple unique - est bien attesté auprès de celui de Melqart
(119). Il n'en reste pas moins vrai qu'à l'heure actuelle
l'archéologie paraît à Gadès justifier les théories des sceptiques
qui, tel P. Bosch-Gimpera, ou Rhys Carpenter, soutiennent que
la ville n'a pu être fondée avant le VlIIème ou même le Vllème
siècle (120). P. Bosch-Gimpera, par exemple a, depuis
longtemps, insisté sur les difficultés présentées par la date
qu'assigne la tradition à la fondation du temple de Melqart à
Gadès. Elle pourrait, suggère-t-il, se rapporter au temple de Tyr,
restauré après les destructions des Peuples de la Mer ; puis, cette
date de 1 100 ayant été utilisée par les prêtres du temple de la
filiale de Gadès comme le début d'une ère nouvelle, elle aurait été
rapportée plus tard à la fondation de celui-ci (121). Contrairement
à W.F. Albright qui, sans admettre la date traditionnelle, propose
encore, pour la fondation d'Utique et de Gadès, une époque
relativement haute et situe les entreprises phéniciennes dans la
Méditerranée entre 950 et 750 (122), P. Bosch-Gimpera estime,
pour sa part, que, si l'on peut "à la rigueur" faire remonter Utique
au Xlème siècle, Gadès n'aurait, quant à elle, été fondée que
vers la fin du LXème siècle (au plus tôt).
"Ce ne fut qu'après des rapports avec la Sardaigne que (les
109

Phéniciens) découvrirent qu'une partie des métaux d'Occident,


notamment l'argent et le plomb, venaient d'une source plus
lointaine et se lancèrent à sa recherche", explique-t-il. Ainsi
Gadès ne serait pas à dissocier des autres entreprises
phéniciennes
"Eusèbe-Diodore"
pour àlesquelles
leur thalassocratie
il admet la
: entre
chronologie
836 et 791,
donnée
pendant
par
les règnes de Metten et Pygmalion (123).

2-2 Le problème particulier de Gadès pose ainsi celui,


plus général, de la fréquentation des côtes ibériques et même des
mers occidentales par les Phéniciens. Or, il faut le dire, en ce
domaine, l'hypercriticisme (124) n'est plus de règle. Les progrès
de l'archéologie dans la péninsule ibérique ont alimenté les
discussions du Vème Symposium d'archéologie préhistorique de
Jerez et, si l'idée qu'on se faisait de la présence grecque en
Espagne a quelque peu souffert (Torre del Mar encore reconnu
naguère comme la Mainaké des Grecs s'avérait par exemple être
un site phénicien !), il paraît bien certain désormais, que,
conformément aux enseignements de la tradition, les Phéniciens
ont, avant les Grecs, découvert les richesses de l'Andalousie.
De ce progrès des recherches archéologiques témoigne bien
la deuxième édition de l'ouvrage que José Maria Blazquez a
consacré à Tartessos et aux origines de la colonisation
phénicienne en Occident (125) : près de 100 pages d'addenda et
67 planches ont été nécessaires pour rendre compte des fouilles
qui, depuis 1968 - date de la première parution - attestent de la
pénétration des influences orientales chez les indigènes du Bronze
final et du premier âge du Fer au Sud et au Sud-Ouest de
l'Espagne (126). Dans la vallée du Guadalquivir, coutumes
funéraires et objets de luxe prouvent que ceux-ci ont très tôt
échangé leurs métaux avec des Orientaux (sans qu'on puisse
toujours se prononcer sur leur origine exacte : Syriens ?
Phéniciens ? Chypriotes peut-être ?). La région des rios
Amanzora et Alméria, près des mines de cuivre et de plomb
argentifère de la Sierra de Montérilla, semble avoir été ainsi très
tôt fréquentée : les nécropoles de Los Millares, d'El Argar, celle
surtout de Fuente Alamo avec ses perles de pâte vitrifiée,
typiquement égyptiennes, permettent de dater de la fin du second
millénaire ces premiers contacts (127).
Mais c'est à coup sûr la présence phénicienne qui, dès la fin
du DCème siècle, est attestée dans la nécropole d'Almunecar,
fouillée par Manuel Pellicer Catalan, sur un site reconnu comme
étant celui de Sexi (128). A cette nécropole, désormais célèbre,
110

s'ajoutent celles de Cortijo de Las Sombras, de Tramayar et de


Jardin. De même qu'à l'habitat de Torre del Mar, riche en
céramique phénicienne, mais que des tessons grecs du début du
Vllème siècle ont permis de faire remonter à la fin du VlIIème
siècle (129), une série de "comptoirs" semblent former autant
d'échelles phéniciennes : Cerros del Penon, Alarcon, Aljaraque,
Toscanos surtout, près de Malaga (130). Dans le même temps les
sites proprement tartessiens (Cabazos de San Pedro et de la
Esperanza, Colinda de los Quemados, Los Saladares Vinarragell)
et les nécropoles indigènes (La Joya, Osuna, Setefilla, Bajo
Alentejo) trahissent des influences phéniciennes...
Reste que, si la présence des Phéniciens en Andalousie n'a
plus rien d'hypothétique, certains documents, déjà, ont été
discutés. "Il n'existe malheureusement guère de témoignages
univoques d'une présence phénicienne en Extrême-Occident avant
le VlIIème siècle, dans la mesure, il est vrai, où la chronologie
archéologique est assurée" écrivait en 1976 Guy Bunnens (131).
En 1981, cependant, au colloque de Cortona, Martin Almagro
Gorbea distinguait une étape de précolonisation (dès les X-IXe
siècles) et une colonisation proprement dite ne commençant qu'au
VlIIème siècle, ceci bien sûr pour la Péninsule ibérique (132).
Dans la Méditerranée centrale, la situation est plus claire
encore : certes, le "Melqart de Sciacca" trouvé au large de Marsala
n'est pas une preuve suffisante de la fréquentation de ces eaux par
les Phéniciens des XHè-XIème siècles, (133) ; mais les
influences sémitiques relevées par Luigi Bernabo-Bréa sur
certaines civilisations indigènes du début de l'âge du Fer sont
plus troublantes (134), et si, pour certains historiens, rien n'est à
Motyé - la plus ancienne des fondations siciliennes - antérieur à
700, d'autres restent persuadés que les Phéniciens étaient, dès la
deuxième moitié ou à tout le moins dès la fin du VlIIème siècle,
présents dans la Sicile de l'Ouest (135). Plus tôt encore, ils
fréquentèrent la Sardaigne. Malgré Rhys Carpenter et G. Garbini,
on ne doute plus guère que les inscriptions archaïques - depuis
longtemps connues - de Nora et de Bosa datent bien du LXème
siècle (136). Elles constituent les indices sérieux d'une présence
phénicienne très ancienne dans cette île, qui comme la Côte du
Soleil espagnole, les attirait par sa richesse métallifère... une
présence désormais confirmée par de nombreux sites de la côte
sarde, qu'il s'agisse d'Antas (137) ou de Tharros (138). Ce
dernier chantier surtout a livré, outre un Tophet, un abondant
matériel archaïque (139), et, à l'époque punique, il reste sans
aucun doute le centre de commerce le plus important de l'île (un
commerce dirigé vers la Sicile occidentale, l'Ibérie, l'Etrurie et la
111

Gaule méridionale), alors que Sulcis semble avoir eu pour


fonction de rassembler la production agricole et les minerais de
l'intérieur et que Nora était vraisemblablement la "capitale" de
l'administration punique en Sardaigne (140).
On retrouve à Malte cette même exploitation par les
Carthaginois des positions phéniciennes. Après une occupation
ancienne - qu'on mesure bien dans le sanctuaire mégalithique de
Tas Silg fréquenté dès la Préhistoire et voué à une divinité
féminine qui, avec eux, deviendra Astarté, - les Puniques feront
de l'île un centre stratégique d'une importance fondamentale sur
la route de l'Orient à l'Occident (141). Et c'est encore le rôle
qu'ils assignèrent à Ibiza, dans les Baléares, dès le Vllème siècle
(142).
Ainsi, se précisent, progressivement, les jalons de la
présence phénico-punique dans les mers occidentales. Ainsi
s'affine, également, la réflexion sur la signification et les
modalités de cette expansion. Particulièrement significative fut, à
ce titre, la rencontre organisée conjointement à Rome, en mars
1985, par l'Université, le CNR et l'Academia Belgica (143).
Pour notre propos, nous en retiendrons quelques
enseignements :
1. L'idée de plus en plus affirmée qu'entre le grand
mouvement mycénien de l'âge du Bronze et ce qui - à tort
probablement - fut appelé la thalassocratie phénicienne, une phase
de transition vit des marchands orientaux fréquenter les mers
occidentales : Syriens, Chypriotes de la fin de l'âge du Bronze
(144), Sidoniens sinon Tyriens pourraient avoir assuré cette
continuité entre le second et le premier millénaires (145).
2. Peut-on, dans ce cas, donner à la première phase de
l'expansion phénicienne, bien antérieure - personne n'en doute
plus (146) - au VlIIème siècle, le nom de précolonisation ? ni
Federico Mazza - qui demande qu'on précise et qu'on
approfondisse les limites de son champ de validité pour les
Phéniciens (147) - ni Vincenzo Tusa (148), ni Guy Bunnens
(149) n'estiment le terme adéquat : - découvertes, voyages,
commerce essentiellement, même s'il s'y ajoute, dans certains cas
l'exploitation minière, telles sont les réalités de ces premiers
contacts.
3. Cette recherche des métaux - mobile essentiel de ces
expéditions - explique que les Phéniciens aient été très rapidement
attirés par les richessses de l'Ibérie et de la Sardaigne (150).
(Nous laissons de côté, pour l'instant le problème de la côte
italienne) (151). Le cas de l'Afrique du Nord, de Malte, et de la
Sicile occidentale paraissant quelque peu différent : le rôle de
112

Malte est essentiellement en effet celui d'un centre commercial et


stratégique ; les villes phéniciennes de Sicile paraissent, quant à
elles, très tôt liées aux échanges avec les fondations coloniales
grecques (152).
4. Enfin, c'est à partir du VlIIème siècle qu'on peut
commencer à parler de colonisation (avec, là encore, quelque
réticence à utiliser ce terme pour une réalité aussi différente dans
ses motivations et ses réalisations de ce qu'est la colonisation
grecque), les fondations phéniciennes pouvant apparaître non
seulement comme une conséquence des relations commerciales
qui les ont précédées, mais encore, peut-être, comme une réaction
à la présence grecque (153).
Sommes-nous si loin du témoignage de Diodore qui
rapporte comment les Ibères ignorant l'usage de l'argent le
vendirent, en échange de marchandises de peu de prix, aux
marchands phéniciens et comment ceux-ci, amenant cet argent "en
richesses"
Asie, en Grèce
? (154).
et dans
Lesd'autres
Phéniciens
nations"
continuèrent
amassèrent
longtemps
d'immenses
ce

commerce, ajoute Diodore, et "devinrent si puissants qu'ils


envoyèrent de nombreuses colonies dans la Sicile et les îles
voisines, ainsi que dans la Libye, la Sardaigne et llbérie" (155).
C'est, semble-t-il, lors de cette deuxième étape que, parce qu'ils
souhaitaient naviguer au-delà des colonnes d'Héraclès, "ils
fondèrent d'abord... une ville qu'ils appelèrent Gadeira"...
Expéditions précoloniales (et nous utilisons le terme dans sa
seule acception chronologique, difficilement contestable), puis,
dans un second temps, fondation de cités dont le mouvement
s'amplifie lorsque Carthage recueille l'héritage phénicien, tel
semble bien être le schéma général de l'expansion
phénico-punique. Certes, le problème de Gadès reste posé
puisqu'à son propos, les sources entendent bien qu'il s'agit d'une
fondation ("Ils y firent toutes les constructions convenables",
précise Diodore qui, il est vrai, ne mentionne que le temple
d'Héraclès) (156). Nous laisserons sans solution cette
discordance entre la tradition et l'archéologie (discordance qu'on
peut toujours espérer provisoire !) et retiendrons l'essentiel : la
présence de Phéniciens dans les mers occidentales, et aux confins
de l'Océan en cette époque charnière entre le second et le premier
millénaire, entre les navigations mycéniennes et les établissements
grecs de la colonisation historique.
113

Fig. 3 : Lixos et l'estuaire du Loukkos

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l^zt-A Mar»;;.

1. D'après M. TISSOT, Recherches sur la géographie


comparée de la Mauritanie Tingitane, 1977, p. 77.

2. L'estuaire vu des premières pentes de l'acropole de Lixos.


114

2-3 Comme Gadès, plus que Gadès peut-être, Lixos


paraît faire mentir les sources antiques ; pourtant, contrairement à
son homologue ibérique, la ville antique ne présente pas
l'inconvénient d'être oblitérée par une ville moderne. La cité, est,
comme bien des villes phéniciennes, située près de l'Océan (1,5
km) sur l'avancée d'un petit plateau, plus salubre que les terres
marécageuses qui l'entourent. Elle domine, en effet, les
méandres paresseux du Loukkos, méandres qui, pour Pline,
offraient quelque ressemblance avec le dragon gardien des
pommes d'or (fig 3). Il semble d'ailleurs qu'ici, comme à Gadès,
le tracé de la côte ait été quelque peu modifié et que les navires
antiques aient pu, plus facilement qu'ils ne le pourraient
aujourd'hui, accéder au pied de l'acropole de Lixos : près du port
dont subsistent quelques quais, s'étendent en effet d'importants
quartiers artisanaux qui traitaient le poisson et fabriquaient le
garum, tellement apprécié dans l'antiquité, n n'entre pas dans
notre dessein de décrire ces ruines importantes (157), dont,
jusqu'ici, seuls les niveaux maurétanien et romain sont
véritablement dégagés, mais de tenter d'y retrouver les traces de
la présence phénicienne. Or, la difficulté de la tâche est
considérable : comme sur bien des sites antiques la stratigraphie
est bouleversée et de nombreux fours à chaux (plus de dix pour le
quartier des temples) témoignent du pillage et de la destruction de
la ville ancienne. "Retrouver dans un sondage le niveau d'habitat
punique en place à moins d'un mètre de profondeur y est chose
aussi courante que d'y reconnaître les niveaux d'époque
médiévale à trois ou quatre mètres en dessous de la surface du
sol " déplore Michel Ponsich (158) qui, près de quinze ans après
les dernières campagnes de fouilles, publie, sans la collaboration
de Miguel Tarradell qui dirigeait le chantier, une description des
principaux édifices de la ville haute et des conclusions
chronologiques concernant l'évolution de ce quartier des temples
(159).
Les couches anciennes de l'habitat avaient été, une première
fois, atteintes par des sondages effectués par Miguel Tarradell au
versant méridional de l'Acropole (160). Un matériel important
avait été recueilli : poteries indigènes de tradition néolithique, puis
céramique à couverte rouge lustrée, typique, selon l'archéologue,
du commerce phénicien dans la Méditerranée au VLIème siècle
(161). Ainsi les premières conclusions supposaient l'existence
d'un site indigène, pénétré dès cette époque d'influences
phéniciennes et envisageaient la fondation d'un établissement
permanent et déjà important dès le Vlème siècle (162).
115

Lors des fouilles du quartier des temples ces niveaux


anciens ont à nouveau été retrouvés : des sondages dans le temple
F (163) ont produit "le même matériel archaïque que l'on trouve à
Lixus dans tous les sondages à une certaine profondeur :
céramique typiquement phénicienne à vernis rouge d'excellente
qualité, des Vllème siècle et Vlème siècle av. J.C., mêlée à de la
céramique brune réticulée de production indigène, et des
fragments d'amphores, toutes préromaines" (164). Analyse du
matériel et datation sont encore, on le voit, fort imprécises, et il en
est de même pour la céramique retrouvée, lors de la campagne
1962-63, dans une citerne située dans la partie ouest du temple F
et comblée après la construction des fondations de ce même
temple, à l'époque des rois maurétaniens Juba ? et Ptolémée au
1er siècle de notre ère. Cependant quelques ampoules de type
chypriote à col renflé sont plus précisément datées du Vllème
siècle (165) ; elles sont fréquentes à Mogador (166), sur les sites
puniques
Chypre" (167)
d'Afrique
; significatives
du Nord et encore
notons-le
de l'époque
"omni-présentes
phénicienne
à
sont les lampes à coupelle et à deux becs qu'on retrouve aussi
bien en Afrique du Nord qu'en Espagne, et les oenochoés à
bobèche recouvertes de cet enduit rouge très lustré, qui en
Espagne (168) comme à Mogador (169) se retrouvent dans les
niveaux des Vllème et Vlème siècles et que P. Cintas, constatant
leur absence à Carthage, considère comme ne pouvant être
d'origine punique (170).
Ce même matériel - et c'est à ce point précis qu'il est pour
nous d'un intérêt capital - est encore celui qui apparaît dans les
sondages faits en divers points de l'abside du temple H et permet
ainsi de dater la construction de l'édifice des Vllème - début
Vlème siècle en "en faisant ainsi le plus ancien temple de Lixos"
(171).
L'étude précise du matériel recueilli sur le site reste à faire ;
il ne semble pas moins admis que les céramiques trouvées dans
les couches les plus profondes de la cité (niveau 5) et en
particulier dans les fondations du temple H ne remontent pas
au-delà du Vllème siècle.
Encore une fois, nous sommes loin des données de la
tradition. Il est un point, cependant, que les récentes découvertes
archéologiques permettent de considérer comme acquis : la
certitude qu'au Maroc, l'influence proprement phénicienne a
effectivement précédé les entreprises puniques ; c'est, on vient de
le voir, probable à Lixos, contrairement à une opinion
communément répandue (172) ; les travaux de M. Ponsich pour
la région de Tanger le prouvent avec évidence (173). Les
116

Fig. 4 : Lixos

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1 . Plan des fouilles de Lixos

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2. Lixos : vue aérienne du quartier des temples


d'après : Chroniques de l'archéologie marocaine,
Lixus, BAM 1964, PI. IV et PL I p. 369.
117

nécropoles ont fourni des bijoux des Vllème- Vlème siècles avant
notre ère, des "céramiques imitées ou dérivées des vases
phéniciens dont le plus ancien, le vase en chardon, est
généralement daté des VlIIème et Vllème siècles". Enfin
l'absence de céramique classique carthaginoise, amphores et
lampes, situe l'âge de ces nécropoles "avant la venue d'Hannon,
c'est-à-dire avant le début du Vème siècle" (174). C'est, pense
l'archéologue, dès le VlIIème siècle avant notre ère qu'aurait
commencé d'être utilisée, par exemple, la nécropole de Djebila
(175) (près des grottes dites d'Hercule !), mais pour l'essentiel
elle daterait, comme celle d'Aïn Dalhia, des Vlème et Vème
siècles.
Ces découvertes confirment les conclusions qu'il était
possible, déjà, d'apporter après les fouilles de l'îlot de Mogador
(176). Dans la même couche stratigraphique (couche IV)
voisinaient en effet de la céramique phénicienne archaïque, de très
nombreux tessons lustrés rouges analogues à ceux de Lixos et,
permettant de les dater, des fragments d'amphores attiques "SOS"
de la seconde moitié du Vllème siècle et de la céramique ionienne,
rhodienne ou chypriote du Vllème siècle également. C'est un
véritable comptoir qui est ainsi attesté jusqu'à la deuxième moitié
du Vlème siècle, époque à laquelle il paraît abandonné. Ainsi, que
ce soit dans la région du détroit ou 700 km plus au Sud, la
présence phénicienne est désormais établie sur les rivages
atlantiques du Maroc, et, par-là même, l'intérêt que pouvaient
représenter pour ces Orientaux les contacts avec l'Afrique
profonde.
Un autre enseignement, tout aussi important pour nous, se
dégage de ces recherches : le matériel recueilli dans les
nécropoles, ou, comme à Mogador, sur le site de ce qui devait
bien être un comptoir, invite à tourner les regards non pas tant
vers la lointaine Phénicie que vers le Sud de l'Espagne, et
pourquoi pas, Gadès... (177) C'est en particulier le cas de la
céramique lustrée rouge et, semble-t-il, aussi, des importations
grecques au Maroc, trop rares pour avoir été l'objet d'un
commerce direct, trop mêlées aux vestiges phéniciens pour ne pas
être arrivées avec eux. (178).
Une fois de plus nous trouvons liés les destins de Lixos et
de Gadès, et, contrairement à l'habitude, c'est au témoignage
littéraire que nous demanderons de confirmer les déductions des
archéologues ; nous invoquerons Strabon, en effet, et le récit
qu'il fait des aventures "d'un certain Eudoxe de Cyzique, qui
sous le règne du second Evergète vint en Egypte comme
ambassadeur et héraut". H rencontre là un Indien, échoué sur les
118

côtes du Golfe Arabique, le suit dans une expédition qui doit le


conduire en Inde, et trouve, sur les côtes d'Ethiopie où il dérivait,
une figure de proue "d'un bateau venu de l'Ouest", il apprend,
nous dit Strabon, "qu'elle venait de Gadeira : dans cette ville en
effet, tandis que les riches arment de grands navires, les pauvres
frètent de petits bateaux qui portent le nom de "chevaux" à cause
des figures sculptées à la proue ; ils s'en servent pour aller pêcher
jusque vers le Lixos en Maurusie. Il y eut même des armateurs
pour reconnaître dans cette figure de proue celle d'un bateau
comme il y en avait tant qui, partis au delà du Lixos, n'étaient
jamais revenus" (179). Laissant Eudoxe à ses aventures
maritimes et Strabon à ses attaques contre Poséidonios qui
rapporte une histoire à laquelle il ne veut pas croire, nous ne
retiendrons de ce passage que le témoignage - involontaire - de
ces relations maritimes entre Lixos et la côte marocaine, qui, au
Ilème siècle avant J.C., semblent avoir été aussi courantes
qu'ancrées profondément dans les habitudes des marins de
Gadès.
Ainsi se précise, avec les découvertes archéologiques, ce
qu'à la suite de W.F. Albright et de P. Bosch-Gimpera, nous
appellerons le "climax" des entreprises phéniciennes dans la
Méditerranée Occidentale. Il semble bien en particulier que les
résultats
"hypercriticistes"
des recherches
et permettent
récentes d'envisager
ruinent les théories
la présence
des

phénicienne dans ces régions, dès le début du 1er millénaire...


Rien de tel n'est encore prouvé pour le Sud de l'Espagne,
peut-être même est-il légitime d'affirmer - comme le témoignage
de Diodore nous invite à le faire - que les marins de Tyr ne
richesses"
s'installèrent
en en
deçà
ces
des
lieux"
colonnes
qu'après
d'Héraclès
avoir ramassé
(180) ; mais
de grandes
il n'est
pas interdit de penser non plus - des exemples illustres le
permettent en effet (181) - que les expéditions les plus lointaines
ne furent pas obligatoirement les plus tardives, que la présence
ancienne des Phéniciens attestée par la tradition, au-delà des
colonnes d'Hercule, n'a pas forcément, dès le début, pris la
forme d'un établissement et d'un commerce régulier, et que les
marins fréquentant ces côtes ont pu y laisser d'autres traces de
leur passage. Il est temps de rappeler, en effet, que c'est à propos
d'Héraclès seulement et non de la ville, que Pline fait état des
prétentions des Lixites à l'antiquité vénérable de leur sanctuaire
(182) et que Pomponius Mêla, de même, ne mentionne les
fondateurs tyriens et l'époque de la guerre de Troie qu'au sujet de
cet Hercule, qu'il croit d'ailleurs égyptien (183).
119

TROISIEME CHAPITRE

HÉRACLÈS - MELQART ET SES SANCTUAIRES


DE LIXOS ET GADES

C'est en archégète qu'apparaît ainsi le Melqart tyrien.


"Seigneur de la ville", comme l'indique son nom (MLQRT), il
étend aussi sa protection aux entreprises des marins tyriens et les
accompagne partout où ils s'installent, à Chypre (184), à
Carthage (185), en Sardaigne (186), au delà des colonnes
d'Héraclès (187). Et nous avons déjà signalé l'intérêt de cette
inscription bilingue de Malte qui traduit Melqart, roi de Tyr, par
Héraclès archégète .
Nous ne possédons malheureusement qu'assez peu de
renseignements sur cette divinité, pourtant essentielle, du
panthéon tyrien (189). C'est une inscription araméenne du IXème
siècle, trouvée près d'Alep, qui, pour la première fois, atteste de
son existence (190) et, au Vllème siècle, il figure dans le traité
d'alliance du roi assyrien Asarhaddon (191) ; son sanctuaire à
Tyr, n'a pu être retrouvé, il aurait, d'après Hérodote, été "établi
en même temps que l'on fondait Tyr" (192), et, comme Tyr "était
habitée depuis 2 300 ans", il faudrait supposer que la ville et le
sanctuaire eussent existé depuis 2750 environ avant notre ère.
D'après Ménandre d'Ephèse, au contraire, l'aménagement
du sanctuaire remonte seulement à Hiram 1er, contemporain de
Salomon (193) ; c'est cependant après avoir démoli l'ancien
temple quliiram en reconstruit un nouveau ; le culte de Melqart à
Tyr, s'il est est donc bien établi au début du 1er millénaire,
pourrait -rien n'interdit de le penser- avoir ainsi des racines plus
anciennes. R. Dussaud, qui fait remarquer son absence dans les
textes de Ras-Shamra et d'El Amarna, pense qu'il a pu se
constituer au début de l'âge du Fer, et plus précisément avec le
développement de la puissance tyrienne : l'organisation ou la
réorganisation du culte par Hiram s'entend alors beaucoup mieux
et apparaît comme un acte politique au moins autant que religieux.
Pour comprendre comment le dieu phénicien a pu être
assimilé à l'Héraclès grec, il serait capital de connaître la nature,
les fonctions de Melqart... Pour R. Dussaud il serait le produit
d'un syncrétisme entre Ba'al (dont il garderait parfois le nom :
Ba'al Çor = Ba'al de Tyr) et le dieu de la mer Yam (195) ; C. et
G. Ch. Picard ne croient pas à cette identité profonde de Melqart
et de Ba'al, qui, pour eux, appartiennent à deux catégories
120

divines absolument distinctes : "celle des dieux suprêmes, tout


puissants,
l'Empyrée"impassibles,
et "celle des
quidieux
trônent
actifs,
souverainement
combattant et
auàsommet
l'occasion
de
souffrant par lesquels la providence communique avec le monde",
et ils ajoutent qu'à Carthage, loin de s'associer, les deux divinités
semblent s'exclure (196).
La documentation, en ce qui concerne Melqart, est, en
réalité, très indigente et on pourrait même dire qu'à son sujet la
science moderne a les mêmes hésitations qu'au sujet d'Héraclès,
hésitations que résume fort bien E. Lipinski, (197). On l'a
successivement considéré, dit-il, comme étant, à l'origine, une
personnification de la planète Saturne (W. Genesius) ou un dieu
du feu (F.K. Movers) ; une divinité solaire (W.W. Baudissin) ou
au contraire infernale (pour W.F. Albright, il serait "le roi de la
cité des morts") ; un dieu de la foudre et de la pluie (Du Mesnil du
Buisson) ou une divinité agraire (H. Seyrig) ; un dieu de la
conquête et des conquérants (J. Gagé) ; une figure issue d'un
syncrétisme entre le dieu de l'orage, Baal Hadad et le dieu de la
mer Yam (R. Dussaud), voire le dieu El lui-même (M.H.
Pope)...
C'est désormais dans une autre direction que semblent
s'engager les historiens de la religion phénicienne (198) et il
nous plaît de constater que leurs travaux confirment ce que l'étude
du syncrétisme qui finit par l'unir à l'Héraclès grec nous permet
d'entrevoir (199).

3-1 La mode semble en être passée (200), revenons


cependant sur le rôle qu'aurait pu tenir Melqart au sein de l'une de
ces triades méditerranéennes dont on a peut-être - au moins en ce
qui concerne l'Orient - trop parlé. V. Bérard, déjà, faisait de lui
un dieu fils du panthéon phénicien (201) ; H. Seyrig, bien qu'il
hésite à parler de triade (202), réunit cependant un faisceau de
documents littéraires, épigraphiques, ou iconographiques qui
témoignent en ce sens. C'est d'abord la généalogie, rapportée par
Eudoxe de Cnide, au début du IVème siècle avant notre ère, d'un
Héraclès phénicien, donné comme fils de Zeus et d'Astérie
(203).. Zeus qu'il est possible d'identifier avec certitude
avec Ba'al (plus souvent nommé Ba'alshamen en Phénicie), et
Astérie dont l'aspect très grec lui paraît recouvrir visiblement celui
d'Astarté, dont le culte est, par ailleurs, bien attesté à Tyr.
121

(204) Ce sont aussi deux inscriptions de Tyr dont l'une


mentionne, associée à Héraclès, la déesse Astronoé (205), l'autre
témoignant simplement de la survivance, aux Vème et Vlème
siècles de notre ère, du nom d'Astronoé appliqué à l'un des deux
ports de Tyr (206). Pour H. Seyrig, comme pour R. Dussaud,
l'identité d'Astronoé et d'Astarté ne fait aucun doute, pas plus
que la nature "astrale" de la divinité primitive.
Ces relations familiales seraient exprimées dans un
bas-relief de Tyr (fig. 5) conservé à l'Université Américaine de
Beyrouth (207). Une scène de naissance y est représentée,
"dominée par un arbre enflammé, au tronc duquel s'enroule un
serpent. Sur un lit est étendue une femme souffrante. Sous
l'arbre, une biche cornue allaite un enfant, vers qui rampe un
serpent. Un aigle est perché sur le dos de la biche". H. Seyrig
partage l'avis de E. Will, pour qui l'arbre enflammé et le serpent
caractérisent le lieu de la scène : le célèbre sanctuaire tyrien
d'Héraclès (208), mais n'hésite pas, quant à lui, à reconnaître
dans les personnages, ceux-mêmes d'une naissance d'Héraclès :
le dieu serait l'enfant jouant avec le serpent, l'accouchée
Astronoé-Astérie, et "sur le dos de la biche, l'aigle de Zeus,
l'époux d'Astérie et le père du jeune dieu". Ainsi, au 1er siècle de
notre ère, ce bas-relief représenterait la famille divine tyrienne,
telle qu'elle était connue, cinq siècles auparavant, par Eudoxe de
Cnide : Ba'alshamen Astarté et Melqart (209).
Enfin, il serait possible, peut-être, de retrouver la trace
d'une pareille organisation dans les cultes d'Oumm d'Ahmed
(210), localité située à 19 km à vol d'oiseau de Tyr, sur la route
de Ptolémaïs et très certainement dépendante de Tyr, ainsi qu'en
témoignent, par exemple, les monnaies recueillies dans les
fouilles. Or, parmi les inscriptions - toutes phéniciennes -
trouvées sur le site, huit sont des dédicaces, attribuées par M.
Dunand au temple de Milkashtart où se trouvaient d'ailleurs deux
d'entre elles(212)
Hammon" (211).; une
Quatre
le mentionne
s'adressent en
à "Milk'Ashtart
compagnie d'Ashtart
dieu de
(213) ; les autres s'adressent à Ba'alshamen, à El et Ousir (214).
M. Dunand propose de voir dans ce dieu Milk'ashtart,
jusqu'alors inconnu en Phénicie, un Melqart (époux) d'Astarté
(215)... traduction que H. Seyrig changerait volontiers en Melk
(qart) (fils) d'Astarté ; on retrouverait ainsi, dans la bourgade
voisine de Tyr, le reflet des cultes de la métropole, et, en
particulier, puisqu'Ashtart (Astarté) et Ba'alshamen sont honorés
conjointement avec Milkashtart dans ce qui semble bien avoir été
le sanctuaire principal d'Oumm el' Ahmed, "du groupe trinitaire
qui occupait la tête du panthéon" de Tyr. Le rapprochement ainsi
122

Fig 5 : (n°
Relief
4721)
de(photo
l'Université
du muséeaméricaine
de l'Université,
de 1970).
Beyrouth
123

établi avec Melqart, trouverait d'ailleurs sa confirmation dans une


statue d'Héraclès à la peau du lion (216), dans un fragment de
corniche, aussi, où se détache une massue en relief (217).
Cette filiation est loin d'être tout à fait claire (218) ; elle
n'est, de plus, attestée que pour l'époque hellénistique : Melqart
serait alors, à Tyr, fils du dieu suprême Ba'al, et d'une déesse, en
qui tantôt domine l'aspect astral (219) et tantôt celui d'une déesse
mère, dont les rapports avec le jeune parèdre adolescent trouvent
de fréquents parallèles dans le monde méditerranéen (220).
Ajoutons que, si l'on se risque à parler de triade ce doit être en
gardant à l'esprit deux ordres de réalités assez différentes :
1. Celle de l'interprétation grecque d'abord et des
déformations qu'elle ne manque pas d'entraîner pour qui cherche
à retrouver, en deçà, la réalité d'origine. Qu'il y ait une tentation
des mythographes grecs à traduire sur le plan des rapports de
parenté des affinités qui peuvent fort bien ne correspondre à rien
de tel dans la religion phénicienne est difficile à nier : la forte
organisation donnée à leur panthéon par la famille olympienne les
y incite, tout autant que le caractère généalogique de leurs grandes
classifications mythologiques. Précisons cependant que, même
lorsqu'elles déforment la réalité sémitique, de telles interprétations
ne peuvent être négligées, par qui, précisément, étudie les
phénomènes de syncrétisme.
2. Il se pourrait d'ailleurs - c'est en tout cas notre sentiment
- que ces structures familiales, loin d'être purs artifices,
redonnent vie à de très anciens schémas, qui, dans les religions
méditerranéennes, organisent de façon spécifique l'imaginaire,
autour de cultes exaltant la fertilité/fécondité et, plus
généralement, les forces vives de la nature : en Grèce, dans le cas
des divinités féminines, le mythe traduit en termes de parenté (la
relation mère/fille qui unit Déméter et Coré par exemple), les deux
pôles à la fois successifs et complémentaires de la féminité (221).
L'enfant divin peut être également - et cela paraît plus fréquent en
Orient - le fils/amant de la déesse, le parèdre qui, si souvent, lui
est associé dans le culte. Que cette famille divine se complique -
ou se complète - ne change rien à ses fonctions : l'hiérogamie
elle-même reste gage de fécondité/fertilité, et, si la disparition de
la déesse fille symbolise le cycle végétatif, la mort et la
résurrection du jeune dieu paraissent bien, dans certains cas,
s'être chargées d'une symbolique beaucoup plus complète, dans
le cadre de la royauté sacrée, des vastes pouvoirs qu'elle assume
et qui doivent être périodiquement redupliqués.
Peut-être d'ailleurs - et ce serait plus légitime encore en
Orient qu'en Grèce - faut-il, comme le fait P. Xella, mettre
124

l'accent, non pas tant sur la triade (que, pour sa part, il rejette
nettement), mais bien plutôt sur un couple divin "dont l'élément le
plus solide pourrait être une déesse au caractère peu spécifique,
composite, presque universel" (222) et c'est encore une dyade
qui, pour B. Servais-Soyez, règne sans contestation possible sur
les panthéons hellénistiques et romains de Phénicie (223).
Et il est tout à fait vrai que, dans le cas de Melqart, c'est son
association avec Astarté qui constitue la donnée la plus sûre, la
plus largement répandue, la plus durable... même si en certains
de ses sanctuaires - à Chypre par exemple - on a l'impression que
le jeune dieu a peu à peu évincé une déesse, effectivement
primordiale.
La nature du dieu tyrien n'en demeure pas moins assez
mystérieuse : dieu solaire a-t-on dit - invoquant l'orientation
qu'aurait donnée Salomon à son temple à l'imitation de celui de
Tyr (224) - et son "réveil", qui chaque année à Tyr, depuis Hiram
1er, était célébré au mois de Péritios (225), c'est-à-dire en
février-mars, pourrait le confirmer. A moins qu'on entende plutôt
ce rite de G???e?s?G comme la "résurrection" d'un dieu mourant et
renaissant, résurrection à laquelle la légende rapportée par Eudoxe
de Cnide s'efforcerait de donner une explication étiologique
(226). C'est généralement cette interprétation qui prévaut, et on
tend à admettre que Melqart est un dieu chthonien, un dieu agraire
au sens le plus large du terme ; H. Seyrig, toutefois, fait bien
remarquer qu'à l'inverse d'Adonis et d'Eshmoun, dont le culte
met surtout l'accent sur les rites de la mort, en été, Melqart au
contraire "est avant tout un dieu ressuscité, dont la fête printanière
célèbre le triomphe" (227)... Le triomphe et la force ajouterions
nous volontiers : Melqart est un dieu-roi dont la force vitale est
garante non seulement de la fertilité de la terre, de la fécondité de
l'espèce humaine, mais encore du fonctionnement ordonné du
Cosmos et de l'équilibre harmonieux de la communauté qu'il
protège. C'est à refaire cette force vitale que sert Yegersis et l'on
conçoit que le rite ait pu être essentiel à la dynastie de Tyr, qu'il
ait été repris et célébré par les communautés installées au delà des
mers, des côtes phéniciennes à Gadès, en passant par Carthage
(228).
Le sanctuaire de Melqart n'a pas été identifié, qui
apporterait sans doute des informations complémentaires (229) ;
E. Will, nous l'avons dit, pense en avoir retrouvé les éléments
essentiels sur le bas-relief de Tyr : l'olivier enflammé et le
serpent, éléments attestés, au reste, dans deux ouvrages tardifs, le
roman d'Achille Tatius, Leucippé et Clitophon, et les
Dionysiaques de Nonnos. Le premier rapporte au sujet de Tyr un
125

oracle byzantin :
"Il est une ville dans une île, et le sang qui l'habite a son
nom d'une plante ; elle est en même temps un isthme et un détroit
sur la terre ferme : là Héphaïstos est joyeux de posséder à jamais
Athéna aux yeux pers. C'est là que je t'invite à apporter à
Héraclès l'hommage de ton sacrifice". Oracle, à vrai dire, fort
obscur, mais heureusement expliqué : c'est à Tyr, cette ville
"qu'attire la mer comme l'attire aussi la terre" et qui "participe à
leurs deux natures", qu'il faut envoyer une ambassade.
"L'énigme fait allusion à l'olivier et au feu qui, chez nous,
cohabitent. Il y a en effet un champ sacré entouré de murs, où
pousse un olivier au feuillage luisant ; du même champ, près de
lui, naît du feu qui envoie de grandes flammes parmi les
branches, et c'est la cendre de ce feu qui fait prospérer l'olivier"
(230). Ainsi, le palmier est l'arbre dont les Phéniciens tirent leur
nom, Athéna l'olivier et Hesphaïstos le feu qui l'embrase et le
sanctuaire, sans nul doute possible, celui d'Héraclès-Melqart à
Tyr.
Cette description est à la fois confirmée et précisée par un
passage des Dionysiaques (231) ; elle est d'autre part, mise en
rapport avec la fondation de Tyr. Celle-ci doit avoir lieu près des
"roches ambrosiennes ; il pousse là un olivier, que les flammes
enveloppent sans le consumer ; un aigle est perché au sommet de
l'arbre et un serpent s'enroule autour du tronc" ; nous retrouvons
l'olivier enflammé, l'aigle et le serpent figurant sur le relief de
l'Université américaine de Beyrouth... Quant "aux roches
ambrosiennes", elles se trouvent sur des monnaies tyriennes du
Illème siècle après notre ère, parfois représentées avec l'olivier,
parfois jointes à l'image d'Héraclès, et dans ce cas, "elles
semblent marquer le point de départ d'un écoulement d'eau"...
(232).
Il est évidemment très tentant de rapprocher ces roches
ambrosiennes qui, sur les monnaies, sont représentées comme
deux bétyles, ou deux stèles, de celles qu'Hérodote a vues,
précisément dans le temple de l'Héraclès tyrien (233), deux stèles
l'une d'or massif, l'autre d'émeraude... Plus tard Théophraste
cite cette dernière comme la plus grande émeraude connue, et,
reprenant son témoignage, Pline (234) se demande si ce n'était
pas là plutôt '"une fausse émeraude". Quoiqu'il en soit et sans
vouloir absolument identifier les roches ambrosiennes aux
colonnes vues par Hérodote (235), la conclusion de E. Will nous
paraît légitime, qui estime que les témoignages ainsi réunis
"forment une chaîne unique et solide prouvant l'existence, dans le
sanctuaire d'Héraclès à Tyr, de deux stèles, d'un olivier et d'un
126

feu sacré". (236).


3-2 Beaucoup moins mal connu, le sanctuaire de Gadès
confirme ce que laisse pressentir notre information du sanctuaire
et du culte de Tyr. B ne fait aucun doute, avons-nous vu, qu'il
s'agit là d'un sanctuaire à Melqart, puisque toutes nos sources
donnent à cet Héraclès gaditan une origine tyrienne (237).
Le sanctuaire était situé à la pointe Sud-Est de l'île (238)
(Santi Pétri) et avait conservé ses fidèles à l'époque romaine ; il
était même l'objet d'une grande vénération (239) et ses richesses
frappaient d'admiration Pomponius Mêla (240). Philostrate nous
en donne une longue et très intéressante description :
"Llle où se trouve le temple est juste de la dimension de
celui-ci, et l'on n'y voit aucun rocher, car on l'a rendue aussi
lisse qu'une borne de stade. Dans ce temple, ils nous disent que
l'on rend un culte aux deux Héraclès, sans qu'il y ait de statue ni
de l'un ni de l'autre, mais seulement deux autels de bronze en
l'honneur d'Héraclès l'Egyptien, sans aucun dessin ni
inscription, et un seul en pierre, en l'honneur du Thébain ; sur
celui-ci, nous disent-ils, sont gravés les hydres et les chevaux de
Diomède et les douze travaux d'Héraclès. L'olivier d'or de
Pygmalion est aussi consacré dans le sanctuaire d'Héraclès,
ouvrage digne d'être admiré, nous disent-ils, d'abord à cause de
ses fruits, car il est couvert d'émeraudes... Les colonnes qui se
trouvent dans le temple sont faites d'or et d'argent fondus
ensemble de façon à obtenir une seule couleur ; elles sont hautes
de plus d'une coudée et de forme carrée, comme des enclumes ;
sur leur partie supérieure, une inscription en caractères qui ne
sont ni égyptiens, ni indiens et que l'on ne peut comprendre".
(241).
De ces stèles Apollonios, inspiré par "Héraclès l'Egyptien",
devait dire qu'elles étaient "les liens unissant la Terre et
l'Océan"... C'était reprendre la légende des colonnes, dressées
par Héraclès (le héros ou le dieu ?), aux bornes du monde, c'était
reprendre aussi l'opinion rapportée par Strabon, mais jugée par
lui peu raisonnable, selon laquelle les colonnes d'Héraclès
seraient "les piliers d'airain de huit coudées du sanctuaire
d'Héraclès à Gadeira" (242). Ajoutons, pour compléter cette
description du sanctuaire, qu'il y avait, d'après Polybe, une
fontaine dont le régime variait avec le flux et le reflux, ou plus
simplement, selon Poséidonios, deux puits (243), et que, sur
l'un des autels au moins, Silius Italicus l'affirme (244), les
prêtres entretenaient, comme à Tyr, une flamme perpétuelle.
Ainsi se retrouvent, à l'autre extrémité de la Méditerranée,
127

les éléments constitutifs du sanctuaire de la métropole tyrienne :


les stèles (245), l'olivier (246) et le feu sacré ; nous y ajouterons
la source, si toutefois c'est bien elle qui coule au pied des "roches
ambrosiennes", lorsqu'Héraclès est, avec elles, représenté sur les
monnaies tyriennes (247). Ainsi se retrouvent également les
éléments caractéristiques d'un culte phénicien : il n'y a dans le
temple, dit Philostrate, aucune statue de l'un ou l'autre Hercule,
et les deux autels consacrés "à l'Héraclès tyrien" ne portent ni
dédicace, ni ornement (248). Interdiction sémitique bien illustrée
par l'Ancien Testament, mais progressivement transgressée en
Orient, fait remarquer D. van Berchem, qui voit dans la rigueur
avec laquelle les prêtres maintiennent l'interdit à Gadès, la preuve
d'une origine assez haute du sanctuaire. Des prêtres sont attachés
à ce santuaire, qui ont le crâne rasé, ceint d'un bandeau et qui
portent une longue tunique de lin blanc (249). La présence d'un
clergé "professionnel", d'interdits caractéristiques comme celui
du porc dans les sacrifices par exemple, ou la défense faite aux
femmes d'assister aux cérémonies (250) paraissent à D. van
Berchem appartenir incontestablement au fond cananéen du culte
(251).
Peut-être faut-il citer ce curieux passage de Pausanias dans
lequel L.R. Farnell pense reconnaître une fausse interprétation du
rituel par lequel le Melqart phénicien aurait été, à Gadès, sacrifié,
et brûlé en effigie. On pourrait alors supposer que dans la
métropole aussi existait ce rite complémentaire à Yégersis et que
chaque année était représentée la mort du dieu (252). Le rituel
évoquerait ainsi celui de Sandas en Cilicie (253) ; or, on sait que
le dieu de Tarse a été lui aussi interprêté comme étant un
Héraclès... (254) peut-être cette convergence, et la présence en
Grèce même de ces rites de crémation appliqués à Héraclès (255)
apportent-elles quelque lumière sur le difficile problème des
rapports entre le héros grec et ses homologues asiatiques.
Si les éléments du culte sont, à Gadès, assez bien connus, il
est plus difficile de se représenter le sanctuaire ; seule la chaussée
qui depuis Gadès y conduisait a été retrouvée, et le petit édicule
reposant sur un podium à deux degrés, prostyle et tétrastyle qui
figure sur des monnaies tardives, peut difficilement être un autre
temple que celui, tellement illustre, d'Héraclès gaditan.(256).
128

3-3 Peut-être, en revanche, le site de Lixos, suppléera-t-il


au silence archéologique de l'Héracléion de Gadès ? Les fouilles
de l'acropole ont en effet dégagé un très important complexe
cultuel au coeur d'un ensemble de bâtiments dont l'idenfication
n'a pas toujours été possible (257). Si les édifices A (fondé
peut-être aux Vlème - Vème siècles), C (une salle de réunion ?) et
E (à peu près contemporain du précédent) sont mal connus, on
peut admettre que B, D, F, G, et H sont bien des sanctuaires.
C'est du moins ce que propose M. Ponsich, dans son étude
préliminaire d'un site dont on peut regretter que l'exploitation
archéologique ne soit pas poursuivie plus avant.
Dans l'état actuel de la recherche, les fouilles témoignent
avec certitude de l'existence d'un culte que prudemment l'auteur
attribue à "une divinité pré-romaine" (258), et dont l'importance
serait prouvée par la persistance, tout au long de l'histoire de
Lixos, d'un sanctuaire de très vastes proportions.
De la première période monumentale de la cité, définie
comme "phénico-libyque" (259), date la construction du temple
H, le plus ancien et également le plus vaste des sanctuaires
dégagés, "ce qui, si l'on en croit la légende, rassimilerait à celui
de Malkart, cité par les textes anciens" (260). De cet édifice
imposant, dont le plan devait, plus tard, inspirer les architectes
des temples F et G, ne restent que quelques murs transversaux
qui donnent une idée de la surface couverte (la plus grande partie
de l'esplanade) (261) et une abside semi-circulaire construite en
grès et en grand appareil "de type mégalithique" (262).
D'énormes blocs d'apparence cyclopéenne sont stabilisés par des
empilements de pierres plates, selon une technique qui se retrouve
dans d'autres constructions pré-romaines de Lixos (263).
Dans l'axe de l'abside, un renforcement rectangulaire
(3, 50x1, 60m) avait probablement un rôle cultuel, puisqu'on le
retrouve dans les absides des temples F et G. Au centre, une base
massive de 3 mètres de côté pourrait avoir constitué, d'après les
archéologues de Lixos, le support d'un autel qui fut
systématiquement détruit (264)... On pourrait aussi imaginer que
s'élevait là un édicule plus original, qui, lors de la romanisation
de la cité, n'aurait plus trouvé sa place dans le culte.
De part et d'autre de l'abside, enfin, deux murs construits
avec la même technique, délimitaient une enceinte sacrée et des
éléments de colonnes enduits ou peints, retrouvés en réemploi
129

Fig. 6 : Lixos, le quartier des temples, première


étape : le temple H.

1. L'abside du temple H et le tracé reconstitué du sanctuaire,


en rapport avec les édifices postérieurs. D'après M.
PONSICH, Lixus, le quartier des temples, Rabat, 1981,
fig. 37 p. 13.

2. Plan partiel du temple H : l'abside, d'après M. PONSICH,


op. cit., fig. 30 p. 90.
130

Fig. 7 : Lixos, le temple H, détails d'architecture.

"^SÉaK

1 - type d'appareil

2 - le renfoncement de
l'abside du temple H

d'après M. PONSICH, Lixus, le quartier des temples,


Rabat, 1981, Planches XXXIII et XXXV
131

dans les édifices postérieurs, pourraient, en raison de leur


diamètre important (0,65m), avoir appartenu à la colonnade d'un
péristyle de ce temple H.
Cet édifice, de proportions peu courantes, est sans conteste
le temple de Melqart, dont les auteurs anciens disent qu'il pouvait
rivaliser avec celui de Gadès. Sa construction, diversement datée
au cours des campagnes de fouilles successives (265), est
désormais, sur la foi de plusieurs sondages réalisés en divers
points de l'abside, attribuée au Vllème siècle (266). Restent, il
faut le dire, quelques éléments d'incertitude :
D'abord, si, comme le disent les auteurs, ce temple,
"majestueux... symbolise à la fois la puissance et aussi la réussite
économique de la cité", peut-il être pris comme point de départ de
l'isntallation des colons phéniciens en ces lieux ? Ensuite d'autres
questions se posent qui concernent la construction même de
l'édifice : René Rebuffat remarque - et la figure 7-2,
effectivement, suffit à le repérer (267) - un bloc de réemploi dans
le renfoncement de l'abside, ce qui tendrait à prouver que H n'est
pas le plus ancien édifice de la cité... (ou alors remettrait en
question sa datation !). Bref bien des mystères subsistent sur la
ville haute de Lixos et l'acte de naissance de la cité ne nous paraît
pas définitivement fixé, pas plus que ne nous convainc
l'hypothèse de Michel Ponsich faisant de Lixos une fondation de
ceux des marins "de Tyr ou de Sidon" qui, laissant une partie des
leurs s'établir sur la côte tunisienne (et fonder Carthage) auraient
poursuivi leur voyage vers l'Occident (268). Rien ne prouve,
d'ailleurs, qu'ici se trouvait le premier établissement phénicien.
On fait souvent remarquer en effet que la butte de Rekada (cf. fig.
3) était autrefois une île dans l'estuaire de Louqqos, île plus
proche de l'océan, plus proche aussi des descriptions laissées par
les auteurs anciens... (269).
Si nous abandonnons un instant cette obsédante question
des débuts de la colonisation phénicienne et revenons au
problème d'Héraclès-Melqart qui nous occupe, c'est - à défaut de
règlements cultuels - le temple F qu'il faut interroger (fig. 8).
Ce sanctuaire, encore en usage à l'époque romaine, fut en
effet érigé sur les ruines du temple H et, à bien des égards
(orientation, alignement et, pour autant qu'on puisse en juger,
plan) paraît une réplique de ce dernier. De dimensions plus
modestes, il n'en constitue pas moins un complexe monumental
imposant, couvrant plus de 3 000 m2 (la presque totalité du
plateau) et s'organisant en trois ensembles principaux (270) :
1 - dans la partie nord, le temple proprement dit, s'ordonne
autour d'une area à ciel ouvert entourée sur trois côtés d'un
132

Fig. 8 : Lixos, le temple F et ses annexes

1. Plan du temple F.
D'après : Chronique de l'archéologie marocaine,
BAM, V, 1964, fig. 1.

2. Essai de reconstitution
D'après : M. PONSICH, Lixus, le quartier des temples,
Rabat, 1981, fig. 13 p. 56.
133

Fig. 9 : Lixos, le complexe cultuel de l'acropole


(photos 1969).

Le temple F, l'abside du temple H, le temple G


et la communication entre les deux ensembles
(photos 1969).
134

vaste péristyle à colonnes stuquées. Au Nord, une abside


semi-circulaire de 11,25 mètres de diamètre, reproduit, avec son
renfoncement central, le plan de celle du temple H ; en face, un
massif de maçonnerie reposant sur de puissantes fondations se
prolonge par un naos dont le mur sud forme lui aussi une abside
mais à très faible courbure.
2 - A l'Ouest, un ensemble de pièces et de courettes à
colonnades était sans doute destiné aux prêtres et administrateurs
du sanctuaire. Cette annexe ouvrait directement sur le temple par
quatre entrées.
3 - Un vaste corridor à péristyle donnait accès aux temples
G et F et à la galerie latérale ouest sur laquelle s'ouvraient une
série de salles.
Plus au Nord, le temple G, construit de façon identique
(avec abside semi-circulaire, cour et abside plane), mais plus petit
(650 m2), communiquait avec le précédent par la galerie à
colonnes, le long des remparts dont nous avons vu qu'ils
longeaient aussi le temple F.
Le complexe cultuel ainsi constitué appartient à la période
maurétanienne de lixos (271). La datation de l'édifice F, en effet
est donnée avec précision par la céramique retrouvée dans une
citerne située dans la partie ouest de la cour et comblée après la
construction des fondations du temple : le matériel couvre une
large période, des débuts de l'habitat, nous l'avons vu, jusqu'aux
règnes de Juba ? et de Ptolémée. Le temple F daterait ainsi de la
fin du 1er siècle avant notre ère (272) ou du début du 1er siècle de
notre ère (273). Le temple G, qui laisse transparaître les traces de
transformations successives jusqu'au Illème siècle et semble
correspondre à une extension au-delà des annexes de F, est jugé
comme "quelque peu postérieur ou le dernier construit" (274), il
daterait des débuts de l'occupation romaine, sous le règne de
Claude (275). Cette chronologie dépend étroitement, on le voit,
du matériel recueilli dans la citerne, un matériel dont la publication
exhaustive et l'analyse rigoureuse n'ont pas été faites. La datation
a déjà été contestée, et repoussée, pour le temple F au delà de
l'annexion de la Mauritanie par Rome (276).
Il serait évidemment capital de connaître avec précision ce
moment où toute l'acropole s'organise autour du temple F,
prouvant ainsi l'importance décisive accordée au culte qui y est
rendu (une importance qui pourrait fort bien, notons-le,
s'expliquer par les goûts des rois maurétaniens et de Juba ? tout
particulièrement). Il n'en reste pas moins vrai que, s'ils furent
crées dans une Maurétanie indépendante, les temples F et G
traversent l'époque romaine avec quelques changements certes,
135

mais ceux-ci n'affectent pas leur aspect général malgré d'assez


importantes destructions sur l'ensemble du site. C'est à l'époque
chrétienne seulement que, la ville se resserrant dans la partie
haute, l'habitat gagne le quartier des temples, alors que le culte
chrétien est célébré dans une basilique dont les dimensions
exiguës donnent une idée de l'importance modeste de la cité.
Ainsi a perduré pendant des siècles un type de sanctuaire
dont "le caractèresemble
architecturales" original"
avoir
et "le
gênémanque
ceux qui
totall'avaient
des comparaisons
découvert

(277)... un sanctuaire dont le plan insolite se comprend mieux si


on tourne les yeux du côté de l'Orient : c'est en effet une même
cour à ciel ouvert qui est attestée à Arnrith, à Byblos, à
Oumm-el'Ahmed, aussi (278). C'est elle encore qu'on retrouve à
Chypre, à Kition, cour parfois entourée de portiques, cour
encadrant généralement un même naos central. C'est donc sur ces
rives lointaines que nous chercherons à retrouver la conception
sémitique du temple qui semble bien avoir été celle des édifices
successifs de Lixos.
137

QUATRIEME CHAPITRE

HÉRACLES-MELQART,
D'UNE RIVE A L'AUTRE DE LA MÉDITERRANNÉE

Ce sont les témoignages littéraires qui nous ont permis de


comparer le sanctuaire du Melqart tyrien à celui de l'Héraclès
gaditan. A Lixos, en revanche, c'est l'archéologie qui sollicite des
comparaisons, c'est elle que nous interrogerons désormais sur
ces rives orientales de la Méditerranée où fut honoré
Héraclès-Melqart

4-1 A Arnrith, l'ancienne Marathus, le sanctuaire


dHéraclès-Melqart a été identifié grâce aux nombreuses statuettes
découvertes en 1926 dans une favissa voisine et représentant le
dieu vêtu de la peau du lion et brandissant la massue (279).
Cette identification vient, il est vrai, d'être contestée par P.
Bordreuil, qui, déchiffrant les inscriptions phéniciennes
d'Amrith, tente de retrouver, à travers elles, le destinataire du
culte et fait valoir les droits d'Eshmoun (280)... Hypothèse
rapidement contestée (281) et, nous semble-t-il, ajuste titre.
La première de ces inscriptions, en effet, datée du Vlème
siècle, est une dédicace (282) ; le nom du dédicataire n'est
malheureusement pas lisible (283) et, si le dédicant est un
théophore d'Eshmoun, mention est faite de son aïeul Bodmelqart
(dans la main de Melqart), ce qui, loin de porter atteinte à l'idée
d'une dévotion à Melqart dans la région d'Amrith, ne fait que
conforter l'impression de son ancienneté en ce lieu.
Quant à la seconde inscription, communiquée en 1982 à P.
Bordreuil, elle paraît plus tardive d'environ un siècle (fin du
Vème siècle) (284) et constitue, sans contestation possible, la
dédicace d'une statue (probablement un ex-voto) à Eshmoun. Ce
dieu avait donc son effigie à Arnrith, on ne peut le nier, et c'est là,
comme le dit P. Bordreuil, "un témoignage positif de la
vénération qui lui était concédée. Faut-il pour autant remettre en
question l'identification proposée - sur la foi de statues autrement
plus nombreuses - par tous ceux qui d'Ernest Renan à M.
Dunand et N. Saliby ont fouillé le site (285) ? Nous n'en
croyons rien. Faut-il alors, comme le propose l'épigraphiste,
"penser à un synoecisme entre ces deux dieux ou peut-être même
à une intégration plus poussée, puisque les inscriptions
138

phéniciennes de Kition le réunissent sous le nom


d'Eshmoun-Melqart et que le traité d'Asarhaddon avec le roi de
Tyr les(286)
tâche" énumère,
? l'un après l'autre, en leur assignant la même

Lorsqu'on connaît la plasticité des dieux phéniciens, cette


idée que le Ma'abed d'Amrith aurait pu être dédié à "une divinité
polymorphe, ou à plusieurs facettes" (287) peut séduire et, en
tout état de cause mérite réflexion. Eshmoun, on le sait, est le
grand dieu de Sidon et, dans la cité phénicienne, il a sans doute
joué le rôle de Ba'al de la ville, été le Seigneur, maître et
protecteur qu'était aussi Melqart à Tyr... Peut-être est-ce
d'ailleurs pour cette même raison que le traité d'Asarhaddon, qui
les juxtapose, assigne aux deux dieux les mêmes fonctions
protectrices (288). Or Eshmoun est connu, non loin d'Amrith, à
Tel Kazel (289) ; il est aussi très connu à Chypre, à Kition, si
l'on en juge par le nombre des anthroponymes qui renvoient à lui
(290) ; mieux même, dans ce fief de Melqart, de nombreuses
inscriptions (généralement des dédicaces sur des vases de pierre)
trouvées à Batsalos, au bord du lac salé, associent les deux
divinités. Encore faut-il préciser que toutes (une vingtaine)
appartiennent à la même époque : le IVème siècle av. J.C.
C'est à cette époque également qu'à Arnrith le sanctuaire se
transforme, s'entoure de portiques que les archéologues
comparent aux portiques d'incubation des sanctuaires d'Asclépios
en Grèce (et c'est bien leur Asclépios que les Grecs reconnaîtront
dans le phénicien Eshmoun), à cette époque (ou un peu plutôt
peut être, puisque la dédicace d'Amrith appartient à la fin du Vè
siècle), que les eaux rituelles de Melqart deviendraient des eaux
guérisseuses. Que cette fonction nouvelle appelle aussi la
protection d'Eshmoun, et même celle de Shedrofé (=Shed
guérisseur) (291) n'aurait alors rien d'étonnant.
Faut-il, pour autant, attribuer le temple à Eshmoun ? Faut-il
même parler de "synoecisme" (ou de syncrétisme) ? Une
démarche aussi systématique et rigide ne nous paraît pas
nécessaire ; elle nous paraît même peu compatible avec la réalité
très souple qui est celle de la religion phénicienne, une réalité où,
plus que les "spéculations métaphysiques" - M. Yon l'a fort
justement souligné - dominent pratiques et rituels, "appels à des
fonctions qui selon les cas s'adressent à la divinité sous telle ou
telle épiclèse, tel ou tel aspect, avec tel ou tel attribut".
C'est pourquoi nous continuerons à voir dans
Héraclès-Melqart le dieu principal du ma'abed d'Amrith.
Marathus, d'ailleurs, était, avec quelques autres cités de la
côte tyrienne, dite "fille d'Arvad" (292), dépendante donc de 111e
139

de Rouad toute proche. Or, le culte d'Héraclès-Melqart est connu,


dans l'île, par une inscription bilingue gréco- phénicienne (293),
par les monnaies arvadites (294) et l'Héraclès imberbe et coiffé de
la léonté apparaît sur des monnaies au type d'Alexandre le Grand
(295). Sans aucun doute Arnrith honorait-elle les mêmes divinités
que sa plus puissante voisine, et, puisque dans toute la série des
sculptures (456 fragments) provenant du sanctuaire, le
personnage d'Héraclès-Melqart est la seule "divinité" qui puisse
être identifiée, il paraît véritablement difficile de ne pas admettre
que le temple lui ait été dédié.

Le sanctuaire : le Ma'abed n'est que la partie la plus


remarquable des ruines, traversées par un ruisseau, le Nahr
Arnrith, qui seul a conservé le nom de l'antique cité. De celle-ci
subsistent encore d'autres sanctuaires (296), un immense stade,
de curieux tombeaux, d'imposantes carrières, et bien sûr des
quartiers d'habitation (297) (fig. 10)
Le Ma'abed' est une vaste cour (298), évidée dans le
rocher, de manière à se trouver de plain-pied avec la vallée du
Nahr Àmrith sur laquelle ouvre le quatrième côté (Nord). Les
trois autres côtés sont bordés d'un trottoir rocheux de cinq mètres
de large, qui devait être couvert, si l'on en juge par les piliers
monolithes conservés au Sud. Ce trottoir domine ce qui, de nos
jours, apparaît comme une prairie très marécageuse et qui, dans
l'antiquité, était sans doute un bassin (299) : l'eau semble en effet
avoir joué un grand rôle dans le sanctuaire, puisqu'une source est
aménagée, au milieu de la paroi orientale, de même qu'un réseau
de canalisations. On entend d'ailleurs courir l'eau sous la
végétation exubérante qui masque actuellement le fond de la cour
et, au centre de celle-ci, un bloc de pierre épargné dans le rocher
(300) pour servir de base au naos, conserve, dans sa partie
inférieure, les traces d'un séjour prolongé dans l'eau.
Le naos lui-même est plutôt une sorte de "tabernacle" (ou de
caaba ) fermé de trois côtés et ouvert, comme l'enceinte
elle-même, face à la vallée (fig. 12). Le toit, monolithe, s'avance
en formant une sorte d'auvent, probablement soutenu par des
colonnes. A l'intérieur et sur les côtés sont ménagées deux
banquettes, et, sur les parois latérales, deux trous placés en
regard l'un de l'autre "semblent avoir été creusés pour recevoir
une tringle en fer ou en bois, le long de laquelle courait une
courtine destinée à cacher l'intérieur de la chambre et les objets
sacrés qui y étaient déposés" (301).
A l'époque où l'a vu Renan, le bandeau et la corniche
ornant, sur les quatre côtés, la dalle supérieure (302) formaient le
140

Fig. 10 : Plan d'Amrith

D'après E. RENAN, Mission en Phénicie, Paris, 1964, pi. Vu.


Plan complété par N. SALIBY, dans M. DUNAND et N.
SALIBY, Le temple d'Amrith dans la pérée d'Aradus, Paris,
1985, fig. 1.
141

Fig. 11 : Arnrith, le Ma'abed.


(photos 1971)
142

Fig. 12 : Amrith, le Ma'abed

1. Plan du sanctuaire
(restitution schématique)

TEMPLE ??????

2 . Essai de reconstitution

D'après M. DUNAND, N. SALIBY U temple d'Amrith dans la


pérée d'Aradus, Paris, 1985 pi. LXII et LXIII.
143

seul ornement de l'édifice ; on l'a aujourd'hui couronné de


merlons crénelés retrouvés tout autour, au fond du bassin et
semblables à ceux du méghazil "assyrien" ou à ceux du temple de
Bel à Palmyre (Fig. 11).
Cette conception du sanctuaire, constitué par une chapelle ou
un tabernacle situé au centre d'une cour, est foncièrement
orientale (303). Pour E. Renan, la simplicité, la sévérité même du
style, "l'idée de force et de puissance qu'éveillent les énormes
dimensions des matériaux employés", le goût du monolithisme,
l'emploi du bloc tel qu'il sort de la carrière, l'évidement même de
la roche en place, paraissent donner à tous les monuments
d'Amrith une grande unité et il note "leur air de fraternité" avec
les murs de Rouad qu'il a jugés phéniciens.. Même s'il estime
que l'unité du style ne suppose pas obligatoirement une même
période de construction, il est évident que, pour lui, c'est à une
haute antiquité qu'il faut faire remonter le Ma'abed.
C'est ce que conteste M. Dunand, qui, après examen des
documents d'Amrith, affirme que "rien dans la construction, dans
leur économie, dans leurs éléments décoratifs, n'est l'indice
irrécusable d'une époque antérieure au Vlème siècle" (304). La
gorge égyptienne du Ma'abed* les merlons crénelés à
l'assyrienne, sont, dit-il, les éléments architecturaux courants
dans la Syrie hellénistique et même romaine et "ne peuvent être
retenus comme un indice d'ancienneté" ; on trouverait de même
des exemples récents - Pétra pour ne citer qu'elle - de monuments
aménagés dans le roc. La céramique recueillie près des tombeaux
confirmerait leur date relativement basse (1er siècle avant J.C.), le
stade serait également de tradition hellénistique (305) et le temple
ne paraîtrait "pas pouvoir être trop isolé chronologiquement" ;
l'idée d'entourer la cour d'un portique, par exemple,serait une
adaptation hellénique : "en Phénicie, elle se fait jour au IVème
siècle dans le temple de Baal Hammon à Oumm-el' Ahmed".
Dans un premier temps M. Dunand proposait donc de "faire
descendre jusqu'aux alentours de cette date ou après
l'établissement du Ma'abed d'Amrith" (306). Il est désormais
revenu sur ces conclusions et distingue un état ancien, s'ouvrant
vers la fin du Vlème siècle, "avec tout un peuple de statues"
(représentant Melqart ou ses fidèles), et daté par une céramique
caractéristique des Vlème et Vème siècles (307), un "temple nu"
qu'il rapproche "des grands podiums de magnificence établis...
par les Achéménides à Byblos, Sidon, Jérusalem, pour y asseoir
les temples des dieux nationaux". C'est en remplacement de ce
premier sanctuaire que, toujours autour de la source sacrée,
s'organiseraient ensuite le bassin monumental et les portiques
144

périphériques (308).
Ces conclusions sont légitimes, peut-être, en ce qui concerne
les éléments d'architecture de la ville et même du sanctuaire :
mais la cour évidée dans la roche en place, l'aménagement de la
source, le bloc central épargné sont autant d'éléments qu'il est
bien impossible de dater, même si l'on constate que cette pratique
a perduré longtemps, et rien ne permet, jusqu'à présent, de
proposer une date pour l'implantation du culte. De l'aveu même
des archéologues les fouilles seront à reprendre (309). C'est
pourquoi les sculptures nous paraissent présenter un intérêt tout
particulier ; c'est pourquoi il nous a paru utile également de les
rapprocher des statues très voisines, mais de provenance
chypriote, que possède le musée du Louvre, et ce à la lumière des
études très précises qu'ont faites, de cette statuaire chypriote, les
membres de l'expédition archéologique suédoise (310), a la
lumière aussi des découvertes plus récentes du Département des
Antiquités de Chypre et des nombreuses missions étrangères
travaillant dans cette île qui fut le lieu privilégié de la rencontre de
l'Orient et de l'Occident (31 1).

"Tout peuple qui veut conquérir


l'Orient doit partir de Chypre. C'est ce
que firent Alexandre, Auguste, Richard
et Saint Louis. Tout peuple qui veut
conquérir l'Occident doit partir de
Chypre. C'est ce que firent Sargon,
Ptolémée, Cyrus, Haroum el Rac nid..."

W. HEPWORTH DIXON, British


Cyprus, 1887, cité par L. DURRELL,
Citrons acides, p.'J.

4-2 Cette situation exceptionnelle de Chypre, au carrefour


du monde oriental et de l'Occident, que l'impérialisme anglais
traduit ainsi sur le plan stratégique - et qui, hélas, fait toujours de
lue l'enjeu et la proie d'ambitions rivales ! - nous l'envisageons,
ici, sous le seul angle des contacts qui mêlèrent, sur son sol, des
peuples, leurs cultures et surtout leurs dieux. Nous avons
quelque raison de penser en effet, que, comme les grands
conquérants cités par W. Hepworth-Dixon, - ou mieux, s'il est
vrai que ce dernier fabule (312) - Héraclès-Melqart, lui aussi,
partit de Chypre à la conquête du monde méditerranéen.
Cap Kormakiti
Ca
cferc
£^nko
Cap Gâta
146

Il faut dire que la position remarquable de l'île au seuil du


monde égéen, du Moyen-Orient, de l'Egypte encore, n'est pas
son seul atout : Chypre est, avant tout peut-être pour les Grecs
xoVtpoc l'île du cuivre (313). De du cuivre, Chypre paraît l'avoir
été dès son entrée dans l'histoire : les archives économiques de
Mari comportent plusieurs mentions d'Alasà = Chypre, en
rapport avec le précieux métal (314) et les tablettes récemment
découvertes à Tell Mardikh par la mission italienne de Paolo
Matthiae (315) ont prouvé que, cinq siècles plus tôt, la grande cité
protosyrienne d'Ebla contrôlait déjà les sources de l'éru alasu-u
"du cuivre d'Alasa" (316). L'île, dans la mouvance occidentale
d'un Empire plutôt orienté vers l'Euphrate, tenait déjà son nom
du cuivre (en sumérien alas) qu'elle produit en abondance (cf. fig
13). Plus tard, au Bronze récent, c'est probablement sous la
domination hittite qu'elle prend le nom d'Alas-iya (317). La ville
considérable découverte près du village d*Enkomi témoigne de la
puissance de ce royaume d' Alasia dès l'âge du Bronze moyen, et
surtout au Bronze récent
Ce site - et beaucoup d'autres depuis - prouvent également
que les relations commerciales de Chypre ne se limitaient pas au
Moyen-Orient, mais incluaient l'Egée, l'Egypte où les lettres de
Tell Amarna font état d'importations de cuivre d' Alasia, la Crète,
et ce dès le Bronze moyen. La reconstitution de véritables circuits
commerciaux dans la Méditerranée orientale a même pu être
tentée, par le Professeur Renfrew au second symposium
international d'archéologie de Nicosie, consacré aux relations de
Chypre et de la Crète (318). La jarre de Lapithos (tombe 6A), sur
la côte du Nord de l'île, est l'un des premiers témoignages de ces
très anciens contacts avec la Crète (319). Dès cette époque
d'ailleurs l'extraction du minerai avait commencé, comme le
prouve la découverte de matériel de fonderie à Ambélikou (320).
A partir du XVIème siècle les échanges avec le monde égéen
s'amplifient et, si l'hypothèse d'une "colonisation" de Chypre
avant 1200, fort discutée au symposium de 1972, n'a plus guère
de partisans (321), il reste que l'île est, à partir de cette époque
envahie par une céramique mycénienne, probablement véhicule de
différents onguents et huiles parfumées et que la culture
créto-mycénienne gagne Chypre : des cornes de consécration
apparaissent dans les édifices religieux (à Myrtou Pigadhès, à
Kition, à Paléopaphos (322) par exemple). Parallèlement, on
trouve dans le monde égéen des exportations chypriotes (323)
(moins toutefois que dans le Levant palestinien et en Egypte !)
(324) et, dès cette époque, Chypre est connue dans les tablettes
en Linéaire B, par son nom classique : Ku-pi-ri-jo (325).
147

D semble que ce large développement des échanges avec le


monde mycénien (surtout, à partir de la destruction du palais de
Cnossos, vers 1380) corrresponde à un essor non moins
considérable de la production du cuivre chypriote, celle-ci étant
manifestement devenue la raison d'être du commerce (326).
L'exploitation
Chypriot" daterait
continue
encore le
à travail
Ambélikou
du métal
- Aletri
à Alambra,
; du "Middle
non loin
de l'ancienne Idalion (327), et, à l'âge du Bronze récent, les
centres urbains les plus importants de la côte Sud-Est de l'île :
Enkomi, Kition, Hala Sultan Tekké paraissent avoir recueilli
l'essentiel de cette activité métallifère (328).

Nous nous arrêterons à l'un d'entre eux, qui fut la ville de


Melqart : Kition. Le site, en partie recouvert par la ville moderne
de Larnaca, est bien connu par la tradition pour avoir été le centre
d'un royaume phénicien du 1er millénaire jusqu'à la conquête de
Chypre par Ptolémée à la fin du IVème siècle avant notre ère.
En fait, les travaux du Département des Antiquités, et en
particulier de Vassos Karageorghis, ont prouvé que la ville était
plus anciennement établie et qu'elle participait de cet essor urbain
- très lié à l'exploitation du cuivre - de l'âge du Bronze récent
(329). En effet, si des traces d'habitat remontent à l'âge de la
pierre et si un établissement existe déjà à Kition dès les débuts de
l'âge du Bronze (330), c'est à cette époque du Bronze récent,
vers 1300, qu'il se développe en une cité importante, défendue
par un rempart (331). Les tombes (Area 1) illustrent les rapports
commerciaux que nous venons d'évoquer, tant avec l'Egée que le
Moyen-Orient et l'Egypte (en fait, comme à Enkomi, l'influence
syrienne paraît dominante, au niveau des coutumes funéraires,
par exemple) et le quartier des sanctuaires, à Kathari, (Area II)
démontre avec force l'étroite union de l'activité métallifère et de la
religion : les restes de plusieurs temples auprès de fourneaux pour
fondre le cuivre et d'ateliers artisanaux mettent - c'est une
évidence - la base économique de la cité sous la protection des
dieux... ces dieux qui, telle la petite "Astarté" nue conservée à
Oxford ou le dieu au lingot d'Enkomi (332) se dressent sur les
fameux lingots, en forme de peau de boeuf qui ont fait la fortune
de Chypre (333).
Mieux, au nord de Kition à Athiénou sur la route
empruntée par le cuivre entre les mines et les fonderies de la ville,
un sanctuaire du Bronze récent témoigne de la même association
d'une divinité et de la métallurgie : dans la cour de grandes
quantités de cuivre ont, en effet, été découvertes (334).
C'est cette association que nous retiendrons, de même que
148

ce rôle de carrefour qu'a toujours tenu Chypre entre le monde


égéen, le Moyen-Orient, l'Egypte. Si ces données nous importent
tant, c'est qu'elles sont, à Kition, la toile de fond sur laquelle les
Phéniciens vinrent apposer leur propre empreinte, apporter leurs
propres dieux... C'est sur ce "terreau", en effet, que se développa
le culte syncrétique d'Héraclès-Melqart, peut-être à Bamboula (=
la colline) sur une éminence qui, contrairement à une idée reçue,
n'est en aucun cas l'acropole antique de Kition (335).
En 1929, Einar Gjerstad, après quelques semaines de
sondages, avait découvert en ce lieu les preuves d'une longue
occupation et un sanctuaire archaïque qu'il pensait être le premier
édifice sacré et datait du milieu du "Cypro-Archaïc 1", c'est-à-dire
de 650 environ (336). L'essentiel était constitué par les
fondations d'un long mur Est-Ouest et d'une pièce à peu près
rectangulaire construite au Nord de ce mur ; l'espace au sud de ce
long mur était pavé d'un sol de galets délimitant sans doute une
vaste cour... un téménos, à ciel ouvert, une chapelle jouxtant cette
cour. C'était aussi, selon lui le plan du temenos de l'Acropole
Ouest d'Idalion, c'est encore, ajouterons-nous, un plan familier
dans l'architecture religieuse sémitique, celui, par exemple, du
sanctuaire de Byblos que reproduisent des monnaies frappées
dans cette ville, mais il est vrai tardives, puisqu'elles datent de
l'empereur Macrin (337) (fig. 14).

Fig, 14 : Monnaie frappée à Byblos sous


l'Empereur Macrin (217-218 ap. J.-C.)
A)

Fig. 15 : Le site de Kition-Bamboula

1. Plan (état 1987) dessin O. CALLOT dans M. YON, Mission


Archéologique Française de Kition Bamboula, 1976-1984,
Archaeology in Cyprus, Nicosie 1985, p. 220.

2. Vue générale des fouilles de Kition-Bamboula


Photo : Maison de l'Orient (1981)
Au premier plan les bâtiments classiques et les égouts.
Au second plan le sanctuaire archaïque.
150

La découverte de plusieurs autels d'époque classique


prouvait que le culte avait perduré jusqu'à l'époque hellénistique,
et des statues calcaires retrouvées dans un botlvros et datées de la
fin du Vlème à la fin du IVème siècles avant notre ère lui
permettaient d'identifier le temple. Ce jeune homme portant léonté
et massue ne pouvait être qu'Héraclès-Melqart, divinité
protectrice de la dynastie phénicienne de Kition, comme le
suggéraient les monnaies (338).
L'histoire de la ville s'étant considérablement enrichie grâce
aux découvertes de Vassos Karageorghis, des recherches
reprirent à Bamboula, confiées à une mission archéologique de
l'Université de Lyon ? sous la direction de Marguerite Yon
(339). Très vite il devait apparaître - la découverte d'un autel de
pierre monolithe du IXème siècle ne laissant aucun doute à ce
sujet - que, dès cette époque (le milieu du Chypro-géométrique
?G), l'emplacement était un lieu sacré (340). Tout laissait donc à
penser qu'on pouvait remonter le sanctuaire d'Héraclès-Melqart
découvert par Einar Gjerstad jusqu'à cette date, c'est-à-dire
jusqu'au moment même de l'installation des Phéniciens à Kition
(341).
Les aménagements correspondant à cet autel et au sanctuaire
du IXème siècle sont encore très mal connus (c'est l'un des
objectifs du nouveau programme de fouilles que d'en préciser
l'organisation), mais d'ores et déjà un naos a été identifié (une
salle rectangulaire oblongue de 3 ? 5,80 m). Ce naos est séparé
de la rue, située au Sud, par un espace libre qui servait de cour
(fig. 16). Très tôt un réaménagement a protégé cette cour, par un
mur, devant l'entrée et entouré le bâtiment central de
constructions annexes, encore très incomplètement fouillées
(342).
Plusieurs remaniements sont visibles du VDIème au Vlème
siècle (343), mais le plan d'ensemble se maintient (voir. fig. 17)
avec une architecture de brique crue sur des murs construits avec
soin en moellons et en galets (sur lm. environ). L'extension du
sanctuaire - qui probablement correspond à la fortune de la ville et
au succès accru du culte - se traduit, à chaque phase, par un
agrandissement de la cour dont le rôle paraît ainsi considérable.
Cette cour abrite diverses installations (bassins calcaires (344),
foyers et autels de brique crue, réseau de canalisations) qui
"suggèrent des cérémonies utilisant l'eau et le feu" (345).
Le sanctuaire du Vlème siècle (celui qui correspond aux
figures d'Héraclès-Melqart découvertes en 1929), dégagé sur une
surface plus étendue, est mieux connu (fig. 18). La cour a
151

Fig. 16 : Le Sanctuaire de Kition-Bamboula

Premier état : début du Chypro-Géométrique III.


Le mur du sanctuaire (254) et l'autel
Photo : Maison de l'Orient (1981)

Niveaux géométriques et archaïques dégagés de la cour


classique qui les recouvrait.
Au fond occupation hellénistique. Au Nord du mur 432
(c.a.d. à droite sur la photo) les aménagements du port
classique.
Photo : Maison de l'Orient (1987)
152
Fig. 17 : Le Sanctuaire de Kition-Bamboula
Deuxième état : Le sanctuaire archaïque

1- Le sanctuaire archaïque vu depuis la rue 508 vers le Nord


Photo Maison de l'Orient (1981).

279 : autel de brique crue,


en usage lors de la
première phase archaïque.
523-527 : deux chapelles
ouvrant sur une cour
commune, lors de la
deuxième phase, elles
s'articulent encore, à angle
droit, sur les restes de
l'autel.
Dans l'angle formé, à
l'Est par ces deux pièces,
un autre espace, peut-être
fermé par un portique
(528), comporte nombre
de dispositifs cultuels :
cf. bassin 291.
Plan et photo ont la même
orientation.

+ +- + +
¦

2- Plan du sanctuaire archaïque d'après A. Caubet, le


Sanctuaire chypro-archaïque de Kition-Bamboula, Temples
et Sanctuaires, TOM, Lyon, p. 108 et 110.
Sur la figure 2 : deuxième phase archaïque (650-550) ont
été signalés des éléments appartenant à la première phase
archaïque (jusqu'en 650).
153

désormais recouvert une grande partie des bâtiments


antérieurs, mais c'est à la fin du Vème siècle seulement
qu'intervient un véritable bouleversement du sanctuaire,
considérablement agrandi, d'une part, et surtout plus intégré à
l'urbanisme de toute cette partie de la ville : l'orientation de
l'ensemble, en effet, différente de celle des bâtiments archaïques,
est alors celle des constructions du quartier.
Une nouvelle cour recouvre désormais non seulement le
sanctuaire archaïque, mais encore la rue qui le bordait ; cependant
ses aménagements : plates-formes et autels de pierre, conservent
l'orientation ancienne, ce qui atteste de la permanence du culte.
Cette cour est désormais limitée au Sud par un très grand bâtiment
d'environ 30 mètres de long et manifestement en relation avec le
sanctuaire qu'il borde (fig. 15). L'eau paraît toujours jouer un
rôle considérable ; le bâtiment comporte deux puits, il s'y ajoute
une citerne au IVème siècle ; puits perdus puis égouts raccordés à
un grand collecteur urbain s'y succèdent. La proportion
importante de cratères et de petits vases à boire importés de
l'Attique incite les archéologues à supposer que ce bâtiment
abritait "les banquets et les rites de libations" (346).
Une dernière réorganisation, au début du Illème siècle,
correspond sans doute aux bouleversements entraînés par la mort
de Pumiathon, le dernier roi de la dynastie phénicienne, en 312,
et à la prise de Chypre par Ptolémée. Moins d'un siècle après, à la
fin du Lïïème siècle, le heu semble avoir perdu son caractère sacré
et, après une période d'abandon, des installations artisanales
(moulin, four) apparaissent dans la cour même du sanctuaire.

Les enseignements de ces découvertes archéologiques de


Kition Bamboula sont pour nous d'un intérêt capital.
Contrairement au sanctuaire d'Amrith dont rien ne prouve qu'il
remonte à haute époque (347), celui-ci est parfaitement daté : né
avec les débuts de la présence phénicienne à Kition, nul ne peut
mettre en doute ses origines. Or ses éléments essentiels sont en
place dès sa fondation et, malgré les multiples remaniements
ultérieurs, on les retrouvera toujours : une ou plusieurs cours à
ciel ouvert ; dans cette cour, un puis des autels, auprès d'eux une
chapelle (ou plusieurs) ; naos ou cella nos termes classiques sont
bien impropres pour définir le saint-des-saints du sanctuaire, tant
la conception de l'ensemble est orientale... orientale au sens large
d'ailleurs, car rien ne serait plus faux que d'en faire un caractère
spécifique de l'architecture religieuse phénicienne : pour s'en tenir
au domaine chypriote, les découvertes d'Ayia Irini, d'Ayios
Iakovos, d'Idalion (348), comme celles de Myrtou-Pigadhès,
154

Fig. 18 : Kition-Bamboula : le sanctuaire archaïque

1. La troisième
Plan : A. CAUBET,
phase archaïque
loc. cit.,(550-500)
p. 114 fig. 5.

2. L'autel de brique crue (n° 279) 3. Foyer (n° 284) archaïque ??


Photo Maison de l'Orient (1979). Photo Maison de l'Orient (1980).
155

(349) ont montré quel rôle fondamental jouait l'espace à ciel


ouvert dans le sanctuaire, un rôle confirmé par la petite maquette
de terre cuite découverte dans une tombe de Vounous (350).
De même les temples de Kition, depuis les temples jumeaux
2 et 3, traversent les vicissitudes historiques et les phases
architecturales caractérisées par différents appareils de
construction sans pour autant changer de plan : des murs
délimitent un espace rectangulaire (dont l'entrée est toujours
déportée vers un angle) ; face à l'entrée, un mur isole une pièce
étroite : "Le Saint des Saints", généralement (sauf pour le temple
4 qui est phénicien) orienté à l'Ouest (351). C'est, d'après la
reconstitution proposée, la seule pièce couverte de l'édifice ; la
cour est, quant à elle, parfois bordée de portiques et c'est dans
cette cour qu'on a retrouvé les différents dispositifs
indispensables au déroulement du culte : foyers, autels, tables à
offrandes, banquettes (352)... Ce plan est aussi, à peu de chose
près, celui du sanctuaire du dieu au lingot, à Enkomi (353). Ce
qui varie surtout, d'un sanctuaire à l'autre, c'est l'importance et la
complexité des bâtiments annexes, dont nous avons vu qu'ils
peuvent devenir de véritables quartiers administratifs et
artisanaux.. Une importance et une complexité révélétrices du rôle
du sanctuaire dans la vie économique de la cité et par là même des
fonctions dévolues aux dieux.
Ce qui varie encore - et qui, en conséquence, renseigne plus
précisément sur les formes cultuelles - ce sont les dispositifs qui,
dans la cour, servent au rituel : à Kition-Bamboula, l'autel
primitif (IXème siècle) évoque de fort près par ses proportions
certains autels palestiniens (354). D'autre part, dans la vaste cour,
qui, lors de la troisième phase archaïque, recouvre les anciens
bâtiments (on comparera pour s'en rendre compte les figures 17
et 18), deux autels foyers (284 et 294) entourés d'une couche de
charbon dans laquelle ne figurent aucun débris organique, mais
de nombreux fragments de vases et de figurines de terre cuite
brûlés, ont manifestement servi à des pratiques de destruction par
le feu. On pense bien sûr aux rites de crémation parfois attestés
pour Héraclès et peut-être trahis par le mythe.
Enfin les archéologues de Kition sont frappés par
l'importance qu'avait sans doute l'eau. Marguerite Yon propose
même d'entendre "le maître de l'eau" mentionné dans les comptes
d'un sanctuaire (355) comme étant le maître du lieu Melqart
L'inscription, qui mentionnait "le temple d'Ashtart de Kition"
(aux lignes 4-5) avait été mise en rapport avec le très grand temple
de cette déesse découvert en 1967-1970 au Nord de la cité par
Vassos Karageorghis. Forte des installations considérables de
156

Kition-Bamboula, l'archéologue lyonnaise suggère qu'il pourrait


appartenir à ce sanctuaire ; le texte datant du début du IVème
siècle, les quatre bâtisseurs (selon O. Masson) ou architectes
(selon G. Amadasi) mentionnés dans ces comptes mensuels,
pourraient être ceux qui, à la fin du Vème siècle prirent en charge
l'important réaménagement du temple (voir figure 15) ; les
prostituées sacrées ne posent aucun problème (B. 9) pas plus que
les
"chiens"
multiples
et serviteurs,
les "minets"
sacrificateurs,
surprennentscribes
davantage
et boulangers
(sont-ils,
; les

puisqu'ils reçoivent un salaire, non pas des animaux, mais,


comme le suggèrent d'aucuns, des prostitués mâles ?) Quant au
"Maître de l'eau" (B.4) B. Peckham voyait en lui le propriétaire
de l'eau vendue au temple, et O. Masson, un fonctionnaire
préposé au service de l'eau pour les cérémonies cultuelles. ?
serait, pour M. Yon, le dieu lui-même : Melqart
Et c'est, bien sûr, le problème du maître du sanctuaire qui est
posé : Melqart était là chez lui à la fin de l'archaïsme, les statues
retrouvées par Einar Gjerstad le prouvent, mais, dans le matériel
correspondant aux états antérieurs, rien ne permet d'affirmer sa
présence... Ce matériel, il est vrai, inexistant jusque là, pour le
sanctuaire géométrique, reste très rare pour le haut archaïsme :
vaisselle importée de Phénicie et de Palestine (Samarian waré) et
quelques fragments de figurines, en particulier de déesses aux
bras levés (356) ; plus tard, dans le charbon des autels foyers du
Vlème siècle, les figurines de terre cuite brûlées comprennent une
forte proportion de têtes de femmes et des stèles miniatures (8 à
10 cm de haut) portant un masque hathorique (357) simples
reproductions, semble-t-il, des chapiteaux de pierre au même
motif retrouvés au 19ème siècle dans ce secteur de la colline de
Bamboula (358).
Rien de comparable donc à l'importante série de
représentations exhumées lors des fouilles suédoises. Les
figurines aux bras levés (359) conduisent les archéologues de
Kition à envisager que le sanctuaire ait pu être "consacré depuis le
Chypro-géométrique à une divinité de la fertilité, peut-être
associée à un dieu mâle, dont la personnalité évolue au cours des
temps.. "(360). Marguerite Yon, quant à elle, pense plus
précisément à Astarté, ce qui - les associations de Melqart déjà
connues le prouvent - (361) paraît on ne peut plus logique.
Si, comme elle le suggère, les comptes du sanctuaire sont
bien
Sainte"
ceux
pour
dulaquelle
complexeles de
boulangers
Bamboula,
de l'inscription
Astarté seraitpétrissent
la "Reinele

gâteau (1.9) et au service de laquelle se dévouent les chantres qui


résident dans un quartier du temple (1.6).
157

H faut ajouter que, sur la même pierre (face B), est mentionné
le temple de MKL = Mikal. Pour Olivier Masson "il ne s'agirait
pas de deux temples distincts, mais d'un seul grand temple, celui
d'Astarté,
MKL" ; Marguerite
dans lequel
Yon,
une
quant
partie
à elle,
étaitimagine
consacrée
un espace
au culte
sacré
de
dans lequel coexisteraient plusieurs cultes : ceux d'Astarté, de
Mikal, d'Héraclès (Mikal attesté par l'inscription ; Héraclès -
Melqart par l'iconographie). Le problème se pose alors de savoir
quel lien unit Mikal et Melqart, quels rapports s'établissent entre
les divinités et elle propose deux solutions entre lesquelles elle ne
choisit pas. On honorerait dans le sanctuaire
- soit le couple Astarté + Mikal/Melqart
- soit une triade Astarté + Mikal + Melqart
Les plus grandes divinités de Tyr auraient ainsi chacune deux
lieux de culte à Kition. Un grand sanctuaire à Astarté a en effet
été mis au jour dans le quartier de Kathari, au Nord de la ville.
Reconstruit au IXème siècle, à l'emplacement d'un temple du
Bronze récent, il fut identifié grâce aux figurines qui y furent
trouvées et plus précisément encore par la dédicace à la déesse
figurant sur un "bol à barbe" de poterie phénicienne red-slip
(362). Or, dans le même lieu, la fouille d'un bothros devait
produire un bol plus tardif (du Vlème siècle) avec le nom de
Melqart (363). Dans la ville, comme dans son port de Bamboula,
les deux divinités paraissent ainsi avoir été étroitement associées.

4-3 Ce sont ces données archéologiques que nous aimerions


reprendre à la lumière de notre étude de la tradition littéraire, à la
lumière peut-être aussi des nouveaux textes dont dispose
désormais l'historien des religions orientales.

1. En ce qui concerne les sanctuaires à Héraclès-


Melqart.

Nous avons rapproché, déjà, les descriptions qu'ont


laissées les auteurs anciens du sanctuaire de Gadès et celle que
nous possédons pour le temple d'Héraclès Melqart à Tyr et nous
avons souligné le rôle important qu'y jouaient Veau et le
feu (364). Si, à Tyr, une source coule au pied des roches
ambrosiennes, à Gadès Polybe a vu une fontaine à laquelle on
accède par quelques marches, fontaine qui tarit avec la marée
montante et se remplit avec la marée descendante (365) ;
Poséidonios, tout en maintenant le lien avec les marées, affirme
que le phénomène se traduisait sur l'eau de deux puits (366) et,
158

s'il paraît plus crédible, c'est, certes, à cause de la vraisemblance,


mais aussi parce qu'il paraît avoir passé "plusieurs jours dans
le sanctuaire d'Héraclès à Gadeira lors du solstice d'été, au
moment de la pleine lune" et qu'il y a étudié les marées (367). A
Bamboula, proche de la mer, le dispositif hydraulique suppose,
bien sûr, avant tout des cérémonies rituelles en faisant grand
usage, mais rien n'interdit de penser que les rites eux-mêmes
pouvaient être mis en rapport avec les variations annuelles de la
marée... on ne saurait oublier que le site était alors en bordure de
la mer et que, d'une façon plus générale, ces sanctuaires sont
ceux de peuples marins, comme le prouvent les ancres de pierre
qui, si souvent, y sont consacrées, depuis l'âge du Bronze (368).
A Amrith - où les représentations héracléennes témoignent
d'une forte influence chypriote - le rôle de l'eau était de même
considérable (369). A Thasos, si l'on admet que l'Héracléion
fouillé par Marcel Launey (370) est bien le sanctuaire de
l'Héraclès "phénicien" visité par Hérodote (371), on pensera à la
fosse circulaire située dans la cour triangulaire qui jouxte l'arrière
de l'édifice aux oikoi, non loin du plus ancien monument de
l'Héracléion : l'édifice polygonal. Dans cette ouverture circulaire
donnant accès à une fosse creusée en forme de pithos, et qui,
selon le fouilleur, pouvait aussi bien constituer la margelle d'un
puits que la base d'une sorte de tholos, on préféra reconnaître le
bothros, nécessaire aux sacrifices héroïques rendus à un Héraclès
fils d'Alcmène. L'eau, abondante - qui d'ailleurs interrompit les
fouilles - pourrait au contraire, prouver que là était déjà la
fonction première du dispositif dans l'Antiquité (372).
A Lixos, où les installations souterraines semblent moins
bien connues, l'eau paraît cependant avoir joué un rôle
indispensable au culte, si l'on en juge par la citerne des temps
primitifs et le bassin du temple F construit lorsque cette dernière
n'était plus en usage (373).

L'eau donc, mais aussi le feu : à Gadès, comme à


Tyr, Silius Italicus raffirme (374), les prêtres entretenaient, sur
l'un des autels au moins, un feu perpétuel. Sans doute même des
rites de crémation y étaient-ils pratiqués, si l'on en croit
l'anecdote - il est vrai, assez obscure - que Pausanias tient de
Cléon de Magnésie : ce dernier, lors d'un séjour à Gadès, aurait
été, comme toute la population, contraint de quitter l'île, sur ordre
d'Héraclès. Au retour, il aurait vu sur la grève "un homme marin"
qui, jeté à terre, couvrait à peu près cinq arpents, et brûlait
encore! (375)... un rite qui, plus mal compris encore par
159

Fig. 19 : Thasos, l'Héracléion

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Pomponius Mêla, lui aurait fait conclure que le sanctuaire de


Gadès possédait les cendres d'Héraclès (376) ! On pense bien sûr
à la grande fête du "réveil" de Melqart, renaissance du dieu par la
vertu du feu qui, à Tyr, se célébrait au cours du mois phénicien
de Péritios (février-mars) (377)... Une fête que Denis van
Berchem propose de reconnaître, à Thasos, dans les Sôteria, en
anthestérion (378). Il retrouve de même, dans le foyer situé au
centre du petit mégaron primitif de l'Héracléion, le souvenir du
feu perpétuel qui brûlait en l'honneur de Melqart à Tyr (p. 98) et,
s'il est vrai que - comme à Kition, remarquons le - l'absence de
débris organiques dans les cendres prouve que ce feu n'a pu
servir à la combustion des victimes (379), on pourra toutefois
faire remarquer que - contrairement cette fois à Kition -
l'autel-foyer à l'intérieur du temple - si toutefois temple il y avait
et il est fortement permis d'en douter (380) - semble plus
volontiers de tradition pré-hellénique que phénicienne !
Sans douter le moins du monde de la présence des
Phéniciens à Thasos - comment le pourrait-on, alors que se
confirme - ce que ne savait pas encore Denis van Berchem - la
présence d'or, dans la région même ou Hérodote dit avoir vu
leurs mines ! (381) ; alors que les fouilles prouvent que les colons
pariens du VÔème siècle trouvèrent, à leur arrivée, une île déjà
exploitée (382). Sans douter non plus que les Phéniciens aient,
comme à Chypre, installé le culte de Melqart - et à ce titre le
règlement sacrificiel découvert en 1913 est, effectivement assez
probant ! (383) - nous ne sommes pas persuadés qu'il faille voir
dans l'Héraclès thasien le seul Héraclès-Melqart. Denis van
Berchem, d'ailleurs, lorsqu'il oppose les Grandes Héracléia - de
tradition hellénique - aux Sôtéria - qui perpétueraient les rites
phéniciens - n'apporte-t-il pas, sans le dire bien sûr, des
arguments à ceux qui, comme Jean Pouilloux, restent persuadés
que le héros grec, le fils d'Alcmène, était, lui aussi, en honneur à
Thasos (384), et que dans Ille, comme à Sicyone, c'est bien un
double culte qui était rendu à Héraclès (385). Une fois de plus le
témoignage de Pausanias est capital, qui, à propos d'une statue de
bronze d'Héraclès consacrée par les Thasiens à Olympie rapporte:
"J'ai entendu dire que les Thasiens vénèrent le même
Héraclès que les Tyriens ; mais, par la suite, à partir du moment
où ils furent complètement hellénisés, ils ont adopté l'usage de
rendre aussi un culte à Héraclès fils d'Amphitryon" (386).
De ce double culte témoigne la présence de rituels
différents, correspondant vraisemblablement à des fêtes
différentes, mais, au moment où nous pouvons les saisir (387),
on peut se demander si ces cultes restent parfaitement
161

individualisés : il est frappant, par exemple, que l'Héraclès dit


phénicien ne soit pas connu sous le nom de Melqart (comme à
Chypre, à Gadès ou à Lixos), mais "naturalisé" par l'épithète
"thasios"; frappant encore que son culte ne soit pas célébré par un
collège professionnel de prêtres comme à Gadès ou Thasos, mais
par un seul magistrat (388). Il reste que l'épithète "thasios",
précisément, confère à Héraclès un caractère poliade qu'il ne
possède pas d'ailleurs et qui pourrait trouver une explication, si
l'on admet qu'il a hérité des fonctions de Melqart, le maître de la
cité.
Dans de telles conditions comment attribuer avec certitude,
au héros ou au dieu, l'Héracléion de Thasos (389) ? Il n'est pas
interdit de penser, d'ailleurs, que dans la région de l'agora, près
de ce "passage des théores" où fut affiché le règlement relatif au
culte d'Héraclès (390), des fouilles ultérieures ne mettront pas au
jour un nouveau sanctuaire d'Héraclès (391) ? Si nous avons
ainsi tenu à comparer le dispositif du seul Héracléion jusque là
découvert à Thasos à ceux qui furent, sans contestation possible
des lieux de culte à Melqart, c'est, certes, en raison des
rapprochements possibles, tant dans l'apparence que dans la
fonction des lieux, mais en gardant à l'esprit les difficultés d'une
telle interprétation (392).
Nous resterons donc prudents, en ce qui concerne le
sanctuaire thasien, mais pouvons en revanche affirmer que les
sanctuaires occidentaux à Héraclès-Melqart portent bien la marque
de l'origine orientale d'un culte qui fut celui de Melqart avant
d'être celui du dieu syncrétique auquel ils sont dédiés (393).

2 - En ce qui concerne Melqart.

Ce qu'apprend l'archéologie du sanctuaire chypriote peut


paraître, dans ce domaine également, du plus haut intérêt. Melqart
apparaît, à Kition, comme le dieu mâle, parèdre d'abord
évanescent puis dominant, d'une grande déesse de la fertilité,
manifestement Astarté, ce qui, en aval, éclaire, soulignons-le ici,
mais nous y reviendrons, ses rapports avec l'Aphrodite d'Eryx
(394). Faut-il envisager ces rapports comme étant déjà résiduels ?
(Le fils dans la triade primitive étant susceptible de se transformer
facilement en parèdre (à la fois fils et amant) d'un couple
ultérieur)? La tradition a, nous l'avons vu, conservé le souvenir
d'un Héraclès phénicien donné comme fils de Zeus (identifié avec
Ba'al) et Astérie (Astarté) et tant Victor Bérard, qu'Henri Seyrig
voyaient en Melqart, effectivement, un dieu fils du panthéon
phénicien dans le cadre d'une triade qu'attesteraient encore les
162

cultes d'Oumm el' Ahmed non loin de Tyr (395). On aurait ainsi,
dans l'archéologie et l'épigraphie de la cité chypriote, la
confirmation d'une tradition jusque là attestée seulement à
l'époque hellénistique ; c'est peut-être le décalage chronologique
qui, à l'époque des syncrétismes, aurait attribué à Ba'al le rôle du
dieu-père de la triade...
Les textes de Kition, eux, mentionnent Mikal. Le culte de
Mikal est connu à Chypre, où ce dieu est parfois assimilé à
Reshef. Le temple d'Idalion a livré plusieurs dédicaces à
Reshef-Mikal et, en particulier, la célèbre inscription bilingue qui
a permis le déchiffrement de l'écriture chypriote (396) et si,
comme le pense René Dussaud, Reshef était à Chypre considéré
comme le père de Melqart (397), le système apparaîtrait assez
cohérent. C'est hélas sans aucune preuve qu'est avancée
l'hypothèse. Reshef et Melqart, parfois associés dans les cultes
hellénistiques, semblent plus volontiers liés par des rapports
d'équivalence que par de telles relations de parenté (398) et rien,
en définitive, n'atteste avec certitude de l'existence d'une triade à
Kition. Il faut, au contraire, reconnaître que, comme le
remarquent ailleurs les historiens de la religion phénicienne, c'est,
une fois de plus, un couple divin qui paraît régner sur le
sanctuaire de Bamboula et un couple divin dont l'élément le plus
ancien, si l'on en juge par l'archéologie, le plus durable, encore,
si l'on admet que l'inscription relative au sanctuaire d'Astarté s'y
rapporte, est bien une divinité féminine (399).
Et il nous semble que - plus que sa place au sein d'une
éventuelle triade - c'est le rôle joué par Melqart auprès de cette
déesse qui doit retenir l'attention. Or, à cet égard les nouvelles
découvertes d'Ebla (400) sont du plus haut intérêt, qui permettent
de penser que l'archétype de Melqart, le roi de Tyr, pourrait
avoir été le Malik de la ville proto-syrienne (401). Non seulement
le roi de la cité y serait un malikum, la reine une maliktum (402),
mais de nombreux noms théophores : en -na -Ma -lik, en -si -ma
-lik, eb-du-Malik, ip-hur-Ma-lik (403) - y feraient référence à un
dieu Malik... Ainsi, par l'intermédiaire des marchands d'Ebla
dont nous savons que très tôt ils fréquentèrent Ille du cuivre, les
Chypriotes auraient pu se familiariser avec ce "Seigneur" d'une
ville qui n'était encore ni Tyr, ni Kition, avec ce dieu qui n'était
pas encore Melqart (404), avec ce roi divin qui, comme Héraclès,
tient à la fois et des nommes et des dieux (405).
163

3 - Un milieu éminemment favorable au


syncrétisme religieux.

Chypre, lieu de rencontre dès sa plus lointaine histoire,


c'est, me paraît-il, la leçon essentielle de l'archéologie dans l'île
du cuivre. C'est, en effet, ce poids d'un passé foisonnant de
traditions qui explique la richesse de son panthéon, qui rend
compte de la complexité - et peut-être aussi de la plasticité - de ses
dieux. Enfin - et il semble bien que, dans le cas de Melqart, ce ne
soit pas une figure de style - c'est cette histoire faite de
rencontres, voire de dominations successives, qui a,
progressivement, donné aux dieux leurs visages définitifs...
Civilisations du Moyen-Orient, civilisations égéennes, l'ancienne
Kition, celle du Bronze récent, en est, nous l'avons vu, héritière.
Si l'on en juge par les objets égyptiens retrouvés dans ses tombes
des XI Vème et XlIIème siècles, le commerce entretenu avec
l'Egypte devait être considérable également... Que ce commerce
ait apporté autre chose que des objets d'usage, la représentation
en ivoire du dieu Bès, trouvée dans l'un des temples fouillés par
Vassos Karageorghis en témoigne (406), de même que ces
chapiteaux à figures hathoriques encore imités au Vlème siècle,
puisqu'on les trouve en nombre dans l'autel-foyer de
Kition-Bamboula (407).
Ce jeu des influences multiples on le trouve à Chypre - et à
Kition comme dans la plupart des centres urbains du Bronze
récent - dès avant l'arrivée des Phéniciens. Mais Kition est
précisément la ville la plus importante de l'île et les dieux de Tyr
s'y installent. Melqart, le "Seigneur de la ville", est là, déjà, sans
aucun doute, proche d'Astarté comme dans la métropole où
Hiram reconstruit en même temps leur temple.
Certes, pour une haute époque, on ne retrouve pas son
image. Lacune provisoire peut-être... à moins que, comme tant de
dieux sémitiques, le maître de Tyr ne tolère pas d'être
représenté... hypothèse d'autant plus crédible qu'elle est affirmée
pour son homologue de Gadès tant par Silius Italicus (408) que
par Philostrate (409). Les premières représentations, d'ailleurs,
portent la marque de l'étranger : le Moyen-Orient, l'Egypte, mais
encore l'Assyrie (présente à Chypre dès la conquête de Sargon II
en 709) s'y rencontreraient pour façonner un dieu, jusque là sans
visage...
Les influences grecques bientôt seront décisives. Une
tombe de la nécropole royale de Salamine prouve qu'existaient
des contacts étroits dès le VlIIème siècle : trente-quatre vases
grecs d'époque géométrique y ont été découverts, ce qui est
164

exceptionnel. Il est vrai que la défunte - incinérée alors que son


mari était inhumé - était très probablement d'origine grecque !
(410). Commerce donc, mariages chypro-grecs, les raisons de
connaître l'Héraclès grec à Chypre ne manquent pas : au Vlème
siècle des artistes chypriotes, influencés par la glyptique grecque,
gravent les travaux d'Héraclès (et parfois de Thésée, portant,
comme le fils d'Amphitryon, massue et peau du lion) sur une
série d'intailles, qui, par certains détails (exergue hachuré de type
phénicien, ankh à l'égyptienne) participent aussi de la tradition
orientale (411). Les exploits d'Héraclès y sont donc connus très
tôt, et en particulier le plus lointain d'entre eux : la lutte contre
Géryon pour les boeufs d'Erythie. On connaît bien la plaque
gravée de la collection Cesnola sur laquelle le troupeau de Géryon
tient encore tant de place (412) ; on connaît moins les
représentations du monstre tricéphale retrouvées à Chypre.
Guerrier aux six jambes, aux trois boucliers, Géryon, sur l'une
d'entre elles, offre la représentation des travaux d'Héraclès : sur
la tunique, la lutte contre le lion ; sur les boucliers, la lutte contre
un centaure, l'enlèvement des Cercopes, auxquels se mêle, là
encore, un exploit discordant : la décapitation de la méduse (413).
Enfin, Véronique Tatton-Brown a récemment attiré l'attention sur
une terre cuite du British Muséum (414): Géryon au triple buste et
casqué menace un ennemi (Héraclès ?) d'un même mouvement de
ses trois bras, probablement armés d'une lance aujourd'hui
disparue ; un seul bouclier subsiste, mais l'arrachement des deux
autres est très perceptible. Les éléments de l'armure et le casque
conique ("funnel shaped") étudiés par l'archéologue lui
permettent de confirmer la date traditionnellement donnée à cette
sculpture, le milieu du Vlème siècle apparaissant toutefois comme
un terminus ante quem, dans la mesure où les traits du visage (les
grands yeux en demi-lune ; le nez proéminent, dans une face
presque triangulaire) sont nettement caractéristiques des figures
du style proto-chypriote daté, quant à lui, du Vllème siècle.
Ainsi, les "travaux" d'Héraclès étaient-ils bien connus à
Chypre... peut-être même l'étaient-ils depuis fort longtemps s'il
est vrai, comme le suggère Vassos Karageorghis, que le combat
du héros contre l'hydre figure déjà sur un plat de fabrique "white
paintedr de la fin du Xleme siècle : deux personnages (il s'agirait
alors d'Héraclès et de Iolaos) armés, l'un d'un arc, l'autre d'un
poignard (ou d'une épée courte) attaquent un énorme serpent à
deux têtes et à deux queues, au milieu d'un bestiaire (oiseau et
animaux) dans lequel on pourrait tenter, peut-être, de retrouver
les autres fauves auxquels dut s'affronter le héros (voir figure
20-3) (415). Encore convient-il de noter que, lorsqu'elle est
165

représentée en Grèce (sur des fibules de bronze béotiennes du


VlIIème siècle, par exemple) (416), l'hydre n'est pas un serpent à
deux têtes, mais bien plutôt à sept (fig. 20-1) à l'image, dirait-on,
de ces représentations orientales connues par des sceaux
sumériens : c'est en effet un monstre à sept têtes que combat un
héros (?) sur une empreinte de Tell Asmar (fig. 20-4) : deux
d'ailleurs sont coupées et brandies triomphalement par le
vainqueur (417).
Il reste que ce document chypriote, découvert dans une
tombe de Paléopaphos, est pour nous d'une importance capitale :
qu'il témoigne de la présence à Chypre à la fin du second
millénaire d'un Héraclès achéen dont la légende serait déjà en
partie constituée, qu'il soit simplement inspiré d'une mythologie
orientale ayant pu concourir à la constitution de cette légende, il
donne Chypre, dans tous les cas, comme un lieu privilégié de la
rencontre entre l'Héraclès grec et ses homologues orientaux.
166

Figure 20 : Autour du combat contre l'hydre.

Plaque d'une fibule béotienne Détail d'une fibule béotienne


bronze - dernier quart du VlIIème siècle bronze - 2ème moitié du VlIIème siècle
Philadelphie University Muséum. Londres B.M.

D'après R. HAMPE et E. SIMON, Un


millénaire d'art grec, 1600-600, fig. 92
et 93, Fribourg 1980.

Héraclès, lolaos et l'Hydre à Chypre ?


Plat de "White painted I" Xlème siècle -
Diamètre 28 cm provenant de
Paléopaphos (Tombe 58 - n° 104) Musée
de Nicosie d'après KARAGEORGHIS,
Cyprus from the Stone Age to the
Romans, Londres, 1982, fig. 94.

Un modèle Oriental ?
Impression d'un sceau sumérien de Tell
Asmar (v. 2500), d'après G.R. Lévy,
The oriental origin of Herakles, JHS,
LIV, 1934, p. 40.
167

CONCLUSIONS

Notre enquête nous a ainsi emportée, bien loin de Gadès et


de Lixos, auprès de ces rivages phéniciens d'où partirent marins
et commerçants de Tyr, et avec eux, Yarchégète de leur peuple :
Melqart.
Il ne fait aucun doute, en effet, que la présence à Lixos et à
Gadès a
tyrien" d'un
entraîné
temple
la localisation
au dieu qu'on
près devait
de ces deux
appeler
cités,
"l'Héraclès
du jardin
des Hespérides et des pâturages de Géryon. C'est pourquoi nous
nous sommes efforcée d'en reconstituer avec précision le cadre
géographique, les données historiques et le contexte religieux...
Bref, l'ensemble des réalités qui ont pu fixer le mythe.
La toile de fond, telle qu'elle est peinte dans les plus
détaillées de nos sources, est celle d'un pays à la nature
généreuse... d'un pays où les fruits de la terre sont plus beaux,
plus désirables ; où le bétail qu'elle porte est plus fort, plus
exceptionnel... d'un pays, aussi, où la terre renferme
d'inépuisables richesses. C'est presque un pays de rêve,... il est
d'ailleurs aux confins de la terre habitée.
Peut-être est-ce tout ce qu'Hésiode en connaît ?
Mais, de ce pays de rêve, déjà les Phéniciens avaient fait
une réalité, et deux villes symbolisaient leur réussite, toutes deux
consacrées au dieu garant de leur succès, Melqart... Melqart,
qu'on trouve aussi à Kition, la ville aux trois fonderies, auprès
des
brillante"
mines (418)
de cuivre
commede Chypre,
Ille lointaine
à Thasos
de Géryon,
"la brumeuse"
en Sardaigne
ou "la
enfin, où l'on met au jour nombre de ces lingots de cuivre qui
firent la fortune de Chypre (419).. .Melqart que les Grecs
apprirent à connaître - cela ne fait aucun doute - sur les routes
commerciales que, pour les mêmes raisons, ils fréquentaient
aussi.
Où se fit la rencontre, nous demandions-nous ?
Au terme de notre étude, Chypre, l'île de cuivre, plus que
jamais nous paraît être ce creuset, où fut, au mieux, réalisée, la
condition indispensable à tout syncrétisme : une certaine
symbiose des populations. Carrefour de l'Orient, les influences
babyloniennes, hittites, assyriennes, très tôt s'y exercèrent ; relais
de l'Occident, ses rapports avec la Crète, puis avec le monde
mycénien sont désormais bien connus et il est manifeste qu'à
l'âge du Bronze récent, des Achéens s'y installèrent. Ils furent,
on le sait, suivis de peu par les Phéniciens ; l'influence grecque
168

enfin y laissa une forte empreinte - on en juge par l'art chypriote -


dès l'âge archaïque.
Condition nécessaire encore : la forte présence de Melqart
dans les villes phéniciennes de l'île et, tout particulièrement à
Kition, la plus puissante sans doute d'entre eues, puisqu'elle fut
très tôt transformée en royaume (420) et qu'il lui arriva de
dominer Idalion (421). Or Melqart est, ici comme à Tyr, le
Seigneur de la ville, le garant de ses entreprises, et le dynamisme
même de la cité qu'il protège nous paraît être un facteur essentiel,
tant il est vrai que les syncrétismes sont rarement spontanés,
mais, bien au contraire, dépendent "surtout de la volonté
centralisatrice d'un clergé conscient, s'appuyant sur un pouvoir
politique fort" (422).
Enfin, nous l'avons vu, l'Héraclès grec semble avoir été
bien connu dans l'île, et ce jusque dans le détail de sa légende,
comme en témoignent les multiples représentations du rapt des
troupeaux de Géryon ou du monstre triple lui-même !
Et il convient, je crois, de souligner cette familiarité des
Chypriotes avec le plus occidental des "travaux" d'Héraclès.
L'explication la plus simple prend en compte, bien sûr, le rôle du
commerce phénicien à Gadès où très tôt paraît s'être fixée la
légende, elle prend en compte également la présence de Kition
elle-même en Occident, en ces lieux où règne le souvenir
d'Héraclès, en Sardaigne, en particulier, où l'inscription de Nora
mentionne, dès le IXème siècle, un temple érigé par des
Phéniciens de la ville chypriote (423).
Mais peut-être faut-il aussi redire le rôle ancien de Chypre
dans le commerce méditerranéen ? Rappeler sa présence dans les
mers occidentales à la fin de l'âge du Bronze, et ce rôle capital,
qu'on commence à pressentir (424), des Etéochypriotes, entre
l'expansion achéenne et celle des Phéniciens ?
Si l'on admet, en effet, que c'est à Chypre que Melqart a
rencontré Héraclès, ou plus exactement - car, pour ce qui est de la
rencontre, elle a pu se faire en bien des lieux - si c'est à Chypre
qu'on a décidé de les associer, voire de les confondre, il reste à
répondre à une question essentielle : De quel Héraclès s'agit-il ?
Lorsque, contrairement à l'usage sémitique - et fort
vraisemblablement sous l'influence des Grecs - on représente
volontiers le dieu de Kition dans son sanctuaire, c'est sous les
traits du héros grec qu'il apparaît (425) et chacun peut très
facilement reconnaître dans la massue et la peau du lion les
attributs du fils d'Alcmène : la tradition ne fait-elle pas de la lutte
contre le lion de Némée le premier des travaux d'Héraclès ?
n'attribue-t-elle pas l'invention de la massue à Pisandre de
169

Rhodes ou à Stésichore ? (426).


Une chose, en tout cas, est certaine, contrairement à ce
qu'on a cru longtemps, le type divin connu à Chypre ne provient
pas de Tyr : dans la ville phénicienne, Melqart n'apparaît sous les
traits d'Héraclès à la massue que sur les monnaies de la fin du
second siècle avant notre ère (427) ; auparavant il semble bien que
le dieu tyrien n'ait emprunté que son arc au héros grec, et ce
depuis le Vème siècle seulement (428). Les modèles donc sont
ailleurs. La Grèce certes, mais laquelle ? et pas seulement la
Grèce!
Contrairement aux représentations contemporaines de la
céramique grecque (429), ou même à d'autres images retrouvées
dans l'Ue (430), l'Héraclès "Chypriote" est, en effet, un dieu
jeune et imberbe, un dieu plus proche, comme le fait remarquer
M. Dunand, du Shadrafa de la Stèle d'Amrith (431) ou du Reshef
de Ras Shamra que du dieu barbu de la stèle deBreidj, conservée
au musée d'Alep et qu'une inscription désigne expressément
comme
god" et étant
il nous
Melqart
a semblé
! (432).
qu'une
? estétude
le dieu
approfondie
victorieux, de
le "smiting
ce type
plastique pouvait apporter quelque lumière dans ce difficile
problème du syncrétisme d'Héraclès/Melqart ainsi traduit dans
l'iconographie plus d'un siècle avant qu'Hérodote ne l'atteste
formellement (433).
Dieu au lion, dieu victorieux, dieu redoutable. C'est aussi
ce qu'est Sandas, si souvent invoqué avec les "violents", les
brutaux", "ceux qui sont revêtus de robes sanglantes", (434),
Sandas le Cilicien que deux textes grecs identifient avec Héraclès
(435) ; c'est encore ce qu'est Nergal, en Babylonie "le dieu de la
guerre, de la peste et de la chasse aux grands fauves" (436), qui
fut, lui aussi, assimilé à Héraclès par les Grecs... Et il est permis
de se demander si cet Héraclès est bien le héros, fils d'Alcmène,
ou s'il n'est pas plutôt une figure plus ancienne de leur panthéon
ou de leur mythologie, plus conforme, en tout cas, aux modèles
orientaux qui lui seront proposés, une figure qui pourrait bien
n'être pas tout à fait oubliée d'Homère (437) et que parfois
retrouve la tradition postérieure : celle du héros terrible des
Argonautiques d'Apollonios de Rhodes, par exemple (438).
170

Fig. 21 : l'Héraclès chypriote et l'Héraclès d'Amrith


(photos 1971)

Héraclès d'AnaiÎk, favissa, n° 225 Amrith./avwsa, n° 229

Illustration non autorisée à la diffusion


Illustration non autorisée à la diffusion

Héraclès 641.
171

NOTES DE LA PREMIERE PARTIE

1 - En l'an 943. Ce texte de MASOUDI est emprunté à l'article de R.


REBUFFAT, Bronzes antiques d'Hercule à Tanger et Azila, Antiquités
Africaines, V, 1971, pp. 179-191. L'auteur utilise, pour son étude, des
textes portugais du XVIème siècle (en particulier de V. FERNANDEZ)
dont bien des thèmes paraissent empruntés à la tradition arabe. C'est
d'ailleurs un Héraclès protecteur des navigateurs que paraissent
connaître les géographes arabes qui croient à l'existence d'un colosse de
bronze qui, aux Açores, aurait indiqué leur route aux voyageurs : cf. R.
HENNIG, Eine arabische Umdeutung der hellcnischen Sage von den
Saiilen des Herakles, AKG, XXVI, 1935, pp. 337-341 ; 1936, pp.
337-341. De ce texte arabe on rapprochera le Roman du fort Hercules
de Raoul Le Fèvre, chapelain de Philippe le Bon, qui se représente les
colonnes comme des "Hercules" dont l'un tiendrait une pancarte :
"Ne passe oultre pour quérir terre,
Ne pour loingz royaulmes conquerre.
Plus en Occident t'en yras
Et moins de terre trouveras",
cité par M.R. JUNG, Hercule dans la littérature française au XVIème
siècle, Paris, 1966.
2 - DIODORE DE SICILE, IV, 18, 4 et 5.
3 - APOLLODORE, II, 106-108.
4 - On se reportera à notre prologue.
5 - J. CARCOPINO, op. cit., p. 69.
6 - J. CARCOPINO, ibid, p. 69. Nous reviendrons plus tard sur les
localisations successives du mythe ; cf., à ce sujet, WILAMOWITZ,
Euripides Herakles, pp. 303-309 (v. 394) et plus récemment J.
DES ANGES, op. cit., qui, à propos du périple d'Hannon, parle du
"transfert vers l'Atlantique de données concernant la Tripolitaine, la
Petite Syrte et l'arrière-pays saharien" (pp. 80-81).
7- APOLLONIOS DE RHODES, Les Argonautiques, IV, 1460 sq.
CLAUDIEN, Eloge de Stilichon, 1, 252, cite encore "Le Triton voisin
des jardins Hespérides".
8 - HÉCATÉE, F. Gr. Hist., 1 F 26. (ARRIEN, Anabase, II, 16, 5).
9 - Cf. G. VANOTTI, Gerione in Aristote 830 a, Mir. ausc, 133, dans
Epigraphica,XXXlX, 1977, pp. 161-168.
10 - Cf. l'essai de reconstitution de la carte ionienne de J.O. THOMSON,
Everyman's classical atlas, Londres et New York, 1961, carte n°l. Les
croquis se trouvent déjà avec de plus amples explications dans History
of ancient geography, Cambridge, 1948, fig. 11 p. 99 et 10 p. 97 du
172

même auteur. On se reportera aussi à notre fig. 1.


11 - Sur la genèse de cette carte voir P. LÉVEQUE et P.
VIDAL-NAQUET, Clisthène l'Athénien, Paris, 2ème éd., 1983, chap.
V et cartes p. 79 et 81 et encore E.H. BUNBURY, A History of
ancient Geography, 2ème éd., 1959 ; P. PÉDECH^e Géographie des
Grecs, Paris 1976 ; St. GSELL, Connaissances géographiques des
Grecs sur les côtes africaines de l'océan, dans Mémorial Henri Basset,
L L, 1928 pp. 293-312, repris dans Etudes sur l'Afrique antique,
Scripta Varia, Lille 1981. Enfin, pour l'étude des textes littéraires on
peut se reporter désormais à l'étude de J. DES ANGES, Recherches sur
l'activité des Méditerranéens aux confins de l'Afrique, Paris/Rome
1978.
12 - HOMERE, Iliade, XVffl, 606. 607. 'e? ? '?t??e? p?taµ??? µ??a
aOevoç ??ea???? a?t??a pa? p?µ?t?? s??e?? p??a
p???t??? . Cette représentation de la "force puissante" du "fleuve
Océan" est particulièrement intéressante ; on la trouve, en effet, dans la
description du bouclier qu'Héphaïstos forge pour Achille, à l'extrême
bord de ce bouclier, autour donc de ce microcosme qu'avait voulu y
figurer le dieu "aux savants pensers".
13 - HOMERE, Odyssée, ??, 1-2.
14 - R. DION, Tartessos, l'Océan homérique et les travaux d'Hercule, R H. ,
22A. 1960, pp. 27-44.
15 - Le fleuve qui revient vers sa source" dit Ylliade, XVIII, 399 :
???????? ??ea????. C'est une idée sans doute semblable qui est
exprimée dans YOdyssée, XX, 65 (où ces "bords où l'Océan reflue"
sont, bien entendu, le séjour des morts).
16 - HÉSIODE, Théogonie, 242, 292 ; cf. aussi 265.
17 - HÉSIODE, Théogonie, 776 ; 787-790.
18 - HÉRODOTE, Histoires, II, 23 : "Je ne connais pas, quant à moi,
l'existence d'un fleuve Océan ; Homère, je pense, ou quelqu'un des
poètes précédents, a inventé ce nom et l'a introduit dans la poésie". Cf.
aussi m, 115 et IV, 126.
19 - PLINE L'ANCIEN, Histoire Naturelle, V, 2.
20 - PLINE Histoire Naturelle, V, 3-5 ; cf. aussi PLINE ibid., XLX, 63 ;
cependant PLINE connaît lui aussi, la version divergente situant en
Cyrénaïque le jardin des Hespérides : cf. XLX, 4 1 ; V, 5.
21 - Il pourrait s'agir d'un périple ancien considéré comme le premier
périple de la Mer Extérieure : celui d'APELLAS ou d'OPHELAS dont
le souvenir, est conservé, au Bas-Empire, par MARCIEN
D'HÉRACLÈS. La description faisait une grande place à Gadès, Lixos,
aux Iles des Bienheureux, donc à la légende d'Héraclès. Cf. J. SCHOO,
Herakles im fernen Westen der alten Welt dans Mnemosyne, m, 7, 1,
1939, pp. 1-24. Cf. aussi J. DESANGES, op. cit., pp. 4-5.
173

22 - STRABON, XVII, 3, 3.
23 - STRABON, III, 2, 13.
24 - F. LASSERRE, Strabon, II, Les Belles lettres, 1966, p. 49, note 2,
remarque que la forme ???se?a - une forme poétique- et la place
insolite de l'adjectif dans la phrase "pourrait signaler une citation",
citation qu'il semble chercher dans la poésie épique du Vllème siècle
ou chez STÉSICHORE, donc chez les poètes "post-homériques" au
sens étroit du terme. Mais, dit-il, "STRABON ne paraît pas avoir ici
de référence précise à l'esprit". On sait, en effet, que les exploits
d'Héraclès avaient été chantés par les poètes épiques, et on connaît
l'existence d'une Prise d'Oechalia et d'une Héraclée attribuées à
CRÉOPHILE DE SAMOS (A. et M. CROISET, Histoire de la
littérature grecque, I, pp. 453-454 ; WILAMOWTTZ, op. cit., I, p.
313 ; DURRBACH, loc. cit., p. 81), d'une autre Héraclée, oeuvre du
Spartiate CINAETHON (Scholie à Apollonios, I, 1357), d'une
troisième, composée par le rhodien PISANDRE, soit au Vllème siècle
(A. et M. CROISET, op. cit., I, pp. 456-457) soit au début du Vlème
siècle (WILAMOWITZ, op. cit., I, p. 309)... malheureusement toutes
ces oeuvres sont perdues et ne nous permettent pas de savoir si leurs
auteurs connaissaient cette localisation. Même incertitude quant à la
vaste composition de PANYASIS d'HALICARNASSE au Vème
siècle ; ce dont nous sommes certains, en revanche, c'est que, pour
MIMNERME au Vllème siècle (frg. 12 ; PL.G. II 4 p. 30) et même
STÉSICHORE (frg. 8 ; PL.G. II, 14 p. 209) les Hespérides habitent
encore la région imprécise où "le soleil chaque jour s'abîme dans les
flots". Pour une étude plus systématique et plus complète des sources
on se reportera à notre seconde partie (chapitre "retour aux sources").
25 - STRABON, IV, 1, 7, citation du Prométhée délivré dSSCHYLE (frg.
199 NAUCK, frg. 326 METTE). Selon F. LASSERRE, op. cit., p.
133, si STRABON a pris sa citation chez POSÉIDONIOS, ce que le
commentaire final semble indiquer, il est "probable" que celui-ci "la
tenait lui-même de TIMÉE ou d*ÉPHORE, voire dSPHORE au travers
de TIMEE". Cf. aussi DENYS d'HALICARNASSE, I, 41, 3 et
HYGIN De Astrol., II, 6 (METTE, 326, b et c).
26 - Cf. la citation du Prométhée délivré dSSCHYLE, conservée par le
PSEUDO-GALLEN et retenue par F. BENOIT, loc. cit., pp. 104-148 :
"Ne t'écarte point de ce chemin. Il te conduira d'abord dans une
contrée battue par Borée : prends garde que la violence de ce
vent ne t'enlève de terre".
27 - Noublions pas, cependant, que d'après PLINE (XXXVII, 32) Eschyle
aurait dit "que lÉridan se trouvait en Ibérie, c'est-à-dire en Espagne, et
qu'il s'appelait aussi le Rhône".
28 - Cf. par exemple, PINDARE, Isthmiques, IV, 87-93.
29 - POMPONIUS MÊLA, au 1er siècle, mentionne, lui aussi, la grotte
174

"consacrée à Hercule", la ville de Tinge, "ville très ancienne fondée à


ce qu'on dit, par Antée" et les deux monts Abyla et Calpé, nommés,
dit-il, les colonnes d'Hercule (1, 5).
30 - APOLLODORE, ?, 10 ; DIODORE, IV, 18 et PHILOSTRATE, Vie
d'Apollonios de Tyane, V, 1, rapportent la légende ; STRABON, dans
un très long passage, cherche à l'interpréter (??, 5, 5-6). On se
reportera à la note 169 du prologue pour les colonnes d'Atlas qui, dans
la mythologie grecque, précédèrent les colonnes d'Héraclès.
L'expression (cf. la même note) est, dès le Vlème siècle, suffisamment
liée à Héraclès pour être passée dans le vocabulaire courant Pour V.
BERARD (Les Phéniciens et l'Odyssée, 1902), notre source la plus
ancienne et la plus précise serait fournie par le périple d'Aviénus,
82-88 : "A l'endroit où la mer profonde sort de l'Océan pour venir en
se déroulant former notre Méditerranée, se trouve la mer atlantique. Là,
sont les colonnes de l'infatigable Hercule, Abyla et Calpé, Calpé sur la
rive gauche, Abyla voisine de la Libye". L'Ora Manama est-elle,
comme la Descriptio Orbis, la traduction ou la paraphrase d'un périple
du Vlème siècle, périple généralement considéré comme marseillais,
parfois comme carthaginois ? Est-elle au contraire l'oeuvre personnelle
d' AVENUS "qui le dit formellement et assemble des renseignements
d'origine multiple, colligés avec un parti-pris d'archaïsme" (A.
BERTHELOT, Les Ligures, RA, 1933, 1, p. 115 et note 1 et
FESTUS AVIÉNUS. Ora maritima, Paris, 1934). A. SCHULTEN et
P. BOSCH GIMPERA (Fontes Hispaniae Antiquae, Barcelone, 1955)
ont, semble-t-il, fait accepter l'idée d'un vieux périple massaliote,
remontant à la première moitié du Vlème siècle, caché dans le texte
d'Aviénus. Les références à Himilcon qui avaient pu faire penser à un
texte carthaginois (A. HERRMANN, Die Erdkarte der Urbibel mit
eine Anhang ûber Tartessos und die Etruskerfragt, 1931, p. 766 sq.) ne
seraient qu'interpolées, ainsi qu'un long fragment du périple attique
dliuctémon se rapportant à l'époque de Périclès. Dans ces conditions,
on peut certes admettre la mention des colonnes d'Hercule, on peut
aussi douter de la précision géographique : Calpé sur la rive gauche
(Gibraltar), Abyla voisine de la Libye (Le Mont Acho ou le mont aux
Singes voir infra p. 103 et note 88). Sur ce sujet, voir encore R.
DION, Géographie historique de la France, Annuaire du Collège de
France, 59, 1959, pp. 504-508 ; M. ALMAGRO et A. GARCIA Y
BELLIDO, in R. MENENDEZ PIDAL, Historia de Espana, 1, 2, 2e
éd., pp. 540-550.
31 - Nous reviendrons en détail dans notre quatrième partie sur le problème
de la localisation et noterons simplement ici que, pour gagner le pays
de Géryon, Héraclès emprunte au soleil sa coupe d'or ; cf.
APOLLODORE, ?, 10, qui semble bien, encore une fois, avoir suivi
PHÉRÉCYDE (apud ATHÉNÉE, XI, 470). On remarquera encore
175

qu'Erythie, est aussi pour HESIODE, l'une des Hespérides, d'après


SERVIUS, Commentaire de l'Enéide, IV, 484, frg. 270 R.
32 - D'après STRABON, III, 2, 1 1 . (Frg. 7 de PAGE).
33 - STRABON, III, 5, 4 (F Gr Hist 3F 18b) ; cf. ausi FESTUS
AVIÉNUS, Ora Maritima, 309-312.
34 - STRABON, III, 5, 4 ; les auteurs en question seraient ÉPHORE
(FHG, I, frg. 40 p. 244 = F. Gr. Hist, 70 F 129) à qui l'on devrait la
citation de PHÉRÉCYDE (F.Gr.Hist, 3 F 18b) et celle de
PHILISTIDES (F.Gr.Hist, 11 F3). Cf. encore PLINE, Histoire
Naturelle, IV, 120 . J. CARCOPINO, op. cit., p. 66, attribue à tort
les deux traditions que Strabon, on le voit, oppose, au même
Phérécyde.
35 - HÉRODOTE, IV, 8.
36 - SCYMNOS, 150-162.
37 - PLINE, Histoire Naturelle, IV, 22, 120 (Loeb): "ab eo latere, quo
Hispaniam spectat, passibusfere C altéra insula est M longa passus
M. lata, in qua prius oppidum Gadiumfuit ; ... Vocatur ab Ephoro et
Philistide, Erythea... in hac Geryones habitasse a quibusdam
existimantur, quorum armenta Hercules abduxerit". Cf. aussi,
POMPONIUS MÊLA, III, 6.
38 - Dans notre seconde partie.
39 - Cf. A. SCHULTEN, La geste d'Héraclès, in Tartessos, Contribuciôn a
la historia mas antigua de Occidente, Madrid, 1924 ; et id. Die
Griechen in Spanien, in RhM , LXXXV, 1936, p. 302.
40 - P. LAVIOSA-???????,// Mediterraneo, l'Europa, L'Italia durante
la preistoria, Enc. Classica, III, X, II, 1964, pp. 97-384.
41 - A. GARCIA Y BELLIDO, AEA, XIV, 1940, XIV, 1940-41, p. 115
cl Historia Mundi, III, p. 352.
42 - H. ROLLAND, A propos de Saint Biaise., REA, LI, 1949, p. 84.
43 - On se souviendra du "doute méthodique" prôné naguère par J.P.
MOREL, (Les Phocéens en Occident, certitudes et Hypothèses,?/',
1966, pp.378-420), quant à la colonisation phocéenne à Tartessos, ou,
d'une façon plus générale, à la présence ancienne des Rhodiens et des
Phocéens dans les mers occidentales. L'aventure du Samien Colaios
rapportée par Hérodote (V, 152) témoigne peut-être du rôle important
joué par les Samiens" associés à l'activité commerciale des Phocéens"
(F. VILLARD, La céramique grecque de Marseille, Essai d'histoire
économique, Paris, 1960, p. 56 et 72), mais, malgré les dates hautes
proposées par A. SCHULTEN, (op. cit., p. 45), S. MAZZARINO
(Fra Oriente e Occidente, Florence, 1947, p. 117) et A. GARCIA Y
BELLIDO (Hispania Graeca, I, pp. 115 et 130), il reste généralement
daté des environs de 630 (cf. J.P. MOREL, loc. cit., p. 390 et note 43
de la même page). Il est douteux que les Grecs aient eu une
connaissance directe de l'Espagne avant le dernier tiers du VUème siècle
176

et, si leur présence dans la région de Tartessos est aujourd'hui prouvée


par la trouvaille d'un casque corinthien de bronze de la fin du Vllème
siècle sur les rive du Guadalete, dans la province de Cadix, il est bien
certain que cette présence est postérieure à l'époque d'Hésiode. Le Vème
Symposium International de Prehistoria (Jerez 1968) a d'ailleurs
montré combien les découvertes archéologiques récentes invitaient à la
prudence, en ce qui concerne l'expansion grecque en Espagne ; combien
au contraire elles prouvaient l'importance des contacts avec les
Phéniciens (J. MALUQUER, Nueves orientaciones en al problema de
Tartessos : Tartessos y sus problemas, Barcelone 1969). Les grands
gagnants de ce colloque, écrivait J.P. MOREL (Les Phocéens en
Extrême Occident vus depuis Tartessos, PP, XXV, 1970, pp.
285-289) furent les Tartessiens eux-mêmes et les Phénico-Puniques
(pp. 286). On se reportera enfin à l'étude bibliographique récente de P.
ROUILLARD, Phéniciens, Grecs et Puniques, Histoire et archéologie
de la Péninsule Ibérique antique, REA, 81, 1979, pp. 116-123.
44 - STRABON, III, 5, 4. F. LASSERRE, op. cit., p. 200 note 7 cite
E.H.F. Meyer, Botanische ErlaUterunfen, 10 sq., selon qui "l'herbe en
question pourrait être une variété de genêt très abondante à Cadix, le
Spartium monospermum, la rétama des Espagnols. Dira-t-on ????. DE
MONTHERLANT, encore, dans Les Bestiaires, chante "l'herbe grasse"
au vert profond et presque sombre de ces prairies du Guadalquivir, de
ces "marais nourriciers de bêtes sauvages (il s'agit bien sûr des
taureaux !) et qui ne s'arrêtent que dans la mer" (p. 40 et 74, éd. 1954,
Paris). ,
45- STRABON, III, V, 10. POSEIDONIOS, qu'il cite souvent,
connaissait bien le pays puisqu'il avait, vers 90 av. J.-c., séjourné un
mois à Gadès retenu par les vents d'Est
46 - A. GARCIA Y BELLIDO, locosae Gades, Princeladas para un Cuadro
sobre Cadiz en la Antiguedad, BRAH, CXXIX, Juillet-Septembre
1951, pp. 73-122. Cet arbre produit en effet une résine rose appelée
"sang de dragonnier". Il serait originaire des Canaries où il reste assez
répandu.
47 - PHILOSTRATE, Vie d'Apollonios de Tyane, V, 5.
48- PLINE, Histoire Naturelle, DC,3,4.
49 - Une coudée et quatre doigts équivalent à 46 et 8 cm.
50 - HÉRODOTE, IV, 191.
51- STRABON, XVII, 4.
52 - PLINE, Histoire Naturelle, XHJ, 91.
53 - PLINE, Histoire Naturelle, V, 14.
54 - PLINE, Histoire Naturelle, ?G?, 63.
55 - PLINE, Histoire Naturelle, V, 6. Même témoignage chez
POMPONIUS MÊLA, III, X : les céréales poussent, même si on ne
les sème pas. Reconnaissons que le jardin des Hespérides tel que le
177

décrit le Pseudo-Scylax (Périples libyques, 7) n'est pas moins


luxuriant. "Il est couvert de l'ombre des arbres entrelacés aussi serrés
que possible. Ces arbres sont le lotos, des pommiers de toutes sortes,
des grenadiers, des poiriers, des arbousiers, des mûriers, des vignes, des
myrtes, des lauriers, du lierre, des oliviers, des oléastres, des
amandiers, des noyers" (91 F 108 H). Or ce jardin est situé près de
Cyrène. Sur le périple du Pseudo-Scylax voir J. DES ANGES, op. cit.,
pp. 404-415.
56 - HÉSIODE, Théogonie, 294. Mais on aurait tort d'oublier que G
??? est aussi ce qui rend invisible, que c'est, en particulier, ce qui
caractérise Hadès. Cf. à ce sujet, J.BAYET Hercule funéraire, MEFR,
XXXDC, 1921-22, pp. 219-266 et XL, 1923 pp. 18-102 ; cf. aussi L.
GERNET, La Cité future et le pays des morts, REG., 46, 1933 pp.
293-310, ou Anthropologie de la Grèce antique, Paris, 1968, pp.
149-150 et note 67.
57 - Cf. JUBA, apud ATHENEE, III, 83, b (FHG., III frg. 24 p. 472 ou F.
Gr. Hist, 275 F 6). Cf. aussi ANTIPHANE, frg. 58.
58 - Un épi de blé figure déjà sur des monnaies à légende punique, cf. St.
GSELL, Histoire de l'Afrique du Nord, II, p. 13.
59 - Cf. Th. REINACH, La tête d^che au musée du Louvre, REG, 1898,
p. 55 : et Revue Celtique, XV, p. 209.
60 - Cf. supra, note 32, STRABON III, 2, 1 1 ou Frg. 7 de PAGE.
61- STRABON III, 2, 14. Mais peut-on dire, comme le fait R.
THOUVENOT, Essai sur la province romaine de Bétique, 1940, p. 63
qu'ANACREON "mieux informé (que Stésichore) vante la longévité de
ce roi tartessien, qu'Hérodote appellera Arganthonios" ?
62 - HÉRODOTE, IV, 152.
63 - HÉRODOTE, 1, 163. On situe généralement le règne de cet "homme
de l'argent" dans les années 630/620 à 550-540. Cf. JP. MOREL, loc.
cit., p. 391 et note 4. Pour DIXON, The Iberians ofSpain, (p. 28) il
ne s'agirait pas d'un seul roi, mais d'une dynastie favorable aux Grecs
et pour T.J. DUNBABIN, The western Greeks, p. 399, ce règne
symboliserait seulement la période des contacts entre les Grecs et le
pays de Tartessos. Pour P. BOSCH-GIMPERA (Phéniciens et Grecs
dans l'Extrême-Occident, La Nouvelle Clio, III, 1951, pp. 269-296)
les Tartessiens trouvèrent sans doute dans la présence grecque le
contrepoids nécessaire au monopole exercé dans le commerce par les
Phéniciens (p. 282), opinion réaffirmée par M. MALUQUER de
MOTES au Symposium de Jerez (Tartessos y sus Problemas,
Barcelone, 1969).
64 - DIODORE de SICILE, V, 35 1.
65 - DIODORE de SICILE, V, 35, 3.
66 - DIODORE de SICILE, V, 35, 4 et 5.
178

67 - STRABON ??, 2, 8-14.


68 - STRABON ??, 2, 8.
69 - POSÉIDONIOS (F.H.G., ??, frg. 48, p. 272 ou F.Gr. Hist., 87 F 47,
cité par STRABON III, 2, 9). La fable dont il est question est celle de
l'embrasement des Pyrénées (cf. aussi, DIODORE, V, 35). Sur ce
sujet, voir F. LASSERRE, op. cit., p. 190.
70 - Cf. un développement analogue chez DIODORE DE SICILE, V, 38,
4.
71 - FESTUS AVIÉNUS, Ora Maritima, 291-298 : "At mons paludem,
incumbit Argentarius, Sic a vetustis dictus ex specie sui : stanno iste
namque latera plurimo nitet, magisque in auras eminus lucem evomit,
quum sol ab igni celsa perculerit juga. Idem amnis autem fluctibus
stanni gravis. Ramenta volvit, invehitque moenibus, dives metallum".
EPHORE, au IVème siècle av. J. -C, avait une vision très
comparable, apud, PSEUDO-SCYMNOS, 165 et STEPHANE DE
BYZANCE, s.v. Tartessos :
"Elle s'appelle Tartessos, ville illustre arrosée par un fleuve qui
charrie d'énormes quantités d'étain, d'or et de cuivre...."
Cf. A. GARCIA Y BELLIDO, Tartessos, p. 252 et note 36.
72 - FESTUS AVIÉNUS, Ora Maritima, 1 13-1 16. Les îles Oestrymnides
sont probablement celles qui se trouvaient dans le golfe aujourd'hui
comblé de la Grande Brière. Aviénus ne dit rien ici des Cassitérides,
pourtant plus connues des Anciens (HERODOTE, III, 115,
DIODORE, V, 38 et surtout STRABON, ??, 5, 11). Sur le problème
de la localisation de ces îles (près de la Grande Bretagne ou de l'Ibérie)
cf. R. DION, Le problème des Cassitérides, Latomus, XI, 1952, pp.
306-314 et Les routes de l'étain, l'isthme gaulois et le carrefour de
Paris, Hommes et Mondes, 7, 1952, pp. 547-557 ; F. VILLARD La
Céramique grecque de Marseille, Paris, 1960, pp. 137-161 : R.
ETIENNE, Bordeaux Antique, Bordeaux, 1962, pp. 65-71. Cf.
surtout : J. RAMQN, Le problème des Cassitérides et les sources de
l'étain occidental depuis les temps protohistoriques jusqu'au début de
notre ère, Paris, 1965, et, en dernier lieu l'article méthodologique et
bibliographique de S. LEWUILLON, Polémiques et méthode, à propos
d'une question historique : pour des "îles Cassitérides", DHA, 6, 1980,
pp. 235-266.
73 - Cf. en particulier l'étude bibliographique de JP. MOREL, loc. cit., p.
390 et la deuxième édition de l'ouvrage de J.M. BLAZQUEZ,
Tartessos y los origines de la colonisaciôn fenicia en Occidente,
Salamanque, 1975, qui cependant étudie plutôt les témoignages de la
présence phénicienne à Tartessos. Cf. encore P. CINTAS, Manuel
d'archéologie punique, I, Paris, 1970 chap. III.
74 - J. CARCOPINO, op. cit., p. 53.
75 - J. CARCOPINO, ibid, p. 53. Pour cet auteur, c'est aussi la "passion
179

de l'or" qui expliquerait le périple d'Hannon, entrepris "pour assurer à


Carthage la maîtrise de l'or du Soudan" (p. 154) et c'est la petite île de
Cerné, dans la baie de Rio de Oro, qui aurait été le centre des
transactions.
76 - Cf. ARISTOTE, Météorologie, I, 12, 21 ; Liber inundationis Nili,
dans Les fragments d'Aristote édités par Didot, p. 214. Cités par J.
CARCOPINO, p. 54 et note 1 de la même page.
77- PLINE, Histoire Naturelle, V,9.
78 - VITRUVE, VIII, 2, 6.
79 - PTOLÉMÉE, IV, 6, 3.
80 - J. CARCOPINO, op. cit., p. 54 et note 7.
81 - M. PONSICH et M. TARRADELL, Garum et industries antiques de
salaison dans la Méditerranée occidentale, Bibliothèque et l'Ecole des
Hautes Etudes Hispaniques, XXXVI, Paris, 1965.
Cf. aussi M. TARRADELL, Lixus, Valence, 1959, et Historia de
Marruecos Punico, Tetouan, 1960.
82 - Dans un périple attribué à SCYLAX (Périples libyques, 7) et dont la
rédaction remonte probablement à la seconde moitié du IVème siècle,
l'auteur termine "par une description prolixe de la côte de Libye au delà
des colonnes d'Héraclès, qui juxtapose maladroitement des indications
empruntées à des sources diverses" (J. DESANGES, op. cit., p. 110)
et après avoir passé Lixos (et il est vrai Cerné) il mentionne "une
ville que les Phéniciens gagnent par voie de mer "dans laquelle on a
parfois cru reconnaître Lixos (une nouvelle fois) et les Ethiopiens "qui
font beaucoup de vin du produit de leurs vignes, un vin que les
Phéniciens emportent" (95 F 112 M) ; cf. J. DESANGES, (loc. cit.,
p. 414). Quelle que soit la valeur de cette identification il faut
remarquer que l'archéologie confirme l'intense activité agricole de la
région (M. PONSICH, Contribution à l'atlas archéologique du Maroc :
région de Lixus, BAM, VI, 1966, pp. 377-423) et que les monnaies
pré-romaines émises par la cité confirment et le rôle de la pêche
(thons) et celui de l'agriculture (grappes de raisin ou épis). Cf. L.
MULLER, Numismatique de l'Ancienne Afrique, ??, Copenhague,
1862, pp. 78-183 et suppl. 1874, pp. 69-81 ou J. MAZARD, Corpus
Nummorum Numidiae Mauretaniaeque, Paris, 1955, p. 191 et n° 138.
Cf. aussi H. BESNIER, La géographie économique du Maroc dans
l'Antiquité, Archives marocaines, Paris, 1906. F. VILLARD,
Céramique grecque du Maroc, BAM, IV, 1960, pp. 1-26 remarque
d'ailleurs que, si les amphores à vin forment l'essentiel des
importations de Mogador au Vllème siècle, elles sont, au contraire,
très rares à Lixos.
83- HÉRODOTE, ??, 116.
84 - Cf. les remarques et indications bibliographiques des notes 10 et 11
supra.
180

85 - Cf. la carte du monde habité selon Strabon, dans G. AUJAC,Strabon,


Géographie, Les Belles Lettres, 1, 2, 1959 hors texte.
86 - Cf. A. BERTHELOT, Les données numériques de la Géographie
antique d^tosthene à Ptolémée, R.A., XXXVI, 1931, pp. 1-34 ; J.
GAGE, Gadès, l'Inde et les navigations atlantiques dans l'antiquité,
RM., 1951, 205, pp. 189-216.
87 - Pour le PSEUDO-SCYLAX (Périples libyques, 7, 94 F 111), c'est
aussi dans les parages de Gadeira "que sont les colonnes d'Héraclès,
l'une de hauteur modeste, en Libye, l'autre, élevée, en Europe".
88 - Sur les colonnes d'Héraclès, cf. note 169 du Prologue et supra note
30. Pour leur identification, cf. M. TISSOT, Recherches sur la
Géographie comparée de la Maurétanie Tingitane, extrait des Mémoires
présentés à l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres, 1ère série, IX,
1877. Cf. aussi V. BÉRARD, pour qui le mont Abyla des géographes
serait l'Atlas d'HOMERE (Odyssée, I, 52-55), peut-être même encore
celui d*HÉRODOTE (Vu, 174), les deux mots formant d'ailleurs un de
ces doublets gréco-sémitiques, d'après lui, très fréquents. (Ils
désigneraient "celui qui porte un fardeau", le pilier). L'identification
proposée est, comme pour M. TISSOT, le Mont Acho, point
culminant de la Sierra d'Almina, sur la côte marocaine, ou le Mont
aux Singes voisin, l'autre étant, sur la côte espagnole, le rocher de
Gibraltar, cf. aussi M. BESNJJER, Géographie ancienne du Maroc,
Archives Marocaines, ??, 1904, pp. 301-365 : St. GSELL, op. cit. ?,
pp. 167-168. R. ROGET, Index de topographie antique du Maroc,
PSAM, IV, Paris 1938 ; J. CARCOPINO, op. cit., p. 57 cf. encore,
plus récemment, M. PONSICH, Recherches archéologiques à Tanger
et dans sa région, Paris, 1970, pp. 7-8 et représentation, fig. 1 p. 8 ;
F. BENET, La columna de Hercules en Libia, BAM XVI, 1985-1986
pp. 409-413 se prononce, pour sa part pour le Mont Musa à l'ouest de
Ceuta.
89 - SILIUS ITAUCUS, Us Puniques, 1, 141 ; XVH, 637.
90 - STRABON, XVII, 3, 2. Ce passage nous paraît conférer plus de valeur
encore à son témoignage cité supra quant aux derniers travaux
d'Héraclès (??, 2, 13).
91 - PLINE, Histoire Naturelle, IV, 120
92 - Après, peut-être, plusieurs tentatives malheureuses, si l'on en croit
STRABON (ffl, 5,5). DIODORE rapporte également que la fondation
de Gadès avait été précédée par une intense activité commerciale des
Phéniciens en Occident (V, 20).
93 - C'est un problème très controversé qu'il ne nous appartient pas de
développer ici ; on trouvera cependant, dans une annexe à cette
première partie une bibliographie sommaire et une mise au point
rapide sur les problèmes que pose le périple quant à l'existence de
Lixos.
181

94- p?taµ??-
SCYLAX ouµ??a?
PSEUDO-SCYLAX,
?????- ?a? p????·
1 12, G. G.
f???????
M., I, p. 92?????*.
(=95F1 12)
On

considère généralement que ce périple a pu être rédigé vers 335 avant


notre ère. On en trouvera le texte (établi par B. Fabricius en 1878,
Teubner) et la traduction dans J. DES ANGES op. cit., pp. 404-415.
95 - F.C. MOVERS, Die Phônizier, p. 540. On préfère généralement
reconnaître une origine berbère au nom primitif de la ville : Liks.
96 - St. GSELL, op. cit., I, p. 73 ; cf. en dernier lieu, M. TARRADELL,
Marruecos Punico, Tétouan, 1960.
97 - PLINE, Histoire Naturelle, XDC, 63.
98 - P. CINTAS, op. cit., p. 246.
99- J. CARCOPINO, op. cit., pp. 50-51 ; P. BOSCH-GIMPERA,
Phéniciens et Grecs dans l'Extrême Occident, La Nouvelle Clio, III,
1951, p. 276 note 1, ne croit pas à cet argument d'ordre géographique
et estime que l'établissement d'une escale sur la côte africaine "serait
plus compréhensible à Tanger, au début du détroit, et non après s'être
avancé vers le Sud et être obligé de revenir en arrière..." objection
valable seulement si l'on n'admet pas l'intérêt des Phéniciens pour la
côte africaine elle-même et qui l'est moins encore si l'on considère les
difficultés d'accès de la côte du détroit, sans abri naturel et balayé par
les vents.
100 - Selon le Livre des Rois (en particulier X, 22) Salomon, roi d'Israël, et
Hiram, roi de Tyr, auraient, tous les trois ans, formé des convois de
navires dits Tarshish et ramenant or, argent et diverses marchandises
précieuses. Selon MAZZARINO, Fra Oriente e Occidente, pp.
116-117, R. DION, loc. cit., pp. 27-44, A. GARCIA Y BELLIDO
etc... Cette Tarshish (ou Tarsis) de la Bible serait Tartessos, théorie
vivement combattue d'ailleurs : Selon V. TÀCKHOLM, Tarsis,
Tartessos und die Sâulen des Herakles, dans Opuscula Romana V,
1965, pp. 143-200, il convient de distinguer làjarshish du Livre des
Rois (Xè siècle) manifestement riveraine de la mer Rouge, et la
Tarshish de la Genèse ou d'Ezéchiel (XXVÏÏ, 2) qui, au Vlème siècle
peut, quant à elle, être placée en Andalousie. Selon WJF. ALBRIGHT,
New Light on the Early History of Phoenician Colonization, BASOR,
83, 1941, p. 21, Tarshish signifierait "mine", "fonderie",, et serait
ainsi, en quelque sorte, un nom générique qu'on retrouverait ensuite
comme nom ropre en différents lieux connus d'abord pour leurs
richesses minières. P. CINTAS, op. cit., pp. 275-276, et annexe IV
adopte également cette opinion. En tout état de cause on reste fort
critique quant à l'équation Tarshish/Tartessos : J.M. BLASQUEZ,
Tartessos... éd. 1975 situe en Inde la Tarshish biblique, ce que récuse
G. BUNNENS dans son compte-rendu de Latomus, XXXV, 1976, pp.
935-937. Après examen des témoignages littéraires ce dernier estime
que "le problème de la localisation de Tarshish reste posé" (p. 936). La
182

même réserve était très largement partagée lors du récent colloque


romain (14-16 mars 1985) consacré aux Momenti precoloniali nel
Mediterraneo Antico, à paraître.
101 - HÉRODOTE, IV, 8, on notera la forme G?de???? au pluriel ; cf. A.
GARCIA Y BELLIDO, locosae Gades, p. 12 et P. CINTAS op. cit.,
p. 256.
102 - SALLUSTE, Fragments, ?, 32.
103 - Histoire Naturelle, VH, 56.
104- FESTUS AVIÉNUS, Ora Maritima, 266-270.
105- DIODORE, V, 20.
106 - VELLEIUS PATERCULUS, 1, 2, 3 et 4, place la fondation de Gadès
80 ans après la guerre de Troie et la met en rapport avec le retour des
Héraclides.
107 - STRABON, I, 3, 2 (rappelons qu'en même temps, les Phéniciens
auraient, d'après lui, fondé des villes sur la côte libyenne).
108 - POMPONIUS MÊLA, m, 6. évoque en réalité le temple "d'Hercule
égyptien" qui fut, dit-il, "bâti par les Tyriens" et dont l'origine
"remonte à la guerre de Troie".
109 - Plusieurs études ont fait une large place à ces textes, en particulier, St.
GSELL, op. cit., I, p. 359 sq. ; A. GARCIA Y BELLIDO, Historia
de Espaha, I, 1952 ; A. SCHULTEN, Fontes Hispaniae Antiquae
Barcelone, 1955 ; P. BOSCH-GIMPERA, loc. cit., pp. 248-258. Pour
les synthèses les plus récentes on se reportera infra aux notes des pages
109-110.
110- Cf. E.O. FORRER, Karthago wurde erst 673 - 663 v. Christ
gegrttndet, Festchrift Frantz Dornseiff, Leipzig, pp. 85-93 et, après
lui, E. FREZOULS, Une nouvelle hypothèse sur la fondation de
Carthage, BC H,,"1955, I, p. 153 sq., cf. aussi la riposte de R.
CARPENTER, Phoenicians in the West, AJA, 62, 1958, pp. 35-53 et
le livre vivement polémique de P. CINTAS plusieurs fois cité. Cette
chronologie basse donnerait pour Utique et Gadès, une date voisine de
950, assez proche, remarquons-le, de celle qu'on attribue généralement
aujourd'hui aux débuts de la "thalassocratie" phénicienne. ? reste qu'à
Carthage les premiers vestiges archéologiques datés appartiennent au
Vnième siècle.
111- POMPONIUS MÊLA, m, 6.
112 - A. GARCIA Y BELLIDO, Hercules Gaditanus, Madrid, 1964, fig. 1
et 2 p. 76, reproduites ici = fig. 2.
113 - Cette distance correspond d'ailleurs à celle qu'on peut déduire de
l'indication rapportée par STRABON (III, 5, 3) selon laquelle la ville
était à environ 12 milles du sanctuaire d'Héraclès ; le sanctuaire serait
bien ainsi "à l'endroit précis où l'île semble toucher le continent",
seule l'orientation donnée par Strabon paraît quelque peu troublante ;
cf. A. GARCIA Y BELLIDO, locosae Gadès, pp. 14-15 ; cf. aussi P.
183

CINTAS, op. cit., p. 259 note 55 et en dernier lieu : J.M.


BLAZQUEZ dans Imagen y Mito, Estudios sobre religions
mediterraneas e ibericos, Madrid, 1977.
114- PSEUDO-SCYLAX, 94 F 111.
115 - V. BÉRARD, Calypso et la mer de l'Atlantide, Paris, 1929, p. 279.
1 16 - J.R. SUAREZ DE SALAZAR, Grandezas y antiquedades de la isla de
Cadiz, 1610. On pouvait encore voir, à son époque, les ruines d'un
aqueduc et d'un amphithéâtre.
1 17 - Cf. essentiellement les compte-rendus de P. QUINTERO Y ATAURI,
Excavationes en Cadiz dans JSEA. Les résultats sont repris par A.
GARCIA Y BELLIDO, Fenicios y Cartagineses en Occidente, 1942,
p. 253 sq.
118 - P. CINTAS, op. cit., p. 262.
119- Cf. E. LIPINSKI, Vestiges phéniciens d'Andalousie, Orientalia
Lovaniensa Periodica, 15, 1984, pp. 81-132.
120 - P. BOSCH-GIMPERA, Fragen des phoenizichen Kôlonisation in
Spanien, Klio, 1928, p. 345 sq.. Cf. aussi R. CARPENTER qui, dans
ses Phoenicians in the West, (AJA, 62, 1958, pp. 35-53) rabaisse
jusqu'au Vllème siècle l'essor de la colonisation phénicienne.
121 - P. BOSCH-GIMPERA, Nouvelle Clio, loc. cit., p. 273.
122 - W. F. ALBRIGHT, New light on the early History of the Phoenician
colonization, BASOR, 83, 1941 pp. 14-22.
123 - P. BOSCH-GIMPERA, loc. cit., p. 273 à 275 et note 1 p. 273 pour
la liste des thalassocraues "dEusèbe-Diodore".
124- Cf. jqpra note 110.
125 - J.M. BLAZQUEZ, Tartessos ylos origines de la colonizaciônfenicia
en Occidente, 2è éd. Salamanque, 1975.
126- Pp. 310 à 398.
127 - A. GARCIA Y BELLIDO (Hispania Graeca, op. cit., pp. 6-7) les date
de 1400 à 1200, mais, alors que pour P. CINTAS, il ne fait aucun
doute que ces premiers contacts sont phéniciens A. GARCIA Y
BELLIDO est plus réservé. Cf. encore la brève mise au point qu'il
donnait à la revue Archéologia pour son numéro spécial, Les
Phéniciens, XX, 1968, pp. 81-85.
128 - M. PELLICER, Excavaciones en la necrôpolis punica "Laurita" del
Cerro de San Cristôbal (Almunecar, Granada), Madrid, 1965.
129- M. PELLICER, H.G. NIEMEYER, H. SCHUBART, Eine
altepunische Kolonie an der Mttndung des Rio Vêlez, AA, 1964, pp.
476-493.
130 - A Toscanos dans les strates les plus anciennes de l'habitat phénicien
dès la fin du VlIIème siècle, la céramique indigène est inférieure à 3
%: Cf. A. GARCIA Y BELLIDO, H. SCHUBART, H.G.
NIEMEYER, L'espansionefenicia nel Mediterraneo, Rome 1971 et G.
LOPEZ MONTEAGUDO, Panorama actual de la colonizacion Semita
184

en la Peninsula Iberica, RSF, 5, 1977, pp. 185-204. Cf. encore M.E.


AUBET SEMMLER, Aspectos de la colonizackSn fenicia en Andalucia
durante el siglo Vffl A.C., ACFP 1, m, Rome, 1983 pp. 815-824 et
Los Fenicios en Espafia : estado de la cuestion y perspectivas, Los
Feniciôs, 1, 1986, pp. 9-38.
131 - G. BUNNENS dans son compte-rendu de l'ouvrage de J.M.
BLAZQUEZ, loc. cit., p. 936. Cf. surtout du même auteur :
L'expansion phénicienne en Méditerranée, Bruxelles-Rome, 1979 ; et
les synthèses de S. MOSCATI (en particulier / Fenici e Car tagine
Turin, 1972, Problematica délia civiltà fenicia, Rome 1974 ; // mondo
dei Fenici, 2ème éd, Rome, 1979). et de J.M. BLAZQUEZ, Historia
de Espana antigua, I, Protohistoria, Madrid, 1980.
132 - A. ALMAGRO GORBEA, L'esempio délia penisola iberica, dans
Forme di contatto etprocessi di transformaziont nelle societa antiche,
Pise/Rome, 1983, pp. 429-461.
133 - Cette statuette, découverte en 1956 au large de Sciacca, sur la côte sud
de la Sicile représente un dieu dans l'attitude de la marche et
brandissant une arme de la main droite, identifié soit avec Melqart, soit
avec Reshef, et très proche des bronzes datés à Ras Shamra du
XlVème siècle. Cf. S. CHIAPPISI, // Melqart di Sciacca e la
questione fenicia in Sicilia, Rome, 1961 ; D. HARDEN, op. cit., p.
62 et PI. 93, A.M. BISI, Fenici o Micenei in Sicilia nella seconda
meta del II millenio A.C. ? (in margine al cosidetto Malqart di
Sciacca), Atti e memorie del I Congresso internazionale di
micenologia, ??, Rome 1968, pp. 1156-1168.
134 - On se reportera sur ce point à notre "seconde partie" p. 283 et notes
287 et 288 de la seconde partie.
135 - Cf. DUNBABIN, op. cit., p. 327 ; E. FRÉZOULS, loc. cit., p. 172
et R. CARPENTER, op. cit., p. 43. Contra G. VALLET, Rhégion et
Zancle, op. cit., p. 85 note 5. Plus récemment voir la contribution de
S. Ph. BONDI dans Storia délia Sicilia, I, Naples-Palerme, 1979 ;
Penetrazione fenicio punica e storia délia civiltà punica in Sicilia ; V.
TUS A, La necropoli arcaica e adjacenze. Relazione preliminare degli
scavi eseguiti a Mozia negli anni 1972, 1973, 1974, Mozia DC, Rome
1978 ; B.SJ. ISSERLIN, The North Gâte Excavations : Motya. A
Phoenician and Carthaginian City in Sicïly, I, Leiden, 1974. Enfin,
V. TUSA donne, dans les DHA, 9, 1983, une synthèse rapide et claire
des témoignages de la présence phénicienne et punique en Sicile : à
Motyé, au moins depuis la fin du VlIIème siècle ; à Solonte, seule la
cité du IVème siècle a été reconnue, mais une nécropole archaïque
récemment découverte pourrait témoigner de la Solonte plus ancienne
de Thucydide ; à Palerme, c'est encore une nécropole où le matériel
phénico-punique côtoie la céramique grecque d'importation qui
constitue l'essentiel de notre connaissance archéologique de la cité.
185

Lilybée, plus tardive, n'est fondée qu'après la destruction de Motyé au


début du IVème siècle de notre ère. Quant à Eryx, 2 phases se
distinguent nettement : la première, élyme, du Vnième siècle ; la
seconde, punique, de la seconde moitié du Vlème siècle à la fin du
IVème siècle. (La Sicilia fenicio -punica, pp. 237-286).
136 - R. CARPENTER, loc. cit., p. 47 sq. date cette inscription du VlIIème
siècle, mais pour WP. ALBRIGHT, loc. cit., (1941) elle remonte à la
fin du IXème siècle (avec une fourchette allant de 925 à 825). Cf. aussi
A. DUPONT-SOMMER, CRAI, 1948, pp. 12-22 et R. DUSSAUD,
Syria, 1949, pp. 154 et 390. Cette inscription est encore très souvent
commentée, on peut trouver une bibliographie dans RDAC. 1974, pp.
83 sq. et 1979, p. 237 et note 3. Voir surtout O. MASSON et M.
SZNYCER, Recherches sur les Phéniciens à Chypre, 1972, p. 14 et
M.G. GUZZO AMADASI, Le Iscrizioni Fenicie e Puniche délie
colonie in Occidente, Rome, 1967, pp. 83-88 ; S. MOSCATI, Le
iscrizioni fenicio-puniche, dans Le iscrizioni pre-latine in Italia,
Rome, 1979.
137 - Cf. Studi Sardi, 21, 1968 (G. SOTGIU, pp. 720 sq.) ; 22, 1971-72 (J.
FERRON, pp. 269 sq.) ; et Ricerche puniche adAntas, Rome, 1969.
138 - S. MOSCATI, Fenici e Cartaginesi in Sardegna, Milan, 1967 ; F.
BARECCA, La Sardegna fenicia e punica, Sassari, 1974 et,
L'archeologia fenicio-punica in Sardegna. Un decennio di attività,
ACFP 1, ?, Rome 1983, pp. 291-310 ; G. LILLIU, Rapporti tra la
civiltà nuraghica e la civiltà fenicio-punica in Sardegna, SE, 18, 1944,
pp. 323-370.
139 - E. AQUARO, ? santuario fenicio di Tharros, RPARA, 49, pp. 32-33.
140 - Cf. J. HEURGON, op. cit., pp. 135-136 et la bibliographie, p. 30 et
plus récemment, S. Ph. BONDI, I Fenici in Occidente, Colloque de
Cortona, op. cit., pp. 379-407 qui donne une bibliographie très
complète des recherches archéologiques pour Malte, la Sardaigne et la
Sicile.
141 - S. MOSCATI, Sicilia e Malta, nelT età fenicio-punica, Kokalos,
XXII-XXIII, 1976-77, pp. 151-161 ; A. CIASCA, Malta dans
L'espansione fenicia nel Mediterraneo, Rome 1971 ; A. CIASCA, Il
tempio fenicio di Tas Silg una proposta di ricostruzione, Kokalos,
???-????, 1976-1977. Cf. encore MJ>. ROSSIGNANI, Ceramici e
trovementi vari, Missione archeologica italiana a Malta. Rapporto
preliminare délia campagna 1968, Rome, 1969.
142 - La fondation d'Ibiza est généralement datée de 654 (Diodore de Sicile,
V, 16 : 160 ans après la fondation de Carthage). Cf. Ph. S. BONDI,
loc. cit., (Cortona, 1981) p. 33.
Pour les Phéniciens dans les Iles Baléares, on se reportera aux
ouvrages généraux déjà cités et à M. J. ALMAGRO, Guia de la
necropolis y Museo monografico del Puig des Molins (Ibiza), Madrid,
186

1969 ; cf. encore J.M. BLAZQUEZ, Escarabeos de Ibiza (Baléares)


dans, Hommages à Fernand Benoit, I, Paris, 1972, pp. 327-344.
143 - Momenti precoloniali nel Mediterraneo antico. Quesàoni di Metodo.
Aree d'indagine. Evidenze a confronto, Rome, Mars 1985, à paraître.
144 - Cf. La communication à ce colloque de A.M. BISI : Modalità e aspetti
degli scambi fra Oriente ed Occidente, Ibid, et celle de S. Ph. BONDI,
Problemi délia precolonizzazione fenica nel Mediterraneo
centro-occidentale, ibid. On rejoint ici les conclusions des
mycénologues : on se reportera à notre seconde partie pp. 283-285 et
notes 286, 289, 290.
145 - L'expansion phénicienne perd en effet l'aspect monolithique qu'on lui a
trop souvent prêté qu'il s'agisse du point de départ (avec l'existence de
plusieurs cités organisatrices) ; des modalités (initiative d'Etat ou
intiative privée) ; ou encore de ses buts. Cf. la communication de G.
BUNNENS, ibid
146 - Mêmes constatations pour l'expansion dans la méditerranée orientale,
cf. infra, p. 150 et note 341 pour Chypre.
147- F. MAZZA, La città délia Fenicia e la questione délia
precolonizzazione, ibid, à paraître.
148 - V. TUS A, La colonizzazione fenicia e le culture anelleniche di Sicilia,
ibid, à paraître
149 - G. BUNNENS, Les sources historiques sur la précolonisation et la
colonisation phénicienne en Occident, ibid, à paraître.
150- C'est pourquoi les propositions de P. BOSCH-GIMPERA ne
paraissent pas tout à fait convaincantes qui dissocient par trop
Sardaigne et Andalousie (cf. supra ).
151 - On se reportera sur ce point à notre Epilogue. LTitrurie possède du
cuivre, du plomb, du fer, mais manque de l'argent et de l'étain
extrême-occidentaux.
152 - Cf. S .Ph. BONDI, loc. cit., (Cortona 1981). Des objets grecs se
trouvent dans la nécropole archaïque de Motyé et, dès la fin du Vnème
siècle, des Grecs vivent probablement à Palerme. Cf. aussi V. TUSA,
loc. cit., (DHA 1983) et la bibliographie détaillée de ces deux auteurs.
153 - Cette idée a été exprimée, aussi bien par S. MOSCATI que par G.
BUNNENS. loc. cit., à paraître.
154 - DIODORE DE SICILE, , 35, 4. La cupidité de ces marchands était
telle, ajoute-t-il, que leur navire étant déjà chargé ils coupèrent le
plomb de leurs ancres pour y substituer de l'argent
155 - DIODORE DE SICILE, V, 35, 5 et encore V. 20, 1 à 4. ? est vrai
que dans un autre passage il attribue aux Carthaginois la découverte de
l'argent d'Espagne.
156- DIODORE DE SICILE, V, 20, 2.
157 - On se reportera essentiellement aux ouvrages de M. TARRADELL :
Nota acerca de la prima epoca de los Fenicios en Marruecos, Tamuda,
187

1, 1958, pp. 71-88 ; Lixus , Tetouan, 1959 et Historia de Marruecos,


Marruecos punico, 1960 Chapitre VI, pp. 131-180 ; cf. aussi, P.
CINTAS : Contribution à l'étude de l'expansion carthaginoise au
Maroc, Publications de l'Institut des Hautes Etudes Marocaines, 56,
1954 ; M. EUZENNAT, Rapport sur l'archéologie marocaine en 1957
et 1958, B.C.T.H, 1959-1960, pp. 45-59, M. PONSICH, Fouilles
puniques et romaines à Lixus, Hcspéris-Tamuaa VII, 1966, pp. 17-22
et Lixus, cité légendaire entre dans l'histoire, Archéologia, mai-juin
1965, pp. 23-27 ; cf. encore les chroniques archéologiques du BAM,
IV, 1960 ; VI, 1966 et VH, 1967 ; ou les "Contributions à l'atlas
archéologique du Maroc" dans cette même revue, notamment M.
PONSICH, La région de Lixus, BAM , VI, 1966, pp. 377-421 et A.
LUQUET, Le Maroc punique BAM, IX, 1973-1975, pp. 237-304. Cf.
enfin, en dernier lieu, M. PONSICH, Lixus, Le quartier des temples,
Etudes et travaux d'archéologie marocaine, IX, Rabat 1981 (C.R. de R.
REBUFFAT,, A propos du quartier des temples de Lixus, RA, 1985,
1, p. 123-128).
158 - M. PONSICH, op. cit., (1981), p.l.
159 - Le site reconnu par Charles Tissot a fait l'objet de fouilles anciennes
(H. LA MARTINIERE, Recherches sur l'emplacement de la ville de
Lixus, BA.C. 1891, pp. 134-148). Une première campagne, avec des
moyens limités, permit à M. TARRADELL d'établir, entre 1951 et
1955, une première stratigraphie du site et, plus tard, des fouilles plus
régulières et plus étendues ont permis entre 1957 et 1967 de mieux
connaître l'organisation du site. M. PONSICH, d'abord chargé de la
reprise du chantier dans la partie basse (quartier des installations de
traitement du poisson et de fabrication du garum) alors que M.
TARRADELL poursuivait les fouilles de l'acropole, devait, lui aussi
collaborer à ces fouilles, puis les poursuivre seul. Et c'est "pour ne pas
laisser tomber dans l'oubli une recherche trop longtemps mal connue"
(op. cit. p. 7 note 10) qu'il en publia en 1981 une étude préliminaire.
160 - M. TARRADELL, Marrruecos Punico, op. cit., pp. 144-159. L'auteur
résume, dans cette synthèse, l'essentiel de ses travaux et
communications (cf. note 157).
161 - M. TARRADELL, Lixus, op. cit., p. 30. Cette céramique est
maintenant mieux connue grâce aux fouilles de Mogador où elle se
trouve en abondance dans la couche IV, datée par A. JODIN des
Vllème et Vlème siècles (BAM, II, 1957, p. 37).
162 - M. TARRADELL, Marruecos punico, op. cit., p. 156.
163 - Nous reviendrons ultérieurement sur la chronologie des édifices de
l'acropole. Voir fig. 4.
164 - M. PONSICH, op. cit., (1981), p. 65.
165 - M. PONSICH, op. cit., (1981), p. 65, panche XXIV et fig. 7.
166 - A. JODIN, Mogador, op. cit., p. 141.
188

167 - E. GJERSTAD Swedish Cyprus Expédition, IV, 1948. Cf. M.


PONSICH, op. cit. 1981 p. 66.
168 - M. PELLICER, Excavaciones en la necropolis punica Laurita del
Cerco de San Cristobal, Excavaciones arqueologicas en Espana, XVH,
1963.
169- A. JOD1S, Mogador,^. 109.
170 - P. CINTAS, Céramique punique, ffl, Tunis, 1950. Cf. M. PONSICH,
op. cit., pp. 69-70.
171 - M. PONSICH, op. cit., p. 105. La construction du temple H avait,
dans un premier temps été rapportée au même siècle (BAM, VI, 1966,
p. 540).
172 - C. et G. Ch. PICARD, Vie et mort de Carthage, Paris, pp. 96-97,
Voir notre annexe.
173 - M, PONSICH, Nécropoles phéniciennes de la région de Tanger,
Etudes et Travaux d'Archéologie Marocaines, ??, Rabat, 1967, et
Recherches archéologiques à Tanger et dans sa région, Paris, 1970.
174 - M PONSICH, op. cit., (1970), p. 165.
175 - M PONSICH, op. cit., (1967), p. 16.
176 - Cf. A. JODIN, Note préliminaire sur l'établissement pré-romain de
Mogador, (campagnes 1956-1957), BAM, ?, 1957, pp. 9-40 et
Mogador, comptoir phénicien du Maroc atlantique, Etudes et Travaux
d'Archéologie Marocaine, ?, Tanger, 1966.
177 - Cf. par exemple, M. PONSICH, op. cit., p. 24 pour le matériel des
nécropoles de la région de Tanger : TJétude du matériel nous montre...
que ces influences vinrent beaucoup plus directement de la Bétique
proche voisine de la région de Tanger, que de la Phénicie elle-même".
178 - F. VIULARD, La céramique grecque au Maroc, BAM , IV, 1960, pp.
1-26. L'auteur remarque la continuité des importations grecques en
dépit de leur petit nombre, et, dans le rôle d'intermédiaire, exclut les
Carthaginois (aucun des types de vases grecs représentés au Maroc ne
se retrouve à Carthage où la physionomie des importations est très
différente). Comme pour la céramique à enduit rouge, il pense donc que
c'est "la vieille colonie phénicienne de Gadès", qui a été l'inspiratrice
de ce commerce, à une époque où les Grecs fréquentaient aussi le pays
de Tartessos.
179- STRABON, II, 3, 4 ; EUDOXE est également connu par
CORNÉLIUS, qui, à en croire POMPONIUS MÊLA, III, 90, et
PLINE L'ANCIEN, III, 169, affirmait que "de son temps, un certain
Eudoxe, fuyant le roi Ptolémée Lathyros, sortit du golfe d'Arabie et fit
voile jusqu'à Gadès". La date des événements est donnée par la
chronologie des Lagides : le second Evergète, Ptolémée Physcon,
règne de 146 à 117 avant J.C., sa femme Cléopâtre lui succède, puis
son fils Lathyros. Cf. G. AUJAC,Strabon, Géographie, I, 2, 1969,
notes complémentaires à la page 61 (p. 145).
189

180- DIODORE, V, 20. C'est en particulier le cas de P.


BOSCH-GIMPERA, loc. cit., p. 274-275, qui pense que ce ne peut
être qu'après avoir été en rapport avec la Sardaigne que les Phéniciens
"découvrirent qu'une partie des métaux d'Occident, notamment l'argent,
et le plomb venaient d'une source plus lointaine et se lancèrent à sa
recherche". C'est cette recherche qui aurait abouti "à la fondation de la
première colonie phénicienne de l'Espagne, la base de Gadir-Cadix", et
qui devrait être datée "tout au plus de la fin du IXème siècle". Cf.
supra pp. 105-112.
181 - Cf. par exemple, en Italie, la fondation par les Chalcidiens du
comptoir de Pithécusses avant celle de leurs colonies du détroit, ou la
reconnaissance, par les Ioniens, du pays de Tartessos, avant la
fondation de leurs établissements méditerranéens. Cf. encore l'exemple
de Mogador qui prouve que, pour les Phéniciens également, pareil
processus n'est pas à exclure.
182- PLINE, Histoire Naturelle,XTX, 63.
183 - POMPONIUS MÊLA, III, 6. Sur le rôle des sanctuaires dans
l'expansion phénicienne, voir G. BUNNENS, Aspects religieux de
l'expansion phénicienne, Studia Phoenicia, IV, Religio phoenicia,
Namur, 1986, pp. 119-125.
184 - Cf. pour le sanctuaire de Kition (Qart-hadasht ?) infra, pp. 147-150,
mais aussi les inscriptions qui attestent le culte de la triade tyrienne.
Astarté, Melqart, Eshmoun (CIS, 1, 11 ; CIS, 1, 86 ; CIS, 1, 23 ; CIS
I, 10). Cf. encore la base inscrite du Louvre (AO 4826) trouvée à
Nicosie et provenant, sans doute, d'Idalion : l'inscription phénicienne
mentionne statues et portiques consacrés à Melqart, l'Héraclès tyrien.
Elle est datée du début du IVème siècle. Pour d'autres témoignages de
la présence de Melqart à Chypre, Cf. R. DUSSAUD, Melqart, Syria,
XXV, 1946-48, pp. 205-230.
185 - Cf. supra note 196 du Prologue.
186 - Une dédicace de Tharros se rapporte en effet à un sanctuaire de Melqart
(cf. Ph. BERGER, CRAI, 1901, p. 578, et M. LIDZBARSKI,
Ephem.fûr Sentit. Epigraphia, II, p. 62). On peut aussi mentionner la
légende qui s'attache à la colonisation de la Sardaigne (Pausanias, X,
17, 2) et le rasoir carthaginois, qui, figurant, d'un côté,
Héraclès-Melqart, de l'autre Sardos terrassant un ennemi, paraît bien se
rapporter la même légende (CRAI, 1905, pp. 325-327 ; R.
DUSSAUD, loc. cit., p. 214, fig. 3).
1 87- Cf. le chapitre précédent
188 - CIS, 1, 122, ou IG, XIV 600 (Ilème siècle avant J.-C.) Sur Malte,
voir supra note 141. Le sanctuaire de Tas-Silg, dans lequel
CICÉRON reconnaissait un temple à Junon (Contre Verres, ?, IV,
103 ; cf. encore VALERE MAXIME, I, 1, 2) a livré, outre plusieurs
inscriptions à Astarté une dédicace à Milkashtart (M .G. AMADASI
190

GUZZO, op. cit., pp. 92-94) qu'on rapprochera, bien sûr, des cippes
bilingues à Melqart-Héraclès.
Cf. encore l'inscription de Délos (1519, 1. 14-16) par laquelle les
marins tyriens réclament un téménos pour leur "Héraclès" qu'ils
qualifient à la fois d'archégète de Tyr et de bienfaiteur de l'humanité (le
syncrétisme est ici réalisé non seulement au niveau de l'image, mais
au niveau des fonctions divines).
189 - Sur Melqart voir essentiellement K.L. PREISENDANZ, in, RE,
suppl. ??, col. 293 ; V. BERARD, De l'origine des cultes arcadiens,
pp. 253-267 ; R. DUSSAUD, Melqart, Syria, XXV, 1946-48, pp.
205-230 ; H. SEYRIG, Les grands dieux de Tyr à l'époque grecque et
romaine, Syria, XL, 1963, pp. 19-28 et Héraclès-Nergal, Syria,
1944-45, sur Melqart pp. 72-75 ; E. WILL, Au sanctuaire d'Héraclès à
Tyr, Berytus, X, 1, 1950-51, pp. 1-12 ; DU MESNIL DU BUISSON,
Origine et évolution du panthéon de Tyr, RHR, 164, 1963, pp.
133-163. Cf. également, infra, le quatrième chapitre de cette première
partie et la note 199.
190 - Cf. infra, p. 169 et note 432.
191 - Le dieu figure dans ce traité sous la forme Mi-il-qar-ti, forme suivie
par Ia-su-mu-nu (Eshmoun). Cf. R. DUSSAUD, loc. cit., 2, Les plus
anciennes mentions de Melqart.
192- HÉRODOTE, ?, 44.
193 - FHG, IV, 446, 1 (d'après FLAVIUS JOSEPHE, Contre Apion, I,
1 18-9, et Antiquités Judaïques, VJH, 5, 3) "... il dédia la colonne d'or
qui est dans le temple de Zeus ; puis, s'étant mis en quête de bois de
construction, il fit couper sur le mont qu'on nomme Liban des cèdres
pour les toits des temples, démolit les anciens temples et en bâtit de
nouveaux, ceux d'Héraclès et d'Astarté ; le premier il célébra le réveil
d'Héraclès au mois de Péritios" (Contre Apion, I, 118-119). On
trouvera une importante discussion du témoignage de Flavius Josèphe
dans l'ouvrage de P. CINTAS, op. cit., pp. 122-152.
194 - R. DUSSAUD, loc. cit., pp. 205-206.
195 - R. DUSSAUD, loc. cit., p. 206. C'est pourquoi, d'après lui, les
anciennes monnaies de Tyr le représenteraient "chevauchant un
hippocampe ailé dont il saisit les rênes dans la main droite, tandis qu'il
tient l'arc dans la gauche". ? ajoute dans la note 13 de la même page,
que cet arc "signale déjà l'identification du dieu avec Héraclès". Ces
monnaies apparaissent dès le Vème siècle (E. BABELON, Traité des
monnaies grecques et romaines, 1901, ?, 2, p. 615-627, PI. CXXH),
mais l'identification avec Melqart n'est pas absolument certaine.
Ajoutons qu'à Chypre, à Larnaka tis Lapithou existe un important
culte de Melqart associé à Poséidon (Cf. O. MASSON, Cultes à
Chypre dans Eléments orientaux dans la religion grecque ancienne,
Paris, i960, p. 137.
191

196 - C. et G. Ch. PICARD, Hercule Melqart, Hommages à Jean Bayet,


Latomus, LXX, 1964, pp. 569-578.
197 - E. LIPINSKI, La fête de l'ensevelissement et de la résurrection de
Melqart, Actes de la XVIIème Recontre Assyriologique Internationale,
Bruxelles, 1969, Ham-sur-Heure, 1970.
198 - Outre les travaux de E. LIPINSKI on citera surtout P. XELLA, Le
polythéisme phénicien, Studia Phoenicia, IV, Religio phoenicia,
Namur, 1986, pp. 29-39 ; B. SERVAIS-SOYER, La "triade"
phénicienne aux époques hellénistique et romaine, ibid, pp. 347-360 ;
S. RIBICHINI, Questions de mythologie phénicienne d'après Philon
de Byblos, ibid, pp. 41-46.
199 - C. BONNET, Melqart, cultes et mythes de l'Héraclès tyrien en
Méditerranée. Cette thèse soutenue à Liège en 1987 et à paraître à la
fin de cette même année, reflète bien (Cf. la préface pp. 1 à 6 de
l'exemplaire dactylographié) les difficultés et le renouveau des études
phénico-puniques. Grâce à elle on disposera désormais d'un
recensement exhaustif et critique des testimonia relatifs à Melqart dans
le bassin méditerranéen et d'une abondance bibliographie. Je remercie
l'auteur de m'avoir confié un exemplaire dactylographié de cet ouvrage
auquel je peux ainsi - au moment de donner mon propre texte à
l'impression - renvoyer le lecteur à maintes reprises. Je me réjouis de
constater de multiples rencontres dans nos recherches d'objectif
pourtant si différent et, pour l'essentiel - les raisons du syncrétisme
entre "son" dieu et "mon" héros - une remarquable convergence.
200 - Cf. le volume des Studia Phoenicia, IV, Religio Phenicia, Namur,
1986, en particulier les articles de P. XELLA, Le polythéisme
phénicien, pp. 29-39 et de B. SERVAIS-SOYEZ, La "triade"
phénicienne aux époques hellénistique et romaine, pp. 347-360; Cf.
encore C. BONNET, op. cit., p. 64.
201- V. BERARD, op. cit., pp. 253-267.
202 - H. SEYRIG, op. cit., Syria, 1963, p. 25.
203 - EUDOXE DE CNIDE, d'après ATHENEE, Di, 392 d (Cf. également
CICERON, De natura deorum, ??, 16, 42). Une version du mythe
rapportée par Eudoxe de Cnide et conservée par Zénobius "nomme en
toutes lettres l'Héraclès tyrien, c'est-à-dire Melqart". (H. SEYRIG, loc.
cit., pp. 19-20 et note 11). Le même auteur rappelle que, d'après
Philon de Byblos, en revanche, (frg. ?, 27 Jacoby), le père de Melqart
s'appelait Dêmarous. Sur cette double généalogie de Melqart, cf. C.
BONNET, op. cit., pp. 13-14.
204 - Cf. H. SEYRIG, loc. cit., p. 20 et note 15 pour les témoignages du
culte d'Astarté à Tyr. Cf. aussi supra note 193. Les nouveaux
temples bâtis par Hiram sont ceux d'Héraclès et d'Astarté.
205 - Cf. R. DUSSAUD, Héraclès et Astronoé à Tyr, RHR, LXIII, 1911,
pp. 331-339, et Syria, XXV, 1948, p. 225. Cette inscription d'époque
192

impériale confirme la légende rapportée par DAMASCIUS (apud


PHOTTUS, Bibliothèque, codex 242, 302) et rappelant, pour Béryte,
celle d'Adonis et Astarté à Byblos.
206 - Cf. H. SEYRIG, loc. cit., p. 24.
207 - Ce bas relief est étudié également par E. WILL, loc. cit., pp. 1-12 et
R. DUSSAUD, Syria, XXIX, 1952, p. 382 sq.
208 - E. WILL, loc. cit., pp. 1-8. Nous aurons à revenir sur ce sanctuaire.
209- Cette interprétation toutefois, n'est pas sans présenter quelque
difficulté. H. SEYRIG (loc. cit., 25 et note 34) recense les
témoignages qui pourraient se rapporter à cet Héraclès tyrien,
nourrisson d'une biche, mais reconnaît que ses rapports avec la biche,
le cerf ou le chevreau sont encore enveloppés d'une complète
obscurité". Peut-être faudrait-il, à la liste de ces témoignages, ajouter
le type de représentation connu à Amrith (n° 225, cf. notre étude
iconographique), qui trouverait ainsi un début d'explication. R.
DUSSAUD (loc. cit., p. 384 note 1) se demande cependant s'il n'y a
pas là contamination avec la légende d'Héraclès fils d'Alcmène et plus
récemment C. BONNET (loc. cit. p. 64-65) suivant en cela B.
SERVAIS-SOYEZ, préfère reconnaître dans le relief la naissance de
Téléphe, fils d'Héraclès et d'Auge dont on sait qu'il fut effectivement
nourri par une biche. Mais n'y a-t-il pas quelque contradiction, alors, à
rappeler le rôle de l'aigle dans la fondation de Tyr (p.64), l'importance
des cervidés dans la religion anatolienne et à établir d'éventuels
parallèles avec les attributs d'un Malakbêl Syrien (p. 65) ; autant
d'arguments qui militent en faveur d'une localistion tyrienne de la
scène sans que toutefois s'impose l'idée d'une représentation de la
famille divine tyrienne.
210 - Cf. M. DUNAND et R. DURU, Oumm el'Amed, une ville de l'époque
hellénistique aux échelles de Tyr, Paris, 1962.
211 - Cf. M. DUNAND et R. DURU, op. cit., p. 181 sq. Ce temple, pour
l'essentiel d'époque hellénistique, avait cependant été précédé (et c'est
l'exception sur ce site où aucune construction antérieure au Vème
siècle n'a pu être entrevue) par un établissement que des fragments de
céramique datent probablement du Vllème ou de la fin du VlIIème
siècle. Etablissement un peu mieux représenté plus tard, au Vème s.,
par des murs et de la céramique attique. La qualité des murs et de la
céramique conduit les archéologues à écarter l'idée d'une simple
installation domestique et à penser "aux vestiges d'un premier
sanctuaire" (p. 20).
212 - Cf. M. DURAND et R. DURU, op. cit., n° 2 (CIS, I, 8) n°3 (CIS, I,
9)n°13etn°14.
213 - Cf. M. DURAND et R. DURU, op. cit., n° 4.
214 - Cf. M. DURAND et R. DURU, op. cit., n° 1 (CIS, 1, 7) n°7 ; n° 8.
215 - Cf. M. DURAND et R. DURU, op. cit., p. 195.
193

216 - M. DURAND et R. DURU, op. cit, p. 159, M. 600 pi. XXXV.


Statue de type hellénistique, rapprochée par M. Durand "de la formule
iconographique célèbre, connue dès le Vlème s. peut-être, en tout cas
dès le Vème s. avant J. -C, en Phénicie arvadite (temple de
Marathus-Amrith)".
217 - Cf. M. DURAND et R. DURU, op. cit., p. 126 et note 44.
218 - Cf. H. SEYRIG, loc. cit., p. 26 et note 37.
219 - Cf. H. SEYRIG, loc. cit., pp. 22-23 et R. DUSSAUD, loc. cit.,
(RHR, 1911).
220 - Cf. Astarté et Adonis à Byblos ; ou le récit rapporté par
DAMASCIUS pour Astronoé. Cf. supra, note 205.
221 - Cf. P. LÉVEQUE, Les cultes de la fécondité/fertilité dans la Grèce des
cités, dans, Archaelogy andfertility Cuit in the Ancient Mediterranean
(Malte, sept 1985), éd. A. BONANNO, Amsterdam, 1986.
222 - P. XELLA, loc. cit., p. 34.
223- B. SERVAIS-SOYEZ, loc. cit., p. 360.
224 - W.V. BAUDISSIN, Adonis und Esmun, p. 25. Cité par H. SEYRIG,
loc. cit, (Héraclès-Nergal), p. 72 note 3.
225 - Cf. ci-dessus, note 193 ; cf. surtout, notre quatrième partie (chapitre
?3).
226 - EUDOXE DE CNIDE, d'après ATHENEE, IX, 47, 392. Héraclès, au
cours d'un voyage en Libye, aurait été tué par Typhon, puis ressuscité
par lolaos. Celui-ci lui aurait simplement fait respirer une caille,
oiseau dont Héraclès avait été très friand pendant sa vie.
227 - H. SEYRIG, loc. cit., p. 72 et note 4.
228 - On se reportera sur ce point à notre quatrième partie, pp. 506-5 1 1 .
229 - Sur les difficultés de sa localisation on lira C. BONNET (op. cit., pp.
71-74) que de rares indices conduisent à envisager, "à titre d'hypothèse"
une situation au centre de Ille. Le temple aurait alors été recouvert par
la cathédrale, au IVème siècle (p. 74).
230 - ACHILLE TATIUS, Leucippé et Clitophon, ?, 14. La traduction est
empruntée à P. GRIMAL, Romans grecs et Latins, Paris 1958, pp.
901-902.
23 1 - NONNOS, Dionysiaques, 40, 422, sq..
232 - E. WILL, loc. cit., p. 4, note 1 et fig. de la même page.
233 - HERODOTE, II, 44 : "Je me rendis aussi à Tyr, en Phénicie, où
j'entendais dire qu'il y avait un sanctuaire vénéré à Héraclès. Je vis ce
sanctuaire, richement garni d'un grand nombre d'offrandes ; entre
autres, il renfermait deux stèles, l'une d'or épuré, l'autre de pierre
d'émeraude brillant pendant les nuits d'un grand éclat...".
234 - PLINE Histoire Naturelle, XXXVII, 75.
235 - E. WILL pense que le terme de "roches ambrosiennes" devait, au
départ, s'appliquer à la plate-forme rocheuse qui avait vu se développer
Tyr : "Quand on voulait représenter l'ensemble des roches
194

ambrosiennes le plus simple était de figurer les stèles avec l'olivier. ?


est probable, au surplus, que dans l'usage courant le terme
d' ' aµd??s?a? p?t?a ? s'est appliqué aussi bien aux stèles qu'au
rocher qui les portait".
236 - E. WILL, loc. cit., p. 6.
237 - Même si, comme POMPONIUS MÊLA, ??, 6, ou PHILOSTRATE,
Vie d'Apollonios de Tyane, V, 5, les sources parlent d'un "Hercule
Egyptien" (on sait que l'épithète est couramment donnée à tout ce qui
vient de Phénicie). Cf. aussi DIODORE, V. 20 ; STRABON, ??, 5,
5 ; ARRIEN Anabase, ?, 16, 4 ; APPffiN ; VI (Guerres d'Espagne),
I,2;JUSTIN,XLIV,5,2.
238 - STRABON . ffl, 5, 3 ; POMPONIUS MÊLA, m, 6. Sur le sanctuaire
d'Héraclès-Melqart. à Gadès. cf. J.B. SUAREZ DE SALAZAR, op.
cit., livre ?? Del celebrado templo, Hercule Gaditano, p. 177 sq. ; A.
GARCIA Y BELLIDO, Hercules Gaditanus, 1964, qui résume les
travaux antérieurs et D. VANBERCHEM, l'expansion phénicienne en
Méditerranée, Syria, XLIV, 1967, pp. 73-109. Sur la situation du
sanctuaire cf. supra, pp. 105-109 et fig. 2.
239- DIODORE, V, 20, 2.
240- POMPONIUS MÊLA, ??, 6.
241 - PHILOSTRATE, Vie d'Apollonios de Tyane, V, 5.
242 - STRABON, ??, 5, 5 et ??, 5, 6 : "Au surplus, l'inscription alléguée
contredit la démonstration puisqu'elle évoque non pas un édifice sacré,
mais un relevé de comptes ; les colonnes d'Hercule doivent
nécessairement perpétuer le souvenir des grands travaux accomplis par
ce dieu plutôt que la dépense des Phéniciens", (??, 5, 6).
243- POLYBE et POSÉIDONIOS sont cités par STRABON, G?, 5, 7.
244 - SILIUS ITALICUS, Punica, ??, 29 : selon SILIUS ITALICUS
toujours, c'est à l'entrée du sanctuaire qu'auraient été gravés les travaux
d'Hercule (Punica, ffl, 32-44).
245 - Le sanctuaire de Tyr n'était pas le seul à être ainsi orné de "stèles" ou
de colonnes" ; on rappellera aussi les fameuses colonnes de bronze du
temple de Jérusalem, celles qui existaient à l'entrée du temple d'Astarté
à Sidon, celles qui entourent le grand autel de Zeus à Baalbeck. Cf.
aussi les témoignages de STRABON, XVI, 1, 27, et de LUCIEN, De
la déesse syrienne, 16, sur les deux "très grands phalloV érigés à
l'entrée du temple de la déesse Atargatis dans la ville de haute Syrie,
Hiérapolis; cf. enfin les témoignages numismatiques (cités et
représentés par A. GARCIA Y BELLIDO, op. cit., p. 117, fig. 25 et
27).
246 - Sur Pygmalion, roi de Tyr, parfois confondu avec Pumaï dieu
chypriote, cf. P. CINTAS, op. cit., p. 81 note 306 (bibliographie et
mise au point), cf. aussi E. GJERSTAD, The Phoenician colonisation
and expansion in Cyprus, RDAC, 1979, pp. 230-250, et les ouvrages
195

de V. KARAGEORGHIS, en particulier, Cyprus, Genève 1968, ou


Cyprusfrom the stone âge to the Romans, Londres, 1982.
247- Cf. supra.
248 - Cf. aussi SILIUS ITALICUS, Punica, ffl, 30-31.
249 - SILIUS ITALICUS, Punica, ffl, 21-28. On a évoqué ce costume à
propos de la statue retrouvée à Motyé et datant de la première moitié
du Vème siècle (Cf. V. TUS A, La statua di Mozia, P. P., 213, 1983,
pp. 445-456, fig. 1 à 6, qui, à son propos, pense plutôt à une figure
accompagnant l'aurige vainqueur).
250- SILIUS ITALICUS, Punica, ffl, 22.
251 - Cf. D. VAN BERCHEM, loc. cit., qui tire les mêmes conclusions de
pratiques rituelles analogues connues dans les cultes de Thasos et de
YAra Maxima.
252 - PAUSANIAS, X, 4, 6 ; cf. L. R. FARNELL, Greek hero cuits and
ideas of immortality, Oxford, 1921, V, p. 95 sq. En ce qui concerne
Tyr, CLÉMENT (cité par M. DAUNEY, op. cit., n. 1 p. 194) affirme
qu'Héraclès a été brûlé, mais ne dit rien du rite périodique qu'aurait pu
représenter cette crémation ; à Gadès, POMPONIUS MELA, ??, 6,
prétend de même que le sanctuaire d'Héraclès possédait les cendres
d'Hercule!
253 - Cf. réunissant les témoignages, L.R. FARNELL, op. cit., et K.O.
MOLLER Sandon und Sardanapal ,in RhM, 3, 1929, pp. 22-42.
254 - Cf. E. LAROCHE, au colloque d'histoire des religions, Strasbourg,
1971 : Un syncrétisme gréco-anatolien : Sandas-Herakles, dans Les
Sycrétismes dans les religions grecque et romaine, Paris, 1973, pp.
103-114.
255 - Cf. Y. BÉQUIGNON, La vallée du Sperchéios des origines au IVème
siècle, BEFAR, Paris, 1937. La légende de la mort sur le bûcher de
l'Oeta serait dans ce cas l'aition du rite. On se reportera à notre
quatrième partie, chapitre II.
256 - Pour la description du sanctuaire, cf. A. GARCIA Y BELLIDO, op.
cit., qui recueille tous les témoignages archéologiques et
numismatiques ; cf. en particulier, fig. 3 à 7 et 20 à 22. Cf. ici, fig. 2.
257 - Voir la bibliographie donnée, supra note 157.
258 - M. PONSICH, op. cit., p. 129.
259 - M. PONSICH, op. cit., p. 134.
260 - M. PONSICH, op. cit., p. 97. Voir fig. 6.
261 - M. PONSICH, op. cit., fig. 37 p. 130. Cf. ici fig. 6.
262 - M. PONSICH, op. cit., p. 97. L'abside mesure intérieurement 19x
40m; l'épaisseur du mur est de 1,65m et certains blocs ont un volume
supérieur à 2m3. Cf. fig. 30 page 98 et ici fig. 6 et 7.
263 - M. PONSICH, op. cit., planches XXXII et ?????. Voir ici fig. 7.
264 - M. PONSICH, op. cit., p. 100.
265 - En 1966, la chronique d'archéologie marocaine (BAM, VI, 1966)
196

faisait état, pour le temple H, d'une construction du même siècle (p.


540).
266 - M. PONSICH, op. cit., p. 132.
267 - R. REBUFFAT, loc. cit., p. 126. Voir ici la reproduction de cette
planche XXXV fig. 7.
268 - M. PONSICH, op. cit., p. 131.
269 - Cf. M. TISSOT, op. cit., p. 82 ; J. CARCOPINO, op. cit., p. 17 ;
cf. encore P. CINTAS, op. cit., p. 248 note 11 qui estime que c'est
sur les pentes d'une colline côtière parallèle à la mer (Er Remel) qu'il
faut chercher "les vestiges des navigations les plus reculées qui
atteignirent Lixus".
270 - M. PONSICH, op. cit., pp. 55 à 86.
271 - D'après M. PONSICH, op. cit., cf. fig. 39 p. 135.
272 - Cf. BAM , V, 1964, pp. 367-376 et M. PONSICH, op. cit., p. 70.
273 - M. PONSICH, op. cit., p. 65.
274 - M. PONSICH, op. cit., p. 93.
275 - M. PONSICH, op. cit., p. 94.
276 - Cf. R. REBUFFAT, loc. cit., p. 124. Sur la base des connaissances
récentes (MESQUJJUZ DE CATALAN, Terra Sigillata Hispanica, p.
14 et tableau 121) la présence de céramique hispanique de forme D. 29
ne permet guère de remonter avant 40 (de notre ère).
277 - M. PONSICH, op. cit., p. 1 et encore p. 129.
278 - Cf. M. DUNAND et R. DURU, op. cit., chap. IV : le temple est pour
l'essentiel constitué d'une cour rectangulaire avec naos vers le centre.
279- Pour l'étude de ces statues on se reportera à notre annexe
iconographique : Héraclès-Melqart à Amrith, à paraître - Cf. ici fig.
21.
280 - P. BORDREUIL, Le dieu Echmoun dans la région d'Amrit, Studia
Phoenicia, ffl, Phoenicia and Us neighbours, Louvain, 1985, pp.
221-230.
281 - E. PUECH, Les inscriptions phéniciennes d'Amrit et les dieux
guérisseurs du sanctuaire, Syria, LXffl, 1986, pp. 327-342.
282 - Elle a été retrouvée lors de la fouille du canal d'évacuation des eaux du
Ma'abed et parait avoir constitué la face antérieure d'un bassin (cf. P.
Bordreuil, loc. cit., pp. 222-223 ; E. PUECH, loc. cit., p. 33).
283 - Cf. la restitution proposée par P. BORDREUIL (loc. cit., pp.
222-223) ; E. PUECH (p. 331) propose, quant à lui, d'y retrouver le
nom de Reshef.
284 - E. PUECH, loc. cit., p. 333.
285 - E. RENAN, Mission en Phénicie, Paris, 1864. Cf. encore PERROT
et CHIPIEZ, Histoire de l'art dans l'Antiquité, ffl, p. 120 sq. Cf.
surtout M. DUNAND. Les sculptures de \&favissa du temple d'Amrit,
BMB, Vin, 1946-1948, pp. 80-107 ; M. DUNAND, N. SALIBY,
Rapport préliminaire sur les fouilles d'Amrith, A. Arch. Syriennes,
197

VI, 1956 et, plus récemment : M. DUNAND, N. SALIBY, L* temple


d'Amrith dans la pérée d'Aradus, Pms, 19S5.
286 - P. BORDREUIL, loc. cit., p. 230.
287 - E. PUECH, loc. cit., p. 338 qui d'ailleurs ajoute à Eshmoun le dieu
Reshef (cf. supra note 283 ) et, pour faire bonne mesure, Shedrofé,
dieu juvénile, dieu guérisseur lui aussi, dont la dédicace avait été
retrouvée sur une stèle en 1881.
288 - Les fonctions protectrices d'Eshmoun qui très vite se spécialiseront en
fonctions guérisseuses sont peut-être liées à l'huile qui pourrait être à
l'origine de son nom. Cf. E. LIPINSKI, Eshmun Healer, AION, 33,
1973, pp. 161-183.
289- P. BORDREUIL, loc. cit., p. 229.
290 - M. G. GUZZO-AMADASI - V . KARAGEORGHIS, Fouilles de
Kition III, Inscriptions phéniciennes, Nicosie, 1977, index pp.
212-215, cf. M. YON, Cultes phéniciens à Chypre : l'interprétation
chypriote, Studia Phoenicia IV, op. cit., p. 145.
291 - E. PUECH, loc. cit., pp. 336-338. Sur l'association de Melqart et des
dieux guérisseurs (Shadrapha à Leptis Magna par exemple), sur les
fonctions guérisseuses peut-être de Melqart, on se reportera à A.
CAQUOT, Les Rephaïm ougaritiques, Syria, XXX Vn, 1960, pp.
75-93.
292- ARRIEN, Anabase, II, 13.
293 - IGLS Vn, n° 4001 (25 av. J.-C.) : cf. R. SAVIGNAC,Une visite à
Ille de Rouad, R. Bi, ???, 1918, pp. 576-580 ; L. ROBERT, Etudes
anatoliennes, Paris, 1937, p. 79 n 8 ; J.P. REY-COQUAIS, Arados et
sa pérée, Paris, 1974, n 25.
294 - Catalogue ofthe Greek Coins in the British Muséum, (Phoenicia), p.
xvn-xx.
295 - J. BABELON, Catalogue des monnaies grecques de la Bibliothèque
Nationale, Les Perses Achéménides, p. 132, n° 921-923.
296- Cf. les fragments de deux naoï trouvés par Renan au heu dit
Aïn-el-Hayat ; E. RENAN, Mission en Phénicie, ?, ??, (campagne
d'Amrith).
297 - Cf. E. RENAN, op. cit., p. 61 sq. et après lui, PERROT et CHIPIEZ
Histoire de l'Art dans l'Antiquité, ??, p. 120 sq. Plus récemment cf.
M. DUNAND, Les sculptures de làfavissa du temple d'Amrit, BMB,
VIII, 1946-1948, pp. 80-107. M. DUNAND, N. SALIBY, Rapport
préliminaire sur les fouilles d'Amrith, A. Arch. Syr., VI, 1956 et
dernièrement, Le temple d'Amrith dans la pérée d'Aradus, Paris, 1985.
298 - 48 m ? 55 m d'après E. Renan, op. cit., p. 63 ; 60 m de côté d'après
M. Dunand et M. Saliby.
299 - La face Nord était fermée par un mur d'enceinte qui semble avoir été
percé de larges portes.
300 - Bloc de 5,50 m de côté sur un peu plus de 3 m de haut
198

301- E. RENAN, op. cit., p. 64.


302 - Cf. E. RENAN, op. cit., p. 243, fig. 185, Coupe du naos.
303 - Nous reviendrons sur ce problème. Ajoutons que, parmi les blocs chus
dans le bassin, on a retrouvé des fûts quadrangulaires, ornés d'une
double gorge égyptienne, qui pourraient évoquer les deux colonnes
symétriquement disposées au devant des temples sémitiques (cf. M.
DUNAND, N. SALIBY, op. cit., pp. 16-19).
304- M. DUNAND, loc. cit., p. 100.
305 - M. DUNAND, loc. cit., p. 106. L'appareillage de certains murs, en
particulier, aurait des parallèles à Oumm -el-Ahmed à partir du IVème
siècle et à Byblos à la même époque.
306- M. DUNAND, foc. cii.,(l), p. 107.
307 - M. DUNAND, N. SALIBY, op. cit., p. 13. Aux côtés de cette
céramique il faut mentionner nombre de petites cruches, difficiles à
dater (elles sont attestées en Orient du fflème millénaire à nos jours)
dont le goulot, assez court, est oblitéré par un écran percé de quelques
trous. Au temple ancien on pourrait encore attribuer quelques
colonnettes et chapiteaux retrouvés dans la favissa et ayant pu
appartenir à un premier naos (p. 12).
308 - M. DUNAND, N. SALIBY, op. cit., p. 13.
309 - M. DUNAND, N. SALIBY, op. cit., p. 54.
310 - E. GJERSTAD, The swedish Cyprus expédition, vol. ffl et vol. IV, 2,
Stockholm, 1948 ; cf. aussi, LP. di CESNOLA, A Descriptive Atlas
ofthe Cesnola Collection of Cypriote Antiquities in the Metropolitan
Muséum ofArt, New-York, vol. ?-??, Boston-New-York, 1885-1894 ;
J.L. MYRES, Handbook of the Cesnola Collection of Antiquities
from Cyprus, New- York, 1919, et Catalogue of Cyprus Muséum du
même auteur.
Sur les statues chypriotes du Louvre, cf. PERROT et CHIPIEZ, op.
cit., m, pp. 570-578 et fig. 389, 390, 391 ; A. DE RIDDER, La
collection de Clercq, V, 1908, pp. 40-47 ; A. CAUBET, Antiquités
chypriotes, Revue du Louvre, 1968, n° 4-5, pp. 332-334.
Sur les statues d'Amrith, cf. E. RENAN, op. cit., pp. 850-851, (lettre
de M. Gaillardot du 18 novembre 1873) ; CRAI, 1926, p. 57 sq. et
surtout M. DUNAND, Les sculptures de la favissa du temple
d'Amrith, BMB, Vn, pp. 99-107, et Vffl, 81-107.
311 - Pour un bilan commode on se reportera à la publication de la
Fondation A.G. LEVENTIS, Archaeology in Cyprus, 1960-1985,
Nicosie, 1985.
312 - On retiendra les réserves de P. BRIANT quant à cette citation, lors de
la soutenance de thèse.
313 - Plus exactement, Chypre possédant des mines de cuivre, le nom de
Ille "d'étymologie inconnue" a donné naissance au nom du métal
??p???; (cf. P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la
199

langue grecque, Paris, 1968).


314 - G. DOSSIN, Les archives économiques du palais de Mari, Syria, XX,
1939, p. 1 1 . Ces archives datent de la seconde période de splendeur de
Mari, au début du second millénaire.
315 - C'est à partir de 1964 que les recherches effectuées à Tell Mardikh (à
60 km au Sud d'Alep) par la Mission de l'Université de Rome ont
établi la succession des installations sur le site - avec deux périodes
particulièrement florissantes : Mardikh ? B (2400-2000) et Mardikh ??
A et B (2000-1600) - et l'identification de la ville (en 1968). La fouille
du Palais Royal G (Mardikh ? B 1 2400-2300/2250) et la découverte de
près de 15000 textes, surtout, ont bouleversé notre connaissance de
l'Orient ancien.
316- Cf. G. PETTINATO, The Royal Archives of Ebla, Biblical
Archaeologist, Mai 1976, pp. 44-54 et J.E. DUGAND. A propos de
Sa?aµ?? essai de mise à jour rapide de quelques uns des points traités
par l'auteur en son Chypre et Cana'an, colloque Salamine de Chypre
(Lyon, 1978), Paris 1980, pp. 85-109.
317 - J. E. DUGAND, loc. cit., p. 92. Le suffixe -iya est un suffixe hittite
se généralisant au Bronze récent.
318 - Second International Archaeological Symposium : "The relations
between Cyprus and Crète ca 2000 - 500 b.c. , Nicosie, avril 1978.
Cf. R.S. MERILLES, A Summary of the results, RDAC, 1978, pp.
216-224.
319 - Cf. R.S. MERILLES, loc. cit., p. 217. Cf. encore le bilan des
recherches archéologiques, effectué par le même auteur dans
Archeology in Cyprus, op. cit., pp. 11-19 (The Stone Age and Early
and Middle Bronze Ages) et J.D. MULHY, ibid., pp. 20-46 (The Late
Bronze Age in Cyprus). Cf. surtout C. BAURAIN, Chypre et la
Méditerranée orientale à l'âge du Bronze Récent, Synthèse historique,
Athènes 1984 (Etudes Chypriotes VI).
320 - R. S. MERILLES, loc. cit., (1978) p. 218.
321 - Acts of the International Archeological Symposium The Mycenaeans
in the Eastern Mediterranean, Nicosie, 1973. C'est l'opinion de H. W.
CATLING (Cypriot Bronzework in the Mycenaean World, 1964, pp.
35-54) qui passe désormais pour la position "orthodoxe". Cf. J.D.
MUHLY, loc. cit., p. 28 et note 56.
322 - Encore que le bucrâne, quant à lui, appartienne à la tradition cultuelle
chypriote depuis le Bronze ancien, cf. I. ION AS, L'architecture
religieuse au Chypriote Récent (Kition et Enkomi) dans Temples et
Sanctuaires, TMO, Lyon, 1984.
323 - A Kommos, un site du sud de la Crète (Hesperia, 51, 1982, pp.
164-195) et à Tirynthe (AA, 1981-2, pp. 149-194).
324 - Cf. la discussion autour des paiements de cuivre relevés dans les
Annales de Touthmosis III (P. DIKAIOS, op. cit., II 1971, p. 505 et
200

J£>. MUHLY, op. cit., p. 32).


325 - Voir R. S. MERILLES, loc. cit., p. 218.
326- V. HANKEY, Mycenaean Trade with the South-Eastern
Mediterranean, MUSJ, 46, 1970 pp. 11-30. Cf. encore le symposium
de Larnaca Guin 1981) Early Metallurgy in Cyprus 4000-500 B.C.
Nicosie 1982.
327 - Pour Ambelikou, Cf. R. S. MERILLES dans Early Metallugy... op.
cit., p. 374. Pour Alambra cf. J.E. COLEMAN, Cornell Excavations
at Alambra, 1980, dans RDAC, 1981 pp. 81-98 surtout p. 85 et du
même auteur : Investigations at Alambra, 1974-1984, dans
Archaeology in Cyprus op. cit., pp. 125-141. Cf. encore J. D.
MUHLY, op. cit., pp. 31-32.
328 - Cf. T. STECH, Urban Metallurgy in Late Bronze Age Cyprus, dans
Early Metallurgy. ..op. cit., pp. 105-116 et P. DIKAIOS, Enkomi,
Excavations 1948-1958, 1, ffl, Mayence, 1969 et 1974.
329 - Cf. V. KARAGEORGHIS, Viewfrom the Bronze Age, Mycenaean
and Phoenician Discoveries at Kition , New- York, 1976 ; cf. aussi la
"Chronique des fouilles et des découvertes archéologiques à Chypre"
(du même auteur) dans le BCH à partir de 1959.
330 - Des nécropoles comme celles d'Ayos Prodomos dans la région de
Kition ou celles du Nord de la ville à Kition même sont datées des
environs de 1800 avant notre ère : (V. KARAGEORGHIS, op. cit.).
331 - Voir le plan de la ville, fig. 15 Nous ne pensons pas devoir insister
longuement sur l'histoire de la cité d'ailleurs largement parallèle à celle
d'Enkomi, à ceci près que, sur ce dernier site, la fondation de la ville
est plus ancienne : vers 1900 (selon C. SCHAEFFER) ou 1700 (selon
P. DIKAIOS) -. A la fin du XlIIème siècle, la ville paraît abandonnée
pour une dizaine d'années sans que soient attestées de destructions
violentes et, dans "l'Area ?", le site des temples jumeaux 2 et 3, avec
ses jardins, conserve son caractère sacré, bien que d'importantes
transformations l'affectent (correspondant peut-être à l'arrivée des
Achéens ?). Au début du Xllème siècle des destructions sont mises en
rapport avec "l'invasion" des Peuples de la mer, mais, comme à
Enkomi toujours, la reconstruction est rapide. C'est au cours du Xleme
siècle (un peu plus tard à Kition qu'à Enkomi) que prend fin cette
occupation du Bronze Récent (on pense à un tremblement de terre) et -
comme à Enkomi encore, où le site est progressivement abandonné
pour une ville plus proche de la mer : Salamine - la ville géométrique
de Kition se retrouve à quelque distance (Bamboula), et précède
directement l'arrivée des Phéniciens (V. KARAGEORGHIS, op. cit.).
332 - Cette statuette a été retrouvée dans les fouilles du "sanctuaire du dieu
au lingot" fouillé à Enkomi (Quartier 5, Est) de 1961 à 1965 par J.C.
Courtois, cf. J.C. COURTOIS, Le sanctuaire du dieu au lingot
d'Enkomi-Alasia, Alasia, Paris, 1971, pp. 151-362.
201

333 - Ces lingots qu'on retrouve très loin dans le monde méditerranéen... en
Sardaigne en particulier !
334- V. KARAGEORGHIS, op. cit.
335 - M. YON, Mission Archéologique française de Kition-Bamboula,
1976-1984, dans Archaeology in Cyprus, op. cit., pp. 219-226;
l'éminence est, en fait, une terrasse artificielle, élevée "au plus tôt" à
l'époque byzantine pour supporter une tour ou un petit fortin", (p.
221). Cf. aussi A. CAUBET, Les sanctuaires de Kition à l'époque de
la dynastie phénicienne, Studia Phoenicia, IV, Religio Phoenicia,
Namur, 1986, pp. 153-158. Précisons que nous ne souscrivons pas à
l'hypothèse qui, dans cet article, fait de Reshef le maître du sanctuaire
(p. 157).
336 - E. GJERSTAD, The Swedish Cyprus Expédition, ffl, pp. 74-75.
337 - Monnaie frappée sous l'empereur Macrin (217-218 après J.C.) à
Byblos, reproduites par E. RENAN, Mission en Phénicie, op. cit., p.
1 17 et de nombreuses fois depuis.
338 - Les très belles monnaies d'or de Pumiathon, par exemple, ce dernier
roi de Kition qui, après avoir étendu son pouvoir sur Idalion et
Tamassos fut vaincu et tué par Ptolémée 1er (Au droit
Héraclès-Melqart ; au revers, un lion dévorant un cerf: année
320-319).
339 - Un premier programme de travaux fut effectué de 1976 à 1981. (Cf. les
chroniques du BCH, 101, 1977 pp. 761-763; 102, 1978,
pp. 916-920 ; 103, 1979, pp. 704-706 ; 105, 1981, pp. 993-996 ;
106, 1982, pp. 722-727). Un second programme a repris en 1984 (cf.
la chronique du BCH, 109, 1985, pp. 939-941 ; cf. M. Yon, Fouilles
françaises à Kition-Bamboula (Chypre), 1976-1982, CRAI, 1984, pp.
80-99).
340 - Fouilles de Kition-Bamboula, BCH, 1978, 2, pp. 918-919.
341 - On admet désormais que les Phéniciens sont installés à Chypre dès le
IXème siècle : cf. l'inscription funéraire du Musée de Nicosie à Chypre
(n° 397) datée de la première moitié du IXème siècle (O. MASSON et
M. SZNYCER, op. cit., pp. 13-20) et, pour Kition, la céramique
découverte sur le site est maintenant datée du IXème siècle (V.
KARAGEORGHIS, op. cit., Les Phéniciens à Kition). Sur l'histoire
de la ville voir, en dernier lieu, M. Yon, Le royaume de Kition
(époque archaïque), Studia Phoenicia, V, Phoenicia and the East
mediterranean in the first millenium B.C., Louvain, 1987, pp.
357-374. Une étude de la période classique paraîtra dans Studia
Phoenicia, IX.
342 - Chronique des fouilles à Chypre en 1980, BCH, 105, 1981, 2, pp.
993-995, singulièrement p. 993.
343 - Cf. A. CAUBET, Le sanctuaire chypro-archaïque de Kition-Bamboula,
dans Temples et Sanctuaires, T.M.O., Lyon, 1984, pp. 107-118.
202

344 - On songe au bassin calcaire dans l'abside du sanctuaire F à Lixos. Cf.


supra, fig. 4 (2) ; fig. 8, fig. 9 (1).
345 - M. YON, loc. cit., (Archaelogy in Cyprus, op. cit., p. 223).
346 - Chronique des fouilles à Chypre en 1980, BCH, 105, 1981, 2, 995.
Cf. M. YON, loc. cit., (Archaeology in Cyprus, op. cit.), pp. 224.
Pour plus de détails sur cette organisation : J.F.S ALLES, Les égouts
de la ville classique, Kition-Bamboula ?, Paris, 1983.
347- Cf. supra, chapitre IV 1.
348 - Pour les sites d'Ayia Irini, Ayios Iakovos, et Idalion voir S.C.E. op.
cit., I, pp. 355-370 ; ? pp. 460-628 et 642-824.
349 - J. DU PLAT TAYLOR... Myrtou-Pigadhes, a Late Bronze Age
Sanctuary in Cyprus, Oxford, 1957.
350 - P. DIKAIOS, The excavations at Vounous-Bellapais in Cyprus,
1931-1932, Archeologia, 88, 1940, pp. 1-174 et du même auteur, Les
cultes préhistoriques dans l'Ile de Chypre, Syria, ???, 1932, pp.
345-354.
351 - Cf. I. IONAS, loc. cit., p. 99.
352 - Cf. Fouilles de Kition H, Nicosie 1976, fig. 2 (plan du site ? de
Kition) et pp. 55-77 ; cf. encore les chroniques du BCH depuis 1959.
353 - Cf. J.C. COURTOIS, Alasia I (op. cit.), fig. 4.
354 - Cet autel (258), constitué par un bloc calcaire paraUépipédique d'au
moins 1,85 m et évidé, à la partie supérieure, sur l'une de ses petites
faces, évoque, par exemple, ceux de Hazor (BCH, 102, 1978, 2, p.
918).
355 - Sur la double inscription de Kition (CIS, I, 86, A et B), voir O.
MASSON et M. SZNYCER, op. cit., pp. 21-68. Sur l'interprétation
de M. YON, cf. le maître de l'eau à Kition, Archéologie au Levant,
Recueil R. Saidah, COM, Lyon 1982, pp. 251-263. Voir encore, du
même auteur, Cultes phéniciens à Chypre : L'interprétation chypriote,
Studia Phoenicia IV, op. cit., pp. 127-152.
356 - Cf. BCH, 109, 1985, 2, p. 941 fig. 104.
357 - Cf. BCH, 105, 1981, 2, p. 993 fig. 55. Cf. A. CAUBET et M. PIC,
Un culte hathorique à Kition-Bamboula, Archéologie au Levant,
Recueil R. Saidah, Lyon, 1982, pp. 237-249.
358 - A. CAUBET et M. PIC, loc. cit., p. 242 fig. 4.
359 - Une seule, en fait, selon A. CAUBET, loc. cit., (1984) p. 109-Ref. ?
80 - 1630. Peut-être (mais la référence manque) celle de la figure 104
p. 9??, BCH, 109, 1985,2.
360 - A. CAUBET. loc. cit., (1984), p. 118.
361 - Cf. notre chapitre III de cette première partie. Cette association se
retrouve en Occident, nous l'avons vu, à Gadès, à Malte, à Pyrgi,
peut-être.. .et jusqu'en Grande Bretagne puisqu'à l'époque romaine, à
Corstopitum (Corbridge) non loin du mur d'Hadrien deux autels
jumeaux portent une double dédicace grecque : l'une à Héraclès de Tyr,
203

l'autre à Astarté (CIL, VU, p. 97 = IG, XIV, 2253-2254, inscription


citée par C. BONNET, op. cit., p. 237).
362 - Cf. Kition ffl, pp. 149-160 ; D 21.
363 - Cf. Kition ffl, pp. 167-168 ; D 34. aussi V. KARAGEORGHIS, op.
cit., fig. 92.
364 - Cf. supra, chapitre ffl 2. Ajoutons que selon C. BONNET (op. cit.,
pp. 50-51) un rituel dtiydrophorie pourrait, à Tyr, se rattacher au culte
de Melqart
365 - POLYBE, XXXIV, 9, 5. Pour cette information, Polybe dépend
vraisemblablement de SILANOS (l'historiographe d'Hannibal) cité
aussi par ARTÉMTDORE (F. Gr. Hist., 175 F9). Tous deux sont
jugés "profanes en la matière" par Strabon qui estime ne pas devoir
rapporter leurs explications (STRABON, ffl, 5, 7).
366- POSÉIDONIOS, FHG frg. 95 = F. Gr. Hist., 87F85. (cf.
STRABON, ffl, 5,7).
367- STRABON, ffl, 5, 9
368 - Cf. A. CAUBET, loc. cit., (1984) p. 1 15. Ce fragment de jas d'ancre
"l'un des plus anciens exemples de ce type que l'on puisse dater" se
trouve dans le remplissage entre le sol de la troisième phase archaïque
(550-500) et la phase suivante. Cf. les articles de H. FOST (qui
prépare un catalogue des ancres de Kition) : The Stone Anchors of
Byblos, Mélanges de l'Université St Joseph, LXV, 26 (1969) pp.
425-442 : The Stone Anchors of Ugarit, Ugaritica, VI, 1969, pp.
235-245 et Gilgamesh and the "things of stone", RDAC, 1984, pp.
96-100.
369 - Cf supra, la description du sanctuaire, chapitre 4.1 .
370 - Sur le problème de l'Héraclès thasien, cf. essentiellement Ch. Picard,
Un rituel archaïque du culte de l'Héraclès thasien, BCH, XLVH, 1923,
pp. 241-274 ; M. LAUNEY, Le verger d'Héraclès à Thasos, BCH,,
LXI, 1937, pp. 385-400 et surtout du même auteur, Le sanctuaire et le
culte d'Héraklès à Thasos, Paris, 1944 ; les comptes-rendus de A.D.
Nock, AJA, 1948, pp. 229-301 et de Ch. PICARD, JS, 1949, pp.
111-113, et l'ouvrage essentiel de J. POUILLOUX, Recherches sur
l'histoire et les cultes de Thasos, de la fondation de la cité à 196 av. J.
-C, Paris, 1954. Plus récemment, après les études de D. VAN
BERCHEM (loc. cit.), et de B. BERGQUIST, Héraklès on Thasos,
Uppsala, 1973, voir la mise au point de J. POUILLOUX, L'Héraclès
thasien, REA, LXXVI, 1974, 3-4, pp. 305-316.
371 - HÉRODOTE, II, 44. Cf. aussi PAUSANIAS V, 25, 12.
372 - D. Van BERCHEM, souscrivait difficilement à l'interprétation de M.
LAUNEY, (p. 93-94), B. BERGQUIST, Héraclès on Thasos, Uppsala,
1973, ne doute pas qu'il s'agisse d'un puits (p. 49). et c'est également
l'opinion de G. ROUX, loc. cit., Thasiaca, p. 210.
373 - On se reportera à notre description des temples, chapitre ?? 3.
204

374- SILRJS ITALICUS, Pimica, ??, 29.


375- PAUSANIAS, ?, 4, 6.
376- POMPONIUS MÊLA, ??, 6.
377 - Sur Yégersi/ de Melqart, voir O. EISSFELDT, RE, XX, 362 et 375.
et E. LIPINSKI, La fête de l'ensevelissement et de la résurrection de
Melqart, XVIIème rencontre d'Assyriologie, 1970, pp. 30-58. Cf.
notre quatrième partie, chapitre ? 3.
378 - D. VAN BERCHEM, loc. cit., p. 102. C'est pour les distinguer de ces
Sôteria que les Héracléia helléniques (mai-juin) auraient reçu l'épithète
de ta µe???a Cf. encore G. ROUX, loc. cit., p. 191.
379 - Cf. M. LAUNEY, op. cit., pp. 36 et 117.
380 - Pour B. BERGQUIST, en effet, l'édifice polygonal ne serait pas un
temple. Constatant que l'édifice à oikoi à cinq pièces accolées qui se
substitue à lui est, sans aucun doute (et comme d'ailleurs on en avait
déjà émis l'hypothèse), une pièce où se célébraient des banquets, elle
propose d'identifier l'édifice polygonal avec un mégaron qui, déjà,
aurait eu même fonction. Si l'on pense que l'Héracléion est le
sanctuaire d'un Héraclès-dieu (et phénicien) comme le font D. VAN
BERCHEM et B. BERGQUIST on songera évidemment à l'édifice qui,
à Chypre, ferme, à l'époque classique, la cour du sanctuaire de Melqart.
J. POUILLOUX, quant à lui, accepte l'interprétation donnée par B.
BERGQUIST du mégaron (loc. cit.,REA, p. 313), mais maintient
que "s'il n'y avait, à l'Héracléion, qu'une seule forme de culte, c'était
celle de l'Héraclès Héros" (p. 316 note 5). et il propose de lire dans
cette transformation architecturale malheureusement difficile à dater le
reflet d'une démocratisation des institutions militaires (p. 313).
381 - HÉRODOTE, VI, 46-47. "Ces mines phéniciennes se trouvent à
Thasos entre les localités appelées Ainyra et Koinyra, en face de
Samothrace" disait Hérodote. Or, en août 1979 des exploitations entre
les baies de Potamia (probablement l'antique Ainyra) et de Koinyra
(cf. BCH, 88, 1964, p. 280) ont permis de repérer des entrées de mines
antiques et, dans l'une d'entre elles, sur les hauteurs de Klisidhi, au
dessus du village abandonné de Paliochoria, de déceler trois niveaux
d'exploitation. L'analyse donne une teneur en or qui sans être
exceptionnelle (5ppm), rend le minerai exploitable ; d'autre part les
mines de l'Acropole de Limenas ont parfois de l'or en quantité
appréciable (20,6 ppm pour un échantillon). Enfin on a sans doute
exploité également dans l'Antiquité des mines de cuivre et de galène
argentifère près des mines modernes de Corlou et Marlou. Cf. KOZELI
et A. MULLER, Chronique des fouilles à Thasos, BCH, 104, 1980,
pp. 716-717 ; BCH, 105, 1981, pp. 960-961 et BCH, 106,1982, pp.
674-675 (avec J. DES COURTDLS).
382 - Cf. F. SALVIAT et P. BERNARD, BCH, 86, 1962, pp. 578-611. J.
POUILLOUX, loc. cit., p. 309.
205

383 - "A Héraclès thasien, il n'est permis (d'offrir) chèvre ni porc ;


interdiction aux femmes ; pas d'offrande de la neuvième part ; point de
portions découpées pour présents ; on ne regarde pas Qe sacrifice)". Cf.
Ch. PICARD, Un rituel archaïque du culte de l'Héraclès thasien,
trouvé à Thasos, BCH, 47, 1923, pp. 241-274. H. SEYRIG, BCH,
1927, pp. 369-373 ; D. VAN BERCHEM, loc. cit., pp. 88-109.
384 - J. POUILLOUX, loc. cit., continue, en effet, de penser qu'à Thasos,
comme à Sicyone, on honore les deux Héraclès, le dieu et le héros :
"D. Van Berchem et B. Bergquist, écrit-il, ont échoué à montrer le
contraire faute d'avoir considéré la totalité de la documentation
thasienne" (p. 316). S'il reconnaît avoir méconnu l'héritage phénicien,
il réaffirme la présence du héros grec "gardien et militaire" honoré dans
la région du rempart et l'Héracléion, "alors que l'Héraclès Thasios, dieu
qu'Hérodote adjoint au Phénicien Melqart, appartient à la région de
l'Agora" (p. 315). Pour G. ROUX,, (loc. cit.), les deux cultes, celui de
l'Héraclès-dieu et celui du héros, sont rendus dans YHéracléion.
385 - HÉRODOTE, ?, 44 "Les résultats de mes recherches font clairement
ressortir qu'Héraclès est un dieu ancien, et j'estime très sage la conduite
de ceux d'entre les Grecs qui ont dédié chez eux des sanctuaires à deux
Héraclès, offrant à l'un qu'ils appellent Olympien des sacrifices comme
à un immortel, tandis qu'à l'autre, ils rendent des honneurs funèbres
comme à un héros". Il est vrai que, bien que faite à propos de
l'Héraclès "phénicien" de Thasos, la remarque d'Hérodote ne fait pas
explicitement référence à Ille. Sur le double culte à Sicyone Cf.
PAUSANIAS, II, 10, 1.
386 - PAUSANIAS, V, 25, 12. Dans le même texte Pausanias atteste de
l'importance d'une "colonisation" phénicienne à Thasos, puisqu'il fait
des Thasiens des "Phéniciens par leur origine" et plus précisément des
Tyriens. Il est à notre avis, abusif, de voir là "le phénomène banal de
Yinterpretatio" comme le fait D. Van Berchem, loc. cit., p. 94.
387 - Rappelons simplement ici que le rituel relatif à Héraclès thasien IG,
XII, suppl. 414 date, très vraisemblablement, du Vème siècle ; le bail
relatif au verger d'Héraclès (IG, ??, suppl. 353) de l'extrême fin du
IVème siècle ou du début du Iïïème siècle.
388 - C'est une remarque qu'avait déjà faite D. Van Berchem : "Si donc on
tient à l'origine phénicienne de ce culte, on doit admettre qu'en ce qui
concerne le sacerdoce, les Grecs ont altéré gravement l'institution
primitive" (loc. cit., p. 105).
389- Rappelons que, tant pour D. VAN BERCHEM que pour B.
BERGQUIST, il est le sanctuaire du seul Héraclès thasien, d'origine
phénicienne ; que, pour J. POUILLOUX, il est, soit le lieu d'un culte
double (et puisque le bothros de la cour triangulaire paraît disqualifié,
il évoque les bothroi repérés par B. BERGQUIST, dans le rocher près
du grand autel)(cf. note 1 p. 314), soit le sanctuaire du fils
206

d'Amphitryon (p. 315).


390 - Cf. G. DAUX, CRAI, 1954, pp. 470 sq. et G. ROUX, BCH, 79,
1955, pp. 353 sq. (et suppl V, Thasiaca, pp. 191-211).
391 - Hypothèse qu'envisage même D. VAN BERCHEM, qui affirme
cependant ne pas connaître jusqu'à ce jour de sanctuaire qui se prête
mieux aux cérémonies impliquées par les deux rites que l'Héracléion
découvert par M. LAUNEY f. 92). G. ROUX, (loc. cit., Thasiaca, p.
191) est, pour sa part, persuadé qu'il n'y a qu'un seul grand Héracléion
pour le culte du héros et du dieu.
392 - Si l'édifice polygonal est bien un hestiatorion, où se trouve le naos
qui précéda le temple périptère ? La réponse à cette question paraît
désormais donnée par les dernières fouilles thasiennes : le temple
archaïque a très vraisemblablement précédé, au même emplacement, le
périptère ionique du Nord (Cf. J. DES COURTILS, BCH, CX, 1986,
pp. 802-806 et fig. 16.) Date proposée : VHème siècle CBCH, CIX,
pp. 882-884).
393 - On pourrait encore citer les deux cippes qui ornaient le sanctuaire de
Malte, hélas complètement détruit (Cf. PERROT-CHIPPIEZ, Histoire
de l'art dans l'Antiquité, ffl, Paris, 1885, p. 306 et fig. 28 CIS, 1, 122,
IG, XIV, 600).
394- Dans notre deuxième partie.
395 - Cf. supra chapitre ??1. Pour B. SERVAIS-SOYEZ cependant (loc. cit
p. 359) c'est un Melqart époux d'Astarté qu'il faut reconnaître dans le
Milk'Ashtart d'Oumm d'Ahmed.
396 - CIS, I, 89. Cette inscription date de 388. Autres dédicaces (CIS), I,
90, 94 - Cf. O. MASSON (Cultes à Chypre dans Les éléments
orientaux de la religion grecque ancienne, Paris, 1960, pp. 137-138).
397 - R. DUSSAUD, Melqart, Syria, XXV, 1946-1948, pp. 205-230.
398 - J. TEIXIDOR, L'interprétation phénicienne d'Héraclès et d'Apollon,
RHR, 200, 1983, pp. 243-255.
399 - Cf. P. XELLA, loc. cit., p. 34. Sur le problème de la triade on se
reportera supra, au chapitre 3.2.
400- Cf. supra notes 315 et 316.
401 - Hypothèse proposée par J.E. DUGAND, loc. cit. (dans Salamine de
Chypre, p. 95).
402 - G. PETTINATO, The Royal Archives of Tell Mardikh Ebla, loc. cit.,
p. 47; cf. J. E. DUGAND, loc. cit., note 53 p. 90.
403 - G. ??G?????, Testi cuneiformi del 3 millenio in paleo-cananeo
rinvenuti nella campagna 1974 a Tell-Mardikh - Ebla -, Orientait,
XLIV, 3, 1975 pp. 361-374 et spécialement pp. 370-371. Cf. J.E.
DUGAND, loc. cit., note 115 p. 95.
404 - Pour J.E. DUGAND, loc. cit., note 114 p. 95, on "confondait quelque
peu" Melqart et Ba'al Hammon (ses arguments peuvent paraître ténus,
puisqu'ils reposent essentiellement sur le grand nombre de noms
207

théophores consacrés au premier, alors que l'anthroponymie punique


réserve peu d'audience au second) et, ce faisant, il attribue à
Malik-Melqart les différents tophets de Carthage, d'Hadrumète en
Tunisie ; de Motyé et Sélinonte en Sicile ; de Sulcis, Monte Sirai et
Tharros en Sardaigne (p. 95). Mélicerte pourrait alors être "un emprunt
(probablement mycénien) au Melqart tyrien", identifié qu'il est à
Palaimon. En effet, LYCOPHRON (Alexandra, 229) situe à Ténédos,
un pa?a?µ?? ß?ef??-rovoç = tueur de petits enfants qui,
apparemment, exigeait les mêmes immolations d'enfants en bas-âge de
l'aristocratie que Ba'al Hammon" (p. 94).
405 - C'est d'ailleurs en ce sens - et nous nous réjouissons de cette
convergence - que se développent actuellement les études sur Melqart :
à la lumière des textes ougaritiques qui font état des rois morts comme
des figures héroïques divinisées (Réphaïm), on voit en lui l'hypostase
du souverain phénicien idéalisé. Cf. J. TEIXIDOR, L'interprétation
phénicienne d'Héraclès et d'Apollon, RHR, 200,1983, pp. 243-255 ;
E. LIPINSKI, loc. cit., (1970) p. 51, C. BONNET, Le dieu Melqart
en Phénicie et dans le Bassin méditerranéen, Studia Phoenicia, III
Louvain 1983, pp. 195-207 ; P. XELLA, loc. cit., ibid, TV pp. 37-38;
S. RIBICHINI, P. XELLA, Milk'astart, Melk(m) e la tradizione siro
palestinese sui Refaim, Rivista di Studi Fenici, 7, 1979, pp. 147-158.
406 - Kition, pi. XXV et BCH, 1976, fig. 76 et79, pp. 881-882.
407 - Cf. supra la description du sanctuaire.
408- SILIUS ITALICUS, Punica, ffl, 30-31.
409 - PHILOSTRATE, Vie d'Apollonios de Tyane, V, 5. Philostrate décrit
trois autels, deux d'entre eux sont de bronze et ne portent aucune
représentation, le troisième, de marbre, représentait les travaux
d'Héraclès et s'était probablement ajouté aux deux premiers après
l'assimilation avec le héros grec. ? faut alors signaler - si l'on admet
l'hypothèse - qu'elle souffre des exceptions : Melqart est expressément
identifié sur la stèle du IXème siècle dédiée par Bar-Hadad et conservée
au musée d'Alep. (C. BONNET loc. cit., p. 80) rappelle d'ailleurs que
"L'iconographie phénicienne n'est nullement avare de représentations
divines anthropomorphisées" et qu'on aurait tort de "faire porter sur la
religion phénicicenne "une répugnance" qui concerne spécifiquement la
religion yahviste".
410 - E. GJERSTAD, A Cypro-Greek Royal Marriage in the 8th Century
B.C., Salamine de Chypre, Histoire et Archéologie, (Colloque de
Lyon 1978), CNRS, Paris, 1980, pp. 141-146. Dans cette tombe des
skyphoi et cratères attiques, des skyphoi et plats euboïco-cycladiques
fabriqués vers 775-750.
41 1 - Cf. V. KARAGEORGHIS, De l'adaptation et de la transformation de
la mythologie grecque à Chypre durant les périodes archaïque et
classique, Mythologie gréco-romaine, Mythologies périphériques,
208

Etudes d'iconographie, (colloque CNRS, Mai 1979), Paris, 1980. pp.


77-87, singulièrement p. 80.
412- Cf. infra, fig. 33.
413 - Cf. V. KARAGEORGHIS, loc. cit., p. 81 et planche ffl (2ème moitié
du Vlème siècle).
414 - V. TATTON-BROWN, A terracotta "Géryon" in the British Muséum
RDAC, 1979, p. 281-288. pi. ????.
415 - Cf. V. KARAGEORGHIS. Cyprus from the stone Age to the
Romans, Londres. 1982. fig. 94 ou fig. 2 planche VI et addendum, p.
86 de l'article du même auteur, loc. cit., (Colloque du CNRS. n° 593).
416 - Voir notre figure 20 (1 et 2) d'après R. HAMPE et E. SIMON, Un
millénaire d'art grec, 1600-600, Fribourg, 1980, fig. 92 et 93.
417 - Peut-être faut-il évoquer également ici les représentations du combat du
héros contre le lion qu'on trouve aussi bien à Chypre (manche d'ivoire
d'un miroir datant de la fin du XlIIème siècle, trouvé dans une tombe
de Paléographos (tombe 8) et conservé au Musée de Nicosie, Cf. V.
KARAGEORGHIS op. cit.,Cyprus from the Stone Age..., fig. 85)
qu'en Grèce, à Mycènes, par exemple ("curseur" de la tombe III du
cercle funéraire A de Mycènes - 16ème siècle - cf. R. HAMPE et E.
SIMON, op. cit., fig. 269).
418 - Cf. STÉPHANE DE BYZANCE, ?.?. T?s??· ; P. CHANTRAINE,
Dictionnaire Etymologique de la langue grecque, I, pp. 32-33, s.v.
auto ; cf. J£. DUGAND, loc. cit., qui voit dans le nom d'Ainura
cité par Hérodote une traduction de deux mots cananéens signifiant
"Ille de lumière", "Ille lumineuse" (note 129 p. 95-96). J.
TEIXIDOR, loc. cit., RHR, propose d'ailleurs Thasos comme cadre du
syncrétisme entre Héraclès et Melqart et attribue aux Phéniciens
l'initiative du rapprochement (p. 247).
419 - Cf. F. LO SCHIAVO, Copper Metallurgy in Sardinia during the Late
Bronze Age : New Prospects on its Aegean Connections, dans Early
metallurgy in Cyprus, 4000 - 500 B.C., Nicosie, 1982, pp. 271-279.
420 - A l'extrême fin du VlIIème siècle (707). Auparavant la colonie était
administrée par un gouverneur dépendant de Tyr. Cf. E. GJERSTAD,
loc. cit., (RDAC, 1979, pp. 249-250). Au Vème siècle Kition, est
encore mentionné comme le nom d'un royaume phénicien à Chypre.
421 - Azbaal, successeur de Baalmelek 1er et roi de Kition, est aussi, au
Vème siècle, roi d'Idalion... Ainsi s'explique mieux, peut-être, la
présence de nombreuses représentations d'Héraclès-Melqart dans la région.
422 - B. LAROCHE, Un syncrétisme gréco-anatolien : Sandas-Héraclès,
dans Les Syncrétismes dans les religions grecque et romaine, Paris,
1973, pp. 103-114 (citation p. 104).
423 - CIS, 1, 144. Pour l'inscription de Nora on se reportera chapitre ? 2 et
note 136.
209

424 - Cf. M. MARAZZI, Egeo o Occidente alla fine del 11° millenio A.C.,
Roma, 1976. Cf. encore V. TUS A, La Sicilia fenico-punica, loc. cit.,
(DHA), pp. 240-241 et ici même, seconde partie, chapitre ffl.
425 - Cf. notre étude iconographique, à paraître (ici fig. 21). Signalons qu'au
Vème siècle le royaume de Kition frappe monnaie au type de Melqart,
sous les traits d'un Héraclès barbu, portant la dépouille du lion et
brandissant la massue, mais l'arc est aussi figuré (cf. J. BABELON,
Les Perses achéménides, p. 95 sq. et pi. CXXVI sq. et R. DUSSAUD,
loc. cit., (Melqart à Chypre).
426- PISANDRE DE RHODES (Scholie à APÇLLONIOS, I, 1195, et
SUIDAS^j.v. pe?sa?d???;) et pour STESICHORE D'HIMERE
(ATHENEE, ??, 512 ; STRABON, XV, 1, 9 ; ERATOSTHENE,
Catastérismes, 12). ? est bien difficile, à notre avis, de trouver dans
l'iconographie une trace certaine de l'antériorité de la représentation
grecque (on se reportera à notre étude iconographique).
427 - Cf. R. DUSSAUD, loc. cit., p. 218. Sur les monnaies tyriennes
représentant Melqart, on peut désormais se reporter à la thèse de C.
BONNET, op. cit., pp. 66-70 de l'exemplaire dactylographié.
428 - R. DUSSAUD, loc. cit., p. 218. Encore peut-on se demander s'il
s'agit bien de Melqart (cf. C. BONNET, op. cit., p. 66).
429 - Cf. notre étude iconographique pi. XXVH, XXVffl, XXIX. Tous ces
Héraclès de l'époque archaïque sont représentés barbus et peut-être aussi
le plus ancien d'entre eux (pi. XXVI. fin Vllème ou début Vlème avant
J.-C).
430 - Cf. la tête du musée du Louvre (AM 2784) d'inspiration plus purement
grecque, il est vrai. Mais à Chypre encore, le colosse d'Amathonte est
barbu. Sur les types d'Héraclès à Chypre cf. J.L. Myres, op. cit., pp.
170-177.
431 - M. DUNAND, op. cit., p. 96 et notes 1, 2, 3 et 4 ; cf. notre étude
iconographique PI. ???? et son commentaire.
432 - Cf. M. DUNAND, BMB, ??, 1939, p. 65 sq. et PI. XIV. Pour la
bibliographie, très importante, se reporter à H. DONNER et W.
ROLLIG, Kanaanaïsche und Aramaïschen Inschrisften, ?, 1964, n°
201. Notons d'ailleurs que sur cette stèle Melqart n'apparaît pas comme
un dieu au lion. Notre photo, prise au musée d'Alep, ne supportait
pas, hélas, la reproduction.
433 - HÉRODOTE, ?, 44. C'est donc un peu tard que R. Dion daterait la
"promotion d'Hercule". (R. DION, La promotion d'Hercule, Antiquités
nationales et internationales, Mars-Juin, 1962, pp. 22-26) et après lui
encore, DU MESNIL du BUISSON , Origine et évolution du panthéon
de Tyr, RHR, 1963, pp. 133-163.
434 - Cf. les rituels au dieu Sandas cités par E. LAROCHE, loc. cit., pp.
109-110.
435 - Cf. une notice d'AGATHIAS, II, 24 éd. Niebuhr, 117, 18 sq. et un
210

passage de NONNOS, Dionysiaques, XXXIV, 192. Cf. E.


LAROCHE, loc. cit., p. 112. Sur Sandas voir aussi S. SALVATORI,
Il dio Santa-Sandon. Uno squardo ai testi PJ> XXX, 1975, pp.
401-409.
436 - Cf. H. SEYRIG, Héraclès-Nergal. Syria, XXIV, 1944-1945, pp.
62-80 singulièrement p. 71.
437 - Qu'on se souvienne du héros "brutal" ou encore "misérable et violent"
de VIliade (V, 392, et 403-404).
438 - Cf. la description que font les Hespérides aux Argonautes du scélérat
(???tat??·) qui vint dérober les pommes d'or ; "un homme redoutable
entre tous par son insolence et sa stature ; ses yeux flambaient sous
son front terrible, le sauvage...".
211

ANNEXE A LA PREMIERE PARTIE :


LE PERIPLE D'HANNON

L'expédition du Carthaginois Hannon "le long des parties


de la Libye situées ?p?? t??* '??a??????- st??G? comme celle
de son compatriote Himilcon vers les rivages nordiques aurait eu
pour but de fonder, au-delà des colonnes d'Héraclès, "de
nouvelles villes de Libyphéniciens" sur la côte atlantique. Elle est
connue par une traduction grecque du rapport qu'en aurait fait
Hannon lui-même à son retour et qu'il aurait consacré dans le
temple de Cronos à Carthage. Malgré cette garantie, semble-t-il,
de l'authenticité du document, Pline, déjà, émettait des doutes sur
sa véracité (V,8) et la controverse n'est pas apaisée aujourd'hui.
Depuis les études de St. GSELL, op. cit., I, p. 472 sq. et
de R. ROGER, Le Maroc chez les auteurs anciens, Paris, 1924
(avec une traduction du texte), sont parues la thèse de M.A.
STOUFFS soutenue à l'Université de Louvain en 1947 : Le
périple d'Hannon et celle de J. DES ANGES, grâce à qui on
dispose facilement désormais, et du texte (établi par W. ALY
dans Hermès, LXH, 1927, pp. 321-324) et de la traduction
française de la version de Heidelberg {op. cit., pp. 392-397) ;
l'auteur donne également le texte et la traduction des témoignages
anciens, qui de Palaiphatos à Athénée se rapportent à ce périple
ou aident à l'interpréter (pp. 397-403).
La bibliographie est très étendue sur ce sujet : les mises au
point les plus importantes sont celles de G. MARCY, Notes
linguistiques autour du périple d'Hannon, Hespéris, XX, 1935,
pp. 21-72 ; R. MAUNY, Autour d'un texte bien controversé : Le
périple de Polybe (146 av. J. -C), Hespéris, XXXVI, 1949, pp.
47-67 (comparaison des périples d'Hannon, Scylax et Polybe) ;
R. ROUSSEAUX, Hannon au Maroc, Revue africaine, XCIII,
1949, pp. 162-232 ; G. GERMAIN, Qu'est-ce que le périple
d'Hannon ? document, amplification littéraire ou faux intégral ?
Hespéris, XLIV, 1957, pp. 205-248. Pour G. Germain on ne
saurait en aucun cas prendre ce document pour un journal de
voyage, même si son auteur, qui démarque les récits de ses
devanciers helléniques, et en particulier Hérodote, a pu utiliser
aussi des échos, reçus, par exemple, à Carthage.
Le débat a été réouvert, naguère, dans la revue
Archéologia, : R. MAUNY, Le périple d'Hannon, un faux
célèbre concernant les navigations antiques, XXXVII, 1970, pp.
77-80, partage le doute de G. Germain et, plus catégorique,
212

conclut, "Cessons de prendre ce faux ou cette amplification


littéraire pour un document authentique et délivrons en à jamais
les discussions sérieuses", ce à quoi G. Ch. PICARD,
Archéologia, XL, 1971, pp. 54, répond - sans d'ailleurs
convaincre son interlocuteur - "Le périple d'Hannon n'est pas un
faux". L'auteur, s'il accorde à G. Germain que le périple est
l'amalgame d'éléments hétérogènes, reconnaît en lui "deux
documents puniques différents, traduits en grec par deux
interprètes distincts" : "la première partie, constituée par les six
premiers paragraphes, est le récit de la fondation des colonies sur
la côte atlantique du Maroc... la seconde... le récit d'une
reconnaissance des côtes de l'Afrique tropicale et équatoriale",
expédition qui a pu être commandée, soit par Hannon, soit par un
autre amiral carthaginois. La véracité de ces relations lui paraît
confirmée par l'article de S. SEGERT, Phoenician background of
Hanno's periplus, Mélanges de l'Université St Joseph de
Beyrouth, XLV, 1969, pp. 502-518 qui fortifie la tradition selon
laquelle le texte grec est bien la traduction d'un original, ou
d'originaux phéniciens.
J. DESANGES demeure, quant à lui, fort prudent : "Sans
doute, reste-t-il permis de croire, écrit-il, au véritable voyage du
véritable Hannon, rapporté à l'époque mal définie (fin Vllè, Vie
siècle, précise-t-il, en note) où Carthage était au sommet de sa
puissance...", mais, ajoute- t-il, "on ne peut, au périple, arracher
son revêtement
l'inanité" (p. 85).grec,
Il insiste
sans surtout
en estomper
sur l'absence
les détours
d'unitéjusqu'à
de la
tradition : il a pu exister, dit-il, plusieurs sources dès l'origine
punique ; des éléments divers y sont incorporés "si bien que nous
ne pouvons discerner s'il s'agit d'un mélange originel ou d'une
contamination occasionnelle" (p.72). R. REBUFFAT, enfin
(D'un portulan grec du XVIème siècle au périple d'Hannon,
Karthago, XVII, 1976, pp. 139-151 et, tout récemment
Recherches sur le bassin du Sebou, II, Le périple d'Hannon,
BAM, XVI, 1985-1986, pp. 257-284) exprime clairement ce
qu'on peut tenir pour essentiel ; la version de Heidelberg dérive
d'un document original d'origine punique que par simplification il
appelle le Rapport d'Hannon, en continuant à désigner par Périple
d'Hannon, le texte de Heidelberg (1985-1986, p. 257).

Au problème de l'authenticité du périple, s'ajoute, pour


nous, celui de l'identification des "Lixites" cités par Hannon.
Pour bon nombre de commentateurs, pour St. Gsell en
particulier, Dessau (R.E., ???, col. 930) et G. Marcy, le Lixos
213

serait l'Oued Draa et les Lixites des nomades, vivant dans la


basse vallée du fleuve... Pour d'autres, au contraire (J.
Carcopino, G. Germain et G. Ch. Picard en particulier), il
s'agirait bien du fleuve Loukkos au Nord du Maroc et des
habitants de sa basse vallée. G. Ch. Picard en tire une conclusion
qui paraît logique : "Au temps d'Hannon, les Lixites étaient
encore nomades, mais amis des Phéniciens qui avaient fondé chez
eux, plusieurs siècles auparavant, un grand temple de Melqart"
(loc. cit., p. 57). Il n'est pas certain que même en ce qui
concerne l'établissement de Lixos - par opposition au sanctuaire
plus ancien - on soit obligé d'adopter une date aussi basse : la
reconnaissance d'Hannon est, en tout état de cause, plus
ancienne : Vllème siècle pour J. Desanges, Vlème siècle pour
R. Rebuffat. G, Ch. Picard propose d'ailleurs de situer Le
périple d'Hannon, après l'évacuation de Mogador par les
Phéniciens (v. 500) et avant la fondation de Lixos (Vie et mort de
Carthage, Paris, 1970, pp. 96-97) qu'il place au IVème siècle.
A ce problème de l'identification des Lixites J. Carcopino
imagine une solution ingénieuse : "Si Hannon revenait sur la
terre, écrit-il, il se frotterait sans doute les mains de voir comme
l'érudition la mieux armée a trébuché dans ses panneaux, et
consenti, par égard pour lui et ses fausses confidences, à
transférer à l'Extrême-Sud du Maroc un fleuve dont le nom n'a
pour ainsi dire pas changé dans l'antiquité, l'Oued Loukkos, qui
coule 1000 kilomètres plus au Nord, et les habitants de cette
vieille ville phénicienne de Lixos dont les ruines sont à
Tchemlich,
espagnol" (op.
prèscit.,
de p.
Larache,
85). Ainsi
les les
plus
nomades
célèbresévoqués
du Maroc
par

Hannonetseraient
Lixos" Hannon"les
"aussi
Numides
bien pour
bergers
ne point
et sujets
partager
des Phéniciens
sa gloire que
de
pour cacher ses arrière-pensées" (op. cit., p. 89) aurait tenté de
donner le change sur la côte libyenne, déjà pénétrée, à haute
époque, par les Phéniciens. Cette théorie, pour séduisante qu'elle
soit (elle permet en effet à l'auteur de trouver une solution à bon
nombre de contradictions auxquelles se heurte toute tentative
d'explication du périple) n'a que le défaut de reposer sur toute
une série de présomptions et malheureusement aussi sur celle
qu'elle voudrait démontrer : la présence ancienne - reconnaissons
le désormais fort vraisemblable - des Phéniciens à Lixos.
Il reste que, si l'hypothèse, "longue" d'un périple
conduisant Hannon dans les profondeurs de l'Afrique tropicale
ou même équatoriale conserve quelques défenseurs (cf. J.
RAMIN, Le périple d'Hannon; Apports de la littérature et
hypothèses, Latomus, 1976, pp. 791-804 et Le périple
214

d'Hannon, BAR, Supplementary séries 3, 1976), on admet


généralement que les six premiers paragraphes de la version de
Heidelberg concernent bien la côte marocaine jusqu'à Lixos, l'île
de Cerné étant, dans ce cas de figure, la Dzira Sidi Youssef
située dans l'embouchure de l'Oued Sebou : le Chrètes d'Hannon
(Cf. R. REBUFFAT, loc. cit., 1985-1986).
Cette interprétation, corroborée par les différents textes
anciens qui nous informent de cette côte, nous autorise à voir
dans le "rapport d'Hannon" (pour reprendre la distinction établie
par R. Rebuffat) le témoignage authentique d'une reconnaissance
punique, et dans les Lixites, les indigènes du pays du Loukkos.
DEUXIÈME PARTIE

HÉRACLÈS

ET LE MODÈLE ABSENT

DE LA CITÉ
217

La conquête des boeufs de Géryon, la quête des pommes d'or


des Hespérides, par un héros qui bientôt épousera, sinon la
princesse, du moins la déesse et, ce faisant, recevra, mieux qu'un
royaume : l'immortalité bienheureuse... autant d'éléments
susceptibles de justifier la théorie de Jan de Vries pour qui s'impose
la solidarité de structure entre mythe, saga et conte (1)... autant de
raisons qui paraissent également légitimer un traitement du mythe
grec analogue à celui qu'appliqua, il y a près d'un demi-siècle,
Vladimir Propp au conte folklorique russe (2).
On pourrait ainsi isoler ces "fonctions" du héros, considérées
depuis lors comme unités constitutives du récit et retrouver, dans l'un
et l'autre des deux épisodes qui nous intéressent, le voyage vers un
au-delà merveilleux, la quête de "l'objet" (pommes d'or ou
troupeaux) non moins merveilleux, la lutte contre le monstre qui, si
elle n'intervient que de façon supplétive dans la légende des
Hespérides, forme le coeur de celle de Géryon.
On pourrait, plus logiquement encore, choisir la réinterprétation
théorique que, dans le prolongement des suggestions de Claude
Lévi-Strauss, donne A.J. Greimas de la formule canonique de
Propp ; reconnaître dans les travaux d'Héraclès le redoublement
significatif qui
actantiels" de peuvent
la séquence
faire"épreuve"
oublier aux
et construire
littéraires les
cesfrustations
"schémas
qu'apparemment entraîne le maniement d'une matière longtemps
irréductible à la logique mathématique (3).
Mais, s'il n'est pas sans intérêt de souligner que le mythe
d'Héraclès, tout fortement intégré qu'il soit encore au monde du
divin, peut s'insérer pourtant dans le cadre de ces grands modèles
classificatoires construits à partir du conte populaire, si la "mise en
218

formule" loin d'être pur sacrifice à une mode du moment peut aider -
nous le verrons - à l'étude des transformations du mythe, il reste que
ce qui confère au récit son originalité - et par là son intérêt pour
l'historien -, ce n'est pas l'universalité des thèmes, mais bien plutôt la
représentation précise que s'en sont donnée les Grecs.

"ritualiste"
Vladimir
de Paul
Propp,
Saintyves
dès 1946,
(4), vu
avait,
dansdéveloppant
les contes populaires
l'hypothèse
le
souvenir d'anciens rites initiatiques (5). Si le conte "reprend" ainsi, et
"prolonge l'initiation au niveau de l'imaginaire" (6), le mythe est,
quant à lui, plus proche encore de ce qui, peut-être, lui a donné
naissance.
De ces "épreuves" d'Héraclès aux confins du monde habité
qu'a retenu la cité grecque ? Nous avons cherché à retrouver si, dans
le culte rendu à Héraclès (et par quoi il se distingue, essentiellement,
du héros du conte populaire), quelque chose subsistait de la fonction
primitive... Nous avons cherché aussi -et, poursuivant notre
démarche récurrente, c'est par là que nous commencerons - à
comprendre ce qu'était devenu, pour les Grecs, ce voyage vers
l'Ouest, voyage dont Apollodore conserve probablement la forme
archaïque lorsqu'il montre le héros forçant Hélios à lui prêter son
dépas, cette coupe d'or dans laquelle il traverse, chaque nuit,
l'océan,... voyage progressivement chargé de toutes les
connaissances, de toutes les expériences, de tous les désirs aussi de
ceux qui, au cours des temps, se sont raconté cette histoire (7).
219

Fig. 22 : Héraclès dans la coupe du Soleil

Coupe de la manière de Douris, provenant de Vulci


(Musée du Vatican ; ARV2, 449).
D'après J. BOARDMAN, Athenian Red FigureVases,
The Archaic Period, Londres, 1975, n° 300.
221

HÉRACLÈS ARCHÉGÈTE

HÉRACLÈS ET LA COLONISATION (I) :

FIXATION ET ENRICHISSEMENT DU MYTHE

"Ainsi ontfait les dieux ;


Ainsi font les hommes"

Tatttirîya Brâhmana, IJ,9, (8)

"Toujours imaginer sera plus grand


que vivre."

Gaston Bachelard

Pour A. Schulten, nous l'avons vu, la légende d'Héraclès


s'enrichit de trois nouveaux exploits quand les Phocéens arrivent
à Tartessos (9), et pour P. Laviosa Zambotti, la lutte du héros
contre Géryon traduirait, précisément, les rapports primitivement
hostiles entre ces mêmes Phocéens et les indigènes de ce véritable
El Dorado que fut, pour l'Antiquité, le sud de la péninsule
ibérique (10)... C'est cette même dépendance du mythe par
rapport à l'histoire de la Grèce que supposent également A.
Garcia y Bellido et H. Rolland, lorsque, préférant l'hypothèse
rhodienne, ils rapportent parallèlement la création des travaux
occidentaux d'Héraclès aux colonisateurs archaïques (11).
Nous l'avons dit, déjà, nous ne croyons pas que le voyage
d'Héraclès vers l'Occident soit né de la colonisation d'époque
historique, que sa lutte contre Géryon, sa quête de l'or des
Hespérides, soient le reflet des expériences des Grecs qui,
comme lui, ont un jour quitté leur pays. Hésiode, en effet, sait
que c'est "au-delà de l'illustre Océan" qu'il faut chercher le jardin
aux pommes d'or, "au delà de l'illustre Océan" également
qu'Héraclès s'est, dans leur parc brumeux, emparé des boeufs de
Géryon... Or le poète béotien, soucieux pourtant de conjurer la
"faim arrière", ne dit rien de ceux qui, dès son époque pourtant,
partaient chercher ailleurs les terres qui, chez eux, leur
manquaient ; il est plus étranger encore au monde de ces
222

commerçants lancés très tôt à la recherche des métaux qui


faisaient défaut à la Grèce.
Que le mythe, en revanche, ait été utilisé par ces mêmes
colons, que le héros soit devenu pour eux - et dans la mesure
même où il était censé avoir, avant eux, parcouru ces régions
éloignées - le paradigme de leur aventure occidentale, qu'ils aient
à leur tour fixé, précisé, enrichi, donné plus de sens - ou, nous le
verrons, un autre sens - à la geste héracléenne, nul ne s'en
étonnera : on connaît le succès du culte d'Héraclès dans les
fondations grecques ! Notre but n'est pas de refaire ici un
inventaire déjà réalisé pour la Grande-Grèce et la Sicile (12), pas
plus de reprendre, après Jean Bayet (13), les multiples légendes
qui conservent le souvenir du héros en ces mêmes lieux. Nous
aimerions, quant à nous, tenter d'éclairer cette double
transformation qu'imposèrent au mythe d'Héraclès les colons
d'Occident : son enrichissement d'abord, le renouvellement de sa
signification, ensuite, autour d'un héros devenu le dispensateur
de la culture.
Qu'Hésiode situe l'épisode de Géryon au-delà du fleuve
Océan ne signifie pas, bien sûr, qu'il en donne une localisation
précise... Qu'il imagine ces boeufs "à la démarche torse" et leur
monstreux gardien "dans Erythie qu'entoure les flots" (14)
n'autorise pas véritablement à supposer que le poète béotien
retrouve là le souvenir ancien, conservé dans la mémoire
collective, d'une île autrefois connue de ces Egéens dont on sait
parfaitement qu'ils hantèrent, dès l'âge du Bronze moyen, la
Méditerranée occidentale (15). Probablement, en effet, ne sait-il
de ces prairies "brumeuses" que leur localisation dans nie rouge,
Ille du couchant, près des rivages d'Océan. Et ce pourrait bien
être Stésichore qui, dans sa Géryonide, apporte la première
mention à proprement parler géographique, d'une terre du littoral
ibérique, située face à l'embouchure du fleuve Tartessos, le
Guadalquivir (16). Cette version - si l'on excepte quelques
traditions divergentes (17) - devait fixer définitivement le mythe
et, au début du Vème siècle, Phérécyde de Léros pouvait affirmer
que l'Erythie d'Hésiode n'était autre que Gadeira (Gadès) (18) ;
"d'autres auteurs" précisant -selon Strabon - qu'il s'agissait d'un
îlot distant d'un stade environ de la ville et dont l'herbe possédait
la propriété enviable d'engraisser les troupeaux avec une
surprenante rapidité (19). Au Vème siècle, il ne fait ainsi aucun
doute que Géryon "avait sa demeure dans Ille que les Grecs
appellent Erythie, île située tout contre Gadeira, en dehors des
colonnes d'Héraclès, près des rives de l'Océan" (20).
Que la situation géographique de l'île de Géryon nous soit
223

ainsi transmise, pour la première fois par un Grec d'Occident


(Himère est une fondation secondaire des Chalcidiens) et ce dès
les premiers siècles de la colonisation (21), n'a rien de
surprenant. Stésichore a entendu, peut-être, raconter les exploits
du Samien Colaios qui, selon Hérodote, gagna Tartessos, alors
inconnue des Grecs et, après avoir franchi les colonnes
d'Héraclès rentra dans sa cité "avec les plus grands bénéfices
qu'aient réalisés jusqu'ici aucun des Grecs sur qui nous avons
des renseignements exacts" (22)... Sans doute aussi a-t-il eu
quelque écho des navigations phocéennes vers
l'Extrême-Occident et du "bon roi Arganthonios" si disposé à
aider les Grecs (23). N'a-t-il pas enfin profité des récits des
Phéniciens, dont la zone d'influence jouxte, précisément, la
colonie grecque d'Himère ? (24). Ainsi, quelle que soit l'origine
de leurs connaissances - et l'on s'accorde à penser qu'à cette
haute époque le détroit pouvait n'être pas aussi fermé aux Grecs
qu'aux temps de Pindare (25) - U paraît fortement vraisemblable
que les colons d'Occident soient responsables de la précision
géographique du mythe.
On peut supposer aussi -et l'existence même d'un poème,
celui de Stésichore, tout entier consacré au seul exploit contre
Géryon suffit à étayer l'hypothèse - que ces mêmes colons sont,
parallèlement, à l'origine des enrichissements apportés au thème
du voyage d'Héraclès vers l'Ouest.
Celui-ci est, avant tout, chez Hésiode, la quête d'un héros
"aux limites même du monde"... "aux frontières de la nuit" (26).
Le poète béotien ne dit rien de plus, mais, dès l'archaïsme, le
mythe paraît s'être calqué sur le trajet du soleil, puisque c'est à
Hélios que le fils d'Alcmène emprunte la coupe d'or qui
"lorsqu'il est couché, le transporte pendant la nuit avec ses
chevaux, à travers l'Océan, à l'endroit où il se lève" (27)...
tradition bien établie, puisqu'on la retrouvera, plus ou moins
transformée, jusque dans les versions tardives des mythographes.
Athénée dans les Deipnosophistes a conservé le souvenir
précis de ceux qui, dans leurs récits, firent allusion à cette
particularité du mythe : Stésichore, pour qui le soleil traversait
l'océan dans cette coupe et fut imité par Héraclès lorsque ce
dernier dut ramener les boeufs de Géryon (28), Pisandre qui,
dans le deuxième livre de son Héracléia (29), précisait que ce
Sénaç appartenait certes au Soleil, mais qu'il fut confié au héros
par Océanos lui-même (30), Panyasis pour qui, au contraire,
Héraclès reçut de Nérée la coupe dans laquelle il devait gagner
Erythie (31), Phérécyde, enfin, qui donnait la version la plus
complète de l'épisode dans le troisième livre de ses histoires et
224

mentionnait les tentatives d'Océanos pour faire chavirer le héros


en haute mer et les flèches qu'Héraclès dut feindre de décocher
contre lui pour rétablir le calme (32).
Dépas assez grand pour transporter le soleil et ses chevaux,
ou bien encore Héraclès et tout son troupeau !... Si Panyasis ne
traduisait pas -toujours selon Athénée- le terme par f???? (33),
on serait en droit de se demander s'il s'agit bien d'une coupe !
L'auteur de la Titanomachie mentionne, pour sa part, un
chaudron de cuivre, plus proche que le dépas de la "cuve" dans
laquelle voyage le héros des légendes indo-européennes du cycle
de l'ambroisie collectées par Georges Dumézil (34), plus proche,
peut-être aussi, de l'une des rares représentations qui nous aient
été conservées de cet esquif pour le moins original : celle que
Douris - ou quelque peintre proche de lui - a figurée sur une
coupe attique à figures rouges, très vraisembablement au début du
Vème siècle (35).
Apollodore - quant à lui - retrouve ce dépas. ..dépas qu'il
dit donné par Hélios dans des circonstances curieuses : le soleil
l'incommodant, Héraclès bande son arc contre le dieu, celui-ci,
admirant son courage, lui donne la coupe d'or (36) avec laquelle
il gagnera Erythie, avec laquelle également il reviendra - lui et
tous ses boeufs - à Tartessos.
La précision mérite qu'on s'y arrête : c'est à passer l'Océan
qu'a servi la coupe d'or du soleil. Ni Phérécyde -qui mentionne
simplement la traversée vers l'île de Géryon -ni les auteurs cités
par Athénée ne disent rien de plus.Ils restent, constatons-le,
près
' O?ea????
d'Hésiode
(37).
pour
La qui
navigation
Héraclèsdutua
héros
Géryon
ne concerne
p???? ???t??
pas la
Méditerranée, elle lui permet de franchir le détroit de Gibraltar
jusqu'aux côtes océaniques de l'Ibérie. C'est bien d'ailleurs pour
naviguer en ces zones dangereuses qu'un esquif aussi
merveilleux peut paraître indispensable, au delà de ces colonnes
que le héros a lui-même fixées, là où "il n'est pas aisé de pousser
plus avant"... "là où commence la mer inaccessible" (38).
? y a donc quelque arbitraire, pensons-nous, à opposer
trop fortement un état ancien de la légende dans lequel le voyage
vers l'ouest se résumerait à une traversée maritime dans la coupe
du soleil et une légende plus récente où le voyage merveilleux
serait remplacé par les longues pérégrinations du héros le long
des côtes africaines, ibériques, gauloises et italiques... Nul ne
peut affirmer que toutes les épopées perdues n'en disaient rien,
nul ne peut prétendre que la Géryonide, par exemple, ne
promenait pas le héros dans des régions devenues familières aux
Grecs d'Occident.
225

Est-ce un hasard si les premières rencontres du voyage


paraissent naître progressivement ? Si Eschyle, par exemple, est
le premier à mentionner le passage d'Héraclès chez les Ligyens,
(il faut entendre, bien sûr, les Ligures) avec cette légende
étiologique qui fait de la Crau l'oeuvre de Zeus, le résultat de la
pluie de pierres par laquelle il aida son fils bien-aimé à triompher
de ses ennemis ? (39). Si Hellanicos de Mytilène est le premier à
attester formellement du passage d'Héraclès par l'Italie et la
Grande-Grèce lorsqu'il ramenait les boeufs de Géryon vers
Argos, à raconter l'aventure du jeune veau s'échappant du
troupeau et rejoignant la Sicile à la nage, à jouer aussi des
rapprochements étymologiques (???t????? serait le nom donné au
veau par les Tyrrhéniens) pour expliquer le nom donné à l'Italie
(autrefois le seul Bruttium) ? (40)
En fait, quelques éléments de la légende occidentale
d'Héraclès paraissent, à certains indices, bien connus depuis
longtemps. Lorsque Pindare, dans la Xllème Olympique célèbre
Ergotélès d'Himère, il mentionne - après Ibycos de Rhégion
d'ailleurs (41) - ces eaux chaudes que "font jaillir les nymphes"
dans la cité du vainqueur (42). Il sait aussi qu'en Libye le héros
vint "provoquer Antée à la lutte, pour l'empêcher de couronner le
temple de Poséidon du crâne des étrangers" (43)... il connaît
donc, et Pisandre de Rhodes avant lui, ce thème du Barbare
xénophobe, châtié par Héraclès que Diodore, plus tard,
développera à plaisir.
Mieux encore, on sait, grâce à Pausanias, que, dans sa
Géryonide, Stésichore parlait de Pallantion, en Italie (44) -
Pallantion, le futur site de Rome où était établi Evandre, roi des
Arcadiens (45) - et, s'il faut attendre l'histoire annalistique
romaine pour que soit attestée la légende de l'Hercule romain - les
fouilles récentes de S. Omobono prouvent que c'est dès le Vlème
siècle qu'un culte lui fut rendu au Nord du Forum Boarium (46).
De cette geste occidentale d'Héraclès dont l'élaboration, peut-être,
fut moins tardive qu'on ne le pense habituellement, nous
aimerions analyser un épisode qui donne à voir l'enrichissement
du mythe par les colons occidentaux : la lutte de l'Alcide et
d'Eryx, ce roi indigène qui avait mis l'un des boeufs du héros
dans ses propres troupeaux.
Nous le ferons en comparant deux témoignages souvent
rapprochés et à juste titre, dans la mesure où ils prétendent
recueillir l'héritage mythologique des générations précédentes,
deux témoignages qui, nous le verrons, sont assez différents pour
permettre de mieux cerner ce problème de l'évolution, de la
transformation de la saga d'Héraclès.
227

PREMIER CHAPITRE :

RETOUR AUX SOURCES :


DIODORE ET APOLLODORE

Qu'une comparaison des témoignages de Diodore et


d'Apollodore soit légitime, nul n'en doutera. Précisons
simplement qu'à la Bibliothèque correspond une partie seulement
de l'oeuvre de Diodore : les livres 4, 5 et 6 que, dans la première
partie de sa Bibliothèque historique, l'auteur sicilien consacre
aux "Antiquités des Grecs".
Dans ces limites - qui sont celles de la mythologie ! - les
deux ouvrages ont d'ailleurs été, depuis longtemps mis en
parallèle. Dès 1887, par exemple, E. Bethe, dans une étude
consacrée à Diodore, relevait de nombreuses analogies entre les
deux auteurs (47). Le choix des mêmes grands mythes (ceux
d'Héraclès, des Argonautes, de Thésée paraissent dans les deux
cas privilégiés), les correspondances étroites de certains épisodes,
lui avaient même paru prouver que les deux oeuvres s'inspiraient
d'un même manuel mythologique. On a, de nos jours, abandonné
cette idée d'une source commune, mais les rapprochements
établis n'en demeurent pas moins pertinents.
Pour nous en tenir à l'exemple héracléen, les deux auteurs
consacrent au héros une très longue notice (48), et dans les deux
oeuvres la structure d'ensemble du récit est la même :
- Une première partie est (certes logiquement) consacrée à
l'enfance et à l'adolescence du fils adoptif d'Amphitryon.
- Mais le récit des travaux, qui vient ensuite, se termine par
l'apothéose d'Héraclès et paraît donc, à lui seul, constituer la
geste du héros.
- Or, ce récit est, chez Diodore comme chez Apollodore,
suivi des innombrables aventures qui jalonnent une vie, terminée
on le sait, par l'envoi de la tunique empoisonnée et la mort du fils
d'Alcmène sur le bûcher de l'Oeta. C'est donc comme une
seconde existence d'Héraclès qui est exposée dans cette troisième
partie de l'un et l'autre textes.
Cette division artificielle - mais qui a le mérite de concilier
les traditions multiples - témoigne sans aucun doute d'un effort
de classification, d'ordonnancement qui ne peut être l'oeuvre
d'un poète, mais bien plutôt celle d'un mythographe, ou de
mythographes - c'est plus vraisemblable - antérieurs, en tout état
228

de cause, à Diodore comme au pseudo-Apollodore. Il semble


même que cette structure puisse remonter à l'un des premiers
mythographes, Phérécyde de Léros, plus souvent dit d'Athènes
puisque c'est dans cette ville qu'il finit par s'installer. Phérécyde
avait, au début du Vème siècle, écrit des Généalogies , un
ouvrage en dix livres qui accordait une grande place à Héraclès.
On sait qu'au livre ? appartiennent les fragments conservés se
rapportant aux "travaux"; au livre III, en revanche, ceux qui
retracent les autres aventures du héros. Il se pourrait donc, que,
pour ce qui est de la structure générale du récit, Diodore et
Apollodore soient tributaires de cette source commune.
Ils en sont sans doute très proches, également, dans la
troisième partie de la vie d'Héraclès, car c'est là que leurs textes
offrent les plus grandes ressemblances : l'épisode du meurtre
d'Iphitos, par exemple, et l'esclavage chez Omphale qui en est la
conséquence sont, nous y reviendrons (49), présentés de façon
fort voisine. Or on sait qu'ils avaient été contés par Phérécyde
(50) et on pourrait avancer bien d'autres correspondances (51).
"travaux"
En revanche,
- dont on neilpeut
apparaît
mettre que
en doute
lorsqu'ils
qu'il forment
rapportent
le coeur
les
de la légende héracléenne - les deux auteurs s'éloignent,
considérablement ; leurs sources paraissent beaucoup plus
variées que ne le pensait E. Bethe et l'utilisation qu'ils en font -
c'est peut-être là surtout que se situe le problème - fort différente.
C'est donc à mieux connaître tout à la fois les sources et le projet
d'ensemble des deux auteurs qu'il nous a paru nécessaire de nous
attacher.

1-1 Notre intention n'est nullement de refaire ici une


Quellenforschung en question depuis la fin du XIXème siècle
(52), mais de cerner de plus près, à propos de Diodore et
d'Apollodore, le problème de l'utilisation de sources qui, parce
qu'elles apparaissent toutes deux comme relativement tardives,
parce qu'elles utilisent une tradition non seulement longuement
établie, mais déjà recueillie, fixée et dans une certaine mesure
normalisée par les Alexandrins, pourraient passer pour
relativement interchangeable.
Diodore de Sicile est, pour sa part, facile à situer. Né vers
90 à Agyrion, en Sicile il vivait, comme l'affirme une notice de
Suidas "sous Auguste et auparavant" (53). Lui-même, se donne
d'ailleurs, comme contemporain de Jules César. Sa Bibliothèque
Historique, à laquelle il dit avoir travaillé près de trente ans (54),
229

a dû paraître peu après le milieu du premier siècle avant notre ère.


Le problème posé par la Bibliothèque, est malheureusement
plus complexe : Apollodore d'Athènes, à qui elle fut longtemps
attribuée vivait au second siècle avant J.-C. Il était l'auteur de
traités variés, mais surtout de deux ouvrages qui probablement
expliquent qu'on l'ait crédité aussi de celui qui nous intéresse :
une chronique rimée des événements de la guerre de Troie à son
époque (???????) et une histoire des dieux (pe?? ?e??) en
vingt-quatre livres (55). La Bibliothèque, qui cite des sources
largement postérieures (Castor de Rhodes, par exemple,
contemporain - lui aussi - de Jules César), ne peut, bien sûr, pas
être son oeuvre : Cari Robert, en 1873, l'a prouvé et, depuis la
dissertation qu'il lui a consacrée, c'est son opinion qui prévaut :
l'ouvrage serait une compilation de seconde main qu'il faudrait
dater des premiers siècles de l'Empire, du second siècle de notre
ère, admet-on généralement
A cette époque, en effet, le déclin de la culture grecque
aurait suscité le besoin d'un manuel qui rassemblât toutes les
données de la mythologie et en particulier les généalogies divines
et héroïques, un manuel que pût consulter sans trop d'efforts un
public en mal "d'érudition expéditive" (56). C'est sa commodité,
plus que ses qualités propres qui expliquerait que l'ouvrage nous
ait été conservé : il fut très vite, en effet, largement utilisé par les
scholiastes qui, parfois, en reprennent des passages entiers (57).
Nous avons dit, déjà, la nécessité, pour utiliser les sources
sans faire violence à l'Histoire, de replacer ces dernières dans leur
contexte chronologique. Dans ces deux siècles qui - selon
l'opinion courante - sépareraient Diodore et Apollodore
trouverons-nous l'explication du décalage qui, nous venons de le
voir, individualise leurs deux témoignages ? Nous n'en croyons
rien, pour deux raisons essentielles : l'une, sur laquelle nous
reviendrons, tient au caractère finalement arbitraire - il nous
paraît tel, en tous cas - de la date traditionnellement assignée à la
Bibliothèque, l'autre - plus fondée encore - tire son existence
dans cette nécessité que nous affirmions de replacer ce qui, dans
une oeuvre, concerne l'objet précis de notre étude au sein d'un
ensemble dont on ne saurait l'extraire sans en fausser le sens.
Nous ne pourrons donc valablement comparer nos deux sources
qu'en ayant pleine conscience du "projet" qui sous-tend l'une et
l'autre (58).
230

1-2 Dans une certaine mesure les intentions de Diodore et


celles de l'auteur de la Bibliothèque, sont les mêmes : réunir en
un seul ouvrage quantité de connaissances qu'on devait, avant
eux, aller chercher dans des ouvrages variés. Photius, ce
patriarche de Constantinople qui, au IXe siècle, eut entre les
mains une copie de la Bibliothèque, nous a laissé, sur ce point un
commentaire fort précieux : l'ouvrage, dit-il, est essentiellement
un résumé et il est, de ce fait, très utile à qui veut connaître les
choses de l'Antiquité, il est un moyen "d'avoir en mémoire les
vieux récits" (59).
Après avoir précisé le sujet de l'ouvrage : "les Antiquités
des Grecs et ce qu'ils croyaient quant aux dieux et aux héros", il
en précise les limites : la guerre de Troie et les errances des
guerriers à leur retour, en particulier celles d'Ulysse avec qui
finissait ce récit sur l'Antiquité (On sait que l'ouvrage, tel qu'il
nous est parvenu, se termine brutalement à l'histoire de Thésée,
le reste n'étant conservé que par un épitomé ).
Photius, surtout, reproduit une épigramme qui figurait,
dit-il, au début de la Bibliothèque, et qui a effectivement de fortes
chances d'être authentique : adresse au lecteur, elle définit
l'ouvrage comme capable de lui assurer sa connaissance du
passé. Plus besoin, avec la Bibliothèque, de lire Homère,
l'élégie, la tragédie, la poésie mélienne... autant de genres
littéraires, autant de sources directes que l'auteur prétend - parce
qu'il les a lui-même assimilées et rassemblées ? - remplacer.
C'est, dirons-nous, une véritable définition de l'oeuvre
mythographique qui nous est donnée là (60).
Or on peut trouver chez Diodore, dans son premier livre en
particulier, l'exposé d'intentions tout à fait semblables : il veut
réunir dans une encyclopédie la masse des faits qu'on avait, avant
lui, beaucoup de mal à recenser. C'est, dit-il, dans le but d'être
utile au lecteur qu'il a entrepris son ouvrage, et "parce qu'il n'est
pas facile de se procurer les livres nécessaires", ceux du grand
nombre d'auteurs qu'il faudrait parcourir, toutes ces versions si
diverses, si difficiles à comprendre et à assimiler (61).
C'est donc, comme Apollodore, une somme que Diodore
entend présenter à ses lecteurs et cette somme dépasse,
estime-t-il, toute tentative de même nature entreprise avant lui.
Très peu de ses prédécesseurs, en effet, ont osé affronter
l'histoire universelle ; ceux qui s'y sont essayés ont, ou bien
négligé la chronologie, ou bien passé sous silence les faits et
gestes des Barbares ; d'autres ont écarté le récit des temps
mythiques ; aucun encore n'a dépassé l'époque des rois
231

macédoniens (62).
Lui, au contraire, traite de tous les siècles et de tous les
aspects de la connaissance. Ses six premiers livres retracent "les
événements fabuleux antérieurs à la guerre de Troie" (trois sont
consacrés aux "Antiquités" des Barbares, les trois autres à celles
des Grecs) ; puis, dans les onze livres suivants il expose
l'histoire générale depuis la Guerre de Troie et jusqu'à la mort
d'Alexandre ; les vingt-trois derniers livres, enfin, présentent
l'histoire la plus contemporaine et ce jusqu'au début de la guerre,
menée contre les Celtes par Jules César (63), jusqu'à son époque,
donc.
Synthèses des connaissances, telles veulent être ces deux
oeuvres, et ceci au service d'un public très large : "les jeunes
gens et vieillards, les simples particuliers comme les chefs" dit
Diodore (64) qui, plus souvent encore, parle de "l'humanité", des
"hommes en général", voire du "genre humain" (65). Apollodore,
s'il est moins explicite, ne paraît pas non plus s'adresser à un
cercle restreint. Photius, par exemple, l'oppose à Conon dont il
vient de résumer les Narrations qui, dit-il, "ne sont pas à la
portée de tous" et l'hypothèse de M. van der Valk ne paraît qu'à
demi convaincante qui suppose qu' Apollodore a rédigé sa
Bibliothèque à l'intention des enfants et pour l'école (66).
Comme C. Robert, mais en appuyant sa démonstration sur
d'autres passages de l'ouvrage (67) M. Van der Valk, en effet,
cherche à prouver que c'est une version expurgée de la
mythologie qu' Apollodore voudrait présenter... sans toutefois y
parvenir absolument, reconnaît-il d'ailleurs. Et c'est
probablement parce que sa démonstration ne le convainc
qu'imparfaitement qu'il doit conclure que la mythologie est un
domaine dans lequel il est bien difficile de préserver la décence !
(68) Remarquons simplement, pour notre part, que l'Héraclès
d'Apollodore reste plus proche du héros brutal et vigoureux
d'Homère que du parangon de vertu qu'il était devenu à la fin de
l'hellénisme et que la Bibliothèque ne s'inspire guère - nous y
reviendrons - de certaines sources qui "moralisaient" Héraclès,
alors même que son auteur les a, nous le savons, utilisées (69).

1-3 Mais, s'il n'y a, pensons-nous, aucune raison


véritable de dire qu'Apollodore, aussi bien que Diodore se soient
adressés à un public particulier, si tous deux ont écrit pour mettre
à la disposition de leurs lecteurs des connaissances jusque là fort
dispersées, le but recherché paraît, pour l'auteur de la
Bibliothèque, s'arrêter là. L'intention d'ailleurs n'est présente que
232

dans l'épigramme qui accompagne l'ouvrage. Celui-ci se


singularise en effet par l'effacement du narrateur qui n'intervient
que très rarement sous la forme du je ou du nous (qui associe le
lecteur) et 15 verbes seulement, pour l'ensemble du texte
marquent cette intervention (70).
Pour Diodore, au contraire - beaucoup plus présent dans
son oeuvre - la tradition légendaire n'est traitée que comme
introduction à l'histoire. Les récits mythologiques et
généalogiques qui, chez Apollodore se suffisent et constituent,
l'objet même du discours sont, en effet, dans la Bibliothèque
Historique, intégrés à un vaste projet (71), projet qui n'est pas
sans influence sur les formes mêmes de l'oeuvre, projet qui,
surtout, donne un sens au mythe.
En ce qui concerne les formes mêmes du discours, on ne
peut manquer d'être frappé par l'effort que fait Diodore pour lui
donner un cadre chronologique, mieux, pour tenter, dans la
présentation de son histoire universelle, d'accorder entre eux les
différents systèmes chronologiques en usage à son époque chez
les Grecs comme chez les Romains. Dès l'abord il se place sous
l'autorité d'Apollodore d'Athènes pour compter quatre-vingts ans
de la prise de Troie au retour des Héraclides (72), puis il calcule,
d'après les règnes des rois de Lacédémone, les trois cent
vingt-huit ans qui, selon lui, conduisent à la première Olympiade
(73)... etc.. Ce souci qui pousse l'auteur sicilien à utiliser - au
mépris parfois de la cohérence interne, lorsque ses sources se
contredisent - les jalons chronologiques les plus variés n'est pas
absent de la partie proprement mythologique de l'oeuvre, même si
Diodore reconnaît, à ce sujet, qu'il ne peut fixer aucun ordre
précis aux événements antérieurs à la guerre de Troie faute de
sources dignes de foi (74). n n'en cherche pas moins à laisser à
son lecteur un fil conducteur qui lui permette de mettre en rapport
les grandes gestes héroïques qu'il retrace.
Ce même souci chronologique est sensible encore au niveau
de ses sources. Bien sûr, comme Apollodore, il cite les poètes,
mais la grande poésie épique et généalogique semble pour lui se
limiter à Homère et à Hésiode, parfois cités ensemble comme la
source de tout discours mythique (75), Hésiode plus rarement
évoqué seul (76), Homère beaucoup plus fréquemment (77).
Point n'est besoin, d'ailleurs, de dire son nom, il suffit de le
donner comme
poètes" (78), "le"le
plus
plus
célèbre
ancien
despeut-être
poètes deettoute
le plus
la Grèce"
vénéré (79)
des
ou plus simplement encore - ce qui en dit long sur son
importance aux yeux de Diodore - "le poète" (80). Pour qui
aurait quelque inquiétude quant à l'identification, une citation de
233

la Nekyia dans un cas, de Ylliade dans l'autre (VII, 321) ne


laissent aucun doute. C'est bien Homère qui, pour Diodore (et
nous verrons qu'il n'en est pas tout à fait de même pour
Apollodore) représente, à lui tout seul, la poésie épique, et
pourrait-on dire sans trop d'exagération, la poésie dans son
ensemble.
En effet, si Alcman est mentionné (81), s'il est - très
rarement - fait allusion "aux Tragiques" - essentiellement
Carcinios (82) et Euripide (83) - et si ceux-ci lui paraissent se
signaler par la fiction dont ils ornent le mythe (84), il se réfère
beaucoup plus souvent "aux mythographes", voire "aux plus
anciens mythographes" qu'il cite peu volontiers d'ailleurs (85).
L'un d'entre eux cependant mérite une mention spéciale ; c'est,
très vraisemblablement, la plus récente de ses sources : "Denys,
qui a écrit l'histoire des Argonautes, de Dionysos et de toutes les
choses les plus mémorables de l'Antiquité" (86).
Mais les grandes références de Diodore sont autres et ce
même dans ses six premiers livres auxquels, nous le répétons,
nous limitons notre étude : ce sont ces grands voyageurs qui
parcoururent le monde grec et s'aventurèrent chez les Barbares et
qui, tels Hécatée (87) ou Hérodote (88), firent naître le genre
historique ; ce sont encore ceux qui, tels "Clitarque et quelques
autres... suivirent Alexandre en Asie" (89). Ce sont des
compilateurs enfin, comme Artémidore d'Ephèse (90) ; ou bien
encore ce sont des "savants" comme Démocrite (91) Anaxagore
(92) ou Oenopide de Chios (93).
Ce sont, enfin, plus simplement des historiens. Encore
faut-il remarquer que, négligeant Thucydide et Xénophon,
Diodore paraît leur préférer Ephore "qu'il tente de suivre autant
que possible", avoue-t-il (94), ou encore les contemporains de ce
dernier : Callisthène et Théopompe (95). Sur des points
particuliers il aime faire appel à des spécialistes : il se réfère, par
exemple, à "l'autorité des plus célèbres historiens de la Crète"
(96).. .peut-être Dosiade et Sosicrate, cités un peu plus loin (97),
ou encore Laosthenidas, qui pour nous n'est guère qu'un nom
(98)... Il cite Zenon, "l'historien de Rhodes" (99), plus souvent
encore Agatharchide de Cnide (100) pour tout ce qui concerne
l'Egypte et l'Ethiopie ; Ctésias de Cnide, surtout, lorsqu'il
rapporte l'histoire des Assyriens (101). Enfin, s'il s'inspire
encore, pour l'Orient", de ceux qui suivirent Alexandre en Asie"
(102), il fait crédit, lorsqu'il traite des problèmes de l'Occident, à
Philistos et plus encore à Timée de Tauroménion (103).
? n'y a rien de très remarquable, évidemment, dans le fait
que Diodore, parlant d'Histoire, parle aussi des historiens ; ce
234

qui peut-être l'est plus, c'est la présence de ces mêmes historiens


dans les développements mythologiques de Diodore : ainsi dans
la longue notice consacrée à Héraclès, s'il évoque à plusieurs
reprises "les mythographes", seul de tous les poètes Homère est
cité (104), alors que le témoignage de Timée est requis par deux
fois (105). L'une des occurrences en particulier est révélatrice,
qui place l'historien dans son rôle de caution apportée au dire -
contestable - des mythologues (106).
Face à ces exigences - bien sûr relatives ! - on ne peut
manquer d'être frappé par l'indifférence totale d'Apollodore
quant à la chronologie. La Bibliothèque, en effet, déroule ses
généalogies non seulement sans souci de les replacer dans l'ordre
des temps, mais encore sans tenter de les situer les unes par
rapport aux autres. Elles ordonnent, certes, le schéma général de
l'ouvrage, mais ce souci de classement - dont la rigueur
d'ailleurs n'est pas parfaite, le livre ?? en témoigne ! - ne
débouche jamais sur une préoccupation "historique" : "Après
avoir fait le récit
d'Inachos" (107)...
de laainsi
postérité
débute
de Deucalion,
le livre ?je et
vais
lepasser
lecteur
à celle
qui

aimerait établir quelques concordances entre les grandes familles


de la mythologie des Grecs est, il faut le dire, bien peu aidé !
Indifférence à la chronologie... indifférence à l'histoire
d'une façon plus générale ! On s'en aperçoit, lorsqu' Apollodore
cite les auteurs ou les oeuvres qui lui servent de références. Pour
lui la mythologie est, avant tout, l'affaire des poètes et des
mythographes (108). Les historiens - ceux que nous connaissons
en tout état de cause ! - ne sont jamais cités. Seuls sont nommés
d'obscurs érudits locaux : le Thessalien Philocratès, par
exemple, à propos de la généalogie de Patrocle (109) ou le
mystérieux Mélésagoras (ou Amélésagoras) appelé à témoigner au
sujet de ceux qu'Asklépios, un jour, ramena à la vie (1 10).
Cette absence des historiens, dans la Bibliothèque, a été
jugée tellement surprenante qu'on a pu imaginer - pensant à
Hellanicos - que, s'il n'était pas cité, c'était par une sorte de
coquetterie d'auteur soucieux de dissimuler une source qu'il
suivrait trop fidèlement (111)... supposition, il faut le dire, bien
peu compatible avec le caractère de l'oeuvre d'Apollodore !
Celui-ci, en effet, se soucie peu de l'histoire et ce n'est pas
en historien qu'il rapporte les traditions des Grecs. Celles-ci sont
multiples ? Qu'à cela ne tienne, il ne convient pas de choisir,
mais d'en livrer le plus grand nombre. Sa préoccupation majeure
n'est pas de donner la version la plus achevée - ou la plus
rationnelle -, mais bien plutôt la plus ancienne : le prouvent, au premier
chef ses sources avouées, le prouve aussi l'utilisation qu'il fait de
235

tel ou tel auteur, de telle ou telle oeuvre.


C'est ainsi qu'en tout premier lieu il évoque les grands
cycles épiques : l'Iliade et l'Odyssée, bien sûr ; mais Homère
n'est cité que 5 fois (1 12), ce qui peut surprendre, surtout si l'on
songe que, dans l'oeuvre de Diodore, il paraît, à lui tout seul,
résumer l'épopée. Chez Apollodore, figurent au contraire à ses
côtés nombre de poètes appartenant à la liste des aèdes et des
rhapsodes : Eumélos de Corinthe que les chronographes
situent - peut-être à tort - au VlIIème siècle ; Pisandre de
Camiros qui composa son Héracléia à Rhodes, au Vllème
siècle ; Asios qui, à la même époque sans doute, vivait à Samos
(113) ; Cercops de Milet, enfin, cité à propos de la légende d'Io
et d'Argos Panoptès, en référence donc à l'Aeginios qu'on lui
attribue généralement (114). Apollodore mentionne encore dans
sa Bibliothèque, mais de façon anonyme, la Thébaïde, l'un des
plus anciens cycles qu'ait connus la Grèce et VAlcméonide, plus
tardif, mais rattaché aux légendes thébaines (115), les Nostoi,
attribués par Proclus à Hagias de Trézène et généralement datés
du Vllème siècle, les Naupactiques enfin...
La poésie généalogique est, elle aussi, très sollicitée : c'est
d'ailleurs Hésiode qui arrive en tête des citations (14).
Acousilaos, avec dix occurrences, est, lui aussi, souvent cité, en
particulier lorsqu'avec la famille d'Inachos, Apollodore traite des
ancêtres des rois argiens, mais avec Acousilaos - qui écrit en
prose - nous avons déjà, en fait, l'un des plus anciens
mythographes de la Grèce (1 16).
Pour en terminer avec la poésie, les auteurs lyriques sont
plus rarement mentionnés avec Stésichore (2 occurrences)
Pindare (1) et Télésilla (1) plus connue comme héroïne d'Argos
que comme poétesse (117). Quant aux "Orphiques" ils sont cités
sans précision d'auteurs. Il est vrai qu'à l'époque d'Apollodore
déjà, le recueil qui rassemblait leurs oeuvres pouvait apparaître
comme complexe !
La tragédie fournit de même assez peu de références :
quatre d'entre elles concernent nommément Euripide, qui de
surcroît, se cache
"tragiques" et paraît
par ainsi
deux particulièrement
fois sous le terme
apprécié
général par
de

Apollodore (118).
La poésie hellénistique, enfin, est très peu sollicitée et, si
l'on excepte une référence aux Argonautiques d'Apollonios de
Rhodes, on s'étonne de trouver, plutôt que les grands noms de
l'époque, des auteurs moins connus de nous comme Asclépiades,
sans doute l'un des premiers représentants de l'élégie et de
l'épigramme alexandrines, puisque Théocrite le reconnaissait
236

comme un maître (119) ou Démarate, auteur d'un Roman des


Argonautes dont, à vrai dire, on sait fort peu de choses (120).
Beaucoup plus qu'aux poètes - exception faite, nous
l'avons vu des grands cycles épiques et des généalogies
mythiques - ce sont - fort logiquement d'ailleurs - les
mythographes qu' Apollodore reconnaît le plus volontiers. C'est
particulièrement vrai pour les plus anciens d'entre eux : nous
avons évoqué, déjà, le cas d' Acousilaos ; Phérécyde de Léros -
ou d'Athènes - apparaît plus souvent encore dans le texte de la
Bibliothèque (121) ; Hérodore et Panyasis sont moins souvent
évoqués (respectivement deux et trois fois) (122). Quant à Denys
et Mytilène, surnommé "Bras de cuir" qui, grâce à la Bibliothèque
d'Alexandrie, avait, avant Diodore et Apollodore composé une
véritable encyclopédie mythologique, ou à Castor de Rhodes, le
chronographe, ils ne sont cités qu'une seule fois (123).
237

TABLEAU II

AUTEURS ET OEUVRES CTTES


PAR APOLLODORE

Auteurs ou Références Nombre des


oeuvres Occurrences

HÉSIODE 1,74 * 1,8,4


1, 123 = 1,9,21

II, 2, » II, 1, 1
II, 5 (2) * II, 1, 3 (2)
II, 26 - H, 2, 2
II, 31 = II, 3, 1
Bouclier d'Héraclès II, 38 = II, 4, 2
(qui, on le sait,
n'est pas d'Hésiode)
III, 45 = III, 5, 6
III, 71 « III, 6, 7
III, 96 = III, 8, 1
III, 100 - III, 8, 2
III, 109 = III. 9, 2
III, 183 = III, 14, 4 1 4
PHÉRÉCYDE 1,25 - I. 4, 3.
1, 32 - I, 5, 2
1, 76 * I, 8, 5
1, 118 = I, 9, 19

II. ß «II, 1,3


II, 62 « II, 4, 8 *
II, 148 « II, 7, 5 *

* III, 3 = III, 1, 1
III, 24 = m. 4, 1
III, 25 = III, 4, 2
III, 70 = III, 6, 7
III, 100 = m, 8, 2
III, 158 = III, 12, 8 13
238

TABLEAU II (suite)

ACOUSILAOS 11,2 * H. 1. 1
11.5 H. 1.3
11,6 »11.1.3
11,26 » II. 2, 2
11,94 II, 5, 7

III, 30 * III, 4, 4
III, 96 - III, 8, 1
III, 133 m III, 11, 1
III, 156 * III, 12, 7
III, 199 « 111,15, 2 10
HOMERE 1,19 = I, 3, 5
II, 25 * II, 2, 1
11,31 = II. 3, 1

III, 3 = lll, 1, 1
III, 45 « III, 5, 6
EUMÉLOS III, 100 III. 8, 2
III, 102 III. 9, 1
III, 133 III, 11, 1

PANYASIS I, 32 1.5,2

III. 121 III, 10, 3


III, 183 III, 14, 4

EURIPIDE II, 11 -II. 1.4


III, 75 - III, 6, 8
III, 94 = III. 7, 7
III, 109 = III, 9, 2

Les Tragiques II, 3 II, 1,3


II, 23 II. 1.5
II, 25 II, 2, 1

ASCLÉPIADES II, 6 II. 1,3


III, 7 III. 1. 2

CEFOOPS II. 6 U. 1. 3
II, 23 II. 1,5

HÉRODORE I, 118 I. 9, 19
III, 45 III. 5, 6
239

TABLEAU II (suite)

STÉSICHORE III. 117 - III. 10, 3


III. 121 = III. 10. 3 2
L'auteur de 1, 76 - 1, 8, 5
L'ALCMÉONIDE

APOLLONIOS de 1. 123 * 1, 9, 21
RHODES
(Les ARGONAUTIQUES)

ASDS III, 100 » III, 8, 2

CASTOR
(TRAITE DES ERREURS
CHRONOLOGIQUES) 11,5 »11,1,3

DEMARATE I, 118 = 1, 9, 19

DENYS 1, 118 = I, 9, 19

MÉLÉSAGORAS III, 121 » III, 10, 3

Les Orphiques III, 121 » III, 10. 3

L'auteur des
NAUPACTIQUES III. 121 » III. 10, 3

PHILOCRATES III, 176 * III, 13, 8

PINDARE II, 38 = II, 4, 2

PISANDRE 1, 75 - 1, 8, 5

TÉLÉSILLA III, 47 = III, 5, 6

L'auteur des
NOSTOI II, 23 = II, 1,5

L'auteur de la
THÉBAIDE I, 74 = I. 8, 4

TOTAL 78
240

Cette simple énumération des sources avouées par


Apollodore laisse entendre que, contrairement à Diodore qui
s'inspire volontiers des auteurs - et en particulier des
historiens - relativement proches de lui dans le temps, l'auteur de
la Bibliothèque entend se référer aux versions les plus anciennes
du mythe. On se reportera au tableau III pour constater cette
prépondérance remarquable des auteurs ou des oeuvres de
l'archaïsme dans les discours rapportés : sur un total de 78
citations, 58 appartiennent à cette période (124).

TABLEAU 111 :L'HER1TAGE MYTHOGRAPHIQUE CHEZ APOLLODORE


DISCOURS RAPPORTES : CITATIONS D'OEUVRE S OU D'AUTEURS

- L'époque archaïque se prolonge au début


du Vème siècle

**f,itf,it, 5ii>i'îîi'TJ'i ?? L'époque archaïque se clôt avec la fin


du Vlème siècle

B ltn%
5 citations

archaïque
époque 43
58 classique
époque 27
12 alexandrine
époque 7 + Mél4sâgorôs _ ?8
241

Cependant, si Apollodore se donne manifestement comme


l'héritier des plus anciennes sources mythographiques, si près de
la moitié des citations se concentrent sur trois noms significatifs,
ceux d'Hésiode (14) de Phérécyde (13) d' Acousilaos (10), rien,
dans le discours, n'indique explicitement qu'ils soient investis
d'une autorité particulière : lorsqu'Apollodore, en effet, les
confronte à d'autres auteurs, aucun ordre préférentiel ne permet
d'affirmer qu'ils soient privilégiés ou emportent la décision.
Accumulation, juxtaposition de variantes, ces informations
ainsi sorties de l'anonymat de la Bibliothèque paraissent être le
simple écho d'une tradition mythique multiple qu 'Apollodore aide
simplement à garder en mémoire et ne cherche en aucun cas à
transformer en version officielle. Peut-être faut-il prendre garde,
cependant, que, replacées dans leur contexte, de telles
confrontations apparaissent soudainement bien futiles, ou, en tout
état de cause, de bien peu de poids dans le récit : affaires de
chiffres parfois (nombre des enfants de Niobé, nombre de
vaisseaux emmenés à Troie par Héraclès), affaire de noms
surtout, (noms d'épouses, de parents ou d'enfants dans les
généalogies... noms de meurtriers ou de victimes). Très
rarement, les divergences portent sur l'ensemble d'un épisode et,
à cet égard, les interrogations d'Apollodore sur la participation
d'Héraclès à l'expédition des Argonautes semblent bien faire
exception. D'une façon générale, lorsqu'Apollodore invite ainsi
ses devanciers à se prononcer, lorsqu'il oppose leurs
affirmations, ce n'est jamais pour modifier le sens du mythe... Et
il semble bien que ce témoin qui - à s'en tenir aux apparences du
discours - non seulement se satisfait de la pluralité des traditions,
mais, en refusant de choisir, creuse une forme de distance entre
son sujet mythique et lui-même, sache en fait préserver, sur
l'essentiel, la cohérence d'un mythe dont le sens général n'est
pas, quant à lui, soumis à la discussion.
Mieux même, si le choix des auteurs qu'il avoue pour ses
sources est en lui-même révélateur par le souci qui paraît le sien
de retrouver les témoins les plus anciens du mythe, l'utilisation
qu'il fait de ces mêmes sources le montre en mythographe assez
éloigné de cette position de narrateur indifférent : la mise en
parallèle de la Bibliothèque et des fragments conservés
d'Hérodore est, à ce titre, du plus haut intérêt. Le mythographe
d'Héraclée est, nous l'avons vu, cité deux fois par Apollodore :
lorsqu'est évoquée la participation d'Héraclès à l'expédition des
Argonautes (125), dans le premier livre, et, dans le troisième à
propos des enfants de Niobé (126). Il est bien évident toutefois
que l'étude des discours rapportés ne peut, en aucun cas recouvrir
242

l'étude des sources, et que, dans ce cas précis, là ne se limitent


pas les emprunts d'Apollodore. n semble en particulier - pour
nous en tenir à l'exemple d'Héraclès - qu'Hérodore, auteur d'un
ouvrage sur Héraclès (127), ait inspiré le récit de la jeunesse du
fils d'Amphitryon, élevé auprès des troupeaux de son père
(128) ; il semble aussi qu'il ait lui-même beaucoup insisté sur le
rôle qu'à Olympie tient Héraclès, comme fondateur du culte
(129)... ce que, bien sûr, rien n'indique dans la Bibliothèque .
Inversement, qu'a retenu Apollodore du héros
d'Hérodore ? Rien, en tout cas, de ce qui faisait l'originalité de
cette conception fortement teintée de philosophie
(pythagoricienne, en particulier) (130), fortement marquée par les
préoccupations astronomiques (131) qui, chez son devancier
donnaient aux "travaux" un symbolisme particulier.
Manifestement Apollodore a opéré, non pas seulement au niveau
des auteurs et des oeuvres qu'il pouvait avoir à sa disposition,
mais au sein même des ouvrages qu'il consultait, une sélection de
l'information qui lui était proposée : manifestement les
interprétations "nouvelles" l'intéressent peu (nulle trace chez lui,
par exemple, d'évhémérisme) et, si Apollodore se veut l'héritier
des plus anciennes sources mythographiques, il semble bien
encore qu'il se fasse le propagateur de la conception la plus
archaïque, la plus traditionnelle qui soit de la mythologie.

C'est ce point - fondamental - qui nous paraît l'opposer à


Diodore... Ce dernier, certes, se fait un mérite d'inclure dans
son histoire universelle le récit des temps légendaires, mais n'en
est pas moins conscient de la difficulté d'une entreprise à laquelle
se sont refusés bon nombre d'historiens avant lui. Combien, en
effet, comme Ephore de Cumes, ont reculé devant ces écueils
qu'énumère complaisamment l'historien sicilien : l'éloignement
dans le temps qui rend le souvenir bien aléatoire, la variété et la
multiplicité des dieux, héros et hommes célèbres dont il faut
retrouver l'origine et, plus encore peut-être, - l'obstacle, dit-il, le
plus grand et le plus déconcertant - les fréquents désaccords
existant entre ceux qui ont raconté les actions et les mythes des
temps primitifs (132).
Il va plus loin dans la réflexion, ou, en tout cas, témoigne
plus précisément de son embarras, au moment où, avant
d'aborder le récit des hauts faits d'Héraclès, il éprouve le besoin
de le faire précéder d'une véritable mise en garde liminaire. Nous
nous permettons de traduire ici la majeure partie d'un texte, très
révélateur, pensons-nous, de l'attitude d'un Grec cultivé face aux
traditions de son peuple (133). Revenant sur les difficultés qui
243

guettent celui qui veut rapporter les anciens mythes, Diodore


estime qu'elles sont plus grandes encore lorsqu'il s'agit
d'Héraclès qui, par ses exploits, a surpassé tous les hommes de
son temps :
"Comme l'âge reculé et le caractère étrange de ces
récits rendent, pour beaucoup, les mythes difficiles à croire,
les auteurs sont obligés, ou bien de passer sous silence les
plus remarquables de ses hauts faits - et d'amoindrir ainsi
la gloire du dieu - ou bien, n'en omettant aucun, de rendre
le récit peu crédible. Car certains lecteurs, injustement,
exigent la même exactitude dans le récit des vieilles
légendes et dans celui des événements de notre temps, et
ceux des travaux dont ils doutent, à cause de leur grandeur
même, ils les jaugent à l'aune de leur propre vie, de sorte
qu'ils évaluent la force d'Héraclès sur le modèle de la
faiblesse des hommes de leur époque" (134).
C'est ainsi le caractère exceptionnel, surhumain, des
travaux d'Héraclès qui fait naître le doute, mais, pour Diodore, il
ne convient pas d'appliquer au mythe "cette recherche
sourcilleuse de la vérité" (135).
"... En effet, au théâtre, nous savons bien que n'ont
existé ni les centaures à la double nature, ni Géryon au
triple corps et pourtant nous les accueillons favorablement,
et en les applaudissant, nous accroissons encore la gloire
des dieux. Il serait surprenant, en vérité, qu'alors
qu'Héraclès, lorsqu'il était encore parmi les hommes, a par
ses épreuves, apporté la culture à un monde inhabitable,
ceux-ci, oublieux des bienfaits qu'ils en ont tous reçus,
dénoncent les éloges que lui ont valus ses exploits ; (il
serait surprenant aussi) que nos ancêtres, d'un commun
accord lui aient, pour prix de sa valeur exceptionnelle,
accordé l'immortalité, et que nous, nous ne conservions pas
avec soin la vénération transmise par nos ancêtres"...
(136).
Une chose, donc, est la critique du mythe, autre chose est le
respect dû aux dieux (et aux ancêtres) et ce nécessaire respect fait
passer au second plan la recherche même de la vérité... "Adroite
candeur", estime P. Veyne, qui dans ce texte devine "la
coexistence non pacifique de deux programmes de vérité, dont
l'un était critique et le second respectueux" (137).
Ces "deux programmes", pour nous, trouvent leur unité
dans le sens même que Diodore entend donner à son ouvrage !
En effet, s'il entreprend, malgré ces difficultés dont il se dit
parfaitement conscient, le récit exhaustif des actions d'Héraclès
244

"selon le témoignage des plus anciens poètes et mythologues"


(138), s'il apporte tout son soin à retrouver les vieilles légendes,
c'est pour préserver, dit-il, le souvenir des hauts faits accomplis
par les héros et les demi-dieux (qu'il distingue soigneusement),
par les hommes aussi, lorsque, par leurs bienfaits à l'égard de
l'humanité, ils méritent d'être honorés par des sacrifices et des
offrandes, comme les dieux. La leçon du mythe est ainsi la même
que la leçon de l'histoire - nous y reviendrons - elle fait partie
de ce "trésor commun" que l'historien se doit de transmettre afin
d'être un guide pour les hommes d'aujourd'hui (139).
Dans cette optique - qu'on peut certes trouver douteuse,
mais qui est celle de tout son ouvrage - on comprend mieux que
la recherche d'une vérité trop rigoureuse ne soit pas nécessaire à
qui rapporte les mythes ; il lui arrive même, lorsque ceux-ci,
précisément, ne se moulent pas parfaitement dans le modèle qui
est
absurdes"
le sien, de
(140).
les qualifier
On comprend
"de fables
aussi
parfaitement
que les incroyables
variantes ne
et
l'importunent pas outre mesure et qu'il laisse souvent à son
lecteur le soin de choisir comme il l'entend la version qui lui
convient le mieux (141). Pour Diodore - qui en homme de son
temps a pris ses distances avec les vieilles traditions - la vérité du
mythe est ailleurs : la fable est à interpréter (142).
On croit savoir, d'ailleurs, sur quelles théories reposait cette
interprétation : il s'en expliquait, semble-t-il, dans son sixième
livre, en grande partie perdu, et approuvait - selon le témoignage
d'Eusèbe de Césarée - la doctrine d'Evhémère le Messénien
opposé à "Homère, Hésiode, Orphée et d'autres encore" qui
avaient imaginé, sur les divinités, des mythes où domine le
merveilleux. Diodore faisait sienne, en particulier, la distinction
entre des dieux "éternels et immuables" tels le soleil, la lune etc...
et les autres dieux dont il disait, comme Evhémère, qu'ils sont
nés sur la terre et que, "pour leurs bienfaits envers les hommes,
ils ont obtenu une gloire immortelle". A ce titre, bien sûr on
comprend "qu'Héraclès, Dionysos, Aristée et tous les autres qui
leur ont ressemblé", l'aient tout particulièrement intéressé (143).
Il est possible, d'ailleurs que, dans cette voie, Diodore n'ait
fait que suivre Timée de Tauroménion dont on sait qu'il fut, avec
Ephore, l'une de ses sources favorites (144). A en croire Polybe,
en effet, l'histoire de Timée est "remplie de songes, de prodiges,
de récits incroyables, en un mot de superstitions grossières et de
contes de bonnes femmes" (145). Or, le même historien sicilien
on le sait, donnait des mythes une interprétation rationnelle.
C'est, en tout état de cause, ce que tente de faire Diodore :
Si le mythe prétend que Dionysos est né de la cuisse de Zeus,
245

c'est parce que la contrée qui l'a vu naître s'appelait Méros et que
méros, en grec, signifie la cuisse ... De même les fameuses
pommes d'or des Hespérides pourraient bien n'être (par la vertu
d'un jeu de mot analogue sur le double sens de µ??a ) que de
vulgaires troupeaux de brebis ! (146). Autre procédé : si on a
pu raconter qu'Atlas avait chargé Héraclès du fardeau du monde,
c'est qu'en réalité il lui avait enseigné des connaissances
astronomiques (147)... Ainsi disparaît encore le monstre triple
d'Hésiode (et d'Apollodore !) : Héraclès, en fait, s'est battu en
combat régulier contre les trois fils de Chrysaor, un roi d'Ibérie
ainsi nommé à cause de ses richesses (148). D'une façon plus
générale, d'ailleurs, c'est à la tête d'une puissante armée que le
héros parcourut le monde "pour faire du bien aux hommes" et ce
sont les poètes qui, habitués "à raconter des merveilles", ont
prétendu qu'Héraclès avait exécuté seul et sans armes ses travaux
tant célébrés (149).
Rationalisation ou mystification ? Ce qui nous importe ici
c'est que le mythe, dépouillé "du merveilleux à l'ancienne", peut
désormais passer pour de l'histoire (150). Et nous retrouvons là,
la différence fondamentale entre Apollodore qui simplement
expose, raconte (ou résume) le mythe, se satisfait - et même
recherche - les versions les plus archaïques, refuse toute
interprétation nouvelle et Diodore pour qui le mythe doit se plier
au
"rhabillage"
projet historique
scientifique
qui l'habite,
ou pseudo-scientifique.
ce qui ne peut aller sans quelque

Dira-t-on qu'il y a, entre leurs deux discours toute la


différence que mettaient les Grecs entre le mûthos et le logos ?
Ce qui est sûr, c'est que Diodore veut convaincre. L'histoire pour
lui a une raison d'être : uprêtresse de toute vérité... métropole de
toute philosophie ", elle doit 'former les moeurs en vue du beau
et du bien " (151). Le modèle proposé, est, bien sûr, celui des
héros du passé, qui, comme Héraclès justement (ont) "supporté,
pendant tout le temps passé parmi les hommes des épreuves et
des dangers considérables et continuels de sorte que, pour (leurs)
bienfaits en faveur du genre humain, (ils) obtinrent l'immortalité"
(152)... Il est aussi "celui des hommes de valeur qui se voient
accorder les honneurs héroïques ou divins... et dont l'histoire
immortalise les nobles actions" (153).
"La vie d'un homme n'est qu'un moment de l'éternité,
l'homme passe et le temps reste " (154). Et c'est à faire revivre
les actes de ceux qui surent employer leur vie à de belles actions
que se consacrera Diodore, de sorte que celles-ci, "resteront
éternellement dans la mémoire, proclamées par la bouche divine
de l'histoire " (155).
246

Enoncé dès l'introduction du premier livre, ce thème se


retrouve, comme un leit-motiv tout au long de l'oeuvre. Et
toujours Héraclès est la référence obligée... En contre-point
d'ailleurs (à moins de penser qu'Héraclès n'est qu'un prétexte !)
un de ces "hommes de valeur" que la renommée arrachera à la
mort : "Caïus César divinisé par ses exploits"... C'est lui qui,
reprenant l'oeuvre d'Héraclès, réussit à réduire Alésia, fondée par
le héros, mais demeurée libre et imprenable jusqu'à ce qu'il la
soumette, avec le reste de la Celtique, à la puissance des Romains
(156)... C'est lui encore qui, alors que "ni Dionysos, ni
Héraclès, ni aucun souverain" n'avait jamais porté la guerre dans
"Ille Britannique", réussit à subjuguer l'île, dompta les Bretons
et les força à payer tribut" (157).
- G???? ?a?sa???- t?? d?a t? µ??e??? t?? p???e?? ?e??
p??sa???e??e?t??.
- G???? ?a?sa? 6 d?a ta? p???e?? ep???µas?e??- ?e??
Deux formules jumelles qui portent César au rang des
dieux, qui mettent le mythe au niveau de l'histoire. Notre
problème n'est pas ici de savoir ce que l'histoire peut perdre dans
l'aventure. En revanche, il nous importe de reconnaître ce qu'y
gagne le mythe (158) : un surcroît de sens - voire un nouveau
sens - et, puisque la "vérité" n'est plus en lui, nous l'avons vu,
mais dans la leçon dont on le fait porteur, nous savons désormais
en quel sens nous pouvons interroger le témoignage de Diodore :
non pas pour retrouver, dans les pages consacrées à Héraclès, le
souvenir du mythe primitif - ou du moins archaïque - celui que
précisément s'attache à restituer Apollodore -, mais bien plutôt
pour y lire les traces des dérivations imposées par l'histoire... Si
le détour a pu paraître long, il était, je pense, nécessaire.

Avant de retrouver Héraclès et ses fabuleux troupeaux sur


les routes siciliennes, tel que le donnent à voir Diodore et
Apollodore, il faut dire quelques mots encore d'une différence -
géographique celle-ci - qui contribue à individualiser le récit que
chacun d'eux fait de ce retour.
Nous avons souligné, déjà, la place que, chez Diodore,
occupe le dixième exploit d'Héraclès (159). Il est manifeste que
ce qui intéresse l'historien sicilien, ce sont les aventures
occidentales du héros et, s'il passe rapidement sur les travaux
proprement grecs, il donne aux deux dernières conquêtes
terrestres, à celles des boeufs d'Erythie surtout, de tels
développements qu'elles se transforment en véritable périple de la
247

Méditerranée occidentale, qu'elles prennent en charge, faut-il


ajouter également, toute la symbolique des "travaux"...

Apollodore, pour sa part est loin d'accorder une telle


importance à cet exploit, mais curieusement, chez lui aussi, un
épisode retient particulièrement l'attention : la recherche du
baudrier d'Hippolyte, la reine des Amazones (160). Sans
développer
"symétrique"unqu'il
récitparaît
qui neoccuper
nous intéresse
dans les que
préoccupations
par la position
de

l'auteur, il faut bien remarquer que les aventures d'Héraclès à


Paros, puis en Mysie, puis sur les bords du Thermodon où vivent
les Amazones, à Troie où le héros délivre Hésione du monstre
marin (161), à Thasos, à Thoroné enfin, dessinent elles aussi un
véritable périple, une sorte de geste de la Méditerranée orientale,
n faut bien remarquer encore que, chez Apollodore, c'est dans
l'Amazonomachie qu'Héraclès est donné comme héros voyageur
et - mais dans une moindre mesure, car le héros d'Apollodore,
proche encore de celui d'Homère reste assez brutal-civilisateur.

Cette prédominance de la Méditerranée orientale dans la


Bibliothèque n'affecte pas seulement la légende héracléenne. Elle
apparaît non moins clairement dans la fréquence avec laquelle
sont évoqués, dans l'oeuvre d'Apollodore, les pays non grecs.
Seuls pays occidentaux mentionnés : la Sicile, l'Etrurie, la
Sardaigne (avec respectivement 3, 2 et 1 occurrences), alors que
l'Egypte est citée 10 fois, la Libye 8 fois, etc.. (162).
L'Espagne, quant à elle, apparaît dans la mention de Gadès (II,
106) et Tartessos (II, 107 et ?, 109), à propos des aventures
occidentales d'Héraclès, précisément.
Sur ce point encore l'étude des discours rapportés - donc
de l'inspiration avouée - paraît d'une remarquable cohérence avec
l'ensemble du discours mythique :
Lorsqu'il parle de l'Inde ou de l'Ethiopie, Diodore utilise,
évidemment le témoignage de ceux que l'Antiquité considérait,
comme des spécialistes de ces régions : pour l'Inde,
Mégasthènes qui fut au service de Séleucos Nicator et inspira
aussi Strabon (163), pour l'Ethiopie, Agatharchide de Cnide
(164) etc.. Loin de moi, donc, l'idée de dire que Diodore se
refuse à utiliser les sources purement grecques ou
gréco-orientales, son admiration pour Ephore prouve le contraire
de même que le rôle considérable que tiennent, dans son oeuvre ,
ceux qui accompagnèrent Alexandre dans ses campagnes, ou
ceux qui, par la suite, furent les chroniqueurs de ses succès
248

(165). Il n'en est pas moins vrai que, dès qu'il touche à la
Méditerranée occidentale, son inspiration principale paraît bien lui
venir, pour l'essentiel, de Timée de Tauroménion, qu'il préfère,
de loin, à Philistos ou à Antiochos de Syracuse, et ce, nous avons
pu le constater, même lorsqu'il traite de sujets mythologiques.
Encore une fois Apollodore apparaît bien différent. La
représentation cartographique situant - autant que faire se
peut ! - les auteurs ou oeuvres mentionnés dans la Bibliothèque
est, sur ce point éloquente (166) : un seul occidental apparaît :
Stésichore d'Himère (2 citations), encore n'est-il pas nommé
au sujet de mythes occidentaux (167) ; tous les autres
appartiennent à la Grèce propre, égéenne ou asiatique. Pour la
période hellénistique on remarque l'importance de Rhodes
(Apollonios et Castor), l'importance aussi d'Alexandrie où ont
vécu, à un moment ou à un autre, non seulement Démarate (dit
d'Alexandrie), mais aussi Apollonios qui y fut bibliothécaire,
Denys de Mytilène et probablement Castor de Rhodes. S'il est
vrai - mais nous nous permettons d'en douter (168) -
qu'Apollodore appartient au second siècle de notre ère, cette forte
emprise d'Alexandrie, de sa Bibliothèque, conservatoire de la
culture grecque, ne laisse pas d'être étonnante. De tous les
auteurs cités par Apollodore, seul Castor de Rhodes
(contemporain de Cicéron et de Jules César) semble avoir été
attiré dans l'orbite de Rome (il aurait même été surnommé
"Philoromaios"). Encore une fois, le monde d'Apollodore est
bien différent de celui de Diodore qui dit avoir trouvé, grâce à sa
bonne connaissance de la langue latine, grâce aux rapports
fréquents qu'ont les Romains avec la Sicile, l'essentiel de sa
documentation à Rome (169).
On comprendra aisément, de surcroît, qu'il soit plus prolixe
qu'Apollodore lorsqu'il rapporte les aventures occidentales
d'Héraclès.
249

Fig. 23 : Auteurs et oeuvres nommés dans la Bibliothèque.


tentative de cartographie
251

DEUXIEME CHAPITRE :

HÉRACLÈS ET ÉRYX :
LE RÉCIT

Dans la légende constituée, la rencontre, en Sicile,


d'Héraclès et d'Eryx est l'un de ces "accidents" - liés à la
possession des boeufs de Géryon - qui jalonnent le retour du
héros depuis la lointaine Erythie jusqu'à Mycènes où il rapporte à
Eurysthée le bétail fabuleux. H convient donc, dans un premier
temps, de situer le récit dans ce contexte du voyage vers l'Ouest
que représente le dixième des travaux d'Héraclès tant pour
Apollodore que pour Diodore de Sicile.

2-1 Le voyage vers l'Ouest

Pour Apollodore, la quête des boeufs de Géryon (170)


n'est qu'un exploit parmi les autres, à ceci près qu'il aurait dû être
le dernier, si Eurysthée, disqualifiant deux d'entre eux, n'avait
pas imposé de surcroît la recherche des pommes des Hespérides
et la descente aux Enfers pour en ramener Cerbère. Erythie, but
lointain de l'expédition, est située, comme il se doit, en
Extrême-Occident, près d'Océan : 'O?ea??? p??s??? ?e?µ??? et,
comme l'avait fait déjà Phérécyde, Apollodore identifie l'île de
Géryon avec l'ancien comptoir phénicien de Gadeira (171).
Les protagonistes du drame sont sommairement décrits.
Géryon, le tricéphale d'Hésiode (172), est devenu - Stésichore,
déjà, l'avait ainsi décrit - un monstre triple : ses trois corps,
réunis seulement au niveau du ventre (?ast??), se séparent à
nouveau à partir du flanc et des cuisses (173). Ses boeufs sont de
couleur pourpre et Eurytion les garde, avec l'aide d'Orthos, le
chien à deux têtes qui, comme chez Hésiode, est né d'Echidna et
de Typhon (174).
Pour les rejoindre Héraclès traverse l'Europe... à moins
qu'il ne faille voir dans ce pays encore "sauvage" - c'est du
moins ce que propose F. Clavier (175) - l'île de
Crète ! Convenons que, si du point de vue stratégique, le point
de départ peut sembler meilleur, il ne s'impose pas par sa logique
(la Crète serait-elle plus "sauvage" que "l'Europe" ?) et que la
correction peut paraître inspirée surtout par le souci de faire
252

coïncider - mais le faut-il vraiment ? - le récit d'Apollodore et


celui de Diodore. Après l'Europe sont cités très rapidement la
Libye, Tartessos (et les deux colonnes plantées par Héraclès, en
mémoire de son voyage, aux limites de l'Afrique et de l'Europe)
et c'est, nous l'avons vu déjà, dans la coupe du Soleil que le
héros traverse l'Océan pour gagner Erythie, dans cette même
coupe qu'une fois sa mission accomplie, il regagne Tartessos
avec le troupeau que Géryon n'a pu retenir.
Le retour d'Héraclès est aussi rapide que son voyage aller.
Il traverse "le pays d'Abdère", en Ibérie selon toute
vraisemblance, (176), tue Ialébion et Dercynos, fils de Poséidon
à son passage en Ligurie (177), se rend en Tyrrhénie, et déjà il est
à Rhégion. C'est alors que l'escapade d'un de ses taureaux
conduit le héros à Eryx, seul épisode sicilien du retour. A peine la
bête est-elle récupérée qu'elle est conduite, avec les autres, "vers
la mer ionienne". Après de nouvelles difficultés en Thrace où
Héra a dispersé son troupeau et où le héros a maille à partir avec
le Strymon - une anecdote qui ne paraît être là que pour expliquer
comment le fleuve, autrefois navigable, est devenu
impraticable - Héraclès ramène celles des bêtes qu'il a réussi à
rassembler à Eurysthée. Elles seront sacrifiées à Héra. Les autres
resteront en Thrace et y retrouveront l'état sauvage.
Un périple circumméditerranéen, donc, aux étapes on ne
peut plus rapides : les seuls épisodes un peu développés sont
l'épisode de la coupe d'Hélios, où, comme chez Homère,
Héraclès affronte les dieux (178) et l'intermède sicilien où le
héros combat un roi indigène, fils de Poséidon. Dans le même
sens est mentionnée encore la lutte contre les géants ligures
(donnés eux aussi comme fils de Poséidon) et contre la nature
hostile du pays thrace (le Strymon).

Pour Diodore (179), c'est aussi sur les côtés de l'Ibérie,


baignées par l'Océan, que paissent les vaches de Géryon. Mais
l'ennemi s'est transformé : non plus un monstre triple, mais trois
guerriers "commandant trois armées séparées" (180). Ils sont fils
du roi d'Ibérie Chrysaor "ainsi nommé à cause de ses richesses"
(181). C'est donc à la tête d'une armée que les affrontera
Héraclès, qu'il soumettra l'Ibérie et emmènera "ces fameux
troupeaux de vaches"... Il n'y a plus place dans cette histoire
pour la descendance monstrueuse de Phorkys, Hésiode est bien
loin, de même que tous ceux qui, comme Stésichore,
mentionnaient le geste agressif du héros contre les dieux, Hélios
ou Océanos, et sa traversée magique dans le dépas du Soleil.
253

En revanche, le voyage s'est prodigieusement enrichi ;


c'est bien simple, Diodore, sur les pages qu'il consacre au récit
des travaux d'Héraclès en réserve la moitié à la seule expédition
contre Géryon. Le héros part de l'île de Crète, où il rasssemble
son armée (et purge Ille de ses bêtes féroces : ours, loups et
serpents), il relâche ensuite en Libye et, de la même façon,
"transforme la région en une terre fertile et prospère" ; c'est là
encore qu'il provoque en combat Antée "qui faisait mourir tous
les étrangers qu'il avait vaincus", là enfin qu'il punit de mort bien
d'autres despotes (182).
Le héros se rend ensuite en Egypte et tue le roi Busiris, qui,
comme Antée, "massacrait tous les étrangers arrivés dans le pays"
(183). Retraversant de part et d'autre la Libye, il fonde
Hécatompyle et, arrivé auprès de l'Océan qui baigne Gadès, il
élève deux colonnes sur les bords de l'un et l'autre continents"
(184). Ces colonnes sont certes, pour Héraclès, le souvenir
immortel de son expédition, mais elles font aussi partie de son
oeuvre d'ordonnancement du monde : ou bien elles marquent le
passage étroit laissé par le héros entre deux continents avant lui
trop distants ; ou bien au contraire elles témoignent du percement
du détroit par Héraclès. Diodore ne choisit pas entre ces deux
version de la tradition - chacun, dit-il une fois de plus, "est libre
d'adopter l'une ou l'autre de ces deux opinions" (185) ; il
rappelle simplement qu'en Grèce, déjà, Héraclès avait, de la
même façon, aménagé la nature.
Les fils de Chrysaor tués en combat singulier et l'Ibérie
soumise et "donnée aux plus vertueux des indigènes" (186),
Héraclès poursuit sa politique de conquête, parcourt la Celtique,
"abolit les coutumes sauvages, et entre autres celle de tuer les
étrangers", fonde Alésia, châtie les brigands des montagnes et
assure la sécurité des passages alpins (187) ; son arrivée en
Ligurie est, pour Diodore, l'occasion de décrire la rudesse de la
nature et des moeurs indigènes et, si Héraclès ne fait que passer
au "pays des Tyrrhéniens", il s'arrête longtemps sur les bords du
Tibre, et, accueilli par les indigènes du Mont Palatin, fonde pour
eux les cultes de l'Ara Maxima (188).
La campagne de Cumes est le théâtre de plusieurs épisodes
de ce retour mouvementé : certains mythologues dont l'autorité a,
dit Diodore, été suivie par l'historien Timée, situent là, dans les
champs Phlégréens, une Gigantomachie, occasion pour Héraclès,
de pacifier, une fois de plus, le pays qu'il traverse (189). D'autre
part, de grands travaux, autour du lac Averne, conservent encore
le souvenir du héros. Enfin, après quelques aventures mineure -,
254

Fig. 24 : La conquête des boeufs de Géryon


chez Apollodore et Diodore de Sicile
essai de représentation cartographique

1 : Le récit d'Apollodore, II, 106-1 12 = ?, 5, 10.


Itinéraire (largement hypothétique) d'Héraclès. Les termes
géographiques soulignés sur la carte figurent dans le texte
d'Apollodore. Pour la localisation d'Abdère, nous suivons les
indications de STRABON (III, 4, 3) plus conformes à la logique
du texte d'Apollodore que la mention, peut-être trop vague
simplement, de STEPHANE DE BYZANCE, s.v. ?ßd??a qui
la situe "près de Gadès".

2 : Le récit de Diodore, IV, 17, 1 à 25, 1. voir fi9ure 25


Itinéraire (largement hypothétique) d'Héraclès. Les termes
géographiques soulignés sur la carte figurent dans le texte de
Diodore.
255

mais bien étranges - au pays des Poseidoniates, puis aux confins


de Rhégion et de Locres, Héraclès décide de passer en Sicile
avec ses troupeaux. La traversée n'est donc en rien accidentelle
pour Diodore et c'est un véritable tour de l'île qu'entreprend le
héros ; tour de Ille après lequel il repasse en Italie où, seul,
mérite d'être rapporté le meurtre de Lacinios qui voulait lui voler
ses vaches, et celui, involontaire, de Crotone, épisodes
fondateurs pour l'auteur sicilien, et des cultes d'Héra lacinienne et
de la future cité coloniale grecque. Le retour en Grèce n'intéresse
pas Diodore ; son héros fait - toujours à pied - le tour de la mer
Adriatique, entre en Grèce par l'Epire, d'où il regagne le
Péloponnèse, n n'est pas question des divagations du troupeau
en TTirace et rien n'est dit des quelques vaches avec lesquelles,
probablement, le héros a regagné la Grèce !
Nous reviendrons, bien sûr, sur le sens on ne peut plus
clair qu'accorde Diodore à ce véritable périple de la Méditerranée
occidentale, nous nous contenterons de retenir ici l'inflation d'un
récit qui, sobre et allusif chez Apollodore, voit, chez Diodore,
une multiplication des épisodes opposant le héros aussi bien à une
nature qu'il doit discipliner qu'à des êtres dont Apollodore
soulignait la double filiation à la fois autochtone et divine et qui,
pour Diodore, ne sont plus que des Barbares. C'est cette même
inflation, cette même charge idéologique dont témoignent les
aventures siciliennes d'Héraclès. Nous croyons nécessaire d'en
donner ici une traduction.

2-2 Le récit

Récit d'Apollodore II, 110-111= II, 5, 10.

"... Ayant traversé le pays d'Abdère, il (Héraclès)


parvint en Ligurie où Ialébion et Dercynos, fils de
Poséidon, tentèrent de dérober ses boeufs, mais il les tua et
reprit son chemin vers la Tyrrhénie. A Rhégion, un taureau
s'échappa du troupeau, rapidement plongea dans la mer et
traversa à la nage jusqu'en Sicile. Après avoir parcouru la
région voisine - région qui depuis a été appelée Italie (car
les Tyrrhéniens nommaient le taureau : italos) - il aborda
dans la plaine d'Eryx qui régnait alors sur les Elymes.
Eryx, le fils de Poséidon, mêla le taureau à ses propres
troupeaux. Or Héraclès, ayant laissé la garde de ses bêtes à
Héphaïstos, se hâtait d'aller à la recherche de ce taureau. Il
256

le trouva parmi les troupeaux d'Eryx et, comme celui-ci


refusait de le lui rendre s'il ne triomphait de lui dans un
combat, Héraclès le terrassa par trois fois (à la lutte), le tua
et prenant le taureau il le ramena avec les autres et se dirigea
avec l'ensemble du troupeau vers la mer Ionienne".

Récit de Diodore de Sicile, IV, 22,6 à 23,4.

"... Lorsqu'Héraclès arriva au détroit - là où la mer


est la plus étroite - il fit passer son bétail en Sicile. Quant à
lui, il saisit la corne d'un taureau et traversa à la nage le
passage dont la largeur à cet endroit, est, au dire de Timée,
de treize stades.
Puis, désirant faire le tour de l'île entière, il marcha
du cap Pélore à Eryx. Alors qu'il longeait le littoral, les
mythologues disent que les nymphes ont fait jaillir pour lui
des sources chaudes, afin qu'il pût se reposer des fatigues
de son voyage. Deux d'entre elles, appelées respectivement
Himère et Egeste, tiennent leur nom de l'endroit où se
trouvent ces bains.
Comme Héraclès s'approchait des domaines d'Eryx,
celui-ci - fils d'Aphrodite et de Boutas, un roi du pays- le
provoqua au combat. L'émulation entraîna les rivaux à
proposer comme enjeu de leur lutte, Eryx, son royaume et
Héraclès, ses boeufs. Dans un premier temps, Eryx
s'indigna, car le bétail lui paraissait d'une valeur bien
inférieure à celle de son royaume, mais lorsqu'Héraclès,
répondant à ses arguments, lui fit valoir que, s'il perdait ses
vaches il serait, du même coup, privé de l'immortalité, Eryx
accepta les conditions du marché. Il combattit, fut vaincu et
renonça à ses territoires : Héraclès, cependant, rendit la
région aux indigènes et convint avec eux qu'ils pourraient
en recueillir les fruits jusqu'à ce que quelqu'un de sa
descendance apparaisse parmi eux et leur en demande la
restitution. Ce qui arriva, effectivement, bien des
générations après, lorsque Dorieus, le Lacédémonien,
arriva en Sicile, et récupérant le pays, fonda la ville
d'Héraclée. Comme la cité se développait rapidement, les
Carthaginois - qui la jalousaient et craignaient en même
temps qu'elle ne devînt, un jour, plus forte que Carthage, et
ne menaçât la souveraineté des Phéniciens - marchèrent
contre elle avec des forces considérables, la prirent d'assaut
et la rasèrent jusqu'au sol".
257

Mais ce sont là, dit Diodore, des problèmes sur lesquels il


conviendra de revenir au moment voulu... lorsqu'il traitera, bien
sûr, non plus des traditions légendaires, mais de l'histoire de la
Sicile. Sans traduire la suite du voyage d'Héraclès au pays de
Diodore, il faut cependant faire état des aventures très importantes
qui marquent son passage dans la région Sud-Est de l'île de
Déméter.
Dans la région de Syracuse, il apprend le récit de
l'enlèvement de Coré-Perséphone - la version sicilienne sans
aucun doute - et, près de la source Cyané, fonde les cultes que
rendront désormais les Syracusains aux deux déesses ; dans
l'arrière pays il se heurte aux Sicanes, les tue en grand nombre et,
parmi les morts, se trouvent des chefs auxquels on rend, à
l'époque de Diodore encore, les honneurs héroïques ; dans la
campagne de Léontinoi il laisse des souvenirs éternels de son
passage, mais c'est la petite ville d'Agyrion, lieu de naissance de
Diodore, qui apparaît comme une étape décisive dans le voyage -
et la carrière - du héros : là encore, il fonde des cultes : celui
d'un héros, Géryon, dans une enceinte encore vénérée des
indigènes à l'époque romaine, celui de son neveu et compagnon
lolaos, auquel, à l'époque de Diodore, on offre toujours de
magnifiques sacrifices. C'est à Agyrion, toujours, qu'Héraclès
reçoit lui-même pour la première fois, les honneurs réservés
habituellement aux Olympiens.
Nous ne dirons rien ici, du double culte, à la fois héroïque
et divin, reçu par le fils d'Alcmène, nous aurons, par ailleurs,
l'occasion de revenir longuement sur ces sacrifices, si souvent
fondés par l'Alcide (190), et sur ces fêtes, qui, à Agyrion,
perpétuent manifestement d'anciens rites initiatiques (191) ; nous
retiendrons simplement le développement considérable que
prennent, chez Diodore, ces épisodes - certes présents, mais avec
une rare discrétion, chez Apollodore - qui opposent le héros à
une nature hostile et à des héros indigènes. L'auteur sicilien,
manifestement, exploite le thème, enfle sa signification, en
multiplie les manifestations et, de surcroît, fait intervenir dans le
récit - ce que ne fait jamais Apollodore - le paysage, les cultes,
les traditions des fondations grecques coloniales. Le décalage est
tel qu'on ne peut, à mon sens, se contenter de l'expliquer comme
on le fait généralement, par la rapidité avec laquelle Apollodore,
pour exposer ce dixième exploit d'Héraclès, résumerait ses
sources. Il se comprend mieux, déjà, si on l'insère, comme nous
l'avons fait précédemment, dans le projet général qui sous-tend et
explique à la fois les deux oeuvres. Il nous a également paru
258

nécessaire de tenter une approche aussi objective que possible des


différences, afin d'apprécier, enfin, à sa juste mesure, le
processus de transformation du mythe.

2-3 Pour une objectivation du récit

Notre objectif étant de comparer, aussi méticuleusement


que possible, les versions les plus significatives des travaux
occidentaux d'Héraclès, nous aimerions risquer ici leur
inscription dans le cadre des modèles actantiels établis par A.J.
Greimas à partir des formules de V. Propp (192). Il nous
semble, en effet, que cet effort classificatoire nous permettra une
plus grande rigueur dans l'appréciation du rôle respectif des
acteurs et des fonctions qu'ils remplissent et nous donnera de
plus grandes chances de réussite, lorsque nous tenterons
d'évaluer le sens des transformations. Précisons d'entrée de jeu
qu'il nous paraît non moins indispensable de rester lisible, qu'en
conséquence nous n'irons pas jusqu'à la mise en formule
proprement dite, qui simplement remplace par des lettres
(majuscules s'il s'agit d'actants et de prédicats, minuscules pour
les autres articulations hypotaxiques qu'on peut être amené à
introduire) les termes -eux-mêmes directement compréhensibles-
du schéma.
Celui-ci, rappelons-le, répond au besoin de construire un langage
descriptif simple (qui, par conséquent, permette, justement, la
comparaison de modèles), n fixe le nombre des octants à 4 :
Sujet
Objet
Destinateur
Destinataire
auxquels s'ajoutent 2 circonstants :
Adjuvant
Opposant (193).
Ces deux actants un peu particuliers (et parfois absents)
recouvrent deux sortes de fonctions assez distinctes : les unes
"qui consistent à apporter de l'aide en agissant dans le sens du
désir ou en facilitant la communication" (l'adjuvant), les autres
"qui, au contraire, consistent à créer des obstacles en s'opposant
soit à la réalisation du désir soit à la communication de l'objet"
(l'opposant) (194).
Deux exemples suffiront à éclairer ces brefs éléments de
définition : ainsi dans l'énoncé
259

"Eve donne une pomme à Adam"


. Eve est à la fois actant-sujet
et actant-destinateur
. La pomme est l'actant-objet
. Adam est l'actant-destinataire
les quatre actants sont ici syncrétisés sous la forme de trois
acteurs (195).
Dans le récit, plus proche des nôtres, qu'est la quête du
Graal, les autres actants, au contraire, sont articulés ainsi (196) :

Sujet héros

Objet Saint Graal (le signe ~ traduit la


corrélation ou l'équivalence)
Destinateiir Dieu

Destinataire humanité

A.J. Greimas est ainsi amené à définir un modèle actantiel


mythique qui, dit-il, "semble posséder, en raison de sa simplicité,
et pour l'analyse des manifestations mythiques seulement, une
certaine valeur opérationnelle" (197). C'est ce schéma que nous
transcrivons ici :

Destinateur > objet > destinataire


t
Adjuvant > sujet < opposant

S'il est évident que, dans les récits qui nous intéressent,
Héraclès est l'actant- sujet, il est non moins évident que
l'actant-objet est, dans un cas, les merveilleux troupeaux
d'Erythie (qui pour la nécessaire objectivation du texte
deviendront simplement "les troupeaux", ou "les boeufs"), dans
l'autre, les pommes d'or des Hespérides ; si l'on peut, dans
tous les cas, considérer que le destinateur est Eurysthée, puisque
c'est lui qui ordonne, lui qui choisit les "travaux" (198), on
pourra voir évoluer dans le temps le (ou les) adjuvants, le (ou les)
opposants, on pourra aussi voir le locuteur (ou le scripteur) dire,
ou taire, oublier peut-être même le destinataire... autant de
260

variantes significatives pour nous, et c'est à les mettre en valeur


que nous jugerons surtout de la vertu opératoire de la méthode de
A.J. Greimas.
Essayons, d'abord, pour mémoire, d'inscrire, dans le cadre
ainsi défini nos premiers témoignages : ceux d'Homère et
d'Hésiode. Témoignages partiels en ce sens que ni l'un ni
l'autre, ne peuvent apparaître comme des récits. Dans la
Théogonie d'Hésiode, seules des incises, à propos de tel ou tel
monstre mentionné dans les généalogies, rappellent qu'ils furent
occis par Héraclès et jamais il n'est question de retracer dans
l'ordre et de façon cohérente les faits et gestes d'un héros. Enfin,
si la lutte contre Géryon apparaît à plusieurs reprises, les pommes
d'or des Hespérides, nous l'avons vu, ne sont jamais mises en
rapport avec Héraclès et leur conquête n'apparaît donc pas comme
l'une des épreuves imposées au héros.
Le statut des textes concernant Héraclès dans les poèmes
homériques est assez proche - parce que tout aussi allusif - le
plus complet est, ici, dans la bouche d' Athéna, l'occasion d'un
reproche à l'égard de Zeus son père qui apparemment oublie les
services qu'elle lui a rendus. Des "travaux" ou épreuves du
héros, constamment assisté par la déesse, un seul - nous l'avons
vu aussi - est mentionné : la capture de Cerbère, le chien du
cruel Hadès. Dans l'un et l'autre cas, le locuteur n'a donc pas
pour but de raconter un épisode, une séquence du mythe et le
sujet n'est, pour leur récit, que l'acteur secondaire d'un ensemble
qui ne le concerne pas vraiment

La conquête des boeufs de Géryon chez Hésiode (199)

destinateur : destinataire :
non mentionné -> objet : les boeufs de non mentionné
Géryon (cependant
mention du heu:
Tirynthe)

Adjuvant : Sujet : Héraclès opposants


non mentionné Géryon
Orthos
Eurytion

On remarquera le silence - peut-être fortuit, peut-être dû au statut


particulier du texte - quant au destinateur et au destinataire. La
mention du lieu peut évidemment faire penser à son roi
Eurysthée, mais il n'y a, à cette interprétation, aucune nécessité.
261

L'épithète de "sainte Tirynthe" pourrait s'appliquer aussi bien à


un sanctuaire et donc à Héra.
En ce qui concerne les circonstants, l'un d'entre eux est
absent (l'adjuvant), les opposants, au contraire, sont multipliés et
font apparaître une double triplicité :
- celle de Géryon, d'abord, le monstre aux trois têtes
- celle des défenseurs du troupeau ensuite :
- Géryon le propriétaire
- Le chien de garde Orthos
- Le bouvier Eurytion.
On remarque les très fortes indications spatiales de ce texte
d'Hésiode : nous l'avons vu c'est uniquement par son lieu de
résidence que le destinataire peut être appréhendé : mais surtout
le lieu de l'épreuve, l'"ailleurs" du mythe nous paraît fortement
connoté :
- Au-delà de l'illustre Océan
- Après avoir franchi le cours d'Océan
- Dans Erythie qu'entourent les flots
- Dans leur parc brumeux
connotations on ne peut plus révélatrices dans l'imaginaire des
Grecs et qui nous confirment dans notre conviction d'une
localisation dès le départ occidentale et océanique de la quête des
boeufs de Géryon.
Ce n'est pas vraiment une comparaison que nous tenterons
d'établir avec le texte d'Homère (200). Celui-ci, en effet, ne
mentionne ni la conquête du troupeau, ni la lutte contre Géryon,
mais il donne, pour l'ensemble des "Travaux", un canevas qui
n'est pas sans intérêt.

Destinateur objet -> destinataire


Eurysthée indéterminé et non mentionné
pluriel "les
travaux"... dont
Cerbère

adjuvants sujet opposants


Athéna (dans tous Héraclès non mentionnés
les cas) + Hermès (Hadès, le Styx)
(pour Cerbère)

Deux des actants n'ont pas changé : le sujet et le


destinateur, et, si l'objet est ici aussi pluriel qu'indéterminé, rien
262

n'est dit du destinataire. Homère, pour la première fois mentionne


l'aide divine à Héraclès : celle d'Athéna dont on ne saurait
oublier qu'elle est l'envoyée de Zeus son père.
Enfin, on pourrait être tenté à la lecture d'Homère et
d'Hésiode de construire, pour l'ensemble des travaux d'Héraclès,
un schéma globalisant et qui conviendrait au témoignage des deux
auteurs (201).

Destinateur > objet >


les dieux Hébé Héraclès

Adjuvants > sujet < opposants


Zeus Héraclès Héra

L'actant-sujet : le héros ici comme dans bien des contes est


en même temps l'actant-destinataire, puisqu'il reçoit l'objet de sa
quête, récompense de ses épreuves et qu'il épouse Hébé qui,
avec la Jeunesse éternelle, lui confère la commensalité chez les
Immortels.

Si nous passons maintenant aux récits plus élaborés des


mythographes, il faut songer que le schéma simple qui résume
une situation donnée (ou encore une séquence du mythe) est,
dans le cas de la légende d'Héraclès, soumis à répétition. Les
douze "travaux" , nous le savons bien, n'épuisent pas le nombre
des épreuves auxquelles fut soumis le héros. Mieux encore, la
même séquence "épreuve" (pour nous la conquête des boeufs de
Géryon ou la quête des pommes d'or) comporte en elle-même des
redondances. A.J. Greimas distingue d'ailleurs, dans la même
séquence, trois épreuves successives :
- l'épreuve "qualifiante"
- l'épreuve "principale"
- l'épreuve "glorifiante".
Si les noms - fonctionnels - affectés à ces trois temps sont, pour
nous trop étroitement liés au conte folklorique, il nous paraît, en
revanche, opératoire de reprendre, pour l'analyse du récit des
mythographes, les trois étapes ainsi définies. La première
263

consisterait ainsi - en ce qui concerne la dizième épreuve - à


atteindre Erythie où sont gardés les boeufs de Géryon, objet de la
quête du héros ; la deuxième serait plus précisément la conquête
des troupeaux ; la troisième, enfin, marquée par le retour dans le
Péloponnèse, aurait pour but de ramener à Tirynthe le bétail ainsi
enlevé. Le mythe des pommes d'or pourrait, lui aussi - chez
Apollodore du moins - se décomposer de la même façon : après
la recherche du merveilleux jardin, Héraclès se fait en effet
remettre les pommes d'or et, dans un troisième temps, s'en va
rendre aux dieux eux-mêmes les fruits de l'immortalité.
Nous avons donc, pour les deux travaux occidentaux
dHéraclès construit de tel schémas actantiels à partir des textes de
Diodore et d'Apollodore. Leur lecture et la comparaison des
tableaux ainsi obtenus (IV à VIII) a certainement pour intérêt
premier - et quelque peu inattendu pour nous - la mise en
évidence d'éléments apparemment hétérogènes. Il nous a paru,
en effet, rigoureusement impossible d'intégrer dans ces récits
ainsi "schématisés" un épisode qui pourtant revêt chez les deux
mythographes une importance certaine : la mise en place de ces
bornes qui, pour le fils d'Alcmène, marquent la fin de ses
aventures, de ces fameuses colonnes d'Héraclès.
A cela on peut trouver une explication : si pour les Grecs
qui en ont fait le récit ces colonnes avaient leur place dans le
mythe d'un Héraclès voyageur, civilisateur, si, au niveau de la
réinterprétation - disons coloniale - du mythe, elles n'ont rien
d'inattendu, il semble bien qu'il n'en soit pas de même dans le
schéma primitif où rien n'impose ou même n'explique leur
présence. Sauf à les interpréter comme le simple corollaire d'une
réinterprétation "historique" du mythe, il faut donc voir en elles -
et, nous le savons, de nombreux textes nous autorisent à le faire
(202) - un emprunt à une sphère extérieure au mythe grec, à
celui-ci du moins... Ainsi, pensons-nous, se révèle, au plan des
structures mêmes du récit, la collusion entre l'Héraclès des
Hellènes et le tyrien Melqart dont les temples, tant en Orient qu'en
Occident étaient flanqués de ces fameuses colonnes.
Mais les schémas actantiels construits d'après Apollodore et
Diodore, s'ils ont dans l'ensemble même structure, parlent
surtout par les différences qu'ils font apparaître : différences
entre deux épisodes de la légende d'une part, entre deux récits
mythiques d'autre part.
L'épreuve des Hespérides, surtout, témoigne d'importantes
divergences entre les deux auteurs. Chez Apollodore - dont on
rappellera qu'il passe pour reprendre ici ce que dans son dixième
livre avait écrit Phérécyde de l'aventure (203) - le récit de
264

l'exploit a la structure attendue et nous n'y reviendrons que pour


mentionner deux particularités (204) :
1. - l'importance des adjuvants "en chaîne" dans les
première et deuxième étapes, adjuvants qui - et nous sommes là
très proche des contes folkloriques - soit indiquent à Héraclès le
chemin du merveilleux jardin où furent plantées les pommes
offertes à Héra lors de ses noces avec Zeus, soit suscitent, au
profit du héros, l'aide - plus ou moins sincère d'ailleurs ! -
d'Atlas pour l'épreuve principale.
2. En ce qui concerne les opposants, ils sont, pour les plus
importants d'entre eux (les deux "africains" Antée et Busiris),
ceux qu'affronte le héros, chez Diodore, lors de la première étape
de la dixième épreuve : le voyage vers Erythie. Si le fait
témoigne
"achevés" d'une
de la légende,
certaine il
confusion
faut noterentre
cependant
les deux
que épisodes
Diodore
connaît manifestement la tradition suivie par Apollodore,
puisqu'il commence son deuxième récit de la quête des fruits d'or
en rappelant la lutte d'Héraclès contre Antée, Busiris et Emathion,
roi des Ethiopiens (205).
Car Diodore, curieusement, donne successivement deux
récits de l'exploit chez les Hespérides (206). Dans les deux cas
l'objet de la quête est interprété de façon "rationnelle" (207), et si,
dans un premier temps (tableau V), le lecteur peut encore choisir
entre les pommes d'or et les brebis, il n'est plus question, dans la
deuxième version (tableau VI) que de troupeaux ; dans les deux
cas le destinataire divin est ignoré - qu'Héraclès remette tout
simplement les pommes d'or (ou les brebis) à Eurysthée, ou que
Diodore oublie de signaler ce que deviennent celles-ci, une fois
conquises par le héros.
Dans la seconde version enfin, l'auteur sicilien introduit
une variante qui, pour être différente de celle d'Apollodore, n'en
a pas moins la même fonction dans l'enchaînement du récit,
expliquer le rôle d'Atlas comme adjuvant dans l'épreuve
principale : Héraclès, ici, arrache en effet les Hespérides -
données comme filles d'Atlas - aux pirates qui, soudoyés par
Busiris, les avaient enlevées et, ce faisant, s'octroie la
reconnaissance de leur père. L'épisode, on le voit, a, de surcroît,
l'intérêt de rappeler l'hostilité de Busiris, développée ailleurs dans
le récit de Diodore : il témoigne enfin, comme la quête du jardin
merveilleux chez Apollodore, d'une parenté thématique avec le
conte folklorique qui mérite d'être signalée.
Et c'est sans doute l'enseignement que nous retiendrons,
surtout, de l'étude de ces trois tableaux consacrés au mythe des
pommes d'or... Schémas incomplets - chez Diodore en
265

particulier -, parfois très proches du conte, parfois d'apparence


tellement arbitraire qu'on pourrait être tenté d'en déduire que
l'analyse apporte peu à l'étude du mythe (ou bien encore qu'elle a
été mal appliquée !). La comparaison avec les schémas actantiels
établis pour la dixième épreuve nous paraît prouver au contraire
que, si l'exploit chez les Hespérides manque ainsi de cohérence,
c'est parce qu'il agrège, dans une légende à la tradition d'autant
plus mal établie qu'elle ne repose pas sur l'autorité d'un passé
très ancien (208), des thèmes folkloriques (plus récents
généralement que les thèmes proprement mythiques) et un
symbolisme déjà évolué, celui de l'immortalité conquise par la
recherche de l'objet merveilleux. La structure du récit corrobore
ainsi l'étude historique qu'on peut tenter du développement d'un
mythe attesté beaucoup plus tardivement, tant dans la littérature
que dans l'art grec (209).

APOLLODORE LES POMMES D'OR DES HESPERIDES Tafatew IV

Eurysthéc Fraits «for : découvrir le judia

CVcdm fils de Mtn et de Pyrtne


Aatée, fils de Poséidon
BiEfil
■gfedePtaméthée

Hnàtt {far :

Promjthée' SlÔt
»

les rapporter Le jardin des


-266-

EXODORE LES POMMES D'OR DES HESPERIDES (IV, 26) Tableau V


DeflinMeiM- : Ohpt:
Euryshée: Pomme· «far
Ι brebis

Si dngon
ou gardien des troupeaux
II

Eurysthee
III

DIODORE LES POMMES D'OR DES HESPERIDES (IV, 27) Tableau VI


Destinât eu : Objet:
non precise !
I Ewysthée? Les Hespendes filles d'Atlas Atlas

t
Héradc*4— lavisseun (pintes envoyés par Busiris)

Qbiet :
Pommes d'or
II (c'est-à-dùe troupeaux)

Sujet
Atlas ► Hénclès

Destumay^ :
non précisé
III
-267-

APOLLODORE LES TROUPEAUX DE GERYON Tableau Vu


Drmnalfiir : Qbiet:
Eurysthée: les troupeaux (atteindre Erythie
Ι ou ils sont gardés )

î
dépôt du soleil »Héraclès
sujet

Qbiet
les troupeaux (les conquérir)
Π

les troupeaux
Héraclès
suiel
suiét
. Cesen-«
^Grèce)
ramener 32-Euryoon
1 - Gérvon PgMiiy'nirrtnple)
Orthros(lui-même
Hua (sacnfice)

·
III

- lalefaion et Dercyr os en Ligurie


(fils de Poséidon)
- Eryx en Sicile (fils de Poséidon)
- taon envoyé par Hér»
- le Strymon en Thrace

DIODORE
SICILE DE LES TROUPEAUX DE GERYON Tableau VT1I
Deainaeur Obiet:
Eurysthee: les-troupeaux (atteindre Erythie
:

I où ils sont gardés)


t . bêtes féroces de Crète
suiel bêtes féroces de Libye
Flotte, armée >> Héraclès < Antée
Buaru et bien d'autres
despotes
Qtaa
II les troupeaux Ces conquérir
ou les richesses ? cf. V. 17, i
î
les trois filles de Chrysaor
flotte armée t> Héraclès
sujet ■* (et leurs armées)
ohiet non mentionné
III les troupeaux (les ramener lieu le Péloponnèse
, en Grèce)
:

- Barbares de Celtique
sillet
1 - Brigands des montagnes du Alpes
flcs nymphes (bains chauds) >> Héraclès-* - Géants des Champs Phlégréens
- Eryx
- les Sicanes et leurs chefs en Sicile
- Lacinios près de Crotone
268

C'est avec une cohérence beaucoup plus forte que - dans


les schémas actantiels établis d'après Diodore et Apollodore - se
dessine l'aventure d'Héraclès vers l'île rouge d'Erythie. Le récit
des deux auteurs a, ici, même structure, et, si ce
parallélisme confirme, à nos yeux, le bien fondé de la méthode,
c'est, plus encore, par leurs différences que "parlent" les schémas
et qu'ils s'avèrent éclairants pour l'analyse du mythe (210).
Chez Apollodore la quête des boeufs de Géryon, se
déroule, comme nous l'avons vu, en trois temps. Le destinateur,
Eurysthée est connu, le destinataire ne l'est pas moins, puisqu'il
s'agit de la grande déesse d'Argos, Héra, à qui les boeufs seront
sacrifiés ; le schéma de l'épreuve centrale évoque de fort près
celui que les allusions d'Hésiode permettent de reconstituer
(211); les opposants sont les mêmes: Orthos, le chien,
Eurytion le berger, le triple Géryon, enfin, qui, sur sa personne,
redouble la "triplicité" de l'opposant. On notera, en ce qui
concerne les étapes encadrant cette épreuve principale la symétrie
apparaissant entre
I : - un adjuvant : Hélios, qui offre son dépas
- pas d'opposants réels
et Π : - pas d'adjuvant
- mais les opposants pour lesquels on peut remarquer la
prégnance de l'élément "eau" : les géants ligures, comme Eryx
sont, en effet, fils de Poséidon, le Strymon est un fleuve.
Seul le taon envoyé par Héra introduit quelque trouble dans cette
ordonnance où s'opposent ainsi les éléments naturels (peut-être
faut-il rappeler que chez Phérécyde les dieux de la mer étaient
également fortement présents, puisqu'Océanos jouait un rôle non
négligeable dans l'expédition d'Héraclès) (212) ; l'épreuve
s'inscrit ainsi dans un cadre à la fois naturel et divin.
Confrontation du héros avec les dieux, certes, et le héros
d'Apollodore reste en cela très proche de celui d'Homère qui
blessait de ses flèches aussi bien Hadès qu'Héra (213) (ici il tend
son arc contre le Soleil qui l'incommodait) (214). ..Confrontation
du héros avec les éléments naturels sans doute aussi. C'est bien
un Héraclès "primitif' que retrouve Apollodore.
On en sera plus convaincu encore après avoir examiné le
schéma actantiel construit d'après Diodore. (Tableau VIII). Le
sujet, Héraclès, poursuit la quête d'un même objet : "les
fameuses vaches", celles-ci, peut-être, n'étant qu'un symbole,
puisqu'en réalité - dit Diodore - le héros convoite les richesses
de Chrysaor. Le schéma accentue cet "oubli" de l'objet même de
la quête dans la mesure où, si le destinateur reste Eurysthée, le
destinataire n'est même plus mentionné et Héraclès conduit ses
269

troupeaux "vers le Péloponnèse", sans que Diodore s'occupe


aucunement de leur destin.
Frappe encore l'atrophie de l'épreuve principale - le coeur
même du mythe -. Si la triplicité subsiste, elle n'est plus que
celle des fils de Chrysaor ; chien et berger ont disparu, comme
d'ailleurs le monstre lui-même.
Frappe enfin, en revanche, l'hypertrophie des étapes I et III
(le "voyage") et leur caractère interchangeable. Peut-on d'ailleurs
parler d'adjuvants, quand il n'est plus question que des forces
armées du héros ? Quant aux opposants : bêtes féroces,
Barbares et despotes xénophobes, brigands... ils ont, nous le
verrons, même fonction. Le lien avec la nature s'est défait ;
Héraclès est entré dans l'Histoire et nous aurons à revenir sur
cette réinterprétation du mythe qui accompagne ainsi la
multiplication des incidents du "voyage".
Il nous paraît cependant - et nous y reviendrons - que,
parmi les épisodes qui ponctuent le retour d'Héraclès, certains
sortent quelque peu du topos : si les géants des Champs
Phlégréens, en Campanie, réintroduisent le mythe dans une
épopée qui s'en éloignait fortement, en Sicile, Héraclès a maille à
partir avec des opposants moins stéréotypés peut-être que les
brigands ou les despotes auxquels il est généralement affronté :
les Sicanes, dans l'arrière pays de Syracuse, et, surtout, à l'Ouest
de 111e, Eryx, roi des Elymes, dont nous remarquons d'ailleurs
qu'il figure aussi comme opposant dans le schéma actantiel établi
d'après le texte d'Apollodore. C'est pourquoi, pensons-nous, il
mérite toute notre attention.
Au terme de cette étude des structures du récit, conduite,
pour les deux épreuves occidentales d'Héraclès qui nous
intéressent, sur le modèle des schémas actantiels de A.J.
Greimas, nous aurons pu ainsi retrouver, sous une autre forme,
l'opposition entre nos deux sources principales : Apollodore,
pour qui perdurent les schèmes anciens et qui, dans la mesure où
il préserve la tradition, "embaume" quelque peu le mythe, et
Diodore qui, au contraire, le perd, mais pour mieux l'utiliser dans
son projet d'histoire globale, pour mieux le faire vivre, donc, en
en refaisant le lieu où s'interpénétrent le passé lointain et
l'histoire du temps présent.
Nous aurons vu aussi se dessiner, par delà la multiplication
des incidents qui ponctuent le voyage d'Héraclès,
l'enchevêtrement des structures survivantes (perceptibles
beaucoup plus nettement
remplacement" plus nouvellement
chez Apollodore)
élaborées...
et de
Ainsi
structures
coexistent
"de

des plans d'isotopie différents : des éléments de signification


270

renvoient à un héros primitif confronté à des dieux (Hélios


lui-même, la descendance de Poséidon) qui ne recouvrent que
partiellement des éléments naturels ; d'autres - et cela chez
Diodore surtout - appartiennent à une réinterprétation qu'avant
de l'apprécier dans le détail nous appellerons "coloniale".
271

Fig. 25 : Héraclès en Italie et en Sicile avec les


boeufs de Géryon

0 100kn

csolonte
. indication
ne figurant pas C Héracléion
dans Diodore
localisation des
principaux épisodes de
la légende d'Héraclès
ville ou village portant
le nom d'Héraclès

NOTA BENE
On pourra s'étonner de ne pas trouver ici une tentative de
cartographie de la quête des pommes d'or des Hespérides.
Les raisons en sont simples : Diodore, lorsqu'il en fait le
récit, donne trop peu d'indications géographiques pour qu'une
représentation ait quelque intérêt ("Héraclès navigua donc de
nouveau vers la Libye"). Quant à Apollodore, s'il connaît la
localisation libyenne du jardin merveilleux, il lui préfère la
localisation hyperboréenne.
On s'en convaincra aisément, la conquête des pommes
d'or, moins facilement que la lutte contre Géryon (ou, du moins
le retour du héros avec les boeufs) échappe au domaine de
l'imaginaire. Il nous paraît quelque peu puéril, dans ces
conditions d'en proposer une représentation géographique.
273

TROISIEME CHAPITRE :

HÉRACLÈS EN SICILE :
LE MYTHE ET SES DÉRIVATIONS

"Il est le vigoureux compagnon des premiers colons dans le


Syracusain où il combat et soumet les chefs indigènes, mais où la
violence est immédiatement suivie d'une oeuvre pacificatrice et
bienfaisante ; il parcourt les territoires soumis... on le retrouve
aux confins même de la zone grecque, sur l'acropole de Sélinonte
et dans le sanctuaire / frontière de Poggioreale... D pénètre enfin
en territoire barbare jusqu'à Erix, il introduit le culte d'Aphrodite,
s'identifie au dieu phénicien Melkart et se trouve installé dans la
plus forte des positions puniques..."
Telle est l'image que dans son Introduction à l'étude du
culte d'Héraclès en Sicile (215), Roland Martin donne des
aventures du héros... Une image, précisons-le, quelque peu
infidèle au récit des auteurs anciens : celui de Diodore pour qui
Héraclès, loin de pénétrer "enfin en territoire barbare" après son
passage dans les fondations siciliennes, se rend directement du
Cap Pélore vers le territoire des Elymes ; celui d'Apollodore plus
encore, puisque le retour du héros ne comporte pour lui qu'un
seul épisode sicilien : le combat contre Eryx.
Malgré cette absence du fait colonial dans la Bibliothèque,
malgré
"compagnon"
ce parcours
des colons
à rebours
grecs que
chez
de récentes
Diodore,études
c'est italiennes
bien en
voient Héraclès (216) tant en Sicile qu'en Italie du Sud. Nadia
Valenza Mêle offre peut-être l'exemple le plus convaincant de
cette lecture "coloniale" du mythe héracléen en Occident (217).
Redécouvrant une olpè dédicacée de la seconde moitié du Vllème
siècle - le plus vieux témoignage connu, sans doute, du culte
rendu au héros grec dans ces lointaines contrées (218) - l'auteur
reprend l'étude des plus anciennes traditions concernant la
présence d'Héraclès en milieu cuméen et, de façon plus générale,
eubéen. De ses aventures dans la région, elle écarte - et
certainement à juste titre - la consécration de la dépouille du sanglier
d'Erymanthe dans le temple d'Apollon, version tardive, estime
-t-elle, "certainement pas d'époque grecque, encore moins
d'époque archaïque" (219). Il est vrai que la tradition unanime - y
compris, en Italie, celle qui s'affiche aux métopes du petit temple
du Silaris - montre le héros rapportant à Eurysthée, caché dans
274

un grand pithos, le sanglier encore vivant et qu'en


conséquence, nous sommes fondés à ne voir, dans cet épisode, que la
preuve de l'extraordinaire longévité du mythe, de sa plasticité, aussi,
et des possibilités infinies qu'il offrait à qui avait intérêt à
l'enrichir.
Avec l'auteur nous retiendrons donc essentiellement deux
épisodes : la Gigantomachie et la construction de la route côtière
entre la mer et la région du lac Lucrin. Qr, des deux traditions
retenues, l'auteur démontre de façon très convaincante qu'elles
sont en rapport avec le monde euboïco-thessalien : la localisation
de la Gigantomachie en Chalcidique (Phlègres) et en Campanie
(Champs phlégréens) ne peut guère, en effet, s'expliquer que par
la commune vision d'une colonisation eubéenne apportant l'ordre
et la civilisation en des lieux d'abord dominés par le désordre et la
violence des géants mythiques... médiation eubéenne qu'on
retrouverait dans l'acception très particulière du terme "argilles"
(habitations souterraines - galeries de mines) à la fois dans la
région de Cumes (en rapport avec la Via Heraclea) et dans la
sphère thraco-macédonienne, elle aussi intéressée par la
colonisation chalcidienne.
Dans les deux cas les références littéraires ne s'expliquent
véritablement que dans le contexte d'une haute époque coloniale
où Cumes domine toute la région côtière de Misène à
Parthénopé : la construction de la voie - dont on attribuera la
paternité à Héraclès - répond alors à la fois à des nécessités
stratégiques et aux besoins de l'exploitation des solfatares et des
mines de Leucogées.
Il est difficile de ne pas suivre l'auteur sur ce point et de ne
pas voir avec elle, dans le récit de Diodore, le reflet de ces
traditions nées de la colonisation d'époque historique et destinées
à lui donner, en quelque sorte, ses lettres de noblesse (220) ou
plus précisément encore - et cela semble bien être le cas ici - à
justifier certaines de ses entreprises.
D'autres exemples d'une intervention "coloniale" dans le
mythe héracléen existent bien sûr... Ainsi la version apportée par
Diodore du combat contre Eryx porte la marque de la tentative du
lacédémonien Dorieus pour fonder un établissement dans la
région du Cap Drépane. Ne venait-il pas en ces lieux récupérer
l'héritage d'Héraclès ? N'était-il pas le descendant du héros ?
(221) tentative aussi malheureuse d'ailleurs que celle de
Pentathlos - un autre Héraclide ! - deux générations plus tôt
(222). La tradition prouve ainsi, à l'évidence, le lien établi par les
colons entre la légende occidentale du héros grec et leurs propres
entreprises. Qu'elle ait servi de prétexte à l'expédition de Dorieus
275

ou de justification a posteriori, la légende était donc connue à la


fin du Vlème siècle. Mais faut-il en conclure qu'elle a été
fabriquée de toute pièce par et pour les colons ?
U nous paraît essentiel, avant d'en juger, de reprendre le
texte de Diodore. Les aventures siciliennes du héros sont
localisées en deux zones - radicalement opposées - de "ltle du
triangle", deux zones isolées - on ne peut s'empêcher de le
remarquer - par la région d'Agrigente et son arrière pays indigène
où les contacts avec le monde égéen se réclament de Dédale et de
Minos, hôtes du roi sicane Cocalos ! La géographie héracléenne
quant à elle se concentre dans l'angle Nord-Ouest où le héros est
affronté au roi indigène local, mais où sa route est adoucie par les
Nymphes qui font, pour son repos, jaillir des sources d'eau
chaudes. On retrouve Héraclès dans l'angle Sud-Est où il
s'oppose pareillement aux chefs sicanes et à leurs nombreuses
troupes,
d' Agyrion
mais
et où
oùlui-même
il est reconnu
fondecomme
les cultes
un dieu
du "héros"
par lesGéryon
habitants
et
de son compagnon lolaos (à Agyrion toujours), de Déméter et
Coré dans la cité (polis ) qui plus tard deviendrait Syracuse.

Syracuse.

Arrêtons-nous un instant à cet épisode (223) : c'est à la


source Cyanè qu'ayant appris la tradition locale de l'enlèvement
de Perséphone, Héraclès sacrifie aux Deux Déesses un de ses
plus beaux taureaux, établissant ainsi - "pour les indigènes" - le
rituel des fêtes qui, depuis lors, devaient être chaque année
célébrées en l'honneur de Déméter et Coré (224).
Pour Diodore, il ne fait aucun doute que l'acte fondateur
précède la colonisation d'époque historique (225)... qu'il la
précède et qu'il la prépare, de façon toute pacifique ici.
Claire situation de "precedenza", fait remarquer, ajuste
titre, Maurizio Giangiulio (226) qui tire argument, de surcroît, de
la position extra-muros de la source Cyané pour retrouver, dans
le culte qu'y reçoivent les deux déesses, celui d'un "sanctuaire
sub-urbain typique" (227). Il suggère, en conséquence - dans la
tradition de Georges Vallet au Colloque de Tarente de 1967 - d'y
voir, à la fois la marque de l'empreinte matérielle et morale de la
polis sur son territoire et le lieu géométrique de rencontres
dépassant le cadre de la cité et s'adressant aux autres Grecs et surtout
peut-être aux indigènes (228). C'est donc bien une création
coloniale qu'il lit dans cet épisode syracusain, le reflet même du
mythe du héros "culturel" et "intégrateur" qu'est pour lui
l'Héraclès sicilien (229).
276

Les preuves archéologiques d'un culte rendu au fils


d'Alcmène dans la cité dorienne ne manquent pas, d'ailleurs,
qu'il s'agisse de cette inscription votive sur un skyphos de
fabrication locale daté du milieu du cinquième siècle (230) ou des
témoignages monétaires (231). La littérature, quant à elle, fait
écho à cette protection qu'attendaient d'Héraclès les Syracusains.
Timée, par exemple, évoquant l'expédition athénienne contre leur
cité, trouve à l'aide apportée par le héros des raisons
mythologiques : ne devrait-il pas être naturellement hostile aux
habitants de Ségeste - responsables de l'intervention - celui
qui, autrefois, avait lutté contre leurs ancêtres les Troyens
(232) ? Certes...
Mais, si nous avons commencé notre parcours sicilien par
cette étape syracusaine qui, plus clairement que les autres, paraît
mettre en scène un Héraclès colonial, cela n'implique pas que
l'interprétation adoptée, en dernier lieu, par Maurizio Giangiulio
reçoive notre adhésion sans réserve. Nous aimerions, en effet,
souligner quelques difficultés :

1 - Peut-être faut-il, en premier lieu, rappeler que, si


l'existence, en Sicile comme en Grande-Grèce, de nombreux
sanctuaires situés extra-muros, a été unanimement interprétée
comme un caractère original de la religion des colons, elle s'est
vu proposer des explications autres que celle que développait,
nous l'avons vu, Georges Vallet lors d'un colloque - peut-être
n'est-ce pas indifférent ? - consacré à l'étude de la cité coloniale
et de son territoire. Giovani Pugliese Carratelli, par exemple
(233), s'interrogeait sur une possible survivance, en ces lieux
consacrés par la cité, de souvenirs d'une lointaine empreinte
achéenne ou de cultes indigènes qu'aurait récupérés à son profit la
fondation coloniale. Il est vrai que, si jusque là l'archéologie
confirme parfois la continuité entre les cultes indigènes et ceux
des Grecs, c'est plutôt à titre d'exception que de règle générale
(234). Quant à la présence achéenne à l'emplacement des grands
sanctuaires sub-urbains, elle reste, pour sa part, largement
hypothétique. L'argument, en conséquence, peut difficilement
être
"l'intérieur"
retenu contre
et danslasathéorie
logiquedepropre
Maurizio
qu'il Giangiulio
faut l'appréhender.
et c'est de

2 - En ce sens, s'il est important - peut-être ! - que soit


bien attesté, à Syracuse, le culte d'Héraclès, il est plus important
encore que soit confirmée l'existence, dès les origines de la
colonie, de celui de Déméter et Coré que le héros est censé avoir
fondé. Or, sur ce point, l'auteur se contente d'affirmer que
277

l'association d'Héraclès et des Deux Déesses, loin d'être une


innovation coloniale, faisait partie organique "du patrimoine
cultuel des premiers colons de Syracuse" (235).
Loin de nous la pensée, bien sûr, de contester cette
association, en Grèce même, du héros et de Déméter ... il n'est
que de lire Pausanias, en effet, pour se convaincre qu'il s'agit
bien là d'une réalité profonde, ancienne (236) et qui,
probablement, parce que très vivante encore au moment où
partirent les colons, fait effectivement partie intégrante d'un
héritage religieux qu'ils conservèrent plus fidèlement peut-être
que les Grecs de la Métropole.
S'il est vrai, d'autre part, que, d'après Diodore, Coré s'était
vu attribuer l'intérieur de l'île (alors qu'Ortygie revenait à
Artémis) (237), on ne saurait en tirer argument pour attribuer à
Héraclès une fondation a posteriori du culte de la jeune fille à
Syracuse. Bien longtemps avant Diodore, en effet, Pindare,
célébrant, dans les Néméennes, la victoire de Chromios d'Etna,
louait Ille toute entière dont le maître de l'Olympe, Zeus, avait
fait présent à Perséphone. Et c'est encore la Sicile tout entière
qu'il disait promise, par sa fécondité, "au premier rang sur toute
la terre" (238), tradition reprise, d'ailleurs, jusqu'à Cicéron, pour
qui encore Ille "tout entière" est consacrée à Cérès et à Libéra ;
l'orateur latin rapporte, en outre, que les Siciliens pensent que ces
déesses sont nées chez eux, que, chez eux encore, les céréales ont
été découvertes pour la première fois, et qu'enfin l'enlèvement de
Libéra a eu lieu dans les bois d'Enna (239). Il n'y a rien là qui
individualise Syracuse.
Un autre texte de Pindare, en revanche, mentionne
précisément les cultes des Deux Déesses dans la cité : dans la
Sixième Olympique, en effet, le poète béotien chante Hiéron le
"prince au sceptre pur et aux sages desseins" qui "honore
Déméter aux pieds empourprés et célèbre la fête de sa fille aux
blancs coursiers" (240), et des scholies précisent que la famille
du tyran possédait en effet un sacerdoce héréditaire de Déméter et
Coré et qu'elle le tenait de Télinès (241). Le fait est confirmé par
des sources postérieures et Hérodote, pour sa part, donne
quelques précisions sur la façon dont, à la faveur de discordes
civiles, le Déinoménide Télinès avait conquis la dignité
d'hiérophante (242). Tradition un peu inquiétante (pour la théorie
"coloniale") dans la mesure où cette prêtrise, exercée d'abord à
Gela, la cité d'origine des Déinoménides, pourrait bien faire
figure, à Syracuse, d'une "importation" étroitement liée à la
tyrannie, donc relativement tardive et surtout indépendante des
traditions concernant l'établissement de la cité.
278

Ce que nous savons d'ailleurs, grâce à Diodore surtout, des


fêtes célébrées en l'honneur de Déméter, évoque fortement les
Thesmophories athéniennes, à ceci près qu'elles paraissent avoir
été plus longues : dix jours, parce que Déméter avait, après sa
disparition, recherché sa fille pendant dix jours ; toutes les
débauches de langage étaient permises, puisqu'elles évoquaient
les propos obscènes de Baûbo, qui seule avait réussi à dérider la
déesse, et le caractère "licencieux" des fêtes était encore -
disait-on - accru par la forme des gâteaux appelés µ????? qu'on
offrait à Déméter (243).
Mais, si les Démétria paraissent, à Syracuse, très
dépendantes d'une évolution d'ensemble de la religion grecque,
les fêtes célébrées en l'honneur de Coré, sa fille, présentent,
semble-t-il, une plus grande originalité : non pas tant par leur
thème (elles célébraient, l'hymen de Perséphone et de son infernal
époux, comme les Théogamia d'Agrigente) (244) que par les
cérémonies mystérieuses - et souterraines - qui se déroulaient
auprès de la fontaine Cyané, née, dans la tradition syracusaine,
de la terre entr'ouverte par Hadès, lorsqu'il prit avec Coré le
chemin des Enfers. Cest là encore que, pour honorer la déesse,
les particuliers, si l'on en croit Diodore, apportaient de modestes
offrandes et que l'Etat, pour sa part, faisait submerger des
taureaux, comme l'avait enseigné Héraclès lors de son passage en
Sicile avec les boeufs de Géryon (245).

3 - Et ce sera notre troisième et dernière remarque


quant à l'épisode syracusain du retour d'Héraclès. Faut-il tant
insister sur les cultes de la cité ? sur l'association "normale"
d'Héraclès et de Déméter, alors que ce qui est mis en rapport
avec le héros, c'est essentiellement un rituel, et il faut bien
l'avouer un rituel fort peu habituel chez les Grecs : le sacrifice
total de l'animal sans aucun partage entre les dieux et la
communauté des hommes, ce qui certes est banal dans le cas de
l'offrande aux divinités chthoniennes, mais ce qui l'est moins,
par immersion de la victime... une pratique qui, pour être
ancienne - elle est attestée dès le Paléolithique reconnaît M.
Giangiulio - peut difficilement être rapportée sans problème à
l'héritage cultuel des premiers colons syracusains (247).
Cest bien en fondateur de culte qu'à Syracuse se manifeste
l'Héraclès de la légende ; mais nous dirons plus précisément que
dans l'épisode s'articulent une série de rapports :
- impliquant le héros dans la sphère du sacrifice,
- l'unissant aux divinités chthoniennes, en tant que divinités de
l'abondance (les Coreia sont une fête de la moisson), mais plus
279

encore en tant que divinités infernales (les Panégyries de Coré


célèbrent ses épousailles avec Hadès),
- ceci dans un contexte qui place le héros en contact étroit avec les
forces de la nature : une de ces entrées des Enfers avec lesquelles
sa propre légende (la quête de Cerbère etc...) le met si souvent en
rapport ; une de ces sources jaillies spontanément de par la seule
volonté divine.

Agyrion.

C'est encore essentiellement en fondateur de cultes


qu'apparaît Héraclès dans l'arrière pays de Léontinoi, cité de
fondation non plus dorienne, mais chalcidienne. Là, comme à
Syracuse où l'on racontait que les Deux Déesses avaient pour la
première fois fait don du blé aux hommes, on rivalisait avec la
tradition athénienne, mais à propos d'Héraclès. C'est dans la
région, en effet, et plus précisément à Agyrion, que le héros
avait - disait-on - reçu pour la première fois les honneurs divins
(248). (Diodore, on le sait, rapporte ailleurs cette innovation aux
habitants de Marathon) (249). Un lac, là encore, conservait le
souvenir du voyageur, mais Héraclès lui-même l'avait crée pour
témoigner sa reconnaissance à ceux qui l'avaient reconnu comme
un dieu (250) ; les rochers eux-mêmes portaient l'empreinte des
boeufs de Géryon (251), mais, plus encore que le paysage, les
cultes avaient été marqués par Héraclès, fondateur en ce lieu d'un
téménos consacré au "héros Géryon" et d'un sanctuaire à lolaos,
son compagnon d'armes, tous deux encore vénérés à l'époque
où écrivait Diodore.
Que celui-ci, enfant d* Agyrion, ait quelque peu flatté, dans
son ouvrage, le patriotisme local et embelli les signes de la
présence héracléenne, qu'il ait capté des traditions venues de
Grèce propre au profit de ses compatriotes et leur ait attribué, par
exemple, le mérite d'avoir fait d'Héraclès un dieu... cela est plus
que probable ! (252) ? reste que les deux cultes en l'honneur,
l'un de Géryon, l'autre de lolaos, n'ont pu être inventés par
Diodore et que leur rapport avec Héraclès est incontestable. Sans
doute même est-ce leur présence en ce lieu qui a rendu possible
pareille inflation de la légende héracléenne.
- Là encore, le héros se trouve à l'origine d'un rituel : le
sacrifice de leur chevelure que font à lolaos les habitants
d'Agyrion... vestige assez clair encore - pour nous, sinon pour
Diodore - de pratiques initiatiques sur lesquelles nous
reviendrons longuement en raison de leur adéquation avec le
280

thème mythique de la lutte contre Géryon (253). Cette offrande au


compagnon d'Héraclès s'accompagne de concours gymniques
annuels (lutte et courses hippiques) tenus aux confins de la ville,
près d'une porte nommée héracléenne et la cité tout entière est
associée, pour honorer Héraclès, dans des sacrifices, des danses
et des festins. Là encore nous aurons l'occasion de proposer une
explication à cette association du dieu et du héros dans le cadre de
telles cérémonies et dans un contexte dont on peut retrouver la
trace en Grèce même (254). Il reste que, si le mythe traduit non
moins clairement les rapports entretenus par un héros que
Sophocle disait avoir été "constamment au service d'autrui" (255)
et la condition servile, que si les cultes mêmes du héros en font
parfois le garant de la libération des esclaves ou de l'intégration
des étrangers dans la cité (256), il n'est pas d'exemple en Grèce
où de pareilles festivités en l'honneur d'Héraclès soient, comme à
Agyrion, ouvertes aux esclaves, pour un temps confondus avec
les maîtres.
- Quant au culte de Géryon, lui aussi implanté dans la p????/
t?? ??????a??? par Héraclès, il est, comme le précédent, à la
fois lié au coeur du mythe grec que nous étudions, mais en
même temps quelque peu aberrant dans son optique même : en
effet de quel "héros" Géryon s'agit-il?
* De l'adversaire triple d'Héraclès, de l'ennemi qu'il doit
vaincre pour lui enlever son fabuleux bétail et le rapporter à
Eurysthée? Il y a certes, dans la légende d'Héraclès des
exemples de cultes par lui fondés en l'honneur de ses victimes ;
pour rester dans le contexte de ce voyage occidental du héros, on
pourrait citer Crotôn, gendre de ce Lacinios qui chercha à dérober
les boeufs de Géryon et qui fut tué par mégarde alors qu'il
voulait, précisément, empêcher le vol (257). OÎi pourrait encore
mentionner Locros dont il était l'hôte et qui, de la même façon,
périt dans la lutte entre son beau-père Latinos et Héraclès qui une
fois de plus défendait son troupeau (258). Dans les deux cas,
les victimes furent honorées par leur meurtrier (et de plus
devinrent l'éponyme d'une ville célèbre), mais dans ces deux
légendes, dont l'une dérive sans aucun doute de l'autre, la mort
est accidentelle ; dans les deux cas les héros, qu'il s'agisse de
Crotôn ou de Locros, n'ont qu'une raison d'être : expliquer le
nom et la fondation d'une cité coloniale (259). Dans les deux cas
nous avons, sans aucun doute, l'exemple de ces aitia, qui, nous
l'avons vu, continuèrent si longtemps d'enrichir le mythe grec.
* Le "héros" Géryon pose quant à lui bien d'autres
problèmes. Nous passerons rapidement sur un sujet déjà maintes
fois traité (260) et ne rappellerons là que les éléments essentiels :
281

- à Padoue (capitale des Vénètes) existait un oracle de


Géryon, oracle lui aussi mis en rapport avec le héros grec,
puisque la source Aponus auprès de laquelle on le situe s'ouvrait
dans une terre labourée par Héraclès (261)... Ici, comme à
Agyrion, s'exprimait l'alliance (et non pas l'hostilité) d'Héraclès
et de Géryon.
- Géryon est connu en Italie centrale et tout particulièrement
en Etrurie sous le nom de Cerun. Représenté sous l'image d'un
guerrier triple, il assiste Hadès sur une fresque funéraire de
Corneto (262).
- Enfin, une des versions de la légende romaine d'Hercule
remplace le héros grec par un bouvier nommé Garanus,
rapproché de la forme Γαρυ^ΰνης- qui se lit sur un vase chalcidien
(263), ou Recaranus qui en serait la forme primitive (264). Dans
cette convergence de témoignages, apparaît manifestement la
survivance, au delà du Géryon du mythe grec, d'un héros ou
d'un dieu indigène, dieu triple déjà et, peut-être, dieu "bouvier",
dieu chthonien dans tous les cas, même si l'origine du nom n'est
pas aussi évidente que ne l'affirmait Jean Bayet (γη 'ύω) (265),
et si l'on peut, tout aussi logiquement, comme l'a fait
dernièrement Jean-Pierre Vernant, faire dériver son nom du
verbe (266).
voix" geruo L'accent
et entendre
seraiteniciGéryon
porté plutôt
"celuisur
qui
l'aspect
fait résonner
infernal...
sa
qui sans doute existait aussi dans le dieu pré-hellénique (267),
l'exemple de Cerun est là pour le prouver.
Faut-il pour autant voir dans les cultes d' Agyrion des "rites
et coutumes de caractère essentiellement local et populaire" et qui,
en conséquence, ne sauraient avoir été "importés de la lointaine
Gela ou d'une autre colonie grecque dans cette petite ville perdue
au milieu des montagnes" (268) ?
Faut-il au contraire y retrouver la marque des colons grecs,
comme le voulait déjà E. Ciaceri (269) ? Faut-il, comme le
demande encore Maurizio Giangiulio, comprendre les fêtes
décrites par Diodore comme ces "fêtes de paysans" dont parle si
bien Louis Gernet, avec leurs jeux, leurs pratiques de banquets
communautaires, leur ouverture, non seulement aux jeunes dont
elles consacrent l'admission dans la communauté, mais encore
aux marginaux de la cité : les esclaves et les étrangers ? (270) Et
faut-il, en conséquence, voir dans ces rituels intégrateurs
proposés par des colons grecs un moyen d'attirer les Sicules en
voie d'hellénisation ? Voir dans ces banquets un lieu de rencontre
particulièrement
"colonisation" d' Agyrion
adapté àà la
l'époque
situationdeetTimoléon
ceci avant
(271),
mêmeune
la
colonisation qui devait faire de la localité une cité grecque à part
282

entière et implanter de façon décisive les souvenirs et les cultes


héracléens (272) ?
Sans anticiper sur une problématique qui vaut pour
l'ensemble du périple sicilien d'Héraclès, nous voudrions
seulement, à propos d'Agyrion, poser quelques jalons :
1. Que les cultes, que les fêtes d'Agyrion tels que nous les
rapporte Diodore évoquent des pratiques, des fêtes, des cultes
grecs, nous l'avons dit et nous y reviendrons longuement. Qu'il
soit impossible, en conséquence, de les comprendre comme
purement indigènes nous paraît incontestable.
2. Que le rapport des cultes et des mythes, que
l'intervention d'Héraclès soient - dans ce même récit de
Diodore - à mettre en relation avec une pratique colonisatrice, et
sous-tende une politique d'accueil, d'alliance et d'intégration (qui
fut celle des Chalcidiens, on ne l'oubliera pas !) (273) nous
paraît tout aussi manifeste.
3. Mais n'y a-t-il pas quelque contradiction à insister -
après L. Gernet - sur le caractère pré-politique de telles
manifestations et à voir en elles, en même temps, l'émanation de
la colonisation dont on sait bien à quel point elle est liée à
l'émergence de la cité ? (274) N'est-ce pas interpréter cette
puissance intégratrice dans un sens bien statique ? N'est-ce pas
méconnaître ce qu'une fondation établie en terre étrangère pouvait
elle-même chercher à se concilier, recevoir. Bref n'y-a-t-il pas eu
adaptation, récupération plutôt que création du mythe ?
Cet exemple des cultes d'Agyrion nous paraît constituer la
preuve même de la complexité de la tradition héracléenne en
Sicile, une tradition qui, au-delà de l'interprétation qu'en firent les
colons d'époque historique, mêlait déjà, comme le remarquait
naguère L. Bernabo-Brea, les légendes de la préhistoire
mythique de la Grèce et celles que les populations indigènes de la
Sicile conservaient de leurs origines et de leur propre passé (275).

Les chefs sicanes.

Ces populations apparaissent d'ailleurs de façon beaucoup


plus concrète dans l'épisode qui oppose Héraclès aux Sicanes,
dans l'arrière pays de Syracuse... confrontation violente dans ce
cas, puisque c'est d'un "célèbre combat" qu'il s'agit, dans lequel
les indigènes (των εγχωρίων Σιχανων) avaient engagé "des
troupes considérables" (μεγάλατς: δυνάμεσιν άντιταξαμένων).
Dans l'affrontement périrent un grand nombre d'ennemis, parmi
lesquels - et Diodore rapporte là le dire des mythologues - des
283

chefs qui, à son époque, recevaient encore des honneurs


héroïques : Leucaspis, Pediacratès, Bouphonas, Gluchatas,
Butaeas et Crutidas (276).
Faut-il une fois de plus rappeler que ces Σικανοί - et non
pas les Σικελοί qui peuplaient, à l'époque de la colonisation
grecque cette région de la Sicile - renvoient au passé ancien de
l'île ? Que Thucydide (277), bien avant Diodore (278) ou Denys
d'Halicarnasse (279), en fait des populations antérieures à la
migration sicule et qu'en dépit de divergences sans conséquences
ici, (280) la tradition est, sur ce point, unanime ? Que cette
migration sicule, datée par Thucydide du Xlème siècle avant
notre ère (près de trois siècles avant la venue des Grecs) est plus
ancienne encore pour certains historiens, puisqu'elle aurait eu lieu
avant la Guerre de Troie - trois générations pour Hellanicos
(281), quatre-vingts ans pour Philistos (282) - en tout état de
cause près de deux siècles avant la date proposée par l'historien
athénien (283).
Le problème essentiel reste, évidemment, celui de la mise
en rapport de cette tradition littéraire, des enseignements de la
linguistique (284), et, sur le terrain, des découvertes
archéologiques. De ce débat, encore très ouvert, nous ne
donnerons ici que les éléments indispensables à la connaissance
de ces "indigènes" que la légende oppose à Héraclès.
Nous tiendrons donc pour acquises :
1. l'existence incontestable, lorsque s'installent les Grecs en
Sicile, de deux faciès culturels nettement différenciés (différence
que la présence grecque semble avoir eu pour conséquence
d'atténuer notablement) : l'un correspondant à la Sicile
centro-méridionale (culture de S. Angelo Muxaro) et dont on
peut estimer que sont porteurs les Sicanes, l'autre, se
manifestant dans la Sicile orientale (culture de Pantalica Sud et de
Molino délia Badia) peuplée, si l'on en croit les auteurs grecs, par
les Sicules (285).
2. l'influence non moins incontestable d'apports extérieurs dans
la lente formation de ces cultures sur le sol sicilien. Là encore
nous nous limiterons à l'essentiel : les contacts avec le monde
égéen, qui commencent timidement au XVIIème siècle,
culminent aux XVI-XIVe siècles, se raréfient, puis s'interrompent avec
le milieu du XHIème siècle (286) ; les influences
phéniciennes, plus tardives et décisives, semble-t-il, dans le
développement des cultures de l'âge du Fer (287), plus particulièrement
dans la civilisation de Cassibile (288). Nous signalerons encore
l'importance prise par la production chypriote dans les échanges
tardifs avec le monde achéen (et ce tant dans les Pouilles que
284

Fig. 26 : La céramique mycénienne en Italie et en Sicile


d'après M. MARAZZI, S. TUS A, Die mykenische
Pénétration im Westlichen Mittelmeerraum, Klio, 61,
1979, 2, pp. 314-315.

FRATTESINAdi POLESINE

BARI (aotto
\^—>COPPA
—l'ospadala
. NEV.GATA.
di S.ScolaaticaM^Pta
\^ΜΑΒ1Α
**GIQVINAZZO
„,dalla
COLONHA(Tr.n.)
Panna
* «ABIMA
S.SABINA
ISCHIA-CASTIGUONE«A-.pAESTUM GUACETO
VIVARA· 0 *-^*ψ * rlndiai)
G di POLLA
P.tO CESAREO
jScala di Furno)
AVETRANA
S MartheC.na dall'a^ba
LIPARI-ACROPOLI k-G
LContrada Torlgllon·
PANAREA-MILAZZESE S.COSIMO (Or la)
FlUCUDI-C.GRAZIANO(montagnola) T.rra CASTELLUCCIA
SALINA-SERRO dai CIANFI P.PERONE-SATYRION
SALINA-PORTELLA TARANTOtaotto la
chlaaa di S.Oomanico)?
TARANTO(Scoglio dal Tonno)
SERRA ORLANDO
MILENA· * MOLINELLO di AUGUSTA
AGRIGENTO»

BORG IN-NAOUR (Malta)


285

dans l'Est sicilien) (289) : on peut, en effet, être tenté de voir


dans ce carrefour qu'a représenté la grande île orientale, un
possible trait d'union entre les échanges achéens et les échanges
phéniciens (290).
3. Nous retiendrons enfin les réticences des archéologues, dans
l'état actuel de leur connaissance des faciès culturels de la Sicile
orientale, à faire des Sicules (qui, comme les Ausones et les
Morgètes proviennent de l'Italie centrale et méridionale) les
porteurs d'une civilisation sub-apenninique en tous points
semblable à celle des "Ausoniens" des fles Lipari et de Milazzo.
C'est en effet d'une remarquable continuité avec l'âge du Bronze
que témoigne, au contraire, la civilisation de Pantalica et, si les
Sicules en sont bien les porteurs, il faut admettre qu'ils ont
beaucoup emprunté, ici, aux indigènes qui les avaient précédés en
ces lieux... un phénomène analogue, remarque L. Bernabô Bréa à
celui de la Graeca capta (291). La même "nécessité"
archéologique conduit encore à préférer, dans ce cas, la date
haute, proposée par Hellanicos ou Philistos pour la migration
sicule ; "hypothèse plus réaliste", "hypothèse de travail",
conviennent les archéologues (292) et il importe que nous
adoptions ici la même prudence et plus de réserve encore.

Diodore nous apporte-t-il quelque lumière en transmettant le


nom des six chefs sicanes qu'aurait occis Héraclès dans le raid
qu'il effectua depuis la côte (et dans la région qui devait plus tard
être Syracuse) vers la "Mésogée" ? Ceux-ci ont, depuis
longtemps intéressé l'historiographie sicilienne (293), mais les
études les plus récentes et les plus complètes sont celles que leur
ont consacrées E. Siôqvist et M. Giangiulio (294). Leurs
conclusions - radicalement opposées - invitent à reprendre le
problème.

LeucaspiSy un nom grec, désigne le premier de ces héros


sicanes "au bouclier blanc", un guerrier donc et ce de façon tout à
fait cohérente avec le mythe du combat contre Héraclès. Plus
qu'un nom propre, d'ailleurs, le terme est, souligne E. Siôqvist,
une appellation descriptive, l'une de celle qui, fort logiquement
décrits"
sont attribuées
(295)... àRétorquer
des étrangers
- ce qu'on
"qui est
peuvent
tenté de
seulement
faire - qu'en
être
Grèce même beaucoup de noms propres sont ainsi "parlants" ne
réfute pas entièrement l'argument, dans la mesure où ce que
disent ces noms est généralement d'un autre ordre et suppose une
connaissance du personnage et de ses qualités ou, du moins, un
espoir de ce qu'il sera, une anticipation sur son destin : nommer
286

Héraclès (glorieux par ou pour Héra), implique, par exemple, un


autre rapport au héros que la banale mention - toute
extérieure - d'un bouclier blanc et la reconnaissance d'une
fonction guerrière non moins banale (295 bis).
C'est d'ailleurs un guerrier que représente une drachme
syracusaine de l'extrême fin du Vème ou du début du IVème
siècle portant l'inscription ( ΛΕ ) ΥΚΑΣΠ ( ΙΣ ) (296), un
témoignage qui conforte la mention de Diodore et laisse à penser
qu'à cette époque au moins, Leucaspis était, à Syracuse,
considéré comme un héros, qu'en tout état de cause, il faisait
partie de l'horizon cultuel des colons grecs.

Pediacratès porte, lui aussi, un nom grec et, lui aussi,


un nom parlant, un nom fonctionnel : il est "le chef de la
plaine", traduction plus claire encore, si l'on retrouve la formule
employée par Xénagoras et conservée par Macrobe : Pediocratès
(297). Le texte des Saturnales est d'ailleurs du plus haut intérêt,
qui met en relation le héros sicane et le culte des Paliques : "La
terre n'ayant rien produit, cite-t-il, les Siciliens firent un sacrifice
à un héros, Pediocratès, sur l'ordre que leur en avait donné
l'oracle des Paliques ; et, après le retour de la fertilité, ils
chargèrent de présents l'autel des Paliques" (298).
Sur le culte des Paliques, nous possédons, évidemment, la
description de Diodore. Du sanctuaire, voisin du lac Naftia (et
distant d'environ quarante-cinq kilomètres de Catane), il a retenu,
surtout, le caractère terrifiant de ces deux cratères, "qui lancent,
d'une immence profondeur d'énormes étincelles" et évoquent
"des chaudières posées sur un grand feu, et pleines d'eau
bouillante"... Une eau qui répand une forte odeur de soufre, alors
même que l'abîme
effroyable..." Il s'yd'où
attache,
elle s'échappe
ajoute-t-il,
fait "quelque
entendre chose
"un bruit
de
surnaturel et de divin..." Et c'est la raison pour laquelle, sans
doute, le temple est si vénéré qu'on y prononce "les serments les
plus sacrés". Diodore remarque encore qu'il est devenu "un asile
inviolable, surtout pour les malheureux esclaves qui sont tombés
au pouvoir de maîtres impitoyables" (299).
Macrobe "qui a lu les livres grecs" (300) et apparemment en
cite de longs passages, a, lui aussi, connaissance de ces cratères
"dont on n'a jamais touché le fond, et d'où l'eau sourd
constamment en bouillonnant" ; comme à Diodore la pratique des
serments lui paraît révéler et la vénération qu'on a pour les
Paliques et leur puissance divine, mais, d'après lui, les parjures
sont beaucoup plus durement punis : ils perdent, non pas la vue,
mais la vie, et ils la perdent dans le lac... (301). Ils meurent
287

"devant les dieux", écrivait, quant à lui, Polémon (302). Ce


dernier ajoute à sa description des cratères - très semblable à
celles que nous venons de voir - que ceux-ci étaient si profonds
que des boeufs y étant tombés, ont à tout jamais disparu (303)...
Enfin, remarque pour nous capitale, il précise que les Paliques
sont considérés comme des dieux autochtones (304).
Ils sont d'ailleurs donnés par la tradition comme fils
d'Adranos, "seigneur de l'Etna", dieu guerrier, dieu des Enfers,
maître des entrailles tumultueuses de la terre et prennent place,
fort logiquement, parmi les cultes nés des phénomènes
volcaniques (305). Leur caractère indigène est confirmé par le
choix de Doucetios, lorsque, dans sa révolte contre les Grecs, il
fonde, au voisinage de leur sanctuaire, la ville de Palikè.
Il est, bien sûr, du plus haut intérêt de voir ainsi
Pediocratès entrer dans la sphère de ces cultes indigènes dans
lesquels nous aurons reconnu au passage des correspondances
éloquentes, tant avec les cultes d'Agyrion (même si on ne saurait
confondre ce lieu d'asile qu'est le sanctuaire des Paliques et les
fêtes en l'honneur d'Héraclès et de Iolaos où pour un temps
seulement cohabitent maîtres et esclaves) que peut-être aussi avec
les pratiques d'immersion dans le lac Cyané. L'érudition de
Macrobe nous réserve d'autres surprises encore : il tient de
Callias, en effet, qu'à Eryx se trouvaient les Delloi, "deux
cratères regardés par les Siciliens comme les frères des
Paliques". Là encore les bulles éclatant à la surface ressemblaient
"à des eaux bouillonnantes" (306). Confusion avec la région de
l'Etna ou homonymie significative ? (307) En tout état de cause,
le seul rapport ainsi établi entre les lieux où plane la légende
héracléenne ne manque pas de mériter qu'on la relève!
Il faut enfin, pour donner toute sa dimension à cet
adversaire - qu'on pourrait imaginer purement fictif d'Héraclès -
signaler que nous possédons des preuves matérielles qu'un culte
lui fut rendu : il s'agit d'un petit autel, retrouvé à Syracuse et
portant comme dédicace le nom, sans doute au datif, du héros
sicilien (308). Voilà qui rend hautement probable la mention de
sacrifices faits en son honneur, sur ordre des Paliques !...
Plusieurs fois déjà, on a rapproché cette dédicace de celles qui
figurent sur des céramiques de Gela, vouées à Pédios, du héros
local, régnant probablement sur la plaine géloenne (309).

Les autres "chefs" cités par Diodore ont, il faut l'avouer,


beaucoup moins de réalité, en ce sens que rien ne vient attester
qu'ils furent, comme le dit l'auteur sicilien, l'objet d'un culte.
Pourtant, le nom de deux d'entre eux au moins retient toute notre
288

attention : celui de Bouphonas et celui de Butaias... Du


premier, qu'on traduira par "le tueur de boeufs", E. Siôqvist dit
encore qu'il est un nom descriptif, mais il faut le reconnaître,
plus inattendu dans ce combat des chefs 1 Un nom qui, en
revanche, n'étonne guère, li on le met en rapport avec le tôle de
fondateur de cultes qui est celui d'Héraclès lors de son retour
d'Erythie ; le Bouphonos, on le sait, est celui qui, lors des
Bouphonies - cette fête déjà mal comprise par les Athéniens du
Vème siècle (310) - porte le coup de grâce au boeuf du sacrifice
et s'enfuit, tandis qu'on juge la hache avec laquelle il officiait.
Nous reviendrons, bien sûr, sur cette nouvelle irruption du
sacrifice dans la légende héracléenne.
Et si nous avons de Bouphonas rapproché Butaias, c'est,
là encore, en raison d'une affinité profonde avec l'un des mêmes
essentiels de cette légende. Tous les commentateurs considèrent le
terme comme lié étymologiquement à Boutas ou Boutés le
berger, le bouvier (311). Exploitant son interprétationn
"descriptive", E. Siôqvist écrit que le nom pourrait parfaitement
convenir
horde" (p."to
121).
an eponymous
Certes ! Nous
chieftain
préférons,
of anquant
anonymous
à nous,barbarian
insister,
une fois de plus, sur la cohérence interne du mythe, car c'est bien
en bouvier qu'apparaît aussi Héraclès tout au long de ce retour...
bouvier et sacrificateur à la fois et nous aurons, bien sûr, à
élucider les curieux rapports du héros avec ces troupeaux qu'on
l'envoya quérir si loin en Occident, avec les bouviers auxquels
plusieurs fois ils est affronté. Contentons nous, ici, de remarquer
les liens qui se tissent, une fois de plus, avec la légende d'Eryx :
ne s'appelait-il pas Boutas (ou Boutés) le père de ce roi, voleur de
troupeaux, qu'Héraclès dut combattre pour récupérer son bien ?
(312).

Restent Gluchatas et Crutidas . Maurizio Giangiulio les


abandonne "au patrimoine culturel indigène" (313), et il faut,
pourquoi ne pas l'avouer, beaucoup d'imagination pour les
interpréter "à la grecque" (314). Rapproché de γλεύκος- (= jus de
raisin), le premier pourrait être "celui qui presse le raisin" ;
rapproché de γρύζειν le second serait une onomatopée, "celui qui
grogne, qui marmonne", bref, qui parle un langage inintelligible.
Quel beau nom, en effet, pour un Barbare ! et l'on comprend que
l'interprétation séduise E. Siôqvist, qui, cependant, reconnaît
bien volontiers le caractère hautement hypothétique de ces deux
dernières "traductions" (315). C'est, en définitive, un
remarquable puzzle que nous offre Diodore et on prend envie de
jouer avec ces noms, de les associer, de les juxtaposer. Or,
289

malgré leur caractère délibérément "fonctionnel" (ce dénominateur


commun me frappe plus, personnellement, que l'aspect descriptif
relevé surtout par E. Siôqvist), on n'a jamais, à ma connaissance,
tenté de les exploiter dans le sens de la trifonctionnalité
indo-européenne.
Pourtant ne reconnaît-on pas aisément la fonction de
souveraineté, la fonction guerrière, et la troisième fonction, celle
qu'expriment au mieux les producteurs...? Mieux même, puisque
nous disposons de six noms, ne peut-on retrouver en eux le
dédoublement caractéristique de chacune de ces fonctions :
l'administration à la fois régulière (Pédiacratès) et religieuse
(Bouphonas) du monde ; le jeu de la force guerrière dans sa
manifestation organisée, réglementée (Leucaspis, l'homme au
bouclier) et désordonnée, insoumise (si Crutidas est bien celui
qui proteste, qui grogne). Les activités productrices, enfin, dans
leurs deux aspects essentiels, seraient, dans cette optique,
représentées par le pasteur et l'agriculteur (mais là encore
redisons que si, avec Butaias, le berger est assez sûrement
attesté, le viticulteur reste, quant à lui, hypothétique).
Il n'empêche, cette irruption, que nous envisageons, des
structures indo-européennes ne manque pas de cohérence, nous la
retrouverons, à un autre niveau, dans l'interprétation de la lutte
contre Géryon (316), non pas comme fondant le mythe, bien sûr,
mais comme l'utilisant à d'autres fins. C'est ainsi d'un véritable
microcosme que triompherait Héraclès, c'est une société tout
entière qu'il réduirait à sa merci.

Oui, mais quelle société ?


Pour certains, qui donnent à l'épisode valeur historique, les
chefs qui, si l'on veut bien suivre notre hypothèse,
l'exprimeraient ainsi tout entière sont, ce que d'ailleurs en dit
Diodore, des Sicanes. Et c'est alors, fort logiquement, un
Héraclès achéen qui en dispose. C'est la théorie exprimée en
particulier par E. Manni qui parle de héros pré-sicules (317).
C'est aussi la conclusion à laquelle tend toute la démonstration de
E. Siôqvist, qui fait remarquer, de surcroît, que la forme
hellénisée des noms conservés par Diodore est beaucoup plus
facile à reconnaître comme transcription du mycénien que comme
forme purement classique (318), et qui demande à l'archéologie -
et tout particulièrement à l'ouvrage de Lord Taylor - de
corroborer cette tradition. L'importance des trouvailles de
céramique mycénienne dans l'angle Sud-Est de la Sicile
garantissant, en effet, l'existence de rapports entre le monde
achéen et cette région, ceux-ci lui paraissent former "le terreau
290

lointain sur lequel se développera la légende du bief séjour


d'Héraclès en un lieu qui sera plus tard Syracuse". Mieux : le
raid d'Héraclès contre les chefs sicanes lui semble lui-même
prouvé par les signes rares, mais tangibles, d'une pénétration
mycénienne vers l'intérieur (319). Le mythe, tel que le rapporte
Diodore, serait ainsi la cristallisation de l'Histoire, le souvenir,
encore précis, de ces contacts du second millénaire dont
l'archéologie prouve, à l'évidence, qu'ils furent une réalité.

On peut au contraire - et c'est ce que j'ai fait moi-même -


insister sur la cohérence interne du mythe, rechercher dans
l'épisode moins le reflet d'événements passés qu'un faisceau de
relations qui se tissent autour d'un héros devenu le personnage
essentiel d'une autre histoire. Cette apparente autonomie donnée
au mythe peut d'ailleurs conduire à l'enraciner, non moins
profondément - et dirons-nous, non moins dangereusement -
dans l'histoire. Pour Maurizio Giangiulio qui a, lui aussi, travaillé
en ce sens, le récit de Diodore est ainsi construit à partir du thème
mythique de la victoire d'Héraclès sur des antagonistes "dai tram*
ora brigantesco-pastorali, ora guerreschi", (320) une construction
née, comme tant d'autres, d'un contexte colonial qu'il pense
pouvoir préciser : celui, topographique, de l'aire de diffusion du
culte des Paliques ; celui, historique, de la résistance de
Doucétios à la présence grecque... une résistance qui présuppose
une occupation : celle des Deinoménides (321). C'est donc dans
le cadre de la propagande des tyrans de Syracuse qu'il propose de
comprendre la séquence de la lutte d'Héraclès contre les chefs
indigènes, comme un mythe "préfigurant et légitimant la
domination territoriale, politique et culturelle" de l'impérialisme
syracusain.
C'est dans une note que l'auteur se débarrasse de la
mention gênante des Sicanes : On aurait tort de s'en tenir à la
lettre, il faut donner à ce terme, écrit-il, "son sens profond" et
comprendre que c'est pour donner plus de poids à l'intervention
du héros grec que l'historiographie syracusaine l'a ainsi mise en
rapport avec le moment le plus ancien du peuplement de 111e,
avec les autochtones qu'étaient les Sicanes dans la vision
ethnographique des Grecs (322).
Soit... l'argument peut cependant paraître d'autant moins

convaincant
"sicule" du culte
qu'on des
insiste
Paliques
beaucoup,
! (323).
au contraire,
En fait, il
sur
y le
a là
caractère
- pour
l'une et l'autre thèse d'ailleurs - un élément de contradiction.
Nul doute que le sanctuaire des Paliques ait joué un rôle
fédérateur pour les Sicules contemporains des colons grecs
291

installés sur leurs côtes ; nul doute que ce rôle ne se soit accru,
lorsque cette présence étrangère s'est faite plus gênante, lorsque
l'hellénisation a gagné le coeur de la Sicile, lorsque la tyrannie
géloenne puis syracusaine a développé sa politique de conquête
territoriale
"géographique"
(324).
des phénomènes
Le caractère
quiéminemment
leur ont donné"local"
naissance
et
laisse à penser, toutefois, que ces cultes n'appartiennent pas en
propre aux Sicules, que ceux-ci en ont au contraire hérité à leur
arrivée dans l'île. Polémon n'écrivait-il pas que les dieux Paliques
étaient autochtones ? (325). L'archéologie n'enseigne-t-elle pas
que les faciès culturels de cette Sicile du Sud-Est témoignent
d'une remarquable continuité avec les civilisations de l'âge du
Bronze ?
η nous paraît, en définitive, aussi peu raisonnable de nier ce
qui, dans le mythe, peut renvoyer aux temps "héroïques" que
d'en faire un pur reflet de ces contacts, dont on sait qu'ils
existèrent, entre les Achéens et les Sicanes... Peu raisonnable et
inutile, d'ailleurs, car la démonstration de Maurizio Giangiulio
n'en est pas affaiblie, qui prouve à l'évidence que le mythe a
fonctionné comme mythe de propagande pour les
Déinoménides : nous renvoyons sur ce point à l'étude
parfaitement convaincante qu'il fait de la politique (au sens le plus
large du terme) des tyrans de Syracuse et de l'appui apporté en ce
sens tant par Eschyle, dans sa tragédie perdue, que par Pindare
dans les épinicies qu'il consacra aux tyrans siciliens (326)... Ce
dernier surtout nous intéresse, pour qui Héraclès est, bien
évidemment, le modèle que se doivent de suivre tant les
Déinoménides que leurs alliés (327).
Il reste que c'est une version du mythe que nous avons là ;
une de ses multiples facettes, ou, si l'on préfère, un moment de la
légende héracléenne. Et, si l'épisode du combat contre Eryx par
lequel nous terminerons cette étude du parcours sicilien du héros
grec, nous paraît particulièrement intéressant, c'est peut-être parce
que, mieux que tout autre, il permet de mettre en évidence ces
phénomènes de "bricolage" et de "réinterprétation" qui affectent le
mythe ; parce que, si le mythe, avec ses prolongements
légendaires, paraît tenir lieu d'archives, il ne peut dans ce cas,
dissimuler la part d'idéologie qu'il comporte ; cette "fonction
justificatrice dont savent fort bien jouer les gardiens de la
tradition, les détenteurs et bénéficiaires de l'autorité" (328).
Il suffira pour s'en convaincre de comparer les deux récits
parallèles que nous possédons de cet épisode : celui
d'Apollodore et celui de Diodore (329), auxquels nous revenons
après un détour qui nous aura permis, espérons-le, de les mieux
292

comprendre.

Eryx.

η convient, je crois, d'insister fortement sur la symétrie


frappante qu'offrent ces épisodes siciliens dans le récit de
Diodore.
- Symétrie géographique d'abord, dans la mesure où, de
cette île aux trois caps, ne paraissent exister que les deux pôles
opposés : le Sud-Est syracusain, étendu en pays chalcidien (vers
Agyrion l'arrière-pays de Léontinoi) d'une part ; le Nord-Ouest
autour d'Eryx avec, là encore, une extension en pays chalcidien
(autour d'Himère)
- Symétrie quant aux thèmes développés ensuite, puisque,
dans les deux cas, le héros apparaît :

1. - lié aux forces profondes de la nature, aux entrailles de


la terre (phénomènes volcaniques avec les Paliques et peut-être les
Delloi, sources chaudes d'Himère et de Ségeste) (330);
2. - lié aux cultes locaux : cultes d'Agyrion et cultes des
Paliques d'une part et, d'autre part, culte des Nymphes (fort
vraisemblablement) et, surtout, culte d'Aphrodite Erycine. En
effet, si, dans le récit qu'il donne du retour d'Héraclès, Diodore
ne dit rien du sanctuaire voué à la Grande Déesse, mère d'Eryx, il
le décrit très longuement par la suite. Pour l'auteur sicilien, le
temple est une fondation d'Eryx, comme, d'ailleurs la ville qui
porte son nom et c'est Eryx qui le premier - lui, roi indigène, fils
d'un roi indigène- le comble de multiples offrandes (331),
comme plus tard devait le faire Enée - cet autre fils d'Aphrodite -
lorsque, fuyant Troie prise par les Achéens, il jetterait l'ancre
dans nie (332).
Ainsi ce temple fondé "au commencement des temps" n'a
jamais cessé d'être un objet de vénération, vénération des Sicanes
(une fois de plus) pendant des générations, vénération des
Carthaginois, vénération des Romains, enfin, qui dans les
honneurs rendus à la déesse surpassèrent tous les peuples qui les
avaient précédés (333), avec raison, ajoute Diodore, puisqu'ils
devaient à Aphrodite et leurs origines et le succès de leurs
entreprises ! On pourrait se demander si la seule épiclèse locale
d'Erycine légitime qu'à cette affaire de famille on mêle Héraclès,
si Pausanias, dans sa Description de la Grèce (334), n'avait vu
en Arcadie, dans la ville de Psophis, le sanctuaire d'une
Aphrodite nommée Erycine qu'il rapproche évidemment de celui
293

d'Eryx "vénéré depuis les plus anciens temps et presque aussi


riche que celui de Paphos" (335). Or ce sanctuaire avait été fondé
par Promachos et Echephron, les fils de Psophis, éponyme de la
ville et "selon l'opinion la plus vraisemblable (elle-même) fille
d'Eryx, roi de Sicanie". Le père de ces deux jumeaux était, bien
entendu, Héraclès (336). Enfin, à ce culte d'Aphrodite Erycine,
peut-être faut-il ajouter le culte d'Eryx lui-même. Celui-ci en
effet, fils de Poséidon pour Apollodore (337) - et cela,
conformément au schéma, classique chez lui, de l'adversaire du
héros -, fils d'Aphrodite et de Boutés pour Diodore (338), est
parfois reconnu comme un dieu lui-même. Dans l'Enéide, lors
des jeux organisés par Enée en l'honneur de son père Anchise,
Aceste gourmande ainsi Entelle qui ne propose pas assez vite, à
son gré, de combattre contre Darès : "Qu'avons-nous fait de
notre dieu, de cet Eryx que tu proclames vainement ton maître ?
Où sont cette renommée répandue par toute la Sicile et ses
trophées qui pendent sous ton toit" (339). Qu'il s'agisse bien de
l'adversaire d'Héraclès ne fait aucun doute puisque les trophées
en question sont les deux cestes "d'un poids monstrueux" avec
lesquels combattait Eryx, avec lesquels, en particulier, "il tint
contre le Grand Alcide" (340). Et lorsqu'Entelle, finalement
vainqueur de Darès sacrifie l'enjeu même de la lutte, c'est à Eryx,
qu'il offre la victime : un boeuf, une fois de plus (341). Quant à
Enée, lorsqu'il décide enfin de gagner les rivages italiens promis
par les dieux, avant de quitter la ville qu'il vient de fonder et le
temple "voisin des étoiles" que, sur le sommet du Mont Eryx, il a
construit pour la Vénus de l'Ida, il immole trois jeunes taureaux à
Eryx (342), qui, s'il se voit dépossédé de son rôle de fondateur,
apparaît manifestement, chez Virgile, comme la divinité du lieu.
Trois taureaux... Le chiffre est-il donné au hasard ? ou
participe-t-il d'une même tradition qui, dans le texte de la
Bibliothèque, conduit Apollodore à mentionner la triple lutte
d'Eryx et d'Héraclès : par trois fois en effet le héros grec terrasse
le roi des Elymes avant de le tuer et de lui reprendre le taureau
qu'il avait mis dans ses troupeaux...
Cette triplicité qui est aussi celle de Géryon, celle de
Cerbère ou d'Hécate, en un mot celle des êtres infernaux, fait
d'Eryx, non pas seulement un indigène auquel dut s'affronter
Héraclès, mais un adversaire assez proche du pasteur d'Erythie
encore, un personnage mythique (et rappelons-le, un dieu, chez
Virgile) dont la prégnance symbolique reste très forte. Ceci en
parfait accord avec le sens même du mythe : l'enjeu du combat
pour Héraclès est clair : s'il ne ramène pas les boeufs, c'est
l'immortalité qu'il perdra. La victoire sur Eryx représente donc
294

bien une victoire sur la mort.

4.- La lutte d'Héraclès avec Eryx n'en met pas moins le


héros grec en rapport avec les indigènes du Nord-Ouest de la
Sicile. Eryx est en effet leur roi et si Diodore, dans son récit, ne
mentionne que les Sicanes, Apollodore, pour sa part, en fait le roi
des Elymes (343).
Pour Thucydide, ces derniers sont avec les Sicanes et les
Sicules - et après les Cyclopes et les Lestrygons qu'il vaut
mieux abandonner aux poètes ! - les premiers habitants de l'île,
les "Barbares" que trouvèrent les Grecs à leur arrivée en Sicile.
Ils sont, précise-t-il, d'origine troyenne, ont fui Ilion prise par les
Achéens, se sont installés au voisinage des Sicanes et ont fondé,
avec eux, les villes d'Egeste et d'Eryx (344). Cette tradition de
l'origine troyenne des populations occidentales de l'île, bien
établie dans l'Antiquité, est affirmée, aussi bien par le
Pseudo-Scylax qui, lui aussi, donne ces "Troyens" parmi les
populations barbares de Sicile (νΕλυμοι, Σικανοί, Σικελοί,
ΦοΜκες·, Τρώες ) (345) en les distinguant toutefois des Elymes.
Elle l'est encore par Plutarque qui, nous avons eu l'occasion de le
voir, mentionne l'origine troyenne des habitants de Ségeste
(346), par Pausanias également, pour qui les "Phrygiens",
forment, avec les Sicanes et les Sicules la population antérieure à
l'arrivée des Grecs (347).
Cette idée - fort couramment admise dans l'Antiquité - de
l'origine troyenne des Elymes repose, il faut le dire, sur bon
nombre de légendes de fondations donnant aux villes elymes des
éponymes troyens. Ainsi Apollodore fait du troyen Egeste le
fondateur de Ségeste (348). Ainsi, surtout, Lycophron
développe longuement, dans son Alexandra, le récit des origines
de la cité : aux sources de son histoire, le projet d'offrir en
sacrifice au monstre marin qui ravageait la Troade, Hésioné, fille
de Laomédon (349). Le conseil en avait été donné par
Phénodamas et c'est pour se venger que Laomédon avait expédié
les trois filles de ce dernier en Sicile où elles devaient être
dévorées par les fauves. Echappant miraculeusement à la mort,
elles fondent sur le mont Eryx un sanctuaire à Aphrodite
zérinthienne qui les avait sauvées et l'une d'elles Egesté unie au
fleuve Crimisos - qui avait pris la forme d'un chien - donne
naissance à Egestes, fondateur des trois villes elymes : Egeste
(ou Ségeste), Eryx et Entella... C'est lui aussi qui aurait conduit,
à cet endroit de la Sicile, Elymos, fils bâtard d'Anchise (350). La
Grande Déesse d'Eryx était ainsi devenue orientale..., mais
Enée - dont la venue dans le Latium est pourtant mentionnée
295

dans YAlexandra (351), n'était pas encore mis en rapport avec


l'épisode.
C'est aussi une version plus tardive de cette légende
troyenne qui nous est rapportée, avec quelques variantes, par
Denys d'Halicarnasse, et par Virgile. Le premier qui mentionne le
départ d'Egestos et d'Elymos après la chute de Troie, connaît les
origines, mi-troyennes - mi siciliennes d'Egestos et fait aborder
Enée chez ces Troyens de Sicile au cours des longues
pérégrinations qui devaient le conduire sur les côtes italiennes
(352). Mais c'est, bien sûr, Virgile qui donne le récit le plus
complet de cette interprétation romaine de la légende : lui aussi
connaît l'origine troyenne d'Aceste et lui donne pour père le
dieu - fleuve sicilien Crimisos (353), mais il développe surtout
l'épopée d'Enée qui quitte Troie en flamme, s'embarque avec un
grand nombre de ses compatriotes, pour fonder une nouvelle
Troie et pendant de longues années "poursuit à travers l'Océan,
une Italie qui recule devant (lui)" (354). Il rapporte comment,
après que fut achevé "le septième été depuis la chute de Troie",
les femmes troyennes lasses de parcourir le monde tentent
d'incendier la flotte et incitent Enée (conseillé en ce sens par ses
compagnons et par l'ombre de son vieux père Anchise) à laisser,
auprès du roi Aceste, les plus âgés de ses compatriotes. Nous
avons dit, déjà, comment, pour Virgile, la fondation d'Eryx et du
temple d'Aphrodite était liée à cet épisode (355).
Nous ne traiterons pas ici de cette version romaine et
peut-être tardive de la légende (356). Jean Bérard remarque que
son développement doit sans doute beaucoup aux liens qui
unirent les Elymes et les Romains, lorsque ces derniers eurent
introduit, en 215 avant notre ère, le culte de Vénus Erycine au
Capitole (357). Il reste que, si l'on en croit Denys
d'Halicarnasse, Hellanicos, dès le Vème siècle, mentionnait
l'origine troyenne d'Aegestos et des Elymes et la venue d'Enée
dans le Latium (358) ; peut-être même de telles traditions
furent-elles connues dès l'époque archaïque (359) ?
Cependant il faut bien remarquer que, si Thucydide en
conclut à l'origine troyenne des Elymes, il n'en est pas de même
d'Hellanicos pour qui ces derniers sont des peuples chassés
d'Italie par les Oenôtres... la première de ces migrations qui
devaient ensuite amener en Sicile les Ausones et leur roi Siculos
(360)... Affirmation qui peut surprendre, tant il semble que les
Elymes fassent figure d'autochtones!
Pour Lorenzo Braccesi, cette question de l'origine des
Elymes souffre de la confusion entretenue entre ces épopées
individuelles qui amenèrent les Troyens sur les côtes occidentales
296

(sans pour autant impliquer de vastes mouvements de


populations) et ces traditions qui concernent des peuples entiers
auxquels on prête ainsi une origine troyenne (361). Sans doute
est-il de bonne méthode de rappeler que, si les premières sont
susceptibles d'avoir alimenté, voire autorisé, la naissance des
secondes, on ne saurait, sans imprudence les confondre.
L'exemple d'Hellanicos le prouve, qui transmet les unes, sans
pour autant admettre les autres!
En l'occurrence, ni les arguments archéologiques, ni les
arguments linguistiques ne paraissent décisifs pour appuyer la
thèse de l'origine orientale des Elymes (362), et les suggestions
de l'auteur sont assez convaincantes, qui en accorde le crédit à la
propagande entourant la politique occidentale d'Athènes au Vème
siècle. N'est-il pas frappant, en effet, que soient ainsi reconnus
comme descendants des Troyens tant les Venètes (on connaît
l'intérêt économique de la cité pour le Nord de l'Adriatique !)
(363) que les Chônes (autour de Skis) et les Elymes ! Segeste, le
plus ferme soutien, en Sicile, de cette politique occidentale
d'Athènes ne prenait pas rang parmi les cités grecques, certes...
du moins n'était-elle plus une ville barbare, les Troyens jouissant
de cette position ambiguë que définit si bien G. Karl Galinski,
lorsqu'il les dit "neither totally identical with the Greeks, nor
totally différent from them" (364).
Nous ne prétendons pas résoudre ce problème qui
manifestement demeure, pour les historiens comme pour les
archéologues italiens, une vexata quaestio . Contentons-nous de
retenir :
- que, dans cette région Nord-Ouest de la Sicile autour
d'Eryx (comme à Padoue autour de Géryon), la légende
d'Héraclès voisine avec la légende troyenne (365). Que celle-ci ait
été utilisée par la suite pour conférer une origine orientale aux
Elymes (comme aux Vénètes) ne nous concernerait guère, si le
fait ne permettait, une fois de plus, de souligner les
extraordinaires potentialités du mythe... Que cette origine
orientale soit rien moins qu'hypothétique, en tout cas, n'enlève
aucun inérêt à la rencontre en ces mêmes lieux de ces épopées
individuelles : légende troyenne, légende héracléenne. Rome, de
la même manière, les réunira.
- En ce qui concerne les Elymes, les conclusions des
archéologues tendent, nous semble-t-il, à prouver avec force leur
parenté étroite avec les Sicanes : à Ségeste, en particulier, la
culture élyme repose sur un substrat nettement identifiable comme
sicane (366). C'est donc assez tardivement que se
différencieraient les deux groupes ethniques et, sans adopter les
297

vues radicales de ceux qui apprécient la distinction


Elymes/Sicanes comme un phénomène d'ordre essentiellement
politique (les Elymes étant des Sicanes unifiés sous contrôle
punique), on peut à bon droit penser que des influences
orientales, phéniciennes, puis carthaginoises sont en partie
responsables de l'originalité des Elymes et, peut-être même, de
cet aspect quelque peu exotique qui accrédita l'idée de leur origine
troyenne (367).
Si, pour Apollodore, la lutte contre Eryx, roi des Elymes,
constitue l'essentiel du mythe "sicilien" d'Héraclès, il n'en est pas
de même, visiblement, pour Diodore, pour qui il n'est qu'un
prélude ; prélude à une tentative de conquête de cet Ouest Sicilien
par Dorieus. Eryx, en effet, a joué son royaume ; il a perdu et a
dû renoncer à ses territoires. Héraclès, s'il rend le pays aux
indigènes et leur en accorde la jouissance, annonce toutefois
qu'un de ses descendants leur en demandera la restitution (368).
La lecture de l'épisode, tel qu'il est rapporté par Diodore, est
claire. Il s'agit, soit de légitimer a posteriori l'expédition de
Dorieus (ce qui pourrait paraître curieux dans la mesure où elle
échoue rapidement, mais il se trouve que le texte de Diodore tend,
justement, à masquer cet échec), soit de la motiver et c'est
probablement à cette fin que, dans un premier temps, a été utilisé
l'épisode du combat contre Eryx : excellent thème de
propagande destiné à accompagner, à soutenir et justifier à la fois,
la tentative du Lacédémonien.
Les aventures de Dorieus sont, en effet, parfaitement
historiques et attestées par Hérodote dès le Vème siècle (369).
Celui-ci rapporte comment Dorieus, évincé de la royauté à
Sparte, ne peut souffrir de vivre sous le sceptre de Cléomène et,
sans consulter l'oracle de Delphes, "sans satisfaire à aucun des
usages", réunit quelques hommes et s'embarque pour la Libye. Il
en est chassé trois ans plus tard par les Libyens et les
Carthaginois et c'est un Béotien ("un homme d'Eléon") (370) qui
lui donne le conseil, tiré des oracles de Laios, de coloniser "la
terre d'Héraclès qui était en Sicile" (371). Hérodote explique
qu'en effet "tout le pays d'Eryx appartenait aux Héraclides,
Héraclès en ayant fait lui-même l'acquisition"(aUTov) Ήρακλέος-
κτησαμένου). La Pythie, consultée, donne une réponse favorable
et, après l'épisode contesté de sa participation à la lutte de
Crotone contre Sybaris (372) - mais qui expliquerait l'échec de
sa tentative, dans la mesure où auraient été ainsi dépassées les
prédictions de l'oracle - Dorieus et ses compagnons font voile
vers la Sicile où ils sont écrasés par les Phéniciens et les gens de
Ségeste (373). Pausanias, qui, lui aussi, explique la tentative de
298

Dorieus par le fait que depuis la lutte d'Héraclès contre Eryx le


pays appartenait au héros grec, tire la "morale" de
l'événement :"les dieux ne furent pas aussi favorables à Dorieus
qu'ils l'avaient été à Héraclès, car ce héros tua Eryx et Dorieus fut
taillé en pièces avec son armée par les Egestéens" (374).
Pausanias, on le voit, fait des seuls indigènes les
vainqueurs de Dorieus ; pour Diodore, au contraire, ce sont les
Carthaginois qui s'opposent à la présence grecque, non pas,
comme chez Hérodote, dès l'arrivée de la flotte, mais lorsque la
ville fondée par Dorieus, Héraclée, leur paraît trop menaçante.
La version de Diodore a ainsi transformé en succès ce qui,
pour Hérodote encore, était un échec (375) : les indigènes ne se
sont pas opposés à la récupération de l'héritage d'Héraclès et
c'est au contraire la fortune rapide de la cité grecque qui explique
l'intervention de ses voisins jaloux. Dorieus, pour lui, avait trop
bien réussi dans son entreprise !
Les ambitions lacédémoniennes ne nous intéressent pas en
tant que telles et l'entreprise de Dorieus a fait l'objet déjà de bien
des études (376). Ce qui, pour nous, est en revanche essentiel,
c'est l'insertion de l'épisode dans le cadre des rapports
Grecs/indigènes en Sicile même. En ce domaine le dynamisme de
Sélinonte vers son arrière pays frappe tous les observateurs : un
dynamisme politique avec les expéditions successives de
Pentathlos et de Dorieus ; un dynamisme économique et culturel
apparemment mieux accueilli. Qu'il s'agisse des fouilles
conduites par V. Tusa dans le sanctuaire de Mango découvert en
1952 au pied du Mt Barbaro (377), ou du dépôt de céramique de
Grotta Vanella, toutes les observations prouvent que, dès la
fondation de Sélinonte, Ségeste a eu des contacts très rapides et
très féconds avec le monde grec (378).
Or le rôle d'Héraclès n'est sans doute pas négligeable dans
cette dynamique de l'expansion : la fameuse inscription de
Poggioreale, dédicace en dialecte dorien et alphabet sélinontin,
datée par M.T. Piraino-Manni des dernières années du Vllème
ou, plus vraisemblablement, des premières années du Vlème
siècle, n'est peut-être pas, comme l'avait avancé Juliette de la
Genière, le signe de l'adoption par les Elymes du dieu Héraclès
(379), elle témoigne en tout cas de l'implantation des cultes et de
l'alphabet sélinontin dans la haute vallée du Belice, et ce dès avant
l'expédition de Pentathlos (580)... Que Pentathlos, que Dorieus,
après lui, se disent descendants d'Héraclès n'étonne plus. Le
héros de Sélinonte est bien l'Héraclès dorien, le conquérant dont,
à bon droit, se réclament ses héritiers.
Faut-il, pour autant, comme le fait L. Pareti, (380) voir
299

dans cette séquence nord-occidentale du mythe héracléen un motif


inventé pour la circonstance ? Plus que les autres épisodes
siciliens la rencontre d'Héraclès et d'Eryx nous semble permettre
une réponse claire. Le texte de Diodore est loin, nous l'avons vu,
du texte d'Apollodore, pour qui seule compte la rencontre du
héros et d'un roi indigène, voleur de troupeaux... Plus clairement
qu'ailleurs s'y manifeste l'utilisation du mythe à des fins
historiques précises ; plus nettement qu'ailleurs s'y exprime la
forte empreinte de la colonisation : une empreinte qui, d'ailleurs,
là comme dans la partie orientale de la Sicile, paraît composite :
dans les deux cas nous avons vu intervenir les terres de fondation
chalcidienne : Himère avec ses sources chaudes, l'arrière pays
de Léontinoi avec ses cultes indigènes ; dans les deux cas nous
est donnée l'image pacifique d'un héros reprenant à son compte et
marquant du sceau grec des cultes locaux (381). En revanche,
dans les deux cas aussi, avec Syracuse et les conquêtes
territoriales des Deinoménides, avec Sélinonte et sa volonté
d'expansion vers l'intérieur, le héros nous a paru servir les
intérêts d'une colonisation d'une manière autre, plus brutale, plus
conquérante et il est tentant de retrouver, dans le mythe, la
différence qu'établissait naguère G. Vallet entre une colonisation
de type chalcidien et une colonisation de type dorien dont les buts
aussi bien que les méthodes s'individualisaient fortement (382)...
Il est tentant, en conséquence, de rechercher dans la genèse de ce
qui allait devenir la version "coloniale" ou "sicilienne" du mythe
d'Héraclès deux étapes : la première, avec Stésichore, un
chalcidien d'Himère, implantant solidement le mythe en terre
sicilienne, la seconde l'utilisant en fonction de circonstances
historiques (et de besoins) plus précis.
Mais au-delà de cette empreinte coloniale il faut rappeler
que, de la Sicile, Héraclès avait connu d'abord Solonte et Motyé,
éponymes de deux cités non pas grecques, mais phéniciennes,
que l'Aphrodite d'Eryx à laquelle est liée sa légende est, certes
une de ces grandes déesses méditerranéennes, mais qu'elle fut
adoptée par les Phéniciens et reconnue comme leur Astarté avant
de l'être comme une déesse grecque par les colons siciliens...
Le mythe d'Héraclès paraît donc bien avoir, avec la Sicile,
d'autres attaches que celles que lui ont données les colons grecs.
Une de nos premières sources, Hécatée de Milet, la mer, en effet,
en rapport avec Solonte et Motyé. La première de ces cités aurait
pour éponyme l'un de ces rois malfaisants punis par Héraclès
pour leurs moeurs inhospitalières. Quant à Motyé, elle
conserverait le souvenir de la femme qui dénonça au héros grec le
voleur de ses troupeaux (383)... deux thèmes, on le remarquera,
300

qu'illustre avec constance le retour d'Héraclès !


Peut-être ne faut-il lire dans ces indices qu'une simple
variante ? que la volonté, une fois de plus affirmée de la part des
Grecs de "s'approprier" par le truchement du mythe non
seulement le pays indigène, mais encore les établissements
étrangers en Sicile ? La localisation à Eryx du seul épisode
sicilien du retour que préserve Apollodore nous paraît au contraire
témoigner d'un lien qui, comme le culte de la Grande Déesse
honorée en ce lieu, remonte "au commencement des temps"
(384)... La tradition, on l'a vu, donne un assez fidèle reflet des
avatars de la déesse d'Eryx : divinité indigène pour ne pas dire
autochtone (385) dont les attaches avec la tradition arcadienne
rapportées par Pausanias, ce conservateur d'archaïsmes (386),
pourraient fort bien révéler quelque rapport avec le monde égéen
(387), cette Aphrodite est très vite donnée comme orientale... une
origine que les caractères de son culte avec ses hiérodules et ses
colombes sacrées ne pouvaient démentir. Déesse zérinthienne
(388), déesse de l'Ida (389), ce n'est que dans un deuxième
temps, avons-nous vu, qu'elle est mise en rapport avec les
errances d'Enée. Mais celle en qui les Grecs avaient cru
reconnaître leur Aphrodite était depuis longtemps déjà pour les
Phéniciens Astarté... Astarté dont nous savons les rapports
qu'elle entretient avec Héraclès-Melqart (390)... Astarté auprès de
qui se fixe l'épisode principal (le seul peut-être à l'origine ?) de la
légende sicilienne du héros grec.
Cette légende, les colons grecs ne l'ont donc pas inventée.
Héritiers, sans doute, du souvenir lointain de ce "découvreur"
qu'avait été Héraclès aux temps héroïques, héritiers, dans un
passé plus proche, de ces orientaux qui, avant eux, croisèrent aux
abords de l'île, ils surent admirablement exploiter la tradition,
enrichir et préciser un mythe dont ils avaient saisi les potentialités
intégratrices et dominatrices... Et c'est sur un autre plan qu'il
nous faut maintenant reprendre l'étude de ces "dérivations"
apportées par les colons au mythe occidental d'Héraclès : au delà
de la multiplication des épisodes due aux circonstances ou aux
revendications de telle ou telle cité, c'est désormais à cette
réinterprétation totale du mythe que nous nous intéresserons.
301

HÉRACLÈS CIVILISATEUR

HÉRACLÈS ET LA COLONISATION (H)

RESÉMANTISATION DU MYTHE

L'un des paradoxes d'Héraclès - et non le


moindre
"civilisateur"
- oppose un héros qu'on a pu dire "culturel" ou
(391) au rustre - le même pourtant ? - dont la
vigueur exceptionnelle s'exerce surtout pour la satisfaction de ses
besoins les plus matériels.
De ce héros brutal et si peu soucieux lui-même d'apparaître
"civilisé", la tradition a laissé une image bien établie : celle du
goinfre dont le fracas des mâchoires fait, lorsqu'il mange, mourir
de peur son entourage (392) ; celle du buveur impénitent,
largement exploitée par la comédie antique (393) ; celle du
surmâle aussi, capable en une nuit, de rendre mères les cinquante
filles de Thespis (394). Cette image, il n'est pas facile de s'en
débarrasser en en faisant le fruit de l'exagération et de la licence
comiques, puisque la tragédie elle-même peut la reprendre : dans
YAlceste d'Euripide, par exemple, c'est la couronne sur la tête et
la coupe à la main qu'Héraclès apparaît sur scène et ses chants
d'ivrogne couvrent en partie les lamentations funèbres dans la
maison de son hôte (395). Enfin, de façon assez cohérente,
l'imagerie céramique et la littérature insistent sur les difficultés
d'Héraclès avec les Muses, sinon avec la culture : lorsqu'on
tente de l'instruire, c'est un livre de cuisine qu'il choisit dans la
bibliothèque de son maître (396) et une coupe du musée de
Munich - entre autres - le montre assommant Linos, son maître
de musique (397).
Pourtant il ne viendrait à personne l'idée de nier que, chez
les mythographes de l'époque hellénistique et romaine, Héraclès
est, pour ne citer que Diodore, celui qui, par ses travaux a
"répandu la civilisation sur la terre" (398), celui qui, et nous
aurons l'occasion d'y revenir, vint, après les dieux, parfaire
l'organisation d'un monde qu'ils avaient quelque peu bâclée. Un
exemple remarquable se trouve encore chez Macrobe qui attribue
à Héraclès la transformation des Saturnales. D'un rite barbare où
l'on offrait des sacrifices humains il fit une fête civilisée en
proposant des offrandes de substitution et en expliquant qu'on
avait mal compris les exigences des Olympiens (399). On pourrait
302

comme G. Murray, être tenté de voir dans l'Héraclès


d'Epicharme - et de tant d'autres ! - la figure primitive du
héros, le héros d'une population "in a low stade of culture"
(400). Etudier la fonction culturelle ou civilisatrice d'Héraclès
pourrait alors se résumer à suivre, dans l'histoire, les progrès
d'une société vers la culture, progrès dont se charge un héros très
vite pouvu d'une valeur paradigmatique pour ceux qui l'ont, si
j'ose dire, progressivement mis au point. Mais, si l'entreprise est
fondée, elle paraît, à tout le moins insuffisante. Nous l'avons dit,
déjà, le discours mythique n'est pas le nécessaire reflet de la
réalité et le rapport qu'il entretient avec elle n'est pas toujours de
l'ordre de la représentation.
Deux particularités, d'ailleurs, méritent de retenir
l'attention :
- d'abord la coexistence continue de ces deux "images" du
héros, une coexistence qui s'expliquerait mal si ce dernier,
simplement, avait "évolué" ou "progressé" au même rythme que
la société qui l'a vu naître ;
- la force d'une opposition, plus fondamentale, peut-être,
qu'on ne le souligne habituellement : Héraclès n'est pas
seulement la joyeuse brute dont nous avons parlé, il est, à
certains égards, la bête. Sa forte pilosité provoque l'hilarité des
Cercopes ; son repas est celui d'un fauve : ses canines
grincent, ses narines sifflent, ses oreilles s'agitent (je complète la
citation d'Epicharme) (401) ; les viandes que Pholos lui propose
rôties, il préfère les manger crues (402) et il est capable de
dévorer tout entier (et cru ?) un boeuf qu'il vient de dételer (403).
Il est aussi le héros à la massue, cette arme d'avant la civilisation
(404) ; il est enfin l'homme à la léonté et cette peau qu'il porte,
"crue et non tannée", dit Apollonios de Rhodes (405), fait de lui,
presque à l'image du Centaure - l'homme-cheval -, un homme
fauve, un homme sauvage, presque un monstre semblable à ceux
dont Eurysthée lui demandera de purger la terre.
Or, cette opposition frappante entre un héros brutal - et
disons le mot "naturel" - et ses travaux qui d'emblée le situent du
côté de la civilisation, de la culture, trouve, me semble-t-il, un
éclairage intéressant dans les rapports qu'entretient le mythe
héracléen et la colonisation et nul n'est mieux placé que Diodore
pour nous en proposer les clefs.
C'est donc dans le long excursus que l'historien sicilien
consacre au héros que nous allons reprendre cette étude de la
"fonction culturelle" d'Héraclès, une fonction qui devait donner
au mythe un nouveau sens, riche de développements futurs.
303

PREMIER CHAPITRE

DE LA VIE SAUVAGEA LA VIE CIVILISÉE :


HÉRACLÈS ET LA DEFINITION D'UNE CULTURE

Héraclès a, dit Diodore, "obtenu l'immortalité par ses


pénibles travaux entrepris au profit du genre humain" (406). Ces
travaux qui apportèrent la civilisation, Diodore hésite d'ailleurs à
les attribuer au fils d'Alcmène dans la mesure où, dit-il, "la
plupart des pays étaient déjà civilisés, et se distinguaient par
l'agriculture, le nombre des villes et de leurs habitants". Il
suggère, en conséquence, de les replacer "dans des temps bien
plus reculés", lorsqu'existaient encore un grand nombre
d'animaux sauvages. Héraclès alors "nettoya la terre de ces
divins"
animaux, (407).
livra le sol aux cultivateurs et obtint les honneurs

Mais, si Diodore s'avoue gêné par cette multiple


personnalité d'Héraclès et les problèmes qu'elle ne manque pas
de poser à l'insertion du héros dans la suite des temps
mythologiques (408), il paraît l'avoir oubliée, lorsque, dans le
livre IV, il se propose "de rapporter par ordre les actions
d'Héraclès conformément au témoignage des plus anciens poètes
et mythographes". C'est bien ici le fils d'Alcmène qui répand sur
terre les "bienfaits de la civilisation" (409).
Diodore entame alors le long récit des aventures d'Héraclès,
véritable biographie, qui nous conduit de sa naissance, retardée
au profit d'Eurysthée, non pas seulement à sa mort sur l'Oeta,
mais encore à son apothéose et à son adoption par Héra, qui, de
surcroît, lui donne pour épouse sa fille Hébé. Bien entendu, une
place importante est faite au dodêcathlos canonique, à l'époque
parfaitement constitué (410), mais l'organisation qui en est
donnée est remarquable, surtout si on la compare à celle, à la fois
plus classique et plus logique, du deuxième livre de la
Bibliothèque d'Apollodore (411).
Curieusement, en effet, Diodore rompt l'exposé des
travaux : très brièvement il rappelle, plus qu'il ne rapporte, le
meurtre du lion de Némée et de l'hydre de Lerne, la capture du
sanglier d'Erymanthe et de la biche aux cornes d'or, la poursuite
des oiseaux du lac Stymphale et le nettoyage des étables
d'Augias. Le seul épisode quelque peu développé est la
centauromachie chez Pholos qui n'est pas, comme chez
304

Apollodore, un parer gon de la poursuite du sanglier, mais un


exploit à part entière (412).
A cette série péloponnésienne (413), Diodore ajoute la
prise du taureau de Crète et "boucle" ainsi la liste des travaux
proprement grecs d'Héraclès.
Le héros s'y trouve affronté à une nature sauvage et
inhospitalière et à des créatures monstrueuses, mais Diodore, qui
a coutume de résumer dans cette lutte contre les monstres
l'essentiel de la mission civilisatrice d'Héraclès, se montre ici
particulièrement discret (414). Il faut se souvenir qu'Hésiode
faisait du lion de Némée le "fléau des humains" qu'il décime
(415) et que la biche était, de même, pour Euripide, "un fléau
pour les paysans" (416). Quant au sanglier d'Erymanthe, "il
ravageait toute la Psophide" selon Apollodore (417), et l'hydre
"ruinait les champs et les troupeaux" (418). Des oiseaux du lac
Stymphale, cependant, Diodore dit qu'ils dévastaient les récoltes
des contrées voisines (419), alors que Pausanias les affirme
άνδροφάγοι (420).
Quelle que soit la signification originelle de chacune de ces
séquences dans la vie du héros - et dans l'imaginaire des
Grecs -, il est clair que, dès l'époque archaïque, cette domination
qu'exerce Héraclès sur la nature dans ce qu'elle a de redoutable
(les monstres) ou simplement d'utile à l'homme (le fleuve Pénée
détourné pour nettoyer les écuries d'Augias) est bien la marque de
la civilisation. La lutte contre les Centaures a encore le même
sens : ces "monstres de la montagne" (421), comme les nommait
Homère, "ces êtres insolents, sans loi, orgueilleux de leur force"
(422) sont, chez Diodore, armés dans leur combat contre
Héraclès de haches, de grosses pierres, de pins déracinés et
représentent, à l'évidence, la force brutale, la démesure d'êtres
rebelles à toute civilisation (423).
"grecque"
Si l'on
de quitte
sa vie,le Héraclès
domaine ades
encore
athla,
l'occasion
dans cette
de tuer
partie
le
coupable d'un viol (424), de défaire, puis de faire périr Erginos
qui imposait une autorité tyrannique à Thèbes, sa patrie
d'adoption (425). Ainsi est posée sa fonction de redresseur de
torts ; il est devenu "le plus juste des meurtriers", comme l'avait
dit, déjà, Pisandre de Rhodes (426).
Diodore choisit alors d'interrompre ici l'énoncé des travaux
canoniques pour raconter l'institution par Héraclès des Jeux
Olympiques en l'honneur de Zeus et sa participation aux deux
grands épisodes fondateurs : la lutte des dieux contre les Géants
et la délivrance
hommes" (427). de
Ainsi
Prométhée
non seulement
"puni pour
il a sauvé
avoir fait
les hommes
du bien aux
des
305

dangers d'une nature encore mal dominée (428), mais une


dimension religieuse (celle du fondateur de cultes), et même
cosmique, s'est ajoutée, naturellement dira-t-on, à sa mission
civilisatrice.
Après avoir ainsi sacrifié à la tradition et consigné
brièvement, discrètement, un très vieil héritage dont il ne retient
guère que ce qui lui paraît être l'enseignement essentiel - pour
son propos en tout cas -, Diodore se consacre à l'exposé des
aventures lointaines du héros. Reprenant cette extension pleine de
sens que donnaient les Grecs à l'activité d'Héraclès, il rend une
nouvelle vie au mythe, lui donne une nouvelle dimension, en en
refaisant le lieu où s'interpénétrent étroitement le passé et
l'actualité de l'histoire.
C'est, en effet, vers le Nord que se dirige d'abord Héraclès
pour dompter les sauvages cavales de Diomède qui se
nourrissaient de la chair des étrangers ; vers l'Est il s'oppose aux
Amazones qui défient tellement les normes de la société grecque ;
ses derniers travaux le conduisent vers le Sud et vers cet extrême
Ouest où, "au-delà de l'illustre Océan", il trouve à la fois les
boeufs de Géryon et les pommes des Hespérides. Cette
civilisation qu'Héraclès avait aidée à naître (dans des conditions
que Diodore ne semble pas désireux de trop élucider) il va
maintenant l'exporter tous azimuts, si j'ose dire, et l'on ne
s'étonne pas trop que Diodore le Sicilien s'attarde tout
particulièrement sur ce véritable périple de la Méditerranée
occidentale que constitue l'expédition vers Erythie, l'île rouge,
nie de Géryon (429).
307

DEUXIEME CHAPITRE

HÉRACLÈS AUX MARGES DU MONDE


CULTURE ET BARBARIE

Dans cette deuxième partie de la geste héracléenne, le héros


devient vraiment, pour Diodore, le champion de la lutte contre la
barbarie. Le thème ancien du passage à la civilisation par la lutte
contre les bêtes sauvages et par le don de l'agriculture survit
fortement : en Crète, où il séjourne avant son départ pour
l'Occident (et curieusement pas lorsqu'il vient y chercher le
taureau aimé de Pasiphaé), il "purge l'île des bêtes féroces" ; il
purifie de même la Libye d'un grand nombre d'animaux sauvages
dont elle était remplie ; il y fait cultiver des contrées désertes "qui
se couvrent- en
plantations" bientôt
un mot,
d'arbres
dit Diodore,
fruitiers,
il en fait
de vignes,
"une terre
d'autres
fertile
et prospère". Il fait encore, avec l'aide des dieux il est vrai,
disparaître une multitude de cigales qui l'incommodaient aux
confins de Rhégion et de Locres (430). Dans ces transformations
d'une nature hostile en une nature aménagée pour le plus grand
profit de l'homme, Héraclès entreprend de grands travaux.
Diodore rappelle ici qu'en Grèce il avait déjà dompté l'Achéloos
et fertilisé ainsi la région de Calydon (431), qu'il avait, dans la
vallée du Tempe, creusé un canal permettant aux eaux du Pénée
de s'écouler vers la mer et créé ainsi la plaine de Thés salie
(432)... Au cours de son voyage occidental il fait de même naître
des lacs (433), ou les aménage (434) et il n'est pas jusqu'à la mer
qui ne bénéficie de ses travaux, puisqu'après avoir, aux deux
extrémités de la Libye et de l'Europe, érigé les deux colonnes qui
laisseront "un souvenir immortel de son expédition", il retouche
le passage entre la Méditerranée et l'Océan (435). Cet Héraclès
voyageur découvre, ouvre, ou, là encore, améliore des passages,
des routes
armée" (436),
: traversant
il en construit
les Alpes
une illerend
longlades
roule
côtes,
"accessible
dans la région
à une
du lac Averne (437).
Le fait vaut peut-être qu'on s'y attarde, car il est un dieu qui
lui aussi sillonne et ouvre des chemins (438) : Hermès, qui, dans
une situation semblable, conduit les troupeaux d'Apollon à l'écart
des routes habituelles, dans une contrée sauvage, ouvre des
passages. Mais, comme le dit L. Kahn-Lyotard, "Hermès passe"
et le pays se referme derrière lui, redevient sauvage. A la
différence du dieu, le héros n'est pas un brouilleur de pistes, il
308

ouvre et garde ces voies à l'usage des hommes.


C'est aussi pour permettre un meilleur exercice de la vie
civilisée qu'Héraclès "rend les villes florissantes" (439) et surtout
fait naître des cités là où elles n'existent pas : dans le seul récit de
l'expédition contre Géryon, il créé Hécatompyle en Libye (440) ;
dans la Celtique il fonde Alésia (441) et la naissance de Crotone
est directement liée aux incidents qui marquent son passage dans
la région (442).
Cet Héraclès κτίστης· intervient d'ailleurs, on l'avait déjà
remarqué, dans les traditions relatives à l'origine de très
nombreuses cités (443).
L'objectif de ces créations est clairement exprimé par
Diodore : partout où il passe, le héros extermine "les scélérats ou
les despotes insolents" ; en Libye, il tue Antée "qui provoquait
tous les étrangers à la lutte" ; en Egypte, il châtie, en l'immolant
pays"
à Zeus,; Busiris
il exécute
"qui d'un
massacrait
coup tous
de bêche
les étrangers
Sylée arrivés
qui, audans
pays
le
d'Omphale, "enlevait les voyageurs étrangers et les obligeait à
travailler ses vignes" ; toujours au service d'Omphale, il élimine
les brigands - parmi lesquels les Cercopes - qui infestaient la
contrée (444). Son oeuvre, en Gaule, est, de ce point de vue,
exemplaire : "il abolit les coutumes sauvages, et, entre autres,
celle de tuer tous les étrangers" (445) ; il assure de même la
sécurité des passages des Alpes en châtiant les brigands "qui
avaient coutume
traversaient" (446).de
Il ypiller
a plus,
et lemassacrer
mythe de Géryon
les troupes
lui-même
qui les
se
transforme et Diodore l'interprète de façon
évhémériste : Héraclès n'est plus le héros qui combat seul un
monstre tricéphale ; il est le chef de guerre qui lève une armée et
équipe une flotte puissante pour vaincre les trois fils de Chrysaor,
ainsi nommé à cause de ses richesses (447).
Médiateur entre les Grecs et les Barbares, Héraclès ne l'est
pas moins entre les Grecs - ou les Barbares - et les dieux. S'il
était, en Grèce, fondateur du culte panhellénique le plus connu,
lui sont rapportés, dans le monde grec, de très nombreux rites :
ceux, bien sûr, qui l'honoreront dans le futur, en Ibérie, par
exemple, le sacrifice annuel d'un taureau (448) ; à Rome, les
rites de YAra Maxima et la dîme (449) ; à Agyrion, les honneurs
divins auxquels il consent comme indices de son immortalité
future (450).
Mais, revenant avec les boeufs de Géryon, Héraclès, nous
l'avons vu, enseigne aussi aux habitants de la future Syracuse
comment sacrifier aux deux déesses ; à Agyrion, il fonde un culte
au héros Géryon, en un lieu qui, remarque Diodore, est à son
309

époque encore vénéré des indigènes (451), et il institue en


l'honneur de son neveu et compagnon d'armes, Iolaos, des
cérémonies annuelles, très liées à l'initiation des adolescents et à
leur passage dans la classe adulte (452). En Sicile encore, le
héros est mis en rapport avec les cultes des sources, des sources
chaudes en particulier (453), et en Italie le temple d'Héra
Lacinienne rappelle ce Lacinios qui voulait lui dérober ses vaches
et qu'il assomma près de Crotone (454).
Les préoccupations de Diodore sont claires, Héraclès,
voyageur, explorateur, fondateur de villes et de cultes, est
Γ ήγεμών (455) par excellence, il ouvre la voie et assure la
sécurité de ceux qui, après lui, viendront explorer et prendre
possession des lieux. Il est Yoikiste et le projet de Diodore
s'éclaire d'un autre épisode de cette geste occidentale
d'Héraclès : la colonisation de la. Sardaigne, non pas sous sa
direction, il est vrai, mais sous la conduite des Thespiades et de
son neveu Iolaos (456). Le récit en est exemplaire : Iolaos
soumet les insulaires dans un combat, s'adjuge le plus bel endroit
de 111e, défriche cette contrée qui devient vite célèbre pour sa
fertilité, la fortifie et y exécute de très grands ouvrages, "de
grands et beaux gymnases, des tribunaux, en un mot tout ce qui
peut faire prospérer une colonie". Dans son cinquième livre
Diodore résume ainsi l'entreprise : "Iolaos... vint occuper le
pays, y bâtit des villes considérables et après avoir partagé le sol
entre ses compagnons il leur donna le nom d'Ioléens" (457).
Héraclès apparaît ainsi, chez Diodore, comme le héros
civilisateur par excellence. Il est toujours celui qu'il était
autrefois : il purifie (458), il pacifie (459), mais son action opère
dans un autre cadre, celui de Yoicouménè ; il a fixé pour les
Grecs les bornes du monde connu, les bornes du monde à
conquérir ; il défend contre le danger (460)..., mais ce danger est
celui que représente la nature encore brute des pays barbares, les
moeurs encore sauvages des Barbares eux-mêmes (le Barbare
inhospitalier et xénophobe est chez lui une véritable obsession) et,
s'il est toujours "le bienfaiteur et l'ami des hommes" (461), c'est
essentiellement au profit de ceux de son peuple : des Grecs, dont
il justifie les entreprises coloniales (et la lecture historique peut
parfois être très directe, comme dans le cas du royaume d'Éryx
promis à Dorieus) (462) ; des Grecs donc, mais encore des
Romains à qui il peut être utile également d'avoir un aussi illustre
prédécesseur. Alors que l'Héraclès d'Apollodore ne fait
qu'effleurer la Gaule et ne rencontre que des Ligures, celui de
Diodore fonde Alésia, dans les profondeurs de la Celtique, "ville
libre et imprenable depuis le passage du héros jusqu'à ce que
310

César
"modèle"
réussisse
mythique,
à la soumettre"
mérite ainsi
(463).
d'être
César,
"divinisé
qui, comme
pour son
ses

exploits"! (464).
L'exemple est intéressant, car il propose un curieux
renversement : après la création de la cité, explique en effet
Diodore, un grand nombre d'indigènes viennent s'y établir et
"noient", en quelque sorte, l'élément grec, à tel point que toute la
population adopte les moeurs des Barbares (465). Echec à la
théorie de la fonction civilisatrice d'Héraclès en Occident ? Prise
de conscience d'une résistance à l'acculturation ? Ni l'un ni
l'autre sans doute, mais prise en compte d'une double nécessité :
légitimer les droits de la civilisation sur Alésia, mais en même
temps justifier la conquête par César d'un pays redevenu barbare.
L'histoire semble bien, chez Diodore, détourner le mythe (466).
Et c'est au mythe, pourtant, qu'il faut maintenant revenir,
pour situer plus précisément dans l'histoire la fonction culturelle
du héros, fonction qui, chez Diodore, apparaît, pratiquement,
comme la seule raison d'être de sa légende.
Le récit qu'il présente de la vie d'Héraclès, en effet, donne
l'exemple même d'une tradition mythique "manipulée". Elle l'est
par Diodore, qui l'infléchit en fonction de l'événement (Héraclès
s'enfonce dans les terres de la Celtique, parce que la pénétration
romaine est plus profonde que la présence grecque limitée aux
marges de la Gaule). Elle l'a été, déjà, par bien d'autres, qui, en
fonction des traditions locales ou de revendication précises, ont
ajouté de nouvelles séquences au mythe du voyage vers l'ouest
qu'il était si tentant d'enrichir. Le récit étiologique des droits
qu'aurait eus Dorieus sur le royaume d'Eryx n'est qu'un
exemple, nous venons de le voir, de cet enrichissement
spectaculaire de la geste d'Héraclès, par les Grecs d'Occident
(467).
"bricolage"
Ce quidunous
mythe,
retiendra
parfois facile
ici, c'est
à saisir
plutôt
et à ce
localiser,
processus
parfois
de
beaucoup plus obscur, dans la mesure où il se perd dans la nuit
des temps... "Bricolage" qui, en tout état de cause, laisse le
mythe resémantisé et, dans le cas d'Héraclès, finit par faire du
héros l'archégète des colonisateurs.
311

TROISIEME CHAPITRE

LA CITÉ "MODELE ABSENT"


DANS LE PROCES D'ACCULTURATION

Devenu mythe de la colonisation, le mythe d'Héraclès est


encore un mythe de la géographie des Grecs : le héros, mettant
un terme à ses navigations "là où commence la mer inaccessible",
place deux colonnes, au delà desquelles "il n'est pas aisé de
pousser plus avant" (468). Il marque, par là-même, les bornes
occidentales de Yoicouménè, comme les errances de Dionysos en
marquaient les bornes orientales. Diodore, d'ailleurs, se plaît à
comparer au fils d'Alcmène, cet autre bâtard de Zeus qui, comme
lui, parcourut toute la terre, répandit partout où il passait "les
bienfaits de la civilisation" et pour cette raison même reçut, lui
aussi, l'immortalité (469).
C'est donc bien une frontière qu'a posée Héraclès, une
frontière à l'espace revendiqué pour la civilisation ; et cet espace
il le parcourt, le marquant de l'empreinte grecque. Π ne fait aucun
doute qu'en Occident les aventures d'Héraclès sont devenues une
manière de légitimation, de justification de la colonisation et
Maurizio Giangiulio avait tout à fait raison à Cortona de parler de
"mito di precedenza" (470). Ce qu'Héraclès avait fait, les Grecs
s'autorisaient ainsi à le refaire "pour le plus grand profit du genre
humain", comme le disait Diodore (471).
Cette problématique d'Héraclès apportant la culture aux
Barbares se renforce - ou se complique - du rôle qu'on lui
attribue dans l'origine même des peuples barbares, de ceux qui en
tout cas compteront le plus pour les Grecs. Traversant la
Celtique, il a, de la fille d'un des rois du pays, un fils nommé
Galatès qui donnera son nom à son peuple (472). En Italie, il
laissera de même deux fils à Lavinia fille d'Evandre et Faunus
épousera la jeune fille hyperboréenne enceinte de ses oeuvres
(473). Ainsi, son exceptionnelle vigueur sert, elle aussi, le projet
colonisateur : modèle ou reproduction de la légende de fondation
(on pense bien sûr à Protis et à Gyptis à Marseille), elle attire, de
plus, dans l'orbe de la Grèce certaines populations
barbares - certaines famille barbares, faut-il immédiatement
corriger -, puisque ces légendes des origines sont dans tous les
cas légendes du pouvoir (474).
A l'Est, les Grecs ne procédèrent pas autrement :
312

Hérodote, entre quatre versions différentes, choisit celle que


racontaient les Grecs du Pont pour expliquer l'origine des
Scythes et, curieusement, c'est encore une référence à
l'expédition vers Erythie, l'île de Géryon, située très
correctement "tout contre Gadeira, en dehors des colonnes
d'Héraclès, près des rives de l'Océan" (475). Poussant devant lui
les boeufs de Géryon, Héraclès arrive sur la terre, alors déserte,
qu'habiteront plus tard les Scythes et, pourchassant les cavales
qu'on lui a volées pendant son sommeil - un rapt de plus dans
cette histoire qui les multiplie ! - il rencontre dans YHylaia, la
région boisée, sauvage, la mixoparthénos - encore une créature
entre la bête et l'humanité ! - à qui, entre autres fils, il donne
Scythes, non seulement éponyme des Scythes mais encore
détenteur du pouvoir royal (476).
Mythe des origines, mythe du pouvoir... Cette captation de
l'histoire indigène au profit des Grecs, cette captation des cultes
parfois (ceux d'Agyrion, par exemple, en Sicile) procèdent du
même hellénocentrisme qui les fait considérer la culture de l'autre
comme non-culture, comme barbarie (477).
B. Gentili voit fort justement dans le mythe d'Héraclès un
symbole de l'acculturation des Barbares, plus précisément en
Héraclès le modèle paradigmatique de la gueiTe conduite par les
Grecs contre les Barbares (478), modèle qu'il pense déjà trouver
dans la poésie lyrique de l'époque archaïque chez Stésichore,
chez Pisandre de Rhodes et chez Pindare, modèle qui est encore
celui d'Isocrate, lorsque, dans le Panathénaïque (479), il associe,
comme la plus juste et la plus nécessaire, la guerre contre les
Barbares à celle que les hommes ont livrée pour se libérer des
bêtes sauvages.
Cette guerre menée contre les Barbares, cette violence qui
leur est faite dans le processus d'acculturation, est bien celle du
"plus juste des meurtriers", elle est celle que justifie Pindare dans
un fragment célèbre et très discuté : le vol des boeufs de Géryon
lui paraît l'exemple même de ce νόμος qui, chez les Immortels
comme chez les mortels, "mène le monde de son bras souverain
et justifie l'extrême violence" (480). B. Gentili remarque avec
raison que la longue querelle des critiques est bien vaine, qui se
demandent si l'on peut concilier la loi de la civilisation avec la
force de la violence. Pour lui, et c'est une opinion que je partage
tout à fait, Pindare a voulu mettre l'accent sur la nécessité de cette
violence pour introduire un ordre "juste et voulu par les dieux", et
c'est - et il a une fois de plus raison - la problématique même de
l'action acculturante.
On peut, je crois, poursuivre l'analyse. Cet ordre, cette
313

norme qu'établit Héraclès, c'est, bien entendu, celui ou celle de la


cité. Malgré sa prudence et son pragmatisme, G.S. Kirk reconnaît
que, s'il est un mythe qui supporte l'analyse structurale et justifie
l'opposition fondamentale entre nature et culture, c'est bien le
mythe d'Héraclès (481).
Si nous reprenons, en effet, notre lecture de Diodore nous
n'avons pas de mal à opposer :

- une nature "sauvage" à - une nature "ouverte"


fermée à l'homme pour le plus grand bien
de celui-ci

- une nature "sauvage" à - une nature "purifiée"


infestée de fauves donnée à l'agriculture

- une nature "sauvage" à - une nature organisée en


inorganisée fonction de la vie en
société, de la Cité.

Bref, c'est Γάγριότης- éliminée au profit de la vie civilisée


de la πόλις·. Une fois de plus a fonctionné le "modèle absent" de
la cité. Mais, si cet Héraclès reste le héros civilisateur, cette
qualité, en Occident, s'accompagne d'un corollaire évident : il est
l'ennemi de la barbarie, et bien souvent l'ennemi des Barbares
eux-mêmes.
Le mythe d'Héraclès, revu par les Grecs de la colonisation,
étend, en quelque sorte aux limites du monde connu, l'opposition
si souvent soulignée (482) (mais sans doute si fortement perçue)
entre la chôra et Veschatié ; l'eschatié, cet espace indécis des
zones frontalières, ces marges que l'agriculture et les
manifestations de la vie civique n'ont pas gagnées, ces solitudes
étrangères et hostiles de Vagros. L'eschatié, dans cette
perspective, s'étend à tout ce qui n'est pas le monde
gréco-romain. A partir de là, le jeu des oppositions peut se
poursuivre
"pacifie" (483)
à l'infini.
; au dynaste
Héraclès sans
ne "purifie"
foi ni loi
plus
qu'il
seulement,
élimine il
il
substitue le règne de la justice et de la loi... Extension qui,
notons-le, est réalisée dès la fin de l'archaïsme, puisque, dans la
IVème Isthmique de Pindare, Héraclès "provoque Antée à la lutte
314

pour l'empêcher
étrangers" (484).de couronner le temple de Poséidon du crâne des

Il est difficile de ne pas remarquer, une fois de plus, la


distance qui, à cet égard encore, sépare Héraclès d'Hermès, dieu
de Vagros par excellence. Alors que ce dernier parcourt
Veschatié et certes "passe" de l'espace civique à ces marges
incertaines, protège même ceux qui s'y aventurent, le héros, lui,
tente de réduire l'opposition, de gagner Yeschatié aux activités
humaines.
Mais cette opposition, Héraclès - ou les Grecs ! - l'ont-ils
toujours connue ? Nous rappellerons ici, la critique de Laura
M akarius, pour qui le dualisme qui articule toutes les théories de
Lévi-Strauss est radicalement étranger à la pensée primitive (485).
Je l'ai dit plus haut, il est bien difficile de ne pas se ranger à son
avis pour ce qui
"civilisateur" et est
"bienfaiteur"
de la Grèce
deprimitive.
l'humanitéEnproposé
revanche
par
l'Héraclès
Diodore

supporte et exprime au maximum cette dichotomie, et ce, j'espère


l'avoir démontré, parce qu'il porte la marque indélébile de la cité.
Dérivation pour nous fondamentale. C'est le mythe ainsi
profondément remanié, resémantisé dans le cadre des structures
nouvelles de la polis que les Grecs ont emporté avec eux vers
les rivages occidentaux, l'exposant par là-même à de nouvelles
transformations. Sans doute même la colonisation a-t-elle, en
tant que telle, aidé à ce processus de structuration. On commence
en effet à mieux percevoir le rôle novateur de ceux qui partirent
fonder ailleurs - et souvent ex nihilo - de nouveaux foyers de vie
communautaires. Débarrassés - dans une certaine mesure
seulement, il est vrai - du poids des traditions séculaires, ils
contribuèrent fortement, leurs expériences d'urbanisme le
prouvent (486), tout autant que leurs lois (487), à affirmer et à
définir ce qui allait devenir le cadre même de la vie des Grecs : la
cité.
C'est dire le rôle capital de l'aventure coloniale dans le
développement du mythe héracléen, mais c'est aussi en définir les
limites : le voyage vers l'Occident n'est pas une création des
colons, qu'ils soient Phocéens, Rhodiens ou même Chalcidiens,
et, malgré l'existence de quelques variantes qui ont pu faire
penser à une progression vers l'Ouest de la geste héroïque, il faut
résister à la tentation de voir en elle le reflet direct - ou même
"inversé", ou "compensé" - de celle des colons. Le rapport du
mythe à l'histoire est, on vient de le constater une fois de plus, à
la fois moins direct et plus profond peut-être.
C'est bien au-delà d'Océan que, dès que l'imaginent les
Grecs, se situe le jardin aux pommes d'or, et c'est encore au-delà
315

d'Océan qu'ils rêvent des pâturages brumeux de Géryon...


Zones frontières certes - la colonisation en fait celles de
Yoicouménè, celles du monde civilisé - mais frontières
mythiques avant tout, celles où l'on passe de la vie à la mort,
celles où une fois de plus, notons-le, Héraclès rencontre Hermès,
le dieu psychopompe.
Au-delà des dérivations qui sont le fruit de l'histoire,
l'écume des temps, c'est l'"aspect sempiternel" du mythe que
nous retrouvons ou, comme dirait Lévi-Strauss, ses "parties
cristallines", témoins non plus seulement des désirs et des
expériences d'une société donnée, mais des inquiétudes d'un
peuple, voire de l'humanité toute entière : Héraclès vaincra donc
Géryon, le monstre tricéphale, symbole des forces de la mort ; il
s'emparera des pommes d'or, gages d'abondance et
d'immortalité...
Ce thème n'étonne guère en Occident, où précisément le
caractère chthonien, voire funéraire, du héros est très fortement
marqué. Il nous paraît inutile de revenir ici sur un aspect
longuement développé par Jean Bayet (488). Nous rappellerons
simplement ses rapports avec les sources chaudes, déjà connus
d'Ibycos de Rhégion, et les liens privilégiés qui l'unissent aux
grandes divinités chthoniennes : Héra en Grande-Grèce, Déméter
et Coré en Sicile... Autant d'affinités qui dépassent, me
semble-t-il, les circonstances historiques de leur rencontre sur le
terrain de la colonisation. A ce point de notre étude cependant,
une question reste posée : celle de la localisation en Occident du
thème d'Héraclès vainqueur de la mort, ou - autre façon de
poser le problème - celle du choix d'Héraclès pour prendre en
charge de tels espoirs. La seule vertu mythique de cet
extrême-ouest dans l'imaginaire des Grecs suffit-elle à
l'expliquer ? ou s'y mêle-t-il le souvenir lointain d'un héros qui,
une fois déjà, aurait été l'archégète de son peuple, vers ces
régions extrêmes qui, comme le dira encore Hérodote, "possèdent
à elle seules les choses que nous estimons les plus belles et qui
sont les plus rares" (489).
316

CONCLUSIONS

Lorsqu'Hérodote "raconte" la Scythie, il ne mentionne


qu'une seule merveille en ce pays, l'empreinte sur un roc d'un
pied de deux coudées de long (490). Pour lui, bien sûr, c'est
l'empreinte d'Héraclès. Il rappelle par là l'ubiquité du héros
voyageur, mais traduit aussi une réalité que, dans sa thèse, F.
Hartog souligne avec beaucoup de bonheur : Héraclès est l'un
de ces personnages - le premier ajouterions-nous volontiers ! -
dont les Grecs possèdent "tout un stock", "prêts à répondre à
toutes les situations, présents comme opérateurs d'intelligibilité,
servant à classer et à mettre en ordre les phénomènes" (491)... De
grands mots pour une bien petite réalité ? Nous n'en croyons
rien. Si l'anecdote est banale, elle n'en donne pas moins Héraclès
comme instrument de mesure, comme "outil logique" de la pensée
grecque.
Elle nous paraît surtout exprimer, en peu de mots, cette
charge de sens que la cité et l'aventure coloniale ont conférée à
un héros qui, désormais et de manière presque systématique, aide
les Grecs à se penser eux-mêmes, à se définir par rapport à
l'Autre".
C'est pourquoi nous aimerions, de cette seconde partie,
retenir trois conclusions essentielles :

1. En ce qui concerne les sources

Nous n'avons pas, ici, à en faire une analyse formelle et


nous ne nous acharnerons pas à fixer à tout prix une date à la
Bibliothèque du Pseudo-Apollodore. Nous redirons simplement
que celle qui, depuis E. Bethe, est généralement acceptée (le
second siècle de notre ère) nous paraît ne convenir que très
formellement au contexte qui a pu donner naissance à ce texte.
L'oeuvre, peut, en effet, être rattachée de manière tout aussi
légitime à l'effort de classement et de conservation de l'époque
hellénistique (492), et, quelle que soit la date à laquelle vécut son
auteur, c'est cette volonté de préserver, de "garder en mémoire"
que nous retiendrons.
C'est elle, en effet, que nous avons retrouvée dans le récit
d'Apollodore, elle qui, dans la tradition de nos premières sources
et par une série d'intermédiaires que nous avons tenté de repérer,
nous donne le meilleur reflet de ce qui pourrait constituer, ou
rappeler les invariants du mythe. Le héros vmnqueur de la mort
317

occupe, comme chez Homère, une position difficile et


conflictuelle, entre les hommes et les dieux. Il est aussi ce que,
déjà, croyait Hésiode : un tueur de monstres, et, en tant que tel,
il marque un progrès dans l'organisation du monde.
C'est ce thème qui, très vite, nous l'avons vu, deviendra
dominant ; c'est lui qui, inscrit dans les schémas conceptuels de
la cité, et plus encore de la cité coloniale, conduira à faire
d'Héraclès ce paradigme de l'acculturation du Barbare. Diodore
de Sicile nous a paru exploiter toutes les variables, tous les
ancrages historiques, toutes les illustrations possibles de ce thème
et c'est chez lui que, fort logiquement pensons-nous, nous avons
pu retrouver les traces de l'histoire du mythe.

2. En ce qui concerne la méthode

Dans le développement du voyage occidental d'Héraclès


nous avons mis en évidence le rôle décisif de la colonisation
d'époque historique. Héraclès apparaît incontestablement dans
ces terres lointaines comme l'archégète . Mais faut-il, pour autant,
en faire le seul compagnon des colons grecs en Italie et en
Sicile ? Comprendre le mythe de ses aventures occidentales avec
pour seule grille de lecture la colonisation d'époque historique ?
Ou peut-on, de surcroît, risquer de voir, dans la présence
héracléenne en ces lieux, le souvenir d'une première découverte
de ce riche far-west par les Achéens ?
Sur ce point, nous accordons qu'il est imprudent de
conclure à l'appartenance du mythe aux temps mycéniens parce
qu'on réussit à faire coïncider deux ordres de réalités :
- la présence héracléenne dans la légende et les cultes en un
lieu donné ;
- la découverte en ce même lieu de céramiques mycéniennes
qui attestent des contacts qui, effectivement, existèrent avec le
monde égéen.
Mais nous dirons qu'à l'inverse, il n'est pas de meilleure
méthode de lire dans la légende la forte empreinte de la
colonisation et d'en conclure que cette dernière est le lieu
géographique et historique, la raison d'être aussi, de la création
du mythe. C'est alors, pensons-nous, pécher, non plus par
imprudence, mais - et n'est-ce pas plus grave encore ? - par
méconnaissance profonde du mythe qu'on suppose ainsi à tout
jamais fixé, auquel on refuse toute possibilité d'évolution,
d'adaptation, d'interprétations nouvelles. C'est à la fois l'ancrer
trop fixement à l'histoire et l'en faire sortir, ensuite, à tout jamais.
En réalité, au delà du détail ou plutôt, dirons-nous, de la
318

mise en forme des épisodes du retour pour lesquels - et nous


avons eu plusieurs fois l'occasion de le souligner - la référence
précise à la colonisation d'époque historique s'avère
indispensable, nous pouvons, au-delà des thèmes développés en
système par les Grecs d'Occident, retrouver quelques
expériences : celles de la découverte, de la conquête, des
contacts - voire de l'hostilité - avec les indigènes... expériences
qui conviennent, certes, remarquablement à l'arche gète des
colons, mais pourraient également être rapportées à Yarchégète -
il est vrai plus hypothétique, mais combien "logique" - des
Achéens (493). Héraclès n'est-il pas l'un de ces "découvreurs
lointains" dont parle Pierre Lévêque dans sa récente étude du
panthéon mycénien (494) ?, l'un de ces héros susceptibles
d'avoir accompagné et probablement encouragé l'expansion de
son peuple ?.... Hypothèse d'autant moins gratuite qu'on connaît
les liens qui unissent - plus qu'ils ne les opposent - Héraclès à
Héra, la Grande Déesse d'Argos, maîtresse de ce coin Nord-Est
du Péloponnèse dont Louis Godart démontre, de façon si
convaincante, le puissant dynamisme à l'époque achéenne (495).
Hypothèse plus séduisante encore, si l'on veut bien prendre
en compte les hauts lieux de la géographie héracléenne : Chypre
en tout premier lieu, d'où nous parviennent à la fois de très
archaïques représentations des "travaux " du héros grec et les plus
anciens témoignages iconographiques de son assimilation avec le
dieu tyrien Melqart, Chypre dont nous avons souligné le rôle
dans les échanges avec la Sicile à l'époque du Mycénien récent...
Chypre donc, mais aussi Thasos où les influences phéniciennes
sont si nettes dans le culte d'Héraclès, Gadès et Lixos, théâtres
des deux derniers exploits terrestres du héros et sanctuaires
réputés de Melqart... (496).
Chypre et ses mines de cuivre ; Thasos, proche des
gisements métallifères de Thrace, Tartessos et ses fleuves qui
roulent l'argent... et il faudrait encore citer ces carrefours
commerciaux que furent Malte, la Sardaigne et, pour finir, le
Forum Boariwn de la Rome primitive !
Ainsi s'érigent en système cohérent une série de réalités
qu'il faut se garder d'oublier, si l'on veut apprécier justement la
présence héracléenne en Occident. Le syncrétisme qui finit par
réunir Melqart, archégète - et cela est certain - des Phéniciens de
Tyr, et Héraclès, le héros grec, donne ainsi quelque pertinence à
l'hypothèse qui tendrait à faire de ce dernier, sinon l'archégète,
du moins le symbole de l'expansion achéenne. Les Phéniciens
apparaîtraient alors comme le chaînon qui manquait, le nécessaire
relais entre le héros achéen et celui qui deviiit devenir pour les
319

colons grecs, puis pour leurs héritiers romains, le paradigme de


l'action acculturante accompagnant leurs entreprises colonisatrices
ou conquérantes.

3. Perspectives

Le mythe d'Héraclès est alors devenu, pour les Grecs, un


véritable mythe d'identité (497), et c'est désormais en ce sens
que, pour mieux le comprendre, nous souhaiterions
l'interroger...
Une interrogation qui portera d'abord sur l'aspect fortement
initiatique de ces épreuves occidentales d'Héraclès, de ce voyage
vers l'Au-delà qu'elles supposent et dont la cité paraît avoir
gardé, encore, le souvenir.
Puis, parce que nous pensons, avec Jacques Dournes, que
"le mythe n'est ni dans une version, ni dans une autre, ni dans
toutes ensemble ou à la suite, mais bien plutôt en amont" (498),
parce qu'en outre, pas plus que Marcel Détienne, nous ne
croyons à la possibilité de rejoindre ce "mythe introuvable" (499),
nous tenterons, plus modestement, de mieux comprendre ces
images à partir desquelles s'est progressivement dessinée la
légende d'Héraclès et qui constituent "comme une possibilité de
kaléidoscope qu'on n'aurait pas encore fait tourner" (500).
320

NOTES DE LA DEUXIEME PARTIE

1 - J. de VRDES, Betrachtungen zum Màrchen, besonders in seinem Verhàltiùs


zu Heldensage und Mythos. Helsinki, 1954.
2- V.I. PROPP, Morphologie du conte, trad. Seuil, Paris, 1970 (2).
L'importance accordée aux "fonctions" nous paraît heureusement s'appliquer
à l'analyse du mythe héroïque dans la mesure où, dans ces fonctions qu'il
assume, se trouve précisément la raison d'être du héros.
3 - A.J. GREIMAS, Sémantique structurale, Paris, 1966. Alors que pour V.
PROPP, les éléments invariables du conte sont les fonctions
(soigneusement distinguées des actions), A.J. GREIMAS souligne les
relations logiques qu'à l'intérieur de classes sémantiquement articulées
entretiennent les fonctions. La séquence appelée "épreuve" correspond ainsi
à "un schéma syntagmatique de cinq fonctions" (p. 196). La théorie des
modèles actantiels est élaborée à partir du modèle linguistique, de celui du
conte populaire russe tel que l'a analysé V. Propp, de l'inventaire par G.
SOURIAU des situations dramatiques (p. 172-191). Cl. BRÉMOND
regroupe également en séquences, les "atomes narratifs" que sont les
fonctions : cf. La logique des possibles narratifs, dans L'analyse structurale
du récit, Communications, 8, (1966-1981), pp. 66-82. Dans ce même
numéro, voir aussi les articles de R. BARTHES, Introduction à l'analyse
structurale des récits (pp. 7-33) et A.J. GREIMAS, Eléments pour une
théorie de l'interprétation du récit mythique (pp. 34-65).
Voir encore C. BRÉMOND, Logique du récit, Paris, 1973, et, pour d'autres
analyses plus récentes, la recension de C. GENINASCA, Eléments d'une
sémiotique du conte populaire, dans Sémiotique, l'Ecole de Paris, Paris,
1982. pp. 65-84.
4 - P. SAINTYVES, Les Contes de Perrault et les récits parallèles, Paris,
1923.
5 - V.I. PROPP, Istoritcheskie Korni Volshenboi, Skaski, (Les racines
historiques des contes merveilleux), Leningrad, 1946. Cité par M. ELIADE,
Aspects du mythe, coll. Idées NRF, 1962, p. 235.
6 - M. ELIADE, ibid., p. 243.
7 - A cet égard, il paraît évident que l'épisode de la conquête des boeufs de
Géryon est plus significatif que celui de la quête des fruits d'or. Les
Hespérides sont, nous l'avons vu (cf. supra, p. 11 ) mises plus tardivement
en rapport avec Héraclès et, surtout, plus diversement situées par les
mythographes : Apollodore, par exemple, les localise chez les Hyperboréens
(II, V, II = II, 113) suivant en cela Phérécyde, auquel il emprunte la plus
grande partie de cet épisode des travaux d'Héraclès (scholie à Apollonios, IV,
1396). Peut-être faut-il admettre, en ce qui concerne la localisation
occidentale, une certaine confusion avec le lieu même du dixième exploit
d'Héraclès : l*Erythie de Géryon n'a-t-elle pas chez HÉSIODE (Théogonie,
321

287-294), pour éponyme l'une des Hespérides ? Sur cette localisation


ibérique du jardin des Hespérides cf. RE, Suppl. III, col 1061. Rappelons
que si l'on en croît PAUSANIAS (V, 18, 4) la quête des Hespérides et
l'épisode d'Atlas, faux ami d'Héraclès, étaient déjà connus au Vlème siècle
puisqu'ils figuraient sur le coffre offert par Cypsélos, futur tyran de
Corinthe, à Héra dans son temple d'Olympie. L'authenticité de l'ouvrage,
autant que son antiquité, lui paraissaient attestées par les inscriptions, fort
difficiles à lire et écrites en boustrophédon. Sur les autres représentations du
même épisode voir supra notes 34 et 35 du Prologue. On se reportera aussi
sur ce point à notre quatrième partie.
8 - Cité par M. ELIADE, Le mythe de l'éternel retour, coll. Idées, NRF, 1969,
p. 34.
9- A. SCHULTEN, Tartessos, Contribution a la historia mas antigua de
Occidente, Madrid, 1924 et Die Griechen in Spanien, RhM, LXXXV, 1936,
p. 302.
10 - P. LAVIOSA-ZAMBOTTI, II Mediterraneo, ITEuropa, l'Italia durante la
preistoria, Encyclopedia classica, ΠΙ, X, II, 1964, pp. 97-384.
11 - Cf. supra p. 50 notes 180 et 18 1 .
12 - E. CIACERI, Culti e Miti nella storia dell'antica Sicilia, Catane 191 1 ; G.
GIANELLI, Culti e miti délia Magna Grecia, Florence, 1924.
13 - J. BAYET, Les origines de l'Hercule romain, Paris, 1926. Cf. encore J.
BERARD, La colonisation grecque de l'Italie méridionale et de la Sicile,
Paris, 1957.
14 - HÉSIODE, Théogonie, 287-294.
15 - Pour cette présence des Egéens en Méditerranée occidentale et ce dès avant
1600, voir l'exemple des îles Lipari et la publication des fouilles de
l'acropole par L. BERNABO-BREA, M. CAVALIER,Meligunis - Lipara,
IV, Palerme, 1980. Pour une vue plus globale cf. W. TAYLOUR,
Mycenaean Pottery in Italy and adjacent Arcas, Cambridge, 1958 et la
synthèse récente de L. VAGNETTI,I Micenei in Occidente - Dati aquisti e
prospettive future, dans Modes de contacts et processus de transformation
dans les sociétés anciennes, (Colloque de Cortona - 1981) Pise-Rome,
1983.
16 - STÉSICHORE, frg. 4 DIEHL (= Frg. 7 PAGE). Cf. encore STRABON III,
2,11.
17 - HÉCATÉE DE MILET (d'après ARRIEN, Anabase, II, 16, 5 ; F. Gr. Hist,
26) faisait de Géryon un des trois frères régnant sur la plaine dlîrythie qu'il
situait dans la région adriatique. Cf. O. MUSSO, Hekataios von Milet und
der Mythos von Geryones, RhM, CXIV, 1971, pp. 83-85.
18 - PHÉRÉCYDE, F. Gr. Hist., 3 F 18 b. Cf. STRABON III, 5, 4 et
ATHÉNÉE, XI, 470, c et d.
19 - STRABON III, 5, 4. Ces auteurs sont ÉPHORE (F. Gr. Hist., 70 F 129) et
PHILISTIDES F. Gr. Hist., 11 F 3 Sur cette île cf. supra pp. 96-97.
20 - HÉRODOTE, IV, 8.
322

21 - STESICHORE aurait vécu de la 37ème à la 56ème Olympiade, c'est-à-dire


de 640 à 550. On préfère parfois les dates-très voisines- de 630 à 555.
22 - HÉRODOTE, IV, 152. Cette aventure du Samien Colaios est située soit
dans la première moitié du Vllème siècle, vers 660, (par SCHULTEN,
MAZZARINO, GARCIA Y BELLIDO : op. cit.), soit, plus généralement,
vers 630.
23 - HÉRODOTE, 1, 163. Le règne si long d'Arganthonios (630-620 à 550-540)
pourrait symboliser la période pendant laquelle Tartessos fut visitée par les
Phocéens. Il peut paraître intéressant de souligner ici que, dans leurs
expéditions occidentales, les Phocéens bénéficièrent de l'aide constante de
Chalcis (pour qui ils avaient pris parti dans la guerre lélantine) et utilisèrent
ses avant-postes en Occident. Himère, patrie de Stésichore est, faut-il le
rappeler, une fondation secondaire de ces mêmes Chalcidiens.
24 - On se reportera sur ce point à notre première partie 2.2.
25 - PINDARE, Néméennes, ΠΙ, 21-22 (cf. infra p. 224 et note 38 ). La
céramique grecque de Mogador (céramique ionienne et amphores attiques de
type SOS, datées de la deuxième moitié du Vue siècle et du début du Vie
siècle) témoignerait au contraire de cette période pendant laquelle le détroit
de Gibraltar était ouvert aux Grecs de l'Est et aux Chalcidiens de Sicile (on a
retrouvé les mêmes séries à Mylai) dont les établissements paraissent avoir
formé le relais principal sur la route de Tartessos. Cf. F. VILLARD, BAM,
IV, 1960, pp. 1-26.
26 - HÉSIODE, Théogonie, 518 ; 275.
27 - PHÉRÉCYDE, d'après ATHENEE, XI, 470, c.d.
28- ATHÉNÉE, XI, 781 d et 649 e
29 - PISANDRE DE RHODES, frg. 5 K.
30- ATHÉNÉE, XI, 469 d.
31 - ATHÉNÉE (XI, 649 d) précise qu'il s'agit du premier livre de YHeracleia de
PANYASIS (frg. 7 K.). On rapprochera cette intervention de Nérée du rôle
qu'il joue aussi dans la quête des Hespérides (PHÉRÉCYDE, F. Gr. Hist. 3
F 16 a).
32 - ATHÉNÉE, XI, 781 d et 649 e ; MACROBE (Saturnales, V, 21, 19)
rappelle encore que "le voyage d'Hercule sur mer, au moyen d'une coupe,
vers Erythie, île espagnole, est mentionné par Panyasis, illustre écrivain
grec, et que Phérécyde appuie cette affirmation de son autorité". Il ajoute,
d'ailleurs, que tout cela lui paraît "plus voisin de la légende que de
l'histoire".
33 - Un vase en forme de coupe, mais sans pied ni anses.
34 - G. DUMÉZIL, Le festin d'immortalité, étude de mythologie comparée,
Paris, 1924.
35 - Cf. J. BOARDMAN, Athenian red figure vases, the archaic period, Thames
and Hudson, 1975. Voir. fig. 22. Douris peignait dans le premier quart du
Vè siècle.
36 - APOLLODORE, II, 5, 10. Cette attitude agressive d'Héraclès est, chez
323

Phérécyde, réservée au personnage d'Océanos. On peut se demander si ce


doublet est, chez Apollodore, voulu ou témoigne d'une simple confusion.
37 - HÉSIODE, Théogonie, 294. Sur la conception de l'Océan chez les anciens,
voir notre première partie.
38 - PINDARE, Néméennes, III, 21-23.
39 - Frg. 32 b METTE (= 199 NAUCK) tiré du Prométhée délivré d'Eschyle et
conservé par STRABON (IV, 1, 7) qui la tient probablement de
POSÉIDONIOS, comme en témoigne le commentaire qui suit directement
la citation. Cf. encore POMPONIUS MÊLA, II, 5 ; DENYS
D'HALICARNASSE (I, 41) et HYGIN, Poet. Astron., II, 6. Voir sur ce
point F. SBORDONE, II ciclo italico di Eracle, Athenaeum, 19, 1941, 1,
pp. 72-96, singulièrement pp. 76-79.
40- HELLANICOS DE MYTILENE, F.Gr.Hist., 111 (DENYS
D'HALICARNASSE, Ant. Rom., I, 35). En latin vitulus. Denys oppose
cette étymologie à celle que propose Antiochos de Syracuse et qu'il juge
plus vraisemblable : c'est du roi Italos que l'Italie tirerait son nom.
41 - IBYCOS DE RHÉGION, frg. 46 B. Cf. PAGE, Poetae melici Graeci,
Oxford, 1967, 19 n° 300 (scholie à ARISTOPHANE, Nuées, 1051).
42 - PINDARE Olympiques, XII, 27. D'après DIODORE, V, 3, 4 (cf. infra ).
C'est pour délasser Héraclès lorsqu'il parcourait la Sicile qu'Athcna avait
demandé aux Nymphes de faire jaillir ces sources chaudes.
43 - PINDARE, Isthmiques, IV, 87-93.
44 - PAUSANIAS, VIII, 3, 2.
45 - ΤΙΤΕ LIVE, I, 7 ; DENYS D'HALICARNASSE, I, 39-40, VIRGILE,
Enéide, VIII, 193 sq., OVIDE, Fastes, I, 580-581.
46 - Voir infra notre épilogue.
47- E. BETHE, Quaestiones Mythographae Diodorcae, Dissertation, Gôttingen,
1887.
48- DIODORE, au livre IV, les chapitres 10 à 39 ; pour APOLLODORE, au
livre II, les chapitres 54 à 160.
49- Dans notre quatrième partie.
50- PHÉRÉCYDE d'après le scholiaste d'HOMERE, Odyssée, XXI, 23.
51- L'importance donnée, par exemple, par l'un et l'autre de ces auteurs à la
discussion sur le nombre des vaisseaux emmenés contre Troie par Héraclès a
de quoi surprendre : Diodore IV, 32, 2, et Apollodore II, 6, 4.
52- Chez les historiens allemands surtout. Cf, pour APOLLODORE, C.
ROBERT, De Apollodori Bibliotheca, Dissertation, Berlin, 1873, A.
SÔDER, Quellenuntersuchung zum 1 Buch der Apollodorschen Bibliothck,
Wiirzburg, 1939 ; mais aussi, plus récemment, M. VAN DER VALK, On
Apollodori Bibliotheca, REG, 71, 1958, pp. 100-168. Pour DIODORE,
cf. surtout E. BETHE, Quaestiones Mythographae Diodoreae, Dissertation,
Gôttingen, 1887. Nous ne citerons pas ici les études plus récentes qui
concernent essentiellement certains des livres proprement "historiques" de
Diodore. Pour une comparaison des sources des deux auteurs, cf. WENDEL,
324

RE, XVI, 1367, jv. Mythographie.


53- Sv. Diodore.
54- DIODORE DE SICILE, 1, 4, 1.
55- C'est probablement à ces ouvrages que se réfère Diodore, lorsqu'il dit s'en
tenir, pour la chronologie, à Apollodore d'Athènes. Pour F. HOEFER, le
traducteur français de Diodore (Paris, 1865) (2), il ne fait aucun doute,
encore, qu'il ne s'agisse de la Bibliothèque .
56- M. CROISET, Histoire de la littérature grecque, V, Paris, p. 690.
57- M. VAN DER VALK, loc. cit., p. 104-105.
58- Entreprise nécessaire, même s'il est vrai que, comme le dit P. Β ARBERIS,
"on ne saurait plus admettre que la signification de l'oeuvre puisse être
donnée par les intentions de l'auteur ni par la manière dont elle a été reçue
par son premier public" (Eléments pour une lecture marxiste du fait
littéraire : lisibilités successives et signification, Littérature et idéologies,
colloque de Cluny, Π (1970) pp. 16 à 23.
59- PHOTIUS, Bibliothèque, 142 b. L'ouvrage ainsi appelé s'intitulait, en fait,
"Enregistrement et énumération des titres lus par nous". Il fut composé vers
840. Cf. W.T. TREDGOLD, The nature of Bibliotheca of Photius,
Washington, 1980. Cf. la traduction des Belles Lettres, 186.
60- Sur les mythographes, voir M. DETIENNE, Mythe et écriture : les
mythographes, sv. mythe, Dictionnaire des Mythologies, op. cit., pp.
141-143.
61- DIODORE DE SICILE, I, 3, 8.
62- DIIODORE DE SICILE, 1, 3, 2 et 3.
63- DIODORE DE SICILE, 1, 4, 6 et 7.
64- DIODORE DE SICILE, 1, 1, 5.
65- DIODORE DE SICILE, 1, 2, 2 par exemple.
66- M. VAN DER VALK, loc. cit., pp. 101-104.
67- APOLLODORE, II, 91 ; I, 69 ; III, 194 etc...
68- M. VAN DER VALK, loc. cit., p. 104.
69- C'est le cas, par exemple, d'HÉRODORE, voir infra p. 242.
70- Voir les conclusions de l'étude, menée sous la direction de M.M.
MACTOUX pour l'ATP '"Polythéïsmes" du CNRS, sur la construction
textuelle de la Bibliothèque (à paraître).
71- DIODORE DE SICILE, 1, 4, 6 et 7. Cf. supra, pp. 230 sq..
72- DIODORE DE SICILE, I, 5, 1. Diodore, probablement, fait ici référence
aux χρονικά .Cf. p. 229.
73- DIODORE DE SICILE, I, 5, 1.
74- DIODORE DE SICILE, I, 5, 1.
75- Cf. par exemple DIODORE DE SICILE, IV, 7, 2 : à propos des muses
sont cités, "Homère, Hésiode et quelques autres..." Dans le livre VI encore,
"Homère, Hésiode, Orphée et d'autres encore" sont opposés à Evhémère
(d'après Eusèbe, Préparation évangélique. II, 59-61).
76- DIODORE DE SICILE, IV, 85, 5 ; V, 66, 6.
325

77- DIODORE DE SICILE, III, 2, 3 ; III, 56, 2 ; IV, 32, 2 ; IV, 39,
3 ; IV, 49, 7 ; IV, 85, 6 ; V, 2, 4 ; V, 28, 4.
78- DIODORE DE SICILE, III, 2, 3.
79- DIODORE DE SICILE, III, 56, 2. cf. encore V, 2, 4.
80- DIODORE DE SICILE, IV, 39, 3 et V, 28, 4.
81- DIODORE de SICILE, IV, 7, 1.
82- DIODORE DE SICILE, V, 5, 1. Il ne s'agit sans doute pas du poète
athénien, mais bien plutôt de Carcinios d'Agrigonte.
83- DIODORE de SICILE, I, 38, 4 ; I, 39, 1.
84- DIODORE de SICILE, IV, 56, 1.
85- Faut-il ranger parmi eux ÉPIMÉNIDE "le théologue" (V, 80, 4) ?
86- DIODORE de SICILE, III, 52, 3. Il s'agit de DENYS de Mytilène, dit
SKYTOBRACHION auteur d'un Cycle, véritable encyclopédie
mythologique composée grâce à la Bibliothèque d'Alexandrie (cf. infra note
123).
87- DIODORE de SICILE, I, 46, 8 ; II, 47, 1.
88- DIODORE de SICILE, I, 37, 11 ; I, 38, 8 ; II, 15, 2 ; II, 32, 3 ; II, 32,
4.
89- DIODORE de SICILE, II, 7, 3.
90- DIODORE de SICILE, III, 11, 2 cite le huitième des onze livres qu'il
consacra, vers 100 av. J.-C, aux peuples voisins de la Méditerranée.
91- DIODORE de SICILE, I, 39, 1.
92- DIODORE de SICILE, I, 38, 4 et I, 39, 1.
93- Astronome et mathématicien du Vème siècle (DIODORE DE SICILE, I,
41, 1).
94- DIODORE de SOLE, V, 1, 4. Cf. encore I, 39, 7 ; IV, 1, 3.
95- DIODORE de SICILE, IV, 1, 3.
96- DIODORE de SICILE, V, 64, 2.
97- DODORE de SICILE, V, 80,4. Dosiade et Sosicrate sont également cités
comme historiens de la Crète par Pline et Athénée.
98- DIODORE de SICILE, V, 80, 4.
99- DIODORE de SICILE, V, 56, 7.
100- DIODORE de SICILE, 1, 41, 4. Diodore se réfère à son Histoire de l'Asie,
composée au Ilnd siècle. Cf. encore III, 11,2; III, 18, 4 ; III, 48, 4.
101- DIODORE de SICILE, II, 2, 2 ; II, 7, 3 ; II, 7, 4 ; II, 15, 2 ; II, 20, 3 ;
II, 21, 8 ; II, 32, 4. Ctésias de Cnide avait écrit des "Persica " en 23 livres
profitant sans doute de son séjour à la cour du roi Artaxerxès Memnon au
début du IVème siècle. Les six premiers, auxquels emprunte beaucoup
Diodore, étaient consacrés à l'histoire des Assyriens et des Mèdes.
102- DIODORE de SICILE, II, 7, 3.
103- Sur leurs mérites comparés voir DIODORE, V, 6, 1 ; pour Timée IV, 21,
7 ; IV, 22, 6 ; IV, 56, 3.
104- DIODORE de SICILE IV, 32, 2.
105- DIODORE de SICILE IV, 21, 7, et IV, 22, 6.
326

106- DIODORE de SICILE IV, 21 , 7. "Voilà ce que racontent sur la défaite des
géants à Phlègres plusieurs mythologues dont l'autorité a été suivie par
Timée l'historien".
107- APOLLODORE, Π, 1, 1.
108- Ce pourrait être l'indice d'une attitude plus rationnelle, opérant mieux le
départ entre le mythe et l'histoire. Pour le détail des sources, Cf. infra le
tableau II).
109- APOLLODORE, m, 13, 8 = m, 176.
110- APOLLODORE, III, X, 3 = III, 121. MÊLÉS AGORAS (ou
AMÉLÉSAGORAS) cité par APOLLODORE à propos de Glaucos a été
transformé par HEYNE (et à sa suite par CLAVIER) en MÊLÉS AGORAS.
111- Cette affirmation de PRELLER a d'ailleurs été combattue par C. ROBERT,
op. cit., pp. 88-91. Voir sur ce point M. VAN DER VALK, loc. cit., pp.
134-135.
1 12- Pour les références et les occurrences on se reportera dans tous les cas aux
tableaux Π et m.
1 13- Pour E. BETHE, RE, Π, 1606, ASIOS aurait vécu au Vllème siècle, pour
d'autres, au Vlème siècle seulement (cf. A. NOTOPOULOS, The homeric
hymns as oral poetry ; a study of the post-homeric oral tradition, AJPh,
LXXXffl, 4, 1962, pp. 337-368).
114- Certains en font le contemporain et le rival d'Hésiode (G. MURRAY, Λ
dictionary of greek and roman biography and mythology, I, Londres,
1880) ; d'autres le situent plutôt au Vlème siècle.
1 15- Au Vlème siècle probablement.
1 16- ACOUSILAOS est généralement situé dans la deuxième moitié du Vlème
siècle. SUIDAS prétend qu'il écrivit ses généalogies d'après des tablettes de
bronze que son père (Cabras ou Scabras) aurait trouvées dans sa propre
maison, mais pour CLÉMENT D'ALEXANDRIE, S trornâtes, VI, 629,
ses Généalogies étaient en partie une "traduction" en prose de celles
d'Hésiode.
1 17- TELESELLA, contemporaine de Pindare, est une poétesse d'Argos, plus
connue, grâce à Plutarque (CROISET, Π, 361), pour son courage dans la
guerre qui opposa sa cité à Sparte que pour son oeuvre lyrique.
118- Cf. APOLLODORE, II, 1, 5 et II, 2, 1. La troisième mention des
"Tragiques" concerne Sophocle (Π, 1, 3).
119- Cf. CROISET, op. cit., V, pp. 166-169.
120- Son Roman des Argonautes aurait été utilisé par DENYS DE
SKYTOBRACHION, et, si le fragment 3 appartient bien à
DÉMARATE, celui-ci serait plus récent qu'APOLLONIOS de RHODES.
Cf. SCHWARTZ, RE IV, 2706 (7) ; JACOBY la, 42, p. 520.
121- 13 fois, presque aussi souvent quΉésiode. PHÉRÉCYDE de LEROS (c'est
ainsi que le nomme SUIDAS) a passé la plus grande partie de sa vie à
Athènes où il vivait au début du Vème siècle, et a laissé un ouvrage
mythologique (désigné sous des titres différents) en dix livres, qui paraît
327

assez proche de ce qu'allait être plus tard la Bibliothèque attribuée à


Apollodore : des généalogies et de courts romans mythologiques.
122- Nous reviendrons sur ces deux mythographes connus pour leur intérêt pour
Héraclès : PANYASIS, fils de Polyarchos d'Halicarnasse (oncle ou cousin
d'Hérodote ?) adversaire du tyran Lygdamis qui le fit mettre à mort, avait
composé une Héracléia en quatorze livres et neuf mille vers qui prétendait
rivaliser avec celle de Pisandre. On lui attribue l'introduction de légendes
nouvelles dans la geste héracléenne et le développement des exploits
lointains du héros. HÉRODORE DHÉRACLÉE était aussi, toujours au
Vème siècle, l'auteur d'un καθ 'Ήρακλέα Xoyoç en dix-sept volumes.
123- DENYS SKYTOBRACHION, auteur d'un Cycle au 1er siècle, consulté
également par DIODORE de SICILE, s'était en particulier beaucoup
intéressé tant à Dionysos qu'à Héraclès. Quant à CASTOR DE RHODES,
contemporain de Jules César, le plus récent des auteurs consultés par
APOLLODORE (qui nomme son Traité des erreurs chronologiques ), il est
aussi le seul à graviter dans une ambiance romaine, s'il faut en croire, du
moins, le surnom qu'il reçut de Philoromaios.
124- Cela dans l'hypothèse où l'on veut bien voir en PINDARE, TÉLÉSILLA,
en PHÉRÉCYDE également, les témoins attardés de l'archaïsme - ce qui
nous parait tout à fait légitime -. L'hypothèse inverse est d'ailleurs
également représentée sur le tableau ΠΙ. Précisons encore que nous avons
situé les "Orphiques" à l'époque où, au Vlème siècle, ONOMACRITE
rassemblait - et écrivait ! - les plus anciens poèmes du recueil orphique, ce
qui est peut-être, reconnaissons-le, introduire quelque élément d'incertitude
dans la mesure où la collection n'a cessé de s'enrichir au cours des siècles,
inconvénient de faible portée, nous semble-t-il, dans la mesure où il ne
concerne qu'une occurrence, où, d'autre part, Apollodore est antérieur au
renouveau de cette littérature qui, jusqu'au IVème siècle après notre ère,
contribuera à l'achèvement de cet ensemble hétéroclite.
Nous sommes plus à l'aise, en revanche, pour attribuer les "Tragiques" à la
seule époque classique. La mise en rapport de la citation (dans la
Bibliothèque ) et des sources prouve en effet que le terme générique cache
uniquement SOPHOCLE (1 fois : II, 1, 3 = FTG 2 p. 188) et
EURIPIDE (2 fois : II, 1, 5 = FTG2 p. 502 et Π, 2, 1 = FTG2 p. 567).
Quant à MÉLÉSAGORAS, présenté par la tradition comme l'un des plus
anciens historiens grecs (Vème siècle), originaire de Chalcédoine, il a
quelque chance d'être un mystificateur hellénistique et nous avons, de ce fait,
renoncé à le faire figurer dans ce tableau (cf. MULLER, FJi.G. II, 22 ; W.
KROLL, RE, sv. Mélésagoras, Col. 494).
125- APOLLODORE, 1, 1 18 « 1, 9, 19.
126- APOLLODORE, III, 45 = 111, 5, 6.
127- Cf. supra note 122.
128- APOLLODORE, II, 64: II, 4, 9 voir F.Gr. Hist., 31 F 17 et 19.
129- APOLLODORE, II, 141 = II, 7, 2 voir F. Gr. Hist., 31 F 32.
328

130- F. Gr. Hist., 31 F 13 et 14.


131- Chez Hérodore, par exemple, le lion de Némée est tombé d'une autre terre
(F4etF21).
132- DIODORE de SICILE, 1,3, 3 et surtout IV, 1, là 4.
133- DIODORE de SICILE, IV, 8, là 5.
134- DIODORE de SICILE, IV, 8, 2.
135- DIODORE de SICILE, IV, 8, 3.
136- DIODORE de SICILE, IV, 8, 4 et 5.
137- P. VEYNE, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, Paris, 1983, p. 59.
138- DIODORE de SICILE, IV, 8, 5.
139- DIODORE de SICILE, 1, 1, là 5.
140- DIODORE de SICILE, V, 23, 1 (il s'agit des origines de l'électron telles
que les explique le mythe de Phaeton). Cf. encore I, 88, 5 (sur la fable
"accréditée chez les Grecs" et relative à Busiris massacrant les étrangers,
alors qu'il n'y a pas eu en Egypte de roi nommé Busiris)... etc.
141- DIODORE DE SICILE, IV, 44, 6 ; IV, 18, 5; IV, 47, 6...
142- La position de DIODORE est ici assez proche de celle qu'exprimera
PAUSAN1AS au second siècle de notre ère. Celui-ci, qui confesse en effet
avoir, au début de son travail, trouvé "ridicules et pitoyables" les fables
grecques qu'il avait à rapporter a, ce faisant, compris "que les sages de la
Grèce nous ont caché d'importantes vérités sous des énigmes"
(PAUSANIAS, Vin, 8, 3).
143- DIODORE DE SICILE, VI, 1, 3 d'après EUSEBE, Préparation évangélique,
II, 59B et 61 A. Cf. encore le chronographe MALATAS (DINDORF,
Bonn, 1831, p. 54) pour qui Diodore s'exprime de la même façon, et qui
ajoute "l'ignorance seule conduisit les hommes à agir ainsi".
144* DIODORE de SICILE, (V, 1, 3 et 4) oppose dans ce passage Ephore à
Timée et, s'il semble préférer le premier pour le plan de son ouvrage, pour
l'économie du détail et le style (V, 1, 4), s'il estime les critiques de Timée
trop longues et parfois déplacées, il loue sa grande érudition et son souci de
la chronologie (V, 1, 3).
145- POLYBE, ΧΠ, 24, 5.
146- DIODORE de SICILE, II, 26, 2 et 3 et IV, 27, 1. (Et si ces troupeaux
sont dits "dorés" c'est tout simplement en raison de leur beauté, comme
dans l'expression "Aphrodite d'Or").
147- DIODORE de SICILE, IV, 27, 5.
148- DIODORE de SICILE, IV, 17, 2. C'est ainsi une version proche de la
version romaine (dans la lutte des Horaces et des Curiaces) que donne
Diodore du schéma trifonctionnel indo-européen. Voir sur ce point notre
troisième partie.
149- DIODORE de SICILE, IV, 53, 7.
150- Cf. P. VEYNE, op. cit., p. 57. P. Veyne n'a pas tort sans doute qui, plus
qu'aux sophistes, attribue au développement des enquêtes historiques cette
"nécessaire" évolution du mythe. Il ne dit rien toutefois des raisons pour
329

lesquelles Apollodore (qu'il ne sollicite guère !) échappe à cette évolution.


151- DIODOREdeSICILE,I,2,2.
152- DIODORE de SICILE, 1, 2, 4. Cf. encore IV, 53, 6 et 7.
153- DIODORE de SICILE, 1,2, 4.
154- Nous abandonnons un temps notre traduction pour celle de Hoefer (t. I,
Paris, 1865, p. 3), certes elliptique, mais percutante.
155- DIODORE de SICILE, 1,2, 3.
156- DIODORE de SICILE, IV, 19,2.
157- DIODORE de SICILE, V, 21, 2.
158- Pour l'historien s'entend ! On peut tout aussi bien penser qu'à force de
dérivations il se perd, cf., sur ce point, notre avant propos méthodologique.
159- Cf. supra : tableau I.
160- APOLLODORE, 11,98-105 = 11,5,9.
161- APOLLODORE Π, 103 = Π, 5, 9 alors que, chez DIODORE (IV, 32, 1-5),
cet épisode troyen est exposé non pas dans le cadre des travaux, mais
comme une aventure de la seconde partie de sa vie.
162- Un index hiérarchique des pays non grecs cités par Apollodore a été établi
par I. Ducotey à partir des données informatisées du LASLA de Liège qui a
enregistré le texte d'Apollodore pour ΓΑΤΡ "Polythéisme" du CNRS (au
Centre de Recherches de BESANÇON : analyse du discours mythologique
chez Apollodore).
163- Cf. C.H. OLDFATHER, Diodorus of Sicily, éd. Loeb Π, 1961 (1ère éd.
1935). On peut établir que le livre II 35-42 dérive de Mégasthènes grâce à la
similitude du récit avec les Indica d'Arrien et la description du pays par
Strabon. Or tous deux disent s'être inspirés de Mégasthènes (p. VIII).
164- Photius a conservé l'ouvrage de ce géographe "Sur la mer rouge" qui a
inspiré les récits de Diodore sur les Ethiopiens dans le livre ΙΠ.
165- Pour l'étude des sources de DIODORE, en ce qui concerne l'histoire voir P.
GOUKOVSKY (t 17 et 18), Cl. VIAL (t. 15), M. CASEVITZ (t. 12)
éditeurs de DIODORE dans la collection des Belles Lettres (1976 et 1978 ;
1977 ; 1972) et leur bibliographie ; cf, encore, C. ΒΟΠΊΝ, Les sources
de Diodore de Sicile, Revue belge de Philologie et d'Histoire, VII, 1928,
pp. 1307-1327 et surtout R. DREWS, Diodorus and his sources, AJPh,
83, 4, 1962, pp. 383-392 qui refuse la problématique généralement
envisagée : sources concernant tel ou tel livre de Diodore (cf plus haut),
c'est-à-dire toujours considérées de façon partielle et isolée, pour poser le
problème, plus général de la manipulation de ses sources par Diodore et de
ses objectifs. Cf. encore, P. PÉDECH, Historiens compagnons d'Alexandre,
Paris, 1984.
1 66- On se reportera à la carte (fig. 23).
167- II s'agit de précisions concernant dans un cas, ceux qui ont été rendus à la
vie par Asclépios (III, 121) et dans l'autre (III, 117) de l'époux de
Gorphone, fille de Persée.
168- La référence à Castor, l'un des derniers alexandrins, oblige évidemment à
330

penser que la Bibliothèque ne peut être antérieure au 1er siècle avant notre
ère. C. ROBERT (op. cit. pp. 42-44) jugeait la langue d'Apollodore
caractéristique du grec tardif, d'où la date proposée (et suivie par WAGNER).
M. VANDER VALK(loc. cit., pp. 165-167) conteste cette argumentation,
retrouve bien des constructions datées du Ilnd siècle par C. ROBERT chez
des auteurs hellénistiques et même plus anciens, η fait remarquer encore qu'à
l'époque où écrivait C. ROBERT régnait une condamnation assez générale
de toutes les formes qui n'étaient pas purement attiques. Il ne lui paraît pas.
impossible que la Bibliothèque puisse dater du 1er siècle avant J.-C, mais
incline toutefois à choisir le 1er siècle de notre ère. Si l'on ajoute qu'on n'a
pas attendu le Ilnd siècle de l'Empire pour réunir, pour les amateurs d'une
érudition quelque peu expéditive, l'ensemble des récits qu'avaient imaginés
les Grecs sur leurs dieux, leurs héros ou leurs grandes familles, mais que
dès l'époque hellénistique avait commencé un tel travail de recension (le
Cycle de Denys de Mytilène qu'ont connu aussi bien Diodore qu' Apollodore
en est un bon exemple) ; si l'on constate la forte prégnance des milieux
alexandrins et (ce qui n'est pas le cas chez cet occidental qu'est Diodore)
l'absence étonnante de Rome, on est conduit, à l'exemple de M. VAN DER
VALK, à remettre en question la datation de C. ROBERT jusqu'à ce qu'une
étude linguistique approfondie vienne apporter - de quelque façon que ce
soit - une réelle certitude.
Certains détails de l'oeuvre, d'ailleurs, pourraient conforter ces doutes ; l'un
d'eux, par exemple, m'a été signalé par E. SMADJA : dans son
énumération des enfants d'Héraclès, Apollodore mentionne Ίόβη? fils
de Κέρθης- (II, 7, 8 = II, 161), des noms "qu'il est difficile de ne pas
rapprocher de Juba, d'une part, de Cirta de l'autre". Cette tradition qui fait
état de l'une des capitales de la Numidie serait ainsi plus ancienne (en
circulation, déjà, pendant le règne de Juba 1er) que celle que rapporte
Plutarque (Sertorius, IX) et dont on sait qu'elle fut accréditée par Juba II. On
connaît le souci constant de ce souverain de rattacher sa lignée à une
descendance héracléenne et de se présenter lui-même comme un nouvel
Hercule. Si Apollodore avait écrit au II siècle, ne peut-on supposer que c'est
cette deuxième version, plus connue - et quasi-officielle - qu'il aurait
reproduite ? Sur la dynastie numido-mauritanienne et Hercule on se
reportera à la thèse en cours d*E. SMADJA.
169- DIODORE DE SICILE, 1,4, 3 et 4.
170- APOLLODORE II, 106 à 1 13 (=11, 5, 10).
171- APOLLODORE II, 106 (= Π, 5, 10) ; PHERECYDE, F. Gr. Hist. 3F 18b
(chez Strabon ΙΠ, 5, 4).
172- HÉSIODE, Théogonie, 287.
173- APOLLODORE, II, 106 (= 11,5, 10).
174- Nous donnons la forme " "Ορθο-ç ", choisie par R. WAGNER, (éd.
Teubner, op. cit.) et conforme à la version d'Hésiode et non pas ""Όρθρος·"
331

comme dans l'édition française de F. CLAVIER(op. cit.) La généalogie de


Géryon fils de Chrysaor et de Callirhoè, elle-même fille d'Océan, est la
même chez Hésiode (Théogonie, 304 sq.) Orthos est fils d*Echidna "à l'âme
violente" et de Typhon "l'insolent" comme d'ailleurs Cerbère et l'hydre de
Lerne. Le lion de Némée, né d'Orthos, est de même descendance.
175- F. CLAVIER, op. cit., note 41p. 277. Nous reviendrons sur ces bêtes ou
ces peuples sauvages rencontrés par Héraclès lors de son voyage vers
l'Ouest.
176- Cf. STÉPHANE DE BYZANCE, s.v., Abdera ; et STRABON, III, 4, 3 :
dans sa description du littoral ibérique à partir des colonnes d'Héraclès
Abdera vient entre Malaca (Maenacé) et la nouvelle Carthage.
177- ' Αλεδίων serait à mettre en rapport, selon WILAMOWITZ (Kleine
Schriften, v. 2 pp. 150 sq.) avec les Alpes ; quant à Δέρκυνος· M. VAN
DER VALK suppose qu'il pourrait être une transcription erronée du terme
ΗΕΡΚΥΝ0Σ utilisé en alphabet ionien par Phérécyde et correspondre aux
Monts Hercyniens dont ce dernier aurait ainsi donné une localisation erronée
(loc. cit., pp. 124-125).
178- Phérécyde, qu'Apollodore pourrait avoir suivi, écrivait, selon ATHÉNÉE,
XI, 470 cd que c'était contre Océanos et non contre Hélios qu'Héraclès avait
tendu son arc : Phérécyde, dans le troisième livre de ses Histoires, parle
d'Océan et poursuit : "Héraclès tendait son arc contre lui avec l'intention de
lui tirer dessus mais le Soleil lui ordonna de s'arrêter, ce qu'il fit, par crainte
de ses menaces. Pour l'en récompenser Hélios lui donna la coupe d'or qui,
lorsqu'il est couché, le transporte avec ses chevaux, par delà l'Océan, aux
pays d'Orient où le soleil se lève. Héraclès s'embarqua donc dans cette coupe
pour Erythie et, lorsqu'il fut en haute mer, l'Océan pour l'éprouver apparut
et secoua la coupe. Héraclès était sur le point de lui tirer dessus
lorsqu'Océanos eut peur et lui demanda d'arrêter". Toujours d'après
ATHÉNÉE on sait que STÉSICHORE (ATHÉNÉE, XI, 781, d et 469 e),
PISANDRE (ATHÉNÉE, XI, 469 d) et PANYASIS (ATHÉNÉE, XI, 469
d-e) mentionnaient aussi cette coupe.
179- DIODORE DE SICILE, IV, 17 à 25.
180- DIODORE DE SICILE, IV, 18, 2 et déjà IV, 17, 2.
181- DIODORE DE SICILE, IV , 17, 2.
182- DIODORE DE SICILE, IV, 17, 3 ; IV, 17, 4 ; IV, 17, 3 ; IV, 17, 5.
183- DIODORE DE SICILE, IV, 18, 1 l'explication est devenue systématique,
nous y reviendrons.
184- DIODORE DE SICILE, IV, 18, 1 ; IV, 18, 2.
185- DIODORE DE SICILE, IV, 18, 5.
186- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 1.
187- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 1 ; IV, 19, 4.
188- DIODORE DE SICILE, IV, 21, 1-4.
189- DIODORE DE SICILE, IV, 21, 5 à 7.
332

190- Dans notre quatrième partie.


191- Dans notre troisième partie.
192- Cf. supra, l'introduction de cette deuxième partie et la note 3.
193- AJ. GREIMAS, op. cit., (Sémantique structurale), pp. 155-156.
194- AJ. GREIMAS, ibid., pp. 178-179. Ces deux fonctions pourraient bien
n'être pour Greimas que des projections de la volonté d'agir et des résistances
imaginaires du sujet lui-même, jugées bénéfiques ou maléfiques par rapport
à son désir (p. 180).
195- L'exemple est emprunté à AJ. GREIMAS, op. cit., p. 130.
196- AJ. GREIMAS, op. cit., p. 178.
197- AJ. GREIMAS, op. cit., p. 180.
198- On ne saurait toutefois oublier qulïurysthée, présent dans toutes les
versions du mythe - d'où l'intérêt de cette catégorie du destinateur - est
souvent présenté comme lui-même instrument de la vengeance divine
(Héra) ou plus simplement de la volonté divine (que transmet l'oracle de
Delphes). Ces variantes prouvent en même temps la nécessité de dépasser ce
schéma actantiel.
199- HÉSIODE, Théogonie, 287-294. cf. encore 979-983.
200- HOMERE, Iliade, VIU, 360-369 ; Odyssée, XI, 602-604.
201- HÉSIODE, Théogonie, 950-955 ; HOMERE, Odyssée, XI, 602-604.
202- On se reportera à notre première partie.
203- PHÉRÉCYDE, 3 F. 16 et 17 (cf. JACOBY,Com. I, 394 sq.).
204- Cf. tableau IV.
205- DIODOREdeSICILE,IV,27,3.
206- DIODORE, IV, 26, 2-4, et DIODORE, IV, 27, 1-5. Voir tableaux V et
VI.
207- Cf. supra, p. 242-246.
208- On rappellera simplement ici les hésitations de la tradition quant à la
localisation (occidentale ou hyperboréenne) du pays aux pommes d'or.
209- Cf. supra, p. 11 et infra dans le troisième chapitre de notre quatrième
partie.
210- Cf. tableaux VII et Vin.
211- Ci. supra p. 260.
212- PHÉRÉCYDE, d'après ATHÉNÉE, XI, 470, c-d. Rappelons que c'est
Poséidon, encore, qui avait déchaîné sur les côtes de la Troade le monstre
marin contre lequel dut lutter Héraclès, HOMERE, Iliade, XX, 144 sq. et
APOLLODORE II, 5, 9.
213- HOMERE, Iliade, V, 392-394 (Héra) et 395-398 (Hadès).
214- APOLLODORE, II, 5, 10.
215- R. MARTIN, in Recherches sur les cultes grecs et l'Occident, I, Naples,
1979, pp. 11-17.
216- Cf. M. GIANGIULIO, Greci e non greci in Sicilia alla luce dei culti e
délie leggende di Eracle, Modes de contacts et processus de transformation
dans les sociétés anciennes, colloque de Cortona, Pise-Rome, 1983 : "Uno
333

dei motivi di maggiore interesse storico che sia dato di cogliere nell'ambito
dei terni fatti oggetto dell'attuale riflessione appare senza dubbio
l'individuazione di alcuni rapporti intercorrenti tra Eracle ed il mondo délia
colonizzazione", pp. 785-786.
217- N. VALENZA-MELE, Eracle euboico a Cuma, la gigantomachia e la via
heraclea, Recherches sur les cultes grecs et l'Occident, I, op. cit., pp. 19-51.
218- Sur ce vase, un Mégarien a gravé une dédicace à Héraclès, ceci en pays
cuméen puisque l'objet provient des fouilles du site par STEVENS,
probablement, avance N. Valenza-Mele, du sanctuaire d'Héra. Dans la
Gigantomachie campanienne, c'est effectivement Héra et non pas Athéna qui
accompagne Héraclès. L'auteur, comme J. BOARDMAN, ERA, 1972, 1,
pp. 57-72 et JHS, XLV, 1975, pp. 1 sq., estime que ce sont les
Pisistratides qui ont développé cette deuxième association, et elle relève,
pour sa part, les rapports d'amitié qu'entretient le héros, en Occident, avec
Héra. Contrairement à F. VIAN (La Guerre des Géants, Paris, 1952) elle se
refuse à voir dans cette association le moment où se trouve scellée la
réconciliation de la déesse et d'Héraclès ; elle y reconnaît plutôt une alliance
ancienne, caractéristique, écrit-elle, du héros euboïco-thessalien. C'est à ce
point seulement que nous nous séparerons de N. Valenza-Mele : Héraclès
dont elle se plaît à souligner les rapports anciens avec Héra ne nous paraît
pas, quant à nous, si "différent du héros argien" !
219- N. VALENZA MELE, loc. cit., p. 50.
220- Que ces deux épisodes principaux de l'histoire d'Héraclès en Campanie se
rattachent à des phénomènes naturels ne suffit pas, contrairement à ce
qu'estime J. BÉRARD {pp. cit., pp. 407-408), à prouver l'indépendance de
la légende par rapport à la colonisation. Cette particularité explique au
contraire son "caractère local" qui - en d'autres cas effectivement - pourrait
être troublant.
221- DIODORE de SICILE, IV, 23, 3. Cf. aussi HÉRODOTE, V, 42-48 et VII,
158 ; PAUSANIAS, III, 16, 4 et 5.
222- DIODORE de SICILE, V, 9, 1 à 4. Sur les rapports des expéditions de
Pentathlos et de Dorieus, cf. L. PARETTI, Studi sicelioti ed italioti,
Florence, 1914 pp. 1-27. La tentative de Pentathlos est datée par Diodore
de la cinquantième olympiade c'est-à-dire de 580-576 avant J.-C, date qui
correspond mieux à la chronologie des îles Lipari que celle que donne
Eusèbe (50 ans plus tôt).
223- DIODORE de SICILE, IV, 23, 4.
224- DIODORE de SICILE, V, 4, 2.
225- "Tèn nun oûsan ton Surakousion polin".
226- M. GIANGIULIO, loc. cit., p. 813 par référence à l'ouvrage de M.
HUNTER WILSON, Myths of Precedence, Myth in Modem Africa,
Lusaka, 1969, pp. 1-7.
227- M. GIANGIULIO, loc. cit., p. 814.
228- G. VALLET, La Cité et son territoire dans les colonies grecques
334

d'Occident, Atû del VIIo Convegno di Studi sulla Magna Grecia, Tarente et
Naples, 1968. pp. 67-142. Cf. aussi l'intervention de R. MARTIN, qui,
dans le même ouvrage (pp. 216-220), insiste sur le rôle commercial qu'ont
pu jouer de tels sanctuaires, grâce à la sécurité relative qu'offrait aux deux
parties ce territoire sacré.
229- M. GIANGIUUO, loc. cit., p. 815.
230- S. CALDERONE, L. AGNELLO, Fondo di skyphos con dedica ad Héraclès
(Siracusa), dans Epigraphia, X, 1948, pp. 143-145. M. GIANGIULIO
admet qu'il s'agit là d'un terminus ante quem.
231- Pour la bibliographie voir M. GIANGIULIO, loc. cit., p. 812.
232- TIMÉE, F. Gr. Hist., ΙΠ B, 566 F 102 b. Cf. aussi PLUTARQUE (qui
rapporte son témoignage) Nicias, 1, 2 sq., et 25, 1.
233- G. PUGLŒSE CARRATELLI, Culti e dottrine religiose in Magna Grecia,
PP, 1965, XX, pp. 4-27 et surtout Santuari extramurani in Magna Grecia,
PP, 1962, XVII, pp. 241-246.
234- Pour rester dans le domaine des cultes rendus à Déméter et Coré, on sait
par exemple que le thesmophorion d'Agrigente (à Santa Anna) succède à un
sanctuaire indigène, mais qu'à Gela, en revanche, celui de Bitalemi,
consacré à Déméter Thesmophoros est légèrement postérieur à la fondation
de la colonie. Cf. en particulier, P. ORLANDINI, Lo scavo del
thesmophorion di Bitalemi, Kokalos, 1966, pp. 8 sq. ; et Diffusione del
culto di Demeter e Kore in Sicilia, Kokalos, 1968-1969, XIV-XV, pp.
334-338. En Grande-Grèce cette continuité existe - lorsqu'elle a pu être
prouvée - au bénéfice d'Héra. Cf. G. GIANELLI, op. cit., p. 144-276 pour
le sanctuaire d'Héra Lacinia, près de Crotone (un sanctuaire particulièrement
intéressé par la légende héracléenne). Sur le problème, plus général, de la
continuité entre les cultes "mycéniens" et ceux de l'époque historique, voir
F. GRAF, Culti e credenze religiose délia Magna Grecia, Atti del 21
Convegno di studi sulla Magna Grecia (Tarente, 1981), Naples, 1983, pp.
157-185, singulièrement p. 159. Voir aussi, dans la discussion, les
remarques méthodologiques de M. TORELLI, pp. 207-209.
235- M. GIANGIULIO, loc. cit., p. 814. Il réserve en effet pour plus tard
(lorsqu'il parlera de la lutte d'Héraclès contre les héros sicanes) le
développement attendu sur la politique religieuse des Déinoménides.
236- PAUSANIAS, IX, 19, 5 : à Mycalessos un Héraclès, jugé comme étant
l'un des Dactyles de l'Ida se faisait le portier du temple de Déméter. Cf.
encore PAUSANIAS, IX, 27, 8 (pour Eréùie) ; VIII, 31, 3 (pour les
confins de Mégalopolis et de Messène) ; VIII, 35, 2 (représentation
d'Héraclès dans le temple de celle que les Arcadiens appellent "la
Maîtresse") ; III, 20, 5 (Héraclès soigné dans le temple de Déméter à
Thérapné) et 11,35, 4-11.
237- DIODOREdeSICILE,V,3,4à6etV,4, 1.
238- PINDARE, Néméennes, 1, 13-16.
335

239- CICÉRON, Contre Verres, IV, 58, 106 sq. Sur ce point cf. aussi
DIODORE, V, 4, 2 et IV, 23, 4. OVIDE, Métamorphoses, V, 341 sq.',
Fastes, IV, 417-454.
240- PINDARE, Olympiques, VI, 158-162. La Sixième Olympique est datée de
468.
241- Scholies à la Vlème Olympique, 156 d ; 158 a et c ; 160 d. Sur cette
prêtrise des Deinoménides voir R. VAN COMPERNOLLE, Les
Deinoménides et le culte de Déméter et Korc à Gela, Hommages à W.
DÉONNA, Latomus, XXVIII, 1957, pp. 474, 479.
242- HÉRODOTE, VII, 153. Cf, encore, confirmant les scholies à Pindare,
DIDYME d'ALEXANDRIE (éd. SCHMIDT, 219) ; PHILISTOS (F. Gr.
Hist., III, Β 556 F 49) et ΉΜΕΕ (F. Gr. Hist., III B, 566 F 96).
243- DIODORE de SICILE, V, 4, 7. Cf. encore ATHENEE, XIV, 647 a.
244- Cf. HÉSYCHIUS, sv. Κόρεια.
245- DIODORE de SICILE, V, 4, 2.
246- M. GIANGIULIO, loc. cit., p. 813 et note 82.
247- Sur ce rite, voir L. GERNET, Anthropologie de la Grèce antique, Paris,
1968, pp. 112 et encore 117.
248- DIODORE, IV, 24, 1.
249- DIODORE, IV, 39, 1. (Cf. aussi PAUSANIAS, I, 15, 3 et I, 32, 4. Pour
une tradition delphique, cf. ARRIEN, Anabase, IV, 1 1, 7).
250- DIODORE de SICILE, IV, 24, 2.
251- DIODORE de SICILE, IV, 24, 3.
252- Particulièrement révélatrice est la mention d'Héraclès entrant dans la
campagne de Léontinoi et "admirant la beauté du pays" (IV, 24, 1).
253- Dans notre troisième partie.
254- On se reportera à la troisième partie de notre étude : Héraclès dans la cité,
l'intégration des jeunes gens.
255- SOPHOCLE, Trachiniennes, 35.
256- On songe particulièrement à la légende de fondation du culte d'Héraclès à
Erythrées (PAUSANIAS, VII, 5, 5 à 8) censée expliquer que seules les
femmes thraces (qu'elles soient libres ou esclaves) ont le droit de pénétrer
dans le sanctuaire ; on songe également à Γ ait ion cultuel de Cos
(PLUT ARQUE, Questions grecques, 58) où s'entrecroisent de la même
façon le thème initiatique et celui de l'exclusion - voire de la servitude -
dans la cité. On trouvera l'étude de ces questions dans le premier chapitre de
notre IVème partie : Héraclès latris et doulos , sur quelques aspects du
travail dans le mythe héroïque. En ce qui concerne les rapports entre le culte
d'Héraclès et l'affranchissement des esclaves, cf. A. CALDERINI, La
manomissione e la condizione dei liberti in Grecia, Milan, 1908.
257- DIODORE DE SICILE, IV, 24, 7 ; cf aussi SERVIUS, Commentaire à
l'Enéide, ΠΙ, 552.
258- CONON, Narrations, 3. CONON, contemporain de DIODORE, est
celui-là même dont PHOTIUS disait, l'opposant à APOLLODORE, que son
336

oeuvre "n'était pas à la portée de tous".


259- Sur ces légendes et leur datation voir J. BAYET, Les origines de l'Hercule
romain, Paris, 1926, pp. 156-164.
260- WEICKER, RE, s.v.t Géryon, col. 1289; J. BAYET, op. cit.,
(origines...) pp. 145-149 ; E. CIACERI, L'antico culto di Gerione nel
territorio di Padova e in Sicilia, ASSO, XVI-XVII, 1919-1920, pp. 70-83.
On consultera encore : E. LEPORE, Ricerche sull'antico Epiro, Napoli,
1962 ; L. LAZZARO, Fons Aponi (Abano e Montegretto neU'antichità),
Abano Terme, 1981 ; A. MOMIGLIANO, Some observations on the
"Origo gentis Romanae " 1958 ; et plus récemment les travaux de L.
BRACCESI, Grecità adriatica, Bologne, 1971 (1er chapitre) ; La leggenda
di Antenore, de Troia a Padova, Padoue, 1984. Cf. encore dans Storia délia
Sicilia, I-IX, Palermo, 1 979, 1, pp. 53-86 les pages 64-67 consacrées à ce
problème.
261- SUÉTONE, Tibère, 14. CLAUDffiN, VI, 25. Sur la légende d'Héraclès en
Vénétie cf. déjà PHÉRÉCYDE d'après une scholie à APOLLONIOS DE
RHODES, IV, 1396. (F. Gr. Hist., 3 F 16).
262- Peinture de la Grotta del Orco datée d'environ 350 av. J.-C. On trouvera
d'autres exemples dans J. BAYET, op. cit., note 2 p. 147.
263- KRETSCHMER, Gr. Vaseninschrift, 47, (De Ridder 202). Cf. J. BAYET,
op. cit., p. 146.
264- Sur ce point on se reportera à notre Epilogue.
265- J. BAYET, Origines, op. cit., p. 147.
266- J.P. VERNANT, La mort dans les yeux. Paris, 1985, p. 50. "Celui qui fait
résonner sa voix "ou même qui mugit. Cf. également J. BAYET, Hercule
funéraire, loc. cit., p. 75.
267- Pour les peuples d'Italie s'entend !
268- J. BÉRARD, Colonisation, op. cit., p. 414. Les rapprochements opérés
avec le sanctuaire des Paliques pour faire d'Agyrion un lieu de culte indigène
(note 3 page 414) sont d'ailleurs quelque peu contestables : le chien n'est
pas ici formellement attesté dans le culte ; quant à l'intervention des
esclaves elle est fort différente : alors que le sanctuaire d'Hadranon était un
lieu d'asile, les fêtes d'Agyrion ne traduisent que le renversement très
temporaire d'un ordre qu'elles contribuent à maintenir.
269- SE. CIACERI, op. cit., pp. 285-289.
270- L. GERNET, Frairies antiques, REG, XLI, 1928, pp. 313-359. M.
GIANGIULIO, p. 844.
271- Cf. R.J.A. TALBERT, Timoleon and the revival of Greek Sicily, 344-317
B.C., Cambridge, 1974.
272- Le témoignage des monnaies est, à ce titre, fort intéressant. Cf. M.
GIANGIULIO loc. cit., p. 835 et note 150 (bibliographie).
273- G.VALLET, La colonisation chalcidienne et l'hellénisation de la Sicile
onentà\e,Kokalos, VIII, 1962, pp. 30-51. Notons que J. BAYET voyait
déjà dans l'Héraclès d'Agyrion un Héraclès chalcidien, op. cit., p.40, note 3.
337

274- P. LÉVEQUE, P. CLAVAL,La signification géographique de la première


colonisation grecque, Revue de géographie de Lyon, tome 45, 1970, pp.
179-200.
275- L. BERNABO BREA, Leggenda e archeologia nella protostoria siciliana,
Kokalos, X-XI, 1964-1965, pp. 1-34, Singulièrement p. 2. L'affirmation a
chez l'auteur valeur générale et son article est essentiellement une étude
ethnologique et archéologique des peuples avec lesquels les Grecs entreront
en contact et de leur culture.
276- DIODORE de SICILE, IV, 23, 5.
277- THUCYDIDE, VI, 2, 1-5.
278- DIODORE DE SICILE, V, 6, 1-3.
279- DENYS D'HALICARNASSE, I, 22, 1 à 5.
280- THUCYDIDE (cf. note 277) rapporte deux traditions quant à l'origine des
Sicanes : ils seraient soit autochtones (c'est aussi la tradition recueillie par
TIMÉE, F. Gr. Hist., 566 F 38) soit, d'origine ibérique (comme le diront
encore PHILISTOS, F. Gr. Hist., 556 F 45 ou ÉPHORE F. Gr. Hist., 70
F 136). Sur ces divergences voir DIODORE DE SICILE, V, 6, 1-3. et
STRABON, VI, 2, 4. Quant aux raisons données pour expliquer le repli des
Sicanes, elles sont, soit l'arrivée conquérante des Sicules : "victorieux des
Sicanes par les armes", écrit Thucydide (VI, 5), ils "les rejetèrent vers les
parties méridionales et occidentales de 111e et firent prendre à celle-ci, au lieu
de Sicanie, le nom de Sikélie". Diodore quant à lui donne à ce repli une
autre explication : une éruption de l'Etna et c'est une contrée déjà
abandonnée "depuis très longtemps" par les Sicanes qu'auraient ainsi
occupée les Sicules (DIODORE DE SICILE, V, 6, 3).
281- HELLANICOS, F. Gr. Hist., 4 F 79 b (Cf. DENYS D'HALICARNASSE,
I, 22, 3).
282- PHILISTOS, F. Gr. Hist., III, 556 F 46 (Cf DENYS
D'HALICARNASSE, I, 22, 4).
283- II faut citer ici la curieuse tentative de L. BRACCESI (Storia délia Sicilia,
loc. cit.), pour résoudre le problème posé par cette discordance
chronologique, ceci au prix d'une théorie qu'on peut juger pour le moins
étonnante de l'origine des Sicanes. Comme R. VAN COMPERNOLLE
(Ségeste et l'hellénisme, Phoibos, V, 1950-1951, pp. 183-228), il pense
que si Hellanicos "ne parle pas des Sicanes c'est tout simplement parce qu'il
faut identifier à ces derniers les Elymes dont il raconte la migration" (L.B.
p. 57 ; R.V.C. p. 216). Sicanes et Sicules auraient ainsi la même origine,
la péninsule italienne ; la date de 1270, donnée par Hellanicos,
représenterait alors la migration des Sicanes ; la date rapportée par
Thucydide serait celle de la migration sicule (L.B. pp. 57-58). Privilégiant
(pour quelle raison ?) le témoignage d'Hellanicos, alors que la tradition bien
établie fait des Sicanes des "Méditerranéens" (qu'ils soient autochtones, ou
plus ou moins marqués d'influences ibériques), cette théorie, pour résoudre
un problème qu'on peut juger, toutes proportions gardées, "minime" de nos
338

sources, plonge et l'historien des religions et l'archéologue dans des


contradictions, à notre avis, autrement plus gênantes !
284- Cf. surtout M. PALLOTINO, Le origini storichi dei populi italici, Xè
congrès des Sciences historiques, Rome 1955, pp. 3-60.
285- Cf. la synthèse très claire donnée par L. BRACCESI (Sicilia Antica, op.
cit.), avec les réserves exprimées dans la note 283. Cf., surtout, L.
BERNABO BREA, La Sicilia prima dei Greci, Milano 1958 et, dans
Kokalos, 1964-1965, loc. cit., pp. 1-34, singulièrement pp. 10-11.
286- Après l'ouvrage de Lord William TAYLOUR, Mycenaean Pottery in Italy
and adjacent areas, Cambridge, 1958, on se reportera surtout aux synthèses
de M. MARAZZI et S. TUSA, Die Mykenische Pénétration in Westlichen
Mittelmeerraum, Klio, 61, 1979, 2, pp. 309-351 et de L. VAGNETTI,I
Micenei in Italia : la documentazione archeologica, PP, 25, 1970, pp.
359-380 et I Micenei in Occidente, dati acquisiti e prospettive future au
Colloque de Cortona, op. cit., pp. 165-181. Cf. encore le volume des Atti
dei XXII Convegno di Studi sulla Magna Grecia, Magna Grecia e mondo
miceneo, Nuovi documenti, Tarente, 1982.
287- L'introduction du fer en Sicile et dans la Péninsule italienne aux Xe-IXe s.
pourrait être rapportée aux Phéniciens, L. BERNABO-BREA, loc. cit., pp.
22-23.
288- L. BERNABO-BREA, loc. cit., p. 12-33.
289- L. VAGNETTI,loc. cit., P.P., p. 375 et pour la métallurgie {Cortona )
pp. 177-178 et fîg. 4.
290- L. BERNABO BREA, loc. cit ., p. 29 (sur le Mycénien III C et la
civilisation de Pantalica I) et L. VAGNETTI,P.P., loc. cit., p. 379 et note
91 de la même page. Ces constatations (cf. aussi la note précédente) nous
paraissent du plus haut intérêt pour notre problème, on se reportera sur ce
point au IVème chapitre de notre première partie.
291- L. BERNABO-BREA, hc. cit., p. 30.
292- L. BERNABO-BREA, loc. cit., p. 28 et p. 32. On notera que G. VALLET
(Rhégion et Zancle, Paris, 1958, pp. 90-104) suppose, pour expliquer ce
décalage, que les " Ausoniens" de Lipari et de la région du détroit, venus par
mer, ont conservé tous les aspects caractéristiques d'une civilisation de type
italique alors que les Sicules - dont le passage par l'Italie méridionale est
d'ailleurs indiqué par la tradition littéraire - pourraient avoir adopté, en
Calabre, les rites funéraires d'origine pré-indo-européenne (l'inhumation) et
conservé, en Sicile, les traits fondamentaux de la civilisation indigène, ne
gardant guère de leurs origines indo-européennes, que leur langue.
293- E. CIACERI, Culti e miti..., op. cit., pp. 37-45 et 87-92 ; E. MANNI,
Minosse ed Eracle nella Sicilia dell'età dei bronzo, Kokalos, VIII, 1962, pp.
6-29 ; L. BRACCESI, loc. cit., pp. 64-65 ; L. PEARSON, Myth and
Archeology in Italy and Sicily, YCLS, XXIV, 1975, pp. 171-195.
294- E. SIÔQVIST, Héraclès in Sicily, ORom, IV, 1962, pp. 117-123. M.
GIANGIULIO, loc. cit., (Cortona), singulièrement pp. 815-833.
339

295- On peut cependant remarquer que l'épithète est connue d'Homère (Iliade,
XXII, 294).
295 bis - PROCLUS dans les Scholies au Cratyle (47,88) ne dit-il pas que les
noms attribués aux enfants par leur père "ont pour but de commémorer
quelque chose ou quelqu'un ou bien d'exprimer un espoir ou quelque chose
de semblable"?
296- On se reportera sur ce point à E. SIÔQVIST, loc. cit., p. 120 et à M.
GIANGIULIO, loc. cit., pp. 816-817 et à leur bibliographie.
297- MACROBE, Saturnales, V, 19, 30. et V, 19, 22 (dans ce dernier passage,
si Macrobe rapporte la même anecdote, le héros n'est pas nommé).
298- MACROBE cite un passage du troisième livre de l'Histoire sur les lieux de
prophétie de Xénagoras ou Anaxagoras (Saturnales, V, 19, 30).
299- DIODOREdeSICILE,II,89.
300- MACROBE, Saturnales,^ , 19,31.
301- MACROBE, Saturnales, V, 19, 19-21.
302- POLÉMON, contemporain des empereurs Trajan et Hadrien, avait écrit un
ouvrage Sur les fleuves merveilleux de la Sicile, longuement cité par
MACROBE (Saturnales, V, 19, 26 à 29) : frg 83 FGH, III. p. 140.
303- MACROBE, Saturnales, V, 19, 27.
304- MACROBE, Saturnales, V, 19, 26.
305- Dans une tragédie perdue et intitulée Etna, Eschyle parlait d'ailleurs des
Paliques, MACROBE, Saturnales, V, 19, 24.
306- CALLIAS vivait au IVème siècle avant notre ère. C'est le 7ème livre de son
Histoire de Sicile qui est cité par MACROBE, Saturnales, V, 19, 25. Sur
ces delloi on peut se reporter à I. LEVY, Dieux Siciliens, RA, XXXIV,
1899, 1, pp. 256-281.
307- On a parfois nié l'existence des Delloi , mais, si Macrobe les rapproche,
c'est pour mieux les opposer et Callias, dont il rapporte le texte, les situe
par rapport à Gela (à quatre-vingt-dix stades).
308- L. ROBERT, Bulletin Epigraphique, REG, 65-66, 1952-1953 n° 283 pp.
211-212. L'inscription avait été ainsi reconstituée par son éditeur
πεδιακρα [δίν]η.
309- IG, XIV, 595 et 596 ; L. ROBERT, loc. cit., p. 212 ; E. SIÔQVIST, loc.
cit., p. 120 et avant eux E. CIACERI, op. cit., pp. 37-45 et B. PACE,
Arte e civilta nella Sicilia antica, III, 1946, pp. 527-529 qui supposent que
Leucaspis et Pediacratès pourraient être localisés respectivement sur les
territoires de Syracuse et de Gela.
310- ARISTOPHANE (Les Nuées, 984-985) parle de ces vieilleries qui sentent
les Bouphonies.
311- Cf. en dernier lieu E. SIÔQVIST, loc. cit., p. 121. On trouve d'ailleurs,
chez HESYCHIUS, le pluriel βοόται donné comme équivalent à
βουκόλοι.
312- Dans la version conservée par DIODORE, IV, 23, 2. APOLLODORE, II,
5, 10 = 11 110 et 111.
340

313- M. GIANGIULIO, loc. cit., p. 822.


3 14- E. CIACERI, par exemple, suggère de corriger le texte pour transformer
Γλυχατας- en ΑχαταΓ (op. cit., p. 43).
315- E. SIÔQVIST, loc. cit., p. 121.
3 16- Voir, dans notre troisième partie, l'étude des aspects initiatiques du mythe.
317- E. MANNI, Sicilia Pagana, op. cit., p. 34 et Minosse ed Eracle... loc. cit.,
p. 28 ; dans La Sicile à la veille de la colonisation grecque, REA LXXI,
1969, pp. 5-22, il propose même une chronologie "de ces exploits attribués
à des personnages qui flottent entre l'histoire et le mythe" et situe Héraclès
"avant le Xllè siècle".
318- E. SIÔQVIST, loc. cit., p. 121.
319- E. SIÔQVIST, loc. cit., p. 123.
320- M. GIANGIULIO, loc. cit., p. 822.
321- M. GIANGIULIO, loc. cit., pp. 823-833 : "La liberazione insomma
presuppone il dominio, la riconquista presuppone l'occupazione : Ducezio
presuppone i Dinomenidi" (p. 824).
322- M. GIANGIULIO, loc. cit., note 142, p. 832.
323- M. GIANGIULIO, loc. cit., p. 823 sq..
324- D. ADAMESTEANU, L'ellenizzazione délia Sicilia ed il momento di
Ducezio, Kokalos, VIII, 1962, pp. 177 ; P. PELAGATTI, Palikè
(Mineo-Catania). Santuario dei Palici, Β A, 51, 1966, pp. 106-107. Cf.
aussi G. MADDOLI, II VI e il V secolo a-c., Storia délia Sicilia, op. cit.,
I, pp. 1-102.
325- MACROBE, Saturnales, V, 19, 26. Cf. supra, p. 287 et note 304.
326- Cf. M. GIANGIULIO, loc. cit., pp. 824 sq. Cf. encore Q.
CATAUDELLA, Tragédie di Eschilo nella Siracusa di Gerone, Kokalos,
X-XI, 1964-1965, pp. 371-398 et pour PINDARE : E. KIRSTEN, Ein
politisches Programm in Pindars erstem pytischen Gedicht, RhM, 90,
1941, pp. 58-71 et G. A. PRIVITERA, Eracle nella prima Nemea, GIF,
XXIV, 1972, pp. 28-51.
327- Dans la Première Néméenne, en particulier, c'est au-delà de tel ou tel
exploit, le destin héroïque tout entier d'Héraclès qui symbolise la gloire de
Chromios d'Aitna, qui, comme Gélon et ses frères, avait commencé sa
carrière au service d'Hippocratès, le tyran de Gela. De même, la "félicité
inaltérable" du héros après ses noces avec Hébé évoque très certainement le
bonheur non moins mérité de Chromios auprès de la soeur de Gélon qu'il
avait reçue pour épouse.
328- Cf. G. BALANDIER, Mythes politiques de colonisation et de
décolonisation, dans Sens et Puissance, Paris (PUF, Quadrige) p. 81 (2ed)
p. 203.
329- Cf. supra, les traductions qui en ont été données, pp. 255-256.
330- DIODORE de SICILE, IV, 23, 1 et V, 3, 4. Sur ce lien avec les
phénomènes volcaniques on consultera J.H. SCHOO (Hercules labors, Fact
or fiction, Chicago, 1966) pour qui Géryon, lui aussi, est un volcan, le pic
341

Ténériffe.
331- DIODORE de SICILE, IV, 83, 1.
332- DIODORE de SICILE, IV, 83, 4. Une autre tradition retenue par HYGIN
(Fables, 260) et par VIRGILE (Enéide, V, 755-761) donne au contraire Enée
pour fondateur et de la ville, et du temple d'Aphrodite Erycine. STRABON,
XIII, 1, 53 remarque que ceux qui font ainsi aborder Enée en Sicile, puis le
font aller dans le Latium sont en désaccord avec Homère pour qui il reste à
Troie et succède à son père (Iliade, XX, 306).
333- DIODORE de SICILE, IV, 83, 5.
334- PAUSANIAS, VIII, 24, 6 et 7 et encore VIII, 24, 2.
335- PAUSANIAS, VIII, 24, 6. Cf. encore C. MEILLER, P. LILLE, Inv. 71 et
P. LILLE inv. 126, CRIPEL, VI, 1981, pp. 243-252 : le nom de Psophis
pourrait être reconstitué dans les fragments d'un poème hexamétrique dont le
sujet est la légende d'Héraclès et le contexte en référence avec l'épisode de
Géryon.
336- PAUSANIAS, VIII, 24, 2. Ces attaches de la légende avec la tradition
arcadienne sont encore mentionnées par CHARAX, d'après STEPHANE de
BYZANCE, FHG, III, p. 638, frg. 7 = F. Gr. Hist., 103 F 58. ST. BY2.
sv. χαμιχός-.
337- APOLLODORE, II, 5, 10.
338- DIODORE de SICILE, IV, 23, 2 et IV, 83, 1. Cette généalogie d"Eryx est
également celle que retient HYGIN, Fables 260 ; VIRGILE quant à lui, s'il
retient d'Eryx, qu'il est fils d'Aphrodite et plusieurs fois parle "du pays
fraternel d'Eryx " (Enéide, V, 23 - 24 et 630), ne mentionne Boutés que
dans un contexte grec (V, 371-374). Apollodore lui aussi faisait de Boutés,
non pas un indigène, mais un Grec : un Argonaute, qui à son retour se
jetait dans la mer charmé par les Sirènes. Il retenait cependant une tradition
qui le mettait en rapport et avec les côtes siciliennes et avec Aphrodite.
C'est en effet la déesse qui le sauvait et l'emportait à Lilybée
(APOLLODORE, I, 9, 16 et I, 9, 25) curieuse localisation, d'ailleurs,
puisque Lilybée (au contraire de Motyé et Panorme où sont installés des
Phéniciens dès avant l'arrivée des Grecs) est fondée beaucoup plus
tardivement, après la destruction de Motyé.
339- VIRGILE, Enéide,V, 391-393.
340- VIRGILE, Enéide, V, 400-403 ; V, 410-414.
341- VIRGILE, Enéide, V, 483-484.
342- VIRGILE, Enéide, V, 759-760 ; V, 772.
343- APOLLODORE, II, 5, 10 = II, 111.
344- THUCYDIDE, VI, 2, 3.
345- PSEUDO-SCYLAX, XIII.
346- PLUTARQUE, Nicias, I, 3. Voir supra note 232.
347- PAUSANIAS, V, 25, 5.
348- APOLLODORE, d'après STRABON, VI, 254 (= F. Gr. Hist, 244 F 167 ou
FM. G., 1, 173), mais, alors que Thucydide faisait, à ces Troyens se joindre
342

des Phocidiens, ce sont, chez Apollodore, des compagnons de Philoctète qui


viennent, avec eux, s'établir en Sicile.
349- C'est Héraclès, qui, on s'en souvient, avait débarrassé la Troade de ce
monstre.
350- LYCOPHRON, Alexandra, 951-977. Voir, par exemple, les commentaires
de E. CIACERI, La Alessandra diLicofrone, Catone, 1901, p. 107 sq. (pour
le texte) et 277 sq. (pour les commentaires) et J. BERARD, op. cit., pp.
353-354. L'aide des scholies, en effet, est indispensable pour comprendre le
passage.
351- LYCOPHRON, Alexandra, 1226-1280.
352- DENYS D'HALICARNASSE, Antiquités Romaines, 1, 47, 2 ; 1, 52, 1-4.
353- VIRGILE, Enéide, I, 550 (Troianoque a sanguine clarus Acestes ) et V,
38-39 (Troia Criniso conception flumine mater quem genuit).
354- VIRGILE, Enéide, V, 628-629.
355- VIRGILE, Ibid, 746-761.
356- On se reportera aux études de J. CARCOPINO, Virgile et les origines
d'Ostie, Paris, 1919 ; de J. PERRET, Les origines de la légende troyenne
de Rome, Paris, 1942 et contra, le compte rendu que donne J. BÉRARD de
cet ouvrage dans, Journal des Savants, 1943, pp. 116 sq. On consultera
également J. GAGE, Bases de migrations "dardaniennes" et escales
"troyennes" dans la mer ionienne, REL, LV, 1977, 84-112; G.
MOYAERS, Enée et Lavinium à la lumière des découvertes archéologiques
récentes, RB Ph, LV, 1977, pp. 21-50 et le catalogue de l'exposition de
Rome (1981) Enea nel Lazio, archeologia e mito. De façon plus générale
on pourra se reporter, pour l'histoire du Latium et de la Rome archaïque, à
la bibliographie que nous donnons dans notre "Epilogue".
357- J. BÉRARD, op. cit., p. 355. Cf. plus récemment, I. BITTO, Venus
Erycina e Mens. Un momento délia propaganda politica romana durante la
seconda guerra punica, Archivio Stor. Messinese, XXVIII, 1979, pp.
121-133.
358- DENYS D'HALICARNASSE, Antiquités romaines, I, 47, 2 (pour
Aegestos et Elymos) et I, 48 (pour le départ après la prise de Troie).
Cependant, comme chez Lycophron, les deux épisodes paraissent encore
indépendants.
359- II semble qu'HÉCATÉE ait connu l'éponyme troyen de Capoue (d'après
STÉPHANE de BYZANCE, F. Gr. Hist., 1 F 61 = FHG, I, frg. 27) et on
a dit, sans raison suffisante semble-t-il, que STÉSICHORE aurait déjà fait
aborder en Italie des fugitifs troyens. (Bibliographie dans J. BÉRARD, op.
cit., p. 352 et note 3 de la même page).
360- HELLANICOS, F. Gr. Hist., 4, F 79 b d'après DENYS
D'HALICARNASSE, I, 22, 3. Cf. supra p. 285.
361- L. BRACCESI, loc. cit., (Sicilia antica ), p. 71.
362- Cf., J. BOVIO MARCONI, El problema de los Elimos a la luz de los
descubrimientos récentes, Ampurias, XII, 1950, pp. 79-90 et surtout dans
343

Atti e memoriae del I Congresso Internazionale di Miceneologia, Roma,


1968, 3, les articles de A.M. BISI, Fenici ο Micenei in Sicilia nella
seconda meta del II millenio a.c, pp. 1 156-1 168 et de V. TUS A, La quaestione
degli Elimi alla luce degli ultimi rinvenimenti archeologici, pp. 1197-1210.
Pour cet auteur, en particulier, les influences anatoliennes sub- mycéniennes
ne suffisent pas pour corroborer la thèse de Thucydide (p. 1 209).
Quant aux graffiti sur les céramiques du dépôt de Grotta Vanella, inscrits
dans une langue ignorée, mais qu'on peut attribuer aux Elymes de Ségeste,
leur découverte a relancé le problème de l'origine des Elymes, certains
rapprochant leur langue de celle des Sicules (une hypothèse qui confirmerait
les dires d'Hellanicos), d'autres au contraire proposant une interprétation
asianique (qui s'accorderait avec la tradition d'une origine troyenne). Contre
cette hypothèse présentée par R. AMBROSINI au Second Congrès
International d'Etudes sur la Sicile Antique (Païenne 1968), M. LEJEUNE
exprime de sérieuses réserves. Cf. Kokalos, XIV, XV, 1968-1969. Voir
encore dans ce même volume l'article de V. TUSA (pp. 462-467) et celui de
M. LEJEUNE dans Studi e saggi linguistici, XI, 1971, pp. 223-227.
363- Cf. G. VALLET, Athènes et l'Adriatique, MEFRA, 1950, pp. 33-52.
364- G.K. GALINSKY, Aeneas, Sicily and Rome, Princeton, 1969, p. 96.
365- On attribue à Anténor la fondation de Padoue, première ville "troyenne" en
Italie. Cf. VIRGILE, Enéide, I, 245-249 : "II a fondé la ville de Padoue, il
Troie..."
a établi ses
Cf. Troyens,
encore SUÉTONE,
donné un nom
Tibère,
à son
14 et
peuple,
CLAUDIEN,
suspenduVI,
les25.
armes
Surtout
de

(et déjà !) PHÉRÉCYDE, d'après une scholie à APOLLONIOS DE


RHODES, Argonautiques, IV, 1396 (F. Gr. Hist., 3 F 16). Sur ces
problèmes, voir désormais la synthèse récente de L. BRACCESI, La
Leggenda di Antenore, op. cit.
366- Cf. V. TUSA, loc. cit., et L. BRACCESI, loc. cit., p. 75. Signalons que
l'appartenance à l'époque mycénienne des tessons présentés par V. TUSA au
1er congrès International de Mycénologie a été contestée. Cf. E. MANNI,
loc. cit., (REA), p. 13.
367- Disons cependant que ces influences orientales sont encore diversement
appréciées (apports ethniques ou simples contacts commercieux et culturels)
et qu'on ne s'accorde pas toujours sur les peuples qui en furent les vecteurs.
Pour le problème de la présence phénicienne sur les côtes siciliennes on se
reportera à notre première partie.
368- DIODORE de SICILE, IV, 23, 3.
369- HÉRODOTE, V, 42-48.
370- HÉRODOTE, V, 43.
371- HÉRODOTE, V, 43, les manuscrits donnent ' Ηρακλείνη τήν έν
Σιχελιή .
Aucune Héraclée de Sicile n'existant alors, le texte a été corrigé. Cf.
Hérodote, éd. Les Belles Lettres, l V, 1961 p. 94 note 3.
372- HÉRODOTE, V, 44-45. Les Sybarites tiennent pour la participation de
344

Dorieus et de ses compagnons à l'expédition qui détruisit leur ville. Les


Crotoniates nient, pour leur part, avoir reçu l'aide d'aucun étranger.
373- HÉRODOTE, V, 46.
374- PAUSANIAS, ffl, 16, 5.
375- La version conservée par PAUSANIAS reste celle de l'échec. Diodore quant
à lui fait écho à une tradition sicilienne probablement "arrangée" par le
patriotisme local.
376- Cf. V. CONSTANZI, La Spedizione di Dorieo in Sicilia, Riv. PhiL
Class., XXXIX, 1911, pp. 353-360; L. PARETI, Dorieo, Pentatlo ed
Eracle nella Sicilia occidentale, dans Stucti Siciliani ed italioti, Florence,
1914 pp. 1 sq., A. SCHENK GRAF VON STAUFFENBERG, Dorieus,
dans Historia, IX, 1960, pp. 181 sq..
377- V. TUSA, II Santuario arcaico di Segesta, dans Atti del VII Congresso
Internazionale di Archeoîogia classica, Rome, 1961, pp. 31-40.
378- Les fouilles de Grotta Vanella (1977) ont même fait apparaître aux côtés
d'une céramique non grecque des fragments de vases grecs tous antérieurs
aux premières décennies du Vlème siècle, certains même légèrement plus
anciens que ceux des couches profondes des sondages de l'acropole de
Sélinonte. Cf. J. DE LA GENIERE, Ségeste et l'hellénisme, MEFRA, 90,
1978, 1, pp. 33-49. (appendice) Cf. encore l'article du même nom de R.
VAN COMPERNOLLE, dans Phoibos, 5, 1950-1951, pp. 183-228 et J.
DE LA GENIERE, Réflexions sur Sélinonte et l'Ouest Sicilien, CRAI,
1977, pp. 251-264.
379- Cf. J. DE LA GENIERE, Entre Grecs et non Grecs en Italie du Sud et
Sicile, Modes de contacts ... op. cit., pp. 257-272. Contra, M.T.
PIRAINO-MANNI, Colloque de Bressanone, op. cit., pp. 167-168. La
mention a d'ailleurs disparu dans la publication des actes du colloque de
Cortona. Pour la bibliographie concernant cette inscription on se reportera à
la note 124 de notre "Prologue".
380- L. PARETI, loc. cit., pp. 22-23.
381- On pourra objecter qu'une tradition conservée par LYCOPHRON,
Alexandra, 662 (et scholie ad. loc.) opposait, dans la campagne de
Léontinoi, Héraclès aux Lestrygons (premiers habitants "mythiques" de la
Sicile selon Thucydide) qui voulaient lui ravir son troupeau. Cf. J.
BÉRARD, op. cit., note 4 p. 413.
382- G. VALLET. La colonisation chalcidienne et l'hellénisation de la Sicile
orientale, Kokalos, VIII, 1962, pp. 30-51. Précisons que, dans cette
opposition, nous retenons, non pas l'opposition ethnique
Chalcidiens/Doriens, mais celle d'une volonté coloniale aux mobiles
différents (commerciaux/agraires), entraînant, pour cette raison, des rapports
différents entre Grecs et indigènes. Disons encore que cette distinction nous
paraît valoir pour l'implantation coloniale, plus que pour une pratique qui, à
l'époque des tyrans, par exemple, s'est sans doute uniformisée.
383- HÉCATÉE DE MILET d'après STÉPHANE DE BYZANCE, (FHG I frg
345

47 et 48 = F. Gr. Hist. 1 F 76 et 77). Cf. L. LACROIX, Monnaies et


civilisation en Occident grec, Bruxelles, 1965, p. 76.
384- DIODORE de SICILE, IV, 83, 3.
385- DIODORE de SICILE, IV, 83, 1 et IV, 83, 3.
386- PAUSANIAS,VIII,24,2et6-7.
387- Le caractère de ces Grandes Mères méditerranéennes dispensatrices de la vie
sur terre et dans l'au-delà devait d'ailleurs être assez proche. Cf. P.
LÉVEQUE, Contribution à une théorie historique de la production de la
pensée religieuse dans les sociétés du Paléolithique et du Néolithique, DHA,
7, 1984, pp. 53-92. Cf. encore J. FILION, La déesse mère
créto-mycénienne, Cahiers des Etudes Anciennes, VIII, Québec, 1978.
388- LYCOPHRON, Alexandra, 951-977.
389- Cf. en particulier, VIRGILE, Enéide, 760.
390- On se reportera, sur ce point, au quatrième chapitre de notre première partie.
391- Pour s'en tenir à une bibliographie récente, L. LACROIX, en 1974,
soulignait l'aspect civilisateur d'Héraclès (Héraclès, héros voyageur et
civilisateur, Bulletin de l'Académie royale de Belgique, fév. 1974) et, au
colloque d'Urbino, en 1973, G.S. KIRK et B. GENTILI parlaient
explicitement de "culture-hero" (// mito greco, Atti del Convegno
internazionale, p. 291) et de "eroe culturale" (ibid., p. 304). Cf. encore C.
JOURDAIN- ANNEQUIN, Héraclès héros culturel, Colloque de
Bressanone, op. cit., (1981) pp. 9-29.
392- ÉPICHARME, frg. 21 Kaibel (ATHENEE, X, 4 1 la-b).
393- Voir les références, citées par exemple par L. LACROIX, op. cit., p. 35.
394- Cf. par exemple DIODORE, IV, 29, 3. Pour APOLLODORE toutefois (II,
4, 10) Héraclès demeure cinquante jours chez Thespis qu'il nomme
d'ailleurs Thestius.
395- EURIPIDE, Alceste, 747-772.
396- ATHÉNÉE, IV, 164 b.
397- Inventaire 2646 et BEAZLEY, ARV 2 p. 437, 128. Cf. aussi
APOLLODORE, Bibliothèque II, 4, 9. Sur ce problème, voir Ch.
DUGAS, Héraclès mousicos, REG. LVII, 1944, p. 61 sq. {Recueil Charles
Dugas, Paris, 1960, p. 117).
398- DIODORE DE SICILE, IV, 8,5.
399- MACROBE, Saturnales, 1,31.
400- Cf. G. MURRAY, Greek Studies, Oxford, 1946, p. 109.
401- ÉPICHARME. Cf. plus haut note 392.
402- APOLLODORE, 11,5,4.
403- APOLLODORE, II, 7, 7.
404- DIODORE DE SICILE, I, 24, 3.
405- APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, IV, 1438.
406- DIODORE DE SICILE, 1, 2, 4.
407- DIODORE DE SICILE, 1, 24, 7. Comme autre preuve de l'existence de cet
Héraclès plus ancien que Diodore affirme être égyptien, est invoquée l'aide
346

apportée par le héros aux dieux dans la guerre contre les Géants dont
l'existence "remonte à l'origine même des hommes" et la massue et la peau
du lion, "car, les armes n'étant pas encore inventées, les hommes n'avaient
que des bâtons pour se défendre et des peaux d'animaux pour armure".
408- On se reportera sur ce point à la page 303 et à la note 407.
409- DIODOREDESICILE,IV,8,5.
410- Pour F. BROMMER, Herakles, die zwôlf Taten des Helden in antiker
Kunst und Literatur, Mûnster-KOln, 1953, le cycle des douze travaux
n'apparaît guère qu'à l'époque hellénistique. Π semblerait pourtant que des
représentations comme celles d'Olympie aient pu aider à la constitution du
dodécathlos dès l'époque classique. Pour DIODORE (IV, 10, 7) comme
pour APOLLODORE (II, 4, 12) c'est l'oracle de Delphes qui ordonne au
héros d'accomplir les douze travaux qui lui vaudront l'immortalité.
411- APOLLODORE, II, 5, 1 à 12. On peut en effet, pour ne donner qu'un
exemple sur lequel nous aurons à revenir (dans notre troisième partie)
trouver étonnant que, chez Diodore, les dieux fassent don de ses armes à
Héraclès, alors qu'il a déjà accompli sept des douze travaux imposés.
Peut-être PMDARE connaissait-il les "douze" travaux, comme le prouverait
un fragment récemment découvert (P. OXY n° 2450). Cf. G. PAVESE,
The new Héraclès of Pindar, HSCP, 72, 1967, pp. 81-4 et 86-7. Voir
U.T. MATTHEWS, op. cit., note 3 p. 22.
412- On sait la faveur dont paraît jouir la Centauromachie dans l'Occident grec, η
n'est qu'à voir la place qu'elle prend dans le décor du thesauros du Silaris
où les six métopes de la façade Est "racontent" cet épisode. La lutte contre
Nessos fait encore l'objet de plusieurs métopes.
413- DIODORE DE SICILE (IV, 13, 1) ne localise pas la capture de la biche
cérynite. Pour Apollodore cependant le mythe est situé en Arcadie et il cite
Oenoé, le Ladon et le mont Artémision (II, 5, 3). Seul - à ma
connaissance - le scholiaste de Pindare {Olympiques, III, 2, 3) prétend
qu'Héraclès la poursuivit jusqu'au pays des Hyperboréens.
414- Cf. plus haut p. 303. Diodore a prétendu que la Grèce, à l'époque du fils
d'Alcmène, était déjà hautement civilisée.
415- HÉSIODE, Théogonie, 328-330. Il est encore chez Sophocle "le fléau des
bouviers", Trachiniennes, 1092.
416- EURIPIDE, Héraclès, 377.
417- APOLLODORE, II, 5, 4.
418- APOLLODORE, II, 5, 2.
419- DIODORE DE SICILE, IV, 13, 2.
420- PAUSANIAS, VIII, 22, 4. Pour lui d'ailleurs, comme pour Apollodore (II,
5, 6), Héraclès ne se contente pas de chasser les oiseaux, mais les tue de ses
flèches.
421- HOMERE, Iliade, 1, 468.
422- SOPHOCLE, Trachiniennes, 1095-1096.
347

423- Malgré l'existence du Centaure Chiron, différent des autres par sa naissance
(d'un dieu et d'une mortelle et non pas de la démesure d'Ixion convoitant
Héra), la Centauromachie a généralement le sens d'une victoire de la
civilisation sur la barbarie, la force brutale et la démesure. Cf. E.
JANSSENS, Le Pélion, le Centaure et la sagesse archaïque, dans
Hommages à Claire Préaux, Bruxelles, 1975, pp. 325-337.
424- DIODORE DE SICILE, IV, 13, 7.
425- DIODORE DE SICILE, IV, 10, 3 à 6.
426- PIS ANDRE DE RHODES, frg. 10 (KINKEL) : Δικαιότατος- Se
φονέων Cf. sur ce thème B. GENTILI, Eracle "omicida giustissimo",
Pisandro, Stesicoro e Pindaro, op. cit., p. 299-305.
427- DIODORE DE SICILE, IV, 15,2.
428- DIODORE DE SICILE, V, 76. 1. Idée déjà exprimée à l'époque archaïque,
dans le Bouclier, 27-29. C'est en effet pour "créer pour les dieux autant que
pour les hommes un défenseur contre le danger" que Zeus s'unit à Alcmène.
429- Sur ce point on rappellera que Diodore, manifestement, s'inspire d'une
source occidentale, la Géryonide de Stésichore sans doute, et qu'Apollodore
est en revanche plus influencé par des sources purement grecques. On sait
qu'il doit beaucoup à Phérécyde voir supra, le 1er chapitre de la Ilème partie.
430- DIODORE DE SICILE, IV, 17, 3 ; IV, 17, 4 ; IV, 17, 5.
431- DIODORE DE SICILE, IV, 35, 3.
432- DIODORE DE SICILE, IV, 18, 6. On peut remarquer d'ailleurs qu'Héraclès
est depuis longtemps lié aux modifications du paysage ou aux explications
qu'on donne de certains paysages géographiques. Eschyle déjà fait prédire au
héros par Prométhée sa lutte contre les Ligures et l'aide que lui apportera
Zeus en faisant "neiger" une nuée de cailloux sur la plaine de la Crau
(STRABON, IV, 1, 7 = H.J. METTE, XXXI [, 326 a. Cf. aussi DENYS
D'HALICARNASSE, Antiquités Romaines, I, 41, 3 (METTE 326 b) et
HYGIN, Astrologie, II, 6 = METTE, 326 c). Dans le même sens, nous
l'avons vu, Apollodore explique que, si le Strymon n'est plus navigable,
c'est parce qu'Héraclès, au retour de l'expédition contre Géryon, avait puni le
fleuve - qui lui avait donné quelque sujet de plainte - en comblant son lit
de cailloux (II, 112=11,5, 10).
433- DIODORE DE SICILE, IV, 24, 3 : en Sicile, à Agyrion, pour remercier
les habitants qui l'avaient honoré "avec les mêmes fêtes et les mêmes
sacrifices qu'on offre aux dieux de l'Olympe".
434- DIODORE DE SICILE, IV, 24, 3, il s'agit du lac Averne près de Cumes.
Cf. N. MELE, Eracle euboico a Cuma, la gigantomachia e la via Heraclea,
in Recherches sur les cultes grecs en Occident, Cahiers du Centre J. Bérard,
Naples, 1979, pp. 19-59.
435- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 3, rapporte d'ailleurs deux opinions : ou
bien Héraclès a percé l'isthme qui rattachait l'Europe et l'Afrique, ou bien au
contraire il a rapproché l'extrémité des deux continents, autrefois très
348

distants l'un de l'autre.


436- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 3.
437- DIODORE DE SICILE, IV, 22, 2. Cf. N. MELE, loc. cit., pp. 41-48.
438- Cf. le scholiaste à YOdyssée, XVI, 471. Voir sur ce sujet L.
KAHN-LYOTARD, Hermès passe, Paris, 1978. Cf. aussi, du même
auteur : Le récit d'un passage et ses points nodaux, // mito greco, pp.
107-117, ou Hermès, la frontière et l'identité ambiguë, Κ téma, 4, 1979, pp.
201-211.
439- DIODORE DE SICILE, IV, 17, 5.
440- DIODORE DE SICILE, IV, 18, 1.
441- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 2.
442- DIODORE DE SICILE, IV, 24, 7. Héraclès est d'ailleurs à Crotone,
invoqué comme oikiste : L. LACROIX, Monnaies et colonisation dans
l'Occident grec, Bruxelles, 1965. D'autres fondations sont rapportées à
Héraclès dans ces régions occidentales : Sagonte en Espagne (SILIUS
ITALICUS, I, 273 sq.) : Bauli (SILIUS ITALICUS, XII, 156 ; SERVIUS
in Virgile, Enéide, VI, 107 et VII, 662 ; SYMMAQUE, Lettres, I, 1, 5)
et Herculanum en Italie (DENYS D'HALICARNASSE, 1, 44) ; Solonte et
Motyé en Sicile (Cf. aussi L. LACROIX, op. cit., p. 76).
443- Voir L. LACROIX, Héraclès, héros voyageur et civilisateur, loc. cit., pp.
37-39.
444- DIODORE DE SICILE, IV, 17, 5 ; IV, 27, 3 ; IV, 27, 3 ; IV, 31,
7 ; IV, 31, 7.
445- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 1. Cette fonction d'Héraclès est déjà
connue dans la littérature archaïque pour le territoire même de la Grèce.
Dans le Bouclier, (479-480) Héraclès tue Cycnos qui dépouillait les
pèlerins se rendant à Delphes. Cf. P. GUILLON, Le bouclier d'Héraclès et
l'histoire de la Grèce Centrale dans la période de la première guerre sacrée,
Aix en Provence, 1963. Sur la date du Bouclier, cf. J. DUCAT, BCH, 97,
1973, p. 64.
446- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 4.
447- DIODORE DE SICILE, IV, 17, 1 et 2. D'après ARRIEN (Anabase, II, 16,
5), Hécatée de Milet faisait déjà de Géryon l'un des trois frères régnant sur la
plaine dTErythie, qu'il situe d'ailleurs dans la région adriatique. Sur ce sujet,
voir O. MUSSO, Hekataios von Milet und der Mythos von Geryones,
RhM, CXIV, 1971, pp. 83-85.
448- DIODORE DE SICILE, IV, 18, 3. Il s'agit du plus beau taureau, né des
vaches laissées par le héros lors de son passage.
449- DIODORE DE SICILE, IV, 21, 1 à 5. Nous reviendrons sur cet épisode
dans notre Epilogue.
450- DIODORE DE SICILE, IV, 24, 1. Cf. supra : chapitre précédent.
451- DIODORE DE SICILE, IV, 24, 3.
452- DIODORE DE SICILE, IV, 24, 4 à 7. Cf. notre troisième partie.
453- DIODORE DE SICILE, V, 3, 4. Dans la région d'Himère, les Nymphes
349

pour plaire à Athéna firent "à l'arrivée d'Héraclès, jaillir des sources d'eau
chaude". Cf. aussi IV, 23, 1.
454- DIODORE DE SICILE, IV, 14, 7.
455- Héraclès est d'ailleurs invoqué comme tel : XÉNOPHON, Anabase, IV, 8,
25 et VI, 2, 15. Cf. GRUPPE dans Pauly Wissowa, RE, suppl. III, col.
1002 et 1015.
456- DIODORE DE SICILE, IV, 29, 30 et V, 15, 1 à 6.
457- DIODORE DE SICILE, V, 15, 2.
458- Le terme, déjà employé chez SOPHOCLE (Trachiniennes, 1002, 1061) et
chez EURIPIDE {Héraclès, 225), l'est encore très souvent chez DIODORE
G, 24, 5 et 7 ; II, 392 ; IV, 17, 3).
459- Cf. PINDARE, Isthmiques, IV, 57 et EURIPIDE, Héraclès, 20, 851. Cf.
encore DIODORE, 1, 24, 6.
460- Cf. plus haut, dans le Bouclier, 27-29.
461- Cf. EURIPIDE, Héraclès, 1252.
462- DIODORE DE SICILE, IV, 23, 2-3. Cf. le précédent chapitre.
463- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 2.
464- DIODORE DE SICILE, V, 21, 2 ; cf. encore une formule semblable en
V, 25, 4 ; IV, 19, 2 ; I, 4, 7.
465- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 2. La même inversion se produit pour la
Sardaigne où les descendants des Thespiades adoptent les moeurs barbares,
vivent dans les gorges des montagnes, se creusent des maisons souterraines
et résistent à toute entreprise de conquête, qu'elle soit carthaginoise ou
romaine (DIODORE, IV, 30, 4 à 6).
466- A. MOMIGLIANO (Sagesses barbares, Paris 1979) a bien montré comment
POLYBE et POSÉIDONIOS, en traitant Rome comme un membre à part
entière de la communauté civilisée que formait le monde grec, préparaient la
voie aux auteurs qui, comme le fait Diodore ici, non seulement acceptent la
domination romaine, mais prennent fait et cause pour ses entreprises.
DENYS D'HALICARNASSE (Antiquités Romaines, I, 34 à 44), s'il n'est
pas le premier à donner de la fonction civilisatrice d'Héraclès une
interprétation militaire, fera, plus nettement encore que Diodore, servir la
geste d'Héraclès en Occident aux desseins politiques sous-jacents dans son
oeuvre. P.M. MARTIN (Héraclès en Italie d'après Denys d'Halicarnasse,
Athenaeum, L, 1972, pp. 252-275) démontre comment, par "le choix de
travaux hétérodoxes" et par "une série de coups de pouce assez discrets", il
cherche à prouver l'origine hellénique des Romains et à diffuser la
propagande augustéenne en direction du monde grec.
467- Voir notre chapitre précédent. Il faudrait rappeler ici qu'au-delà des
réinterprétations que nous avons jugées fondamentales, l'histoire n'a cessé
d'utiliser le mythe ; l'exemple des Pisistratides à Athènes (et avant eux des
Alcméonides) ajléjà été évoqué, on pourrait citer encore par exemple, l'étude
que fait S. DUSANIC (Athens, Crète and the Aegean after 366-365 B.C.,
Talanta, ΧΙΙ-ΧΙΠ, 1980-1981, pp. 7-29) des visées impérialistes d'Athènes à
350

l'égard de la Crète, d'après un fragment d'ÉPHIPPUS, conservé par


ATHÉNÉE, (VIII, 346 sq.) et daté des années 365-364 dans lequel Géryon
représente vraisemblablement Timothée.
468- PINDARE, Néméennes, 1, 21.
469- DIODORE DE SICILE, IV, 1 et 2. Nous rappellerons qu'au 1er siècle avant
notre ère DENYS DE MYTILENE dit SKYTOBRACfflON, consulté par
Diodore et par Apollodore, était l'auteur d'un Cycle dans lequel tant
Dionysos qu'Héraclès tenaient une grande place.
470- M. GIANGIULIO, /oc. cii., p. 813.
471- DIODORE DE SICILE, V, 1,2.
472- DIDORE DE SICILE, V, 24, 1 à 3.
473- Voir notre Epilogue.
474- Comme les produits importés (qu'il s'agisse de céramiques, de monnaies ou
du vin...) ont joué d'abord le rôle de biens de prestige propres à accroître les
différences sociales dans les sociétés indigènes avec lesquelles les Grecs se
trouvaient en contact, il paraît certain que de tels mythes, au même titre que
les autres aspects de cette culture dominante qu'était la culture grecque, ont
servi les élites indigènes et les ont aidées à asseoir leur pouvoir.
475- HÉRODOTE, IV, 8.
476- Cf. HÉRODOTE, IV, 10, 11, "et c'est de ce Scythes, fils d'Héraclès que
descendraient les rois qui se succèdent chez les Scythes". Sur cette légende,
voir en dernier lieu F. HARTOG, Le miroir d'Hérodote, essai sur la
représentation de l'autre, Paris, 1980, qui souligne la contradiction qu'il y a
"à donner pour père à une population nomade, celui qui est, avant tout, un
héros civilisateur", p. 44.
477- Cf. C. LÉVI-STRAUSS, Race et histoire, Paris, 1961, p. 20. "On refuse
d'admettre le fait même de la diversité culturelle, on préfère rejeter hors de la
culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous
laquelle on vit".
478- B. GENTILI, loc. cit., Il mito greco, p. 305. Analyse beaucoup plus lucide,
à mon avis, que celle de G. KAHLO qui souligne l'aspect "démocratique"
d'Héraclès en lutte contre les monstres et les tyrans (Der Demokrat
Hercules, Z. Ant., XVII, 1967, pp. 137-143).
479- ISOCRATE, Panathénaique, 163. L'ensemble de ces références - de
Stésichore à Isocrate - prouve que le thème n'est pas un pur topos
attribuable au seul Diodore et que ce dernier est bien l'héritier d'une
interprétation "coloniale" du mythe d'Héraclès développée dès l'époque
archaïque et réactivée chaque fois que se faisait sentir le besoin de
promouvoir l'hellénisme.
480- Je garde le terme grec νόμος* qui ne me paraît pas traduit de façon
satisfaisante par "coutume" dans A. PUECH, Pindare IV, hthmiqu.es et
fragments, Paris, 1923, frg. 49 : "la coutume, reine du monde, chez les
Immortels comme chez les mortels, le mène de son bras souverain et
justifie l'extrême violence. J'en juge par les exploits d'Héraclès ; n'a-t-il
351

pas, sans les avoir demandés ni payés, conduit jusqu'au portique cyclopéen
dliurysthée les boeufs de Géryon" ?
481- G.S. KIRK, The nature of greek myths, 1974 et, Methodological
reflexions on the myths of Héraclès, in // Mito greco, pp. 285-297.
482- Cf. les travaux de J.P. Vernant, M. Détienne et P. Vidal-Naquet ; de ce
dernier en particulier, Le chasseur noir et l'origine de l'éphébie in Annales
E.S.C., 1968, pp. 947-964 et Philoctète de Sophocle et l'éphébie, in
Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Paris, 1972, pp. 169-180.
483- Cf. supra, p. 313 sq . Le passage est parfois si facile de l'un à l'autre que,
dans sa traduction de la Bibliothèque d'Apollodore, (II, 5, 10), E. Clavier ne
sait pas s'il doit traduire δγρια πολλά par "peuples sauvages" ou "bêtes
féroces". E. CLAVIER,Bibliothèque d'Apollodore, Paris, 1805, L. II, p.
277 note 4.
484- PINDARE, Isthmiques, IV, 87-93.
485- L. MAKARIUS, Ethnologie et structualisme, l'apothéose de Cinna, mythe
de naissance du structuralisme, dans l'Homme et la société, 1971, 4, pp.
191-210. On se reportera sur ce point à notre avant-propos méthodologique.
486- II est hors de question de donner ici une bibliographie exhaustive des
travaux des archéologues français ou italiens en Occident, soviétiques sur les
côtes de Crimée, qui tous démontrent cet aménagement de l'espace de la cité
(chôra et astu à la fois). On se reportera au volume VII des Congrès de
Tarente, consacré à la Cité et son territoire, op. cit., et pour le Pont-Euxin,
à la synthèse de A.N. SCEGLOV, Severo-zapadnyi Krym ν anticnuju
epohu (La Crimée du Nord-Ouest dans l'Antiquité), Leningrad, 1978.
Compte rendu dans les DHA, 8, 1982, pp. 143-144.
487- Zaleucos de Locres, en Occident, passe pour être le premier des législateurs,
Charondas de Catane est également l'un des plus anciens.
488- "II suffirait presque de ce voyage bien connu vers le pays des Bienheureux,
pour déceler une véritable obstination à mêler Héraclès aux choses
d'Outre-Tombe", écrit-il en particulier (p. 50) dans un long article consacré à
Hercule Funéraire (MEFRA, t. XXXIX, fasc. IV, V, 1921 et t. XL, 1923,
fasc. I-II, pp. 19-102).
489- HÉRODOTE, III, 116.
490- HÉRODOTE, IV, 82.
491- F. HARTOG, Le miroir d'Hérodote, Paris 1880, p. 247.
492- M. VAN DER VALK, loc. cit., ρ 168 note, en se gardant de tirer de ce fait
des conclusions chronologiques précises, la parenté de pensée (dans leurs
appréciations des poètes cycliques) entre Apollodore et l'école d'Aristarque.
Rappelons que la Bibliothèque qui mentionne le Cycle de Denys ne peut
être antérieure au 1er siècle avant notre ère (à moins, bien sûr, qu'on ne voie,
dans cette référence, une interpolation!). Nous renvoyons, sur ce sujet à
notre mise au point de la note 168 de cette deuxième partie.
493- Un récent colloque romain (mars 1985), Momenti precoloniali nel
Mediterraneo antico, (à paraître), a bien montre ce dynamisme commercial
352

des Achéens. On se reportera au compte-rendu donné par P. LÉVEQUE de


ce colloque : DHA, 11, 1985, pp. 157-165.
494- P. LÉVEQUE, La dynamique de l'expansion et le panthéon mycénien,
Momenti... op. cit., à paraître.
495- L. GODART, montre bien, en effet, le rôle capital du linéaire Β comme
moyen de structuration du pouvoir. Minoici e Micenei, precolonizzatori e
precolonizzati, colloque de Rome, Momenti..., op. cit., à paraître.
496- On se reportera sur ce point à notre première partie.
497- Au sens où l'entend E. CERF, Contes pour l'identité, méthodes pour
l'analyse de textes produits en Alsace de 1800 à 1890, dans Le Conte,
pourquoi ? Comment ? (Colloque, Paris, 1982), Paris, 1984. L'auteur
définit ainsi l'identité : "un jeu de références fondées sur le territoire,
l'histoire, la langue, la culture ou la religion".
498- J. DOURNES, Ethnoanalyse de la récitation traditionnelle. Etat dune
recherche sur un corpus Indochinois, Le Conte, pourquoi, comment ?, pp.
439-458, singulièrement p. 443.
499- On se reportera sur ce point à notre avant-propos méthodologique.
500- Toujours J. DOURNES, qui, à propos de ces images, parlait, quant à lui, de
"proto-images" (dans une intervention après la communication de V.
LABRIE, op. cit., p. 580).
25?

TROISIÈME PARTIE

HÉRACLÈS DANS LA CITÉ

L'INTÉGRATION

DES JEUNES GENS


355

"Boire avec Héraclès"...

Un programme qui, contrairement à ce qu'on pourrait


penser, ne concerne pas le seul Héraclès paillard des Comiques,
ou bien encore l'Hercule bibax des Romains ! La formule, en
fait, loin d'être une plaisante façon, pour les Anciens, de sourire
des dieux et de légitimer par les excès de ces derniers leurs
propres débordements, paraît bien avoir été partie intégrante d'un
rite et avoir accompagné la libation qui consacrait l'entrée des
jeunes gens dans la communauté des adultes.
Boire avec Héraclès, c'est en effet ce que font les éphèbes,
à Athènes, au moment même où, offrant leur chevelure à Artémis,
ils signalent à la communauté que le temps de l'enfance est pour
eux terminé... Cette survivance dans les pratiques sociales et
religieuses mérite qu'on s'interroge. Georges Dumézil, n'a-t-il
pas reconnu dans Géryon ce fameux monstre triple qu'il retrouve
dans les traditions de tous les peuples indo-européens et dont il a
suffisamment prouvé qu'il conservait le souvenir de très
anciennes initiations militaires ? (1). La quête des pommes d'or,
en ce lieu merveilleux qu'est le jardin des Hespérides, n'est-elle
pas, elle aussi, une de ces épreuves qualifiantes qui inscrivent le
mythe dans un ensemble cohérent et désignent le héros pour un
destin exceptionnel ?
Et si nous souhaitons nous attarder un peu sur la
coïncidence, ainsi relevée entre le récit mythique concernant
Héraclès et la fonction qu'assume le héros à Athènes lors des
Apatouries, c'est qu'une lecture attentive de Pausanias nous a
prouvé que, loin d'être une exception, les pratiques athéniennes
rappelaient, en fait, de nombreux usages locaux, beaucoup plus
obscurs et sur lesquels le Périégète - qui précisément a souci
356

d'exhumer, pour des lecteurs apparemment avides d'exotisme,


les traditions locales les plus méconnues - nous donne une
information vraiment précieuse.
Information tardive, dira-t-on, si l'on songe que c'est la
Grèce du Ilnd siècle de notre ère que Pausanias décrit ainsi, que
l'Athènes et plus encore la Sparte qu'il a connues ont été
profondément remaniées par les Romains (2). C'est vrai, et nous
aurons soin de ne pas l'oublier, mais il nous a semblé que, sur ce
chapitre des cultes et des traditions pour lequel nous l'appelions à
témoigner, Pausanias donnait le plus large écho aux versions les
plus anciennes et que notre effort pour retrouver le passé le plus
archaïque correspondait, justement, à l'une des préoccupations
mêmes de l'auteur, η nous a semblé aussi que le conservatisme
qui - plus qu'en tout autre lieu de l'activité humaine - est de
règle en ce domaine, nous autorisait à fonder sur le récit de ce
voyageur tardif, mais consciencieux, une étude des souvenirs
locaux qu'on gardait du héros Héraclès... Et, si nous avions
encore quelque inquiétude, l'exemple de tant d'historiens de la
religion grecque utilisant - sans même se poser de questions - le
témoignage de Pausanias suffirait à nous rassurer.
C'est donc, à notre sens, de manière fort légitime, que nous
tenterons, à partir de Pausanias, de montrer ici que le meurtre du
tricéphale par Héraclès n'est en rien accidentel, mais qu'il est
dans la ligne d'une carrière dans laquelle on peut, à chaque pas,
s'attarder à retrouver les traces des épreuves reprises par tant de
particulières"
scénarios initiatiques
sont à peine
(3),moins
d'un connues
personnage
que dont
le goût
lesvigoureux
"amitiés
pour les femmes qui lui valut le nom de philogunès (4), d'un
héros, enfin, que certaines pratiques locales invitent à considérer
comme ayant pu, dans le passé des Grecs, assumer une fonction
intégratrice qui va bien au-delà du simple rôle que lui
conféreraient ses seules qualités athlétiques.
357

PREMIER CHAPITRE :

CULTES....

"Vous diriez une île au milieu de


la mer ; on y passe sur deux
ponts ; à l'entrée de l'un il y a une
statue d'Héraclès, et à l'entrée de
l'autre, un portrait de Lycurgue..."

Cette île - ou cette presqu'île - mentionnée par Pausanias


dans sa description de la Laconie (5), c'est celle du Platanistas,
célèbre pour les combats dans lesquels s'opposaient - faisant du
même coup l'expérience de leur solidarité - les futurs citoyens de
Sparte. Quant à ces "usages particuliers" de la jeunesse
lacédémonienne (6), s'ils peuvent surprendre un Grec du Ile
siècle de notre ère, ils ont perdu, à nos yeux, une partie de leur
mystère. Henri Jeanmaire, en effet, a fini par convaincre qu'il
fallait en chercher la clef dans les sociétés traditionnelles où
l'organisation en classes d'âge garde sa force première,
c'est-à-dire sa vertu d'intégration sociale (7) ; et c'est lui, encore,
qui a proposé du personnage de Lycurgue une explication très
plausible ; cet homme... ou ce dieu, pour faire écho aux
hésitations de l'oracle de Delphes (8), responsable des lois
Spartiates, et, précise Pausanias, des "exercices et des combats
des jeunes gens" (9) serait "l'homme-loup" ou, plus exactement,
"celui qui célèbre les orgies du loup" : Lycoorgos, souvenir de
ces confréries de lycanthropes qui - les cultes du mont Lycée en
témoignent encore à l'époque historique - ont sans doute joué
un rôle important dans la Grèce primitive.
Que Lycurgue soit un personnage légendaire ou qu'il ait bel
et bien existé, il reste, dans l'esprit des Grecs, celui qui organisa
l'éducation des jeunes Spartiates et qui donc maintint ou récupéra
les pratiques initiatiques qui en jalonnent la parcours. Rien
d'étonnant, dans ces conditions, à ce qu'il "tienne" l'un des ponts
du Platanistas, enjeu des luttes périodiques entre agelai à
l'époque romaine encore. Mais Héraclès ? Sa présence
symétrique, lorsqu'elle est mentionnée, n'a pas été retenue (10)
... Sans doute est-elle "banalisée" par le patronage un peu
358

convenu qu'exerce fréquemment le héros sur les gymnases et


autres lieux d'exercice de la jeunesse.
C'est , pour notre part, sur cette image d'Héraclès telle que
nous la donnent à voir de multiples cultes locaux que nous
aimerions, dans un premier temps, nous attarder quelque peu.

1-1 La Description de la Grèce par Pausanias atteste de la


popularité du héros - ou du dieu - (11) ; elle témoigne aussi de
bien curieuses constantes : la plus attendue est évidemment sa
présence souvent attestée dans les lieux d'exercice fréquentés par
la jeunesse. Nous ne nous étonnerions guère que le héros
apparaisse ainsi à Thèbes et en Argolide - manifestement deux
centres de grande importance pour la constitution de sa légende
telle que la diffuseront les mythographes de l'époque
hellénistique - (12) ; il peut sembler surprenant que son culte soit
répandu dans tout le Péloponnèse et qu'il ne le soit pas moins
dans les villes de l'Isthme de Corinthe et en Attique (13).
S. Woodford, par exemple, remarquait naguère que celui
qui passe pour être le héros des Doriens a, en Attique, beaucoup
plus de sanctuaires que son homologue athénien Thésée (14) et
c'est tellement vrai qu'Euripide, au Vème siècle, juge nécessaire
d'en fournir une explication (15). L'historienne anglaise notait
encore que les cultes d'Héraclès y paraissent beaucoup plus
anciens et plus profondément enracinés (16) ; elle soulignait
enfin les relations étroites qu'ils entretiennent avec les jeunes
gens.
Et il est vrai que les sanctuaires du Cynosargue, de
l'Académie, de Mélité et de Tétracomos, au moins (17), se situent
dans l'étroit voisinage d'un gymnase lorsqu'ils ne s'y trouvent
pas directement rattachés. Nous savons, par exemple, que
certaines épreuves gymniques des Panathénées se déroulaient
dans l'Héracléion commun aux centres du Pirée, de Phalère de
Xypété et de Thymoitide (18) ; qu'au gymnase
d'Académie - qui probablement existait dès l'époque archaïque -
Hermès et Héraclès avaient tous deux leur autel (19) ; qu'à
Mélité - où Héraclès recevait de bien curieuses offrandes (20) -
le culte était probablement rendu par les éphèbes fréquentant le
gymnase attaché au sanctuaire (21).
Mais les plus célèbres des téménè consacrés à Héraclès
sont sans doute ceux de Marathon et du Cynosargue (22). Les
Héracléia qui, selon Aristote, se célébraient tous les quatre ans
(23), en plein été semble-t-il, sont vraisemblablement à mettre en
359

rapport avec le sanctuaire de Marathon. Des jeux, en tout cas, y


sont bien attestés dès le début du Vème siècle (24) et jouissent
déjà d'une certaine notoriété, puisqu'Epharmôstos
d'Oponte - pour qui Pindare écrit en 468 la IXème
Olympique - avait auparavant, à Marathon, "combattu pour la
conquête des coupes d'argent" (25). Il est notable, d'ailleurs, que
Pindare se réfère, à ce propos, à une organisation des concours
en classes d'âge, puisque son "client", à peine "ravi à la classe
des imberbes", dut disputer le prix "à des hommes beaucoup plus
âgés que lui" (26), et, s'il fallait la preuve que survivent, en
Grèce, de telles structures, un catalogue des vainqueurs aux
Héracleia (précisément !) de Chalcis le prouverait, qui énumère
les gagnants par catégories d'âges dans l'ordre :
les παίδες- παμπαΤδες-, les παίδες, les 2φη6οχ, les
αγένειοι, les άνδρες·. (27).

Le sanctuaire du Cynosargue, dans le dème de Dioméia, à


l'extérieur, mais à peu de distance des murs de la cité, ne paraît
pas moins intéressant. Connu surtout pour ses "parasites" qui,
comme d'ailleurs à Marathon, desservent le culte (28), mais sont
ici notoirement des nothoi (demi ou nouveaux citoyens) (29), il
était encore célèbre par la légende de ses origines et de son nom :
la chienne blanche qui justifiait ce dernier ( κυνός - άργης· )
aurait, emportant une partie des chairs de la victime, interrompu
un sacrifice offert au dieu Héraclès par l'un de ses éromènes :
Diomos (30). Pausanias ajoute qu'il a vu là des autels dédiés à
Héraclès et à Hébé "fille de Zeus et, selon la tradition, épouse
d'Héraclès", mais aussi à Alcmène et à Iolaos "qui supporta avec
Héraclès la plus grande partie des travaux" (31).
Nous arrêterons là cette description dont le but n'était en
aucun cas de retrouver tous les témoignages d'un culte à Héraclès
en Attique, encore moins d'en fournir une étude exhaustive (32).
Il s'agissait simplement - et sur ce point l'énumération nous
paraît probante - de mettre en relief le rapport étroit entretenu
par le héros avec ces lieux où s'exerce la jeunesse, un rapport
pour lequel, dans certains cas, le détail des cultes permet déjà
d'entrevoir de possibles prolongements :
- l'existence de concours dont l'organisation perpétue
parfois la division en classes d'âge ;
- le rôle auprès d'Héraclès de ces jeunes gens dont il fut
l'amant (l'éraste) : Iolaos, son neveu dans la mythologie et son
compagnon fidèle, Diomos beaucoup plus obscur dont le
caractère local ne fait aucune doute.
- Quant aux relations entretenues par le héros avec les
360

dieux, nous retiendrons, outre le voisinage attendu d'Athéna, la


présence plus fréquente encore d'Hermès et le rôle d'Hébé - la
jeunesse elle-même - qui fut donnée comme épouse à Héraclès
lors de son accession au rang des dieux...

Ce lien privilégié du héros avec la jeunesse à l'exercice,


nous le retrouvons dans toute la Grèce ; il suffît de suivre les
visites de Pausanias : en Béotie, à Thèbes, où le mythe fait venir
Amphitryon obligé de quitter Tirynthe (33), le héros avait un
temple, très ancien si l'on en juge par la statue d'Héraclès, une
statue de bois "d'un goût fort archaïque" et que les Thébains
tenaient pour être l'oeuvre de Dédale. Le gymnase et le stade
jouxtaient le sanctuaire et tous deux portaient le nom d'Héraclès
(IX, 11, 4-7). A Thèbes encore, près des portes Proitides, un lieu
d'exercice portait le nom d'Iolaos et le monument héroïque (ou,
d'après Pindare le tombeau) du jeune homme était en étroit
rapport avec le stade (IX, 23, 1). Des jeux - les Héracléia - y
étaient célébrés (34) et Thèbes n'était certes pas le seul centre de
Béotie où l'on rendait un culte à Héraclès (35) !
A Sicyone, Héraclès était représenté dans le gymnase près
du marché (II, 10, 1) et, si la statue de marbre sculptée par
Scopas pouvait ici être une adjonction relativement récente,
peut-être n'en était-il pas de même de celle qui ornait un autre
gymnase - encore fréquenté par les jeunes gens au temps où le
visitait Pausanias - et qui figurait Artémis et Héraclès à la fois,
avec "cette forme carrée" qu'avaient autrefois les Hermès (Π, 10,
7). Le temple d'Héraclès, où le dieu était représenté par un
xoanon archaïque, était lui-même situé dans une enceinte
réservée aux exercices, et de façon plus générale, semble-t-il, à la
formation de la jeunesse. (Il était nommé παιδιξή dit Pausanias,
II, X, 1).
En Arcadie, à Phénée, c'est le tombeau d'Iphiclès, frère du
héros qui se trouve en rapport avec le stade (VIII, 14, 9) et à
Mégalopolis, Héraclès et Hermès avaient un temple commun
devant le stade, temple dont seul subsistait l'autel, lorsque
Pausanias le visita (VIII, 32, 3).
En Messénie, enfin, à Ithôme, parmi ces statues qu'on
pouvait admirer dans la palestre (et qui passaient pour avoir été
faites par des Egyptiens !) Pausanias signale celles d'Hermès,
d'Héraclès et de Thésée "divinités qui, non seulement chez les
Grecs, mais même dans plusieurs nations barbares, président aux
exercices et sont particulièrement honorées dans les palestres"
(IV, 32, 1). Remarque qui - au moins en ce qui concerne
Héraclès et Hermès - se trouve confirmée par l'archéologie dans
361

bon nombre de cités du monde grec (36). Quant au succès du


thème de cet Héraclès agonistique, hors de ce même monde grec,
des miroirs étrusques en attestent, et ce dès le IVème siècle. Sur
l'un d'entre eux, par exemple, (37) sont représentés Herclé,
imberbe et nu, appuyé sur sa massue ; Turms, l'Hermès
étrusque avec sa chlamyde simplement agrafée, son pétase et
un caducée (curieusement figuré) et à ses côtés, Vilae,
c'est-à-dire Iolaos (fig. 27). Derrière Herclé, une fontaine
pourrait, certes, évoquer le lien étroit qu'entretient Héraclès avec
les sources (38), mais, plus vraisemblablement, a surtout ici
valeur d'indication topographique et rappelle celles qui, à la
palestre, servaient aux ablutions des athlètes. Le strigile que tient
Vilae-Iolaos ne laisse aucun doute sur la signification de la scène
et justifie qu'on puisse voir dans l'amphore couchée sur laquelle
Herclé laisse reposer son pied (comme le fait parfois l'Héraclès
grec sur la dépouille du lion de Némée) le prix de la victoire (39).
"Illustration de la faveur de la palestre grecque, de ses jeux,
de ses arbitres, de ses récompenses et de ses dieux..." telle est la
conclusion que tire Denise Rebuffat de cette diffusion en Etrurie
(et tout particulièrement dans la région latino-prénestine) du thème
d'Héraclès victorieux dans les Jeux (40). Nous retiendrons,
quant à nous, la persistance du lien qui unit à la palestre ou au
stade Héraclès et Hermès "qui préside aux Jeux" et "qui a sa part
aux victoires" (41), Hermès agonios ou enagonios si souvent en
rapport avec les éphèbes. Nous retiendrons aussi la présence
d'Iolaos (42), le jeune compagnon d'Héraclès qui peut à bon
droit apparaître comme l'éphèbe-type, nous aurons l'occasion d'y
revenir.
Comment s'étonner, alors, qu'à Sparte Lycurgue partage
avec Héraclès le soin de surveiller les joutes du Platanistas ? qu'à
quelques pas du dromos, encore, où les jeunes gens s'exerçaient
à la course, une vieille statue du héros ait été l'objet d'un culte
très particulier (43) ? Comment ne pas rendre leur signification
aux multiples souvenirs, traces d'une présence héracléenne qui,
tant près de Vhéroon de Lycurgue que près de Yhiéron d'Hélène
marquent l'itinéraire suivi par Pausanias du Platanistas au
sanctuaire de l'Artémis du Limnaion, un itinéraire sur lequel
Henri Jeanmaire a relevé les multiples jalons de souvenirs
initiatiques (44).
362

Fig. 27 : Herclé, Vilae et Turms, Miroir étrusque

Cf. E. GERHARD, Etruskische Spiegel, Berlin,


1843, 1, 127.
363

1-2 Au Platanistas, les combats de la jeunesse Spartiate ne


sont pas à proprement parler des concours, mais des
affrontements violents entre agelai : on se bat à coups de
poings, de pieds ; on se mord, on s'arrache les yeux, "chaque
troupe faisant tous ses efforts pour faire reculer l'autre, et pour la
pousser dans l'eau qui est derrière" (45)... A Marathon, en
revanche se célèbrent de véritables jeux, qui, à l'époque de
Pindare, ont déjà acquis, nous l'avons vu, un certain renom...
Mais bien sûr ils sont peu de chose comparés aux jeux
panhelléniques par excellence, ceux qu'on célèbre dans le
sanctuaire de Zeus à Olympie. Or le souvenir d'Héraclès leur est
étroitement lié, Pausanias en témoigne, qui a visité l'Elide et
fidèlement recueilli les traditions concernant les concours.
Le héros, en effet, s'il n'est pas le maître des Jeux, les
contrôle de très près et préside, par exemple, aux exercices
préparatoires - et obligatoires - des candidats qui affronteront les
épreuves. Pausanias a vu ainsi à Elis (et c'est ce qui, dans la cité,
lui a paru mériter le plus d'attention) un ancien gymnase où
devaient s'exercer les athlètes quelque temps avant les concours.
L'endroit portait, raconte- t-il, le nom de xyste, parce
qu'Héraclès, (le fils d'Amphitryon) "le nettoyait tous les jours
pour s'entraîner
épines" (VI, 23, 1).
au Mais
travail"
c'est
et "l'autre
"en arrachait
Héraclès",
les ronces
le dactyle
et les
de
l'Ida, qui avait là un autel où on l'invoquait sous le nom de
παραστάτης- (VI, 23, 3). Héraclès patronait encore, à Elis, un
péribole de moindre importance - appelé Maltho à cause de la
douceur de son sol -, ouvert aux éphèbes (et non pas aux
enfants, comme le dit la vénérable traduction française de
Gedoyn !) pendant toute la durée des Jeux Olympiques (46).
Héraclès n'était pas moins présent dans YAltis, mais là, il
faut le reconnaître, en très large compagnie : sur les nombreux
autels du sanctuaire deux, en effet, honoraient le héros, le
premier,
assiste" une
(V, fois
14, de
7) plus
; l'autre,
sous près
le nom
du de
trésor
parastatès,
de Sicyone,
"celuiétait
qui
dédié "soit à Héraclès courète, comme le veulent certains, soit au
fils d'Alcmène, comme d'autres le prétendent" (V, 14, 9).
Mais ce sont les traditions rassemblées par Pausanias sur la
fondation des Jeux Olympiques qui conservent le plus vif
souvenir d'Héraclès. Elles traduisent d'ailleurs le même
embarras - largement partagé ! - (47) quant à son
identité : dactyle (plutôt que Dieu) ou héros ? Héraclès crétois,
ou Héraclès thébain fils d'Amphitryon et d'Alcmène ? Pausanias,
parlant de la statue, dédiée par les Thasiens à Zeus, dira même
364

que ces peuples, "originairement des Phéniciens" honoraient


d'abord le dieu de Tyr, mais qu'après leur rencontre avec les
Grecs ils connurent aussi le fils d'Amphitryon (V, 25, 12). Il est
manifeste toutefois qu'il s'agit pour lui d'une particularité locale
(48).
A Olympie le Périégète, en effet, a appris de quelques
Eléens jugés "fort savants dans l'étude de l'Antiquité"
qu'Héraclès, l'aîné des cinq dactyles - ou courètes - de l'Ida
chargés "d'éduquer" le Zeus des enfances Cretoises, pour avoir
proposé à ses frères "de s'exercer à la course et de voir qui en
remporterait le prix", méritait qu'on lui attribue la gloire d'avoir
inventé les Jeux. C'est lui, encore, qui les aurait nommés
olympiques, c'est lui enfin qui aurait, le premier, rapporté de chez
les Hyperboréens l'olivier dont était faite la couronne du
vainqueur.,. Quant à la périodicité des Jeux, l'histoire l'explique
ainsi : c'est parce qu'ils étaient cinq dactyles que les fêtes ont
lieu tous les cinq ans (49).
C'est une tradition quelque peu différente que Pausanias
rapporte au chapitre suivant. Un descendant d'Héraclès - le
dactyle de l'Ida - venu lui aussi de Crète aurait célébré les jeux à
Olympie, consacré un autel aux courètes, et particulièrement
l'autel à Héraclès parastatès dont il a été question plus haut (50).
Quant à Pélops, il "aurait fait représenter ces mêmes jeux en
l'honneur de Zeus, avec plus de pompe et d'appareil qu'aucun de
ses prédécesseurs " (51). Enfin après Pélias, Nélée et Augias,
Héraclès, fils d'Amphitryon, fit célébrer les jeux. "Le premier
qu'il couronna fut Iolaos (son écuyer, dira plus tard Pausanias),
qui, pour remporter la course de chars avait emprunté les propres
cavales d'Héraclès"... le héros aurait obtenu lui-même le prix de
la lutte et du pancrace (52).
Pausanias mentionne encore un rétablissement des Jeux
Olympiques par Iphitos, sur les conseils de l'oracle de Delphes...
le premier acte en fut apparemment un sacrifice à Héraclès (53).
Ajoutons que, si le tertre consacré dans Yaltis à Pélops l'a
été par Héraclès, fils d'Amphytrion (54), l'autel de Zeus, fait de
la cendre des victimes qu'on lui offrait, aurait été dédié, soit par
l'Héraclès dactyle, soit, deux générations après environ, par des
héros du pays (55). Mais c'est à nouveau le fils d'Alcmène qui,
sacrifiant à Zeus, fit disparaître les mouches qui l'incommodaient
en offrant une victime à Zeus Apomyios. Pour ce sacrifice,
répété chaque année, on ne pouvait brûler d'autre bois que du
peuplier blanc, arbre que le héros avait rapporté des rives de
l'Achéron (56).
365

L'histoire des Jeux Olympiques et celle d'Héraclès sont, on


le voit, à l'évidence inextricablement liées, et l'une comme l'autre
témoignent de l'extraordinaire aptitude des Grecs à assimiler, à
intégrer, à ordonner les héritages multiples de leur passé
religieux.
Cet Héraclès dactyle - ou courète, comme le dit Pausanias
non sans inexactitude (57) -, ce chef (ou aîné) des cinq dactyles
de l'Ida, appartient, sans contestation possible, au fonds très
primitif des cultes créto-mycéniens organisés autour d'une grande
mère primitive et de son parèdre mâle : Rhéa et Zeus enfant
qu'elle dérobe à la jalousie de Cronos, par exemple, dans la
mythologie grecque. L'archéologie est venue confirmer,
d'ailleurs, l'existence de ces éléments mycéniens relevés depuis
fort longtemps dans les Jeux Olympiques par R. Vallois (58).
Dans Yaltis, les strates de l'Helladique moyen et de 1 Helladique
récent sont bien attestées (59) et les documents épigraphiques du
moment, les tablettes de Pylos, font apparaître, dès cette haute
époque, l'ethnique "Olympiaioi" (60).
On ne peut d'ailleurs s'empêcher de trouver très cohérent -
dans sa complexité même - le texte de Pausanias. C'est en effet
à cet Héraclès "dactyle", à ce génie crétois, qu'il attribue la
fondation de l'autel de cendres, dont la pratique est, c'est bien
connu,
"l'invention"
de tradition
de la course
pré-hellénique,
à pied... Orà les
lui dactyles
aussi qu'il
(comme
accorde
les
courètes) sont aussi des inventeurs, des initiateurs ; il n'est que
de lire, pour s'en convaincre, les pages que leur consacre Henri
Jeanmaire (61).
Que la course à pied soit une épreuve initiatique, cela est
probablement admis par tous... agôn donc, mais aussi peut-être,
avant de l'être (ou en tant que tel nous y reviendrons), liturgie
agraire, charme de fertilité censé réveiller les énergies latentes de
la nature. Et c'est bien en génies de la végétation qu'apparaissent
les dactyles de Pausanias qui reposent sur une jonchée d'olivier et
qui, en couronnant le vainqueur de ce feuillage toujours vert,
font de lui un dieu de Mai, un génie de la végétation à son tour
(62).
Pausanias privilégie manifestement le passé le plus lointain,
il privilégie aussi Héraclès, n'accordant qu'une place relativement
secondaire à Pélops, qui simplement, selon lui, célébra les fêtes
avec une plus grande pompe. Or, c'est le mythe de Pélops qui
forme Vaition de l'épreuve la plus célèbre des jeux : la course de
chars ; c'est lui aussi qui met les Jeux en rapport avec le mythe
d'avènement,
"juniors" rappelle
mythelesroyal
pratiques
où l'opposition
anciennes des
de dépossession
"seniors" et des
du
366

vieux roi par un plus jeune, et, par là-même, les rites de
renouvellement du pouvoir... initiation encore, mais initiation à la
royauté, accessible aux seuls possesseurs de chars (63). Et s'il
fallait absolument, comme cherche à le faire L. Drees, retrouver à
Olympie trace de l'opposition entre une aristocratie et une plèbe
créto-mycénienne, il serait plus légitime de la voir dans la finalité
des deux épreuves principales que dans l'opposition hypothétique
de couples divins qui ne le sont guère moins :
Zeus-Pélops/Héra-Hippodamie et Héraclès idéen/Déméter ! (64).
Pour Pindare - mais s'en étonnera-t-on ? - c'est ce mythe
de Pélops qui est le véritable mythe fondateur des Jeux
Olympiques... C'est lui, en tout cas, qu'il développe tout au long
de la Deuxième Olympique. Il doit cependant respecter la
tradition : "Le souverain de Pise est Zeus", chante- t-il, et "c'est
Héraclès qui a institué la fête olympique, prémices de sa victoire"
(65)... Pour lui aussi, c'est Héraclès qui rapporta jadis "des
sources ombreuses de l'Ister" "le vert feuillage de l'olivier" (66),
mais, s'il fonde "la fête suprême" et trace "en l'honneur de son
père sublime, le sanctuaire divin", c'est "auprès de l'antique
sépulcre de Pélops" (67). Pindare, lui, a choisi. C'est bien au fils
d'Amphitryon qu'il rapporte la création des Jeux... une tradition
que Pausanias a su, lui aussi, recueillir, mais qui l'oblige à se
prononcer, comme beaucoup d'autres, pour l'existence de deux
Héraclès. Pausanias, enfin, sait bien que les Grecs font remonter
les Jeux au VHIème siècle et même à la date précise de 776...
qu'à cela ne tienne : Iphitos, qui les réorganise sur les conseils de
l'oracle de Delphes, commence par sacrifier à Héraclès. Il se fait
ainsi l'écho d'une idée fortement ancrée dans l'imaginaire des
Grecs (68) : penser aux Jeux Olympiques, c'est penser à
Héraclès.
Au-delà de l'organisation - ou de la réorganisation à
l'échelle panhellénique - des concours d'Olympie qu'on petit
effectivement dater, très logiquement, de cette période
d'extraordinaire ouverture que vit la Grèce au VHIème siècle, le
sanctuaire - sinon les temples - préexistait, et les rites
eux-mêmes, qui font si fortement référence au héros. Il convient
de noter que, si l'une des épreuves, la course de chars, apparaît,
autour de Pélops, fortement liée à une aristocratie militaire et à
l'idéologie royale, le souvenir d'Héraclès - le dactyle de l'Ida -
qui paraît s'inscrire dans le passé plus lointain encore, est quant à
lui, attaché à une épreuve plus ouverte, et très proche des liturgies
agraires primitives.
Deux époques donc, et la plus ancienne n'a pas été
totalement oubliée malgré les efforts d'un Pindare, par exemple,
367

pour ne plus voir dans le fondateur des Jeux que le fils


d'Amphitryon et d'Alcmène... Deux types d'initiation aussi et
c'est pourquoi nous nous garderons de suivre B. Sergent,
lorsqu'il se gausse de l'explication proposée naguère, à l'origine
des
"étonnant"
Jeux -Olympiques.
H. Vallois accordait
Dans enuneffet
article
une place
- au fondamentale
succès jugé
aux rituels agraires. Certes, la signification initiatique des
épreuves n'était guère mise en valeur, mais B. Sergent est-il
fondé à lui reprocher "une analyse très partielle de la
documentation", lui qui n'évoque le problème que par le biais du
seul mythe fondateur de Pélops ? En réalité, Olympie semble
bien offrir un des plus beaux exemples d'un premier syncrétisme
créto-mycénien que les exigences idéologiques de la cité
aristocratique ne sont pas parvenues à anéantir (69).

*
* *

1-3 Les séquences initiatiques sont à Olympie, beaucoup


plus complètes que l'étude des seuls rapports unissant Héraclès et
les Jeux ne nous permettait de l'exposer. Π est bien certain que le
mythe de Pélops, par exemple, ne peut être réduit au seul épisode
fondateur de la course de chars (70)... D'un autre côté, la
rencontre, en ce lieu, de notre héros et du thème initiatique
pourrait appraître fortuite, si un certain nombre d'indices -
relevés toujours, pour l'instant - au niveau des pratiques
cultuelles - ne venaient conforter notre position.

Parmi ceux-ci, peut-être citerons-nous la position


marginale de cultes qui ont tous en commun d'être
considérés comme très anciens par Pausanias : cultes
des confins bien souvent, qu'il s'agisse du contact de la cité et de
sa chôra (à Sparte, par exemple, le temple d'Héraclès se trouvait
"tout près des murs de la ville") (71)... qu'il s'agisse, et c'est
très souvent le cas, des confins de Impolis, ou du territoire. C'est
ainsi qu'aux confins de Mégalopolis et de la Messénie, en un lieu
consacré à Hermès, et sous la protection de cette divinité que les
Arcadiens appellent, par excellence, "la Maîtresse", une vieille
statue d'Héraclès avait, au dire de Pausanias, été taillée dans le
bois par Dédale (72). A la frontière de l'Elide et de l'Arcadie,
au-delà du fleuve Erymanthe, le Périégète a vu un vieux temple
du héros : près de l'édifice, à demi ruiné, un tombeau, celui
d'un fameux bandit tué autrefois par Héraclès, disait-on, et, en
368

tout cas, éponyme du Mont Saurus voisin (73). Et c'est encore


dans une zone frontalière, entre le territoire des Achéens et celui
des Eléens, près du fleuve Larissos, que le souvenir d'Héraclès
était lié au tombeau de Sostratos, "un jeune homme du pays" qui,
lors du passage de Pausanias, recevait encore tous les ans les
honneurs dus à un héros. On pouvait d'ailleurs voir le cippe
funéraire auquel était adossée une statue du fils d'Amphitryon.

Et ce jeune homme nous introduit dans le cortège des


éromènes d'Héraclès. Le héros l'avait aimé, en effet,
disait-on, qui, après sa mort, lui avait fait élever un tombeau et
"avait coupé ses cheveux sur sa sépulture" (74). Constatation un
peu paradoxale : Héraclès, dont la mythologie rapporte avec
complaisance les bonnes fortunes auprès des femmes, apparaît,
dans le culte, lié de façon beaucoup plus fréquente aux jeunes
gens et l'affirmation de YEroticos de Plutarque - qui prête au
héros des amours homosexuelles si nombreuses qu'il est difficile
d'en faire la liste - a peut être d'autres fondements que les échos
d'une tradition tardive (75).
Notre promenade avec Pausanias l'a prouvé, me
semble-t-il, à plusieurs reprises : c'est Diomos, éromène
d'Héraclès qui fonde - avons-nous vu - le culte du Cynosargue,
où d'ailleurs, on sacrifie aussi à Iolaos... A Thèbes, près de l'une
des portes de la cité, le sanctuaire héroïque de ce dernier voisine,
non seulement avec le gymnase qui porte son nom, mais encore
avec le stade et l'hippodrome... A Sparte, des rites agonistiques
qui restent pour nous très obscurs : les Elakatia, se célébraient en
un sanctuaire dont l'éponyme avait été - affirme l'historien de la
cité Sosibios, - l'éromène d'Héraclès (76)... Peut-être faut-il
encore mentionner, à Sparte toujours, ce tombeau qui près du
temple d'Héraclès, non loin du Dromos, rappelait le souvenir
d'Oenos, ce jeune homme cruellement agressé par les fils
d'Hippocoon et non moins cruellement vengé par son célèbre
cousin (77). Parfois d'ailleurs, le héros lui-même est responsable
de la mort du jeune homme qui, plus tard, sera honoré
conjointement avec lui : c'est le cas pour Cyathos, l'échanson
d'Oinéos à Phlionte, en un centre sans doute capital pour le culte
d'Hébé qui possédait là un temple de tous temps vénéré, et
conservait, pour elle-même, la fonction d'échanson autrefois
dévolue en ces lieux à Ganymède ! (78).
De tels cultes trouvent un écho dans certaines traditions
mythologiques, celle de la fondation d'Abdère, par exemple, que
rapporte Apollodore. Une ville fondée par Héraclès, dit-il, auprès
369

du tombeau du jeune Locrien dont il était amoureux et qui périt,


dévoré par les cavales de Diomède qu'il lui avait confiées (79). us
donnent peut-être un sens également à la représentation d'Eros,
que, dans certains lieux d'exercice, Pausanias a vue aux côtés de
celle d'Héraclès (VI, 23, 3 et VI, 23, 5). Il est à noter
qu'Athénée, pour sa part, estime courante - et normale - la
présence conjointe dans les gymnases publics d'Hermès,
d'Héraclès et d'Eros (80).
Mais ces cultes rapportés par Pausanias trouvent encore une
confirmation archéologique dans les inscriptions de Théra. Là,
non loin du temple d'Apollon Carneios, sur un site qui fut par la
suite inclus dans le gymnase, une grotte était consacrée à Hermès
et Héraclès une fois de plus associés. Des textes gravés, datant en
partie du Vllème siècle, invoquent différentes divinités (en
particulier Apollon, dont nous connaissons, à Sparte, le rôle
joué, sous le même nom de Carneios, dans l'initiation de la
jeunesse) ; ils célèbrent surtout les qualités de tel ou tel éromène
loué par son éraste. Si certaines de ces inscriptions apportent la
preuve de la consommation effective des relations pédérastiques,
toutes, cela est clair, placent ces pratiques sous la protection
divine (81).
Les textes de Plutarque pour Sparte et, pour la Crète, ceux
que Strabon emprunte à Ephore, avaient depuis longtemps permis
de comprendre la valeur pédagogique et institutionnelle de
l'homosexualité en pays dorien. A Sparte, lorsqu'ils atteignent
l'âge de douze ans, les enfants "de bonne renommée" se voient
recherchés par des amants plus âgés (82) ; en Crète, l'épisode
pédérastique concerne - et cela peut-être nous éclaire sur le sens
de cette renommée dont parle Plutarque - les garçons d'illustre
ascendance, et il se traduit par un enlèvement et une retraite de
deux mois (83). Dans les deux cas il est manifeste que le fait
d'avoir été distingué par un adulte, de bénéficier de manière
suivie et privilégiée de ses conseils et de son exemple fait partie
intégrante d'un système d'éducation ; il fait partie aussi de cette
idéologie "du meilleur" qui est celle de l'aristocratie.
On retrouverait, d'ailleurs, quelque chose d'assez
semblable dans l'Athènes de Solon, s'il est vrai que, comme
l'affirme Plutarque, le législateur "interdisait aux esclaves l'amour
des garçons et la gymnastique, tout en leur permettant de s'unir à
des femmes... (en effet) l'amour qu'éprouve un esclave pour des
garçons ne saurait être noble ni honnête, car cet amour est une
union charnelle tout comme l'amour des femmes" (84).
Valeur pédagogique et institutionnelle, valeur religieuse
aussi ; E. Bethe, déjà, l'avait souligné : cette pratique de
370

l'homosexualité masculine, sanctionnée par des rites religieux,


reçoit une véritable consécration. En Crète, toujours selon la
tradition rapportée par Strabon, le retour dans la cité de l'éromène
et de son éraste est marqué par un sacrifice (85) ; à Mégare, les
adolescents célèbrent, par un concours de baisers, Dioclès, héros
paradigmatique de l'homosexualité masculine dont B. Sergent
démontre de façon convaincante qu'il fut sans doute un double
d'Héraclès, un personnage créé à son image et voué "à la gloire
de Zeus", comme lui-même l'était "à la gloire d'Héra" (86).
Cette sanction religieuse, Apollon, Héraclès et Hermès en
sont garants à Théra, et, à Thèbes, c'est auprès du monument
héroïque de Iolaos qu'érastes et éromènes échangent leurs
serments de fidélité (87).
Cette figure de Iolaos est bien, pour nous, la plus
intéressante : compagnon du héros dans nombre de ses
entreprises (y compris dans certains "travaux" péloponnésiens), il
est, dit Pausanias, son écuyer, (88) et la tradition est déjà connue
d'Euripide (89), qui, de surcroît, emploie pour situer le jeune
homme par rapport à Héraclès le terme de parastatès (90)...
littéralement "celui qui assiste". C'est très exactement la fonction
que lui assigne la mythologie, mais c'est aussi le terme même par
lequel on désigne l'aimé en Crète. On pourrait encore,
évidemment, être tenté de reprendre, dans le cadre de ces relations
homosexuelles, l'épithète cultuelle de "parastatès " qui est celle
d'Héraclès sur l'un au moins des autels d'Olympie (91) (il est
encore appelé ainsi au gymnase d'Elis où Eros figure à ses
côtés) (92)... Mais ce n'est pas ainsi, semble-t-il, que
l'entendaient les Grecs, du moins ceux qui nous en ont parlé :
Héraclès est en effet, dans tous les cas (ou presque) (93) l éraste,
Icphilétor pour reprendre la terminologie Cretoise... A moins de
ne lire dans cette apparente incohérence qu'une preuve
supplémentaire de l'originalité de l'homosexualité en pays grec,
qui voit les mêmes hommes être successivement éromènes puis
érastes... C'est bien, en tout cas, dans son rôle d'adulte et de
formateur d'une jeunesse vouée au métier des armes que la
tradition devait fixer le héros.
Ainsi commence à se dessiner, autour d'Héraclès, un
schéma structurel qui le lie de façon précise à l'homosexualité
masculine dans le cadre du gymnase, du stade ou de l'un et
l'autre de ces lieux d'exercice de la jeunesse. Or il se trouve que,
dans certains cas, le contexte cultuel peut encore être
précisé : nous entendons bien sûr revenir sur les rites fondés
par Héraclès à Agyrion, en Sicile, en l'honneur de Iolaos, mais
nous voudrions d'abord évoquer d'autres traditions, qui ont bien
371

peu retenu l'attention malgré leur intérêt.

* *

1-4 Dans une zone frontière du Péloponnèse, avons-nous


vu, dans l'un de ces no man's lands peu marqués par
l'empreinte de la vie civique et toujours plus ou moins disputés
entre populations voisines (ici, les Achéens et les Eléens), le
cippe funéraire de Sostratos voisinait avec la statue d'Héraclès
qui avait été, disait-on, son éraste (94). Désespéré par la mort du
jeune homme, le héros lui avait édifié un tombeau et, sur cette
sépulture, avait coupé sa chevelure... Pourquoi cette tradition ?
Simplement pour insister sur l'affliction d'Héraclès ? ou pour
expliquer une particularité du rituel ? (les habitants du pays en
effet, sacrifiaient au jeune homme comme à un héros). Nous
aimerions bien savoir si - comme à Agyrion précisément -
l'offrande de la chevelure faisait partie des rites. Or cette pratique
est de signification très claire et ses rapports avec l'adolescence
sont évidents. Pour les jeunes filles, la consécration des cheveux
à la veille du mariage est répandue dans toute la Grèce (95), pour
les jeunes gens, le rite qui symbolise la sortie de l'enfance est
attesté à Sparte (96), à Délos où ils vouent aux vierges
hyperboréennes soit leurs cheveux, soit leur première barbe (97),
à Athènes lors des Apatouries, et plus précisément au troisième
jour de la fête, celui de couréôtis (98), etc.
Et c'est bien un lien étroit avec ces cérémonies
de passage que dénotent certains aspects du culte
d'Héraclès. Lors des Apatouries, précisément, les garçons
offrent, certes, leur chevelure à Artémis, divinité courotrophe par
excellence, mais Héraclès, lui aussi, joue un rôle dans le sacrifice
du Couréion, puisque, juste avant cette offrande, les futurs
éphèbes lui portent Yoinistéria (99) - un grand récipient de vin -
et, qu'après une libation rituelle, ils boivent, eux aussi de manière
rituelle. Que les Apatouries, la fête des Phratries, soient, comme
le dit L. Gernet, "la forme moderne et banalisée des rites
d'adolescence qui ont dû comporter, préhistoriquement, une
véritable initiation" (100), c'est, ce qui, depuis, a été maintes fois
souligné... que l'offrande de la chevelure soit l'un de ces rites
d'initiation directement perpétués ne fait aucun doute, d'autant
que le modèle mythique en est fourni par Thésée, fondateur des
rites initiatiques athéniens (101). Quant à la libation, B.
Sergent, à propos de la coupe (l'un des cadeaux qu'à la sortie de
372

l'initiation offre l'amant crétois à son éromène) donne de


nombreux exemples de la corrélation entre de telles libations
(accompagnant la consommation rituelle du vin) et l'accès à l'âge
adulte, ou, plus précisément, certains épisodes initiatiques (102).
Rite de passage encore à Sparte, où non loin du Dromos,
nous l'avons vu, une vieille statue d'Héraclès était le lieu d'un
culte très particulier : c'est là, dit Pausanias, que sacrifient les
éphèbes sur le point d'être intégrés à la classe des hommes : èVri
Ôè άγαλμα άρχαΐον Ηρακλέους· φ θΰουσιν oi Σφαιρεΐς- οί δέ
είσιν οί έκ των έφήδων èç άνδρας- αρχόμενοι συντελειν...
Et nous apprenons du même coup ce que sont les sphraireis,
probablement des irènes de dernière année (Pausanias,
manifestement assimile éphèbes et irènes) prêts à acquérir le statut
d'adulte à part entière. Quelle que soit l'étymologie de ce terme
curieux (P. Chantraine y voit "peut-être" un rapport avec la
pratique de la boxe (104), mais on peut penser aussi bien à ce jeu
de balle où quatorze sphaireis jouaient pour tous leurs
compagnons) (105), ce que nous retiendrons, c'est que la
sanction du passage à l'âge adulte impliquait, ici comme à
Athènes, un sacrifice à Héraclès.
Mais la description la plus complète de telles pratiques,
c'est en Sicile que nous la trouvons autour d'Héraclès et de son
compagnon Iolaos : Diodore nous rapporte ces rites, qui connaît
bien, pour en être originaire, la petite ville d'Agyrion où ils se
déroulent.
Le mythe fondateur d'abord : Diodore raconte comment,
lors de son retour avec les boeufs ravis à Géryon dans la
lointaine Erythie, Héraclès fut, par les habitants d'Agyrion,
vénéré "à l'égal des dieux olympiens par des fêtes et des
sacrifices splendides"... premier culte auquel il consentit "averti
qu'il était de son immortalité future" (106). Ainsi honoré par des
sacrifices annuels il va - entre autres traces de son passage,
encore visibles à l'époque de Diodore - consacrer deux téméné
dans la cité, l'un "au héros Géryon", l'autre à son "neveu et
compagnon d'armes" Iolaos et fonder les cultes de l'un et de
l'autre.
De celui - fort surprenant dans sa symétrie - qui honorera
Géryon, Diodore ne dit rien, hélas, sinon qu'il était toujours
célèbre à son époque. Il est plus disert - mais il faut le
reconnaître, assez confus - sur les rites qui rendent hommage à
Iolaos. Que nous apprend son récit ?

1. Un téménos et des sacrifices annuels ont donc été


institués par Héraclès en faveur de Iolaos (IV, 24, 4).
373

2. La cérémonie essentielle consiste dans l'offrande de la


chevelure... une chevelure que, dès leur naissance, les
habitants (tous les habitants, précise Diodore) vouent à
Iolaos et ne coupent qu'au moment où ils pourront, par de
magnifiques sacrifices (probablement fort dispendieux) "se
rendre le dieu favorable" (IV, 24, 4).

3. Ces rites et sacrifices sont accomplis devant une porte de


la cité nommée "héracléenne" et en présence "du dieu"
qu'on semble autorisé, en conséquence, à identifier avec
Héraclès (IV, 24, 6). (107).

4. Les fêtes annuelles, enfin, comprennent des concours


gymniques et des courses de chevaux, des danses et des
festins (IV, 24, 6).

Diodore rapporte encore deux particularités pleines d'intérêt :

5. S'il arrive que des enfants (paides ) ne consacrent pas


les "offrandes accoutumées", ils perdent la parole et
deviennent "semblables à des morts". Qu'ils fassent le voeu
de sacrifier, qu'ils donnent (ou qu'on donne pour eux) un
gage de cette obligation et ils recouvrent la santé (IV, 24,
5). (108).

6. Lors de ces fêtes que tous (hommes libres et esclaves :


ελευθέρων τε και δούλων) célèbrent dans l'enthousiasme,
les maîtres demandent à leurs serviteurs (ici c'est le terme
οΐκέται qu'utilise Diodore) - qui honorent aussi le dieu
"en privé" - de "se réunir en thiases " (retenons le terme)
"pour fêter ensemble le dieu par des banquets et des
sacrifices" (109).

L. Gernet, dans un article de YAnnée Sociologique de


1949 avait déjà interprété "cette relation volontairement confuse"
de Diodore "comme le témoignage d'un culte secret centré autour
d'une initiation qui est une renaissance et qui s'accompagne
obligatoirement
eux" (110). Mais
d'un
s'ilriche
s'intéressait
sacrifice offert
surtoutpar
à les
la traduction
initiés ou pour
"en
termes de droit" que donne Diodore "d'une situation toute autre
que juridique", c'est l'aspect initiatique qui nous retiendra ici :
un culte célébré aux portes de la cité, un culte comportant des
agônes, supposant l'offrande de la chevelure (même si celle-ci
374

n'apparaît plus, chez Diodore, comme liée à l'âge, mais bien


plutôt à la capacité de fournir le sacrifice accompagnant la
consécration), c'en est assez pour que nous retrouvions, de la
manière la plus limpide qui soit, un rituel initiatique. Que ce rituel
ait comporté aussi une mort fictive des novices, c'est ce que
semble indiquer le curieux récit de Diodore et nous partageons sur
ce point la conviction de L. Gernet et de B.Sergent (111).
L'initiation est une mort à l'enfance, et, de cette mort, le rituel
porte souvent l'empreinte symbolique, ce qui paraît bien être le
cas ici. Il apparaît d'ailleurs, non moins clairement, que le rituel
n'est plus compris et qu'on lui cherche d'autres explications...
Le rituel initiatique d'Agyrion donne donc lieu à un double
culte : celui d'un héros et celui d'un dieu et il n'est pas toujours
facile de déterminer ce qui revient à l'un et à l'autre ; les
divergences d'appréciations le prouvent qui, telle la traduction
française de Hoefer - d'ailleurs en bien des points fautive sur ce
texte - attribue à Iolaos l'ensemble des rites alors que celle de
C.H. Oldfather (112), apparemment suivie par B. Sergent,
laisse au lecteur le soin d'identifier "le dieu" dont il est si souvent
question dans le récit... Cet embarras reflète probablement
celui-là même de Diodore et il ne fait qu'accroître le sentiment de
l'union très forte d'Héraclès et de Iolaos, destinataires de ces
rites : dieu et héros, liés dans la mythologie par des relations
homosexuelles. Bel exemple à l'appui de la thèse défendue de
façon fort convaincante par B. Sergent : l'homosexualité
grecque est à penser dans le cadre de pratiques initiatiques
anciennes : "lorsqu'un mythe est ancien ou qu'il y a de bonnes
raisons de le penser tel, il connote toujours une initiation... Ce
n'est qu'à la fin de l'époque classique et surtout aux temps
hellénistiques, alors que se multiplient les récits mentionnant la
pédérastie, qu'apparaissent des mythes en faisant usage hors du
contexte
"accident"initiatique"
sociologique(p.
ou psychologique
302). Ainsi, limité
"bien dans
loin led'être
tempsun
et

l'espace, la pédérastie hellénique s'enracine dans le plus haut


passé grec concevable, elle n'est pas une innovation
monstrueuse, mais la simple généralisation d'une pratique
institutionnelle commune
indo-européens" (p. 306).
à la fois
Nousaux nous
Grecs arrêterons
et aux autreslà,
peuples
dans

l'exposé d'une thèse qui, peut-être, tend à systématiser l'idée


d'un héritage indo-européen, dans la ligne de ceux qui pensent la
pédérastie comme un "rite" indo-européen, fut-il énigmatique
(113) ! Reste que le lien ainsi établi entre homosexualité
masculine et initiation est on ne peut plus pertinent... Quant au
rôle des Indo-Européens, il se pourrait que l'exemple d'Héraclès
375

aide, précisément, à l'apprécier.


Rien n'interdit de penser que l'indice d'un rapport
homosexuel entre Héraclès et Iolaos, bien qu'évoqué assez
tardivement par Plutarque, soit ancien ; il paraît clair, en outre,
que le centre du culte de Iolaos est par excellence Thèbes, mais
peut-on dire, comme le fait Bernard Sergent, que l'origine des
cultes d'Agyrion est thébaine ?... que ce culte "est
péloponnésiens"
spécifiquement béotien,
? (p. 180).
en Cela
tout peut
cas sembler
étranger pour
aux le
Doriens
moins
abusif. Si nous tentons de rassembler, en effet, les indications
données par Pausanias, il nous paraît que le lien qui se dessine
fortement entre Héraclès, les pratiques initiatiques - et dans
certains cas (mais pas obligatoirement, il est vrai) - les pratiques
homosexuelles est loin de se limiter à Thèbes... Peut-être n'est-il
pas très ancien à Athènes (et encore ?) ; dans le Péloponnèse, en
tout cas, nous le trouvons affirmé à Sparte à plusieurs reprises,
et, sous plusieurs formes, en Elide comme un élément capital
(sans la référence homosexuelle) ; en plein coeur du pays enfin.
Cette étude, cependant, resterait incomplète, si nous ne
disions quelques mots des rapports qui, chez Pausanias toujours,
sont attestés entre Héraclès et Artémis, la divinité courotrophe par
excellence, protectrice des jeunes gens, comme des jeunes filles
d'ailleurs,
"passages" aux
qui, moments
précisément,
délicats
nous de
préoccupent
leur existence,
ici. lors de ces

A Athènes, nous avons mentionné, déjà, l'association des


deux divinités au troisième jour de la fête des Apatouries, lors du
sacrifice du coureion: : offrande de cheveux à Artémis, libation à
Héraclès (114). A Sparte, la statue d'Héraclès où sacrifiaient les
sphaireis sur le point d'être intégrés à la communauté des adultes
était certes voisine du dromos (115), elle était proche également,
dans
d' Artémis
l'itinéraire
Hégémaque,
de Pausanias,
"celledes
quitemples
conduitd'Apollon
au combat"
Carneios
(116)...
et
C'est également près d'un sanctuaire à Artémis et, plus
généralement, d'un lieu "qui tout entier lui étiiit consacré" que le
Périégète a vu une autre statue du héros et le trophée érigé pour
célébrer sa victoire sur Hippocoon et ses fils (l 17).
Dans le Péloponnèse toujours, à Stymphale, une Artémis
surnommée "Stymphalie" et encore représentée en son temple par
une statue de bois, paraît, quant à elle, très liée aux premiers
"travaux" du héros : les fameux oiseaux que, selon Pisandre de
Camiros, il avait chassés grâce au bruit des cymbales, ornaient la
voûte de l'édifice, et, détail plus curieux, derrière le temple
figuraient des jeunes filles sculptées dans le marbre" avec des
cuisses et des jambes d'oiseaux". Or Stymphale conservait, par
376

ailleurs, quelque souvenir de ce qu'on pourrait appeler les "âges"


de la femme : Héra, en effet, s'y était vu consacrer trois
sanctuaires : le premier dédié à Héra enfant, le second à l'épouse
de Zeus, le troisième à Héra "veuve" après qu'elle eût quitté son
royal époux et se fut retirée en ce lieu (118).
A Thèbes, centre plus célèbre encore de la légende
héracléenne, c'est dans le temple d'Artémis Eucléia que deux
jeunes vierges, qui avaient accepté de s'immoler pour la réussite
de la guerre conduite par Héraclès contre Erginos et les
Orchoméniens, avaient leur tombeau et continuaient d'être l'objet
d'un culte héroïque ; c'est d'ailleurs devant ce même temple
qu'un lion de marbre avait été, après sa victoire, consacré par le
fils d'Alcmène et d'Amphitryon (119). Ces deux exemples
pourraient conduire à s'interroger sur le rôle possible d'Héraclès
dans l'initiation des jeunes filles (120). Nous ne nous engagerons
pas dans cette voie, qui, en tout état de cause, ne ferait que
confirmer l'importance d'Héraclès comme protecteur de la
jeunesse, et nous nous contenterons de lire, dans cette
association, un simple indice des fonctions parallèles de ces deux
maîtres des "passages".
D'autres exemples, moins probants peut-être, des rapports
de la déesse et de celui que les Grecs connurent à la fois comme
un dieu et comme un héros, peuvent encore être glanés au fil de la
lecture de Pausanias : c'est ainsi qu'en Arcadie, à Phénée,
Héraclès passait pour avoir fait construire un temple, ruiné à
l'époque romaine, mais sur l'autel duquel on sacrifiait toujours à
Apollon et à Artémis (121)... A Trézène, c'était dans un temple
consacré à Artémis, toujours, que des autels voués aux dieux
infernaux dissimulaient l'ouverture par laquelle Héraclès avait
ramené sur terre Cerbère, le chien des Enfers (122)... A
Mégalopolis, dans le temple de la Despoina - la "Maîtresse" -,
parmi les statues se dressant devant le temple ou sous le portique
qui
"conductrice"
le jouxtait,
et un
figuraient
Héraclèsà disputant
la fois une
le trépied
statue à
d'Artémis
Apollon
(123)... Plus révélatrice, enfin, paraissent bien être les statues
qui, à Sicyone, associaient, sculptées dans le même bloc de
marbre, Artémis et Héraclès "avec cette forme carrée" qu'ont
généralement les hermès (124).
A ces témoignages recueillis dans la Périégèse de
Pausanias, nous n'ajouterons qu'une confirmation archéologique,
celle que nous offre le sanctuaire d'Artémis, à Thasos... Thasos,
un des points nodaux du culte d'Héraclès, Thasos, où, on s'en
souviendra, la cité conserve la pratique de donner aux "pupilles
de la nation" l'armement de l'hoplite qu'ils vont devenir, et ce
377

lors des Héracléia (125). Dans le sanctuaire attesté dès la


fondation de la colonie, c'est-à-dire dès les débuts du Vllème
siècle, les offrandes représentent, certes, la déesse en Potnia
ailée, puis selon le type de la "dame m polos", peut-être aussi en
courotrophe, mais, parmi les autres figures divines "invitées" à
partager ainsi les honneurs rendus à Artémis, Héraclès, s'en
étonnera- t-on, a une importance toute particulière (126). Dès
l'archaïsme se trouve ainsi attestée l'association du héros (ou du
dieu ?) avec l'héritière de la grande "dame" primitive que des
inscriptions appellent ici, comme dans la métropole Paras, et bien
souvent en Grèce, du nom d'EUeiOuin ou de celui, moins
répandu, de πωλώ.... Protectrice des femmes en couches, Artémis
l'est aussi de la jeunesse, puisqu'il semble bien que ce soit cette
"notion déjeune" sur laquelle insiste le terme de πώλος-, poulain,
dont elle tire son nom (127). Et pourquoi ne pas citer Platon, à
l'appui de cette proposition de Nicole Weill ? Ne qualifie-t-il pas
de poulains, précisément, les jeunes guerriers qu'il se préoccupe

de former
" Comme
? on mène les poulains dans le vent et le vacarme
pour voir s'ils sont peureux, ne faut-il pas transporter nos
guerriers, quand il sont jeunes, au milieu d'objets
effrayants, puis les relancer dans les plaisirs et les éprouver
avec plus de soins qu'on n'éprouve l'or par le feu"
(128)...

Avant de clore ce chapitre, une dernière


remarque : l'argument a silentio est toujours difficile à utiliser,
mais, contrairement à toute attente (ou très logiquement au
contraire), on ne trouve en Argolide, berceau de la légende
héracléenne, aucun exemple d'intervention du héros/ou du dieu,
dans cette sphère ainsi définie des pratiques initiatiques. Il faut
bien croire qu'à Argos, Héraclès est autre, trop fortement lié à
Héra peut-être et avec un ensemble de "qualités" si précises qu'il
n'est pas devenu, comme ailleurs - et même dans le Péloponnèse
répétons-le - le maître, l'éducateur, le modèle. (129).
Le mythe peut-être nous éclairera, mais il nous est apparu
qu'avant d'en reprendre une lecture "orientée", il était nécessaire
de bien comprendre le sens de l'initiation, c'est-à-dire de la
retrouver, là où elle reste vivante, où elle conserve sa vertu
d'intégration sociale. D'autres l'ont fait, parmi les plus grands,
qui pourraient rendre vaine notre tentative... ce serait, à le croire,
ignorer les progrès de la science ethnographique elle-même,
progrès qui autorisent ce retour à des temps qui, pour les Grecs
déjà, étaient considérés comme mythiques.
379

DEUXIEME CHAPITRE

... INITIATIONS

"... Eh bien ! moi, je m'en vais


expliquer le scénario aux petits
d'hommes, aux hommes en herbe,
aux hommes faits, aux hommes
parfaits et surtout aux hommes
plus que parfaits..."

La Paix, 50-33.

Plaisanterie, certes, que cette adresse du second serviteur de


la Paix aux spectateurs athéniens, mais, si Aristophane espérait
ainsi les faire rire, c'est qu'il partageait avec eux ce schéma
mental qui n'est autre que celui des classes d'âge... Nous
n'allons pas tenter ici de retrouver, après H. Jeanmaire, A.
Brelich et bien d'autres, ce qui survit en Grèce des anciennes
pratiques initiatiques, (130), mais bien plutôt chercher à
comprendre, là où elles sont encore vécues comme telles, des
raisons d'être qui pourraient éclairer notre recherche appliquée à
Héraclès.
Les rites initiatiques, lorsqu'ils sont encore en usage,
représentent généralement, pour les populations qui les
pratiquent, le cérémonial le plus élaboré, le plus apte peut-être
aussi à souder entre eux les membres du groupe. Poursuivre "la
modification radicale du statut religieux et social du sujet à
initier", tel est leur but, selon Mircea Eliade (131), et l'adolescent
initié, donc intégré, devient en effet membre de plein droit de la
communauté politique, sociale, culturelle et religieuse que forme
la société tribale. De ces rituels collectifs par lesquels s'effectue le
passage de l'enfance ou de l'adolescence à l'âge adulte (132)
Mircea Eliade distingue deux formes d'initiations individuelles :
celles qui permettent d'entrer dans une société secrète (telles, en
Afrique, les sociétés de chasse, ou sociétés de danse...) ou bien
encore qui destinent certains individus à une expérience religieuse
plus intense : celles du sorcier ou du chaman par exemple.
On a depuis longtemps remarqué dans les rites d'initiation,
380

partout où ils apparaissent, "des similitudes frappantes" (133) ou


mieux "une sorte de solidarité structurale qui fait que, vues dans
une certaine perspective, toutes les initiations se ressemblent"
(134).
Ainsi se dessine un scénario initiatique dont nous
rappellerons brièvement les étapes, telles que A. van Gennep,
dès le début du siècle, les avaient définies, telles que Mircea
Eliade, à partir des observations plus nombreuses des
anthropologues, put les décrire, telles qu'enfin les reprit Angelo
Brelich, pour les appliquer, à titre d'essai, au monde grec (135).
Nous consacrerons plus de temps, en revanche, à l'étude de ce
qui, tant dans les situations initiatiques que dans les fonctions de
l'institution, permet d'expliquer ces rites auxquels - nous
l'avons vu dans une première partie - Héraclès se trouve fortement
lié ; de ce qui peut, aussi, nous aider dans la compréhension des
mythes qui se sont cristallisés sur son "personnage" héroïque.

2-1 : Le scénario initiatique

Au coeur de ce parcours initiatique, un moment très


spécifique et une condition tout à fait spéciale : celle dans
laquelle se trouvent, pour un temps plus ou moins long, les
candidats à l'initiation : leur isolement, leur "situation de marge".
"Il(s) flotte(nt) entre deux mondes" (136) ... Cette expression que
A. van Gennep applique à ceux qui passent les frontières me
paraît convenir aussi bien à l'adolescent qu'on vient d'enlever au
monde de l'enfance pour qu'il gagne, bientôt, celui des adultes.
C'est en effet autour et en fonction de cette mise entre parenthèses
que s'organisent les rites :
- rites de séparation par lesquels on arrache l'adolescent à
son état ancien, à son milieu antérieur : celui des femmes et des
enfants ;
- retraite initiatique (de quelques semaines à quelques mois)
pendant laquelle son statut est comme "suspendu" ;
"épreuves"
- rites convenues
d'agrégation,
est enfin,
ramené lorsque
au seinl'initié
de la communauté
qui a satisfaitoù
aux
il
occupera désormais sa place de membre à part entière dans le
groupe des adultes.
L'enfant est donc mort à l'enfance et c'est cette rupture
décisive et irréversible que consacre l'initiation... Cette mort
initiatique paraît assez généralement conçue comme une mort
véritable. Les Sara étudiés par R. Jaulin disent aux novices :
381

"Pendant l'initiation vous verrez la mort" (137) et la formule


rapportée par D. Zahan n'est pas moins nette, qui fait dire au
maître du rituel : "maître du Koré, je tue les enfants du Koré..."
(138). Certaines tribus australiennes, d'ailleurs, miment
directement la mort : chez les Wiradjuri, l'initié, dissimulé sous
des couvertures ou des branchages, est traité comme un cadavre,
brutalement saisi et emporté dans l'enclos sacré où les novices
font retraite ; parfois même le meurtre est simulé ; assez souvent
les femmes prennent le deuil. Π peut arriver que cette mort
initiatique prenne la forme d'un voyage dans l'au-delà :
ascension vers les régions célestes (les enfants qu'on jette en l'air) ou
descente aux Enfers (lutte contre les monstres etc..) mais il est
rare que les initiations tribales, collectives, "symbolisent" de cette
façon le passage de l'initié par l'autre monde.
En revanche, il est assez fréquent qu'on fasse renaître
l'initié et cette seconde naissance imite parfois d'assez près la
première, la naissance biologique : au Tchad, l'enclos sacré des
Sara, à la forme ovoïde, symbolise le ventre maternel ; chez les
Kikuyu du Kenya, c'est un véritable accouchement qui est
mimé : la mère geint, l'enfant vagit comme un nouveau né et on
coupe le boyau de mouton qui le reliait à sa mère (notons qu'il
s'agit là du premier degré de l'initiation) (139). Le parcours
senoufo est particulièrement intéressant, qui fait renaître l'initié du
ventre de Kahatiéléo, "la vieille mère du village" (avec Koulo
Tyolo, "la vieille femme de l'univers", l'un des principes divins
essentiels en pays sénoufo)... Cette "mère du village" l'exprime
avec force : c'est d'une naissance particulière qu'il s'agit, non
plus biologique, mais sociale : c'est à la communauté et non plus
à la famille qu'est désormais intégré l'initié (140).
Cette mort initiatique que l'on trouve, plus ou moins
atténuée, plus ou moins déguisée au coeur des rites ne peut pas ne
pas évoquer tous ces tombeaux d'adolescents qui jalonnent le
parcours cultuel d'Héraclès... Héraclès qui lui-même mourut un
jour, et ce faisant, se dépouilla de sa condition trop humaine pour
accéder au nouveau statut d'immortel.

2-2 : Signification et fonctions de l'initiation

Rites de passage donc, car c'est bien ainsi qu'ils


sont - me semble- t-il - les mieux nommés... rites conférant à
l'initié des qualités nouvelles qui se marquent très souvent au
382

sortir de l'initiation, par un nouveau nom (chez les Senoufo par


exemple, mais encore dans bien d'autres tribus) (141), par un
vêtement nouveau, ou une tenue beaucoup plus complète
(souvent la panoplie du guerrier), voire par un ensemble de
cadeaux signifiants et je ne reviendrai pas ici sur les dons de
l'amant crétois au parastatès qu'il a enlevé et ramène en grande
pompe dans la cité (142). Mais cette fonction de
séparation / intégration qu'assument les rites, à quel niveau, sur
quels plans et comment l'assument-t-ils ?
A la lumière des observations laissées par les
anthropologues, qui étudient ces rites "en action" en Afrique, en
Amérique ou en Australie, mais en tenant compte aussi des
explications proposées par les psychanalystes pour qui, bien sûr,
compte surtout la problématique individuelle, celle qu'implique
pour l'initié son accession au nouveau statut d'adulte, il m'était
apparu (143) qu'on pouvait lire l'initiation comme agissant sur le
triple plan
- de la reproduction d'une culture
- de la reproduction d'une société
- ces deux éléments passant par la transformation de
l'individu tout entier.

Reproduction d'une culture ? C'est l'aspect


pédagogique de l'initiation, si souvent souligné : aspect essentiel

pour
systématique"
B. Malinowski
qui est fait "du
qui mythe
insistesacré
suret "l'enseignement
de la tradition au
jeune homme auquel sont dévoilés peu à peu les mystères de la
tribu et présentés les objets sacrés" (144) ; aspect important déjà
pour A. van Gennep et qui le reste pour des "modernes" comme
D. Zahan et P. Clastres : pour le premier l'initiation "constitue
avant tout un enseignement progressif... (145) et le second voit
dans
"savoir"
les de
jeunes
la tribu
initiés
(146).
les dépositaires de la "mémoire" et du

Cet aspect pédagogique c'est aussi, on le sent bien, l'aspect


unificateur, normalisateur de l'initiation : soitant du bois ou de
l'enclos sacrés les initiés se ressemblent et ressemblent aux
adultes de leur clan. C'est pourquoi, à cet aspect pédagogique, je
joindrais volontiers l'aspect "marquage", "machine imprimante"
des rites de passage : ces souffrances, ces blessures, ces
mutilations infligées (de la circoncision ou la subincision à la
dent arrachée et aux scarifications les plus bénignes) inscrivent,
elles aussi, l'initié comme membre de la tribu et le veulent pour
toujours identique à ses aînés. "Le corps", écrit J. Jamin, "est
383

utilisé comme un parchemin où viennent s'inscrire les codes et


valeurs culturelles, par une série d'épreuves, de tortures, de
marques..." (147).
La reproduction d'une culture, considérée comme le bien
propre de la tribu toute entière, telle est bien, en effet, l'une des
fonctions de l'initiation, mais peut-être n'est-elle pas essentielle,
peut-être ne donne-t-elle pas la signification profonde du rituel :
on profiterait des rites pour...
C'est ainsi que les observations de certains
anthropologues : celles de L. Perrois au Gabon (148), de J.
Jamin chez les Sénoufo de Côte-d'Ivoire par exemple, les
conduisent à "banaliser" l'expérience pédagogique de
l'initiation : confirmations de secrets déjà connus, révélations
bien futiles, l'initiation serait plutôt pour J. Jamin "la mise en
scène sociale" du passage de l'enfant ignorant à celui de l'homme
qui a accès à la connaissance, bref, elle serait plus "un dispositif
de reconnaissance que de connaissance" (149).

Ces mêmes anthropologues sont, en revanche, conduits à


donner plus d'importance à la fonction de reproduction
sociale de l'initiation, fonction qui apparaît d'autant mieux
qu'on étudie, désormais, ces rites de passage non plus seulement
pour eux-mêmes, mais comme partie intégrante des processus
sociaux, économiques et politiques qu'ils contribuent à
conserver. Nous n'insisterons pas, ici, sur cet aspect du
problème, mais il est bien certain que l'exemple du "poro "
Sénoufo, étudié par J. Jamin, fait fortement apparaître la
dimension socio-économique de l'institution, que la fonction de
conservation sociale apparaît mieux encore si l'on tient compte
des "degrés" possibles de l'initiation : c'est ce que mettent en
relief aussi bien L. Krader, pour le "poro" des Kpelle du Libéria
et de Guinée (150), que D. Paulme (151), et l'on peut
légitimement se demander, avec J. Jamin, si le savoir initiatique
se distribue de façon homogène, s'il est facteur d'égalisation ou
s'il reproduit (peut-être même aggrave) la distance entre les
groupes, si parlant du biologique pour dire le social (les adultes
pour dire les aînés) il ne tend pas à faire croire "que l'ordre social
est un ordre naturel" (152). Masquant ainsi, sous le sceau du
secret et du silence, des rapports de force et de pouvoir,
l'initiation contribuerait alors fortement à les rendre moins
contestables, parce que moins apparents. Dans cette optique il est
bien certain qu'on comprend mieux la récupération ou la
réactivation de tels rites, en Grèce, par des sociétés militaires.
384

2-3 : Un changement de statut

Mais c'est, pour notre objet, le troisième aspect de


l'initiation qui nous retiendra surtout : le changement de statut
d'un individu, son passage de l'enfant ou de l'adolescent qu'il
était à l'adulte qu'il va devenir... passage qui implique un
bouleversement social : le transfert dans le groupe des hommes
d'enfants mâles qui, jusque là, vivaient dans la communauté des
femmes ; passage perçu encore comme faisant agir des forces
surnaturelles et, par là-même, comme menaçant, dans une
certaine mesure, les rapports qu'entretient le groupe avec le sacré.

. L'arrachement du garçon à son entourage


maternel et féminin d'abord : certains anthropologues - R.
Jaulin, par exemple, dans ses travaux sur les Sara du Tchad -
insistent beaucoup sur cet aspect de l'initiation... un aspect qui,
pour S. Moscovici paraît même expliquer toute l'institution. C'est
en effet chez l'auteur de la Société contre nature qu'on en trouve
l'exposé le plus systématique. Pour lui, "initier un garçon revient
à définir son sexe" ou encore "l'initiation change les pères en
mères sociales" (153). Le rituel tendrait donc à éprouver
l'antagonisme hommes/femmes, à extirper de l'enfant qu'il a été
la part du féminin qu'enferme encore le futur initié ; les épreuves
physiques, les mortifications, leur dureté, leur cruauté parfois,
s'expliqueraient ainsi (et il nous est quelque peu pénible de suivre
l'auteur sur ce terrain !) : l'enfant doit faire preuve de son
endurance, c'est-à-dire de sa virilité. Ainsi s'expliquerait encore
la mise à l'écart à peu près générale des femmes pendant tout ou
une partie des rites de passage. Ainsi s'expliquerait enfin que la
période de l'initiation corresponde parfois à une véritable "guerre
des sexes" : batailles fictives entre hommes et femmes chez les
Indiens Yagham du Chili ; relations sexuelles interdites entre les
parents chez les Wiko de l'Angola ... Certains peuples d'ailleurs
marquent très fortement la rupture : chez les Wiko toujours,
l'initié quitte la hutte de sa mère et une série de tabous très précis
définissent désormais leurs rapports (154), chez les Wiradjuri
d'Australie, lorsque les jeunes gens reviennent au village, leurs
mères les chassent comme des étrangers. La séparation est plus
ou moins marquée, elle existe toujours, elle est dans la nature
même de l'institution.
Elle en est, certes, un aspect fondamental ; on le reconnaît
385

d'autant plus facilement qu'on est plus influencé - c'est,


semble-t-il, le cas de S. Moscovici - par les théories
psychanalytiques. Pour les disciples de Freud, en effet,
l'initiation, c'est le "contre Oedipe" et son but profond est "de
renforcer la prohibition de l'inceste et d'obtenir la soumission des
jeunes mâles aux anciens" (on retrouve ici l'aspect voilé des
rapports de pouvoir que contribuerait fortement à maintenir la
ritualisation "du passage"). Mais faut-il considérer, dans cette
optique, la circoncision - l'une des blessures rituelles les plus
pratiquées - comme "un substitut symbolique de la castration" ?
(155). L'ennui, c'est que la circoncision est loin d'être partout et
toujours le corollaire obligé de l'initiation et qu'on la pratique à
des âges très variables, parfois très près de la naissance.
Peut-être doit-on tenir compte des théories, plus floues
certes (mais plus optimistes !), qui, comme celle de Bruno
Bettelheim, reconnaissent dans les rites initiatiques une volonté,
non pas de créer une angoisse sexuelle, mais de la contrôler, un
désir de maîtriser l'énigme de notre sexualité duelle (non plus
seulement l'envie féminine du pénis, mais, de la part des deux
sexes, la nostalgie de n'être pas androgyne !) (156). Et c'est le
sentiment de cette dualité - sentiment difficile à nier - que
j'aimerais retenir des théories psychanalytiques dans la mesure où
il me paraît expliquer de façon convaincante certains aspects de
l'initiation...
teinte" de l'autre
Lorsque
sexe,Jung
lorsqu'il
estimeconstate
que l'inconscient
dans celui de
a toujours
l'homme"la
la
présence d'une figure féminine complémentaire (qui joue un
grand rôle dans sa vie onirique... et l'on sait à quel point le mythe
et le rêve se ressemblent), lorsqu'à cette anima il oppose
VanimuSy figure correspondante dans l'inconscient de la femme,
il reconnaît aussi l'importance pour l'homme d'intégrer ces
contraires, s'il veut assumer la totalité de son psychisme.
Ne serait-ce pas précisément une des raisons profondes de
l'initiation ? N'expliquerait-elle pas qu'en ce moment décisif où
l'enfant va "choisir", ou en tout cas assumer le rôle sexuel que lui
prescrit la société, la période du passage apparaisse comme
particulièrement incertaine et même comme accentuant de façon
temporaire (on retrouve d'autres exemples de cette inversion) à la
fois la "coloration" féminine de l'individu mâle, et la nécessité
d'extirper définitivement ce qui ne pourrait que pervertir la nature
de l'adulte qu'il sera... ainsi prendraient tout leur sens les
déguisements féminins qui, si fréquemment, apparaissent, tant
dans la mythologie que dans les rites grecs : le jeune novice,
proche des femmes avant l'initiation, joue, dans certains cas et
dans une certaine mesure, le rôle des femmes dans l'initiation :
386

c'est particulièrement net chez les Iatmul dont les rites sont décrits
par G. Bateson (157) et c'est encore dans ce cadre que
s'inscrivent les rites de circoncision (et parfois de subincision)
des Nambuti d'Australie : l'opération est pratiquée par le futur
beau-père de l'initié assisté de quelques-uns de ses oncles
maternels. La cérémonie dont le nom signifie "adoption" lie
fortement le novice et le circonciseur qui ont entre eux des
rapports homosexuels (le jeune homme bien sûr joue le rôle de la
femme). Après l'initiation, ce dernier accède au plein statut
d'adulte et reçoit pour épouse la fille du circonciseur (158).
Comme chez les Grecs, se dévoile ici le caractère particulier
de l'homosexualité masculine, qui, loin d'apparaître comme une
déviance par rapport à une hétérosexualité seule considérée
comme "normale", se donne comme fortement complémentaire de
cette dernière. Les pratiques pédérastiques semblent bien -
Bernard Sergent me paraît avoir, sur ce point, fortement
raison - trouver leurs racines dans les rites de passage qui
consacrent cet accès à la maturité physique de l'adolescent qu'est
aussi l'initiation : Iolaos, disciple d'Héraclès, son parastatès et
son écuyer, est, certes, son éromène, mais il reçoit encore de lui
sa première femme Mégara (159).
Ces pratiques pédérastiques semblent encore avoir
absorbé, en Grèce, l'aspect pédagogique de l'initiation, qu'il
s'agisse de l'apprentissage du métier militaire (c'est dans ce cadre
que s'inscrivent les relations de l'éraste et de l'éromène Spartiate
ou crétois et le "bataillon sacré" de Thèbes en fournirait l'exemple
ultime) (160) ; qu'il s'agisse, plus généralement, de ces rapports
de maître à disciple qui marquent si profondément la recherche de
YEros dans
meilleur" qu'il
less'agit
textes
dede
développer
Platon : c'est
(161),
"lecelui
désir...
quiqui
doitaspire
"guider
au

toute la vie des hommes, de ceux à qui il appartiendra d'avoir une


belle vie tout du moins" (162)... Le souvenir des temps anciens
se fait même plus proche, lorsque, dans le Banquet, Pausanias
n'autorise l'amour des garçons "qu'après que ceux-ci ont déjà
commencé à faire preuve d'intelligence, c'est-à-dire au moment
où la barbe leur pousse au menton" (163), et ce sont les termes
mêmes d'"initiation" et de "mystère" que Diotime utilise pour dire
l'expérience amoureuse (164).

. Nous sommes ainsi conviés à retrouver l'un des aspects de


l'initiation sur lequel passent rapidement bien des
ethnologues : ce contact avec le inonde sacré
qu'impliquent les rites de passage.
387

C'est à A. van Gennep qu'il faut revenir pour en avoir une


nette perception, lorsque, par exemple, il dédouble ainsi le
scénario initiatique (165) :

rites de séparation du milieu commun


1-
rites d'agrégation au milieu sacré

2- marge

rites de séparation du milieu sacré local


3-
rites de réintégration dans le milieu commun.

C'est ce passage à travers le monde sacré qui à la fois


explique et légitime la condition marginale de l'initié. Toute
transition, tout passage d'un état à un autre est "indéfinissable" et
par là même dangereux. M. Douglas le montre bien dans ses
études sur la marginalité, qui voit dans ce danger non seulement
celui qui menace l'individu passant ainsi d'un état à un autre,mais
aussi celui qui émane de sa propre personne et contre lequel la
société cherche à se prémunir en l'exorcisant par une série de rites
et en isolant le novice (166). Ainsi se comprennent mieux tous les
tabous qui séparent l'initié de la société, du monde profane ; ainsi
s'explique mieux aussi que, dans une certaine mesure, la société
soit sans défense contre les entreprises des novices : "ils sont
autorisés et même encouragés à tendre des guet-apens, à voler, à
violer", écrit M. Douglas. Se comporter de façon anti-sociale est
précisément l'expression de leur condition marginale (167). Le
fait a été observé pour de nombreuses tribus (168). Il se retrouve,
probablement, atténué (et surtout marqué du caractère militaire
que conserveront les restes évanescents de telles pratiques en
Grèce) dans le rôle de YApatè - si contraire aux normes du
combat hoplitique - dans ce mythe étiologique des Apatouries
athéniennes (169)... H est mieux conservé encore, à Sparte, dans
la vie dissimulée et les entreprises meurtrières du crypte (170). Or
Héraclès, le marginal, est, lui aussi, un être dangereux : il tue, et
pas toujours pour la bonne cause, pas toujours selon le code de
l'honneur guerrier ... Il tue même ses enfants ... une obligation
qui - osera-t-on le rapprochement ? - est faite aux nouveaux
initiés d'une société guerrière de Polynésie (171) !
Le double scénario, tel que le définit A. van Gennep,
évoque encore, me semble-t-il, celui du sacrifice sanglant par
lequel l'homme, pour entrer en communication avec le divin,
388

interpose une victime animale entre lui et ce pouvoir, certes


bénéfique, mais d'une telle efficacité que les forces que l'on
cherche à s'approprier risquent de se déchaîner et de tout
submerger... Dans une certaine mesure, l'initié ne jouerait-il pas,
dans ce scénario,
symbolique" que luile confère
rôle del'initiation
la victimene? serait-elle
et la "blessure
pas la

marque douloureuse de ce passage par le sacré ? Lorsque les


jeunes Libériens, par exemple, reviennent, initiés, dans la
communauté des adultes, ils sont censés avoir été avalés, le temps
de leur retraite, par "l'esprit crocodile" et les sacrifications qui les
font désormais ressembler aux membres adultes de la tribu
portent le nom de "dents de l'esprit"...
On ne saurait, je crois, donner trop d'importance à ce
passage par le sacré - et à la dimension symbolique qu'il confère
à l'initiation - : l'historien peut le prouver, qui en retrouve la
trace, alors même que sont oubliées et les raisons d'être et, bien
souvent, la cohérence des rites primitifs.
C'est lui probablement qui ouvre la possibilité d'aller plus
loin, de connaître une expérience religieuse plus intense... Que
sont donc les "initiations" au sens où l'entendaient les Grecs, que
sont les mystères, sinon des rites, qui, faisant passer le néophyte
du monde profane au monde sacré, le mettront désormais en
communication directe et définitive avec ce dernier ?
C'est encore ce contact avec le sacré - souvent représenté
comme la mort fictive de l'initié - qui, par le mystère même qu'il
suppose et les développements insoupçonnés qu'il offre à
l'imagination, allait permettre aux facultés mythopoiétiques d'un
peuple d'investir sur ce thème leurs craintes et leurs désirs... et le
mythe d'Héraclès, que nous allons maintenant interroger, en est,
je crois, un exemple significatif.
389

TROISIEME CHAPITRE

... MYTHES

"Et ce fut Hébé, fille du grand Zeus et


d'Héra aux brodequins d'or, que le
vaillant fils d'Alcmène aux fines
chevilles, le puissant Héraclès, ayant
achevé ses gémissants travaux, se donna
pour chaste épouse dans l'Olympe
neigeux. Héros bienheureux qui, sa
grande tâche accomplie, habite chez les
Immortels, soustrait au malheur et à la
vieillesse pour les siècles à venir".

Hésiode, Théogonie, 950-955

Dans ces "gémissants travaux" qui opposèrent Héraclès à


tant de créatures monstrueuses allons-nous, suivant la pente de
notre raisonnement, reconnaître des épreuves initiatiques ? ou
bien serons-nous, très légitimement, saisie par le doute et tentée
d'opposer, plus volontiers que de rapprocher, ces exploits -
généralement solitaires - et des pratiques dont nous venons de
voir qu'elles furent si fortement socialisées. Un exemple prouvera
que ce n'est pas un problème de pure rhétorique : l'exploit
cynégétique est partie intégrante de nombre de scénarios
initiatiques ; or Héraclès est un chasseur : il tue le lion de
Némée, force la biche aux cornes d'or, capture le sanglier
d'Erymanthe, etc..
Ce dernier épisode vaut qu'on s'y arrête un instant. Il est,
en effet, dans la mythologie, d'autres chasses au sanglier, la
"grande aventure de Calydon" par exemple ; il est, dans la cité,
d'autres chasses encore, qui se partagent avec les précédentes la
faveur des peintres de vases : ce sont les chasses montées mettant
en scène, non plus un héros seul, non plus même Méléagre
entouré de ses compagnons, mais des éphèbes anonymes et A.
Schnapp a pu, naguère, opposer dans un "mouvement double et
contradictoire... la scène de genre au mythe et le mythe à la scène
de genre" et lire dans cette évolution de l'un à l'autre
"l'expression en image des tensions qui traversent la cité" (172).
390

Héraclès et les éphèbes chasseurs ? Lorsqu'on les


rapproche, c'est, semble-t-il, pour mieux les opposer. C'est ce
problème que nous affronterons dans un premier temps, avant
d'étudier à la fois de façon plus singulière (la lutte contre le
tricéphale)
tâche" dontet parle
plus générale
Hésiode(laetsérie
qui des
devait
"travaux")
permettre
cetteau"grande
héros
d'accéder à un nouveau statut : celui d'Immortel.

3-1 Héraclès qui, dans ses cultes, paraît lié de si près aux
éphèbes et probablement, nous l'avons vu, aux vestiges
d'antiques initiations, en est-il le héros paradigmatique ?
Autrement dit, passait-il pour avoir lui-même subi ces épreuves
qui allaient faire de lui "l'initié" par excellence, l'exemple à
suivre ? Il nous paraît nécessaire de préciser, dès l'abord, que
nous n'imaginons pas une minute que le mythe d'Héraclès
chasseur ait pu naître de rites initiatiques. Le héros tueur de lions,
protecteur des troupeaux, serviteur d'Héra s'individualise si
fortement et paraît si vraisemblablement premier (173) que c'est
plutôt à l'une de ces ré-interprétations si fréquentes dans l'histoire
religieuse, à l'un de ces "bricolages" qui expliquent si souvent la
polysémie des mythes que nous avons affaire ici. On a
manifestement chargé de sens une figure, une image mythique
préexistante, la transformant du même coup et la laissant
resémantisée : car c'est bien comme un chasseur qu'apparaît dans
la mythologie ordonnée d'un Diodore ou d'un Apollodore
l'ancien maître des fauves.
Du chasseur, en effet, il parcourt le territoire, non pas la
chôra, la terre fertile et aménagée par l'homme, mais Yeschatié,
cet espace indécis des zones frontalières, ces marges que
l'agriculture n'a pas gagnées (on a pu, d'ailleurs, dans la
première partie relever le caractère "marginal" de nombre de ses
cultes)... Au chasseur, Héraclès emprunte encore une pratique
que les Grecs volontiers opposaient à la conduite loyale de la
guerre (174) : il utilise la ruse, le piège, l'embuscade. S'il
capture la biche cérynite, c'est peut-être, dit Diodore, en la
rattrappant à la course, peut-être aussi en la capturant pendant son
sommeil ou même grâce aux filets... de toute façon,
estime-t-il, c'est son astuce (αγχίνοια) plus que sa force qui
permit au
danger" (175).
héros
Lorsque
de réaliser
les peintres
cet exploit,
de vases "sans
représentent
courirlaaucun
biche
saisie par les bois (l'une des trois variantes distinguées par F.
Brommer pour cette représentation), c'est, semble-t-il, cette
391

facilité qu'ils paraissent traduire (176).


Passons au sanglier d'Erymanthe. Si Diodore donne peu
de précisions et indique seulement qu'Héraclès préféra ne pas
l'attraper trop vivement (177), Apollodore est plus explicite :
c'est vers la neige épaisse qu'il le dirige jusqu'à ce que l'animal,
fatigué, n'offre plus de résistance (178). Quant au combat contre
le lion, s'il témoigne surtout de la force exceptionnelle
d'Héraclès, c'est, pour Diodore comme pour Apollodore, en
bouchant l'issue de la caverne dans laquelle il gîtait que le héros
parvint à l'atteindre (179). Ni l'un ni l'autre ne reprennent
cependant l'accusation - il est vrai malveillante - qu'au Vème
siècle Euripide mettait dans la bouche de Lycos, l'adversaire du
héros : "cette bête qu'il a prise au lacet et qu'il prétend avoir fait
périr enlacée dans ses bras" (180).
Chasseur rusé, Héraclès l'est donc bien, comme il est
également le "guerrier nu" (c'est-à-dire à l'armement léger) que P.
Vidal-Naquet assimile à l'éphèbe (181). Lorsqu'il doit se servir
de ses armes, c'est, sauf exception (182), de la massue (encore
celle-ci apparaît-elle plus souvent comme un attribut que comme
une arme) et de l'arc qu'il fait usage, parfois même du filet et du
lacet : la massue, cette arme d'avant la civilisation qui accentue le
lien d'Héraclès avec la nature sauvage... l'arc qui, en Grèce, est,
lui aussi, du côté de la sauvagerie (183), l'arc dans lequel on peut
encore reconnaître l'arme du chasseur. Dans le Philoctèîe de
Sophocle, c'est l'arc, et très précisément celui d'Héraclès, qui
permet au héros blessé et exilé de survivre grâce à la chasse, dans
l'île de Lemnos, cette eschatié si justement analysée par P.
Vidal-Naquet comme l'envers même du monde de la cité,
elle-même représentée, à Troie, par ses citoyens en armes, les
hoplites (184). C'est cet arc qui permet à Philoctète d'abattre
"oiseau ailé et fauve des montagnes"... Cet arc dont l'absence
fera de lui "un malheureux" susceptible d'aller "en mourant,
fournir une pâture au gibier qui (le) nourrissait" (185).
Or, c'est du trait de ses flèches que, dans la version
d'Apollodore, Héraclès abat la biche cérynite (186). Variante,
reprise, elle aussi, par l'imagerie athénienne (187). C'est
également de son arc qu'il use pour tuer les oiseaux du lac
Stymphale, effrayés, il est vrai, par les cymbales d'airain données
par Athéna (188). La massue, l'arc et les flèches, les filets (contre
la biche cérynite dans l'une des versions rapportées par Diodore),
le lacet peut-être... voilà quelles sont - même s'il arrive
qu'exceptionnellement les peintres représentent le héros attaquant
le lion avec une épée (189) - les armes qui, dans le mythe
d'Héraclès affronté aux fauves, viennent seconder la force et la
392

rapidité proprement surhumaines du héros.


Qu'elles aient fortement contribué à dessiner l'espace et les
caractères de l'action d'Héraclès, la tragédie le prouve, qui fait
exploiter par Lycos, soucieux de porter atteinte à la réputation
d'un rival dangereux, cet aspect du mythe. Privilégiant
l'utilisation
bêtes" auxquels
des lacets
il cherche
et des flèches
à réduire
danslaces
geste
"combats
du héros,
contre
il les
en

conclut que
bravoure" (190).
ce fameux
Pour lui,courage
et c'est "n'est
sans doute
qu'une
uneapparence
opinion très
de
largement partagée à Athènes, "l'épreuve de la bravoure n'est pas
le tir à l'arc"... et Héraclès qui "n'a jamais tenu un bouclier à son
bras gauche ni affronté une lance", qui, "portant l'arc, l'arme la
plus lâche... était toujours prêt à la fuite" (191) est bien dénoncé
ici comme l'antithèse du guerrier loyal, comme l'anti-hoplite, le
chasseur rusé (rappelons ici que Pierre Vidal-Naquet oppose à la
chasse collective des hoplites la chasse rusée des éphèbes) (192),
l'homme qui parcourt, en solitaire, "l'espace étranger et hostile de
Vagros " (193), l'espace même d'Hermès, qui, nous l'avons vu,
partage souvent avec Héraclès la ferveur des jeunes gens (194).
Bref, comment ne pas voir dans ce héros "ensauvagé" un
modèle potentiel pour dire la condition du candidat à l'initiation
lors de "l'épreuve de brousse" ? C'est la raison pour laquelle ne
m'inquiète guère cette opposition entre l'exploit solitaire et la
chasse collective qui serait celle des hommes de la cité.
L'initiation des jeunes gens (qu'elle reste fortement présente dans
les institutions comme pour les jeunes Spartiates - et tout
particulièrement pour ceux qui sont soumis à l'épreuve de la
cryptie - ou qu'elle ne transparaisse guère qu'au travers de rites
résiduels et de mythes étiologiques, comme à Athènes -) est
certes collective (elle est l'affaire de toute une classe
d'âge) - mais l'épreuve laisse le novice solitaire... Plus solitaire
encore celui qui subit une initiation plus poussée, celle qui, par
exemple, habilite au pouvoir.
Qui pourrait donc véritablement jurer que le syntagme
homme/lion (ou homme/sanglier) ne renvoie qu'à l'exploit
d'Héraclès et pas, dans le même temps, à la chasse (195) ?
Quelques représentations, en tout cas, permettent d'en douter, qui
les associent sur le même vase : c'est, par exemple, le cas de
l'amphore du Louvre récemment commentée par C. Bérard
(196). Héraclès figure sur le col, armé de sa massue et se porte à
la rencontre du lion (l'arc et les flèches, dans le champ de la
représentation, complètent l'identification du héros). Sur l'épaule
deux épisodes opposent au lion, sur une face, un homme barbu
brandissant un bâton (sous le regard de trois autres personnages),
393

sur l'autre face, un éphèbe secouru par un compagnon. L'auteur a


raison, me semble-t-il, de refuser l'identification à Héraclès des
trois protagonistes. Peut-être peut-on aller plus loin et voir dans
l'articulation de ces trois scènes un peu plus qu'un modèle de
courage offert par l'exemple du héros aux hommes de la cité ?
Un dernier problème : Héraclès chasseur est affronté à des
animaux : cerfs, sangliers, qui sont ceux-là mêmes de
l'expérience cynégétique des Grecs. Il dompte encore - d'une
manière que la tradition n'explicite guère - le taureau furieux de
Crète et les cavales de Diomède. Mais même ces animaux qui
peuvent sembler appartenir à la réalité des Grecs, sont déjà, en
fait, du domaine de l'imaginaire : la biche a des cornes d'or ; les
cavales (et peut-être les oiseaux du Stymphale) (197) sont
anthropophages ; quant au lion, non seulement il est "d'une taille
monstrueuse", (198), mais il est "invulnérable au fer, à l'airain,
aux pierres" (199)... Est-il alors indispensable de se demander si
les Grecs ont pu avoir l'expérience de la chasse au lion ? Si l'on
en croit Pausanias, il semble bien que tel soit le cas, au moins
pour Polydamas dont il rapporte l'histoire (200)... histoire
confirmée d'ailleurs par la base glorifiant la victoire du Thessalien
à Olympie (201)... mais est-ce véritablement capital - pour le
problème qui nous occupe bien sûr - ?
Il faut redire ici que, si l'épisode du lion de Némée est,
dans toutes les versions du mythe, le premier des travaux
d'Héraclès, c'est probablement, nous l'avons vu, parce qu'il
traduit dans l'histoire du héros grec une image primordiale.
Maître des lions, Héraclès l'est, en effet, comme l'était Bès le
dieu égyptien présent à Chypre dès le Bronze récent, Gilgamesh
dont
"homologue"
la légendegrec,
présente
commetantl'était
de points
Nergal,
communs
encore,avec
auquel
celle
futdeaussi
son
assimilé le héros grec (202). Il est donc, pour le paradigme du
chasseur qu'est devenu Héraclès, un élément emprunté, hérité,
plus qu'une image issue de la réalité quotidienne (203).
Il faut aussi remarquer que même le chasseur de la biche,
du sanglier et du lion est déjà, par le caractère merveilleux des
animaux auxquels il est affronté, un chasseur de monstres, et
c'est sans difficulté aucune qu'on passe au combat contre l'hydre
aux cent têtes ou contre le triple Géryon... luttes véritablement
inégales, victoires impossibles auxquelles peut seul prétendre le
héros... Le héros... ou le futur initié dans le monde surnaturel
qui, un temps, est le sien. Le caractère symbolique prend
décidément le pas sur l'expérience vécue, la représentation sur la
figuration du réel.
On connaît bien, désormais, la valeur initiatique de la "lutte
394

contre le monstre" : triomphe d'Oedipe sur le Sphinx, de Thésée


sur le Minotaure etc... Epreuve à laquelle maintes fois fut affronté
Héraclès, qu'il s'agisse du monstre marin figuré au fronton de
l'ancien temple d'Athéna sur l'Acropole d'Athènes (204), du
dragon des Hespérides ou du triple Géryon qui, dans la brumeuse
Erythie, gardait les boeufs qu'Eurysthée demanda un jour à
Héraclès de rapporter dans son royaume.
Ce dernier exploit est, dans toutes les versions "complètes"
des athloU le dixième des travaux imposés au héros. H est aussi,
nous a-t-U semblé, la séquence la plus riche, la plus chargée
d'histoire peut-être...
Pour Diodore, en effet, le voyage vers 111e lointaine de
Géryon est devenu, nous l'avons vu, une véritable saga, la geste
occidentale d'un héros transformé par les Grecs de la colonisation
en archégète mythique et en modèle paradigmatique de
l'acculturation des Barbares. Géryon, lui aussi, a évolué et avec
lui le caractère même de l'exploit : Héraclès n'est plus le héros
qui combat seul un monstre tricéphale, il est le chef de guerre qui
lève une armée et équipe une flotte puissante pour vaincre les trois
fils de Chrysaor ainsi nommé à cause de ses richesses (205),
interprétation évhémériste annoncée peut-être par Hécatée de Milet
(206) et dont on retiendra - je crois qu'il est intéressant - le
caractère militaire.
Cette triplicité de Géryon (dont la conception a ainsi varié
au cours des siècles), G. Dumézil l'a retrouvée dans d'autres
figures des mythologies indo-européennes. "Elle se retrouve,
écrit-il, dans les mythes et légendes qui semblent conserver le
souvenir d'initiations militaires" (207). Elle y revêt, ajoute-t-il,
"des précisions diverses généralement monstrueuses" (208) :
c'est, par exemple, le démon tricéphale des légendes
indo-iraniennes que tue le dieu védique Indra, patron des
guerriers, ou que réduit à l'impuissance le guerrier avestique
Thraëtona, démon qui confisque, notons-le, grâce à ses trois
bouches toute nourriture et toute offrande au grand dam de la
collectivité humaine et de la collectivité divine (209). Peut-être
n'est-il pas déplacé de rappeler ici que les boeufs dérobés à
Géryon seront sacrifiés, deviendront donc, ou sur la route du
retour, ou au sanctuaire d'Héra argienne, ou plus tard
encore - car ceux qui s'échappent fonderont les races bovines les
plus réputées de la Grèce - à la fois offrandes pour les dieux, et
nourriture pour les hommes !
Le monstre triple, c'est encore en Scandinavie Hrungnir,
"le géant au coeur tricornu" qu'abat Thôrr, le "dieu champion"
(210).
395

C'est enfin celui auquel est affronté Cuchulain dans "le plus
clair roman d'initiation guerrière que nous ait transmis le monde
celtique", mais la triplicité est ici celle "de trois frères doués de
propriétés surhumaines, mais non monstrueux, solidaires, mais
non fondus(211)...
péripétie" que le héros
Trois tua
frères,
successivement
comme les Curiaces
dans un duel
à Rome
à triple
et
comme - ajouterons-nous. - les trois fils de Chrysaor dans la
légende d'Héraclès telle qu'elle est rapportée par Diodore !
Aux témoignages littéraires rassemblés par G. Dumézil,
nous n'ajouterons qu'une bien curieuse rencontre : celle
d'Héraclès et du "Tricaranos", le monstre infernal des stèles
dauniennes, rencontre qui survit peut-être dans le mythe de Cacus
(212) et qui, en tout état de cause, pourrait bien expliquer le grand
succès du héros grec auprès des peuples italiques.
Que le combat contre l'adversaire triple ait bien été une
épreuve initiatique pour les jeunes guerriers indo-européens, il
paraît difficile d'en douter (213), mais comment le mythe a-t-il pu
naître ? G. Dumézil suppose que ce qui était difficile à divulguer
en tant que pratiques secrètes, un auteur pouvait toujours le
décrire "comme événements arrivés une fois, par hasard, dans la
biographie d'un grand homme" (214)... ou, ajouterons-nous, en
accordant une part nettement moindre au hasard, à un héros, un
personnage mythique déjà connu et susceptible, par certaines
fonctions qu'il exerçait, certains attributs qu'on lui prêtait,
certaine image qu'on avait de lui, de capter ce nouvel héritage et
de devenir ainsi une sorte de modèle pour la jeunesse à initier.
C'est, semble-t-il,
"dérivation" du mythe
cette en
hypothèse
ce qui concerne
qui rend Héraclès
le mieux compte
: le serviteur
de la
d'Héra, le maître des fauves est devenu le héros paradigmatique
du jeune guerrier indo-européen... un héros de la seconde
fonction... Poussons encore l'hypothèse : parce que, dans
l'idéologie tripartie des Indo-Européens les trois fonctions sont
hiérarchisées, parce que les guerriers sont soumis au pouvoir
souverain, ne serait-il pas logique de considérer les rapports
d'Héraclès à Eurysthée - qui représente la fonction
royale - comme le nécessaire corollaire de cette transformation
majeure ? Il fallait alors expliquer cette soumission, Héraclès
avait besoin d'une légende... légende déjà connue d'Hésiode
(215) et d'Homère qui mentionne aussi bien l'hostilité et la ruse
d'Héra que les rudes travaux imposés par Eurysthée (216).
Homère connaît donc les "travaux" d'Héraclès, il sait aussi
l'aide constante que lui apporta Athéna, mais de ces exploits un
seul est retenu : le voyage aux Enfers pour en ramener "le chien
du cruel Hadès" (217). Mieux, de cette victoire du héros sur la
396

mort, sur Hadès, l'aède rapporte une autre tradition : "à Pylos,
au milieu des morts" une flèche "du rude enfant d'Amphitryon" a
frappé le dieu et l'a "livré à la souffrance" (218)... Enfin, si, dans
YHiade, Héraclès, vaincu par "le cruel courroux d'Héré" (219),
n'échappe pas lui-même à la mort, si, dans la Nekyia encore,
Ulysse l'entrevoit au royaume des morts, Homère, peut-être, sait
que le véritable Héraclès, lui, séjourne parmi "les Immortels dans
la joie des
prises" (220).
festins"...
La victoire
en compagnie
sur la mort,
d'Hébé
déjà donnée,
"aux chevilles
semble-t-il,
bien
par le meurtre du tricéphale (221), est là explicite. Elle marque
avec une obstination curieuse les derniers travaux du héros, en
donnant comme la signification profonde.
En effet, et c'est le dernier point que nous voudrions
souligner ici, indépendamment de telle ou telle séquence (222), la
série même des "travaux", épreuves successives et dont nous
aurons pu, je l'espère, noter la difficulté croissante et surtout la
charge symbolique de plus en plus forte, témoigne en faveur de
l'initiation, comme en témoigne encore le thème du voyage vers
l'Ouest, vers les "portes du soir", qui sont le théâtre des deux
derniers exploits "terrestres" d'Héraclès, vers ces seuils où se
croisent Jour et Nuit, où le sommeil et la mort peuvent
surprendre, une eschatié encore, un no man's land où, une fois
de plus, se rejoignent le chemin d'Hermès et celui d'Héraclès
(223).
Nous sommes passés du profane au sacré, de la vie de tous
les jours à la mort de l'initié, gage de sa renaissance à un statut
nouveau... Autre lecture possible : nous avons franchi,
peut-être, aussi différents degrés de l'initiation : le plus banal, le
plus proche du quotidien et le plus accessible ; l'initiation plus
qualifiante du guerrier ; celle enfin qui confère une expérience
religieuse exceptionnelle. Héraclès a passé les bornes de
l'humanité : ses efforts pour pénétrer dans "le domaine interdit",
qu'il soit celui des Enfers ou celui du merveilleux jardin des
Hespérides (224), cette quête du "pays transcendant", font de
lui - et c'est bien ce que dit le mythe qui lie, par exemple, les
pommes d'or et l'immortalité (225), ce que disent plus nettement
encore les peintres de vases, lorsqu'ils représentent Héraclès
remettant directement les fruits à l'assemblée des dieux (226) - le
digne compagnon des Olympiens.
397

3-2 Passer des "Travaux" à la vie d'Héraclès, c'est, dans


une certaine mesure, passer du mythe à la légende. De tels
exploits, en effet, même lorsqu'ils se sont enrichis, dédoublés et
même lorsque le sens s'en est modifié, représentent encore assez
fidèlement la raison d'être du héros : les difficultés de l'action
humaine, confrontées à l'ordre du monde. Cristallisés autour
d'un personnage devenu "modèle", les travaux s'intègrent dans
une "biographie" qui, dans la mesure même où elle se veut
cohérente, doit concilier des traditions d'origine diverse,
expliquer, bref inventer... C'est à cette étape de l'évolution qu'à
notre avis, s'appliquent les analyses de G. Dumézil, ces fils
conducteurs qu'il retrouve dans la vie d'Héraclès, pour faire du
héros, dans le cadre de la trifonctionnalité indo-européenne, le
prototype du guerrier : héros de la seconde fonction, Héraclès le
serait par ses trois mariages (227) ; il le serait aussi - et
surtout - par ses trois "péchés", qu'il commet contre le code de
l'honneur guerrier, trois épisodes "idéologiquement solidaires" et
immédiatement suivis d'une "punition" qui chaque fois l'affecte
dans l'ordre des trois fonctions également (228)... Quel que soit
le bien-fondé de l'interprétation (229), elle ne peut rendre,
notons-le, toute la richesse sémantique du mythe dont elle
n'explique vraiment que l'une des dérivations : celle que les
Indo-Européens lui ont fait subir, créant (ou récupérant... c'est
un problème important) le modèle paradigmatique de l'initié pour
en faire le prototype d'un héros exclusivement guerrier.
Ce que j'ai voulu faire ici, - et il me semble que l'étude des
cultes et des travaux d'Héraclès m'y autorisait - c'est relire, à la
lumière de l'initiation, ce véritable roman qu'est devenue la vie du
héros... l'idée, d'ailleurs, m'en a été donnée par un problème
resté pour moi longtemps insoluble, celui de la place que tient,
tant dans le récit de Diodore que dans celui d'Apollodore,
l'épisode au cours duquel les dieux dotent Héraclès de ce qui
devait être son équipement. Rien à voir, en effet, avec les dons
des fées autour du berceau de la Belle au bois dormant, ou, plus
proche d'Héraclès, avec les attributs qui feront de Pandore ce
beau mal envoyé aux mortels. H ne s'agit nullement, par ces
dons, de promettre (ou de déterminer) une belle carrière. Celle-ci
est très largement commencée. Chez Apollodore, après ses
prouesses enfantines, le héros, gardant les troupeaux
d'Amphytrion, a déjà tué un premier lion, celui du Cithéron
(230) ; il a encore, pour défendre Thèbes, lutté victorieusement
contre les Minyens (231) ; il a enfin, cinquante nuits durant,
défloré et engrossé les cinquante filles de Thestios (232)... C'est
398

alors qu'ayant appris d'Eurytos à tirer de l'arc, il reçut d'Hermès


une épée, d'Apollon des flèches, d'Héphaistos une cuirasse d'or,
d'Athéna un péplos et qu'il se coupa lui-même une massue dans
la forêt de Némée (233). Suivent directement le rappel de la folie
envoyée par Héra, le meurtre (par le feu) de ses enfants nés de
Mégara, l'exil et la consultation de l'oracle de Delphes et enfin la
soumission à Eurysthée pour accomplir les douze travaux qui
devront le rendre immortel.
Devant le texte de Diodore l'étonnement est plus grand
encore. Si l'on retrouve les prouesses d'Héraclès au berceau et sa
lutte pour délivrer Thèbes du tribut imposé par les Minyens,
l'exposé des aîhloi est littéralement coupé en deux : d'abord les
travaux proprement peloponnésiens (auxquels s'ajoute la capture
du taureau crétois) (234)... Bien après, ceux qui font d'Héraclès
un héros parcourant le monde (235). Entre les deux, deux
épisodes - la fondation des Jeux Olympiques (236), la
Gigantomachie (237) - qui mettent le héros et les dieux
étroitement en rapport et c'est entre ces deux épisodes, "lorsqu'il
se fut retiré de la guerre pour se délasser dans les fêtes, dans les
assemblées et les jeux", dit Diodore, qu'il reçut les présents que
lui firent les dieux "pour honorer sa bravoure", présents très
voisins de ceux que donne Apollodore : le péplos qui vient aussi
d'Athéna, la cuirasse d'Héphaistos (mais aussi la massue), l'épée
d'Hermès... l'arc (et non plus les flèches) d'Apollon... Il s'y
ajoute un cheval donné par Poséidon, et Déméter crée pour lui les
Petits Mystères (238)... Tradition revue et corrigée certes (le don
de Déméter est là pour le prouver), mais bien curieuse...
A l'apparente incohérence de ce don trop tardif, on peut, me
semble-t-il, proposer une explication : si c'est à ce moment
seulement qu'Héraclès reçoit les armes du chasseur ou du
guerrier qu'il sera pour la postérité (et nous pouvons noter en
effet l'importance de l'armement hoplitique dans un ensemble qui
mériterait, évidemment, une étude de détail) (239), n'est-ce pas
un souvenir de l'initiation ? C'est en effet après avoir fait ses
preuves que l'initié reçoit ses armes. Il en est ainsi pour les
populations de Mélanésie ou de Polynésie étudiées par A. van
Gennep et pour bien des ethnies africaines... On sait qu'il en était
de même en Crète et à Thèbes où le don de l'équipement militaire
se faisait lors de l'initiation et dans le cadre des relations
homosexuelles que nous avons étudiées... Mieux, il est un lieu
où le don des armes est directement mis en rapport avec Héraclès
(mais en dehors de tout contexte pédérastique) : à Thasos, en
effet, la cité, par l'intermédiaire de ses polémaTques, offre aux fils
"des héros morts à la guerre" qui ont atteint leur majorité "des
399

cnémides, une cuirasse, un poignard, un casque, un bouclier, une


lance dont la valeur ne sera pas inférieure à trois mines". Or c'est
"aux Héracleia, lors du concours ", qu'est remise aux
bénéficiaires cette panoplie guerrière (240).
Peut-être même est-ce encore en gardant à l'esprit ces
pratiques initiatiques qu'il faut interpréter le changement de nom
d'Héraclès (241), un nom qui en quelque sorte le "consacre" et
consacre aussi une gloire déjà en partie acquise pour ou par Héra
(242).
Ce passage, décidément captivant, du don des dieux retient
encore par un détail : le don du péplos que lui accorde Athéna, la
déesse qui, par excellence,le protège tout au long de sa carrière
terrestre... un don que visiblement Diodore s'explique mal, car il
s'efforce de le justifier par une opposition entre un dieu "qui ne
travaille qu'aux arts de la guerre" Héphaïstos, et une déesse qui
ne songe "qu'aux plaisirs de la vie pacifique" (243)... un don qui
embarrasse tout autant les traducteurs français puisqu'ils
répugnent à y voir un vêtement féminin, sans doute jugé peu
compatible avec cet exemple de virilité qu'est Héraclès et qu'ils en
font un manteau, ou plus vaguement encore un voile (244). En
fait, Nicole Loraux a raison, incontestablement, d'y voir le
vêtement des femmes et raison encore d'estimer que, s'il est vrai
que le péplos est un peu l'attribut d'Athéna, c'est "un péplos et
non le sien propre" que la déesse offre au héros et qu'il ne serait
pas légitime, en conséquence, de se contenter de cette
explication... (245) Enfin, lorsqu'elle confronte ce péplos
d'Héraclès à d'autres traditions qui assignent au héros le port du
vêtement féminin (l'épisode chez Omphale, par exemple, ou la
tunique de mort que lui envoie Déjanire, que nous retenons
volontiers, alors que nous réfutons les exemples afférant au culte
d'Héraclès) (246), lorsqu'elle rapproche cet Héraclès féminisé
par son vêtement de l'Héraclès soumis "au joug tyrannique du
pouvoir féminin" (247) (l'expression est sans doute un peu
abusive) et d'un Héraclès qui (dans les Trachiniennes de
Sophocle par exemple) souffre et pleure comme une femme
(248), elle a totalement raison de repérer là l'une des
contradictions du héros et une preuve supplémentaire de son
ambivalence fondamentale... Bref, lorsqu'elle affirme qu'"avec
Héraclès nous tenons l'une des figures grecques de la féminité
dans l'homme" (249), elle met l'accent, avec l'intuition qui lui est
habituelle, sur cet aspect, certainement plus important qu'il n'y
paraît, du mythe. Sur ce terrain, "aussi mouvant à l'infini que
celui des échanges entre le masculin et le féminin" (250), je crois,
comme elle, que la psychanalyse peut apporter beaucoup aux
400

historiens. Mais à partir de là, peut-être faut-il faire état de


divergences. Bien sûr, N. Loraux se défend d'analyser Héraclès
lui-même, mais bien plutôt "l'imaginaire grec à l'oeuvre dans la
constitution de la figure héroïque" (251) et l'enseignement du
péplos d'Héraclès lui paraît être cette "révélation de la faiblesse
tapie dans la force et occasion pour la force de circonscrire en soi
la féminité" (p. 718). Vérité qu'on peut trouver, peut-être, trop
universelle pour des images aussi précises... Ne peut-on
l'inscrire historiquement, retrouver trace, dans la préhistoire de la
Grèce, de et péplos par trop gênant ? Nicole Loraux l'a envisagé
un moment, lorsqu'elle évoque le déguisement féminin d'Achille
à Skyros ou la robe de Thésée adolescent et rappelle, à leur
propos, cette loi d'inversion qui dramatise le passage à l'âge
adulte... Si elle l'écarté, c'est précisément à cause de la place de
l'événement dans le récit de Diodore... Or il n'est pas possible, je
crois, d'isoler le péplos des autres présents divins, il fait partie
d'un même ensemble et toute explication qui ne prend pas en
compte également le don des armes s'avère insuffisante.
En effet, comme le don des armes, le vêtement féminin
s'inscrit parfaitement dans la logique de l'initiation : phénomène
d'inversion, certes, mais au-delà sans doute, nous l'avons vu,
symbole de cette ambiguïté sexuelle majeure dont les Grecs
paraissent affecter la période de la puberté. Souvenir, peut-être,
de cette relation primitive, la robe longue, restera d'ailleurs, dans
l'esprit des Grecs, liée à l'initiation - celle qu'ils connaissent
désormais : celle des Mystères. Dionysos, par exemple, la reçoit
de Rhéa, lorsqu'en Phrygie elle lui enseigne la célébration des
mystères (252) et, lorsque Cadmos, à la recherche d'Europe,
arrive à Samothrace, lorsqu'il est initié et épouse Harmonie,
parmi les présents des dieux - présents de noce et instruments
des mystères à la fois - figure le péplos donné ici, comme à
Héraclès, par Athéna (253).
Changement de nom, don des armes, travesti sexuel...
Continuant dans cette voie, c'est encore à l'allaitement du héros
par Héra qu'il conviendrait de porter attention. Interprété dès
l'Antiquité, et accepté par les historiens comme le symbole de
l'adoption d'Héraclès par la déesse, ne prend-il pas tout son sens
si on le considère - toujours dans le cadre du scénario
initiatique - comme le symbole de la "renaissance" du héros,
renaissance à un monde différent : celui des dieux auquel il
accède grâce à cette Mère divine (254). Et, c'est à Thèbes,
précisément, que Pausanias a pu voir "un endroit où l'on dit
401

Fig. 28 : Herclé allaité par Uni

, Miroir étrusque (Museo civico de Bologne).


P'apjès M. RENARD, Herclé allaité par Junon,
■- Hqnmages
" à Jean
pp. 611-618,
Bayet, Latomus,
fig. 1. LXX, 1964,
402

Fig. 29 : Héraclès allaité par Héra

Illustration non autorisée à la diffusion

1. Lécythe
df Anzi provenant

(British Muséum F. 10).

2. Dessin d'après M. RENARD, Hercule allaité par Junon,


loc. cit., fig. 6.
403

qu'Hérà... donna elle-même à téter au petit Héraclès" (255)...


celui probablement dont Diodore rapporte qu'à son époque encore
on l'appelait "champ d'Héraclès", parce qu'Héra y avait, sur les
conseils d'Athéna, allaité l'enfant exposé par sa mère (256).
Tradition tardive, dira-t-on, et répandue surtout chez les
Etrusques (fig. 28) (257)... Peut être ... On remarquera
cependant que, si tel est le cas, elle correspond chez eux à un
choix cohérent, puisque nous avons vu plus haut que, parmi les
thèmes héracléens, ils ont sélectionné aussi celui qui lie
étroitement Héraclès et les éphèbes, dans le cadre probable de la
palestre. On remarquera encore que le "motif appartient de plein
droit à l'héritage grec, comme en témoignent quelques sources
(rares il est vrai !) tant littéraires (258) qu'iconographiques. Sur
un lécythe aryballisque apulien (fig. 29), daté de la première
moitié du IVème siècle, Héra, en effet, allaite un jeune enfant qui,
plus que l'Héraclès - souvent barbu - des miroirs étrusques,
évoque le bébé auquel, selon Pausanias et Diodore, sa marâtre,
sans le reconnaître, donna le sein, lui conférant ainsi l'immortalité
(259).
Comme le triomphe sur la mort, plusieurs fois redit dans le
mythe, la conquête de l'immortalité apparaît, dans la vie même du
héros, redoublée encore et encore. Chez Hésiode, déjà, c'est
Hébé, fille d'Héra, qui installe Héraclès dans la jeunesse
éternelle ; Hébé l'échanson des dieux, Hébé la jeunesse,
l'adolescence, peut-être même - pour tout dire - une première
façon de dire l'éphébie à Athènes (260).
C'est enfin - et toujours à Athènes ! - l'initiation du héros
aux mystères d'Eleusis. Si Héraclès a réussi à triompher du chien
aux trois têtes (encore un monstre triple), c'est parce qu'il avait
vu "les orgies des mystes", affirme Euripide (261), tradition
reprise ensuite tant par Diodore que par Apollodore (262)...
Comme pour Hésiode, les travaux d'Héraclès restent, pour les
mythographes, le gage de son immortalité, mais, si le héros a
vaincu Cerbère, s'il a triomphé de la mort, c'est parce qu'il a été
initié à Eleusis.
Des initiations tribales, nous sommes passés aux mystères.
404

CONCLUSIONS

"Mort et initiation se
ressemblent, aussi bien le mot
que la chose..."

Plutarque l'affirme dans le De Anima et c'est bien,


pensons-nous, ce triomphe sur la mort qui lie deux phénomènes
aussi différents que l'initiation tribale et l'initiation au sens où
l'entendaient les Grecs, celle des mystères. Une mort simulée,
temporaire, dans le premier cas, la mort à l'enfance... La mort,
dans le second cas, et l'angoisse que toujours elle a suscitée, la
mort que dans toutes les cultures les hommes ont cherché à
apprivoiser. Ainsi Héraclès, pour nous encore, aura été le moyen

d'un passage.
"traversé" cet espace
Parceduqu'initié
sacré où plonge
lui-même,
le novice
parce
dans qu'ayant
ce temps
de latence où il n'a plus ni nom, ni passé, ni parents, ni droits, ni
devoirs d'aucune sorte, où, pour reprendre les termes de René
Girard, "il est réduit à l'état de chose informe et innommable"
(263), il était
"passage" décisif,
à même
de quitter
de triompher
définitivement
victorieusement
le monde aussi
profane
du

pour s'arrimer à celui des dieux : c'est, en effet, le rôle des


mystères que de mettre le néophyte en communication directe et
définitive avec le sacré (264). Cette ultime transformation
supposait, bien sûr, une évolution religieuse profonde des
Grecs : c'est toute la distance qui existe entre la blessure faite à
Hadès ou la victoire sur le monstre et la conquête des pommes
d'or gage d'immortalité... Et si c'est l'examen attentif de réalités
cultuelles qui nous a invitée à reconsidérer ainsi un mythe trop
connu, trop chargé de sens par des générations d'anciens - et de
modernes -, c'est parce qu'au fond le rite "bouge" moins que le
mythe.
Et c'est précisément sur les "dérivations" du mythe que
j'aimerais conclure : le fil conducteur d'un Héraclès héros
paradigmatique de l'initiation permet, semble-t-il, d'appréhender
l'une de ses transformations majeures - riche de développements
potentiels - son inscription dans le cadre de la seconde fonction
indo-européenne, et, s'il n'en épuise pas, loin de là toute la
richesse sémantique, il permet d'inscrire dans l'histoire
quelques-unes des ambiguïtés d'Héraclès, quelques-unes des
particularités de la légende.
405

Mais - et c'est, espérons-le, la preuve de sa validité - ce


fil conducteur nous aura fait découvrir ce qui, au-delà des
dérivations successives, toujours demeure, la pérennité du
mythe : en l'occurrence les relations privilégiées du héros avec la
mort. On nous reprochera peut-être "d'inventer une préhistoire au
héros", de céder au péché majeur "de la recherche d'une genèse
perdue"... H nous semble pourtant que loin "d'évacuer toutes les
tensions constitutives de la pensée des Grecs telle qu'à une
époque historique on la voit fonctionner", une telle recherche ne
peut que les éclairer (265).
C'est aussi cela le polythéisme grec : le poids du passé et
le jeu complexe des héritages.
NOTES DE LA TROISIEME PARTIE

1- G. DUMÉZIL, Horace et les Curiaces, Paris, 1952.


2- Cf. sur ce point le séminaire de D. MUSTI, à Besançon, le 6 novembre
1985.
3- Ce n'est pas ici la carrière du guerrier telle que l'expose G. DUMÉZIL dans
Heur et Malheur du guerrier, Paris 1969, que nous reprenons. Nous
reviendrons plus tard sur cette vie d'Héraclès rythmée par les trois "péchés"
du guerrier et les "punitions " qu'ils entraînent (cf. infra p. 397 ).
4- ATHÉNÉE, Deipnosophistes, ΧΙΠ, 556, e. (voir encore XIII, 556 f . et XII,
512 e-f).
5- PAUSANIAS, ffl, 14, 8,
6- PAUSANIAS, III, 14, 9.
7- H. JEANMAIRE, Couroi et Courètes, Lille 1939.
8- HÉRODOTE, 1,65.
9- PAUSANIAS, III, 14, 8. C'est probablement PLATON qui, dans les Lois,
nous donne le premier témoignage de ces luttes entre agelai que toutefois il
ne nomme pas (632-633c).
10- H. JEANMAIRE, par exemple, rapporte la description de l'îlot du
Platanistas par Pausanias, mais ne dit rien de la présence d'Héraclès ; il ne
relève pas non plus la prégnance du souvenir du héros auprès du dromos et
de Xhiéron de Lycurgue. Cf. infra p. 361.
11- Nous n'aborderons pas ici le problème de la double nature - héros et
dieu - d'Héraclès ; notons cependant que pour PAUSANIAS (1, 15, 3 et I,
32, 4) les habitants de Marathon prétendaient être les premiers à avoir
considéré Héraclès comme un dieu. Pour Diodore, cependant, c'est en Sicile,
à Agyrion que le héros consentit pour la première fois à recevoir les
honneurs divins (IV, 24, 1) ; il est vrai qu'ailleurs (IV, 39, 1) il rend
également justice aux droits des Athéniens, comme le faisait déjà Isocrate
(V, 33).
12- Nous avons déjà souligné (cf. notre prologue p. 62 et note 256) ces liens
étroits qui unissent l'Héraclès des "Travaux" et l'Héra d'Argos et nous
aurons l'occasion d'y revenir plus longuement dans notre quatrième partie.
Quant à Thèbes où la légende constituée transporte le héros peu après sa
naissance, elle paraît être le centre où s'élabore cette véritable biographie qui
constitue le héros en "personnage".
13- II faut cependant rappeler ici que de la Périégèse de PAUSANIAS, seule est
conservée la description de la province romaine d'Achaïe.
14- S. WOODFORD, Cuits of Héraclès in Attica, Studies presented to George
MA. Hanfman, Mayence 1971, pp. 211-225, particulièrement p. 211.
15- EURIPIDE, Héraclès, 1324-1333. Thésée demande à Héraclès de venir à
Athènes : les téménè qui lui ont été donnés (à lui Thésée) par les
Athéniens "porteront désormais (son) nom et Oui) appartiendront tant qu'(il)
407

vivra". De même, d'après PLUTARQUE {Thésée, 35), le héros athénien


aurait consacré à Héraclès tous ses téménè (sauf quatre) et changé leur nom
de Théséia en celui d'Héracléia .
16- On ajoutera que, près du sommet du Mont Hymette, un dépôt d'offrandes a
été attribué à Héraclès dans un sanctuaire fouillé par l'American School of
Classical Studies en 1939. Or certaines de ces offrandes datent du Xème
siècle. Cf. R.S. YOUNG, Excavations on Mt Hymettos, 1939, AJA, 44,
1940, pp. 1-9 ; M.K. LANGDON, A Sanctuary of Zeus on Mt
Hymettos, Hesperia, suppl. XVI, 1976, pp. 87-89 et 97-98. Cf. A.
SNODGRASS, Les Origines du culte des héros dans la Grèce antique, La
mort, les morts dans les sociétés anciennes. Cambridge/Paris, 1982, pp.
107-119.
17- Pour une recension de lieux de culte à Héraclès en Attique, voir S.
WOODFORD, loc. cit., p. 215 sq.. qui, outre les sanctuaires
précédemment cités, en étudie plus de dix autres.
18- STÉPHANE DE BYZANCE, sv. Echelidae; POLLUX, IV,
100 ; HÉSYCHIUS, sv. Tetrakomos . Cf. W. JUDEICH, Topographie
von Athen, Munich, 1931, p. 174.
19- PAUSANIAS, I, 30, 2. Cf. encore, W. JUDEICH, op. cit., p. 413 et C.
PÉLÉKIDIS, Histoire de Véphébie attique, Paris, 1962, pp. 261-262 : le
gymnase existait déjà à l'époque de Pisistrate.
20- HÉSYCHIUS, s.v. Melon Herakles ; ZENOBE, 5, 22.
21- Cf. O. GRUPPE, Herakles, RE suppl. 3 (1918), 926 ; H. DETTMER,
De Hercule Attico, Bonn, 1869 ; A. FRICKENHAUS, Das Herakleion von
Melite, Ath. Mitt XXXVI, 191 1 .
22- Ces sanctuaires, célèbres grâce aux épisodes de la première guerre médique,
étaient suffisamment vastes pour que l'armée athénienne pût y camper. Cf.
HÉRODOTE, VI, 108 et 115 : "Les Athéniens avaient pris position dans
une enceinte consacrée à Héraclès à Marathon, lorsqu'ils reçurent le renfort
des Platéens" (108) et "Partis d'un téménos d'Héraclès, celui de Marathon,
ils campèrent dans un autre Héracléion, celui du Cynosarge" (115) pour se
porter à la défense de leur ville.
23- ARISTOTE, Constitution d'Athènes, LIV, 7.
24- SEG, X, 2, musée épigraphique d'Athènes n° 13046. Cf. S. WOODFORD,
loc. cit., p. 217 ; cf. déjà E. VANDERPOOL, An Archaïc Inscribed Stèle
from Marathon, Hesperia, II, 1942, p. 335 sq..
25- PINDARE, Olympiques, IX, 88 sq.. Le prix donné au vainqueur des
concours de Marathon était en effet une phiale d'argent. Cf. encore
PINDARE, Olympiques, XIII, 110 elPythiques, VIII, 79.
26- La belle traduction de A. PUECH (Les Belles Lettres, 2ème éd. 1931)
affaiblit peut-être l'aspect initiatique de ces jeux en traduisant agôn par
combat et surtout en transcrivant par "contre des rivaux plus âgés" le génitif
πρεσβυτέρων qui suggère mieux l'appartenance à une classe d'âge.
27- Cf. P. KAVVADIAS, Έφ. 'Αρχ. , 1897, c. 195-200. Voir aussi H.I.
408

MARROU, Les classes d'âge de la jeunesse Spartiate, REA, XLVm, 1946,


pp. 216-230, surtout p. 226 et n. 3.
28- L. ZIEHEN, RE, 1949, sv. Parasitoi 1377-1381 et H. DETTMER, op.
cit., p. 25, cf. S. WOODFORD, loc. cit., p. 215 et notes 42 à 44. S'ils se
retrouvent liés à d'autres cultes de l'Attique, ces "Parasites" semblent
cependant dévolus plutôt au service d'Héraclès. Cf. ATHÉNÉE, VI, 234 à
235 f.
29- ATHÉNÉE, VI, 234, et PLUTARQUE, Thémistocle, 1, 2. Plutarque ajoute
que cette particularité avait pour origine le fait qu'Héraclès était lui-même
un bâtard parmi les dieux. Plutôt qu'à cette explication des pratiques
cultuelles par le mythe qu'acceptent L. FARNELL (Greek Hero Cuits and
Ideas of Immortality, Oxford, 1921, pp. 164-165) ou G. MURRAY (Five
Stages of Greek Religion, New- York, 1955, p. 86), il paraît préférable de
penser, comme l'ont fait H. DETTMER, ou O. GRUPPE, comme le fait
encore S. WOODFORD (p. 216) à une concentration particulièrement forte
des nothoi dans le dème de Diomeia. Sur ce dème et son importante
population étrangère (le tribunal du Palladion pourrait s'y trouver), sur
l'ancienneté même de cette particularité, voir M. ZAMBELLI, II démo di
Diomeia, le metageitnia e le origini dei Gefirei, dei Mesogei e dei Salamini,
Rivista di Filologia e di Istruzione classica, 104, 1976, pp. 162-181.
30- PAUSANIAS, I, 19, 3 Cf. encore PHOTIUS, SUIDAS, HESYCHIUS et
STÉPHANE de BYZANCE, s.v. Kynosarges.
31- PAUSANIAS, I, 19, 3.
32- Pour une telle étude on pourra se reporter à S. WOODFORD, loc. cit., et à
ses importantes notices bibliographiques.
33- PAUSANIAS, IX, 11, 1. Cf. aussi EURIPIDE, Héraclès, 4-7 et 14-17.
DIODORE, IV, 10, 2 ; APOLLODORE, II, 4, 7-8.
34- PINDARE, Olympiques, VII, 154-155; IX, 149; XIII, 152;
Néméemes, IV, 19-24. Ces fêtes pourraient être des jeux funéraires en
l'honneur des fils d'Héraclès et de Mégara (Isthmiques, IV, 103-123). Sur
leur origine voir encore ANTONINUS LIBERALIS, Métamorphoses, 29,
4. Le cénotaphe (pour Pausanias) ou le tombeau (pour Pindare) de Iolaos
était voisin et a pu se confondre avec la tombe d'Amphitryon. Cf. M.P.
NILSSON, Griechische F este, op. cit., pp. 446-447 et plus récemment A.
SCHACHTER, Cuits ofBoiotia, I, Londres, 1981, pp. 30-31. Par Pindare
et ses scholiastes, on sait que les Héracléia (qui portaient aussi le nom
d'Iolaeia) étaient annuelles ; le 1er jour avaient lieu les sacrifices, le 2è
commençaient "les jeux où la force fait ses preuves" {Isthmiques, IV,
103-116) ; les vainqueurs étaient couronnés de myrte blanc (ibid, 117-118)
et recevaient un trépied de bronze (Olympiques, VII, 152-155). Selon le
scholiaste (Isthmiques IV, 14) pentathle et épreuves hippiques se jouaient
au premier jour, les épreuves athlétiques le second. Sur quelques vainqueurs
aux Héracléia voir les inscriptions (du Ild s. av. J.C. au ΙΙΓ siècle de
l'Empire) recensées par P. ROESCH, Les Hérakléia de Thèbes, ZPE, 17,
409

1975, pp. 1-7.


35- Pausanias mentionne, entre autres, les temples de Thisbé et de Tipha
autour desquels avaient lieu des Héracléia annuelles dont il ne dit
malheureusement rien (IX, 32, 2-4).
36- Citons par exemple Thasos (cf. J. POUILLOUX, Recherches sur l'histoire
et les cultes de Thasos, I, Paris, 1954, p. 369 et 377-378) ou Cyrène (M.
LUNI, Documenti per la storia délia istituzione ginnasiale e dell' attivita1
atletica in Cirenaica in rapporto a quelle délia Grecia, Q, A, L, VIII, 1976,
pp. 223-284). Héraclès est ici, avec Hermès, le dieu protecteur des éphèbes.
A Arados (111e de Rouad) une inscription bilingue particulièrement
intéressante (cf. supra p. 139 note 293) donne comme protecteurs du
gymnase, en grec, Hermès Héraclès (les deux noms juxtaposés paraissent
même ne désigner qu'une seule divinité), en phénicien Hermès et Melqart.
37- Fig. 27. Cf. E. GERHARD, Etruskische Spiegel, Berlin 1843, 1, 127.
Cf. encore D. EMMANUEL-REBUFFAT, Herclé agonistique en Etrurie,
Latomus , XLIV, 3, 1985, pp. 473-488, pour la bibliographie se
rapportant à cette série de miroirs.
38- J. BAYET, Herclé, Etude critique des principaux monuments relatifs à
l'Hercule étrusque, Paris, 1926, pp. 163-169. J. Bayet, voit encore dans
ces images un lien avec le mythe des Hespérides (p. 180).
39- D. EMMANUEL-REBUFFAT, loc. cit., p. 475.
40- D. EMMANUEL-REBUFFAT, loc. cit., p. 479.
41- PINDARE, Olympiques, VI, 134-135.
42- Représenté aussi sur des miroirs anépigraphes, tel celui du musée de
Bologne, Corpus Speculorum Etruscorum, Bologne, 1, 12 ou E.
GERHARD, op. cit. 131. Contre Gerhard qui reconnaissait Apollon, Iolaos
a été identifié par I. SCOTT-RYBERG (An archeological Record ofRome,
1940, p. 1 13) et A. STIBBE-TWIST, Héraclès in Etrurien dans Thasos,
Sieben Arch. Arbeiten, Amsterdam, 1978, p. 82-3 et pi. XV. Voir
également G. SASSATELLI, Corpus Speculorum Etruscorum, Bologne, 2,
Rome, 1981, pp. 31-32 et pi. 12 et A.J. PFIFFIG, Herakles in der
Bilderwelt des etruskischen Spiegel, Graz, 1980.
43- PAUSANIAS, III, 14, 6. Cf. infra p. 372.
44- H. JEANMAIRE, op. cit., p. 512. Notons cependant que dans la
description de Pausanias Yhiéron du héros ne voisine pas, comme il
l'affirme, avec Xhéroon de Lycurgue, mais avec celui d'Hélène, personnage
tout aussi chargé, d'ailleurs, de souvenirs initiatiques.
45- PAUSANIAS, III, 14, 10.
46- Un buste d'Héraclès se trouvait en effet dans un angle du gymnase (VI, 23,
5).
47- Si HÉRODOTE (II, 44) avait pu conclure à l'existence de deux Héraclès,
Diodore, lui, en compte trois, un Héraclès égyptien, le dactyle crétois, et le
héros thébain (III, 74, 4-5, et pour le dactyle crétois V, 64, 6 et V, 76, 1 et
2). Il a même découvert un Héraclès indien (II, 39, 1 à 5) oublié lors de la
410

récapitulation du livre III. (Cf. supra, III, 74, 5). Mais, comme Pausanias,
il s'efforce surtout de distinguer du fils d'Alcmène un "Héraclès plus
ancien", le seul à avoir pu, logiquement, purger la terre de ses bêtes
sauvages... travaux qui ne se conçoivent guère, à son avis, à l'époque du
héros thébain où "la plupart des pays étaient déjà civilisés et se
distinguaient par l'agriculture, le nombre des villes et de leurs habitants" (I,
24, 7). Cette personnalité complexe du héros/dieu - qui traduit
admirablement la richesse des thèmes mytliiques cristallisés sur son
personnage - conduira d'ailleurs Cicéron à dénombrer six Héraclès {De
natura deorum, ΙΠ, 16, 42) et Varron quarante-trois ! (Servius dans Virgile,

48- Sur ce problème de l'Héraclès thasien et des contacts entre le héros grec et le
dieu de Tyr voir supra pp. 50-52 surtout notre première partie (quatrième
chapitre).
49- PAUSANIAS, V, 7, 6-9. Pour une discussion du sens à accorder au rythme
pentéétérique des Jeux Olympiques, cf. P. LÉVEQUE, Continuités et
innovations dans la religion grecque, PP, CXLVIII-CIL, 1973, pp. 23-50
et particulièrement p. 36 sq. .
50- PAUSANIAS, V, 8, 1.
51- PAUSANIAS, V, 8, 2.
52- PAUSANIAS, V, 8, 3 et 4. Cf. encore VIII, 48, 1, pour le rétablissement
des Jeux Olympiques par un Héraclès "thébain".
53- PAUSANIAS, V, 4, 6.
54- PAUSANIAS, V, 13, 1 et 2.
55- PAUSANIAS, V, 13, 8.
56- PAUSANIAS, V, 14, 1 et 2.
57- Les dactyles, en effet, constituent plutôt le cortège de la Grande Mère
primitive et les courètes, celui de son parèdre mâle. C'est pourquoi, sans
doute, au fur et à mesure que croît l'importance de ce dernier, les courètes
tendent à supplanter les dactyles. Ce sont, par exemple, les courètes qui,
dans l'hymne de Palaiokastro constituent le cortège d'un Zeus "grand
couros" lui-même (cf. H. JEANMAIRE, p. 427 sq.). Mais la fonction des
dactyles et des courètes, comme d'ailleurs celle des corybantes et des cabires,
a souvent été ressentie comme voisine... C'est ce qui s'exprime dans les
Bacchantes d'Euripide (120-125). C'est ce qu'on retrouve dans l'excursus,
souvent commenté, de Strabon, X, 8. On peut toutefois penser qu'il s'agit
plutôt ici des dactyles, ne serait-ce qu'en raison de leur nombre : 5 (leur
nom a été mis en rapport, en effet, avec les cinq doigts de la main).
58- R. VALLOIS,Les origines des Jeux Olympiques, REA, 1926, XXVIII, pp.
305-322. et 1929, XXXI, pp. 113-133.
59- Cf. H.V. HERRMANN, Zur àltesten Geschichte von Olympia, MDAI,
(A), 1962, pp. 3-34.
60- L. STELLA, La civiltà micenea nei doc urne nti contemporanei, Rome,
1965, p. 39 n. 94 et p. 241 n. 54. Sur tout cet aspect hérité des religions
411

créto-mycéniennes, on se reportera surtout aux contributions de P.


LÉVEQUE, en particulier : Formes et structures méditerranéennes dans la
genèse de la religion grecque, dans Praelectiones Patavinae, Rome, 1972, p.
145 sq. ; art, déjà cité de PP. 1973, pp. 23-50 ; et plus précisément sur les
Jeux : Des dieux et des jeux d'Olympie , REG, LXXXVII, 1974, pp.
341-344 et Approche ethno-historique des concours grecs, Klio, 64, 1982,
1, pp. 5-20.
61- H. JEANMAIRE, op. cit., p. 439 sq..
62- Point n'est besoin cependant de supposer au nom d'Héraclès l'étymologie
hasardeuse proposée par L. DREES (Der Ursprwtg der Olympischen Spiele,
Stuttgart, 1962) : "celui qui est puissant par la végétation de son année
(héra)", ce qui, notons-le, ne rend pas très compréhensible la qualité de dieu
solaire qu'il lui attribue plus arbitrairement encore (les douze travaux
symbolisant les douze signes du zodiaque).
63- Sur ce point, cf. P. LÉVEQUE, loc. cit., note 39, et, en dernier lieu, B.
SERGENT, op. cit., p. 75 sq. Il faut cependant souligner que le sujet même
de B. Sergent le conduit à n'étudier les Jeux Olympiques qu'à travers le
mythe de Pélops, éromène de Poséidon. Si nous partageons son avis sur le
sens initiatique fortement marqué du mythe de Pélops nous ne pensons pas
qu'il puisse exprimer à lui seul le sens des Jeux Olympiques.
64- L. DREES, op. cit. Contra : P. LÉVEQUE, loc. cit., REG, pp. 341-344.
65- PINDARE, Olympiques, Π, 1-6.
66- PINDARE, Olympiques, III, 10-15 ; III, 20-25 ; VI, 65-70. "Et il avait
institué à la fois le jugement intègre des Grands Jeux et la fête quinquennale
près de l'Alphée".
67- PINDARE, Olympiques, X, 26-32 et 51-75.
68- Cf. encore ce rappel de LYS I AS (Discours Olympique ) dans le cadre de
l'élan panhellénique des débuts du IVème siècle : "Héraclès a droit à notre
souvenir parce que le premier, par amour pour les Grecs, il les rassembla à
cette fête...".
69- On se reportera, pour cet héritage minoen parvenu dans la religion
hellénique par la médiation de Mycènes, à P. LÉVEQUE, Le Syncrétisme
créto-mycénien, Colloque de Besançon (1973), Les syncrétismes dans les
religions de l'Antiquité, Leiden, 1975, pp. 19-73.
70- Sur le thème du dépècement et de la résurrection voir par exemple P.
LÉVEQUE, loc. cit., (PP ) p. 31 et tout récemment B. SERGENT, op.
cit., p. 75-84.
71- PAUSANIAS, III, 15, 3. Ces murs, bien sûr, sont ceux de la nouvelle
Sparte, d'une Sparte qu'on pourrait dire "romaine" et on ne saurait déduire
du récit de Pausanias des indications topographiques précises, valables pour
la cité grecque. Nous ne retenons ici que la position excentrée du sanctuaire.
72- PAUSANIAS, VIII, 35, 2.
73- PAUSANIAS, VI, 21, 3.
412

74- PAUSANIAS, VII, 17, 8. L'expression utilisée par Pausanias est curieuse,
qui évoque le sacrifice sanglant et les poils, coupés sur la tête de la victime,
et offerts comme prémices aux dieux (il lui avait offert "des cheveux de sa
tête").
75- PLUTARQUE, Dialogue sur l'amour, (761 d.). "Quant à Héraclès, ce serait
un dur travail que d'énumérer toutes ses amours tant le nombre en est
grand ! Iolaos, par exemple, fut aimé de ce héros et c'est pourquoi,
aujourd'hui, encore, il est honoré et vénéré par les amants qui échangent
avec leurs aînés serments et gages de foi sur son tombeau..." Cf. encore
CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Protreptique, II, 33, 4 et 5. Il faut bien sûr
faire la part, comme le demande B. SERGENT (op. cit . p. 171), des
"affabulations hellénistiques". Il reste que les notes de Pausanias qui lient de
telles amours homosexuelles à de nombreux cultes locaux pourraient inviter
à penser, contrairement à l'auteur, que l'affirmation de Plutarque n'est pas
seulement l'écho d'une tradition tardive.
76- HÉSYCHIUS, s.v. Elakatia.
TJ- PAUSANIAS, ΠΙ, 15, 4 et 5, et aussi APOLLODORE, Π, 7, 2.
78- PAUSANIAS, II, 13, 18.
79- APOLLODORE, II, 5, 8.
80- ATHÉNÉE, XIII, 561, d.
81- /GXII, 3, 526-601 et 1410-1493. Cf. E. BETHE, Die dorische Knabenliebe.
Ihre Ethik und ihre Idée, Rh M , 62, 1907, pp. 438-475 et surtout p. 449
sq. ; H. JEANMAIRE, op. cit., pp. 455-458 ; A. BRELICH, Paides e
Parthenoi, Roma, 1969, p. 183 sq. ; J. BREMMER, An enigmatic
Indo-European Rite : Paederasty, Arethusa, 13, 2, 1980, pp. 279-298 et
surtout p. 283.
82- PLUTARQUE, Lycurgue, 17,1.
83- STRABON, X, 4, 21 (ou ÉPHORE, F. Gr. Hist. 70 F, 149, 21).
84- PLUTARQUE, Dialogue sur l'amour, 4 (=75 lb) Cf. déjà ESCHINE,
Contre Timarque, 138-139.
85- Cf. supra, note 83.
86- B. SERGENT, op. cit., p. 201-206.
87- PLUTARQUE, Dialogue sur l'amour, 17 (761 d-e) et ARISTOTE, frg. 97
(Rosé). Voir encore W. KROLL, RE, IX, 1916, j.v. Iolaos.
88- PAUSANIAS, V, 8, 4.
89- EURIPIDE, Les Héraclides, 216, emploie de terme de υπασπιστής*.
90- EURIPIDE, Les Héraclides, 88 et 125 (le terme est traduit par compagnon
d'armes par L. MERIDIER, Les Belles Lettres, 1970).
91- PAUSANIAS, VI, 23, 3. Cf. supra.
92- PAUSANIAS, V 14, 7 et V, 8, 1. Cf. supra.
93- Une tradition en fait cependant l'éromène d'Eurysthée. En effet ATHÉNÉE,
XIII, 603 d. rapporte que le poète Diotimos, dans ses Hérakléia, affirmait
qu'Héraclès avait patiemment effectué ses "Travaux" par amour pour
Eurysthée.
413

94- PAUSANIAS, VII, 17, 8. Cf. supra, p. 368 et note 74.


95- C. CALAME, Les choeurs de jeunes filles en Grèce archaïque, Rome,
1977,1, p. 198 et note 51.
96- PLUTARQUE, Lycurgue, 16, 1 1.
97- HÉRODOTE, IV, 33 ; CALLIMAQUE, Hymne à Délos, 278 sq..
98- HÉSYCHIUS, s.v. Couriotis. Cf. DEUBNER, Attische Feste, p. 232 sq.;
H. JEANMAIRE, op. cit., p. 379 sq. etc...
99- Une glose dHÉSYCHIUS mentionne l'offrande de vin faite a Héraclès par
les futurs éphèbes ( οί μέλλοντες 'εφηδεύειν ) à l'occasion de la tonte
de leur barbe. Cf. également, ATHENEE, XI, 494, f. (Oinisteria).
100- L. GERNET, Droit et prédroit en Grèce ancienne, dans Anthropologie de la
Grèce antique, Paris, 1968, p. 189 ; Frairies antiques, ibid, p. 38 sq..
101- Cf. H. JEANMAIRE, appendice au chapitre IV, p. 377-379 et P. FAURE,
Fonctions des cavernes Cretoises, Paris, 1965, p. 160-173.
102- B. SERGENT, op. cit., pp. 26-28. Pour la libation dans les pays
Scandinaves il renvoie à L. CAHEN, La libation. Etude sur le vocabulaire
religieux du vieux Scandinave, Paris, 1921.
103- PAUSANIAS, III, 14, 6.
104- P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, sv.
σφαίρα ρ. 1074.
105- DÉMÉTRIOS DE SCEPSIS dans ATHÉNÉE, IV, 141 e-f ; cf. A.
BRELICH, Paides e Parthenoi, Rome, 1969, p. 153 sq..
106- DIODORE, IV, 24, 1.
107- Notons cependant qu'il est difficile, pour l'ensemble du texte, d'être aussi
catégorique que l'est B. Sergent (p. 180).
108- Cette précision tendrait à prouver que, contrairement à ce qu'a pu laisser
entendre Diodore ("tous les habitants"), le rite d'offrande de la chevelure ne
concerne que la population masculine d'Agyrion.
109- DIODORE, IV, 24, 6. Il faut, je crois, signaler l'utilisation du mot thiase
faite par Diodore, pour désigner les cortèges formés pour fêter Héraclès. H.
JEANMAIRE, dans son Dionysos, voit dans le terme un très vieux mot du
fonds préhellénique qui, avant de s'appliquer exclusivement à Dionysos (et
de désigner les fidèles associés dans les "orgies" du dieu), pouvait aussi
s'appliquer à d'autres divinités (cf. les thiases de Poséidon à Egine). De toute
façon, avant d'être contrôlés et même organisés par la cité, ces cortèges
semblent plutôt indépendants des autorités (Dionysos est souvent qualifié
d'Isodaitès, de Lysios, d'Eleuthérios, ne l'oublions pas). Trouver ce terme
dans le contexte héracléen est, dans ce cas précis (les esclaves se mêlent aux
maîtres), fort intéressant
110- L. GERNET, Droit et Prédroit... loc. cit., p. 188.
111- Pour L. Gernet voir note précédente et pour B. SERGENT, cf. op. cit., p.
90. C'est d'ailleurs "la problématique mise en lumière dans les Huakinthia"
de Sparte que l'auteur retrouve dans les fêtes d'Agyrion.
1 12- DIODORE DE SICILE, Bibliothèque Historique, traduction Hoefer, Paris
414

1865, p. 281. Diodorus of Sicily with an english translation by C.H.


Oldfather.Loeb, 1961 pp. 179-180.
113- J. BREMMER, An Enigmatic Indo-European Rite "Paederasty", loc. cit.,
pp. 279-298.
114- Voir supra, p. 355. Cf. encore, pour Athènes, PAUSANIAS, 1, 29, 2 : au
gymnase d'Académie où Héraclès était l'objet d'un culte existaient aussi un
temple d'Artémis, et un autre de Dionysos.
115- Voir supra p. 372.
116- PAUSANIAS, III, 14, 6-7.
117- PAUSANIAS, III, 10, 6-7.
1 18- PAUSANIAS, VIII, 22, 4 à 8 (Pour le décor et les sculptures du temple : 7
et 8).
119- PAUSANIAS, IX, 17, 1 et 2.
120- Le mythe bien connu d'Auge (dès l'époque dHécatée) (PAUSANIAS, VIII,
4, 9), que reduplique celui de Phialo (rapporté également par Pausanias dans
son voyage de l'Arcadie VIII, 12, 3 et 4), enceinte des oeuvres d'Héraclès et
manifestement soumise à une épreuve d'ordalie (ou une épreuve initiatique),
pourrait en être un autre indice.
121- PAUSANIAS, VIII, 15, 5.
122- PAUSANIAS, II, 31, 1 et 2. Il est vrai que cette bouche des Enfers était
revendiquée par d'autres cités de la Grèce et qu'on la reconnaissait encore,
toujours selon PAUSANIAS, à Hermione (II, 35, 10), au cap Ténare (III,
25, 5 et 6) ou encore à Coronée, en Béotie (IX, 34, 5) dans le temple
d"Héra.
123- PAUSANIAS, VIII, 37, 1.
124- PAUSANIAS, II, 10, 7.
125- Cf. infra pp. 398-399.
126- Héraclès est représenté sur plusieurs plats de fabrication locale dont l'un
permet d'affirmer qu'il fut accroché dans l'Artémision, N. WEBLL, Images
d'Artémis à l'Artémision de Thasos, ΕΙΔίΟΛΟΠΙΙΑ, Actes du Colloque
sur les problèmes de l'image dans le monde méditerranéen classique.
(Lourmarin 1982), Rome, 1985, pp. 137-147, surtout p. 141 et 145-147.
Cf. encore, Céramique thasienne à figures noires, BCH, 83, 1959, pp.
430-454 (dès le Vlème siècle).
127- Cf. N. WEILL, op. cit., Cf. aussi F. SALVIAT et P. BERNARD, Décrets
pour Epié fille de Dionysos, BCH, 83, 1959, pp. 362-397, surtout pp.
376-382.
128- PLATON, République, 4 1 3, de, cité par J.P. VERNANT dans son étude sur
Artémis Orthia : Une divinité des marges, Artémis Orthia, Recherches sur
les cultes grecs et l'Occident, II, Cahiers du Centre Jean Bérard, IX, Naples,
1984.
129- Pourtant les Hécatombaia, fêtes en l'honneur d'Héra argienne, paraissent
avoir eu cette fonction initiatique. Un agôn, en effet, leur était lié, dont le
prix était un bouclier (Pindare, Olympiques, VII, 83...) Pour d'autres
415

témoignages et la bibliographie, on se reportera à l'étude que nous faisons


de ces fêtes dans notre IVème partie (Ilnd chapitre : Images du sacrifice). Il
reste que, lorsqu'elles nous sont connues (il est vrai assez tardivement : cf.
P. AMANDRY, Sur les concours argiens, BCH, suppl. VI, 1980, pp.
21 1-253), le rôle d'Héraclès n'y est pas évident
130- Cf. en dernier lieu, la communication de D. MUSTI au Colloque de ROME
(Oct 1985 : Ρassagi di stato, processi rituali, ed efficacia sociale ) : La
teoria délie ètà e passagi di stato in Solone, à paraître.
131- Mircea ELIADE, Naissances mystiques, essai sur quelques types
d'initiation, Paris, 1959, p. 10.
132- II s'agit là de rites d'initiation tribale que M. Eliade assimile à tort aux rites
de puberté. A. VAN GENNEP (Les rites de passage, Paris, rééd. 1981, p.
94 sq.) insiste au contraire sur le caractère privé des seconds : la puberté,
moment précis du cycle physiologique ayant valeur singulière pour chaque
individu, coïncide rarement avec la "puberté sociale".
133- B. MALINOWSKI, Magic, science and religion and other essays, m,
1948, p. 21.
134- M. ELIADE, op. cit., p. 24.
135- A. BRELICH, op. cit., p. 25 sq..
136- A. VAN GENNEP, op. cit., p. 24.
137- R. JAULIN, La mort sara, l'ordre de la vie ou la pensée de la mort au
Tchad,Pms, Rééd. 1981, p. 110.
138- D. ZAHAN, Religion, spiritualité, et pensée africaine, Paris, 1970.
139- J. JAMIN, Les lois du silence, essai sur la fonction sociale du secret,
Paris, 1977, p. 92.
140- J. JAMIN, op. cit., p. 104.
141- Cf. dans A. VANGENNEP, op. cit., p. 1 1 1 pour les Ojibwé ; p. 120 pour
la société guerrière des Areoi en Polynésie etc...
142- Cf. A. YOSHIDA, Survivances de la tripartition fonctionnelle en Grèce,
RHR, 66, 1964, pp. 21-38, et, Sur quelques coupes de la fable grecque,
RHR., 67, 1965, pp. 31-41. Cf. encore J. BREMMER, loc. cit., et en
dernier lieu B. SERGENT, op. cit., pp. 25-37. A Thèbes aussi, selon
PLUT ARQUE (De l'Amour, 17), il était d'usage "que l'amant donnât une
armure complète à son mignon, quand celui-ci était enrôlé dans les
hommes faits". Il est donc du plus haut intérêt de constater qu'à Thasos
(hors de tout contexte homosexuel) une inscription datée des environs de
350 av. J.-C. et réglant les devoirs de la cité à l'égard des enfants des "héros
morts à la guerre" stipule que, lorsque les garçons auront atteint la majorité,
les polémarques leur donneront à chacun "des cnémides, une cuirasse, un
poignard, un casque, un bouclier, une lance, dont la valeur ne sera pas
inférieure à trois mines". Cette panoplie du guerrier sera remise "aux
Héracléia lors du concours". (Cf. J. POUILLOUX, Nouveau choix
d'inscriptions grecques, 1971, p. 106).
143- Dans les deux communications faites à Besançon, au séminaire de P.
416

LÉVEQUE, les 24/11 et 14/12 1983.


144- B. MALINOWSKI, se reporter à la note 133.
145- D. ZAHAN, op. cit., p. 91.
146- P. CLASTRES, La Société contre l'Etat, Paris, 1974, p. 157.
147- J. JAMIN, op. cit., p. 91.
148- L. PERROIS, La circoncision bakota (Gabon), , Paris, 1968, p. 70.
149- J. JAMIN, op. cit., p. 106.
150- L. KRADER, Formation of the state, New York, 1968, p. 39. Cité par J.
JAMIN, p. 98.
151- D. PAULME, Classes et associations d'âge en Afrique de l'Ouest, Paris,
1971.
152- J. JAMIN, op. cit., p. 26 : "le discours initiatique tend à naturaliser les
rapports sociaux, à faire basculer l'ordre social dans l'ordre naturel - et cela
au moment précis où ils s'articulent l'un à l'autre (puberté) - à justifier l'un
par l'autre, à dissimuler enfin les fondements et les articulations de l'un par
la couverture économique de l'autre".
153- S. MOSCOVICI, La Société contre nature, Paris, 1972, p. 301.
154- S. MOSCOVICI, ibid., pp. 297-299.
155- S. FREUD, Moïse et le monothéisme, traduction de 1948, p. 63.
156- B. BETTELHEIM, Les blessures symboliques, essai d'interprétation des
rites d'initiation, traduction Paris, 1971. (1ère édition 1954). p. 180.
L'auteur, dans cet ouvrage, rompt dans une certaine mesure avec la tradition
psychanalytique classique, mais aussi avec celle des anthropologues, en
refusant de voir dans l'enfant le simple objet de l'initiation. Les rites,
pense-t-il, viennent à la rencontre de désirs infantiles qu'il dit avoir observés
dans les communautés d'enfants psychotiques qu'il étudiait
157- G. BATESON, La cérémonie du naven, Paris, 1971.
158- S. MOSCOVICI, op. cit., p. 258.
159- Nous ne développerons pas ici les rapports qu'entretiennent Iolaos et
Héraclès dans la mythologie : B. Sergent leur consacre un chapitre de son
ouvrage, op. cit., pp. 171-182 (un élève exemplaire : Iolaos).
160- Le compagnonnage guerrier fondé sur l'amitié homosexuelle semble avoir
été particulièrement efficace à Thèbes, où, au début du IVème siècle, les
couples jusqu'alors dispersés dans l'armée sont réunis dans le fameux
"bataillon sacré" grâce auquel Epaminondas pourra vaincre Sparte. Cf.
PLUTARQUE, Eroticos, 17 : "Dans ton pays... à Thèbes, n'est-il pas vrai
que l'amant faisait cadeau d'un équipement militaire complet à son aimé,
quand celui-ci atteignait l'âge de l'enrôlement., (en outre Pammenes y fit)
"ranger les soldats dans les corps de troupes d'une façon toute nouvelle. Il
reprochait à Homère de ne rien connaître à l'amour, parce que ce poète
répartissait les Achéens "par tribus et par clans", quand il aurait dû placer
l'aimé à côté de l'amant". Sur ce "bataillon sacré" voir encore ATHÉNÉE,
ΧΙΠ, 561, f.
161- PLATON, Phèdre, 237 d.
417

162- PLATON, Le Banquet, 178 c.


163- PLATON, ibid., 181 d.
164- PLATON, ibid., 210 a.
165- A. VAN GENNEP, op. cit., p. 1 17.
166- M. DOUGLAS, De la Souillure, Paris, 1971. A. GIRARD, dans La
violence et le sacré, exprime aussi cet isolement des individus en instance de
passage par la société qui les assimile aux victimes d'une épidémie ou aux
criminels et espère ainsi faire l'économie d'une nouvelle crise sacrificielle.
167- M. DOUGLAS, op. cit., p. 1 14.
168- A. VAN GENNEP, déjà, notait (op. cit., pp. 161-162) que "pendant le
noviciat les jeunes gens peuvent voler et piller tout à leur aise, ou se
nourrir et s'orner aux dépens de la communauté" et donnait l'exemple des
Vaï du Libéria et des membres du Duk-duk et de llngiet dans l'archipel
Bismarck.
169- Pour l'analyse du mythe, cf. P. VIDAL-NAQUET, Le chasseur noir et
l'origine de l'éphébie athénienne, dans Le Chasseur noir, Paris, 1981, pp.
151-174 (texte remanié d'une étude parue d'abord dans les Annales E.S.C
23, 1968, pp. 947-964).
170- Cf., après l'interprétation de la cryptie donnée par VIDAL-NAQUET dans
l'article cité (note précédente), la critique qu'en a faite L. MAKARIUS
(L'homme et la société, 1971, 4, pp. 191-210) et nos propositions aux
séminaires de Besançon (nov. déc. 1983).
171- II s'agit de la société guerrière des Areoi en Polynésie : outre tes cérémonies
religieuses qui consacrent le retour de l'initié dans la communauté des
guerriers, celui-ci change de nom, vole ou emprunte le vêtement de la
femme du chef et obligation lui est faite de tuer ses enfants. Cf. A. VAN
GENNEP, op. cit., p. 120.
172- A. SCHNAPP, Images et programme : les figurations archaïques de la
chasse au sanglier, RA, 1979, 2, pp. 195-218. Cf. encore P. SCHMITT et
A. SCHNAPP, Les représentations de la chasse au sanglier et du banquet,
RA, 1982, pp. 57-74.
173- Cf. supra pp. 61-62. Cf. surtout notre quatrième partie (Deuxième
chapitre : Images du sacrifice).
174- Sur ce point, voir les travaux de P. VIDAL-NAQUET, repris dans le
Chasseur noir, op. cit., et encore, Le Philoctète de Sophocle dans Mythe
et tragédie en Grèce ancienne, Paris, 1972, pp. 159-184.
175- DIODORE, IV, 13, 1.
176- F. BROMMER, Vasenlisten zur griechischen Heldensage, Marburg 3e éd.
1973, p. 75 et Denhnàlerlisten zur griechischen Heldensage, I, Herakles,
Marburg, 1971, p. 20.
177- DIODORE, IV, 12, 1.
178- APOLLODORE, II, 5, 4.
179- DIODORE, IV, 1 1 , 4 et APOLLODORE, II, 5, 1 .
180- EURIPIDE, Héraclès, 153-154.
418

181- P. VIDAL-NAQUET, Le cru, l'enfant grec et le cuit, Le chasseur noir, op.


cit., p. 193.
182- Peut-être est-ce le cas de l'une des représentations figurées sur l'amphore de
Madrid (10915 ; ABV 602 (25) décrite par C. BÉRARD au colloque de
Rouen (Héros de tout poil, d'Héraclès imberbe à Tarzan barbu, Image et
céramique grecque, Rouen, 1983, pp. 113-114). Héraclès, si toutefois il
s'agit bien du héros, attaque ici à l'épée le sanglier ; et c'est encore avec une
épée que, sur certains vases, il affronte le lion de Némée (cf. BEAZLEY,
AJA, 1934, p. 90 et F. BROMMER, Vasenlisten, pp. 130-132).
183- Cf. G. DUMÉZIL, Mythe et épopée, I, p. 63-65 ; J. LE GOFF et P.
VIDAL-NAQUET, Lévi-Strauss en Brocéliande, dans C. Lévi-Strauss,
Paris, 1979, pp. 273-275.
184- P. VIDAL-NAQUET, Le Philoctète de Sophocle, loc. cit., pp. 168-170.
185- SOPHOCLE, Philoctète, 955-957.
186- APOLLODORE, II, 5, 3.
187- Cf. supra, note 176. La troisième variante de cette représentation de la
capture de la biche par Héraclès ne dit rien quant aux moyens utilisés : c'est
la dispute de la biche entre Athéna et Apollon une fois l'exploit réalisé.
PAUSANIAS a même pu voir à Olympie, dans le monument des
Agrigentins, une statue représentant Héraclès tuant à coups de flèches le
lion de Némée (V, 25).
188- Cf. APOLLODORE, II, 5, 6 ; cf. aussi PAUSANIAS VIII, 22, 4.
DIODORE, quant à lui, retient simplement la ruse, qu'il dit imaginée par
Héraclès : "une sonnette d'airain qui par son bruit étrange et continuel" fit
fuir les oiseaux (IV, 13, 2).
189- Cf. supra, note 182.
190- EURIPIDE, Héraclès, 167-168.
191- EURIPIDE, Héraclès, 169-174.
192- P. VIDAL-NAQUET, L'origine de l'éphébie athénienne, op. cit., p. 169 sq.
193- J.P. VERNANT, Hestia-Hermès dans Mythe et Pensée chez les Grecs, éd.
1965, p. 135.
194- Sur Hermès, dieu de Vagros, cf. note précédente. Sur les rencontres
d'Héraclès et d'Hermès dans le culte, cf. supra, pp. 360 sq.. Sur leur
rencontre dans le mythe, voir surtout notre quatrième partie.
195- Sans parler même des représentations ambiguës (telle l'amphore à figures
noires de Madrid : 10915 -ABV, 602, 25) qu'il ne nous appartient pas
d'analyser ici. Sur ces problèmes du discours iconographique des Grecs voir,
par exemple, F. LISSARRAGUE et A. SCHNAPP, Imagerie des Grecs et
Grèce des Imagiers, dans Le Temps de la réflexion, 2, Paris, 1981, pp.
275-297 ; P. SCHMITT-PANTEL et F. THÉLAMON, Image et histoire,
illustration ou document, Colloque de Rouen, op. cit., pp. 9-20, et, dans
les actes du même colloque, l'introduction à la communication de Cl.
BÉRARD, Héros de tout poil, d'Héraklès imberbe à Tarzan barbu, pp.
111-118. Du même auteur, Essais sémiotiques, Etudes de lettres,
419

Lausanne, 1983, 4.
196- ABV 220 (30). Cl. BÉRARD, Iconographie, iconologie, iconologique,
Etudes de Lettres, op. cit., pp. 5-37.
197- PAUSANIAS, Vffl, 22, 4.
198- DIODORE.IV, 11,3.
199- DIODORE, IV, 11, 3, pour Apollodore (II, 5, 1) il est simplement
invulnérable.
200- PAUSANIAS, VI, 5, 4-6 : Polydamas aurait, à la fin du Verne siècle, tué
"un lion de l'Olympe, un fauve grand et vigoureux, sans se servir d'aucune
arme. Il fut poussé à cet exploit audacieux par l'envie de rivaliser avec les
travaux d'Héraclès..."
201- Cf. B. HELLY, Des lions dans l'Olympe, REA, 70, 1968, pp. 271-285.
202- Cf. notre première partie. Nous avions la tentation de penser que Melqart
l'était aussi (le lion n'est-il pas son attribut favori - lorsqu'il est, il est vrai,
représenté en Héraclès - ?). C. BONNET, qui a consacré sa thèse à Melqart,
(cf. note 199 de notre première partie) le dénie fermement
203- Nous reviendrons dans notre quatrième partie sur cette image primordiale
d'Héraclès, très marquée par l'Orient, et plus volontiers associée aux
animaux qu'en lutte contre ces mêmes animaux. Le type chypriote, nous
l'avons vu, en conserve fortement le souvenir, de même que de nombreuses
représentations de l'Herclé étrusque (cf. J. BAYET, Herclé, op. cit., pp.
103-123).
204- C'est sans doute sous la première tyrannie de Pisistrate qu'a été sculpté et
peint ce fronton : à l'aile gauche Héraclès combat le monstre marin Triton
et l'aile droite représente, en réponse, un monstre au triple buste humain et
aux corps serpentins enroulés - un monstre triple encore !.
205- DIODORE, IV, 17, Iet2.
206- S'il faut en croire ARRIEN (Anabase, II, 16, 5), HÉCATÉE faisait de
Géryon l'un des trois frères régnant sur la plaine d' Erythie, qu'il situait
d'ailleurs dans la région adriatique (cf. O. MUSSO, Hekataios von Milet
und der Mythos von Geryones, Rh M, CXIV, 1971, pp. 83-85). Cf notre
deuxième partie pp. 222 et note 17. Cf. aussi le même chapitre de notre
IVème partie.
207- G. DUMÉZIL, Horace et les Curiaces, Paris 1942, p. 60 et déjà, du même
auteur, Mythes et dieux des Germains, Paris, 1939, pp. 92-106.
208- /d.,p.6O.
209- /rf..p. 52.
210- Id., p. 29 et p. 60.
211- Id. p. 60.
212- Cf. S. FERRI, Mostri inferi délie stèle daunie, RAL, XXIV, 1969, pp.
133-135. Voir encore C. JOURDAIN-ANNEQUIN, DHA, 8, p. 254 :
chez Properce {Elégies, IV, 9, 10), Cacus est un monstre à trois têtes,
mais dans la plupart des versions l'élément triple est présent sous différentes
formes. Chez Properce (IV, 9, 15) la massue frappe trois fois ; chez Ovide
420

(Ι, 575) elle est dite trinodis; chez Virgile (Enéide, Vm, 230 sq.), trois
fois Héraclès parcourt l'Aventin, trois fois il s'évertue à forcer la retraite du
fils de Vulcain, trois fois, tombant de fatigue, il doit s'asseoir.
213- Nous négligerons cependant ici parce que peu crédibles les prolongements
donnés à cette hypothèse par B. LINCOLN (The Indo-european Cattle
raiding Myth, HR, XVI, 1976, pp. 42-61) pour qui la victoire sur le
Tricéphale symbolise la victoire des Indo-Européens sur les autochtones. Le
jeune initié dans son combat redeviendrait Trito, le héros, le premier
guerrier et s'assimilerait "to the entire LE. onslaught that overthrew
aboriginal opponents in every corner". Nous pensons avoir réfuté cette
théorie dans notre article des DHA, 8, p. 253 sq. Cf. supra, pp. 58 sq..
214- G. DUMÉZIL, op. cit., p. 29.
215- HÉSIODE, Théogonie, 287-294.
216- HOMERE, Iliade, Vm, 362-369, et surtout XDC, 97-133.
217- HOMERE, Iliade, VIII, 366-369. Dans l'Odyssée, c'est encore du chien des
Enfers qu'il est question dans un passage - il est vrai d'établissement
difficile - de la Nekyia (XI, 620-626) ; Hermès, ici, partage avec Athéna
le rôle de guide.
218- HOMERE, Iliade, V, 395-398 (notons le lieu du combat : Pylos, qui
signifie aussi la porte) au milieu des morts.
219- HOMERE. Iliade. XVIII. 115-118.
220- HOMERE, Iliade, XI, 602-604 ; le passage il est vrai est douteux. Cf.
aussi HÉSIODE, Théogonie, 287-294.
221- Si Orthos peut paraître comme un doublet du Cerbère des Enfers, O. Grappe
a vu dans Géryon lui-même un autre Hadès. D'une façon générale le monstre
tricéphale est donné comme le symbole des puissances de la mort : cf.
DHA., 8, p. 251 et note 220 et surtout J.H. CROON, The Herdsman of the
Dead, Utrecht, 1952 qui voit dans Géryon le bouvier des morts.
222- II nous est difficile d'étudier ici de façon exhaustive les travaux d'Héraclès
tels que les connaît la forme canonique de la légende et encore moins
l'ensemble de ses hauts faits. Nous aimerions, toutefois, signaler
l'importance des centaures dans la "carrière" d'Héraclès ou tout simplement
dans sa légende (l'épisode de Nessos) ; en effet, leur rôle dans les initiations
et leur nature infernale primitive ont bien été mis en valeur par G.
DUMÉZIL (Le problème des centaures, Paris, 1929).
223- Sur ces problèmes, voir supra p. 392 et surtout infra, notre quatrième
partie (Dlème chapitre : images de la mort et de l'immortalité).
224- Sur ce "symbolisme initiatique des symplégades" : jardin des Hespérides,
arbre de vie, seuil, fontaine miraculeuse, etc.. voir M. ELIADE,
Naissances mystiques, op. cit., pp. 132-136. Sur le symbolisme du
λετμών dTErythie et du κήπος· où poussent les pommes d'or offertes à
Héra lors de ses noces avec Zeus, voir surtout le très beau livre de A.
MOTTE, Prairies et jardins de la Grèce antique, de la religion à la
philosophie, Bruxelles, 1973 et l'article de G. SOURY, La vie dans
421

l'au-delà. Prairies et gouffres, REA., 46, 1944, pp. 169-178.


225- La quête des pommes d'or appartient toujours à l'ensemble des trois derniers
travaux d'Héraclès (avec la lutte contre Géryon et la quête de Cerbère, le
chien des Enfers) dont elle forme comme le doublet positif. Chez Diodore,
(IV, 26, 4) c'est après avoir apporté les pommes à Eurysthée "qu'ayant
ainsi accompli ses travaux, il attendit pour récompense l'immortalité...".
Quant à la valeur symbolique de l'épisode, il est difficile de la nier, comme
le fait J.O. de G. HANSON (Muséum Africum, 1, 1972, pp. 1-3) sous
prétexte que "l'idée de l'arbre de vie ne vient pas des Grecs, mais des
Hébreux" (p. 1) et que les pommes sont généralement liées à la beauté et à
l'amour plus qu'à la mort (p. 2). Contra cf. H.J. ROSE, Handbook of
Greek mythology, London, 1958, p. 216 ; L.R. FARNELL, Greek Hero
Cuits, Oxford 1921, p. 171 ; G. DUMÉZIL, Le festin d'immortalité,
Paris, 1924, pp. 116-123.
226- Dans certaines représentations de l'apothéose d'Héraclès, le héros, en effet,
rapporte lui-même les pommes devant l'assemblée des dieux, cf., par
exemple, deux vases attiques du Vème siècle (FURTWAENGLER, Rochers
Lexicon, col. 2228).
227- Cf. G. DUMÉZIL (Mariages indo-européens, Paris, 1979, pp. 59-65), qui
retrouve dans les mariages ou unions d'Héraclès le parallèle des mariages que
l'Inde appelle brahma (Mégara) Asura (Déjanire) raksara (Iole) et
éventuellement Gandharva (ses multiples aventures).
228- Cf. G. DUMÉZIL, Heur et malheur du guerrier, Paris 1969, ou Mythe et
épopée, II, Paris, 1971, pp. 117-124 : 1). L'hésitation à accomplir les
travaux imposés par Zeus, sanctionnée par la folie que lui envoie Héra
(manquement à la première fonction) ; 2) la ruse contre Iphitos, infraction
au code de l'honneur du guerrier, en réparation de laquelle il doit, pour
retrouver la santé, se vendre comme esclave chez Omphale : 3) l'installation
prévue de Iole dans son propre foyer, "péché" contre la troisième fonction,
punie cette fois par la mort
229- Le schéma lui-même repose essentiellement sur le texte de Diodore. Chez
Apollodore, par exemple, la folie envoyée par Héra n'est en rien la punition
d'une désobéissance aux ordres de Zeus : les "travaux" n'ont pas encore été
imposés à Héraclès.
230- APOLLODORE, II, 4, 9-10.
231- APOLLODORE, II, 4, 1 1.
232- APOLLODORE, II, 4, 10.
233- APOLLODORE, II, 4, 1 1.
234- DIODORE, IV, 11, 3 à 13, 4.
235- DIODORE, IV, 14, 3 à 27, 4.
236- DIODORE, IV, 14, 1 et 2.
237- DIODORE, IV, 15, Iet2.
238- DIODORE, IV, 14, 3.
239- Nous noterons simplement ici le décalage - probablement révélateur - entre
422

une "panoplie" qui pourrait appartenir à l'hoplite et les armes qui furent
celles de l'Héraclès des "travaux" : l'arc et la massue.
240- A. VAN GENNEP, op. cit., p. 116 sq. et par exemple, pour les So de
l'Ouganda, M. GODELIER, L'Homme, XVIII, 1978, pp. 155-188 et
particulièrement pp. 178-179. Pour la Grèce, cf. supra p. 382 et surtout
note 142 ; on se souviendra, à Thasos, encore, des rapports que paraissent
entretenir Héraclès et une Artémis "pôlôs ", protectrice de la jeunesse,
voir pp. 376 sq. et notes 126 et 127.
241- APOLLODORE, Bibliothèque, Π, 4 (pour lui c'est à Delphes qu'il est pour
la première fois appelé Héraclès après le meurtre de ses enfants sanctionné
par l'exil). Pour DIODORE (IV, 10, 1) ce sont les Argiens qui le
nommèrent ainsi.
242- Cf. supra, p. 62 et note 256 du prologue.
243- DIODORE, IV, 14, 3.
244- Cf. E. CLAVIER,Apollodore, Bibliothèque, Paris 1805 (un manteau) p.
167 ; HOEFFER, Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, Paris, 1865
(un voile) p. 281.
245- N. LORAUX, Héraklès : le surmâle et le féminin, Revue française de
Psychanalyse, 4, 1982, pp. 697-729, citation p. 711.
246- P. 702 par exemple (la misogynie d'Héraclès prouvée par l'exclusion des
femmes dans son culte) et surtout p. 713 (le vêtement long du prêtre
d'Héraclès à Cos, de l'Hercule Victor à Rome et des prêtres qui célèbrent
son culte). Dans ces particularités on ne peut pas, en effet, depuis la
démonstration qu'en a faite D. VAN BERCHEM (Hercule Melqart à l'Ara
Maxima, RPAA, XXXII, 1950-1960, pp. 61-68 et Syria, XLIV, 1967,
pp. 73-109 et 307-338), ne pas voir, l'influence des cultes du dieu phénicien
Melqart sur ceux du héros grec auquel il fut assimilé. Tout au plus
pourrait-on admettre que certains aspects "féminins" d'Héraclès ont pu, sur
ce point, favoriser la rencontre, mais il paraît y avoir tant d'autres raisons au
syncrétisme ! (On se reportera à notre première partie).
247- N. LORAUX, loc. cit., p. 703.
248- SOPHOCLE, Trachiniennes, 1074 : "Sous pareil coup, je me découvre,
malheureux, une simple femelle". Cf. N. LORAUX, loc. cit., et surtout :
Le lit, la guerre, dans l'Homme, 1981, XXI, 1, pp. 37-67 (sur Héraclès, p.
57-67).
249- N. LORAUX, loc. cit., (1982), p. 706.
250- N. LORAUX, loc. cit., (1981), p. 66.
251- N. LORAUX, loc. cit., (1982), p. 699.
252- APOLLODORE, III, 5, 1.
253- DIODORE DE SICILE, V, 49, 1. (Déméter apporte le blé, Hermès la lyre,
Electre, la mère d'Harmonie, apporte les cymbales et les tympanons des
orgies avec lesquels on célèbre les mystères de la Grande Mère des dieux et
Athéna, outre lepéplos, offre les flûtes et "son fameux collier". Peut-être
faut-il signaler encore que, selon Diodore, toujours, Athéna passe pour avoir
423

enseigné la fabrication des vêtements et les flûtes, parmi d'autres spécialités


d'ailleurs qui expliquent l'épithète d'Erganè sous laquelle on la vénère.
254- De telles "renaissances" sont ainsi biologiquement figurées dans les sociétés
traditionnelles : qu'on se souvienne de l'exemple Senoufo. Ci supra p. 381
sq... Plus précisément l'allaitement est un rite d'initiation (et d'ailleurs de
résurrection) des Hindous brahmaniques, d'origine indo-européenne (A. van
Gennep, op. cit., p. 149).
255- PAUSANIAS, IX, 25, 2.
256- DIODORE DE SICILE, IV, 9, 6 et 7. Π est vrai qu'à la lecture de Diodore,
il pourrait apparaître que l'épisode se situe avant le départ à Thèbes
d'Amphitryon et de sa famille.
257- Ainsi qu'en témoignent plusieurs miroirs gravés (GERHARD, Etr. Sp. V,
pi. 60 ; pi. 126 et suppl. pi. 59). Le premier surtout nous intéresse, qui
intègre la scène de l'allaitement (Hercle et Uni sont entourés de plusieurs
divinités et une inscription précise que "cette image montre comment Hercle
,en tant que fils d'Uni, but") dans une organisation générale qui présente les
trois stades de la vie (Florence, Museo Archeologico Etrusco, inv. 72740 ;
cf. J. BAYET, Hercle, op. cit, p. 150 et pi. IV ; AJ. PFIFFIG, Herakles
in der Bilderwelt der etrusldschen Spiegel, 1980, 19 et en dernier heu la
thèse que A.F. LAURENS a consacrée à Hébé (à paraître) n° 141 et pp.
393-396 de l'exemplaire dactylographié.
258- LYCOPHRON, Alexandra,39.
259- Cf. supra notes 255 et 256. Ce vase (fîg. 22) conservé au British Muséum
(inv. F. 107) est étudié par A.F. LAURENS (op. cit., n° 139) qui, aux
côtés d'Héra, reconnaît Athéna, Iris et Hébé. Pour le développement du
thème de l'allaitement en Etrurie et à Rome, voir G. MINERVINI, // mito
di Ercole che succhia il latte di Giunone, 1854.
260- Cf. C. PÉLÉKIDIS, op. cit., chap. IV, particulièrement pp. 51-70. A
Sparte YHébé semble bien avoir été l'année de candidature à l'irénat (H.
JEANMAIRE, op. cit., p. 506). Il paraît en tout cas significatif que l'une
des premières (peut-être même la première) représentation de l'apothéose
d'Héraclès (hydrie 253 du cabinet des Médailles, Paris : ABV pp. 104-127)
montre le quadrige du héros accueilli par Héra et Hébé. Athéna, quant à elle,
s'apprête à couronner le héros, suivi de son fidèle compagnon Iolaos. (Cf.
communication sur Hébé au séminaire de P. Lévêque faite à Besançon le
12/1/1984 par A. F. LAURENS). Quant au mariage d'Héraclès et d'Hébé,
on le trouve déjà représenté sur un cratère de style orientalisant, provenant
des fouilles de Samos et datant du Vllème siècle, (cf. A.F. LAURENS,
op. cit., p. 505 et n° 180, inédit).
261- EURIPIDE, Héraclès, 613.
262- DIODORE, IV, 24, 1 ; APOLLODORE, H, 5, 12. Cf. encore
LYCOPHRON (1328) qui donne à Héraclès le titre de "myste"; cf, aussi
Scholie à Lycophron, 1328. P. LEVEQUE (Structures imaginaires et
fonctionnement des mystères grecs, Studi storico religiosi, VI, 1-2, 1982,
424

pp. 185-208 et particulièrement p. 203) note encore "qu'à cette tradition fait
écho l'auteur sans doute tardif de VAxiochos (371e) pour qui "l'ardeur de
leur expédition dans l'Hadès (il s'agit d'Héraclès et de Dionysos), c'est la
déesse d'Eleusis qui l'a exaltée en eux". Sur ce problème voir encore M.
LLOYD-JONES, Herakles at Eleusis, Maia, 1967, p. 206 sq. et, pour les
représentations, H. METZGER, Recherches sur l'imagerie athénienne, p.
28, n. 65. Notons enfin que, pour DIODORE, les Petits Mystères d'Agrai
ont été crées "pour honorer Héraclès" et pour qu'il puisse expier le meurtre
des Centaures (IV, 14, 3).
263- R. GIRARD, La Violence et le Sacré, Paris, 1972, p. 391.
264- C'est pourquoi, sans prendre position sur l'exemple précis d'Eleusis, la
théorie - parfois contestée - de D. SABBATTUCCI qui voit dans les
mystères le dépassement et la transformation d'initiations primitives me
paraît, sur le plan théorique, très plausible (Essai sur le mysticisme grec,
traduction, française, Paris, 1982, 1ère. éd. 1965).
265- Nous nous référons encore à l'article de N. LORAUX, loc. cit., (1982) p.
272.
QUATRIÈME PARTIE

HERITAGES
426

"..Jj'angoisse de durer personnellement


qui...pose l'individualité est liée à
l'intégration de l'existence dans le monde
des choses. Autrement dit, le travail et la
peur de mourir sont solidaires, le premier
implique la chose et vice-versa".

Georges Bataille, qui lie ainsi le travail et la peur de mourir


(1), qui d'autre part associe le sacrifice au travail aussi bien qu'à
la mort, donne un sens à l'enchaînement de ces "images" qu'au
terme de notre étude nous chercherons à retrouver dans le mythe
d'Héraclès,
"avant" de lacomme
Cité. autant d'héritages des temps anciens, d'un

S'il nous importe d'éclairer le sens qu'ont pu donner les


Grecs aux "travaux" d'Héraclès, s'il nous apparaît que le sacrifice
représente, dans le destin du héros, un élément d'importance ; si,
à chaque détour de son histoire, surgit l'image de la mort au point
qu'elle offre le plan d'isotopie le plus signifiant du mythe, ce ne
serait pas simplement comme autant d'éléments à partir desquels
aurait pu se constituer une légende : celle du fils d'Alcmène,
bâtard de Zeus... Ce pourrait être de surcroît, parce que ces
"proto-images", qui pour Jean Dournes forment l'amont du
mythe (2), procèdent aussi, dans leurs rapports entre elles, d'une
certaine logique et, pourquoi pas, dessinent comme les contours
de ce que pourrait être un Héraclès primitif.
427

PREMIER CHAPITRE :

IMAGES DU TRAVAIL

η pourra sembler paradoxal, que, dans le cadre d'une étude


sur les exploits occidentaux d'Héraclès, nous nous interrogions -
et, qui plus est, assez longuement - sur les rapports
qu'entretient - peut-être - le héros grec avec le travail. Rien de
plus
"travaux"
éloigné, en effet, de l'activité productrice que les derniers
d'Héraclès, ceux qui justement nous préoccupent ; et le
cycle péloponnésien, pourtant plus proche peut-être de ce qu'il
est convenu d'appeler : le travail, pose lui-même, à ce titre,
problème.
Et pourtant.... Héraclès ne fut-il pas, comme le dit
Sophocle, "toujours au service d'un autre" (3) ? ne subit-il pas la
condition du latris ? et même du doulos ? Et lorsqu'Homère
rapporte ces "travaux d'Eurysthée" auxquels, pour son malheur,
fut astreint le héros, il n'en cite qu'un : la capture du chien des
Enfers, Cerbère... un exploit dont le sens est proche -
précisément - de ceux que nous étudions.
Héraclès et le travail ? Non, décidément, le rapprochement
n'est pas arbitraire : lorsqu'au IVème siècle Avianus propose à
ses lecteurs une version ancienne de notre "aide-toi, le ciel
t'aidera", c'est au "protecteur de Tirynthe" que fait appel le
paysan dont le chariot et les boeufs sont enfoncés dans un
bourbier... C'est lui qui, du haut du ciel, lui enjoint de faire
d'abord l'effort nécessaire et lui promet que les dieux viendront à
son aide, mais seulement lorsqu'il aura épuisé "toutes les
ressources de ses forces" (4).
On peut certes souligner le rôle des Cyniques dans cette
promotion d'un dieu secourable et lui-même garant d'une vie
droite et d'un labeur acharné (5)... Ce serait oublier que
Prodicos, avant eux, plaçait le héros "à la croisée des chemins" et
déjà lui proposait le choix qui devait fortement contribuer à tirer le
mythe
qu' Avianus
vers s'inspire,
la leçon pour
de morale
l'essentiel,
; ce d'Esope,
serait oublier,
et que, surtout,
chez le
fabuliste grec, c'est déjà la protection d'Héraclès que réclame le
bouvier immobilisé (6). Notre interrogation est donc légitime, qui
cherche à préciser les rapports qu'en Grèce même, le héros du
ponos entretient avec une notion qui, avant même qu'elle ne se
projette sur le plan mythique, était déjà une pesante réalité
humaine.
428

Ι - LE TRAVAIL: DES MOTS POUR LE DIRE

"Le travail semble être une catégorie toute simple. La


représentation du travail dans cette universalité - comme travail
en général - est, elle aussi, des plus anciennes. Cependant, conçu
du point de vue économique sous cette forme simple, le "travail"
est une catégorie tout aussi moderne que les rapports qui
engendrent cette abstraction simple".
K. Marx, en 1857, utilisait cet exemple du travail pour
montrer "que même les catégories les plus abstraites... n'en sont
pas moins le produit de rapports historiques" (7) et l'historien de
l'Antiquité peut encore, je crois, reprendre à son compte cette
mise en garde. Elle traduit bien son embarras face à cette réalité
d'apparence si familière et cependant si fuyante que, dans son
domaine propre, constitue le travail. Réalité fuyante, parce que
complexe : "il y a une histoire technique, économique, sociale,
psychologique du travail", écrivait J.-P. Vernant (8), et il est
bien vrai que sont mises en jeu, dans cette activité, les dimensions
multiples de l'expérience humaine. Réalité fuyante, parce que
lointaine, aussi : le travail, produit des conditions historiques,
est difficile à "penser" autrement qu'avec nos propres concepts,
qui sont, bien sûr, le produit de circonstances et de rapports
sociaux fondamentalement différents.
Ainsi, dans ce destin d'Héraclès que nous avons choisi
pour thème, entre ces "gémissants travaux" qui, dans l'épopée et
chez Hésiode encore, en font "le plus malheureux des hommes"
et le choix glorieux du héros de Xénophon qui repousse la
mollesse et le plaisir pour se vouer à une existence placée toute
entière sous le signe du ponos, comment espérons-nous
retrouver l'évolution d'une idée... je n'ose dire d'un mot (9),
puisque, nous l'avons appris, "le grec ne connaît pas de terme
correspondant à celui du travail" (10)?
Pourquoi, de surcroît, tenter pareille étude à propos de ce
héros, s'il est vrai que, comme on nous l'a dit et répété :
"Héraclès n'est pas un travailleur" (1 1) ?
Comment, enfin - gageure tout aussi risquée - aborder le
problème par le biais de ce prisme déformant qu'est le mythe ?
L'entreprise est périlleuse, nous le savons bien, et l'idée ne
nous effleurera pas de rechercher dans Héraclès un quelconque
paradigme du travail humain. C'est pourtant de l'expérience
humaine qu'est fait le mythe, même s'il est loin d'en être un
simple reflet (12) ; comme le travail, pourrait-on dire, il est un
"fait social total" (13). Et puis, ce changement dans la conception
429

d'un héros qui, après avoir des siècles durant peiné pour les
autres, été latris et même doulos, choisit de son plein gré la voie
de l'effort, ne peut être simple fantaisie. Même à l'échelle
grecque, le travail a une histoire et c'est cette histoire que nous
tenterons de retrouver. Dans cet "entrelacement des temps" dont
parle Althusser, le mythe semble appartenir au temps qui ne passe
guère. Pourtant, comme tout ce qui tient à l'histoire sociale de
l'homme, il évolue, lui aussi, et porte témoignage. C'est
précisément ce témoignage que nous voudrions évoquer, et,
puisqu'effectivement nous nous heurtons, dès l'abord, à cette
absence troublante "d'un terme à la fois spécifique et général"
(14) pour désigner le travail en Grèce, c'est à ce problème du
vocabulaire que, dans un premier temps, nous nous affronterons.

1-1 Nous irons vite, d'ailleurs, en ce domaine déjà très


largement défriché, tant sur le plan général par A. Aymard, et
surtout par J.-P. Vernant (15) que sur ce terrain héracléen où, une
fois encore, notre recherche rencontre celle de N. Loraux (16).
Que le travail n'apparaisse pas, en Grèce, "comme une
grande fonction
spécifique" (17) est
sociale,
incontestable...
comme type Que d'une
les différentes
activité humaine
activités
qui, à nos yeux, le constituent, paraissent éclater en "une
pluralité de métiers différents" (18) et procéder de conduites
multiples, voire opposées, ne l'est pas moins, et J.-P. Vernant,
exploitant la différence établie par Marx dans La Contribution à la
critique de l'Economie politique, entre le travail créateur de la
valeur d'échange et le travail créateur de la valeur d'usage, a bien
montré comment, en l'absence d'une circulation générale des
produits, le travail - faute de prendre forme, lui aussi, d'un
échange généralisé - ne peut être saisi dans son unité abstraite
comme le fondement des rapports sociaux. De cette atomisation,
le vocabulaire lui paraît être le fidèle reflet et il cherche en vain,
entre des termes trop généraux qui, comme portos, désignent
toute activité requérant un effort pénible et d'autres qui, comme
erga ou technè , paraissent restreindre à un domaine particulier le
procès de production, le terme que nous pourrions, sans
ambiguïté aucune, traduire en français par travail.
Sans prétendre faire d'Héraclès le héros du travail, on peut
être tenté, puisqu'il est, à son sujet, beaucoup question d'efforts,
de "travaux", de rechercher, dans les termes qui furent appliqués
à ses exploits, le moyen de mieux cerner, peut-être, les
représentions ambiguës de ce que fut, pour les Grecs, le travail,
de mieux comprendre, surtout, ce que représentèrent pour eux ces
430

"actions" qui sont la raison même d'exister du héros.


Il est significatif, par exemple, que N. Loraux, dans une
étude consacrée à ponos (Sur quelques difficultés de la peine
comme nom du travail ) (19) ait pu lire, dans l'utilisation de la
notion de ponos, appliquée par Sophocle au mythe d'Héraclès, la
preuve même de cette ambiguïté : "dans le Philoctète, ponos est
ce qui a valu au héros l'immortalité de la valeur (athanatos arétè);
dans les Trachiniennes, ponos dit aussi bien les exploits que la
servitude et le corps meurtri" (20). Nous ne reprendrons pas, ici,
une analyse si bien conduite. Les Tragiques (et c'est vrai
d'Euripide comme de Sophocle) ont volontiers choisi ponos
pour exprimer les efforts aussi douloureux qu'hors du commun
d'Héraclès (21)... Ponos que P. Chantraine traduit ainsi : "dur
effort, peine, travail, lutte, souffrance physique" (22), autant de
termes qui, d'ailleurs, disent avec bonheur ce que furent les
exploits du héros... Ponos qui, très souvent, se trouve remplacé
par mochthos, dans l'Héraclès d'Euripide, par exemple (23),
avec un sens analogue, avec la même insistance portée sur la
peine, sur la souffrance du héros. C'est en effet la nuance qui
paraît alors marquer ponos comme tous les mots de la même
famille dont le vocalisme est en ο (le vocalisme e, introduisant
plutôt le sens d'indigence, de pauvreté). Encore conviendrait-il de
ne pas oublier que le verbe de référence, quant à lui, πένομαι
insiste plutôt sur l'idée de travail (24), et il semble bien qu'entre
les deux sphères sémantiques, celle du travail et celle de la
douleur, auxquelles - il n'est que de lire la définition de Pierre
Chantraine - on rattache indifféremment ponost la seconde, à
laquelle semblent l'associer certains emplois post-homériques, ne
soit d'abord qu'occasionnelle. C'est ce qu'il est permis de
conclure d'une pénétrante étude du Vocabulaire homérique de la
douleur y à laquelle s'est livrée Francine Mawet (25) : la notion
de "souffrance" qui transparaît dans quelques contextes, écrit-elle
au terme de son analyse des mots de la famille de ponos , "peut
être considérée comme un corollaire naturel de celle de "travail".
Rien n'indique donc un rapport sémantique fonctionnel avec les
expressions de la "douleur". Les seules relations pouvant exister
résultent de la nature des choses et non d'un caractère
linguistique"(26).
Dans les poèmes homériques, si ponos est souvent utilisé
(une centaine d'occurrences environ situées essentiellement dans
Ylliade ), c'est généralement dans un contexte guerrier, ce qui
n'affaiblit en rien les conclusions ci-dessus, la notion de labeur
étant, dans ce cas, "particulièrement évidente" et ponos
apparaissant justement "comme une désignation propre du
431

"combat", du "travail du guerrier" (27). Les autres emplois -


dans le cadre de vers formulaires en particulier - l'associent à la
préparation des repas, et lorsqu'apparaît la connotation de
"souffrance", c'est dans quelques syntagmes précis (πόνος- et
ό'ΐζύς- ) qui désignent plutôt la misère, le sort lamentable ; ou
πόνος· et χηδος- chaque fois employés dans un contexte guerrier,
par exemple (28).
Πονέομαι de même - et ce dans des contextes plus variés :
combats encore, tâches ménagères toujours, mais aussi activités
manuelles comme le travail du forgeron, le gréement d'un navire,
la fabrication d'une charrue (ceci chez Hésiode) (29)... - exprime
essentiellement l'idée de travail, de labeur. Et comme pour portos,
le seul indice d'une notion de souffrance qu'ait relevé Francine
Mawet "associe le labeur humain aux misères de la destinée"
(30). Quant à πένομαι, il est plus limité encore au champ de la
préparation des repas (11 sur 18 occurrences), aux travaux
ménagers, et d'une façon plus générale cette fois, aux travaux,
aux affaires des hommes (31).
Or - et cela mérite d'être souligné pour prendre la mesure
de la conception "homérique" d'Héraclès - lorsque les termes de
la famille de ponos sont ainsi utilisés - dans un contexte
masculin, c'est-à-dire, pour l'essentiel, guerrier - ils ne sont
jamais appliqués au fils d'Alcmène. Pourtant c'est bien cette
image du "labeur... associé aux misères de la destinée" que
YIliade comme l'Odyssée, donnent du héros... Seul manque,
justement, le contexte guerrier, et si les termes sont autres, c'est
sans doute parce qu'ils connotent de façon plus précise encore -
nous y reviendrons - la servitude.
Les "travaux" d'Héraclès désignés comme ponoi (ou
mochthoi ) apparaissent, en tout état de cause, comme étroitement
liés à l'époque classique (32). Encore faut-il, je crois, préciser
que nos références proviennent essentiellement du théâtre grec,
cela conformément à une tendance générale qui fait préférer ergon
à ponos par les historiens du Vème siècle ! (33).
C'est donc, assez précisément, à la conception tragique du
héros que renvoient les références relevées par Nicole Loraux.
Dans cette hésitation permanente entre la grandeur et la
souffrance, entre la gloire et l'effort, dans cette tension qui tient à
la nature héroïque elle-même, mais convient si bien au genre
tragique, le ponos (ou mochthos ) est ce qui fait d'Héraclès un
homme, ou du moins une image possible de l'homme, avant que
l'excès même de ses souffrances ne l'ait conduit à l'immortalité.
La comparaison avec Pindare est intéressante, qui, pour chanter la
condition des humains "soumis à tant d'épreuves" (ici c'est ponos
432

qui est d'Héraclès


faits" utilisé : πολυπόνων
(κορυφαΤς
ανδρών),
άρεταν
choisit
μεγάλαις·),
de retracer
exalte,
les "hauts
par

conséquent, ce qui grandit le héros... un choix conforme, bien


sûr, à la conception aristocratique qui est sienne (34).

1-2 Si l'utilisation de ponos a pu nous paraître comme


étroitement liée à la conception tragique du héros, il est, en
revanche, un terme qui, par delà les siècles, désigne de façon si
courante les travaux d'Héraclès qu'il finit par s'identifier presque
complètement avec eux, c'est le substantif athlos .
Dans l'épopée, chez Hésiode et chez Pindare encore, il est
donné sous sa forme ancienne, non contracte : aethlos ; à
l'époque classique - chez les Tragiques par exemple - il continue
d'être employé, mais sous sa forme attique, contracte ; à
l'époque hellénistique et romaine, il finit, dans les mythologies de
Diodore de Sicile ou d'Apollodore, par exemple, par dire, à lui
tout seul, les "travaux" (35).
Or, que signifie athlos ? épreuve, certes, et en ce sens
ponos et athlos se rejoignent, mais avec, dans ce dernier cas, un
sens nettement affirmé de "lutte", "combat". Le glissement vers
"jeux", "concours" semble avoir été facile, comme en témoigne
l'équivalence fréquemment admise avec agôn ... (36). Une
équivalence qui, toutefois, n'apparaît que rarement lorsqu'il s'agit
des travaux d'Héraclès (37).
Il serait, bien sûr, du plus haut intérêt - puisque c'est par ce
terme que, dans nos sources les plus anciennes, sont désignés
les exploits d'Héraclès - d'en connaître l'étymologie. Elle n'est
malheureusement pas établie, déplore P. Chantraine, pas plus
que le sens originel n'est assuré (38). Ou bien, en effet, aethlos a
d'abord signifié "épreuve, concours" - ce que semble admettre
l'auteur - ou bien l'on accepte, avec H. Triimpy, un sens
originel qui serait proche de labor, de la peine que l'on se
donne... un sens qui - peut-être est-ce à mettre à l'actif de cette
interprétation ? - offrirait des points de comparaison avec le
sanscrit et le vieux slave (39).
Il nous a paru intéressant, à ce titre, de reprendre les
exemples homériques appliqués à Héraclès. Dans Ylliade, de
façon presque
Εύρυσθέως· δεθλοι
constante,
(40), ils les
sontexploits
donc donnés,
du héros
avec insistance,
sont dits :
comme travaux imposés et, si dans l'un des passages consacrés
au fils d'Alcmène, l'accent est mis, justement, sur l'ordre donné
(41), les autres caractérisent les épreuves : "d'ignominieux
433

travaux" dans un cas (ergon aeikes ) (42), des efforts qui laissent
"à bout de souffle" dans l'autre (43). Même impression dans
YOdyssée, avec
misérable" (κακός-
plusμόρος
d'insistance
), ces encore
misèrespour
sansdire
bornes
"cette
(oïCuç
vie
άπειρέσια), ces travaux pénibles (χαλεποί άέθλοι) imposés par
"le pire des humains" (44). Nous sommes bien loin, on le voit,
de l'exploit athlétique ! C'est l'effort, la peine, la souffrance qui
s'imposent et l'accent, loin d'être porté sur la gloire du héros,
l'est sur l'ignominie qui fut son lot. Le paradoxe est même, dans
Y Odyssée y souligné par Héraclès lui-même, qui, à tant de
misères, oppose son illustre généalogie : fils de Zeus, petit-fils
de Cronos ! (45).
Reconnaissons-le, lorsqu'on abandonne un instant les
aventures d'Héraclès, les choses sont loin d'être aussi claires. Si

Ménélas,
"épreuves"recevant
que, pourTélémaque,
lui, dut affronter
parle,Ulysse,
dans YOdyssée,
c'est en un sens
des
qui peut paraître fort voisin (46). Mais d'autres occurrences
homériques d'athlos rendent, il faut bien le reconnaître, un son
différent : de T'exploit manifestement guerrier, dans Ylliade
(47), à l'épreuve de l'arc qui, dans YOdyssée, permettra au roi
d'Ithaque de prouver sa qualité (48). Mais alors, peut-on dire
que, lorsque le terme désigne autre chose que "des épreuves en
forme de concours ou de jeux" les exemples s'en trouvent "soit
dans YOdyssée soit dans les parties récentes de Ylliade " (49) ?
L'ambiguïté du terme concerne, me semble-t-il, les deux oeuvres
et il peut paraître raisonnable d'admettre, avec les auteurs du
Lexikon des frûhgriechischen Epos , que la peine et la souffrance
sont, dès les premières mentions que nous en connaissions, partie
intégrante de la notion d'athlos (50).
En ce qui concerne Héraclès, et c'est cela surtout qui nous
préoccupe, il est évident que l'aspect agonistique est tout à fait
second et que dans les poèmes homériques, les occurrences
d'aethlos , à son sujet, servent essentiellement à dire sa vie
pénible ou douloureuse... Elles font de lui "le malheureux" dont
se souviendra longtemps la tradition grecque (51).
Hésiode, par exemple, dit encore les "gémissants travaux"
du héros : un héros pourtant robuste et vaillant (52) ; un héros
qui, "sa grande tâche accomplie, habite chez les Immortels,
soustrait au malheur et à la vieillesse pour les siècles à venir"
(53). Pour la première fois s'exprime - et sur un autre plan
désormais que celui de la généalogie - le paradoxe du héros : la
misère d'une vie et la grandeur d'un destin. Dans ce court
passage que de choses sont dites ! Les exploits d'Héraclès sont,
dans une même phrase, stonoentas aethlous, "gémissants
434

travaux", et, une fois accomplis, meg a ergon, "une grande


tâche"... celle qui - mais peut-être est-ce trop solliciter le sens du
texte ? - lui donnera droit, par son mariage avec Hébé, à
l'immortalité (54) ; celle qui, également, le soustrait
définitivement à la souffrance.
Chez Pindare, en tout cas, aucun doute n'est plus permis.
Ce sont les durs labeurs du héros (kamatoi megaloi ) qui lui
donnent accès à la félicité sans fin et, si l'expression de "demeure
des Bienheureux" peut, quant à elle, prêter à confusion, Héraclès
vit, dit le poète, auprès de Zeus le Cronide, ce qui lève tous les
doutes (55). L'idée d'une immortalité conquise est ici affirmée et
elle apparaît comme une "récompense" ou plutôt, dirons-nous,
comme une compensation (poinè, en effet, induit assez
fréquemment l'idée d'une réparation), idée très compatible, me
semble-t-il, avec la volonté manifeste qui est celle de Pindare de
grandir le héros. Soumis à de tels travaux, aussi indignes de lui,
c'est bien une compensation, une réparation que mérite Héraclès.
Comment mieux concilier la tradition reçue qui fait de lui un
"travailleur" et la conception aristocratique que développe
Pindare ?
Quant à l'Hymne homérique, que nul ne se risque à dater, il
donne le même raccourci de la "carrière" d'Héraclès ; il chante la
vaillance du fils de Zeus, "le plus grand - et de beaucoup - parmi
les hommes de la terre", ses travaux hors de pair (έξοχα έργα),
ses souffrances surtout, "sur la terre et la mer immenses"... Il
chante enfin l'immortalité aux côtés d'Hébé "aux belles chevilles"
"sur l'Olympe neigeux" (56). Même schéma donc, mais
différence capitale : alors que, chez Hésiode, l'immortalité est en
puissance, et qu'elle se réalise, pour Pindare, dans l'effort de la
tâche accomplie, l'hymne oppose nettement l'homme à ce destin
d'immortel, qui, finalement devait être le sien ; et cela, sans
qu'apparaisse aucun lien de cause à effet entre les travaux et la
commensalité avec les dieux.
Faut-il alors refuser de voir, dans cette immortalité,
Yathlon, le "prix" de ses travaux (57) (au sens où, bien sûr, on
parle du prix obtenu dans un concours, puisque dans ce terme
s'exprime - sans ambiguïté cette fois - l'aspect agonistique de
cette famille sémantique) ? Faut-il, au contraire, tenter d'en tirer
des conclusions sur la date - relativement tardive - de l'hymne à
Héraclès ? Nous laisserons pour l'instant ce problème pour
revenir au vocabulaire des travaux et étudier, après ponos et
athlos, le terme ergon assez fréquemment utilisé lui aussi pour
qualifier la "grande tâche" du héros.
435

1-3 Dans VHymne homérique en effet, les exploits


d'Héraclès sont dits έξοχα έ*ργα (58) et l'on peut être surpris de
trouver, dans ce contexte, un terme dont on a souvent souligné la
signification spécifique : travail, certes, mais appliqué à deux
secteurs bien particuliers de la vie économique, l'agriculture et
l'activité bancaire, souligne-t-on généralement, à moins qu'on ne
reconnaisse à έργον (toujours au singulier dans ce cas ?) une
valeur plus générale, mais bien définie encore "pour chaque chose
ou chaque être, le produit de sa vertu propre, de son arétè" (59).
On pourrait penser qu'une telle définition convient
particulièrement bien à Héraclès : elle convient bien, par
exemple, au texte d'Hésiode, à cette grande tâche (mega ergon ),
qui, dans la Théogonie, ouvre l'immortalité au héros (60)... Au
pluriel dans l'Hymne homérique, elle pose déjà plus de
problèmes (même si l'on fait abstraction de la chronologie
incertaine du texte). Mais c'est chez Homère que se trouve
vraiment la difficulté, lorsque, dans YHiade, l'ergon d'Héraclès
est qualifié d'ignominieux (61)... Il est, dans ce cas, difficile de
ne pas traduire par tâche, travail. C'est d'ailleurs, me semble-t-il,
ce qui apparaît au terme de l'étude que consacre P. Chantraine,
dans son Dictionnaire étymologique, à l'évolution sémantique
d'gpYov, de ses antécédents mycéniens à ses dérivés et à ses
composés (62). N'a-t-on pas mis quelque excès à chasser toute
notion de travail du vocabulaire grec ?
C'est à cette même interrogation que me conduit la mention
du terme, beaucoup plus rarement utilisé et, semble-t-il,
essentiellement poétique, par lequel, dans la Première Néméenne,
Pindare désigne les travaux d'Héraclès ; le nom kamatos (63).
Kamatos, qui chez Homère désigne à la fois le travail et l'effort,
mais aussi la peine et la fatigue (64) (plus tard il signifiera
souvent souffrance, maladie), rappelle, bien sûr, le mycénien
kama connu par les tablettes de Pylos. Ce terme, appliqué à un
mode d'exploitation de la terre, reste assez mystérieux, mais il
paraît à tout le moins manifeste que les détenteurs de telles
tenures, les Kamaewe constituent des éléments particulièrement
importants de la force de travail dans l'agriculture pylienne (65).
Même si la continuité du terme mycénien et du verbe grec est
difficile à prouver (66), c'est toujours, dans ce dernier, la même
notion de travail, d'effort et par conséquent de peine qui
s'exprime.
C'est ainsi à une double interrogation que conduit cette
étude du vocabulaire par lequel les Grecs désignaient les travaux
436

d'Héraclès.
1) Pour les contemporains d'Homère, et disons-le, jusqu'à
Pindare qui fît beaucoup pour transformer l'image du héros,
qu'ont véritablement représenté les efforts douloureux - voire
humiliants - d'Héraclès ? A-t-on raison de tant affirmer que -
pour eux du moins - "Héraclès n'est pas un travailleur" ? (67)
2) Et s'il en est ainsi d'un héros dont l'action, de par sa
nature même, échappe à la commune mesure, qu'en est-il de la
règle générale ? Le travail était-il en Grèce aussi difficile à "dire"
qu'on l'a prétendu ? Le mot ergon nous a paru, à cet égard,
recouvrir un ensemble de notions à la fois plus variées et plus
générales que celles dans lesquelles l'avait cantonné J.-P. Vernant
et il nous plaît de constater que ces conclusions - fort partielles,
étant donné l'objet même de notre étude - rejoignent celles
d'études récentes consacrées à l'ensemble du problème.
Ainsi, dans un article suscité par le livre d'Alfonso Mêle,
sur le commerce dans la Grèce archaïque, Benedetto Bravo tend,
lui aussi, à réévaluer le concept de travail en Grèce, et cela,
précisément autour du terme ergon, qui, dit-il, "unifie un
ensemble d'activités fort disparates". C'est, écrit-il encore,
"l'union de la notion d'acquisition de biens et celles de l'effort
prolongé et pénible" qui fonde cette notion. Pour les Grecs, était
donc ergon "tout portos (tout effort prolongé et pénible) visant à
l'acquisition de chrémata (de biens matériels) de toutes sortes,
l'employeur)"
soit pour l'agent
(68).
lui-même,
Peut-êtresoit
est-ce
pour
aller
autrui
un peu
(pour
loinle: maître
la réalité
et
archaïque paraît plus nuancée et plus riche, on s'en convaincra en
lisant les études que, dans sa thèse, Raymond Descat consacre au
groupe lexical d'ergon dans les poèmes homériques (69) et dans
l'oeuvre d'Hésiode... (70) C'est tout un ensemble de relations
sociales autour de Yoikos qu'exprime le code $ergon (71)...
des relations que la lecture du Linéaire Β a d'ailleurs permis de
mieux comprendre en enrichissant la connaissance des formes
verbales de même famille : l'activité productrice, le service
public, l'obligation religieuse... (72). Ces liens que tissent entre
eux les mots du groupe d'ergon ne nous étonnent guère et
expliquent aisément la polysémie du terme.
Notions complexes certes, dans la mesure où conduite
économique, conduite religieuse et sociale se sont longtemps
confondues... Mais de cette complexité, on aurait tort de déduire
qu'il n'est pas possible, en Grèce, de parler du travail. Le nom
existait, qui, le cas échéant, pouvait aussi dire l'activité
productrice.
437

1-4 L'autre pôle de notre recherche nous conduira vers


l'Héraclès des mythographes, et, par commodité, nous tenterons
de lire ce vocabulaire du travail chez le seul Apollodore, ce qui
nous permettra un examen plus exhaustif (73) sans pour cela - de
nombreux recoupements avec l'oeuvre de Diodore, par exemple,
nous l'ont prouvé - que nos conclusions en soient faussées.
L'importance accordée dans la Bibliothèque à notre héros
est en effet considérable : 113 occurrences, alors que Zeus - la
seule divinité qui, par le nombre de citations, le dépasse, en
totalise 156. Les autres dieux arrivent assez loin derrière
(Poséidon avec 75, etc), les héros plus loin encore (21
occurrences pour Persée, 15 seulement pour Thésée à qui on
pourrait être tenté de le comparer, 7 pour Oedipe... etc). Que cette
forte présence soit due, en partie, à son rôle de puissant géniteur,
cela n'étonnera guère dans un exposé mythologique dont la
structure est très nettement généalogique. Mais Héraclès retient
aussi pour ses hauts faits et Apollodore, au sein du livre Π qui
expose la progéniture d'Inachos, consacre un très long excursus
aux exploits du héros, parmi lesquels ses fameux "travaux" (74).
Nous avons cherché à interroger le texte dans son ensemble
pour y retrouver le vocabulaire jusque là utilisé pour dire le
travail ; les résultats sont clairs : plus aucune mention de ponos,
pas trace non plus de mochthos qui, à l'époque classique,
permutait si souvent avec ponos . Aucune mention enfin d'ergon
(ou erga ) : seul le verbe ergazomai apparaît une fois, dans
l'épisode bien connu de la fabrication de la lyre par Hermès
enfant (75). Plus d'hésitation dans ce contexte : les exploits
d'Héraclès - parmi quelques autres d'ailleurs - ne sont plus
qiïathloi (76). Sur vingt et une occurrences relevées par
l'ordinateur, dix-neuf concernent effectivement le terme athlos et
toutes se réfèrent à Héraclès ; les deux autres sont en réalité
l'accusatif neutre d'athlon (le prix du concours). Dans l'un des
cas, c'est encore une référence à la légende héracléenne, puisque
cet athlon, qui doit récompenser le vainqueur d'un concours de
tir à l'arc, est la main d'Iole, briguée, on le sait, par le héros (77).
La deuxième occurrence (où athlon intervient comme le
nécessaire corollaire d'âgon ) concerne le frère de Ganymède,
Ilos, vainqueur à la lutte dans les jeux organisés par le roi de
Phrygie (78).
Si ces deux derniers emplois du neutre athlon nous
replongent dans un contexte agonistique, le terme athlos , quant à
lui, n'est utilisé que pour dire les "travaux" d'Héraclès. Il est
donc devenu le terme topique pour nommer des épreuves
438

désormais canoniques (79).


Il peut désigner (8 occurrences) un ensemble de travaux
évoqués soit de façon imprécise (80), soit par l'expression
consacrée : "les douze travaux" (81), voire les "dix travaux"
(82).
Plus souvent encore (11 occurrences) aîhlos est utilisé par
Apollodore pour introduire (et numéroter) chacun des exploits
que doit accomplir Héraclès. La formule varie peu :
Δεύτερον 6è δθλον έπέταζεν par exemple (82bis).
Ainsi aîhlos se voit toujours flanqué du même verbe
έπιτάττω = ordonner. Les exploits accomplis par le héros restent
de ce point de vue, ce qu'ils étaient déjà chez Homère : tâche
imposée. Les verbes έπιτελέω ou συντελέω disent en retour
qu'Héraclès exécute, accomplit, mène à bien l'ordre donné.
Nicole Loraux, déjà, avait souligné cette association : "tout
entre Eurysthée et le héros se joue en trois mots, aîhlos
indissociablement l'exploit et la tâche imposée, prostagma qui dit
le commandement, telein et ses composés pour désigner
l'accomplissement du travail" (83), conclusions étendues "aux
mythographes", mais qui - les termes en témoignent - reposent
essentiellement sur le texte de Diodore (84).
Or, s'il est vrai que dans l'exposé des "travaux" du héros,
Diodore, comme Apollodore, use d'un schéma qui se répète -
toujours le même - une lecture moins "ciblée" de l'auteur sicilien
réserve quelque surprise. Nous avons souligné, en son temps,
l'intérêt que trouve Diodore à rapporter les hauts faits d'Héraclès
dans la mesure où il les conçoit comme l'exemple même de ce que
la postérité peut retenir de la mythologie et de l'histoire ; comme
la justification par excellence du but qu'il assigne à l'une comme à
l'autre : "diriger les âmes bien nées vers de belles entreprises par
la perspective d'une gloire immortelle" (85).
Et l'on s'aperçoit que, lorsque le mythographe ne raconte
plus, mais disserte ainsi sur le mythe ou sur le destin d'Héraclès,
son vocabulaire se transforme (86) : alors qu'il rappelle à de
multiples reprises, dans ce passage, les actions, les efforts, les
hauts faits d'Héraclès, le terme attendu d'athlos n'apparaît
jamais. A côté d'un vocabulaire assez peu spécifique (praxeis )
(87), on s'étonne de retrouver, pour dire les épreuves - et les
souffrances - qu'a endurées le héros pour apporter aux hommes
les bienfaits de la civilisation, le terme de ponos (88) et plus
souvent encore (et de manière plus inattendue peut-être) celui
à'ergon (4 occurrences) (89).
Que conclure de ce décalage entre le récit mythique et la
réflexion du mythographe ? Lorsque Diodore pense (et quelles
439

que soient les limites de cette pensée !), c'est le vocabulaire


classique qu'il retrouve, moins figé, plus dramatique. N'a-t-il pas
alors quelque
"vrai" ? Lorsqu'il
chose
raconte,
à démontrer
en revanche,
qui il
demande
paraît sombrer
qu'on parle
dans
l'indifférence - ou le conformisme - et, comme chez Apollodore,
disparaissent les termes qui disent l'effort, les souffrances, mais
aussi la grandeur du héros ; la vie semble s'être retirée du récit.
Et s'il fallait caractériser ce que sont, par rapport à la littérature de
l'archaïsme ou à la tragédie, les récits des mythographes, nous
en aurions, je crois, un bon exemple avec cette étude du
vocabulaire du travail... Après l'Héraclès d'Homère, fils de dieu,
certes, mais ployant sous le poids de sa tâche misérable et
"pleurant vers le ciel" (90), après le héros des tragiques écartelé
entre des malheurs si grands qu'ils lui font perdre figure humaine
et son destin glorieux d'immortel, l'Héraclès d' Apollodore n'est
guère plus qu'un nom, et, mécaniquement, il accomplit ce qu'on
attend de lui... Ce qu'on attend de lui... ou plutôt ce qu'on lui
ordonne. Car c'est la seule constante d'Homère à Apollodore
(91) - athlos appliqué à Héraclès reste la tâche imposée et le
héros, celui qui, pour autrui, se donne tant de peines.
440

II - HÉRACLÈS AU TRAVAIL: DES MOTS AUX CHOSES.

"Ces Héraclès pétrisseurs et affamés d'antan, le


premier, il les a proscrits et discrédités ; il a supprimé les
esclaves [s'enfuyant, trompant, se faisant battre exprès]
qu'on faisait sortir de la maison en gémissant sans cesse...
écartant ces inepties, cette vulgarité, ces basses
bouffonneries, il nous crée un grand art"... (92)
Aristophane se vante, certes, dans la parabase de la Paix,
car les esclaves sont loin d'être absents de son théâtre (93). Peu
nous importe ici ; ce que nous retiendrons, c'est l'utilisation du
nom d'Héraclès pour dire l'esclave... Π convient peut-être de
relativiser laévoquent
pétrisseurs" portée de
d'abord,
cette assimilation
très certainement,
: ces "Héraclès
pour les

spectateurs athéniens, le héros que, dans Syleus le drame


satyrique d'Euripide, ils avaient pu voir pétrir de gros pains.
Certes... mais ce déplacement même est significatif: qu'il
s'agisse de la Paix ou du Syleus , c'est Héraclès qui, de tous les
dieux ou héros de la mythologie, fournit à la fantaisie comique le
personnage le plus apte à tenir le rôle de l'esclave. C'est là,
semble-t-il, la traduction - sur un autre registre - d'une tradition
bien établie pour laquelle Héraclès est - ce sont les termes de
Sophocle que nous reprenons - "toujours au service d'un autre"
(94).

2-1 L'expression de "travaux d'Eurysthée" qu'utilise


Homère est explicitée dans VOdyssée : Héraclès endurait, dit-il,
"des misères sans bornes, asservi sous le joug du pire des
humains". Le verbe damnao, utilisé pour dire la servitude
(dompter, soumettre par la contrainte), est, certes, d'un usage
assez commun, puisqu'il peut s'appliquer tant à des animaux qu'à
des peuples conquis et surtout à la jeune fille qui se marie ; il est
cependant très fort et certaines formules homériques pourraient
même laisser penser qu'en dérive le nom de l'esclave dmôs (95).
C'est ainsi l'ensemble de la vie d'Héraclès, et, disons-le,
plus précisément, de ses actes (la raison d'être du héros) ! qui se
trouve déterminé, engagé dans un réseau de dépendance. On
pourrait objecter qu'Euripide, dans son Héraclès, offre une
exception notable : au dire d'Amphitryon, en effet, son fils aurait
offert lui-même à Eurysthée de purger la terre de ses monstres
pour favoriser le retour de son père à Argos (96). Tradition
divergente ? on nous permettra d'en douter. On sait quelles
441

libertés le dernier des Tragiques peut prendre avec le mythe


(l'exemple d'Hélène, épouse adultère ou parangon de vertu selon
les aléas de la politique athénienne à l'égard de Sparte, est là pour
le prouver). On voit aussi à quel point Euripide ne peut
s'affranchir totalement de la tradition établie, puisqu'il juge bon
de proposer des explications à la soumission d'Héraclès : le rôle
possible d'Héra, ou tout simplement les arrêts de la destinée (97).
Enfin, dans la suite de la pièce, les exploits du héros sont, comme
dans l'Iliade, dits "travaux d'Eurysthée" (98) ou plus précisément
encore présentés comme des ordres de ce dernier (99).
Ainsi, l'ensemble des hauts faits d'Héraclès le place dans la
dépendance de son royal cousin, une dépendance que la légende
explique par l'accouchement retardé d'Alcmène, en butte à la
jalousie d'Héra, et la naissance hâtée d'Eurysthée qui permet à ce
dernier de confisquer à son profit la souveraineté sur Argos. Et
lorsque Lucien de Samosate s'interroge sur l'indifférence de
Jupiter à l'égard du monde des hommes, il note, avec, il est vrai,
beaucoup d'ironie, que le roi des dieux se serait peu soucié de
"l'hydre de Lerne, des oiseaux du lac Stymphale, des chevaux de
Thrace et de l'insolente ivrognerie des Centaures", si Eurysthée
"cet homme du bon vieux temps, plein de prévoyance... n'eût
envoyé ce gaillard, son esclave, son homme de peine, et taillé
pour les travaux" (100).
Au-delà de la dérision voulue, ce portrait frappe : cet
Hercule "taillé pour les travaux" évoque un souvenir
fort : l'argument d'une sorte de déterminisme de la nature par
lequel, au moment où il était aussi nécessaire que menacé, les
philosophes du IVème siècle à Athènes tentèrent de donner à
l'esclavage sa justification théorique (101).
Mais, si Lucien peut ainsi utiliser cette image d'un Héraclès
esclave dans tous les actes de la vie, c'est que certains épisodes
de la légende l'y autorisaient en effet : serviteur, homme de
peine, Héraclès l'avait été, lorsqu'il s'était engagé à nettoyer,
pour un salaire, les étables d'Augias... Esclave, il l'avait été
aussi - et qui plus est, sous les ordres d'une femme ! - lorsque,
vendu à Omphale et revêtu d'une robe pourpre, "il filait la laine et
Lydiens"
se laissait(102).
donner des coups de pantoufle par la reine des

Latris et doulos, Héraclès, donc, le fut à plusieurs


reprises, et, pour dire cette servitude, c'est assez généralement le
verbe λατρεύω et ses dérivés qu'on trouve associés au héros :
latreuô signifie servir pour un salaire, ou servir d'une façon plus
générale (103), puisqu'il arrive qu'il soit employé aussi bien pour
des hommes libres que pour des esclaves. C'est précisément le
442

cas avec Héraclès, puisque le terme peut à la fois qualifier les


travaux réalisés pour Augias et la soumission à Omphale. Pindare
lui-même évoque, par exemple, le "salaire de serviteur" que le
héros dut arracher à Augias (Xarptoç μισθός-), (104) et Sophocle,
quant à lui, mentionne à plusieurs reprises, dans les
Trachiniennes, cette latreia du fils de Zeus "toujours au service
de quelqu'un", latreia, à quoi semble parfois se résumer sa vie,
puisque seule la mort d'Héraclès, dévoré par la tunique remise à
Déjanire par Nessos, le délivrera de sa pénible servitude (105),
latreia rappelée surtout à propos du service chez Omphale (106),
latreia qui, chez Apollodore, peut aussi désigner la très générale
dépendance du héros par rapport à Eurysthée (107).
Autres termes pour cure cette servitude : le verbe δουλεύω
et ses dérivés que nous avons vu employés par Lucien à
l'ensemble de la "carrière" du héros, mais qui s'applique surtout à
la servitude chez Omphale (108). Le verbe θητεύω, couramment
utilisé pour définir la situation d'Apollon et de Poséidon chez
Laomédon ou encore d'Apollon chez Admète (109), est beaucoup
plus rarement mis en rapport avec Héraclès, et, à notre
connaissance, Aristote est le seul à avoir fait d'Héraclès un thète
(110).
Il faut dire, avant d'analyser avec plus de précision les
occurrences de chacun de ces termes dans les textes relatifs aux
exploits ou à la vie d'Héraclès, qu'il n'est pas le seul, dans le
monde des dieux et des héros, à avoir connu la servitude.
Servitude chez un dieu : c'est le cas - le seul d'ailleurs - de
Cadmos qui sert, auprès d'Ares, une année entière (111)...
Servitude chez un mortel, surtout. Clément d'Alexandrie, dans le
Protreptique, énumère ces θεοί δούλοι qui, avant "ceux qu'on
appelait les hilotes chez les Lacédémoniens", portèrent "le joug de
la servitude": Apollon à Phères chez Admète, Héraclès à Sardes
chez Omphale, et, chez Laomédon, Poséidon et Apollon "qui
relevèrent les remparts d'Ilion au profit du Phrygien" (112).
Mais, dès le cinquième siècle, Panyasis - dont on connaît l'intérêt
pour Héraclès - avait donné la liste de ces dieux-serviteurs (1 13).
Aux côtés des plus connus - ceux dont Clément a conservé le
souvenir - il mentionnait Déméter, parce qu'elle avait accepté
d'élever le jeune Démophon, fils du roi d'Eleusis Kéléos, et ce
"pour un salaire digne d'envie" (114); "l'illustre boiteux"
Héphaïstos ; Ares et "beaucoup d'autres dieux". On pourrait
encore citer Dédale, contraint de travailler pour Minos (1 15) et
Zeus lui-même, "journalier" chez les fils de Lycaon (116).
Héraclès n'est donc pas une exception en ce sens que
d'autres dieux (surtout) ou héros ont un jour, comme lui, accepté
443

de perdre leur liberté, mais, dans une certaine mesure, il


représente tout de même un cas particulier par la polarisation sur
sa personne de la notion de service et ce sous ses aspects
multiples : celui du mercenaire ou du thète ; celui de l'esclave
enfin. Il me paraît capital encore de noter que cette notion marque
des "moments" sans doute différents du mythe. Elle est présente
dans l'un de ces travaux péloponnésiens qu'on peut à bon droit
considérer comme "premiers" dans le mythe héracléen... Elle se
retrouve dans le thème des travaux imposés par Eurysthée qui
dénote déjà une certaine organisation de la légende... Elle est
reprise dans un épisode de cette véritable biographie romancée
qu'on a fini par accorder à Héraclès, puisque c'est après avoir tué
Iphitos qu'Héraclès est vendu comme esclave chez Omphale.

2-2 Nous ne reviendrons pas ici sur cette soumission aux


ordres d'Eurysthée, qui, lorsqu'elle est définie, porte, nous
l'avons vu, le nom de latreia ou de douleia, mais qui peut être
tout simplement indiquée par le verbe epitatto ou le nom
prostagma à moins que ce ne soit, de façon plus elliptique
encore, par l'expression "travaux d'Eurysthée" avec le seul
génitif. Elle résume un peu - et c'est normal - tous les cas de
figures offerts par le mythe d'Héraclès. Nous essaierons en
revanche de mieux comprendre deux situations types : celle
d'Héraclès latris chez Augias, celle d'Héraclès doulos chez
Omphale.

Dans les étables d*Augias, roi d'Elide, s'était depuis des


années entassée une énorme quantité de fumier qu'Héraclès dut
un jour nettoyer, sur ordre d'Eurysthée. Cinquième dans la liste
du dodécathlos pour Apollodore (1 17), sixième pour Diodore
(118), l'épisode n'a guère inspiré les artistes grecs : dans la
littérature, la première mention est celle de Pindare, qui, dans la
Dixième Olympique (en 476 par conséquent), mentionne le
"latrios misthos " d'Héraclès (119)... Témoignage capital dans
sa concision : Héraclès est latris et sa latreia est définie par le
misthos qu'il reçoit pour effectuer sa tâche. De la même époque,
date la métope du temple de Zeus à Olympie pour laquelle on a
choisi de représenter l'effort conjugué du héros et de sa
protectrice Athéna - le parallélisme des lances est, à cet égard,
remarquable - enfonçant les portes de l'étable pour qu'y
pénètrent les flots du Pénée (ou de l'Alphée), et l'on sait, par
444

Pausanias, que l'épisode était encore gravé sur les portes de


bronze du temple (120)... faveur toute locale, puisque l'Elide
n'avait été le théâtre que de ce seul épisode des travaux
héracléens.
En effet, dans la longue liste des représentations céramiques
que, pour chacun des exploits d'Héraclès, dresse F. Brommer, le
paragraphe VI reste muet : aucun exemple connu (121). De
même, sur plus de 10 000 vases attiques à figures noires et
rouges traités, sur ordinateur, par l'Institut d'Archéologie de
l'Université de Pise, et, plus précisément, sur 547 exemplaires
concernant le héros, seul, dans la liste des "Travaux", manque le
service chez Augias. Là encore aucune représentation n'a été
enregistrée - contre 185 pour le lion de Némée ; respectivement
20 et 24 pour Géryon et Cerbère, mais 5 seulement il est vrai
pour les Hespérides, moins encore pour l'hydre (3) et les oiseaux
du lac Stymphale (1) (122) -. Même si l'argument a silentio ne
peut être tenu pour définitif, les conclusions sont nettes :
l'épisode n'a pas inspiré les peintres, ou, autre façon de voir le
problème - l'image étant message, au même titre que la
parole - il n'était pas bon à voir - donc à représenter - pour un
public athénien, et, d'une façon plus générale, pour une clientèle
grecque ou étrangère (123).
Le thème ne réapparaîtra guère avant l'époque romaine,
sculpté sur les sarcophages dits "à frise continue" ou représenté
sur des mosaïques qui semblent directement s'en inspirer tels le
pavement de Saint-Paul- les Romans ou celui de Liria, en
Espagne. Généralement très mutilées, ces scènes paraissent
cependant assez différentes de celles qu'avaient traitées les Grecs,
plus réalistes, en tout cas. A Olympie, en effet, pas de véritable
représentation d'un travail jugé humiliant, mais l'union -
doublement noble - d'une lance divine et d'une lance héroïque ;
à Saint-Paul-les-Romans, à Liria, mais aussi sur un fragment
à'emblema découvert dans la nécropole de Γ "Isola Sacra"
d'Ostie, sont au contraire figurés un hoyau, un panier
vraisemblablement destiné au transport du fumier, peut-être une
vasque recueillant l'eau purifiante (?).. autant de signes qui
évoquent le travail des hommes. Il n'en est pas moins vrai que,
plus fidèlement représenté, l'exploit n'en est pas jugé plus
glorieux dans la littérature et reste, pour Sénèque par exemple,
"un ignoble labeur" (124). Quant à Lucien, lorsqu'il imagine
Zeus envoyant Hercule, accompagné de la Philosophie, pour
"écraser ces monstres impurs et insolents" que sont les faux
philosophes, il s'entend répondre que "mieux vaudrait nettoyer
une seconde fois le fumier d' Augias" plutôt que se commettre
445

avec eux ! (125).


Mais revenons au mythe grec : les récits de Diodore de
Sicile et d'Apollodore se complètent admirablement pour
exprimer ce qui, dans l'épisode, pouvait gêner. Diodore insiste
sur l'aspectlehumiliant
"outrager" héros (ΐ&ρεως-
de la £νεχεν).
tâche imposée
Héraclès
par
repousse
Eurysthée
(comme
pour

indigne) l'idée d'emporter le fumier sur ses épaules


(αποδοκιμάζω) et c'est pour éviter la honte (αίσχύνη) qui
résulterait de cette humiliation (encore ΰ&ρεως-) qu'il nettoie
l'étable en y faisant passer le fleuve Alphée (ou Pénée). C'est
ainsi, sans indignité (toujours ν&ρεως·), qu'il accomplit la tâche en
un jour. Diodore admire enfin l'ingéniosité du fils de Zeus qui
sut mener à bien, en évitant la honte (αισχύνη), l'exécution d'un
ordre injurieux (υπερήφανος·) sans rien supporter qui soit indigne
(ανάξιος·) de rimmortalité (126).
Nous avons tenu à suivre au plus près le texte grec - au
risque de nuire à l'élégance du style ! - pour mettre en évidence
l'insistance qu'apporte Diodore à dire le caractère injurieux et
indigne du héros, de cet "exploit" chez Augias. On croirait, à le
lire, voirdont
travaux" se parle
dérouler
Homère,
le commentaire
sans toutefoisde
lesces
mentionner
"ignominieux
(127).
Il ne fait aucun doute qu'on retrouve, chez l'auteur sicilien, l'écho
lointain de cette tradition ancienne d'un Héraclès soumis à une
tâche dégradante.
Mais le discrédit qui s'attache à cet exploit ne s'explique pas
seulement par la nature du travail à exécuter. Apollodore, quant à
lui, n'en dit rien et s'intéresse, non pas à l'action elle-même, mais
au rapport qu'elle établit entre les trois personnages : Eurysthée -
Héraclès - Augias. L'ordre, comme chez Diodore, est donné par
Eurysthée, mais Héraclès n'en fait pas mention, lorsqu'il se
présente devant Augias et lui propose d'enlever tout le fumier de
ses étables en un jour, s'il veut bien lui donner la dixième partie
de ses bestiaux. Laissons pour l'instant de côté l'aspect particulier
de cette "dîme", c'est bien d'un misthos qu'il s'agit, misthos
qui, convenu d'avance, instaure la relation de dépendance entre
celui qui sert (qu'il soit latris, comme c'est ici le cas, ou thète )
et celui qui, en récompense, donnera (ou ne donnera pas,
l'exemple de Laomédon prouve que c'était un risque à courir) le
salaire convenu.
Que se passe-t-il dans le cas d'Héraclès ?
Augias, apprenant que le héros avait nettoyé ses étables par
ordre d'Eurysthée, refuse le misthos et nie même qu'il en ait
jamais promis un (un jugement lui donne tort, mais Héraclès est
déjà expulsé de ses Etats). Quant à Eurysthée, il refuse de
446

compter le curement des étables parmi les dix travaux, sous


prétexte qu'il avait été accompli pour un salaire. C'est ainsi
qu'Apollodore explique comment - alors que la Pythie avait
demandé à Héraclès de servir Eurysthée pendant douze ans et de
mener à bien les dix travaux commandés - le héros devra
finalement réaliser deux exploits supplémentaires, son combat
contre l'hydre de Leme ayant, lui aussi, été "disqualifié" parce
qu'il avait, pour le mener à bien, reçu l'aide de son neveu et
compagnon Iolaos (128).
C'est ainsi qu'il nous est permis, peut-être, de mieux
percevoir
"travailleur"les
et lerapports
bénéficiaire
complexes
de ce travail.
qui Héraclès,
existent on
entre
le voit,
un
ne peut être serviteur de deux maîtres, ou bien plutôt il ne peut
être à la fois latris (et percevoir pour le service offert une
rétribution) et doulos (c'est-à-dire accomplir un travail à la fois
contraint et gratuit). La latreia au service d'Eurysthée s'apparente
ainsi de très près à l'esclavage. On se souviendra que latreuein
s'emploie aussi bien pour les hommes libres que pour les
esclaves. Or, c'est ce terme même qu'utilise Apollodore pour dire
la soumission d'Héraclès à Eurysthée, soumission imposée par
Delphes pour une durée de douze ans, et avec pour objectif la
réalisation d'une série de travaux qui lui seraient imposés. Denys
d'Halicarnasse ajoute même qu'Eurysthée aura à en préciser la
nature ultérieurement (129). Lucien a donc quelque raison de
considérer Héraclès, non seulement comme "l'homme de peine",
mais encore comme l'esclave d'Eurysthée (130). Esclavage certes
temporaire, et, en cela même, exceptionnel, esclavage imposé par
les dieux, ce qui ajoute à la singularité de la situation.
Les rapports d'Héraclès et d'Augias sont, en revanche,
beaucoup plus clairs : cette latreia est celle des hommes libres
qui s'engagent pour une période de temps ou pour l'exécution
d'un travail défini, et qui espèrent en obtenir un "salaire", un
misthos. Ce mis t ho s forme vraiment le mot-clef de tout le
passage qu'Apollodore consacre à l'épisode d'Héraclès en Elide :
sur 12 occurrences du terme dans toute la Bibliothèque, il en
contient 4 à lui seul (131), organisées, nous y reviendrons, selon
un schéma révélateur du contrat, de ce pacte tacite que suppose le
misthos entre le travailleur et celui qui l'emploie, révélateur
aussi, en dernier ressort, de son caractère aléatoire et de la
puissance déterminante de la volonté ou des caprices de
l'employeur. Les mêmes remarques peuvent être faites à propos
de l'épisode qui oppose Héraclès à Laomédon (132). Ce dernier
avait en effet, contre la promesse du héros qu'il sauverait
Hésione, proposé de céder les chevaux reçus de Zeus en
447

réparation de l'enlèvement de Ganymède... mais, après la


suppression du monstre qui menaçait sa fille, il ne se crut pas
tenu de donner au héros le misthos convenu ; même schéma
encore dans l'aventure - déjà rapportée - d'Apollon et de
Poséidon chez le même Laomédon (133). En revanche, si nous
poursuivons l'analyse des occurrences de misthos chez
Apollodore, Héraclès - toujours lui - apparaît comme respectant
le contrat et comme acquittant le prix demandé par le centaure
Nessos pour le passage du fleuve Evenos (134).
Cette même construction de l'épisode d'Augias autour d'un
misthos accepté (et même ici proposé), puis refusé, Pausanias la
retrouve en modifiant toutefois les raisons du refus : dans ce cas
précis, c'est l'absence de ponos (c'est par son ingéniosité, en
effet, qu'Héraclès obtient le résultat souhaité, plus que par son
travail) qui motive l'ingratitude d'Augias (135).
Ce jeu complexe du travail (qu'il soit athlos comme chez
Apollodore, ou ponos comme chez Pausanias) et du misthos
nous retiendra quelques instants (136) : la peine, l'effort,
paraissent indispensables, ils sont la condition même, la
justification du misthos .... Celui-ci est donc donné non comme
un salaire pour un travail accompli (après tout, les étables et le
pays tout entier ont été nettoyés !), mais comme la contrepartie
d'un effort : c'est la peine que s'est donnée le travailleur Héraclès
qui est récompensée... Un travail accompli sans ponos ne le
mérite pas. On songe bien sûr à la définition que Platon, dans la
République, propose des misthôtoi . Après avoir énuméré les
différente "métiers" nécessaires à la cité, il ajoute en effet" : il y a
encore, je crois, d'autres gens à employer, gens peu dignes, par
leur esprit, d'être admis dans la communauté, mais qui, par leur
vigueur physique, sont propres aux gros travaux (ponoi ). Ils
vendent l'emploi de leur force, et, comme ils appellent misthos le
prix de leur peine, on leur donne, je crois, le nom de misthôtoi "
(137). Texte remarquable qui, non seulement prouverait
l'existence "d'un marché du travail" dans l'Athènes de Platon, et,
plus précisément de "prolétaires qui vendent contre un salaire leur
force de travail" (138), mais qui invite à réfléchir aux termes du
contrat : contre le misthos c'est leur force physique qu'engagent
les travailleurs (σώματος- ισχύς·). Ils se rapprochent ainsi de
l'esclave qu'on achète - certes définitivement, et c'est la grande
différence - pour acquérir sa force de travail. Et le misthos
instaure
"l'achète"entre
une dépendance
le travailleur
quietprobablement
celui qui ainsi,
explique
pour un
l'immense
temps,

mépris de Platon (139).


Si nous retrouvons l'exemple précis d'Héraclès et le texte
448

d'Apollodore, nous constaterons une curieuse symétrie (et c'est à


la mettre en évidence que répond la présence du tableau) entre
deux structures parallèles.

- L'une autour de misthos :


-misthos demandé (la dixième partie des troupeaux d'Augias)
-misthos refusé par Augias qui ne "paiera" pas le héros

-l'autre autour de l'exploit d'Héraclès, enjeu de cette récompense :


- athlos imposé par Eurysthée
- athlos refusé, c'est-à-dire non homologué par Eurysthée.

Symétrie encore accrue par la relation qu'instaure le jeu des


causalités entre ces deux structures : c'est parce que le travail
avait été imposé à Héraclès qu'Augias refuse le misthos ; c'est
parce qu'un misthos était en jeu qu'Eurysthée refuse de compter
le nettoyage des écuries d'Augias dans la liste des travaux
d'Héraclès : ce double refus souligne la même contradiction :
seul un homme libre peut recevoir le misthos et réciproquement,
un esclave ne doit pas être payé... C'est probablement la raison
pour laquelle le terme de thète ou le verbe thèteuô n'appartiennent
guère au vocabulaire héracléen (140). Héraclès - celui, bien sûr,
de la légende constituée - apparaît comme trop enserré dans un
réseau de dépendance ; soumis aux ordres d'Eurysthée, il ne peut
être un thète chez Augias et recevoir un misthos (141).
Incontestablement, ce sont les termes du groupe lexical de
latreia qui expriment le mieux la condition du héros : peut-être
est-ce dans les Trachiniennes de Sophocle que culmine cette
impression (142), mais nous la retrouverons, encore vive, chez
Apollodore : sur six occurrences dans toute sa Bibliothèque,
quatre font référence à Héraclès (143). Le groupe de douleia, est,
quant à lui, moins bien représenté et surtout plus orienté : sur cinq
occurrences pour l'ensemble de l'ouvrage, deux seulement,
concernent le héros et, dans les deux cas, elles précisent son statut
chez Omphale (144).
449

Tableau n° IX

ATHLOS ET MISTHOS DANS L'ÉPISODE Df AUGIAS

EURYSTHÉE

impose un refuse Γ
athlos à athlos à

HERACLES

demande un refuse le
misthos à misthos à
450

2-3 Esclave, Héraclès le fut en effet et, contrairement à ce


qu'affirme M.-M . Mactoux, l'aventure ne concerne pas seulement
le héros grotesque des comiques (145). "Le fils d'Alcmène
lui-même jadis fut vendu, dit-on, et dut se résigner à vivre du pain
de l'esclave" τληναι δουλία? μάζτκ: βίον (146)... C'est Eschyle
qui, le premier, l'atteste dans VAgamemnon ; Hérodote le
rappelle, lorsqu'il fait descendre la dynastie lydienne des amours
asiatiques du héros (147) et une version assez cohérente de
l'épisode se dégage des récits de Diodore de Sicile (148) et
d'Âpollodore (149), pour une fois assez voisins. L'origine
lointaine de la servitude est la même : le refus d'Eurytos, roi
d'Oechalie, de lui accorder la main de sa fille Iole et le meurtre
d'Iphitos qui tentait de reconquérir les boeufs (chez Apollodore)
ou les cavales (chez Diodore) dont le vol vengeait - pensait le
jeune homme - ce refus outrageant. Atteint d'une maladie grave,
Héraclès consulte alors l'oracle de Delphes (Apollodore place ici la
lutte du héros et d'Apollon pour la possession du trépied) (150) et
c'est ce dernier qui lui impose d'être "vendu comme esclave", afin
de donner le prix de cette vente en réparation du meurtre d'Iphitos,
à son père, pour Apollodore (151), à ses enfants pour Diodore
(152). Apollodore précise que cette servitude doit durer trois
années entières et, dans sa version, c'est Hermès qui est chargé de
la vente ; c'est au service d'Omphale qu'Héraclès capture les
Cercopes, met fin aux sévices exercés sur les étrangers par Syleus
et retrouve le corps d'Icare (153)... Pour Diodore, c'est avec ses
amis qu'Héraclès se rend en Asie, et c'est l'un d'entre eux qui le
vend, publiquement, comme l'avait voulu l'oracle. Omphale
451

l'achète, mais, "admirant sa vertu et ayant appris qui il était", elle


le libérera, l'épousera et aura de lui un fils, Lamos (154).
Si l'on excepte cette fin heureuse - et bien dans le ton de cette
carrière de séducteur et de procréateur que l'auteur sicilien prête à
Héraclès - les deux versions divergent peu. Il peut être intéressant
de noter que l'origine de l'épisode (le meurtre d'Iphitos venu
récupérer ses cavales ou ses boeufs perdus) est déjà mentionnée
dans YOdyssée (155). Il s'agit, il est vrai, d'une interpolation (au
moins contemporaine de la domination de Sparte sur la
Messénie), mais cette interpolation - et ses scholies - étaient, en
tout état de cause, connues de Phérécyde qui semble avoir donné
une version de l'épisode fort complète, puisqu'il précisait même le
prix de la vente : trois talents (156).
Quant au thème des amours d'Héraclès et d'Omphale, s'il est
esquissé chez Diodore, il reste très distinct - et même pourrait-on
dire volontairement séparé - du thème de la servitude. C'est une
fois libéré qu'Héraclès épouse Omphale et lui donne un fils ;
pendant sa servitude, il avait eu, au contraire, un enfant d'une
esclave (157). C'est pourtant ce thème des amours du héros et de
la reine lydienne qui connaîtra une faveur extraordinaire à l'époque
romaine et "prendra en charge" la nécessaire servitude du fils de
Zeus : "Omphale porta la beauté à un tel degré d'honneur... écrit
Properce, que le pacificateur du monde, après en avoir dressé les
colonnes, de sa robuste main fila la douce laine" (158). Sénèque,
dans les deux tragédies qu'il consacre à Héraclès, mentionne
l'épisode de façon à peu près semblable : "Hôte du Tmole, il
chérit la femme lydienne et, esclave de son amour pour elle, il se
tint auprès de sa légère quenouille en tordant le fil humide de sa
puissante main. Il est même vrai qu'il dépouilla sa nuque de la
peau du monstre, ceignit ses cheveux d'une mitre et resta debout
(près d'elle) comme un serviteur, parfumant sa chevelure hirsute
de myrrhe de Saba..." (159) et Apulée déplore, plus nettement
encore, cette soumission à la reine de Lydie : "C'est d'une telle
robe qu'Omphale revêtit jadis Héraclès, efféminant ainsi celui que
l'amour déshonorait" (160)... L'épisode paraît bien être devenu un
lieu commun de la mythologie ; il enjolive les déclarations
d'amour des jeunes gens (161) ; des tableaux le représentent,
nous avons vu Lucien commenter l'un d'entre eux (162) ; Ovide,
dans l'une de ses Héroïdes , construit les plaintes de Déjanire
autour du thème : l'amour l'a vaincu, lui que mille monstres,
qu'Eurysthée et même Junon n'avaient pu vaincre (163), et, dans
les Fastes, il invente la plaisante méprise de Faune qui, surprenant
les amants dans
Méonienne" et, sous
leur
la tunique
sommeil,délicate,
s'apprête
découvre
à étreindre
les jambes
"la belle
"tout
452

hérissées d'un poil rude" du "jeune héros de Tirynthe" (164).


L'échange des vêtements est, dans tous les cas, interprété comme
le signe même de l'asservissement du plus viril des hommes à la
plus orientale des femmes, de l'inversion totale des rôles, par
conséquent, et c'est cette inversion qui dicte les "travaux"
d'Héraclès chez la reine de Lydie, des occupations de gynécée qui
ne lui conviennent guère : "Ah ! que de fois, tandis que tu tordais
les fils sous
fuseaux!" se tes
plaint
rudes
Déjanire
doigts,(165).
tes mains trop robustes ont brisé les

Quelle que soit l'interprétation donnée à cette inversion (166),


elle émousse complètement l'idée d'un Héraclès, victime
consentante d'une servitude temporaire, en expiation du meurtre
d'Iphitos, une servitude dont aucune source grecque ne prétend
qu'elle fut celle de l'amour. Toutes sont, sur ce point, très
claires : Héraclès a été vendu, Eschyle le disait déjà (167) et
Sophocle, dans les Trachiniennes insiste : Héraclès en Lydie
n'était pas libre, mais avait été acheté : ούκ ελεύθερος- άλλ '
έμποληθείς· et, à peine plus loin, c'est comme Eschyle le verbe
πτπράσχω qu'il utilise pour dire qu'Héraclès a été vendu, un verbe
qui, formé sur la racine .per- comme l'a bien montré E.
Benveniste - implique, avant même l'idée d'une transaction
commerciale, celle de "faire passer, transférer" (168). L'exil et la
vente trouvent ici une expression commune et, pour Héraclès,
s'aggravent du fait que c'est à une Barbare que le héros sera livré.
Situation on ne peut plus humiliante, commente Sophocle
(χοΰτοκ έδήχθη τούτο τοδνειδος- λαδων ) (169), et c'est pour
venger cette "morsure" infligée à sa dignité que, redevenu libre, le
héros ira porter la guerre et l'esclavage chez Eurytos, considéré
comme responsable de son déshonneur (170)... un déshonneur
qui, très certainement, frappe d'autant plus l'Athénien du Vè siècle
que s'inversent, dans les rapports de soumission ainsi établis entre
Héraclès et Omphale, non seulement le traditionnel rapport
homme/femme, mais encore le rapport Grec/Barbare, plus
historiquement déterminé (171).
C'est d'ailleurs, - avons-nous vu, - le terme doulos, "mot
témoin", en ce domaine, de l'époque classique, mot caractéristique
de l'esclavage-marchandise (172), qui, généralement, est utilisé
pour dire cette situation. Sophocle, cependant, qui plus souvent
encore parle de latreia (173), attire l'attention sur le caractère
particulier de cette servitude, une servitude dont on sait, dès les
premiers témoignages, qu'elle fut temporaire : pour Sophocle,
l'époux de Déjanire est resté un an auprès d'Omphale (174), pour
Apollodore, ce sont trois années entières au service de la reine de
Lydie que l'oracle a imposées à Héraclès (175). Quant au prix de
453

la vente - trois talents, si l'on en croit Phérécyde (176) - il paraît


énorme lorsqu'on le compare au prix d'achat moyen d'un esclave
(177) - et ce d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une acquisition
définitive. Π est bien évident que s'assurer les services d'un héros
aussi glorieux et aussi "efficace" (il débarrassera le royaume de
tous les brigands qui l'infestaient !) méritait un prix sans
commune mesure avec celui de la main-d'œuvre ordinaire ! On
le voit, rien ne serait plus dangereux que de transposer
benoîtement l'épisode mythique dans le monde des réalités
humaines.
Il n'empêche... Le mythe a été utilisé - et à juste titre - par
M.I. Finley, en particulier, pour dépeindre la condition de ces
Grecs dont
liberté" (178).
YOnomastikon
La confusion,
dit dans
qu'elle
ceétait
mythe,
"entre
du l'esclavage
mot doulos,et le
la
plus courant en grec pour désigner le "chattel slave ", et du mot
latris , "un mot curieux qui signifiait mercenaire et serviteur aussi
bien qu'esclave" lui paraît prouver que "dans la Grèce primitive,
comme
"servitude"
dansétaient
d'autres
en sociétés,
fait confondues"
les notions de "service" et de
(179) et, par là-même,
éclairer le problème de la servitude pour dettes. L'Orient offre
précisément (180) de tels exemples de dépendances temporaires,
qui normalement prennent fin après un laps de temps généralement
défini à l'avance (181). Que de telles servitudes temporaires aient
pu se transformer en esclavage définitif, le code biblique le
prouve, qui autorise un maître "à garder pour toujours son
serviteur"... si ce dernier le désire il est vrai (182). Combien - qui
contrairement à Héraclès n'étaient pas des héros - ont dû, sous la
contrainte, manifester un tel désir !
Souvenir d'une époque où le concept de travail en tant que
produit vendable dissocié de la personne du vendeur n'existait
pas (183)... pratique qui perdure (ou se redécouvre) à des
moments beaucoup moins lointains de notre histoire... On
retrouve, par exemple, des formes de servitudes temporaires assez
analogues en Amérique, dans une période où l'esclavage, à
proprement parler, n'existe pas : W.D. Jordan rapporte ainsi que
des travailleurs sont engagés au service d'un maître pour payer
leur passage d'Angleterre vers l'Amérique dans une sorte de
"servage contractuel" qui peut durer trois ou cinq ans (ou parfois,
pour un jeune homme, jusqu'à vingt et un ans). En fait, dit-il,
"c'est le travail et non la personne qui se trouve engagé, mais l'un
ne va pas sans l'autre alors...". Des lois, qui, au milieu du XVIIe
siècle encore, s'appliquent à régir les obligations réciproques des
deux parties, insistent sur l'interdiction faite au maître de dépasser
le temps d'asservissement, et prouvent bien que, comme en
454

Orient, ce devait être de sa part un penchant bien naturel ! (184).


L'aventure, certes mythique, d'Héraclès, n'était donc pas,
sans doute, sans évoquer des situations anciennes. Vendu comme
un esclave, le héros l'avait été et Diodore oublie le contrat pour
faire de sa libération une sorte d'affanchissement dû à ses grandes
qualités et à l'amour de la reine (c'est Diodore aussi qui, pour dire
cette servitude, n'emploie plus que le mot doulos ) ; d'autres
mieux que lui (Sophocle et Apollodore) ont conservé le souvenir
d'une dépendance temporaire... Dans tous les cas, l'aventure est
liée, non pas à une dette (ou à un emprunt), mais à l'expiation
d'un meurtre... Il y a donc bien produit de la vente, estimation du
travail (ou plus exactement de la potentialité de travail contenue
dans l'homme lui-même), mais c'est dans un contexte
non-économique qu'il s'exprime : celui de la réparation à la fois
sociale - et plus précisément familiale (elle ira aux parents de la
victime) - et religieuse (elle est dictée par Delphes) d'un crime.
Le moment est venu pour nous de tenter de situer le rapport
entre le mythe et la réalité des Grecs.
455

III- HÉRACLÈS LATRIS ET DOULOS : MYTHE ET


RÉALITÉ SOCIALE

"Une action forcée, socialement et psychologiquement"


(185) : telle est la définition que donne du travail I. Meyerson
Tels nous sont apparus également les "travaux" d'Héraclès. Cela
suffira-t-il pour que nous fassions du fils d'Alcmène un héros
travailleur ? Ce n'est pas ainsi, nous le sentons bien, désormais,
qu'il faut poser le problème.
La première raison réside dans le fait qu'Héraclès est
multiple : il l'était pour les mythographes de l'Antiquité, il l'est
redevenu - et c'est une excellente chose - pour les historiens
contemporains (186). Il n'est pas un héros dont on pourrait
analyser la conduite. Il est une somme : une somme d'actions
qui paraissent s'être rencontrées autour d'un personnage
légendaire, comme si le nom d'Héraclès avait cristallisé une série
de récits d'origine et de nature diverses : mythes certes, mais
aussi contes folkloriques, épisodes pseudo-historiques, récits
étiologiques ou édifiants, etc.
Il faut ensuite prendre en compte la durée de cette élaboration
et, par conséquent, les conditions prodigieusement différentes
dans lesquelles s'est inscrit (au cours des temps) ce discours
héroïque. Au moment du mythe, parfaitement signifiant et
efficace, a succédé celui de Vépos dans lequel le récit tend à
prendre la première place, puis le moment tragique, et
parallèlement ceux de la philosophie, de l'histoire et de la morale.
J. Svenbro, s'inspirant des recherches de M. Parry sur la tradition
homérique et de W. Radloff sur les nomades kirghiz, a bien
montré ce que pouvait changer la seule "écriture" des poèmes
homériques, versions désormais "enregistrées" d'un certain chant
d'Achille ou d'une Odyssée multiformes (187). Les poèmes, lus
désormais par les rhapsodes, ne sont plus, comme l'étaient les
chants des aèdes, directement soumis au "contrôle social" de leurs
auditeurs. Mais ce que Radloff a vu faire par Yagyn
kirghiz : intégrer des généalogies flatteuses pour les nobles, faire,
au contraire, une critique mordante des riches devant les pauvres,
essayer de s'adapter au public que constituait Radloff lui-même -
c'est-à-dire, traduire les valeurs et les aspirations du groupe, les
désirs supposés de l'auditeur -, chacun de ceux qui, plus tard,
reprendront, utiliseront ou simplement raconteront le mythe, dans
une certaine mesure le referont. Leurs propres textes, s'ils sont
écrits, resteront certes figés, mais la succession que nous en
avons, nous permet de retrouver quelque chose de ce contexte
456

dans lequel le discours mythique a été émis, de ces auditeurs qui


l'ont reçu... Et déjà, sans l'avoir encore analysé, nous avons pu
constater à quel point, au travers du mythe d'Héraclès, la
perception du travail avait pu varier au cours des siècles.
Enfin - dernière mise en garde liminaire - s'il est vrai que
la figure du héros exprime, dans son essence même, les
paramètres du social (188), il y aurait quelque naïveté à prétendre
en retrouver
charade" (189)
lesdans
données
le mythe.
telles C'est
qu'elles,
doncouune
même
démarche
"misestrès
en
prudente qui doit être la nôtre si nous voulons tenter d'apprécier
comment, au cours de ces longs siècles de culture grecque, le
mythe d'Héraclès a pu - dans une certaine mesure - traduire et
peut-être aussi aider les hommes à penser leur rapport au travail.

3-1 Une chose est sûre : pour les Grecs, Héraclès


appartenait à la catégorie des dieux "agissants". Ce qui, dans le
mythe, se traduisait par des "travaux" - plus ou moins faciles à
inscrire dans l'expérience humaine, il est vrai - demeure comme
une constante, au cours des siècles de culture hellénique. Dans un
passage très intéressant de sa description de l'Arcadie, Pausanias
carrée"
se souvient
de ces
d'avoir
dieux vu,
qu'on
à Mégalopolis,
nomme "Ergatai
"des" ;statues
AthénadeErgané,
forme

dont
"patronne"
on connaît
des artisans,
le rôle,
Apollon
à Athènes,
Agyeus,par
c'est-à-dire
exemple,protecteur
comme

des rues, Hermès et Ilithye, parce qu'Homère, explique


Pausanias, fait de l'un le serviteur (diakonos ) de Zeus et le
conducteur des âmes aux Enfers et dit de l'autre qu'elle s'occupe
de l'accouchement des femmes. Parmi ces dieux, Héraclès, enfin,
qui "exécuta des travaux nombreux et pénibles" (πολλούς- τε και
χαλεπούς-... δθλουτ ) (190).
Cette notion de dieux "agissants" ou plus simplement
travailleurs - puisqu'er gâtes, formé sur ergon, nous paraît (et
c'était l'avis de W.H.S. Jones qui traduisait par "workers") (191)
coloré de ce sens assez précis - est en elle-même intéressante. Les
dieux (Héraclès est ici l'un d'entre eux) accompagnent l'homme de
sa naissance (Ilithye) à sa mort (Hermès), dans ses relations avec
les puissances souterraines (Hermès encore), dans sa vie
quotidienne et son travail. Mais, alors que chacun d'eux apparaît
comme fortement spécialisé (192), seul Héraclès - et Pausanias
rapporte à Homère l'origine de cette tradition - mérite ce nom,
parce qu'il est celui qui a accompli tant de travaux difficiles,
457

pénibles. Il exprime donc bien la fonction dans ce qu'elle a de


plus général.
Ces travaux d'Héraclès, qui, même dans ce passage de
Pausanias, portent le nom désormais canonique d'athloi, nous
croyons pouvoir dire, après l'étude que nous avons faite du
vocabulaire, qu'ils furent d'abord entendus - c'est du moins ce
que nous a conservé la version "enregistrée" des poèmes
homériques - comme douloureux et indignes du fils de Zeus
qu'était devenu le héros. De même, c'est dans la servitude qu'il
commence sa carrière. Il est l'homme de main d'Eurysthée, celui
qui chasse et qui tue pour le roi, son cousin, auquel, dans la
version déjà élaborée du mythe, Héra l'a soumis... Il est encore,
dans les deux épisodes que nous avons envisagés, celui qui
travaille pour le roi (Augias) ou la reine (Omphale).
Soumission donc, et dans tous les cas, mais pas dans
n'importe quel contexte...
Il est à craindre que la reine Omphale ne nous apporte pas,
en ce domaine, de nets éclaircissements. Le thème de la servitude
est, dans cet épisode, fortement mêlé à celui des amours du héros
et de la reine, un thème répandu surtout, nous l'avons vu, à
l'époque hellénistique et romaine, mais qui, très
vraisemblablement, recouvre une réalité plus ancienne, perceptible
encore dans l'échange des vêtements dont on allait faire la preuve
de l'abandon, par Héraclès, de sa virilité. Cet usage - nous
l'avons montré ailleurs (193) - n'est pas isolé dans l'histoire et les
cultes du héros. C'est un rite d'inversion fréquent dans les
cérémonies initiatiques et tout particulièrement dans l'une des plus
décisives : le mariage et des exemples historiques prouvent la
persistance de cette pratique en Grèce.
Une coutume de Cos est particulièrement intéressante : lors
de ses noces, l'époux - si l'on en croit Plutarque - était vêtu
comme une femme (194) et l'auteur des Questions grecques
explique que les insulaires refont ainsi ce qu'avait fait Héraclès
pour échapper aux Méropes lors de son arrivée dans l'île. Caché
sous un vêtement féminin, il avait trouvé refuge chez la fille
d'Alkiopos, l'avait par la suite épousée, revêtant à nouveau, pour
la cérémonie, les habits brodés qui l'avaient sauvé. Or une
inscription mutilée de Cos atteste d'un gamos d'Héraclès (195) et
c'est
"fondateur"
peut-être
qu'on
encore
peutpar
expliquer
le souvenir
le vêtement
de ce mariage
particulier
"primitif
du prêtre
ou

d'Héraclès dans cette cité (196).


Ainsi donc, dans le mythe et les cultes d'Héraclès,
survivraient des traces, non pas seulement de ces nombreux
mariages qui rythment son passage parmi les hommes et
458

pourraient ainsi, lorsqu'ils ne s'intègrent pas dans le schéma


indo-européen proposé par G. Dumézil, être réexaminés en ce
sens (197), non pas même de ses noces - décisives celles-ci -
avec Hébé qui lui assurent la jeunesse éternelle et l'immortalité
(198), mais bien plutôt d'un très ancien hiéros gamos dont
Héraclès serait le héros, parèdre d'une "reine" au sens où
l'entendent, par exemple, les tablettes mycéniennes, d'une de ces
grandes déesses, pour tout dire, dont Omphale pourrait bien être
l'héritière (199).
Qu'un tel souvenir soit, en Grèce, plus répandu qu'on ne
l'imagine, un bronze trouvé sur l'Acropole d'Athènes et daté du
milieu du Vlème siècle le prouverait. Il s'agit d'une applique
représentant quatre personnages dans lesquels A. de Ridder avait
d'abord reconnu les protagonistes d'une scène d'apothéose : au
centre Athéna lui paraissait entraîner Héraclès vers Zeus (absent de
la composition). De part et d'autre, une joueuse de double flûte et
Hermès auraient formé le cortège (200). Sensible aux critiques de
L. Sayignoni (201), l'auteur devait, quelques années plus tard,
revenir sur son interprétation (202). Il maintenait, à juste titre,
nous semble-t-il, l'identification du personnage central (Héraclès
et non pas Dionysos comme le voulait le savant italien), mais
reconnaissait que rien n'obligeait à faire de sa compagne une
Athéna et que le sens même de la scène était à reconsidérer. En
effet, le personnage féminin, loin d'entraîner le héros, se tient
légèrement en arrière et le geste de leurs mains suggère d'autres
rapports, plus intimes : c'est manifestement le lien entre deux
époux qu'a voulu représenter le bronzier ; scène de symplegma
donc, beaucoup plus logiquement que d'apothéose. La joueuse de
flûte prend alors toute sa place dans ce cortège nuptial... Peut-être
d'ailleurs pourrait-on voir dans la présence symétrique d'Hermès,
maître des "passages", un peu plus que la simple reconnaissance
de ce rite d'initiation que constitue le mariage humain, mais, bien
plutôt, l'indice que ce hiéros gamos introduit le héros dans la
communauté des dieux... on serait alors tenté de reconnaître Hébé
dans cette épouse d'Héraclès. A. de Ridder suggère, lui, le nom
d'Omphale (203)... Il faudrait alors utiliser, pour appuyer sa
thèse, un argument auquel il ne songe pas : si Héraclès porte la
longue tunique ionienne, sa compagne est, au contraire, court
vêtue !... particularité à laquelle le mythe d'Omphale donne
effectivement un sens.
De cette ambiguïté même, on est tenté de conclure que, dans
la légende du héros, des rapports aussi différents en apparence que
ceux qui unissent le héros à Hébé ou à Omphale pourraient bien
être dérivés d'une même image primitive, celle d'un hiéros gamos
459

d'Héraclès avec l'une de ces déesses toute puissantes et maîtresses


de tout ce qui vit sur terre (204).
Ce détour a pu paraître long, il était nécessaire pour
convaincre que, dans le sujet qui nous occupe, la personnalité
d'Omphale n'est pas d'un grand secours : elle ne nous dira rien de
ces despotes auxquels fut soumis Héraclès. Nous l'avons vu
d'ailleurs, Hérodote ne la nomme même pas, lorsqu'il rapporte à
Héraclès la naissance de la dynastie lydienne (205). Peu nous
importe, dans ces conditions, l'étymologie de son nom (206)... et
même l'origine d'une légende que, depuis Wilamowitz, on ne
considère plus comme orientale, mais bien plutôt comme purement
grecque : maliaque ou thessalienne (207). Dans cette rencontre
entre Héraclès et la reine de Lydie, seule nous intéressera - mais
sur un autre plan - la forme prise par la servitude du héros. Or, à
ce titre, la légende de Cos offre la possibilité d'un rapprochement
(208). Dans les deux cas, Héraclès voit son sort dépendre d'une
étrangère : à Ços, la fille d'Alkiopos était, dit Plutarque, une
Thrace (γυναίκα θράτταν) (209)... Un terme qui, à Delphes,
désigne les "mercenaires" ou "serviteurs" du temple, et à
Erythrées, les prêtresses d'Héraclès qui, seules, avaient accès au
temple du dieu, ceci, en raison du rôle que, dans le mythe
fondateur, avaient joué les femmes thraces - libres ou
esclaves -, mais, en tout état de cause, exclues de la communauté
civique (210). Le mythe et le culte sont là, on le voit, étrangement
mêlés et tous deux témoignent des liens entretenus par le héros
avec ceux qui, dans la cité, étrangers ou esclaves, subissent la
domination des seuls citoyens (21 1).
Reste que, si nous souhaitons cerner de plus près le
problème de la servitude d'Héraclès, mieux vaut nous référer à
d'autres maîtres ! Eurysthée, par exemple, figure dominante de la
légende... Eurysthée, cousin du héros, auquel la jalousie d'Héra
donne - contre toute attente - la prééminence : c'est lui qui
régnera "sur tous les Argiens" (212), alors que le fils bien-aimé de
Zeus sera contraint d'exécuter les "sordides travaux" que lui
assignera son rival (213).
Nous sommes là en terrain plus solide. Hérodote reconnaît
en lui un personnage historique réel (214). Roi des Argiens (dans
VIliade ), roi de Tirynthe (où l'oracle envoie résider Héraclès), roi
de Mycènes parfois - le dernier avant l'avènement d'Atrée pour
Thucydide (215) - c'est toujours de ce quart nord-est du
Péloponnèse qu'il s'agit, de cette Argolide dont le dynamisme
apparaît si fort, à l'époque du Bronze récent, qu'on peut
légitimement se demander si elle n'a pas réussi à imposer sa
primauté sur la plus grande partie du Péloponnèse. Ce sont, en
460

tout état de cause, les conclusions auxquelles aboutit B. Sergent,


dans la remarquable étude qu'il consacre au document de Kom el
Hétan (liste de toponymes égéens trouvée en 1964 sur un site
égyptien du Nouvel Empire) (216). Ce sont aussi les conclusions
que - partant de données tout à fait différentes, puisqu'il s'agit de
l'unité du système de mesure dans le linéaire Β - proposait L.
Godart, lors d'un très récent colloque romain (217).
L'Argolide, c'est aussi le domaine privilégié d'Héra, la
déesse du pays "riche en boeufs", devenue, dans la légende, la
persécutrice d'Héraclès et, en dernier ressort, la raison même de sa
servitude.
L'Argolide, c'est enfin le lieu des premiers "travaux" du
héros. C'est en effet sur les marges de son territoire
qu'Héraclès - comme s'il était chargé de le protéger contre
l'envahissement d'une nature encore sauvage, ou mieux, de
repousser toujours plus les limites de Yeschatié - eut maille à
partir avec le lion de Némée, l'hydre de Lerne, les oiseaux du lac
Stymphale. Plus loin, vers les montagnes de l'Ouest, eurent lieu
les grandes "chasses" : chasse au sanglier d'Erymanthe, poursuite
de la biche cérynite.
Encore faut-il remarquer que, dans ce contexte où évoluent
Héra, Héraclès et Eurysthée, le mythe des "Travaux" est déjà
constitué, la légende a commencé son travail de regroupement, de
classification, d'interprétation aussi, puisque la jalousie et la ruse
d'Héra sont déjà données comme explication de la servitude du
héros.
Le "bricolage" du mythe - au sens où l'entend Claude
Lévi-Strauss - a donc fait son oeuvre, mais, si les rapports
d'Héraclès et d'Héra préexistent - et sont probablement fort
différents de ceux qu'avoue la légende (218) -, si les "images" qui
ont servi à construire ce nouveau récit se transmettent depuis
lontemps dans la mémoire collective (219), le thème de la
soumission paraît, quant à lui, fortement ancré dans ce contexte
achéen.
C'est à une constatation semblable que nous conduit l'étude
du dernier des travaux péloponnésiens, celui que les Grecs
n'aiment guère rappeler, nous l'avons vu, celui que sans doute ils
jugeaient comme le plus incompatible avec la dignité du héros et
plus encore du dieu : le nettoyage des écuries d'Augias. Ce
dernier est roi d'Elide et, pour une fois, le mythe le montre avec
quelque apparence du concret : il est essentiellement le grand
propriétaire foncier, il est, comme Ulysse à Ithaque (la naïve
comptabilité d'Eumée en témoigne encore dans YOdyssée),
l'homme riche en troupeaux... Et c'est comme une sorte de "valet",
461

d'ouvrier agricole à gages qu'apparaît Héraclès, une fois de plus,


l'homme à tout faire, l'homme de peine (220), qui débarrassera les
écuries (ou les étables) de tant de fumier accumulé.
Or cet épisode du service chez Augias, qui nous intéresse au
plus haut point, offre, de surcroît, un immense avantage : dans
l'onomastique des travaux d'Héraclès, Augias est le seul exemple
d'un nom attesté dans les tablettes en linéaire Β : celles
précisément du royaume pylien auquel il semble qu'une partie de
la Piséatide au moins ait été finalement annexée (221). La lecture
en est certes controversée : le problème est celui du
syllabogramme 85 pour lequel a été proposé - par H.D.
Pretrusevski et P.H. Ilievski d'une part, par H.D. Ephron d'autre
part (222) - la valeur -αυ . Si cette valeur est admise, apparaîtrait
par trois fois dans les tablettes (PY An 19-2 ; PY Ta 711-1 ; PY
Jo 438-23) un fonctionnaire dont le nom, 85-KE-WA pourrait se
lire
Auyz(F)F aç - Αύγεας = Augias
Pour M. Lejeune, qui a repris le dossier du syllabogramme
85, l'hypothèse d'une valeur en -αυ a l'avantage de donner, pour
tous les éléments
contexte" et de du
fournir
vocabulaire,
des anthroponymes
"des lectures qui
"plausibles
conviennent
et, au
la
plupart du temps, attestés historiquement" (223) ; elle lui paraît
donc "l'emporter de loin sur les autres" (224).
Faut-il, pour autant, comme le fait M.D. Petrusevski,
identifier ce fonctionnaire pylien à l'Augias de la légende
héracléenne ? La déduction peut paraître bien rapide ! Quant à
voir en lui le "Grand Balayeur" du royaume de Pylos (225), c'est,
cette fois, jouer avec le mythe de façon quelque peu gratuite et
supposer qu'il puisse être, dans ce cas, la simple transposition
d'une situation précise, ce que rien véritablement n'autorise. Il
nous suffira de constater - et ce seul indice nous paraît
d'importance - que l'anthroponyme du roi mythique, ainsi attesté
dans les archives du royaume pylien, inscrit à la fois
géographiquement et dans le temps, aussi bien le travail que le
service d'Héraclès.
De cet Héraclès au service du palais et promis aux sales
besognes, de ce héros si proche, à certains égards du valet de
ferme, de cette brute à la main lourde (226), la biographie
romancée d'Apollodore conserve quelque chose : le héros grandit
auprès des troupeaux de boeufs qu'Amphitryon l'a chargé de
garder, loin du palais et, lorsqu'il tue son premier lion - celui du
Cithéron -, c'est pour défendre le bétail de son père et de son
voisin Thestius (227). Les travaux péloponnésiens sont souvent
présentés comme la nécessaire protection des champs et plus
462

encore des troupeaux (228), et nombreux sont les épisodes qui,


dans sa légende, l'associent- ou l'opposent - à des bouviers
(229). C'est en Occident, peut-être, que cette particularité s'est
conservée avec le plus de force et particulièrement au long de cette
route qui l'avait vu ramener les troupeaux enlevés au monstrueux
Géryon : un Héraclès bouvier est honoré en Campanie, sur le
territoire de Rhégion, et près de Crotone, étroitement associé à
Héra Lacinienne - dont il passe pour avoir fondé le culte -, il
protège avec elle les troupeaux bovins (230). Même constante, si
l'on quitte l'Italie grecque : à Rome, c'est au forum Boarium
que s'installe le héros et la dîme qui lui est offerte garde assez
longtemps, semble-t-il, un caractère pastoral (231). C'est encore
sur le chemin des bergers, au long des Colles publicae, qu'on
trouve le plus de ces petits bronzes qui témoignent du succès de
son culte parmi les populations italiques d'Italie centrale (232).
Héraclès et les troupeaux... le mythe les réunit dans la
sphère du travail, même s'il offre aussi à cette intime union une
autre clef (233), preuve de son ambiguïté profonde.
Héraclès et le service d'un roi... le mythe en donnera bientôt
la raison, comme s'il fallait expliquer ce fait, apparemment difficile
à admettre, du travail des dieux.

3-2 Dans la légende constituée d'Héraclès, telle que la


rapportent les mythographes hellénistiques, ces épisodes, qui
montrent Héraclès travaillant pour autrui, ont une explication : la
volonté des dieux et plus précisément, la jalousie d'Héra.
Pour Apollodore, c'est la déesse qui, après la victoire
d'Héraclès sur les Minyens, provoque l'accès de folie dans lequel
il tue les fils qu'il avait eus de Mégara et deux des enfants
d'Iphiclès. Π "se condamne lui-même à l'exil" pour cette action ;
Thestius le purifie et, s'il va consulter l'oracle, c'est pour savoir
"quel lieu il doit désormais habiter". La Pythie lui dit alors de se
rendre à Tirynthe, de servir pendant douze ans Eurysthée et
d'exécuter les travaux qui lui seront imposés et dont il obtiendra
rimmortalité (234).
Pour Diodore, plus fidèle à la tradition homérique, la
jalousie d'Héra se manifeste dès avant la naissance du héros, par
la ruse qui l'éloignera du pouvoir. Zeus, instruit du stratagème, et
"songeant d'avance à la gloire d'Héraclès", accorde à Eurysthée le
royaume qui aurait dû revenir à son fils, mais persuade Héra de
mettre ce dernier au rang des dieux, lorsqu'il aura satisfait à son
destin (et Diodore place ici l'allaitement du bébé par Héra, signe
463

futur, bien qu'encore parfaitement involontaire, de l'adoption). La


soumission au roi de Tirynthe ne devient effective - et Diodore
rejoint ici Apollodore - qu'après la victoire d'Héraclès sur les
Minyens et c'est jaloux de la puissance du héros qu'Eurysthée le
fait appeler auprès de lui pour lui imposer sa volonté. Le refus
d'Héraclès n'aura pas d'effet : Zeus le somme d'obéir, et, à
Delphes, l'oracle lui apprend que "les dieux lui ordonnent les
douze travaux et qu'après leur exécution, il recevra l'immortalité"
(235).
Au-delà des divergences de détail, les deux versions
témoignent de la même interprétation du mythe : derrière les
querelles entre familles régnantes (Amphitryon, le père mortel
d'Héraclès, était roi de Mycènes et de Tirynthe ; exilé à Thèbes,
c'est son neveu Eurysthée, qui le remplace sur le trône de
Tirynthe) se profilent, comme pour les conflits entre Grecs et
Troyens dans les poèmes homériques, les querelles, les rivalités
entre les dieux (ici la jalousie d'Héra à l'égard des bâtards de son
époux trop volage)... Derrière la soumission d'Héraclès à son
cousin, c'est le destin d'Héraclès qui s'affirme, et ce destin,
Héraclès l'apprendra de la bouche de la Pythie : c'est l'oracle de
Delphes qui, en définitive, règle la vie du héros.
Notons cependant qu'au sujet de cette intervention, les deux
versions divergent de façon très sensible. Alors que pour Diodore
l'oracle d'Apollon confirme et, en quelque sorte, rend exécutoires
les décisions de Zeus son père, pour Apollodore, il intervient à la
suite d'un meurtre et pour régler les troubles causés par cette
souillure ; intervention "surajoutée", le texte le prouve, qui montre
le héros - qui s'est exilé lui-même et purifié, déjà, auprès de
Thestius - consulter la Pythie pour savoir où il allait désormais
résider.
Le scénario se répète, mieux réglé cette fois, à propos de
l'esclavage chez Omphale. C'est, pour les deux auteurs, un
meurtre, celui d'Iphitos, qui rend nécessaire une nouvelle
intervention de Delphes. Mais cette fois, la peine d'Héraclès sera
monnayée : il sera vendu et le prix de la vente ira à la famille du
meurtrier.
Le rapprochement des deux versions de la servitude chez
Eurysthée, la manière dont ces deux versions en quelque sorte
coexistent dans le texte d* Apollodore, la comparaison des deux
séquences mythiques : la latreia en Grèce même, la douleia chez
une Barbare, nous paraissent mettre en évidence la lente
élaboration d'un mythe, élaboration parallèle à celle - tout aussi
lente - du droit dans la société. Istvan Hahn l'avait pressenti dans
une rapide, mais pénétrante étude de la servitude des dieux ; le
464

mythe, disait-il, reprenant l'heureuse expression de L. Gernet,


nous renvoie au "stade de pré-droit" (236), et plus précisément :"D
reflète les conditions (d'une) société tribale en décomposition,
mais encore avant la stabilisation du système juridique âespoleis"
(237). C'est à une conclusion voisine que nous aura conduite cette
étude de la servitude d'Héraclès, à ceci près que nous nous
sentons fondée à déceler, dans cette même évolution, des étapes
assez nettes.
Au-delà des "images" primitives : celle d'un Héraclès tueur
de fauves par exemple, ou parèdre d'une grande déesse, le thème
de la soumission du héros nous a paru s'élaborer dans le cadre des
royaumes achéens, plus ou moins indépendants, plus ou moins
soumis déjà à l'autorité de l'Argolide (peut-être d'ailleurs faut-il
tenir compte de ce facteur pour mieux apprécier le rapport entre le
service d'Augias, le plus lointain des travaux péloponnésiens, et la
série imposée par Eurysthée ?).
Ceci dit, il est vrai que la légende, lorsqu'elle est constituée,
porte la marque d'un âge différent : Eurysthée est certes roi de
Mycènes, mais il est également un chef de clan au profit duquel a
été évincé le lignage voisin. Amphitryon lui aussi se comporte en
chef de famille qui, tel le cyclope de VOdyssée, dicte sa loi à ses
enfants, expédie, par exemple, un fils par trop brutal aux confins
de son domaine "auprès de ses troupeaux", après le meurtre de
Linos (238), et c'est encore en chef de clan que se comporte
Eurytos, lorsqu'il réclame "le prix du sang" pour le meurtre de son
fils Iphitos.
Une fois de plus, le mythe porte l'empreinte de la société qui
le fait vivre, de cette solidarité familiale qui sert de norme à la
société gentilice. Cette justice patriarcale, qu'elle soit décision
autoritaire du chef réprimant les fautes des membres du genos,
qu'elle soit règlement de comptes entre les groupes, c'est elle que
nous voyons à l'oeuvre dans la thèse que G. Glotz a consacrée à la
solidarité de la famille (239). C'est la même expulsion hors du
génos que subit, dans le mythe, le héros meurtrier, avec les
mêmes inéluctables conséquences, la nécessité de travailler pour
vivre. "Qui a tué un homme dans sa patrie va en pays étranger", tel
est, Glotz le montre bien, le premier adage du droit primitif
(240)... Et il est vrai que, sa légende constituée, c'est dans l'exil
qu'Héraclès vivra sa servitude (l'exil d'ailleurs avait déjà frappé
son père mortel, puisqu'à la suite d'un meurtre, Amphitryon, roi
de Mycènes et de Tirynthe, avait dû se réfugier à Thèbes !).
Mais si, à l'origine, la compensation demandée en cas de
meurtre est presque toujours la mort du meurtrier, si l'exil est le
moyen de fuir cette vengeance inévitable, le mythe porte la marque
465

d'un temps où, dans les "affaires de sang", la composition est


devenue possible. La. poinè dont le but principal était, au départ,
de racheter la tête du criminel, n'apparaît plus guère, dans
l'épisode qui oppose Héraclès au génos d'Iphitos, que comme
une indemnité dévolue à la famille de la victime (241).
Que cet épisode s'inscrive dans une société où les liens
familiaux se relâchent, où commencent à s'instaurer entre les
hommes de nouveaux rapports, l'intervention de
Delphes - surajoutée dans le cycle des travaux chez Eurysthée,
mieux intégrée dans le cas de la vente à Omphale - le prouve bien
dans l'état le plus élaboré de la légende.
Nous ne nous étonnerons pas de retrouver, dans ces débuts
hésitants d'une justice qui commence à échapper à l'emprise
familiale, le rôle d'Apollon, dieu justicier par excellence...
Apollon qui exige que tout crime ait son châtiment et qui - parce
qu'il s'en était lavé lui-même dans la vallée du Tempe après le
meurtre de Python - est capable de purifier les mortels de leurs
souillures.
Ainsi, à l'aube du développement de la cité (qui
chronologiquement correspond à la diffusion en Grèce de la
religion apollinienne), l'intervention de Delphes dans la légende
d'Héraclès (intervention que ne connaissent ni Homère, ni
Hésiode !) donne au portos d'Héraclès et à sa servitude, une
explication plausible : l'un et l'autre, qui désormais paraissent
indignes du héros, ne peuvent être que la punition ou plus
exactement la nécessaire compensation d'un crime.

3-3 En même temps s'atténue le caractère inéluctable de


cette servitude. L'Héraclès trop humain des Tragiques, le héros
"toujours au service d'un autre", l'esclave vendu à l'étranger (tels
les agogimoi de Solon !) est aussi celui dont on connaît le destin
exceptionnel : il sera dieu, un jour, et il sera dieu dans la mesure
même où sa vie fut remplie d'épreuves... Hésitation encore chez
Homère avec l'image de ces deux Héraclès que devait exploiter la
verve satirique de Lucien (242), contradiction dans VHymne
homérique... il semble qu'avec Hésiode, les deux faces
d'Héraclès se soient rejointes et que l'immortalité déjà apparaisse
comme le "prix" du portos et de la servitude.
C'est chose faite avec Pindare, à l'aube de l'époque
classique et désormais, jusqu'à la fin de l'Antiquité, les
mythographes le rediront avec force : chez Apollodore, c'est la
Pythie qui promet l'immortalité au héros s'il accomplit les travaux
466

prescrits par Eurysthée et, pour Diodore, si Zeus accepte le


stratagème d'Héra qui devait soumettre son fils à Eurysthée, c'est
précisément parce qu'il songe à la gloire future d'Héraclès ; quant
à l'auteur sicilien, il rapportera les hauts faits du héros, "chacune
de ces actions dont l'immortalité fut le prix" (243).
Revenons un instant à ce misthos d'Héraclès qui n'est plus
le "salaire" d'un travail, mais le prix, la récompense attribués au
vainqueur d'une action difficile, au héros d'un exploit... Il rejoint
là, comme le fait remarquer E. Benveniste, la signification que
paraît avoir - presqu'exclusivement - le terme parallèle de Mizda
dans les textes védiques et avestiques, une signification d'ordre
spirituel : "la félicité, la récompense attribuée dans la vie future"
(244)... Elle rejoint aussi - tel que E. Benveniste l'a mis en
évidence - l'emploi parallèle du grec misthos dans les Evangiles.
C'est la preuve, je crois, qu'on ne saurait résoudre le
problème de l'évolution de misthos en disant qu'à partir d'un sens
"plus ancien" (245) et voisin du sens indo-iranien, le terme finirait
par désigner un avantage de caractère économique... En Grèce, les
deux possibilités sont déjà dans les textes homériques (246) ; elles
se retrouvent, dans une certaine mesure, dans la cité démocratique
où, s'il existe des misthôtoi qui sont bien des travailleurs, le
misthos du citoyen ne saurait, lui, être confondu avec un salaire...
L'exemple des Evangiles prouve que survivra très longtemps cette
conception d'un misthos plus lié à la valeur de celui qui le reçoit
qu'à son travail.
Et si nous revenons à Héraclès, nous constaterons que
coexisteront toujours, dans le mythe, les deux acceptions du
terme : le misthos réclamé à Augias - qui est de nature
économique, et très précisément s'inscrit dans le contexte d'une
société pastorale - et le misthos accordé par les dieux, celui qui
récompense le portos d'Héraclès, un ponos fait de labeur et de
souffrance. Ce que le mythe apporte d'intéressant, c'est que seul
le deuxième est jugé digne d'un dieu : le prouvent à la fois
- le mythe lui-même et cela très tôt, dès que la légende est
constituée : cette dîme, demandée sur les troupeaux du roi d'Elis,
Héraclès ne l'obtiendra jamais. On se reportera à notre tableau qui
montre bien, je crois, l'incompatibilité de cette récompense
matérielle et de l'immortelle félicité qui, grâce aux travaux imposés
par Eurysthée, attend le héros ;
- la désaffection - déjà constatée - dans laquelle on tient, à
l'époque classique, cet épisode où Héraclès faisait par trop figure
de valet de ferme.
Non, décidément, à cette époque, Héraclès n'est plus un
travailleur.
467

Le mythe, on l'aura senti, est mûr pour une nouvelle


évolution. C'est, semble-t-il, Prodicos, qui, pour la première fois,
l'énonce clairement à la fin du Vème siècle (247). C'est de lui, en
effet, que, dans les Mémorables, Xénophon dit tenir le célèbre
apologue qui devait permettre au héros grec de se poser en rival du
Christ. On connaît trop bien la fable pour qu'il soit nécessaire de
l'exposer longuement. Seuls quelques termes nous retiendront Le
moment du choix, d'abord "à l'âge où les jeunes gens, devenus
maîtres d'eux-mêmes, laissent voir s'ils entreront dans la vie par le
chemin de la vertu ou par celui du vice" (248).
Dans ce moment, nous reconnaissons, en effet, ce passage
décisif de l'adolescence à l'âge adulte qui - nous l'avons montré
ailleurs (249) - a laissé quelques souvenirs éloquents tant dans la
légende que dans les cultes héracléens. Un des buts de l'initiation
n'est-il pas, en effet, d'apprendre au futur membre de la
communauté à devenir, comme le disent si bien les Bambara, "a
yere tigi" : son propre propriétaire. L'expression de Xénophon
(αυτοκράτορες- γιγνόμενοι) s'en approche de façon troublante,
mais le choix d'Héraclès, tel qu'il le rapporte, donne en même
temps le contexte radicalement nouveau de cette
transformation : le jeune homme loin d'être un parmi les autres,
n'est plus qu'individu, conscient de prendre en mains, lui-même,
son destin.
L'alternative n'est pas moins intéressante, qu'on ne saurait
réduire à un problème de morale. La vertu - arétè - est bien
autre chose en effet : c'est un véritable engagement de l'être où se
retrouve l'essentiel des valeurs aristocratiques, qu'elles se
rapportent aux mérites du corps, de la naissance, de la fortune.
Kaki a de même signifie plus que le vice, c'est la vie "basse"
habituellement opposée, justement, à celle de l'homme de bien...
Deux options radicalement différentes, donc, deux modes de vie
qui se présentent au héros, sous l'apparence de deux jeunes
femmes, l'une d'aspect noble et décent, l'autre fardée, coquette et
provocante au contraire.
Le sens de ce choix, surtout, nous paraît d'un grand intérêt.
La femme légère (Eudémonia pour ses amis, Kakia pour ses
ennemis) a choisi pour Héraclès la route la plus agréable et la
plus facile (ήδΐστη τε και (ίκίστη) (250) : celle qui lui permettra de
jouir du travail d'autrui sans avoir à se donner du mal lui-même
(πονουντα και παλαιπωροΰντα τφ σώματι καΐ τη ψυχή) (251). Sa
rivale espère en revanche qu'il suivra ses conseils - son caractère,
estime-t-elle, et son éducation l'y invitent - et qu'il sera le noble
(αγαθός-) artisan d'actions "belles et vénérables".
Héraclès a choisi... L'innocence mythique a, cette fois,
468

inéluctablement disparu. Le mythe, en effet, répond à toute


question avant même qu'elle ne se pose, il empêche la question de
se poser (252). Héraclès s'est, avec Prodicos, posé la question de
son destin et sa réflexion consacre la fin du mythe... Mais cette
réflexion est-elle véritablement nouvelle ? L'idée même du choix,
et plus encore la forme si précise de la double voie évoque de fort
près le pythagorisme... Que le mythe, déjà, ait rencontré la
philosophie ne fait guère de doute et il se pourrait bien que ce soit
en Italie du Sud, où, M. Détienne le rappelle, le héros était en
grand honneur, à Crotone, tout particulièrement, siège de l'école
pythagoricienne...
"maître" que la tradition
C'est plaçait
d'ailleurs
la légende
dans la de
bouche
la fondation
même dude
Crotone, dont l'éponyme avait été - un de
plus - malencontreusement tué par le héros (253)... C'est là
encore, peut-être, qu'avait pris forme la légende moralisatrice
d'Héraclès "peinant", d'un héros de l'effort qui, sa tâche
accomplie, avait obtenu de devenir dieu (254), et, sans insister sur
cet aspect du problème auquel M. Détienne a consacré un article
très éclairant, nous conclurons avec lui que l'Héraclès des
Cyniques et par là celui des Stoïciens, bref l'Héraclès des savants
et des philosophes, doit au visage que les Pythagoriciens du Vème
siècle lui avaient modelé quelques-uns de ses traits essentiels, et
en particulier celui du Juste souffrant qui, "au début de notre ère,
le posera en rival du Christ" (255).
"Celluy qui estoit la fontaine de science dont les Athéniens
arrousoient leurs engins. Celluy qui tous vices avoit en despit et
hayne. Celluy qui les monstres de mer faisoit trembler en leurs
abismes, les monstres d'enfer dissipoit, les monstres terrestres
confondoit, les tyrans corrigeoit, les orgueilleux humilioit, les
humbles exaulçoit. Celluy qui ne faisoit trésor que de vertu...
C'estoit la gloire des hommes". Tel est encore l'Hercule "courtois"
de Raoul le Fèvre au XVè siècle (256) ! Mais cet Hercule
confondant les monstres, corrigeant les tyrans, humiliant les
orgueilleux et exauçant les humbles, n'est-il pas aussi celui que
choisiront les Révolutionnaires comme l'un des symboles de leur
victoire (257) ?
469

Fig. 30 : Héraclès "révolutionnaire"

REPUBLIQUE FRANÇAISE. l

Logotype de la ville de Lyon :


vignette de Commune affranchie, appellation donnée à Lyon
par la Convention après la rébellion et le siège de la ville - an Π
70 χ 105 mm - Photo R. CHAGNY.
470

CONCLUSIONS

Alors que les scènes athéniennes retentissaient peut-être


encore des pleurs et des cris du fils d'Alcmène que sans doute
perpétuaient les tragédies de naguère, Héraclès, dans le même
temps, devenait le héros du travail librement consenti, d'un ponos
"enfin délivré" - comme l'écrit joliment Nicole Loraux - "de ses
gémissements superflus". Oublié le héros d'Homère qui "pleurait
vers le ciel" et se révoltait de devoir accomplir des tâches indignes
de lui... Oublié le mercenaire au service d'Augias qui espérait tirer
salaire de sa dégoûtante besogne. Héraclès est désormais celui qui,
de son plein gré, a choisi de vivre la rude vie de l'effort et,
lorsqu'on racontera sa vie - je pense aux tragédies de Sénèque -
c'est, au-delà des "histoires" qu'il faut bien transmettre, l'orgueil de
ce choix qui s'exprimera : "Aucun de mes jours n'est resté oisif...
ô quels monstres j'ai vaincus sans qu'aucun roi ne l'eût prescrit"
(258) ! Oubliée donc la servitude d'Héraclès et, si l'on aime encore
à rappeler qu'il fut l'esclave d'Omphale, ce ne peut plus être, bien
sûr, que les chaînes de l'amour qui l'ont ainsi retenu.
Ponos librement consenti, ponos délivré certes de ses
"gémissements superflus", ponos aussi, il faut le dire, conçu de
façon désormais bien abstraite : l'apologue de Prodicos en
témoigne qui oppose - c'est du moins la leçon qu'on en a tirée - la
mollesse à l'effort, le vice à la vertu. Le problème s'est déplacé sur
le plan de la morale, et, si le travail des dieux est désormais si
difficile à concevoir, c'est probablement parce qu'à Athènes (car
nos sources sont dès lors fortement marquées par sa prépondérance)
le travail des hommes était plus facile à percevoir et désormais
fortement entaché d'un mépris qui, nous en sommes persuadée, ne
s'est que progressivement installé au coeur de la cité.
Il est temps désormais de redire ce que - par la médiation de
cette double évolution - nous enseigne le mythe d'Héraclès.

1 - Le mythe témoigne, évidemment, d'un temps où le


travail, loin d'être une "catégorie simple", était difficile à penser.
Nous ne revenons sur ce point, développé dans notre première
partie (259), que pour étendre à toutes les sociétés primitives ce qui
ne devrait pas être perçu comme une sorte de marque indélébile
471

des "structures mentales" des Grecs (260). Les travaux de R. Firth


sur les Polynésiens (ils datent de 1939 !) font apparaître comme un
fait général cette absence d'un mot unique pour désigner le travail de
façon quelque peu abstraite, et il est pour nous d'une importance
capitale de constater que, pour ces populations, les mêmes noms
peuvent aussi bien désigner le travail, au sens où nous l'entendons
aujourd'hui, que certains actes du rituel - la confusion s'exprimant
de façon remarquable dans l'expression de "travail des dieux" ou
plus simplement "travaux" pour dire le cycle saisonnier des
cérémonies (261).
Profondément intégré au rite {Les travaux et les jours le
montrent assez pour la Grèce), le travail ne paraît pas avoir, en
quelque sorte, d'autre fonction que lui : à la fois affirmer
l'appartenance au groupe de celui qui le pratique, et, dans le même
temps, contribuer à sa reproduction, au maintien d'une collectivité
encore fortement arrimée à ses dieux. Ce serait évidemment une
belle preuve d'ethnocentrisme que de chercher à isoler l'aspect
économique (le travail, comme procès de production) d'un tel
contexte.
L'exemple mésopotamien permet à la fois d'aller plus loin, et
de se rapprocher d'Héraclès : la notion de travaux (qui paraît exister
plus volontiers que celle de travail) est très liée à celle de l'ordre
donné (sipru, le mot le plus courant pour désigner le travail, est
formé sur la racine du verbe saparum = envoyer). Celui qui
travaille est, en quelque sorte, en service commandé, et le sens du
travail humain serait, précisément, d'accomplir, pour satisfaire aux
besoins des dieux, le travail de chaque jour, la "corvée" dont le sens
originel se rapprocherait ainsi de "misère", "souffrance", (262). Il
y aurait là, précise N. Nougayrol, une sorte de contrat passé entre
les dieux et les hommes, ces derniers n'ayant droit à la vie que dans
la mesure où ils entretiennent les dieux, où ils travaillent pour eux.
Cette conception "pessimiste" d'un travail conçu "comme une peine,
comme une chose désagréable", se retrouve dans la Bible qui en fait
une conséquence du châtiment divin (263). A nouveau, nous nous
sentons très proChe d'Hésiode - le premier à parler, en Grèce, de
travail -, de ses mythes qui l'instaurent comme la marque même de
la condition humaine et de la possibilité qu'il offre d'un échange,
d'un dialogue avec les dieux ("Travaille, Perses, et tu seras mille
fois plus cher aux Immortels" !). Mais nous nous sentons
également très proche d'Héraclès, de celui qui fut précisément
"envoyé", qui "travailla" sur commande, pour parfaire l'ordre d'un
monde quelque peu bâclé par les dieux. Dans cet habitué du ponos
qui est à la fois labeur et souffrance - ou plus exactement
472

souffrance parce que labeur - nous aurons reconnu le médiateur par


excellence et nous aurons mieux compris je crois, pourquoi, à quel
moment, et surtout en quel sens Héraclès est, on peut maintenant
l'affirmer, un héros travailleur.

2. Cette conception du travail, ainsi liée au maintien des


rapports harmonieux entre les dieux et les hommes, au maintien
donc du groupe dans son environnement et dans sa propre
cohésion, est celle d'un temps où l'homme ne connaît qu'"une
réalité
surnature"
globale...
(264), celle
en laquelle
du tempss'associent
où le souverain
étroitement
apparaît comme
nature le
et
plus sûr garant de cette cohésion et de cette harmonie, ainsi que le
révèlent tant de textes orientaux (265). Quiconque travaille pour lui,
contribue au maintien de cet ordre et de cet équilibre, et c'est, me
semble-t-il, dans ce contexte - en Grèce, précisons-le, celui des
royaumes achéens - que s'explique le mieux la constante activité du
héros, "toujours au service d'un autre", que se conçoit le mieux
cette latreia chez Eurysthée... une dépendance dont l'aspect
fortement "général" évoque cette dépendance généralisée qu'est le
travail des communautés agricoles, dans le cadre d'une économie
palatiale (266).
Mais l'Héraclès de la légende est très vite, et
surtout - disons-le nettement - l'expression de la servitude
personnelle. Un peu à l'image de ce qui, dans le mythe, s'est passé
autour de cette idée pérenne qu'est aussi la victoire sur la mort, on
assiste, une fois de plus, à la multiplication des épisodes et, avec la
même exubérance, le mythe joue de toutes les possibilités du
thème : dépendance créée par le misthos qu'on attend d'un maître
en échange de son effort... servitude de celui qui ne s'appartient
plus, qui a été vendu. Héraclès n'est plus seulement latris ; il est
aussi doulos, le terme qui à l'époque classique désigne l'esclave
marchandise.
Ainsi, de tous les degrés qui situent l'homme "entre
l'esclavage et la liberté", le héros semble avoir parcouru le
chemin... un chemin qui est aussi, n'en doutons pas, celui de la
lente émergence, au sein des formes traditionnelles et multiples de
dépendances, du concept juridique d'esclave. "Le travail par contrat
libre, plus ou moins salarié, le travail par asservissement
temporaire, l'asservissement même...", telles sont les formes
attestées, dans le Nouveau Monde, de cette évolution et là, comme
dans les sociétés antiques, "c'est d'abord le travail et non la
personne qui se trouve engagé, mais l'une ne va pas sans l'autre"
473

(267). Le "modèle" de l'esclavage anglo-américain éclaire bien,


pensons-nous, la situation ancienne, une situation dont nous
retrouvons, nous espérons l'avoir montré, des "éclats" dans le
mythe... souvenirs historiques conservés, utilisés dans une
construction imaginaire ; de tels "éclats" renvoient bien sûr à la
réalité, à cette expérience humaine à partir de laquelle travaille le
mythe, même s'il en est bien autre chose que son simple reflet.

3. Et c'est probablement parce qu'avec ce thème du travail


nous rencontrons cette expérience matérielle des hommes que nous
avons conscience qu'à l'avoir recherchée dans la légende
d'Héraclès, nous sommes allée plus loin dans la compréhension du
mythe,
"bricolages"
ou duprogressifs
moins, - restons
qui le font
modeste
vivre avec
! - dans
la société
la lecture
qui lede
porte.
ces

Plus que jamais nous a semblé légitime notre exigence d'enraciner le


mythe dans le temps. Mais il nous paraît aussi, à cet instant,
nécessaire de dire les problèmes que nous posent certaines tentatives
qui, en apparence, répondent au même besoin : celle de F. Bader,
par exemple, qui, dans une Sémiologie des travaux d'Héraclès,
entend reconstituer le "discours historique" du mythe (268). Elle
distingue en effet trois groupes dans les exploits du héros : dans le
premier (du lion de Némée aux oiseaux du lac de Stymphale)
Héraclès est, dit-elle, "le chasseur-guerrier (coupeur de têtes) de
l'âge de Pierre" (269) ; dans le second (des écuries d'Augias aux
Amazones) "le discours historique concerne l'accroissement de la
production agricole et pastorale néolithique" ; le troisième enfin
nous conduit (avec Géryon, les Hespérides et Cerbère) au seuil de
l'âge du Bronze et le héros "part explorer le monde" alors que sont
parfaitement acquis "l'élevage (des troupeaux gardés par un chien
chez Géryon), et l'agriculture (symbolisée par les fruits du jardin
des Hespérides)" (270). Nous ne discuterons ici ni de
l'appartenance - souvent bien peu légitime - de tel ou tel des
travaux d'Héraclès aux "groupes" ainsi définis, ni de l'aspect
cruellement réducteur du "symbolisme" reconnu à chacun d'entre
eux, mais seulement d'une méthode qui débitant le mythe en
"rondelles historiques" le prive de cette autonomie nécessaire, de
cette spécificité sans lesquelles se perd le discours mythique.
Qu'aux racines du mythe se retrouvent des "images" préhistoriques,
nous le pensons aussi, mais la construction mythique des "Travaux"
ne nous paraît pas devoir être ainsi laminée. Ce qui nous a semblé
intéressant, historiquement, c'est précisément l'évolution dans le
temps de cet ensemble, l'étude de ses "dérivations" successives et le
474

perpétuel remodelage de ces thèmes que nous avons jugés


dominants... Une fois de plus, l'étude des dérivations nous aura
permis, peut-être, de mieux retrouver "l'aspect sempiternel" du
mythe (271). De l'Héraclès serviteur des débuts à celui d'Avianus
qui conseille l'effort au charretier embourbé, effort sans lequel il ne
recevra pas l'aide des dieux, il y a, bien sûr, toute la distance du
mythe à la sagesse populaire ; le mythe s'est fait apologue mais
n'est-ce pas, dans les deux cas, d'un même système de
représentation commune qu'il s'agit, d'une représentation "qui
justifie aux yeux des uns et des autres leur inégalité de statut" (272)
et qui, "si elle n'a pas été inventée pour contraindre les dominés à
consentir à leur domination... existe de telle manière qu'elle entaîne
leur consentement" (273).
475

DEUXIEME CHAPITRE

IMAGES DU SACRIFICE

"Le sacrifice est l'antithèse de la


production, faite en vue de l'avenir, c'est
la consumation qui n'a d'intérêt que pour
l'instant même. C'est en ce sens qu'il est
don et abandon" (274).

On sait que l'un des huit drames satiriques écrits par


Euripide racontait la mésaventure de Syleus, un riche vigneron,
auquel Hermès réussit un jour - il l'avait déjà fait pour
Omphale ! - à vendre Héraclès comme esclave.
Le héros, comme dans le mythe, se met aussitôt au travail
qu'une fois de plus il se voyait imposer ; mais la vigne qu'il
devait biner est vite arrachée par ses bras trop puissants et, sur les
ceps entassés et enflammés, Héraclès sacrifie à Zeus les plus
beaux des boeufs qu'il aurait dû garder, festoie lui-même avec les
meilleurs des vins de son maître et, quittant une demeure ruinée et
d'ailleurs emportée par le courant d'un fleuve, qu'une fois encore
il avait détourné, il emmène, de surcroît, la fille de la maison.
Sur le mode comique, le Syleus d'Euripide oppose ainsi à
l'activité productrice le mouvement dangereux et pécipité de la
violence sacrificielle... Surinterprétation ? Il se pourrait que tel ne
soit pas le cas ; l'histoire d'Héraclès, précisément, tendrait à le
prouver, par les rapports étranges qu'entretient le héros avec le
sacrifice... D'ailleurs que raconte le mythe de Géryon ? Ces
troupeaux, si beaux, qu'Héraclès doit aller quérir aux confins du
monde habité, qu'il ramène à grand peine au long des routes
méditerranéennes, qu'il a tant de mal à soustraire à de multiples
convoitises, Apollodore ne dit-il pas qu'ils seront, finalement,
sacrifiés à Héra ? (275).
476

Fig. 31 : Héraclès et Géryon

Illustration non autorisée à la diffusion

Pyxide proto-corinthienne (British Muséum, 17)


Cf. C. SMITH, JHSy 5, 1884, pp. 176-184.
Représentation d'après L. TIBERI, Stesicoro e le
raffîgurazioni vascolari délia Gerioneide, Archeologia
classica, XXXIX, 1, 1977, pp. 175-179, pi. XLIV.

Illustration non autorisée à la diffusion


477

Illustration non autorisée à la diffusion

Vasenbilder, Berlin, 1840, pi. CVI.


478

Ι - HÉRACLÈS BOUVIER, PROTECTEUR DES TROUPEAUX

II y a dans le mythe de Géryon - Walter Burkert l'a


fortement souligné (276) - trois thèmes : celui du voyage vers
l'Occident, vers cette brumeuse Erythie où s'arrêtent les frontières
du monde connu ; celui du combat contre le tricéphale Géryon ;
il y a aussi la capture du bétail et ce long retour qui fait d'Héraclès
un bouvier, soucieux de l'intégrité de son troupeau... Rappel
nécessaire, dans la mesure où la représentation donnée du mythe
de Géryon se limite souvent, conformément au topos d'un
Héraclès combattant, à la lutte contre le monstre triple. Or les
troupeaux sont généralement très présents sur les premières
images que donnèrent les peintres grecs de cet exploit occidental
d'Héraclès : ils occupent, en particulier, toute la partie arrière
d'une pyxide protocorinthienne du Phalère (conservée au British
Muséum) que TJ. Dunbabin date de 680-670 et qui paraît bien
être - pour nous - la première représentation figurée des
aventures du héros dans 111e de Géryon (fig. 31-1) (277). On les
retrouve sur la très belle amphore à col du Cabinet des Médailles
(278), qui montre Héraclès, revêtu de la peau du lion et menaçant
de son arc le triple monstre que le peintre a figuré ailé, comme
dans le poème de Stésichore (279) et identifié sous le forme
chalcidienne de TÀPUF ΟΝΕΣ (280) ; Athéna, portant l'égide et
brandissant sa lance assiste le héros ; derrière elle, piétine le
magnifique bétail d'Erythie (fig. 31.2). A Athènes sur une coupe
conservée à Munich (281) - et signée conjointement parle pottier

Fig. 32 : Héraclès et Géryon


Coupe de Vulci (conservée à Munich. 2620)
signée par le potier Cachrylion et le peintre Euphronios
Cf. Beazly ARV 2, 16.
479

Cachrylion - Euphronios représente de même, sur une face, le


combat, et, de l'autre côté, le troupeau gardé par des compagnons
anonymes d'Héraclès en tenue d'hoplites avec leurs boucliers à
épisèmes (fig. 32).

Géryon"
En Laconie,
que, selon
c'estPausanias,
encore "Héraclès
Bathyclès
emmenant
avait les
choisi
boeufs
pour
de
illustrer l'exploit du héros sur le trône d'Apollon à Amyclées
(282). A Chypre enfin, pour en terminer avec une énumération
qui risquerait d'être fastidieuse, le bas relief sculpté sur la base du
colosse d'Athiénau, généralement daté de la seconde moitié du
Vlème siècle (283), insiste de même sur la capture du troupeau :
A gauche de la représentation, Héraclès occupe toute la hauteur de
la composition, alors que les scènes qui l'opposent à Orthos le
chien - ici à trois têtes - de Géryon et à Eurytion se divisent en
deux registres ; le troupeau, en rangs serrés, défendu par son
bouvier, occupe, à lui seul, tout le registre inférieur (fig. 33).

Fig. 33 : Bas relief de la collection Cesnola


(haut 0.53m.)
Provenance : Athiénau (Conservé à New York)
Cf. PERROT et CHIPIEZ, op. cit., p. 575. (représenté ici
d'ares ŒCCALDI, PI. V.)
480

Cependant, si le trésor des Athéniens dédié à Delphes après


la bataille de Marathon, développe encore le thème des troupeaux
sur trois des six métopes consacrées à la géryonomachie, le
temple de Zeus, à Olympie, imposera bientôt sa représentation
canonique en réservant l'espace sculpté d'une seule métope aux
deux principaux protagonistes du drame : Héraclès et Géryon...
L'époque classique, ainsi, commençait à oublier un aspect de la
geste occidentale d'Héraclès, un aspect que le texte
d'Apollodore - très proche, comme le dit Photius, dans sa
Bibliothèque, des plus anciens récite des Grecs - permet de
reconnaître, un aspect que souligne encore, dans certains cas, le
culte du héros ou du dieu.

1-1 C'est, en effet, cette "vulgate" du mythe héracléen


qu'est le texte d'Apollodore qui nous permet, dans un premier
temps, de retrouver la trace du bouvier qu'à certains égards fut
Héraclès : le héros est, dès son jeune âge, obligé de quitter le
palais (où, frappé par Linos, son maître de musique, il vient de le
tuer d'un coup de lyre) et il est envoyé par Amphitryon "auprès
de ses troupeaux de boeufs" (284). C'est là qu'il grandit, devient
"d'une force et d'une grandeur extraordinaires" et c'est là, qu'à
dix-huit ans, "étant encore avec les troupeaux", il tue son premier
lion, celui du Mont Cithéron... un lion qui sortait de la
montagne"pour
Thestius" (285). ravager les troupeaux d'Amphitryon et ceux de

Maître des fauves certes, protecteur des troupeaux - les


deux fonctions en Grèce comme en Orient sont normalement
liées - c'est ainsi que, dans le mythe, Héraclès fait ses débuts
dans la vie. Protecteur des troupeaux, Héraclès l'est encore d'une
autre manière, lorsque, luttant contre Erginos et les Minyens, il
met fin au coûteux tribut que ces derniers avaient imposé aux
Thébains (cent boeufs, chaque année, et ce pendant vingt ans !)
et impose en revanche aux vaincus un tribut double de celui qu'ils
avaient eux-mêmes exigé (286)... Protecteur des troupeaux,
Héraclès l'est, enfin, lorsque, dans le Péloponnèse, il accomplit,
sur l'ordre d'Eurysthée, ses premiers travaux : le lion de Némée
était ainsi pour Sophocle "le fléau des bouviers" (287) ; l'hydre,
nourrie dans les marais de Lerne, et cachée près des sources de la
fontaine Amymonè, sortait, dit Apollodore, pour "ravager le pays
et détruire les troupeaux" (288), et, pour Euripide, la biche était,
pareillement, "un fléau pour les paysans" (289). Quant au
sanglier, s'il avait son repaire sur le mont Erymanthe, il dévastait,
481

dit Apollodore, "toute la Psophide" (290).


On aurait tort de sous-estimer le danger que les grands
fauves ont pu, dans le lointain passé de la Grèce» faire peser sur
le bétail ; on aurait tort, en conséquence, de méconnaître la
crainte qu'en concevaient les éleveurs ; dans les Argo nautiques,
Apollonios l'évoque encore, lorsque faisant retentir les grands
cris de Jason, dans les solitudes libyennes, il compare ce dernier
au lion "qui dans les bois rugit en quête de sa femelle et, d'une
voix rauque, fait retentir au loin les vallons des montagnes, tandis
que les boeufs, aux champs, frissonnent d'épouvanté, ainsi que
les bouviers qui mènent les boeufs" (291). Et c'est encore un
service rendu aux paysans que lit Archias dans l'exploit du héros
àNémée(292).
C'est ainsi en homme fort, en défenseur des
biens - c'est-à-dire essentiellement des troupeaux - des grands
propriétaires que, tant à Thèbes qu'à.Mycènes, apparaît d'abord
Héraclès. En Elide, auprès d'Augias, c'est un autre visage du
héros qui transparaît : celui du valet de ferme, du salarié, à qui
l'on confie les plus sales besognes... η reste que les troupeaux
sont toujours omniprésents (293) : c'est parce que le roi d'Elide
"avait de nombreux troupeaux de boeufs" qu'Héraclès lui
propose "d'enlever tout le fumier de ses étables en un jour", cela
contre "la dixième partie de son bétail" (294). Nous ne
reviendrons pas sur cet aspect des "travaux" que nous avons déjà
longuement développé (295) et redirons simplement que, si les
Grecs ont répugné à représenter ou à raconter cet exploit qu'ils
jugeaient indigne du fils de Zeus, seule paraît survivre cette
complaisance avec laquelle on unit Héraclès à l'image des
troupeaux.
L'idylle XXV de Théocrite en est la preuve, qui fait arriver
Héraclès dans le royaume d'Augias et qui - contrairement à ce
qu'on attend - ne dit pas un mot du nettoyage des étables,
n'évoque pas le misthos demandé par le héros et, pour tout dire,
dissimule absolument l'objet de sa visite. Celle-ci n'est prétexte
qu'à l'évocation du triomphe du fils d'Amphitryon sur le lion de
Némée, dont le bruit est parvenu jusqu'aux oreilles de Phylée, le
fils d'Augias (296) ; elle se prête surtout à une longue et poétique
évocation des troupeaux du roi d'Elide, qu'en compagnie
d'Héraclès, ce dernier passe en revue. Au coucher du soleil
(lorsqu'"Hélios fit tourner ses coursiers vers l'Occident") rentrent
vers leurs bergeries, leurs étables ou leurs parcs, les gras
moutons et les myriades de boeufs du roi d'Elide. Les troupeaux
succèdent aux troupeaux, "comme roulent dans le ciel les nuages
gorgés de pluie" poussés par Notos ou Borée, ou "comme se
482

pourchassent sans fin, sur la mer, soulevées par la violence du


vent, une vague après l'autre" (297)
Mais c'est, bien sûr, dans l'accomplissement du dixième de
ses travaux qu'Héraclès nous est présenté comme le bouvier par
excellence, chargé de conquérir les boeufs de Géryon "couleur
de pourpre" (298). Il s'acquitte de cette tâche par un triple
meurtre : celui d'Orthros, le chien à deux têtes, celui du berger
Eurytion, venu à son secours, celui du monstre enfin, averti du
vol de ses troupeaux par Ménoitios, le bouvier d'Hadès (299). Π
faut alors qu'Héraclès ramène le bétail à Eurysthée, en bouvier
consciencieux et soucieux de ne perdre aucune de ses bêtes : à
s'en tenir au texte d'Apollodore, telle paraît bien être, en effet, sa
seule préoccupation ; ainsi s'expliquent, en tout état de cause,
tous les épisodes du voyage : c'est parce qu'ils voulaient lui
enlever ses boeufs, que, dans la Ligurie, Héraclès tue Ialébion et
Dercynos, donnés comme fils de Poséidon (300) ; c'est parce
qu'à Rhégion un taureau se détache du troupeau et traverse le
détroit de Messine que le héros, à sa suite, passe en Sicile ; c'est
parce que ce même taureau a été mêlé, par Eryx, à ses propres
troupeaux que, pour le récupérer, il affronte le roi des Elymes à la
lutte et le terrasse (il n'est pas question, nous l'avons vu, chez
Apollodore, de l'enjeu rapporté par Diodore et Eryx n'engage en
rien son royaume !), et c'est, en définitive, avec beaucoup de
difficultés, provoquées tant par Héra (qui utilise un taon pour
disperser les bêtes dans les montagnes de Thrace) que par le
Strymon, qu'il ramène à Eurysthée une partie seulement des
boeufs que, de haute lutte, il avait conquis.

"voleur"
Protecteur
et pourvoyeur
et gardien
de bétail,
des tel
troupeaux,
paraît bien
certes,
être Héraclès
mais aussi
; le
dixième de ses travaux, dans la rouge Erythie, peut bien être lu,
en effet, comme l'une de ces razzias, l'un de ces raids, par
lesquels, dans une société pastorale, on tente de s'approprier la
richesse essentielle, la base même de l'économie, celle qui règle
aussi bien les rapports d'amitié que les échanges.
Une fois de plus l'étude des sociétés traditionnelles vient
éclairer des pratiques que, sans leur exemple, on comprendrait
mal. Nombre de sociétés pastorales, en effet, légalisent de telles
"opérations de transfert" que la langue juridique nomme
abigéat : c'est le cas en Sardaigne où, de surcroît, le vol du
bétail fait souvent le balenîe, "l'homme valeureux... capable
d'assurer la survie de sa famille" (301) ; c'est le cas chez les
Berbères ou Yasrarfi (le "receleur" dans les traités de droit
coutumier rédigés par les Français) joue le rôle quasi officiel d'un
483

intermédiaire pour que d'éventuelles négociations entre voleur et


volé se déroulent dans "les règles du bien, de la courtoisie et des
bonnes manières" (302). Là encore l'auteur du vol trouve dans
son acte le moyen de prouver sa bravoure ; dans la société
guerrière touarègue traditionnelle le "rezzou" est même l'épreuve
qualifiante par excellence, celle qui permet au noble guerrier de
prouver sa suprématie (et du même coup celle de sa classe).
Dans les poèmes homériques n'est-ce pas encore en têtes de
bétail qu'on mesure la richesse d'un roi ? c'est en tout cas
ainsi - la fruste comptabilité du porcher en témoi- gne - qu'Eumée
évalue la prééminence d'Ulysse (303); et le gage de la victoire est
bien souvent la mainmise sur le troupeau : l'expédition de Nestor
en Elide se solde ainsi, dans l'Iliade, par un butin fabuleux ; le
héros, en effet, ramène à Pylos des boeufs, moutons, porcs et
chèvres en quantité, cinquante troupeaux de chaque espèce, et
cent-cinquante juments avec leurs poulains (304). La mythologie
et la littérature des Grecs sont ainsi pleines de ces vols de bétail :
"la grande richesse consistait alors à avoir une grande quantité de
boeufs et de chevaux", constatera Diodore, qui justifie ainsi à la
fois la convoitise de Nélée désireux de s'approprier les troupeaux
du Thessalien Iphiclès et celle d'Eurysthéê à l'égard des boeufs
de Géryon (305). L'histoire d'Héraclès multiplie de tels épisodes,
qu'il s'agisse de la guerre dans laquelle s'entre-tuent, pour les
boeufs de leur père, les fils d'Electryon et les Taphiens qui
tentaient d'enlever les troupeaux ; qu'il s'agisse de ces mêmes
troupeaux qui, ramenés par Amphitryon, lui valurent et le
royaume et la fille du roi de Mycènes, mais aussi, plus tard, son
exil (306) ; qu'il s'agisse, enfin, du vol de ces boeufs pour
lequel le jeune Iphitos, fils d'Eurytos, vint auprès d'Héraclès et
dont la mort involontaire provoqua la maladie du héros et la
nécessité d'une réparation : son esclavage chez Omphale (307).
Mais l'archétype de ces vols de troupeaux - plus proche
sans doute de l'exploit d'Héraclès chez Géryon - semble bien
être celui dont Hermès, "ce brigand", se rendit coupable, dans
"les montagnes ombreuses de la Piérie" aux dépens de l'archer
Apollon (308)... Peut-être ne suffit-il pas, alors, de remarquer,
avec Bruce Lincoln (309), l'extraordinaire importance du bétail
dans la vie économique des sociétés pastorales, et en particulier
indo-européennes, de souligner la fréquence des razzias de
troupeaux tant dans le Rg Veda que dans l'épopée irlandaise
(310), de rapprocher de tels récits - et reconnaissons que le
mythe de Géryon engage à le faire - du meurtre du tricéphale,
autre figure capitale des panthéons indo-européens, pour les
inscrire dans le cadre de la seconde fonction (311). Nous l'avons
484

dit déjà : le combat contre Géryon est autre chose que la version
grecque du prototype établi par Trito pour ses descendants
indo-européens, les rapts de troupeaux autre chose qu'une
idéalisation "de la fonction guerrière" ; le prouvent bien, nous
semble-t-il, certains caractères du culte d'Héraclès, tout
particulièrement dans cet Occident parcouru par le héros, lorsqu'il
ramenait à Tirynthe ses boeufs à la démarche torse.

1-2 Nous passerons très vite sur cet aspect étudié depuis
longtemps par Jean Bayet (312). En Italie méridionale, ce n'est
pas en guerrier qu'apparaît Héraclès mais en protecteur de
l'agriculture, en garant de l'abondance, et ses fonctions paraissent
marquées d'une touche nettement apotropaïque : à Métaponte où
il est associé à Déméter et Perséphone, il est destructeur de
sauterelles ; à Crotone, il chasse les mouches ; entre Locres et
Rhégion, il éloigne les cigales... insectes certes nuisibles, mais
sans commune mesure avec ces monstres dont le héros avait
débarrassé le Péloponnèse ! On aurait tort, cependant, de ne voir
là que quelques particularités locales ; en Grèce, survivaient les
traces ténues de pareilles fonctions : dans la région de l'Oeta
Héraclès était nommé κορνοπίων et Pausanias rapporte qu'à
Olympie, Héraclès, sacrifiant à Zeus, sur l'autel fait des cendres
des victimes que, suivant certaines traditions, il avait lui-même
élevé, fut tellement incommodé par les mouches que sur le champ
il immola une victime à Zeus Apomyios. A peine le sacrifice
était-il achevé que l'on vit toutes les mouches s'envoler au delà de
l'Alphée (313)... Destructeur de sauterelles, chasseur de
mouches, Héraclès l'était donc aussi en Grèce et l'intérêt de ce
dernier exemple est de rapporter, sinon le sacrifice, du moins
l'érection de l'autel de cendres, lieu de ce curieux usage, à cet
Héraclès, dactyle de l'Ida, auquel Pausanias, dans le récit de sa
visite d'Olympie, fait tant de place (314)...
Mieux préservés encore en Occident qu'en Grèce propre
paraissent d'ailleurs avoir été les rapports avec les grandes
divinités dispensatrices de vie : Déméter et Coré-Perséphone en
Sicile, nous l'avons vu, mais aussi à Métaponte ; Artémis à
Poseidonia ; Héra surtout, à Crotone, où près du sanctuaire qu'il
avait fondé il régnait avec elle, sur les troupeaux bovins. Et, si
Tite Live mentionne encore les grasses prairies où toutes sortes de
troupeaux "paissaient sans berger", les archéologues mettent au
jour des ex-voto archaïques dont certains prouvent (un taureau
du Géométrique final, par exemple) qu'au cap Lacinion, c'était
485

bien une maîtresse des animaux que, dès cette époque, vénéraient
les Grecs (315). On est loin, avec ces exemples, du héros de la
seconde fonction!

1-3 Plus qu'ailleurs peut-être, c'est à Rome que le héros,


devenu divin, apparaît comme le protecteur des troupeaux : cela
est vrai du mythe fondateur de son culte, puisque la légende de
Cacus se greffe sur le récit du retour du héros avec les boeufs
arrachés à Géryon et qu'elle peut se concevoir comme l'un de ces
nombreux vols dont Héraclès fut victime à son retour vers la
Grèce (316) ; cela est vrai de la localisation de ses principaux
cultes, près du Forum Boarium, en ce lieu de commerce actif, au
croisement des deux routes qui assurèrent à Rome sa puissance :
la voie d'eau - le Tibre - et la voie terrestre qui, par le Pont
Sublicius et le Vélabre, reliait l'Emilie maritime à l'Italie centrale.
Que ce carrefour fut très tôt fréquenté, de récentes fouilles
romaines le prouvent (317) ; que le bétail ait joué un grand rôle
dans ces échanges au moment où - plus tôt sans doute que ne le
pensait J. Bayet - se développait le culte d'Hercule, le caractère
du rituel observé à YAra Maxima semble en attester : la tradition
romaine présente en effet la dîme primitive - instituée par le héros
lui-même (318) - comme un rite pratiqué par des propriétaires de
troupeaux, une offrande pastorale (319). Et le caractère du
banquet sacrificiel, qui obligeait à la consommation totale de la
victime (320), fait d'Héraclès, non seulement le protecteur des
troupeaux, mais insiste sur la finalité de ses fonctions : pourvoir
en viandes la communauté des hommes. Athénée, dans les
Deipnosophistes, rapporte complaisamment l'opulence de ces
banquets qui, à Rome, sont donnés dans l'enceinte sacrée
d'Héraclès : le vin miellé y coule généreusement, mais surtout le
frappe l'extravagante abondance des viandes : chairs bouillies ou
rôties des victimes qu'on vient de sacrifier (321). Plus tard
encore, lorsque cette dîme fut acquittée en monnaie, des textes
historiques prouvent qu'elle se solda toujours par de grands
festins. De tels banquets suivent ainsi, nous apprend Plutarque,
les offrandes de Sylla ou de Crassus (322), celles de Lucullus, ou
d'Octavius Herenus également si l'on en croit Diodore (323) et
Macrobe (324).
Mais plus encore que l'Hercule romain, nous l'avons dit,
déjà, l'Hercule adopté par les populations italiques garde très
fortement ses attaches populaires : en témoigne l'extraordinaire
diffusion des petits bronzes qui, dès le Vlème siècle, le
486

représentent. J. Toutain, déjà, avait remarqué la forte empreinte


de son culte dans les régions montagneuses de l'Italie centrale
(325), et, nous l'avons dit, les découvertes - pour le territoire
des Paeligni où elles ont été soigneusement recensées -
démontrent la présence du dieu dans les endroits fréquentés
essentiellement par les bergers (326). Le caractère pastoral du
culte est, ici, si marqué qu'il paraît à Franck van Wonterghem
que, lorsqu'aux Illème et ïïnd siècles, s'organise officiellement la
transhumance, on pourrait, chez les Paeligni et leurs voisins,
retracer, grâce aux trouvailles héracléennes, la carte des calles
publicae reliant les pâturages d'été des montagnes aux pâturages
d'hiver des Pouilles et de la Campanie.
Pour J. Toutain la dîme aussi bien que le caractère pastoral
d'Hercule seraient des emprunts aux anciens cultes italiques,
latino-ombriens et, sous le nom d'Hercule, les Romains auraient
honoré, non seulement le héros grec venu d'Italie méridionale,
mais encore "quelque divinité italique dont le souvenir n'avait pas
disparu à l'époque historique". Les premières versions du mythe
de Cacus semblent bien lui donner raison : loin d'être un doublet
de ces vols de troupeaux qui se répètent tout au long du retour
d'Héraclès, elles donnent en effet à un héros local Récaranus la
victoire sur le brigand Cacus.
Dans l'Origo gentis Romanae - attribuée autrefois à Sextus
Aurelius Victor et dans laquelle on voit aujourd'hui une oeuvre
anonyme du IVème siècle de notre ère - sont rapportées deux
versions de la légende dont l'une aurait pour auteur l'historien L.
Cassius Hemina (dans le premier livre de ses Annales ) et l'autre
proviendrait des Libri pontificalium . Toutes deux auraient pris
corps au Ilnd siècle avant notre ère (327). D'après Cassius
Hemina c'est un berger grec d'origine : Recaranus (si grand et
si courageux qu'on l'avait appelé Hercule !) qui est victime du
vol, alors qu'il avait reçu, avec son troupeau, l'hospitalité du roi
Evandre. Cacus, un esclave de son hôte, dérobe ses boeufs et les
dissimule dans une caverne dans laquelle il les a fait entrer à
reculons... Hercule, trompé par le stratagème, ne retrouve pas
son bien lui-même. C'est Evandre qui découvre le coupable, en
fait abandon noxal à Recaranus en même temps qu'il lui restitue
son troupeau. D'après Servius, cette version serait la plus sûre
(peut-on traduire la plus sûrement romaine ?), celle qu'adoptent,
en tout cas, "les philologues et les historiens" (328), celle que suit
aussi Verrius Flaccus, qui toutefois, en nomme le héros Garanus
(329). L'autre version, celle des Libri pontificalium (330), est
plus complexe, plus "contaminée" peut-être par des éléments
étrangers (et "présente en termes très différents les questions de
487

droit..." (331), ce qui n'est pas, ici, notre préoccupation majeure


mais peut fournir la preuve d'une origine différente). Si la trame
de la légende est la même, la victime est ici Hercule, qui découvre
lui-même son voleur et, le prenant en flagrant délit, le tue de sa
main. C'est, bien sûr, de cette seconde version que s'inspireront
les historiens et les poètes qui devaient, plus tard raconter
l'histoire de Cacus et la mettre en rapport avec le développement
du culte d'Hercule à Rome.
Ce détour romain est pour nous plein d'intérêt ; il atteste,
semble-t-il, de l'existence chez les populations italiques du mythe
du voleur de troupeaux tel qu'il est, nous l'avons vu, présent de
la Grèce (et à de multiples reprises dans la légende d'Héraclès) à
l'Inde védique ; et, ici, comme en Grèce ou comme en Inde, il est
en rapport avec le tricéphale indo-européen. Le Recaranus de la
légende
"tricaranos"
primitive,
des stèles
en dauniennes
effet, n'est étudiées
autre, probablement,
par S. Ferri (parmi
que le
ces stèles représentant des monstres infernaux se trouve d'ailleurs
un Héraclès à trois cornes de l'époque archaïque) (332). C'est
ainsi un vieux mythe italique, probablement d'origine
indo-européenne, qu'aurait attiré à lui le héros grec, se
confondant plus ou moins avec le génie local qui en avait été le
héros. Soulignons cependant une difficulté : dans le mythe grec
le tricéphale est l'adversaire, le maître des animaux, et Héraclès le
voleur... A Rome, lorsque la légende grecque contamine la
version primitive, c'est Héraclès qui, revenant avec les boeufs de
Géryon, apparaît comme le maître des animaux ; on "sauvera" la
triplicité en la reportant sur le voleur : c'est Cacus qui, dans le
récit canonique, deviendra le monstre triple; la structure du mythe
s'est inversée.
Encore faut-il bien préciser que, si Héraclès a pu ainsi
bénéficier d'un héritage italique qui allait assurer son succès, c'est
très vraisemblablement que de sérieuses affinités favorisaient
l'association. Faut-il voir, en conséquence, comme l'a fait Jean
Bayet, dans l'Héraclès d'Italie méridionale, chasseur d'insectes et
protecteur des troupeaux, le seul prototype de l'Hercule de YAra
Maxima ? Nous ne le pensons pas (333) : l'Héraclès grec,
avons-nous vu, conserve parfois ces caractères que l'Occident, il
est vrai, devait affirmer... L'Héraclès protecteur des troupeaux
que retrouve Apollodore, le "πότνιος·" λεόντων qui en Orient n'a
aucun mal à rejoindre Nergal, Sandas ou Melqart (?) ces autres
maîtres des fauves, pouvait à bon droit - nous y reviendrons -
recueillir cet héritage.
488

II. DE LA CUISINE... AU SACRIFICE

viande..."
"Déméter nous fournit le pain, Dionysos le vin, Héraclès la

Ainsi parle Ménippe, à la table des dieux (334)... Et c'est


peut-être une façon de concevoir le rôle d'Héraclès protecteur des
troupeaux et pourvoyeur de viande ; peut-être une façon de dire
également que, s'il passe pour un glouton, son gros appétit en fait
surtout un mangeur de viandes : έστιώμενο^ τοίς- κρέαστ, dit de
lui Clément d'Alexandrie ! (335).

2-1 La chose n'est pas nouvelle : s'il fait mourir de peur


son entourage lorsqu'il mange, si ses mâchoires font un bruit
d'enfer, si ses canines grincent (336)... c'est parce qu'à croire
Epicharme son repas est celui d'un fauve, et la tradition n'a
jamais cessé d'épiloguer sur son appétit insatiable. Athénée s'en
fait un écho complaisant : "dans sa faim dévorante, il engloutit le
rôti et les charbons avec", aurait écrit Ion, s'inspirant en cela de
Pindare (337). C'est pourquoi parmi les oiseaux, on lui donna
comme attribut la mouette, célèbre pour son gros appétit et son
régime Carnivore (338).
Ses goûts iraient de préférence aux sangliers - sauvages! -
et aux taureaux - bien encornés - (339). Ces derniers surtout
avaient la faveur du héros et l'expression paraît être devenue
proverbiale, qui associe à Héraclès "ceux qui mangent le boeuf
(340). La mythologie est ainsi pleine d'anecdotes qui connotent
Héraclès comme un "dévoreur" et font du boeuf sa victime
favorite : chez Coronos, l'un des Argonautes, il avale ainsi un
boeuf entier (341) et c'est également un boeuf entier qu'on rôtit
pour lui dans les Grenouilles (342). On connaît mieux encore
Yagôn singulier qui l'oppose à Léprée, ce petit-fils de Poséidon
qui avait pris parti pour Augias, le roi d'Elide, dans son conflit
avec le héros. Ayant tous deux égorgé un boeuf (pour Pausanias)
ou un taureau (pour Athénée), ils luttèrent de vitesse pour le
manger. Selon les uns Héraclès fut victorieux (343), selon les
autres Léprée ne fut pas moins expéditif que son rival (344). Les
deux versions se rejoignent dans une même conclusion : ayant
osé défier le héros au combat, Léprée fut non seulement vaincu,
mais encore tué par Héraclès.

Plus significatives, encore, sont les anecdotes qui, dans le


mythe, l'opposent à des bergers ou à des bouviers. L'une d'entre
489

elles, évoquée dans les Questions Grecques de Plutarque (345),


se trouve associée aux déboires qu'Héraclès connut avec les
Méropes, lorsqu'au retour de la première expédition de Troie, il
débarqua (ou, selon Xlliade, fut jeté par la colère d'Héra) (346)
sur les côtes de 111e de Cos. Apollodore retient simplement que
les habitants, le prenant pour un pirate, l'éloignèrent à coups de
pierres... en vain, car le héros prit leur île et tua leur roi (347).
Plutarque, avec plus de détails, raconte comment Héraclès, ayant
rencontré un troupeau, demanda à son berger, Antagoras, de lui
céder un mouton. Plein de confiance en sa force, Antagoras
accepta d'en faire l'enjeu de la lutte qu'il lui proposait. Héraclès
s'exécuta, mais les Méropes accoururent au secours du berger ;
les Grecs vinrent aussi soutenir le héros ; toutefois, comme ils
étaient en très petit nombre, ils furent bientôt obligés de fuir et
Héraclès ne dut son salut qu'à une femme thrace qui le cacha en
lui faisant porter des habits féminins... Certes il pourrait être
difficile d'établir là un lien quelconque avec le sacrifice, si le récit
ne fonctionnait pas comme un aition, - nous n'y reviendrons pas
(348) - pour expliquer les particularités du rituel d'Héraclès à
Cos, s'il ne s'éclairait pas, de surcroît, d'autres anecdotes qui
opposent Héraclès - cet incorrigible glouton - à d'autres (?)
bouviers.
Ainsi à Rhodes, dès ses premiers pas dans l'île, - il venait
de débarquer à Thermydres, le port des Lindiens - il rencontra un
bouvier, "détela l'un des deux taureaux qui traînaient son chariot,
le sacrifia et s'en régala. Le bouvier, trop faible pour lui résister et
retiré sur une hauteur, se mit à l'accabler de ses imprécations ;
c'est pourquoi, de nos jours encore - conclut Apollodore - les
Rhodiens, lorsqu'ils sacrifient à Héraclès, le font avec des
injures" (349).
Encore une légende étiologique (curieusement placée,
d'ailleurs, dans le récit d1 Apollodore, puisque c'est pour passer
de l'Egypte à l'Arabie qu'Héraclès fait escale à Rhodes !) et
destinée, quant à elle, à expliquer une particularité du rituel
d'Héraclès dans l'île : les imprécations qui accompagnent le
sacrifice perpétré en son honneur.
Or Philostrate nomme Théiodamas, ce berger rhodien
généralement anonyme (350), Conon ajoute qu'Héraclès était,
dans cette expédition accompagné de son jeune fils Hyllos
(351)... autant de détails qui laissent à penser que cette aventure
forme un véritable doublet avec celle que vécut Héraclès chez les
Dryopes, non loin de l'Oeta dont on connaît l'importance dans la
légende du fils d'Alcmène. Suivons, une fois de plus,
Apollodore, qui la rapporte, dans des termes fort comparables à
490

ceux dont il usait pour la version lindienne.


C'est donc en traversant le pays des Dryopes que, selon
l'auteur de la Bibliothèque, "Héraclès souffrant de la faim et
rencontrant le bouvier Théiodamas se régala de l'un de ses
taureaux après l'avoir sacrifié" (352). La légende est très souvent
évoquée : Apollonios, dans les Argonautiqu.es, fait d'Hylas, le
compagnon cher à Héraclès, le fils du "divin Théiodamas qu'il
avait tué sans pitié au pays des Dryopes dans une querelle au sujet
d'un boeuf de labour" (353). Pour lui d'ailleurs, ce n'est pas
poussé par la faim dévorante qu'Héraclès presse le laboureur de
lui céder un de ses boeufs, mais bien plutôt parce qu'il cherchait
"un funeste prétexte pour porter la guerre chez les Dryopes".
Quant à son scholiaste, plus disert, il raconte comment, s'étant
condamné à l'exil pour le meurtre du centaure Nessos, le héros
grec traversa le pays des Dryopes avec toute sa famille, comment
son fils Hyllos et Lichas son gouverneur ayant un besoin urgent
de manger, il prit l'un des boeufs que Théiodamas venait de lui
refuser et "l'ayant sacrifié, le mangea avec sa famille" ; il
rapporte encore comment Théiodamas ameuta les Dryopes contre
Héraclès "qui se trouva réduit à une si grande détresse que
Déjanire elle-même fut obligée de prendre les armes et qu'elle fut
blessée au sein" ; il explique enfin qu'ayant défait et tué
Théiodamas, il prit et éleva son fils Hylas et, "pour ôter aux
Dryopes l'occasion de se livrer à leur brigandage habituel, il les
força à s'établir dans les environs de Trachine et du Mont Ôeta...
espérant qu'ils deviendraient plus humains par la fréquentation de
gens plus civilisés" (354).
Rhodes ou le pays des Dryopes ? Dans le second cas, le
récit explique la migration forcée des Dryopes et entre dans les
canons de la légende d'un Héraclès "civilisateur". Dans le premier
cas, il est - ce qui nous paraît capital - en rapport avec le rituel
même du sacrifice... Contre la tradition qui voit, dans l'épisode
lindien, le doublet "placé par quelque poète rhodien, peut-être
Pisandre de Camiros... dans l'île de Rhodes" (355), nous
serions, quant à nous, tentée de lui accorder toute l'attention qu'il
nous paraît mériter.
Déjà la version de Callimaque - le plus ancien, à notre
connaissance, des auteurs qui rapportent l'épisode - rapprochait
semble-t-il, dans les Aitia (des passages malheureusement fort
corrompus, en témoignent), le rituel d'Apollon à Anaphé et celui
d'Héraclès à Lindos - qui tous deux supposent des imprécations
au moment du sacrifice (356) - et l'histoire de Théiodamas chez
les Dryopes, dans sa forme traditionnelle (357) ; mais il semble
bien qu'il ne soit pas, comme le souligne Γ.Η. Croon (358), la
491

bien qu'il ne soit pas, comme le souligne J.H. Croon (358), la


source d'Apollodore, puisque celui-ci, le seul dans tout le corpus,
donne à la légende une localisation : le port de Thermydres. Il
paraît donc bien être l'héritier d'une tradition indépendante,
peut-être locale, mais hélas difficile à situer dans le temps.
Nous nous attarderons quelques instants à cette version
lindienne pour mettre l'accent sur quelques particularités de
l'épisode :
1. Non seulement Héraclès fait peu de cas du refus du
bouvier, se saisit du boeuf, le sacrifie et fait bombance (et ce dans
toutes les sources), mais il ne se soucie pas plus des malédictions
qui le poursuivent ; Conon précise même qu'il en rit et déclare
"que jamais festin ne lui procura plus de plaisir que celui-ci, pris
au milieu des malédictions" (359) ; on trouve chez Lactance la
même affirmation (360).
2. Pour Philostrate, qui décrit un tableau - peut-être
imaginaire d'ailleurs - Héraclès ne prête, de même, attention aux
imprécations du laboureur - ici nommé Théiodamas, nous
l'avons dit - que pour en sourire. Cet auteur donne, de surcroît,
des précisions d'un grand intérêt : le feu, allumé pour cuire le
boeuf l'a été semble- t-il avec les bouses de l'animal (361) ;
Héraclès fait rôtir les chairs (pas question ici de bouilli !) et
s'impatiente, il "tâte les chairs pour voir si elles s'attendrissent"
(362), il reproche au feu sa lenteur (363)... il est tout tendu vers
le boeuf (364)..., autant d'expressions qui disent la hâte du héros
et son dédain des manières de table, aussi bien que des
conventions du sacrifice.
3. Avec la description de Philostrate, le développement que
consacre Lactance à l'originalité du sacrifice que les Lindiens
offrent à Héraclès constitue notre source la plus complète (365).
- Les injures et les malédictions (maledictum et execratio )
dont à cette occasion, on accable Héraclès lui paraissent une
atteinte à Yeuphémia (en grec dans le texte) qui, normalement
règle le sacrifice.
- Si le récit étiologique diffère peu (encore que, chez lui,
Héraclès, qui avait proposé d'acheter un boeuf, "ne pouvant en
obtenir un, s'empara des deux" et engloutit ainsi l'attelage au
complet !) il est plus explicite : le laboureur, au travail, refuse de
vendre l'un de ses boeufs, car son espoir de cultiver la terre
repose sur eux deux (quod spes sua omnis colendae îerrae
duobus illis iuvencis niteretur ).
- Le festin d'Héraclès n'est pas, chez Lactance, un festin
solitaire ; le héros l'apprête, en effet, pour ses compagnons
{comités ).
492

lindien : on établit pour Héraclès-dieu (postquam Herculi divinos


honores ob admirationem virtutis deferri placuit ) un autel
nommé Bouzugon , et, en effet, on y sacrifiait deux boeufs sous
le joug, comme ceux qu'il avait enlevés au laboureur. L'usage
des injures dans le sacrifice était, bien entendu, prescrit
- Enfin, Lactance nous apprend que le premier prêtre fut le
paysan dépossédé.
"Haec iam non sacra sunt, sed sacrilegia " conclut-il et on
ne s'en étonnera guère !
Ainsi le glouton de la farce, l'amateur de viande est à
Lindos Βουθοίνα? et c'est là une épithète cultuelle (366)...
Héraclès, le héros à la faim dévorante, nous plonge, en définitive,
au coeur de la pratique sacrificielle des Grecs.

2-2 Qu'il s'agisse des versions multiples du récit lindien,


qu'il s'agisse de l'épisode opposant Héraclès aux Dryopes, le
héros dans tous les cas tue un boeuf au travail, un boeuf attelé, un
boeuf de labour est-il souvent précisé, η arrive même qu'il en tue
deux (chez Lactance), mais la différence, en fait, est plus faible
qu'il n'y paraît, puisque, dans tous les cas, l'attelage défait est
devenu inopérant, le travail impossible (ainsi n'était-il pas
nécessaire, pour justifier le nom de Bouzugos que porte l'autel
de l'Héraclès lindien d'imaginer le meurtre de deux boeufs !). Le
texte de Lactance est, curieusement, très clair sur ce point (celui
de la culture rendue impossible), puisque c'est précisément cet
argument qu'oppose le laboureur à la demande formulée par
Héraclès de lui acheter l'un de ses boeufs.
Dans tous les cas, ou presque (367), ce qui pousse ainsi
Héraclès à prendre le boeuf, à le sacrifier, c'est la faim dévorante,
la sienne surtout, celle de ses proches parfois, et en particulier
celle de son fils (pour Callimaque, pour Conon, pour le scholiaste
d'Apollonios...) ; celle de ses compagnons, exceptionnellement,
(Lactance).
Sacrifier, c'est tuer pour manger, on le sait, et Héraclès à sa
manière - une manière sur laquelle nous reviendrons - le
démontre brutalement. Il est, en ce sens, intéressant que
l'explication donnée ainsi par le mythe à ce qui semble bien être
considéré comme un forfait (tuer, aussi, le boeuf de labour)
rencontre deux tentatives parallèles. D'abord celle des Thébains,
qui, si l'on en croit Pausanias, furent, eux aussi, contraints par la
nécessité de sacrifier le boeuf laboureur : "dans l'ancien temps ils
sacrifiaient (en effet) des taureaux à Apollon des Cendres (368).
493

Un jour, la fête s'approchait, l'heure du sacrifice était imminente


et ceux qui avaient été envoyés pour chercher le taureau n'étaient
pas encore arrivés. Trouvant par hasard un chariot à leur portée,
ils sacrifièrent au dieu l'un des deux boeufs et, depuis, ils ont en
usage de sacrifier le boeuf de travail" (369).
Si les Thébains justifient, quant à eux, cette pratique par la
nécessité même et l'urgence du sacrifice, les Athéniens, pour leur
part, éprouvaient le besoin de se disculper en accusant le boeuf ;
c'est ce qu'exprime le commentaire apporté au vers 132 des
Phénomènes d'Aratos, qui, faisant des Athéniens les premiers à
manger (à goûter = γεύω) le boeuf laboureur, affirme à la fois
qu'il était autrefois sacrilège (άσεδής-) de le faire et que, s'ils le
firent, c'est parce qu'un jour, un boeuf, au cours du sacrifice,
avait dévoré le gâteau sacré (370). L'impiété de l'homme
s'explique ainsi par l'impiété de la bête.
Il s'agit bien sûr des Bouphonies, de ce rituel du meurtre du
boeuf laboureur, qui plus que les autres, mieux que les autres,
traduit la mauvaise conscience des habitants de l'Ara'que, obligés,
pour survivre, de sacrifier le compagnon de travail. Nous ne
reprendrons pas l'analyse de cette fête, si souvent appelée, déjà, à
témoigner : qu'il s'agisse de ceux qui, comme Karl Meuli et plus
près
l'innocence"
de nous Walter
que celle
Burkert,
qui, voient
dans en
leselle
temps
la même
lointains
"comédie
de de
la

Préhistoire, déterminait les cérémonies du chasseur obligé de tuer


pour vivre (371), qu'il s'agisse de ceux qui, privilégiant la
synchronie, intègrent cette fête si particulière dans le système des
pratiques sacrificielles de la Cité (372).
Avec les Bouphonies, toutefois, se pose une question : la
mise à mort de l'animal est, certes, au centre du rituel, mais seule
la version de Théophraste précise qu'il s'agit du boeuf laboureur
(373), et Porphyre, qui l'utilise, lui donne valeur de leçon plus
générale : il faut se garder "de tuer des animaux qui nous aident à
assurer notre subsistance", certes, mais, il faut surtout se garder
de "toucher aux animaux" (374). En fait, s'il a raconté cette
histoire "d'un certain Diomos, ou Sopatros", c'est pour
démontrer l'hypocrisie du sacrifice sanglant, quel qu'il soit : "en
vérité nous les (les animaux) massacrons et les mettons en pièce
sous la caution du culte divin... nous sacrifions, non pas ceux qui
sont agréables au dieux, mais bien plutôt ceux qui le sont aux
appétits des hommes" (375).
Il faut, bien sûr, faire la part de l'ardeur polémique de
Porphyre ; il n'en reste pas moins que le récit de Théophraste
concourt à donner la même impression : s'il explique
l'apparition, comme victime sacrificielle, du boeuf de labour, ce
494

n'est pas par rapport à un temps plus ancien, où, comme à


Thèbes, seul le taureau aurait été offert aux dieux ; dans cette
histoire, "l'avant" est très nettement celui du sacrifice non
sanglant, de l'offrande céréalière, du gâteau que, précisément, le
boeuf dévore, justifiant par là le sort qui désormais lui sera fait.
Et il est, à ce titre, intéressant de comparer le mythe
étiologique des Bouphonies à celui qui, à Chypre, explique, non
pas l'apparition du sacrifice sanglant, mais la consommation de la
chair par la communauté des humains. Si l'on en croit Asklépiade
de Chypre - encore une fois transmis par Porphyre (376) - c'est
à Chypre, sous le règne de Pygmalion, que les hommes
commencèrent à manger de la viande. Ecoutons le récit de ce qui
apparaît comme simple accident dans le déroulement du
sacrifice :
"Un jour, quand la victime brûlait au milieu des flammes,
un morceau de chair tomba de l'autel. Le prêtre le ramassa tout
brûlant, et, sans y penser, il porta les doigts à la bouche ; tout en
surveillant la combustion, le prêtre eut envie de la graisse
odorante qu'il venait de goûter, et, loin de s'en priver, il en fit
lécher à son épouse".
C'est ainsi, conclut Marcel Détienne - à qui nous
empruntons sa traduction - que "l'humanité devient Carnivore
avec deux doigts tachés de graisse et léchés en toute innocence"
(377). Pygmalion, en effet, eut beau punir de mort le prêtre et
même son épouse, ses successeurs, pareillement tentés,
pareillement punis, finirent par obliger le roi à admettre cette envie
de viande et le nouvel usage qui s'introduisait ainsi à Chypre.
"Version sensuelle de l'invention du sacrifice carné"
(378) ? pas vraiment, puisque le sacrifice existe, et le prêtre aussi
qui en surveille la bonne marche... C'est d'autre chose qu'il
s'agit ici, de la commensalité entre les dieux et les hommes et du
droit que s'arrogent ceux-ci de toucher à une nourriture qui ne
leur est pas destinée... et cette odeur de graisse nous ramène à
Héraclès, à son envie démesurée de viande, à son impatience
devant le feu où rôtissent les chairs du boeuf laboureur qu'il vient
d'abattre (379).
Oui, le héros a quelque chose à voir avec le sacrifice, et pas
seulement comme victime manquée chez Busiris (380) ; notre
propos cherchera à situer et à comprendre cette intervention
d'Héraclès dans la sphère des pratiques sacrificielles grecques, et,
en dernière analyse, d'en mesurer la portée dans ce que, d'un
terme convenu, nous nommerons le "destin" du fils d'Alcmène.
495

2-3 Aucun des mythes que nous avons appelés à


témoigner, pour enserrer, dans un réseau logique, le
comportement d'Héraclès face à la viande, face au sacrifice, ne
se présente comme un mythe fondateur du rituel. Rien qui
rappelle, en effet, le partage prométhéen par lequel passe, l'âge
d'or révolu, la distinction homme/dieux, par lequel s'expliquent
les nécessités mêmes de la condition humaine (381) : le sacrifice,
seul moyen de rétablir l'échange avec les dieux ; le travail,
inévitable désormais pour la survie de l'individu ; le mariage
procréateur, enfin, indispensable au maintien d'une espèce que
Pandore a arrachée à l'autochtonie primitive. Les dieux, les
hommes, les bêtes existent, séparés, dans chacun de ces récits, et
c'est, pourrait-on dire, des échanges qui, entre eux s'établissent
qu'il est, dans tous les cas, question.
Or, lorsque, dans de tels récits, Héraclès est acteur, son
intervention est marquée par de curieuses constantes, et opère
toujours sur les deux mêmes registres :
1) il porte la main sur la bête et s'en empare.
2) il la dévore.
Il vaut la peine, semble-t-il, de s'attarder un peu sur ces
séquences.

"Traînant de vive force le boeuf de labour et levant sa


massue" (382), tel apparaît encore le fils de Zeus dans
YAnthologie de Planude et, nous l'avons vu, tous les auteurs qui
opposent ainsi Héraclès au bouvier - qu'il soit dryope, qu'il soit
lindien - insistent sur la rapidité de la décision, sur la brutalité de
l'action ; seul, cependant, Callimaque fait écho aux injures
lancées par Théiodamas :
"Toi l'homme le plus fort, pour rompre les boeufs par les
cornes", telle était l'invective finale du laboureur (383).
La mise à mort, d'ailleurs, est rarement décrite et l'auteur de
l'épigramme conservée dans l'Anthologie planudienne s'en
étonne (384). Reste que, dans tous les récits, l'acte de violence se
polarise sur l'arrachement du boeuf au paysan qui l'utilise, au
joug qui le réunit à son compagnon de travail... peut-être aussi au
troupeau dans lequel il paissait librement.
Antoninus Libéralis nous transmet, en effet, une histoire
racontée à la fois par Nicandre, dans le troisième livre de ses
Métamorphoses, et par Areus de Laconie dans le poème qu'il
avait consacré à Cycnos (385). Le récit concerne précisément ce
fils d'Apollon, si beau que nombreux furent ceux qui l'aimèrent,
496

Phylios lui restait fidèle malgré ses exigences, malgré les


épreuves de plus en plus rudes qui lui était imposées. Parmi ces
épreuves (lutte contre un énorme lion, contre des vautours d'une
taille prodigieuse) Phylios dut, un jour, "enlever, en le saisissant
avec les mains, un taureau à son troupeau et le conduire à l'autel
de Zeus" ; or, "ne sachant comment s'acquitter de cet ordre... il
pria Héraclès de lui venir en aide" (387).
Nous n'épiloguerons pas sur la valeur initiatique de cette
triple épreuve, pas plus que sur les rapprochements qu'il est
possible d'établir entre le couple Phylios/Cycnos et celui que,
peut-être, forme Eurysthée avec Héraclès, dont on dit qu'il
accomplit ses travaux par amour pour son éraste (388) ; nous
n'essaierons même pas de comprendre l'épilogue d'une histoire,
dont le texte, corrompu, laisse simplement entendre qu'elle finit
par un échec et que le jeune homme, désespéré, "se précipita dans
le lac nommé Conopé et disparut" (389). Ce qui nous retient,
dans l'épisode, c'est qu'Héraclès y est pris pour modèle de celui
qui arrache le boeuf à la vie (ici le troupeau) pour le conduire à
l'autel ; épreuve difficile, épreuve de force, mais nous ne
pensons pas que, si, pour la mener à bien, on invoque Héraclès,
le héros le doive seulement à sa force surhumaine et, s'il porte le
nom de ταυροφόρος-, ce n'est pas seulement pour avoir su
dompter le taureau de Crète - un taureau qui aurait dû être sacrifié
à Poséidon -, mais bien plutôt parce que - de manière
paradigmatique - lui aussi, portait le taureau à l'autel (390).
Le mythe nous conduit ainsi à un rite, relativement rare
dans le sacrifice sanglant, qui consiste à porter la victime à l'autel,
au lieu de la conduire au milieu d'une pompé, comme le veut,
habituellement, la coutume. Ce rite, il faut le dire, n'est pas
toujours lié à Héraclès ; c'est pour Dionysos, par exemple, que
Pausanias l'atteste chez les Arcadiens, où, en hiver, pour la fête
du dieu, les Cynaithéens "frottés de graisse, enlèvent, dans un
troupeau de boeufs, le taureau que le dieu leur suggère de
prendre et le portent dans le temple" (391) ; le rite est également,
sous une forme atténuée, attesté à Athènes lors des Héphaïstéia
où les éphèbes "soulèvent le boeuf vers l'autel" (392), et ce sont
encore les éphèbes qui, à Athènes toujours, font de même lors
des Eleusinies (393).
Dans un cas au moins, relevé par Théophraste, l'usage est
mis en rapport avec Héraclès : "Invité à un sacrifice dans le
temple d'Héraclès (le "tard-instruit") jette bas son manteau et
couteau"
soulève lui-même
(τδν βουν le
αΓρεσθαι)
boeuf pour
(394)...
lui Il
faire
en fait
tendre
trop,laune
gorge
fois de
au
plus, c'est en effet à un éphèbe que revenait cette épreuve !
497

Une fois de plus nous retrouvons l'association d'Héraclès


et des jeunes gens auxquels on demande de prouver qu'ils sont
mûrs pour entrer de plein droit dans la cité ; une fois de plus - et
c'est ce qui pour l'heure nous intéresse - nous constatons
l'irruption du héros dans la sphère du sacrifice... Comme lui, les
éphèbes, à Athènes, "soulèvent le boeuf'. Usage résiduel ? la
pratique observée par Pausanias en Arcadie inviterait à le
penser... Quelles que soient ses origines, cette pratique n'en
introduit pas moins la violence au coeur du sacrifice qui,
volontiers la cache (395).

Et c'est la même précipitation brutale que nous pouvons lire


dans la deuxième séquence de l'épisode - qu'il soit ou non
lindien - : celle du repas qu'on ose à peine appeler sacrificiel.
Pourtant Héraclès sacrifie les bêtes qu'Û va manger. Encore
faut-il remarquer que, si, dans la version lindienne de l'épisode,
Apollodore emploie la forme verbale etfaaç (εύχεϊτο θύσας:),
(396) lorsqu'il oppose le héros au Dryope, c'est une formule
proche mais plus ramassée encore qu'il utilise :
τόν έτερον των ταύρων λύσας·, εύωχήσατο (397). Ici, ce
ne sont pas seulement tous les éléments du rituel qui sont
court-circuités, mais, à la limite, la référence même au rituel : il
dételle (il prend), il mange.
Quant aux termes eux-mêmes, ils restent quelque peu
équivoques : certes le verbe θύω est bien le verbe du sacrifice en
Grèce et θυσία, le plus généralement, désigne le sacrifice
sanglant ; mais, lorsque Jean Casabona étudie les rapports de
ΐερά et de θυσία, il montre bien que le premier terme "ne fait
penser qu'aux dieux et qu'aux rapports qu'on entretient avec eux,
tandis que θυσία comporte toujours un aspect humain en même
temps"
(398) ; les θυσιαί, en effet, sont aussi des réjouissances
pour l'homme, des festins, souvent associés de ce fait à des mots
désignant "le plaisir ou la bonne chère" (399). Le terme paraît là
particulièrement bien employé : il semble bien en effet que, dans
le sacrifice d'Héraclès, la perspective de faire bombance efface la
préoccupation religieuse. A qui sacrifierait-il, d'ailleurs ? Nul ne
le sait.
Les dérivés de σφάζω qu'emploient Conon et Théophraste
ne sont guère plus rassurants : σφάζω (trancher la gorge) est
certes l'un des rites essentiels du sacrifice sanglant et suffit à
évoquer l'ensemble du rituel (400), mais là, encore, il semble que
l'idée religieuse puisse aisément passer au second plan et
qu'après Homère, en tout cas, le verbe soit fréquemment utilisé
en dehors du champ spécifique du sacrifice (401). C'est plus vrai
498

encore du composé άποσφάζω qu'utilise Théophraste ; quant à


κατασφάζω qu'emploie Conon, il signifie simplement "faire périr
en
sacrifice"
égorgeant"
(402).et,
Même
affirme
incertitude,
Jean Casabona,
enfin, pour
"neleconcerne
latin macto
pas (at
le
Me infelix cwn boves suos mactari videret... ) qu'on peut lire
dans le texte de Lactance : si son sens premier est religieux, s'il
peut très bien exprimer le sacrifice fait aux dieux, il peut aussi,
par extension, signifier simplement tuer, mettre à mort
Peut-être dïra-t-on que cette analyse confirme simplement la
solidarité profonde qui, en Grèce, unit le sacrifice et
l'alimentation carnée ; nous en sommes bien d'accord, mais,
dans cet acte central du culte qui est aussi échange des hommes
avec les dieux, le premier terme tend vraiment, dans ce cas, à
disparaître : aucun emploi, par exemple, de σπένθω "le seul
verbe qui n'ait jamais concerné qu'une cérémonie religieuse"
(403)... Et pourtant, Héraclès n'était-il pas aussi un grand
buveur ?
Ce qu'enseigne le vocabulaire, le récit l'exprime aussi - ou
plutôt le cache - dans la mesure où rien n'apparaît de cette
longue procédure rituelle qu'est la mise à mort et le traitement du
corps de l'animal sacrifié (404), dans la mesure, surtout, où
manquent ces opérations qui consacrent la victime : pas d'espace
sacrificiel défini, pas de prémices, pas de libations... Du feu ?
C'est, me semble-t-il, une question difficile à résoudre. On peut,
certes, admettre que la thusia suppose le traitement des viandes
par le feu, mais, nous l'avons vu, le terme (qu'il s'agisse du
verbe ou du substantif) ne se retrouve pas dans tous les textes, et,
sur les images où sacrifie Héraclès (fig. 34-2), il est bien difficile
de déceler du feu sur l'autel... On songe évidemment au festin
chez Pholos, tel qu'il nous est rapporté par Apollodore : les
viandes, que le centaure lui propose de rôtir, Héraclès préfère les
manger crues (405) ; enfin de toutes les versions de l'épisode
lindien, seule celle de Théophraste fait mention du feu, mais ce
feu n'émane-t-il pas de la victime même ?... de ses bouses.
Impossible de ne pas penser à cet "anti-sacrifice" qu'Hérodote,
qui l'a observé chez les nomades scythes, définit précisément par
ses manques, à ce boeuf qui (étranglé il est vrai et non égorgé)
cuit sur ses propres os (406).
Le vocabulaire, le récit, les images enfin... Sur une olpè
attique à figures noires, conservée au Louvre et datée des débuts
du Vème siècle (407), Héraclès est à l'autel. Rien n'est montré de
ces instruments qui, habituellement, peuplent les représentations
du sacrifice : pas de kanoun (panier qui, sous les graines, cache
499

Fig. 34 : Héraclès et le sacrifice

Illustration non autorisée à la diffusion

D'après
Figure
(ABV, Vases,
255
J. (6)
BOARDMAN,
The
; ARV
Archaîc
2 4(12).
Period,
Athenian
fig. 8.
Red

Illustration non autorisée à la diffusion

Héraclès à l'autel.
Olpé attiquc à figures noires (v. 490)
Musée du Louvre, F 338 (ABV 53)
D'après Hommes, Dieux et Héros de la Grèce,
catalogue de l'exposition de Rouen
(oct. 1982-janv. 1983) n° 103.
500

la makhaira ) ; pas de kernips ou de louterion pour l'eau


lustrale ; pas de vase au sang (sphageion ) pas de trapeza, cette
table où l'on partage le boeuf... Seule figure, dressée au dessus
de l'autel, une énorme broche (obelos ) garnie jusqu'en haut de
quartiers de viande, une broche qu'Héraclès tient à deux mains,
beaucoup plus proche de l'autel (mais peut-on dire du feu ?) que
ne le sont généralement ceux qui, dans le sacrifice "normal",
se livrent à l'opération du rôtissage. Et le héros accroché ainsi à
sa broche paraît craindre qu'on ne la lui enlève, paraît signifier -
et sans doute est-ce bien là, la raison de son attitude - que toute
cette viande lui est réservée (408).
C'est qu'il est, en effet, on ne peut plus probable
qu'Héraclès mangera seul. Peut-être y a-t-il quelque excès à
dénoncer l'absolue solitude du "glouton divin" (409), mais il est
vrai que, même lorsque le récit mythique lui donne un
compagnon, son fils Hyllos, il mange et donne à l'enfant (410)
et c'est la même dissociation qu'introduit Lactance, lorsqu'il
décrit Héraclès écoutant les insultes du paysan avec de grands
éclats de rire, tout en préparant le festin pour ses comtes, tout
en engloutissant des boeufs qui ne lui appartiennent pas (41 1).
Et puisque sacrifier, c'est manger en commun, il
contrevient, une fois de plus à l'usage : pas de trapeza, pas de
partage.

Ainsi, non seulement Héraclès, court-circuite le rituel


sacrificiel en passant, sans autre forme de procès, de la bête à la
viande, mais encore il en pervertit complètement la signification :
il se joue (il se rit !) à la fois de cette médiation hommes/dieux
qu'introduit le sacrifice et de la communication entre les hommes
que, par la commensalité, il instaure.
De plus, prenant et abattant la bête par surprise (comme les
Scythes, encore !), il fait éclater la vérité du sacrifice, montre,
avec la brutalité qui est sienne, qu'au coeur du rituel se trouvent
"la violence et le meurtre" (412) et dévoile l'hypocrisie d'une
pratique qui, pour reprendre les termes mêmes de Porphyre,
"sous la caution
hommes" (413). du culte divin vise à satisfaire les appétits des

Marginal, a-social, Héraclès à Lindos ne respecte pas les


normes de l'alimentation civilisée... des normes que permet
d'apprécier, d'une autre manière, un épisode odysséen au centre
duquel - Jean-Pierre Vernant l'a fortement montré - se trouve
aussi le thème de la nourriture (414). C'est parce qu'ils étaient
tenaillés par la faim, parce que mourir de faim leur paraissait la
501

plus odieuse des morts que, dans l'Ile du Soleil, les compagnons
d'Ulysse poursuivirent les vaches d'Hélios, les immolèrent aux
Immortels et "banquetèrent six jours durant" (415) ; sacrifice
perverti et, là encore, "ensauvagé" (des feuilles de chêne au lieu
de l'orge blanche dont il ne restait plus, de l'eau en place de vin
dans les libations) ; sacrifice maudit : "les dépouilles
marchaient
broches" (416)
; les; sacrifice
chairs cuites
aux conséquences
et crues meuglaient
funestes,
autour
puisqu'à
des

tous ceux qui avaient consommé la viande interdite le dieu devait


"rayer de leur vie la journée du retour" (417).
Protestation impressionnante des victimes, protestation
terrible des dieux devant ce sacrifice impossible.. Rien de tel avec
Héraclès., de quoi nous rappeler que les données, pour lui, sont
inversées : ses victimes sont du côté des hommes, il est, déjà,
pour sa part, du côté des dieux.
Une image encore pour nous en convaincre : un fragment
d'une amphore à col d'une collection privée de Berne (418). Elle
date de 510, une époque où le thème d'Héraclès banquetant avec
les dieux Olympiens connaît une grande faveur, mais sa
représentation est originale - beaucoup plus encore que ne le dit
Rolf Blatter qui la commente - dans la mesure où c'est non pas
en buveur qu'est figuré Héraclès, mais en mangeur, en mangeur
de viande. Allongé, comme au banquet, identifié par sa massue
(419), il a, devant lui, une petite table (la trapeza qui manquait au
sacrifice ?), sur cette table, un quartier de viande qu'il s'apprête à
découper : de sa main droite en effet il tient la makhaira ...
Festin, solitaire ? C'est possible, encore que le caractère
incomplet de la représentation invite à la prudence (420). Festin
agréé, en tout cas, par les dieux. Athéna est là, en effet, assitant
au repas (ou au partage), comme elle assistait Héraclès dans ses
travaux. Elle ne mange pas... pas plus qu'Hermès dans l'Hymne
homérique ne goûte aux viandes qu'il a partagées (421). Les
dieux ne seraient plus des dieux, s'ils mangeaient comme les
hommes.
C'est bien, nous semble-t-il, mettre en évidence
l'inquiétante ambiguïté d'Héraclès. Dans ce champ du sacrifice où
se délimitent par excellence les bornes de la civilisation par la
médiation des rapports qu'entretiennent bêtes / hommes / et
dieux, Héraclès n'est nulle part... ou plutôt il est partout :
presque une bête, pas tout à fait un dieu... difficilement un
homme, en tout cas, l'épisode lindien en atteste (422).
502

III. DU SACRIFICATEUR... A LA VICTIME DU


SACRIFICE ?

Si nous tentons maintenant - et c'est une démarche un peu


différente - de saisir le rôle du sacrifice dans le "destin"
d'Héraclès, c'est d'abord au mythe de Géryon qu'il nous faut
revenir... au mythe de Géryon et peut-être même à celui des
Hespérides, si l'on veut bien voir dans ces fruits merveilleux -
qui, eux aussi, appartiennent aux dieux, qui, eux aussi, leur
reviendront - l'autre type d'offrandes assurant la médiation
Hommes/Dieux : l'offrande non sanglante, celle que n'anéantit
pas le sacrifice... alors apparaîtrait ainsi une raison
supplémentaire de retrouver, dans ces deux exploits, l'expression
de structures, une fois de plus, complémentaires. Il nous semble
difficile, toutefois, de poursuivre très loin la comparaison : le
dixième exploit est, de ce point de vue, beaucoup plus clair,
beaucoup plus documenté (peut-être parce que plus anciennement
inscrit dans la geste d'Héraclès !) et c'est à lui que nous
limiterons notre étude.

3-1 Lutte contre le monstre triple - qu'il soit le symbole


des forces infernales ou qu'avec le temps il désigne le souverain
ibérique, barbare et cousu d'or - l'exploit contre Géryon est
aussi, nous l'avons vu, l'épreuve de force qui permet au héros
de s'approprier les merveilleux troupeaux engraissés dans la
fertile Erythie. C'est enfin, si l'on s'interroge sur le destin du
bétail ainsi conquis, la geste du bouvier qui ramène, jusqu'au
sanctuaire d'Héra, les boeufs qui seront sacrifiés à la déesse.
Sur ce point, encore, nos deux sources essentielles à la fois
se rejoignent et s'opposent Apollodore pour sa part est limpide :
au terme de son voyage Héraclès amène enfin le bétail à
Eurysthée ; celui-ci le sacrifiera à Héra... Quelques uns des
boeufs, cependant, n'arriveront pas jusqu'à Tirynthe, et ce parce
qu'Héra elle-même en a décidé ainsi, envoyant un taon pour les
disperser dans les montagnes de Thrace. Ils y resteront et
deviendront sauvages (δγριαι) ...sauvages c'est-à-dire libres de
tout lien, libres du joug, libres de tout travail pour l'homme,
comme bien souvent l'étaient les bêtes promises au sacrifice,
comme l'étaient aussi les vaches du soleil dans leur prairies
"jonchées d'asphodèles" de Piérie (423).
Cette dispersion des troupeaux dans les régions Nord de la
503

Grèce rejoint une tradition qui - plutôt liée à la localisation épirote


des pâturages de Géryon - explique l'origine des Larinoi boes
de Chaonie : ces boeufs indomptés perpétuent, en effet, le nom
de Larinos, un berger épirote qui, (lui aussi !) avait dérobé le
bétail d'Héraclès. Cette légende étiologique, connue par un
fragment de Lycos de Rhégion (424), atteste donc - au moins à
partir du Illème siècle avant notre ère - du lien étroit qui, en
Grèce, s'était tissé entre le mythe de Géryon et ces troupeaux
sacrés dans lesquels puisent les sanctuaires au moment de leurs
fêtes.
Que les boeufs ravis par Héraclès soient destinés au
sacrifice, on pourrait croire que Diodore, au contraire, l'a oublié,
qui abandonne le héros et ce qui reste de son troupeau sur "la
route du Péloponnèse". Mais si l'auteur sicilien ne dit rien de ce
qu'il adviendra des boeufs de Géryon, c'est lui qui, pourtant, -
sur un autre plan, il est vrai - donne au thème du sacrifice tout
son développement : tout au long du périple qu'accomplit le
héros sur les rivages méditerranéens, en effet, les bêtes qu'il
pousse devant lui serviront à fonder des cultes - y compris le sien
propre - victimes désignées, semble-t-il, pour le sacrifice.
C'est ainsi une nouvelle dimension que donne Diodore à
cette fonction particulière d'Héraclès, une fonction qui s'intègre
parfaitement, nous le savons, dans le schéma d'ensemble de la
mission civilisatrice du héros qu'il juge essentielle dans le mythe.
Dans le récit du dixième exploit, en effet, peut-être n'est-ce
pas un hasard si Héraclès qui, sur son passage, purge le pays de
ses fauves (en Crète, en Libye), donne des régions entières à
l'agriculture (la Libye encore), fait naître des villes
(Hécatompyle), tue les despotes (Antée et Busiris), ne fonde pas
de culte avant d'avoir atteint "l'Océan qui baigne Gadès". Dès
qu'il entre en possession "des fameuses vaches", en revanche, il
en use en ce sens : en Ibérie, il donne une partie du troupeau à
un roi qu'il distingue pour sa justice et sa piété ; les bêtes seront
consacrées à Héraclès (toujours ce bétail aphetos, lié au culte) et,
chaque année, lui seront sacrifiés les plus beaux des taureaux nés
de ces vaches sacrées (425). En Sicile - nous l'avons vu et nous
n'y reviendrons pas - c'est aussi le plus beau de ses taureaux
qu'à l'emplacement de la future Syracuse, il offre aux deux
déesses et immole près de la source Cyanè (426), et même, si
l'on en croit d'autres auteurs, dans la source elle-même (427),
cela, bien sûr, pour que, chaque année, les habitants en fassent de
même. On peut encore imaginer - sans que Diodore ne dise rien
de précis à ce sujet - que les sacrifices voués par Héraclès au
"héros Géryon" et à Iolaos - à l'endroit même où ses vaches
504

avaient laissé l'empreinte de leurs pas ! - ont été perpétrés à


partir des mêmes boeufs sacrés (428).
C'est assez dire que le rouge bétail de Géryon - lui même
offert à la divinité, ou ancêtre de ces races bovines réservées à
l'usage des sanctuaires - avait pour vocation d'alimenter le
sacrifice.
Une fois de plus, le chemin d'Héraclès croise celui
d'Hermès ! Comment ne pas comparer, en effet, le bétail de
Géryon dans ses grasses prairies océaniques aux "vaches
immortelles des dieux bienheureux" que, dans les prairies
"respectées par la faux" (429) d'une lointaine Piérie, le rusé fils
de Maia déroba, puis sacrifia... C'est bien une autre version du
premier sacrifice sanglant que retrace l'épisode, puisque, pour
mener à bien son entreprise, l'ingénieux Hermès, faisant pivoter
une branche de laurier sur du bois de faux grenadier, fit, "le
premier, jaillir le feu et révéla les moyens d'en faire" (430)...
Non pas le sacrifice consacrant la séparation hommes/dieux,
comme l'était celui de Prométhée, mais la thusia telle que la
pratiquent les hommes, pour plaire aux dieux. Apollodore, qui,
lui aussi, conte ce sacrifice (431), paraît bien s'inspirer de
l'Hymne homérique (Hermès, chez lui aussi, met les peaux des
bêtes à sécher sur les rochers), mais, plus nettement que dans le
texte archaïque (432), il oppose deux traitements des viandes :
d'une part des chairs bouillies dont se nourrit Hermès, d'autre
part des chairs mises dans le feu (brûlées... ou rôties) dont il ne
dit rien, mais qui, manifestement, sont destinées aux dieux. C'est
ce qu'explicite l'hymne homérique lorsqu'il évoque Hermès
découpant les chairs sur une pierre plate et tirant au sort les douze
parts, géras attribué, bien sûr, à chacun des Olympiens. De ces
chairs, passées par le feu, les deux versions se rejoignent pour
dire (ou laisser entendre) qu'Hermès ne les consommera point...
Héraclès avait, nous l'avons vu plus haut, dévoré le boeuf de
Theiodamas et le boeuf lindien, certes, mais les vaches de
Géryon, pas plus qu'Hermès, cet autre βουφόνος- divin (433),
les vaches du soleil, il n'en disputera le privilège aux Immortels.

3-2 Sacrificateur, Héraclès l'est, sans aucun doute, et le


mythe de Géryon, probablement, nous donne la clef du problème
(434), mais ses rapports au sacrifice peuvent s'inverser : chez
Busiris, par exemple, il s'en faut de peu qu'il ne soit lui-même
sacrifié.
Si l'épisode n'intéresse guère Diodore, qui ne voit dans le
505

conflit opposant le héros et le roi d'Egypte que le topos habituel


du civilisateur châtiant le Barbare xénophobe (435), Apollodore
est, sur ce sujet, beaucoup plus prolixe et conte comment, la
famine (436) ayant sévi pendant neuf ans en Egypte, on sacrifiait
chaque année, suivant les instructions d'un oracle, un étranger à
Zeus. Héraclès faillit bien être cet étranger, mais, alors qu'il était
conduit à l'autel, il réussit à rompre ses liens et à tuer Busiris, son
fils et son hérault (437).
Jean-Louis Durand et François Lissarrague ont, en 1982,
présenté un parcours en images de l'épisode (438), des images
qui, très souvent représentent la même séquence : la déroute des
Barbares auprès de l'autel sur lequel ils pensaient sacrifier
Héraclès. Nous ne referons pas cette description d'un sacrifice
qui, nettement localisé par le type physique et le vêtement des
Egyptiens, par certaines marques culturelles aussi (leur crâne
partiellement ou entièrement rasé, leur sexe circoncis), est
cependant un sacrifice "à la grecque" avec, autour de l'autel, tous
les instruments nécessaires à son déroulement : la hache ou bien
plutôt le maillet pour assommer la bête, la makhaira, la trapezat
les broches etc.. (On se reportera aux dessins de François
Lissarrague) (439). Les instruments, qui, dans ce cas précis,
devaient servir au sacrifice humain et prennent en conséquence un
aspect particulièrement inquiétant (tels la trapeza, lieu de partage
des viandes, ou encore ce jeu de lames à découper, rarement
représentées) sont, ou bien lâchés par les Egyptiens qui les
apportaient auprès de l'autel (tel le kanoun qui tombe,
découvrant la makhaira ), ou bien en sont éloignés par la fuite des
Barbares en déroute... "Révélation de la violence meurtrière du
sacrifice", disent fort justement les auteurs (440) et, à ce titre, on
peut estimer que la violence du justicier ne fait qu'ajouter à cette
violence institutionalisée... qu'elle concourt au même objectif :
affirmer l'interdiction du sacrifice humain. La chair humaine n'est
pas,
hommes"
dans (441)...
un monde Héraclès,
civilisé,
déjà,
bonne
avaità provoqué
présenter Antée
"à la table
à la lutte
des
pour l'empêcher "de couronner le temple de Poséidon du crâne
des étrangers" (442) et c'est lui qui, pour Macrobe encore,
transforme en ce sens les Saturnales : les dieux acceptent des
rites de substitution ; ils ne veulent pas - ou ne veulent plus - de
sacrifices humains (443) et cela, c'est le plus violent, le plus
meurtrier des héros (mais "le plus juste des meurtriers"!) (444)
qui l'affirme.
Si dans cet épisode de Busiris, fortement marqué, nous
l'avons signalé, par la dérivation "coloniale" du mythe, Héraclès
tient le rôle qui est le sien, celui du héros porteur de la
506

civilisation, s'affirme aussi, par la violence dévoilée de


l'institution, par la réponse elle-même violente qu'oppose le
héros, ce qui tient à la pérennité du mythe : le lien ambigu
qu'entretient Héraclès avec le sacrifice. Victime non consentante
et ici épargnée du sacrifice, Héraclès sur l'Oeta nous achemine
vers une réalité d'avenir : celle du dieu s'offrant lui-même au
sacrifice.

3-3 "Mais de quel sang êtes- vous donc, vous, ingrats


entre tous les Grecs, vous dont je me suis tué à purger,
malheureux, les mers et les forêts et dont aucun, quand
maintenant je souffre, ne sait user pour moi d'un feu ni d'un fer
secourables". Le fer et le feu, instruments de la mort, une mort
que "nul rayon de divinité" ne viendrait transfigurer pour Karl
Reinhardt qui voit dans les Trachiniennes "presqu'une inversion
stricte de la légende" (445) ; le fer et le feu... le feu surtout,
instrument du sacrifice, et symbole d'une mort divinisante pour
Charles Ségal (446) qui, dans la même tragédie de Sophocle, lit la
complémentarité (et l'homologie) du mariage et du sacrifice et,
dans le bûcher de l'Oeta, le moyen de rétablir la médiation
hommes/dieux.
Même si, pour Sophocle, Karl Reinhardt avait raison (447),
il est certain que, dans la mort par le feu d'Héraclès, les Grecs ont
vu non seulement la fin de son existence terrestre, mais bien
encore l'image même de son accession au rang des dieux.
Diodore et Apollodore qui offrent sur certains points un
récit divergent (448) s'accordent sur l'essentiel : "dès que le
bûcher s'enflamma, dit le premier, la foudre tomba du ciel et
l'embrasa tout entier. Lorsque Iolaos et ses compagnons revinrent
chercher les os, ils n'en retrouvèrent aucun ; ils se persuadèrent
ainsi qu'Héraclès avait été, conformément aux oracles, reçu parmi
les dieux" (449). Apollodore est à la fois plus rapide et plus
soucieux de ménager diverses traditions : on dit que, tandis que
le bûcher brûlait, résume-t-il, (Héraclès) fut enveloppé d'une
nuée et transporté au ciel au milieu de grands éclats de tonnerre, η
y reçut l'immortalité et s'y réconcilia avec Héra qui lui donna en
mariage sa fille Hébé (450).
Ce thème de la mort d'Héraclès au bûcher de l'Oeta dont la
vulgate devait être donnée par les Trachiniennes de Sophocle -
et longuement reprise, à l'époque romaine, par YHercule sur
l'Oeta de Sénèque - semble posthomérique et pourrait avoir fait
son apparition avec la Petite Iliade . On pouvait y lire, en effet,
que "personne", au moment de la mort d'Héraclès, "n'ayant
507

voulu mettre le feu au bûcher sur l'Oeta, ce fut Philoctète qui se


chargea de ce soin" (451). Encore faut-il remarquer que ces
quelques mots - qui pourraient s'appliquer à la mort d'un
quelconque héros - ne disent rien de l'apothéose finale.
Cette tradition de la mort d'Héraclès à l'Oeta repose
cependant sur des bases solides, prouvées par la découverte, en
1918, d'un bûcher au lieu dit Marmara, à 1 800 m d'altitude, au
Nord-Ouest du village de Pavliani et à trois quarts d'heure de
marche de Trachis. Des sondages exécutés les années suivantes
par MM. Pappadakis et Orlandos ont permis de distinguer sur le
site :
1. Un bûcher, de forme grossièrement hexagonale limité
par un mur de péribole d'environ 20 à 30 mètres de côté (la
couche de cendres était épaisse de 1,40 à 1,80 m), bûcher au
Nord duquel s'élevait un édifice rectangulaire : probablement un
petit temple dorique in antis.
2. Une stoa s'étendait à 150 mètres au nord du bûcher, très
longue (32,5 χ 5m) et ouverte sur le côté. Elle était divisée en six
compartiments dont la destination n'a pas été élucidée (452).
3. A l'extrémité Nord, un édifice, incomplètement fouillé, a
été reconnu comme un Philoctétéion (453).
L'analyse des éléments d'architecture et les trouvailles faites
lors des fouilles prouvent que les constructions, qui ont
commencé à l'époque archaïque (le culte serait attesté à partir du
début du Vllème siècle), se sont poursuivies jusqu'à l'époque
romaine (on a retrouvé, par exemple, la base d'une statue
équestre de Commode, ce qui n'étonne guère, quand on connaît
le culte dont cet empereur honorait Héraclès) (454). Quant au
bûcher, si le péribole et les foyers périphériques sont également
d'époque romaine, le partie centrale est beaucoup plus ancienne,
si l'on en juge par le lieu d'origine des trouvailles : tessons dont
certains portent des dédicaces à Héraclès (455), figurines de terre
cuite, statuettes d'Héraclès barbu ou non "en action violente"
(456) et brandissant la massue (le geste prouve qu'elle passait
derrière la tête du héros), alors que le bras gauche est tendu vers
l'avant, selon un schéma connu de longue date en Orient,
ajouterons-nous. Il n'est pas sans intérêt, bien sûr, que ces
statuettes - dont l'une, au moins, n'est pas plus ancienne que le
Vème siècle (457) - perpétuent ainsi l'attitude du dieu combattant
et triomphant.
Faut-il voir, dans cette façon de représenter Héraclès un
indice de l'origine du culte qui lui est, de cette façon, rendu au
bûcher de l'Oeta ? Bien avant les fouilles du bûcher, on avait
expliqué le mythe par des rapprochements avec l'Asie Mineure.
508

Frazer, par exemple, évoquait, à propos d'Héraclès brûlé sur


l'Oeta, le grand bûcher que les Ciliciens édifiaient à Tarse pour y
célébrer la mort de Sandon... Quant à Victor Bérard, il utilisait le
mythe et les cultes trachiniens pour défendre sa théorie des
influences phéniciennes sur la religion grecque et de l'existence,
en Grèce même, d'un Héraclès-Melqart. Au dieu phénicien les
Grecs auraient emprunté "avec la légende... la coutume de brûler
le dieu" (458)... les cérémonies de l'Oeta rappelleraient ainsi
celles que nous avons évoquées, à propos de Gadès, et pour
lesquelles nous avons fait appel au modèle tyrien : celui de
Yegersis, qui, après la mort du dieu, consacre son "réveil" (459).
Nous aimerions revenir quelque peu, ici, sur cette fête célébrée,
nous l'avons vu, pour la première fois, par Hiram 1er,
contemporain de Salomon, au mois de Peiritios (460).
Que le modèle phénicien ait fonctionné au profit d'Héraclès,
des textes épigraphiques le prouvent, qui, à Philadelphie, par

exemple, (actuellement
d'Héraclès"
divinité" {mqm'lm
(461). Ce titre
) Amman)
qu'on
équivaut
rencontre
mentionnent
à celui de
dans
"ressusciteur
un bon
"ressusciteur
nombre
de la

d'inscriptions phéniciennes, en particulier, et c'est là sa plus


ancienne attestation, à Chypre, dans une dédicace à Melqart
datant du IVème siècle, et provenant de Lapethos (Lamaca). Ce
"ressusciteur de la divinité" est ici le magistrat suprême de la ville,
ce
"ressusciteurs"
qui n'étonne connus
guère dans
à Carthage,
la mesure
sixoù,
étaient
"sur la
suffètes
vingtaine
et huit
de

portaient le titre de "Grand", nom d'une haute fonction civile et


politique dont la portée exacte est encore incertaine" (462).
Précision capitale, le titre phénicien est fréquemment suivi
de l'expression "époux astartéen", dont le sens pourrait être
donné par l'inscription bilingue de Pyrgi. Ce texte (du dernier
quart du Vlème siècle) mentionne les épousailles d'Astarté "au
jour de l'ensevelissement de la divinité" (463). Une divinité qui
ne peut être que Melqart. Le roi, Thefarie Velianas, célèbre
manifestement un hieros gamos avec la déesse et ce,
probablement, au nom du dieu Melqart ressuscité par son
intervention.
Or, E. Lipinski reconstitue les épisodes principaux de cette
fête du "Réveil" grâce aux scènes gravées sur un vase de marbre
du IVème siècle trouvé dans les environs de Sidon : la première
représente le dieu mourant sur le bûcher ; la seconde, le
sarcophage qui rappelle "l'ensevelissement de la divinité"
mentionné à Pyrgi ; la troisième est une scène de deuil sur
laquelle figurent, autour d'un autel, Astarté et un homme en
longue tunique, très probablement le "ressusciteur" ; enfin,
509

quatrième et dernier tableau, le roi montre le dieu ressuscité


apparaissant aux portes de son temple... Mort et résurrection
devaient ainsi, pense l'auteur, se suivre assez rapidement (dans
les tablettes de Pyrgi, d'ailleurs, le jour des funérailles est aussi
celui des épousailles) et il suppose que "c'est en accomplissant le
mariage sacré que l'époux astartéen devenait le ressusciteur de la
divinité mâle dont on fêtait le lendemain la résurrection".
Si nous laissons, pour l'instant, de côté, ce hieros gamos
qui incontestablement présente des affinités avec les fêtes du
Nouvel An babylonien (où le roi, sous le nom de
Ama-Usumgalan-na - un titre du dieu Dumuzi - s'unit avec la
déesse Inanna, désignée comme hiérodule), mais aussi évoque,
autour d'Héraclès, les mêmes souvenirs d'unions primitives
(464), et, si nous retenons le seul épisode du bûcher, le problème
que posent les cultes de l'Oeta (465) est donc de savoir si le rite
(et au delà le mythe) est un pur emprunt à l'Orient, ou bien s'il
préexistait - auquel cas on pourrait alors penser qu'il constitue
l'un des éléments susceptibles d'expliquer le syncrétisme avec le
Melqart phénicien et le Sandas cilicien.
Louis Gernet était, sur ce point, formel : "la légende
d'Héraclès s'est parfaite, à une époque relativement tardive, de
l'épisode final du bûcher de l'Oeta qui paraît avoir rapport avec le
mythe de Sandon, mais Sandon est de Cilicie, et le thème
mythique, en lui-même, est antérieur à cette influence orientale"
(466). Yves Béquignon partage cette opinion, qui évoque les rites
de crémation connus ailleurs en Grèce centrale : Daidala de
Platées, fêtes d'Isis à Tithorée, élaphébolia de Hyampolis, en
Phocide, fêtes d'Artémis Laphria à Patras (467)... autant de
agraires"
"fêtes en (468).
l'honneur de la végétation, ou, si l'on préfère, de rites

C'était, pense-t-il, de tels rites agraires qu'on célébrait sur


l'Oeta, des rites qui, primitivement, se seraient adressés, non pas
au fils d'Alcmène, mais à "une divinité tout autre, qui, rendue
propice par les offrandes, devait favoriser les récoltes" (469).
Enumérant alors les rapports entretenus par Héraclès avec les
forces végétatives : le jardin merveilleux qu'il possédait à
Trachis, précisément, ou bien encore, à Thasos, l'épithète de
dieu-aux-pommes qui était sienne en Béotie ; évoquant les
sanctuaires - toujours béotiens - où Héraclès n'est pas le héros
dorien, mais le dactyle idéen ; arguant des rapports qu'il
entretient (à Mycalessos, par exemple) avec Déméter, il conclut
qu'à l'Oeta, la crémation des victimes, qui pouvait convenir aussi
bien au rite agraire qu'à Yenagismos héroïque, a favorisé le
passage du culte agraire au culte du héros (470). Comme
510

Nilsson, il pense ainsi qu'Héraclès s'est approprié un rite agraire


primitif (471), et que c'est à la suite de Déméter que, par la
Béotie, il a gagné la région maliaque (le culte d'Héraclès près des
sources chaudes des Thermopyles est bien connu) et de là, l'Oeta.
η faut toutefois poursuivre : à partir d'un certain moment
(il est dommage qu'aucune stratigraphie n'ait pu être établie dans
le bûcher de l'Oeta), le rite n'est plus seulement un sacrifice, il est
aussi une commémoration, puisque des statuettes ont été
retrouvées dans le bûcher. Il paraît donc difficile - compte tenu
des rapprochements qu'on peut établir avec Gadès, avec
l'autel-foyer de Chypre, compte tenu également de l'attitude des
statuettes retrouvées - de refuser toute influence de l'Orient,
toute contamination avec Sandas, ou bien avec Melqart, puisque le
syncrétisme est, dans son cas, plus tôt et plus précisément attesté.
Il est de même tentant, dans ces conditions, de penser que
le développement du mythe étiologique (celui de l'immortalité
d'Héraclès par le feu de l'Oeta) est né de cette contamination. Le
problème, toutefois, est un peu plus complexe qu'il n'y paraît :
- d'une part parce qu'en Grèce même une tradition de
l'immortalité par le feu semble exister, indépendamment
d'Héraclès : c'est par exemple celle que, dans Y Hymne
homérique à Déméter ·, la déesse d'Eleusis voulait conférer à
Démophon... tentative vaine d'ailleurs, puisque l'effroi de
Métanire la voua à l'échec (472).
- d'autre part parce qu'une série de témoignages
convergents mettent Héraclès lui-même en rapport avec la
crémation :
1) Si l'on en croit Conon, Héraclès à l'Oeta réussirait, en
quelque sorte, une tentative avortée. Dans ses Narrations (473),
il donne, en effet, à l'épisode de Syleus que nous avons évoqué
au début de ce chapitre, un épilogue assez curieux : après le
meurtre de Syleus, le héros aurait épousé sa fille, dont il était
amoureux, mais il aurait été contraint de la quitter. Pendant son
absence, elle tomba "malade d'amour et des regrets qu'elle
éprouvait pour lui" et mourut. On allait brûler son corps,
lorsqu'Héraclès revint. Malade d'amour et de chagrin, lui aussi, il
voulut se jeter dans le bûcher et ceux qui assistaient à la
cérémonie eurent grand mal à l'en empêcher.
2) On se souviendra aussi qu'Héraclès jeta un jour ses
propres enfants dans le feu (474). Il se pourrait bien que la folie,
envoyée par Héra (par laquelle le mythe explique l'épisode), ne
soit (comme la haine de la déesse d'ailleurs !) qu'une légende
expliquant a posteriori un geste qui n'était plus compris.
3) Une tradition, enfin, fait d'Héraclès l'inventeur de la
511

crémation. Andron d'Halicarnasse rapporte, en effet,


qu'Héraclès, à Troie, aurait été le premier à brûler un cadavre
(celui d'Argeios), à la seule fin, d'ailleurs, de pouvoir l'emporter
a son père... La crémation, rituel funéraire, avec ce que cela
comporte pour le devenir de qui le subit : "être dévoré par le feu
c'est, pour le cadavre, se trouver entièrement consumé, dans
l'intégralité de sa forme corporelle, de façon à passer, en bloc et
intact, dans le domaine de l'ailleurs"... (476).
Ce "domaine de l'ailleurs" pour Héraclès devait être celui de
la commensalité avec les dieux. Il est bien difficile de
conclure : dans ces rapports, qu'affirme la tradition entre
Héraclès et le bûcher, comment pourrions nous décider avec
assurance de ce qui dérive des liens assurément établis, à la fin de
l'archaïsme, avec les dieux morts par le feu et "ressuscites" de
l'Orient ? Comment pourrions-nous attester de ce qui a pu, au
contraire, favoriser le rapprochement ? Qu'Héraclès ait, dans des
temps très anciens, bénéficié, ne serait-ce qu'en tant que parèdre,
de ces sacrifices qu'on offrait aux divinités de la végétation nous
paraît on ne peut plus logique ; d'autant plus logique,
dirons-nous, - et c'était là une des conclusions de notre première
partie et de l'étude iconographique que nous avons entreprise
pour mieux comprendre le syncrétisme - que c'est avec un
Héraclès de cette nature que, sans aucun doute, Melqart a été
assimilé : un Héraclès comme lui, parèdre d'une grande déesse.
Et sans doute n'est-il pas sans intérêt de remarquer que les
sacrifices semblables à ceux de l'Oeta ont lieu, en Grèce, pour
l'essentiel soit au profit d'Héra, soit au profit d'Artémis, deux
divinités qui, en ces lieux, sont parmi les plus anciennes
auxquelles il ait été associé.
Il ne fait aucun doute que le syncrétisme, à son tour, a aidé
au développement de la légende d'Héraclès au bûcher... C'était
une dimension de plus donnée au thème de la victoire sur la mort
et de la conquête de l'immortalité... une immortalité désormais
conquise grâce au passage par la mort, elle-même (477)... ceci
dans le même temps, sans doute où l'initiation aux mystères
d'Eleusis apparaissait comme la nécessaire condition du triomphe
du héros sur Cerbère, le chien des Enfers (478). Une fois de plus
un vieil héritage se chargeait d'un sens lourd d'avenir. Le temps
viendrait où Ronsard pourrait écrire :
Je veux brûler pour m'en voler aux cieux,
Tout l'imparfait de ceste escorce humaine,
M'éternisant, comme le fils d'Alcmène,
Qui tout en feu s'assit entre les dieux (479).
512

Fig. 35 : "Le Peuple mangeur de Rois**.

Illustration non autorisée à la diffusion

Gravure parue dans le journal Les Révolutions de Paris


(projet pour une statue qui serait placée "sur les points les
plus éminens" de nos frontières)
Bibliothèque Nationale, Paris.
D'après M. VOVELLE, La mentalité révolutionnaire,
Paris, 1985, p. 104.
513

CONCLUSIONS

Sacrifice du dieu ? pas encore... le bûcher de l'Oeta nous a


acheminés cependant, vers la mort du dieu... la mort qui, partout,
hante le destin d'Héraclès et que nous retrouvons, fort
logiquement, au terme de notre étude. Mais, avant d'envisager
comment les travaux occidentaux d'Héraclès expriment - ou
absorbent - cette idée perenne, nous voudrions cependant
conclure sur l'éclairage qu'ils apportent quant aux rapports
qu'entretient Héraclès avec le sacrifice.
Manifestement, Héraclès, le mangeur de viandes, le
glouton, a, dans ce domaine également, bien servi les Grecs : les
anecdotes qui le montrent dévorant le boeuf de Théiodamas ou
celui du laboureur lindien prouvent qu'il fut l'une des "excuses"
avancées pour manger la viande du sacrifice, pour manger même
celle du boeuf laboureur, le compagnon de l'homme, celui sans
lequel aucune agriculture, donc aucune civilisation n'est possible.
La violence même du héros et ses appétits surhumains justifiaient,
en quelque sorte, le scandale !
Et le mangeur solitaire s'est fait, progressivement, le garant
de la commensalité du sacrifice. Tout autant qu'Hermès il paraît
mériter l'invective de YHymne homérique, "Tueur de vaches...
compagnon des festins" (480) ; on peut en juger par ces
banquets, liés aux sacrifices, faits en son honneur dans tout le
monde grec : ceux de Rome, bien sûr, à l'Ara Maxima, sont
particulièrement célèbres (481), ceux de Thasos et probablement
aussi de Chypre sont, nous l'avons vu, attestés par l'architecture
(482), ceux de l'Attique par l'existence des parasites (483) et,
d'une façon plus générale, le type de l'Héraclès épitrapézios, à la
tête ceinte d'une couronne de feuillage d'olivier, montre le héros
participant à un festin, qui est déjà - peut-être - celui des dieux
(484).

Mais ce chemin qu'avec Héraclès nous avons parcouru


dans l'espace du sacrifice et qui - d'autres en ont été, eux aussi,
frappés ! - permet de mieux cerner, de mieux en définir la
pratique, nous aura montré, de surcroît, quel était, en définitive le
rôle du héros : Héraclès victime, Héraclès sacrificateur, Héraclès
divinité... les frontières du modèle classique de la thusia sont, en
réalité, définitivement brouillées (485). Héraclès, dans le champ
du sacrifice parcourt tout cet hinterland entre bêtes, hommes et
dieux... fonction de médiation qui, par excellence, est celle du
héros.
514

Cette forte coïncidence nous confirme dans l'idée que le


sacrifice est, au mythe d'Héraclès, un élément de toute première
importance et si, comme nous le pensons, le mythe de Géryon
permet de l'expliquer, c'est à YHéraion d'Argos qu'il faut en
chercher la clef, autour de celle qui fut l'une des plus anciennes,
l'une des plus puissantes divinités de la Grèce.
Le sanctuaire - resté longtemps le point focal de
l'Argolide - réoccupe un lieu habité depuis la lointaine
préhistoire, puisqu'on a découvert, sur la même colline, un
établissement néolithique (486). A une heure de marche de
Mycènes, à deux heures d'Argos, il est bâti sur un contrefort du
Mont Euboia et de sa terrasse - soutenue par un mur d'apparence
cyclopéenne - il domine toute l'Argolide.
Pausanias, qui a visité le temple (et vu les ruines de celui
qui l'avait précédé, incendié par l'imprudence d'une prêtresse)
(487), qui a admiré la statue chryséléphantine de la déesse,
oeuvre de Polyclète (mais a vu aussi la très vieille image, faite de
bois de poirier sauvage, qu'après la destruction de Tirynthe on
avait ramené dans le sanctuaire), rapporte, au sujet d'Héra, une
bien curieuse histoire : celle de ses trois nourrices, Acraia,
Euboia et Prosymna, toutes trois filles du fleuve Astérion.
Légende bien faite pour ancrer la divinité dans le paysage de
TArgolide, légende qui, de surcroît, recouvre, à l'évidence, les
épithètes par lesquelles était invoquée la déesse argienne : Héra
Acraia, déesse des sommets ; Héra Euboia, maîtresse de la terre
riche en boeufs ; Héra Prosymna, déesse des Enfers (488)...
C'est pour cette déesse, appelée encore Boopis potnia Héra (489)
ou Ζευζιδία, la déesse du joug (490), et plus précisément pour
ses fêtes, les Hécatomboia, qu'Héraclès apporte le bétail de
Géryon.
Une procession - bien connue par l'exploit de Cléobis et
Biton (491) dont la piété devait être immortalisée à Delphes -,
conduisait la prêtresse d'Héra, dans un ancien char à boeufs
jusqu'à son sanctuaire des sommets et la fête était suivie par un
agôn plusieurs fois mentionné par Pindare (492) et dont le prix
était un bouclier de bronze, après avoir été sans aucun doute un
bouclier fait de la peau de l'animal sacrifié lui-même (493).
"Fier comme celui qui a porté le bouclier à Argos"
l'expression était devenue proverbiale (494) et il est fort probable
que cet honneur était aussi une consécration... celui qui portait
ainsi le bouclier quittait l'enfance, le temps pour lui était venu de
porter les armes.
Initiation, sacrifice... autour de l'Héra argienne, déesse de
515

la plaine riche en boeufs (495). C'est bien en maîtresse des


animaux qu'elle apparaît à Argos (496), c'est encore telle qu'elle
apparaît chez les Vénètes (497), avec ses parcs d'animaux
merveilleux et ses splendides cavales, telle enfin qu'était Héra
Lacinienne (498).

Héraclès bouvier, Héraclès tueur de boeufs, pourvoyeur du


sacrifice, car c'est bien ainsi que nous l'a montré cette étude,
Héraclès une fois de plus rencontrant Hermès : Hermès
Argeiphontes, tueur d' Argos en un mythe qui pourrait refléter des
sortes de Bouphonies argiennes (499)... Héraclès peut-être
restera tel plus longtemps qu'il ne pourrait y paraître : c'est ainsi
qu'on l'invoque encore, en tout cas, dans l'Anthologie palatine :
"Salut, Alcide qui dévores les génisses, protège les étables
et de ce petit troupeau fais naître des milliers de boeufs" (500).
516

Nota bene. Nous avions terminé la rédaction de notre


chapitre "Images du sacrifice" lorsqu'est paru le livre de
Jean-Louis DURAND, Sacrifice et labour en Grèce ancienne,
Paris/Rome, 1986.
Nous regrettons de n'avoir pu utiliser cet ouvrage qui, pour
l'essentiel consacré aux Bouphonies athéniennes, dans le
prolongement d'études antérieures (voir notre bibliographie),
comporte un chapitre particulièrement intéressant pour notre
propos (chap. V, pp. 145-173 : "Sacrifier à Lindos").
Nous ne pouvons donc manquer de signaler l'intérêt des
documents iconographiques proposés : représentations
d'Héraclès conduisant le boeuf ou le taureau au sacrifice (fig. 70
à 78), images du héros faisant rôtir les viandes sur l'autel (fig. 79
à 85). n nous est agréable de souligner la convergence de cette
démonstration par l'image avec nos propres recherches ; elle
confirme, en particulier la pertinence de ces deux "moments"
privilégiés de l'intervention d'Héraclès dans le sacrifice qu'avait
permis de dégager notre analyse.
Disons encore que, si nous rejoignons Jean-Louis Durand
pour retrouver dans l'attitude qui est celle d'Héraclès dans
l'espace du sacrifice, la position même du héros - entre bêtes et
dieux - (c'était la teneur de notre intervention au Colloque de
Rouen en 1982 ; voir les Actes pp. 180-181), il nous est
difficile, en revanche, de souscrire à l'interprétation qu'il établit,
en particulier, entre Héraclès "héros de l'errance... en train de
détruire, par la mort du boeuf, les rapports homme/animal
nécessaires à l'agriculture" et la laboureur qui serait, quant à lui,
"du côté du ponos, du travail pénible" (p. 154). C'est, me
semble-t-il, mal connaître ce que la Cité a fait d'Héraclès : le
héros du ponos, précisément, mais encore le héros "culturel",
celui qui, partout où il passe, répand la civilisation, c'est-à-dire,
avant tout, l'agriculture.
Curieuse contradiction ! une contradiction qu'on peut être
tenté de résoudre - et nous aimerions, sur ce point, poursuivre le
débat avec Jean-Louis Durand - en voyant dans l'Héraclès du
sacrifice lindien, précisément, le héros "d'avant la Cité"... une
contradiction dans laquelle on peut être tenté de lire les difficultés
d'une interprétation "résolument synchronique" (M. Détienne,
avant-propos, p. VIII) et, pour tout dire, l'image même des
problèmes nés du refus de prendre en considération l'évolution -
sinon la genèse - des mythes.
517

TROISIEME CHAPITRE

IMAGES DE LA MORT ET DE L'IMMORTALITÉ

"La puissance qu'a la mort en général


éclaire le sens du sacrifice, qui opère
comme la mort, en ce qu'il restitue une
valeur perdue par le moyen de l'abandon
de cette valeur..." (501)

Héra d'Argos, déesse des sommets, maîtresse de la plaine


riche en boeufs est aussi Héra Prosymna, souveraine des
Enfers... C'est elle que sert Héraclès, lorsqu'il ramène jusqu'en
Argolide les boeufs de Géryon ; c'est pour elle - par elle dira
bientôt la légende - qu'il souffre mille maux, qu'il devient le
héros du ponos ... Ces pommes, qu'il ira cueillir dans le jardin
des Hespérides, ce sont encore les pommes d'Héra : fruits d'or
donnés à la déesse pour son mariage. Rapportées à l'assemblée
des dieux, elles conféreront au héros l'immortalité bienheureuse.
Là se trouve bien le sens profond du mythe : la victoire sur la
mort, cette tentative désespérée pour anéantir l'infinie distance
entre les hommes et ceux qui sont, par essence, des Immortels
(502). Marie Delcourt, dans la brève, mais éclairante notice
qu'elle consacre à Héraclès a su dire comment, dans la légende du
héros, le thème était traité "à plusieurs étages différents" : du
conte populaire (celui des oiseaux du lac Stymphale" qui sont,
comme les Sirènes des âmes en peine") à l'allégorie transparente
("l'enlèvement du chien Cerbère, et selon certaines versions, de
Pluton lui-même") (503), c'est bien la même victoire sur la mort
qu'Euripide affirmera encore en montrant Héraclès "arrachant
Alceste
"broderont"
au les
trépas"...
peintresC'est
de vases
ellequi
toujours
représentent
autour
le héros
de laquelle
luttant
contre Géras ou dispersant les Kères de la vieillesse (504).
Avant de voir - rapidement, car bien des choses, déjà, ont
été dites - comment, dans les épisodes qui nous intéressent,
l'imaginaire des Grecs a "pensé" cette inéluctable réalité qu'est la
518

mort, ce désir jamais réalisé de l'immortalité, je voudrais faire


quelque place à la geste d'un héros, si proche parfois d'Héraclès
qu'il semble bien que ce dernier lui doive beaucoup : Gilgamesh
qui fut roi d'Uruk dans le lointain pays des Sumériens,
Gilgamesh "le plus glorieux des hommes... le plus superbe des
héros", (505), Gilgamesh qui "revêtit un jour la peau du lion" et
"erra sur la steppe" (506), Gilgamesh qui "gémit amèrement
comme gémit une femme" (507) après la mort de son ami Enkidu,
parti
"A la maison qui ne lâche plus quiconque y entre,
Sur la route où il n'est nul retour,
A la maison dont les habitants sont privés de lumière,
Où la poussière est leur repas, la boue leur nourriture..."
(508).
Gilgamesh qui, pour sa part, tenta d'obtenir l'immortalité
et, pour ce faire, "vint rôder" près de Shamash, le Soleil,
manifestement le dieu souverain du héros. Si les extraits cités
plus haut appartiennent à la version assyrienne du poème, le texte
que nous rapportons maintenant est celui d'une vieille version
babylonienne (509).
Shamash, bouleversé de voir Gilgamesh se diriger vers lui,
lui dit :
"Gilgamesh, où viens-tu rôder ?
La vie que tu poursuis, tu ne la trouveras pas.

Gilgamesh, où vas-tu rôder ?


La vie que tu poursuis tu ne la trouveras pas.
Quand les dieux créèrent l'homme,
La mort ils mirent à côté de l'homme,
La vie, ils la gardèrent dans leurs propres mains
Pour toi Gilgamesh, que ton ventre soit plein,
Divertis-toi le jour, la nuit.
De chaque jour fais-toi fête et réjouissance
Jour et nuit, danse et joue !
Que tes vêtements soient éclatants de fraîcheur
Et ta tête lavée ; baigne toi dans l'eau.
Prête attention au petit qui se cramponne à ta main
Que ton épouse se délecte en ton giron !
Telle est la tâche de l'homme.
519

Si nous avons jugé bon de rapporter ce texte, nous qui


avons perdu les grandes épopées que l'archaïsme avait consacrées
à Héraclès (510), ce n'est pas seulement parce que les exploits
des deux héros se font écho, parce que Gilgamesh, avant le
héros grec, a vaincu "le gardien de la forêt", parce que lui aussi a
tué "les lions dans les passes des montagnes" et "saisi le taureau
descendu du ciel" (511)... Ce n'est pas seulement parce que leur
quête est la même : "rejoindre l'assemblée des dieux à la
recherche de la vie" (512) et qu'il est possible, peut-être, de
retrouver dans les plus anciennes versions du mythe grec le rôle
important que, dans l'épopée babylonienne, jouait le soleil
(513)... C'est aussi - c'est surtout - parce que le mythe oriental,
plus explicite (ou simplement mieux conservé) pourrait bien
donner la clef du "paradoxe" ou de l'ambiguïté fondamentale
d'Héraclès. Dans cette opposition entre le destin des
dieux - cette vie qu'ils gardèrent pour eux seuls - et le destin
des hommes - une mort qui, en quelque sorte, détermine leur
vie, seulement occupée des plaisirs d'ici bas - ne peut-on
s'autoriser à voir la source de cette tension permanente qui anime
le "personnage" du héros ? Humain, Héraclès l'est ; trop
humain, humain jusqu'à n'être qu'une bête. Des enfants ? il en
aura, lui, un nombre tel que les mythographes, lorsqu'ils en font
la liste - pourtant longue ! -, en oublient toujours quelques-uns
(514) ; des femmes ? Il en séduit partout où il passe, et jusqu'à
cinquante en une seule nuit (515) ; des festins et des
réjouissances ? il en demande jusque dans la maison d'Admète
où l'on s'apprête à enterrer Alceste ; le ventre plein ? là paraît
bien être, en effet, sa préoccupation majeure, point n'est besoin
d'y revenir... Mais lui que le destin de l'homme marque avec tant
de force, tant d'insistance, lui qui éprouve la condition humaine
dans ce qu'elle a de plus humiliant : l'esclavage, la maladie, la
folie, il sera dieu un jour et bénéficiera de la longue vie des
Immortels. Double transgression dont l'une semble bien être la
nécessaire condition de l'autre.
520

I. LE MONSTRE TRIPLE, IMAGE DE LA MORT

"Voici maintenant le corps de


l'indomptable Géryon tué près de ses
boeufs ; ses têtes sanglantes jonchent la
poussière, abattues à coup de massue.
Son chien, meurtrier entre tous, a été
terrassé à ses pieds, Orthros, gardien
aussi redoutable que le triste Cerbère son
frère. Non loin gît le bouvier Eurytiqn,
baignant dans les flots de son sang..."

Quintus de Smyme, VI, 249-255.

Jean Bayet, étudiant une série de sarcophages romains au


thème héracléen, a, il y a déjà bien longtemps, rassemblé une
documentation étendue afin de prouver qu'Hercule/Héraclès avait
toujours été "le protecteur des hommes obsédés par les
espérances et les terreurs de l'au-delà" (516). Quelques années
plus tard, il revenait à cet "Hercule, héros chthonien" (517), pour
étudier les origines du dieu romain. C'est dire que ce terrain est
déjà très largement parcouru.
"Prédispositions infernales" d'Héraclès (518) : plantes
héracléennes (olivier et peuplier blanc) ; rapports avec les eaux,
qu'elles soient celles de sources ou de fleuves ; richesse et
fécondité d'origine infernale... les moindres indices servaient
(parfois peut-être avec quelque excès) (519) la démonstration.
Plus constamment probante était évidemment l'étude des relations
entretenues par le héros avec les dieux de la mort (520), celle du
symbolisme dionysiaque (521) ou bien encore l'analyse de ses
luttes avec les "monstres infernaux".

1-1 Géryon, en effet, est d'abord l'un de ces monstres,


issus des lignées primordiales et destinés à fournir à Héraclès ses
521

principales victimes Ces enfants d'Echidna, par exemple, seront


presque tous décimés par le héros !). C'est pourquoi il nous
paraît nécessaire de le replacer dans le contexte généalogique qui
est le sien, de revenir, une fois de plus, à la Théogonie
d'Hésiode, à ce qu'elle nous enseigne de ces familles contre
lesquelles s'acharnera le fils d'Alcmène.

1) La lignée de Nuit, en premier lieu.


Cette nuit primordiale d'Hésiode, Nuit "la ténébreuse",
Nuit "la pernicieuse",
quiconque" : enfante "sans s'être unie d'amour à

- Moros, la noire Kère et Thanatos... trois enfants pour une


même réalité : la mort (522).
- Hypnos, et avec lui la race des Songes.
- puis, dans la même triade, après Sarcasme et Détresse, "la
douloureuse", avant les Parques et les Kères, Nuit enfante "les
Hespérides qui, au-delà de l'illustre Océan ont soin des belles
pommes d'or et des arbres qui portent tel fruit" (523).
- suivent, Némésis, Apaté, Philotès, Géras et Eris...
Les Hespérides, nymphes à la voix claire, certes, mais filles
de Nuit, nées, elles aussi, "d'une division sans amour" (524)...
Héraclès en triomphera comme il triomphera de Thanatos, des
Kères et de Géras "la vieillesse ruineuse".

2) La lignée de Pontos (= Flot) ensuite.


Du "valeureux Phorcys" et de "Cetô aux belles tresses"
qu'il enfanta, naquirent les Gorgones, qui elles aussi habitent "au
delà de l'illustre Océan, à la frontière de Nuit, au pays des
Hespérides sonores". De Phorcys et Cetô naquit aussi Méduse "à
l'atroce destin" ... et c'est de Méduse que surgit, "lorsque Persée
lui eut tranché la tête", le Grand Chrysaor, père de Géryon, aux
trois têtes (525). A cette même lignée, liée à l'Océan de manière
insistante (c'est de Poséidon que Méduse aurait conçu Pégase et
Chrysaor et c'est uni à Callirhoé, la fille d'Océan que ce dernier
engendre Géryon !) appartient aussi Echidna "à l'âme violente",
Echidna dont le corps est pour moitié d'une jeune femme aux
belles joues et aux yeux qui pétillent, pour moitié d'un énorme
serpent, terrible autant que grand (526), Echidna qui évoque de
très près la mixoparthénos à laquelle plus tard devait s'unir
Héraclès dans le récit d'Hérodote (527), Echidna dont naissent
522

avec Chimère, puis Phix, Orthos, le chien de


Géryon ; Cerbère, "qu'on n'ose à peine nommer", le chien
d'Hadès, l'hydre de Lerne que fera grandir Héra "pour
satisfaire son effroyable haine contre Héraclès le Fort", le lion,
enfin, fléau des humain, qu'Héra - toujours elle - nourrira dans
les vallons de Némée (528).
Et puis, dernier rejeton de Phorcys et Céto, "le terrible
serpent " qui, caché sous la noire terre, au milieu de ses
immenses anneaux (ou sur de vastes confins ?) (529) garde des
(pommes) tout en or" (530).
Telle est la famille de Géryon, tel est l'environnement des
principaux adversaires d'Héraclès. Avant même de nous pencher
sur la signification probable du monstre lui-même, il importe de
souligner quelques constantes.
- l'aspect très généralement inquiétant de ces êtres
monstrueux ou de ces entités, nés ainsi de Nuit ou de Pontos.
- le lien très fort qui les unit à Nuit, la Ténébreuse, la
Redoutable (on remarquera à cet égard que les épithètes
hésiodiques sont négatives, contrairement à celles d'Homère qui,
avec Nuit, la Rapide (θοή) ou l'Ambrosienne (άμ&ρόστα)
introduisaient une dimension moins foncièrement pessimiste).
Chez Hésiode, alors que tout ce qui naît du premier couple : Gaia
et Ouranos représente la puissance positive et claire, Nuit
conjuguerait avec cette puissance, la négativité (531) : "la Mort
sous plusieurs noms, la violence destructrice de la vie, et le
Non-vivre. Le Sommeil : une inconscience. Le Rêve :
l'expérience de l'illusion. Sous le nom de Mômos : la
dégradation de la valeur. Sous le nom de Géras : la soumission à
la décrépitude. Les petits-enfants, fils d'Eris, fille de Nuit,
représenteraient les effets : anarchie, misère, crime, toutes les
formes du mal dans le monde" (532).
- le lien, non moins fort, qui les unit à Océan (533), Océan,
qui, pour reprendre l'éclairante analyse de Frânkel, représenterait
le mouvant et l'informe (534). Ces monstres "qui ne ressemblent
en rien ni aux hommes mortels, ni aux dieux immortels" (535),
ou qui, comme Nérée, l'aîné des enfants de Pontos, changent de
forme à volonté.
A cette dimension abstraite de la descendance d'Océan et de
Nuit, s'ajoute une dimension "géographique" qui les fait se
rejoindre : dimension "géographique" donnée - pour la
523

descendance de Nuit - par les Hespérides sises "au delà de


l'illustre Océan", comme d'ailleurs ceux des enfants de Pontos
que localise Hésiode, Les Gorgones habitent en effet "au pays
des Hespérides sonores", "aux frontières de Nuit", au delà de
l'illustre Océan", là où sont encore situés "les parcs brumeux" de
Géryon et d'Orthos...
Océan et Nuit : des frontières... des extrémités... des
eschatiai , nous avons eu, déjà, l'occasion de le dire (536).
- Mais cette "géographie" que dessinent les enfants de Nuit
et d'Océan n'est pas seulement plane, horizontale, et il serait
insuffisant d'y retrouver seulement ces limites, déjà décelées sur
les reconstitutions cartographiques par lesquelles on tente de
retrouver, non pas tellement la représentation plus ou moins
exacte que les Grecs, à un moment ou à un autre, savaient donner
du monde dans lequel ils vivaient, mais bien plutôt l'image, à la
fois plus ethnocentrique et plus spéculative qu'ils construisaient
de l'espace qui les entourait (537). Plus qu'une géographie, une
cosmogonie donc, avec, tout naturellement, la troisième
dimension qu'introduisent certains de ces enfants de Nuit
auxquels (nous n'oublions pas notre héros !) Héraclès sera
affronté : Echidna, "au creux de sa grotte" (538) ou bien encore
"le terrible serpent... caché sous la noire terre" (539) ...
Dimension verticale, celle de la profondeur souterraine des forces
chthoniennes et, pour que l'image soit complète - mais là n'est
pas, pour l'instant, notre problème -, il faudrait restituer,
toujours sur cet axe vertical, mais à l'opposé, du côté des cieux,
Atlas, fils de Japet (540) (et pour un temps Héraclès) supportant
la voûte céleste, ceci bien sûr en ce même lieu,"aux limites mêmes
du monde, en face des Hespérides au chant sonore" (541).
Si nous en restons, pour l'instant, aux adversaires
d'Héraclès, ceux-ci nous apparaissent ainsi avec trois
connotations fondamentales : chthonienne, nocturne, océanique
ou plus généralement marine enfin, et nous insisterons quelque
peu sur cette dernière, car elle est, peut-être, plus oubliée.
Pourtant, n'expliquerait-elle pas certaines séquences du mythe,
certains témoignages qui pourraient alors apparaître comme la
partie émergée d'un iceberg pour l'essentiel englouti ? (542).
Ne permet-elle pas de comprendre, par exemple,
l'insistance avec laquelle Apollodore, si proche "des plus anciens
récits des Grecs" (543), fait des adversaires rencontrés par
524

Héraclès, tout au long de l'expédition contre Géryon, des fils de


Poséidon ?
N'éclaire-t-elle pas, de surcroît, cette fonction de protection
des navigateurs qu'assigne Pindare au fils d'Alcmène lorsqu'il
explique ainsi son apothéose :
"(C'est) le fils d'Alcmène qui (entre) dans l'Olympe, après
avoir exploré toutes les régions de la terre, tous les abîmes
de la mer aux vagues blanchissantes, aux bords escarpés et
pacifié la route des navigateurs. Maintenant, près de Zeus
porteur de l'égide, il réside et goûte la félicité la plus belle,
honoré par les Immortels comme un ami qui leur est cher,
époux d'Hébé, maître d'un palais d'or et gendre d'Héra".
(544)

Fig. 36 : Héraclès et les monstres marins


Coupe à figures noires de l'atelier du peintre de Xénoclès
(vers 570-560) . Musée de Tarquinia.
D'après P.E. ARIAS et M. HIRMER, Le vase grec,
trad. Paris, 1962.
525

"Illustre marcheur de la fable grecque", Héraclès certes le restera,


Pindare nous rappelle qu'il fut aussi un marin intrépide... Dans
quels temps lointains ? Il se pourrait que, là encore, la rencontre
du héros grec et du Melqart phénicien - resté pour sa part un dieu
protecteur des navigateurs - à la fois s'explique mieux, et dans le
même temps éclaire le passé de celui qui devait rester, pour les
Grecs d'Outre-Mer, un archégète.

1-2 On comprend mieux, semble-t-il, enfin, ce que fut le


plus célèbre de ces monstres, Géryon, au coeur du plus riche,
peut-être, des exploits d'un héros. Géryon dans son île
océanique, Géryon dans ses plaines brumeuses, aux portes de la
Nuit... prairies nébuleuses, prairies données, peut-être, comme
infernales par Hésiode (546). Apollodore, une fois de plus, nous
éclaire, lorsqu'il rapporte le rapt des troupeaux par Héraclès : le
héros a déjà assommé le chien Orthos (ou Orthros) et le bouvier
Eurytion venu à son secours, lorsque Géryon est averti du vol par
Ménoitios "qui gardait, près de là, les boeufs d'Hadès" (547).
Les prairies de Géryon et celles d'Hadès sont donc
voisines... ou sont les mêmes ! Quant à Ménoitios - toujours
selon Apollodore - c'est son propre troupeau qu'il devra
défendre contre Héraclès, et ce dans les Enfers, lorsque le héros
viendra y chercher le chien Cerbère... en vain, car, si le fils
d'Alcmène se contente de briser les côtes du bouvier, c'est un
bien curieux sacrifice que sous la terre, il effectue, égorgeant l'un
des boeufs d'Hadès "pour faire goûter du sang aux âmes" (548).
Encore un doublet ! Eurytion et Ménoitios n'ont-ils pas même
fonction ? Géryon et Hadès n'appartiennent-ils pas au même
cortège infernal ? Cerun, d'ailleurs, l'homologue étrusque de
Géryon, n'assiste-t-il pas Hadès dans les Enfers ? (549) Géryon
ne serait-il pas le bouvier des Enfers ?
La réponse paraît évidente. Encore faut-il préciser le sens de
l'expression, dire, en particulier, qu'elle n'est pas un démarcage
du titre bien connu de J.H. Croon : The Herdsman ofthe Dead, le
bouvier des morts (550). Pour l'auteur néerlandais, en effet, le
bouvier est lui-même le dieu des morts et son troupeau n'est autre
que celui des âmes dans l'au-delà. On comprend mieux le
raisonnement, lorsqu'on reconstitue la démarche de Mr. Croon.
Dans un premier temps, il étudie les sources chaudes en Grèce, et
526

constate qu'elles sont mises en rapport, avec certaines divinités :


avec Héphaïstos, pour un petit nombre d'entre elles ; avec
Artémis, parfois ; avec Asclépios (assez tardivement, lorsqu'elles
arrivent à inspirer plus de confiance que d'effroi) ; avec Héraclès
de façon plus générale et plus notable. Dès cette première étude
(551)
"pensées"
s'affirme
commela
étant
conviction
des bouches
que des
cesEnfers.
sources chaudes sont

Autour de ces entrées du monde souterrain, gravitent un


certain nombre de légendes, celle du "berger des morts" en
particulier, que devait reprendre J.H. Croon. L'étude exhaustive
qu'il a menée de ces traditions et des cultes qui parfois s'y
rattachent, nous évitera de redire ici tout ce qui s'est écrit des
rapports - désormais bien connus - d'Héraclès aux sources
chaudes (552)... rapports qu'à plusieurs reprises, d'ailleurs,
nous avons nous-mêmes rencontrés : en Sicile, lors du retour du
héros avec les boeufs de Géryon ; à Rhodes, en contrepoint du
sacrifice lindien ; aux Thermopyles, enfin, non loin du bûcher de
l'Oeta. L'hypothèse de J.H. Croon - qui, sur ce point reprend les
conclusions de O. Grappe - consiste à faire des sources chaudes
des lieux de culte à Géryon lui-même (celui-ci n'a-t-il pas un
oracle auprès de la source Aponus à Padoue ?) (553), et, à partir
de là, de considérer :
1) que la légende d'Héraclès s'implante là où était établi
l'un de ces cultes à un dieu ou génie des sources : ce peut être, et
c'est souvent Géryon... Ce peut être aussi Eryx, qui, à l'Extrême
Ouest de la Sicile, possède lui aussi ses troupeaux, non loin des
sources chaudes d'Himère.
2) que la localisation de cette légende varie ensuite avec les
progrès géographiques (et coloniaux !) des Grecs. Nous ne
reviendrons sur ce point, traité dans notre seconde partie, que
pour dire que, si nous rejoignons tout à fait J.H. Croon, pour
voir dans la localisation épirote une donnée non pas première,
mais divergente (la tradition corinthienne, développée autour des
sources chaudes de Chaonie), le processus envisagé pour la
localisation occidentale (établie à Baies, le port de Cumes par les
Chalcidiens, emportée vers Gadès par leurs partenaires
commerciaux, les Phocéens) (554) nous paraît moins évident,
non seulement parce que l'existence de sources chaudes à Gadès
est douteuse, l'auteur le reconnaît (555) ; non seulement parce
que - et cela nous l'ajoutons - l'emprise des Phocéens dans la
527

région de Tartessos semble bien avoir été moins forte qu'on ne


l'imaginait (556), mais peut-être aussi parce que le rôle des
sources chaudes - s'il est considérable - me paraît devoir être
diversement apprécié. Qu'elles aient fixé des cultes locaux, des
épisodes de la légende, qu'elles aient ainsi fourni matière à
enrichir, à développer le mythe me semble incontestable. Qu'elles
l'aient déterminé à ce point est plus douteux. Nous venons de le
voir la conception grecque est d'emblée, et dans son
essence-même, occidentale et les conclusions de J.H. Croon, qui
cherche les origines du mythe dans la région des Thermopyles et
de l'Oeta, peuvent, en définitive, apparaître quelque peu
surprenantes. Localisation certaine d'un culte à Héraclès (et d'un
culte chthonien sans aucun doute) ; origine du mythe du rapt des
boeufs de Géryon, nous n'en croyons rien, ne serait-ce que
parce qu'elle ne rend pas compte de la dimension cosmogonique,
si prégnante, comme nous venons de le voir, dans le mythe.
3) Π reste qu'après la démonstration de J.H. Croon, la
preuve de la nature chthonienne, voire infernale de Géryon n'est
plus à faire (557). Nous ne suivrons pas l'auteur cependant
jusqu'au bout de son interprétation et ne verrons pas, dans les
boeufs de Géryon, comme dans les boeufs d'Hadès, les âmes des
morts (que viendrait sauver Héraclès ! p. 168) (558). Comment
pourrait-on comprendre, si tel était le cas, le sacrifice d'Héraclès
aux Enfers ! Notons d'ailleurs que J.H. Croon - qui pourtant
appuie fortement sa démonstration sur la valeur parallèle des
troupeaux de Géryon (gardés par Eurytion) et de ceux d'Hadès
(gardés par Ménoitios) - ne mentionne pas ce détail ! (559).
Nous préférerons donc, comme J.H. Rosé, parler de bétail
chthonien (560) et voir dans l'attribution de ces merveilleux
troupeaux aux divinités ou aux génies infernaux l'union intime
des deux formes du chthonien : celle qui tient aux couches
superficielles de la terre, dispensatrices d'abondance ; celle qui a
pour lieu la terre en ses profondeurs, et qui retient les morts...
Convergente et beaucoup plus éclairante, encore, nous paraît être
l'analyse de Clara Gallini (561) qui, dans ces animaux de
l'au-delà, ces boeufs merveilleux d'Hadès ou de Géryon, ceux
d'Hélios encore ou ceux qu'Apollon garda un jour chez Admète,
ceux d'Augias, enfin, si bien décrits par l'Idylle XXV de
Théocrite, reconnaît l'attribut même de certaines divinités, à la
fois maîtresses de la nature et tout particulièrement des
528

animaux - à l'image des grandes puissances primitives - et


souveraines de l'au-delà.
Cette connexion entre la maîtrise des animaux et le monde
infernal est particulièrement nette dans les sociétés de chasseurs,
chez les Esquimaux par exemple ou encore parmi les peuples de
Sibérie (comme les Tongousses) étudiés par Eveline Lot-Falck
(562), où l'on croît à l'existence - décisive pour les
hommes - d'un maître ou d'une maîtresse des animaux de la

chasse
"maîtresse"
: Sedna,
de lamaîtresse
Terre chezdes
lesphoques,
Tongousses,
chezà qui
les le
Esquimaux
chaman va;
demander (et au besoin voler) du gibier.
C'est pourquoi aussi bien Clara Gallini (563) que Walter
Burkert cherchent les antécédents du mythe de Géryon dans un
milieu de chasseurs et Walter Burkert, plus précisément,
rapproche la quête d'Héraclès des pratiques chamaniques : le
chaman apparaissant comme "l'aide surnaturelle des hommes,
celui qui a retiré les animaux des Enfers pour que les hommes
aient la nourriture nécessaire" (564) ... le mythe lui-même
précise-t-il se forgeant plus tard dans une société agricole et
urbaine (565). Reconnaissons que - pour difficile à démontrer
qu'elle soit - cette plongée dans la préhistoire de la Grèce éclaire
remarquablement les fonctions d'Héraclès : grand pourvoyeur de
viande consommable pour les hommes, grand pourvoyeur du
sacrifice également ! Et disons, pour terminer, que dans la Grèce
historique elle-même, survit fortement cette connexion entre
maîtrise des animaux et au-delà ; elle survit, par exemple, dans la
personnalité divine d'Artémis, et si, à l'époque classique, Héra
fait figure de déesse souveraine, épouse de Zeus et protectrice du
mariage, la réalité ancienne - si l'on en juge par les épiclèses de
la déesse - devait être - à Argos à tout le moins - assez proche
de celle-ci ; elle le reste d'ailleurs plus nettement, avons-nous vu,
dans l'Occident.

1-3 Images de l'abondance que les grasses prairies


d'Erythie, image de l'au-delà aussi que cette île rouge du soleil
couchant, sur laquelle règne la figure infernale du monstre
triple... Image de la mort, donc, et il est temps, maintenant de
connaître le visage que lui donnaient les Grecs... La plus
ancienne représentation figurée que nous possédions de Géryon,
529

provient, nous l'avons vu, de Corinthe et Dunbabin la date de


680-670 (566). Alors qu'Héraclès se précipite au combat (schéma
de la course agenouillée) avec son arc et ses flèches, c'est en
hoplite qu'apparaît le triple guerrier, brandissant une (ou
plusieurs ?) lances au-dessus d'une triple tête et attaquant
également à l'épée. (Fig. 31.1).
Les trois corps sont masqués par les boucliers ronds juste à
l'endroit où ils se réunissent et, en dessous de la taille, ils
s'individualisent à nouveau, encore que seules quatre jambes
soient parfaitement visibles. C'est le même schéma qu'on
retrouve, au début du Vlème siècle, sur un brassard d'Olympie
(notre frontispice) : guerrier triple (boucliers ronds, toujours, et
casques à cimier), au rigoureux parallélisme, rompu seulement,
dans la partie supérieure, par la chute de l'une des têtes vers
l'arrière. C'est en effet un moment différent de la lutte qui a été
choisi et c'est à l'épée que combat, presque au corps à corps, un
héros désormais vêtu d'une peau de lion, dont la queue, par sa
longueur, rappelle encore de fort près celle de Bès (567).
Nous ne décrirons pas tous ces vases - très nombreux,
surtout au Vlème siècle (568) - qui reprennent le thème avec des
variantes souvent assez minimes : Héraclès, s'il est proche du
monstre triple, abandonne son arc, mais le carquois en
bandoulière demeure, qui prouve que l'archer n'est pas oublié ; il
attaque alors indifféremment à l'épée ou à la massue (569). F.
Brommer remarquait que les armes paraissent interchangeables ;
c'est particulièrement net sur l'amphore de Bassegio (570) où
Héraclès, s'il utilise la massue, porte l'épée au côté, et, dans son
dos, l'arc et le carquois restent très visibles. Géryon, pour sa
part, est toujours figuré en hoplite : casque à haut cimier, lances,
cuirasses, cnémides et boucliers ronds qui ne diffèrent guère que
par leur épisème : trépied parfois, (571) aigle souvent, (572)
taureau de temps à autre, tel ce curieux protomé où seule une
corne apparaît - comme d'ailleurs sur les boeufs de l'amphore
chalcidienne de la Bibliothèque Nationale (573) - ou bien encore
Gorgone à la face terrifiante, hérissée de serpents... image de la
mort, elle aussi, qui accroît ainsi la charge de sens dont est
porteuse la représentation (574). Connexion étrange du monstre
et du blason : images du pouvoir infernal et peut-être déjà de
l'immortalité ?
L'élément de différenciation tient surtout à l'attitude plus ou
530

moins rigide du monstre, au parallélisme plus ou moins rigoureux


des trois corps : très marqué encore sur l'élément de bouclier
d'Olympie que nous avons étudié (575) ou sur l'amphore attique
à figures noires du Louvre (576), il fait place à une plus grande
variété d'attitudes, à plus de mouvement dans la composition,
surtout facteurs de l'état d'avancement de la lutte : les torses
blessés, créent, en effet, la rupture en fléchissant ou
s 'effondrant... A cet égard, la coupe à figures rouges
d'Euphronios équilibre savamment, du corps déjà mort de l'un
des Géryons, la composition circulaire du combat, l'arc et la
massue d'Héraclès rencontrant ici, en haut de la composition, les
deux lances du monstre (577).
Autre élément de différenciation, le nombre plus ou moins
grand des actants de ce drame : présence parfois du troupeau,
objet de la lutte, nous n'y reviendrons pas (578) ; présence
fréquente d'Eurytion, le berger, déjà blessé, au moment où
Héraclès affronte le monstre (comme dans le récit df Apollodore)
et tombé entre les combattants ; présence d'Orthos encore, qui,
même sur les images inscrites, n'est jamais nommé et qui
pourtant est toujours représenté sans vie, gisant aux pieds des
combattants. C'est le cas, par exemple, sur la coupe
d'Euphronios où, de sa blessure fichée d'une flèche, s'écoule du
sang (579). Il arrive aussi que figurent les adjuvants respectifs
des protagonistes. Athéna assiste assez fréquemment son protégé
(580) et parfois - sur la coupe d'Euphronios encore - "une
femme éplorée" se tient auprès de Géryon : présence symétrique
de celle de la déesse. Faut-il comme M. Robertson attribuer à
Stésichore cette introduction d1 Athéna dans le mythe ? Des
fragments de la Géryonidey prouvent, en tout état de cause, que,
dès cette époque, elle intervenait dans le récit (581). Peut-être
permettent-ils aussi d'identifier celle qui pleure sur le sort de
Géryon ? Callirhoé, la mère du monstre triple, était en effet
nommée dans le poème (582) et Martin Robertson préfère cette
interprétation à celle de Klein ou de Furtwàngler qui
reconnaissent plutôt, derrière le bouvier infernal, Erythéia, la
nymphe du lieu. Certes aucun témoignage littéraire, n'atteste
qu'elle ait assisté au combat, mais sa présence auprès de Géryon
se justifie cependant : son nom est celui d'une Hespéride (583)
et le scholiaste d'Apollonios de Rhodes affirme, précisément, que
l'Hespéride Erythéia était la nymphe de l'île de Géryon (584) ;
531

Fig. 37 : Héraclès et Géryon

Illustration non autorisée à la diffusion

Amphore d'Exékias. Conservée au Louvre (F 53)


Cf. E. GERHARD, Auserlesene griechische Vasenbilder,
op. cit., pi. 107.
532

Fig. 38 : Héraclès et Géryon

Amphore de Bassegio, actuellement à Londres,


Cf. E. GERHARD, Auserlesene griechische Vasenbilder,
op. cit., pi. 108 (CROON n° 8).
533

pour Pausanias, elle est même la fille du tricéphale (585).


Quelles que soient les variantes, sur toutes ces
représentations Géryon est un monstre réunissant trois corps :
τρείς- 8è δνδρες- Γηρυόης- είσίν άλλήλοις- προσεχόμενοι
(586).
Telle est la description de Pausanias. Telle était déjà la
conception d'Eschyle pour qui le monstre est simplement dit
τρισώματοΓ (587) ; telle est aussi la description, plus précise,
d'Apollodore (588) :
"// avait trois corps qui n'en formaient qu'un seul ; ils se
réunissaient vers le ventre et redevenaient triple à partir des
flancs et des cuisses..."

Or, lorsque dans la Géryonide Stésichore évoque


l'adversaire d'Héraclès, lui aussi le décrit comme un hoplite avec
bouclier (col. I, v. 12), casque à cimier (col. I, v. 16) et Cuirasse
(col. II, v. 13) ; lui aussi lui donne un triple corps, puisque l'un
des torses, blessé par une flèche (col. II, v. 10-11), s'écroule (v.
14-15) (589) et qu'il paraît bien lui attribuer six mains et six pieds
(590). Stésichore cependant introduit une particularité qui, si l'on
en
"occidentale"
juge par : les
le monstre
représentations
triple était ailé
céramiques,
(591). devait rester
On pourrait penser (et on dit parfois) que cette description
littéraire est traduite sur deux vases chalcidiens à figures noires du
milieu du Vlème siècle : l'amphore à col provenant de Vulci et
conservée au Cabinet des Médailles, à Paris (Géryon y est
identifié sous la forme GaruFones) (592) et l'amphore provenant
de Caere et attribuée au même "peintre des inscriptions". La
représentation est, sur cette dernière, plus réduite, et si, comme
dans la première, Athéna assiste Héraclès et lui présente une
coupe, ni Orthos, ni Eurytion ne figurent ; Héraclès combat
contre le seul Géryon (593). Le moment du combat est différent,
deux têtes, deux torses se sont déjà écroulés, l'un en arrière,
l'autre en avant (et vu de face ce qui est exceptionnel !), Héraclès
abandonnant apparemment ses armes pour saisir à main nue le
casque (par son cimier) du seul Géryon resté en vie ; torses,
membres et ailes (déployées et recourbées vers l'arrière)
s'organisent pour former autour des boucliers une remarquable
composition dont le mouvement circulaire n'est pas sans rappeler
celle de la tricèle. Une surprise : sur l'une et l'autre de ces
534

Fig. 39 : Héraclès et Géryon

Illustration non autorisée à la diffusion

Amphore à figures noires de Caere


Conservée au British Muséum (WALTERS, Π, Β, 155)
milieu du Vlème siècle
D'après E. GERHARD, Auserlesene griechische Vasenbilder,
pi. 323.
535

Fig. 40 : Guerrier tricéphale

bronze étrusque (fin du Vlème siècle ?)


Conservé au Musée des Beaux Arts à Lyon (L.l)
536

représentations ne figure qu'une paire de jambes ; le monstre ailé


n'est triple que depuis la ceinture.

Triplicité variable, donc, et qui nous ramène au tricéphale


étrusque, à Cérun, qui, sur une paroi de la Tomba dell'Orco à
Tarquinia, est représenté dans le monde infernal, avec cuirasse,
lance et bouclier rond, face à Hadès (Eita) et Perséphone
(Phersipnai) (594), ou encore à ce petit bronze archaïque du
musée de Lyon (Fig. 40) figurant un guerrier, casqué et
cuirassé, dont la triplicité est donnée par l'adjonction, sur les
épaules, de deux têtes de part et d'autre d'une tête centrale,
d'ailleurs mieux proportionnée au reste du corps (595). Figure
triple dont nous avons déjà signalé l'omniprésence dans le monde
italique, qu'il s'agisse des exemples étrusques mis au jour par les
archéologues (596), des stèles dauniennes (597), ou des
monstres ou héros triples attestés dans les cultes (le Géryon
d'Abano Terme) ou la légende (le Cacus tricéphale de Properce
pour ne citer que lui) (598). Au delà de leur diversité, Anne Marie
Adam, qui, à propos de deux figurines de bronze étrusques, s'est
penchée sur ces tricéphales de l'Italie primitive (599) leur
reconnaît un certain nombre de points communs : leur rapport
avec l'eau, l'eau des marécages ou celle qui jaillit des entrailles de
la terre et c'est, dit-elle "ce caractère primordial, cette origine
catachtonienne qui semblent expliquer tout le reste, en particulier
les fonctions d'Urkônig d'un territoire, les pouvoirs oraculaires
et
l'immortalité"
les relations (600).
avec leMais,
mondesi elle
souterrain,
reconnaît
la mort,
que cette
peut-être
"divinité"
aussi
pré-romaine a pu se confondre avec le Géryon des Grecs, elle
oppose précisément la triplicité étrusque (un monstre unique à
triple tête) à celle du Géryon grec qui possède, quant à lui, trois
corps distincts.
Faut-il tellement insister sur cette opposition ? La triplicité,
paraît surtout avoir été traitée en Grèce avec plus de fantaisie
(601), trois corps réunis seulement au niveau des hanches d'une
manière qu'adroitement dissimulent les boucliers ronds ? trois
torses seulement ? des ailes parfois ?... trois têtes toujours et
c'est bien la seule constante dans cette anatomie du monstre :
c'est tout ce qu'en avait dit Hésiode, d'ailleurs : le monstre -
comme celui des Etrusques ! - était et est resté un tricéphale. Au
delà des variantes, c'est bien le triple visage de la mort qu'il a été
537

donné à Héraclès de contempler et de détruire...


Ce qu'enseignent les représentations qu'en ont données les
imagiers de la Grèce est d'une autre importance : rarement
représenté seul, Géryon n'existe plus guère que par la lutte contre
Héraclès, une lutte dans laquelle il doit être vaincu. Dans toutes
les scènes représentant le combat, à ma connaissance, le héros
occupe la gauche de l'image, "soutenu" parfois par Athéna ;
Géryon tient, quant à lui, la droite de la représentation, tourné
tout entier (qu'il s'agisse de son - de ses - corps, ou de ses
armes), vers le héros. Or depuis que l'image est considérée
comme un objet d'étude à part entière, on a réfléchi sur le mode
de perception qu'on en a, sur l'itinéraire du regard... un itinéraire
constant semble-t-il, "peut-être consécutif à une éducation dont la
lecture de l'écriture serait en partie la cause" (602). L'oeil, s'il
embrasse d'un seul coup le champ de l'image, s'attarde, et passe
plus de temps à regarder la moitié gauche, le reste de la perception
se fait ensuite dans le sens des aiguilles d'une montre.
L'information, bien sûr, est d'autant plus percutante que "la
structure de l'espace imagé correspondra avec l'angle et la
position d'attaque spécifiques au regard du spectateur".
Reprenons une dernière fois l'amphore chalcidienne de Caere
(fig. 39) : c'est bien Héraclès qui attire le regard (Héraclès et
Athéna qui, un peu en retrait, le double et l'assiste à la fois)... A
droite le monstre s'effondre dans un splendide mouvement
circulaire... Héraclès a vaincu la mort
Fig. 41 : Héraclès au Jardin des Hespérides
d'après O. BENNDORF, Griechische und sik
Vasenbilder, Berlin, 1869-1893, planche XXXXI
BROMMER, Herakles und die Hesperide
aufVasenbildern, loc.cit., I a.
539

II. LES POMMES D'OR GAGE D'IMMORTALITÉ

"... La scène voisine figure les fruits d'or


des Hespérides qui brillent sur l'arbre
inviolé. Enroulé autour du tronc, le
terrible dragon vient d'être terrassé et les
Nymphes apeurées fuient en tout sens
devant le fils hardi du grand Zeus..."

Quintus de Smyrne, VI, 256-259.

Sur le dessin que donne Otto Benndorf du décor d'un


lécythe de la collection Navarra à Terranova (603), un homme,
tenant à bout de bras un petit panier rond, ramasse une pomme
tombée au pied d'un arbre couvert de feuilles et de fruits. La peau
de lion dont il est vêtu, l'arc et le carquois qui ornent son dos,
l'épée qu'il porte au côté et la massue déposée à terre ne laissent
aucun doute sur son identité. Au reste, quelques "détails"
suffisent à camper le décor : un énorme serpent s'enroule autour
de l'arbre, et sur la gauche de la représentation, Hermès s'apprête
à quitter la scène avec un geste un peu désinvolte de la main. A
droite, un jeune hoplite dont le visage a disparu - probablement
Iolaos - porte cuirasse, cnémides, épée au côté et deux lances.
Courbé comme un quelconque paysan ramassant sa récolte et, de
surcroît, l'air plus benêt que valeureux (604), nous avons bien là,
cependant, Héraclès cueillant les pommes d'or des Hespérides et
la présence d'Hermès ne permet pas de douter de l'enjeu d'un
exploit qui, le dernier pour Diodore de Sicile, donne directement
au héros l'accès à l'immortalité (605).
Contrairement à la lutte contre Géryon, très tôt attestée dans
la littérature et dans l'art, la quête des pommes d'or paraît entrée
assez tardivement dans la légende d'Héraclès. Π faut attendre le
cinquième siècle pour qu'avec les Tragiques (Sophocle et
Euripide) d'une part, avec Panyasis et Phérécyde d'autre part, les
textes mentionnent cet exploit. Même décalage dans les
représentations céramiques, d'une façon générale nettement
moins nombreuses -23 contre 60 pour Géryon compte F.
540

Brommer (606) - elles n'apparaissent guère avant le dernier quart


du Vlème siècle et dans la production attique seulement : 5 vases
à figures noires contre 47 pour Géryon (et, pour ce dernier,
s'ajoutent 5 représentations extérieures à Γ Attique, des Vllème et
Vlème siècles); elles connaissent en revanche un succès plus
durable : 10 représentations attiques à figures rouges pour les
Vlème et Vème siècles (contre 8 pour Géryon) et, surtout, 8
encore au IVème siècle, alors que le combat contre le monstre
triple n'est plus représenté (607). L'impression dominante est
celle d'un succès surtout athénien et relativement tardif, mais
peut-être faut-il corriger cette approche : Pausanias, en effet, a vu
l'exploit représenté sur le coffre de Cypselos et s'il est possible
que la légende de ce dernier soit tardive, l'objet lui-même semble
bien être un ouvrage corinthien archaïque que H. Smart Jones
date des premières années du Vlème siècle. Peut-être faut-il, pour
conforter ce témoignage quelque peu hypothétique, évoquer la
présentation d'une céramique béotienne inédite, exposée à Bonn à
l'occasion du 5ème congrès d'Archéologie classique : Nérée y
figurerait, montrant à Héraclès le chemin des Hespérides... Datée
des années 600-590 (608), elle permettrait alors de "remonter" au
début du Vlème siècle les premiers témoignages de la légende
dans l'iconographie, de cerner de plus près son introduction dans
le cycle d'Héraclès et d'évoquer les auteurs des Héracléia
archaïques, Pisandre de Rhodes, par exemple, à qui l'on attribue
des "inventions" concernant la légende du fils d'Alcmène, ou bien
plutôt Stésichore d'Himère, dont la Géryonide, dit-on parfois,
était une véritable geste d'Héraclès (609) et qui avait plus de
raisons peut-être d'enrichir le voyage vers l'Ouest du héros et
d'ajouter à ses exploits la conquête des pommes d'or.

1-1 Les pommes que doit ainsi cueillir Héraclès sont,


nous apprend Apollodore, un présent de Terre à Zeus pour son
mariage avec Héra (et non pas, comme le dit de façon
erronée - et bien étrange - la traduction française de E. Clavier,
un présent d'Héra à Zeus) (610). On sait, par le scholiaste à
Apollonios de Rhodes (61 1), qu'Apollodore avait, sur ce point,
emprunté son récit à Phérécyde, lequel rapportait dans son
dixième livre (le second qu'il consacrait au mariage d'Héra)
comment la terre, en l'honneur du mariage de Zeus et d'Héra,
541

avait donné ces pommes à la déesse ou plutôt, avait fait pousser


pour elle les pommiers aux fruits d'or (612). Eratosthène rend
compte de façon un peu différente du récit du mythographe :
lorsque Zeus épousa Héra, dit-il, les dieux apportèrent des
cadeaux à la jeune mariée ; Terre, en particulier, offrit des
pommes d'or qu'Héra admira tant qu'elle ordonna qu'on les
plantât dans le jardin des dieux, près du Mont Atlas. Mais, les
filles d'Atlas ayant la désagréable habitude de dérober ces fruits,
Héra mit, pour les garder, un énorme serpent (613).
Ce serpent, "dragon immortel et à cent têtes" selon
ApoUodore, était fils d'Echidna et de Typhon et "parlait avec
toutes sortes de voix bigarrées" : φωναϊς- navxoiaiç και
ποικ&αις· (614) ; c'est Phérécyde que suit ici Apollodore (615);
Panyasis, pour sa part, paraît surtout avoir insisté sur la vigilance
absolue d'un gardien capable de ne jamais fermer les yeux. (616)
Quant à la généalogie du monstre - indifféremment, le même
texte d'Apollodore le prouve, nommé dragon (δράκων) ou
serpent (όφις·) - Hésiode en faisait le dernier-né de Phorcys et de
Cétô (617), mais, pour le scholiaste d'Apollonios, il lui aurait
donné Typhon pour père. Il faut reconnaître que, dans la
Théogonie, la naissance du monstre est notée après l'énumération
des enfants d'Echidna et que l'hésitation - ou la confusion - est
possible. C'est ainsi, peut-être, à une tradition hésiodique que se
réfère Apollodore, alors que Phérécyde, quant à lui, éloignant le
mythe de ses sombres origines, donnait Zeus et Thémis comme
géniteurs du gardien des pommes d'or. Autre tradition, suivie par
Apollonios dans les Argonautiques, et qui pourrait correspondre
à la localisation du monstre par Hésiode (618), le serpent est dit
χθόνιος- et le scholiaste explique que, comme le disait déjà
Pisandre de Camiros, il était né de la terre (619). Apollodore ne
nomme pas le monstre, Diodore le mentionne à peine, et
Apollonios est le seul à avoir conservé son nom : Ladon... un
nom qui, pour C. Robert, est d'origine arcadienne (620), à
moins qu'il ne manifeste tout simplement la volonté d'Apollonios
de s'adapter au milieu local : le fleuve d'Euhespérides est en effet
le Lathon ou Lethon... (621).
Nous ne reviendrons pas sur la signification du monstre
dans le cadre de la Théogonie d'Hésiode (622) ; il faut dire, en
revanche, qu'à cette époque, s'il est donné déjà comme gardien
des pommes d'or, il n'est - pas plus que ces dernières - mis en
542

rapport avec Héraclès ; plusieurs versions d'ailleurs subsisteront


toujours de cette quête, qui prouvent que le thème du jardin
merveilleux fut plus tard rattaché au cycle du héros. "Les
sentiments des mythographes sont partagés au sujet de ces
pommes", écrit Diodore "les uns disent qu'il y avait des pommes
d'or dans quelque jardin, des Hespérides en Libye et qu'elles
étaient continuellement gardées par un redoutable dragon..."
(623) et Apollodore, de même, après avoir rapporté comment
Prométhée conseilla à Héraclès de demander plutôt les fruits à
Atlas, ajoute rapidement.." : d'autres disent... qu'il les cueillit
lui-même dans le jardin des Hespérides, après avoir tué le serpent
qui les gardait".
- meurtre du dragon, gardien des pommes.
- aide d'Atlas, qui va lui-même quérir les fruits merveilleux
pendant qu'Héraclès soutient à sa place la voûte céleste.
- il existe une troisième version - plus tardive et
n'apparaissant que sur les représentations figurées (624) - selon
laquelle Héraclès obtient des Hespérides elles-mêmes qu'elles
cueillent pour lui les pommes d'or.
On a tendance à penser que, de ces variantes, le meurtre du
dragon est premier, ne serait-ce que parce que celui-ci existe chez
Hésiode, mais l'argument est d'autant moins irréfutable que, dans
la Théogonie, le serpent est, justement, bien vivant, et Atlas est,
presque autant que lui, lié au jardin des Hespérides (625). D'autre
part, Panyasis et Phérécyde donnent, à peu près à la même
époque, la première et la seconde versions (626) et si les vases
paraissent accorder quelque antériorité au meurtre du dragon,
c'est cependant l'épisode d'Atlas que Pausanias a vu représenté
sur le coffre de Cypsélos. (627).
De même, si Euripide paraît choisir la violence lorsqu'il
chante Héraclès donnant la mort "au serpent au dos fauve" qui
défendait l'approche de "l'arbre aux rameaux d'or où pendaient
les pommes que sa main devait cueillir" (628), il n'en renonce
pas, pour autant, à l'image d'Héraclès appuyant "ses bras levés
contre le milieu de la voûte céleste" et parvenant à "soutenir les
palais étoiles des dieux" (629). L'épisode est d'ailleurs
curieusement dissocié (il faudra l'expliquer !) de la quête des
pommes d'or dont il est séparé par la descente d'Héraclès "dans
les profondeurs salées" (630).
Le meurtre du dragon, en tout cas, ne sera jamais oublié.
543

Si, dans le dernier quart du Vème siècle, le peintre du vase de


Meidias représente Héraclès au repos recevant des mains mêmes
de leurs gardiennes les fruits d'immortalité, une amphore à relief
de la collection Sabouroff, à la même époque (631), le montre
cueillant lui-même les pommes, tout en se défendant, de sa
massue, contre le serpent enroulé autour du tronc. Et c'est
Apollonios de Rhodes qui, dans les Argonautiques, donne du
combat la vision la plus terrible ; les Argonautes, en effet,
arrivent sur les lieux du drame après la défaite du dragon et
trouvent les Hespérides éplorées auprès de son cadavre :
"maintenant, terrassé par Héraclès, il était étendu contre le
tronc du pommier ; seul le bout de sa queue remuait
encore ; mais, depuis la tête jusqu'à l'extrémité de sa noire
échine, il gisait sans vie, et comme les flèches avaient
imprégné son sang de l'amer venin de l'hydre de Lerne, les
mouches se desséchaient sur ses plaies putrides" (632).
Il est curieux de remarquer que les Hespérides qui, au début
de la légende, chez Phérécyde, apparaissent comme prédatrices
(633), qui, plus tard - et très généralement - sont considérées
comme les gardiennes des pommes d'or, font, dans les
Argonautiques, presque fonction de desservantes (ποίπνυον)
d'un culte et c'est sur son sol sacré (iepbv πέθον) "qu'elles
officient en d'aimables psalmodies" (634). Fonction,
précisons-le, sans rapport avec la mort du dragon, puisque le
poète évoque là la sérénité du lieu, à la veille du drame. Mais
peut-être n'est-ce là qu'un simple développement des qualités de
chanteuses que (comme les sirènes peut-être) elles possèdent déjà
chez Hésiode (635)?
Ces "Nymphes Hespérides", qui, pour l'auteur de la
Théogonie, étaient filles de Nuit (636), portent, dans les
Argonautiques, les noms d'Hesperé, Erytheis, Aigle (637), des
noms qui pourraient être, déjà, ceux que leur donnait Hésiode,
comme en témoigne peut-être un fragment conservé de son
oeuvre à l'authenticité douteuse il est vrai (638). Apollodore, qui
en compte quatre, les nomme Aigle, Erytheia, Hesperia,
Arethousa (639)... l'éclatante, la rouge, la vespérale, telles
peuvent bien être les filles de Nuit ; la fantaisie des poètes et plus
encore celle des sculpteurs et des peintres de vases eut tôt fait
d'ajouter une (ici Aréthuse) ou plusieurs nymphes à cette liste ;
544

Fig. 42 : Héraclès au Jardin des Hespérides


sur l'Hydrie du peintre de Meidias
(British Muséum, Ε 224)

Illustration non autorisée à la diffusion

IS'SP

Ci-dessus, dessin de G. GERHARD, Notice sur le vase de


Midias au musée britannique, avec deux planches tirées des
Mémoires de l'Académie royale des Sciences de Berlin, Berlin,
1840. Cf. CVA, British Muséum, fasc. 6, ΠΙ, le, pi. 91 (366)
545

Pausanias, visitant Olympie, vit ainsi cinq Hespérides dans le


groupe de bronze que Théoclès, le Lacédémonien, avait sculpté
pour le temple d'Héra (640) et sur certains vases on peut en
dénombrer sept ou même onze ! (641). Les noms varient eux
aussi : sur le vase de Meidias, les Hespérides rassemblées autour
du pommier sacré et de son gardien s'appellent Astéropé,
Chrysothémis et Lipara (642)... Apollodore ainsi n'était pas le
premier à joindre aux Hespérides quelque Nymphe locale (mais
occidentale !) et si les nymphes d'Apollonios font lever l'herbe,
croître de jeunes arbustes verdoyants et se transforment
elles-mêmes en un peuplier, un orme et un saule, se donnant ainsi
comme déesses de la végétation (643), celles du peintre Meidias
pourraient être, déjà, garantes de l'abondance (644). Peut-être
évoquent-elles encore une généalogie oubliée, celle de Phérécyde
pour qui les Hespérides étaient filles de Zeus et de Thémis (645).
En tout cas, elles témoignent d'une nette évolution dans la
conception du mythe : cueillant elles-mêmes les pommes, de
gardiennes qu'elles étaient, elles sont devenues complices et,
alors que Iolaos s'apprête à quitter la scène, elles remettent, avec
des grâces équivoques, les fruits d'or au héros, jeune éphèbe au
repos, appuyé sur sa massue et assis sur la peau du lion,
dissimulant ainsi ce que cette dernière pouvait encore conserver
de terrible.

2-2 Sur cette image, Héraclès est manifestement parvenu


au terme de ses épreuves ; il est arrivé au jardin où poussent les
fruits d'immortalité... Ce jardin, que nous disons des
Hespérides, est en réalité, les sources nous l'ont prouvé, un
jardin des dieux, fortement lié à l'hiérogamie de Zeus et d'Héra et
ces pommes - objet de la quête d'Héraclès - appartiennent aux
Immortels. Elles leur seront rendues d'ailleurs, et Athéna les
reportera dans le jardin, "car il n'était pas permis qu'elles fussent
placées ailleurs", commente Apollodore (646).
Ce thème des pommes d'or, du jardin des dieux où
pousse - gardé par des Nymphes et un serpent - l'arbre de vie,
est, en lui-même (c'est-à-dire indépendamment de la légende
d'Héraclès), un thème ancien ; un thème très largement répandu
aussi. Il suffît, pour s'en convaincre, de parcourir un répertoire
des motifs de la littérature folklorique (647). Nous n'avons pas
546

l'intention de multiplier, ici, les comparaisons. Quelques


exemples suffiront à éclairer la nature d'un exploit rattaché après
coup au cycle d'Héraclès, sans aucun doute bien après la lutte
pour les troupeaux de Géryon, en dérivant même a-t-on pu dire,
s'appuyant sur le jeu de mots autour de mêla : des troupeaux, on
serait passé aux pommes d'or, créant ainsi un nouvel épisode de
la geste du héros. En fait, si le jeu de mot a joué un
rôle - d'autres facteurs, nous le verrons, ont eu sans doute plus
d'importance - ce ne peut être dans la création, mais bien plutôt
dans la captation, au profit du fils d'Alcmène, d'une vieille
histoire qui, fort longtemps, n'eut rien à faire avec lui.
Cette histoire, les pays Scandinaves la connaissent, exposée
dans les "Eddas" (648) : C'est celle d'Idhunn, gardienne des
pommes, déesse de l'immortalité, qui conserve dans son coffre
les fruits que les dieux doivent goûter, lorsqu'ils deviennent
vieux pour retrouver leur jeunesse... des pommes d'or, "élixir
des Ases", gages de leur jeunesse étemelle.
C'est celle du pommier, arbre de ces contrées
mystérieuses, où, pour les Celtes, tristesse et mort sont
inconnues. Là se rendra Bran guidé par Manannan, le soleil ; là
aussi s'en ira Cormac Mac Art, ce roi d'Irlande du Illème siècle,
pour posséder le rameau auquel neuf pommes d'or étaient
suspendues... là-bas, dans l'île "au delà des eaux" où la musique
attire, où poussent des arbres fruitiers surnaturels ; là-bas, vers le
soleil couchant, dit Manannan à Bran qui ne sait où trouver ce
paradis (649).
Cette histoire, en effet est celle du paradis... Le paradis des
Iraniens, où
semences" quipousse
rend immortel
le Gaokerena,
(650) ; celui"l'arbre
des Chinois,
de toutes
où, dans
les
les montagnes Kwenlun, l'immortelle Reine de l'Ouest possède
un pêcher dont le fruit assure d'une longue vie celui qui le
détient ; celui des Japonais (Horaisan ) où se trouve la montagne
de l'immortalité, où pousse un arbre merveilleux avec des racines
d'argent, un tronc d'or et des fruits de pierres précieuses (651) ;
celui de la Genèse encore, celui de Gilgamesh enfin, qui
enferme, lui aussi, un arbre merveilleux :
les fruits qu'il porte sont tout rubis,
Ses branches courent, suspendues et sont belles à voir ;
Son feuillage bleu est de lapis-lazuli
II porte des fruits et la vue en est admirable (652).
547

Nous n'irons pas au-delà de ce rapide survol. Il nous paraît


suffisant pour qu'on ne puisse, comme le fait J.O. de G.
Hanson, affirmer que l'idée de l'arbre de vie est hébraïque et non
grecque (653) et, s'il est vrai qu'en Grèce l'accent est mis sur les
fruits d'or plus que sur l'arbre lui-même, s'il est vrai que les
pommes sont parfois en rapport avec d'autres déesses, avec
Aphrodite, par exemple (Apollonios, d'ailleurs, parle des
"pommes en or massif des déesses") (654), s'il est vrai
que - présents ou gages de mariage - elles ont à voir avec
l'amour et avec la beauté, les pommes d'or, don de Gaia, la
génitrice universelle, ne peuvent être confinées dans cette seule
signification. C'est pour le moins méconnaître le sens de
l'hiérogamie et la forte polysémie de ces unions primitives -
gages d'une merveilleuse fécondité - qui ne disparaîtront jamais
tout à fait de l'horizon de la religion grecque (655). C'est
méconnaître, de surcroît, le fonctionnement de la pensée
mythique que d'affirmer que, dans la légende d'Héraclès, la
conquête de l'immortalité ne peut être traduite qu'une fois : par le
passage victorieux dans l'Hadès (656) ; c'est prendre enfin
l'effort tardif de rationalisation des mythographes pour vérité
première que d'estimer, avec eux, que cette immortalité, le héros
la doit surtout aux services rendus à l'humanité. (657)
Toutes ces convergences - et c'est la raison profonde de
notre brève incursion dans le domaine du comparatisme tout
autant que du symbolisme - permettent de se poser d'autres
questions. Faut-il vraiment s'évertuer à reconnaître ces fruits
d'or ? Juba II pensait y retrouver les citrons de son royaume
(658) ; d'autres songent aux perles d'ambre, que roulaient les
flots de l'Eridan (659) ; d'autres encore évoquent le "fabuleux
métal", objet de convoitise et de ce commerce avec l'Afrique
profonde qui, selon Jérôme Carcopino, explique, en définitive, la
localisation du jardin des Hespérides sur la côte maurétanienne
(660).
C'est bien d'or qu'il s'agit en effet et de la séduction qu'il
exerce, de la place qu'il tient dans l'imaginaire de peuples aussi
divers que les Celtes, les Grecs... ou les Japonais. Dans toutes
les mythologies, dans tous les folklores, une constante : l'or
apparaît, avant tout, comme un attribut divin, et, si les Grecs
disent volontiers Apollon à la chevelure d'or, ou même Aphrodite
d'or, les Egyptiens sont plus explicites, pour qui l'or est "la chair
548

des dieux" (661).


Les hymnes védiques donnent, quant à eux, des éléments
d'explication : (662).
"l'or qui, né du feu, immortel, se maintient au dessus des
Mortels";..
"l'or, de la bienheureuse couleur du soleil..."
immortelle"
"l'or, sans doute une forme de la divinité... l'or : vie

"l'or, en vérité, c'est le feu, la lumière et l'immortalité"...


"L'or c'est l'immortalité", répètent les Brahmanas, ces
textes rituels post-védiques composés à partir du VlIIème siècle
avant notre ère et, beaucoup plus tard, les alchimistes tiennent
encore le même raisonnement, qui cherchent à obtenir la
transmutation des métaux en or pour, eux aussi, vaincre la mort.
Qu'il existe en Grèce une relation entre l'éclat de l'or, celui
du feu et celui du soleil, le texte de la Première Olympique le
prouve, de même que la place - souvent observée - que tient l'or
dans l'oeuvre de Pindare (663)... Que l'or soit le symbole même
de la divinité et de l'immortalité, le mythe des races tel que
l'exprime Hésiode suffît à le prouver (664)... métal divin, métal
de la souveraineté aussi. La réalité n'est pas effacée pour autant,
pas plus que chez Pindare, qui, dans un fragment d'origine
incertaine, laisse à la fois entendre que la "valeur mystique" de
l'or tient à son caractère incorruptible (donc immortel) et, dans le
même temps, l'installe comme le plus précieux, le plus puissant
de tous les biens que puisse posséder l'homme :
"L'or est un fils de Zeus ; ni rouille ni vers ne le ronge, et
il dompte l'esprit des hommes : c'est de tous les biens le
plus puissant" (665).
Aussi, au-delà du caractère abrupt de certaines affirmations
d'Alain Bresson et d'une excessive insistance sur le rôle de la
monnaie, son souci est légitime qui demande qu'on ne voie pas,
dans cette valeur mystique de l'or, la seule expression de
structures fondamentales de la psychologie humaine, qu'on
veuille bien ne pas faire abstraction des données économiques et
sociales, car ce sont elles qui font de l'or un "bien séparé", qui,
comme tel, peut être considéré comme un attribut de la divinité"
(666).
Louis Gernet, déjà, remarquait que les objets précieux
figurent dans les légendes et même qu'ils y tiennent souvent un
549

rôle central (il remarquait aussi que ce n'était pas là "une spécialité
de Grèce") (667).
Des exemples qu'il étudie se dégage l'idée que la
représentation de l'au-delà se concrétise, justement, comme lieu
d'origine de Yagalma : "comme tant d'objets mythiques dont la
représentation côtoie la leur, mais avec une espèce de
prédilection, les objets de prix, symboles coutumiers de richesse,
sont en relation nécessaire avec cet autre monde que postule la
pensée religieuse : tour à tour ils y descendent et ils en
proviennent" (668).
Quant à l'origine de cette notion mythique de la valeur, elle
dérive pour Louis Gernet des thèmes de la royauté magique et
cela ne fait pour nous aucun doute. Alain Bresson n'en croit rien,
pour qui "la valeur religieuse de l'or à l'époque d'Homère et
d'Hésiode, et à plus forte raison à l'époque archaïque et classique
n'est pas un héritage des royautés mythiques du passé" (669). η
est dommage que, trop soucieux sans doute de prouver le rôle de
la monnaie, il l'ait voulu aussi mécanique et immédiat, qu'il n'ait
pas vu à quel point la théorie de l'or comme "bien séparé" se
renforçait d'être replacée à l'époque où l'idée du trésor royal,
dépôt des richesses les plus rares, s'articulait "sur celle des sacra
protecteurs et efficaces que garde, en un réduit sûr, un roi de
légende, un dieu souverain" (670), dommage qu'il n'ait pas vu
que, dans cette optique, la monnaie, parce qu'elle tendait à
imposer, en quelque sorte, la valeur économique de l'or et à en
donner une représentation plus objective, s'accompagnerait dans
la mémoire sociale d'une autonomie accrue de la matière
mythique... rôle décisif dans l'évolution dialectique du vécu
humain et de l'imaginaire. Le fragment de Pindare que nous
citions tout à l'heure nous paraît, en ce sens, un témoignage
d'une importance capitale.
Encore un mot : parmi les exemples servant à la
démonstration de Louis Gernet, la légende de la toison d'or,
synthèse dit-il des deux éléments les plus significatifs de la
richesse, la richesse en troupeaux, la richesse en métaux
précieux. Or, dans les deux exploits d'Héraclès qui nous
occupent : le rapt des troupeaux de Géryon et la quête des
pommes d'or, ce sont les mêmes symboles qui apparaissent,
dissociés (et même chronologiquement séparés), pourtant
finalement solidaires et complémentaires... encore une raison qui,
550

pensons-nous - beaucoup plus sérieusement que le possible jeu


de mot sur mêla - pourrait, aidée certes par quelques
particularités du culte béotien d'Héraclès (671), expliquer la
captation au profit du héros de ce nouvel exploit, la conquête qu'il
dut entreprendre des pommes d'or, dans le jardin où chantaient
les filles de nuit, jardin situé justement, comme les pâturages de
Géryon, au-delà d'Océan.

2-3 Au-delà d'Océan, mais encore ? Contrairement au


mythe de Géryon très tôt imaginé, nous espérons en avoir
convaincu le lecteur, à l'Extrême-Ouest, le Jardin des Hespérides,
même à une époque tardive, connaissait encore plusieurs
localisations.
Si Pline, nous l'avons vu (672), cherche "la fameuse forêt"
d'arbres aux fruits d'or" dans les environs de Lixos (673), le
souvenir d'une localisation cyrénaïque n'en reste pas moins
vivant (674), un souvenir qu'avait contribué à fixer le périple du
Pseudo-Scylax (675) et, après lui, Apollonios et Ptolémée (676).
La légende d'Héraclès est, il faut le dire, bien implantée
dans la région de la Syrte : les dunes des Nasamons que les
Argonautes doivent traverser portent le nom ά'Ήράχλειοι Gïveç
(677) ; à Irasa on situe parfois la lutte d'Héraclès et d'Antée
(678) ; le gardien des pommes d'or, nous l'avons déjà dit, se
nomme Ladon chez Apollonios, rappel évident du Lathon (ou
Lethon), le fleuve d'Euhespérides (679)... C'est près de là,
enfin, que Jason et ses compagnons rencontrent les nymphes
Hespérides après le passage du héros.
Quant à ce fameux jardin "creux" du Pseudo-Scylax,
profondément encaissé (18 orgyes correspondent à une trentaine
de mètres), assez vaste (2 stades, soit plus de 350 mètres) et
"couvert de l'ombre des arbres entrelacés, aussi serrés qu'il est
possible", arbres parmi lesquels des "pommiers de toutes sortes",
mais aussi des lotos, des grenadiers, des arbousiers, des mûriers
etc.. (680), il paraît plus proche de Cyrène que d'Euhespérides
et Sandro Stucchi propose de le reconnaître dans une vaste doline
dont les dimensions, dit-il, correspondent plus ou moins aux
mesures de l'auteur ancien. Située à petite distance de la mer, elle
est à quatre kilomètres environ de Phykous, dont on voyait
encore les ruines au XVfflème siècle (681)... localisation, on le
551

constatera, plus nordique que celle que donne Pline : près de


Béréniké, autrefois Euhespérides, dans la région de Benghazi,
donc, là où précisément serait attesté le mythe des Argonautes
(682).
François Chamoux, que ce décalage ne péoccupe guère,
estime que, bien que les textes ne l'attestent de façon formelle
qu'à partir du IVème siècle, c'est dès leur installation en Libye
que les colons grecs auraient situé le jardin des Hespérides "près
de la ville qui devait lui emprunter son nom" ; en effet "le nom
même d'Euhespérides, qui apparaît avant la fin du Vlème siècle,
prouve
archaïque"
queetla
il en
légende
donne,avait
pour été
autre
localisée
preuve, là
unedès
monnaie
l'époque
de
Cyrène, datant de 500 avant notre ère environ et représentant
Héraclès et une Hespéride encadrant "l'arbre magique" (683).
La découverte, dans les années 1971-1972, des fresques de
la "maison occidentale" ou "maison de l'amiral" fouillée par
Spyridon Marinatos à Akrotiri dans l'île de Théra (684) a
renouvelé considérablement les données de l'histoire du monde
égéen et, par là-même, suscité un vigoureux débat dont certaines
implications nous intéressent au plus haut point (685). Les scènes
représentées pourraient, en effet, trouver leur unité comme
description
"nilotiques" (la
d'un
florevoyage
et la faune
ou ont
d'une
pu faire
expédition
penser à: l'Afrique),
paysages
villes plus ou moins exotiques et scènes navales... scènes
historiques pour leur "inventeur" qui voit en elles le témoignage
de rapports effectifs entretenus par les Théréens de l'époque
(vers 1500 avant notre ère) avec la Libye (686). C'est aussi cette
hypothèse que développe S. Stucchi, qui, pour sa part, établit un
rapport entre la double tradition littéraire localisant en Cyrénaïque
le jardin des Hespérides, quelques rares vestiges archéologiques
du second millénaire trouvés à Cyrène, et ce qu'il pense être la
preuve de la présence des Grecs de l'âge minoen sur la côte
africaine la plus proche de leur pays :
- le jardin à l'Ouest de Phykous marquerait alors la première
étape de l'exploration de ce nouveau monde
- celui de Béréniké témoignerait de la reprise des contacts et
de la progression le long de la côte.
- la localisation à Lixos, enfin, serait l'ultime étape,
proprement coloniale, n'intervenant que lorsque toute la
Méditerranée finirait par être acquise à la connaissance des
552

Grecs.
Inutile de souligner ce que pareille reconstitution peut avoir
d'arbitraire ; l'interprétation "historique" des fresques a déjà été
vivement contestée : on lui oppose le caractère purement typique
de peintures dans lesquelles on se refuse à voir la trace
d'événements singuliers ; la connotation libyenne a, elle-même,
été fort discutée : ces scènes seraient égéennes, Cretoises et leur
intérêt "historique" consisterait, précisément à raconter, sur le
mode symbolique, les conditions de l'existence dans le monde
égéen du début du XVème siècle (687) ; enfin le caractère
guerrier de l'expédition a, lui aussi, été mis en question : il
s'agirait bien plutôt soit d'une visite pacifique, soit d'une sorte de
parade navale, probablement en rapport avec une fête religieuse,
célébration par exemple du retour de la saison des navigations
(688). De plus l'intérêt majeur de ces fresques paraît bien
être - outre l'éclairage qu'elles portent sur la très particulière
histoire de Théra - la possibilité de rapprochements, cette fois
incontestables et très étroits, qu'elles permettent avec la
civilisation mycénienne et, plus précisément, avec celle de
Mycènes même : éléments décoratifs retrouvés presque
identiques dans des tombes de Mycènes et de Prosymna (près
d'Argos !), frappantes analogies iconographiques... (689).
On l'aura deviné, il pourrait être tentant de retrouver à
Théra, le jalon d'une "migration vers la Libye d'un mythe des
Hespéndes qui serait ainsi attesté dès le quinzième siècle" (690) !
tentant sans doute, mais bien peu raisonnable. L'interprétation
libyenne, si "elle ne peut être tout à fait exclue" (691), n'est pas
suffisamment fondée d'une part ; d'autre part les liens ainsi
attestés avec la région de Mycènes et d'Argos ne seraient
véritablement probants que si, dès cette haute époque, le mythe
des Hespéndes était en rapport avec Héraclès, ce qui, on le sait
bien, n'est pas le cas. Quant aux reconstitutions aussi précises
qu'aventureuses de Sandro Stucchi elles sont plus douteuses
encore et nous ne pouvons y voir la moindre preuve d'une
antériorité de la localisation libyenne : localisation "coloniale"
sans aucun doute -et en ce sens François Chamoux avait
raison -, localisation secondaire, semblable, à cet effet, à la
tentative corinthienne pour situer en Epire les prairies de Géryon,
elle date - et sa précision relative, elle-même en fait foi - du
moment où déjà Héraclès était mis en rapport avec le mythe, où
553

déjà il était devenu l'archégète des colons grecs.


Les Hespérides, filles de Nuit, sont à chercher ailleurs,
dans l'une de ces eschatiai où finit le monde connu des hommes,
l'une de ces terres "au delà desquelles sont les ténèbres" (692),
comme le dit Pindare de Gadès, l'un de ces pays, dont "nul
saurait trouver la voie merveilleuse" comme il le répète, mais à
propos, cette fois-ci, du pays des Hyperboréens (693).
Et là est bien le problème : Apollodore le sait, pour qui les
Hespérides vivent chez Atlas, dans le pays des Hyperboréens, et
non, comme le disent certains, en Libye (694), et si le voyage
d'Héraclès est si difficile à suivre dans la Bibliothèque, c'est
peut-être parce que son auteur - à moins qu'il ne s'agisse de son
inspirateur direct : Phérécyde - a tenté de concilier les itinéraires
de versions différentes. Pour aller chez les Hyperboréens
Héraclès, en effet, se dirige vers le Nord (le combat contre
Cycnos se déroule près de la rivière Echédoros en Macédoine), il
traverse ensuite l'Ulyrie et interroge les Nymphes de l'Eridan, qui
lui indiquent la demeure de Nérée, le Vieillard des Mers.
Renseigné sur le lieu où il pourra trouver les pommes d'or, il
prend alors le chemin de la Libye mais en sens inverse
(Libye / Egypte / Arabie). Enfin, après avoir à nouveau
emprunté la coupe du Soleil pour passer la "mer extérieure"
(695), il traverse le Caucase (où il délivre Prométhée). C'est alors
une autre localisation des Hyperboréens qu'il retrouve, si l'on
s'en tient au texte d' Apollodore, la localisation historique : celle
qui identifie Hyperboréens et Scythes.
Itinéraire libyen ? itinéraires hyperboréens (au pluriel) ? Ce
texte d'Apollodore ne se comprend guère, en définitive, qu'en
référence avec celui de Phérécyde (696) ; aussi prendrons-nous
le risque de nous répéter en refaisant, avec le logographe athénien
du Vème siècle, le voyage d'Héraclès : celui-ci apprend donc des
Nymphes (filles de Zeus et de Thémis) (697) qui habitent une
grotte près de l'Eridan, où il peut trouver Nérée. Le Vieillard des
mers lui enseigne le chemin de Tartessos et - ce qui paraît plus
satisfaisant pour notre sens de la géographie - c'est de là qu'il
gagne la Libye (où il tue Antée), puis l'Egypte (où il tue Busiris)
et l'Arabie (où il tue Emathion) (698). Il remonte alors le Nil, et
s'enfonce dans les profondeurs de l'Afrique (qu'il nettoie de ses
fauves !). Et c'est depuis ce lointain Sud qu'il regagne l'Océan et
s'embarque sur la coupe du Soleil... Il vogue jusqu'au Caucase,
554

où Prométhée lui indique qu'il doit rejoindre Atlas, dans le Nord


lointain (un Nord alors situé par rapport au Caucase, c'est-à-dire
assez nettement au Nord Est).
M.L. West décompose cet itinéraire dans lequel il voit "a
preposterous concaténation ofevents " (699). Il serait le résultat
d'une compilation de Phérécyde lui-même : à l'origine un voyage
vers l'Ouest (Tartessos) qui apparaît comme le terme d'un chemin
sur lequel Héraclès a été guidé par Nérée, puis un voyage vers le
Sud, qui permet les aventures africaines et mène Héraclès vers les
mers extérieures (700) ; enfin un voyage vers le Nord, qui place
le Caucase et Prométhée sur le chemin d'une contrée où règne
Atlas.
Or, Panyasis a pu connaître (et pour M.L. West, inventer)
cette situation méridionale. D'une part, il mentionne le meurtre de
Busiris, (701), d'autre part, il semble avoir fait vivre, dans les
régions inconnues du Sud, les nymphes Hespérides : Aviénus,
en effet se réfère à Panyasis pour situer le jardin aux pommes
dfor :
... "Qua cédant medii longe sécréta diei
Hesperidum venisse locos adque aurea mala,
fragment d'interprétation fort difficile en vérité et dans lequel
W.I. Matthews voit, au contraire, la preuve d'une localisation
hyperboréenne ! (702).
C'est Phérécyde qui aurait intégré l'épisode de la délivrance de
Prométhée dans ce contexte, et déplacé ainsi vers le Nord (ou
plus exactement le Nord-Est) le Jardin des Hespérides.
L'argumentation me paraît d'autant plus éclairante (703)
qu'elle rend compte de l'itinéraire, à première vue tout à fait
incohérent, d'Apollodore, qu'elle évite, de surcroît, de faire appel
(comme s'y était cru obligé F. Jacoby dans son commentaire)
(704) à une interpolation postérieure à Phérécyde pour expliquer
ce nouveau passage d'Héraclès dans la coupe du Soleil ; qu'elle
correspond, enfin, et explique ce qui peut paraître comme une
volonté systématique de la part du logographe athénien de
promener le héros tout autour du monde, avant qu'il n'atteigne les
pommes d'or (705).
Dans cette quête, en effet, Héraclès par deux fois semble
arrivé au terme de son voyage : à Tartessos, aux confins
occidentaux (et là semble bien avoir été sa destination
première), puis dans les terres extrêmes de l'Afrique (II se
555

Fig. 43 : Héraclès et Atlas au Jardin des Hespérides

Lécythe à figures noires provenant d'Erétrie


(Athènes, Musée National, 1 132)
D'apiès E. SELLERS, Three attic lekythoi from Eretria,
///5, ΧΙΠ 1892-1893, pi. m
cf. F. BROMMER,Hespéridentno4,
556

pourrait bien - c'est du moins l'hypothèse que nous


proposons - qu'avant Panyasis, ce soit l'expérience coloniale
des Grecs de Cyrénaïque qui ait, là encore, enrichi le mythe et
suggéré le détour par le Sud. Mais, dans la volonté d'intégrer
encore à la geste d'Héraclès la délivrance de Prométhée (706) et la
croyance plusieurs fois affirmée des séjours qu'il fît chez les
Hyperboréens (707), nous reconnaîtrons volontiers, en revanche,
l'intervention du logographe athénien.
Peut-être aussi pouvons-nous trouver, entre cette première
localisation occidentale et la version hyperboréenne (et surtout
nordique) de Phérécyde, le point commun, le fil directeur qui
nous guidera, comme il semble avoir guidé le mythographe : la
présence d'Atlas dans ces parages où s'élève la voix claire des
Hespérides. Connexion étroite assurée dès la Théogonie (708) ;
connexion, non plus seulement géographique, mais efficace,
dans l'imagerie, où très tôt (ce qui bien sûr est relatif, l'exploit
lui-même n'étant pas documenté avant le Vlème siècle) Atlas
apparaît comme actant dans l'épisode de la quête des pommes
d'or. Nous avons évoqué, déjà, le coffre de Cypsélos qui le
représentait (709), nous nous attarderons sur l'image que donne
du drame un lécythe attique à figures noires sur fond blanc du
Vème siècle, provenant d'Erétrie (710).
A gauche, Héraclès, vêtu de la peau du lion (à la queue
plaisamment relevée et passée dans la ceinture), est courbé sous le
poids du ciel (figuré comme un bandeau sur lequel sont
représentées la lune et les étoiles) ; la massue, l'arc et le carquois
sont posés (ou suspendus ?) au centre de la représentation et, à
droite, Atlas avance à grandes enjambées vers Héraclès, corps
athlétique qui contraste avec "la touchante faiblesse" du héros
(711), longue barbe et longs cheveux... Dans chacune de ses
deux mains tendues : deux pommes qu'il offre avec une évidente
bonne volonté (fig. 43). C'est la même bonne volonté que nous
retrouvons sur la métope du temple de Zeus à Olympie (dont les
sculptures furent terminées peu avant le milieu du Vème siècle),
même si Héraclès, grâce à l'aide d'Athéna, apparaît moins écrasé
par le poids des Cieux ! Dans l'une et l'autre de ces
représentations, la version de Phérécyde, prêtant à Atlas
l'intention de se décharger de son fardeau aux dépens d'Héraclès,
ne paraît pas connue (à moins qu'elle ne soit pas suivie) (712).
557

II semble, en tout état de cause, que l'intervention d'Atlas


donnant les pommes à Héraclès (de bonne grâce ou non) soit
ainsi familière aux peintres du Vème siècle et déjà très largement
répandue, comme le prouvent deux miroirs étrusques du British
Muséum et du Vatican : sur ce dernier, contemporain de la
métope d'Olympie, ne figure pas le nom étrusque d'Héraclès,
Herclé, mais bien plutôt Calanice , dérivé du grec Callinice qui
apparaît comme épithète d'Héraclès dans un chant d'Archiloque
(713).
infatigables"
Or, Atlas
(714)
soutient
"aux "le
limites
vastemêmes
ciel dedusamonde,
tête et en
de face
ses bras
des
Hespérides au chant sonore" (715). Hésiode le disait et son
interpolateur le répète, de façon beaucoup plus insistante, et plus
précise encore, et, encore une fois, il n'y a aucune raison de se
priver de son témoignage : là, où "sont côte à côte, les sources,
les extrémités, de tout, de la terre noire et du Tartare brumeux, de
la mer inféconde et du ciel étoile. Là, où "se dresse l'effrayante
demeure de l'infernale Nuit, qu'enveloppent de sombres nuées".
Là, où Nuit et Lumière du jour se rencontrent et se saluent en
franchissant le vaste seuil d'airain. Là, où "ont leur séjour les
enfants de la Nuit obscure, Sommeil et Trépas". Là, où "s'élève
en face de l'arrivant la demeure sonore du dieu des Enfers, le
puissant Hadès et de Perséphone la Redoutable" (716). Là, "le
fils de Japet, debout, soutient le vaste ciel de sa tête et de ses bras
infatigables, sans faiblir" (717).
C'est bien en Occident, aux portes de la Nuit, qu'Hésiode,
et qu'après lui encore, on situait Atlas, aux extrémités de tout : de
la Terre et du Tartare, de la mer ipontos ) et du Ciel ; et c'est
encore dans ces régions occidentales que nos plus anciennes
sources situent aussi les Hyperboréens, ceux du Catalogue des
Femmes (718) et, beaucoup plus tard encore, à l'époque
hellénistique, ceux d'Hécatée d'Abdère qui, si l'on en croit
Diodore, (719) habitaient au delà de la Celtique, ceux
d'Apollonios de Rhodes encore qui situe l'île de l'ambre près du
rivage adriatique, là où aboutit l'Eridan (720). Enfin, pour
retrouver Héraclès, lorsque Pindare nous rapporte la poursuite de
la biche, c'est au pays des Hyperboréens que l'atteint le héros,
non loin de llsonzo (721), et l'animal aux cornes d'or avait été
consacré à Artémis Orthosia, par Taygète, fille d'Atlas, le roi du
pays des Hespérides (722).
558

Fig. 44 : Héraclès et les Hespérides

Amphore à col attique à figures noires (520-510)


Boulogne, Musée des Beaux Arts et d'Archéologie, 421
F. BROMMER, cf. Vasenlisten, 111,71(2);
D'après E. GERHARD, Auserlesene griechische Vasenbilder, pl.99.
559

Qu'une certaine confusion ait pu exister entre le pays des


Hespérides et celui des Hyperboréens, une amphore attique à
figures noires le prouve, qui, à la fin du Vlème siècle, représente
le héros au jardin des Hespérides (fig. 44). Devant l'arbre aux
fruits d'or, on s'étonne de voir la biche (ou le cerf), que désigne
l'une des Hespérides pendant que l'autre, de la main, montre les
rameaux chargés de pommes (723).
Notion fluctuante et incertaine, qui d'une frange océanique
(incluant les Celtes) reculera progressivement vers l'Est. Si pour
Poseidonios les Alpes confinent encore aux régions habitées par
les Hyperboréens
d'Apollon" au delà(724),
de l'Elbe
Strabon
(725),
repoussera
Pomponius
les "Serviteurs
Mêla les
reléguera au Nord de la Caspienne (726) et Ptolémée au nord de
la mer d'Azov (727). Le récit que fait Phérécyde de la quête des
pommes d'or, tendrait à prouver qu'au Vème siècle, déjà, ce
mouvement est largement amorcé (728), entraînant avec lui le
réajustement des errances d'Héraclès, errances occidentales au
premier chef, à tel point qu'il est impossible de savoir si
Prométhée dans la tragédie d'Eschyle indique la route à suivre
pour atteindre les prairies brumeuses de Géryon ou si c'est du
chemin des Hespérides qu'il s'agit, et, lorsqu'Hygin prétend que
les Ligyens ont été rencontrés par Héraclès sur le trajet de retour
et qu'ils ont essayé de dérober le bétail de Géryon... c'est
probablement une invention, car chez Strabon, qui a noté
l'ensemble du passage d'Eschyle, comme le fait remarquer M.L.
West, il n'est pas question de troupeaux (729).
En fait, ce qui, probablement, confère à la quête des
pommes d'or cette complexité et cet aspect flottant c'est que, dans
la légende d'Héraclès, elle est venue se greffer sur un exploit
préexistant : la lutte pour les boeufs roux de Géryon. Nous
avons déjà donné à cela plusieurs raisons, la localisation
occidentale des Hespérides fut sans doute décisive, elle explique
qu'à partir du premier voyage, le voyage vers l'île occidentale du
monstre triple, se soit créée - sans jamais tout à fait réussir à s'en
affranchir - une deuxième odyssée qui, elle aussi, devait donner
matière à enrichir le destin étonnant du héros.

Avec les Hespérides, en fait, nous retrouvons cette vision


cosmogonique du monde que le monstre triple nous avait fait
560

pressentir... une vision qu'Euripide - qui, malgré ses


déclarations d'athéisme nous enseigne de la manière la plus sûre
ce que fut la religion, ce que fut la pensée grecque - exprime, me
semble-t-il, avec beaucoup de bonheur. Dans son Héraclès, le
choeur célèbre - parmi les autres exploits du héros - le meurtre
du serpent, "au jardin où chantent les vierges Hespérides" (730),
et tout aussitôt, il évoque Héraclès, descendant dans "les
profondeurs salées pour assurer aux rames des Mortels une mer
paisible", (731), puis, dissociant l'épisode d'Atlas de celui des
pommes d'or, il montre Héraclès soutenant "les palais étoiles des
dieux", (732)... passage qui s'éclaire, me semble-t-il, de la très
belle évocation du choeur d'Hippolyte :
"Que je parvienne aux bords où poussent les pommes des
Hespérides chanteuses, là où le roi de la sombre mer cesse
d'assigner une route aux marins et fixe le terme auguste du
ciel que soutient Atlas ! Des sources d'ambroisie
s'épanchent devant la chambre nuptiale de Zeus, aux lieux
où, dispensatrice de vie, une terre merveilleuse nourrit la
félicité des dieux " (733).

Qui, mieux qu'Euripide, pourrait conclure, dire ce jardin


où finit le domaine des hommes, où commence l'insaisissable ;
chanter ces lieux où, aux inaccessibles profondeurs marines,
répond la voûte étoilée des cieux, rappeler, enfin, qu'en cet
endroit, pour toujours fécondé par l'hiérogamie de Zeus et
d'Héra - coule l'ambroisie, dispensatrice de vie... Qui, mieux
qu'Euripide, pourrait lire dans le jardin des Hespérides la réplique
souriante de l'île brumeuse de Géryon ?
561

III. "PRAIRIES ET JARDINS DE L'AU-DELA" (734)

Ainsi les prétendues topographies que s'efforcent de


préciser les mythographes de l'âge de raison sont largement
imaginaires, Euripide nous le confirme.
Pays situés aux extrémités du monde, Ε s châtiai, comme
nie brumeuse de Géryon ou le jardin des Hespérides, mais aussi
comme les Des des Bienheureux ou comme le paradis solaire des
Ethiopiens, pays dont l'essence même est d'être inaccessibles, ils
sont bien à la fois "pays des dieux, pays des morts, pays des
fruits merveilleux... pays de l'âge d'or" (734 bis), en un mot,
pays d'un autre monde. La géographie de l'au-delà se fait
eschatologie et métaphysique.

3-1 Ainsi en est-il du λειμών d'Erythie. Sa description


justifie remarquablement la définition d'une réalité géographique:
large étendue de terre humide, pourvue d'une végétation aussi
spontanée que luxuriante, très généralement liée, dans l'esprit des
Grecs, aux troupeaux de bovidés (parfois même à l'élevage des
chevaux).
"fleuri" et ces
Maisfleurs
il y rappellent
coule un fleuve
celles du
Anthemôus,
leimon de un
Piérie,
fleuve

Hermès vint voler les vaches d'Apollon... Ces prairies
d'asphodèles (735), proches de celles vers lesquelles ce même
Hermès conduit les âmes des morts chez Homère... prairies très
longtemps mythiques, en conséquence.
Le κήπος- des Hespérides est pareillement pourvu d'une
végétation abondante, pareillement baigné d'une atmosphère de
fécondité merveilleuse, donc surnaturelle ; il évoque de fort près,
pour ne donner qu'un exemple, ce jardin dont les dieux firent
présent à Alkinoos : "verger dont les hautes ramures, poiriers et
grenadiers, et pommiers aux fruits d'or, et puissants oliviers et
figuiers domestiques portent leurs fruits sans se lasser, ni
s'arrêter (736)...".
Prairies et jardins, "images privilégiées de la nature en ce
qu'elle représente de plus universel pour un Grec : sa capacité
toute divine d'engendrer, de nourrir la vie et de la reprendre",
lieux ressentis "comme les foyers d'une vie divine qui déborde
562

sans cesse sur les êtres et sur les choses"... lieux où se manifeste,
de façon privilégiée "l'ambivalence fondamentale qui traverse la
nature"... lieux où, mieux qu'ailleurs, se perçoit le mystère de la
vie et de la mort... comment, mieux qu'Alain Motte dans le très
beau livre qu'il leur a consacré (737) dire à quel point ils furent,
pour les Grecs, "des images exemplaires de la vie", de la terre,
qui - et, cette fois, c'est Eschyle qui le dit - "engendre tous les
êtres, les nourrit, et en reprend à nouveau le germe fécond"
(738).
Tels sont bien les lieux où s'achève la quête d'Héraclès
- et peut-être faut-il regretter qu'Alain Motte l'ait "oublié",
lorsqu'il étudie les dieux qui s'y plaisent ou qui, à l'occasion s'y
donnent rendez-vous ? - (739). On ne s'étonnera pas que leur
nature même ajoute au sens des exploits qu'y accomplit le héros.

3-2 Peut-être convient-il de s'affranchir d'un doute : pour


J.H. Croon, on s'en souvient, c'est Géryon qui attire Héraclès
dans les prairies
tellement" lui-même
brumeuses
un démond'Erythie,
chthonien,lemais
héros
bien
n'est
plutôt
"pas
le
conquérant, le triomphateur de ces ces forces de la fertilité :
"it was the very nature of Héraclès to do so. For by nature
he was not so much a chthonic or fertility - daemon as
rather a conqueror ofthe chthonic powers thaï were once
worshipped with awe andfear near thèse places" (740).
En fait, que le thème "infernal" ne soit pas seulement
entraîné par la collusion avec Géryon, mais existe
indépendamment dans la légende d'Héraclès ne peut guère être
nié. H y a, nous l'avons vu, d'indéniables similitudes entre la
quête d'Héraclès pour les troupeaux de Géryon et l'expédition
chez Hadès et de multiples traditions mettent, en Grèce même, le
fils d'Alcmène en rapport avec les entrées des Enfers : à Pylos,
en Elide, où - première version peut-être de cet affrontement
avec les forces de la mort - il blesse Hadès et lui fait souffrir de
grandes douleurs (741) ; au Cap Ténare, où dans un temple en
forme de grotte dédié au dieu marin Poséidon (version qui laisse à
penser que l'autre monde peut-être aussi un au-delà des mers !)
quelques poètes ont imaginé qu'Héraclès avait fait passer Cerbère
le chien des Enfers, fantaisie que critique fort Pausanias : "II n'y
a là aucun souterrain et il n'est vraisemblable ni qu'un dieu tienne
563

son empire
mort" (742).sous
Dans
terre,
la région
ni que de
nosCoronée
âmes s'attroupent
encore (sur
là la
après
rivenotre
Sud
du lac Copaïs), existe un temple à Héraclès surnommé Charops,
par lequel - disent les Béotiens - Héraclès avait ramené le chien
du dieu des Enfers (743).
Mêmes traditions, enfin, à Trézène et Hermione, plus
proches d'Argos : A Trézène, c'est dans le temple d'Artémis que
des autels aux dieux infernaux cachent deux ouvertures, l'une
par laquelle Dionysos retira Séléné des enfers, l'autre par laquelle
Héraclès emmena Cerbère (744). A Hermione, c'est derrière le
temple de Déméter Chthonia - dont les portes se referment sur
des vaches conduites à un bien curieux sacrifice (745) - que trois
grandes places fermées par des balustrades de pierre évoquaient
de façon fort précise les Enfers : l'une était appelée marais de
l'Achéron, l'autre vouée à Hadès, l'autre à Clyménos à qui les
habitants sacrifiaient également dans un temple face à celui de
Déméter Chthonia. Pausanias, qui paraît avoir entendu dire que ce
Clyménos était (comme Héraclès !) un Argien, pense que ce
pourrait être plutôt "quelque surnom du dieu des Enfers..." La
place qui portait son nom, en tout cas, ouvrait sur les Enfers et
par là, pensait-on, Héraclès avait ramené sur terre le chien de
l'Hadès (746).
Ainsi l'aspect infernal d'Héraclès existe indépendamment
de Géryon, comme existe aussi, indépendamment du monstre
triple, son rapport aux sources (747), comme existent enfin,
indépendamment d'Erythie et du pays des Hespérides, les
rapports du héros avec les jardins, avec les prairies humides et
fécondantes, certes, mais inquiétantes et parfois maléfiques.
Telles sont, en effet, les prairies marécageuses d'Argolide
décrites par Strabon et, en particulier, le marais de Lerne situé
sur le territoire d'Argos et de Mycènes (748), tels sont les vallons
ombreux de Némée (749), telle est encore la région du lac
Stymphale où Héraclès est présent dès ses premiers travaux et où
son combat contre les oiseaux "quel que soit le sens mythique
qu'on lui donne, perpétue le souvenir d'un temps où la région,
envahie par le marécage, se peuplait d'oiseaux aquatiques" (750).
Il est vrai que de tels exemples pourraient, à la limite,
conforter la thèse de J.H. Croon (ces leimones sont tous, après
tout, le lieu des combats mythiques du héros !). Il en est
d'autres, toutefois, qui échappent à cette logique : c'est, par
564

exemple, le λειμών ατομος de Zeus, où, sur le mont Oeta,


Sophocle place la mort et l'apothéose d'Héraclès (751) ; c'est
aussi le χαπο? d'Olympie, formé des mêmes essences que celui
des Hyperboréens, puisque c'est chez les fidèles d'Apollon
qu'Héraclès était allé les chercher (752) ; ce sont peut-être encore
les prairies et jardins merveilleux d'Italie, où, près de Crotone,
Héraclès partage avec Héra le pouvoir de faire croître une faune
non moins étonnante (753), le verger d'Héraclès à Thasos où les
arbres à installer dénotent les préférences du héros (754), ou
encore le xânoç d'Héraclès Diomédonteios à Cos (755) ; telle est
peut-être même la "creuse" Argos des origines (756), creuse
comme l'était aussi, pour le Pseudo-Scylax, le jardin des
Hespérides (757).

3-3 Lieux où "se boucle le cycle de la Génésis et de la


phtkora " (758), lieux "marqués d'un sceau funèbre" (759) l'île
rouge de Géryon, île du Soleil Couchant, et le pays des
Hespérides, ces Nymphes du Soir sont de surcroît, aux rives
océanes, aux frontières de Nuit, la divine (αμβροσία), de Nuit"
dompteuse des dieux et des hommes", de Nuit qui ajoute, comme
le dit Clémence Ramnoux, une troisième dimension au chthonien
(Eschyle ne distingue-t-il pas un Hermès Chthonios et un Hermès
Nychios ?) (760) ... Règne fait de brouillards et de ténèbres,
frontières où les directions se confondent, marges où se
rejoignent les "trois premières grandes peurs de l'homme" (761),
le vide, le noir, la mort.
Là, dit Hésiode - ou son interpolateur ! - Nuit et Lumière
du jour se rencontrent en franchissant le vaste seuil d'airain, là
"Sommeil et Trépas peuvent surprendre", là réside une déesse
odieuse aux Immortels, la terrible Styx, fille aînée d'Océan, là
"s'élève la demeure sonore du dieu des Enfers, le puissant Hadès
et de Perséphone la Redoutable" (762).
La "demeure sonore d'Hadès"! Elles participent bien des
Enfers, ces créatures de Nuit et de Flot, qu'en ces lieux,
rencontrera Héraclès : Géryon "celui qui fait résonner sa voix",
comme Cerbère, le chien d'Hadès "à la voix de bronze", comme
"ces maîtres des animaux" que, dès le Paléolithique, on
rencontre, en compagnie des rhombos, et que les anthropologues
retrouvent dans les sociétés traditionnelles, en relation avec les
565

initiations des jeunes gens (763)... Les Hespérides "chanteuses"


(liguphonoi ) dont la voix, pour être plus harmonieuse, n'en est
pas moins éclatante... Le serpent, ou dragon, enfin, "aux sons
multiples et bigarrés"... Tous méritent, en effet de peupler "la
demeure sonore d'Hadès"! Mais si l'exploit contre Géryon insiste
sur l'aspect infernal (on oubliera vite les boeufs merveilleux,
symboles de la nature généreuse de ces prairies chthoniennes), la
quête des Hespérides, tout en participant du même monde infernal
(le serpent est là pour le rappeler, et, nous l'avons vu, déjà, la
généalogie des nymphes du soir), insiste, quant à elle, sur
l'aspect souriant d'une nature surtout appréhendée comme source
de vie au sens le plus immédiat du terme (fertilité/fécondité), mais
encore au sens de vie éternelle (le symbole des pommes d'or est
là pour le prouver).
Jardin des dieux où eut lieu l'hiérogamie (une des
hiérogamies!) de Zeus et dTiéra (764), mariage divin qui exalte la
fécondité de la nature, mais qui - point n'est besoin
d'insister - reduplique l'union primordiale à la fois origine du
monde et promesse de renouvellement, donc de durée éternelle.
Cette croyance semble commune aux représentations
cosmogoniques de nombreux peuples méditerranéens (nous
avons pu voir, ainsi, l'Héraclès des Grecs se confondre avec le
Melqart phénicien, lui-même engagé aux côtés d'Artémis dans
une de ces unions sacrées) parèdre de l'une de ces potni ai,
primitives, hypostases de la nature entière... parèdre, c'est-à-dire
fils mortel et amant de la "maîtresse" (comme l'était Adonis pour
Aphrodite, comme l'était probablement aussi le dactyle Iasion
pour Déméter). La mort annuelle et la renaissance de tels dieux
(qu'on se souvienne du réveil de Melqart/Héraclès) s'insèrent
dans un cycle vital dont le temps fort semble d'abord avoir été
celui de l'hiérogamie, à l'âge où la prééminence de la déesse
l'emportait largement sur l'importance du parèdre.
Que ce jardin des dieux, que ces pommes d'or, fruits de
l'hiérogamie aient été mis en rapport avec Héraclès n'étonne pas.
Ne venait-il pas d'un pays lui-même propice à l'hiérogamie ? Le
marais de Lerne n'était-il pas la couche nuptiale de Zeus et de Io
(765), de Poséidon et d'Amymoné, (766) d'Hadès et de Coré ?
(767). Héra elle-même n'était-elle pas une de ces grandes déesses
primitives ? et, si l'on en doutait, la couche de la déesse,
conservée en son temple d'Argos, prouve que le souvenir n'en
566

était pas oublié, alors que, sur la statue d'or et d'ivoire conçue par
Polyclète, Zeus est représenté sous la forme d'un minuscule
coucou perché sur son sceptre (768).
Quant à Héraclès, n'était-il pas le serviteur désigné de la
déesse, à une époque que nous imaginons volontiers très
reculée... une époque que pourrait évoquer, sans doute,
l'Héraclès dactyle dont le souvenir, grâce à Pausanias, est
parvenu jusqu'à nous... une époque que les premiers travaux et
l'espace qui les détermine nous aident à concevoir... une époque
que, peut-être, permet encore de retrouver un attribut commun :
le lion. Lié à Héraclès, dès les débuts de sa légende, le lion l'est
également à la déesse, si l'on en juge par la statuette archaïque
retrouvée à Délos et décrite par Pierre Lévêque comme la
représentation indubitable d'une maîtresse des fauves (769) et si
l'on en croît Callimaque pour qui la statue d'Héra à Samos et à
Argos reposait sur une peau de lion (770). De cette πότνια θηρών
la Grèce ne se souviendra guère, l'Italie beaucoup mieux, nous
l'avons vu (771) ; elle revivra au temps de Lucien dans la grande
déesse syrienne qui, associée elle aussi à des lions, perpétue le
nom d'Héra (772).

Héritage, encore, et qui permet de mieux comprendre le rôle


d'Héraclès dans ces prairies et jardins du lointain couchant... Il
n'en est certes pas le maître, comme Géryon est maître des
prairies et des troupeaux d'Erythie, il ne s'en approprie pas les
fruits : les troupeaux seront sacrifiés à Héra, les pommes d'or
replacées dans le jardin des dieux ; mais, s'il les parcourt, c'est
en serviteur de la grande déesse d* Argos, et c'est grâce à elle
encore qu'il conquerra l'immortalité bienheureuse : le mariage
avec Hébé, l'apothéose, sont en effet directement liés à ces
derniers exploits terrestres d'Héraclès... mais ce n'est plus notre
propos (773). Cette apothéose nous choisirons seulement de
l'évoquer, en prolongeant, une dernière fois, l'héritage jusqu'à
nous - ou presque - dans Le triomphe d'Héraclès , projet de
David laissé sans lendemain et qui, sur le rideau de scène de
l'Opéra, devait figurer le triomphe du peuple français sur la
monarchie.
567

Fig. 45 :"David : "Triomphe du peuple sur la monarchie"

Projet pour le rideau de scène de l'Opéra (printemps 1794)


D'après : M. VOVELLE, La Révolution française,
Images et récits, Paris, 1986, III, p. 227 (détail)
569

NOTES DE LA QUATRIEME PARTIE

1- G. BATAILLE, Théorie de la religion, Paris, 1973, pp. 69-70, de


l'éd TEL de Gallimard.
2- J. DOURNES, dans Le Conte, Pourquoi, Comment, op. cit., p. 580
cf. supra notre deuxième partie, p. 319 et notes 498 et 500.

NOTES DU PREMIER CHAPITRE

3- SOPHOCLE, Trachiniennes, 35.


4- A VI ANUS, fable ΧΧΧΠ. La traduction est celle de P. Constant,
éditions Garnier. Paris, 1937.
5- C'est ce que fait F.M. SCHTAJERMAN, Die Krise der
Sklavenhalterordnung, Berlin 1964 qui met en relation la fable ΧΧΧΠ
d'Avianus avec la pensée des Cyniques (p. 1 17). Peut-être faudrait-il
d'ailleurs nuancer le rapport, par trop exclusif, établi entre la popularité
du héros parmi les petites gens et la philosophie des Cyniques qui
firent de lui "l'idéal du combattant infatigable contre les tyrans et les
riches" (p. 129) et le modèle du bonheur, mérité par une voie droite et
un labeur acharné.
6- ÉSOPE, Fables, 72, Le bouvier et Héraclès (Les Belles Lettres, 1960
p. 34). La morale est déjà celle qu'AVIANUS donnera : "mets la main
aux roues, aiguillonne tes boeufs et n'invoque les dieux qu'en faisant
toi-même un effort ; autrement tu les invoqueras en vain". Esope,
faut-il le rappeler, vivait au Vlème siècle. (Hérodote en fait le
compagnon de la célèbre courtisane Rhodopis, elle-même
contemporaine du souverain égyptien Amasis).
7- K. MARX, Introduction, (dite "de 1857"), Manuscrits de 1857-1858.
"Grundrisse", L I, Editions sociales, Paris 1980, pp. 38 et 39.
8- J.-P. VERNANT, Le travail et la pensée technique, dans Mythe et
pensée chez les Grecs, Paris, 1965, pp. 185-247, singulièrement, p.
219.
9- En hommage à Lucien FEBVRE, Travail : évolution d'un mot et
d'une idée, dans Journal de Psychologie, 41, 1948 (1), pp. 19-28.
10- J.-P. VERNANT, loc. cit., p. 197.
570

11- Cf. J.-P. VERNANT, loc. cit., p. 198 et N. LORAUX, n Ponos", sur
quelques difficultés de la peine comme nom du travail, dans
Archeologia e storia antica, IV, Naples, 1982, pp. 171-192.
12- Je renvoie, sur ce point, au prologue de cet ouvrage : Le mythe/mode
d'emploi.
13- L'expression est empruntée à L. GERNET.
14- J.-P. VERNANT, loc. cit., pp. 198-199.
15- A. AYMARD, Hiérarchie du travail et autarcie individuelle dans la
Grèce archaïque, Revue d'histoire de la philosophie et d'histoire
générale de la civilisation, 1943, pp. 124-146, repris (et condensé)
dans Journal de Psychologie, 41, 1948, 1, pp. 29-45 ; J.-P.
VERNANT, voir note 8 supra.
16- N. LORAUX, loc. cit., (Ponos ), Cf. note 1 1.
17- J.-P. VERNANT, Prométhée et la fonction technique, op. cit., pp.
185-195, particulièrement p. 194.
18- J.-P. VERNANT, Le travail et la pensée technique, op. cit., p. 220.
19- Voir note 11.
20- N. LORAUX, loc. cit., p. 184 et note 72 (Philoctète, 1419, 1420,
Trachiniennes, 21, 170, 825 (où Ponos dit l'exploit), 70, 356 (où il
dit la servitude), 680, 985 (où il sert à désigner la souffrance
physique).
21- C'est vrai de SOPHOCLE (cf. note précédente) et dTEURIPIDE (pour
Alceste 481, 1149-1150 ; pour Héraclès ; 22, 357, 388, 427, 1275,
1353, 1410). Cf. N. LORAUX, loc. cit., p. 185 sq..
22- P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la langue grecque,
Π, 881, 5.v. πένομαι.
23- Mochthos "peine, effort, difficulté" d'après P. CHANTRAINE, op.
cit., Π, 716. EURIPIDE, Héraclès : 698, 830, 1270 (mais pas 281 où
mochthos ne s'applique pas aux travaux d'Héraclès) et chez
SOPHOCLE, Trachiniennes, 1046-1047 (verbe μοχθέω) - voir
encore N. LORAUX, loc. cit., p. 185 et noie 70.
24- P. CHANTRAINE, op. cit., p. 881. Il est vrai que les occurrences
connues, chez Homère par exemple, concernent souvent les travaux
ménagers. Il se pourrait d'ailleurs que πένομαι ait originellement
désigné une sorte particulière de travail ménager (FRISK, s.v.,
πένομαι).
25- F. MAWET, Le vocabulaire homérique de la douleur, Mémoires de la
classe de Lettres, LXIII, 4, Bruxelles, 1979 ; en particulier pp.
376-381, pour l'étude des mots de la famille de ponos.
26- F. MAWET, op. cit., pp. 379-380.
571

27- F. MAWET, op. cit., p. 377.


28- F. MAWET, op. cit., p. 378.
29- Les Travaux et les Jours, 432. Pour ce qui est de ponos, R. DESCAT,
L'acte et l'effort, une idéologie du travail en Grèce ancienne
(8ème-5ème siècle av. J.-C), Paris, 1986, a relevé 5 occurrences dans
Les Travaux et les Jours, deux dans la Théogonie. Le terme est donc
très rare dans la vocabulaire hésiodique, alors qu'on s'attendrait à ce que
le monde difficile des Travaux soit un monde du ponos . Peut-être,
c'est du moins l'hypothèse de l'auteur, parce que "le ponos est imposé
implicitement à la condition humaine dont il nous fait la description"
(p. 64). La différence avec les emplois homériques est particulièrement
frappante, lorsque le terme est utilisé pour dire la "peine" que donne
aux oiseaux le petit esclave qui, suivant le semeur, cache à mesure
les grains qui viennent d'être lancés (Les Travaux et les Jours, 470).
30- F. MAWET, op. cit., p. 379.
31- F. MAWET, op. cit., p. 379. On pourrait - mais là n'est pas notre
propos - en tirer sans doute une indication pleine d'intérêt sur la place
respective de l'homme et de la femme dans ce domaine du travail, une
place "pensée", semble-t-il, de façon moins radicalement différente
qu'elle ne le sera plus tard.
32- De rares exceptions toutefois : chez HÉSIODE (frgs. 248 et 249,
MERKELBACH-WEST) Héraclès est ponerotatos kai aristos.
Poneros, l'un de ces dérivés au vocalisme e (comme penia et pênes )
ne signifie peut-être que malheureux, "accablé de maux"
(CHANTRAINE, 881) ; il finira, avec Aristophane par désigner le
gueux (Cavaliers, 181-186) - A l'époque hellénistique, Théocrite
retrouvera les douze mochthoi d'Héraclès (XXIV, 82-83).
33- Chez Hérodote ergon est employé 143 fois, ponos 23 fois seulement
(+ 2 fois ponéo ) ; chez Thucydide ergon l'est 153 fois, ponos 20
fois, alors que chez les Tragiques la proportion s'inverse (Eschyle : 72
occurrences pour 103 pour ergon . Seul Sophocle utilise plus souvent
ergon (104) que /hwkw (50). Cf. R. DESCAT, op. cit., pp. 87-89 et
82).
34- PINDARE, Néméennes, I, 49-52.
35- Pour les emplois les plus archaïques d'athlos voir infra pp. 432 sq.
et notes correspondantes. Pour les emplois postérieurs, voir infra p.
437 sq. et notes correspondantes. Pour PINDARE, cf. Isthmiques, VI,
48 (toujours la même forme aethlos ). Pour les Tragiques, voir, par
exemple, les Trachiniennes (36 ; 80) et icPhiloctète (508-509) de
SOPHOCLE, ou YAlceste (481 ; 1149-1150) et l'Héraclès (827)
572

cTEURIPIDE. Dans cette dernière pièce, on notera - ce qui est assez


rare - qu'agôn remplace athlos au vers 789. Cf. aussi SOPHOCLE,
Trachùàennes, 20.
36- P. CHANTRAINE, op. cit., 1, 21, s.v. δεθλος-
37- Cf. pourtant EURIPIDE, Héraclès 789, SOPHOCLE, Trachiniennes,
20.
38- P. CHANTRAINE, op. cit., I, 21.
39- H. TROMPY, Kriegerische Fachausdrûcke im griechischen Epos, Bâle
1950, p. 150-151 ou Lexikon des frûhgriechischen Epos, I, Gottingen
1979, s.v. : aethlos. Contra P. CHANTRAINE, op. cit., 1, 21.
40- Iliade, Vni, 263 ; XV, 639 ; XDC, 133.
41- Iliade, XV, 639. Il est, dans ce passage, question de Coprée, qui
longtemps porta à Héraclès les ordres dlïurystnée. Ce dernier préférait,
d'après Apollodore, ne pas avoir de commerce direct avec un héros qui
l'effrayait par trop (APOLLODORE, Π, 76 = Π, 5, 1).
42- Iliade, XDC, 132-133 : ergon aeikes.
43- Iliade,Vm, 362-363.
44- Odyssée, XI, 618-626.
45- Odyssée, XI, 620... le terme aeikes avec son a privatif dit bien
d'ailleurs ce qu'ont d'inconvenants et d'indignes de tels travaux.
46- Odyssée, IV, 170 : έμόγησεν αεθλου? : c'est d'ailleurs l'un des
exemples pris par H. TROMPY (op. cit., ν : note 31) à l'appui de sa
théorie ; cf. encore P. CHANTRAINE, op. cit., 1, 21.
47- Iliade, ΙΠ, 126. Il est question, dans ce passage, de la représentation sur
un manteau tissé par Hélène des "épreuves" que, pour elle, Achéens et
Troyens subirent "sous les coups d'Ares".
48- Odyssée, XDC, 584.
49- P. CHANTRAINE, op. cit., 21 , col. 2.
50- Et ce, malgré l'interprétation de P. CHANTRAINE. (Cf. supra note
38).
51- Ponerotatos pour Hésiode (cf. supra, note 32), athlios pour Euripide,
encore, (Héraclès, 1015).
52- Moins "puissant" sans doute que ne le suggère la traduction d'alkimos
par P. Mazon (Les Belles Lettres, 1928).
53- HÉSIODE, Théogonie, 950-955.
54- "Héraclès habite désormais chez les Immortels, soustrait au malheur
et à la vieillesse" (grammaticalement, il est vrai, la phrase n'indique
qu'une idée de succession - encore que l'aoriste ανύασας puisse
suggérer une valeur causale). Nous noterons encore le qualificatif d'
"Ολβιος" appliqué à Héraclès. Sur ce terme cf. P. LÉVEQUE
573

vOX£ioç et la félicité des initiés, dans Rayonnement Grec.


Hommages à Ch. Delvoye, Bruxelles, 1982, pp. 113-126.
55- PINDARE, Néméennes, 1, 111-112.
56- Hymne homérique à Héraclès . Une variante, choisie par F.
CASSOLA, dans l'édition italienne de la "Fondatione Lorenzo Valla",
(Inni Omerici, Vérone, 1975) met directement ces souffrances en
rapport avec les ordres dTïurysthée.
57- Sur aethlonlathlon « prix du concours, cf. P. CHANTRAINE, op.
cit., 1, 21. Cf. encore N. LORAUX, loc. cit., pp. 188-189.
58- Contrairement à ce qu'affirme N. LORAUX, loc. cit., p. 186 note 76,
la désignation des "Travaux" comme athloi n'apparaît pas dans
l'Hymne homérique, qu'on choisisse l'une ou l'autre variante.
59- J.-P. VERNANT, Travail et nature dans la Grèce ancienne, op. cit., p.
198.
60- HÉSIODE, Théogonie, 954. On trouve des expressions semblables
dans YOdyssée, XXI, 26 : μεγάλων έπιΐστορα έργων.
61- Iliade, XIX, 133 : ergon aeikes.
62- P. CHANTRAINE, op. cit., I, 364 à 366, s.v. έργον.
63- PINDARE, Néméennes, I, 70. Les travaux d'Héraclès sont dits
"καμάτων μεγάλων".
64- R. DESCAT, op. cit., p. 243-246, n'envisage le terme que dans un
court passage et avec le seul sens de fatigue.
65- Voir sur ce point E. WILL (Aux origines du régime foncier grec,
REA, LIX, 1957, pp. 5-50) qui considère que "le kama garde son
secret" (p. 39) et A. MELE, II catasto miceneo da Pilo, Terre et
dépendants dans les sociétés antiques. Colloque de BESANCON,
1974, Lyon-Paris, 1979, pp. 1 1-79) particulièrement pp. 18 et 22.
66- La seule continuité véritablement attestée le serait avec le terme
χαμάν connu par une glose d'HÉSYCHIUS. Quant au
rapprochement avec le verbe κάμνω, Ρ. CHANTRAINE, juge "qu'il
reste en l'air", op. cit., 1, 488, s.v. χαμάν.
67- N. LORAUX, loc. cit., p. 172, 191, 192.
68- B. BRAVO, Commerce et noblesse en Grèce archaïque, à propos d'un
livre d'A. MELE, DHA, 10, 1984, pp. 99-160. Citation note 25 page
153.
69- R. DESCAT, op. cit., pp. 35-51.
70- R. DESCAT, op. cit., pp. 59-63.
71- R. DESCAT, op. cit., p. 44.
72- Pour A. MELE (// commercio greco arcaico, Prexis ed emporte,
Naples 1979, p. 14) ces formes verbales du groupe a' ergon "semblent
574

exprimer une obligation de travail... qui n'est en rien de nature


exclusivement religieuse". Quant à erdo qu'étudie plus précisément J.
CASABONA (Recherches sur le vocabulaire des sacrifices en Grèce,
des origines à la fin de l'époque classique, Thèse - Lettres, Paris 1967,
p. 328), il a dû "désigner l'exercice d'une activité productive, conçue
comme un service public, mais dont les emplois généraux semblent,
dès Homère, en voie de disparition", et il aurait été remplacé, dans la
langue parlée, au sens de travailler, par ergazomai . Cf. R. DESCAT,
op. cit., pp. 48-51.
73- Dans le cadre de notre participation aux travaux du Centre de
Recherches de Besançon (U.A. 338 du CNRS : Analyse des
formations sociales de l'Antiquité) et à Γ ATP "Polythéisme" du CNRS
(Analyse du discours mythologique chez Apollodore) nous avons pu
disposer de l'enregistrement informatisé du texte d'APOLLODORE
(Edition R. WAGNER, Mythographi Graeci, I, Apollodori
Bibliotheca, Teubner, réimpression de Stuttgart, 1965). Les travaux
de Γ ATP, précisons-le, se développent, pour l'instant, autour d'un
programme différent : établissement des généalogies divines et
héroïques, constitution d'une grille destinée à répertorier les syntagmes
relatifs à l'union et à la procréation.
74- Chapitres IV à VIII pour l'ensemble de la vie d'Héraclès ; le chapitre
V, à lui tout seul, étant consacré au récit des "Travaux". De la même
façon, dans le livre I, qui, après la Théogonie, rapporte le destin des
descendants de Deucalion, Apollodore consacre un très long excursus à
l'expédition des Argonautes.
75- APOLLODORE, 111, 113 (= 111, 10,2) sous la forme:
έργασάμενος\ η s'agit de la fabrication de la lyre par Hermès enfant
avec la carapace d'une tortue et les boyaux des boeufs qu'il vient de
sacrifier.
76- Je ne retiens ici que les termes susceptibles de dire le travail, ou les
travaux au sens le plus large... Nous retrouverons plus tard ceux qui
traduisent la servitude ou impliquent le salaire.
77- APOLLODORE, Π, 127 (= Π, 6, 1).
78- APOLLODORE, III, 142 (= III, 12, 3). Ce prix du
concours : cinquante jeunes garçons et cinquante jeunes filles.
79- Sur ce point, cf. F. BROMMER, Heraides, die zwôlfTaten des Helden
in antiker Kunst und Literatur, Munster-Cologne, 1953-1972 et du
même auteur, Denkmàlerlisten zur griech. Heldensage, I, Herakles,
1971. Cf. aussi C. ANNEQUIN, loc. cit., DHA, 8, 1982.
80- Dans des expressions comme "le résultat de ses travaux" (II, 76 = Π,
575

5, 1) ; "les autres travaux" (II, 76 = Π, 5, 1) ; tous ces travaux (II,


113 = II, 5, 11 et II, 127 - II, 6, 1) ou simplement "les travaux" (II,
73 = 11,4,12).
81- APOLLODORE, II, 80 (= Π, 5, 2) ; Π, 91 (= Π, 5, 5).
82- APOLLODORE, II, 73 (= Π, 4, 12). Certains manuscrits (suivis par
F. CLAVIERdans sa traduction française) corrigent en "douze travaux"
un texte original qui parait bien avoir compté "dix travaux". C'est en
tout cas la version suivie par R. WAGNER, version qui nous paraît
être dans la logique même du texte d'Apollodore. Ce passage est, en
effet, l'énoncé de l'oracle rendu par Delphes à Héraclès, oracle qui lui
enjoint de se soumettre aux ordres d'Eurysthée. Or Apollodore
expliquera plus tard que c'est parce que ce dernier refusait
d'"homologuer" deux des dix travaux réalisés qu'il en impose un
onzième, puis un douzième (II, 113 = II, 5, 11 puis Π, 122 = II, 5,
12).
82bis- APOLLODORE, Π 77 (=Π, 5, 2). Cf. aussi II, 81 (= II, 5, 3) ; II, 83
(= Π, 5, 4) ; II, 88 (= Π, 5, 5) ; Π, 92 (= II, 5, 6) ; Π, 94 (= II, 5,
7) ; II, % (= Π, 5, 8) ; II, 98 (= Π, 5, 9) ; Π, 113 (= Π, 5, 11). Une
légère variante remplace parfois la forme έπέταζεν par έπετάγη : Π,
106 (* Π, 5, 10) ; Π, 122 (= II, 5, 12).
83- Ν. LORAUX, loc. cit., p. 187.
84- DIODORE DE SICILE, V, 13, 1 ; IV, 13, 2 etc...
85- DIODORE DE SICILE, XV, 1, 1. On se reportera sur ce point à notre
seconde partie : retour aux sources.
86- DIODORE DE SICILE, IV, 7, 4 à IV, 8, 5.
87- DIODORE DE SICILE, IV - 7, 4 ; IV, 8, 5.
88- DIODORE DE SICILE, IV, 8, 5.
89- DIODORE DE SICILE, IV, 8, 1 ; IV, 8, 3 (2 fois) ; IV, 8, 5.
90- HOMERE, Iliade, Vin, 364..
91- Une exception : celle dÎURIPIDE, Cf. infra, note 96.
92- ARISTOPHANE, La paix, 74 1 sq..
93- II n'est qu'à lire, pour s'en convaincre, l'étude que, dans Douleia (pp.
125-176), M.-M. MACTOUX consacre à Doulos et aux autres
dénominations des esclaves chez Aristophane (Annales littéraires de
l'Université de Besançon, 250, Paris 1980).
94- SOPHOCLE, Trachiniennes, 35 (λατρειίοντα).
95- Iliade,
"douteuse"
XVIII,
ou alors
28, Odyssée,
"populaire" I,selon
398 P.par
CHANTRAINE
exemple. Etymologie
(op. cit.,
s.v. δμώς· 1, 289-290) qui juge raisonnable de faire dériver θμώς de
δόμος*.
576

96- EURIPIDE, Héraclès, 17-20.


97- EURIPIDE, Héraclès,, 20-21.
98- Avec le seul génitif, cf. EURIPIDE, Héraclès, 1 102.
99- EURIPIDE, Héraclès, 1278, 830... etc.
100- LUCIEN DE S AMOS ΑΤΕ, Oeuvres, Π, XLIV., Jupiter tragique, 21 .
101- Cf. ARISTOTE : "L'être qui, grâce à son intelligence est capable de
prévoir est gouvernant, par nature ; l'être qui, grâce à sa vigueur
corporelle, est capable d'exécuter, est gouverné et par nature esclave"
(Politique, 1, 2, 2).
102- LUCIEN DE SAMOSATE, Oeuvres, I, XXV. Comment il faut écrire
l'histoire, 10. Lucien décrit là un tableau représentant Héraclès esclave
d'Omphale.
103- Cf. P. CHANTRAINE, op. cit., s.v. λάτρον Π, 622. Cette famille
de mots latris, latreia, latreuo dont dérivera le latro latin n'a
apparemment, en Grèce, aucune relation avec une quelconque idée de
banditisme ; travail obligatoire, service dû, contre une compensation
ou parce qu'on est dans une condition d'infériorité telle qu'elle vous
place dans la dépendance... il est intéressant de constater que ce sont
ces notions-mêmes qui, connotant le travail, la servitude, l'infériorité
sociale, finiront à Rome, par désigner le bandiL Sur l'histoire du terme
voir G. STEINMAYR, Sviluppi semantici délia base latro in Grecia
e in Roma, Atd e memori dell'Academia di Verona (1955-1956) pp.
151-163 et, dans un contexte plus romain que grec, Brent D. SHAW,
Bandits in the roman Empire, Past and Présent, 105, Novembre 1984,
pp. 32-52.
104- PINDARE, Olympiques, X, 34-35.
105- SOPHOCLE, Trachiniennes, 85 1 et 83 1 , cf. supra p. 440 note 94.
106- SOPHOCLE, Trachiniennes, 70 et 356-357.
107- APOLLODORE, Π, 134-136, (Π, 6, 4).
108- APOLLODORE, Π, 132-133 (= Π, 6, 3).
109- Déjà dans Ylliade (XXI, 443) pour la servitude chez Laomédon et chez
PHÉRÉCYDE pour la servitude chez Admète (F. Gr. Hist, 3F, 35a).
Cf. encore APOLLODORE I, 9, 15 et m, 10, 4. Sur cette servitude
des dieux et héros voir Istvan HAHN, Dieux et héros comme esclaves
et mercenaires dans Index, 10, 1981, pp. 1 1-19.
1 10- ARISTOTE, Ethique à Eudème, Vu, 12, 19 (= 1245b 33).
111- APOLLODORE, m, 4, 2 atôiov ένιαυτον έθήτευσεν "Αρει.
1 12- CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Protreptique Π, 35. 1 . Il opposera dans
les Stromates (II, 22, 5) ce "joug de la servitude" au "joug de la
liberté" de l'Evangile. Le travail d'Apollon et de Poséidon chez
577

Laomédon est déjà mentionné dans l'Iliade (VII, 472 et ΧΠ, 441).
Apollon, quant à lui, avait dû servir chez Admète (comme berger de
ses troupeaux) pendant huit ans (APOLLODORE III, 122 = ΠΙ, 10, 4).
1 13- Fragment n° 16 Héracléia éd. KINKEL : Ep. gr. Frg. I p. 261.
1 14- Hymne homérique à Déméter, 9 1 .
1 15- Sur Dédale (et sur Hépha&tos) voir M. DELCOURT, Héphaïstos ou
la légende du magicien, Paris, 1957 ; F. FRONTTISI-DUCROUX,
Dédale, Mythologie de l'artisan en Grèce ancienne, Paris, 1975.
116- Cf. Istvan HAHN, loc. cit., p. 12.
1 17- APOLLODORE, II, 88-91 (= II, 5, 5).
118- DIODORE DE SICILE, IV, 13, 3. Voir encore PAUSANIAS, V, 1,
9-11 : pour lui, Héraclès dut nettoyer non seulement les étables
d'Augias, mais encore tout le pays.
119- PINDARE, Olympiques, X, 34-35. On pourrait toutefois penser que
l'épisode était connu d'Homère qui, dans le Catalogue des vaisseaux,
mentionne Mégès, fils de Phylée et précise que ce dernier avait jadis
émigré à Doulichion "par courroux contre son père". (Iliade, II,
627-630). Or on sait que le fils d'Augias, pour avoir pris le parti
d'Héraclès contre son père, avait été contraint de quitter l*Elide
(APOLLODORE II, 88-90 = II, 5, 5).
120- PAUSANIAS, V, 10, 9.
121- F. BROMMER, Herakles, die zwôlf Taten des Helden in antiker Kunst
und Uteratur, Miinster/Kûln 1953, Appendice p. 88 et tableau p. 54.
122- G. ORSOLINI et C. DI BARI, L'elaborazione elettronica dei vasi
atu'ci a figure nere e rosse del Corpus vasorum antiquorum, colloque de
Rouen (1982), Image et céramique grecque, Rouen, 1983, pp. 81-90.
123- On imagine mal, par exemple, les colons grecs offrir à la clientèle
indigène cette image de leur archégète, du héros qui, avant eux, était
venu conquérir et apporter la civilisation du pays.
124- SÉNEQUE, Hercule furieux, 247-248. C'est d'ailleurs la seule
mention de ce "turpis labor", alors qu'à plusieurs reprises, tant dans
Hercule furieux que dans Hercule sur l'Oeta, les travaux du héros sont
complaisamment rappelés.
En ce qui concerne les mosaïques représentant le cycle des travaux
d'Hercule (une dizaine environ) voir S. GOZLAN, H. LAVAGNE,Au
dossier des mosaïques héracléennes : Acholla (Tunisie), Cartama
(Espagne), St-Paul-les Romans (Gaule), RA, 1979, 1, pp. 35-72 et
1979, 2, pp. 269 sq. , Pour la mosaïque d'Ostie cf. F.
SQUARCIAPINO, Fatiche dErcole, Archeologia Classica, X, 1958,
Ercole e le stalle di Augia in un emblema ostiense, pp. 106-1 1 1. Pour
578

la mosaïque de Liria, cf. G. LIPPOLD, Herakles Mosaïk von Liria,


JDAI, XXXVI, 1922, 1, pp. 2-12 pi. I ; A. BALIL, El Mosaïco de
"los trabajos de Hercules" hallado en Liria (Valencia), dans APL, XV,
1978, pp. 26S-27S. On trouvera dans le premier article cité (RA,
1979, 1 et 2) une importante bibliographie.
125- LUCIEN, Les Fugitifs, 23.
126- DIODORE, IV, 13, 3.
127- HOMERE, Iliade, XIX, 132-133 : ergon aeikes. (Voir sur ce point la
note 42 supra ). Cf. encore, à l'époque romaine, la mention par
SENEQUE, de turpis labor (Hercule furieux, 247-248).
128- APOLLODORE, II, 73 (= Π, 4, 12). Voir encore Π, 113 (=11, 5, 11)
etn, 122 (=Π, 5, 12).
129- DENYS d'HALICARNASSE, IV, 10, 7.
130- LUCIEN, Jupiter tragique, 21 cf. p. 441 et note 100.
131- APOLLODORE, Π, 89 à 91 (= II, 5, 5).
132- APOLLODORE, Π, 104 (= Π, 5, 9).
133- APOLLODORE, 11,103 (=11,5,9).
134- APOLLODORE, Π, 151 (= Π, 7, 6). Deux autres emplois concernent
un misthos pour lequel il y a surenchère (II, 28 = II, 2,2). Le dernier,
enfin est la récompense d'un meurtre commandé (Π, 179 = Π, 8, 5).
135- PAUSANIAS, V, 1, 9-10. C'est ici Augias qui promet à Héraclès une
partie de l'Elide "ou toute autre récompense qu'il lui plairait de
demander", s'il venait à bout de ce travail ; misthos refusé ensuite
sous prétexte qu'ayant, pour le faire, détourné le Minyée (et non le
Pénée ou l'Alphée donnés habituellement), l'ingéniosité (sophia ) avait
eu plus de part que l'effort et la peine (ponos ) dans ce travail.
136- Sur le problème du misthos voir E. BENVENISTE, Le vocabulaire
des institutions indo-européennes, Paris 1969, 1, pp. 163-170 ; E.
WILL, Notes sur μισθός-, Hommages à Claire Préaux, Bruxelles
1975, p. 427-438 ; Cl. MOSSE, Les salariés à Athènes au IVème
siècle, DHA, 2, 1976, pp. 97-101.
137- PLATON, République, Π, 371 e.
138- Cl. MOSSÉ, loc. cit., p. 97. Précisons afin de ne pas trahir l'auteur
que c'est là une question qu'elle pose, question à laquelle elle répond de
façon plutôt négative : "le texte de Platon ne saurait donc être tenu
pour une preuve de l'existence d'un "marché du travail" à Athènes au
IVème siècle. Platon, certes, utilise le vocabulaire de l'échange, mais
la transaction qu'il évoque relève de rapports qui ne sont pas ceux du
"marché" au sens abstrait du terme. En fait ce que le texte révèle, c'est
la contradiction entre une structure sociale qui est celle de la cité
579

grecque, communauté d'hommes libres, et les conséquences de


l'irruption dans cette structure de l'échange et de la marchandise" (p.
100).
139- Π y aurait, bien sûr, beaucoup à dire sur ce sujet que nous ne pouvons
pas traiter ici. On comparera simplement ce texte de Platon à ceux
d'Aristote (note 101) et de Lucien (note 100 ).
140- Cf. supra p. 442 et note 1 10 p. 576.
141- Cf. le plan factoriel 1/2 lexical des trois livres d'Apollodore, réalisé
dans le cadre de Γ ATP "Polythéisme" sous la direction de M.M.
Mactoux, après enregistrement du texte par le Centre Informatique de
Liège (voir supra note 73). Les termes lemmatisés ont été retenus
jusqu'à la fréquence 10. Pour l'axe horizontal (axe 1) l'inertie est de
56,13%. Pour l'axe vertical (axe 2) l'inertie est de 43,81%.
A droite le vocabulaire est "orienté vers les individus" déterminés par
ce qu'ils sont, par leur nature (dieux, mortels), leur sexe, parenté, bref
c'est un vocabulaire qui est surtout "reconnaissance et identification".
A gauche, au contraire, le vocabulaire est plutôt orienté vers le
mouvement, le déplacement, l'action (M.M. MACTOUX rapport sur
Γ ATP). Or, totalement isolés à l'extrémité gauche de l'axe (et ainsi
surdéterminés), nous avons eu la surprise de trouver les trois termes
dont notre étude avait mis en valeur les rapports : athlos et misthos
d'une part, et très proche d'eux epitatto. Sur l'importance du terme
dans le récit d'Apollodore sur Héraclès voir supra.
142- SOPHOCLE, Trachiniennes, 35 ; 70 ; 357 ; 831.
143- APOLLODORE Π, 73 (= Π, 4, 12) : Π, 131 (= Π, 6, 2) ; Π, 133 (=
II, 6, 3) ; Π, 134 (= II, 6, 4). Les deux autres occurrences concernent
l'une Hypsipyle "esclave" de Lycurgue roi de Némée (III, 65 - ΠΙ, 6,
4) l'autre la servitude d'Apollon à Phères, chez Admète (II, 122 = ΙΠ,
10, 4).
144- APOLLODORE, I, 118 (= I, 9, 9) et Π, 132 (Π, 6, 3) ; deux autres
occurrences n'ont qu'un intérêt limité dans le récit (III, 90 = ΙΠ, 7, 5 et
ΙΠ, 133 = III, 11, 1), la troisième concerne Podarque qui, vendu
comme esclave sur ordre d'Héraclès, puis racheté par sa soeur Hésione,
prend le nom de Priam (Π, 136).
145- M.-M. MACTOUX, Le système sémantique des termes désignant les
esclaves chez Aristophane, Index, 8, 1978-79, pp. 7-47 - Cf. p. 13 :
"Si Héraklès est parfois associé aux douloi désignant les personnages
comiques, c'est l*Héraklès grotesque, mais jamais le fils d'Alcmène".
146- ESCHYLE, Agamemnon, 1040-1041.
147- HÉRODOTE, 1, 7. Hérodote, il faut le dire, ne mentionne pas
580

qu'Héraclès était esclave, mais prétend, curieusement, que les


Héraclides descendent du héros et d'une esclave diardanos. La version la
plus courante fait d'Omphale, non pas l'esclave, mais la fîlle diardanos
et la reine de Lydie.
148- DIODOREDESICILE,IV,31, 1 à 8.
149- APOLLODORE, Π, 127-133 (Π, 6, 1-3).
150- APOLLODORE, Π, 130-131 (=11, 6, 2).
151- APOLLODORE, Π, 131 (= Π, 6, 2).
152- DIODORE, IV, 31, 5.
153- APOLLODORE, II, 131-133 (= Π, 6, 3).
154- DIODORE DE SICILE, IV, 31, 5-8.
155- HOMERE, Odyssée, XXI, 23.
156- PHÉRÉCYDE, Homère Schol. Od, XXI, 23. Pour Phérécyde comme
pour Diodore, dans l'Odyssée, et également chez Sophocle
(Trachiniennes, 270), ce sont des cavales et non des boeufs qui ont été
volées à Eurytos. L'épisode était également raconté par HERODORE
(Scholieà EURIPIDE, Hippolyte, 545).
157- DIODORE, IV, 31, 8. OVIDE (Héroïdes, IX, 54) attribue, lui aussi,
un fils à Omphale et Héraclès : "le lydien Lamus".
158- PROPERCE, Elégies, ΠΙ, 11, 17-20.
159- SÉNEQUE, Hercule sur l'Oeta, 37 1-376. On trouve un développement
fort semblable, mais plus critique (il est d'ailleurs mis dans la bouche
de Lycos) dans Hercule furieux, 465-471 : "Appellerons-nous
courageux celui dont les épaules laissèrent tomber la peau du lion,
donnée en cadeau à une femme, et la massue ; celui dont le flanc fut
paré d'une brillante robe (teinte de pourpre) de Sidon ?
Appellerons-nous courageux celui dont la chevelure hirsute fut humide
de nard ; celui dont les mains, glorieuses de leurs exploits, s'agitèrent
au son efféminé du tambour, tandis qu'il couvrait son front farouche
de la mitre barbare ?".
160- APULÉE, frg. 21. Cette robe est la sandyx, qu'Apulée met en rapport
avec la mention d'un Hercule Sandon attestant une forme
gréco-romaine de SANDAS, dieu cilicien (cf. notre première partie).
161- ACHILLE TATIUS, Leucippé et Clitophon, Π, 6. "Bonjour ma
reine", dit Clitophon à Leucippé, et il lui explique qu'un dieu l'a vendu
à elle comme Héraclès à Omphale... Ce dieu, bien sûr, n'est pas,
comme elle le pense, Hermès, mais Eros.
162- Voir p. 441 et note 102 p. 576.
163- OVIDE, Héroïdes, IX, surtout 25-26.
164- OVIDE, Fastes, H, 205.
581

165- OVIDE, Héroïdes, IX, 79-80.


166- Celle-ci peut trouver une explication soit dans le cadre de syncrétismes
avec les divinités orientales (en particulier le culte de Melqart dont les
prêtres portaient ce vêtement long). On peut aussi voir en elle le
souvenir de rites initiatiques (cf. notre troisième partie), voire d'un
hiéros gamos primitif (cf. infra ).
167- ESCHYLE, Agamemnon, 1040-1041.
168- SOPHOCLE, Trachiniennes, 249-252 ; cf. encore Trachiniennes
275-276. Cf. aussi PHÉRÉCYDE, Scholie à Homère, Odyssée, XXI,
23, pour qui cette vente rapporte trois talents. Pour DIODORE, elle
fut effectuée par un ami d'Héraclès (IV, 31, 5) et pour
APOLLODORE, par le dieu Hermès (II, 131 = II, 6, 3). Surpiprasko
voir E. BENVÈNISTE, op. cit., I, p. 133.
169- SOPHOCLE, Trachiniennes, 254.
170- SOPHOCLE, Trachiniennes, 254-257.
171- Sur cette utilisation du discours mythique pour mieux opposer Grecs
et Barbares cf. G. PICCALUG A, La mitizzazione del Vicino Oriente
nelle religioni del mondo classico, dans Mesopotamien und seine
Nachbachn, éd. par HJ. NISSEN, J. RENGER, Berlin, 1982, pp.
573-612.
172- Voir M.-M. MACTOUX, op. cit., Douleia, p. 14 sq. Pour l'emploi
de Doulos cf. Eschyle (1041) Apollodore, Diodore et Clément
d'Alexandrie, cf. supra, notes 1 12 p. 576 et 168 p. 581.
173- SOPHOCLE, Trachiniennes, 70 ; 357 (il s'agit là, précisément des
services chez Omphale), mais aussi APOLLODORE (voir note 107).
174- SOPHOCLE, Trachiniennes, 253.
175- APOLLODORE, II, 131 (= Π, 6, 2).
176- Voir note 156.
177- Le but n'étant pas ici d'établir des comparaisons qui n'auraient aucune
valeur historique, nous donnerons seulement une des estimations les
plus basses : celle qu'au FVè siècle, Xénophon transmet dans les
Poroi. Le prix moyen d'un esclave travaillant dans les mines est évalué
alors à 180 drachmes. Ce prix pouvait, bien sûr, varier
considérablement avec l'origine, l'âge et surtout la qualification de
l'esclave. Un esclave intendant pouvait, par exemple, être acheté un
talent Voir Y. GARLAN, Les esclaves en Grèce ancienne, Paris,
1982, pp. 66-77.
178- M.I. FTNLEY, La servitude pour dettes, dans Revue Historique de
Droit français et étranger, XLIII, 1965, pp. 159-184 et surtout dans
Recherches Internationales, 84, 1975, pp. 78-95. L'Onomastikon ou
582

Thésaurus (cf. MX FINLEY, 1975, p. 78) date du Ile siècle de notre


ère.
179- MX FINLEY, loc. cit., (1975), p. 79.
180- Et pourtant, pour M.I. FINLEY qui sur ce point suit G.
HERZOG-HAUSER, R.E., XXVIII, 1, 1939, col. 387-88, s.v.
Omphale, le mythe serait purement grec et transféré en Lydie
probablement au Vlème siècle av. J.-C. Sur les pratiques de l'esclavage
dans le Moyen-Orient ancien, voir J. MENDELSOHN, Slavery in the
ancient Near-East, Wesport-Connecticut, 1978 (2). En particulier,
pp. 14 sq. sur la "self-sale".
181- MX FINLEY, loc. cit. (1965) : cf. ce texte de Nuzi (ΠΙ, 299) qui
"stipule que, pour trois talents de cuivre, un homme donne son fils qui
est tisserand pour cinquante ans et que, si le "débiteur" rompt son
engagement, il rendra le cuivre, reprendra son fils et fournira un autre
tisserand".
182- M.I. FINLEY, loc. cit., (1975), p. 79 "Si l'un de tes frères... t'est
vendu, il te servira six ans ; mais, à la septième année, tu le renverras
libre de chez toi... Mais si ton esclave te dit qu'il ne veut pas sortir de
chez toi, parce qu'il t'aime toi et ta maison, et parce qu'il se trouve
bien avec toi, tu prendras un poinçon, tu lui perceras l'oreille contre la
porte, et il sera pour toujours ton serviteur", Deutéronome, 15, 12-17.
183- Cf. B. LASKER, Human Bondage in Southest Asia, Chapel Hill
1950, p. 114 (cité par M.I. FINLEY, loc. cit., (1965), p. 166 et note
31) ; cf. surtout K. MARX qui montre bien à quel point, dans les
sociétés archaïques, le travail reste, en quelque sorte, intégré à la
personne même du travailleur assujetti à la productionn par la
contrainte extra économique (Formen ... op. cit.. Cf. le n° 84 des
Recherches Internationales : Formes d'exploitationn du travail et
rapports sociaux dans l'Antiquité classique, en particulier la
présentation de J. ANNEQUIN, F. FAVORY, M.
CLAVEL-LÉVEQUE,pp. 3-44).
184- W.D. JORDAN, The émergence of Slavery in anglo-american
unthinking décision, enslavement of negroes in America, in Slavery
in American Society, Lexington, 1969, p. 3.
185- I. MEYERSON, Le travail, fonction psychologique, dans, Le Travail,
les métiers, l'emploi, vol. collectif, Paris 1955, p. 3.
186- Ceci après une époque où chacun s'attachait à rechercher "la vraie
nature " d'Héraclès, et, bien sûr, la retrouvait différente. Pour ne pas
citer ici ces théories sur l'origine du héros, je renverrai au prologue de
cet ouvrage.
583

187- J. SVENBRO, La parole et le marbre, aux origines de la poétique


grecque, Lund, 1976, p. 14. Les travaux de M. PARRY sont
accessibles dans l'édition qu'en donne A. PARRY, The making of
Homeric Verse, Oxford 1971. Cf. aussi V. RADLOFF, Proben der
VoUditeratur der nôrdlichen tiirlaschen Stâmme, vol. V, Der Dialect
der Kara-Kïrgisen, St Petersburg 1855.
188- Cf. M. AUGE, Génie du paganisme, Paris 1982 , p. 147 : "les
héros, en cela différents des dieux, parlent moins de l'ordre du monde -
de la nature - que de la naissance de la société - de la culture".
189- L'expression est celle que M. DELCOURT {Légendes et cultes des
héros en Grèce, Paris 1942, note 1 p. 135) applique à l'ethnologie et à
l'histoire.
190- PAUSANIAS, VIII, 32. Ces formes "carrées" sont pour Pausanias
(beaucoup plus sûrement que pour les historiens de l'Antiquité !)
gages de l'archaïsme des statues. Notons cependant que si l'on doit
mettre ces représentations, vues au pied de la colline qui portait le
temple d'Artémis et d'Asclépios, en rapport avec la cité de
Mégalopolis, cet "archaïsme" devient très relatif... Il est vrai que cette
colline étant simplement située dans la région, l'argument n'est pas
absolu.
191- Dans la traduction LOEB, Pausanias, Description of Greece, 1961,
IV, p. 65, Cf. aussi, supra, notre analyse d'ergon.
192- On remarquera à ce titre la présence d'Ilithye "sanctifiant"
l'accouchement. Une fois de plus s'affirme que le seul ponos (ici
même ergon ), la seule seule épreuve qualifiante des femmes est bien
l'accouchement (On verra à ce sujet N. LORAUX, loc. cit., 1982, p.
175).
193- Cf. notre troisième partie. Cf. aussi Nicole LORAUX, "Le lit, la
guerre dans L'homme 1981, XXI, 1, p. 37-67 (sur Héraclès, pp.
57-67) et du même auteur : Le surmâle et le féminin, Revue française
de psychanalyse, 4, 1982, pp. 697-729.
194- PLUTARQUE, Questions grecques^ 58. D'autres exemples peuvent
être invoqués : en Grèce propre, celui d'Argos ou de Sparte
(PLUTARQUE, Lycurgue, XV, 4-7). On peut encore invoquer les
fêtes d'Héra à Samos. Sur ces pratiques, cf. FRAZER, Adonis, Attis,
Osiris, Londres 1914, Π, p. 253 sq. et COOK, CR, XX, 1906, pp.
306 sq. etc...
195- fflCKS ET PATON, Inscr. de Cos. pp. 69-71, 36c et R. D'ARESTE,
B. HAUSSOULLIER et Th. REINACH, Recueil des Inscriptions
juridiques grecques, 2ème série, Paris, 1898, p. 98. L'inscription est
584

citée par A. de RIDDER, Héraclès et Omphale, RA , XXXVI, 1900,


pp. 99-114.
196- PLUTARQUE, Questions grecques, 58. Voir encore Iliade XIV, 255.
Cf. DIBBELT, Quaest. Coae Mythologae, Gryphisw, 1891.
Cf. encore la représentation d'Hercule sur l'autel de Lucius Munius à
Rieti (M. VERZAR BASS, L'ara di Lucius Munius a Rieti, MEFRA,
97, 1985, 1, pp. 215-223 ; p. 303 (fig. 3) pour le dessin qu'au XVIè
s. Pirro Ligorio a laissé d'Hercule).
197- Pour M. LAUNEY, la légende de la naissance de Théogénès à Thasos
serait le souvenir d'un hieros gamos lié au culte d'Héraclès. J.
POUILLOUX, op. cit., p. 66, partage plutôt le scepticisme de A.D.
NOCK (A/A, 1948, p. 298). L'hypothèse cependant se renforce des
nombreux indices attestant de l'importance du thème, tant dans le culte
que dans le mythe d'Héraclès.
198- On se reportera sur ce point à notre troisième partie.
199- Cf. par exemple E.G. SUHR, Herakles and Omphale, AJA, 57, 1953,
4, pp. 251-263. Cf. aussi A. DE RIDDER, loc. cit., pp. 112-114.
200- A. DE RIDDER, Un bronze chalcidien sur l'Acropole, BCH, XX,
1896, pp. 401-422 et planches I et I bis. Voir aussi J.-R. JANNOT,
Décor et signification, à propos d'un trépied de Vulci, RA, 1977, 1,
pp. 3-22 qui rapproche ce bronze d'un groupe de trépieds étrusques
datés des dernières années du Vlème siècle ou du début du Vème
siècle.
201- L. SAVIGNONI,Monumenti antichi, VII, p. 377 sq. planches VIII et
IX.
202- A. DE RIDDER, loc. cit. RA, pp. 99-1 14.
203- A. DE RIDDER, loc. cit. (RA) , pp. 99-114. Notons que J.-R.
JANNOT (loc. cit. ) interprète le groupe comme représentant Héraclès
et Héra. Pour P. ZANCANI-MONTUORO, Un mito italiota in
Etruria, ASA, 1950, p. 85., la scène représenterait plus précisément
le héros défendant Héra contre les Silènes, telle qu'elle est sculptée à
YHéraion du Silaris, inspirée probablement par une légende de
Stésichore d'Himère. Rappelons que pour W. POETSCHER (note 256
p. 87) le mariage d'Héraclès avec Hébé serait un souvenir de l'union
primitive d'Héraclès et d'Héra dont elle serait un doublet
204- Cf. supra notes 197 et 203.
205- HÉRODOTE, 1,7.
206- Cf. H. USENER, Gôtternamen, Versuch einer Lehre von der
religiôsen Begnffsbildung, Bonn, 1896, p. 34 8 et aussi E.G. SUHR,
loc. cit., pp. 259-260.
585

207- Cf. U. VON WILAMOWITZ-MOELLENDORF, Herakles, 2e éd. I,


p. 75, sq. suivi, par exemple, par M.I. FENLEY, (loc. cit., p. 160)
qui pourtant s'attache à montrer les parallèles orientaux de la servitude
d'Héraclès. Pour G. HERZOG-HAUSER, R.E., XVIU, 1 (1939), col.
387-388, 5.v. Omphale, la légende fait appel à de nombreux "motifs"
asiatiques, mais le mythe lui-même ne trouve pas ses origines dans
cette même Asie occidentale.
208- Déjà noté par A. DE RIDDER, loc. cit., (RA) pp. 110-111.
209- PLUTARQUE, Questions grecques, 58.
210- Pour Delphes, cf. DIODORE, XVI, 24, 3 ; pour Erythrées,
PAUSANIAS, VII, 5, 5-8. Ce dernier exemple est particulièrement
intéressant : on apprend comment les habitants d'Erythrées fondèrent
le culte d'Héraclès en ramenant sa statue cultuelle, venue par mer de
Phénicie, échouée et disputée entre leur cité et celle de Chios. Le
songe d'un pêcheur avait en effet prescrit de ramener le radeau grâce à
une corde faite de chevelures féminines tressées. Mais, comme seules
les femmes thraces - tant celles qui étaient esclaves que celles qui,
librement, habitaient au pays - avaient consenti à ce sacrifice, elles
eurent seules, ensuite, le droit de pénétrer dans le sanctuaire du dieu..
L'aition cultuel présente des thèmes assez analogues à celui de Cos et,
en particulier, le même entrecroisement du thème initiatique (à
Cos : l'échange des vêtements ; à Erythrées l'offrande de la chevelure)
et du thème de l'exclusion - voire de la servitude -, On notera enfin
que, dans les deux cas, le culte lui-même est donné comme peu grec,
le vêtement des (Mètres à Cos, les rapports avoués avec la Phénicie à
Erythrées invitent fortement à envisager des rapports étroits avec le
culte du Melqart tyrien. Cf. encore F. DE POLIGNAC, La naissance
de la cité grecque, Paris 1984, qui utilise Yaition rapporté par
Pausanias pour étudier le thème de l'affrontement pour la possession
d'un lieu sacré placé "au milieu". Le Cap Mesate (Cap du milieu) où
était échouée la statue du culte, est, en effet, situé entre les cités
d'Erythrées et de Chios.
211- On peut, par exemple, signaler le rôle joué par Héraclès dans la
manumission des esclaves. Cf. A. CALDERINI, La manomissione e
la condizione dei liberti in Grecia, Milan, 1908, p. 108.
212- HOMERE, Iliade, 124 et 126.
213- HOMERE, Iliade, 133.
214- HÉRODOTE, IX, 26-27.
215- THUCYDIDE, 1, 9, 2. "Atrée... reçut la royauté de Mycènes, ainsi que
tous tes pays où régnait Eurysthée". On notera l'étendue d'un royaume
586

qui ne se limite pas à Mycènes.


216- B. SERGENT, La liste de Kom el Hétan et le Péloponnèse, Minos,
1977, pp. 126-173.
217- L. GODARD, Minoici e Micenei : precolonizzatori e precolonizzati,
colloque "Momenti precoloniali nel Mediterraneo antico ", Rome,
Mars 1985, à paraître.
218- Nous avons - après d'autres - eu l'occasion de rappeler ces rapports
étroits qui très certainement unissent Héra et Héraclès avant qu'ils ne
les opposent, et ce, à la fois dans l'étymologie et dans le mythe. Cf.
notre prologue.
219- Cf. supra, pour l'image primitive d'un Héraclès maître des fauves,
Prologue pp. 61-62 et pour une étude des rapports du héros et du
sacrifice, le deuxième chapitre de cette quatrième partie.
220- Ce qui autorise les célèbres railleries de LUCIEN, Jupiter tragique, 21 .
221- Cf. les travaux de B. SERGENT, déjà cités, en particulier dans
Minos, 1977, pp. 126-173.
222- Cf. M.D. PRETRUSEVSKI et Ph. ILffiVSKI dès 1958 dans Ziva
Antika, VIII, pp. 265-278 ; et H.D. EPHRON, Minos, VII, 1961,
pp. 78-84. Cf. encore les articles de M.D. PRETRUSEVSKI, dans
VAnnuaire de la Faculté, Université de Skopje, XVI, 1964, pp.
152-196 et Ziva Antika XV, 1965, p. 12 ; cf. enfin la mise au point
de M. LEJEUNE, dans Mémoires de Philologie mycénienne, III, pp.
181-199.
223- M. LEJEUNE, loc. cit., p. 199.
224- M. LEJEUNE, loc. cit., p. 198.
225- Cf. M.D. PRETRUSEVSKI dans Annuaire ...(loc. cit.) 1964 et Ziva
Antika, 1965.
226- Autre exemple de sa brutalité : dans XIliade, il blesse les dieux ;
Homère le juge "brutal" (392), "misérable et violent" (403)... η est
capable d'accomplir, "sans s'en inquiéter, des actions indignes" (404).
HOMERE, Iliade, V, 392 ; 403-404.
227- APOLLODORE, 11,4,9.
228- Le lion de Némée était pour SOPHOCLE "le fléau des bouviers"
(Jrachiniennes, 1092), la biche, pour EURIPIDE, "un fléau pour les
paysans" {Héraclès, 377). Pour APOLLODORE, le sanglier "ravageait
toute la Psophide" (II, 5, 4) et l'hydre "ruinait les champs et les
troupeaux". Quant aux oiseaux du lac Stymphale, si PAUSANIAS les
affirme anthropophages (VIII ; 22, 4), ils dévastent, pour DIODORE,
les récoltes des contrées voisines (TV, 13, 2).
229- APOLLODORE, Π, 118 (=11,5,11).
587

230- Cf. J. BAYET, Les origines de l'Hercule romain, Paris, 1926, p. 140.
Depuis J. BAYET les découvertes archéologiques ont attiré l'attention
sur ce sanctuaire où existait, avant le temple du Vème siècle, un
édifice archaïque avec autel intérieur de plan beaucoup plus ramassé, où
l'on a retrouvé de nombreux ex-voto (dont un taureau du géométrique
final). Signalons encore que, dans l'enclos sacré, ont été mis au jour
des vases mycéniens.
231- Cf. J. TOUTAIN, Observations sur le culte d'Hercule à Rome, REL,
1928, pp. 200-212. Cf. aussi notre article, De l'Héraclès grec à
l'Hercule romain, Concilium Eirene, Prague 1983, 1, pp. 267-273.
Ou encore ici même notre épilogue.
232- Cf. F. Van WONTERGHEM, Le culte d'Hercule chez les Paeligni,
AC, XLII, 1973, 1, pp. 36-48.
233- Cf. infra., les rapports d'Héraclès et du sacrifice, cf. aussi J.-L.
DURAND, F. LISSARAGUE, Héros cru ou hôte cuit : histoire quasi
cannibale d'Héraclès chez Busiris, Image et céramique grecque, Rouen
1983, pp. 153-167 et discussion pp. 180-181.
234- APOLLODORE, Π, 73 (= Π, 4, 12).
235- DIODORE, IV, 9, 4 à 6. Pour PINDARE, c'est Tirésias qui annonce
le destin d'Héraclès (Néméennes, I, 55-75). SOPHOCLE
(Jrachiniennes, 824-826) évoque pour sa paît "les prédictions de
l'antique oracle".
236- Cf. Istvan HAHN, Dieux et héros comme esclaves et mercenaires,
Index, 10, 1981. p. 13 sq.. L'auteur cependant gomme les états
successifs du mythe, dans la mesure où il fait de tous les épisodes
disant la servitude des dieux et héros la même conséquence d'un
meurtre.
237- Cf. Istvan HAHN, loc. cit., p. 16.
238- APOLLODORE, II, 64 (= Π, 4, 9). Il est vrai qu'Apollodore rapporte
qu'Héraclès a dû se présenter devant les tribunaux, et se défendre en
invoquant la loi de Rhadamante.
239- G. GLOTZ, La solidarité de la famille dans le droit criminel en Grèce,
Paris 1904.
240- G. GLOTZ, op. cit., pp. 50-81.
241- On pourrait trouver là, d'ailleurs, une confirmation des thèses de G.
GLOTZ, sur l'étymologie de poinè. Contre ceux qui veulent retrouver
dans ce terme un radical exprimant la pureté et qui, rapprochant πυρ et
ποινή comme ils rapprochent purus, punire, poena en latin,
estiment que "dès le berceau des langues indo-européennes" poinè
serait ainsi "la punition comme moyen de purification", il fait valoir
588

que "dans toute l'épopée homérique, on ne trouve pas trace de cette


conception mystique" et que tous les emplois du terme l'apparentent
plutôt au radical -τι qui "désigne le fait de fixer un prix, priser,
estimer... et le fait de donner un prix, payer, dédommager", op. cit.,
pp. 105-106. On notera que cette interprétation s'accommode mieux du
fait que, dans l'exemple héracléen, la purification existe de façon
indépendante, avant la compensation demandée au héros.
242- LUCIEN, Dialogue des Morts, 11 (= 16), Diogène à
Héraclès : "Dis-moi, beau vainqueur, tu es mort ? Et moi qui, sur
terre, t'offrais des sacrifices comme à un dieu !" Tout le dialogue joue
ainsi sur la présence du héros à la fois chez les morts et chez les
dieux ; des deux, lequel est le véritable Héraclès, lequel est son ombre
(ou son image) ?
243- DIODORE, IV, 8, 1.
244- E. BENVENISTE, op. cit., 1, p. 164.
245- E. BENVENISTE, op. cit., 1, p. 165.
246- HOMERE, Iliade, X, 304 ; Odyssée, XVIH, 358. Cf. sur ce point,
aussi bien E. BENVENISTE, op. cit., p. 165 que E. WILL, loc. cit.,
(1975) pp. 427-438.
247- D'après les Mémorables de XÉNOPHON, II, 1, 21-34. Notons
cependant que le thème est peut-être plus ancien (voir infra ). Pour
AJ. FESTUGIERE, (L'idéal religieux des Grecs et l'Evangile, Paris
1932, p. 81) l'origine pythagoricienne de l'Apologue semble bien
assurée. Cf. encore Ch. PICARD, Représentations antiques de
l'Apologue dit de Prodicos, CRAI, 1951, p. 310 sq. ;RA, 1952,
XLII, pp. 10-41. et M. DETIENNE, Héraclès, héros pythagoricien
RHR, CLVin, 1960, pp. 19-53, spécialement p. 38 et note 2.
248- XÉNOPHON, Mémorables,^, 1,21.
249- Cf. notre troisième partie.
250- XÉNOPHON, Mémorables, TL, 1,23.
251- XÉNOPHON, Mémorables, Π, 1, 25. On rapprochera la formule de
celle du choeur, qui, dans l'Hercule furieux de SENEQUE, oppose
"l'agréable oisiveté" d*Eurysthée à l'activité d'Héraclès qui se fatigue à
la tâche (526 sq .).
252- Cf. G. GUSDORF, Mythe et métaphysique, Paris, rééd. 1984 (1ère
éd. 1953), p. 82.
253- JAMBLIQUE, Vie de Pythagore, 50. Cf. M. DETIENNE, loc. cit., p.
22 et note 2.
254- Cf. A. DELATTE, Essai sur la politique pythagoricienne, p. 39. Cf.
encore M. DETIENNE, loc. cit., p. 46 notes 1 et 2. Sur l'importance
589

de cette conception "philosophique" d'Héraclès chez les Cyniques, voir


DIOGENE LAERCE, Vie, doctrines et sentences des philosophes
illustres, VI, les Cyniques. Cette influence est reconnue sur Diogène
"qui prétendait vivre comme Héraclès" et, comme lui, accordait une
valeur primordiale "aux exercices physiques qui acheminent vers la
vertu" et à "l'askesis" qui permet à l'homme de se surpasser : c'est
encore ce qu'enseignait Antisthène dans son Hercule en accord - ajoute
Diogène Laërce - avec les stoïciens, η faudrait enfin citer l'exemple de
Cléanthe (livre VII, Les Stoïciens), qui, d'abord pugiliste, se mit à
l'école de Zenon, se rendit célèbre "par son amour du travail", et
mérita, pour cette raison, le nom de "Second Hercule".
255- M. DETIENNE, loc. cit., p. 53.
256- Raoul LE FEVRE, Le roman d'Hercule dans le Recueil des hystoires
de Troyes, écrit vers 1464. cf. M.-R. JUNG, Hercule dans la littérature
française au XVIème siècle, Thèse Lettres, 1966, p. 26.
257- Hercule, en effet, est l'un de ces symboles qu'emprunte à l'Antiquité
l'imagerie révolutionnaire. La représentation ci-contre, que je dois à R.
CHAGNY, est le logotype de la ville de Lyon, devenue, en l'an II,
Ville Affranchie. Dans certains cas le symbolisme est plus précis
encore, qu'Hercule apparaisse gardien de la Déclaration des droits de
l'Homme et du Citoyen de 1789 (comme sur une estampe
anonyme - conservée au musée Carnavalet) ou qu'il devienne - plus
explicitement encore - "une personnification de la force populaire et
donc du peuple lui-même", comme l'écrit M. VOVELLE, La
Révolution Française, Images et Récits, Paris 1986, ΙΠ, p. 228
(plusieurs représentations illustrent ce propos : III, p. 221 ;
227 ; 228, 229 et IV p. 140-141, 168-169 . Cf. encore le texte des
pages 214-215 (ΙΠ)·
258- SÉNEQUE, Hercule sur l'Oeta, 61-62. Héraclès vient, il est vrai, de
rappeler tous les travaux qui lui furent ordonnés, pour ajouter,
d'ailleurs, "qu'ils lui ont été aisés".
259- Cf. supra, le commentaire des analyses de J.P. Vernant et son
explication marxiste de l'absence d'un mot unique qui désignerait le
concept de travail.
260- Ceci parce qu'on a souvent "tiré" en ce sens les analyses de J.P.
Vernant et considéré comme inhérente aux "structures mentales" des
Grecs ce qui devenait leur prétendu dédain au travail.
261- R. FIRTH, Primitive polynésien Economy, Londres 1939, cf.
particulièrement p. 110. Ce phénomène est, depuis, largement
confirmé par les études des anthropologues.
590

262- Ce développement est emprunté à la note 53 p. 26 de R. DESCAT,


op. cit..
263- N. NOUGAYROL, Journal de Psychologie, 41 (1948, 1) discussion,
p. 50.
264- G. GUSDORF, Mythe et métaphysique, Paris 1984 (2), p. 77.
265- Ils affirment l'existence d'une unité entre "a) la divinité, b) le despote -
nous préférons, quant à nous, le terme de souverain -, c) les fonctions
politico-juridiques, celles d'organisation (normatives et répressives) de
l'Etat "tributaire", d) le fonctionnement du cosmos, e) la fertilité des
champs... c'est une telle unité qui s'exprime par exemple dans les
préceptes de Sehetebibré (Ancien Empire) où il est dit que le roi "plus
que le Nil le plus riche en eau fait reverdir le pays" ou encore dans le
code du roi accadien du XIXème siècle, Lipit-Ishtar qui affirme que
celui qui enfreindra la loi verra "le pays s'écrouler" (cf. Ion BANU, La
formation sociale "asiatique" dans la perspective de la philosophie
orientale antique, dans Sur le mode de production asiatique, CERM,
Paris 1969, pp. 285-307, singulièrement pp. 290-291). Voir aussi les
travaux de P. ΒRIANT, en particulier, Forces productives, dépendance
rurale et idéologie religieuse dans l'Empire achéménide, dans
Religions, Pouvoirs, Rapports sociaux, Paris, 1980, pp. 16-68.
266- A. MELE a étudié de façon fort convaincante cette dépendance
"normale et collective" des communautés rurales à l'égard du palais
(alors que le concept de liberté, lorsqu'il est exprimé dans les tablettes,
est celui d'une liberté conçue toujours comme un privilège et désignée
comme une autonomie par rapport au palais mycénien) : Esclavage et
liberté dans la Société· mycénienne. Colloque de Besançon, 1973, pp.
115-155.
267- Voir l'article de J. ANNEQUIN, Comparatisme comparaison :
ressemblances et hétérogénéités des formes d'exploitations
esclavagistes. Quelques réflexions, DHA, XI, 1985, pp. 639-672.
268- F. BADER, Sémiologie des travaux d'Héraclès, aansVisages du destin
dans les mythologies. Mélanges J. Duchemin. Actes du colloque de
Chantilly, 1980, Paris 1983, pp. 55-67. Le thème est repris dans
Héraclès et les points cardinaux, Minos, XVIII, 1983, pp. 219-256.
269- F. BADER, loc. cit., p. 57.
270- F. BADER, loc. cit., pp. 61-64.
271- Sur ces termes, empruntés à G. DURAND, voir notre prologue ; le
mythe/mode d'emploi.
272- S. ΑΝΠΝ, Le développement inégal, Essai sur les formations sociales
du capitalisme périphérique, Paris 1973, p. 19.
591

273- M. GODELIER, Le marxisme dans les sciences humaines, Raison


présente, XXXVII, p. 74. Pour le statut de l'idéologie, voir l'ensemble
de l'oeuvre de M. GODELIER ; le numéro spécial consacré à
l'idéologie par la revue L'Homme, XVIII, Juill. Dec. 1978 (avec en
particulier les contributions de M. AUGE et de M. GODELIER) ;
voir aussi E. GUIBERT-SLEDZIEWSKI, Comment penser
l'idéologie ? La Pensée 1983 ; M. VOVELLE, Idéologies et
mentalités, Paris, 1982...

NOTES DU DEUXIEME CHAPITRE

274- G. BATAILLE, Théorie de la religion, op. cit., p. 66.


275- APOLLODORE, II, 1 12 (= Π, 5, 10).
276- W. BURKERT, Le mythe de Géryon : perspectives préhistoriques et
tradition rituelle. // mito Greco, op. cit., pp. 474-475.
277- Cf. TJ. DUNBABIN, The Greeks and their Eastern Neighbours,
Londres, 1957, p. 78 pour la datation. Cf. surtout F. BROMMER,
op. cit., (Herakles... ) pp. 39-42. M. ROBERTSON, Stésichorus and
the vase-painters, The Classical Quaterly, XIX, 1969, pp. 207-221 et
l'article de L. TIBERI, loc. cit., auquel nous empruntons notre
représentation 31,1. Pour M. ROBERTSON, la pyxide date du milieu
du Vllème siècle.
278- N° 202. Cf. A. RUMPF, ChalHdische Vasen, Berlin/Leipzig, 1927,
pp. 8-9 et 10-11. tables VI-IX et VIII-XV. Cf. ici fig. 31-2.
279- Cf. PAGE, op. cit., P.M.G, frg. 9, LGS, 56.
280- Pour une bibliographie détaillée de ces représentations, et la discussion
suscitée par ces vases dits "chalcidiens", voir M. ROBERTSON, loc.
cit., notes 2 et 3 p. 208.
281- N° 2620 (J. 337) : la coupe est datée de 520-510. Cf. Beazley, ARV2,
16 et 17. (cf. notre figure 32).
282- PAUSANIAS, ΙΠ, 18, 13. Rien n'indique, en revanche, que, sur le
coffre de Cypselos ("sur le quatrième côté, en tournant, vers la
gauche"), soit figuré autre chose que "le combat d'Héraclès contre
Géryon, représenté avec trois corps réunis" (PAUSANIAS, V, 19, 1),
comme le laisserait supposer la reconstitution d*H. STUART JONES
(The chest of Kypselos, JJHS., XIV, 1894, pp. 30-80) qui reproduit
le vase chalcidien mentionné supra .
283- Cf. J.L. MYRES, Handbook of the Cesnola Collection, 1914, n°
592

1368. Cf. du même auteur Cesnola collection p. 234 sq. Cf. aussi
PERROT et CHIPIEZ, op. cit., pp. 373-374. La reproduction que
nous donnons ici (fîg. 33) est celle du dessin de CECCALDI,
Monuments antiques de Chypre, pi. V. Notons cependant que pour P.
GARDNER (Cacus on a black-fîgured vase, J.H.S., ΧΠΙ, 1892-1893,
pp. 70-76) la sculpture représente non pas l'épisode de Géryon, mais
celui de Cacus (p. 74 sq.).
284- APOLLODORE II, 63-64 = Π, 4, 9.
285- APOLLODORE Π, 63-64 = II, 4, 9. Pour Apollodore, c'est de la
dépouille de ce premier lion que se revêt le héros et c'est de sa tête qu'il
se sert, en guise de casque. Selon le scholiaste de Théocrite (XIII, 6)
Héraclès aurait tué trois lions celui de l*Hélicon (ou de Cithéron), celui
de Lesbos, celui de Némée.
286- APOLLODORE II, 67-70 = II, 4, 1 1.
287- SOPHOCLE, Trachiniennes, 1092.
288- APOLLODORE, II, 77 = II, 5, 2.
289- EURIPIDE, Héraclès, 377.
290- APOLLODORE, II, 83 = 11, 5, 4.
291- APOLLONIOS DE RHODES, Us Argonautiques, IV, 1337-1342.
292- Epigramme d'ARCfflAS dans YAnthologie de Planude, 92 : "Dans
les champs de Némée, ne tremblez plus, paysans, au profond
rugissement du lion qui dévore les taureaux ; le voilà terrassé :
Héraclès le champion lui a serré la gorge dans ses bras tueurs de
fauves. Relâchez vos troupeaux : que de nouveau Echo qui hante le
vallon solitaire entende leur mugissement".
293- La région où paissent les troupeaux d'Augias est d'ailleurs une région
agricole "vouée principalement à l'élevage et, ce qui est plus
exceptionnel en Grèce, apte à l'élevage des bovins". R. BALADIE, Le
Péloponnèse de Strabon, étude de géographie historique, Paris, 1980,
p. 187.
294- APOLLODORE, Π, 88 » Π, 5, 5.
295- Dans le premier chapitre de cette quatrième partie.
296- D'où le nom d'Héraclès léontophonos que, depuis l'édition de
Calliergis, porte cette idylle. Cf. Ph. H. LEGRAND, Bucoliques
Grecs, t. Π, Paris, 1953. Notice à la XXème idylle, p. 8. Dans la
vulgate du mythe existe, sur un autre plan, cette admiration de Phylée
pour Héraclès, puisque, dans le conflit qui, au sujet de misthos,
oppose son père au héros, il prend parti pour ce dernier
(APOLLODORE II, 88-90, H, 5, 5). Rappelons à ce sujet que,
présentant Phylée comme émigré à Doulichion "par courroux pour son
593

père" (Iliade II, 627-630), Homère paraît avoir connu cette version du
mythe.
297- THÉOCRITE, Idylle, XXV. Cette idylle, qui ne figure que dans
quelques manuscrits, n'est pas donnée dans l'édition des Belles Lettres
(E. LEGRAND, Bucoliques Grecs, I, Théocrite, Paris, 1925). Le
texte, d'ailleurs, pose problème ; on a voulu y voir les fragments
d'une oeuvre consacrée à Héraclès ; d'aucuns ont même évoqué à leur
sujet Pisandre de Rhodes (REISKE), ce qui paraît pour le moins
douteux ; voir à ce sujet la notice de Ph. H. LEGRAND, op. cit.,
pour qui la facture de l'idylle est hellénistique et ne diffère "en rien
d'essentiel" d'une oeuvre de Théocrite. Notre traduction est fondée sur
l'édition anglaise, avec traduction et commentaire de A.S.F. GOW,
vol. I, Cambridge, 1952. Pour la description des troupeaux voir les
vers 85 à 95. Selon Lucien (Pseudomantis, 1), Augias aurait eu trois
mille boeufs.
298- APOLLODORE, Π, 106 = IL 5, 10.
299- Nous aurons, bien sûr, à revenir sur ces pâturages où paissent aussi
bien les boeufs de Géryon que ceux d*Hadès.
300- Selon POMPONIUS MÊLA (II, 5) qui rapporte l'anecdote de la pluie
de cailloux sur la Crau, ces deux chefs s'appelaient Albion et Bergius.
Cf. encore ANTONINUS LIBERALIS, Recueil de métamorphoses,
qui rapporte que "les Celtes ont combattu Héraclès, pour lui enlever
les génisses de Géryon, d'après NICANDRE et ATHANADAS".
301- D'après M. LE LANNOU, cité par L. GALAND, Le vol de bétail dans
le monde méditerranéen, Gli interscambi culturali e socio-economici
fra l'Africa settentrionale e VEuropa mediterranea, Actes du Congrès
International d'Amalfî (1983), éd. L. SERRA, Naples, 1986, pp.
369-378. C'est à L. Galand que nous empruntons les deux exemples
suivants.
302- Cf. L. GALAND, loc. cit., p. 371.
303- HOMERE, Odyssée, XIV, 100-108.
304- HOMERE, Iliade, XI, 669-761.
305- DIODORE DE SICILE, IV, 36, 3. Nélée exigea ce présent de ceux qui
recherchaient sa fille en mariage. C'est, on le sait, Mélampous qui
obtint les boeufs dlphiclès pour son frère Bias qui les remit à Nélée.
Cf. aussi APOLLODORE qui précise que ces boeufs d'Iphiclès se
trouvaient à Phylaque.
306- APOLLODORE, II, 54-56 «11,4,6 (le passage est, dit le scholiaste,
tiré d*Hérodore). Cest pour rejoindre l'un des boeufs qui s'était échappé
qu'Amphitryon, jetant une massue, frappe accidentellement Electryon
594

et le tue. Sous ce prétexte, Amphitryon est chassé de toute l'Argolide,


des royaumes de Mycènes et de Tirynthe, et doit s'exiler à Thèbes.
Dans le Bouclier d'Héraclès, il est déjà question de la mort dElectryon
à la suite d'une dispute éclatée au sujet des boeufs.
307- On se reportera, sur ce point, au premier chapitre de notre quatrième
partie. Suivant HOMERE, PHÉRÉCYDE (Scholie à HOMERE,
Odyssée, 21-23), SOPHOCLE (Jrachiniennes, 270) et DIODORE DE
SICILE (IV, 31, 5-8), c'étaient des juments et non des boeufs que
recherchait Iphitos.
308- Hymne homérique à Hermès, 68-141. Cf. Norman O. BROWN,
Hermès the thief, New-York, 1947. Citons encore le vol des troupeaux
du soleil dans YOdyssée, XII, 339.
309- Cf. B. LINCOLN, The Indo-European cattle-raiding myth, History of
religion, XVI, 1976, pp. 42-61 ; P. WALCOT, Cattle-raiding,
Heroic Tradition and Ritual : The Greek évidence, History of religion,
XVm, 1979, pp. 326-351.
310- Cf. B. LINCOLN, loc. cit., pp. 62-65 qui donne de nombreuses
références. Cf. encore, pour une étude du vocabulaire : F. BADER,
De 'protéger' à 'razzier' au néolithique indo-européen : phraséologie,
étymologies, civilisation, Bulletin de la Société de linguistique de
Paris, 73, 1978, pp. 103-219.
311- II faut, sur ce point, se reporter à notre prologue pp. 58 sq. et à notre
troisième partie pp. 393 sq..
312- J. BAYET, Origines, ... op. cit., 1ère partie : l'Italie héracléenne du
Vlème au FVème siècles.
313- PAUSANIAS, V, 14, 1.
314- PAUSANIAS, V, 13, 8.
3 15- Pour S. REINACH, cette Héra Lacinienne, protectrice du bétail, était
peut-être, à l'origine, une déesse-vache (RHR, 1914, p. 51). Cf. aussi
J. BAYET, op. cit., p. 410. Cf. enfin supra note 230 et infra note
498.
3 16- Nous reviendrons sur ce mythe dans notre épilogue : De l'Héraclès grec
à l'Hercule romain.
3 17- Voir infra, notre épilogue.
318- DENYS D'HALICARNASSE, Antiquités romaines, I, 40 et
DIODORE DE SICILE, IV, 21.
319- Cf. J. TOUTAIN, Observations sur le culte d'Hercule à Rome, REL,
1928. pp. 200-212, singulièrement p. 208.
320- SERVIUS, Commentaire sur l'Enéide, Vffl, p. 83.
321- ATHÉNÉE, Deipnosophistes, IV, 153, c et d.
595

322- PLUTARQUE, Sylla, 35 et Crassus, 12.


323- DIODOREDESICILE,IV,21,4.
324- MACROBE, Saturnales, ΠΙ, 6, 1 1. Sur le banquet on lira les articles
de P. SCHMITT-PANTEL, Banquet et cité grecque. Quelques
questions suscitées par les recherches récentes, MEFRA, 97, 1985, 1,
pp. 135-158 ; J. SCHEID, Sacrifice et banquet à Rome : Quelques
problèmes, ibid, pp. 193-206 et O. MURRAY, Symposion and
Mànnerbund, Concilium Eirene XVI, op. cit., I, pp. 47-52.
325- J. TOUT AIN, loc. cit., donne de nombreux témoignages de ce culte
dans la région de Sulmona.
326- F. VANWONTERGHEM, loc. cit., pp. 36-48.
327- On trouvera une étude détaillée des sources de la légende de Cacus dans
le livre déjà ancien de P. HUVELIN qui l'appréhende sous l'angle du
droit : Etudes sur le Furtum dans le très ancien droit romain, Lyon/
Paris, 1915 (il existe une seconde édition Rome, 1968) chapitre Vu :
la chasse au voleur vers le début du Vllème siècle U.C. Pour une vue
plus récente, cf. A.M. ADAM, Monstres et divinités tncéphales dans
l'Italie primitive, MEFRA, 97, 1985, pp. 577-609.
328- SERVIUS, Commentaires sur l'Enéide, VIII, 190.
329- SERVIUS, Commentaires sur l'Enéide, VIII, 203.
330- Pour P. HUVELIN (pp. 309-310) ces Libri Pontificalium sont
l'oeuvre "d'un auteur du nom de Veranius, qui vivait à la fin de la
République". Il aurait emprunté lui-même l'histoire de Cacus à un
écrivain antérieur, et les deux versions rapportées par YOrigo gentis
Romanae seraient à peu près contemporaines.
331- P. HUVELIN, op. cit., p. 309.
332- S. FERRI, Mostri inferi délie stèle daunie, RAL, XXIV, 1969, pp.
133-153 et G. PUCCIONI, Hercule Trikaranos nell Origo gentis
Romanae, Scripta Untersteiner, 1970, pp. 235-239.
333- Nous reviendrons sur ce sujet dans notre épilogue.
334- LUCIEN, Icaroménippe ou le voyage au-dessus des nuages, 27.
335- CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Protreptique, Vu, 76, 5.
336- Cf. la description que donne le poète comique ÉPICHARME, dans son
Busiris, d'après ATHÉNÉE, 411, a et b. Voir supra p. 301 et note
392 p. 345.
337- ION, Omphale,T.G.F., 737 d'après ATHÉNÉE, X, 411, b.
PINDARE, PL.G., 457 d'après ATHÉNÉE, X, 411, c. Cf. aussi,
infra note 341. Voir A. PUECH, Pindare, IV, Paris, 1923, fragments
d'origine incertaine, n° 48 : "Ils placèrent sur les charbons les corps
encore chauds des deux boeufs et les faisaient cuire au feu : alors
596

j'entendis les viandes bruire et craquer sourdemment les os".


338- ATHÉNÉE, X, 411, c. La mouette est dite βούφαγος· Cf. encore
ATHÉNÉE IV, 164, b. pour la gloutonnerie d'Héraclès, qui, parmi les
livres, lui fait choisir un traité de cuisine.
339- Cf. ATHÉNÉE, XIV, 656, b, qui cite STRATTIS dans Callippides
(cf. aussi ARISTOPHANE, Grenouilles, 549-578) et ARCHIPPOS
dans Héraclès se marie.
340- ATHÉNÉE, Vu, 276, f. τους- βόεια 'εσθΐοντας- olbç Την
'Ηρακλής· ; Héraclès est dit βουθοΐνας- (Anthologie de Planude,
123), Βούφαγος* (Anthologie Palatine, IX, 59), δαμαληφάγος·
(Anthologie Palatine, IX, 237).
341- Suivant PINDARE, cité par PHILOSTRATE, Imagines, Π, 24.
342- ARISTOPHANE, Us Grenouilles, 506.
343- ATHÉNÉE, X, 412, a et b. ELIEN rapporte aussi cette histoire (Var.
Hist., I, 24).
344- PAUSANIAS, V, 5, 4.
345- PLUTARQUE, Questions grecques, 58.
346- HOMERE, Iliade, XIV, 250 et XV, 28.
347- APOLLODORE, Π, 137 = Π, 7, 1. L'anecdote était déjà connue de
Phérécyde et de Pindare.
348- Cf. supra, notre troisième partie.
349- APOLLODORE, Π, 118 = Π, 5, 11. Cette légende est également
rapportée par ORIGENE, Contre Celse, VII, 54, 1-9, par
LACTANCE, Des Institutions divines, 1, 21. CONON, qui en fait état
dans ses Narrations (XI) transmises dans la Bibliothèque de
PHOTTUS, 186 (JACOBY, F. Gr. Hist., 26 F 1 1), ajoute qu'Héraclès
avait avec lui son jeune fils Hyllos, ce qui, plus encore que dans les
autres versions, rapproche l'épisode de celui qui, chez les Dryopes,
oppose Héraclès à Theiodamas.
350- PHILOSTRATE, Imagines, II, 24. Il en est de même pour AMMŒN
MARCELLIN, XXII, 12, 4. Cf. aussi la note précédente.
351- CONON, Narrations, XI, cf. note 349.
352- APOLLODORE, Π, 153 = Π, 7, 7.
353- APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, 1, 121 1-1221.
354- SCHOLIE à APOLLONIOS, I, 1212. D'après E. CLAVIER,
(Bibliothèque d'Apollodore, op. cit., Π, pp. 320-321) le scholiaste
s'inspirerait "peut-être" de PHÉRÉCYDE. Aucune preuve ne vient,
hélas, appuyer cette affirmation, si ce n'est, peut-être, la mention des
Dryopes que donnait PHÉRÉCYDE (F. Gr. Hit 3 F 19) : un
ληστρικόν fôvoç.
597

355- Cf. E. CLAVIER,Bibliothèque d'Apollodore, op. cit., Π, p. 287.


356- Dans le fragment 7, 19 sq., le poète demande à la muse pourquoi les
deux sacrifices s'accomplissent sous les injures ; dans les fragments
22 et 23 la muse répond sur le point du sacrifice lindien. Cf. R.
PFEIFFER, Kallimachosstudien ; cf aussi J.H. CROON, Héraclès at
Lindus, Mnemosyne, VI, 1953, pp. 283-297 qui donne le texte des
fragments et une bibliographie complète.
357- Cf. CALLIMAQUE. Ed. et traduit par E. COHEN, Paris, Les Belles
Lettres, 1961, Les Origines, VI, Héraclès et Theiodamas. Le poète
chante Hyllos "rageant de faim" tirant et arrachant les poils de la
poitrine de son père, Héraclès s'adressant "sur le champ aux trois
labours" au vieillard Theiodamas, "qui faisait paître son attelage". Et,
si le texte de la requête est perdu, on sait qu'elle fut vaine, puisque le
Dryope répond qu'il ne peut nourrir "tous ceux qui passeront, affamés,
devant sa charrue". Après une importante lacune, nous retrouvons
Theiodomas "lançant ses injures" et le héros les écoutant "tout autant
qu'un Selle, sur les monts du Tmaros, écoute le bruit de l'onde
icarienne, ou que les oreilles de jeunes prostitués se soucient d'un
amant pauvre...".
358- Cf. J.H. CROON, loc. cit., pp. 287-288. Ce qui bien sûr intéresse
J.H. CROON, c'est que le nom lui-même parait dériver de sources
chaudes, sources chaudes elles aussi présentes dans la région de l'Oeta,
(aux Thermopyles, par exemple). Thermydres pourrait être identifié
avec l'actuel Porto Paradiso (p. 288).
359- CONON, XI (cf. supra note 349).
360- LACTANCE, Div. Inst, I, 21, (= C.S.E.L., XIX, Vienne, 1890, p.
84 sq.). "illum sibi amarissime conviciantem cum risu et cachinnis
audiebat.. quot negaret se umquam epulatum esse jucundius".
361- PHILOSTRATE, Imagines, Π, 24,
αγαθοί Se έμπυρεύσασθαι και βόλιτοι.
362- PHILOSTRATE, Imagines, Π, 24.
άποπειρώμενο? των σαρκών εί μαλάττονται ήδη.
363- PHILOSTRATE, op. cit.,
και μόνον ουχί έγχαλων ώς· βραδεΓ τψ πυρ{.
364- PHILOSTRATE, op. cit.,
6 δέ 'Ηρακλής· το μέν έρρωμένον ttjç διανοίας έπϊ τον
βουν έχει.
365- LACTANCE, Div. Inst. 1, 21, 31-37, op. cit..
366- GRÉGOIRE DE NAZIANGE, IV, 77, 103, 122 (= MIGNE, P.G.,
XXXV, 604, 640, 661). Cf. Anthologie de Planude, 123. Voir aussi
598

J.H. CROON, loc. cit., pp. 288-289 et note 7. et ici même note 340.
367- On se rappellera qu'Apollonios ne voit, dans la querelle qui oppose
Héraclès et Théiodamas pour le boeuf de labour, qu'un prétexte pour
porter la guerre chez les Dryopes. La faim n'est plus ici que parabole,
médiation par laquelle passe la fonction acculturante du héros.
368- τφ Σποδιφ (Loéb, IV, p. 220) et non Πολιφ (Clavier, V, p. 65).
369- PAUSANIAS, IX, 12, 1. (έργάτας· βοΰς·).
370- Scholie au vers 132 des Phénomènes d'ARATOS. Cf. édition
MARTIN, p. 138.
371- Cf. K. MEULI, Griechische Opferbrauche, Phyllobolia, Festschrift P.
von der Mûhll, 1946, pp. 185-288 (et C.R. par A.J. FESTUGIERE,
REG, 59-60, 1946, pp. 447455) ; W. BURKERT, Homo necans,
The Anthropology ofAndent Greek sacnfidal Ritucd and Myth, éd. de
1983 (Berkeley/Los Angeles) p. 16 (1ère édition Berlin, 1972). Pour
mieux comprendre cette "comédie de l'innocence" qu'éclairent bien
certains travaux anthropologiques, on pourra se reporter au livre de E.
LOT-FALCK, Les rites de chasse chez les peuples sibériens, Paris,
1953. On y voit bien le sentiment de culpabilité du chasseur, qu'il
s'agisse de restrictions verbales pour dissimuler le meurtre : on
"arrête" l'ours, on "fait descendre" l'oiseau (chez les Bouriates), le fusil
est nommé "la baguette" , et la balle destinée à l'ours porte le nom
altaïen qui, dans la vie courante, désigne le cadeau fait par le jeune
homme à sa fiancée etc... Qu'il s'agisse de la volonté manifeste du
chasseur de ne jamais porter seul la responsabilité du meurtre (on
pense, évidemment aux Bouphonies !) : les Yakoutes, au moment de
la mise à mort, tirent tous en même temps sur l'ours ; le chasseur
Votiak a, pour sa part, recours à une tierce personne pour donner le
coup de grâce à l'animal pris au piège ; le Toungousse, avant de
manger l'ours, lui assure que c'est une flèche, une hache, un fusil,
"faits par les Russes" qui l'a exterminé... etc. Pour une bibliographie
du sacrifice, cf. J. SVENBRO, Bibliographie du sacrifice grec, La
cuisine du sacrifice en Grèce ancienne, Paris, 1979, pp. 309-323.
372- On se référera bien entendu au livre collectif : La Cuisine du sacrifice
en pays grec, M. DETIENNE, et J.P. VERNANT éditeurs, Paris,
1979 ; à l'article de JP. VERNANT, Théorie générale du sacrifice et
mise à mort dans la θυσία grecque, dans Entretiens sur l'Antiquité
classique : le sacrifice dans l'Antiquité, XXVII, Genève 1980, pp. 1
à 21, discussion pp. 33 à 39 et, plus particulièrement aux études
proposées par J.L. DURAND, Le corps du délit, Communications,
XXVI, 1977, pp. 46-61; Le rituel du meurtre du boeuf laboureur et les
599

mythes du premier sacrifice animal en Attique, // mito greco, op. cit.,


pp. 121-134, et tout récemment, Sacrifice et labour en Grèce
ancienne, essai d'anthropologie religieuse, Paris/Rome, 1986. Pour un bilan
et une étude bibliographique de ces recherches on se reportera à la "note
critique" de N. LORAUX, La Cité comme cuisine et comme partage,
Annales ESC, Juillet- Août 1981, pp. 614-622 et à la recen- sion de P.
SCHMITT-PANTEL, Banquet et Cité grecque. Quelques questions
suscitées par les recherches récentes, MEFRA, 97, 1985, pp. 135-158.
373- Pour trouver une analyse détaillée des sources du mythe étiologique et
du rite on se reportera à l'étude de J. BOUFFARTIGUE qui précède
l'édition et la tradition du livre Π de PORPHYRE, De l'abstinence,
Paris, Belles Lettres 1979 pp. 51-58. L'auteur compare en particulier
le témoignage de THÉOPHRASTE (dans PORPHYRE, D.A., II,
29-30) et celui de PAUSANIAS, I, 24, 4. Il donne également une
bibliographie étendue sur la question des Bouphonies (note 1 p. 52).
374- PORPHYRE, De l'Abstinence, Π, 31, 1 ; II, 31, 2.
375- PORPHYRE, De l'Abstinence, Π, 25, 1 ; II, 25, 3.
376- PORPHYRE, De l'Abstinence, IV, 15.
377- G. BERTfflAUME, Les rôles du mageiros, Etude sur la boucherie, la
cuisine et le sacrifice dans la Grèce ancienne, Leiden, 1982. Préface de
M. DETIENNE pp. IX-XX. Récit de Porphyre, p. IX, citation p. XI.
378- M. DETIENNE, op. cit. (préface) p. XII.
379- Dans la version de Théophraste, exposée supra.
380- Cf. notre intervention au colloque de Rouen, en 1982 (op. cit., ) après
la communication de J.L. DURAND et F. LISSARRAGUE, Héros
cru ou hôte cuit ; Histoire quasi cannibale d'Héraklès chez Busiris,
pp. 153-167 ; discussion pp. 180-181.
381- Sur le partage du boeuf par Prométhée on se reportera aux travaux de
JP. VERNANT, à l'article donné dans la Cuisine du Sacrifice, op.
cit., par exemple : A la table des hommes, pp. 37-132.
382- Anthologie de Planude, op. cit., 101, 3 :
βουν άρότην έλχοντα καΐ άντανύοντα χορύνην.
383- CALLIMAQUE, Origines, VI, 23 :
αστέρα, ναι χεράων £ηξιν άριστε βοών.
384- "Mais l'immolation il ne l'a pas dépeinte", dit-il de l'artiste qui a
représenté la querelle avec Théiodamas, et aussitôt il imagine une
explication :"Sur les lèvres de Théiodamas, peut-être a-t-il placé un cri
plaintif et, à l'entendre, Héraclès lui a fait grâce". Dans les
Argonautiques d'APOLLONIOS de RHODES, en revanche, au cours
du sacrifice. - parfaitement conforme aux usages - qu'offrent les
600

Argonautes à Apollon avant leur départ, Héraclès est chargé


d'assommer l'un des deux boeufs et "le frappe en pleine tête sur le
front", 1, 425-428.
385- ANTONINUS LIBERALIS, Recueil de Métamorphoses, ΧΠ, Cycnos.
Cette légende est également évoquée par OVIDE, Métamorphoses, Vu,
371-381.
386- ANTONINUS LIBERALIS, Cycnos, XII, 2.
387- ANTONINUS LIBERALIS, Cycnos, ΧΠ, 7.
388- La pièce est à ajouter au dossier des rapports entretenus par Héraclès
avec l'initiation des jeunes gens. On se reportera à notre troisième
partie.
389- ANTONINUS LIBERALIS, XII, 8... la mort du jeune homme
remplace ainsi la mort du taureau. Mort initiatique ? on connaît
l'importance "des sauts dans la mer" dans les légendes de ce type (et
peut-être des rituels d'immersion correspondants). Sur la localisation de
l'épisode voir les notes pp. 98 à 100.
390- Cf. F. BROMMER, Vasenlisten ... , p. 155. Dans XIdylle XXV du
Pseudo-Théocrite Héraclès dompte également le taureau Phaéthon
(138-152).
391- PAUSANIAS, Vm, 19, 2. L'usage concerne "les hommes"(fiv6peç).
392- IG l2 84 ; SOKOLOWSKI, Lois sacrées des cités grecques, 1969, n°
13. cf. aussi, H.W. PARKE, Festivals of the Athenians, 1977 et J.
RUDHARDT, Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes
constitutifs du culte dans la Grèce classique, Genève, 1958, p. 261 et
notes 4 à 8.
393- Parmi les éloges adressés aux éphèbes à la fin de leur service,
celui-ci : "Ils ont courageusement soulevé les boeufs pour les
Eleusinies" (IG itf 1028 1. 10 et 28 ; 1029 1. 7 et 16 etc... (cf. J.
RUDHARDT, op. cit., p. 261).
394- THÉOPHRASTE, Caractères, XXVII, 5. L'usage de "soulever le
boeuf" est encore attesté par EURIPIDE, Hélène 1561 sq., Electre,
813 sq.. C'est probablement cet usage que représente une amphore à
figures noires (v. 550) retrouvée dans les réserves du musée de Viterbe
et décrite par J.L. DURAND (un vase sacrificiel inédit, REG,
472-474, t XCDC, 1986, p. XVIII) : un bovidé, porté sur les épaules
de sept personnages barbus, est maintenu en extension, par deux autres
pendant que deux desservants (dont l'un porte la makhaira ) s'apprêtent
à immoler l'animal.
395- Cf. M. DETIENNE, Pratiques culinaires et esprit de sacrifice, La
cuisine du sacrifice, op. cit., pp. 7-35, singulièrement p. 19.
601

396- APOLLODORE, Π, 118 = Π, 5, 11.


397- APOLLODORE, II, 153 = II, 7, 7.
398- J. CASABONA, Recherches sur le vocabulaire des sacrifices en Grèce,
des origines à la fin de l'époque classique, Gap, 1966, p. 131.
399- J. CASABONA, op. cit., p. 132.
400- J. CASABONA, op. cit., p. 157.
401- Cf. les exemples donnés par J. CASABONA, op. cit., p. 157-158.
402- Cf. J. CASABONA, op. cit., p. 167 et 168. Plus étonnante d'ailleurs
est l'affirmation - contredite ici - que "les composés ne s'emploient
qu'à propos d'êtres humains" (p. 168). Ce n'est pas notre objet, mais
on pourrait en tirer d'intéressantes remarques sur le statut du boeuf de
labour, à la limite, vraiment, de celui de l'animal bon à sacrifier ; le
vocabulaire ici renforce la leçon du mythe.
403- J. CASABONA, op. cit., p. 347.
404- Cf. J.L. DURAND, Bêtes grecques, La cuisine du sacrifice, op. cit.,
pp. 131-165.
405- APOLLODORE, Π, 83 « Π, 5, 4. Il est vrai que le passage est quelque
peu équivoque car αυτός· δέ ώμοΐς* 'εχρητο pourrait aussi se
rapporter à Pholos (et serait ainsi plus logique de la part des centaures).
Restent que certaines gloses précisent qu'il s'agit bien d'Héraclès. On
peut, sur ce point, se reporter aux notes de E. CLAVIER,op. cit., Π,
p. 262 note 6. En revanche, l'argument présenté par Cl. BERARD au
colloque de Rouen (discussion, op. cit., p. 187) ne peut être retenu :
la présence d'un autel allumé devant la caverne sur le petit skyphos
corinthien qu'il appelle à témoigner prouve qu'on rôtit des viandes, ce
que dit Apollodore, mais ne condamne en rien un éventuel refus
d'Héraclès.
406- HÉRODOTE, IV, 60. "il étrangle la bête sans allumer de feu, sans
consacrer la victime, sans faire de libations.. .".Cf. F. HARTOG, Le
boeuf autocuiseur et les boissons d'Ares, La cuisine du sacrifice, op.
cit., pp. 251-259.
407- Louvre F 338, ABV 536 (35), Vasenlisten, op. cit., 176, cf.
Catalogue de l'exposition de Rouen : Hommes, dieux et héros de la
Grèce, n° 103, reproduit ici fig. 34-2.
408- Pour une mise en image des instruments du sacrifice et du déroulement
habituel de la thusia, on se reportera aux figures 1 à 19 de l'article de
J.L. DURAND, Bêtes grecques..., loc. cit. ; on consultera également
les planches 5 à 7 de l'ouvrage de G. BERTHIAUME, Les rôles du
ma g air os, op. cit., sur lesquelles on pourra remarquer la même
technique d'embrochement à l'oeuvre sur la trapeza . Sur l'absence de la
602

trapeza dans l'espace où sacrifie Héraclès cf. J.L. DURAND, loc. cit.,
p. 180 ou encore p. 153 dans les Actes du Colloque de Rouen, op.
cit., Image et céramique grecque.
409- Cf. J.L. DURAND, Du rituel comme instrumental, dans La cuisine du
sacrifice, op. cit., p. 180.
410- CONON, Narrations, XI, 'Ηρακλής- 8è χαλεπήvac èVa των
βοών κατασφάζας- αυτός* τε θοιναται και τω παιδί
δΐδωσιν.
411- LACTANCE, Div. Inst., I, 21.
412- J.P. VERNANT, loc. cit., (Fondation Hardt), p. 6.
413- PORPHYRE, De l'abstinence, II, 25, 3 et 7.
414- J.P. VERNANT, Manger au pays du soleil, La cuisine..., op. cit., pp.
239-249.
415- HOMERE, Odyssée, 1, 5-9, et XII, 312-449.
416- HOMERE, Odyssée, ΧΠ, 395-396.
417- HOMERE, Odyssée, 1,9; cf. aussi XII, 419.
418- On en trouvera la reproduction dans l'article de R. BLATTER,
Herakles beim Gelage, Archàologischer Anzeiger, 91, 1976, pp. 49-52
(reproduction p. 51).
419- La massue est appuyée contre le lit ; sous le lit une peau de bête
avait (elle ressemble à la peau d'une panthère) fait penser d'abord à
Dionysos.
420- Athéna, proche d'Héraclès, tourne la tête vers l'arrière, ce qui tendrait à
prouver qu'elle attend d'autres "invités".
421- Hymne homérique à Hermès, 130-135.
422- On se reportera, pour un parallèle avec le comportement d'Héraclès
dans le mariage qui, comme le dit J.P. VERNANT, "est à la
consommation sexuelle ce que le sacrifice est à la consommation de
nourriture carnée", à la belle étude de Ch. SEGAL, Mariage et
Sacrifice dans les Trachiniennes.AC, 44, 1975, pp. 31-53.
423- Hymne homérique à Hermès, 344. Sur le terme admetes qui désigne
ces boeufs divins, on se reportera à l'étude de L. KAHN-LYOTARD,
Le récit d'un passage et de ses points nodaux, // Mito Greco, op. cit.,
pp. 107-117, singulièrement p. 111 et note 22.
424- LYCOS DE RHEGION, cf. F. Gr. Hist., ffl B, 570 F 1 a (scholie à
ARISTOPHANE), 1 b (PHOTIUS). Cf. aussi, SUIDAS, s.v.,
Λαρινοι βοές*.
425- DIODORE DE SICILE, IV, 18, 3.
426- DIODORE DE SICILE, IV, 23, 4.
427- Cf. supra., le troisième chapitre de notre seconde partie.
603

428- DIODORE DE SICILE, IV, 24, 3 et 4.


429- Hymne homérique à Hermès, 70-72.
430- Hymne homérique à Hermès, 1 1 1. Ce feu n'est plus, comme celui de
Prométhée, le feu divin, volé et donné aux hommes, mais celui que,
grâce à une technique, on peut fabriquer. Sur ce sacrifice, cf. L.
KAHN-LYOTARD, Le récit d'un passage et ses points nodaux, //
mito greco, op. cit., pp. 107-117.
431- APOLLODORE ffl, 1 12-1 13 = ΙΠ, 10, 2.
432- Hymne homérique, 134-137. On trouve ici, en effet, mention de chairs
grasses et d'un nouveau feu allumé en dessous, allusion aux "chairs
bouillies" dont parle Apollodore ?
433- Hymne homérique à Hermès, 436.
434- Peut-être faut-il rappeler qu'en de multiples occasions Héraclès fonde
ou permet que se perpétuent des sacrifices : chez les Lacédémoniens,
par exemple, il sacrifie une chèvre à Héra Aigophage, "une coutume
pratiquée depuis ce temps-là" (PAUSANIAS, III, 15, 9). Selon
certaines traditions rapportées par Pausanias, l'autel de cendres
d'Olympie était son oeuvre (cf. supra, troisième partie) de même que
l'autel de Didyme, construit d'un mortier mêlé au sang des victimes :
PAUSANIAS, V, 13, 8 (Olympie) et V, 13, 11 (Didyme).
435- DIODORE DE SICILE, IV, 27, 3. Cf. aussi I, 67, 1 1 ; I, 88, 5 (dans
ces deux derniers passages Diodore doute fortement de l'existence de
Β us iris).
436- APOLLODORE, II, 1 16 * Π, 5, 1 1 : άφορία. On peut se demander
si traduire par sécheresse, comme le font J.L. DURAND et F.
LISS ARRAGUE, qui fondent leur analyse sur l'argument du "sacrifice
bloqué par la sécheresse et restauré par l'eau" n'implique pas un
glissement un peu aventureux (Héros cru ou hôte cuit... Image et
Céramique grecque, op. cit., pp. 153-167).
437- APOLLODORE, Π, 116 » II, 5, 11. Cf. déjà PHERECYDE, 3F17
(JACOBY) et Scholie à APOLLONIOS DE RHODES, IV, 1396.
438- Voir note 436 supra .
439- Loc. cit., pp. 156-157 fig. 3 et 4. Il s'agit d'une péliké à figures
rouges d'Athènes (MN 9683).
440- J.L. DURAND et F. LISSARRAGUE, loc. cit., p. 156.
441- Cf. tes travaux déjà cités de JP. VERNANT et de M. DETIENNE.
442- PINDARE, Isthmiques, IV, 51-61. On remarquera que, dans le récit
d'Apollodore, Busiris est donné comme fils de Poséidon. Nous avons
remarqué déjà, dans notre seconde partie, cette donnée très prégnante du
mythe : un Héraclès opposé aux divinités ou aux forces de la mer.
604

443- MACROBE, Saturnales,!, 31.


444- PISANDRE DE RHODES, Frg. 10 (Kinkel).
445- K. REINHARDT, Sophocle, traduction française, Paris, 1971 (1ère
édition : 1933). Sur les Trachiniennes, pp. 61-98 : "Nul rayon de
divinité ne vient délivrer Héraclès de ses maux et le transfigurer. La
théose reste hors-jeu, ne prend aucune part au destin humain qu'elle
nous présente. La délivrance des peines promise par les Trachirùennes
n'est point au sommet de l'Olympe, mais au sein de la mort".
446- Ch. SEGAL. Mariage et sacrifice dans les Trachiniennes, loc. cit., pp.
31-53.
447- La fin très noire des Trachiniennes inciterait à le penser : "l'avenir,
personne ne le connaît ; le présent, il fait notre douleur, il fait aussi
la honte des dieux... tout cela est l'oeuvre de Zeus" (1270-1272 et
1278).
448- Pour Diodore : devant les progrès de la maladie causée par la tunique
de Déjanire qu'avait revêtue le héros pour sacrifier à Zeus Kénaios,
Héraclès envoie consulter l'oracle de Delphes et c'est Apollon qui,
achevant de dicter le destin du héros, ordonne qu'on le transporte au
Mont Oeta et qu'on dresse le bûcher. Pour Apollodore comme pour
Sophocle, la décision est prise par le seul Héraclès. Divergence aussi
quant au personnage acceptant d'allumer le bûcher : Philoctète chez
Diodore (comme chez le scholiaste d'Homère ou chez Ovide) ; Poeas
(son père) "qui était venu là pour chercher ses troupeaux" pour
Apollodore. Tous deux reçoivent en récompense l'arc et les flèches du
héros.
449- DIODORE DE SICILE, IV, 38, 3 à 5.
450- APOLLODORE, Π, 160« Π, 7, 7.
451- Scholies à l'Iliade, Π, 724. Pour ces témoignages on se reportera à Y.
BÉQUIGNON, La Vallée du Spercheios des origines au IVème siècle,
op. cit., p. 206. Plus récemment, cf. J. BOARDMAN, Herakles in
extremis, Festschrift K. Schauenburg, Mayence, 1986, pp. 127-132 ;
pi. 21 et 22.
452- Peut-être pourrait-on être tenté de comparer ce dispositif avec ceux qui,
à Thasos comme à Chypre, ont été mis en rapport avec la pratique des
banquets sacrificiels (cf. notre première partie).
453- Cf. SOPHOCLE, Philoctète, 1431-1433. Sur ces fouilles de l'Oeta cf.
1'Αρχαιολογιχόν Δελτίο ν , V, 1919 (paru en 1922) et les
chroniques du BCH, XLIV, 1920, pp. 392-393 ; XLV, 1921, pp.
523-524; XLVI, 1922, pp. 513-514; XLVIL 1923, p. 522. Cf.
M.P. NILSSON, Fire-festivals in Ancient Greece, JHS, XLffl, 1923,
605

pp. 144-148. Cf. enfin, Y. BÉQUIGNON, op. cit., pp. 206-215.


454- BCH, XLVI, 1922, Chronique, p. 513. Sur le culte de Commode, cf.
par exemple, M.A. LEVI, Commodo ed Ercole, Omaggio a P. Trêves,
Padoue, 1984, pp. 195 sq..
455- BCH, XLIV, 1920, Chronique, p. 392 ; XLVII, 1923, Chronique, p.
513. Cf. encore Y. BÉQUIGNON, op. cit., p. 211.
456- Cf. BCH. XLIV, 1920 p. 393. Cf. Y. BÉQUIGNON, figures 1 et 2 de
la planche Vin.
457- BCH, XLIV, 1920, Chronique, p. 392 et n. 7.
458- V. BÉRARD, op. cit., p. 90.
459- On se reportera à notre première partie pp. 124-127; pp. 158-160.
460- Cf. FLAVIUS JOSEPHE, Antiquités Juives, VIII, 5, 3 qui au 1er s.
ap. J.C., cite MÉNANDRE ϋΈΡΗΕ8Ε (Illème et Ilnd siècles avant
notre ère) Cf. aussi Contre Apion I, 117-119. Sur cette fête, voir
essentiellement E. LIPINSKI, La fête de l'ensevelissement et de la
résurrection de Melqart, Actes de la XVIIIème rencontre
Assyriologique Internationale, Bruxcttes, 1969, Ham-sur-Heure, 1970.
On trouvera dans la thèse de C. BONNET (pp. 83-88 de l'exemplaire
dactylographié) le rappel des différentes théories (parmi lesquelles elle
retient, précisément, celle de E. LIPINSKI). On lira aussi l'étude
pleine d'intérêt des invectives d*Ezéchiel au Prince de Tyr (28, 1 , 19),
étude qui permet à l'auteur de montrer comment le prophète "associe
dans une même dénonciation le prince terrestre de Tyr et son roi
mythique... Melqart", de relever ses allusions au sanctuaire du dieu (les
stèles) et - ce qui, ici, nous intéresse - au rite du bûcher.
461- Le gymnasiarque Maphtan. Cf. E. LIPINSKI, loc. cit., pp. 30-31.
462- E. LIPINSKI, loc. cit., p. 57 et notes 3 et 4 de la même page.
463- Cf. G. COLONNA, M. PALLOTTINO, L. VLADBORELLI, G.
GARBINI, Scavi nel santuario etnisco de Pyrgi. Relazione preliminare
délia settima campagna, 1964, e scoperta di tre lamine d'oro inscritte
in etnisco e in punico, Archeologia classica, XVI, 1964, pp. 49-1 17 et
pi. XXV à XXXIX. Une table ronde leur a été consacrée : Le lamine
di Pyrgi, Rome, 1970. On trouvera une notice bibliographique
détaillée dans l'article cité de E. LIPINSKI, pp. 34-38. Les lignes 6 à 9
ont été traduites ainsi par J.G. FÉVRIER (A propos du hieros gamos
de Pyrgi, JA, 253, 1965, pp. 11-13) : "Parce que Astarté a été épousée
par ses soins (= de Tiberié) (en) l'année 3 de son règne. Dans le mois
de KRR au jour de l'ensevelissement de la divinité (= du dieu)". Disons
cependant que cette traduction, qui lie ainsi la déesse et le roi de la cité,
606

représentant du dieu, a été contestée par S. MOSCATI, Sull'iscrizione


fenicio-punica di Pyrgi, Rivista degli studi Orientait, 39, 1964, pp.
257-260.
464- Cf. supra, pp. 457-459.
465- Peut-être aussi certains témoignages, qu'ils soient archéologiques
(l'autel-foyer du sanctuaire de Kition-Bamboula, par exemple, cf. supra
pp. 147 sq.), qu'ils soient littéraires (cf PLINE, HJt. XXXVI, 39 ou
TERTULLIEN, Apologétique, XV).
466- L. GERNET, A. BOULANGER, Le génie grec dans la religion,
Paris, 1932, p. 10.
467- Cf. Y. BÉQUIGNON, op. cit., pp. 216-219. Sur les Daidala de
Platées, en l'honneur d'Héra, cf. PAUSANIAS, IX, 3, 1-4 ; sur les
fêtes de Tithorée, PAUSANIAS, X, 32, 14 ; sur les fêtes en
l'honneur d'Artémis Laphria,, cf. PAUSANIAS, Vu, 18, 8.
468- Y. BÉQUIGNON, op. cit., p. 219.
469- Y. BÉQUIGNON, op. cit., p. 219. Cf. aussi, L. GERNET, op. cit.,
p. 58.
470- Y. BÉQUIGNON, op. cit., p. 225.
471- MP. NILSSON, Mycenaean origin, op. cit., p. 193. Mais pourquoi
s'efforcer de démontrer les rapports d'Héraclès et de la végétation,
pourquoi rappeler l'importance de l'Héraclès dactyle, si ce n'est pas pour
conclure que ces rites agraires pouvaient lui appartenir en propre ?
472- Hymne homérique à Déméter, 231-262. Cf. Ch. PICARD, Les
bûchers sacrés d'Eleusis, RHR, 1933, 1, p. 150 sq.. Remarquons que
cette indépendance n'est que relative, l'Héraclès dactyle étant, quant à
lui, aussi bien à Olympie qu'en Béotie, fortement lié à Déméter.
473- CONON, Narrations, 17. Cf. PHOTIUS, Bibliothèque, 186.
474- APOLLODORE, 11,72 = 11,4,12.
475- ANDRON D'HALICARNASSE, F. Gr. Hist., 10 F 10 + Scholie à
Vlliade I, 52. Cf. W. BURKERT, Homo Necans, op. cit., p. 52 et
note 18.
476- J.P. VERNANT, A la table des hommes, Cuisine, op. cit., p. 66.
477- Elle était jusque là à la fois plus symbolique et plus concrète :
passage par le royaume des morts.
478- On se reportera à la conclusion de notre troisième partie.
479- RONSARD, sonnet 139 cité par M.R. JUNG, op. cit., p. 151.
480- Hymne homérique à Hermès, 436.
481- On se reportera à notre épilogue.
482- Cf. la description que nous avons donnée de l'Héracléion de Thasos
(pp. 157-162 et fig. 19) et du sanctuaire de Kition-Bamboula, en
607

particulier pp. ISO sq. Cf. peut-être aussi l'édifice non identifié de
l'Oeta. Sur le problème des repas rituels dans les sanctuaires cf. M.S.
GOLDSTEIN, The Setting of the Ritual Meal in Greek Sanctuaries :
600-300 B.C., Berkeley, (ni Thasos, ni Kition-Bamboula n'y figurent,
mais on lira pp. 333-342 la description du bâtiment Ouest (VII) de
Xhéraion d'Argos comme salle de banquet du sanctuaire).
483- Cf. au Cynosargues, voir supra p. 359.
484- F. de VISSCHER, Herakles epitrapezios, Paris, 1962.
485- Construisant son analyse du sacrifice d'Hermès dans l'Hymne
homérique sur l'opposition hiéros - hosios, L. KAHN-LYOTARD
(Joe. cit., Il mito Greco ) conclut "qu'Hermès ouvre une brèche dans le
mur qui sépare les deux espaces du sacrifice et passe" (p. 115). Une
fois de plus nous voyons se croiser les chemins du héros et du dieu.
486- La terrasse supérieure avec son mur cyclopéen paraît dater de la seconde
moitié du VlIIème siècle. Sur l'Héraion d'Argos on verra : Ch.
WALDSTEIN, The argive Heraeum I/II, 1902-1905 ; C.W.
BLEGEN, Prosymna : the Helladic Seulement preceeding the argive
Heraeum, 1937 ; A. FRICKENHAUS, Tiryns, I, 1912, pp. 114-120.
Cf. encore P. AMANDRY, Sur les concours argiens, Etudes
Argiennes, supplément BCH, VI, 1980, pp. 211-253 ; et du même
auteur : Le bouclier d'Argos, BCH, 107, 1983, pp. 627-634.
487- Sur le réaménagement du sanctuaire, et, en particulier sur le nouveau
temple construit dans la deuxième moitié du Vème siècle, cf. G.
MILLER, A/A, 77, 1973, pp. 9-10.
488- PAUSANIAS, II, 17, 1.
489- On a même pensé qu'Héra était l'héritière d'une déesse zoomorphe, ce
que réfute E. SIMON, Die Gôtter der Griechen, Munich, 1969, p. 35
sq. : les multiples découvertes des boeufs ou des taureaux ne doivent
pas être prises comme des représentations de la déesse, mais comme
attestation de ses offrandes préférées ; de même les maisons à abside
qui furent ses premiers temples et, et qu'en terre cuite, on lui offrait
comme ex-voto, seraient vraisemblablement des "étables" (p. 38)
agréables à recevoir pour une divinité protectrice des troupeaux.
490- Etymologicum Magnum, s.v. ΖευζιδΙα. Pour les rapports d'Héra
avec les génisses voir encore FARNELL, op. cit., I, p. 181 et COOK,
Zeus, I, p. \44sq..
491- HÉRODOTE, I, 31 ; PAUSANIAS, II, 20, 3.
492- PINDARE, Olympiques, Vu, 83, Néméennes, X, 22-23 (et scholies).
493- Cf. le terme βων qui dans l'Iliade, VII, 238 désigne le bouclier. Cf.
W. BURKERT, Homo necans, op. cit., p. 167 et note 26.
608

494- CALLIMAQUE, frg. 653. Cf. encore W. BURKERT, Homo Necans,


op. cit., p. 163 et note 9. Sur ces fêtes, connues par des inscriptions,
assez tardivement, alors qu'elles ont été "transportées" à Argos même
(où elles deviendront les Héraia ) voir les articles déjà cités de P.
AMANDRY (cf. supra note 486).
495- Euboia vient d'un très ancien mot grec : bous = boeuf et E. SIMON
(pp. cit., p. 44) fait remarquer qu'on retrouve cette étymologie dans le
nom de 111e d'Eubée où semble avoir existé un très ancien culte à
Héra ; dans celui de Béotie, également, où "la déesse glorieuse des
Eoliens" (ALCEE frg. 129 6 f. de Loebel-Page) était célèbre pour ses
fêtes, les Daidala.
496- E. SIMON, op. cit., pp. 35-45.
497- STRABON, V, 1, 9.
498- ΤΠΈ-LIVE, 24, 3, 2. Le temple d'Héra était entouré de grasses prairies
où toutes sortes de troupeaux "paissaient sans berger". Les panégyries
y amenaient les Grecs de toute l'Italie du Sud et de plus loin encore.
Sur l'importance de ce culte dans la confédération des cités grecques qui
prit le nom d'Italia, voir E. SIMON, op. cit., p. 45. Cf. encore supra
notes 230 et 315.
499- W. BURKERT, Homo Necans, op. cit., pp. 165-166.
500- Anthologie Palatine, IX, 237.
Xorfpoiç, Άλκείδα δαμαληφάγε, χαΐ τάδε φρουρεί δυλια
χήζ ολίγων μυριόβοια τϊθετ

NOTES DU TROISIEME CHAPITRE

501- G. BATAILLE, Théorie de la religion, op. cit., p. 66.


502- Cette insistance - si visible dès les poèmes homériques - à souligner
la différence entre les hommes mortels et les dieux "toujours vivants"
n'est pas particulière à la Grèce ; on la retrouve, profondément ancrée,
dans d'autres civilisations : dans l'Iran ancien, pour ne prendre qu'un
exemple, l'unique mot pour désigner "un homme" c'est martiya qui
signifie mortel ; l'humanité est dite "semence mortelle" et le père
mythique de l'humanité est Gayomard : "la vie mortelle". Cf. Ph.
GIGNOUX, Vie et mort en Iran ancien, La mort, les morts..., op. cit.,
p. 349.
503- M. DELCOURT, Légendes et cultes des héros en Grèce, op. cit., pp.
609

135-136.
504- Héraclès et Géras. Péliké du Louvre (G. 234), trouvée près de Capoue
ARV (2) p. 286-16 (vers 480-470).
505- Toutes les citations des notes 505 à 508 appartiennent au texte de la
version assyrienne : ici tablette VI d'après la traduction en langue
anglaise de S.N. KRAMER dans J.B. PRITCHARD, Ancient Near
eastern Texts, Princeton, 1950. Traduction proposée par M.
LETURMY, Dieux, héros et mythes, Paris, 1958. Notons encore ici
que le poème, pour dire la mort d*Enkidu, utilise cette périphrase Ta
atteint le destin de l'homme".
506- Tablette Vu, col. 3.
507- Tablette Vffl, col. 2.
508- Tablette Vu, col. 4.
509- Ce texte extrait de la tablette X (col 1 et col 4) est celui d'une ancienne
version babylonienne. Cf. Gilgamesh et sa légende, études recueillies
par P. GARELLI à la Vllème Rencontre Assyriologique
Internationale, Paris, 1960. On trouvera dans ce volume une
importante introduction bibliographique et une étude des différentes
versions de la légende.
510- On se reportera sur ce point à la rapide étude des sources que nous
avons faites dans notre prologue et, pour plus de précisions, au
chapitre "Retour aux sources" de notre seconde partie.
511- X Col. 1 (Version babylonienne).
512- Tablette XI.
513- On se reportera au récit du voyage vers Erythie chez APOLLODORE
(II, 106-112 = Π, 5, 10), aux menaces d'Héraclès contre le soleil et à
l'aide que finalement lui apportera ce dernier pour traverser l'Océan.
514- Ainsi E. CLAVIER ajoute vingt enfants à la liste déjà longue
d'Apollodore Π, 78 (et II noie 47 pp. 331-332) et selon ARISTOTE
(Hist Anim. VU, 6 ) Héraclès eut soixante-douze enfants dont une
seule fille.
515- DIODORE DE SICILE, IV, 29, 3. Pour APOLLODORE toutefois
(Π, 66 = IL 4, 10) Héraclès disposa de cinquante nuits.
516- J. BAYET, Hercule funéraire, MEFR, XXXIX, 1921-1922, pp.
219-266 et XL, 1923, pp. 18-102.
517- En 1926, dans la quatrième partie (chapitre ΙΠ) de son étude des
Origines de l'Hercule romain, Paris, 1926.
518- MEFR, loc. cit., chap. VII.
519- On pourrait contester, par exemple, que l'olivier ait toujours "une
signification infernale nette"... de même que l'eau, surtout quand elle
est contenue dans une amphore (cf. supra, p. 361 et note 39, pour
610

l'argumentation de D. EMMANUEL-REBUFFAT, loc. cit., Latomus,


pp. 473-488).
520- Chapitre VI.
521- Chapitres m et IV.
522- HÉSIODE, Théogonie, 21 1 sq.. Sur le catalogue des enfants de Nuit,
on consultera C. RAMNOUX La nuit et les enfants de la Nuit, Paris,
1959.
523- HÉSIODE, Théogonie, 215-216.
524- Cf. C. RAMNOUX, op. cit., p. 65.
525- HÉSIODE, Théogonie, 274-275, 276 ; 286.
526- HÉSIODE, Théogonie, 295-300.
527- HÉRODOTE, IV, 10,11.
528- HÉSIODE, Théogonie, 306-332.
529- HÉSIODE, Théogonie, 333-336. P. MAZON adopte une correction
apportée par WILAMOWITZ (σπείρησιν μεγάλης·). ML. WEST,
pour sa part, préfère revenir au texte des manuscrits (πείρασιν έν
μεγάλοι?).
530- A propos de DIODORE qui donne les deux versions (cf. tableaux V et
VI de la Deuxième partie) : pommes (IV, 26) ou brebis (TV, 27), nous
avons déjà évoqué ce double sens de μήλα. Il n'y a guère de raison de
préférer ici brebis, alors que les pommes d'or sont incontestablement
connues d'Hésiode (215-216).
53 1- H. FRÀNKEL, Dichtung und Philosophie desfrUhens Griechentums,
Un. de l'IUinois, 1951, pp. 139 à 151. Cf. aussi l'analyse de C.
RAMNOUX, op. cit., p. 83 sq..
532- C. RAMNOUX, op. cit., p. 84.
533- De façon un peu arbitraire nous confondons ici Pontos et Océanos.
534- "Dos Wechselnde und Ungestalte ". Cf. H. FRÂNKEL, op. cit.
535- HÉSIODE, Théogonie, 295-296.
536- Dans notre première partie.
537- Des "cartes-images", par opposition à la "carte-instrument" selon la
distinction introduite par G. KISH, La carte image des civilisations,
Paris, 1980. Cest en ce sens qu'il faut lire les représentations que nous
donnons fig. 1 : représentations circulaires dont la Grèce est le centre
et l'Océan la périphérie ; représentations symétriques aussi, donc
puissamment reconstruites, c'est-à-dire fortement imaginaires.
538- HÉSIODE, Théogonie, 295 ; cf. encore 300 (ύπό χεύθεσι γαΐης·)
βΐ304(ύπόχθόνα).
539- HÉSIODE, Théogonie, 334 (même expression qu'en 300).
540- Atlas est donc de la descendance de Terre (tes puissances positives dans
l'analyse de FRÂNKEL). Rappelons que, dans la séquence des
611

Hespérides, il est adjuvant et non pas opposant


541- HÉSIODE, Théogonie, 517-518. Hésiode écrit d'ailleurs πείρασιν
έν γα{τκ" "et ces limites de la terre", nous paraissent plus éclairantes
et plus riches encore.
542- Nous ne reviendrons pas ici sur l'épreuve qualifiante que représente
pour le héros cette lutte avec les monstres marins, ou avec ces "vieux
de la mer" qui comme Nérée, se métamorphosent et détiennent un
savoir qu'ils ne révéleront qu'au terme d'un combat. Cf. sur ce point D.
BRIQUEL, Vieux de la mer grecs et descendant des eaux
indo-européens, D'Héraklès à Poséidon, mythologie et protohistoire,
éd. R. Bloch, Genève/Paris, 1985, pp. 141-158. Cf. aussi G.
AHLBERG-CORNELL, Herakles and the Sea-Monster in Attic
Black-Figure Vase-Painting, Stockholm, 1984.
543- PHOTIUS, Bibliothèque, 186 (142 b). On se reportera sur ce point à
notre étude des sources dans la seconde partie.
544- PINDARE, Isthmiques, IV, 55-60. Pindare parle du fils d'Alcmène et
plus précisément du héros venu de "Thèbes la Cadméenne" (53), mais
nous avons vu dans le premier chapitre de cette quatrième partie
comment il avait su transformer le héros.
546- HÉSIODE, Théogonie, 294 : σταθμφ έν ήερόεντι. On se
reportera aussi à la note 56 du Prologue.
547- APOLLODORE, Π, 106-109 = Π, 5, 10.
548- APOLLODORE, Π, 125 = Π, 5, 12.
549- On se reportera supra, p. 28 1 .
550- J.H. CROON, The Herdsman of the Dead. Studies on Sortie Cuits,
Myths and Legends ofthe Ancient Greek Colonization Area, Utrecht,
1952.
551- Une dissertation sur les cultes, mythes et légendes des sources chaudes
dans le monde grec (Cambridge, 1950).
552- On trouvera, dans l'introduction de l'ouvrage de J.H. CROON, op. cit.,
les références qui font d'Héraclès le patron des sources chaudes (p.
6.7) ; les sites où est attesté le culte d'Héraclès (p. 7-8 et pour le
monde romain 9) et enfin une bibliographie commentée des auteurs
qui, tels P. FRIEDLANDER, L.R. FARNELL, O. GRUPPE, C.
ROBERT, H J. ROSE et surtout J. BAYET, ont étudié ces rapports
d'Héraclès et des sources chaudes (p. 9-11). On y ajoutera, pour la
Grèce R. GINOUVES, Balaneutike, Recherches sur le bain..., Paris,
1959, pp. 361-366 et pour l'Asie Mineure, la thèse de P. DEBORD,
Aspect sociaux et économiques de la vie religieuse dans l'Anatolie
gréco-romaine 1977 ; Pour Lindos : HJ. CROON, Mnemosyne, IV,
6, 1953 ; pour la Bithynie : L. ROBERT, OMS, I, Amsterdam,
612

1969, pp. 402-406 et Villes d'Asie Mineure, Paris, 1962, p. 401.


553- Cf. SUÉTONE, Tibère, 14, Cf. supra, dans notre deuxième partie p.
281 et note 261.
554- J.H. CROON, op. cit., p. 36.
555- Cf. p. 32 : "in view of the fact, observed above, that the story is
often localized near hot springs, we would not be surprised ifwefound
such springs ai Gadès. But the évidence for this is doubtful..."
556- On se reportera, sur ce point, à notre première partie. Il ne fait aucun
doute, pour nous, que la localisation à Gadès tient à l'existence
ancienne, en ce lieu, du sanctuaire du Melqart phénicien.
557- C'était déjà bien entendu : cf. WILAMOWITZ, op. cit., I, p. 45 et
65: ZWICKER, R.E., 1913, VIII, Col. 516-528; B.
SCHWEITZER, op. cit., p. 87 ; J. BAYET, loc. cit., F. BENOIT,
La légende d'Héraclès et la colonisation grecque dans le delta du Rhône,
Lettres d'Humanités, Vm, 1949, pp. 104-148. Cf. J.H. CROON, op.
cit., pp. 31-32 et note 18.
558- On rapprochera la théorie de J.H. CROON de l'hypothèse de A.W J.
HOLLEMAN, Larentia, Hercules et Mater Matuta (Tib. Π, 5) sur un
"bouvier de Dis" au Vélabre, AC, 1976, pp. 197-207.
559- Cf. J.H. CROON, op. cit., pp. 31-32.
560- Pour d'autres éléments dans cette discussion au sujet du bétail de
Géryon voir surtout HJ. ROSE, Chthonian Cattle, Numen, 1, 1954,
pp. 213-227.
561- C. GALLINI, Animali e al di là, SMSR, XXX, 1959, 1, pp. 65-81.
562- Pour les Esquimaux, cf. K. RASMUSSEN, Thulefahrt, Francfort,
1926, p. 245 ; F. BOAS, The Eskimos of Baffin land and Hudson
Bay, Vth Annual Rept. of the Amer. Mus. ofNat. Hist., XV, 1901,
pp. 109 sq.. Pour une bibliographie plus complète on se reportera à C.
GALLINI, loc. cit., p. 74 notes 56 et 57. Pour la Sibérie, cf. E.
LOT-FALCK, op. cit., singulièrement p. 123.
563- C. GALLINI, loc. cit., p. 81 propose de reconnaître dans l'aventure
d'Héraclès et de Géryon un schéma semblable : "lotta cioè, con una
figura più ο meno demoniaca, signora dell al di là e degli animali, e
sussequente concessione degli animali stessi".
564- W. BURKERT, loc. cit., (Il Mito greco) p. 279.
565- W. BURKERT, loc. cit., (Il Mito Greco) p. 281.
566- Pour M. ROBERTSON, cependant (Geryoneis : Stesichorus and the
vase-painters, The Classical Quaterly, XIX, 1969, pp. 207-221), cette
pyxide date du milieu seulement du Vllème siècle. Cf. encore C.
SMITH, JHS, 5, 1884, pp. 176-184, C et D ; H. PAYNE,
Necrocorinthia, Oxford, 1931, p. 130 ; F. BROMMER, Vasenlisten,
613

op. cit., p. 63 n° 3 et, en dernier lieu L. ΉΒΕΙΙΙ, Stesicoro e le


raffigurazioni vascolari délia Gerioneide, Archéologie classica, XXIX,
1, 1977, pp. 175-179) à qui nous empruntons sa représentation (Cf.
notre fig. 31.1, cf. encore p. 478 et note 277) réf. BM.65-7-20, 17.
567- Pour E. KUNZE, Olympische Forschungen, II Berlin 1950, p. 106 sq.
pi. 30, la représentation serait à placer entre le premier et le troisième
quart du Vlème siècle. M. ROBERTSON (loc. cit.) choisit le début du
Vlème siècle, peut-être même le Vllème siècle. Cf. notre frontispice.
568- On en dénombre plus de soixante. Une étude exhaustive aurait peu
d'intérêt après les recensions de F. BROMMER, op. cit., J.H.
CROON, op. cit., appendix B, et celles, plus récentes, de M.
ROBERTSON, de L. TIBERI. loc. cit., ou encore de Ph. BRIZE, Die
Geryoneis des Stesichoros und diefrûhe gnechische Kunst, Wurzburg,
1980.
569- Amphore d'Exekias (Louvre F 53) provenant de Vulci. Cf.
GERHARD, 197 ; CROON n° 6, représentée ici fîg. 37.
570- Amphore de Bassegio, maintenant à Londres. Cf. GERHARD 108,
CROON, n° 8. Ici fig. 38.
571- Cf. l'amphore attique à tableaux, et à figures noires du Musée du
Louvre, (F. 55), CVA, 3, pi. 15 ; Ph. BREE, op. cit., p. 185 n°
22 ; Hommes, dieux et héros de la Grèce, op. cit., pp. 228-229 et
figure 93 a (vers 540 avant J.C.) non représentée ici.
572- Amphore du Louvre (F 55), amphore de Paris (Cabinet des Médailles).
Cf. n° 1 représentée ici fig. 31.2.
573- GERHARD, 108 * CROON n° 8 ; représentée fig. 38.
574- Probablement ces images - gardons nous de toute sur-interprétation -,
étaient-elles communes sur de très réels boucliers, destinés de toute
façon à inspirer l'effroi, η semble bien malgré tout que la sélection qui
a été faite ne soit pas innocente et fortuite.
575- Cf. notre frontispice, voir p. 529 et note 567.
576- F 55/ Voir page 529 et note 572.
577- Coupe à figures rouges signée du potier Cachrylion et du peintre
Euphronios et datant de la fin du Vlème siècle (520-510) cf. J.
BOARDMAN, An. Red Fig. Arch., 26 1 et 2 ; CROON, n° 50
(Munich 2620). Notre fig. 32 représente, quant à elle, les troupeaux.
578- Cf. supra : Héraclès, protecteur des bouviers.
579- Sur la coupe d*Euphronios (Munich 2620) fig. 32 (représentation des
troupeaux) et p. 478-479. On notera quEuphronios a représenté Orthos
avec deux têtes et une queue terminée en tête de serpent. Cf. aussi
l'amphore chalcidienne de la fig. 31. 2.
614

580- On la verra, par exemple, identifiée par une inscription sur les deux
amphores chalcidiennes du milieu du Vlème siècle dont nous donnons
la représentation fîg. 31.2. et fig. 39.
581- PAGE, PMG, frg. 18 LGS, 56A, frg. 3. Mais était-ce une
innovation ? Pour Homère, on le sait (Iliade, VIII, 360-369) Athéna a,
de nombreuses fois, sauvé Héraclès "lorsqu'il était à bout de souffle au
cours des travaux dEurysthée".
582- Dans les fragments 1 1 , 19 et 25 du papyrus.
583- APOLLODORE, Π, 114 ■ II, 5, 11. Servius dans son Commentaire
de l'Enéide, 1, 484 dit qu'Hésiode l'enseignait ainsi. Cf. HÉSIODE frg.
360 (MERKELBACH-WEST, 1967).
584- Argonautiques, TV, 1399. Pour HELLANICOS (F. Gr. Hist., 4 F
1 10) Erytheia. est, de plus, la mère d'Eurytion.
585- PAUSANIAS, X, 17, 5. Norax était, assure-t-on, fils d'Hermès et
d*Erythie, fille de Géryon. PAUSANIAS est suivi par STEPHANE
DEBYZANCE.
586- PAUSANIAS, V, 19, 1.
587- ESCHYLE, Agamemnon, 870.
588- APOLLODORE, Π, 5, 10 = 11, 106.
589- Cf. Di. PAGE, L.G.S., Oxford, 1978, frg. 4.
590- Cf. D.L. PAGE, L.G.S. 56 (« PAGE, PMG 186).
591- Cf. DL·. PAGE, L.G.S. 56 (= PAGE, PMG, 186).
592- Cf. p. 478-479. Cf. fig. 31.2.
593- Amphore de Caere conservée au British Muséum (cf. WALTERS, Π,
Β 155), cf. RUMPF, op. cit., 10 et 47 n° 6-65 pi. 13-15, Cf. encore
GERHARD, Auserlesene ... op. ciL, pi. CCCXXIII, et CROON
représentée ici fig. 39.
594- Cf. supra, pp. 280-281 ; Cf. encore G.Q. GIGLIOLI, L'Arte etrusca,
Milan, 1935, pi. CCXLVffl.
595- Bronze conservé au Musée des Beaux Arts à Lyon (Inv. L. 1) cf. notre
figure 40. Cf. S. BOUCHER Bromes grecs, hellénistiques et étrusques
de Musées de Lyon, Paris, 1970, pp. 72-73, n° 50, qui le date de la fin
du Vlème siècle.
596- On trouvera d'autres exemples dans l'article de A.M. ADAM, Monstres
et divinités tricéphales dans l'Italie primitive, MEFRA, 97, 1985, 2,
pp. 577-609.
597- Cf. supra, p. 59 note 237 et surtout p. 487 note 332.
598- Cf. B. LIOU-GILLE, Cultes "héroïques" romains, Les Fondateurs,
Paris 1980, pp. 25-30.
599- Cf. supra note 596.
615

600- A.M. ADAM, loc. cit., p. 603.


601- Et, on le notera une fois de plus, plus d'indépendance qu'on ne le
pensait entre tradition littéraire et imagerie.
602- Sur ces problèmes de perception de l'image on se reportera à L.
MARIN, Etudes Sémiologiques, Paris, 1971 et aux travaux de G.
CHARRŒRE sur l'art scythe. La citation est empruntée à un article de
ce dernier, L'art barbare scythe. La Nouvelle Critique, n° 43, avril
1971.
603- O. BENNDORF, Griechische und sicilische Vasenbilder, Berlin,
1869-1893, pp. 87-88 et planche XXXXII. Le lécythe à figures noires
sur fond beige (avec rehauts de blanc et de rouge/brun pour le dessin)
provient de Gela.
604- P. HE YDEMANN range d'ailleurs cette représentation parmi les vases
humoristiques (Humorist. Vasenbilder, Berlin, 1870, 4).
605- DIODORE DE SICILE IV, 26, 4. (cf aussi les Tabula Albana, F. Gr.
Hist. 40 F 1 c). Pour Apollodore la quête des Hespérides et celle de
Cerbère font partie des exploits qu'ajoutera Eurysthée aux dix épreuves
qu'aurait dû accomplir Héraclès, parce qu' il avait disqualifié deux
d'entre elles. Ces deux derniers travaux apparaissent ainsi comme
renforçant le sens du dixième - qui aurait dû être le dernier - : la quête
des troupeaux de Géryon.
606- F. BROMMER, Vasenlisten, op. cit., et du même auteur, Herakles
und die Hesperiden auf Vasenbildern, Jahrbuch des Deutschen
Archàologischen Instituts, 57, 1942, pp. 105-123.
607- Pour les raisons bien connues de cette évolution on se reportera à M.
METZGER, Recherches sur l'imagerie athénienne, Paris, 1965.
608- G. GRUNWALD, BoOtischer Amphoriskos : Nereus zeigt Herakles
den Weg zu den Hesperiden, Sème Congrès International d'Etudes
Classiques, Bonn, 1969.
609- On sait qu'une Centauromachie y figurait. L'identification d'un
fragment de Stésichore dans le Paradoxographus Vaticanus Rhodii,
XXXIII (E. Rhode, Acta Societatis Philologae Lipsiensis, I, 1871,
pp. 22-42) permet d'ailleurs d'affirmer que l'épisode de Nérée essayant
de se soustraire à la requête d'Héraclès et de ne pas lui indiquer le
chemin des Hespérides (cf. Apollonios de Rhodes, IV, 1326) lui était
connu (C. BRILLANTE, Un frammento délia Gerioneide di Stesicoro,
QUCC, 1982, 41, pp. 17-20).
610- E. CLAVIER, op. cit., H, 5, 11, p. 199.
611- Scholiaste à APOLLONIOS de RHODES, Argonautiques, IV, 1396.
612- PHÉRÉCYDE F. Gr. Hist., 3F 16.
613- ÉRATOSTHENE, Katasterismoi, 4. Cf. encore HYGIN, Poetica
616

astronomica, Π, 3 et le scholiaste des Aratea de Germanicus. Cf. C.


ROBERT, Eratosthenis Catasterismorum Reliquiae, 62-65.
614- APOLLODORE, Π, S, 1 1 = II, 1 13. Il pourrait y avoir une allusion à
ce serpent qui parle dans les lignes 1 à 5 du papyrus 71 de Lille
(mention des pommes d'or et des Heures) : cf. C. MEILLIER,
CRIPEL, VI, 1981. pp. 243-252.
615- PHÉRÉCYDE, F. Gr. Hist., 3F 16.
616- "Ut refert Panuasis Heraclea serpens hortorum custos immensae
magnitudinis insomnisque fuisse" : schol. GERMANICUS, Aratae,
BP 61A, cf encore HYGIN, Poetica Astronomica, Π, 6... On se
reportera au Fragment 10 Κ de PANYASIS. Cf. VJ. MATTHEWS,
Panyassis ofHatikarnassos, Leiden, 1974. pp. 66-67.
617- HESIODE, Théogonie, 333.
618- HESIODE, Théogonie, 333.
619- APOLLONIOS, Argonautiques, IV, 1396, PISANDRE, F. Gr. Hist.,
16 F 8.
620- C. ROBERT, Heldensage, op. cit., p. 491.
621- Lathon : STRABON, 17, 3, 20 ; PTOLEMEE, 4, 4, 3 et 5 ;
Lethon : PTOL. EVERG. II, 234 F 1 JACOBY ; LUCAIN, 9,
355 ; PLINE, Hist. Nat. 5, 11 ; SOLIN, 27, 54. Cf. les notes
complémentaires : n° 3 p. 195-196 au chant IV d'APOLLONIOS,
Argonautiques, t. ΙΠ, par F. VIAN et E. DELAGE, Paris, Belles
Lettres, 1981.
622- Cf. supra, m, 1 s Le monstre triple, image de la mort
623- DIODORE DE SICILE, IV, 26, 2.
624- Le premier exemple se trouve sur un alabastre conservé au Musée de
Nauplie et datant du milieu du Verne siècle (F. BROMMER, loc. cit.,
Hesperiden, n° 9 et 10) ; peu après on retrouve cette représentation sur
l'hydrie de Paris, puis sur celle du peintre de Meidias.
625- HESIODE, Théogonie, 517-520.
626- PANYASIS : Frg. 10 de KINKEL. Cf. VJ. MATTHEWS, op. cit.,
pp. 66-71 ; F. Κ 10 et peut-être aussi F.32 (Schol. à NICANDROS,
Theriaca, 256). Pour PHERECYDE : F. Gr. Hist. 3F 16. On lira, sur
les rapports entre le poète d'Halicarnasse et le logographe athénien ,
MX. WEST, The Prometheus trilogy. JHS, XCDC, 1979, pp.
130-148 ; Panyasis meurt en 450, alors que Yacmè de Phérécyde se
situe vers 456/5 (chronologie diEusèbe), mais M.L. WEST fait
remarquer que VHéracléia de Panyasis a pu parvenir à Athènes avec
Hérodote, son parent, c'est-à-dire vers 445.
627- PAUSANIAS, V, 18, 4 : version "brutale" de l'épisode, puisqu'Atlas
porte sur ses épaules le ciel et la terre et, dans la main, les pommes
617

des Hespérides. Héraclès se précipite sur lui, l'épée nue et l'inscription


commente "Atlas, certes, soutient le ciel, mais il lâchera les
pommes".
628- EURIPIDE, Héraclès, 394-400. Cf. également SOPHOCLE,
Trachiniennes, 1099-1100.
629- EURIPIDE, Héraclès, 403-407.
630- EURIPIDE, Héraclès, 4OO-AO3.
631- W. FURTWAENGLER, La collection Sabouroff, t. I, planche
LXXTV.
632- APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, 1400-1405. On a pu
lire supra, p. 539 la description de QUINTUS de SMYRNE.
633- A moins que les "filles d'Atlas", dont il est question ne soient pas
encore les Hespérides. Chez DIODORE de SICILE, IV, 27, 1 et 2,
cependant, les Nymphes du soir sont filles d'Atlas et d'Hesperis,
elle-même fille d'Hespérus, le frère d'Atlas. Cf. encore SERVIUS,
Commentaire de l'Enéide, IV, 484.
634- APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, 1396-1399. Cf. F.
VIAN et E. DELAGE, op. cit., p. 195 note 2.
635- Elles sont dites λιγύφωνοι = à la voix éclatante, HÉSIODE,
Théogonie, 275 et 518.
636- HÉSIODE, Théogonie, 215. Cf. aussi le scholiaste à EURIPIDE,
Hippolyte, 742-748.
637- APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, 1427-1428.
638- Dans le fragment 360 elles sont appelées Aigle, Erythéia et
Hespérétoussa (cf. MX. WEST, édition de la Théogonie, 228 sq.).
639- APOLLODORE, Π, 5, 10 = II, 1 14. Certains manuscrits donnent pour
Hespéria Hestia.
640- PAUSANIAS, V, 17, 1.
641- Vase d'Archémoios et vase de Ruvo : cf. F. DURRBACH, op. cit.,
95, 4 et 5.
642- Hydrie du British Muséum, E. 224. Cf. H.B. WALTERS, ΙΠ, p.
173 : ΑΣΣΤΕΡΟΠΗ
ΧΡϋΣΟΘΕΜΙΣ
ΛΙΠΑΡΑ
643- APOLLONIOS de RHODES, Argonautiques, 1425-1428.
644- Si l'on en croit la lecture de GERHARD, qui se réfère à
HESYCHIUS : Asichertré (qu'il lit, à tort, au lieu d'Astéropé)
signifierait l'abondance et dériverait du mot άσίχετρ, ήσΐχειρ
(Notice sur le vase de Midias au Musée Britannique, Berlin, 1940).
Mais pour Furtwangler, Griechische Vasenmalerei, I, pp. 38-46 tables
8 et 9 il faut lire Astéropé . Astéropé est l'une des Pléiades, fille
618

d'Atlas. Certains (Cf. VIAN et E. DELAGE, op. cit., p. 62 note 3) y


ajoutent Hygie, assise et plutôt spectatrice qu'actrice, semble-t-il.
645- PHÉRÉCYDE, F. Gr. Hist., 3 F 16 a, d'après le scholiaste à
Apollonios de Rhodes, IV, 1396. Mais n'y a-t-il pas confusion avec
les nymphes de FEridan ?
646- APOLLODORE, Π, 121 = Π, 5, 11.
647- STITH THOMPSON, Motif index ofFolk Uteratwre, a Classification
of'Narrative Eléments in Folktales, Ballads, Myths, Fables, Mediaeval
Romances, Exempta, Fabliaux, Fest-Books and Local Legends ;
édition révisée, Copenhague, 19SS.
648- Les Eddas ont été rassemblées par Snorri Sturluson (1 178-1241). Cf.
C J. MAC CULLOCH, The Mythology of ail Races, II, Eddie,
Boston 1930 (chapitre 16) ; cf. G. DUMEZIL, Loki, Paris, 1948, p.
25 et plus récemment R. BOYER, La religion des anciens
Scandinaves, Paris, 1981 (sur les Eddas, pp. 28-37).
649- Cf. C J. MAC CULLOCH, J. MACHAL, The Mythology of ail
races, ΙΠ, Celtic, slavic.
650- A. BERRIEDALE KEITH, AJ. CARNOY, The Mythology of ail
races, VI, Indien, Iranian.
651- W.J. PERRY, Les îles des Bienheureux, Folk Lore, 1921, pp.
150-180.
652- G. CONTENAU, L'épopée de Gilgamesh, Paris, 1939.
653- J.O. de G. HANSON, Héraclès and the apples of the Hesperides,
Muséum Africum, 1, 1972, pp. 1-3.
654- APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, 1434.
655- Cf. en dernier lieu P. LEVEQUE, Bêtes, dieux et hommes, Paris,
1985, pp. 95 sq,121.
656- J.O. de G. HANSON, loc. cit., p. 2.
657- J.O. de G. HANSON, loc. cit., p. 1.
658- Cf. supra, p. 99 (d'après ATHÉNÉE, ffl, 25 et F. Gr. Hist., ΠΙ A,
275 F 6).
659- J.R. MARÉCHAL, Les pommes d'or du jardin des Hesperides,
Techniques et Civilisations, vol. m, n° 5, 1954, pp. 156-160. Cf.
aussi F. LE ROUX, Notes d'histoire des religions, (à propos de) J.
MARÉCHAL... OGAM, Vu, 1955, pp. 305-314.
660- On se reportera sur ce point à notre première partie.
661- Cf. F. DAUMAS, RHR, 149, 1956, pp. 1-8. De Ré, par exemple, le
dieu solaire : "ses os sont d'argent et sa chair est d'or".
662- Atharva Veda, cf. WJ. PERRY, Les Iles des bienheureux, loc. cit.,
pp. 150-180.
663- PINDARE, Olympiques, 1, 1 à 7. Sur ce rôle de l'or chez Pindare on
619

verra J. DUCHEMIN, Pindare, poète et prophète, Paris, 1955.


(chapitre, Or, lumière et couleur) et A. BRESSON, Mythe et
Contradiction, analyse de la Vllème Olympique de Pindare (chapitres
IV et V) Paris, 1979.
664- Cf. J.P. VERNANT, Le mythe hésiodique des races, essai d'analyse
structurale, Mythe et pensée chez les Grecs, op. cit., pp. 19-47.
665- PINDARE, frg. 97 (Schol. IV, Pyth. 407 ; PLUTARQUE, dans
PROCLUS, ad. Hesiod. Opp. 430 (PUECH, p. 228).
666- A. BRESSON, op. cit., p. 99 : Cf. encore p. 94 : "Pindare a choisi
l'or comme signifiant de la richesse, car il est la richesse abstraite,
celle dont la possession dispense d'exercer une activité particulière et
permet effectivement de faire tout ce qu'on veut..".
667- L. GERNET, La notion mythique de la valeur en Grèce.
Anthropologie de la Grèce antique, Paris, 1968 pp. 93-137, en
particulier, p. 99 sq..
668- L. GERNET, loc. cU., p. 119.
669- A. BRESSON, op. cit., note 23 p. 110, affirme sur ce point son
désaccord avec Louis Gemet
670- L. GERNET, loc. cit., p. 130.
671- On se reportera sur ce point à la page 509.
672- On se reportera sur ce point à notre première partie (chapitre I). Nous
ne reprendrons pas ici, l'ensemble des témoignages tardifs que nous
avons donnés de cette localisation. La variante libyenne se trouve chez
AGROITAS, F. Gr. Hist., III C, 762 F 3 et sans doute aussi chez
ASCLEPIADE DE MENDES, F. Gr. Hist., ΙΠ C, 617 F 1.
673- PLINE,//JV.,V,2,etXIX,63.
674- PLINE, HJ*., XIX, 41 et V, 5.
675- PSEUDO-SCYLAX, 91 F (Fabricius, Teubner) 108 M (Périples
libyques, 7).
676- PTOLÉMÉE,IV,4,5.
677- PSEUDO-SCYLAX, 92 F 109 M.
678- Cf. PINDARE, Pythiques, IX, 105-106. Cf. F. CHAMOUX, Cyrène
sous la monarchie des Battiades, Paris, 1952, pp. 280-285.
679- Pour F. VIAN et E. DELAGE, la rencontre des Argonautes et
d'Héraclès pourrait, de plus, être attestée - quoique de façon peu sûre -
ailleurs que chez Apollonios : sur la scholie de TZETZES à
LYCOPHRON, 871 on se reportera à la notice, op. cit., p. 62 note 2.
L'argument qu'ils cherchent à tirer de la présence de Médée sur le vase
de Meidias (British Muséum Ε 224) nous paraît plus discutable encore
en raison de l'incroyable diversité des scènes mythiques rapportées sur
les flancs de cette hydrie.
620

680- Cf. p. 99. Nous reprenons ici la traduction donnée par J. DESANGES,
op. cit., p. 406. Nous n'avons pu consulter : A. PERETTT, // periplo
di Salace. Studio sul primo portolano del Mediterraneo, Pise, 1979.
681- S. STUCCHI, II giardino délie Esperidi e le tappe délia conoscenza
greca délia costa cirenaica, Quaderni di Archeologia délia Libia, 8,
1976, pp. 19-73. Le périple donne comme voisin du jardin le golfe de
Phykos (ψύχους- κόλπος")
682- S. FERRI, Historia. Studi stor. per l'ont, class. I, 3, 1927, pp. 66-107
et dans Quad. di. Arch. delta Ubia, 8, 1976, pp. 11-17. F. VIAN et E.
DELAGE, op. cit., notice p. 63 et note 3, sont très réservés quant à
l'interprétation jugée "hasardeuse" du relief hellénistique trouvé à
Benghazi.
683- F. CHAMOUX, Cyrène sous la monarchie des Battiades, Paris, 1952,
p.280.
684- Sp. MARINATOS, Excavations at Thera I, Athènes 1968 à VII,
Athènes 1976. La fresque décore la salle S de la maison dite de
l'Amiral et date de la fin de la période d'occupation des grandes maisons
d'Acrotiri (1550-1490 av. J.-C).
685- On trouvera l'exposé de cette controverse dans l'article de O. LONGO,
Théra (Santorino) e l'enizione del 1500 ax. dans Mena e Roma, 1985,
fasc. 3-4, pp. 115-136.
686- SP. MARINATOS, Excavations at Thera, VI, 1974, pp. 38 sq..
687- Cf. P. WARREN, The Miniature Fresco firom the West House at
Akrotiri, Thera and its Aegean Setting, JHS, 99, 1979, pp. 115-129,
PI. A et Β ; S.A. IMMERWAHR, Mycenaeans on Thera : Some
Reflections on the Paintings firom the West House, dans Greece and
the Eastern Mediterranean in Ancient History and Prehistory. Studies
présentée to F. SCHACHERMEYR, Berlin/New-York, pp. 173-191.
On se reportera encore à l'article et à la bibliographie de O. LONGO,
loc. cit., pp. 131 sq..
688- L.M. BROWN, The Ship Procession in the miniature fresco, dans
Théra and the Aegean World, Second International Scientific Congress,
Santorin, Août 1978, pp. 629-644.
689- Cf. O. LONGO, loc. cit., pp. 133-135.
690- Dans cette optique, on évoquera quelques pages consacrées aux
Hespérides, par U. PESTALOZZA (Pagine di religione meetiterranea,
II, chap. ΠΙ, Milan, 1945) qui souligne le lien qui, à propos des
Hespérides, existerait entre Crète et Libye : Crête, réponomyne de
nie minoenne est donnée comme une Hespéride par STEPHANE DE
BYZANCE, ou comme fille d'une Hespéride par PLINE (HJN., IV,
58) ; les Hespérides, par ailleurs, sont chez Apollonios filles d'une
621

terre mère (cf supra ) et libyennes.


691- Cf. P.M. WARREN, loc. cit., p. 122.
692- PINDARE, Mim<fenn«, IV, 68-69.
693- PYNOARE,Pythiques,X, 29-30.
694- APOLLODORE, H, 113 = II, 5, 11. ταύτα Se ήν ούχ ώς- τίνες-
εϊπον έν Λιβύη, αλλ* έπΐ του "Άτλαντος- έν'Υπερδορέοις·.
Cette localisation, rappelons-le, était celle que donnait PHERECYDE,
F. Gr. Hist., 3 F17.
695- APOLLODORE
πορευθείς- έπι II,
τήν119
έ^ω= θάλασσαν
II, 5, 11 : xaî
παρ "Ηλίου
δια TÏ|çτόΛιδύτ^
Sénaç

καταλαμβάνει.
696- F. Gr. Hist., 3 F 16-17.
697- Dans la Théogonie, 901-906, Zeus et Thémis donnent naissance aux
Heures et aux Moires.
698- PHÉRÉCYDE, F. Gr. Hist., 3 F 73.
699- MX. WEST, loc. cit. (JHS, 1979) p. 145.
700- PHÉRÉCYDE, F. Gr. Hist., 3 F 17. Cet extrême sud ne serait donc
pas la côte cyrénaïque, contrairement à ce que pense Ph. BRIZE, loc.
cit., pp. 78-79.
701- PANYASIS.F26K.
702- Cf. V J. MATTHEWS, op. cit., p. 70, qui, étudiant ce passage et en
donnant différentes interprétations, remarque que tant chez Aviénus que
chez d'autres auteurs, "médius dies" peut signifier "le Sud", mais
comprend l'ensemble des deux vers comme l'indication d'une terre "loin
du sud". Contra MX. WEST, loc. cit., note 90 page 145.
703- Beaucoup plus convaincante chez MX. WEST, loc. cit., que chez Ph.
BRIZE pour qui le récit de Phérécyde représente aussi une tentative
pour unir différentes localisations des Hespérides et intégrer la tradition
de la rencontre avec Prométhée (op. cit., p. 74).
704- F. JACOBY, op. cit., 1, 2 commentaire p. 395.
705- PHÉRÉCYDE, F. Gr. Hist., 3 F 16 a, 17 » Scholie à
APOLLONIOS DE RHODES, IV, 1396.
706- Déjà affirmé dans la Théogonie, dHÉSIODE, 526-528.
707- Héraclès avait rapporté l'olivier d'Olympie "des sources ombreuses de
listros, "où il était allé le chercher, chez les Hyperboréens, "serviteurs
d'Apollon", "au-delà des souffles du froid Borée " PIN D ARE,
Olympiques, ΠΙ, 14 ; 16 ; 31-32.
708- HESIODE, Théogonie, 518 ; 746-757 (interpolation).
709- Cf. supra, p. 479 note 282.
710- Cf. notre figure 43, représentation empruntée à E. SELLERS, Three
attic lekythoi from Eretria, JHS, XIII, 1892-1893, pp. 1-2, pi. m.
622

711- Je reprends là une expression de Eugénie Sellers.


712- Sur la métope d'Olympie, Héraclès, au moment de l'arrivée d'Atlas,
porte déjà un coussin entre le ciel et lui ; on sait que c'est là la ruse
par laquelle il réussira à rendre à Atlas le fardeau dont il cherchait à se
detarrasser.
713- Cf. J.D. BEAZLEY, The World of the etruscan miror, JHS, LXIX,
1949, pp. 117 : miroir de Londres (B.M. 544) GERHARD PI. 134
p. 4 et fîg. 2 (daté du 3ème quart du Vème siècle) ; miroir du Vatican
(GERHARD, pi. 137) p. 3-4 pi. m b, daté du milieu du Vème siècle
et "plutôt avant".
714- HÉSIODE, Théogonie, 519.
715- HÉSIODE, Théogonie, 518. Ménoitios est, quant à lui, envoyé au
fond de l'Ere!» (514-515) et Prométhée paraît, à l'autre bout du monde
(Orient ?), lié à sa colonne : pilier symétrique de celui d'Atlas
(521-525).
716- HÉSIODE, Théogonie, 736-737 ; 744-745 ; 748-750 ; 758-759 ;
767-768.
717- HÉSIODE, Théogonie, 746-747.
718- Cf. MX. WEST, The Hesiodic Catalogue ofWomen, Oxford, 1985,
p. 85 (les Hyperboréens, nés de la terre, sur les bords de FEridan).
719- DIODORE DE SICILE, Π, 47, et HECATEE D'ABDERE, F. Gr.
//wf,mA,264F7.
720- APOLLONIOS DE RHODES, Argonautiques, ΠΙ, 505-506 et
596-611.
721- PINDARE, Olympiques, m, v. 45 sq..
722- PINDARE, Olympiques, VU, 27 et scholie au vers 53.
723- Amphore à col attique à figures noires datée de 520-510. Boulogne,
Musée des Beaux Arts et d'Archéologie, 421. Cf. Vasenlisten, m, 71,
(2) ; E. GERHARD, Auserles. griech. Vasenbilder, pi. 99 à qui nous
empruntons sa représentationn (fig. 44).
724- D'après le scholiaste à Apollonios de RHODES, Argo nautique s, Π,
675.
725- STRABON, VH, 3, 1.
726- POMPONIUS MÊLA, 1,12-13 et ffl, 36.
727- PTOLÉMÉE, m, 5, 5 et 10. Cf. R. DION, La notion d'Hyperboréens
et ses vicissitudes au cours de l'Antiquité, BAGB, 1976, 2, pp.
143-157.
728- Nous nous abstenons volontairement d'envisager ici le problème des
offrandes et des routes hyperboréennes vers Délos.
729- M.L. WEST, loc. cit., p. 143.
730- EURIPIDE, Héraclès, 394-396. Le serpent au dos fauve un θρακόν
623

πυρσόνωτσν.
731- EURIPIDE, Héraclès, 400-402. ποντ {ας- e'àXbç μυχούς-
είσέδαινε
732- EURIPIDE, Héraclès, 403-407.
733- EURIPIDE, Hippolyte, 742-751 - ν. 742 : "aux bords" traduit άκτάν
rivages et limites à la fois... ; v. 744-745 ; le roi de la mer
(ηοντομέδων) refuse aux marins l'accès aux eaux sombres"
πορφυρέας· λίμνας·" ; ν. 749-750: Zt|v6c μελάθρων npb
κοϊταν.
734- En hommage au beau livre d'A. MOTTE, qui porte ce titre.
734bis- Cf. L. GERNET, La cité future et le pays des morts, REG, 46, 1933
pp. 293-310
735- Hymne homérique à Hermès, 221-223.
736- HOMERE, Odyssée, V, 112-132.
737- A. MOTTE, Prairies et Jardins de la Grèce Antique. De la Religion à
la Philosophie, Bruxelles, 1973. Citations p. VIII, puis p. 37.
738- ESCHYLE, Les Choéphores, 127-128.
739- II est vrai que son propos est autre : étudier les divinités des prairies et
jardins, ou dégager les thèmes hiérogamiques ; il est vrai aussi que
dans la note 8, pp. 234-235 il remarque que "le cycle d'Héraclès
fournirait à lui seul une abondante matière".
740- HJ. CROON, op. cit., p. 12. L'auteur ne le dit pas, mais on voit se
profiler l'ombre du conquérant dorien, victorieux des maléfiques
puissances autochtones.
741- Cf. PAUSANIAS, VI, 25, et déjà HOMERE, Iliade, V, 395-397. Cf.
encore CLÉMENT D'ALEXANDRIE, Protreptique, Π, 36, 2..
"Aidoneus, lui aussi fut atteint d'une flèche d'Héraclès, Homère le dit,
et Panyasis raconte ensuite qu'Héra qui préside aux mariages fut
blessée par le même Héraclès dans la "Pylos des Sables". Sosibios dit
qu'Héraclès à son tour eut la main blessée par les Hippokontides".
Pour PANYASIS, cf. frg. 6 et 20 Κ ; cf. encore AGATHARCHIDE
de CNIDE, 444 b dans PHOTIUS, Bibliothèque, 25 a. Hadès avait, dit
Pausanias, un temple chez les Pyliens, temple qui ne s'ouvrait qu'une
fois dans l'année pour signifier "que l'on ne descend qu'une fois dans
les lieux souterrains où il tient son empire".
742- Cf. PAUSANIAS, m, 25, 5 et 6 exprime les mêmes doutes au sujet
de Cerbère, le chien des Enfers : Homère qui le premier en a parlé ne
lui donne pas de nom, et Hécatée de Milet pourrait avoir raison, qui dit
que cet endroit du Ténare aurait été le repaire d'un énorme serpent
appelé "chien des Enfers".
743- PAUSANIAS, IX, 34, 5.
624

744- PAUSANIAS, II, 31, 2.


745- Cf. M. DETIENNE, Violentes Eugénies, La Cuisine du Sacrifice, op.
cit., pp. 183-214 ; singulièrement pp. 203-207.
746- PAUSANIAS, Π, 35, 4-11. STRABON, VIII, 6, 12, dit aussi que les
habitants d'Hermioné considéraient cette ouverture comme "le chemin
le plus court pour descendre chez Hadès", en vertu de quoi ils
n'enterraient pas leurs morts avec la pièce de monnaie, due à Charon.
747- Rapport fortement affirmé en Italie, en Gaule également, comme en
témoignent les cultes de Mouriès, de Glanon... et jusqu'à celui, plus
récemment découvert, de Deneuvre. Cf. dans l'article de G.
MOITRIEUX, Un siècle de recherches archéologiques à Deneuvre
(Revue archéologique de l'Est et du Centre-Est, XXXII, fasc. 1 et 2,
1981, pp. 65-88) la partie consacrée aux recherches contemporaines et
singulièrement au sanctuaire d'Hercule au lieu dit "le Premier
Silorit" : sanctuaire de source, "centre d'hydrothérapie" peut-être, qui
aurait existé, dans l'état actuel des recherches, du début du Ilnd siècle à
la fin du IVème siècle (pp. 78-86).
748- STRABON, VTO, 6, 7-8. Cf. R. BALADIÉ, op.cit., pp. 102-104.
749- Le nom même de Némée a été rapproché de νέμω = faire paître et, il
s'expliquerait, au dire des Anciens (Etym. Magnum, s.v., Νεμέα), par
les grasses prairies que nourrissait le vallon.
750- STOABON, VIII, 6, 8 et Vffl, 8, 4. Cf. R. BALADIE, op. cit., pp.
103-104.
751- SOPHOCLE, Trachiniennes, 200 ; 435 ; 1 191 sq..
752- WNDAKE,0lympiques,Ul, 11-35.
753- ΤΠΈ-UVE, 24, 3, 2 Cf. supra, p. 484-485 et notes 230, 315, 498.
754- Cf. M. LAUNEY, Le verger d'Héraclès à Thasos, BCH, 61, 1937, 2,
pp. 380-409. Ligne 12 à 14 pour les arbres à planter : 10 figuiers, 10
pieds de myrtes, 10 noisetiers. Cf. encore Ch. PICARD, Jardins
sacrés, RA, ΧΠ, 1938, pp. 245-247.
755- Cf. Ch. PICARD, loc. cir,, dans la note précédente.
756- SOPHOCLE, Oedipe à Colone, 378, 1387 « Koilos (traduit par
montagneux). Sur le territoire d'Argos, cf. R. BALADIE, op. cit\, p.
111).
757- Cf. supra, pp. 550-551.
758- A. MOTTE, op. cit., p. 241.
759- A. MOTTE, op. cit., p. 233.
760- Eschyle, Orestie, Cf. C. RAMNOUX, op. cit., pp. 37-39.
761- C. RAMNOUX, op. cit., p. 45.
762- HÉSIODE, Théogonie, 747-750; 759; 775-777; 767-769.
(interpolation).
625

763- Sur le Maître des animaux et le rhombos cf. P. LEVEQUE, Bêtes,


dieux et hommes, op. cit., pp. 20-21.
764- Cf. PHÉRÉCYDE, F. Gr. Hist., 3 F 1 6 c. cf. EURIPIDE,
Hippolyte, 749-750. Cf. supra, pp. 559-560. On se reportera au
tableau proposé par A. MOTTE, op. cit., pp. 208-212 pour constater
que les "rives océanes", sont encore le lieu de ltiiérogamie de Poséidon
et Méduse (HÉSIODE, Théogonie, 279 sq.) et qu'elles virent encore
(mais peut-être faudrait-il tenter là, une géographie, ou du moins une
orientation de l'Océan ?) l'union d'Achille et de Médée
(APOLLONIOS DE RHODES, IV, 811 sq.), de Borée et d'Orithye
(SOPHOCLE, frg. 956), de Zéphyr et de Podarge (HOMERE, Iliade,
XVI, 151).
765- ESCHYLE, Prométhée, 647 ; Suppliantes, 540 ;
766- EURIPIDE, Phéniciennes, 187 sq. ; APOLLONIOS DE RHODES,
ΙΠ, 124 sq.; NONNOS, Dionysiaques VIII, 240 sq.
767- PAUSANIAS, II, 36, 7. Pour Hermione, voir encore PAUSANIAS,
Π, 35, 3.
768- PAUSANIAS, Π, 17, 3 et 4. Mais rien n'autorise à dire, comme le fait
A. MOTTE (op. cit., p. 226), que la statue de Polyclète représente
Héra sur sa couche.
769- P. LÉVEQUE, Héra et le lion d'après les statuettes de Délos, BCH,
73, 1949, pp. 125-132.
770- CALLIMAQUE frg. 101. Cf. E. SIMON, (Die Gôtter der Griechen,
Munich, 1969) qui pp. 59-60, donne d'autres exemples de ces lions
qui, associés à la déesse, intensifient sa puissance.
771- Pour l'Italie grecque. Signalons encore qu'à Capoue, J. HEURGON
retrouve, au sanctuaire du Fondo Patturelli, la même alliance ancienne
d'une déesse mère (et il ne fait aucun doute pour lui qu'il s'agisse
d*Héra Argeia) et d'Héraclès (Recherches sur l'histoire, la religion et la
civilisation de Capoue préromaine, Paris, 1970).
772- LUCIEN, De Dea Syria, 451, 462.
773- Cf. la thèse de A. F. LAURENS, Hébé, Images, Mythes et Cultes,
op. cit., qui donne de nombreuses représentations de l'apothéose
d'Héraclès. Nous rappellerons ici que c'est au Vllème siècle que se
rattache la plus ancienne représentation du mariage d*Hébé et d'Héraclès
(cratère orientalisant provenant de Samos - non représenté - n° 180).
Mais qu'elle apparaît surtout (comme les scènes d'apothéose) au dernier
quart du Vlème siècle.
ÉPILOGUE

LS>
629

"Ite boues...
arnaque mugitu sanciîe Bouaria longo :
nobile erit Romae pascua uestra Forum"
Properce, Elégies, IV, 9, 16-20.

On connaît la légende de l'Hercule romain : au retour de


l'île d'Erythie, séjour brumeux du bouvier Géryon, le héros fait
halte au bord du Tibre avec le troupeau qu'il vient de conquérir et
triomphe de Cacus qui cherchait à lui voler son bétail. Evandre,
roi des Arcadiens établis à Pallantium, sur le futur site de Rome,
loin de punir le meurtrier, reconnaît sa divinité et lui élève un autel
(774). Selon d'autres versions, c'est Hercule lui-même qui fonde
son culte et YAra Maxima (775).
C'est ainsi qu'au premier siècle avant notre ère, la légende
romaine, greffée, notons-le, sur un épisode de la geste
occidentale d'Héraclès telle que la racontaient les Grecs, désigne
YAra Maxima, situé sur la rive gauche du Tibre au pied du
Palatin, dans la région nord du Forum Boarium, comme le plus
ancien lieu du culte d'Hercule, pratiqué sur le site de Rome avant
même la fondation de la ville. Dans la même région, entre Tibre et
Aventin, près de la porte Trigemina, hors de l'enceinte sacrée, un
autre foyer du culte rendu à Hercule relevait, quant à lui, des
sacra peregrina . De nombreux édifices sacrés, qu'il est parfois
difficile de distinguer les uns des autres, sont venus, au cours des
siècles, compliquer cette topographie des cultes héracléens à
Rome (776). Tous concourent cependant, à prouver le rapport
étroit qui s'était, dès le départ, noué entre le dieu "installé" en
terre étrangère et ce lieu de passage et d'échanges qu'était "le
marché aux boeufs".
Il n'est évidemment pas dans mon intention de reprendre
l'étude des origines et de la légende et des cultes. Sur bien des
points d'ailleurs l'ouvrage de Jean Bayet reste fondamental (777).
η n'est pas question non plus d'envisager, dans son ensemble,
l'avenir de ce dieu devenu romain (778) : seul m'intéresse
l'Héraclès grec. C'est donc à l'intérieur de sa propre histoire, et
plus particulièrement des adaptations et transformations des
mythes qui affirment sa présence en Occident, que j'aimerais, su-
quelques points, trouver des raisons de mieux comprendre,
630

peut-être, ce que fut l'Hercule romain.

On se souvient de la théorie de Jean Bayet, pour qui le culte


d'Hercule, à Rome, représente "un exemple rare et frappant de
latinisation d'un dieu grec" (779)... Grec est en effet le culte
officiel de la Porta Trigemina, fondé, pense-t-il, dans le courant
du Vème siècle par des marchands helléniques ; non moins grec
et "postérieur à coup sûr" (780) lui paraît être également le culte
de YAra Maxima (781). L'étatisation de ce culte privé en 312, à
l'instigation du censeur Appius Claudius, les Potitii vendant leur
sacerdoce familial à l'Etat avec les désastreuses conséquences que
l'on sait (782), fait triompher le dieu du Palatin. "Nationalisé, au
lieu d'en souffrir, il en profita, "résume Jean Bayet (783), et c'est
désormais avec le dieu de l'Ara Maxima que se confond
l'Hercule romain, celui de Tibur facilitant l'acception, en un sens
militaire, des épithètes de Victor et dlnvictus déjà utilisées sur le
Forum Boarium.
A cette hypothèse - très largement admise par les historiens
modernes - d'une origine grecque de l'Hercule romain, Denis
van Berchem devait opposer une théorie nouvelle (784) : YAra
Maxima " est pour lui, la plus ancienne assise du culte herculéen à
Rome, et, conformément à la tradition, notons-le, il place sa
fondation avant même la naissance de la ville, dès les IXè- Vinè
siècles. Enfin et surtout, il en attribue la création aux Phéniciens
qui, remontant le Tibre à cette haute époque, auraient installé là le
culte de leur Melqart tyrien.
Cette hypothèse, fondée sur une nouvelle interprétation du
rituel - difficilement expliqué jusque là, il faut le dire, comme un
rituel proprement héroïque - fut accueillie avec scepticisme, et par
J. Bayet (785), et par les historiens de la religion romaine (786).
Elle paraît cependant, sur bien des points, incontournables, et, si
l'on peut toujours contester l'appartenance exclusive de telle ou
telle pratique, de tel ou tel interdit, au domaine sémitique, le
faisceau de convergences recueillies par D. van Berchem dénote
une parenté étonnante entre le culte de YAra Maxima et ceux
d'autres sanctuaires d'Héraclès pour lesquels la tradition antique
affirme une origine phénicienne (Gadès et Thasos, en particulier)
(787). L'explicationn proposée au nom des Potitii , détenteurs du
sacerdoce jusqu'en 312, est, elle aussi, très
convaincante : refusant de voir en eux l'une des plus anciennes
631

familles romaines (788) - laquelle dans ce cas n'aurait,


curieusement joué aucun rôle dans l'histoire de la ville -, il
propose d'entendre le terme comme désignant les "possédés",
souvent en rapport avec les cultes des divinités orientales. Ces
"possédés", il les conçoit, à l'origine, comme "une communauté
vouée mystiquement au service exclusif du dieu" (789).
Nous aimerions, dans un premier temps, revenir sur ce
problème des origines, très lié, nous l'avons vu dans notre
première partie, à celui de la diffusion en Occident de la légende
d'Héraclès, et, plus encore, - peut-être - du culte de Melqart.
La difficulté, chacun l'a senti, réside dans l'hypothèse,
nécessaire dans l'esprit de Denis Van Berchem, d'une présence
phénicienne, à cette haute époque, sur le site qui plus tard sera
celui de Rome... enjeu d'un débat plus vaste - nous l'avons
évoqué plus haut (790) : celui de l'expansion des Phéniciens en
Méditerranée occidentale. Or, s'il est difficile de contester leur
empreinte, dès le IXème siècle, dans la Sardaigne toute proche
(791), qu'en est-il des côtes tyrrhéniennes, et, plus
particulièrement, du Latium ?
Les recherches sur la Rome protohistorique et archaïque,
progressant de façon remarquable, on pouvait espérer que
s'éteigne l'argument "a silentio" - toujours douteux - qu'oppose
l'archéologie. Or les fouilles, et tout particulièrement celles de S.
Omobono, au Nord du Forum Boarium (792), démontrent
essentiellement l'importance de la présence étrusque, plus tardive
cependant à Rome que dans le Latium (fin Vile s.) et surtout - ce
qui peut-être est plus étonnant - l'importance des contacts avec la
Grèce (793). Dès le VÏÏIe siècle (phase latiale ΙΠ, circa 770-730)
des importations de céramique en provenance de l'Eubée et des
Cyclades ne laissent aucun doute sur le rôle ancien - et
direct - des commerçants grecs des îles Pithécusses sur le site où
se développait Rome ; un peu plus tard (phase latiale IV,
orientali santé, circa 730-580) ce commerce véhicule une
céramique grecque plus variée et de nombreuses marchandises
ou influences orientales. Il est difficile d'exclure absolument,
dans ces rapports avec l'Orient, le canal phénicien (sans doute
d'ailleurs aurait-on tort d'insister sur la concurrence, l'exclusivité
de tel ou tel courant), mais la Grèce semble vraiment très
présente. La Grèce et surtout les marchands eubéens qui, ne l'oublions
pas, jouent également un grand rôle dans Yemporion d'AlMina
632

(fondé dès la fin du DCème siècle sur la côte syrienne). Sans doute
ont-ils représenté, eux aussi, pour les peuples de la côte
tyrrhénienne, une porte ouverte sur l'Orient.
Sacrée"
Enfin,
de Sant'Omobono
et plus précisément,
et le réexamen
les fouilles
du matériel
récentes ancien
de "l'Aire
ont
attiré l'attention sur des fragments de terres cuites archi-
tectoniques appartenant au décor d'un petit temple archaïque qui
précéda, au Vlème siècle, les temples jumeaux républicains de
Fortuna et Mater Matuta (794). Parmi ce matériel dont A.
Sommella Mura souligne à la fois la parenté avec le matériel
étrusque et l'évidente inspiration gréco-orientale, deux statues de
terre cuite, probablement groupées sur la même base, couronnaient
sans doute le toit de l'édifice dans la deuxième moitié du Vlème

Fig. 46 : S. Omobono : Reconstitution


du temple archaïque
D'après le catalogue de l'exposition de Rome (1981)
Enta nel Lazio, Archeologia e mito
Cf. A. SOMMELLA MURA, La decorazione architettonica,
p. 117.
633

Fig. 47 : L'aire sacrée de S. Omobono

(1) Croquis
Stratigraphie
d'après
Annquités
T.
repris
quelques
HACKENS
A.C.,
des
Louvain,
dans
italiennes,
XLIX,
monuments
nouveautés
: J. et
POUCET,
1977,
1980,
B.étrusques
VAN
pi.
sous
archéologiques,
pp.126
La
DEN
286-315.
l'église
etRome
A).romains,
DRIESSCHE,
dearchaïque,
S. Omobono

SiltijtiiMi prokiMi· il» irunin


H«... îles twnplo jumclcs

I ortmi fioiihnm
'Temple archaïque
\-Jfcc '"ΐ.1!.. , Λ^'1 j μ Niveau Ju icmplo ;irchaîqui>
Niveau unlcrivur ù l'snilol

CAPITOLI VM

FORVM BOARIVM

(2) Plan d'après A.M. COUNI, Ambiente e storia dei tempi più
antichi,
PJ>.,XXX11, 1977, p. 11.
634

Fig. 48 : Le groupe d'acrotère "Héraclès et Athéna"

D'après le Catalogue de l'exposition de Rome (1981)


Enea nel Lazio, Archeologia e mito
Cf. A. SOMMELLA MURA, La decorazione architettonica,
p. 121.
635

siècle (795). L'une d'elles est incontestablement un Héraclès ;


l'autre, dont il reste surtout un tête casquée et des fragments de
vêtements féminins, est interprétée comme étant une Athéna,
l'ensemble offrant, pour l'auteur, une représentation de
l'apothéose d'Héraclès (796). Ce groupe pose encore de
nombreux problèmes : du temple de quelle divinité formait-il le
couronnement ? Est-ce bien Athéna qui accompagne Héraclès ?
Si nous nous en tenons pour l'instant à l'essentiel : la
présence d'Héraclès au Vie siècle sur un édifice cultuel, bien
avant donc que le premier lectisterne (399) ne consacre l'entrée
dans la religion romaine d'un Hercule alors accompagné de Diane,
les conclusions - certaines quant à elles - sont d'importance : le
culte du héros, ou du dieu "grec" est beaucoup plus ancien à
Rome, et en particulier dans cette zone nord du Forum Boarium
- celle de YAra Maxima - que ne l'imaginait Jean Bayet. La
tradition ne mentait pas, lorsqu'elle faisait du marché aux boeufs le
lieu d'implantation le plus antique du culte d'Hercule.
Peut-être, cependant, pouvons-nous aller plus loin. En
découvrant ces terres cuites de S. Omobono à la faveur de leur
récente exposition, le type d'Héraclès m'a paru évoquer avec force
celui des statues provenant du sanctuaire d'Amrith, sur la côte
syrienne - que j'avais pu étudier au musée de Damas... un type
rencontré à Chypre et diffusé, comme nous l'avons vu, assez
largement (797)... à Chypre là où le sanctuaire de Kition, qui
probablement voit se développer cette représentation syncrétique,
est, sans contestation possible, un sanctuaire phénicien; à
Chypre, où, non moins probablement, est né Héraclès-Melqart !
Aussi avais-je proposé, au congrès Eirene de Prague (798),
de voir dans cet Héraclès du Forum Boarium, non pas l'Héraclès
purement hellénique des colonies grecques, non pas le pur Melqart
phénicien, mais l'Héraclès-Melqart chypriote... Ainsi se
comprendraient mieux les caractères sémitiques, décelés fort
justement par Denis van Berchem dans les cultes de YAra
Maxima : à moins que de nouvelles découvertes archéologiques
ne viennent prouver - ce qui, après tout, n'aurait rien d'aberrant -
la présence phénicienne à Rome, ces influences orientales
pourraient alors raisonnablement s'expliquer par un premier
syncrétisme gréco-phénicien...
636

D'ailleurs, lorsqu'il s'arrête sur les bords du Tibre,


Hercule-Héraclès ne vient-il pas de Gadès, le grand sanctuaire de
Melqart en Occident ?
Cette hypothèse "chypriote" offre peut-être une clef pour
résoudre, de surcroît, la délicat problème de l'identification de la
déesse armée et casquée qui accompagne Héraclès. Anna
Sommella Mura reconnaît en elle la compagne habituelle du héros
en Grèce : Athéna et interprète la scène comme étant celle de
l'apothéose d'Héraclès... Une hypothèse qui suscite, semble-t-il,
une large discussion : "Très tôt on a opposé à Athéna le nom de
Fortuna; et si, en 1981, Carminé Ampolo (799) et Antonio
Giuliano (800) apportaient au débat des raisons de croire à
l'hypothèse première, celle de l'apothéose, Filippo Coarelli, pour
sa part, faisait remarquer que d'autres déesses armées existaient,
qui, en Italie, étaient susceptibles d'assister Héraclès : Héra
Oplosmia, par exemple, en Grande-Grèce (à Crotone et
Poseidonia), mais aussi dans le Latium avec Iuno Sospita et Iuno
Curitis... D'autres encore (801)... Nous retiendrons surtout,
cependant, parce qu'elle nous tente nous-même fortement, la
référence à une autre déesse armée, plus orientale
celle-ci : l'Astarté chypriote... Compagne d'Héraclès, Astarté
l'est dans son sanctuaire de Kition, et, sur les côtes tyrrhéniennes,
les lamelles de Pyrgi, la mentionnent, à la même époque, à peu
près, où s'édifie le petit temple archaïque, et ce, s'il faut croire à
l'hypothèse de E. Lipinski, en étroit rapport avec Melqart (802).
Se pourrait-il qu'il n'y ait là qu'une coïncidence ?

Cet Hercule romain en qui se mêlent influences orientales et


influences grecques - pour ne pas parler ici de l'héritage italique
(803) - continue de vivre aux côtés d'un Héraclès grec, qui n'a
pas lui-même cessé d'évoluer et qui , c'est du moins ce que je
voudrais montrer, ne cesse pas de l'influencer.
Retrouvons un instant les longues pages que Diodore - ce
Sicilien qui hante les bibliothèques romaines - consacre au mythe
grec. Aucun doute pour lui, nous le savons (804), si le fils
d'Alcmène a conquis l'immortalité, c'est grâce à ses "pénibles
travaux entrepris au profit du genre humain" (805), travaux par
lesquels "il répandait la civilisation sur la terre" (806)... Que ce
thème ait joui à Rome d'un succès durable, Macrobe le prouve,
637

qui attribue à Héraclès la transformation des Saturnales et explique


comment, remplaçant les sacrifices humains, on ne peut plus
barbares, par des rites de substitution il en avait fait une fête
civilisée plus conforme, de surcroît, aux exigences bien comprises
des dieux (807).
Mais nous avons pu voir également combien les aventures de
celui que Georges Dumézil appelait "l'illustre marcheur de la fable
grecque"
(808) s'étaient enrichies de l'expérience des colons, qui,
comme lui, avaient un jour quitté la mère patrie ; comment, en
particulier, s'étaient chargées d'un sens nouveau les aventures
lointaines du héros, et singulièrement ce véritable périple de la
Méditerranée occidentale que constitue l'expédition vers Erythie.
Manipulée, infléchie par l'événement, interprétée dans le cadre de
ce qu'à la (809),
coloniale" suite de
la Georges
tradition du
Balandier,
voyage occidental
j'appelleraid'Héraclès
la "situation
fait

du héros grec Yarchégète , expliquant et justifiant à la fois la


présence de ses compatriotes dans ces régions où, de gré ou de
force, ils s'étaient installés ; légitimant, de même, la violence' qui
pouvait être faite aux indigènes - ces Barbares - dans le
processus d'acculturation.
Nous espérons avoir montré (810) que cet ordre, ainsi établi
par le héros grec, était celui de la cité, que le mythe se structurait,
en effet, autour de l'opposition nature/culture, alors profondément
ressentie ; que cette dichotomie entre la vie civilisée et Yagriotès,
entre la chôra et Yeschatiéy la légende, endossée par les Grecs de
la colonisation la déplaçait, en quelque sorte, aux limites du monde
connu, de Yoicouménè ... que, dans cette nouvelle perspective,
Yeschatié s'étendait à tout ce qui n'était pas le monde civilisé, à
tout ce qui n'était pas la Grèce.
En même temps, il nous apparaissait clairement que, par delà
la Grèce de Diodore, se profilait une autre réalité historique : celle
de la Rome de César (811).
Alors que l'Héraclès d'Apollodore, plus fidèle à la tradition
purement grecque, ne fait, comme celui d'Eschyle, qu'effleurer la
Gaule et n'y rencontre que des Ligures, celui de Diodore pénètre
dans la Celtique, parcourt toute la contrée "abolit les coutumes
sauvages, entre autres celle de tuer les étrangers" (812) ;
s'unissant à la fille d'un roi du pays, il engendre un fils, nommé
Galatos, qui, donnant son nom à son peuple (813), en fera
l'héritier du héros grec ; s'enfonçant "dans les profondeurs" du
638

pays il fonde Alésia, "ville libre et imprenable, depuis le passage


du héros... jusqu'à ce que César... réussisse à la soumettre, elle et
le reste de la Celtique, à la puissance des Romains" (814).
Traversant les Alpes, enfin, il rend la route "de rude et difficile
qu'elle était, accessible à une armée avec tout son bagage" et, alors
que les Barbares avaient coutume de piller et de massacrer
quiconque (815).
passages" passait les cols, il assure "pour toujours, la sécurité des

La fable est on ne peut plus claire... Tous les éléments de


l'action acculturatrice y sont exprimés (816) : captation, au profit
du vainqueur, de l'histoire indigène (et par là même, sans aucun
doute, "coup de pouce" donné aux différenciations sociales) (817);
présentation optimiste de l'action "civilisatrice" (Héraclès pacifie,
il abolit les moeurs par trop barbares, châtie les pillards et les
brigands, assure la sécurité) ; fondation d'une ville destinée à
devenir, comme le dit lui-même Diodore, "le foyer et la métropole
de toute la Celtique"... Bref, Alésia, et la Celtique tout entière,
conquises par Héraclès, appartiennent au monde civilisé, Diodore,
en tout cas, les revendique avec force.
C'est du même coup - puisqu'Alésia elle-même, à nouveau,
a sombré dans la barbarie (818) -justifier les campagnes de
César, et leur donner un sens : elles sont une reconquête, conduite
pour rendre, une fois de plus, l'héritage d'Héraclès à ses
descendants... Car c'est bien, derrière "le marcheur de la fable
grecque", César et l'armée romaine qui se profilent désormais.
On aurait tort, sans doute, de méconnaître la charge
idéologique du récit de Diodore : ce paradigme qu'est devenu
Héraclès, le Sicilien l'utilise désormais au profit du Romain.
Comme son modèle mythique, César mérite d'être "divinisé pour
la grandeur de ses exploits" ; c'est ainsi que se conclut le récit du
passage d'Héraclès par la Gaule ; les boeufs de Géryon, que le
héros est censé ramener, ont sombré dans l'oubli ; l'histoire a
détourné le mythe...
Encore fallait-il conférer à Rome ses droits à l'héritage
d'Héraclès... Là encore l'exceptionnelle vigueur sexuelle du héros
devait être détournée à des fins politiques : le fils d'Alcmène,
passant par le Latium, y laissera deux fils : Palans ; conçu par
Lavinia, fille d'Evandre, et Latinos, né de la jeune fille
hyperboréenne qui, enceinte de ses oeuvres, avait épousé Faunus
639

roi des Aborigènes (819).


Pour Diodore, il semble bien que l'épisode de la halte dans la
Latium réponde au même but : le vol de Cacus, gommé, nous
l'avons vu, (820), est remplacé par la rencontre idyllique
d'Héraclès et des indigènes du Mont Palatin, l'établissement de
YAra Maxima (821), sur les bords du Tibre, scellant
définitivement l'alliance de ceux qui deviendraient les Romains et
de celui qui, pour chacun, représentait l'image même de la Grèce
présente en Occident.
Denys d'Halicarnasse, un peu plus tard, affirmera de même
l'origine hellénique des Romains et, plus encore que Diodore,
donnera une interprétation "militaire" de la fonction civilisatrice
d'Héraclès. Plus nettement aussi il fera servir la geste du héros
grec en Occident aux desseins politiques sous-jacents dans son
oeuvre (822). Nous ne reprendrons pas ici la démonstration de
Paul Marie Martin qui met parfaitement en évidence comment, par
"le choix de travaux hétérodoxes" et par "une série de coups de
pouce assez discrets", il cherche à diffuser la politique
augustéenne en direction du monde grec (823).

Ce modèle de la cité, étendu par les Grecs de la colonisation


jusqu'aux marges du monde grec, aux marges de la civilisation,
Diodore n'a pas eu trop de mal à en faire celui d'un monde où
c'est Rome qui, désormais, comme aux temps mythiques
Héraclès, transforme une nature sauvage en un pays prospère,
ouvre des routes et en assure la sécurité (l'allusion déjà citée à la
route des Alpes est à ce titre on ne peut plus claire !) C'est elle,
désormais, qui "pacifie", qui, à l'anarchie barbare substitue le
règne de la justice et de la loi. Comme Polybe et Poseidonios
l'avaient fait avant lui - Arnaldo Momigliano l'a bien montré -
(824). Diodore traite Rome en membre à part entière de la
communauté civilisée que formait le monde grec ; non seulement
il accepte la domination romaine, mais il prend fait et cause pour
ses entreprises.
Redisons le, c'est un aspect très limité de la personnalité,
tellement complexe, tellement diverse aussi, de l'Hercule romain
que nous avons abordé ici : sa nature chthonienne, par exemple,
si fortement affirmée en Occident, si bien mise en valeur par Jean
Bayet, n'apparaît guère. Elle explique pourtant qu'à Rome,
640

Hercule restera longtemps le dieu qui donne la prospérité ; elle


explique aussi le grand succès populaire d'un culte qui, en Italie
comme en bien d'autres régions de l'Empire, absorbe les pouvoirs
de divinités topiques si facilement que ce n'est jamais le même
Hercule qu'on vénère ici ou là.
Tenue par les limites mêmes de mon sujet, j'ai simplement
voulu rappeler que Rome - beaucoup plus tôt qu'on ne l'avait
pensé - avait connu le culte d'un dieu moins purement grec, sans
doute, qu'on ne le croyait. J'ai voulu montrer surtout que, dans
l'Hercule romain, si souvent honoré par les épithètes deVictor et
d'Invictus, dans le dieu dont on retrouve les traces partout où sont
allés les légions et les fonctionnaires romains, dans le culte
officiel, qu'à l'image d'Alexandre les empereurs lui voueront
bientôt, il n'était pas possible de lire, uniquement, la
transformation en un sens militaire, par un peuple conquérant, de la
victoire sur la mort qui assurait au héros grec une immortalité
tranquille. L'influence grecque en effet a continué de jouer sur le
dieu romain (mais plus à sens unique, nous l'avons vu). L'hé-
gémon, Yarchégète qu'était déjà Héraclès chez Stésichore, Pisan-
dre, Pindare et qu'affirme plus exclusivement Diodore, justifie la
conquête romaine, comme il avait justifié la colonisation grecque et
le succès de ses entreprises garantit désormais celui de Rome.

Mythe ou fable politique ? Qu'il nous soit permis, après avoir


cherché à dégager ce qu'au 1er siècle le mythe grec pouvait encore
apporter à l'Héraclès romain, de dire, pour terminer, quelques
mots du rapport dialectique qui s'est instauré entre une situation
historique, celle de la conquête romaine, et un mythe, celui
d'Héraclès... Sous la pression des circonstances et parce qu'en
Grèce la classe dominante à laquelle appartiennent ces intellectuels
s'accomode fort bien à d'une présence romaine qui a mis fin aux
luttes sociales, le mythe connaît une nouvelle vie, une "dérivation"
supplémentaire en tout cas... mais, à évoluer ainsi, il finit par
perdre toute prégnance symbolique : Géryon n'est plus le
monstre tricéphale symbole des forces des Enfers - car c'était bien
là le sens initial de l'épreuve d'Héraclès -. η n'est plus qu'un
dynaste barbare cousu d'or. A trop dériver, le mythe s'est usé : il
est devenu fable politique, instrument idéologique au service du
conquérant romain.
641

Fig. 49 : Hercule étrusco-italique (Vème siècle)

Lyon = musée des Beaux- Arts. Inv. X 254


Photo C. Annequin
642

NOTES DE L'ÉPILOGUE

774- ΤΠΈ-LIVE, I, 7 (= I, VI, 4 sq. ) et DENYS D'HALICARNASSE,


Antiquités Romaines, I, 39-40.
775- VIRGILE, Enéide, 8, 193 sq.; PROPERCE, Elégies, IV, 9, 1 à 74;
OVIDE, Fastes, 1, 581; pour DIODORE DE SICILE, IV, 21, 1 à 4
Héraclès fut accueilli, sur les bords du Tibre, par quelques indigènes
habitant sur le Palatin, dont Cacius et Pinarius, les plus considérables
d'entre eux. A son départ, il institue l'usage de la dîme : quiconque lui
offrira le dixième de ses biens bénéficiera d'une vie très heureuse. Il
n'est pas question, chez Diodore, du vol des troupeaux par Cacus. Sur
les sources de la légende on se reportera à la quatrième partie (Ilème
chapitre, 1-3).
776- Cf. H. LYNGBY, Beitrage zur Topographie des Forum Boarium
Gebietes in Rom, dans Acta Inst. Rom. R.S., Vm, 7, Lund, 1954.
cf. aussi D. VAN BERCHEM, Sanctuaires d'Hercule-Melqart, III,
Syria, XLIV, 1967, qui (p. 308-311) discute les conclusions de H.
Lyngby.
777- J. BAYET, Les origines de l'Hercule romain, Paris, 1926.
778- Outre les ouvrages généraux sur la religion romaine, signalons ici la
mise au point récente de M. JACZYNOWSKA,Le culte de l'Hercule
romain au temps du Haut-Empire, in ANRW, Π, 17, 2, 1981, p.
631-661 qui, dépassant le cadre chronologique proposé, se propose de
"montrer l'état et les directions de recherches sur le culte de l'Hercule
romain" (p. 631).
779- J. BAYET, op. cit., p. 476.
780- J. BAYET, op. cit., p. 477.
781- J. BAYET, op. cit., p. 478. J. Bayet, cependant, décèle "quelques
indices d'apparence orientale" qu'il expliquerait volontiers par
l'intermédiaire étrusque, ceux-ci ayant combiné en leur Herclé "certains
traits de Melqart avec ceux d'Héraclès". Cf. aussi, du même auteur,
Herclé, étude critique des principaux monuments relatifs à l'Hercule
étrusque, op. cit., 1926. Cette idée d'un culte de rite grec est fondée
sur le terme de ritus Graecus, presque constamment appliqué par les
Anciens à YAra Maxima (TITE-LIVE I, VII, 3 ; DENYS
d'HALICARNASSE, I, 40, 3" ; STRABON V, 3, 3 etc...), mais D.
VANBERCHEM note que l'épithète définit la tenue du sacrificateur
(tête découverte et couronnée de lauriers) qui s'oppose certes à l'usage
romain, mais ne suffit pas, à elle seule, à désigner un culte grec ; loc.
643

cit., pp. 307- 308). Sur ce point voir encore R. SCHILLING, Sacrum
et Profanum, Latomus, 1971, pp. 963-968 repris dans Rites, cultes et
dieux de Rome, Paris, 1979 du même auteur.
782- La famille des Potitii s'éteignit dans l'année qui suivit et Appius
Claudius perdit la vue.
783- J. BAYET, op. cit., p. 479.
784- D. VAN BERCHEM, Hercule Melqart à l'Ara Maxima, R.PAA.,
XXXII, 1959-1960, pp. 61-68 et, du même auteur, loc. cit., Syria,
XLYV, 1967, pp. 73-109 et 307-333.
785- J. BAYET, Histoire politique et psychologique de la religion
romaine, 2ème édition, Paris, 1969, p. 289 ne modifie pas son
opinion d'une origine hellénique de l'Hercule romain et doute de la
présence phénicienne en ces lieux : "mais qui pouvait les attirer en
cette pauvre région" ?
786- Par exemple R. SCHILLING, La situation des études relatives à la
religion romaine de la République (1950-1970), ANRW, I, 2, Berlin,
1972, p. 324.
787- Parmi ces particularités, l'exclusion des femmes, le choix des
victimes, le vêtement féminin des hommes participant au culte.
L'usage de la dîme, de même, est attesté dans la religion phénicienne
dès le Und millénaire (p. 325). On se reportera à l'étude, faite dans
notre première partie, des sanctuaires de Gadès et de Thasos.
788- ΤΠΈ-LIVE, I, 7, 12.
789- D. VANBERCHEM, loc. cit., (1967), p. 313.
790- Dans notre première partie (deuxième chapitre : Lixos et Gadès,
fondations phéniciennes).
791- On se reportera sur ce point au deuxième chapitre de notre première
partie.
792- Cf. le congrès tenu à Rome en nov. 1977 : Lazio arcaico e mondo
greco (PP, XXXII, 1977) et aussi le catalogue de l'exposition
Naissance de Rome, Paris, 1977 et celui de l'exposition Enea nel
Lazio, archeologia e mito. Rome 22 sept-31 déc. 1981. On trouvera
une chronique et une bibliographie plus complète de J. POUCET, in
A.C., XLIX, 1980, pp. 286-315. Enfin, le volume XXXVI de La
Parola del Passato (1981), Lazio arcaico e monde greco, présente
plusieurs mises au point sur ce sujet.
793- Cf. E. LA ROCCA, Note sull'importazioni greche in territorio laziale
nell Vffl secolo A.C., PP., XXXII, 1977, pp. 375-397. Pour l'auteur
cette céramique peut être produite aussi bien dans la fondation grecque
des Pithécusses que dans 111e d'Eubée, peut-être même à Rome, par des
644

artisans grecs des Pithécusses. E. LA ROCCA a même envisagé


l'existence d'un emporion grec au Forum boarium (D. Arch, VIII,
1974-1975 p. 94 ; contra G. Colonna, MEFR, 89, 1977, p. 486).
794- Cf. bibliographie donnée en note supra. Dans cette région de S.
Omobono, (à la fin du Vllème siècle ou au début du Vlème siècle) un
sol de terre battue correspondrait à une zone sacrificielle (avec
attestation, par les ossements, du suovetaurilia ) ; dans la 1ère moitié
du Vlème siècle se construit un temple à podium, détruit après le
milieu du siècle, mais immédiatement reconstruit Fin Vie siècle le
temple est abandonné et le niveau du sol surélevé. C'est sur ce niveau
que s'établira le podium des temples jumeaux à Fortuna et Mater
Matuta.
795- A. SOMMELLA MURA, La decorazione architettonica del tempio
arcaico, PP, 1977 pp. 62-128 ;
796- Dans une mise au point de la P.P. XXXVI, 1981 (op. cit.,) A.
SOMMELLA MURA, malgré les interprétations divergentes,
réaffirme le bien fondé de ses hypothèses (II gruppo di Eracle e Athena
pp. 59-64).
797- On se reportera, sur ce point, à notre étude iconographique (à paraître).
Certes, M. CRISTOFANI insiste, pour sa part, sur les
rapprochements avec la sculpture étrusque (Sulle terrecotte di S.
Omobono, PP. 1981, pp. 31-32), mais peut être pourrait-on poser le
problème d'une commune inspiration : il est frappant de constater, par
exemple, à quel point les premiers bronzes étrusques représentant
Héraclès adoptent le type chypriote (cf. Herclé, loc. cit., de J. Bayet).
798- De l'Héraclès grec à l'Hercule romain, (congrès Eirénè, Prague, 1982),
Proceedings of the 16 th. International Eirene Conférence, Prague,
1983, 1, pp. 267-273.
799- C. AMPOLO, II gruppo acroteriale di S. Omobomo, PP, XXXVI,
1981, pp. 32-35.
800- A. GIULIANO, Sul frontone di S. Omobono, PP, XXXVI, 1981, p.
35 (l'auteur se prononce aussi sur le groupe sculpté "d'Athéna et
Héraclès").
801- F. COARELLI, Sull'Area sacra di S. Omobono, PP, XXXVI, 1981,
pp. 35-38.
802- On se reportera, sur ce point, à notre étude de Yegersis de Melqart (dans
le deuxième chapitre de notre quatrième partie).
803- On se reportera au deuxième chapitre de notre quatrième partie pour
cette rencontre de l'Héraclès grec et d'un héros ou dieu topique des
peuples italiques, peut-être le Récaranus de la légende.
645

804- Dans notre deuxième partie (Héraclès et la colonisation, II, La


resémantisation du mythe ).
805- DIODOREDESICILE,I,2,4.
806- DIODORE DE SICILE, IV, 8, 5.
807- MACROBE,5a/urnatei,I,31.
808- G. DUMÉZIL, La religion romaine archaïque, Paris, 1966, p. 420.
809- G. Β ALANDIER, Sens et puissance, Paris, 198 1 (2e éd.).
8 10- Héraclès et la colonisation II, La resémantisation du mythe. Cf. encore
Héraclès, héros culturel, loc. cit., (1984), pp. 9-29.
811- On ne s'en étonnera pas, si on se reporte au second chapitre de notre
deuxième partie. Retour aux sources.
812- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 1.
813- DIODORE DE SICILE, V, 24, 1-3.
814- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 2.
815- DIODORE DE SICILE, IV, 19, 3 et 4.
816- Pour une étude plus détaillée du processus on se reportera à notre
seconde partie.
8 17- Cette parenté avec le vainqueur que confère aux familles régnantes de
tels épisodes mythiques, ou d'une façon générale, l'héritage accepté de
la civilisation du vainqueur a très certainement joué un rôle important
dans l'évolution des sociétés indigènes. La fin d*Entremont, par
exemple, montre le sort privilégié réservé par les Romains au parti
hellénisé, lorsqu'ils prennent et détruisent l'oppidum des Salyens.
818- Cf. DIODORE IV, 19, 2. On se reportera, sur ce point, à notre
seconde partie.
819- Pour A. MOMIGLIANO (Sagesses Barbares, Paris, 1979, p. 31),
l'héritage d'Hercule est revendiqué par les grandes familles romaines
depuis fort longtemps. Contre F. MUNZER qui considère que la
légende développée par les Fabii d'une descendance d'Hercule est une
invention d'un érudit de l'époque augustéenne (R.E., 1 v. Fabii ), il
oppose le témoignage de PLINE, HH., 34, 40 qui fait remonter au
moins à Fabius Cunctator, pendant la seconde guerre punique, le culte
voué par les Fabii à Hercule. Pour l'étude d'une confirmation de la
tradition historico-érudite par la découverte du temple de l'aire de S.
Omobono, cf. F. SBORDONE, II culto di Eracle e il tempio
arcaico di S. Omobono, PP, XXXVI, 1981, pp. 28-31.
820- DIODORE, IV, 21, 1 à 4. Cf. notre seconde partie.
821- DIODORE DE SICILE, IV, 21, 4. VAra Maxima n'est pas
mentionnée mais bien plutôt l'usage de la dîme qui lui est lié et
Diodore ajoute que "les Romains ont élevé à ce dieu, sur le bord du
646

Tibre, un temple splendide, où ils lui consacrent la dixième partie de


leurs biens".
822- DENYS d'HALICARNASSE, Antiquités Romaines, 1, 34 à 44.
823- P.M. MARTIN, Héraclès en Italie d'après Denys d'Halicarnasse,
Athenaeum, L, 1972, pp. 252-275.
824- A. MOMIGLIANO, Sagesses barbares, Paris, 1979. Cf. en particulier
le chapitre Π : Polybe et Poseidonios.
647

CONCLUSIONS
649

"... Il n'y a de réalité que le présent. Dès


qu'un événement est au passé, il devient
imaginaire, donc hypothétique"

Friedrich Diirrenmatt,
interview au Monde des Livres, 19-DC-1986

Notre cheminement, peut-être, aura paru un peu


vagabond... D'une rive à l'autre de la Méditerranée, des auteurs
romains qui tardivement situent le mythe à Hésiode qui le pose
comme vérité, cette démarche récurrente que nous avons suivie -
inspirée peut-être des préoccupations stratigraphiques de
l'archéologue - nous a semblé, en définitive, inévitable... En
cela, nous ne dirons pas que "la méthode c'est le chemin après
qu'on l'a parcouru", même si l'expérience apporte beaucoup en
savoir certes, mais aussi en pratique de l'histoire. Qu'on entende
bien : nous n'avions, au départ, rien à démontrer, rien à vérifier
et, peut-être même, tout à apprendre : mais le souci qui, dès lors,
était nôtre et a guidé notre route a été de traiter le mythe (et on
acceptera peut-être, ici, ce singulier pour parler de deux exploits
qui, dans la légende d'Héraclès apparaissent - ne serait-ce que
chronologiquement - bien différents) comme un horizon
privilégié de la connaissance : privilégié parce que total, parce
que globalisant ; souci encore de ne rien sacrifier, ni de
l'universalité d'un thème (le besoin s'est toujours fait sentir, et
partout, d'apprivoiser l'homme à la mort qui est son destin), ni de
son unicité, dans la mesure, où, comme tout mythe, celui que
nous avions choisi d'étudier était système de référence pour une
expérience historique donnée, et nous entendons le terme, bien
sûr, dans son sens le plus large (825). Cette exigence signifiait
qu'alors même que nous considérions comme indispensable le
recours au comparatisme, à la psychanalyse, au symbolisme,
nous n'en fassions jamais la ou les explication(s) suffisante(s), et
qu'en dernier ressort l'expérience grecque sur laquelle nous nous
penchions restât bien le sujet de notre étude... Bref c'est le souci
prioritaire de l'histoire qui nous a guidée jusques et y compris
dans nos rapports avec la nécessaire étape du structuralisme.
650

Cette étude - et nous voudrions clore, par ces quelques


remarques, notre discours sur la méthode - (826) nous aura, dans
ce domaine, apporté quelques certitudes. Elle nous aura permis,
en particulier, de vérifier l'extraordinaire pouvoir d'adaptation,
de
"fonctionne"
réactivation
encore,
d'un mythe
alors même
qui, néque
peut-être
s'épuise
avec
l'expérience
l'histoire,

grecque. Et c'est surtout ce que nous voudrions retenir ici, en


soulignant :
- La nécessaire autonomie du mythe, une autonomie, que -
n'en déplaise à certains détracteurs d'un marxisme conçu bien à
tort comme un "réductionnisme économique" (827) - Marx avait
reconnu bien avant qu'on ne l'utilise comme argument contre
l'histoire ; une autonomie qui procède du statut même de la
conscience (qu'on relise la IVème thèse sur Feuerbach !) (828) et
qui rend illusoire de lire, dans le mythe, le simple reflet du champ
social ou de l'histoire, dont cependant il procède. Si le mythe, en
effet, naît d'un réel historique défini, il ne s'en caractérise pas
moins par "la déperdition de la qualité historique des choses" : le
mythe ne nie pas les choses, précise Roland Barthes, sa fonction
est au contraire d'en parler ; simplement "il les purifie, les
innocente, les fonde en nature et en éternité" (829).
- L'importance de la fonction symbolique comme opérateur
dans cette "prestidigitation", dans ce retournement du réel,
fonction symbolique qui, précisément, rend si complexes les
rapports entre les pratiques sociales et le langage mythique. Ce
dernier n'en est ni le reflet, ni l'expression - fût-elle opaque -,
mais simplement "pose une relation nécessaire entre des termes
dont
expérimentable..."
le rapportlien'est
ce qui ni
doitévident,
"rester ensemble"
ni pensable,
sans qu'on
ni
puisse éprouver ou prouver cette nécessité" (830). Et, à ce titre, il
est bien vrai qu'une théorie du langage symbolique reste à
construire.
- L'évolution qui cependant se dessine au fur et à mesure
qu'on s'éloigne des origines : avec la naissance conjointe de la
philosophie et de la science dans les cités économiquement
évoluées de l'Ionie, avec le développement de l'histoire, avec les
exégèses rationnelles qui se répandent, plus ou moins vite, plus
ou moins complètement, on a l'impression qu'à la fois s'accuse
cette autonomie du mythe par rapport au réel qui l'a vu naître et
qu'en même temps elle s'estompe, par l'usage qu'on en fait dans
651

une situation nouvelle. De vérité qu'il était, le mythe n'est plus


guère que récit susceptible de manipulations diverses. Alors
même que sa dimension symbolique se perd, sa fonction
idéologique tend à s'accroître : l'utilisation qu'en fait Diodore
est, à cet égard, révélatrice.
- Et, pour terminer, ce qui nous paraît fondamental : tant
d'indépendance par rapport à la réalité de l'histoire n'empêche pas
qu'on la retrouve à chaque pas. Si, dans une première partie,
nous avons vu le mythe simplement poussé par les vagues de
l'histoire, c'est en lui-même que nous avons pu, ensuite,
retrouver, dans la longue durée, les traces des transformations de
la société. Dans les "dérivations" successives du mythe, dans
l'évolution même de ce qu'il en reste d'essentiel : la victoire
brutale sur les forces de la mort se changeant en quête vertueuse
de l'immortalité... Le mythe, en quelque sorte, nous a paru
fonder sa propre diachronie.

La dérivation majeure, celle qu'il était le plus facile


d'appréhender, apparaît, nous l'avons vu dans notre seconde
partie, lorsque le mythe s'inscrit dans le cadre de la cité, et plus
précisément - le thème du voyage vers l'Ouest s'y prêtait - dans
le contexte de la colonisation. Il est assez piquant, à cet égard, de
remarquer que l'expression, jugée "particulièrement emphatique"
de "mission civilisatrice" remonte pour les historiens ou les
sociologues de la colonisation (la nôtre) à Napoléon III (831). Or
nous avons vu Diodore exprimer constamment cette idée à propos
d'Héraclès, apportant - au prix d'une juste violence ! - la paix,
la sécurité, la culture aux Barbares d'Occident... C'est bien une
"situation coloniale" qui vit se multiplier les épisodes de la geste
héracléenne et le fit parcourir en tous sens les domaines
nouvellement conquis.
Quelles que soient les différences - qu'on ne saurait
oublier - le phénomène antique et celui, plus proche de nous et
aux effets directement observables encore, de la colonisation
européenne, se rejoignent à certains égards : une même minorité
se superposant à une majorité indigène de civilisation et de
comportement différents : une minorité qui agit sur les peuples
autochtones "avec une vigueur disproportionnée au nombre, (qui)
652

est si l'on veut


déformante" (832)
extrêmement
; une domination
contagieuse
économique
et, de sa
(833)
nature,
qui
"cherche constamment à se justifier par un ensemble de
pseudo-raisons", qui développe, en conséquence, une idéologie
légitimatrice : l'exemple d'Héraclès gagnant à la lutte le royaume
d'Eryx, s'il n'est pas le seul, offre peut-être la plus transparente
de ces justifications
conflits" (834), tensions
! ; "rapports
et conflits
qui impliquent
à l'image desquels
tensions se
et
transforment les anciens combats d'Héraclès : Géryon, le maître
des animaux, le monstre triple, devient le souverain barbare
cousu d'or, alors que se multiplie le nombre des adversaires du
héros, brigands pillards ou souverains impies et ignorants de la
loi qu'il est indispensable de châtier ; tentative, enfin, "pour
compromettre en l'intéressant l'aristocratie indigène" (835)... un
projet que sert bien l'exceptionnelle vigueur sexuelle d'Héraclès
(836).

Mais, si la colonisation fit du voyage occidental d'Héraclès


le paradigme de l'acculturation du Barbare, si l'ordre, les normes
qui furent ainsi étendues aux limites mêmes du monde grec sont
bien l'ordre et les normes de la cité, il serait abusif d'en tirer
argument pour méconnaître ce qui, dans le mythe, a pu préexister
à cette mise en forme, nous dirions volontiers à cette mise en
structure.
Cet amont de la légende constituée d'Héraclès - ces thèmes
qui tiennent à la pérennité du mythe - et qui portent en eux leurs
propres dérivations, leur propre évolution - nous avons essayé
de les retrouver dans nos troisième et quatrième parties. Ils
éclairent, pensons-nous, les fonctions d'Héraclès - et par
là-même du héros - ils disent aussi, croyons-nous, la raison
d'être essentielle du mythe : fournir, en dernière analyse, une
justification de l'existence humaine

Image d'un Héraclès qui, loin d'être le banal compagnon


d'Hermès comme protecteur de la jeunesse au gymnase (837) (la
présence d'Hermès, à elle seule, pourrait interroger l'historien!),
653

joue un rôle dans la cité, à Athènes comme à Sparte, à Thasos


comme à Agyrion dans l'intégration des jeunes gens dans la
communauté des citoyens. Invention de la Cité ou héritage bien
assumé ? Le combat du héros contre le monstre triple, figure bien
connue des initiations indo-européennes, maître des animaux
depuis une époque plus reculée encore, incite à pencher pour
l'héritage... le mythe a éclairé la pratique à la fois religieuse et
sociale ; celle-ci, à son tour, invite à relire le mythe en ce sens...
l'initiation à Eleusis, qui finalement devient la condition du
triomphe d'Héraclès sur l'Hadès, montre à la fois la charge
potentielle du thème et le poids d'une évolution, parallèle à celle
du sentiment religieux en Grèce.

Image d'Héraclès au travail... image celle-ci paradoxale, car


rien, apparemment, n'est plus éloigné du travail que la quête des
boeufs de Géryon ou celle des pommes des Hespérides. Mais il
se trouve que ces épreuves font partie de la série des athloi qui
engagent Héraclès dans la dépendance d'Eurysthée... Il fallait
donc, pour bien les comprendre, se débarrasser de cette
contradiction apparente et, si cette démarche nous a éclairée sur le
sens des "travaux" d'Héraclès, elle nous a donné aussi - dans la
mesure où elle nous permettait d'appréhender l'idée qu'en Grèce
on se faisait du travail - la possibilité d'en mieux saisir, une fois
de plus, l'évolution, de mieux comprendre comment il était
inévitable qu'Héraclès devînt, finalement, le héros du ponos
librement consenti.

Image d'Héraclès bouvier et sacrificateur à la fois ; image


imposée par le rapt des rouges vaches d'Erythie, finalement
sacrifiées à Héra, et qui, dans la mesure même où elle estompe les
frontières du modèle classique de la thusia, dévoile le statut
ambigu d'un héros qui, une fois de plus, parcourt tout
Yhinterland entre bêtes, hommes et dieux.

Dernière image enfin, celle d'Héraclès face au double


visage de l'au-delà : leimon d'Erythie et képos des Hespérides,
visage triple du monstre infernal et pommes d'or gage
d'immortalité... Autant d'images déployées "comme une
possibilité de kaléidoscope qu'on n'aurait pas encore fait tourner"
(838).
654

Ce kaléidoscope, il faut maintenant le faire tourner, ou, plus


exactement (car nous ne savons rien des hasards ou des lois qui
en déterminent le fonctionnement !), il faut essayer de retrouver
une logique dans l'organisation de ces images.
Toutes, nous l'avons remarqué, conduisent à Argos, à
Argos où s'impose l'idée d'un Héraclès, non pas tant ennemi que
serviteur de la déesse, une déesse à la gloire de laquelle il travaille
avant même que la légende n'en fasse celui qui tient sa gloire
d'Héra (839), Héra "argienne" comme le dit encore Homère,
déesse primitive aux multiples fonctions, potnia théron régnant
sur la terre riche en boeufs, Héra, "la Dame", comme ailleurs on
dit, la "Despoina", la maîtresse ; Héra, le féminin - peut-être - de
héros.
Cette position subalterne du parèdre, Héraclès la
conservera, assez proche de ce qu'elle pouvait être à l'origine, en
Occident, où le héros apparaît encore beaucoup plus comme l'allié
de la déesse que comme son ennemi ; plus proche encore en
Orient où cet héritage lui permettait de se glisser facilement dans
le rôle des dieux mourant et renaissant. De ces identifications,
l'une - et nous espérons en avoir éclairé les raisons - devait
avoir le succès que l'on sait : celle qui ferait d'Héraclès le parèdre
d'une autre de ces grandes déesses primitives : Astarté, et
l'homologue d'un dieu phénicien, de Melqart qui, quelles que
soient les fonctions dont on l'a gratifié (840), quels que soient ses
propres héritages, finit par être, du moins par apparaître, comme
"l'éponyme déifié des rois de Tyr" (841).
Paolo Xella voit dans cette appartenance de Melqart à la
catégorie des mlk (m) la raison essentielle du syncrétisme qui
l'unit à Héraclès, le héros-dieu ; tous deux ne participent-ils pas à
la fois de la nature divine et de la nature humaine ? (842) Cet
éclairage nouveau est certes fondamental. Peut-être cependant ne
doit-on pas l'envisager (ou pas exclusivement) sur le plan de la
nature de l'un et de l'autre, mais bien plutôt en tenant compte des
fonctions qu'ils assument : nous pensons en effet que, plus
qu'autour de la nature des dieux, c'est autour des fonctions
divines que s'articulent les associations, les syncrétismes.
Or, comme Melqart, roi de la cité, Héraclès, par son passé
achéen, est héritier de la royauté sacrée, comme lui il paraît avoir
assumé le très large éventail des fonctions qui assurent la survie,
655

la reproduction, le succès de la communauté qu'il protège... des


fonctions pour lesquelles il faut, périodiquement, entretenir sa
force vitale (car c'est bien là le rôle de Yégersis de Melqart et ce
pourrait être aussi, à l'origine, celui du bûcher d'Héraclès
qui - s'il n'est pas un pur emprunt au dieu oriental - se
rattacherait ainsi sans incohérence au lointain passé du parèdre
d'Héra). Ce sont ces fonctions, enfin, qui, faisant d'eux des
protecteurs "complets" de la cité, expliquent, qu'ils aient pu en
être les archégètes . Et, si nous avons, dans cette recherche, fait
tant de place à l'expansion commerciale des deux peuples, c'est
parce qu'il semble bien que, tant géographiquement que
chronologiquement, cette dynamique de l'archégète ait eu un rôle
déterminant dans la rencontre de Melqart et d'Héraclès.
Mais nous n'en sommes pas encore là. En Grèce, où avec
les Achéens, puis avec les Doriens s'est imposée l'empreinte
indo-européenne, la réinterprétation du mythe - favorisée
peut-être par certaines rencontres (843) - semble bien être à
l'origine du développement de la légende : la soumission
d'Héraclès devenait celle du guerrier au souverain Eurysthée et se
développait le thème de l'hostilité d'Héra, rendue nécessaire pour
comprendre cette nouvelle situation.

Il est plus facile - et moins hypothétique - de retrouver la


marque de la cité sur la légende. Elle témoigne tout à la fois des
capacités intégratrices et du pouvoir structurant de ces
communautés nouvelles ; elle révèle, en même temps, les
rapports inédits qui s'établissent en leur sein,
- non seulement entre les hommes,
- mais encore entre les hommes et les dieux
- et, pourrait-on dire, à la jonction de ces deux
espaces : l'espace horizontal de la société, l'espace vertical du
divin, au lieu où se définit la place de l'homme dans l'univers, où
s'individualiseront, après les fortes cosmogonies des débuts, les
territoires de la géographie, de la philosophie, de l'eschatologie
ou de la métaphysique.
Héraclès, en effet, aide à "penser" les rapports des hommes
656

entre eux : intégration des jeunes dans la communauté des


adultes ; place respective de tous dans la cité ; situation de
certains "entre l'esclavage et la liberté"... Il aide les hommes
également, lui le héros/bête, lui le héros/dieu, à se situer sur
l'échelle verticale des valeurs ; il met en rapport le profane et le
sacré : c'est vrai de ses "travaux" qui passent de l'activité la plus
vile à l'exploit proprement surnaturel ; c'est vrai de son rôle dans
l'initiation ; c'est vrai encore de son rôle dans le sacrifice ; c'est
vrai enfin de toute son existence, puisque son apothéose
finale - qu'elle s'explique par l'initiation à Eleusis, se traduise
par le bûcher de l'Oeta, ou se réalise par l'adoption d'Héra ou le
mariage avec Hébè - le fait, pour sa part, quitter définitivement
le monde des hommes pour celui de la félicité éternelle avec les
dieux.
Héraclès, enfin, aide les hommes à trouver leur place dans
un cosmos lourd de signification cachée et c'est cet aspect,
surtout, que nous retiendrons, dans la mesure où il nous paraît
cristalliser, à lui seul, les multiples facettes du mythe occidental
d'Héraclès.

Le voyage d'Héraclès vers l'île rouge de Géryon, ou vers le


jardin des Hespéndes (nous espérons avoir convaincu que c'est
du même pays du Couchant qu'il s'agit) s'est enrichi, c'est bien
évident, des connaissances géographiques des Grecs. Il reste
cependant, au moment même où, au terme de son évolution, nous
l'avons appréhendé, largement imaginaire : dans les jalons que
nous avons tenté de cartographier il ne faut pas chercher
d'itinéraire véritable, pas plus qu'il ne serait raisonnable de voir,
dans les cartes ioniennes, des instruments précis de la
connaissance géographique. "Cartes-images", avons-nous dit
(844), images largement mythiques du monde et, en ce qui
concerne les nôtres, images d'un mythe étendu aux limites mêmes
du monde (845).
L'intérêt du mythe est autre : ce pays du couchant, où, très
tôt Héraclès tue Géryon pour mieux voler ses boeufs, où plus
tard, il va cueillir les fameuses pommes d'or, est, à tous égards,
l'espace de la conjonction des extrêmes : du connu et de
l'inconnu, du Jour et de la Nuit, de la vie et de la mort. Passé ce
657

seuil est le Cocpoç ... un terme qu'utilise Pindare pour définir


l'au-delà de Gadès et qui, lourd de sens, connote à la fois les
ténèbres et les Enfers, mais aussi l'Occident... On s'en aperçoit
bien dans l'emploi que, dans la XXVème Idylle, en fait Théocrite
(846).
Conjonction des extrêmes, encore : il est le pays où, nous
l'avons vu, "les palais étoiles des Cieux" répondent aux "abîmes
marins". Mais cela suffit-il pour faire de cet univers d'Atlas et des
Hespérides, comme le dit Alain Ballabriga, un omphalos, "un
nombril
"central" du
comme
monde,
l'implique
c'est-à-dire
le texte
un point
d'Euripide,
qui, d'une
se présente
façon
comme une zone où s'effectuent la rupture et la fusion des
niveaux cosmiques, dans le sens vertical : coïncidence du haut et
du bas, ou horizontal : coïncidence du levant et du couchant"
(847) ?
Nous ne le pensons pas : lointains indéfinissables,
eschatiai disent nos premiers textes, finistères, répéteront les
Romains... L'idée dominante nie précisément celle de l'ombilic et
la conjonction des extrêmes, que nous relevons nous aussi,
n'autorise pas, à elle seule, à en faire un "centre".
En revanche, ce qui nous paraît à la fois plus conforme à
l'image du monde que nous ont laissée les Grecs, plus
respectueux aussi de cet imaginaire dans lequel intervient
Héraclès, ce que, par conséquent, nous envisagerions volontiers,
c'est de reconnaître, dans le héros, ce "centre" mythique, cet
opérateur logique qui aide à "penser l'espace" et fait, précisément
se rejoindre les extrêmes : Gilles Deleuze l'avait pressenti, qui,
dans la Logique du sens, parle ainsi du héros : "II est le
pacificateur et l'arpenteur de la terre, il foule même la surface des
eaux... Il remonte ou redescend à la surface, par tous les
moyens... double lutte contre la profondeur et la hauteur : toute
la pensée réorientée, nouvelle géographie" (848).
Nouvelle cosmogonie plutôt, car c'est bien de l'inscription
de l'homme dans le cosmos qu'il s'agit, de sa place dans un
monde mal connu, de ses angoisses, aussi, devant un au-delà qui
signifie la mort...
... La mort qui plane sur tous les travaux du héros, dès
que, chez Homère, ils nous sont connus, la mort, présente, plus
singulièrement encore, au coeur de ceux que nous avons étudiés.
Cette mort, Héraclès, contrairement à Gilgamesh, réussira à la
658

vaincre ; ces fruits d'or des Hespérides que nul ne peut cueillir, il
les obtiendra ; ce pays merveilleux auquel nul ne peut accéder,
lui seul l'atteindra, et ce à la suite d'une série d'épreuves
/transgressions dont Mircéa Eliade a bien montré, non seulement
qu'elles constituaient l'archétype des rites d'initiation, mais, de
plus, traduisaient "sous une forme plastique et dramatique l'acte
même par lequel l'esprit transcende un cosmos conditionné,
polaire et fragmentaire, pour retrouver l'unité fondamentale
d'avant la création" (849), d'avant la séparation d'avec les dieux,
dirions-nous plutôt pour la Grèce !
Héros de la médiation (et si, sur toutes ces marges où
croisait Héraclès, nous avons rencontré Hermès, ce n'est pas un
hasard !) ; héros de la transgression aussi... comme cette
femme-chaman en honneur chez les Chors et parvenue au rang
d'Esprit - Maître pour avoir bravé le grand dieu Ulgen, "cas de
divinisation à la suite d'une transgression, ainsi qu'il advient
souvent aux héros civilisateurs", commente Eveline Lot-Falck...
(850). Les fonctions d'Héraclès, on le voit, peuvent se joindre
en un tout cohérent.

Si le mythe d'Héraclès finit ainsi par devenir pour les Grecs


un véritable mythe d'identité, s'il les aide à se définir par rapport
à l'autre, qu'il soit bête ou dieu, qu'il soit tout simplement
homme, si enfin - ultime dérivation - les hommes se servent de
lui pour se définir par rapport à ce qui n'est pas la Grèce (ou, plus
tard encore, le monde gréco-romain) ... bref, par rapport au
Barbare... Si Héraclès, ainsi, aide à penser l'alterné, ne serait-ce
pas parce qu'au coeur du mythe, se trouve la victoire sur Hadès,
sur "cette altérité radicale, cette extrême absence de forme, ce non
être par excellence que constitue le phénomène de la mort" (851).

Homme ou dieu ? mortel ou immortel ? le destin


d'Héraclès répond à une question que seul le mythe ose résoudre
et que, plus tard, poseront les philosophes, en des termes, il est
vrai, différents, à la fois universels et ontologiques :

"Les immortels sont mortels et les mortels immortels, les


uns vivent de la mort des autres, les autres meurent de la vie
des uns"
Heraclite (852)
659

NOTES DE LA CONCLUSION

825- "(Celle) de son subconscient, (celle) de son insertion dans le groupe


social et dans le cosmos ". Cf. P. LÉVEQUE, Problèmes de l'histoire
et des sociétés antiques, Aujourd'hui l'histoire, Paris, 1974, pp. 71-93.
826- Jean DOURNES, îoc. cit., cite un proverbe japonais : "Prenez garde
d'analyser le doigt qui montre la lune en oubliant la lune". Nous nous
permettons de citer cette phrase (qui pourrait être un encouragement
pour un retour au positivisme) dans la mesure où nous avons
conscience d'avoir accordé nous même une certaine importance à la
méthode !
827- Ils sont légion, Cf. par exemple, J. MOLINO, Sur la situation
symbolique, VARC, numéro consacré à G. Duby, Paris, 1978, pp.
20-25.
828- MARX, Thèses sur Feuerbach, L'idéologie allemande (Marx et Engels)
Paris, traduction des Editions sociales, 1976 ; cf. C.
JOURDAIN-ANNEQUIN, Ioc. cit.,DHA, 8, 1982, note 275. Marx,
il est vrai, a laissé peu exploré ce domaine de l'activité humaine, mais
il a toujours souligné, comme le note J. DUVIGNAUD, QJARC, op.
cit., pp. 26-31) ), "l'enchevêtrement complexe du champ mental et du
champ social, de l'imaginaire et de l'activité productrice". Voir sur ce
chapitre les travaux de M. GODELIER : entre autres, Marxisme
anthropologie et religion, Raison présente, XVIII, 1971, pp. 45-65 et,
La part "idéelle" du réel, VARC, op. cit., pp. 49-56... Voir aussi les
recherches
"sacrifici" dideadolescent
O. LONGO,e controllo
par exemple,
demographico
Rapporti
nella
di Grecia
riproduzione,
antica,
Colloque de Bressanone, op. cit., pp. 127-163.
829- R. BARTHES, op. cit., p. 230.
830- M. DE CERTEAU, L'Arc, op. cit., "table ronde", pp. 82-83.
831- G. BALANDIER, La situation coloniale, une approche théorique dans
Cahiers Internationaux de Sociologie, XI, 1951, pp. 44-79.
832- H. LAURENTIE, Notes sur une philosophie de la politique coloniale
française, Renaissance, n° spécial, oct. 1944. Cité par G.
BALANDIER, Ioc. cit., p. 62.
833- Nous ne parlerons pas, dans le cas de la colonisation grecque, de
domination politique : lorsqu'elle reste dans les limites de la cité en
effet (et nous l'avons vu la politique de conquête territoriale des
660

Deïnoménides, à cet égard, a des implications intéressantes !)


l'intégration est moindre et le processus de refus plus facile.
834- G. BALANDIER, loc. cit., p. 54.
835- Cf. G. BALANDIER, loc. cit., p. 48 qui, à ce propos cite Lyautey :
"mettre la classe dirigeante dans nos intérêts"
836- On se reportera sur ce point p. 356 et note 4 (ΠΙ^β partie).
837- Cf. encore récemment, M. JOST (Sanctuaires et Cultes d'Arcadie,
Paris, 1985) mentionne, dans la rubrique "divers cultes mineurs" et
sans les commenter, les témoignages rapportés par Pausanias des
mythes et cultes perpétuant le souvenir d'Héraclès en Mégalopolitide et
estime simplement, à propos du temple conjoint d'Héraclès et
d'Hermès, près du stade, sur la rive sud de l'Hélisson, que "les
attributions agonistiques d'Héraclès, ce modèle mythique de l'athlète
complet, étaient consacrées, à Mégalopolis, par l'existence d'un culte
de type divin" p. 533.
838- Je rappelle que j'emprunte l'image primitive à Jean Dournes, cf. supra,
p. 319 et note 500 (Ilème partie).
839- Pour le nom d'Héraclès, on se reportera à la note 256 du prologue.
840- Cf. supra, notre première partie.
841- E. LIPINSKI, loc. cit ., p. 51.
842- Cf. encore C. BONNET, op. cit., p. 89 : "Melqart est à la fois un roi
déifié et un dieu souverain".
843- Cf. F.C. PHILIPS, pour qui la figure classique d'Héraclès est la
réunion de deux héros locaux à l'origine séparés, l'un béotien, l'autre
peloponnésien, Héraclès, CW, LXXI, 1978, pp. 431-440.
844- Distinction établie, nous le rappelons, par G. KISH, op. cit., p. 9.
845- L'image des cieux était-elle plus précise ? C'est apparemment ce que
pensent R. ROSENSTINGL et E. SOLA, qui - sans toutefois apporter
d'arguments convaincants - voient, dans le dixième des Travaux
d'Hercule, un vieux périple vers les terres hispaniques : El décimo
trabajo de Hercule : Un paleoperiplo por tierras Hispanicas, Ampurias,
38-40, 1977, pp. 543-548.
846- THÉOCRITE,/rfy//«,XXV,85.
847- A. BALLABRIGA, Le Soleil et le Tartare, l'image mythique du
monde en Grèce archaïque, Paris, 1986, p. 84. Nous prenons
connaissance, au moment de conclure notre étude, de ce livre qui vient
de paraître. Si, en ce qui concerne les mythes héracléens, utilisés,
parmi d'autres, pour appréhender cette image mythique du monde en
Grèce archaïque (souligné par nous) nous sommes sensibles à de larges
convergences avec nos propres observations, nos réticences sont
661

grandes à admettre (outre l'idée de cet ombilic) la structure à quatre


pôles solsticiaux que constituerait la quête des Hespérides, structure il
est vrai amorcée au Vème siècle par Phérécyde et dans laquelle entre, à
notre gré, une forte part de reconstitution arbitraire.
848- G. DELEUZE, Logique du sens, Paris, 1969, p. 157.
849- M. ELIADE, Traité d'histoire des religions, Paris, 1962, p. 358 (II
n'est pas question αΉέι^^β, mais de l'initiation en général).
850- E. LOT-FALCK, Rites de chasse chez les peuples sibériens, op. cit.,
p. 61. Une fois de plus, constatons-le, les racines du mythe nous
paraissent plonger dans un monde où, sur un autre plan, conduisait la
théorie de W. Burkert (dans // Mito Greco, op. cit.), une théorie qu'au
départ, nous jugions pourtant audacieuse !
851- J.P. VERNANT, dans son Introduction à La mort, les morts dans les
Sociétés anciennes, op. cit., p. 6.
852- HERACLITE, De la nature, frg. 2 H. DIELS, W. KRANZ, Die
Fragmente der Vorsokratiker, Berlin, I960 (9), noté ici dans la
traduction de J. BRUN, Heraclite ou le philosophe de l'éternel retour,
Paris, 1969 (2) p. 132.
BIBLIOGRAPfflE
665

Ι - TEXTES ANCIENS

1. Editions générales et fragments


E. DIEHL, Anthologia tyrica Graeca, Leipzig, 1936.

W. DINDORF, Scholia Graeca in Homeri Odysseam, Oxford, 1855.

F. JACOBY, Die Fragmente der griechischen Historiker, Leyde,


1940-1958 (Berlin 1923-1930) (F. Gr. Hist. )

G.L. HUXLEY, Greek Epie Poetry from Ewnelos to Panyassis,


Londres, 1969.

G. KINKEL, Epicorum Graecorwn fragmenta, I, Leipzig, 1877.

VJ. MATTHEWS, Panyassis of Halikarnassos, Leyde, 1974 (les


fragments anciens conservent la numérotation de KINKEL (F26K), les
plus récents sont notés simplement F27.)

AJ. METTE, Die Fragmente der Tragôdien des Aischylos, Berlin,


1959.

K. MULLER, - Geographi Graeci Minores, Hildesheim, 1965,


(réimp. de l'éd. de Paris, 1861) (GGM ).
- Fragmenta Historicum Graecorwn, Paris, I-V,
1841-1870 (FHG ).

A. NAUCK, Tragicorum Graecorwn Fragmenta, Leipzig, 1889,


rééd. 1964.

D.L. PAGE, - Poetae htelici Graeci, Oxford, 1962 (rééd. 1967 et


1975) (PMG ).
- Lyrica Graeca Selecta, Oxford, 1968, 1976 (2).
(LGS).
-Supplementwn Lyricis Graecis, Oxford, 1974
(SLG ).

Sur des points précis :


Cl. MEILLER, P. Lille Inv. 71 et P. Lille Inv. 126, CRIPEL, VI,
1981 pp. 243-252.
666

2. Auteurs

Lorsqu'elles ne sont pas précisées, les références sont celles


des Editions des Belles Lettres, CUF, Paris. Les éditions autres
utilisées - ne serait-ce qu'à titre comparatif - ou les traductions
personnelles sont signalées en notes.
En ce qui concerne certains auteurs, dont l'importance est
capitale pour le sujet : Diodore, Apollodore, Pausanias... nous
nous sommes reportée :
- soit au texte de l'édition anglaise (Loeb Classical Library)
pour Diodore : C.H. OLDFATHER, Diodorus of Sicily,
vol. I à III, Londres / Cambridge,
1967-1970.

pour Pausanias : W.H.S. JONES et H.A. ORMEROD,


Pausanias, Description of Greece,
Londres/Cambridge, 1959-1961.

- soit au texte de l'édition allemande (Teubner)


en particulier pour Apollodore : R. WAGNER,
Mythographi Graeci, I, Apollodori
Bibliotheca, Stuttgart, rééd. 1965.

3. Les mots grecs

- E. BENVENISTE, Le vocabulaire des institutions


indo-européennes, 2 vol., Paris, 1969.

- P. CHANTRAINE, Dictionnaire étymologique de la


langue grecque, histoire des mots, 4 vol.,
Paris, 1968-1980.

- B. SNELL, H.J. METTE, Lexikon des frûhgriechischen


Epos, Gôttingen, I, 1955.

- H. TRUMPY, Kriegerische Fachausdrûcke im


griechischen Epos, Fribourg, 1950.
667

II - ICONOGRAPHIE

J.D. BEAZLEY, -Attic Black-Figure Vase-Painters, Oxford,


1956. (ABV)
-Attic Red-Figure Vase-Painters, 2è éd. Oxford,
1963, (ARV2).
- Paralipomena, Additions to Attic Black-Figure
Vase-Painters and to Attic Red-Figure Vase-Painters, 2è éd.
Oxford, 1971.
-The World of the Etruscan Mirors, JHS,
LXDC, 1949, pp. 1-17.

O. BENNDORF, Griechische und sicilische Vasenbilder, Berlin,


1869-1883.

J. BOARDMAN, Athenian Red Figure Vases, the Archaïc Period,


Londres, 1975.

Ph. BRIZE, Die Geryoneis des Stesichoros und die frùhe


griechische Kunst, Wiirzburg, 1980.

F. BROMMER, -Vasenlisten zur griechischen Heldensage, 3è


éd. Marburg, 1973. (Vasenlisten ).
- Herakles, die zwôlf Taten des Helden, in
antiker Kunst und Uteratur, Mûnster/Kôln, 1953 (die zwôlf

Taten) - Herakles und die Hesperiden auf Vasenbildern,


Jahrbuch des deutschen archàologischen Instituts, 57, 1942,
pp. 105-123. (Hesperiden auf Vasenbildern ).

CORPUS VASORUM ANTIQUORUM, à partir de 1922 (CVA ).

E. GERHARD, -Auserlesene griechische Vasenbilder, Berlin,


1940.
- Etruskische Spiegel, I, Berlin, 1843.

G.Q. GIGLIOLI, Varte etrusca, Milan, 1935.

R. HAMPE, E. SIMON, Un millénaire d'art grec, 1600-600,


Fribourg, 1980.
668

H. METZGER, - Les représentations dans la céramique attique du


IVème siècle, Paris, 1951.
- Recherches sur l'imagerie athénienne, Paris,
1965.

J.M. MORET, L'Ilioupersis dans la céramique italiote, les mythes


et leur expression figurée au IVème siècle, Genève 1975.

J.L. MYRES, Handbook ofthe Cesnola Collection of Antiquities


from Cyprus, New- York, 1919.

M. ROBERTSON, Geryoneis : Stesichorus and the Vase-


Painters, The Classical Quaterty, XIX, 1969, pp. 207-221.

L.TIBERI, Stesicoro e le raffîgurazioni vascolari délia Gerioneide,


Archeologia Classica, XXIX, 1, 1977, pp. 175-179.

Actes du Colloque de Rouen, 1982, Image et céramique grecque,


Rouen, 1983.

Actes du colloque d'Aix-en-Provence : Iconographie et histoire


des mentalités, Marseille, 1979.

Nous avons bénéficié des informations communiquées par le


Beazley Archive Computer Project, Ashmolean Muséum Library,
Oxford et par l'Istituto di Archeologia deirUniversità di Pisa qui
informatise le Corpus Vasorum Antiquorum . Nous tenons à
remercier très vivement Ruth Glynn, d'une part, Caria di Bari et
Gabriella Orsolini-Ronzitti, d'autre part.

ΙΠ - BIBLIOGRAPHIE MODERNE

C'est une bibliographie succincte qu'on trouvera ici. Seules


les études les plus régulièrement citées y figurent. Il va de soi que
cette bibliographie ne présume pas de l'importance historique des
lectures prises en compte tout au long de cette recherche et qu'elle
ne se substitue en aucune façon aux références d'ouvrages et
articles mentionnés dans les notes.
669

1. Ouvrages généraux: Mythe et religion

R. BARTHES, Mythologies, Paris, 1957.

A. BRELICH, Gli eroi greci, un problema storico religioso,


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Cl. BREMOND, Logique du récit, Paris, 1973.

W. BURKERT, Structure and History in Greek Mythology and


Ritual, Bericeley, 1979.

M. DELCOURT, Légendes et cultes des héros en Grèce, Paris,


1942.

M. DESPLAND, Seven Decads of Writing on Greek Religion,


Religion, IV, 1974, pp. 118-150.

M. ϋΕΉΕΝΝΕ, L'invention de la Mythologie, Paris, 1981.

G. DURAND, Figures mythiques et visages de l'oeuvre, L'Ile


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L.R. FARNELL, Greek hero cuits and ideas of immortality,


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M.I. FINLEY, Mythe, Mémoire, Histoire, trad. Paris, 1981.

L. GERNET, Anthropologie de la Grèce ancienne, Paris, 1968.

A. J. GREIMAS, - Sémantique structurale, Paris, 1966.


-Sémiotique et sciences sociales, Paris, 1976.

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W.K.C. GUTHRIE, Les Grecs et leurs dieux, trad. Paris, 1956.


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J. E. HARRISON, Themis, A Study of the Social Origins of


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P. LÉVEQUE, - Formes et structures méditerranéennes dans la


genèse de la religion grecque, Praelectiones Patavinae,
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-Bêtes, dieux et hommes, Paris, 1985.
-Les grandes divinités de la Grèce, (avec L.
SÉCHAN), Paris 1966.

Cl. LÉVI-STRAUSS, - Anthropologie structurale, Paris, 1958,


-Anthropologie structurale, II, Paris, 1973.

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A. PARRY, The making ofHomeric Verse, Oxford, 1971 (édition


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J.P. VERNANT,- Mythe et Pensée chez les Grecs, Paris, 1969.


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1974.

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P. ZUMTHOR, Introduction à la poésie orale, Paris, 1983.

Ouvrages collectifs

II Mito Greco (Colloque d'Urbino, mai, 1973) éd. par B.


GENTILI et G. PAIONI, Rome, 1977.

Sémiotique - L'Ecole de Paris, Paris, 1982.

Religione e città nel monde antico (Colloque de Bressanone, Atti,


vol. XI, 1980-1981), Rome, 1984.

Dictionnaire des mythologies et des religions traditionnelles et du


monde antique, sous la direction d'Y. BONNEFOY, Paris,
1981.

Le conte, pourquoi ? comment ? Journées d'études en littératures


orales (Paris, 1982), Paris, 1984.

Pour se faire une idée de l'évolution des sciences du langage, on


672

comparera, dans la même revue Communications :

- Recherches sémiologiques, l'analyse structurale du récit,


Communications, VIII, 1966.
- Les avatars d'un conte, Communications, XXXIX, 1984.

2. Héraclès et Travaux d'Héraclès

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MYTHOLOG Y OF ALL RACES


II, CJ. MAC CULLOCH, Eddie,
ΙΠ, CJ. MAC CULLOCH, J. MACHAL, Celtic, slavic,
VI, A. BERRIEDALE KEITH, A.J. CARNOY, Indian
Iranian.

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M.L. WEST, The Prometheus trilogy, JHS, XCIX, 1979, pp.


130-148.
690

TABLEAUX

Ι - Le dodécathlos dans la tradition littéraire. p. 13

II - Auteurs et oeuvres cités par Apollodore. p. 237-239

ΙΠ - L'héritage mythographique d'Apollodore.


Approche chronologique. p. 240

IV - Apollodore : la quête des pommes d'or des


Hespérides, schéma actantiel. p. 265

V - Diodore de Sicile : la quête des pommes d'or


des Hespérides (IV, 26), schéma actantiel. p. 266

VI - Diodore de Sicile : la quête des pommes d'or


des Hespérides (IV, 27), schéma actantiel. p. 266

VII - Apollodore : la quête des boeufs de Géryon,


schéma actantiel. p. 267

Vin - Diodore de Sicile : la quête des boeufs de


Géryon, schéma actantiel. p. 267

IX - Athlos et misthos dans l'épisode d'Héraclès


chez Augias. p. 449
691

FIGURES ET CARTES

Couverture :

Héraclès chypriote (provenance Dhali).


Louvre, réserve Lefuel, MNB, 315. (photo 1971)
Voir planches XIV et XV de l'annexe iconographique, à paraître
prochainement sous le titre : Héraclès - Melqart à Amrith,
contribution à l'étude d'un syncrétisme . photo C. ANNEQUIN.

Frontispice :

Héraclès et Géryon (Musée d'Olympie). Cf. E. KUNZE, Olympische


Forschungen, II, Archaische Schildbànder, Berlin, 1950, pi.
XXX.

Revers de couverture :

Le dragon et l'arbre des Hespérides.


Boschius, Symbolographia,
Symb. LVII, class. ΙΠ, tab. IV.

PREMIERE PARTIE

Fi g. 1 : Les travaux occidentaux


"carte-image" de Yoicouménè.
d'Héraclès sur une p. 104

Fig. 2: Cadix et Gadès. p. 107

Fi g. 3: L'estuaire du Loukkos et Lixos. p. 113

Fig. 4: Lixos : plan et vue aérienne des fouilles. p. 116

Fig. 5: Relief de l'Université américaine de Beyrouth


(inventaire n° 4721). p. 122
692

Fig. 6 : Lixos, le quartier des temples, première étape :


le temple H. p. 129

Fig. 7 : Lixos, le temple H, détails d'architecture. p. 130

Fig. 8: Lixos, le temple F et ses annexes :


plan et essai de reconstitution. p. 132

Fig. 9: Lixos, le complexe cultuel de l'Acropole


(photos, 1969). p. 133

Fig. 10 : Plan df Amrith. p. 140

Fig. 11 : Amrith : le Ma'abed (photos 1971). p. 141

Fig. 12 : Amrith : le Ma'abed, essai de reconstitution. p. 142

Fig. 13 : Carte de llle de Chypre : sites archéologiques


et mines de cuivre. p. 145

Fig. 14 : Le sanctuaire de Byblos (monnaie de


l'Empereur Macrin). p. 148

Fig. 15 : Chypre : le site de Kition-Bamboula. p. 149

Fig. 16 : Chypre : le sanctuaire de Kition-Bamboula,


premier état p. 151

Fig. 17 : Chypre : le sanctuaire de Kition-Bamboula,


deuxième état p. 152

Fig. 18 : Chypre : le sanctuaire de Kition-Bamboula,


la troisième phase archaïque (550-500). p. 154

Fig. 19 : Le sanctuaire de Thasos : plan. p. 159

Fig. 20 : Autour du combat contre l'hydre. p. 166

Fig. 21 : L'Héraclès chypriote et l'Héraclès d*Amrith. p. 170


693

DEUXIEME PARTIE

Fig. 22 : Héraclès dans la coupe du soleil


(coupe de la manière de Douris). ρ . 219

Fig. 23 : Auteurs et oeuvres cités par Apollodore :


essai de représentation cartographique. p. 249

Fig. 24 : L'expédition contre Géryon chez Apollodore


et chez Diodore de Sicile :
essai de représentation cartographique. p. 254

Fig. 25 : L'expédition contre Géryon chez Diodore de


Sicile : Héraclès en Italie du Sud et en Sicile. p. 271

Fig. 26 : Céramique mycénienne en Italie et en Sicile.


Carte des découvertes archéologiques. p. 284

TROISIEME PARTIE

Fig. 27 : Herclé, Vilae et Turms


(Miroir étrusque). p. 362

Fig. 28 : Herclé allaité par Uni


(Miroir étrusque). p. 401

Fig. 29 : Héraclès allaité par Héra


(Lécythe d'Anzi. British Muséum). p. 402

QUATRIEME PARTIE

Fig. 30 : Héraclès "révolutionnaire" : logotype de la ville


de Lyon. p. 469
694

Fig. 31 : 1) Héraclès et Géryon. Pyxide protocorinthienne. p. 476


2) Héraclès et Géryon. Amphore à col
deVulci. pp. 476-477

Fig. 32 : Héraclès et Géryon. Coupe d'Euphronios. p. 478

Fig. 33 : Héraclès et Géryon. Bas-relief de la


collection Cesnola. p. 479

Fig. 34 : Héraclès et le sacrifice. p. 499

Fig. 35 : Héraclès "mangeur de rois". Gravure parue


dans le journal "Les Révolutions de Paris". p. 5 1 2

Fig. 36 : Héraclès et les monstres marins. Coupe de


l'atelier du peintre de Xénoclès. p. 524

Fig. 37 : Héraclès et Géryon. Amphore d'Exékias. p. 531

Fig. 38 : Héraclès et Géryon. Amphore de Bassegio. p. 532

Fig. 39 : Héraclès et Géryon. Amphore de Caere. p. 534

Fig. 40 : Guerrier tricéphale. Bronze étrusque du


Musée des Beaux Arts à Lyon. p. 535

Fig. 41 : Héraclès au jardin des Hespérides.


Dessin O. BENNDORF. p. 538

Fig. 42 : Héraclès au jardin des Hespérides.


Hydrie du peintre de Meidias. p. 544

Fig. 43 : Héraclès et Atlas au jardin des Hespérides. p. 555

Fig. 44 : Héraclès et les Hespérides.


Amphore de Boulogne. p. 558

Fig. 45 : Projet de David pour le rideau de scène de


l'Opéra (Printemps 1794). p. 567
695

ÉPILOGUE

Fig. 46 : Reconstitution du temple archaïque de S. Omobono


d'après : Enea nel Lazio, Archeologia e mito. p. 632

Fig. 47 : L'aire sacrée de S. Omobono


1 - Stratigraphie d'après J. POUCET,
AC, XLIX, 1980. p. 633
2 - Plan d'après A.M. COLINI,
PP, ΧΧΧΠ, 1977

Fig. 48 : Le groupe d'acrotère : Héraclès et "Athéna"


d'après : Enea nel Lazio, Archeologia e mito,
p. 121. p. 634

Fig. 49 : Hercule étrusco-italique (Lyon X 254). p. 641

Note. Sauf indication contraire, photos C. Annequin.


Que N. Saliby qui m'a donné accès aux statues de l&favissa
d'Amrith conservées au musée de Damas, A. Caubet qui m'a
procuré toutes facilités pour photographier les sculptures de la
réserve Lefuel au Louvre, que M. Yon, qui m'a autorisée à utiliser
la documentation photographique de la Mission Française à Chypre
(chantier de Kition - Bamboula), que le Musée des Beaux-Arts à
Lyon, enfin, soient ici très vivement remerciés.
INDEX DES NOMS DE LIEUX
GEOGRAPHIQUES OU MYTHIQUES

Ont été exclues les indications trop vagues (Occident,


Méditerranée...) ou trop fréquentes (Grèce).

ALMUNECAR p. 109.
ALPES p. 267; 307; 308; 331
n. 177 ; 638 ; 639.
ABANO TERME p. 536. ALPHÉE p. 411 n. 66; 443;
ABDERE p. 252; 255; 331 n. 445 ; 484 ; 578 n. 135.
176 ; 368. AMANZORA (rio) p. 109.
ABYLA (Mont) p. 80 n. 177; AMATHONTE 209 n. 430.
103 ; 174 n. 29, 30 ; 180 n. AMBÉLIKOU p. 146 ; 147 ; 200
88. n. 327.
ACADÉMIE p. 358 ; 414 n. 114. AMÉRIQUE p. 382 ; 453.
ACHÉLOOS p. 307. AMMAN p. 508.
ACHÉRON p. 364 ; 563. AMRITH p. 135 ; pp. 137-144 ;
ACHO (Mont) p. 80 n. 177 ; 174 153 ; 158 ; 169 ; 192 n. 209 ;
n. 30 ; 180 n. 88, 193 n. 216 ; 196 n. 279 ; 635.
AÇORES p. 171 n. 1. AMYCLÉES p. 479.
ACROTIRI p. 551 ; 620 n. 684. AMYMONÉ (fontaine) p. 480.
AFRIQUE p. 102; 111 ; 115; ANAPHÉ p. 490.
117; 212-214 ; 224; 252; ANDALOUSIE p. 209 ; 110 ; 181
347 n. 435 ; 379 ; 380 ; 547 ; n. 100 ; 186 n. 150.
551 ; 553 ; 554. ANGLETERRE p. 453.
AGRIGENTE p. 278 ; 334 n. 234. ANTASp. 110.
AGRAI p. 424 n. 262. ANTHÉMOUS (fleuve) p. 561.
AGYRION p. 59; 228; 257; APONUS (Source) p. 281 ; 526.
275; 279-282 ; 287; 292; ARABIE p. 22; 118; 188 n.
308; 312; 336 n. 268; 347 179 ; 489 ; 553.
n. 433; 370; 371 ; 3 72- ARA ΜΑΧΙΜΑ ρ. 81 n. 195 ; 195
375; 406 n. 11; 413 n. 111; n. 251 ; 253 ; 308 ; 485 ;
653. 487 ; 513 ; 629-641 ; 642 n.
AINURA (CHYPRE) p. 204 n. 381 ; 781 ; 645 n. 821.
208 n. 418. ARCADIE p. 292 ; 346 n. 413 ;
AL MINA p. 631. 360 ; 367 ; 376 ; 397.
ALAMBRA (CHYPRE) p. 147 ; 200 ARGENTARIUS (Mont) p. 100.
n. 327. ARGOLIDE p. 52, 358; 377;
ALEPp. 119; 169; 199 n. 315; 459 ; 460 ; 464 ; 514 ; 563 ;
207 n. 409 ; 209 n. 432. 594 n. 306.
ALÉSIA p. 246 ; 253 ; 308 ; ARGOS p. 20; 26; 62; 87 n.
309; 310; 638. 256; 225; 235; 268; 318;
ALEXANDRIE p. 236 ; 248. 326 n. 117; 377; 440-441 ;
ALMÉRIAp. 109. 514-515 ; 528 ; 552 ; 563 ;
698

564 ; 565 ; 566 ; 583 η. 194 ; BÉRÉNIKÉp.551.


607 η. 482 ; 486 ; 608 η. 494 ; BÉRYTE p. 192 n. 205.
624 η. 756 ; 654. BÉTIQUE p. 95 ; p. 188 n. 177.
ARTÉMISION (Mont)p. 346 η. BISMARCK (archipel) p. 417 n.
413. 168.
ARVADp. 138. ΒΓΓΗΥΝΙΕρ.611η.552.
ASIE p. 22; 45; 103; 112; BOSAp.110.
233; 450; 507; 611 η. 552. BREIDJ p. 169.
ASSYRIE p. 163. BRUTTIUM p. 225.
ATHENES p. 34 ; 296 ; 326 n. BURKINA FASO p. 45.
121 ; 349 n. 467 ; 355 ; 356 ; BYBLOS p. 135 ; 143 ; 148 ; 192
369; 371-372 ; 375; 392; n. 205 ; 193 n. 220 ; 198 n.
394 ; 403 ; 441 ; 447 ; 456 ; 305.
458 ; 470 ; 478 ; 496-497 ;
578 n. 138 ; 616 n. 626 ; 653.
ATHIENAUp.479.
ATHIÉNOUp. 147. CADIX p. 98 ; 106-109 ; 176 n.
ATLAS (Mont) p. 22 ; 101 ; 180 43,44.
n. 88 ; 541. CAERE p. 537.
ATTIQUE p. 358-359 ; 407 n. CALPÉ p. 80 n. 177 ; 103 ; 174 n.
17 ; 408 n. 28 ; 493 ; 513 ; 29, 30.
540. CALYDON p. 307.
AVENTIN p. 85 n. 235 ; 420 n. CAMPANIE p. 61 ; 78 n. 158 ;
212 ; 629. 269 ; 274 ; 333 n. 220 ; 462 ;
AVERNE (lac) p. 253 ; 307 ; 347 486.
n. 434. CANARIES p. 176 n. 46.
AYIA IRINI p. 153 ; 202 n. 348 ; CAPITOLE (te) p. 295.
AYIOS IAKOVOS p. 153 ; 202 n. CAPOUE p. 342 n. 359 ; 609 n.
348. 504 ; 625 n. 771.
CARTHAGE p. 52 ; 82 n. 196 ;
Β 105; 106; 112; 115; 119;
120 ; 124 ; 131 ; 179 n. 75 ;
BAALBECK p. 194 n. 245. 182 n. 110; 207 n. 404; 211;
BAETIS p. 96 ; 100. 256 ; 508.
BABYLONIEp.169. CASSIBILEp.283.
BAIES p. 526. CASSITERIDES (Iles) p. 178 n.
BALÉARES p. 111 ; 185 n. 142. 72.
BARBARO (Mont) p. 298. CATANEp.286.
BATSALOS p. 138, CAUCASE (Mont) p. 22; 96;
BAULIp.348n.442. 553-554.
BELICE (fleuve) p. 298. CELTIQUE p. 246 ; 253 ; 267 ;
BENGHAZI p. 551 ; 620 n. 682. 308; 309; 310; 311; 557;
BÉOTIE p. 360; 414 n. 122; 637 ; 638.
509 ; 510 ; 606 n. 472; 608 n. CERNÉ p. 179 n. 75, 82 ; 214.
495. CEUTA p. 80 n. 177 ; 180 n. 88.
699

CHALCIDIQUE : PHLEGRES p. CORSTOPITUM (CORBRIDGE) p.


274. 202 n. 361.
CHALCIS p. 322 n. 23 ; 359. COS p. 335 n. 256 ; 422 n. 246 ;
CHAONIE p. 503 ; 526. 457 ; 459 ; 489 ; 564 ; 585 n.
CHAMPS PHLÉGRÉENS (les) p. 210.
253 ; 267 ; 269 ; 274. CRAU p. 96 ; 225 ; 347 n. 432 ;
CfflOS p. 585 n. 210. 593 n. 300.
CHRÉMÉTES (fleuve) p. 101. CRETE p. 146 ; 167 ; 233 ; 251 ;
CHRÉTES (fleuve) p. 214. 253 ; 267 ; 307 ; 350 n. 467 ;
CHYPRE p. 24; 41 ; 52; 57; 364 ; 369 ; 370 ; 398 ; 503 ;
61 ; 76 n. 141 ; 115; 119; 620 n. 690.
124; 135; 138; 144-157 CRIMÉE p. 351 n. 486.
dont p. 146 = ALASÀ ; CROTONE p. 61 ; 267 ; 297 ;
ALASIA ; KU-PI-RI-JO ; 160- 308 ; 309 ; 334 n. 234 ; 348 n.
165 ; 167 ; 168 ; 169 ; 186 n. 442 ; 462 ; 468 ; 484 ; 564 ;
146 ; 189 n. 184 ; 190 n. 195 ; 636.
198 n. 313; 204 n. 380; 208 CUMES p. 80 n. 181 ; 253 ; 274 ;
n. 417, 420; 209 n. 430; 347 n. 437 ; 526.
318 ; 393 ; 479 ; 494 ; 508 ; CYANÉ p. 257 ; 275 ; 278 ;
510 ; 513 ; 604 n. 452 ; 635. 287 ; 503.
CILICIE p. 127 ; 509. CYCLADES p. 631.
CIRTA p. 330 n. 168. CYNOSARGUE p. 358-359 ;
CITHÉRON (Mont) p. 62, 397 ; 368 ; 407 n. 22.
461 ; 480 ; 592 n. 285. CYRÉNAIQUE p. 96 ; 172 n. 20 ;
CrnMILE p. 78 n. 158. 551 ; 556.
CNOSSOS p. 147. CYRENE p. 177 n. 55 ; 409 n.
COLONNES D'ATLAS p. 78 n. 36; 550-551.
169 ; 174 n. 30.
COLONNES D'HÉRACLÈS, D
COLONNES d'HERCULE p.
23; 49; 50; p. 78 n. 169; DARADOS (fleuve) p. 101.
80 n. 177 ; 91 ; 96 ; 101 ; DARAT (fleuve) p. 101.
103; 106; 112; 118; 119; DÉLOS p. 82 n. 197 ; 371 ; 566 ;
126 ; 174 n. 29, 30 ; 179 n. 622 n. 728.
82; 180 n. 87, 88; 194 n. DELPHES p. 297 ; 332 n. 198 ;
242; 201 n. 341; 211 ; 223; 357 ; 364 ; 398 ; 422 n. 241 ;
224 ; 252 ; 253 ; 263 ; 307 ; 446; 450; 454; 463-465 ;
311; 312; 331 n. 176; 451. 480 ; 575 n. 82 ; 604 n. 448.
CONOPÉ p. 496. DENEUVRE p. 624 n. 747.
COPAIS (lac) p. 563. DIDYME p. 603 n. 434.
CORFINIUM p. 61. DIOMÉIA p. 359 ; 408 n. 29.
CORINTHE p. 321 n. 7 ; DJEBILAP. 117.
358 * 529 DOULICHION p. 577 n. 119 ; 592
CORONÉE p. 414 n. 122 ; 563. n. 296.
DRAA (oued) p. 101 ; 213.
700

DRÉPANE(cap)p.274. 331 n. 178 ; 348 n. 447 ; 372 ;


DYRIS (fleuve) p. 101. 394; 419 n. 206; 420 n.
DZIRA SIDI YOUSSEF p. 214. 224 ; 478 ; 482 ; 502 ; 528 ;
561-566 ; 609 n. 513 ; 629 ;
E 637 ; 653.
ÉRYTHRÉES p. 335 n. 256;
ÉBLA p. 144 ; 162. 459 ; 585 n. 210.
ÉCHÉDOROS (fleuve) p. 553. ÉRYX p. 185 n. 135 ; 252 ; 255 ;
EGÉE p. 146 ; 147 ; 148. 256 ; 273 ; 287 ; 292 ; 293 ;
ÉGINE p. 413 n. 109. 294 ; 295.
EGYPTE p. 22; p. 70 n. 63; ESPAGNE / PÉNINSULE
117; 146; 147; 148; 163; IBÉRIQUE p. 91; 102; 109; 115;
233 ; 247 ; 253 ; 308 ; 328 n. 117; 118; 173 n. 27; 175 n.
140 ; 489 ; 505 ; 553. 43 ; 186 n. 155 ; 189 n. 180 ;
ELAMARNAp. 119. 221 ; 222 ; 247 ; 348 n. 442 ;
EL ARGAR p. 109. 444.
ELBE p. 559. ETHIOPIE p. 69 n. 43; 118;
ELEUSIS p. 403; 424 n. 262, 233 ; 247.
264 ; 442 ; 510 ; 653 ; 656. ETNA p. 287 ; 337 n. 280.
ÉLIDE p. 363 ; 367 ; 375 ; 443- ÉTRURIE p. 46, 110; 186 n.
446 ; 460 ; 481 ; 483 ; 488 ; 151 ; 247 ; 361 ; 423 n. 259 ;
562; 577 n. 119 ; 578 n. 135. 485.
ÉLIS p. 363 ; 370 ; 466. EUBÉE (île) p. 608 n. 495 ; 631 ;
ENKOMI p. 144 ; 147 ; 155 ; 200 643 n. 793.
n. 331, 332. EUBOIA(Mont)p.514.
ENNA p. 277. EUHESPERIDES p. 541 ; 550-
ENTELLAp.294. 551.
ENTREMONT p. 645 n. 817. EUPHRATE p. 144.
ÉPIRE p. 92 ; 255 ; 552. EUROPE p. 251 ; 252 ; 307 ; 347
ÉREBE (G) p. 18. n. 435.
ÉRÉTRIE p. 556. ÉVÉNOS (fleuve) p. 447.
ÉRIDAN p. 173 n. 27; 547;
553 ; 557 ; 618 n. 645 ; 622 n.
718.
ÉRYMANTHE (Mont ou Fleuve) p. FORUM BOARIUM p. 52 ; 61 ;
367 ; 480. 225 ; 318 ; 462 ; 485 ; 629-
ÉRYTHÉIA (ou ERYTHIE) île de 641 ;
Géryon p. 11 ; 23; 51 ; 54; FUENTEALAMOp. 109.
55 ; 56 ; 58 ; 79 n. 172 ; 80
n. 182 ; 91 ; 92 ; 96 ; 97 ; G
98; 108; 164; 222; 223 r
224 ; 246 ; 251 ; 252 ; 259 ; GABON p. 383.
261 ; 263 ; 264 ; 267 ; 268 ; GADEIRA (Gadès) p. 79 n. 172 ;
288 ; 293 ; 305 ; 312 ; 320 n. 95; 97; 103; 106; 112;
7 ; 321 ; n. 17 ; 322 n. 32 ;
701

118; 126; 158; 180 η. 87; 395; 396; 414 n. 122; 421 n.
189 η. 180; 222; 251 ; 312. 225 ; 424 n. 262 ; 427 ; 525 ;
GADES ρ. 24 ; 49 ; 50 ; 51 ; 526 ; 526-564 ; 653 , 657.
52 ; 79 η. 172 ; 80 η. 181 ; HADRANON p. 336 n. 268.
93; ρ. 95-109 ; 112; 114; HADRUMETE p. 207 n. 404.
117; 118; 124; 126-127 ; HALA SULTAN TEKKÉ p. 147.
128; 131 ; 157; 158; 160; HÉCATOMPYLE p. 253 ; 308 ;
161 ; 163 ; 167 ; 168 ; 172 η. 503.
21 ; 176 η. 45 ; 180 η. 92 ; HÉLISSON (fleuve) p. 660 n. 837.
182 η. 106, 110; 188 η. 178, HÉRACLÉE (de Sicile) p. 256;
179 ; 194 η. 238 ; 195 η. 252 ; 298 ; p. 343 n. 371.
202 η. 361 ; 222 ; 247 ; 253 ; HERCULANUM p. 348 n. 442.
318; 503; 508; 510; 526; HERCYNIENS (Monts) p. 331 n.
553 ; 612 η. 555, 556 ; 630 ; 177.
636 ; 643 η. 787 ; 657. HERMIONÉ p. 414 n. 122 ; 563.
GADIR (Gadès) p. 105 ; 189 η. 624 n. 746 ; 625 n. 767.
180. HIÉRAPOLIS p. 194 n. 245.
GAULE p. 111 ; 224 ; 308 ; 309 ; HIMERE p. 39 ; 100 ; 223 ; 292 ;
310; 624 η. 747; 638. 299 ; 348 n. 453 , 526.
GÉLA ρ. 277 ; 281 ; 287 ; 334 η. HUELVA p. 102.
234 ; 339 η. 307, 309 ; 615 η. HYAMPOLIS p. 509.
603. HYLAIAp. 312.
GIBRALTAR p. 50 ; 80 η. 177 ; HYMETTE (Mont) p. 407 n. 16.
91 ; 92; 103; 105; 174 η.
30 ; 180 η. 88 ; 224 ; 322 η.
25.
GLANON ρ. 624 η. 747. IBÉRIE p. 52; 57; 92; 96;
GRANDE-BRDERE ρ. 178 η. 72. 100; 109; 110; 111 ; 112;
GRANDE-GRECE p. 47 ; 61 ; 82 173 n. 27 ; 224 ; 245 ; 252 ;
η. 195 ; 84 η. 224 ; 222 ; 253 ; 308 ; 503.
225 ; 276 ; 315 ; 334 η. 234 ; IBIZAp. 111.
636. IDA p. 293 ; 300 ; 365.
GROTTA VANELLA ρ. 298 ; 343 IDALION p. 147 ; 148 ; 153 ;
η. 362 ; 344 η. 378. 162 ; 168 ; 189 n. 184 ; 201
GROTTES D'HERCULE p. 117. n. 338 ; 202 n. 348 ; 208 n.
GUADALETE p. 106 ; 108 ; 176 421.
η. 43. ILES BRITANNIQUES p. 246.
GUADALQUIVIR p. 96; 109; ILES DES BIENHEUREUX p. 95 ;
176 n. 43 ; 222. 172 n. 21; 351 n. 488 ; 461.
ILE DU SOLEIL p. 501.
H ILES LIPARI p. 285 ; 321 n. 15 ;
333 n. 222 ; 338 n. 292.
HADES (Y) I Les ENFERS p. 19 ; ILION p. 294 ; 442.
23 ; 55 ; 56 ; 64 n. 3 ; 83 n. ILLYRIE p. 22 ; 553.
213 ; 85 n. 241 ; 251 ; 376 ; ΙΟΝΙΕ p. 650.
702

INDE p. 50; 103; 118; 181 η. KOINYRA (CHYPRE) p. 204 n. 381.


100 ; 247 ; 487. KOM-EL-HÉTAN p. 460.
IRAN p. 608 n. 502. KWENLUN (Mont) p. 546.
IRASA p. 550.
IRLANDE p. 546.
ISRAËL p. 181 n. 100.
ISONZO p. 557. LACINION(Cap)p.484.
ISTROS/ISTER p. 366; 621 n. LACONIE p. 357 ; 479.
707. LADON/LATHON/LÉTHON
ITALIE p. 61 ; p. 78 n. 166 ; 86 (fleuve) p. 346 n. 413 ; 541 ;
n. 247; 111 ; 224; 225; 550.
255 ; 273 ; 285 ; 295 ; 311 ; LAPITHOS p. 146.
317; 323 n. 40; 342 n. 359; LARISSOS (fleuve) p. 368.
348 n. 442 ; 468 ; 484 ; 485 ; LARNACAp. 147.
486 ; 487 ; 564 ; 608 n. 498 ; LARNAKA TIS LAPITHOU p. 190
624 n. 747 ; 640. n. 195 ; 508.
ITHAQUE p. 433 ; 460. LATIUM p. 82 n. 195; 294;
ΓΓΗΟΜΕ p. 360. 295 ; 341 n. 332 ; 342 n. 356 ;
631; 636; 638; 639.
LÉONTTNOI p. 257 ; 279 ; 292 ;
299 ; 335 n. 252 ; 344 n. 381.
JARDIN des DIEUX p. 545. LE PIRÉE p. 358.
JARDIN (OU PAYS) DES LEPTIS MAGNA p. 197 n. 291.
HESPÉRIDES p. 23 ; 39 ; 78 LERNE p. 480 ; 563 ; 565.
n. 158; 92; 95; 96; 98; LESBOS p. 592 n. 285.
99 ; 101 ; 167 ; 171 n. 7 ; 172 LEUCOGÉES p. 274.
n. 20 ; 176 n. 55 ; 321 n. 7 ; LIBYE p. 22 ; 91 ; 95 ; 96 ; 99 ;
355 ; 396 ; 420 n. 224 ; 539- 100; 101; 102; 112; 174 n.
566 ; 653 ; 656. 30; 179 n. 82; 180 n. 87;
JÉRUSALEM p. 143 ; 194 n. 245. 182 n. 107; 193 n. 226; 211;
225 ; 247 ; 252 ; 253 ; 267 ;
297; 307; 308; 503; 542;
551-553 ; 620 n. 690.
KATHARI p. 147 ; 157. LIGURIE p. 252; 253; 255;
KENYA P. 381. 267 ; 482.
ΚΓΠΟΝ p. 135 ; 138 ; 146 ; 147- LIKS p. 81 n. 187 ; 181 n. 95.
157; 160; 161; 162; 163; LILYBÉE p. 184 n. 135 ; 341 n.
167 ; 168 ; 189 n. 184 ; 200 n. 338.
330, 331 ; 201 n. 338, 341 ; LIMÉNAS p. 204 n. 381.
202 n. 355 ; 208 n. 420, 421 ; LIMNAIONp.361.
209 n. 425 ; 635 ; 636. LINDOS p. 490 ; 492 ; 500 ; 611
KITION-BAMBOULA p. 148; n. 552.
150; 153; 155; 156; 157; LIRIA p. 444 ; 578 n. 124.
162; 163; 200 n. 331 ; 606 n. LIXOS/LIXUS p. 24 ; 49 ; 50 ;
465 ; 482. 51 ; 52 ; 93 ; 95-103 ; 105 ;
703

114-118 ; 128-135 ; 137; MER IONIENNE p. 92; 252;


158 ; 161 ; 167 ; 172 p. 21 ; 256.
179 η. 82 ; 180 η. 93 ; 196 η. MER ROUGE p. 181 n. 100.
269 ; 201 η. 344 ; 212-214 ; MÉSATE (Cap) p. 585 n. 210.
318; 550; 551. MESSENE p. 66 n. 24, 334 n. 236.
LOCRES ρ. 61 ; 255 ; 307 ; 484. MESSÉNIE p. 360 ; 367 ; 451.
LOS MILLARES ρ. 109. MESSINE (détroit) p. 482.
LOUKKOS (fleuve) p. 114, 131 ; MÉTAPONTE p. 484.
213-214. MILAZZO p. 285.
LUCRIN (lac) p. 274. MINYÉE p. 578 n. 135.
LYCÉE (Mont) p. 357. MISENE p. 274.
LYDIE p. 451-452 ; 459 ; 580 η. MOGADOR p. 115 ; 117 ; 179 n.
147 ; 580 η. 180. 82 ; 187 n. 161 ; 189 p. 181 ;
LYNX (Lixos) p. 103. 213 ; 322 n. 25.
MOLINO DELLA BADIA p. 283.
M MONT-AUX-SINGES p. 80 n.
177 ; 174 n. 30 ; 180 n. 88.
MACÉDOINE p. 22 ; 553. MONTE SIRAI p. 207 n. 404.
MAINAKÉ p. 109 ; 331 n. 176. MOTYÉ p. 110 ; 184 n. 135 ; 186
MALTE p. 52, 111-112 ; 119; n. 152; 195 n. 249; 207 n.
185 n. 140 ; 202 n. 361 ; 206 404 ; 299 ; 341 n. 338 ; 348 n.
n. 393 ; 318. 442.
MANGOp.298. MOURIES p. 624 n. 747.
MARATHON p. 279 ; 358-359 ; MUSA (Mont) p. 180 n. 88.
363; 406 n. 11 ; 407 n. 22, MYCALESSOS p. 334 n. 236;
25. 509.
MARATHUS p. 137 ; 138 ; 193 n. MYCENES p. 67 n. 31 ; 208 n.
216. 417 ; 251 ; 459 ; 463 ; 464 ;
MARI p. 146 ; 199 n. 314. 481 ; 483 ; 514 ; 552 ; 563 ;
MAROC p. 115; 117; 118; 585 n. 215 ; 586 n. 215 ; 594
212-213. n. 306.
MARSALAp. 110. MYLAI p. 322 n. 25.
MARSEILLE p. 311. MYRTOU PIGADHES p. 146;
MAURÉTANIE p. 96 ; 134 ; 547. 153.
MAURUSIE p. 95 ; 99 ; 103 ;
118. N
MÉGALOPOLIS p. 334 n. 236;
360 ; 367 ; 376 ; 456 ; 583 n. NAFTIA(lac)p.286.
190 ; 660 n. 837. NAUPLIE p. 26 ; p. 70 n. 62.
MÉGARE p. 370. NÉMÉE p. 398 ; 481 ; 522 ;
MÉLANÉSIE p. 398. 563 ; 592 n. 285, 292 ; 624 n.
MÉLITÉ p. 358. 749.
MER ADRIATIQUE p. 255 ; 296. NICOSIE p. 201 n. 341 ; 208 n.
MER CASPIENNE p. 559. 417.
MER D'AZOV p. 559. NIL p. 101 ; 553 ; 590 n. 265.
704

NORA p. 110-111 ; 168 ; 208 η.


423.
NUMIDIEp.330n. 168. PADOUE p. 281 ; 296 ; 343 n.
NUZI p. 582 n. 181. 365 ; 526.
PALATIN (Mont) p. 253 ; 630 ;
Ο 639 ; 642 n. 775.
PALÉOPAPHOS p. 146 ; 165.
OCÉAN (Γ) p. 11 ; 22 ; 23 ; 50 ; PALERME p. 184 n. 135 ; 186 n.
56 ; p. 79 n. 169 ; 91 ; 92 ; 152.
93 ; 96 ; 98 ; 101 ; 105 ; PALIKÉ p. 287.
106; 112; 114; 131; 172 n. ΡALL ANTION / Ρ ALL ANTIUM
12, 15, 18 ; 174 n. 30 ; 221 ; p. 225 ; 629.
222 ; 223 ; 224 ; 251 ; 252 ; PALESTINE p. 156.
253 ; 261 ; 295 ; 305 ; 307 ; PALMYRE p. 143.
312; 314; 315; 323 n. 36; PANORME p. 341 n. 338.
331 n. 178; 503; 521; 550; PANTALICA p. 283 ; 285 ; 338 n.
553. 290.
OECHALIEp.450. PAPHOS p. 293.
OENOÉ p. 346 n. 413. PAROS p. 377.
OESTRYMNIDES (Iles) p. 101 ; PARTHENOPÉ p. 274.
178 n. 72. PATRAS p. 509.
OETA (Mont) p. 23 ; 61 ; 62 ; 85 PAYS DES HYPERBORÉENS p.
n. 241 ; 195 n. 255 ; 227 ; 22; 96; 346 n. 413; 553-
303 ; 484 ; 489 ; 490 ; 506- 559.
511 ; 513; 526; 527; PÉLOPONNÈSE p. 62; 255;
563 ; 597 n. 358 ; 604 n. 448 ; 263 ; 267 ; 269 ; 318 ; 375 ;
607 n. 482 ; 656. 377 ; 459 ; 480 ; 484 ; 503.
OICOUMÉNE p. 49; 50; 92; PÉLORE (Cap) p. 256 ; 273.
103; 309; 311; 315. PÉNÉE (fleuve) p. 304 ; 307 ;
OLYMPE (Mont) p. 19 ; 277 ; 347 443 ; 445 ; 578 n. 135.
n. 433 ; 389 ; 434 ; 524. PHALERE p. 358.
OLYMPIE p. 21 ; p. 68 n. 35 ; PHÉNÉE p. 360 ; 376.
242 ; 321 n. 7 ; 346 n. 410 ; PHÉNICIE p. 120 ; 121 ; 124 ;
363-367 ; 370 ; 393 ; 418 n. 143 ; 156 ; 188 n. 177 ; 193 n.
187 ; 443 ; 444 ; 480 ; 484 ; 216, 233 ; 585 n. 210.
529 ; 530 ; 545 ; 556 ; 557 ; COTE PHÉNICIENNE p. 24.
563 ; 603 n. 434 ; 606 n. 472 ; PHERES p. 442 ; 579 n. 143.
621 n. 707 ; 622 n. 712. PHILADELPHIE p. 508.
ORTYGIE p. 277. PHILIPPINES p. 45.
OSTTE p. 444. PHLEGRES p. 326 n. 106.
OUMM EL'AHMED p. 121 ; 135 ; PHUONTEp.368.
143 ; 162 ; 198 n. 305 ; 206 n. PHOCÉE p. 100.
395. PHOCIDE p. 509.
PHRYGIE p. 400 ; 437.
PHYKOUS p. 550-551.
705

PHYLAQUE p. 593 η. 305. n. 259 ; 462 ; 485 ; 487 ;


PIÉRDE p. 483 ; 502 ; 504 ; 561. 513 ; 576 n. 103 ; 629-646.
PISE p. 366. ROUAD / ARADOS (île de) p.
PISÉATIDE p. 461. 139 ; 143 ; 409 n. 36.
PITHÉCUSSES (îles) p. 189 n. ROUM(merde)p.91.
181 ; 631 ; 643 n. 793.
PLATANISTAS p. 357 ; 361 ;
363 ; 406 n. 10.
PLATÉES ς. 509 ; 606 n. 467. S. ANGELO MUXARO p. 283.
POGGIORÉALE p. 75 n. 124; S. OMOBONO p. 82 n. 195 ;
273 * 298 225 ; 631-635 ; 644 n. 794 ;
POLYNÉSIE p. 387 ; 398 ; 415 n. 645 n. 819.
141 ; 417 n. 171. SAINT-PAUL-LES ROMANS p.
PONT-EUXINp.312. 444.
PORTO PARADISO p. 597 n. 358. SAGONTE p. 348 n. 442.
POSÉIDONIA p. 484 ; 636. SALAMINE (DE CHYPRE) p. 163 ;
POTAMIAp. 204 n. 381. 200 n. 331.
POUILLES (les) p. 283 ; 486. SAMOS p. 100; 235; 423 n.
PROSYMNA p. 552. 260 ; 566 ; 583 n. 194 ; 625 n.
PSOPHIDE p. 304 ; 481 ; 586 n. 773.
228. SAMOTHRACE p. 208 n. 381 ;
PSOPfflS p. 292. 400.
PYLOS p. 56 ; p. 84 n. 221 ; SANTI PÉTRI p. 106 ; 126.
365 ; 396 ; 420 n. 218 ; 435 ; SARDAIGNE p. 52 ; 81 n. 194 ;
461 ; 483 ; 562 ; 623 n. 741. 100; 108; 110-112 ; 119;
PYRÉNÉES p. 100 ; 178 n. 69. 167 ; 168 ; 185 n. 140 ; 186 n.
PYRGI p. 202 n. 361 ; 508-509 ; 150; 189 n. 180; 186; 201 n.
636. 333 ; 207 n. 404 ; 247 ; 309 ;
318; 349 n. 465; 482; 631.
SARDES p. 442.
SAURUS (Mont) p. 368.
RAS-SHAMRA p. 119 ; 169 ; 184 SCIACCA p. 110 ; 184 n. 133.
n. 133. SCYTHIEp. 316.
RÉKADAp. 131. SÉBON (Oued) p. 214.
RHÉGION p. 61 ; 252 ; 255 ; SÉGESTE (ou ÉGESTE) p. 37 ;
307 ; 462 ; 482 ; 484. 276 ; 292 ; 294 ; 296 ; 297 ;
RHODES p. 22 ; 235 ; 248 ; 298 ; 343 n. 362.
489-490 ; 526. SÉLINONTE p. 37 ; 207 n. 404 ;
RHÔNE p. 173 n. 27. 273 ; 298 ; 299 ; 344 n. 378.
RIO DE ORO p. 179 n. 75. SÉNÉGAL p. 101.
ROME p. 41 ; 52 ; 61 ; 82 n. SEXI p. 109.
195 ; 102 ; 134 ; 225 ; 248 ; SICANIE p. 293 ; 337 n. 280.
308; 318; 342 n. 356; 349 SICILE p. 47 ; 80 n. 181 ; 82 n.
n. 446 ; 395 ; 422 n. 246 ; 423 195; 84 n. 224; 100; 110;
111 ; 112; 184 n. 133; 135;
706

185 η. 140 ; 207 η. 404 ; 225 ;


228 ; 247 ; 248 ; 251-300 ;
309; 312; 315; 317; 318; TAMASSOS p. 201 n. 338.
322 η. 25 ; 323 η. 42 ; 338 ; TANGER p. 115 ; 181 n. 99 ; 188
η. 287 ; 292 ; 341 η. 332 ; 342 n. 177.
η. 348 ; 344 η. 381 ; 347 η. TARSE p. 127 ; 508.
433 ; 348 η. 442 ; 370 ; 372 ; TARSfflSH p. 105 ; 181 n. 100.
406 η. 11; 482; 484; 503; TARQUINIAp.536.
526. TARTARE p. 557.
SICYONE ρ. 160; 205 η. 384, TARTESSOS p. 50 ; 52 ; 80 n.
385 ; 360 ; 363 ; 376. 183 ; 91 ; 96 ; 97 ; 99 ; 100 ;
SIDON ρ. 131 ; 138 ; 143 ; 194 η. 101 ; 102 ; 105 ; 106 ; 109 ;
245 ; 508 ; 580 η. 159. 175 n. 43 ; 177 n. 63 ; 178 n.
SIERRA DE MONTÉRILLA p. 71, 73; 181 n. 100; 188 n.
109. 178 ; 189 n. 181 ; 221 ; 222 ;
SIERRA MORENA p. 102 ; 223 ; 224 ; 247 ; 252 ; 318 ;
SILARIS p. 273 ; 346 n. 412 ; 584 322 n. 23, 25; 527; 553-
n. 203. 554,
SIRIS p. 296. TASSILGp. 111; 189 n. 188.
SKYROS p. 400. TCHAD p. 381.
SOLONTE p. 184 n. 135 ; 299 ; TCHEMLICHp. 213.
348 n. 442. TELKAZELp. 138.
ÇÔR p. 37, 52 voir TYR. TELLAMARNAp. 146.
SOUDAN p. 101 ; 179 n. 75. TELL ASMAR p. 165.
SPARTE ou LACÉDEMONE p. TELL MARDIKH p. 146 ; 199 n.
232; 297; 326 n. 117; 356; 315.
357 ; 361 ; 367 ; 368 ; 369 ; TEMPE (fleuve) p. 307 ; 465.
271-272 ; 375; 387; 411 n. TÉNARE (cap) p. 414 n. 122;
71; 413 n. 111; 416 n. 160; 562 ; 623 n. 742.
423 n. 260; 441; 451; 583 n. TÉNÉDOS p. 207 n. 404.
194 ; 653. TÉNÉRIFFE p. 341 n. 330.
STRYMON (fleuve) p. 252 ; 267 ; TÉTRACOMOS p. 358.
347 n. 432 ; 482. THARROS p. 81 n. 194; 110;
STYMPHALE p. 375 ; 563. 189 n. 186 ; 207 n. 404.
STYX p. 18 ; 261. THASOS p. 24, 52, 158-161 ;
SULCISp. 111 ; 207 n. 404. 167 ; 195 n. 251 ; 204 n. 381 ;
SYBARIS p. 297. 205 n. 384, 386 ; 208 n. 418 ;
SYRACUSE p. 257 ; 269 ; 275- 318; 376-377 ,398-399 ;
279; 282; 287; 290; 291; 409 n. 36 ; 415 n. 142 ; 422 n.
299 ; 308 ; 339 n. 309 ; 503. 240 ; 509 ; 513 ; 564 ; 584 n.
SYRIE p. 143 ; 194 n. 245. 197 ; 604 n. 452 ; 606 n. 482 ;
COTE SYRIENNE p. 41. 630 ; 643 n. 787 ; 653.
SYRTES p. 91 ; 171 n. 6 ; 550. THEBES p. 18 ; 304 ; 358 ; 360 ;
368; 370; 375; 376; 386;
397 ; 398 ; 400 ; 406 n. 12 ;
707

415 η. 142 ; 416 η. 160 ; 423 TYR ρ. 24 ; 37 ; 51 ; 52 ; 82 η.


η. 256; 463-464 ; 481 ; 197; 105; 108; 118; 119;
494; 594 η. 306; 611 η. 544. 120 ; 121 ; 123 ; 124 ; 125 ;
THÉRA ρ. 369-370 ; 551-552 ; 126; 131 ; 138; 157; 158;
THÉRAPNÉ ρ. 334 η. 236. 160; 162; 163; 167; 168;
THERMOPYLES ρ. 510; 526- 169; 181 η. 100; 190 η.
527 ; 397 η. 358. 195 ; 191 η. 204 ; 192 η. 209 ;
THERMYDRES ρ. 489 ; 491 ; 193 η. 233, 235 ; 194 η. 245,
597 η. 358. 246 ; 195 η. 252 ; 203 η. 364 ;
THISBÉ ρ. 409 η. 35. 318; 364; 410 η. 48; 605
THRACE ρ. 52 ; 86 η. 255 ; 252 ; η.460 ; 654.
255; 267; 318; 459; 482;
502. U
ΤΉΥΜΟΓΠϋΕ ρ. 358.
THYRRHÉNIE ρ. 252 ; 253 ; 255. URUK ρ. 518.
TIBRE (fleuve) p. 253 ; 485 ; UTIQUE ρ. 51 ; 105 ; 108 ; 182
629-641 ; 642 η. 775 ; 646 η. η. 110.
821.
TIBUR ρ. 630.
TINGIS (Tinge) p. 95 ; 174 η. 29.
ΤΙΡΗΑ ρ. 409 η. 35. VÉLABRE ρ. 83 η. 215 ; 485 ;
TIRYNTHE ρ. 11 ; 41 ; 96; 612 η. 558.
260 ; 261 ; 263 ; 360 ; 427 ; VIA HÉRACLÉA ρ. 274.
452 ; 459 ; 462 ; 463-464 ; VOUNOUS ρ. 155.
502 ; 514 ; 594 η. 306. VULCI ρ. 46 ; 533.
TITHORÉE ρ. 509 ; 606 η. 467.
TMOLOS ou TMOLE ρ. 451.
TORRE DEL MAR ρ. 109 ; 110.
TOSCANOS ρ. 183 η. 130. XYPÉTÉ ρ. 358.
TRACHINE ρ. 490.
TRACfflS p. 507 ; 509.
TRÉZENE ρ. 376 ; 563.
TRIGÉMINA (porte) p. 629-630. YOUGOSLAVIE p. 45.
TRINX (Lixos) p. 103 ;
TRIPOLITAINE ρ. 171 η. 6 ;
TRITON (lac) p. 91 ; 99 ; p. 171
η. 7.
TROADE p. 294 ; 332 η. 212 ;
342 η. 349.
TROIE p. 18 ; 66 η. 19 ; 241 ;
292; 295 ; 323 η. 51; 341 η.
332 ; 342 η. 358 ; 343 η. 365 ;
391; 489; 511.
TURDÉTANIE ρ. 79 η. 169 ; 95.
INDEX DES NOMS DE PEUPLES
GÉOGRAPHIQUES, HISTORIQUES OU MYTHIQUES

(sauf Grecs)

CHYPRIOTES p. 109 ; 111 ; 168.


CILICIENS p. 508.
CHINOIS p. 546.
ACHÉENS p. 17 ; 200 p. 331 ; CRETOIS p. 17.
291; 292; 294; 317; 318; CROTONIATES p. 344 n. 372.
352 n. 493; 368; 371 ; 416 n. CYCLOPES p. 294.
160: 572 n. 47; 655. CYNATTHÉENS p. 496.
AGYREENS p. 59.
ARCADffiNS p. 225 ; 367 ; 496 ; D
629.
ARÉOI (POLYNÉSIE) p. 415 n. DANAOI p. 26 ; p. 70 n. 63.
141 ; 417 n. 171. DORIENS p. 17; 344 n. 382;
ARGffiNS p. 422 n. 241 ; 459. 358 ; 375 ; 655.
ASSYRIENS p. 325 n. 101. DRYOPES p. 22 ; 489-492 ;
ATHÉNIENS p. 288 ; 406 n. 15 ; 497 ; 596 n. 349 ; 354 ; 597 n.
452 ; 480 ; 493. 357 ; 598 n. 367.
AUSONES p. 285 ; 295 ; 338 n.
292. Ε

Β ÉGÉENS p. 222 ; 321 n. 15.


ÉGESTÉENS p. 298.
BAMBARAp.467. ÉGYPTIENS p. 70 n. 62 ; 360 ;
BÉOTIENS p. 297. 505 ; 547.
BERBERES p. 482. ÉLÉENS p. 364 ; 368 ; 371.
BOURIATES (SIBÉRIE) p. 598 n. ÉLYMES p. 255 ; 269 ; 273 ;
371. 294-298 ; 343 n. 362 ; 482.
BRETONS p. 246. ÉOLIENS p. 608 n. 495.
ÉPIDAMNIENS p. 68 n. 35.
ESQUIMAUX p. 528.
ÉTHIOPIENS p. 179 n. 82 ; 264 ;
CARTHAGINOIS p. 101 ; 297 ; 561.
298 ; 186 n. 155 ; 188 n. 178 ; ÉTRUSQUES p. 46 ; 403.
255 ; 256 ; 297 ; 298.
CELTES p. 231 ; 546-547 ; H
559 ; 593 n. 300.
CHALCIDIENS p. 50 ; 80 n. 181 ; HÉBREUX p. 83 n. 213.
223; 282; 314; 322 n. 23, HINDOUS p. 423 n. 254.
25 ; 344 n. 382 ; 526. HYPERBORÉENS p. 320 n. 7 ;
CHÔNES p. 296. 364 ; 553-559 ; 564 ; 621 n.
CHORS (Sibérie) p. 658. 707 ; 622 n. 718.
709

MEDES p. 325 n. 101.


MÉROPES p. 457 ; 489.
MINYENS p. 397-398 ; 462
463 ; 480.
MORGETES p. 285.
IATMUL p. 386. MOSSI (BURKINA FASO) p. 45 .
IBERES p. 100; 112.
INDIENS YAGHAM (CHILI) p. N
384.
INDO-EUROPÉENS p. 374 ; 394- NAMBUTI (AUSTRALIE) p. 386.
397. NASAMONS p. 550.
IRANIENS p. 546. NUMIDES p. 213.
ITALIQUES (peuples) p. 59, 61.
Ο

OENÔTRES p. 295.
JAPONAIS p. 546 ; 547. OJIBWÉ p. 415 n. 141.
ORCHOMÉNIENS p. 376.
Κ

KIKUYU (KENYA) p. 381.


KIRGHIZ p. 45. PAELIGNI / PAELIGNIENS p.
KPELLE (GUINÉE, LIBÉRIA) p. 61 ; 486.
383. PEUPLES DE LA MER p. 108 ;
200 n. 331.
PHÉNICIENS p. 9 ; 39 ; 52 ; 57 ;
81 n. 195 ; 100 ; 101 ; 105 ;
LACÉDÉMONffiNS p. 603 n. 434. 109; 110; 111 ; 112; 118;
LESTRYGONS p. 294 ; 344 n. 125 ; 148 ; 150 ; 160 ; 163 ;
381. 167 ; 176 n. 43 ; 177 n. 63 ;
LIBÉRIENS p. 388. 179 n. 82 ; 180 n. 92 ; 182 n.
LIBYENS p. 101 ; 297. 107 ; 183 n. 127 ; 185 n. 142 ;
LIBYPHÉNICffiNS p. 211. 189 n. 180 ; 194 n. 242 ; 200
LIGURES p. 225 ; 309 ; 347 n. n. 331 ; 201 n. 341 ; 205 n.
432 ; 637. 386; 208 n. 418; 213;
LIGYENS p. 96 ; 225 ; 559. 223; 256; 297; 300; 318;
LINDIENS p. 489-492. 338 n. 287 ; 341 n. 338 ;
LIXITES p. 51 ; 105 ; 118 ; 212- 364; 630; 631.
214. PHÉNICO-PUNIQUES (peuples) p.
LOCRIENS p. 369. 176 n. 43.
LYDIENS p. 441. PHOCÉENS p. 50 ; 51 ; 80 n. 181
et 183 ; 97 ; 175 n. 43 ; 221 ;
M 314; 322 n. 23; 526.
PHOCIDIENS p. 341 n. 348.
MANOBO (PHILIPPINES) p. 45. PHRYGIENS p. 294 ; 442.
710

POLYNÉSIENS p. 471. SYRIENS p. 109; 111.


POSÉIDONIATES p. 255.
PYGMÉES p. 69 n. 42. Τ
PYLIENS p. 623 n. 741.
TARTESSIENS p. 97 ; 101 ; 176
n. 43 ; 177 n. 63.
TAPHIENS p. 483.
RHODIENS p. 50 ; 51 ; 80 n. THASIENS p. 160 ; 205 n. 386 ;
183; 97; 175 n. 43; 314; 363.
489. THÉBAINS p. 360; 480; 492;
ROMAINS p. 99; 246; 248; 493.
292 ; 295 ; 309 ; 349 n. 466 ; THESSALIENS p. 483.
356 ; 638 ; 639 ; 645 n. 817 ; TONGOUSSES (SIBÉRIE) p. 528 ;
657. 598 n. 371.
TROYENS p. 276; 294; 295;
296 ; 341 n. 348 ; 343 n. 365 ;
463 ; 572 n. 47.
SALYENS p. 645 n. 817. TYRIENS p. 111; 160; 182 n.
SARA (TCHAD) p. 380-381 ; 108 ; 205 n. 386.
384. TYRRHÉNIENS p. 225 ; 253 ;
SAMIENS p. 80 n. 183 ; 175 n. 255.
43 ; 223.
SCYTHES p. 54 ; 312 ; 553.
SÉNOUFO (CÔTE D'IVOIRE) p.
381 ; 382 ; 383 ; 423 n. 254. VAÏ(LIBÉRIA) p. 417 n. 168.
SICANES p. 257; 267; 269; VÉNETES p. 281; 296; 515.
275 ; 282-292 ; 294 ; 296 ; VOTIAK (SIBÉRIE) p. 598 n. 371.
297 ; 337 n. 280 ; 283.
SICILIENS p. 277. W
SICULES p. 281 ; 283-285 ;
290-291 ; 294 ; 337 n. 280 ; WKO (ANGOLA) p. 384.
283 ; 338 n. 292 ; 343 n. 362. WIRADJURI (AUSTRALIE) p. 381 ;
SIDONIENSp. 111. 384.
SO (OUGANDA) p. 422 n. 240.
SPARTIATES/LACÉDÉMONIENS
p. 357 ; 442.
SUMÉRIENS p. 518. YAKOUTES (SIBÉRIE) p. 598 n.
SYBARITES p. 343 n. 372. 371.
SYRACUSAINS p. 257; 275-
279.
PERSONNAGES HISTORIQUES OU MYTHIQUES
DIVINITÉS ET ÉPIÇLESES ;
ADVERSAIRES D'HÉRACLÈS

(Sauf Héraclès si le nom n'est suivi d'aucune précision)

ALEXANDRE p. 103 ; 139 ;


144; 231; 233; 247; 640.
ACESTE p. 293 ; 205. ALKINOOS p. 561.
ACHÉMÉNIDES (les) p. 143. ALKIOPOS p. 457 ; 459.
ACHILLE p. 18 ; 93 ; 172 n. 12 ; AMALTHÉE p. 100.
400 ; 455 ; 625 n. 764. AMAZONES (les) p. 13 ; 41 ;
ADAM p. 78 n. 158. 247 ; 305 ; 473.
ADMETE p. 442 , 519 ; 527 ; 576 AMÉNOPHIS III p. 26.
n. 109; 577 n. 112; 579 n. AMPHITRYON p. 62 ; 84 n. 221 ;
143. 160 ; 164 ; 205 n. 389 ; 227 ;
ADONIS p. 124 ; 192 n. 205 ; 193 242; 360; 363; 364; 366;
n. 220; 565. 367; 368; 376; 396; 397;
ADRANOS p. 287. 408 n. 34; 440; 461 ; 463-
AEGESTOS/ÉGESTOS p. 295; 464 ; 480 ; 481 ; 483 ; 593 n.
342 n. 358. 306.
AEGLE (Hespéride) p. 265 ; 543 ; AMYMONÉ p. 70 n. 62 ; 565.
617 n. 638. ANCHISE p. 293 ; 294 ; 295.
AIGLE DE PROMETHÉE p. 265. ANTAGORAS p. 489.
AJAXp.44. ANTÉE p. 22 ; 23 ; 95 ; 96 ; 174
ALBION (voir aussi IALÉBION) p. n. 29 ; 225 ; 253 ; 264 ; 265 ;
593 n. 300. 267; 308; 313; 503; 505;
ALCESTE p. 23 ; 83 n. 213 ; 550.
517; 519. ANTÉNOR p. 343 n. 365.
ALCIDE p. 87 n. 256 ; 225 ; APATÉ p. 521.
257 ; 293 ; 515. APHRODITE p. 29 ; 256 ; 273
ALMÉONIDES (les) p. 78 n. 165 ; 292; 293; 294; 295; 300
349 n. 467. 328 n. 146 ; 341 n. 338 ; 547
ALCMENE p. 18 ; 19 ; 37 ; 39 ; 565.
66 n. 28 ; 158 ; 160 ; 168 ; APHRODITE D'ÉRYX p. 161
169 ; 192 n. 209 ; 223 ; 227 ; 292; 293; 299 ; 341 n. 332.
257; 276; 303; 311; 346 n. APOLLON p. 273 ; 307 ; 369
414 ; 347 n. 428 ; 359 ; 363 ; 370 ; 376 ; 398 ; 418 n. 187
364 ; 367 ; 376 ; 389 ; 410 n. 442 ; 447 ; 450 ; 463 ; 465
47; 426; 431 , 441 ; 450; 479 ; 483 ; 490 ; 527 ; 547
455 ; 470 ; 489 ; 494 ; 509 ; 459; 561; 564; 576 n. 112
511; 521 ; 524; 525; 540; 579 n. 143 ; 600 n. 384 ; 604
546; 562; 579 n. 145; 611 n. n. 448 ; 621 n. 707.
544 ; 636 ; 638. APOLLON AGYEUS p. 456.
712

APOLLON CARNÉIOS p. 369 ; 395 ; 299 ; 300 ; 508 ; 605 n.


375. 463 ; 636 ; 654.
APOLLON des CENDRES p. 492. ASTÉRIE p. 120-121 ; 161.
APPIUS CLAUDIUS p. 630 ; 643 ASTÉRION p. 514.
n. 782. ASTÉTOPÉ (Hespéride) p. 545 ;
ARES (ou MARS) p. 22 ; 265 ; 617 n. 644.
442 ; 572 n. 47. ASTRONOÉ p.121 ; 193 n. 220.
ARÉTHOUSA/ARÉTHUSE ATAGARTIS p. 194 n. 245.
(Hespéride) p. 265 ; 543. ATHÉNA p. 18, 19, 29, 34, 56,
ARGANTHONIOS p. 100 ; 177 n. 125 ; 260 ; 261 ; 262 ; 265 ;
61 ; 223 ; 322 n. 23. 323 n. 42 ; 333 n. 218 ; 349 n.
ARGÊIOS p. 511. 453 ; 360 ; 391 ; 394 ; 395 ;
ARGONAUTES p. 91 ; 210 n. 398 ; 399 ; 400 ; 403 ; 418 n.
438 ; 227 ; 233 ; 241 ; 341 n. 187 ; 420 n. 217 ; 422 n. 253 ;
338 ; 488 ; 550-551 ; 574 n. 423 n. 259 ; 260 ; 443 ; 458 ;
74 ; 600 n. 384 ; 619 n. 679. 478; 501; 530; 533; 537;
ARGOS PANOPTES p. 235 ; 515. 545 ; 556 ; 602 n. 420 ; 614 n.
ARISTÉE p. 244. 581 ; 635 ; 636.
ARTAXERXES MEMNON p. 325 ATHÉNA ERGANÉ p. 456.
n. 101. ATLAS p. 20 ; 22 ; 68 n. 33 ;
ARTÉMIS p. 277 ; 355 ; 360 ; 34 ; 35 ; 79 n. 169 ; 245 ;
361 ; 371 ; 375-377 ; 414 n. 264; 265; 266; 321 n. 7;
114, 128; 484; 511; 526; 523; 541-542 ; 554-557 ;
527 ; 563 ; 565 ; 583 n. 190. 560 ; 610 n. 540 ; 616 n. 627 ;
ARTÉMIS EUCLÉIA p. 376. 617 n. 633 ; 618 n. 644 ; 622
ARTÉMIS HÉGÉMAQUE p. 375. n. 712, 715 ; 657.
ARTÉMIS LAPHRIA p. 509 ; 606 ATRÉE p. 459, 585 n. 215.
n. 467. AUGE p. 192 n. 209 ; 414 n. 120 ;
ARTÉMIS ORTfflA p. 414 n. 128. AUGIAS p. 13 ; 303 ; 304 ; 364 ;
ARTÉMIS ORTHOSIA p. 557. 441-449 ; 457; 460-461 ;
ARTÉMIS POLOS p. 422 n. 240. 464 ; 466 ; 470 ; 473 ; 481 ;
ASARHADDONp. 119. 488; 527; 577 n. 118; 119;
ASCLÉPIOS p. 138 ; 234 ; 329 n. 578 n. 135 ; 592 n. 293 ; 593
167 ; 526 ; 583 n. 190. n. 297.
ASDIVALp. 32. AUGUSTE p. 144 ; 225.
ASES (tes) p. 546. AZBAAL (roi de Kition) p. 208 n.
ASHTART p. 121 ; 155. 421.
ASSURBANIPALp.43.
ASTARTÉ p. 108; 111; 120;
121 ; 124 ; 147 ; 156 ; 157 ; Β
161 ; 162 ; 163 ; 189 n. 184,
188 ; 190 n. 193 ; 191 n. 204 ; BA'AL p. 119 ; 120 ; 123 ; 161 ;
192 n. 205 ; 193 n. 220 ; 194 162.
n. 245 ; 202 n. 361 ; 206 n. BA'ALHADADp. 120.
713

BA'AL HAMMON p. 143 ; 206 n. CENTAURES (les) p. 243 ; 302 ;


404 ; 207 n. 404. 304 ; 347 n. 423 ; 420 n. 222 ;
BAALMELEK 1er (roi de Kition) p. 424 n. 262; 441.
208 n. 421. CERBERE p. 13 ; 20 ; 56 ; 57 ;
BA'AL SHAMEN p. 120; 121. 65 n. 3; 84 n. 229; 251
BAR-HADAD p. 207 n. 409. 260; 261; 279; 331 n. 174
BAÛBOp.278. 376 ; 403 ; 420 n. 221 ; 421 n
BEL p. 143. 225; 427; 444; 473; 511
BERGIUS p. 593 n. 300. 517; 520; 522; 525; 562;
BES p. 57 ; 61 ; 163 ; 393 ; 529. 563-564 ; 615 n. 605 ; 623
BIAS p. 593 n. 305. n. 742.
BITONp. 514. CERCOPES (les) p. 164 ; 302 ;
BODMELQART p. 137. 308 ; 450.
BORÉE p. 96 ; 173 n. 26 ; 481 ; CÉRES p. 277.
621 n. 707 ; 625 n. 764. CERF OU BICHE CÉRYNITE p.
BOUPHONAS p. 283-289. 13; 303; 304; 346 n. 413;
BUTAEAS p. 283-289 . 389; 390; 391; 393; 418 n.
BOUTAS/BOUTES p. 256 ; 288 ; 187 ; 460 ; 480 ; 586 n. 228.
293. CERUN p. 281 ; 525 ; 536.
BOUTES (Argonaute) p. 341 n. CÉSAR p. 228 ; 229 ; 231 ; 246 ;
338. 248; 310; 327 n. 123; 637;
BRAN p. 546. 638.
BUSIRIS p. 21 ; 22 ; 23 ; 65 n. CÉTÔ p. 521-522 ; 541.
10 ; 253 ; 264 ; 265 ; 267 ; CHARON p. 624 n. 746.
308 ; 328 n. 140 ; 494 ; 503- CHARONDAS de CATANE p. 351
505 ; 554 ; 603 n. 435, 442. n. 487.
CHIMERE p. 522.
CHROMIOS d'ETNA p. 277 ; 340
n. 327.
CABIRES p. 410 n. 57. CHRYSAOR p. 11; 245; 252;
CACUS p. 54 ; 59 ; 85 n. 234 ; 253; 267; 268; 269; 331 n.
86 n. 244 ; 395 ; 419 n. 212 ; 174; 394: 395; 521.
485-487 ; 536 ; 592 n. 283 ; CHRYSOTHEMIS (Hespéride) p.
595 n. 327 ; 330 ; 629 ; 639 ; 545.
642 n. 775. CLAUDE p. 95 ; 134.
CACIUS p. 642 n. 775. CLÉOBIS p. 514.
CADMOS p. 400 ; 442. CLÉOMENE p. 297.
CALLIRHOÉ p. 11 ; 331 n. 174 ; CLÉOPÂTRE p. 188 n. 179.
521 ; 530. CLYMÉNOS p. 563.
CASSANDRE p. 44. COCALOS p. 275.
CAVALESDE DIOMEDE (les) p. COLAIOS p. 80 n. 183; 100;
13 ; 126 ; 305 ; 369 ; 393 ; 175 n. 43 ; 223 ; 322 n. 22.
441. COMMODE p. 507 ; 605 n. 454.
COPRÉE p. 572 n. 41.
714

CORÉ p. 84 η. 224 ; 123 ; 257 ; 253 ; 442 ; 484 ; 488 ; 509 ;


275-279 ; 315; 334 η. 234; 510; 565 ; 606 n. 472.
484 ; 565. DÉMÉTER CHTHONIA p. 563.
CORMAC MAC ART p. 546. DÉMOPHON p. 442 ; 510.
CORONOS p. 488. DERCYNOS p. 252 ; 255 ; 267 ;
CORYBANTES p. 410 n. 57. 268 ; 282.
COURETES p. 363-367 ; 410 n. DESPOINA = MAÎTRESSE (La) p.
57. 367 ; 376 ; 654.
CRASSUS p. 485. DÉTRESSE p. 11 ; 521.
CRÈTE (Hespéride) p. 620 n. 690. DEUCALION p. 234 ; 574 n. 74.
CRIMISOS p. 294 ; 295. DEUX DÉESSES (les) p. 257 ;
CRONOS p. 18 ; 211 ; 365 ; 433. 275-279.
CRÔTON / CROTONE p. 255 ; DIANE p. 635
280. DIOCLES p. 370.
CRUTIDAS p. 283-289. DIOMEDE p. 85 n. 234.
CUCHULAINp. 395. DIOMOS p. 359 ; 368 ; 493.
CURIACES p. 328 n. 148 ; 395. DIONYSOS p. 50 ; 76 n. 139 ;
CYATHOS p. 368. 91 ; 103 ; 233 ; 244 ; 246 ;
CYCNOS p. 22 ; 265 ; 495-496. 311 ; 327 n. 123; 400; 413 n.
CYPSÉLOS (coffre de) p. 21 ; 321 109; 414 n. 114; 424 n. 262;
n. 7 ; 540 ; 542 ; 556 ; 591 n. 458 ; 488 ; 496 ; 563 ; 602 n.
282. 419.
CYRUS p. 144. DIS p. 83 n. 215 ; 612 n. 558.
DORIEUS p. 256; 274; 297-
D 298 ; 309 ; 310 ; 344 n. 372.
DOUCÉTIOS p. 287 ; 290.
DACTYLES (les) p. 363-367, DRAGON ou SERPENT des
410 n. 57. HESPÉRIDES p. 394; 522;
DANAOS p. 70 n. 63. 541-543.
DANAïDES p. 26 ; p. 70 n. 62, DUMUZI p. 509.
63.
DÉDALE p. 275; 360; 367; Ε
442.
DÉINOMÉNIDES (les) p. 277; ÉCHÉPHRON p. 293.
290 ; 291 ; 299 ; 334 n. 236 ; ÉCHIDNA p. 251 ; 331 n. 174 ;
335 n. 241; 660 n. 833. 521-523 ; 541.
DÉJANIRE p. 30; 399; 442; ÉCHO p. 592 n. 292.
451-452 ; 490 ; 604 n. 448. ÉGESTE (nymphe) p. 256.
DELLOI (les) p. 287 ; 292 ; 339 n. ÉGESTES p. 294.
307. ΕΓΓΑ p. 536.
DÊMAROUS p. 191 n. 203. EL p. 120 ; 121.
DÉMÉTER p. 84 n. 224 ; 123 ; ELECTRE p. 422 n. 253.
257; 275-279; 315; 334 n. ÉLECTRYON p. 483 ; 593 n. 306.
234, 236 ; 366 ; 398 ; 422 n. ÉLYMOS p. 294 ; 295 ; 342 n.
358.
715

ÉMATHION p. 22, p. 69 n. 44 ; 479 ; 482 ; 520 ; 525 ; 527 ;


264 ; 265. 530 ; 533 ; 614 n. 584.
ÉNÉE p. 292 ; 293 ; 294 ; 295 ; EURYTOS p. 60 ; 66 n. 24, 398 ;
300 ; 341 n. 332. 450 ; 452 ; 464 ; 483 ; 580 n.
ENKIDUp. 518; 609 n. 505. 156.
ÉPAMINONDAS p. 416 n. 160. ÉVANDRE p. 225; 311; 486;
ÉPHARMÔSTOS DOPONTE p. 629 ; 638.
359. ÉVERGETEp. 117.
ERGINOS p. 304 ; 376 ; 480. ÉVHÉMERE p. 244.
ERGOTÉLES D'HIMERE p. 225. ÉZÉCHIEL p. 605 n. 460.
ÉRIS p. 521-522 ;
ÉROS 369-370 ; 580 n. 161.
ÉRYTHÉIA/ÉRYTHIE (Hespéride)
p. 175 n. 31 ; 265 ; 530 ; FABII (les) p. 645 n. 819.
543 ; 614 n. 584 ; 585 ; 617 n. FAUNE p. 450.
638. FAUNUS p. 311; 638.
ÉRYX p. 225 ; 251 ; 255-256 ; FORTUNA p. 632 ; 636 ; 644 n.
267 ; 268 ; 269 ; 273 ; 288 ; 794.
291 ; 292-300 ; 309; 310;
341 n. 338 ; 482 ; 526 ; 652. G
ESHMOUN p. 124 ; 137-138 ;
189 n. 184 ; 190 n. 191 (Ia-su- GAIA/TERRE p. 522 ; 540-541 ;
mu-nu) ; 197 n. 287 ; 288. 547 ; 610 n. 540.
ESHMOUN-MELQARTp. 138. GALATOSp. 311; 637.
EUDOXE DE CYZIQUE p. 117- GANYMEDE p. 368 ; 437 ; 447.
118 ; 188 n. 179. GARANUS p. 85 n. 236 ; 281 ;
EUMÉE p. 460 ; 483. 486.
EUROPE p. 400. GAYOMARD p. 608 n. 502.
EURYPYLE p. 68 n. 37. GÉANTS (les) p. 304 ; 326 n.
EURYSTHÉE p. 11 ; 18; 19; 106 ; 346 n. 407.
20 ; 26 ; 56 ; 66 n. 19 ; 68 n. GÉLON p. 340 n. 327.
33; 71 n. 76; 251 ; 252; GÉRAS p. 517 ; 521 ; 609 n. 504.
259 ; 260 ; 261 ; 264 ; 265 ; GÉRYON p. 11, 13, 23, 37, 38, 39,
266; 267; 268; 273; 302; 46, 49, 51, 52, 54, 55, 56, 57,
303 ; 332 n. 198 ; 351 n. 480 ; 58, 59, 60, 61, 62, 67 n. 28;
394 ; 395 ; 398 ; 412 n. 93 ; 69 n. 47 ; 79 n. 172 ; 80 n.
421 n. 225 ; 427 ; 440-449 ; 181, 182; 83 n. 212; 84 n.
451 ; 457; 459; 460; 462- 225 ; 86 n. 244 ; 91 ; 92 ;
466 ; 472 ; 480 ; 482 ; 483 ; 95 ; 96 ; 97 ; 98 ; 99 ...
496 ; 502 ; 572 n. 41 ; 573 n. 102 ; 164 ; 167 ; 168 ; 174 n.
56 ; 575 n. 82 ; 585 n. 215 ; 31 ; 217; 221 ; 222; 223 ;
614 n. 581 ; 615 n. 605 ; 653 ; 224 ; 225 ; 243 ; 251 ; 252 ;
655. 253 ; 260 ; 261 ; 262 ; 263 ;
EURYTION p. 11 ; 57; 58 ; 267; 268; 278; 279; 280;
251; 260; 261; 267; 268; 281; 289; 293; 296; 305;
716

308; 312; 315; 320 η. 7; HÉBÉ p. 19 ; 30 ; 262 ; 303 ; 340


321 η. 17 ; 331 η. 174 ; 340 η. n. 327 ; 359 ; 360 ; 368 ;
330; 341 η. 335; 347 η. 432; 389 ; 396 ; 403 ; 423 n. 259 ;
348 η. 447 ; 350 η. 467 ; 351 260 ; 434 ; 458 ; 506 ; 524 ;
η. 480 ; ρ. 355 ; 372 ; 393 ; 566 ; 584 n. 203 ; 625 n. 773 ;
394-396 ; 419 η. 206 ; 421 η. 656.
225 ; 444 ; 462 ; 473 ; 475 ; HÉLÈNE p. 361 ; 409 n. 44 ;
478-480 ; 482 ; 483 ; 484 ; 441 ; 572 n. 47.
485 ; 487 ; 502 ; 503 ; 504 ; HÉLIOS / SOLEIL p. 55 ; 218 ;
514; 517; 520-537 ; 539; 223 ; 224 ; 252 ; 268 ; 270 ;
540; 546; 549; 550; 552; 331 n. 178; 481; 501; 527;
559 ; 560 ; 561-566 ; 591 η. 554.
282 ; 592 η. 283 ; 593 η. 300 ; HÉPHAÏSTOS p. 93 ; 125 ; 172 n.
612 η. 560 ; 614 η. 585 ; 615 12; 255; 398; 399; 442;
η. 605 ; 629 ; 640 ; 652 ; 526.
653 ; 656. HÉRA / HÉRÉ p. 18 ; 19 ; 20 ;
GÉRYON (le héros) p. 59 ; 257 ; 29 ; 30 ; 56 ; 60 ; 62 ; 84 n.
275; 279-281 ; 308; 372; 221, 224; 86 n. 255, 256 ;
503. 252 ; 261 ; 262 ; 264 ; 267 ;
GILGAMESH p. 43 ; 62 ; 393 ; 268 ; 303 ; 315 ; 318 ; 321 n.
518-519 ; 546 ; 657. 7 ; 332 n. 198, 213 ; 333 n.
GLUCHATAS p. 283-289, 218 ; 334 n. 234 ; 347 n. 423 ;
GORGONES (Les) 521 ; 523 ; 366; 370; 376; 377; 389;
529. 390; 394; 395; 396; 398;
GRANDE DÉESSE (la) p. 300. 399 ; 400 ; 403 ; 406 n. 12 ;
GYFTISp. 311. 414 n. 122, 129 ; 420 n. 224 ;
421 n. 228, 229 ; 423 n. 259,
H 260 ; 441 ; 457 ; 459 ; 460 ;
462 ; 463 ; 466 ; 475 ; 482 ;
HADES/AIDONEUS p. 18 ; 23 ; 484; 489; 502; 506; 510;
55 ; 56 ; 66 n. 24 ; 84 n. 221 511; 514; 517; 522; 524;
et 229 ; 260 ; 261 ; 268 ; 528 ; 540-541 ; 545 ; 560 ;
278 ; 279 ; 281 ; 332 n. 213 ; 564 ; 565 ; 566 ; 583 n. 194 ;
395 ; 396 ; 404 ; 482 ; 522 ; 584 n. 203 ; 586 n. 218 ; 606
525; 527; 536; 547; 557; n. 467 ; 607 n. 489 ; 608 n.
562-566 ; 623 n. 741 ; 624 n. 495, 498 ; 623 n. 741 ; 625 n.
746. 768, 771 ; 653 ; 654 ; 655 ;
HADRIEN p. 202 n. 361 ; 339 n. 656.
302. HÉRAACRAIAp. 514.
HANNON p. 51 ; 81 n. 186 ; HÉRA AIGOPHAGE p. 603 n. 434.
105; 117; 171 n. 6; 179 n. HÉRAEUBOIAp.514.
75 ; 211-214. HÉRA LACINIENNE p. 61 ; 255 ;
HARMONIE p. 400 ; 422 n. 253. 309 ; 334 n. 234 ; 462 ; 515 ;
HAROUM EL RACHID p. 144. 594 n. 315.
HÉRA OPLOSMIA p. 636.
717

HÉRA PROSYMNA p. 514 ; 517. HÉRACLIDES p. 182 n. 106;


HÉRACLÈS ACHÉEN p. 165. 232 ; 297 ; p. 580 n. 147.
HERACLES ARGIEN p. 18. HERCLÉ p. 361 ; 419 n. 203 ;
HÉRACLÈS CHAROPS p. 563. 423 n. 257; 557; 642 n. 781;
HÉRACLÈS CHYPRIOTE p. 82 n. HERCULE p. 17 ; 49 ; 54 ; 61 ;
195 ; 169. 64 n. 7, et 8; 65 n. 11, 12,
HÉRACLÈS COURETE p. 363- 13 ; 86 n. 247, 248 ; 91 ; 95 ;
367. 97; 105; 118; 171 n. 1; 174
HÉRACLÈS CRETOIS p. 363; n. 29, 30 ; 194 n. 244 ; 195 n.
409 n. 47. 252 ; 209 n. 433 ; 225 ; 281 ;
HÉRACLÈS DACTYLE p. 18, p. 322 n. 32 ; 330 n. 168 ; 355 ;
65 n. 15; 334 n. 236; 363- 442 n. 246 ; 441 ; 444 ; 485-
367 ; 409 n. 47 ; 484 ; 509 ; 487 ; 520 ; 589 n. 257 ; 624
566 ; 606 n. 47 1; 472. n. 747; 629-646 ; 660 n.
HÉRACLÈS DIOMEDONTÉIOS p. 845.
564. HERCULE COURTOIS p. 468.
HÉRACLÈS ÉGYPTIEN p. 126 ; HERCULE-MELQART p. 81 n.
182 n. 108 ; 194 n. 237 ; 346 194.
n. 407 ; 409 n. 47. HERCULE PROMACHOS p. 86 n.
HÉRACLÈS GADITAN p. 126 ; 247.
127 ; 137. HERCULE SANDON p. 580 n.
HERACLES INDIEN p. 409 n. 47. 160.
HÉRACLÈS LEONTOPHONOS p. HERMES p. 19 ; 84 n. 228 ;
592 n. 296. 261 ; 307; 314; 315; 358;
HÉRACLES-MELQART p. 41 ; 360 ; 361 ; 367 ; 369 ; 370 ;
51 ; 81 n. 194 ; 82 n. 195 ; 376 ; 392 ; 396 ; 398 ; 409 n.
125; 131; 137; 139; 144; 36 ; 418 n. 194 ; 420 n. 217 ;
150 ; 157-162 ; 169 ; 189 n. 422 n. 253 ; 437 ; 450 ; 456 ;
186 ; 190 n. 188 ; 194 n. 238 ; 458 ; 475 ; 483 ; 501 ; 507 ;
196 n. 279 ; 201 n. 338 ; 208 513; 515; 539; 561 ; 564;
n. 421 ; 300 ; 508 ; 565 ; 635. 574 ; 580 n. 161 ; 607 n. 485 ;
HÉRACLÈS PARASTATES p. 614 n. 585 ; 652 ; 660 n. 837 ;
363-367 ; 370. HERMES ARGÉIPHONTES p.
HÉRACLÈS PHÉNICIEN p. 120 ; 515.
158; 161. HERMES-HÉRACLES p. 409 n.
HÉRACLÈS THASIEN p. 160; 36.
203 n. 370 ; 204 n. 383 ; 205 HÉSIONÉ p. 247 ; 294 ; 446 ;
n. 384, 387, 389; 410 n. 48. 579 n. 144.
HÉRACLÈS THÉBAIN p. 18 ; HESPERÉTOUSSA (Hespéride) p.
126 ; 363 ; 409 n. 47. 617 n. 638.
HÉRACLÈS TYRIEN p. 125 ; HESPÉRIA (Hespéride) p. 543 ;
127 ; 167 ; 189 n. 184 ; 190 n. 617 n. 639.
188 ; 191 n. 203 ; 192 n. 209 ; HESPÉRIDES p. 11 ; 13; 17;
202 n. 361. 21; 22; 49; 55; 56; 57;
68 n. 32, 33, 37 ; 68 n. 32, 33,
718

37 ; 78 η. 167 ; 79 η. 172 ; 83 IASIONp. 565.


η. 213 ; 84 η. 225 ; 229 ; 95 ; ICARE p. 450.
96 ; 97 ; 99 ; 102 ; 167 ; 173 IDHUNN p. 546.
η. 24 ; 175 η. 31 ; 210 η. 438 ; ILITHYE p. 456 ; 583 n. 192.
217 ; 221 ; 245 ; 251 ; 259 ; ILOS p. 437.
260; 263; 264; 265; 266; DSTACHOS p. 234 ; 235 ; 437.
305 ; 320 η. 7 ; 322 η. 31 ; INANNA p. 509.
444 ; 473 ; 502 ; 521 ; 523 ; INDRA p. 54 ; 394 .
530; 539-560 ; 611 η. 540; IO p. 235 ; 565.
615 η. 605 ; 617 η. 627, 633 ; IOLAOS p. 59; 164; 193 n.
620 η. 690 ; 621 η. 703 ; 653 ; 226; 257; 275; 279-281 ;
656 ; 657. 287 ; 309 ; 359 ; 360 ; 361 ;
HESPÉRIS ρ. 617 η. 633. 364; 368; 370; 372-375 ;
HESPÉRUS ρ. 617 η. 633. 386 ; 408 n. 34 ; 412 n. 75 ;
ΗΕ8ΉΑ (Hespéride) p. 265 ; 617 η. 416 n. 159; 423 n. 260; 446;
639. 503 ; 506 ; 539 ; 545.
HÉRON p. 277. IOLE p. 60 ; 421 n. 228 ; 437 ;
fflMERE (Nymphe) p. 256. 450.
HIMILCONp.211. IPHICLES p. 360 ; 462 ; 483 ;
fflPPOCOON p. 368 ; 375. 593 n. 305.
HIPPOCRATES (de Gela) p. 340 n. IPHITOS p. 60 ; 66 n. 24 ; 228 ;
327. 364 ; 366 ; 421 n. 228 ; 443 ;
HIPPODAMIE p. 366. 450-452 ; 463 ; 464 ; 465 ;
HIPPOLYTE p. 247. 480.
HIRAM 1er p. 119; 124; 163; IRIS p. 423 n. 259.
181 n. 100 ; 191 n. 204 ; 508. ITALOS p. 323 n. 40.
HORACES (les) p. 328 n. 148. ISIS p. 509.
HRUNGNIRp. 394. IUNO CURmS p. 636.
HYDRE DE LERNE p. 13 ; 41 ; IUNO SUSPITA p. 636.
p. 67 n. 28 ; 126 ; 303 ; 304 ; IXION p. 347 n. 423.
331 n. 174 ; 441 ; 444 ; 446 ;
460 ; 480 ; 522 ; 543 ; 586 n.
228.
HYGIE p. 618 n. 644. JAPET p. 523 ; 557.
HYLAS p. 490. JASON p. 550.
HYLLOS p. 489 ; 490 ; 500 ; 596 JOUR p. 56.
n. 349 ; 597 n. 357. JUBAIerp. 330 n. 168.
HYPNOS/SOMMEIL p. 11, 56; JUBA II (roi de Maurétanie) p. 99 ;
521 ; 557 ; 564. 101; 115; 134; 330 n. 168;
547.
JUNON p. 189 n. 188 ; 451.
JUPITER p. 441.
IALÉBION/ALÉBION p. 252;
255 ; 267 ; 268 ; 482.
IARDANOS p. 580 n. 147.
719

Κ
ΜΑΙΑ ρ. 504.
KAHATIÉLÉOp.381. MACRDSf p. 148 ; 201 n. 337.
KÉLÉOS p. 442. MALAKBEL p. 192 n. 209.
KERES, KERE p. 11, 56, 517; MANANNAN p. 546.
521. MATER MATUTA p. 632 ; 644 n.
KOULOTYOLOp381. 794.
MÉDÉE p. 619 n. 679; 625 n.
764.
MÉDUSE p. 521 ; 625 n. 764.
LACINIOS p. 255 ; 267 ; 280 ; MÉGARA p. 30, 386 ; 398 ; 408
309. n. 34 ; 462.
LADON p. 541 ; 550. MÉGESp. 577 n. 119.
LAGIDES (les) p. 188 n. 179. MÉLICERTE p. 207 n. 404.
LAMOSp.451. MÉLÉAGRE p. 389.
LAOMÉDON p. 294 ; 442 ; 445 ; MELQART p. 24 ; 37 ; 51 ; 52 ;
446 ; 447 ; 576 n. 109 ; 577 n. 57 ; 61 ; 65 n. 9 ; 75 n. 123 ;
112. 82 n. 196; 103; 108; 110;
LARINOS p. 503. 119-127 ; 128; 131 ; 137;
LATINOS p. 280 ; 638. 143; 147; 155; 156; 157;
LAVINIAp. 311; 638. 160-162 ; 163; 167; 168;
LÉPRÉE p. 488. 169 ; 184 n. 133 ; 189 n. 184,
LEUCASPIS p. 283-289 ; 339 n. 186 ; 190 n. 189, 191 (Mi-il-
309. qar-ti), 195 ; 191 n. 199, 203 ;
LIBÉRA p. 277. 197 n. 291 ; 204 n. 380 ; 205
LICHAS p. 490. n. 384 ; 206 n. 395, 404 ; 207
LINOS p. 301 ; 464 ; 480. n. 404, 405, 409 ; 208 n. 418 ;
LION DE NÉMÉE p. 13 ; p. 67 n. 209 n. 425, 427, 428, 432;
28 ; p. 69 n. 42 ; 168 ; 303 ; 263; 273; 318; 409 n. 36;
304 ; 328 n. 131 ; 331 n. 174 ; 419 n. 202 ; 422 n. 246 ; 487 ;
361 ; 389 ; 393 ; 418 n. 187 ; 508; 509; 510; 511 ; 525;
444 ; 460 ; 473 ; 480 ; 481 ; 565; 581 n. 166; 585 n. 210;
522 ; 586 n. 228 ; 592 n. 285. 605 n. 460; 630; 631; 635;
LIPARA (Hespéride) p. 545. 636 ; 642 n. 781 ; 654 ; 655 ;
LOCROS p. 280. 660 n. 842.
LUCULLUS p. 485. MÉNÉLAS p. 433.
LYCAON p. 442. MÉNOITIOS p. 482 ; 525 ; 527 ;
LYCOS p. 391 ; 392 ; 580 n. 159. 622 n. 715.
LYCURGUE p. 357 ; 361 ; 406 n. MÉTANIRE p. 510.
10 ; 409 n. 44. METTEN p. 109.
LYGDAMIS p. 327 n. 122. MIKAL p. 157 ; 161.
MILK'ASHTART p. 121 ; 189 n.
188 ; 206 n. 395.
MINOS p. 275 ; 442.
M MINOTAURE (le) p. 394.
720

MIXOPARTHÉNOS (la) p. 521. OMPHALE p. 30 ; 60 ; 228 ;


MOIRES (tes) p. 56 ; 621 n. 697. 308; 399; 421 n. 228; 441-
MOROS p. 521. 443 ; 448 ; 450-459 ; 463 ;
MOTYÉ p. 299. 465 ; 470 ; 475 ; 483 ; 576 n.
MUSES (les) p. 301. 102 ; 580 n. 147, 161.
ORITHYE p. 625 n. 764.
Ν ORTHOS/ORTHROS p. 11 ; 57 ;
58; 84 n. 229; 251; 260;
NÉLÉE p. 364 ; 483 ; 593 n. 305. 261 ; 267 ; 268 ; 331 n. 174 ;
NÉMÉSIS p. 521. 420 n. 221 ; 479 ; 482 ; 520 ;
NÉRÉE p. 22 ; 223 ; 265 ; 322 n. 522-523 ; 525 530; 533;
31; 522; 540; 554; 611 n. 613 n. 579.
542 ; 615 n. 609. OURANOS p. 68 n. 33 ; 522.
NERGAL p. 62 ; 87 n. 256 ; 169 ; OUSIR p. 121.
393 ; 487.
NESSOS p. 346 n. 412 ; 420 n.
221 ; 442 ; 447 ; 490.
NESTOR p. 483. PALAIMON p. 207 n. 404.
NIOBÉp.241. PALANS p. 638.
NORAX p. 614 n. 585. PALIQUES (les) p. 286-287 ;
NOTOS p. 481. 290 ' 291-292 \ 336 n. 268.
NUIT p. 11, 56, 521-523 ; 543 ; PAMMENES p. 416 n. 160.
557 ; 564. PANDORE p. 33, 397 ; 495.
NYMPHES (les) p. 22 ; 91 ; 256 ; PARQUES (tes) p. 521.
265 ; 267 ; 275 ; 292 ; 323 n. PASIPHAÉ p. 307.
42 ; 348 n. 453 ; 539 ; 545. PATROCLE p. 234.
PÉDIACRATES/PÉDIOCRATES :
Ο pp. 283-289 ; 339 n. 309.
PÉDIOS p. 287.
OCÉANOS/OCÉAN p. 11 ; 23 ; PÉGASE p. 521.
49; 55; 223; 224; 252; PÉLIAS p. 364.
268 ; 323 n. 36 ; 331 n. 174 ; PÉLOPS p. 364; 365; 366;
178 ; 521-524 ; 564. 367; 411 n. 63.
OCTAVIUS HERENUS p. 485. PENTATHLOS p. 274 ; 298 ; 333
OEDIPE p. 25 ; 29 ; 32 ; p. 72 n. n. 222.
78, 79 ; 385 ; 394 ; 437. PERSÉE p. 437 ; 521.
OENOS p. 368. PERSÉPHONE p. 23 ; 55 ; 257 ;
OINÉOS p. 368. 275 ; 277 ; 278 ; 484 ; 536 ;
OISEAUX DU LAC STYMPHALE 557 ; 564.
(Les): p. 13; 303; 304; PHAETON p. 328 n. 140 ; 600 n.
391 ; 393 ; 441 ; 444 ; 460 ; 390.
473 ; 517 ; 586 n. 228. PHÉNODAMAS p. 294.
OLYMPIENS p. 19 ; 257 ; 301 ; PHERSIPNAI p. 536.
3% ; 501 ; 504. PfflALO p. 414 n. 120 .
721

PHILOCTETE p. 341 η. 348 ; PTOLÉMÉE (roi de Maurétanie) p.


391 ; 507 ; 604 η. 448. 115; 134.
PHILOTES p. 521. PTOLÉMÉES p. 144 ; 147 ; 153 ;
PHIX p. 522. 188 n. 179 ; 201 n. 338.
PHOLOS p. 302 ; 303 ; 498 ; 601 PUMAÏ p. 194 n. 246.
n. 405. PUMIATHON p. 153 ; 201 n. 338.
PHORKYS p. 252 ; 521-522 ; PYGMALION p. 109 ; 126 ; 194
541. n. 246 ; 494.
PHOTRJS p. 230 ; 231. PYRÉNE p. 265.
PHYLÉE p. 481 ; 577 n. 119 ; 592 PYTHAGORE p. 65 n. 15.
n. 296. PYTHIE (la) p. 446 ; 462 ; 463 ;
PHYLIOS p. 496. 465.
PINARIUS p. 642 n. 775. PYTHON p. 465.
PIRITHOUS p. 69 n. 52.
PISISTRATE, PISISTRATIDES ρ.
47 ; 78 n. 165 ; 333 n. 218 ; p.
349 n. 467 ; 407 n. 19 ; 419 n. RÉCARANUS p. 59 ; 281 ; 486-
204. 487 ; 644 n. 803.
PLÉIADES (les) p. 617 n. 644. RESHEF p. 162 ; 169 ; 184 n.
PLUTON p. 517. 133 ; 196 n. 283 ; 197 n. 287.
PODARGE p. 625 n. 764. RHÉA p. 365 ; 400.
POEAS p. 604 n. 448.
POLYDAMAS p. 393 ; 419 n. S
200.
PONTOS / FLOT p. 521-523 ; SALOMON p. 119; 124; 181 n.
564. 100 ; 508.
POSÉIDON p. 190 n. 195 ; 225 ; S AND AS / SANDON p. 127 ;
252 ; 255 ; 265 ; 267 ; 268 ; 169; 209 n. 434; 210 n.
270; 314; 332 n. 212 ; 398 ; 435 ; 487 ; 508 ; 509 ; 510 ;
411 n. 63; 413 n. 109; 437; 580 n. 160.
442 ; 447 ; 482 ; 488 ; 496 ; SANGLIER D'ÉRYMANTHE (le) :
505; 521-524 ; 562; 565; p. 13 ; 273 ; 303 ; 304 ;
576 n. 112; 603 n. 442; 625 389 ; 391 ; 460 ; 480 ; 586 n.
n. 764. 228.
ΡΟΉΤΠ (les) p. 630 ; 643 n. 782. SARCASME p. 11; 521.
PROMACHÇSp. 293. SARDOS p. 81 n. 194 ; 189 n.
PROMÉTHÉE p. 21 ; 22 ; 33 ; 186.
67 n. 28 ; 68 n. 33 ; 96 ; SARGON p. 144 ; 163.
265 ; 304 ; 347 n. 432 ; 504 ; SATURNE p. 120.
542 ; 554-599 ; 599 n. 381 ; SCYTHES p. 312.
603 n. 430 ; 621 n. 703 ; 622 SEDNA p. 528.
n. 715. SÉLÉNÉ p. 563.
PROΉS p. 311. SÉLEUCOS NICATOR p. 247.
PSOPHIS p. 293 ; 341 n. 335. SHADRAPHA/SHEDROFÉ p.
169 ; 197 n. 287, 291.
722

SHAMASH p. 518. THOUTMOSIS ΙΠ p. 70 n. 63.


SICULOS p. 295. THRAËTONAp.394.
SILENES (tes) p. 584 n. 203. TIMOLÉONp.281.
SIRENES (les) p. 341 n. 338. TIMOTHÉE p. 350 n. 467.
SISYPHE p. 85 n. 234. TIRÉSIAS p. 587 n. 235.
SOLON p. 369 ; 465. ΤΠΉΟΝ p. 22 ; 265.
SOLONTE p. 299. TRAJAN p. 339 n. 302.
SOPATROS p. 493. TRICARANOS p. 395 ; 487.
SOSTRATOS p. 368 ; 371. TRITO p. 58 ; 60 ; 420 n. 213 ;
SPHINX p. 394. 484.
STRYMON p. 267 ; 268. TRITON p. 419 n. 204.
STYX p. 564. TURMS p. 361.
SYLEUS / SYLÉE p. 308 ; 450 ; TYPHON p. 193 n. 226 ; 251 ;
475 ; 510. 331 n. 174 ; 541.
SYLLA p. 485.
U

ULGENp.658.
LE TAUREAU DE CRETE p. 13 ; ULYSSE p. 19 ; 56 ; 66 n. 24 ;
304 ; 393 ; 398 ; 496. 230 ; 396 ; 433 ; 460 ; 483 ;
TAYGETE p. 557. 501.
TÉLÉMAQUE p. 433. UNI p. 423 n. 257.
TÉLEPHE p. 192 n. 209.
TÉLÉSICLES p. 52.
TÉLINES p. 277.
THANATOS/MORT p. 11; 56; VÉNUSdellDAp.293.
83 n. 213 ; 521. VÉNUS ÉRYCINE p. 295.
THEFARIE VELIANAS = TIBERIÉ VILAEp. 361.
p. 508 ; 605 n. 463. VULCADSf p. 420 n. 212.
THÉIODAMAS p. 489-491 ;
495 ; 504 ; 513 ; 596 n. 349 ;
597 n. 357 ; 598 n. 367 ; 599
n. 384. YAMp. 119; 120.
THÉMIS p. 541 ; 545 ; 621 n.
697. Ζ
THÉOGÉNES p. 584 n. 197.
THÉSÉE p. 23 ; 69 n. 52 ; 164 ; ZALEUCOS de LOCRES p. 351 n.
227 ; 230 ; 358 ; 360 ; 371 ; 487.
394 ; 400 ; 406 n. 15 ; 437. ZÉPHYR p. 625 n. 764.
THESPIS ou THESTIUS p. 301 ; ZEUS p. 17 ; 18 ; 19 ; 20 ; 21 ;
345 n. 394 ; 397 ; 461 ; 462 ; 37 ; 56 ; 60 ; 62 ; 66 n. 28 ;
463 ; 480. 68 n. 35 ; 84 n. 221 ; 87 n.
THESPIADES (les) p. 309 ; 349 n. 256 ; 120 ; 121 ; 161 ; 190 n.
465. 193 ; 194 n. 245 ; 225 ; 244 ;
THÔRR p. 394. 260 ; 262 ; 264 ; 277 ; 304 ;
723

308 ; 311 ; 347 η. 428, 432 ; 475 ; 480 ; 481 ; 484 ; 495 ;
359 ; 363 ; 364 ; 365 ; 366 ; 505 ; 524 ; 539 ; 540-541 ;
370 ; 389 ; 410 η. 57 ; 420 η. 545 ; 548 ; 556 ; 560 ; 564 ;
224 ; 421 η. 228, 229 ; 426 ; 565 ; 604 η. 447 ; 621 η. 697.
433 ; 434 ; 437 ; 442 ; 443 ; ZEUS APOMYIOS p. 364 ; 484.
444 ; 445 ; 446 ; 451 ; 456 ; ZEUS KÉNAIOS p. 604 n. 448.
458 ; 459 ; 462 ; 463 ; 466 ;
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION p. 9

PROLOGUE p. 15

CHAPITRE I : DES POMMES D'OR DES HESPÉRIDES


AUX AVENTURES OCCIDENTALES
D'HÉRACLÈS p. 17

CHAPITRE II : LE MYTHE/MODE D'EMPLOI p. 25

2.1. Le mythe : ?"une parole choisie par


l'histoire" p. 26

2.2. Le mythe : "un fait social total" ? p. 28


2.3. Le mythe : comme le rêve...? p. 29
2.4. Le mythe, "discours ultime" ? p. 31
2.5. Le mythe, un langage à décoder ? p. 32
2.6. Le mythe, "un jeu de cache-cache entre
la forme et le sens" p. 35

CHAPITRE III : DES MOTS ET DES IMAGES :


AUX SOURCES DU DISCOURS
MYTHIQUE p. 37

3.1. Des mots p. 37


3.2. Des images p. 41

CHAPITRE IV : PERSPECTIVES p. 49

4.1. Héraclès et l'écume des temps :


l'enquête historique p. 49
4.2. Héraclès et le modèle absent de la cité :
le schéma structuraliste p. 52
4.3. Héraclès entre le rêve et la réalité :
symbolisme et fonctionnalisme p. 55
726

NOTES DU PROLOGUE p. 64

PREMIERE PARTIE
D'UNE RIVE A l'AUTRE DE LA MÉDITERRANÉE

CHAPITRE I : LIXOS ET GADES,


BORNES OCCIDENTALES DU
MONDE CONNU p. 95

1.1. Localisations p. 95
1.2. Un mirage occidental p. 97
1.3. Des "finistères" p. 102

CHAPITRE II : LIXOS ET GADES


FONDATIONS PHÉNICIENNES

2.1. Gadès p. 105


2.2. L'expansion phénicienne en Méditerranée
occidentale p. 109
2.3. Lixos p. 114

CHAPITRE ΙΠ : HÉRACLÈS · MELQART


ET SES SANCTUAIRES DE LIXOS
ET GADES p. 119

3.1. Melqart p. 120


3.2. Le sanctuaire de Melqart à Gadès p. 126
3.3. Les sanctuaires de Lixos p. 128

CHAPITRE IV : HÉRACLÈS - MELQART


D'UNE RIVE A L'AUTRE DE LA
MEDITERRANEE p. 137

4.1. Amrith p. 137


4.2, Chypre p. 144
727

4.3. Confrontations p. 157

CONCLUSIONS p. 167

NOTES DE LA PREMIERE PARTIE p. 171

ANNEXE : LE PÉRIPLE D'HANNON p. 211

DEUXIEME PARTIE
HÉRACLÈS ET LE MODELE ABSENT
DE LA CITÉ

A. HÉRACLÈS ARCHÉGETE (HÉRACLÈS ET LA COLONISATION, I).


FIXATION ET ENRICHISSEMENT DU MYTHE p. 22 1

CHAPITRE I : RETOUR AUX SOURCES :


DIODORE ET APOLLODORE p. 227

CHAPITRE II: HÉRACLÈS EN OCCIDENT:


LE RÉCIT p. 251

2.1. Le voyage vers l'Ouest p. 25 1


2.2. Le récit p. 255
2.3. Pour une objectivation du récit ρ . 25 8

CHAPITRE III: HÉRACLÈS EN SICILE:


LE MYTHE ET SES DÉRIVATIONS p. 273

3.1. Syracuse p. 275


3.2. Agyrion p. 279
3.3. Les chefs sicanes ρ. 282
3.4. Éryx p. 292

B. HÉRACLÈS CIVILISATEUR (HÉRACLÈS ET LA


COLONISATION, Π). RESÉMANTISATION DU MYTHE p. 301
728

CHAPITRE I :DE LA VIE SAUVAGEA LA VIE CIVILISÉE


HÉRACLÈS ET LA DÉFINITION D'UNE
CULTURE p. 303

CHAPITRE II : HÉRACLÈS AUX MARGES DU MONDE.


CULTURE ET BARBARIE p. 307

CHAPITRE III :LA CITÉ, "MODELE ABSENT-


DANS LE PROCES D'ACCULTURATION p. 311

CONCLUSIONS p. 316

NOTES DE LA DEUXIEME PARTIE p. 320

TROISIEME PARTIE
HÉRACLÈS DANS LA CITÉ
L'INTÉGRATION DES JEUNES GENS

CHAPITRE I : CULTES p. 357

CHAPITRE II : INITIATIONS p. 379

CHAPITRE III : MYTHES p. 389

CONCLUSIONS p. 404

NOTES DE LA TROISIEME PARTIE p. 406

QUATRIEME PARTIE
HÉRITAGES

CHAPITRE I : IMAGES DU TRAVAIL p. 427

1.1. Le travail : des mots pour le dire p. 428


1.2. Héraclès au travail : des mots aux choses p. 440
1.3. Héraclès latris et doulos : mythe et réalité
sociale p. 455
CONCLUSIONS p. 470
729

CHAPITRE II : IMAGES DU SACRIFICE p. 475

2.1. Héraclès bouvier, protecteur des troupeaux p. 478


2.2. De la cuisine... au sacrifice p. 488
2.3. Du sacrificateur... à la victime du sacrifice p. 502

CONSLUSIONS p. 513

CHAPITRE III : IMAGES DE LA MORT ET DE


L'IMMORTALITÉ p. 517

3.1. Le monstre triple, image de la mort p. 520


3.2. Les pommes d'or, gages d'immortalité p. 538
3.3. "Prairies et jardins de l'au-delà" p. 56 1

NOTES DE LA QUATRIEME PARTIE p. 569

ÉPILOGUE p. 627

CONCLUSIONS p. 647

BIBLIOGRAPHIE p. 663

TABLES

1. Tableaux p. 690

2. Figures et cartes p. 691

INDEX p. 697

TABLE DES MATIERES p. 725

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