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GARDES ERIZE Nathalie

Docteur en sciences de gestion


ATER
IAE de Pau et des pays de l’Adour

Nathalie Gardès
3 allée de petit barrère
40000 Mont de Marsan
nathalie.gardes@wanadoo.fr

1
Asymétrie informationnelle et opportunisme :
Avantage comparatif de la firme bancaire dans
l’évaluation du risque crédit

Information asymetry and opportunism :


Comparative advantage of bank firm in credit evaluation

GARDES ERIZE Nathalie

Docteur en sciences de gestion


ATER

IAE de Pau et des pays de l’Adour

En l’absence d’information publique abondante, il devient difficile


pour un créancier de discriminer les projets d’emprunt. Si
l’emprunteur connaît la rentabilité de son investissement, le
prêteur fonde son jugement sur les documents et informations
fournis par l’emprunteur. Il devra donc évaluer le risque du projet
et surveiller ensuite l’entreprise qu’il finance. L’existence
d’asymétries informationnelles entre prêteurs et emprunteurs, dans
un contexte de rationalité limitée et d’incertitude, rend donc
problématique le financement direct en générant des coûts de
transaction et de surveillance prohibitifs.

Without plentiful public information, it becomes difficult for a


creditor to discriminate loan projects. If borrower knows the
profitability of his investment, lender bases his judgement on
documents and information given by borrower. He must evaluate
the risk of the project and supervise the enterprise he finances.
Informational asymmetries between lenders and borrowers, in a
context of bounded rationality and incertitude, make direct
financing problematic producing prohibitive transaction and
control costs.

Mots clés: incertitude - banque - risque crédit -avantage comparatif

2
Une partie de la littérature consacrée à l’intermédiation financière

justifie l’émergence d’institutions financières telles que les

banques par leur capacité à réduire le coût de l’échange du capital

grâce à la diminution du coût de l’information. Les modèles de

G.J. Benston et C.W. Smith (1976), H.E. Leland et D.H. Pyle

(1977), D.W. Diamond (1984), expliquent l’émergence des

institutions financières en se fondant sur l’avantage comparatif que

détiennent les banques en matière d’évaluation et de surveillance

des demandes de financement. Dotées d’une meilleure information

que l’ensemble du marché, elles peuvent diversifier leur

portefeuille afin d’en réduire le risque global.

Ces approches ne soulignent cependant pas suffisamment le

véritable avantage informationnel spécifique aux banques. En

substance, l’avantage informationnel des banques repose sur la

production d’un savoir idiosyncrasique issu de l’historique des

relations que la banque a instauré avec ses clients. L’accumulation

d’informations privées sur la clientèle permet à la banque d’opérer

des recoupements et ainsi de créer de l’information. Cela leur

permet d’opérer une meilleure sélection des projets d’emprunt et

de réduire le risque inhérent à toute opération d’investissement.

Cet article se décomposera comme suit : la première section aura

pour objet de mettre en relief le problème du financement des

investissements inhérents à l’incomplétude de l’information et

l’opportunisme des agents économiques. La seconde s’attachera à

3
mettre en évidence l’avantage comparatif que détiennent les

banques en matière d’évaluation du risque crédit.

1 Incomplétude de l’information et opportunisme : une

configuration problématique pour évaluer le risque crédit

Le prix, traditionnellement conçu pour représenter le signal de la

rareté relative d’un produit et de sa qualité, ne constitue pas, en

situation d’incertitude, un parfait révélateur de l’information car

les biens ne sont pas identiques. Concernant le secteur bancaire, un

aspect particulier de l’activité de crédit réside dans le fait que ni le

risque, ni la rentabilité des opérations réalisables ne sont

identiques. Chaque opération de crédit étant unique, il en résulte

une très grande variabilité des composantes risque et rentabilité.

Le problème d’évaluation du risque crédit trouve son origine dans

l’imperfection de l’information et l’asymétrie informationnelle qui

rend difficile l’évaluation du risque des clients. L’incertitude porte

ainsi à la fois sur le projet d’investissement et sur la qualité de

l’emprunteur à mettre en œuvre la réussite du projet. Les

asymétries d’informations rattachées aux opérations de crédit

peuvent être regroupées en deux catégories reflétant les

phénomènes d’information et d’action cachées (P.A. Chiappori et

M.O. Yanelle, 1996).

1.1 Aléas internes : antisélection et hasard moral

a) L'antisélection

4
Les travaux de G. Akerlof (1970) (cf. encadré 1) ont introduit la

notion d’antisélection, appelée aussi sélection adverse, selon

laquelle l’incertitude sur la qualité de l’objet induit la possibilité de

fraudes qui, du fait qu’elles peuvent être anticipées, débouchent

sur des stratégies complexes pour s’en protéger. Dans ce contexte,

la sélection adverse représente l’incapacité à obtenir une

information exhaustive sur les caractéristiques de biens

apparemment identiques. Il s'agit d'un problème d'opportunisme

précontractuel résultant du fait que les individus détiennent des

informations privées non accessibles au cocontractant.

Encadré 1 : Le marché des voitures d’occasion

G. Akerlof (1970) étudie le marché des voitures d’occasion et indique que les

acheteurs et les vendeurs sont en situation d’asymétrie d’information. Les

vendeurs connaissent mieux l’état de leur véhicule que les acheteurs et le

dissimulent s’il est mauvais. Si l’on ne peut distinguer les bons des mauvais

véhicules un prix unique s’établira sur le marché. A ce prix, les possesseurs de

voitures en bon état refuseront de vendre, jugeant qu’ils pourraient obtenir un

meilleur prix. Il ne reste donc plus sur le marché que les mauvaises voitures. Les

acheteurs, en raisonnant de façon similaire, penseront n’avoir à faire qu’à des

véhicules en mauvais état et n’achèteront pas au prix du marché. Ainsi, lorsque

les individus ne disposent pas de la même information, les mécanismes de

marché peuvent conduire à des disfonctionnements par rapport au modèle.

Concernant le secteur bancaire, le phénomène d’antisélection

apparaît lorsque l’emprunteur conserve, même après un examen

5
attentif par le créancier des informations disponibles, un avantage

informationnel sur son partenaire. Le partage inéquitable du

savoir1 concernant le risque de défaillance attaché aux crédits rend

problématique l’identification des bons emprunteurs (J. Stiglitz et

A. Weiss, 1981). Ainsi, à défaut de pouvoir fixer un taux d’intérêt

qui corresponde au risque effectif du projet à financer, la banque

applique un taux reflétant la qualité moyenne des emprunteurs.

Une telle pratique conduit alors à pénaliser les individus dont le

projet est peu risqué en leur faisant payer une prime de risque plus

élevé que leur risque effectif, et avantage inversement les agents

détenant des projets risqués ; la prime de risque facturée étant

inférieure au risque réel de l’emprunteur. Comme sur le marché

des voitures d’occasion d’Akerlof, les bons risques vont quitter le

marché : il y a antisélection. Cet effet engendre potentiellement un

phénomène de rationnement du crédit (cf. encadré 2) qu’il est

possible d’analyser comme une solution imparfaite au manque de

transparence et à l’hétérogénéité des différents projets d’emprunt.

1
Les dirigeants de l’entreprise sont, en général, mieux informés du projet à financer que les investisseurs.

6
Encadré 2 : Le rationnement du crédit

J. Stiglitz et A. Weiss (1981) présentent un modèle de rationnement de crédit

dans lequel, parmi des emprunteurs identiques, certains reçoivent un prêt et

d’autres non. « We reserve the term credit rationing for circumstances in which

either (a) among loan applicants who appear to be identical some receive a

loan and others do not, and the rejected applicants would not receive a loan

even if they offered to pay a higher interest rate ; or (b) there are identifiable

groups of individuals in the population who, with a given supply of credit, are

unable to obtain loans at any interest rate, even though with a larger supply of

credit they would » J. Stiglitz et A. Weiss (1981, p.394-395).

Les emprunteurs potentiels qui ont été rejetés ne pourront pas emprunter, même

s’ils indiquent leur volonté de payer plus que les taux d’intérêts du marché.

Dans ce contexte, le taux d’intérêts qu’un individu accepte de payer agit comme

un moyen de discrimination car seules les entreprises dont le projet est à haut

risque accepteraient d’emprunter à de telles conditions. Par conséquent,

l’accroissement du taux d’intérêt peut accroître le risque du portefeuille de prêt

de la banque en provoquant une dégradation de la qualité et donc de la

rentabilité des actifs bancaires, dans la mesure où elle se traduit par un

accroissement de la proportion de mauvais emprunteurs, ou si elle incite au

développement de projets plus risqués (qui ont d’ailleurs une probabilité de

succès plus faible mais des rendements plus élevés en cas de succès).

Ainsi, un taux d’intérêt unique ne peut équilibrer le marché du crédit. S’il est

trop bas, la rentabilité des prêts n’est pas assurée, s’il est trop haut les projets les

moins risqués seront dissuadés. L’équilibre va se faire par les quantités. Les

emprunteurs qui semblent les plus risqués sont rationnés. Dans ces

circonstances, les restrictions de crédit prennent la forme d’une limitation du

nombre de prêts et non d’une limitation de la taille de chaque prêt ou d’une

limitation par le taux d’intérêt payé en faisant dépendre celui-ci de l’amplitude

7
du prêt. L’appréciation réalisée par le banquier ne permettrait pas de s’approcher

autant qu’il serait souhaitable d’une tarification individuelle du risque de crédit.

Il est donc intéressant de noter ici que, lorsqu’il n’est pas possible

d’évaluer la probabilité de défaillance associée aux demandes de

crédit des emprunteurs potentiels, la banque risque, en augmentant

ses taux, de sélectionner les projets les plus risqués (antisélection)

ou bien d’inciter les emprunteurs, après l’obtention de leur prêt, à

choisir des projets plus hasardeux pour accroître leur gain en cas

de réussite (aléa moral). La sélection adverse témoigne par

conséquent de la difficulté pour les investisseurs à discerner les

meilleurs projets (M. Chérif, 1999).

b) Le hasard moral

Le hasard moral, appelé aussi aléa moral2, est une situation où

l’incomplétude de l’information provient des actions et

comportements non observables susceptibles d’être entrepris par

les agents après signature du contrat. C’est donc une forme

d'opportunisme post contractuel qui survient lorsque les actions

mises en œuvres ne peuvent être discernées. Ainsi, les individus

sont susceptibles de poursuivre leurs intérêts personnels aux

dépens d'autrui (P. Milgrom et J. Roberts, 1997). Les problèmes

liés à l’aléa moral apparaissent lorsqu’un individu entreprend une

action inefficace, ou procure une information inexacte parce que

2
Le terme d'aléa moral est né dans le secteur des assurances. Il désigne la tendance des assurés à modifier leur
comportement de telle manière qu'ils doivent recourir plus fréquemment aux prestations offertes par la compagnie
d'assurance.

8
ses intérêts individuels ne sont pas compatibles avec les intérêts

collectifs et parce que ni les informations données ni les actions

entreprises ne peuvent être contrôlées. La notion de risque moral

conduit à mettre l’accent sur les comportements stratégiques

résultant de l’inobservabilité de certaines actions et se traduisant

par le non-respect des engagements (K. Arrow, 1963).

Concernant le secteur financier, l’aléa moral se rapporte à toute

situation dans laquelle les résultats de la relation de crédit

dépendent d’actions entreprises par l’emprunteur après signature

du contrat et imparfaitement observables par le créancier. Ainsi,

une entreprise contractant un crédit pourra s’engager de façon plus

ou moins forte dans la réussite du projet. Les dirigeants pourront

accomplir des dépenses inutiles au développement de l’entreprise

en détournant à leur profit une part des résultats du projet sous

forme d’avantages en nature ou de rémunérations excessives. De la

même façon, une situation de surendettement peut s’analyser

comme un choix compromettant la solvabilité de l’entreprise au

détriment des créanciers.

La réussite du projet financé va alors dépendre du contrôle que le

créancier va exercer. Dans ce contexte, le marché risque de ne pas

pouvoir mettre en place un système de contrôle efficace car le

financement par émission d’actions ou d’obligations, qui conduit à

diluer la fonction de contrôle entre les mains d’un grand nombre

de personnes, est susceptible de faire apparaître des

comportements de "free rider". L’école du public choice a en effet

9
mis en évidence la possibilité pour les individus d’adopter un

comportement de cavalier libre lorsque ceux-ci savent que leurs

choix n’affectent pas de manière sensible et mesurable le résultat

final. Ainsi, certains créanciers pourront préférer laisser le coût du

contrôle aux autres, tout en bénéficiant des effets de celui-ci. Dans

cette optique, seul l’intermédiaire financier, de par sa dimension et

de par le montant élevé de la créance, disposera à la fois des

moyens3 et de la motivation nécessaire pour exercer une fonction

de contrôle. L’aléa moral est donc un problème d’information. Ce

sont les difficultés et les coûts de détection et de contrôle du

comportement approprié qui génèrent le problème de l’aléa moral.

1.2 Un soupçon d’opportunisme

Les contrats sont censés protéger les personnes qui les ont signés.

Cependant, l’impossibilité d’établir des contrats exhaustifs

empêche une harmonisation parfaite des motivations.

L’incomplétude des contrats peut ainsi donner lieu à des

comportements opportunistes qui vont engendrer l’incertitude de la

relation contractuelle. L’opportunisme suggère une attitude de

calcul plus sophistiquée que l’hypothèse classique d’intérêt

personnel (W.G. Ouchi et O.E. Williamson, 1981). Il caractérise

l’absence d’honnêteté dans les transactions, le non-respect des

règles du jeu économique, la recherche de l’intérêt personnel par la

ruse. Il s’accompagne le plus souvent d’une manipulation privée

d’information et s’oppose en ce sens à un comportement fondé sur

3
Les activités de sélection des risques nécessitent en effet un investissement spécifique (expertise financière, outil de
scoring, connaissance des secteurs).

10
des relations de confiance où la promesse de l’un est synonyme

d’engagement. Notons que l’opportunisme introduit la notion de

temps dans la pratique des échanges ; la question relative au

comportement (comportement effectif/comportement attendu) ne

se posant pas dans le contexte de relations instantanées

(P.Y. Gomez, 1996).

Le comportement opportuniste est donc lié à la rationalité limitée

et à l’incomplétude de l’information. Les risques sont les aléas qui

vont peser sur la transaction et qui peuvent donner naissance à une

manipulation et à une déformation de l’information. La difficulté

réside dans le fait qu’il ne s’agit pas d’un comportement qui

affecte tous les individus et qu’il est coûteux de reconnaître ceux

qui sont opportunistes de ceux qui ne le sont pas (W.G. Ouchi et

O.E. Williamson, 1981).

Le rôle de l’intermédiation ne peut donc se comprendre qu’en

réponse aux imperfections de marché et notamment aux asymétries

d’information qui caractérisent le marché du crédit

(D.W. Diamond, 1984). Il est clair qu’en supposant, dans la lignée

des travaux d’Arrow-Debreu l’efficience des marchés et une

information symétrique des différents agents, l’intermédiation est

inutile. Les investisseurs, dans ce contexte, sont capables de

reproduire tous les services financiers proposés par les

intermédiaires. Le financement peut s’opérer directement sur les

marchés financiers à partir d’opérations d’émissions de titres.

11
2 Evaluation du risque crédit : avantage informationnel

de la firme bancaire

De nombreux marchés sont caractérisés par des différences

informationnelles entre acheteurs et vendeurs. Si les emprunteurs

connaissent leur assiduité, leur rectitude morale ainsi que toute

information intrinsèque à leurs projets, les prêteurs de leur coté ne

peuvent prétendre à une connaissance exhaustive des

caractéristiques réelles des emprunteurs. Chaque créancier est alors

contraint de surveiller et d’évaluer.

La firme bancaire disposerait de différents avantages liés au

regroupement des projets financés (diversification des risques), à

la spécialisation de son activité et à sa puissance financière, lui

permettant d’investir dans des outils statistiques puissants. Mais si

les outils statistiques sont effectivement d’une aide considérable

dans l’analyse et la sélection des projets (techniques de crédit

scoring), le véritable avantage dont dispose les banques est un

avantage informationnel qui réside dans l’exploitation des

informations générées par les relations de long terme que la

banque noue avec ses clients et qui lui permet de créer de

l’information. Pour comprendre en quoi les banques disposent

d’un tel avantage, nous proposons d’analyser les coûts

d’information liés à l’évaluation d’un projet d’investissement.

2.1 Coûts d’information liés à l’évaluation du projet

d’investissement

12
Accorder un crédit est une décision à la fois irréversible et risquée,

car le retour sur l’investissement est fonction d’un futur incertain

et d’une analyse plus ou moins fine de la situation présente. Les

banques sont conçues comme des sélectionneurs et surveillants

spécialisés dans l’acquisition d’informations concernant les projets

des entreprises emprunteuses (M.K. Lewis, 1992).

Prenons donc le cas d’un entrepreneur qui ne dispose pas de

liquidités suffisantes pour financer un projet d’investissement.

Pour réaliser son projet, il peut s’adresser directement à un ou

plusieurs prêteurs potentiels. Si le nombre de prêteurs est élevé, il

y aura duplication du coût de surveillance de l’emprunteur

(surveillance du fait d’une asymétrie informationnelle entre

prêteurs et emprunteurs). Rappelons ici que dans un contexte

d’incertitude, octroyer des financements pour la réalisation de

projets risqués nécessite une évaluation de leur qualité spécifique

qui se traduit par un risque de crédit, c’est-à-dire la probabilité de

remboursement du capital et des intérêts. Une telle évaluation

prend plusieurs dimensions car elle dépend des aléas du futur, de

la qualité du projet et de l’intégrité de son détenteur. La recherche

d’informations relatives au risque crédit est très coûteuse car les

prêteurs, pour éviter de subir le problème des asymétries

informationnelles, (D.W. Diamond, 1984 ; E. Fama 1985) doivent

collecter et analyser des informations externes4.

4
Informations qui ne sont pas transmises par l’emprunteur directement.

13
Ni le risque, ni la rentabilité des opérations réalisables n’étant

identiques, la sélection des projets se fera à partir de l’évaluation

de la probabilité de défaillance d’un débiteur. Cette analyse,

élaborée à partir de quelques variables clés (revenu, situation

familiale, examen des bilans pour les entreprises) ou à partir de

méthodes indirectes. De telles analyses permettent d’accéder aux

"informations privées" qui sont à l’origine de la sélection adverse.

Cependant, cette façon de procéder est onéreuse et imparfaite. S’il

était possible à l’emprunteur de divulguer les informations privées

pertinentes qu’il détient, un bénéfice mutuel serait possible5. En

effet, au moment de la rédaction du contrat de prêt, les

emprunteurs de bonne qualité pourraient obtenir un prêt plus

important à de meilleures conditions. Le banquier quant à lui serait

en mesure d’apprécier de façon plus fine le risque et la rentabilité

du crédit qu’il accorde. La difficulté réside dans l’impossibilité de

divulguer ce type d’information de manière simple et directe. Par

exemple, une firme qui pourrait développer un nouveau produit de

qualité exceptionnelle. Les individus vont donc chercher les

moyens de "crédibiliser" l’information. Le banquier peut essayer

d’accéder aux informations privées en observant les actions de

l’entreprise et en vérifiant ses affirmations.

Ceci conduit à distinguer deux stratégies : la technique de

signalisation et le filtrage. La signalisation consiste pour la partie

5
Notons que si la volonté d’investir dans le projet ou dans la firme (plutôt que d’investir dans d’autres actifs) est en
mesure d’offrir un signal sur la qualité du projet, cette façon de procéder est néanmoins loin de l’idéal d’efficience car
l’entrepreneur conserve un risque spécifique en prenant des positions en fonds propres plus grandes dans sa propre firme
que dans l’hypothèse où l’information pourrait être transférée.

14
qui détient une information privée à prendre l’initiative d’adopter

un comportement qui dévoile cette information à l’autre partie (P.

Milgrom et J. Roberts, 1997). Le filtrage consiste à concevoir les

contrats de façon à n'attirer qu'une fraction de la clientèle. Il s'agit

de proposer des contrats à la carte afin d'opérer un tri.

Plusieurs solutions ont donc été envisagées pour résoudre les

problèmes engendrés par une information asymétrique et

imparfaite. Notons que le développement de la technique de

signalisation permet d’améliorer l’information de l’investisseur.

Les banques tentent d’accéder aux informations privées en

observant les actions des individus. Il peut s’agir du pourcentage

d’actions détenues par les dirigeants (H.E. Leland et D.H. Pyle,

1977), du niveau d’endettement, ou enfin de la politique de

distribution de dividende de l’entreprise. H.E. Leland et D.H. Pyle

(1977) expliquent notamment l’importance de l’engagement

financier des dirigeants des jeunes entreprises. En s’engageant à

titre personnel dans leur entreprise, les dirigeants fournissent un

signal crédible. Ainsi, pour effectuer une sélection la banque

pourra demander à l’emprunteur de signifier la qualité de son

investissement en acceptant d’y investir une part importante de ses

capitaux6.

2.2 Avantage comparatif de l’intermédiaire : un savoir

idiosyncrasique

6
La théorie économique s’est intéressée à ces mécanismes pour rendre compte de l’existence de phénomènes de
rationnement du crédit.

15
a) Le rassemblement des prêts baisse les risques et les coûts

L’asymétrie d’information entre prêteurs et emprunteurs rendant

substantiel le coût d’analyse des projets à la recherche de

financement, il est difficilement concevable qu’il puisse être

supporté par un grand nombre d’investisseurs prenant une part

limitée du financement. De ce point de vue, l’apparition de

l’intermédiation financière se justifie par la capacité de

l’intermédiaire à réduire les coûts d’information. « Le fondement

de l’existence de tels intermédiaires financiers est le coût

d’évaluation des risques de crédit » M. Guille (1994, p.50).

R.T. Ramakrishnan et A.V. Thakor (1984) soulignent, en outre,

l’inefficience liée à la duplication de la production d’information

(analyse et suivi du projet d’investissement) et s’appuient sur la

capacité de l’intermédiaire à baisser les coûts d’information pour

expliquer l’existence des institutions financières.

D.W. Diamond (1984) développe une théorie de l’intermédiation

financière qui se fonde sur la minimisation du coût de

l’information. La diversification opérée à l’intérieur d’un

intermédiaire financier permet de réduire les coûts. Il atteste que le

coût de surveillance de la banque s’amenuise quand la banque

contrôle un portefeuille de prêts important, diversifié par firmes et

marchés. Selon D.W. Diamond (1984), l’intermédiation est en

mesure de réduire les coûts du financement externe car le contrôle

par un intermédiaire se révèle être moins onéreux que le contrôle

par des milliers d’actionnaires. « Banks (…) provide information

16
(and liquidity) services that depositors find too costly to provide

themselves and in this way, banks reduce the financing costs which

individuals as lenders of funds would incur if instead they were to

transact directly with borrowers » M.K. Lewis (1992, p.219). A

partir de l’hypothèse d’asymétrie d’information, E. Fama (1985) et

D.W. Diamond (1984) ont montré que les banques constituent les

prêteurs les plus efficaces7 pour évaluer ou surveiller le risque de

crédit. Selon ces auteurs, la banque dispose de capacités

spécifiques pour évaluer la qualité des emprunteurs qui lui permet

d’avoir un avantage informationnel sur les autres types de

prêteurs ; le marché étant incapable de produire une information

qui conduise à l’identification de la véritable valeur des actifs.

Ainsi, en bénéficiant d’une information plus importante que le

marché, les intermédiaires peuvent opérer une diversification de

leur portefeuille et réduire le risque de l’ensemble des projets

(M. Chérif, 1999).

L’avantage retenu consiste ici en la réduction des coûts

d’évaluation et de surveillance. Or, cet avantage ne perdure pas en

présence d'un marché de titres primaires centralisés et dotés

d’agences de notation dont le rôle consiste à attribuer une note aux

entreprises qui révèle la "qualité de la signature". Autrement dit,

cette approche de l’intermédiation est réductrice, il convient de la

compléter. A ce titre J. Schumpeter nous fournit les premiers

éléments nécessaires à son dépassement.

7
Capacité de l'intermédiaire à baisser le coût d'échange du capital grâce à une diminution du coût de l'information.

17
Selon J. Schumpeter, le seul jugement technique n’est pas

satisfaisant pour garantir la validité des attributions de crédits.

« The banker must not only know what the transaction, which he is

asked to finance is and how it is likely to turn out, but he must also

know the customer, his business and even his private habits, and

get, by frequently "talking things over with him", a clear picture of

the situation » J. Schumpeter (1939, p.116). C’est en ayant accès à

une information privilégiée que les banques obtiennent un

avantage informationnel : « Banks may obtain information

advantages because they are their customer’s bookkeepers:

through a monitoring of customer’s transactions a profile can be

built up of their suitability for credit and ability to repay loans.

This private information gives banks an advantage over other

credit assessment agencies, and enables them to be efficient

lenders. (…) Once the loan is made, the transactions account

becomes a continuing source of credit information, allowing banks

to monitor and identify problem loans » M.K. Lewis (1992, p.211-

212). L’avantage comparatif dont dispose les banques en matière

d’estimation du risque crédit s’appuie sur la qualité du savoir

bancaire.

b) La qualité du savoir bancaire améliore l’estimation du risque

Si les difficultés liées à une information coûteuse et asymétrique

peuvent fournir une explication à l’émergence d’intermédiaires

financiers, celle-ci se révèle insuffisante car elle ne prend pas assez

en considération le véritable avantage informationnel des banques.

18
Selon T.S. Campbell et W.A. Kracaw (1980), les économies de

coûts de transactions, la protection de la confidentialité des projets

d’investissement ou la production d’information sont, en réalité,

des explications complémentaires de l’intermédiation. Leur

position se concentre sur le rôle de l’intermédiaire dans la

production d’information et démontre, contrairement à la

supposition de H.E Leland et D.H. Pyle (1977), que

l’intermédiation n’est pas suffisante pour résoudre les problèmes

de hasard moral et d’appropriabilité. Malgré l’avantage comparatif

dont disposent les banques en matière d’information, il n’en

résulte pas l’annulation de l’imperfection de l’information. Même

dans le cas où le savoir bancaire est de qualité, l’estimation du

risque bancaire reste imparfaite car les projets des emprunteurs

conservent une certaine opacité. Le savoir bancaire reste donc à la

fois incomplet (le rendement du projet est plus ou moins incertain,

il est fonction de l’évolution de l’environnement) et asymétrique,

dans le sens où il n’est pas égal à celui de l’emprunteur. Ce dernier

garde par conséquent un avantage informationnel certain. Il lui est

alors possible d’omettre ou de manipuler certaines informations

que ce soit par incompétence ou par malhonnêteté.

Pour T.S. Campbell et W.A. Kracaw (1980) l’avantage de la

banque est à mettre en relation avec son savoir idiosyncrasique qui

permet l’amélioration de l’évaluation des projets. Les institutions

financières disposent d’un avantage comparatif dans le traitement

des documents et dans l’accès à l’information sur la capacité des

19
emprunteurs à rembourser leurs dettes. La gestion du compte et de

la trésorerie de l’entreprise, par exemple, procure à l’établissement

bancaire de précieuses informations sur les opérations courantes,

sur les relations avec les tiers, ainsi que sur d’éventuels incidents

de paiements, qui vont lui permettre d’établir des probabilités de

remboursement. En outre, les routines créées et les informations

reçues sur un consommateur ou type de consommateur seront

transposables sur d’autres consommateurs.

Grâce à sa spécialisation, à son expertise, ainsi qu’à la valorisation

des réseaux locaux, la banque peut appréhender les formes

d’engagement des ressources d’une entreprise et donc mieux cibler

la validité des projets et leur chance de succès. A. Wissler (1989,

p.202) souligne « la nécessité de liens solides, durables et

confiants, de l’intercompréhension et d’un large partage

d’informations entre les banques et les entreprises pour évaluer

ensemble le risque d’innovation industrielle, définir des

prospectives, ajuster des plans de financement et les concrétiser

dans le temps, pour allouer, en définitive, les ressources

financières à des emplois productifs ».

Le principal avantage informationnel des banques sur les autres

prêteurs est donc lié à l’existence de leur création d’informations

privées très spécifiques.

c) La banque crée de l’information

20
Différentes raisons permettent aux banques d’apprécier, plus

finement que le marché, la qualité des demandes de financement.

M. Castel et Y. Ullmo (1991) constatent que l’information

collective transmise aux marchés financiers est trop synthétique et

se résume souvent à une note attribuée par les agences de

notation8. Le risque de crédit n’est ainsi qu’insuffisamment pris en

compte par la notation. Autrement dit, l’information collective

fournie au marché est qualitativement moins riche que celle

dévoilée à une banque par l’entreprise emprunteuse. En outre, la

connaissance d’une entreprise par une agence de notation

s’assimile à la connaissance que détient une banque rencontrant

pour la première fois un emprunteur. Ainsi, le marché véhicule et

exploite des informations, mais il n’en crée pas lui-même

(J.L. Nakamura, 1999). Le savoir développé par les banques va

être d’une qualité supérieure à l’information collective des

marchés.

La supériorité du savoir bancaire provient d’un savoir interne

concernant les clients de la banque auquel les agences de notation

et les maisons de crédit ne peuvent accéder. Il est clair que les

procédures spécifiques d’acquisition d’information par la banque

ne représentent qu’une seule catégorie d’aide à la décision.

L’avantage informationnel des banques vient de la décentralisation

des décisions de prêts qui permet à la banque de développer une

connaissance spécifique sur chaque emprunteur. Il est alors

8
Selon des critères de performance préétablis, l’agence de notation synthétise les données dont elle dispose. Il en découle
l’attribution d’une note qui révèle la valeur de la signature de l’entreprise.

21
possible pour les banques d’examiner les motivations

d’endettement de l’intéressé, mais aussi d’étudier la part de

marché de l’entreprise, la compétitivité de ses produits, l’état de la

concurrence. Le chargé de clientèle établit un dossier de crédit,

relativement aux informations spécifiques à chaque client. Ce

dossier retrace l’histoire de la relation de crédit entre la banque et

l’emprunteur ainsi que l’ensemble des services offerts par la

banque.

Le développement de liens étroits d’expertise et de conseil

personnalisés entre les banques et leurs clients sont propices à la

compréhension et à la prévention des risques (A. Wissler, 1989).

Dans ce contexte, les bonnes relations seront utiles et pourront

améliorer la qualité du montage des dossiers de crédit. Pour

A. Wissler (1989), les relations financières de long terme entre la

firme et sa banque peuvent impliquer une compréhension sur la

nature en cours de leurs affaires qui va bien au-delà des contrats

explicites de financement qu’ils ont réellement écrits. Les relations

ne sont alors pas seulement fondées sur une évaluation marchande

mais aussi sur la confiance.

L’amélioration de la connaissance des clients, grâce à une relation

de clientèle, permet de réduire les effets relatifs aux asymétries

informationnelles sur le fonctionnement du marché du crédit

(J.L. Nakamura, 1999). La stabilité de la relation avec le client

permet de dégager de l’information, d’une part sur les entreprises,

et d’autre part sur la personnalité du dirigeant. L’efficacité que

22
détient la banque pour sélectionner la population ainsi que

l’avantage comparatif qui en découle sont donc issus de

l’accumulation d’informations sur leurs clients. Ce capital

informationnel permet de réduire les coûts de surveillance.

Selon J.G. Haubrich (1989) les contrats de prêts permettent aux

banques de produire de l’information et favorisent une

compréhension réciproque. Les banques entrent dans une relation

de long terme avec les emprunteurs. « Enduring relationships can

induce truth telling in agents » J.G. Haubrich (1989, p.13). « An

important point is that these long-term agreements will replace

direct monitoring of the project by the banks, because it is cheaper

to check payout history and verify satisfaction of the sample mean

bounds than to direct examine the working of the corporation »

J.G. Haubrich (1989, p.13-14).

En conclusion, puisque la fiabilité de l’estimation du risque de

crédit est d’autant plus forte que le savoir bancaire est conséquent,

les banques sont encouragées à passer d’une relation à l’acte, où la

constitution du savoir est liée à des procédures anonymes, à une

relation d’engagement qui se traduit par une acquisition

d’information personnalisée du fait des relations étroites qui

s’établissent entre la banque et le client.

23
La banque va pouvoir réaliser des économies de champ9

informationnelles. C’est donc en ayant accès à une information

privilégiée que les banques obtiennent un avantage informationnel.

Ainsi les informations acquises grâce aux différents services que

procure la banque sont des informations internes à la banque. Ces

informations internes sont à la source de l’avantage informationnel

des banques sur leur propre clientèle. Cet avantage sera d’autant

plus important que la relation client s’inscrit dans la durée.

9
C’est-à-dire des économies qui apparaissent en raison du partage de certaines ressources entre produits, ou encore en
raison de la complémentarité des produits offerts lorsqu’il est possible de vendre différents produits à une certaine
catégorie de clientèle. Par économies de champs informationnelles nous entendons les économies liées à l’exploitation
des informations générées par les différents services bancaires.

24
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