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Chișinău 2019
Traumatismes maxillo-faciaux
E. Wiel 1,*, G. Raoul 2, B. Pertuzon 3, H. Menu 4
1
Pôle de l'Urgence, Samu Régional de Lille, UF Recherche Clinique du Pôle de l'Urgence, Université de Lille 2,
5, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France ; 2 Département universitaire de chirurgie maxillo-faciale
et stomatologie ; 3 Service de Neuroradiologie ; 4 Clinique d'anesthésie-réanimation chirurgicale, Hôpital Roger-
Salengro, rue du Professeur Émile Laine, CHRU de Lille, 59037 Lille cedex, France
* e-mail : e-wiel@chru-lille.fr
POINTS ESSENTIELS
· Les traumatismes maxillo-faciaux sont fréquents, les urgences vitales maxillo-faciales sont
rares.
· Les traumatismes maxillo-faciaux sont, jusqu'à preuve du contraire, associés à des lésions
extra-faciales : traumatisme crânien et rachidien, lésions hémorragiques thoraciques, de
l'abdomen, des membres ou du bassin.
· Les urgences horaires engageant le pronostic vital sont représentées par les lésions
asphyxiques et les lésions hémorragiques.
· Les urgences horaires n'engageant pas le pronostic vital sont représentées par les fractures
mobiles de la portion dentée de la mandibule avec souffrance parodontale, les mobilités
dentaires, les ouvertures cutanées ou engageant le pronostic visuel.
· Les urgences différées sont représentées par les fractures du condyle mandibulaire, les
fractures du tiers moyen de la face (FOPN, os zygomatique) et les disjonctions cranio-
faciales sans perte de substance.
· L'intubation est réalisée par voie orotrachéale en situation d'urgence et par voie
nasotrachéale pour une chirurgie sans indication de blocage intermaxillaire.
· Aucune étude n'interdit de réaliser une intubation nasotrachéale même en cas de suspicion
de fracture de l'étage antérieur de la base du crâne.
· L'intubation par voie sous-mentale est indiquée lorsque l'intubation par voie nasotrachéale
ou orotrachéale est contre-indiquée. Elle nécessite une surveillance en structure de soins
intensifs. La trachéotomie de principe doit être abandonnée.
· Une filière doit être instituée prenant en compte les problèmes liés à la spécificité de la
prise en charge chirurgicale, à la rééducation, à l'alimentation, à l'adaptation du traitement
antalgique et au suivi psychologique.
INTRODUCTION
La prévention, le diagnostic et la prise en charge des traumatismes maxillo-faciaux ont
considérablement évolué ces 25 dernières années. Cependant, ils représentent toujours un
véritable défi, tout particulièrement dans leur prise en charge initiale le plus souvent difficile
en situation d'urgence où peuvent coexister d'autres lésions très diverses en fonction du
mécanisme lésionnel pouvant engager le pronostic vital (traumatisme crânien et rachidien,
hémorragie, détresse respiratoire aiguë). Le plus souvent, l'urgence n'est pas maxillo-faciale
mais liée aux lésions associées. Le mécanisme lésionnel diffère selon l'âge. Chez les sujets
jeunes (75 % des cas), 50 % des traumatismes maxillo-faciaux sont liés à une agression
(associée dans 50 % des cas à un état d'alcoolisation aiguë), à un accident de la voie publique
(AVP) ou liés à une activité sportive ou un accident du travail. Chez les sujets de plus de 65
ans (6 % des cas), les traumatismes maxillo-faciaux sont le plus souvent des fractures de la
mandibule liées aux chutes. L'incidence des traumatismes faciaux est plus faible chez l'enfant
de moins de cinq ans, de l'ordre de 1 à 15 % (moyenne de 10 %) liée probablement à la
souplesse du massif facial osseux. Les traumatismes balistiques restent encore, à l'heure
actuelle en France, peu fréquents (le plus souvent en rapport avec une tentative d'autolyse).
Les traumatismes maxillo-faciaux intègrent les lésions avec fuite de liquide cérébrospinal, les
lésions intracrâniennes, oculaires, laryngées, du massif facial, du rachis cervical et des lésions
vasculaires [1].
Les traumatismes maxillo-faciaux étant d'une grande diversité à la fois dans les tableaux
cliniques présentés et dans l'étiologie, cet exposé abordera les traumatismes maxillo-faciaux
selon qu'ils sont considérés comme des urgences horaires (engageant le pronostic vital ou
associés à un large délabrement, des expositions osseuses, des mobilités osseuses ou dentaires
ou engageant le pronostic fonctionnel visuel) ou des urgences différées, en prenant en compte
le risque fonctionnel notamment esthétique (tableau I).
Tableau I. Répartition des fractures selon leur degré de délai de prise en charge
chirurgicale et leur topographie.
Absence d'implication de l'articulé
Implication de l'articulé dentaire
dentaire
Urgences - Fracas mandibulaires - Fracture du plancher orbitaire type trap-
non - Risques de glossoptose door (chez enfant) avec diplopie
différables - Fractures mobiles de la portion - Fractures à ouverture cutanée (os
(horaires) dentée de la mandibule propres du nez, etc.)
- Mobilité ou luxation ou - Hématome de la cloison nasale
subluxation dentaires - Présence d'une brèche méningée
- Plaies et pertes de substance - Hémorragies, détresse respiratoire aiguë
cutanée cervico-faciale - Plaies cranio-cérébrales associées
- Hémorragies, détresse respiratoire - Fracture du 1/3 moyen de la face avec
aiguë retentissement sur la vision.
Urgences - Fracture de la portion dentée de la - Fracture du condyle mandibulaire (sauf
différables mandibule non déplacée et non exceptionnelle incarcération dans le lobe
mobile temporal)
- Disjonctions cranio-faciales sans - Fracture du tiers moyen et latéral de la
perte de substance face sans retentissement sur la vision
- Traumatismes centro-faciaux sans perte
de substance
- Fractures latéro-faciales sans
retentissement sur la vision et sans plaie
cranio-cérébrale
Quelles voies pour l'intubation ?
- Si implication de l'articulé dentaire :
· Intubation nasotrachéale
· Intubation sous-mentale (si extubation postopératoire rapide)
· Trachéotomie (si extubation postopératoire tardive)
- Absence d'implication de l'articulé dentaire :
· Intubation orotrachéale.
URGENCES HORAIRES
La prise en charge d'un patient souffrant d'un traumatisme maxillo-facial est complexe du fait
de l'association possible à des lésions crâniennes, rachidiennes et thoraciques ou survenant
chez des patients instables sur le plan hémodynamique en raison de lésions hémorragiques
thoraciques, de l'abdomen, des membres ou du bassin. Ce sont surtout les lésions thoraciques
qui peuvent avoir un impact majeur sur la stratégie thérapeutique.
La prise en charge dépend des circonstances. Dans tous les cas, il faut rechercher les
mécanismes de l'accident : accident ou impact à haute vélocité (AVP, piéton contre véhicule
léger, éjection du véhicule, déclenchement des airbags, état de déformation du véhicule,
victimes décédées à l'intérieur du véhicule), chute de sa hauteur (accident domestique,
accident de travail, chute dans les escaliers). Les lésions coexistantes (fracture du bassin, du
fémur et/ou jambe, traumatisme crânien) seront prises en compte. Chez un patient conscient
(score de Glasgow à 15) mais présentant des lésions maxillo-faciales avec un risque
d'obstruction des voies aériennes supérieures, qui ne respecte pas l'immobilisation alors qu'il
y a une suspicion de traumatisme rachidien ou de bassin, la réalisation d'une intubation
endotrachéale après induction en séquence rapide (ISR) permettrait de sécuriser les voies
aériennes et d'immobiliser le patient. Cependant, elle empêcherait toute surveillance de son
évolution par la perte de contact et la possibilité d'une réévaluation régulière de son état
clinique : apparition de troubles de la conscience liés à une hémorragie ou un œdème
intracérébral, de troubles visuels, de développement d'un syndrome de compartiment. À
l'inverse, maintenir une ventilation spontanée sous surveillance étroite chez un patient
immobilisé permet une surveillance de l'évolution neurologique, mais risque de placer ce
patient dans une position inconfortable avec des risques d'événements indésirables comme la
survenue d'épisodes de vomissements, une prise en charge inadaptée de la douleur pouvant
eux-mêmes compromettre la liberté des voies aériennes. Chaque attitude a donc ses effets
secondaires. Il faudra alors peser le bénéfice/risque chez chaque patient. La stratégie de prise
en charge est évolutive. Elle peut changer en fonction de la survenue d'événements
intercurrents comme une dégradation de l'état neurologique, la survenue d'une détresse
respiratoire aiguë ou de la présence d'une hémorragie. La surveillance clinique et le
monitorage du patient sont indispensables [4].
Dans tous les cas, il faudra évaluer en priorité la liberté des voies aériennes supérieures
(VAS). Leur obstruction est la première cause de décès, liée à l'existence d'une hémorragie,
d'obstacles mécaniques (bris dentaires, appareils dentaires, autres corps étrangers), de
vomissements ou de la présence d'un œdème ou d'un hématome du plancher de bouche (sous
AVK). Elle peut être liée à la rare glossoptose secondaire à une fracture bifocale de la
mandibule avec recul symphysaire voire à un fracas mandibulaire étendu. Il faut noter que si
seuls les condyles sont fracturés et que l'arche mandibulaire est intacte, il n'y a pas de
glossoptose. Cette dernière n'existe qu'en cas de lésion de l'arche mandibulaire. Ce type de
détresse respiratoire aiguë est déclenché par la mise en décubitus dorsal du patient,
notamment lors de la réalisation d'une induction anesthésique. Le traitement de la glossoptose
ou de son risque est la restitution de l'arche mandibulaire par ostéosynthèse ou fixateur
externe. La solution d'attente consiste en une péxie linguale par fil de traction. L'obstruction
peut aussi se situer au niveau nasal par enfoncement de la pyramide nasale ou d'un recul
maxillaire important. Il faudra rechercher des signes coexistants d'obstruction laryngée et/ou
trachéale (palpation des cartilages laryngés, emphysème sous-cutané, stridor, etc.) et de
lésion du rachis cervical. Cette dernière doit être suspectée en présence d'un traumatisme
crânien, d'un accident à haute vélocité et lorsqu'il existe une fracture parasymphysaire
bilatérale. Elle nécessite la pose d'un collier cervical. La mise en place de ce collier doit être
prudente afin d'éviter tout déplacement du foyer de fracture pouvant compromettre la liberté
des VAS. La présence de ce collier cervical peut aussi gêner l'ouverture de bouche. L'examen
clinique recherchera des débris, une hémorragie dans la bouche et le pharynx (le sang dégluti
favorise le risque de vomissement, l'existence d'un hématome du rétropharynx peut
compromettre la liberté des VAS de manière retardée [5]) qui peut nécessiter d'ouvrir le
collier cervical sous couvert du maintien en rectitude sans traction de l'axe tête-cou-tronc.
Les indications de l'intubation sont l'existence d'une détresse respiratoire aiguë en rapport
avec une glossoptose sur fracture mandibulaire, d'une hémorragie intrabuccale importante,
d'une perte des réflexes de protection laryngée, de troubles de conscience (score de
Glasgow 8 ou chute de plus de 2 points), de crises convulsives, d'une détresse respiratoire
aiguë, du risque de développement d'un œdème au niveau des VAS ou de l'inefficacité du
traitement antalgique. Cette intubation doit être réalisée après une préoxygénation (en dehors
des situations d'asphyxie) et une ISR avec maintien en rectitude sans traction de l'axe tête-
cou-tronc. En médecine d'urgence, cette intubation peut être rendue difficile par la position de
la victime et du médecin (position demi-assise, décubitus dorsal, collier cervical en place), en
raison du risque de vomissement et d'inhalation bronchique chez un patient à l'estomac plein
mais aussi et surtout en raison du risque de lésion du rachis cervical. Elle nécessite plusieurs
opérateurs. Elle est préférentiellement réalisée par voie orotrachéale par laryngoscopie directe
en raison de sa rapidité et de l'entraînement des médecins prenant en charge ces patients [6].
Bien que le risque de placement en situation intracrânienne soit une complication de
l'intubation nasotrachéale dans le cas de fractures de l'étage antérieur de la base du crâne, la
littérature ne confirme pas ces faits. L'intubation nécessite une ISR utilisant un hypnotique
(hypnomidate ou kétamine en respectant les contre-indications respectives) associé à un
curare dépolarisant (succinylcholine). Cette dernière permet de lever une diminution de
l'ouverture buccale s'il s'agit d'un trismus d'origine antalgique. Le « trismus » d'origine
mécanique ou plutôt limitation d'ouverture buccale est lié(e) au blocage mécanique de pièces
osseuses et n'est pas toujours réversible dépendant du siège des lésions (enfoncement du
zygomatique, fracture ou luxation condylienne voire encastrement dans le lobe temporal [7]).
En cas d'exposition difficile, il suffit de reprendre l'algorithme de prise en charge éditée par la
Société française d'anesthésie et de réanimation [8]. La conférence d'experts sur l'intubation
difficile recommande qu'en cas d'échec des différentes techniques, le dernier niveau est
représenté par la mise en place d'une intercricothyrotomie. Cependant, en médecine
d'urgence, notamment préhospitalière, elle pose le problème de la ventilation du patient. Il
faudrait pouvoir disposer d'une ManuJet. Ainsi, la technique de l'intubation rétrograde semble
trouver ici une bonne indication à condition d'un entraînement adapté. Un récent cas clinique
rapporte certes dans une situation de sauvetage l'utilisation d'un mandrin long béquillé
introduit dans un défect trachéal en direction céphalique ayant permis l'intubation du
patient [9].
Hémorragies
Le pronostic vital peut aussi être engagé sur l'existence d'une hémorragie. Elle est
responsable de 30 à 40 % de la mortalité du patient traumatisé [10]. Il s'agit rarement d'une
véritable urgence hémorragique maxillo-faciale (moins de 10 % des lésions maxillofaciales
graves) [11], mais sa reconnaissance doit être rapide pour une prise en charge adaptée. Ainsi,
les plaies du cuir chevelu, la section d'une artère peuvent être prises en charge dès la phase
préhospitalière en associant des pansements compressifs voire la pose de pinces
hémostatiques de manière contemporaine à une réanimation adaptée qui n'a rien de spécifique
(remplissage vasculaire voire introduction d'amines vasoconstrictrices) en attente d'un
transfert pour traitement chirurgical. Une épistaxis pourra nécessiter un méchage et un
tamponnement, y compris en cas de disjonction craniofaciale.
De nouvelles stratégies de type Damage Control ont émergé depuis les années 1960 pour la
prise en charge de patient échappant à la réanimation symptomatique. Elle repose sur 4
phases : anticipation chez les patients à risque (mécanismes de l'accident, détresse initiale),
procédures chirurgicales (contrôle du saignement par réduction des fractures, sutures,
packing, prévention de l'infection), phase de réanimation pour réduire les risques de
l'ischémie-reperfusion et une seconde procédure chirurgicale de traitement définitif. Tout
chirurgien doit savoir prendre en charge une hémorragie dépendant du tronc de la carotide
externe (ligature du tronc de la carotide externe, même si elle n'est quasiment plus pratiquée
car n'offrant pas de réelle efficacité en raison de l'existence des collatéralités artérielles).
L'embolisation sélective des branches de la carotide externe doit être préférée [13]. Cette
technique peut être répétée et présente des risques spécifiques [14].
Dans tous les cas, des mesures correctrices devront être proposées en fonction du terrain
(prise d'AVK, antécédents cardiorespiratoires, etc.). Nous n'aborderons pas ces mesures
spécifiques qui sortent du cadre de l'exposé.
Il ne faut pas négliger l'évaluation clinique oculaire ou de la vision (quand cela est possible)
au même titre que l'examen thoracique et abdominal. Bien que des lésions oculaires soient
fréquemment associées à un traumatisme maxillo-facial [15], seules 0,56 à 6 % d'entre elles
engagent le pronostic fonctionnel [16]. Elles sont le plus souvent en relation avec des
fractures du tiers moyen de la face (ou maxillo-naso-zygomatique) et orbito-frontale et en cas
de choc latéral [16]. Elles nécessitent une reconnaissance rapide et un traitement précoce.
Ainsi, plusieurs études ont montré que la perte de la vision est définitive après 1,5 à 2 h
d'ischémie du nerf optique [17], alors qu'un geste de décompression aurait pu éviter cette
perte de la vision.
Les lésions maxillo-faciales nécessitant un traitement chirurgical non différable sont les
fractures touchant l'articulé dentaire avec déplacement et/ou mobilité dentaires et les fractures
avec plaies cranio-cérébrales associées ou avec mise à nu des pièces osseuses (perte de
substance, embrochage cutané des fragments, plaies importantes) ou engageant le pronostic
fonctionnel visuel.
La majorité de ces fractures survient chez des sujets de 16 à 30 ans (le plus souvent
mécanisme violent, accidents de la route) avec une recrudescence chez les personnes âgées
liée aux chutes. La mandibule est le seul os mobile de la face. La portion dentée (symphyse et
branche horizontale) est réunie au ramus portant l'apophyse articulaire (condyle mandibulaire
en arrière et apophyse coronoïde [ou coroné] en avant) à l'angle mandibulaire. Un
traumatisme mandibulaire se retrouve par ordre de fréquence croissante au niveau de l'angle
(32 %, d'autant qu'il existe une dent de sagesse occluse), du condyle (23,3 %), de la branche
horizontale (17,7 %), parasymphysaire (15,6 %, au niveau des canines), symphysaire (3,6 %),
portion dento-alvéolaire (2,1 %), ramus (1,8 %) et coroné (1,5 %, la fracture du coroné se
traite par le mépris) [18]. Toute fracture de la portion dentée est considérée comme une
fracture ouverte et nécessite une antibiothérapie associée à des bains de bouche antiseptique,
une hygiène irréprochable et une alimentation liquide. Devant un trait de fracture unique
(50 % des cas), il faut rechercher une autre localisation fracturaire sur la mandibule (fracture
bi- voire trifocale) accessible parfois à la palpation. L'examen clinique recherche
systématiquement un trouble de l'articulé dentaire. Si le patient est conscient, à la demande de
serrer les dents, il peut avoir la sensation d'avoir perdu une dent alors qu'elles sont toutes en
place. Ceci est expliqué par la mobilité du foyer de fracture de la mandibule. Parfois, ce
mouvement est difficile en raison de la mobilité douloureuse du foyer de fracture ou en raison
de la présence d'un œdème ou d'un hématome. Il faut systématiquement vérifier l'atteinte du
nerf alvéolaire inférieur (sensibilité de l'hémilèvre inférieure correspondante), réaliser un
examen endobuccal (recherche d'une plaie de gencive en regard du foyer de fracture). Le
bilan des lésions dentaires (luxation, fracture) est à réaliser pour des raisons médico-légales et
de réparation (le remplacement d'une dent perdue par un implant endo-osseux peut coûter aux
alentours de 3 000 euros en fonction de la chirurgie préprothétique). L'examen radiologique
de choix est le cliché panoramique dentaire ou orthopantomogramme qui se réalise chez un
patient assis. À défaut, il peut être demandé un « défilé mandibulaire » droit et gauche et une
« face basse » (ramus et condyles). La tomodensitométrie permet l'analyse fine des condyles
et permet de distinguer les fractures intra-articulaires (fracture capitale et sous-condylienne
haute) des fractures extra-articulaires (sous-condylienne basse). Il faut toujours demander au
radiologue une acquisition jusqu'en sous-mandibulaire pour explorer le massif facial
entièrement.
Les fractures de la mandibule doivent être traitées rapidement mais peuvent attendre le délai
de jeûne préopératoire en dehors d'un contexte d'urgences respiratoire et/ou hémorragique.
Les fractures de la portion dentée non déplacées et sans mobilité dentaire ne doivent pas
obligatoirement être opérées dans les 6 heures suivant le traumatisme. On peut en effet
prendre l'option d'un traitement différé de quelques jours, le temps de réaliser des empreintes,
un set-up et des arcs préformés sur mesure avec prothèses d'équilibration de l'articulé
dentaire. Une alimentation liquide est alors nécessaire associée à un traitement antalgique
(médicaments, blocs de la face), des bains de bouche et une antibiothérapie nécessitant selon
les cas une hospitalisation. Il convient d'éviter la prescription d'AINS. Les fractures
parasymphysaires bifocales ou des 2 branches horizontales présentent un risque de
glossoptose notamment en décubitus dorsal nécessitant de tirer vers l'avant l'arc mandibulaire
fracturé afin d'éviter tout risque d'asphyxie aiguë. Une antibioprophylaxie comportant une
aminopénicilline avec inhibiteur des -lactamases est systématiquement instaurée [19]. Il
existe aussi une diminution de l'ouverture buccale mécanique et/ou antalgique qui se lève à la
curarisation. L'intubation est réalisée par voie nasotrachéale parfois sous
fibroscopie [20] chez un patient correctement préoxygéné. Pour le patient présentant les
risques d'une glossoptose, l'intubation peut être réalisée en position demi-assise sous AIVOC
au propofol ou après préoxygénation et induction avec la mise en pace d'une canule de Mayo,
voire un dispositif supralaryngé pour assurer la ventilation ou encore en décubitus latéral
droit après ISR (expérience personnelle en médecine d'urgence préhospitalière).
Classiquement, la première étape du traitement des fractures impliquant l'articulé dentaire
(mandibule et Le Fort) est orthopédique et consiste en une restitution de l'articulé dentaire à
l'aide d'un blocage sur arcs préformés, arcs souples, prothèses adaptées ou ligatures
interdentaires. Le traitement chirurgical par abord sanglant muqueux ou cutané est souvent
associé pour la réduction complète du ou des foyers de fracture avec la mise en place de
plaques vissées, de fils d'acier ou de fixateur externe. Un blocage simple peut suffire en cas
de fracture peu ou pas déplacée ou en cas de réduction satisfaisante (c'est une question
d'École). Le chirurgien doit veiller impérativement au rétablissement de l'occlusion dentaire,
raison pour laquelle l'intubation est réalisée par voie nasotrachéale. L'ostéosynthèse est
déconseillée chez l'enfant de moins de 12 ans en raison de l'existence de germes dentaires
dans la mandibule et du potentiel résiduel de croissance.
Ces dernières années s'est développée la technique de l'intubation par voie sous-mentale. Elle
a été développée pour s'affranchir du choix de la voie d'intubation naso- ou orotrachéale, ce
d'autant qu'aucun consensus n'existe à ce jour sur la meilleure façon de contrôler les VAS
lorsque l'intubation par voie nasotrachéale ou orotrachéale est contre-indiquée [21]. Dans
cette dernière situation, il était classique de proposer la trachéotomie avec sa morbi-
mortalité [22]. Plusieurs travaux relatent l'utilisation de l'intubation par voie sous-mentale
comme méthode alternative [22] [23] [24]. Cette technique consiste en le placement par le
chirurgien en peropératoire de l'extrémité proximale d'une sonde d'intubation orotrachéale à
travers le plancher de la bouche et la région sous-mentale. Cette étape fait suite à l'intubation
orotrachéale et nécessite de désolidariser temporairement la sonde pour le passage sous-
mental. Cette technique laisse le champ opératoire libre permettant la restitution de l'articulé
dentaire et laissant libre la pyramide nasale sans faire courir au patient le risque d'une
intubation nasotrachéale en présence d'une fracture de l'étage antérieur de la base du
crâne [22]. Aucune complication majeure postopératoire n'a été constatée [22] [23]. La seule
limitation est la durée de l'intubation. Si des complications respiratoires ou autres nécessitent
une ventilation mécanique prolongée, la trachéotomie est incontournable. L'intubation par
voie sous-mentale ne doit pas être maintenue plus de 3 à 5 jours. Au-delà apparaissent des
risques d'orostome et d'infection. Son retrait est effectué sous anesthésie locale, soit par le
chirurgien, soit par l'anesthésiste-réanimateur, et nécessite la réalisation de points de suture
cutanés et sous-cutanés.
Ce sont des fractures complexes. Elles résultent d'un choc frontal violent associant souvent
un traumatisme crânien, voire une fracture de la base du crâne et une fracture du rachis
cervical. Les traits de fracture se trouvent dans les zones de faiblesse de la face détachant le
massif facial du tiers moyen de la base du crâne de manière plus ou moins importante.
L'examen clinique s'attachera à rechercher les lésions associées, une mobilité anormale de
l'arcade dentaire supérieure par rapport à la base du crâne (Le Fort III), aux pommettes (Le
Fort II), à la pyramide nasale (Le Fort I), les plaies, une hémorragie du cavum, un œdème
facial pouvant masquer l'asymétrie et l'aspect de la mandibule et de la cloison nasale. Il sera
complété par un examen palpatoire des rebords orbitaires et du globe oculaire avec
vérification du champ visuel (diplopie, baisse de l'acuité visuelle). L'examen radiologique de
choix est la tomodensitométrie en acquisition axiale volumique avec reconstructions axiales
coronales et sagittales (plancher orbitaire, base du crâne, disjonctions craniofaciales). Les
traits de fracture sont classés en 3 niveaux :
- la fracture de Le Fort III est la seule disjonction craniofaciale vraie. Le trait de fracture
traverse les deux orbites, la racine du nez, l'arcade zygomatique et l'apophyse orbitaire des os
zygomatiques (anciennement appelés malaires) et la partie supérieure de l'apophyse
ptérygoïde. Elle est caractérisée cliniquement par l'existence d'un hématome en lunettes violet
foncé. Dans 25 % des cas, il existe une rhinorrhée signant l'atteinte de l'étage antérieur de la
base du crâne (lame criblée de l'éthmoïde) ;
- la fracture de Le Fort II, encore appelée fracture pyramidale, est une fracture trans-faciale
haute. Le trait de fracture part de la racine du nez, traverse l'orbite, le plancher orbitaire et le
maxillaire jusque dans le vestibule buccal. L'apophyse ptérygoïde est sectionnée à son tiers
moyen. La particularité de cette fracture est qu'elle est peu mobile, impactée vers l'arrière
responsable ainsi d'un contact molaire prématuré avec béance dentaire antérieure.
Cliniquement, il existe des ecchymoses périorbitaires, une épistaxis et un œdème centro-
facial. La lame criblée de l'ethmoïde peut être lésée en cas d'atteinte supérieure (rhinorrhée
cérébrospinale);
- la fracture de Le Fort I, encore appelée fracture de Guérin (lorsqu'elle est engrenée), est une
fracture trans-faciale basse détachant l'arcade dentaire et le palais, ainsi que le tiers inférieur
de l'apophyse ptérygoïde du massif facial. L'arcade dentaire est cliniquement très mobile et il
existe des hématomes vestibulaires supérieurs à l'examen endobuccal.
En réalité, ces traits de fractures sont souvent mixtes (parfois différents des deux côtés) et
peuvent s'additionner. On parle de fracas facial ou fracture pan-faciale lorsqu'il existe une
disjonction intermaxillaire séparant le plateau palatin en deux et une dislocation centro-
faciale ou latéro-faciale. Une antibiothérapie sera systématiquement instaurée. En cas
d'hémorragie massive, un tamponnement antéro-postérieur des fosses nasales à l'aide de
sondes à ballonnet sera institué ainsi qu'une réduction des fractures. Exceptionnellement, il
peut être fait recours à une embolisation, la ligature de la carotide externe étant de moins en
moins pratiquée en raison de leur faible efficience face à la très riche collatéralité de la
vascularisation de l'extrémité céphalique. Les fractures avec large ouverture cutanée sont à
opérer idéalement dans les six heures pour un résultat esthétique optimal. La prise en charge
anesthésique a été développée plus haut. Le traitement chirurgical consiste après réduction de
la fracture par blocage intermaxillaire en la mise en place d'une ostéosynthèse (plaques
vissées) ou de suspensions craniofaciales. En fonction des lésions osseuses constatées, il peut
y avoir recours aux autogreffes osseuses iliaques ou calvariales fraîches (reconstruction du
plancher orbitaire, paroi antérieure du sinus maxillaire et frontal, corps zygomatique). Le
traitement de la brèche méningée est effectué par les neurochirurgiens 10 à 20 jours après le
traumatisme si une rhinorrhée persiste. Les complications de ce type de fracture sont les cals
vicieux (os zygomatique), les asymétries faciales, les béances dentaires, l'énophtalmie,
l'anosmie, les cicatrices, la diplopie, les brides et l'ectropion. Ces dernières peuvent faire
l'objet de chirurgie réparatrice à distance.
Traumatismes centro-faciaux
Fractures latéro-faciales
Les fractures latéro-faciales sont souvent associées à une embarrure fronto-pariétale et à une
fracture-dislocation de la région zygomatique pouvant s'étendre au tiers moyen du massif
facial.
Les fractures de l'étage antérieur de la base du crâne ont pour conséquence l'existence de
brèches dure-mériennes. La plupart se ferme 10 jours après le traumatisme. Il existe un risque
de méningite, parfois retardé de plusieurs mois après le traumatisme. Son incidence varie de 9
à 18 % même si une antibioprophylaxie a été instaurée [25]. Une des caractéristiques de ces
méningites est leur tendance à la récidive. Les autres conséquences sont d'ordre fonctionnel
avec un risque d'anosmie dans 35 % des cas, des troubles ophtalmologiques (baisse de l'acuité
visuelle, mydriase, ophtalmoplégie, amblyopie) et des lésions oculaires associées (lésion du
globe oculaire, lésion palpébrale).
La fracture du plancher orbitaire en « trap-door » avec diplopie et/ou exophtalmie est une
urgence fonctionnelle. Elles doivent être distinguées des fractures de type blow-
out correspondant à un effondrement du plancher orbitaire entraînant une fuite sinusienne du
contenu tissulaire périorbitaire. Ces fractures en trap-door résultent d'un choc violent sur le
globe oculaire. Alors que le cadre orbitaire reste intact, il existe une fracture du plancher
osseux où une partie du contenu orbitaire peut être incarcérée (équivalent d'une hernie
étranglée) responsable d'une diplopie dans le regard vers le haut. La tomodensitométrie
montre les déplacements. Le traitement chirurgical consiste par un abord palpébral (sous-
ciliaire ou transconjonctival) en une désincarcération et réintégration du tissu périorbitaire et
l'interposition de greffons osseux (iliaque ou calvarial), de corail ou de matériels résorbables
(plaques de polyglycol) entre le sinus maxillaire et l'orbite.
Il convient de signaler, dans les fractures des os propres du nez, les fractures ouvertes
nécessitant un parage et fermeture de la plaie, l'épistaxis nécessitant un tamponnement
antéro-postérieur, parfois une embolisation et les hématomes de cloison nasale nécessitant
une évacuation et méchage compressif en raison du risque de nécrose aseptique de la cloison.
URGENCES DIFFÉRÉES
Elles sont représentées par les fractures de la portion dentée de la mandibule non déplacée et
non mobile, les disjonctions craniofaciales, les traumatismes centro-faciaux sans perte de
substance, et les fractures latéro-faciales sans retentissement sur la vision et sans plaie
craniocérébrale.
Les fractures de l'os zygomatique sont le plus souvent le fait de choc direct lors de rixes ou
d'activité sportive. Si l'os zygomatique casse rarement, ses attaches (jonction fronto-
zygomatique, processus temporal de l'os zygomatique, cintre maxillo-malaire et la margelle
orbitaire) sont ses points faibles entraînant son déplacement postéro-latéral. L'examen
clinique retrouve une limitation douloureuse de l'ouverture buccale (processus temporal), une
diplopie dans le regard vers le haut (incarcération du muscle droit inférieur), une
hypoesthésie infra-orbitaire (V2) (lèvre supérieure, hémi-arcade dentaire supérieure, aile du
nez) [29], une énophtalmie, voire une exophtalmie ou une dystopie orbitaire (trouble de
position du globe oculaire dans l'orbite). Il existe un aplatissement de la pommette associé à
un hématome périorbitaire parfois associé à une plaie cutanée. En cas de fracture de la paroi
antérieure du sinus maxillaire, il peut exister un emphysème sous-cutané. Un examen
ophtalmologique est indispensable (fond d'œil, acuité visuelle, test de Lancaster - ce dernier
est médico-légal en cas de diplopie) étant donné le traumatisme du gobe oculaire avec risque
de décollement de rétine et de luxation du cristallin. Le diagnostic est confirmé par la
radiologie sur l'incidence de Blondeau complétée par l'incidence de Hirtz (incidence de Hirtz
latéralisée pour les fractures du processus temporal). Une tomodensitométrie faciale en
acquisition axiale volumique avec reconstructions axiales coronales et sagittales permet de
faire un bilan lésionnel plus précis (incarcérations par exemple) [30]. Le traitement est
chirurgical et peut être fait à distance du traumatisme en dehors de l'existence de large
ouverture cutanée ou de l'existence d'une diplopie chez l'enfant (risque d'amblyopie). La
consultation préanesthésique est donc réalisable dans le cadre du décret. Les indications
opératoires (délai 7 à 10 jours après traitement médical visant à faire régresser l'œdème afin
de faire apparaître les contours) sont : les enfoncements (raison esthétique), la limitation
d'ouverture buccale, l'existence de troubles oculomoteurs (diplopie), les troubles de position
du globe oculaire dans l'orbite et l'association d'une hypoesthésie dans le territoire V2
(isolément elle ne constitue pas une indication opératoire). La résorption de l'œdème survient
après 8 jours environ. Le traitement consiste en une réduction au crochet de Ginestet introduit
sous le cintre maxillo-malaire de manière percutanée ou transgingivale. En cas d'échec ou
d'instabilité, une ostéosynthèse par voies combinées est proposée sur l'apophyse orbitaire
externe ou sur le cintre maxillo-malaire plus ou moins associée à une ostéosynthèse par voie
sous-ciliaire ou transconjonctivale de la margelle orbitaire. Elle nécessite une
antibioprophylaxie. Une broche transfaciale peut être associée ou se substituer aux
ostéosynthèses (selon les Écoles). Lors de la mise en place de la broche transfaciale, il faut
protéger la sonde d'intubation nasotrachéale et vérifier l'absence d'embrochage de la sonde
d'intubation en la mobilisant avant de réveiller le patient. Les séquelles de fractures négligées
sont difficiles à corriger (ostéotomie intra-orbitaire, greffes d'apposition, mask lift).
Les fractures de la pyramide nasale font suite généralement à un choc latéral, plus rarement
antéro-postérieur. Elles sont responsables d'une fracture-déviation nasale et plus rarement de
l'effondrement aboutissant à une ensellure (écrasement antéro-postérieur). L'existence d'un
œdème et/ou d'un hématome périorbitaire (« en lunettes ») peut masquer la déformation.
L'examen clinique doit rechercher un hématome de la cloison qui est une urgence, surtout
chez l'enfant en raison du risque de nécrose aseptique. En dehors de ce cas, le traitement est
en général effectué à distance. Il consiste en une réduction de la fracture par voie endonasale
et pression externe sous anesthésie générale (avec la mise en place d'un dispositif
supralaryngé pour assurer la ventilation du patient) ou sous anesthésie locale associée à un
méchage endonasal et la mise en place d'un plâtre modelant la pyramide ou mieux d'une
attelle adaptée. Une septorhinoplastie de correction peut être proposée à distance (6 mois au
minimum) pour permettre une consolidation suffisante pour la réalisation de traits
d'ostéotomie.
Au bloc opératoire
Elles sont conditionnées par les problèmes liés au contrôle des VAS et à la voie d'intubation
en fonction de la chirurgie, elle-même fonction du type de fracture. D'une manière
synthétique, en situation d'urgence, l'intubation est réalisée par voie orotrachéale et la
conduite à tenir en cas d'exposition ou d'oxygénation difficile doit suivre les
recommandations de la conférence d'experts [8]. Pour une chirurgie non différable, si un
blocage intermaxillaire est requis, l'intubation sera réalisée par voie nasotrachéale pour
permettre de réaliser l'occlusion dentaire. Aucune étude n'interdit de réaliser une intubation
nasotrachéale même en cas de suspicion de fracture de l'étage antérieur de la base du crâne. Il
existe toutefois une alternative représentée par l'intubation sous-mentale en cas de contre-
indication ou de difficulté d'intubation nasotrachéale [22]. Cette intubation nécessite une
surveillance en soins intensifs postopératoires et peut être retirée après le réveil du patient
sous anesthésie locale. En l'absence de troubles de l'articulé dentaire, l'intubation sera réalisée
par voie orotrachéale. La trachéotomie de principe doit être abandonnée. La phase de réveil
d'un patient « bloqué » est délicate. Elle nécessite une surveillance clinique en continu sous
contrôle antalgique et d'oxygénation. En cas de saignement peropératoire, une vidange
gastrique est conseillée afin de limiter les risques de vomissements postopératoires.
En postopératoire
Les patients bénéficiant d'un blocage intermaxillaire doivent avoir été informés que leur
alimentation ne se fera que sous forme liquide avec compléments hyperprotéinés et qu'il y
aura une gêne quant à l'hygiène malgré la prescription de bains de bouche (jet dentaire,
brosse à dents postchirurgical type Inava™ 7/100 ou 14/100). Un traitement antalgique sera
prescrit et évalué. Il est basé sur des antalgiques périphériques et des AINS. L'utilisation de
morphiniques est rare en cas de fracture isolée de la mandibule ou du malaire.
Suivi
Un suivi psychologique devra être proposé selon les cas. Malgré les progrès réalisés dans le
domaine de la chirurgie maxillo-faciale, il peut exister des disgrâces morphologiques et
esthétiques aboutissant à un handicap socio-affectif et relationnel nécessitant un
accompagnement psychiatrique. Un processus de rééducation sera engagé. Le patient devra
consulter le chirurgien maxillo-facial à intervalles réguliers (1, 3, 5 et 8 semaines) pour la
consolidation et le lever des immobilisations. Si une broche transfaciale a été posée, elle sera
retirée à trois semaines sous anesthésie locale. Le traitement des séquelles (reprise de
cicatrice, reprise d'ostéotomies pour cals osseux vicieux, réhabilitation dentaire définitive,
correction d'énophtalmie ou d'un trouble de position orbitaire) se fait après quatre à six mois
de consolidation.
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Traumatisme facial bénin
O. BEAUFILS1, C. HERLIN2, B. MOUNET3
1. Principes généraux
1.1. Les enjeux
La prise en charge d’un traumatisé de l’extrémité céphalique commence par une
enquête étiologique minutieuse. Une perte de connaissance atteste d’une atteinte
encéphalique, au minimum d’une commotion cérébrale. Une chute devra être
expliquée. Une origine iatrogène ou toxique sera systématiquement recherchée.
Une vigilance toute particulière sera de règle chez un patient vulnérable (jeune
enfant ou vieillard, patient dépendant) afin de ne pas passer à côté d’un acte de
maltraitance ou de lésions associées cliniquement peu parlantes. Le mécanisme et
la cinétique du traumatisme seront précisés. Le terrain de la victime sera
également évalué : existence de comorbidités, statut vaccinal antitétanique, risque
iatrogénique ( t raitement antiagrégant ou anticoagulant , a l lergie
médicamenteuse), état maxillo-facial préexistant (impact médico-légal).
L’association à des lésions extra-faciales, potentiellement graves, doit être
recherchée. 20 % des traumatismes « faciaux » sont des traumatismes crânio TRAUMATISME
FACIAL BÉNIN 3
faciaux, cela d’autant plus souvent que ce dernier est haut situé. Ainsi, dans les
lésions de l’étage antérieur, on retrouve des lésions endocrâniennes associées
dans 70 % des cas et une brèche ostéodurale dans 75 % des cas.
MESSAGE PRATIQUE :
tout traumatisme facial est un traumatisme facio-cranio-encéphalo-vertébromédullaire
cervical avec brêche ostéo-méningée jusqu’à preuve du contraire
Une fois objectivé le caractère isolé du traumatisme facial, l’absence de gravité
doit être établie. Doivent être éliminés un risque vital parfois peu parlant (épistaxis
nasale continue, pas toujours extériorisée), un risque fonctionnel (fracture
instable, atteinte articulaire, oculaire, nerveuse, glandulaire, canalaire salivaire,
musculaire, muqueuse), et un risque infectieux (état bucco-dentaire préexistant,
contamination des espaces profonds de la face et du cou). Ce dernier est prévenu
par une aseptie stricte, par l’éventuelle mise en route précoce d’une
antibioprohylaxie, et, après vérification du statut vaccinal antitétanique, par une
éventuelle (re)vaccination +/- sérothérapie.
Enfin, la face constitue un symbole fort : elle est un véritable passeport social, et
son atteinte présente un impact médico-légal potentiel majeur. L’examen d’un
traumatisé de la face ne doit donc souffrir d’aucune négligence et doit toujours
être exhaustivement consigné, y compris, lorsqu’il est connu, les états maxillofacial
et dentaire préexistants.
La suture se fait plan par plan à l’aide de fil fin (5/0, 6/0, ou 7/0). Les plans
profonds sont réalisés avec du fil résorbable par des points inversés permettant de
diminuer la tension cutanée en surface et de présenter un support le plus plan
possible à la peau. Pour cette dernière, on utilise du fil non résorbable et on réalise
des points plutôt éversés (tendance secondaire à l’invagination) à distance des
berges et sans les serrer, voire un accolement simple des berges. Une vigilance
toute particulière quant au respect des lignes de tension et d’union à l’aide d’un
fil repère posé avant la suture proprement dite (lèvres, narines, paupières, sourcils,
scalp) permet d’éviter des séquelles esthétiques (ex. : décalage « rouge-blanc »
après suture de la lèvre) voire fonctionnelles (ex. : décalage des berges lors de la
suture de l’orbiculaire des lèvres) parfois invalidantes. Enfin, il ne faut pas oublier
la délivrance de consignes strictes avant la sortie du patient : désinfection
pluriquotidienne, application régulière de vaseline qui ramollit les croûtes et
empêche leur adhésion à la cicatrice, réévaluation précoce de la cicatrisation (dés
le deuxième jour), ablation précoce des points (après cinq à sept jours), malaxage
fibrinolytique et photoprotection de la cicatrice durant la 1re année.
Toute plaie simple (non délabrée) superficielle (cutanée) de la face
doit pouvoir être prise en charge par un médecin urgentiste (1)
Les brûlures et les morsures sont des plaies particulières du fait de leur impact
esthétique (donc psycho-socio-professionnel) potentiel ou patent.
Les brûlures, dont l’oedème peut masquer des fractures, se compliquent entre
autres par des rétractions. Leur survenue doit systématiquement faire évoquer une
maltraitance, en particulier chez l’enfant en présence de lésions d’âges différents.
Les sites à risques tels que les globes oculaires, les orifices narinaires, ou le pavillon
de l’oreille appellent à une prise en charge particulière. La conduite à tenir
immédiate consiste à un refroidissement de la lésion à l’aide d’eau ou de gel
d’eau, à l’ablation prudente de tout corps étranger non adhérent, à une
désinfection locale, et à une protection par pansement gras.
MESSAGE PRATIQUE : brûlure de la face = avis brûlologue en urgence
Les complications liées aux morsures sont principalement dues à la destruction
tissulaire et à la surinfection (flore de surface, anaérobies de la flore buccale,
tétanos, voire rage). La conduite à tenir immédiate consiste à un lavage abondant
(irrigations) suivi d’une désinfection locale efficace, à la mise en route d’une
antibiothérapie préventive (amoxicilline + acide clavulanique en première
intention), à une prévention du tétanos (vérification du statut vaccinal,
sérothérapie), et à l’évaluation de l’indication d’une vaccination antirabique en
urgence, en particulier si un chien ou une chauve-souris est à l’origine de la
morsure. La suture est contre-indiquée en cas de plaie profonde, examinée plus de
24 heures après l’accident, ou cliniquement infectée : elle laisse alors sa place
à une cicatrisation dirigée étroitement surveillée. Dans le cas contraire, une suture
jamais étanche (colle contre-indiquée) peut être réalisée.
MESSAGES PRATIQUES :
– toute ophtalmoplégie ou diplopie douloureuse est une urgence chirurgicale
jusqu’à preuve du contraire et impose la réalisation d’une TDM diagnostique en
urgence. L’association d’une diplopie et d’une impossibilité douloureuse d’élever
le globe oculaire est une fracture en « trap door » jusqu’à preuve du contraire ;
– une diplopie post-traumatique inexpliquée impose la réalisation à court terme
d’un test de Lancaster ;
– ne pas faire moucher un patient présentant une fracture du plancher lorsqu’elle
est associée à une épistaxis.
2.4. Fractures de la pommette
La pommette est l’angle antéro-latéral le plus exposé de la face. Elle est constituée
d’un os central, l’os zygomatique, qui est qualifié de tripode car émet des
pseudopodes osseux vers d’autres os de la face : le frontal, l’orbite (plancher
inféro-latéral), et le temporal. Ce dernier se prolonge par l’arcade zygomatique qui
recouvre, via son prolongement temporal, le tendon du muscle temporal.
Les fractures, l’os zygomatique sont consécutives à des impacts, plus ou moins
obliques et sont associées à des enfoncements, des disjonctions, et des
déplacements postéro-latéraux.
L’inspection recherche les ecchymoses et les plaies mais surtout une asymétrie des
reliefs de la pommette qui, encore une fois, peut initialement être peu voire pas
visible du fait de l’oedème post-traumatique. Elle recherchera également une
dystopie et une élévation incomplète et douloureuse du globe. Enfin, elle évalue
l’ouverture buccale dont la limitation douloureuse fait évoquer une incarcération
ou un embrochage du tendon du muscle temporal qui, en l’absence de libération,
va évoluer vers une fibrose rétractile invalidante.
La palpation est prudente et recherche une cassure du relief voire une mobilité
osseuse, une douleur élective, une hypoesthésie dans le territoire du V2, une
crépitation évoquant une atteinte de l’intégrité du sinus maxillaire sous-jacent. En
situation endobuccale, elle permet de palper l’ensemble du cintre maxillozygomatique.
Si nécessaire, l’imagerie à réaliser est une TDM.
3. Conclusion
Un traumatisme facial d’allure bénigne ne pourra finalement être qualifié de
réellement bénin qu’après élimination de complications potentiellement
invalidantes. Ces dernières peuvent initialement peu s’exprimer cliniquement alors
que leur prise en charge relève parfois de l’urgence horaire. Un examen clinique
minutieux systématique, complet, et exhaustivement consigné, éventuellement
appuyé par des examens d’imagerie (idéalement une TDM), est donc indispensable
pour éviter au patient des séquelles parfois invalidantes et définitives.
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