Problèmes d'exécution

des pieux forés

J.-P. BRU
Ingénieur
Laboratoire régional de Bordeaux

Présentation
F. BAGUELIN
Chef de la section des fondations
M. RAY
Chef de la section des bétons hydrauliques
Laboratoire central

l— ES laboratoires des Ponts et Chaussées poursuivent depuis plusieurs années des

recherches sur les pieux. Le groupe spécialisé de coordination 05 « Fondations d'ouvra-
ges » se consacre à l'étude de l'ensemble du problème et plus particulièrement à la réper-
cussion de la qualité d'exécution sur la capacité portante des pieux, tandis que le groupe
spécialisé de coordination 31 « Bétons et liants hydrauliques » s'est surtout préoccupé de
l'exécution des bétonnages des pieux.

L'article de M. Bru est un article de synthèse qui fait le point de la technique d'exécution
des pieux forés tels qu'ils sont exécutés aujourd'hui. Il précède la parution d'une recom-
mandation SETRA-LCPC, intégrée au Guide général de chantier d'ouvrage d'art sur le
même sujet.

Les maîtres d'œuvre, les laboratoires et les entrepreneurs pourront lire cet article avec
intérêt : l'analyse des causes des différents incidents de bétonnage rencontrés ces der-
nières années sur les chantiers ainsi que les quelques remèdes proposés pourront cer-
tainement éveiller l'attention et améliorer la qualité d'exécution des pieux forés.

Nous espérons que cet article en appellera d'autres, qui feront part d'expériences concrè-
tes et pourront illustrer les techniques de contrôle et d'auscultation décrites ici.

Bull. Liaison Labo. P. et C h . - 77 - mai-juin 1975 - Réf. 1511

Depuis 1970 les Laboratoires des Ponts et Chaussées
s'intéressent aux problèmes liés à l'exécution des pieux
forés. E n effet, plusieurs incidents d'origines diverses
rencontrés sur des chantiers ont montré dès lors que,
d'une part, l a bonne exécution, donc l a force portante,
était tributaire d'un nombre assez important de para-
mètres et que, d'autre part, u n défaut reconnu pose
un véritable dilemme au maître d'oeuvre et au mécani-
cien des sols.
L e suivi de nombreux chantiers décidé par le groupe
spécialisé de coordination « Fondations d'ouvrages », et
grâce à l a collaboration de maîtres d'oeuvre et d'entre-
prises, a permis d'effectuer des constatations q u i ont
été consignées dans u n rapport fin 1972. Très documen-
té, notamment en photographies, ce rapport ne pouvait
être publié intégralement dans le Bulletin, aussi a-t-il
été décidé d'en extraire u n article tout en permettant
au lecteur intéressé de pouvoir en obtenir un
exemplaire (1).
Notre but n'est nullement d'incriminer les pieux forés :
les chantiers que nous avons suivis montrent qu'ils
constituent un mode de fondation à l a fois très souple
et très sûr mais, comme tout système, i l convient d'en
bien connaître le processus pour savoir d'où peuvent
provenir les incidents éventuels.
L e souci de cet article est de pouvoir montrer les
principales causes de malfaçons, leurs conséquences
et les remèdes que l'on peut pratiquer, d'indiquer, en
l'état actuel de nos connaissances, les moyens dont on
dispose pour effectuer des contrôles sérieux tant en
cours d'exécution qu'après réalisation des pieux forés
et de souligner l'insuffisance, voire le danger du respect
de certaines prescriptions qui figurent dans le fascicule
68 d u Cahier des prescriptions communes ou le
Document technique unifié, documents qu'il faudrait
selon nous revoir pour ce qui concerne les pieux forés
[1 et 21.
(1) Adresser la demande du rapport de J . - P . B r u et Y . Brun :
Exécution de divers pieux forés (janv. 1973), au Laboratoire des
Ponts et Chaussées de Bordeaux, 472, avenue du Maréchal-de-
Lattre-de-Tassigny, B P 57, 33019 Bordeaux C E D E X .
TABLEAU I
Situation des pieux forés dans la classification générale des pieux
Battus
PIEUX
Moulés
Forés
PUITS — puits creusés à la main
(dénomination des
batteurs de pieux) — pieux forés de gros diamètre (dlam. > 1 m)
118
LES PIEUX FORES DANS LA CLASSIFICATION
Le tableau I, extrait de l'ouvrage récent de H . Cambe-
fort [3] situe les pieux forés dans l a catégorie des
pieux moulés. Cette classification est conforme à celle
d'autres auteurs [1, 2, 4 et 5]. I l convient cependant
d'ajouter que les pieux moulés à tube battu se diffé-
rencient très nettement des pieux forés par le fait
que :
Les pieux moulés à tube battu sont fermés à la base
soit par un bouchon de béton (Express, Franki) soit
par u n sabot métallique ou en fonte (Simplex, V i b r o ,
etc.). Les terrains traversés sont donc latéralement
refoulés. Selon les procédés, le tube est remonté pendant
ou après le bétonnage, ou bien laissé en place. Dans
ce dernier cas, i l s'agit de pieux moulés à tube battu
non récupéré ou perdu.
Les pieux forés consistent à effectuer u n véritable
forage avec u n procédé quelconque. Les terrains tra-
versés sont extraits au fur et à mesure de l a perforation
et le bétonnage s'effectue notamment en pointe en
contact direct avec le sol.
O n conçoit dès lors que l a force portante d'un pieu
foré dépende non seulement de la qualité d'exécution
du forage, mais également de l a qualité de mise en
œuvre d u béton.
Avant d'aborder les problèmes d'exécution, i l convient
d'effectuer un bref rappel sur les modes de perforation
qui conduisent aux divers procédés de pieux forés.
RAPPEL SUR LES DIVERS TYPES DE PIEUX FORES
Les types de pieux forés dépendent soit des outils
utilisés, soit des machines employées, parfois du mode
de mise en œuvre du tube de travail o u du moyen de
tenue des parois du forage, exceptionnellement de l a
forme du pieu.
— préfabriqués (diam. < 0,6 m)
— à tube battu (diam. < 0,6 m)
— havage d'un tubage provisoire (diam. < 1,5 m)
(percussion - vibration)
— tarière (diam. < 1,50 m) ou benne (section rectangulaire)
— circulation de boue directe (diam. < 1 m)
inverse (section quelconque : circulaire, rectangulaire, carrée,
en H, en croix, etc.)
— langage
Mode de forage associé aux outils ou aux machines
Pieux forés par percussion au trépan
Les matériaux situés à l'intérieur d'un tube de travail
sont extraits soit à la soupape (curette), soit à l'aide
de benne ou de trépan-benne. O n trouve les simples
chèvres ou tripodes en bois ou métalliques associées
à des treuils de battage (diamètre foré < 60 cm). Pour
des diamètres supérieurs, des machines spéciales sont
conçues pour forer et extraire éventuellement le tube
de travail par traction ou louvoiement (séries des Migáis
M B 5 , M B 6 , M B 7 C , M B 1 0 C ; machines Benoto 5, 6,
E D F 55, super E D F , E D F 1580, E D F 1960 ; soit encore
Foncex 4 et 5 détubeuses).
Pieux forés par rotation
Les outils sont les suivants : tarières pleines, buckets ou
carottiers simples montés sur des machines spéciales
telles que Caldwell, Trevisiani, B S P , Williams, M a s c h i -
nen, etc., elles-mêmes fixées sur des grues à chenilles
ou camions tous terrains selon le type de machine ;
tarières creuses adaptées sur des machines particulières
comme dans le cas du pieu Tecvis - Solétanche (dia-
mètre < 70 cm).
Les diamètres de forage dépassent aisément un mètre
et les profondeurs atteintes sont de l'ordre de 40 m
en moyenne.
Pieux forés par langage
E n pied de tubage se trouve une tête spéciale compor-
tant plusieurs buses et une couronne à dents stellitées.
L'opération de forage s'effectue par translations verti-
cales alternatives de la colonne, associée au lançage de
l'eau ou de la boue bentonitique sous des pressions
pouvant atteindre 20 à 30 bars. L e diamètre du pieu
est actuellement limité à 70 cm.
Mode de mise en œuvre du tube de travail ou moyen
de tenue des terres
Le tube de travail peut être vibrofoncé ou battu avant
toute extraction des déblais
Les vibrofonceurs P T C , Schenck, D B Rolba, B S P
M u l l e r , Tomen V i b r o , constituent une gamme impor-
tante de matériels, de même que les moutons de battage
Delmag, Pajot, Nilens, Kobe, Menck, H e r a , etc.
L e forage consiste à extraire à l'intérieur du tube de
travail les terrains traversés et i l est généralement néces-
saire de poursuivre l'ancrage du pieu dans le substratum
à l'aide de trépan.
La tenue des terres est assurée par la boue bentonitique
L o r s q u ' i l y a peu ou pas de circulation de boue on
retrouve les pieux forés décrits précédemment.
— en circulation directe on a les pieux par lançage,
par exemple,
— en circulation inverse les machines Salzgitter ou C I S
(Solétanche) utilisées pour des forages de grands dia-
mètres se retrouvent également lorsqu'on a à réaliser
des pieux de forme quelconque (barrette, H , en
croix, etc.).
On soulignera l'importance de la station de fabrication
et de régénération de la boue bentonitique, de même
que celle des contrôles, en cours de forage, de la vis-
cosité de la boue et de sa teneur en sable.
Forme : pieux barrettes
L e matériel utilisé est la benne du type K e l l y ou benne
guidée et la benne pendue à câble, matériel que l'on
retrouve pour l'exécution des parois moulées.
L e lecteur trouvera également dans les documents cités
en référence [6, 7 et 8] tous les renseignements complé-
mentaires sur la technologie des pieux forés.
PROBLEMES D'EXECUTION
Quel que soit le type de pieu foré, son exécution
comprend toujours les phases suivantes (fig. 1) : le
forage, la mise en place des cages d'armatures et éven-
tuellement de gaine ou de chemise, le bétonnage au
tube plongeur.
Forage
Il comprend la traversée des terrains sus-jacents au
substratum, suivie presque toujours d'un ancrage de
plusieurs diamètres dans celui-ci.
Les problèmes sont ceux relatifs à l a traversée des
terrains, à l'ancrage dans le substratum et au curage
du fond du trou.
Traversée des terrains
L a nature des couches, leur épaisseur, la présence d'une
nappe phréatique sont des éléments importants qui
doivent retenir l'attention du maître d'oeuvre et de
l'entreprise.
A i n s i , dans l'exemple de la figure 1 :
— L e remblai, s'il est pulvérulent, nécessitera au fur
et à mesure de sa traversée une tenue des parois du
forage, par exemple par u n tube de travail. S ' i l comporte
des débris de toutes sortes (décharges publiques) ou
de gros blocs (enrochements de digue, etc.), i l pourra
s'avérer nécessaire non seulement de tuber mais d'uti-
liser u n outil particulier tel que le trépan pour traverser
le remblai. D e telles questions doivent être constamment
présentes à l'esprit du maître d'œuvre car, en fin de
compte, i l faut deviner les problèmes qui risquent de
se poser avec tel matériel ou tel procédé et arriver à
ne retenir que celui qui en pose le moins.
— L a traversée de l a couche de vase ne posera pas
de problème, si ce n'est celui de sa tenue dans la mesure
où elle est fluante : sera-t-il nécessaire de tuber pour
éviter des éboulements ? et, si elle est collante, sera-t-il
possible d'extraire le tube de travail ? Y a-t-il risque
de frottement ' négatif ? auquel cas faut-il gainer et
quel type de gaine adopter ? Y aura-t-il des sur-
consommations de béton ?
— L a couche de sable surmontant le substratum, bien
que peu importante, est pulvérulente et si elle n'est
pas tubée elle perturbera l'ancrage dans le substratum
par son éboulement continuel.
119
 i

Forage Bétonnage

Substratum rocheux

Début d u f o r a g e Début Réalisation Après f i n Bétonnage au Exécution d u P i e u terminé

de l'ancrage de l'ancrage du forage tube plongeur t u b e d e travail

Fonçage du tube Le tube de Fermeture non correcte Fermeture correcte

de travail et travail est du tube - * arrivée du tube de travail
extraction foncé au de sable Nota La figure reproduit en fait les phases d'exécution
refus Elimination totale
des terrains des déblais d'un pieu foré à l'abri d'un tube de travail.
traversés
Cage d'armature
mise en place
Fig. 1 - Principe d'exécution des pieux forés (phases d'exécution d'un pieu foré à l'abri d'un tube de travail).

Ancrage dans le substratum
Les questions que l ' o n doit se poser sont tout aussi
importantes :
— L a traversée du rocher sur plusieurs diamètres
pourra-t-elle être réalisée avec les outils ayant servi à
la traversée des terrains sus-jacents ?
— L e trépanage d u substratum ne provoquera-t-il pas
des éboulements des parois du forage et quels moyens
l'entreprise prévoit-elle pour y remédier ?
— L a fermeture du tube de travail dans le substratum
doit être correcte de façon à éviter que le sable sus-
jacent ne s'éboule continuellement dans le fond du
forage, car i l faudra bétonner avec un fond de forage
propre.
— Dans le cas particulier de pieux inclinés sur sub-
stratum horizontal ou de pieux droits ancrés dans u n
substratum à pendage favorable ou défavorable la fer-
meture d u tube de travail pourra-t-elle être réalisée ?
Curage du fond du trou
A v a n t le bétonnage, le fond du forage doit être exempt
de dépôt de sable, aussi doit-on en effectuer le curage
conformément aux prescriptions de l'article 38 (38.1.1)
du fascicule 68 [2].
C'est l ' u n des problèmes essentiels dans la technique
des pieux forés et il est regrettable que cette opération
soit encore escamotée par certains chefs de chantier.
dans le cas de pieu foré à sec (lampe électrique ou
glace). A ce titre, i l convient de balayer certaines idées
préconçues fortement ancrées et qui sont à l'origine de
nombreux déboires, car i l faut avoir u n bon contact
béton - substratum et s'assurer qu'il ne reste pas en fond
du pieu une partie de sol remanié par l'outil de forage,
tarière par exemple.
— L'élimination des déblais est dite totale lorsqu'on
ne remonte plus rien à la soupape, au trépan-benne ou
encore lorsque la boue régénérée montre qu'il y a moins
de 2 % de sable. E n fait, i l faut voir s'il ne reste pas
en suspension des fines sableuses ou argileuses qui ne
manqueront pas de se décanter lors de l a mise en place
des armatures, donc avant le bétonnage. N o u s revien-
drons sur ce point dans le chapitre sur les contrôles
de chantier.
L'amorçage du tube plongeur se chargera, par effet de
chasse, de nettoyer le fond du pieu et le premier béton
remontera avec les résidus laissés après curage.
O n objectera que cet effet de chasse, s'il est réel pour
des pieux de diamètre < 60 c m est très limité pour
des diamètres supérieurs car i l plaque latéralement les
sédiments, sous forme de tronc de cône, comme l'ont
montré des carottages effectués au contact béton - sol
(fig. 2 et 3). D e plus, au v u des photographies relevées
sur un chantier dès 1969 (fig. 4 et 5) et que l'on aurait
pu prendre depuis sur d'autres chantiers, comment ne
pas admettre que ce problème de curage existe ?

Ce nettoyage, effectué malheureusement généralement A notre avis certains types de pieux forés permettent
sous l'eau, ne peut pas être contrôlé aisément comme mieux que d'autres de réussir cette opération de curage,

120
 Tube 0 = 10 c m .
Armatures.
i

>= 20

15 cm

0 = 60 cm

Fig. 2 - Influence du diamètre du pieu sur l'efficacité de l'effet

de chasse. Un autre paramètre semble être également la forme
du fond de pieu en pointe.

Fig. 4 - Exemple de mauvais contact béton-rocher en pointe.

Après l'élimination des sédiments situés en pointe sur plus
de 50 cm, la caméra de télévision a montré que le pieu était
- suspendu ». On remarque à l'arrière-plan la gaine métallique
devant laquelle apparaît le vide situé sous le pieu.

Fig. 3 - Exemple de contact en sifflet montrant que le fond du

forage n'était pas horizontal.

encore que l'outil idéal (émulseur) employant le procédé

de « l'air lift » puisse être utilisé sur tous les chantiers
de pieux forés, car i l constitue également u n moyen
rapide d'extraction des déblais puisqu'il est employé
pour vider les matériaux enfermés dans les batardeaux.

Les procédés de formation sous boue bentonitique,

compte tenu de la nécessité de dessabler, utilisent des
pompes immergées et, à ce titre, peuvent aisément
nettoyer le fond du forage en profitant du tube plon-
geur, même après la mise en place des cages d'armatures.
Fig. 5 - Même exemple sur un autre carottage effectué au bord
de la cage d'armatures à la limite de la gaine métallique. On
remarque l'absence de béton, le rocher sous la gaine et au
premier plan les armatures.

pas connu avec précision et de toute façon supérieur

Mise en place des armatures et des gaines
Les incidents classiques lors de la mise en place des
aciers sont les éboulements et un manque de centrage
des cages.
Lors du bétonnage ou en cours d'extraction du tube
de travail, i l peut se produire, en outre, soit une
descente des cages soit une remontée pouvant atteindre
parfois plusieurs mètres.
Incidents lors de la descente des cages (éboulement,
mauvais centrage) : la présence d'un tube de travail
facilite énormément la descente des cages et leur
centrage peut être réalisé au moyen de cales en acier,
de rouleaux en béton, ou encore de roulettes en matière
plastique.
E n revanche, dans le cas de pieux forés sans tubage de
travail, seuls les pieux forés sous boue bentonitique
permettent, grâce à la station de boue, de nettoyer
correctement le fond du forage de façon à éliminer
les terrains éboulés, cela même en présence de la cage
d'armature. P a r contre, le diamètre réel d u pieu n'étant
à celui demandé, la cage d'armature est centrée le plus
souvent comme on le peut, même avec des cales.
L a cage d'armature reposant sur le fond du pieu a
le plus souvent, dans le cas des pieux de grande lon-
gueur, tendance à flamber même avant bétonnage, c'est
pourquoi i l faut essayer de la suspendre en tête, ce qui
n'est pas toujours possible pour les divers pieux forés,
notamment lorsqu'on n'a pas de tubage de travail.
Incidents en cours de bétonnage ou lors de Y extraction
du tube de travail : nous en parlons au chapitre suivant
traitant du bétonnage.
Bétonnage
Sur un certain nombre de points, le béton des pieux
forés diffère du béton de superstructure. Il sera traité
rapidement des qualités requises (pour une plus ample
information se référer au rapport de recherche cité qui
contient la majorité des éléments complémentaires,
extraits des études conduites par le groupe spécialisé
de coordination des bétons et liants hydrauliques).

121
Béton pour pieux forés
Ses qualités spécifiques sont, dans l'ordre logique : la
maniabilité, l a compacité, la non-ségrégabilité et enfin
la résistance.
U n béton doit d'abord être fluide ou encore plastique
pour permettre sa mise en place à l'aide du tube plon-
geur (20 à 30 c m de diamètre). Ensuite i l doit être
compact, car de ce fait i l ne sera pas délavable et
pourra résister aux actions éventuelles de courants d'eau,
toujours nocives, principalement avant l a prise. A u
cours du bétonnage, notamment du remplissage du
tube plongeur, le béton doit rester homogène afin d'évi-
ter toute ségrégation, celle-ci favorisant dès lors le
délavage. Enfin, la performance mécanique (résistance
à la compression simple) est i c i un paramètre secondaire
parce que, d'une part, elle est étroitement liée aux
qualités précédemment définies et, d'autre part, les
valeurs d u taux de travail en compression, généralement
de 50 bars, sont loin des valeurs exigées pour les bétons
de superstructure.
Les points relatifs au béton de pieu foré se trouvent
tant dans les granulats (forme, propreté, granularité),
le type de ciment, son dosage (350 à 400 kg/m ), l'eau
3
et les adjuvants, que dans la granularité du béton. A ce
titre, l'étude de formulation du béton, spéciale à chaque
chantier, doit être faite dans cette optique de béton
de pieux forés, c'est-à-dire qu'outre une granularité
continue d u type Bolomey, elle doit définir la mania-
bilité pour les dosages retenus.
Beaucoup d'incidents sont dus au fait que l'on utilise
des bétons trop secs ou trop humides en ne considérant
que la seule résistance, ou l a seule maniabilité. Les
quatre qualités fondamentales du béton sont en fait
étroitement liées, ce qui n'est pas toujours bien perçu
par les chefs de chantier et les surveillants de l ' A d m i -
tration.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur l a fabrication
du béton (centrale de chantier, béton prêt à l'emploi,
béton pompé, etc.) et sur les moyens de transport, tels
que les toupies que d'aucuns considèrent à tort comme
de bons malaxeurs.
Bétonnage proprement dit
L e bétonnage dans tous les cas, c'est notre conviction,
doit être effectué au tube plongeur en prenant parti-
culièrement soin que :
— le tube plongeur touche le fond du forage et ne
repose pas sur l a cage d'armature ou sur le panier ;
— le premier remplissage du tube soit correct avec
mise en place préalable d'un bouchon de mortier bien
exécuté ou d'un bouchon en polystyrène ;
— l'amorçage, qui consiste à provoquer brutalement la
descente d u béton tout en assurant son alimentation
en continu, soit effectif ; i l se produit u n effet de chasse
plus ou moins réel selon la dimension du pieu. Cet
amorçage nécessite un premier mouvement de va-et-
vient imposé au tube plongeur et dont l'amplitude ne
doit pas dépasser 30 cm, sinon le premier béton sera
délavé et plaqué latéralement en fond de pieu ;
— en cours de bétonnage, le niveau du tube plongeur
soit constamment d'au moins 1,50 m dans le béton,
afin d'éviter le désamorçage de l a colonne. A ce titre,
la règle définie tant dans le Document technique unifié
que dans le Fascicule 68, et qui donne 50 c m , est
dangereuse compte tenu des va-et-vient imposés au tube
plongeur pour assurer la descente du béton et qui dépas-
sent largement 50 c m .
122
Incidents dus au bétonnage
Les incidents majeurs que l'on rencontre sur les chan-
tiers sont difficiles à classer par ordre d'importance,
car ils se produisent à des degrés divers et pas toujours
sur les premiers pieux.
Ils se rapportent soit à la cage d'armatures, soit au
béton et se situent soit en pointe, soit dans le fût, soit
en tête :
— Les cages d'armatures peuvent être soulevées, d'une
part, lors du bétonnage sous l'effet de la poussée du
béton, notamment lorsque, par souci d'éviter un désa-
morçage de la colonne, le tube plongeur est maintenu
dans le fond du pieu, d'autre part, lors de l'extraction
du tube de travail. C e dernier cas est souvent rencontré
lorsqu'il y a une gaine et que le jeu prévu entre le tube
de travail et la gaine est de l'ordre de 5 cm, car le
béton passe entre le tube et la gaine et dès lors i l peut
y avoir prise. O n peut du reste se demander, dans ces
conditions, quel rôle joue la gaine.
— Les descentes d'armatures par flambage sont encore
assez nombreuses et peuvent atteindre plusieurs mètres.
Il est dès lors très difficile de connaître la qualité du
pieu.
— Dans le même ordre d'idées on peut encore citer :
• la présence de béton délavé en pointe ;
• la surconsommation de béton qu'il est très délicat
d'estimer avant le chantier et qui parfois s'avère impor-
tante (20 à 40 %) ; i l est difficile également de savoir
où elle se produit et quelle est l a forme finale du
pieu ;
• la présence en tête du pieu d'un béton pollué à cause
d'une insuffisance d'élimination du magma béton - sol ;
• l'influence de la confection de pieux voisins à des
pieux déjà exécutés où interviennent non seulement la
nature des terrains et celle du substratum, mais égale-
ment les dimensions des pieux et leur entraxe.
CONTROLES EN COURS DE CHANTIER
L a technique des pieux forés est rendue complexe par
l'existence de nombreux procédés qui ne cessent de
se développer, et i l faut bien connaître les avantages
et les inconvénients, pour ne pas dire les limites de
ces procédés, car dans ce domaine comme dans celui de
la mécanique des sols l'appareil universel n'existe pas.
Les contrôles sont fondamentaux car eux seuls per-
mettent de faire progresser l a technique en contribuant
à la découverte des causes, à l'étude des remèdes et à
la mise au point de telle ou telle amélioration. Ils sont
à la base de l'établissement de recommandations telles
que celles qui figurent dans des documents à caractère
évolutif [8 et 9] et ne sont nullement considérés comme
malvenus de la part des maîtres d'oeuvre comme de
celle des entreprises, conscients des problèmes.
Il faut savoir, en particulier, que tout nouveau chantier
est différent des précédents, car le terrain est ce qu'il
est, le matériel et les hommes devant s'y adapter. C'est
pourquoi à notre avis les contrôles d'exécution sur les
premiers pieux sont particulièrement importants et les
incidents qui s'y produisent, lorsqu'ils sont bien étudiés
grâce à ces contrôles, sont dès lors pratiquement évités
par la suite.
Pour l'Administration, ces contrôles doivent porter au
préalable sur la réception d u matériel et des outils,
sans omettre le cas particulier des pieux forés sous
boue bentonitique (station de boue).
Dans ce domaine i l y a encore beaucoup à faire, comme
dans celui des contrôles en cours de forage de descente
des cages d'armature et de bétonnage.
Les points essentiels sont bien plus le nettoyage correct
du fond du forage et u n bon bétonnage que les respects
de l'inclinaison, de la verticalité, contrôles qui du reste
sont presque impossibles.
Il convient de réfléchir à ce que ces contrôles doivent
être : pratiques, positifs et ne pas aboutir, lorsqu'il y a
des incidents, à laisser seule l'entreprise devant un
véritable dilemme. Les documents officiels devraient
être revus dans ce sens.
Pour notre part, nous proposons que le mécanicien
des sols soit tenu au courant dès l'ouverture du chantier
et prenne ses responsabilités en même temps que le
maître d'oeuvre et l'entreprise, car en fin de compte
il s'agit de construire et de bien construire.
CONTROLES A POSTERIORI
D e tels contrôles sont nécessaires lorsque des anomalies
ont été relevées soit au cours de l'exécution de tel ou
tel pieu (constatations), au dégarnissage des têtes (recé-
page) ; soit encore lorsque, compte tenu de l'importance
de l'ouvrage et des difficultés inhérentes au site, ils ont
été prévus au Cahier de prescriptions spéciales de façon
quasi systématique.
Dans ce dernier cas, on se contente le plus souvent,
dans la mesure où les résultats des contrôles effectués
en cours de chantier sont bons, d'ausculter quelques
pieux pris au hasard au droit de chaque pile. E n revan-
che, si ces résultats sont douteux l'auscultation de
chaque pieu est systématique.
Il est bien connu que les ouvrages sans défaut sont
ceux pour lesquels aucune constatation n'a été faite
en cours de travaux. Pourtant, en matière de pieux
forés, chaque chantier est différent soit parce que les
hommes, les conditions de travail et le matériel ne sont
pas les mêmes, soit tout simplement parce que les
terrains à traverser ont des exigences très différentes
selon leur nature, la puissance des couches, leur compa-
cité et le fait que la nappe est en charge ou non.
D e tels contrôles doivent être le suivi logique des consta-
tations effectuées en amont et ne doivent en aucun cas
être considérés comme un moyen « sournois » de juger
de la qualité du travail effectué, moyen dont les consé-
quences seraient source d'ennuis pour le maître d'oeuvre
ou l'entreprise. Bien au contraire, les ingénieurs expé-
rimentés savent que malgré toutes les précautions
prises, certains terrains posent des problèmes et i l faut
voir dans les contrôles a posteriori une garantie supplé-
mentaire conduisant à progresser encore dans la tech-
nique des pieux forés.
C'est pourquoi, en ce qui concerne l'Administration
des Ponts et Chaussées, le principe qui se dessine à
l'heure actuelle veut que chaque pieu soit au préalable
équipé de façon à permettre à moindres frais :
— d'effectuer de tels contrôles,
— de procéder aux réparations qui s'imposent en cas
de mauvais contact béton-rocher ou de solutions de
continuité.
D e tels contrôles permettent de définir s'il n'y a pas
de désordres dans les pieux, mais en l'état actuel de nos
connaissances, i l est beaucoup plus difficile de déter-
miner sans ambiguïté, après ces essais, si les désordres
nécessitent ou non le remplacement de la fondation.
Essai statique de chargement
Cet essai est réalisé généralement au stade du projet
car i l permet de s'assurer de l'intégrité du pieu et de la
bonne liaison en pointe entre le pieu et le sol. I l est
irréaliste et dispendieux d'utiliser cette méthode en
cours de travaux sauf après réparations en cas, par
exemple, d'injection en pointe après u n mauvais contact
sol-pieu, l'essai n'étant alors qu'une vérification.
Carottage
Cette méthode est également onéreuse mais elle est la
seule qui peut permettre de contrôler le bon contact
béton-sol en pointe.
Son coût peut être réduit en mettant en place au
préalable, avec l a cage d'armature, u n ou plusieurs
tubes métalliques de 102-114 m m de diamètre fermés
à leur base par un bouchon de plâtre et se trouvant
de 1 à 1,50 m au-dessus de la pointe du pieu.
Ce tubage associé à d'autres tubes prévus pour les
auscultations définies ci-dessous permet de réparer éco-
nomiquement le pieu en pointe lorsque de mauvais
contacts ont été reconnus.
Méthodes d'auscultation non destructives
L e rapport de recherche, qui décrit ces méthodes et
en donne les limites d'emploi, s'est inspiré des recher-
ches effectuées par le groupe spécialisé de coordination
« Auscultation des ouvrages d'art ».
Les documents cités en référence [10, 11 et 12] décrivent
ces diverses méthodes. Aussi, après u n rapide rappel,
proposons-nous une méthode tributaire de l a mise en
place préalable de tubes d'auscultation.
Auscultation dynamique
L a méthode par écho [10], par sa rapidité d'interven-
tion et par le fait qu'elle ne nécessite pas de réservation
préalable, est particulièrement adaptée pour les chantiers
dont les pieux forés ont des diamètres < 60 c m . Limitée
actuellement à des pieux de 15 à 20 m de profondeur,
c'est une méthode « tout ou rien », en ce sens qu'une
anomalie peut très bien ne pas être un défaut. E l l e
permet néanmoins d'éliminer l'auscultation ultérieure
plus fine des pieux pour lesquels aucune anomalie n'a
été décelée.
Les méthodes de contrôle sonique, dites par trans-
parence, varient selon le type d'émetteur et selon l'enre-
gistrement obtenu. Elles nécessitent toutes la mise en
place de tubage permettant de descendre l'émetteur et
le récepteur.
— L a méthode C E B T P comme la méthode L P C sont
des méthodes qualitatives à enregistrement en continu.
— L a méthode L P C du Laboratoire d'Aix-en-Provence
comme celle du Laboratoire de Rouen sont qualitatives
et quantitatives à enregistrement discontinu. Ces deux
dernières, antérieures aux précédentes, devraient céder
le pas à l'enregistrement en continu dont u n perfec-
tionnement est encore à attendre.
123
Toutes ces méthodes ne peuvent prétendre donner la ' n pieux < n pieux (mauvais quant au seul

Î
t

qualité du eontact en pointe du pieu, l'auscultation

contact en pointe)
s'arrêtant à 10 c m environ du fond, sauf si la perfo-
ration sous la pointe d u pieu est poursuivie, par — utilisation des réservations pour examens des
exemple au chariot de forage, ce qui augmente le défauts par caméra T V après nettoyage et élimi-
coût.
nation des fines,
Méthode par rayonnement y [12] — possibilités d'injection et de réparation à
moindre frais.
Cette méthode mise au point par le Laboratoire
d'Angers nécessite la mise en place de tubes. C o m m e n 2 pieux < n pieux (fûts et contacts mauvais)
l'ont montré les essais comparatifs effectués à l a station
expérimentale de Bordeaux, elle permet de déceler tous — forages dans l E x a m e n des
les défauts dans le fût du pieu. D e par le principe même le béton 1 défauts
de la mesure effectuée en continu, elle traduit la varia- ) fûts et
tion de densité d u béton en fonction de la profondeur. + caméra T V ( pointes
C'est donc une méthode quantitative très intéressante.
X % récupérables
Y % à refaire
Caméra miniature de télévision

C e procédé, tributaire de l a clarté de l'eau et de la L'application de cette méthode devrait permettre à

réalisation de sondage carotté, semble particulièrement l'usage de procéder à quelques modifications se rappor-
bien adapté à la visualisation de la qualité du contact tant aussi bien à la technique qu'au coût et d'en prévoir
béton-sol en pointe. Les figures 4 et 5 montrent la les modalités d'application dans les Cahiers de prescrip-
qualité de l'observation effectuée. tions spéciales.

Choix d'une méthode

L'examen rapide des diverses méthodes devant les pro- MALFAÇONS - REMEDES
blèmes d'étude de la continuité du fût du pieu et ceux
de la qualité d u contact béton-sol en pointe nous Causes principales des malfaçons
conduit à proposer une méthode globale de reconnais-
sance. Evidemment inhérentes à l'exécution des pieux forés,
les malfaçons sont malheureusement d'autant plus
E n effet, devant l'importance des problèmes écono- graves qu'elles constituent généralement des vices
miques à résoudre lorsqu'il faut réparer des pieux, par cachés difficilement décelables.
exemple par injection en pointe, i l apparaît préférable
de prévoir a priori l'équipement systématique des pieux, Elles sont la suite logique de contrôles inexistants ou
ou puits, ou des barrettes, de tubes verticaux permettant : insuffisants non effectués sur le chantier, tant de la part
du représentant du maître d'œuvre que de l'entreprise
— le carottage d u contact béton-rocher, effectuant les travaux. O n conçoit toute l'importance
— l'examen du fût d u pieu et de la pointe par les de définir dans le Cahier de prescriptions spéciales les
méthodes par transparence ou par rayonnement y, divers contrôles qu'il convient d'effectuer.
— l'examen éventuel de la pointe par caméra de télé-
vision. Ces malfaçons, nous l'avons v u , peuvent être dues aux
causes suivantes :
Il est bien évident que cela dépend surtout de l'impor- — matériel m a l adapté ou type de pieu retenu non
tance du chantier et de la réalisation de constatations valable devant la nature et l'importance des couches
en cours de travaux, mais l a méthode utilisant au mieux traversées, y compris le substratum,
ces outils devrait revenir au schéma suivant :
— mauvais nettoyage du fond de trou,
— procédés de bétonnage m a l adaptés ou modes opé-
Chantier de N pieux ratoires m a l suivis,
— emploi d'un béton non maniable ou segregable,
fûts et pointes — prise du béton entre le tube de travail et l a gaine,
1. Méthode par écho —> \ — présence de circulations latérales d'eau relativement
N pieux analysés. E l l e importantes.
peut être considérée c o m - j
Enfin, nous signalerons également qu'elles peuvent être
me une excellente mé- F A % bons
dues à des retards de travaux, lesquels conduisent par-
thode d'approche par V
fois l'entreprise à « escamoter » la suite du travail.
« tout ou rien » ; elle l B % douteux
permet de sélectionner \
les pieux bons des pieux Nature des malfaçons
douteux. /
Elles intéressent le fût, l a pointe du pieu ou encore
2. Méthodes soniques ou sa partie supérieure.
y —> B % auscultés.
E l l e permet de préciser a % bons
Malfaçons en pointe
s'il y a défaut ou non et
de ne retenir que n pieux b % mauvais (soit n pieux)
Elles se rapportent, ainsi que nous l'avons v u , à un
comprenant des défauts. mauvais contact béton-rocher, ou encore au remanie-

124
ment trop important d'une zone de sol initialement
compacte (sable, gravier ou argile).
L e seul remède consiste en des injections de remplissage
ou de consolidation en pointe.
Malfaçons de fût
Elles se traduisent généralement soit par une disconti-
nuité partielle o u totale d u fût (discontinuité d u béton-
nage, éboulements, etc.), soit encore par l'existence
d'un béton délavé o u peu compact, o u des inclusions
de boue.
N o u s signalerons sur ce dernier point le cas d'un
chantier d'autoroute où un pieu de 1,50 m de diamètre
et de 40 m de longueur s'est trouvé affecté de deux
inclusions importantes de bentonite vers 20 m de pro-
fondeur, décelées par auscultation dynamique et
reconnues par carottages.
L e nettoyage des poches s'est effectué à l'eau claire
émulsionnée à l'air comprimé.
L'injection s'est déroulée en u n premier stade avec 700 1
de coulis à C / E * 2 et sans pression, le second stade
de l'opération consistant à placer un obturateur et à
monter en pression (3 bars) pour bloquer le coulis.
250 1 de coulis à C / E = 2 ont été encore nécessaires
pour combler les vides.
L a pression de blocage a été limitée à 3 bars au lieu
des 10 bars envisagés, certaines résurgences de coulis
commençant à se manifester autour de l a semelle de
l'appui.
L e problème soulevé par les malfaçons de fût est très
délicat et d'autant plus important, c'est-à-dire grave,
que les pieux sont de dimensions élevées.
Dans le cas de petits pieux (diamètre < 60 cm), les
remèdes sont limités et généralement l a seule solution,
à part quelques cas particuliers, consiste à reconstruire
un o u plusieurs pieux à proximité.
Malfaçons en tête
C'est presque essentiellement soit une tête de pieu
présentant des inclusions de bentonite o u de marinage
(insuffisance de rejet d u premier béton), soit une mau-
vaise liaison en tête d u pieu au terrain (cas de pieux
inclinés avec gaine).
Pour le premier cas, les remèdes reviennent à réaliser
le recépage sur une hauteur suffisante. Dans le cas de
pieux inclinés o u non, l'espace plus o u moins annulaire
laissé entre l a gaine et le terrain peut conduire à un
déplacement horizontal : on peut soit se contenter de
faire glisser d u sable entre le terrain et l a gaine perdue,
soit injecter.
A ce titre, nous signalerons que le phénomène du
déplacement d'un pieu de 35 c m en tête ayant été
observé sans que le pieu ait p u se briser (changement
d'inclinaison angulaire respecté tout le long des tubes
d'auscultation restés), tous les autres pieux furent calés
par une injection périphérique d'un coulis de sable et
de ciment, chaque pieu étant tenu en tête jusqu'à prise
du coulis.
L e coulis comprenait pour 50 kg de ciment C P F 325,
15 k g de sable 0/1, 30 I d'eau, plus 1,4 % de bentonite
(exprimée en pourcentage d u poids d u ciment, solution
bentonitique à 40 %). L e coulis était fabriqué au
malaxeur lent (300 tr/mn), l'injection s'effectuant sous
une pression pratiquement nulle. L e programme prévu
fut réalisé et l'injection effectuée par deux cannes
descendues dans l'annulaire. L e volume moyen injecté
a été de 2,4 m . 3
Aperçu sur les injections en pointe
Les injections en pointe des pieux peuvent être néces-
saires :
— soit pour remplir le vide q u i existe sous l a pointe
du fait d ' u n mauvais curage en fond de trou avant
bétonnage (fig. 4 et 5) et i l s'agit alors d'une injection
de remplissage,
— soit pour consolider par exemple le substratum sablo-
graveleux situé sous l a pointe du pieu mais pour lequel
les propriétés mécaniques sont devenues faibles : i l s'agit
d'une injection de consolidation o u de compactage.
Dans ces deux cas i l faut éviter soit le débouchage
de fissures d u rocher o u le claquage d u sol, car l a
consommation de coulis serait évidemment trop impor-
tante et malvenue, sauf peut-être pour l'injecteur.
Coulis stable ou coulis instable ?
Remplissage de vide : certains sont favorables à l'injec-
tion au préalable de coulis instable (eau + ciment +
éventuellement fines) à rapport C / E faible < 1 suivie
après l a prise, par une injection de fermeture de coulis
stable.
Cette façon de procéder est acceptable à condition
d'injecter le coulis instable sous très faible pression,
sinon l'on risque d'ouvrir des fissures dans le substratum
et de l'injecter sans qu'il en ait besoin.
D'autres préfèrent injecter directement un coulis stable
(eau + ciment + argile colloïdale + éventuellement
sable fin) à rapport C / E de l'ordre de 2, en limitant
volontairement une première phase d'injection à u n
volume donné. Il est bien évident que c'est le terrain
qui commande en l a matière : selon qu'il s'agit o u non
d'un rocher fracturé, le problème est quelque peu diffé-
rent, car on peut difficilement dans le cas d'un rocher
fracturé distinguer l'injection des vides de celle des
fractures, d'autant qu'au préalable on a effectué un
nettoyage à l'eau émulsionnée d'air comprimé.
Nous reviendrons à l'exemple d u chantier relaté par
les figures 3 et 4 en exposant le processus adopté pour
les injections en pointe.
L a présence de deux tubes de 50-60 m m de diamètre
et d'un tube de 102-114 m m de diamètre a grandement
facilité l'opération q u i a comporté :
1. U n nettoyage efficace, à l'eau émulsionnée d'air
comprimé (fig. 6), des sédiments trouvés par carottage
sous l a pointe d u pieu, suivi par u n contrôle à l a
caméra 0 75 m m à vision radiale puis latérale grâce
à l a présence d u tube protecteur de 102-114 m m de
diamètre. Avant nettoyage, les deux bouchons situés à
la base des tubes de 50-60 m m de diamètre avaient
été préalablement défoncés au chariot de forage, cha-
que forage étant poursuivi jusqu'à 50 c m dans le
substratum.
125
 A

L'adjonction de sable (100 kg) prévue initialement fut

abandonnée puisqu'elle conduisait à une chute des
résistances annoncées ci-dessus, tout en augmentant
l'exsudation.

L a pompe d'injection était une pompe à piston.

L'injection s'est effectuée par l ' u n des tubes métalliques

de 50-60 m m de diamètre, après avoir obturé l'autre
tube dès qu'un coulis de bonne qualité est apparu
(fig. 7).

Pour les quatre premiers pieux, le volume a varié de

5 à 12 m . P a r la suite i l a été limité à 1 m environ.
3 3

Après ces travaux confortatifs et mise en tension des

câbles de précontrainte de l'ouvrage, aucun mouvement
particulier des piles et culées ne s'est produit.

Injection de consolidation dans les sables et graviers

ou sables, ou sables fins : les coulis instables ne doivent
pas convenir car le ciment se dépose tout de suite dans
les vides en donnant à l'injection u n rayon d'action très
limité, ou bien i l ne pénètre pas si le sable est fin ou
encore argileux. L'augmentation de l a pression néces-
saire à l'injection ferait plus de m a l que de bien.

Seuls les coulis stables, voire les gels de silicate de

Fig. 6 - Elimination des sédiments sous la pointe d'un pieu à
mauvais contact sol-béton.
2. Injection d'un coulis sous 10 bars de pression com-
prenant pour 50 kg de ciment C H F 325, 20 à 30 1 d'eau
(C/E » 2), puis 1,2 % de solution bentonitique à 40 %.
L e coulis était préparé dans un malaxeur à haute
turbulence (1 500 tr/mn).
Les résistances à la compression simple, sur éprouvettes
cylindriques de 16 X 32 m m donnèrent les résultats
suivants :
3 j : 50 bars
7 j : 125 bars
soude, sont employés, les injections de résine ou autres
produits spéciaux étant à ce jour d'un prix de revient
très élevé et devant être réservées à des travaux confor-
tatifs très spéciaux.
Là encore la pression d'injection compte beaucoup et,
afin d'éviter le claquage d u sol, i l est indispensable de
connaître les propriétés mécaniques du sol vierge.
N o u s signalerons le cas d'un chantier expérimental de
pieux forés à la bentonite de 90 c m de diamètre, an-
crés de 11 m dans un sable argileux compact, pour le-
quel un essai statique de chargement a montré que le
sable situé sous la pointe était fortement remanié (effort
de fluage en pointe de 12 t, soit une contrainte de 2 bars,
alors qu'au pressiomètre, la pression de fluage était de
13 bars).
Après neuf mois de repos, i l a été procédé en une seule
fois à une injection du sol en pointe de 1 m de coulis
3

28 j : 200 bars à 400 kg de C P A 325 + 10 kg de bentonite pure (soit

un rapport C / E voisin de 0,5). L a pression d'injection
a été de 10 bars.

Peut-être aurait-il été préférable d'injecter sous une

pression plus faible (de l'ordre de 5 bars par exemple,
compte tenu du remaniement du terrain) en u n temps
plus long ?

Néanmoins, un deuxième essai de chargement effectué

20 jours après l'injection a conduit à une charge de
fluage en pointe de 53 t, soit 4,5 fois plus qu'avant.

O n voit donc d'une part toute l'importance de l a qua-

lité du forage en pointe sur le comportement des pieux
et, d'autre part, l'intérêt de s'assurer du non-remanie-
ment dans certaines formations, sinon tout calcul de
force portante peut être très loin, et pour cause, de la
réalité.

Les auteurs remercient les maîtres d'œuvre de l'Admi-

Fig. 7 - Exemple d'injection de remplissage sous la pointe nistration et les entreprises qui, par leur collaboration,
d'un pieu. ont facilité cette étude.

126
 Fig. 8 - Test du
mortier immergé
pour contrôler la
thèse des circu-
lations d'eau en
fond de pieu qui
délaveraient le
béton.
Présence ou non de circulations d'eaux souterraines
Lorsque des sédiments se trouvent « pinces » entre le
substratum et le béton, ou lorsqu'on trouve un béton
délavé, le réflexe immédiat de l'entreprise et du maître
d'œuvre est de songer à des circulations d'eaux souter-
raines.
Après nettoyage correct des sédiments, on peut effec-
tuer des mesures de vitesse au micromoulinet, mais à
notre avis il est également souhaitable de contrôler s'il
y a ou non effectivement délavage du béton.
Nous citerons comme exemple un test intéressant qui
s'est déroulé sur un chantier où le problème se posait
de savoir si le délavage du béton noté en pointe du
pieu provenait de la mise en œuvre ou de circulations
d'eaux souterraines, cette deuxième hypothèse étant
avancée par l'entreprise. Des petits paniers de béton
frais (fig. 8) descendus en fond du pieu par le trou du
carottage ont montré que le délavage était insignifiant
(quelques millimètres) et que, tout au plus, i l se pro-
duisait de la même façon sur le panier inférieur placé
au niveau de l a pointe que sur ceux restés à l'intérieur
du pieu. Cet essai a permis d'éliminer la thèse de cir-
culations d'eaux tout au moins importantes.
ORIENTATION DE LA RECHERCHE
Il en est ainsi comme de toute technique : les pieux
forés sont tributaires du suivi correct d'un mode opéra-
toire se rapportant en l'occurrence aux opérations de
forage, de mise en place des armatures et de béton-
nage pour lesquelles le moindre écart peut être fatal.
C'est pourquoi dans le domaine de la recherche i l con-
vient de poursuivre les constatations sur chantier et
d'étudier en station d'essai certains points particuliers
ou paramètres permettant de mieux connaître les causes
et l'importance de leurs effets.
Les principaux points qui sont actuellement à l'étude
ou qui le seront prochainement à la station expérimen-
tale de Bordeaux en liaison avec les groupes spéciali-
sés de coordination intéressés sont les suivants :
Curage en fond de trou (sous l'eau et sous boue
bentonitique)
— étude de la sédimentation,
— étude du curage proprement dit associé au béton-
nage (effet de chasse, répartitions des couches selon le
type de terrains : rocher, sable).
Bétonnage
— formules de bétons pour pieux forés (formules, flui-
dités, résistance à l a ségrégation et au délavage, adju-
vants),
— fabrication et transport du béton,
— techniques de mise en œuvre (bétonnage au tube
plongeur, béton pompé), remplissage, amorçage, ali-
mentation en vue d'un mode opératoire,
— influence des armatures,
— présence ou non d'une gaine.
Auscultation du pieu (réservation)
— le fût,
— la pointe (problème du contact).
Ces quelques points soulignent la collaboration étroite
nécessaire entre mécaniciens des sols et bétonniers
aussi bien dans le domaine de la recherche en station
d'essais que sur le chantier.
A i n s i , i l est prévu de déboucher sur des recommanda-
tions pratiques permettant non seulement de faire pro-
gresser la technique mais également de servir de base
à la rédaction de clauses particulières à inclure dans les
cahiers de prescriptions spéciales.
CONCLUSIONS
L'examen des diverses opérations relatives à l a réalisa-
tion de pieux forés et les constatations effectuées sur
un certain nombre de chantiers montrent la nature et
l'importance des problèmes soulevés et que nous pou-
vons résumer dans le tableau I L
Si certains problèmes liés au matériel et aux hommes
peuvent être facilement résolus (ancrage dans le rocher
de plusieurs diamètres, cage d'armatures bien centrée
par rapport au pieu, non désamorçage de la goulotte en
cours de bétonnage, etc.) d'autres, conditionnés par les
terrains (substratum sableux, nappe en charge, curage
du fond du trou) et la mise en œuvre du béton (for-
mule du béton appropriée, bétonnage au tube plon-
geur, etc.), nécessitent encore des constatations et des
recherches. C a r i l s'agit non seulement de trouver les
remèdes et de définir des clauses d'application, mais
également de chiffrer l'influence de tel ou tel para-
mètre pour le calcul des pieux forés (par exemple :
influence d'une gaine sur le frottement latéral, augmen-
tation de l'effet de pointe par injection, etc.).
C'est pourquoi nous insistons sur cette nécessité d'ef-
fectuer des contrôles sérieux tant en cours d'exécution
qu'a posteriori, sur chantier et en station d'essai, d'au-
tant qu'ils souligneront aux yeux de l'entreprise, en
connaissance de cause, toute l'importance qu'attache le
maître d'œuvre à l a réalisation des pieux forés.
127
 TABLEAU II

Schéma montrant les éléments divers intervenant dans l'exécution et la force portante des pieux forés

— Machines • Type et puissance des ma-

chines FUT POINTE
— Outils • Nature
1. Matériel
• Forme et dimensions Tenue des ter- — Remaniement
• Poids en pointe
— Remaniement — Curage du fond
des parais du forage
• Nature - Epaisseur
2. Terrains tra-
• Mode de superposition
FORAGE versés jusqu'au — Centrage des ca-
• Nappe phréatique ges
substratum
• Propriétés mécaniques
— Propreté du fond
du forage après des-
cente des cages d'ar
• Sols compacts graveleux ou cohérents matures
Tenue des parois du
• Rocher • Pendage
3. Ancrage forage
• Variations du toit ( altéré
• Nature et état •] fracturé FROTTEMENT
— Contrôles de la Ion
• Propriétés mécaniques '( sain gueur forée, de l'in- LATERAL
clinaison du forage SUR LE FUT
etc.
(forme, continuité du f û t , pré
1. Nuance d'acier - Constitution — Etablissement de sence d'une gaine... contact
des cages - Liaison entre élé- la fiche de forage du béton sol en l a t é r a l . . . )
ments - Dispositif de centrage
ARMATU- 2. Type de gaine et dimensions
RES ET (rigide - 1/2 rigide - souple) Moyens de mise en œuvre — des cages
GAINES (descente, centrage) — des gaines
3. Réservation pour auscultation
— nombre de tubes EFFET DE POINTE
— dimensions, nature
— moyen de fixation (contact béton-sol en pointe
remaniement du substratum...)

— Nature et forme, propreté des constituants

— Nature et dosage en ciment
— Eau (nature, dosage)
1. Béton — Nature et % d'adjuvant
— Etude de composition avec m a n i a b i l i t é , com-
pacité - résistance
FORCE PORTANTE

2. Fabrication et — Type de centrale de chantier - Production — Contrôles relatifs à l'homogénéité

horaire - Mode de transport de fabrication et de la mise en œuvre
transport — Béton prêt à l'emploi - Distance de transport du béton

— Surconsommation réelle
BETON-
•— Tube plongeur \ — Remplissage -
NAGE f Amorçage - Conduite — Courbe de bétonnage pour chaque
3. Mise en œu- [ du bétonnage (courbe pieu (fiche de forage - bétonnage)
vre f de bétonnage)
— Béton pompé \ — Fin du bétonnage — Relevés des incidents (surconsom-
(élimination du magma) mation, armatures, gaines...)

4. Extraction du — Mode d'extraction \ — Comportement du

louvoiement, traction V niveau du béton et de
tube de travail pure, vibrations, con- - la cage d'armatures
éventuellement tre battage \ et des gaines en cours
/ d'extraction

BIBLIOGRAPHIE

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