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Les théories pénales

Du code pénal de 1810 à nos jours

I. De 1800 à 1870

 Le Code pénal napoléonien

La synthèse entre Révolution et Ancien Régime va d’abord se manifester sur le plan des institutions avec le nouveau
Code pénal français de 1810 entré en vigueur le 1 er janvier 1811. Nombre de conquêtes révolutionnaires sont
conservées : séparation entre morale et droit pénal, légalité des délits et des peines, division tripartite des
infractions.
D’autres sont abandonnées : le Code ainsi n’adopte pas le système des peines fixes et instaure pour chaque
infraction une peine maximale et une peine minimale, ce qui permet déjà une réelle individualisation par le juge.
Les circonstances atténuantes sont prévues, mais elles sont alors très limitées, puisqu’elles ne jouent que pour les
infractions correctionnelles ayant causé un préjudice inférieur à 25 F. ; quelques excuses atténuantes sont encore
instituées.
Mais le trait saillant du Code pénal de 1810 est sa sévérité. De nombreuses circonstances aggravantes existent, qui
obligent le juge à dépasser le maximum légal normal. Les peines sont rigoureuses : peine de mort (dans 36 cas),
peines perpétuelles, et divers supplices sont rétablis — marque au fer rouge, carcan, ou encore amputation du
poing droit pour les parricides —.
Cette sévérité s’inspire de la doctrine utilitariste de Bentham : si les rédacteurs du Code pénal ont fait œuvre
intimidante, c’est parce qu’ils sont convaincus que « le crime doit se faire craindre davantage par la répression à
laquelle il expose, que désirer par les satisfactions qu’il procure ». Enfin le Code pénal a une conception classique des
plus abstraites du criminel : celui-ci est un homme libre qui a volontairement choisi de faire le mal et qui est apte à
subir le juste châtiment que lui réserve la société. C’est le fameux postulat du libre arbitre, qui ne cède que devant
la folie.

L’habileté de cet équilibre entre ancien et nouveau droits explique sans doute la longévité du Code pénal de 1810
et son influence en Europe dans la première moitié du XIXe siècle. Pourtant l’ouvrage n’est pas sans présenter
des faiblesses notables. Son plan d’abord n’est pas satisfaisant, la sanction étant envisagée avant l’infraction.
Ensuite le Code contient peu de développements relatifs à des théories générales fondamentales ; pas de
construction juridique sur l’erreur ou la faute ou l’état de nécessité, des articles insuffisants sur la
démence ou la force majeure (prévues pour les seuls crimes et délits) ou imparfaits sur la légitime défense
(envisagée pour les seuls homicides et coups ou blessures). Enfin des règles relatives au fond du droit, tel le non-
cumul des peines, ne figurent pas dans le Code pénal mais dans le Code d’instruction criminelle, phénomène qui
n’a cessé depuis de s’amplifier.

 L’école de la justice absolue

Sur le plan des idées deux écoles importantes se sont développées. La première, dite de la justice absolue, a eu
deux représentants essentiels : KANT (1724-1804) et Joseph DE MAISTRE (1753-1821). C’est bien avant la
rédaction du Code pénal que le philosophe allemand Kant a élaboré sa doctrine dans une étude intitulée Critique
de la raison pratique (1788) puis dans un autre livre, Éléments métaphysiques de la doctrine du droit (1796). Ses
idées ne sont diffusées en France qu’après 1810 grâce notamment au publiciste français de Maistre qui reprend la
pensée de Kant en la modifiant légèrement pour en faire une doctrine personnelle dans un ouvrage publié en
1821, Les soirées de Saint-Pétersbourg.

Pour ces deux auteurs le droit de punir repose sur les exigences de la justice : lorsqu’une infraction est
perpétrée, la justice a été bafouée et la peine qui sanctionne l’auteur de l’infraction doit assurer l’expiation du
crime. Néanmoins les analyses des deux penseurs diffèrent quant à la notion de justice.

- Pour KANT la justice se confond avec l’ordre moral qu’il convient de faire respecter et c’est au pouvoir
qu’il incombe de faire respecter cet ordre moral.
- Pour DE MAISTRE le pouvoir social est le représentant temporel de la Providence, l’infraction est un
péché et la peine sa pénitence.
En tout état de cause la répression doit être assurée indépendamment du problème de savoir si elle est utile ou
non a la société ; et Kant affirme que la répression doit être assurée intégralement, quand bien même son inutilité
est certaine. L’apologue de l’île abandonnée illustre cette exigence de la morale, cet « impératif catégorique ».
L’auteur imagine qu’une société est contrainte de quitter une île ; or, au sein du groupe social, existe un criminel
condamné à mort. La dernière tâche de cette société est pour Kant d’exécuter ce condamné, exécution dépourvue
pourtant d’utilité sociale, puisque la société se dissout.

 L’école néo-classique

L’École néo-classique, encore appelée éclectique — car elle se situe a mi-chemin entre BECCARIA et les
tenants de la Justice absolue — a pour principaux représentants le ministre de Louis-Philippe, GUIZOT (1787-
1874) auteur d’un Traité de la peine de mort en matière politique (1822), l’universitaire d’origine italienne
ROSSI (1787-1848) auteur d’un Traité de droit pénal (1829) et l’universitaire ORTOLAN (1802-1873) qui a
écrit de nombreux ouvrages de droit.

La doctrine néo-classique résume la synthèse entre les idées de la Révolution et celles de l’Ancien Droit dans
cette formule célèbre : « Punir ni plus qu’il n’est juste, ni plus qu’il n’est utile ». C’est une combinaison de
l’utilité sociale et de la justice morale. Pour parvenir à une peine juste, les néo-classiques insistent sur la
nécessité de son individualisation et c’est en cela qu’ils se différencient essentiellement de l’école classique.
Sans doute tous les hommes sont-ils libres, mais tous ceux qui commettent le même délit ne sont pas identiques :
leur passé, les circonstances de commission de l’infraction, leur personnalité, leur sexe sont autant d’éléments qui
différencient les individus. Autrement dit la responsabilité doit s’apprécier in concreto, ce qui suppose un
pouvoir d’adaptation de la peine reconnu au juge.

Outre son individualisation le peine ne doit pas être trop lourde pour être juste. Mais ce n’est pas tout : la peine
doit aussi être utile, c’est-à-dire rétributive et amendante et par là les néo-classiques renouent avec la pensée
des juristes canonistes. Il importe à ce sujet de signaler que cette double fonction de la peine a été spécialement
développée par l’École pénitentiaire qui voit dans la prison une sorte de panacée et qui est à l’origine d’une
science nouvelle, la science pénitentiaire.

Pour revenir à l’École néo-classique, ses membres ont également voulu limiter le pouvoir de créer des
incriminations reconnu à l’État, comme le montre le fameux adage précité ; chaque incrimination doit être juste
et utile. Dans son Traité de droit pénal ROSSI illustre cette exigence en raisonnant sur le meurtre, l’usure et le
duel. Le meurtre doit être incriminé car sa répression est utile à la société et moralement juste pour son
auteur. En revanche la répression de l’usure, quoiqu’utile, n’est pas juste car ce comportement n’est pas
suffisamment immoral pour être puni. Quant au duel, s’il paraît juste de le sanctionner, il est pourtant inutile de le
faire, parce que cet acte n’est socialement guère dangereux.

 Influence du néo-classicisme

Le néo-classicisme a exercé une profonde influence sur le droit positif. Alors que le Code pénal de 1810 a
envisagé le délinquant comme un être purement abstrait, s’est avant tout préoccupé de l’infraction punie avec une
grande sévérité, le mouvement législatif postérieur, cherchant un adoucissement de la répression, traduit un souci
d’individualisation de la sanction.

La Charte de 1814 supprime la confiscation générale, la loi du 28 avril 1832 supprime les peines corporelles
comme la marque, le carcan et la mutilation du poing, correctionnalise divers crimes, institue la double échelle
des peines politiques et de droit commun. Surtout ce texte généralise l’application des circonstances atténuantes à
toutes catégories d’infractions, réagissant de la sorte contre de nombreux acquittements abusifs émanant des
jurys qui ne disposaient jusqu’alors d’aucun pouvoir de mitigation de peines trop sévères.

Par la suite la Constitution du 4 novembre 1848 abolit la peine de mort en matière politique et la loi du 13 mai
1863 réalise un nouvel adoucissement de la répression en certains domaines. Sur le plan de l’exécution des
peines apparaissent aussi quelques changements : construction de prisons cellulaires, développement du travail
pénal, établissement d’un régime colonial d’exécution de la peine des travaux forcés afin « d’améliorer l’homme
par la terre et la terre par l’homme », par la loi du 30 mai 1864.
II. De 1870 à nos jours : un phénomène d’intensification
Débutant vers 1870, cette période s’étend jusqu’à nos jours ; elle se caractérise par un extrême bouillonnement
des idées et du droit positif.

 L'école positiviste

La première de ces doctrines est le positivisme pénal illustré principalement par trois Italiens. LOMBROSO
(1836-1909), professeur de médecine légale à Turin, publie en 1876 l’Homme criminel. FERRI (1856-1928),
professeur de droit et avocat à Rome, est l’auteur d'un ouvrage intitulé La sociologie criminelle (1892) et
GAROFALO (1852-1934), magistrat, a écrit une Criminologie (1885). Tous trois sont des disciples d'Auguste
COMTE, célèbre philosophe français, chef de file du positivisme et fondateur d'une science nouvelle, la
sociologie. Les positivistes italiens dénoncent l’inefficacité de la politique criminelle de l’École néo-classique,
puisque par exemple la criminalité a triplé en France entre 1826 et 1880. Ils critiquent également la conception
abstraite qu’a cette école du criminel, le postulat du libre arbitre et la proportionnalité des peines. L'apport du
positivisme pénal se traduit d’abord par une compréhension nouvelle du phénomène criminel et ensuite par
l'élaboration de divers moyens de lutte.

Les positivistes expliquent la criminalité et ses mécanismes par deux concepts.

Le premier est le déterminisme : le crime, pour eux, est le résultat inexorable de causes exogènes ou endogènes.
Pour Lombroso le crime a une explication anthropologique, étant la résurgence des instincts primitifs de
l'homme. Pour Ferri l’explication est sociologique, le crime étant causé essentiellement par le milieu et cet auteur
a d’ailleurs formulé à ce sujet sa célèbre loi de la saturation criminelle. Le second concept fondamental est
l’irresponsabilité morale du délinquant. En effet, raisonner en termes de responsabilité morale, de culpabilité, de
libre arbitre est insensé aux yeux des positivistes puisque l'homme est déterminé dans ses gestes et ses pensées
par sa morphologie ou son milieu.

L'État intervient cependant contre le crime, mais son intervention repose sur la notion d’état dangereux (en
italien temebilita) du délinquant. Selon Lombroso le délinquant est un « microbe social » qui menace la santé de
la collectivité. Ce concept d’état dangereux a connu depuis les positivistes un vif succès et a fait progresser la
science criminelle. Mais quels critères révèlent cet état dangereux ? Ferri à cet égard divise les criminels en cinq
classes principales. Les trois premiers groupes, les plus dangereux, sont composés de délinquants à éliminer : il
s'agit des criminels-nés (qui portent les stigmates anatomiques, physiologiques et psychologiques qui permettent
de les reconnaître), des criminels aliénés (comprenant les déments stricto sensu et les fous moraux privés de tout
sens moral) et des criminels d’habitude (récidivistes incorrigibles contre lesquels il n'y a plus rien à faire). Les
deux derniers groupes comprennent des délinquants moins dangereux qui méritent l’indulgence et doivent être
traités : ce sont les criminels occasionnels et les criminels passionnels. Cette classification n’a d’ailleurs pour son
auteur qu'une valeur relative et celui-ci admet parfaitement qu’un criminel-né ait pu par exemple obéir de façon
accidentelle à des motifs légitimes, le juge devant ainsi rechercher les « motifs déterminants » de chaque action
criminelle.

Les positivistes ont ensuite élaboré une politique criminelle privilégiant la défense de la société ; pour ce faire il
faut un système propre à éradiquer le danger criminel en utilisant deux moyens de lutte. Le premier consiste en
des « « mesures préventives de prophylaxie sociale » qualifiées de « substituts pénaux » par Ferri. C’est
l’intervention avant toute infraction, à l’égard d’individus par hypothèse non déterminés. L’exemple célèbre
donné par Ferri est celui d’une rue obscure où se commettent de nombreuses infractions ; le meilleur moyen d’y
mettre fin est d’installer dans cette rue un éclairage violent, alors que classiques et néo-classiques auraient
recours à des rondes de police, arrêtant sans doute — mais pas toujours — les malfaiteurs mais ne supprimant
pas les infractions. Pareillement Ferri préconise la démolition des taudis, la réglementation de la vente de
l’alcool, la construction d’écoles, la recherche scientifique. Mais aucun positiviste n’a souhaité une autre forme
d’intervention a priori, dite intervention ante delictum, qui consiste à agir à l’encontre d’individus déterminés
qui, sans avoir commis actuellement d’actes délictueux, se trouvent dans une situation pré-criminelle ou
présentent un penchant criminel décelable.

Outre cette politique préventive les positivistes ont imaginé d’appliquer aux criminels plusieurs types de mesures
individuelles, dénommées mesures de sûreté ou mesures de défense. Ces mesures s’opposent aux peines par leur
absence de but afflictif, par leur durée indéterminée et par leurs modalités d’application (mesures curatives,
éducatives, éliminatrices). Par exemple Garofalo préconise pour les meurtriers par cupidité la peine de mort ou
un asile d’aliénés criminels, pour les meurtriers par vengeance de l’honneur la relégation dans une île, pour les
meurtriers par légitime défense l’éloignement de l’endroit où vit la victime et pour les voleurs occasionnels
l’interdiction d’exercice d’une profession jusqu’à complète réparation du préjudice.

Pour conclure sur la doctrine positiviste, on signalera qu’elle a été l’objet de sévères critiques. Ainsi elle choque
l’esprit dans la mesure où elle fait du délinquant une sorte de mécanique déterminée : l’homme finit par y perdre
sa dignité et son âme. On a encore reproché au positivisme les conséquences qu’il a tirées de la notion d’état
dangereux, en particulier les mesures indéterminées dans la durée à l’encontre des délinquants. En outre il est
difficile, semble-t-il, de faire totalement abstraction de la moindre notion morale. Il n’en demeure pas moins vrai
que le positivisme a permis aux sciences criminelles de réaliser d’énormes progrès. L’utilité des mesures
préventives n’a pas besoin d’être démontrée ; l’essor des mesures de sûreté prouve ensuite leur nécessité. Quant
aux travaux des positivistes sur les causes du crime, ils sont à l’origine de la science nouvelle qu’est la
criminologie. Enfin les doctrines postérieures, à des degrés divers, sont tributaires du positivisme pénal.

 Les écoles de la défense sociale

Le courant dit de la défense sociale connaît plusieurs expressions. La plus ancienne et la plus proche du
positivisme a été exposée par le Belge Prins (Science pénale et droit positif, 1899 ; La défense sociale et les
transformations du droit pénal, 1910) qui certes rejette le postulat déterministe mais, ne voulant considérer que
l’état dangereux, se montre partisan de sanctions à durée indéterminée.

Avec l’Italien Gramatica la défense sociale prend une tout autre coloration. Avocat à Gênes, cet auteur a fait la
synthèse de ses idées — exprimées dès 1934 — dans ses Principes de défense sociale. Gramatica répudie
l’ensemble du droit criminel et en particulier les concepts d’infraction et de délinquant. L’infraction doit être
rejetée parce qu’elle se fonde sur l’appréciation objective d’un dommage ; or seul importe le sujet. Seulement
celui-ci ne saurait être considéré comme un délinquant, mais comme un homme qu’il incombe de resocialiser car
il a sombré dans l’antisocialité. Cette notion fort complexe est seule à pouvoir servir de critère à l’intervention
étatique. Il faut appliquer à l’homme reconnu antisocial des mesures de défense sociale visant à l’amélioration du
sujet et pouvant intervenir avant comme après l’infraction. Ces mesures, qui doivent constituer l’unique type de
réaction de l’État — ce qui implique la disparition des peines — s’exécuteront « partout, sauf en prison ». Enfin
Gramatica propose de développer une action politique tournée vers une hygiène sociale absolue. Toutes ces idées
ont suscité de sérieuses réserves chez nombre de criminalistes. Le concept d’antisocialité est des plus flous alors
que celui d’infraction, expression du principe de la légalité, édifie une solide barrière contre l’arbitraire. Aussi
n’est-il pas surprenant que les adeptes français du système de défense sociale aient construit une doctrine fort
différente.

L’École de la défense sociale nouvelle a pour manifeste le célèbre ouvrage de Marc Ancel (1902-1990) —
président de chambre honoraire à la Cour de cassation — La défense sociale nouvelle publié en 1954 et réédité à
deux reprises. La caractéristique fondamentale de cette doctrine est sa personnalisation très poussée. Moins que
la défense de la société, c’est la défense de l’individu qui est envisagée en vue de sa resocialisation. Aussi bien
— et il y a ici un point commun avec les prédécesseurs — doit être rejeté tout préjugé métaphysique à la base de
la justice pénale : ni déterminisme, ni libre arbitre. La justice pénale est une justice humaine dont l’action
implique la mise en oeuvre de toutes les ressources que lui offrent les sciences de l’homme.

La défense sociale nouvelle ne rejette pas l’idée de responsabilité morale. Il est nécessaire d’étudier la
personnalité de chaque délinquant afin de pouvoir le traiter et à ce sujet peuvent être utilisées les peines comme
les mesures de sûreté, d’ailleurs fondues dans un système unique de sanctions. Et ce traitement permettra de faire
acquérir ou retrouver les valeurs morales perdues. Le libre arbitre est ainsi le but du traitement et non son point
de départ : ce n’est que lorsqu’il sera guéri que le condamné jouira de sa pleine liberté et de son entière
responsabilité. La défense sociale nouvelle s’intéresse donc au premier chef à l’homme concret et elle rejette
toute considération de vengeance, d’expiation, voire de rétribution.

Pour mieux connaître cet homme il faut pratiquer l’observation du délinquant avec des examens médicaux,
sociaux, psychiatriques destinés à constituer un dossier de personnalité seul capable de permettre la mise en
oeuvre d’un véritable traitement de resocialisation. Cette exigence conduit à la division du procès pénal en deux
phases. La première est le classique procès répressif, relatif à la matérialité des faits et qui prend fin avec une
décision sur la culpabilité. La seconde est axée sur l’examen de la personnalité : c’est le procès de défense
sociale, les magistrats étant entourés de médecins, psychologues et psychiatres pour la décision sur la sanction.
Cette seconde phase connaîtrait des règles de déroulement originales : publicité restreinte, possibilité d’exclure le
délinquant du débat, collaboration étroite entre ministère public et défense. Quant à la sentence, elle doit être
constamment modifiable pour tenir compte de la personnalité du sujet.

Quoique séduisantes, les thèses de la défense sociale nouvelle ont des détracteurs. Il est excessif, semble-t-il, de
minorer par trop l’idée de rétribution de la condamnation pénale. Il semble paradoxal de ne pas supprimer les
notions de faute et de responsabilité morale et de refuser de porter un jugement de valeur sur la conduite du
délinquant. Il paraît illogique de conserver une fonction rétributive traditionnelle en certains domaines limités
comme les infractions d’imprudence et les délits artificiels et de préférer pour les infractions intentionnelles une
réaction à dominante préventive. De surcroît la volonté de « déjudiciarisation » du droit pénal chère à Ancel
présente des risques : sans doute l’auteur veut-il seulement éliminer fictions et présomptions du droit classique,
par trop artificielles, mais le glissement est aisé vers des conclusions plus radicales.

 Aujourd’hui : la tour de Babel des doctrines

Depuis la défense sociale — qui a fait nombre d’émules — les doctrines soutenues de part et d’autre peuvent être
classées en trois groupes.

Le premier représente des idées contestataires qui procèdent de la criminologie radicale et interactionniste.
Répression égale pour ces auteurs oppression et toute réforme pénitentiaire est par exemple analysée comme un
procédé hypocrite destiné à perpétuer la mainmise sur l’individu désarmé. L’Italien Versele (Aspects juridiques
de la perception de la déviance de la criminalité, rapport à la 9e conférence des directeurs de recherches
criminologiques, Conseil de l’Europe, 1972) et le Néerlandais Hulsman figurent parmi les principaux
représentants de ce courant contestataire. Ce dernier auteur a même vu dans le crime une « situation problème »
dont la solution doit être recherchée en dehors des voies pénales : modification de l’environnement,
renouvellement des mentalités et en cas d’échec, procédures de conciliation-règlement des conflits sur le mode
civil (Peines perdues. Le système pénal en question, par Hulsman et Bernat de Célis, 1982).

Une autre tendance, qualifiée de néo-pragmatisme (v. ainsi Gassin, Confrontation du système français de la
sanction pénale avec les données de la criminologie et des sciences de l’homme, in Travaux du Colloque de
science criminelle de Toulouse, 1969, 117 s.), reprend la doctrine de l’École pragmatique représentée au début du
siècle par l’Espagnol Saldana et suggère que cessent les querelles doctrinales et que l’on s’attache exclusivement
aux données de l’expérience.

Mais l’école la plus importante en France est présentement le néo-classicisme contemporain qualifié parfois de
néo-classicisme nouveau. Ce mouvement, annoncé il y a déjà longtemps par Saleilles (De l’individualisation de
la peine, 1898), a pour principaux représentants Georges Levasseur et Roger Merle (La confrontation doctrinale
du droit pénal classique et de la défense sociale, R.S.C. 1964, 725) et à l’étranger l’École d’Utrecht. S’opposant à
la défense sociale nouvelle ces divers auteurs insistent sur les idées de blâme, de responsabilité morale et de
rétribution. Mais ils souhaitent aussi conserver certains aspects de la défense sociale et ils estiment primordiale
une connaissance approfondie de la personnalité des criminels. En outre les néo-classiques contemporains
refusent tout lien entre le quantum de la peine et la responsabilité morale, puisque cette règle capitale pour leurs
devanciers revient à reléguer au second plan la prise en considération de la personnalité de l’intéressé.

Depuis la recrudescence de la délinquance une tendance plus dure s’est manifestée au sein du néo-classicisme
contemporain avec des auteurs comme Jean-Claude Soyer (Justice en perdition, 1982), Michèle-Laure Rassat
(Pour une politique anticriminelle de bon sens, 1983) et l’ancien Garde des Sceaux Alain Peyrefitte (Les
chevaux du lac Ladoga, 1981). Cette branche renoue avec l’ancienne idée d’expiation. La réinsertion, du moins
pour les délinquants professionnels, doit céder le pas devant le châtiment : la prison a pour fonction de neutraliser
les individus dangereux pour le corps social et aussi de les intimider.

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