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COM1123 l

Retranscription de la conversation avec Louise Oligne et Clémentine de Pontavice l


Octobre 2019

K=Karoline
L=Louise
C=Clémentine
E=Étudiant.e

00:00 K - ... vont poser leurs questions et on est très très


heureux et heureuses que vous soyez avec nous ce
soir, pour vous, et cet après-midi, pour nous. Alors
là, je tourne l'écran... est-ce qu'il y a quelqu'un qui
veut partir le bal?

00:29 L - Bon alors, plaignez-vous pas parce qu'on a lu vos


questions et les questions étaient très intéres-
santes. Vraiment, soyez pas timides.

00:36 E - Moi et mes deux collègues, on avait à peu


près la même question. Puis la question c'était:
c'était quoi l'approche que vous avez utilisée
afin de rendre les femmes à l'aise durant les
sessions de photo? Comment vous vous êtes
pris[es] pour...

00:52 L - Ben déjà, il y a du travail avant que les


femmes soient prises en photo. Elles sont ac-
cueillies par Clémentine qui avant avait une
entreprise de bijoux, donc elle a fait faire un
bijou. Donc déjà, il y a quand même trois par-
ties, ça doit prendre une heure, le temps qu'elle
fasse les bijoux... Clémentine a une relation
assez personnelle avec elles. Et ensuite, moi je
les maquille. Donc le fait de les maquiller fait
aussi qu'il y a une relation plus personnelle et
en tous cas, il aurait peut-être fallu vous faire
une photo... on est dans une salle et il y a des
poutres, et sur les poutres j'ai mis un grand
tissus et là, le coin de photos, ce qui fait
qu'elles sont aussi un peu isolées du reste du
groupe. Donc, on a encore une relation un petit
peu plus personnelle. Donc, c'est en fait en
créant le premier lien que vraiment... c'est de
créer avec elle... un autre lien via le maquillage.
Ce qui fait qu'après, l'appareil photo, ça leur fait
moins peur.

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01:53 C - Aussi quand on les accueille ces femmes-
là, on est extrêmement, toutes les deux, très
bienveillantes. À la fois, j'ai envie de dire, dans
notre manière d'être et aussi dans nos mots.
Donc on leur dit par exemple, qu'ici c'est un
atelier où elles dessinent, où c'est elles qui
décident. C'est des femmes qui ont des par-
cours très difficiles et qui n'ont pas l'habitude
de choisir de décider pour elles. Donc, là on
leur dit vraiment que c'est un moment pour
elles. Et on les accompagne vraiment dans ce
sens-là. Donc, je pense qu'elles se sentent
assez rapidement en confiance. Elles voient
qu'ici, on n'est pas là pour les juger. On est
vraiment là pour les aider à passer un bon
moment. Et donc, très vite, elles se laissent
aller et ensuite, avec les bijoux, après Louise
les maquillait à la photo, elles y arrivent...
Après, pour certaines femmes, c'est pas
simple, mais on arrive quand même toujours à
trouver, même ne serait ce par une main sur
l'épaule, enfin... c'est des petites choses, en
faite, infimes, qui leur permettent de se dé-
tendre, d'être bien et en confiance.

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02:59 L - Et c'est aussi de trouver le lien entre la
présentation, ce qui est là mon travail quand je les
prends en photo; c'est d'essayer de trouver la
différence entre la représentation qu'elles ont
d'elles-mêmes et la réalité. Donc, il y en a par
exemple, c'est les plus jeunes qui vont jouer au
mannequin parce qu'elles ont vu les photos de
mode. Donc, ça c'est toujours assez facile... je leur
dis: bon allez-y, donc elles se mettent à poser. Mais
entre les poses, il y a toujours un moment donné
où là, il va y avoir un vrai fou rire et là, je dis: «Mais
voilà! Moi c'est ça que j'veux!» et là, il y a des liens
qui peuvent se créer, tu vois. Donc, c'est de passer
le côté... ou si sont trop figées, leur dire: «Ben
respirez, continuez à vivre, de parler, de faire...». En
général, je leur... là, c'est une technique pour les
photos: je mets un ISO qui est très élevé parce que
j'essaie d'être dans une vitesse très élevée pour que
je puisse faire des photos quand, à la limite, elles
sont entre deux mouvements. Parce que, quand
elles reçoivent les photos ou qu'elles se
redessinent, il faut que tout à coup, la photo leur
parle. Donc, il faut pas que ce soit une photo qui
soit la représentation qu'elles ont d'elles-même
parce que c'est pas toujours une belle
représentation. Il faut que tout à coup, elles-mêmes
soient surprises par la photo. Et puis, faut les faire
déborder. C'est-à-dire que si... je pense à certaines
jeunes qui font les poses de mannequins; elles ne
sont pas mannequins, donc elles vont être
forcément déçues si je leur donne une photo où
elles sont en train de mimer ou elles sont en train
de faire un rôle qui n'est pas elle. Donc, c'est aussi
les ramener dans une réalité et puis leur montrer
qu'elles sont très très belles dans leur réalité.

04:38 C - Oui, pour ce qu'elles sont. Et pas parce qu'elles


font la mannequin. C'est ça qu'on a envie; de les
aider à [?] d'elles-mêmes.

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04:46 L - Et c'est vrai aussi beaucoup parce qu'il y a,
de ce temps-ci en plus, des jeunes femmes qui
sont visiblement des femmes qui sont victimes
des réseaux de prostitution. Donc, on les a
emmenées de leur pays, je sais pas sous quel
prétexte mais qui sont, en fait, des esclaves. Et
donc elles, c'est très bien le cas, parce que de
ce temps-ci je remarque que, toujours quand
on se promène dans cette situation... peut-être
sur le bord du trottoir et que c'est pas de ça que
nous on parle avec elles. Donc là, il y a quand
même tout un détour à prendre pour arriver à
les rephotographier comme des p'tites filles
qu'elles sont. Et ça, c'est délicat de ce temps-
ci. Je pense à deux ou trois qui systématique-
ment vont se mettre en scène de façon très
sexuée, sexualisée... [rires] Alors voilà, c'est le
genre de truc qui fait qu'on rend une femme à
l'aise. Donc, c'est de [les] ramener à leur réali-
té, à leur essence; de ne plus être dans leur
défense.

06:11 E - Ok, ben merci beaucoup!

06:13 K - Est-ce que t'aimerais réagir? Est-ce que


t'aimerais dire quelque chose par rapport à ce que
tu as entendu?

06:18 E - Euh... non ça répond vraiment à ce que je


pensais en fait, mais plus détaillé aussi.

06:24 K - Parfait, merci.


Une autre question? Oui Soupa.

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06:29 S - Oui bonjour... [problèmes techniques]
Alors oui, vous avez déjà répondu un petit peu,
ou du moins, vous avez glissé quelques ré-
ponses par rapport à ma prochaine question.
Mais ça va peut-être vous permettre davan-
tage... je dirais de compléter. Alors la voici, elle
peut être un petit peu complexe je vous dirais...
j'ai l'impression que c'est plusieurs questions
dans une question. Alors, lorsque vous les
prenez en photo, avez-vous un thème ou un
cadre prédéfini en ce qui concerne l'état d'es-
prit de la pose ou le message d'expression que
vous voudriez voir ou faire ressortir? Ou bien,
vous procédez selon votre ressenti du moment,
ce que votre sujet vous inspire?

07:37 L - C'est vraiment une relation... c'est comme si


à chaque fois c'est un sprint. J'ai pas beaucoup
de temps et pour que rapidement je me con-
necte sur elles... pis j'ai pas le droit à l'erreur
parce que c'est souvent des femmes qui vivent
des choses très difficiles, donc c'est quand
même important. Et donc, je dirais qu'il y a un
cadre prédéfini qui est le cadre esthétique;
c'est-à-dire qu'il y a à peu près toujours la
même lumière et c'est sur fond noir. Et après
quand j'ai eu la personne, c'est vraiment une
façon de la capter, c'est vraiment quelque
chose... je suis presque le chasseur, c'est la
proie et j'ai pas beaucoup de temps pour es-
sayer de capter ce que humainement je vois
d'elle, ce que je veux mettre en avant. Donc,
c'est vrai que ça dépend des personnes. Si je
vois une personne trop fragile, j'ai pas envie de
montrer cette fragilité parce que je pense, ou
peut-être que je me trompe, mais je pense que
ça pourrait être trop dur pour elle.

Il y a une histoire par exemple, dernièrement,


qui m'a beaucoup frappée et d'ailleurs avec
une dame qui n'est pas revenue. J'ai montré
une photo et la photo que j'ai faite, sur la photo,
elle était gaie... elle était détendue et gaie, et
quand elle a vu la photo, elle s'est mise à pleu-
rer. Et elle a dit, je suis incapable de voir cette
photo parce qu'on dirait que je suis heureuse
sur la photo. Et je suis incapable de me voir
heureuse parce que je ne suis pas heureuse.
Et je suis tellement malheureuse qu'il y ait une
photo de moi où je suis heureuse, c'est trop
violent. Et du coup, j'essayais de lui expliquer,
on essayait de lui expliquer, parce qu'on était
deux à lui parler... parce qu'après, quand je
redonne les photos, on est toujours à deux à
revoir les choses... et j'essayais d'y dire: «Mais
si j'ai capté ça, cette force de vie, cette joie...
c'est que tu as ces ressources-là. Elles sont
cachées, t'as pas l'impression qu'elles sont là,
mais si je l'ai vu, c'est bien que c'est là...» Et
pour elle, c'était...

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09:52 C - Peut-être que pour cette femme-là, c'était
peut-être trop tôt dans son parcours de soi. Et
que donc, c'était trop violent de voir ça d'elle. Et
après, elle l'a dit; on a beaucoup parlé, mais
c'est vrai qu'elle a craqué, elle a pleuré. Pour
nous, ce qu'on dit aux femmes: «C'est pas
grave de pleurer...» Parce que c'est aussi un
endroit où elles ont un espace pour ça. C'est
des femmes qui prennent beaucoup sur elles
malgré leur vie et leur petit [incompréhensible]
difficile. Et du coup, à l'atelier, nous on trouve
ça très bien qu'il y ait un endroit où elles ont le
droit de pleurer sans qu'on les juge, où on est
là pour les rassurer, les cocooner un petit peu.
Mais sans doute, pour cette femme-là, c'était
trop tôt, je pense. Et donc, c'était trop violent et
que elle, elle était trop malheureuse et qu'elle
n'avait pas envie de voir ça d'elle pour le mo-
ment.

10:46 L - Elle avait pas envie de se voir heureuse.

10:49 C - Peut-être qu'elle reviendra plus tard.

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10:50 L - Mais peut-être aussi, parce qu'elle avait
envie de montrer à la face du monde qu'est-ce
qu'on lui avait fait et c'était violent pour elle
d'avoir l'air heureuse.

Et de la même façon, il y a une autre dame...


parce que là je parle; plein de fois, je me
trompe pas, ça marche, mais je parle des fois
où je me suis trompée. Par exemple, il y a une
autre dame que j'avais toujours tendance de
faire des photos d'elle où elle était belle et
c'était très compliqué pour elle et un moment
donné, j'ai compris... et je lui ai demandé de
faire une photo avec les yeux fermés... donc
elle a fait une photo où elle avait les yeux fer-
més... et tout à coup, elle a dit: «Ah! Cette
photo-là, je l'aime!» Parce que, c'est une
femme qui avait été vendue en fait, assez
jeune, et qui avait été prostituée et de se voir,
elle, en train de sourire ou d'être dans un côté
aguicheur, c'est insupportable pour elle. Une
fois que j'ai compris ça et que j'ai fait une photo
où elle ne souriait pas, où elle avait les yeux
fermés, où elle n'était pas du tout dans une
séduction... parce que c'est vrai que quand tu
fais une photo, bon toi, si tu es jolie sur la pho-
to... mais elle n'était pas du tout dans une sé-
duction; ça été le début pour elle. Là, elle a pu
commencer à se voir, elle a pu commencer à
se dessiner, elle a pu commencer à travailler
sur elle. Et elle a dit cette phrase, qui était
comme un lapsus, mais extraordinaire... Elle a
dit: «Voilà, j'aime bien cette photo-là parce que
je ne suis pas strip tease dessus.» Et après,
elle me dit: «Ah, j'ai dit n'importe quoi...» J'ai
dit: «Non, non... Je pense que tu as exacte-
ment dit ça.» Donc les autres photos pour elles,
elle était strip tease... c'est un lapsus mais...
c'était juste pour elle et là, elle a pu avoir le
filon pour rentrer en relation avec elle. Parce ce
que c'est ça un peu l'idée: elles ont leur photo
et elles se redessinent et c'est un petit peu
l'entrée pour qu'elles rentrent elles-mêmes
dans leur esprit. Parce qu'il y a des femmes qui
n'ont même plus conscience d'exister. Quand
elles voient les photos...

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L - Une fois, il y en a une, elle dit: «Ah mon
dieu! J'avais pas mis de soutien-gorge!» Ben
non, si tu n'as pas de soutien-gorge, les gens
te voient. Et tout à coup, juste le fait de juste
être prises en photo, de se regarder, elles réa-
lisent qu'elles ont une enveloppe physique et
qu'elles existent. Et c'est de trouver le filon pour
qu'elles puissent retourner en relation avec
elles-mêmes. Et cette femme-là par exemple,
celle dont je parlais, être en relation avec elle-
même, en se voyant heureuse, c'était impos-
sible. C'était comme un deuil, c'était trop décalé
par rapport à comment elle pouvait se sentir.
Elle ne pouvait pas se redessiner à partir d'une
photo où elle était heureuse. Et l'autre dame
dont je parle, elle pouvait se redessiner sur une
photo où elle n'était absolument pas dans une
séduction. La posture de séduction était insup-
portable pour elle. Mais tout à coup, les yeux
fermés, elle a commencé à dessiner, elle a fait
plein de dessins et après on a pu aller plus loin.

13:46 S - Merci beaucoup, c'est complet comme


réponse! Merci!

13:51 K - Quelqu'un d'autre? [Étudiante], tu peux


venir stp?
C'est parce que j'aime ça qu'on voit tout la
classe...

14:13 E - Bonjour! Moi, ma question c'est: comment


est-ce que vous avez fait pour gagner la con-
fiance de ces femmes-là pour qu'elles puissent
vous raconter leur histoire?

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14:24 C - En fait, à l'atelier, nous on ne pose pas de
questions. Donc, les femmes, elles ne sont pas
obligées de leur raconter leur histoire. Mais ce
qui se passe, la plupart du temps... ça n'arrive
évidement pas au début... La première séance,
elle prend un bijou et Louise les prend en photo
à la première séance. La deuxième séance, on
leur montre leurs photos, elles se regardent,
elles se redessinent et souvent, au bout de la
deuxième ou de la troisième séance, il y a
quelque chose d'assez fort qui se passe. La
plupart du temps, elles pleurent, mais pas tout
le temps... il y a vraiment quelque chose où
elles relâchent et là, souvent, à la fin de la
séance... ça ne se passe pas forcément pen-
dant la séance... elles viennent nous voir et là,
elles nous parlent et elles nous racontent leur
histoire. Mais nous, on a décidé, on en a lon-
guement parlé, on a décidé avec Louise qu'on
n'avait pas envie de leur poser de questions.
Parce qu'elles répètent souvent leur histoire,
leur parcours auprès des soignants, auprès de
tout le personnel administratif pour avoir leur
papier et qu'on trouve que c'est un peu intrusif,
tout le temps, de leur demander, de leur de-
mander... En revanche, on est deux oreilles
extrêmement attentives si à un moment donné,
on sent qu'elles ont besoin de parler. Et c'qui
se passe aussi c'est que souvent, elles disent à
nous des choses qu'elles ne vont pas dire en
consultation; des choses un peu plus intimes...
Et nous, du coup, sans trahir ce qu'elles nous
disent, mais parfois, on sent qu'il y a vraiment
quelque chose d'important comme information,
on peut aussi le relayer aux médecins par
exemple. Il nous est arrivé plusieurs fois de
communiquer notamment avec Mathilde, qui
est la sage-femme coordinatrice de la Maison
de femmes, de dire: «Attention, cette femme-là,
on la sent fragile.» ou «Elle nous a raconté ça,
est-ce qu'elle est bien soignée? Est-ce qu'elle
est bien accompagnée par la bonne per-
sonne?» Donc, ça permet aussi d'avoir le sen-
timent aussi qu'on fait vraiment partie aussi du
parcours de soin. Voilà.

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Mais la confiance, je pense qu'elle vient petit à
petit; elle ne vient pas au tout début... Au dé-
but, elles ne nous connaissent pas. Ça vient
vraiment au fil du temps. Mais nous, on estime
qu'à partir du moment où elles nous parlent,
c'est qu'il y a vraiment quelque chose de fort.
Et après, moi, quand elles me parlent comme
ça, moi je me sers de ce qu'elles me disent
pour proposer artistiquement d'autres choses.
Donc par exemple, il y a des femmes où on a
proposé: elles ont brodé leur parcours migra-
toire sur une carte... donc avec du fil. D'autres,
j'ai proposé de faire des bijoux à partir de cou-
vertures de survie. Mais ça, je le propose parce
que ç'a du sens par rapport à leur histoire, ç'a
du sens par rapport à ce qu'elles m'ont raconté
et donc, comme ça, on peut, petit à petit, cons-
truire des choses de plus en plus loin aussi
artistiquement et qui les réparent aussi à tra-
vers l'art.

17:11 L - Puis le but de notre atelier aussi, c'est de


les regarder. Quand je fais des photos, tout
d'un coup, je les vois et nous, on les voit pas
comme des victimes... En tous cas, ce n'est
jamais arrivé; c'est arrivé une fois, une femme
qui est venue à la fin de l'atelier, qui n'est pas
revenue... Jusqu'à date, c'est jamais arrivé que
j'aie à photographier une femme que j'avais
pas beaucoup de respect ou de bienveillance
ou que je ne trouvais pas belle, tu vois. Honnê-
tement, je les trouve belles, je les trouve fortes
quand on sait à peu près leur histoire. Parce
que les histoires se ressemblent toujours un
peu. C'est vrai qu'on est admiratives de ces
femmes-là, parce que c'est un courage assez
phénoménal. Et je pense que ça aussi, elles le
sentent. Et le fait d'être regardées, d'être pho-
tographiées, que j'emmène une photo, qu'elles
voient que j'ai vu quelque chose de beau en
elles... ce qui fait aussi qu'elles ont envie de se
confier. Parce que tout à coup, on a touché
quelque chose, je pense.

18:13 C - De notre part à toutes les deux, on a beau-


coup de respect et je pense qu'il y a aussi
beaucoup d'échanges. C'est-à-dire que nous
on est là pour leur apporter ce qu'on sait faire;
on transmet quelque chose. Mais elles aussi,
elles nous apportent. C'est-à-dire que c'est pas
que dans un sens. Et ça, je pense qu'elles le
sentent très rapidement. Et moi, j'ai énormé-
ment d'admiration pour toutes ces femmes
parce que je les trouve extrêmement fortes et
du coup, cette force-là, j'ai envie de leur rendre;
j'ai envie de leur dire: «Mais regarde-toi, t'es
debout après tout ça! Donc, maintenant cette
force, tu vas t'en servir pour faire quelque
chose.. pour construire ta vie, pour faire ce que
tu veux dans la vie.» Je pense qu'il y a quelque
chose qui se transforme et qui vient aussi
d'elles en fait. C'est vraiment un échange.

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19:03 L - Et puis, je pense aussi que les femmes
dans leur parcours, même dans leur vie, le fait
qu'elles soient à la Maison des femmes, c'est
qu'elles ne sont déjà plus dans la position de
victime. C'est-à-dire, soit elles étaient victimes
de violence, qu'elles ont quitté leur pays ou
soit, pour les gens en France qui ont quitté leur
mari ou en tous cas, elles ont été demander de
l'aide. Donc, le fait qu'elles soient à la Maison
des femmes, c'est qu'elles ont déjà commencé
un parcours de reconstruction. Donc, elles sont
déjà dans une phase, d'avoir décidé de ne plus
être victimes. Alors, ça veut pas dire qu'elles
sont sorties d'affaire; je veux dire qu'il y en a
qui sont quand même assez magannées. Mais
en tous cas, malgré le fait qu'elles soient ma-
gannées, elles ont envie de s'en sortir, donc
déjà ce désir-là... C'est avec ça aussi qu'on
travaille. On n'est pas avec des femmes dé-
truites qui n'ont pas envie de s'en sortir. On est
déjà dans la première étape du processus.

20:05 E - Je vous remercie.

20:19 K - Ok la gente masculine maintenant. Je dé-


crète la gente masculine.
Eugène?

20:55 E - J'ai vu les diapos et je trouve qu'elles sont


très belles. Mais moi, j'ai une question: je vou-
lais savoir pourquoi cette juxtaposition des
images corporelles féminines très intimes à
mon goût et celles de la nature? Et puis, qu'est-
ce que cela vous inspire en fait aussi?

21:14 L - Ça, c'est un travail qui est un peu à côté, vu


qu'on travaille sur un livre. Donc, il va y avoir
les portraits des femmes... Alors, dans les
diapositives, vous n'avez pas vu de portraits
des femmes. Attends, je veux juste: Karoline?

21:31 K - Oui?!

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21:32 L - Est-ce qu'ils ont vu le portrait des femmes?

21:34 K - Ben en fait, ce qu'ils ont vu, c'est sur ton site
web. C'est ce qu'il y a là.

21:38 L - Ok donc, je vais aller vous le chercher car


justement ce matin, comme on fait un livre, on
a eu les autorisations de certaines femmes de
montrer leur photo, donc on va vous les mon-
trer... les portraits que les femmes font. Parce
que le travail dont tu me parles qui est mon
travail sur mon site, qui est le travail sur le
corps, ça c'est un travail personnel. C'est-à-dire
qui est fait dans ce cadre-là, mais qui n'est pas
pour toutes les femmes. C'est vraiment pour
celles qui ont envie de faire du travail [incom-
préhensible].

22:16 L - Alors c'est plus une réponse de quelqu'un


qui travaille à la Maison des femmes, c'est une
réponse d'artiste. Parce que je trouvais... déjà
j'ai laissé mon jardin sans rien faire pendant un
an et demi. Ma fille qui disait: «Tu laisses pour-
rir ton jardin pour faire des photos.» Mais c'était
pas tellement qu'il pourrissait, c'est que je lais-
sais un cycle se faire. Et je trouvais que ce
cycle, c'est l'automne, que y'a du humus, que
y'ait de la mousse, que ça devienne de la terre,
qu'après qu'il y ait des fleurs, qu'après... On
trouvait que ça faisait quand même un cycle.
Pour moi, ça avait du sens. Je trouvais que de
mettre ces photos-là à côté des photos des
femmes dont le corps a été maltraité, a été
torturé, mais que ces mêmes corps, qu'on voit
sur ces images, ont aussi mis des enfants au
monde, continuent de mettre des enfants au
monde, se relèvent, se refont, vivent. Je trou-
vais que l'analogie, même si c'est un petit peu
facile quand on le dit, mais je trouvais qu'en
images, ça marchait bien. Est-ce que ça ré-
pond à votre question?

23:32 E - C'est tout à fait ça que je pensais même!

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23:38 L - Je vais vous laisser avec Clémentine vite
fait, je vais aller vous chercher les photos,
comme ça vous allez voir les portraits qu'on fait
des femmes. Je vais vous montrer que celles
qui ont donné leur autorisation.

23:48 K - En fait, Asumta, t'avais une question pour


Clémentine. Asumta, si tu voulais prendre la
place d'Eugène.

24:01 A - Oui bonjour! Ma question c'était: c'est quoi


les liens que vous faites entre le dessin que les
femmes font et le moi intérieur qui les amène à
connecter avec eux et puis, être conscient de
leur existence?

24:21 C - Alors en fait ce qui se passe quand elles se


redessinnent, c'est assez intéressant parce
qu'en réalité, elles passent d'une part, un mo-
ment avec elles-mêmes. Parce qu'en fait, elles
se redessinnent d'abord avec du papier calque.
Donc, elles se voient vraiment en fait sur la
photo et elles se redessinnent... vraiment ça
prend un petit peu de temps et du coup, elles
se regardent. Je pense qu'elles se regardent et
qu'elles passent du temps avec elles. Donc ça,
c'est déjà une première chose. Et ensuite, moi
je les invite... souvent, elles font plusieurs des-
sins. Le premier dessin, il est assez réaliste.
C'est-à-dire, il correspond un peu à la photo. Et
puis, après, je les invite à se métamorphoser
un petit peu comme elles rêveraient d'être.
Donc, évidement, ça va dépendre des femmes,
mais y'en a vraiment qui se dessinent avec des
crottes [?] sur la tête, avec les cheveux de
couleurs, avec plus de maquillage... Et ça c'est
intéressant parce que ça dit beaucoup de ce
dont elles ont envie en fait, de leur désirs. Et
ça, c'est... [problème technique]

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25:50 C - En fait, la photo que je vous montre, c'est
un dessin d'une jeune femme qui s'est dessi-
née la moitié de son visage en arbre. Et l'autre
moitié, c'est elle. Ça, c'est très intéressant
parce que, du coup, à la fois, on voit... l'arbre
pour moi, ça signifie plein de choses alors moi,
je vais y mettre des projections personnelles,
mais [incompréhensible]. Je pense que c'est
une femme qui a laissé un de ses enfants au
pays, qui a accouché d'une fille en France,
l'arbre pour moi c'est très symbolique de la
famille. Donc, on peut y voir plein de choses en
fait. Et moi dans ce que je vois de chacun des
dessins, c'est que chaque dessin qu'elles font
raconte un trait de personnalité de ce qu'elles
sont en fait. Et du coup, ça raconte encore
autre chose. C'est-à-dire qu'il y a la photo qui
raconte quelque chose et après, y'a le dessin.
Et après le dessin, souvent, mon débat est sur
le dessin. On raconte... tu vois des choses
d'elles qu'elles ne voient pas forcément. Donc
on peut débattre; après, ça donne encore
d'autres idées et c'est pareil... moi je leur offre
un miroir de ce que je vois qui est évidement
très bienveillant. Après, j'essaye d'être perti-
nente dans ce que je dis pour les faire aussi
avancer. Et ça leur permet, je pense, d'avoir
aussi notre vision d'elles-mêmes. Donc, il y a
leur vision à elles et puis, il y a ma vision à moi.
Et Louise, elle fait exactement pareil, mais avec
un autre support qui est la photo. C'est-à-dire
que Louise, à travers la photo, y'a son regard à
elle. À travers le dessin, c'est un peu différent
puisque elles, [incompréhensible] vient d'elles-
mêmes. Ça pour moi, c'est quelque chose de
très important parce que moi, j'estime que faire
quelque chose c'est une partie de la recons-
truction. C'est-à-dire qu'elles se rendent
compte qu'en faisant, qu'elles sont capables de
fabriquer quelque chose. Et il y a une artiste
que j'aime beaucoup, qui s'appelle Louise
Bourgeois, je sais pas si vous la connaissez,
qui disait «Construire, c'est se construire.» Et
moi, je crois beaucoup en ça en fait. Donc,
avec moi, avec ma partie, elles construisent, et
un bijou, et après, elles construisent entre guil-
lemets, elles dessinent, mais elles font encore
quelque chose. Et la plupart des femmes me
disent, surtout pour le dessin, le bijou c'est un
peu moins problématique... le dessin, elles me
disent toutes: «Ah, mais je sais pas dessiner!»
La plupart des femmes ne savent pas... il y en
a certaines qui ne savent pas écrire, donc c'est
très compliqué pour elles de tenir un stylo et
elles font des dessins que moi je trouve, abso-
lument magnifiques! Elles font des dessins...
y'a un trait... moi, je trouve qu'on voit leur âme
en fait sur leur dessin. Ça me touche énormé-
ment. Et même quand elles ne savent pas bien
dessiner, il y a un trait fragile; je trouve ça tou-
jours très beau. Voilà, donc c'est ça qu'on voit,

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de moi, de mon regard. Je sais pas si j'ai bien
répondu à ta question...?

15
28:46 E - Oui, absolument. Merci beaucoup.

28:49 L - Karoline? Je viens de t'envoyer un mail


avec les dessins des femmes que tu peux voir.
Et puis, je vais vous montrer quelques unes
des images, des photos... Vous les voyez?
[Présentation des images] Voilà, c'est quelques
unes...

29:36 K - Est-ce que quelqu'un veut réagir sur les


photos? J'ai entendu un «Wow!»... Est-ce que
tu voudrais revenir?

29:50 E - Non, pas nécessairement, je trouvais ça


très très beau. C'est artistique, on dirait le jeu
de lumières et de perspectives... qu'on focus un
petit peu plus d'un côté du visage. C'est très
beau.

30:04 L - Merci.

30:08 K - Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui voudrait


poser une question? Oui, est-ce que tu voudrais
venir Jérôme? Merci Louise!

30:25 L - Karoline? Dans ce que je t'ai envoyé, c'est une


petite mise en page que j'ai faite pour un autre
truc, c'est pas hyper bien fait, mais tu vas voir des
dessins des photos. C'est-à-dire, on a la photo et
quel dessin elles en font...

30:46 K - Oui en fait, c'est ce que je vais faire. On va


avoir une conversation tout le groupe ensuite et
puis, je vais pouvoir les montrer les photos... et
je vais pouvoir les ajouter sur notre site web de
l'Université; le site privé, notre espace privé qui
s'appelle moodle.

Jérôme?

16
31:01 J - Bien le bonjour à vous! Ma question était:
quel échec artistique a été le plus formateur
pour vous? Ou individuellement, qui vous a,
dans l'fond, donné la sensibilité requise pour
faire un travail comme ça...

31:20 L - Rien! Moi je trouve que les échecs, ça m'fait


toujours chier! [rires]

31:28 J - Très bonne réponse! [rires]

17
31:38 C - C'est un peu... qui est pas tout à fait lié à
l'échec. Moi en fait, je suis autodidacte dans
tout c'que j'fais. Donc, j'ai eu une marque de
bijoux pendant 15 ans; j'avais appris à faire des
bijoux et aujourd'hui, je fais des livres que j'il-
lustre et que j'écris aussi, et j'ai jamais appris à
dessiner. Mais c'que je fais aujourd'hui, j'estime
que ma pratique artistique m'a sauvée un p'tit
peu. En tous cas, j'ai appris beaucoup en fai-
sant. Et comme j'ai pas appris à l'faire, j'estime
que tout l'monde peut l'faire. Parce que moi, j'ai
appris en regardant les autres et aussi en utili-
sant des techniques un peu... pas toujours très
académie. Par exemple, j'utilise beaucoup une
table lumineuse pour dessiner, et donc, à l'ate-
lier, on utilise la table lumineuse qui permet que
quand c'est pas très bien dessiné, on pose la
photo, par-dessus on met la feuille et on peut
dessiner par-dessus. Et que je me dis que si
moi j'y arrive, alors que je ne sais pas faire, à la
base, y'a pas de raisons que les autres n'y
arrivent pas. Et moi, j'pense que j'ai eu, et c'est
quelque chose que j'ai eu du mal à assumer
pendant longtemps, et aujourd'hui, j'crois que
j'ai envie de l'assumer et puis j'ai envie de le
transmettre en plus. C'est-à-dire que j'ai envie
qu'les autres s'en servent aussi. Alors évidem-
ment, toutes les femmes vont pas avoir forcé-
ment des habilités artistiques pour leur vie,
mais moi j'pense que c'est très important de
s'dire que quand on a envie de quelque chose,
on peut y arriver, quelque soit la façon et qu'y'a
pas qu'une bonne ou une mauvaise façon
d'faire. Voilà. Et donc, c'est ça que je transmets
et j'pense que là, on est dans un lieu et un
endroit où les femmes sont très sensibles à ça
parce que, en effet, j'ai aucun jugement, j'ai pas
de technique; je n'ai aucune technique. Donc,
je sais que c'est possible de faire sans tech-
nique. Donc quand elles me disent: «Non, j'ai
peur d'pas y arriver.». Je dis: «Mais c'est pas
grave, tu peux, on gomme [?], on refait.» Et en
plus, souvent quand on refait, on redessine, ça
donne toujours des choses très intéressantes.
Voilà. J'essaye d'insuffler ça.

18
33:56 L - Pour revenir à c'que j'disais... Tu vois,
l'échec artistique parce que ça dépend du lieu
où l'on s'pose parce que quand tu décides de
devenir un artiste, t'es toujours aussi en friction
avec le milieu artistique, avec ceux qui donnent
les bourses, avec ceux qui décident, avec ceux
qui font des dossiers... J'trouve ça quand
même assez difficile. Après, quand j'ai la sa-
gesse, d'être par rapport à moi, effectivement
les échecs, ça te permet de voir les [incompré-
hensible], ça t'permet de voir et d'se réorienter
par rapport à soi, par rapport aux bonnes direc-
tions et dans c'sens-là, oui ça peut avancer.
Quand les échecs sont par rapport à une in-
compréhension de certaines institutions... on
peut pas avancer, mais bon, en même temps,
on est dans un monde...

34:52 C - Mais c'qui nous réunit toutes les deux, parce


qu'on s'est pas rencontrées à la Maison des
femmes, et on a pris cet atelier sur mesure toutes
les deux, c'est qu'j'pense qu'on a une vision de l'art
(après c'est un autre débat), qui est assez commune
Louise et moi et qu'on pense que si, à cet endroit-
là, on peut faire des choses absolument
magnifiques en fait. [incompréhensible]... qu'y'a du
sens. Pendant l'art, y'a un vrai message. Et donc, à
la Maison des femmes, c'est pas moi qui fait, c'est
les femmes qui font, mais moi je suis épatée de
c'qu'elles font et du message qui est transmis et de
c'que ça dit du monde, de la société, mais de l'état
du monde surtout. Ça, j'espère qu'on en fait
quelque chose de joli et que ce sera vu après.

35:45 J - Alright, merci beaucoup!

35:54 K - Est-ce que le fait d'être une femme change aussi


la réponse à la question de Jérôme?

36:01 C - Moi j'dis un grand Oui!

30:04 L - Ben oui, oui oui!

19
36:06 K - Est-ce que vous pouvez élaborer un p'tit peu
toutes les deux?

36:11 C- Alors moi, je pense que justement y'a une


manière de créer, de bricoler, de composer qui est
dite très féminine parce que j'suis vraiment une
bricoleuse. C'est-à-dire que ma pratique artistique
est très intime, je fais des choses assez petites; j'fais
pas des choses très démonstratives. Et je pense
qu'aujourd'hui, dans le monde de l'art, c'qui est
reconnu, c'est les choses plus démonstratives, donc
assimilées à des codes plus masculins. Et j'espère
que tout ça est en train de changer et en tous cas,
j'ai envie d'y croire très fort. Mais c'est sûr que les
institutions en tous cas, c'est pas ce type de
pratique artistique ou de manière de faire qui sont
reconnues publiquement aujourd'hui. Et je pense
que Louise et moi... alors Louise a de la technique,
on n'est pas dans la même cour, mais dans la
manière de concevoir, de penser les choses, je
pense qu'on a une manière extrêmement similaire,
très sensible, un peu quand même de bricolage et
pour moi, ces thèmes-là ne sont pas du tout... c'est
des jolis thèmes en fait. C'est des thèmes qui
devraient être ni masculins, ni féminins enfin. Qui
ne devraient pas être féminins en fait. J'pense que
si des hommes s'emparaient de la sensibilité de
tout ça, ça donnerait des choses absolument
merveilleuses aussi.

37:52 L - Moi j'dirais presque que, c'que l'art, la création


soit genrée... effectivement, c'est un grand débat...
peut être bien ou pas bien et que ça laisse tout
ouvert. J'pense qu'une femme peut faire un art plus
masculin et un homme peut faire en art plus
féminin et que y'a des femmes qui vont jouer sur
des zones assez féminines ou explorer des choses
qui sont liées à la féminité. J'trouve que tout ça est
très bien. Où là ça change quelque chose, pour
répondre à ta question, c'est que je pense quand
même que les systèmes institutionnels de l'art sont
genrés très masculins. Ceux qui décident, décident
de façon très masculine. J'sais pas si vous
comprenez c'que j'veux dire. Si on met dans les
valeurs de réussir, d'argent... je pense que ces
décisions-là, cette façon de voir le monde... J'pense
que malheureusement est encore dans les mains de
gens qui voient le monde de façon... j'sais pas si on
peut dire que c'est masculin parce que, tous les
hommes ne sont pas comme ça, c'est très
réducteur de dire ce genre de choses... Mais je
pense que les codes du pouvoir traditionnels sont
encore, au niveau décisionnaire, sont les mêmes en
art.

20
39:26 C - Si, si... Ça vous parle ou pas?

39:32 K - Oui! [rire] Merci, Marie-Frédérique aurait une


question maintenant.

39:37 MF : Bonjour, par rapport à ça, vous dites que le


milieu de l'art est quand même très masculin, est-
ce qu'y'a une différence entre le Québec par
exemple et la France? Est-ce que vous voyez une
différence entre les deux institutions?

39:54 L - Ah si tu m'lances là-dessus! [rires]


Je dirais que sur la planète, on peut dire que je
pense que la vraie égalité n'existe pas nulle
part. Y'a différents degrés et je dirais que la
France ne serait quand même pas dans les
premières places. J'pense qu'y'a beaucoup de
choses à faire au niveau mondial.

Ça fait quand même un bout d'temps que j'suis


partie du Québec. J'aurais du mal à dire si le
Québec... si ses décisionnaires décident en-
core selon certains systèmes ou pas. Ça serait
un peu déplacé d'affirmer des choses là-
dessus.

41:03 MF - Merci!
Je trouve que c'est assez délicat comme question.
Tout d'abord, j'aime vraiment le processus qui vous
a amené à faire le projet avec les femmes qui ont
vécu des situations difficiles, surtout avec la
proximité que vous avez eu avec elle. Je trouve ça
vraiment magnifique les photos et tout. Juste pour
mettre en situation, chaque année, je vais à
l'exposition du World Press Photo à Montréal à la
Place Bonaventure puis, y'a toujours beaucoup de
photos "choc" qui gagnent des prix. Et cette année,
j'ai eu une assez longue conversation avec une amie
par rapport à l'éthique; les différentes intentions
derrières les différentes photos. Et sans
nécessairement être en lien avec le projet que vous
avez à la Maison des femmes, en tant que
photographe, c'est quoi les éléments qui
permettent de différencier selon vous, la
dénonciation de certaines structures sociales, de
permettre l'émancipation par exemple des femmes,
pis d'engager un dialogue, pis des éléments qui
peuvent instrumentaliser la misère par exemple,
avec la photographie, pour en vivre...?

21
42:16 L - Alors moi, je vais être très très très radicale là-
dessus. Je trouve qu'on vit dans un monde où on
fait tout pour enlever le pouvoir, et aux
photographes, et à la photo et à tout. Si tu regardes
les magazines maintenant, y'a beaucoup moins de
photographes qui sont bien payés, les magazines
n'envoient plus de photographes à l'étranger...
Pour être accrédité, en tous cas, je vois par
exemple, pour la guerre de Syrie, pour y aller,
y'avait plus de journaux qui envoyaient des
photographes. C'est-à-dire, les photographes qui y
allaient, ils y étaient pas assurés. Ils risquaient...
voilà. Des photos de migrants dont ils parlent, moi
j'en connais qui en fait... qui sont embarqués dans
des bateaux. Si le bateau coulait, ils coulaient avec
le bateau. Y'a un engagement des photographes qui
font ce travail, que je pense, qu'on peut toujours
juger, qu'ils le font pour eux, n'importe quoi, mais
moi je pense qu'on est dans une ère où il faut
arrêter le jugement parce que c'est tellement facile
de discréditer la photographie parce que tout le
monde le fait. Et maintenant, on n'a même plus le
regard qu'on avait. Et là, je regarde juste en France,
un truc très simple, quand tu vas à Arles voir les
photos de Arles, y'a plus une photo qui est faite par
quelqu'un d'un milieu populaire. Parce que la
photographie journalistique, on n'en vit plus. Ça
veut dire que si on n'arrive plus, y'a plus de
journaux qui payent des photographes pour y aller,
il faut que les photographes payent pour aller faire
des photos... ceux qui font les photos, c'est ceux qui
ont les moyens de le faire. Donc, c'est les enfants
de papa-maman ou des gens qui trouvent des sous
pour aller faire leur projet. Donc QUI regarde le
monde pour dire QUOI? Et puis, plus ça va, plus
c'est comme ça. C'est-à-dire que... regarde les
magazines, les photos que tu vois dans le World
Press... avant c'était des photos envoyées dans les
journaux. Y'en a très peu de ces photos-là publiées.
Les photos sont faites dans des galeries, sont faites
par des gens qui font les photos mais qui les
publient pas nécessairement.

Moi, j'avais un ami dernièrement qui lui, a fait


toutes les guerres du monde et quand il regarde
son relevé dans une agence de presse, il disait :
«Mais voilà, moi quand j'ai fait cette photo-là, j'ai
passé proche de mourir et je l'ai vendue 1 Euro
dans des stocks d'images...» «Et quand j'arrive à la
fin du mois, ça m'permet pas de vivre.»

22
Moi, j'ai des amis qui sont photographes, qui
ont l'hépatite parce qu'ils ont pris une balle
dans des pays où ils ont été mal guéris, qui
n'sont même plus capables de se faire soigner
parce que maintenant, ils sont sur le RSA, la
bénie, parce que les agences sont fermées.
Les situations, alors là je parle même pas pour
pleurer sur les photographes, la situation de la
photographie, on ne se donne plus les moyens
de voir le monde... Et puis j'trouve, là je suis
très militante, je trouve qu'il y a eu une espèce
de culbute pour dire: «Ah! Regardez les mau-
vais photographes, ah ils vont photographier
les misères du monde. Mon Dieu! Mais on n'a
pas l'droit de montrer que les gens vont si mal;
c'est les humilier quand même.» «De quel droit
vous faites ces photos! C'est pas très respec-
tueux!» ... Ben non, c'est ça... On va respecter
tout l'monde, on parlera pas de c'qui s'passe
dans l'monde, on va pas aller montrer les gens
qui meurent de faim et on va pas aller montrer
les injustices, on va pas aller montrer les
femmes victimes, on va être fins, on va respec-
ter tout l'monde, on va rien rien montrer. Puis
on va faire de belles expositions, entre nous,
de choses qu'on a mis en scène, qu'on aura
éclairé, qu'on aura reconstitué. Donc, moi je
pense qu'on est dans un état d'urgence et que
pour l'instant... je ne dis pas que tout ce que les
photographes font est bien; j'ai vu des gens, de
c'qu'on peut dire, se comporter comme des
vautours, mais je vois beaucoup plus de chas-
seurs qui essayent de tuer tous ceux qui es-
sayent de faire des photos, tous ceux qui es-
sayent de témoigner, tous ceux qui essayent
de montrer des choses... Et on peut dire
c'qu'on veut, c'est que, même les fils à papa,
quand on prend son appareil photo pour aller
en Syrie, pis qu'on est sous les bombes, on
veut montrer c'qui s'passe, et que ces photos,
on n'va pas les vendre et que s'il nous arrive
quelque chose et que tu restes handicapé
parce que t'étais pas assuré, je pense que c'est
un peu raide d'aller dire que ces gens-là font de
la photo pour tirer des profits de la misère du
monde. Je pense que la misère du monde, il
faut la montrer, il faut la dire, il faut la proclamer
et que toutes les institutions, les journaux, tout
ce qui représente le pouvoir actuel veut qu'on
ne voit pas... Et qu'on instrumentalise pas les
photographes en disant: «Tiens, tu vas aller
montrer; t'es l'objet du pouvoir.» Ils font tout
pour que tu ne vois pas. J'veux dire, c'qui s'est
passé par exemple, à la Guerre du Vietnam, ce
n'est plus possible, on ne voit plus de photos
de guerre. Si tu veux aller sur la ligne de front,
il faut y aller avec l'armée, tu photographies
c'que les gens veulent que tu photographies. Et
il faut énormément de courage quand même.

23
47:01

47:01 L - Moi même, je n'y vais plus. Moi j'ai été en


Afghanistan, en Irak; dans ces pays-là, je n'y
vais plus parce que je veux pas aller risquer,
ben voilà, de prendre une balle. Mais y'a en-
core des gens qui le font...

47:18 C - Après, pour approfondir sur ta question par


rapport à l'éthique... c'est que nous, on se pose ces
questions-là, dans le cadre de l'atelier, de manière
quasiment obsessionnelle. Par exemple, le livre, ça
fait deux ans qu'on travaille sur ce livre et ça été
une torture: «Oui, mais on peut pas!», «Il faut pas
leur demander...» du coup, «Ce qui reste dans
l'atelier reste dans l'atelier!». Ça été des va-et-vient
et des réflexions permanentes.

47:56 L - Mais comme là, les photos sur mon site ou


les photos que j'vous ai montrées, je les ai pas
envoyées à Karoline parce que je n'avais pas
encore l'autorisation écrite. Maintenant, j'ai des
autorisations écrites, ils savent que c'parce
qu'on fait un livre, un projet.

48:14 C - On a beaucoup réfléchi s'il fallait témoigner


justement du parcours de ces femmes et on a
décidé que c'était bien de le faire, mais que
c'était bien d'le faire si c'était leur livre à elles
avec leurs [mots?], on a fait des entretiens, on
réécrit, mais on n'a rien touché; vraiment leurs
mots. On a décidé de rien toucher. Donc ces
questions-là, elles sont là de manière perma-
nente dans leur travail car moi, j'pense qu'il faut
se les poser. J'pense que c'est important de se
les poser. Et Louise, elle se les pose aussi
même si...

48:53 L - Oui, je parle de façon très générale et


après, je pense que c'est comme chacun,
quand il fait des choses, il vit avec sa cons-
cience et sa façon de faire. Mais je pense que
généralement, il faut dire au photographe [?]
faut faire des photos et que c'est bien de mon-
trer des choses.

24
49:09 C - Parce que c'est facile aussi; on a eu une journa-
liste d'une radio très connue en France, qui est
venue à l'atelier parce qu'elle voulait faire un livre,
mais elle ne voulait que des migrants... Elle est
arrivée à l'atelier, on lui a dit que ce serait pas
possible parce que par contre y'a des gens, en effet,
qui viennent avec une femme, et qui veulent pren-
dre des témoignages de femmes parce qu'elles
veulent faire des livres justement, très "choc". Et
ça, c'est pas possible de faire ça à cet endroit-là
pour nous. Toutes les semaines, on fait en sorte de
protéger ces femmes et de ne surtout pas être
intrusives, de ne pas poser d'questions et y'a des
gens qui font ça. Donc ta question, elle est pour moi
en tous cas, tout à fait valable. Il faut quand même
se les poser ces questions-là.

50:04 MF - Merci beaucoup!

50:17 L - ... poser des questions en partant du World


Press et on parle que de photos. Après, com-
ment est-ce que la presse utilise les choses;
les montrer à la télé, ça, c'est une autre ques-
tion aussi...

50:30 K - Le World Press, pour rentrer, c'est une vingtaine


de dollars par personne. Moi, j'ai toujours refusé de
payer ça. Non pas parce que... oui, y'a le débat
comme tu mentionnais, d'instrumentalisation...
Mais à qui va ce vingt dollar-là? Il va certainement
pas aux photographes... donc, c'est vraiment un
vingt dollar qui s'en va à financer une manière de
faire voyager ces photos à travers le monde et c'est
là pour moi, où elle est l'instrumentalisation. Et
plusieurs de ces photos sont truquées aussi. À
chaque année, y'a toujours des photos qui ont été
sélectionnées, mais qui finalement... les critères de
sélection, c'est justement des critères comme tu le
mentionnais, on instrumentalise la souffrance et là,
c'est une intention qui est assez palpable.

51:23 L - T'as le droit d'envoyer des photos quand elles


sont photoshopées?

51:26 K - Non, ils ont pas l'droit, mais quand ils s'font
prendre... Y'a cet Italien qui s'est fait prendre
avec des photos qui ont été photoshopées pis
y'a une autre personne, voilà deux-trois ans
aussi, si tu fais une recherche google, tu vas
voir, c'est fréquent que World Press, les photos
ont été... t'sais qu'on ait enlevé quelque chose
dans le paysage parce que ça fonctionnait pas,
les couleurs sont boostées au maximum. Bref...

51:51 L - De la triche...

25
51:53 K - Oui, exactement. Mais, c'est aussi parce
que les critères favorisent ça. Mais on pourra
en reparler comme tu dis Louise, c'est une
autre réalité.

53:23 A - Bonjour! Si je me situe bien, vous êtes en France


présentement, c'est ça?

53:32 L - Oui...

53:32 A - Ok, parfait. Ma question: en fonction des pays


d'Afrique qui sont les plus touchés par la violence
des femmes, est-ce que vous comptez, ou espérez-
vous aller dans ces pays pour faire les mêmes acti-
vités de réparer l'intime, soit les bijoux, les photos
ou les dessins?

53:53 C - C'est pas prévu. En fait, il faudrait qu'il y ait des


Maisons des femmes dans ces pays-là. Ce serait
merveilleux, mais malheureusement... y'a des
endroits quand même, je pense... Denis [nom], le
professeur de [nom], en République Démocratique
du Congo, qui a un endroit comme ça qui recueille
les femmes mutilées de guerre et y'a plein d'ac-
tions. Mais c'est vrai qu'on n'y a pas pensé...

54:42 L - Mais moi, en y pensant comme ça vite fait, je


préfèrerais aller former des femmes photographes
ou au dessin, pour qu'elles nous prennent. Parce
que j'trouve que là, on parle de questions très
simples... là, on est des femmes qui viennent de
France... bon, j'me considère pas comme Française,
mais en tous cas, j'vis en France depuis longtemps...
c'est des femmes qui viennent en France. Donc, de
trouver une aide de solidarité c'est une chose, mais
moi, aller en Afrique en disant: «Voilà, je vais vous
aider en Afrique...» J'pense je serais très mal à l'aise
avec ça. C'est-à-dire, quand elles viennent ici, on a
des codes ici... moi, j'peux les aider à s'intégrer
aussi... Des trucs très simple: on fait très attention à
comment on s'habille nous, le lundi matin. Ben ça
leur fait plaisir aussi de voir qu'on est bien habil-
lées, ça leur donne envie. Je pense que je peux les
aider à les regarder, à travailler, à s'intégrer dans
cette société qui les accueille. Moi personnelle-
ment, je me verrais mal aller là...

26
55:56 C - Parce que j'pense aussi qu'ici, on joue
aussi un rôle de passerelle. C'est-à-dire, entre
leur pays d'origine et ici. Alors évidemment, on
connait pas tout. Moi, j'ai habité en Afrique un
p'tit peu, au Cameroun; j'ai cette expérience-
là... J'ai une soeur qui est Haïtienne, qui est
adoptée. J'ai une petite expérience personnelle
et puis, les femmes entre elles aussi, y'a des
femmes plus intégrées que d'autres... et du
coup, notre rôle aussi, c'est d'créer du lien et
de leur montrer que c'est pas parce qu'elles
sont en France qu'elles ont perdu leurs origines
et de montrer aussi que c'est possible... parce
que moi, j'crois beaucoup en ça, c'est-à-dire
qu'elles peuvent vivre en France, adopter des
codes de la France, mais sans renier c'qu'elles
sont. C'qu'elles sont, elles le sont et elles le
perdront pas... J'pense que c'est important que
ça ait du sens, qu'on les aide à trouver un peu
de cohérence dans tout ça. Parce que j'pense
que parfois c'est très compliqué, surtout quand
on vient d'arriver dans un pays, on ne sait plus
trop où on habite... et d'avoir des personnes
ressources, une fois par semaine qui sont là,
bienveillantes, chaleureuses et qui donnent des
p'tites choses, c'est petit, on l'fait à notre me-
sure; on leur sauve pas la vie à ces femmes,
mais on fait un p'tit peu et j'pense que c'est
beaucoup. C'est vrai que si on était en Afrique,
ça aurait peut-être un peu moins d'sens.

57:36 L - En tous cas, peut-être que l'atelier aurait du


sens en Afrique, mais donné par d'autres per-
sonnes. Moi, je pense que c'que j'peux leur
donner, en étant en France, en étant moi-
même immigrée et... savoir c'que c'est que de
pas vivre dans son pays, je pense que y'a
beaucoup d'éléments comme ça qui fait peut-
être... qui fait partie de notre recette à nous.
Donc, j'pense qu'on pourrait effectivement
donner la recette à d'autres centres en Afrique,
mais j'pense qu'il faudrait qu'ils la fassent avec
leurs épices à eux. J'aurais des gros doutes, ça
serait intéressant à voir... j'aurais des gros
doutes de savoir si mon apport serait aussi
pertinent... j'suis pas certaine.

58:22 C - J'pense qu'y'a quelque chose qui fonction-


nerait de l'ordre de la création du bijou, de la
photo... ça leur plairait, y'a quelque chose qui
fonctionnerait, mais pas tout à fait de la même
façon que là, à la Maison des femmes. Mais
j'pense, je suis pas aussi catégorique que
Louise... faudrait essayer.

58:45 A - Merci!

58:57 S - Bonjour! Ma question: que pensez-vous de


la place de la censure dans la presse ou bien
dans le milieu artistique, que ce soit au niveau
du corps humain ou bien, d'autres choses.

27
59:10 L - Ah moi, j'pense qu'il doit avoir aucune cen-
sure, d'une part. Mais qu'il doit [y] avoir de
l'éthique.

On fera un autre cours là-dessus! On peut en


parler longtemps.

59:40 P - Je trouve vos photos vraiment magnifiques


et je voulais savoir sur quel procédé vous vous
basez pour rendre des photos qui sont quand
même puissantes avec un message lourd der-
rière, en photos qui paraissent assez légères et
douces?

59:56 L - Les photos des femmes? Écoute, ça m'a


pris du temps, parce qu'étonnamment, j'ai pas
pensé comme ça. L'année dernière, j'avais pas
d'fond (le tout noir), j'avais un fond gris et c'était
vraiment moins intéressant. Et puis après, j'ai
un éclairage [?], mais pour les femmes, y'a
quand même l'idée du studio photo. Donc, y'a
quand même l'idée qu'il y a quelque chose de
professionnel dans la façon de les prendre en
photo et donc, ça j'pense que ça aide. Et après,
il est arrivé un truc, presque de hasard, y'a un
velux, un velux c'est une fenêtre au plafond à la
Maison des femmes, et à une certaine heure
au mois de septembre, ça commence à peu
près au mois de mai-juin, on arrête l'été, et
septembre, y'a une lumière particulièrement
avec laquelle j'ai commencé à travailler. Et ça,
quand j'ai trouvé cette lumière-là, ça m'a fait
comme une porte. Et après, j'ai reproduit la
même lumière avec des éclairages. Du coup, je
travaille beaucoup là-dessus. Les photos que je
vous ai montrées sont toutes à peu près sur
cette idée, et ça, ça marche bien.

1:01:20 C - Et moi, ce que j'trouve aussi intéressant


c'est justement cette confrontation entre la
douceur dont tu parles et leur réalité parce que
justement, ces femmes, ce sont pas que des
femmes violentées, c'est aussi un autre aspect
d'elles-mêmes. Moi, j'trouve ça justement as-
sez intéressant de leur monter ça d'elles.

Louise, elle pourrait faire, je suis certaine, des


photos plus dures. D'ailleurs, y'en a des photos
plus dures, mais c'est vrai que c'est pas celles
qu'on trouve les plus intéressantes. Et moi,
j'trouve ça assez fort justement cette ombre et
cette lumière à la fois. J'aime bien ça. Et dans
le livre, j'pense que c'est ça qu'on aimerait
donner à voir. Parce que les témoignages sont
très forts et assez durs... et puis de l'autre côté,
y'a de la douceur dans les dessins. C'pas parce
que c'est doux que c'est pas fort et que c'est
pas puissant. La douceur peut franchement
être très puissante.

1:02:46 P - Super, merci beaucoup!

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1:03:05 K - [Remerciements]

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