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l’intérêt ou les choix proclamés envers cet ensemble de pays dits
sous-développés, en (voie de) développement, ou encore du tiers
monde.
L’économie du développement s’intéresse à des pays
pauvres, dans une première approximation. Elle trace une fron-
tière dans la géographie en fonction d’un degré de richesse.
Entre le critère du revenu par tête (Banque mondiale) et l’indi-
cateur composite du développement humain, l’IDH, de l’Organi-
sation des Nations unies (qui ajoute, au revenu, l’espérance de
vie et le niveau d’éducation), ce simple exercice de mesure pose
déjà quelques problèmes fondamentaux sur la définition et les
objectifs du développement. Avec le premier critère, celui du
revenu par habitant, le seuil de 9 266 dollars (2000, BM) trace
la frontière nord-sud, entre pays à revenu élevé et pays à revenu
moyen ou bas. Le regroupement des pays les moins avancés,
PMA, à partir d’un triple critère — pour la CNUCED, revenu
inférieur à 900 dollars (2000), et indicateurs composites relatifs
à la santé et à l’éducation ainsi qu’au degré de diversification des
structures économiques —, est utilisé notamment pour l’affec-
tation des dons et crédits concessionnels (à taux nul ou faible)
des organisations internationales ; les nouveaux pays indus-
triels regroupent un ensemble variable de pays (première et
seconde générations) à forte croissance qui exportent des
produits manufacturés, mais, à cette appellation, tend à se subs-
tituer celle de pays émergents (du Sud, et pays dits en transition
vers l’économie de marché) ou celle de marchés (financiers)
émergents, dans une optique de mondialisation…
Malgré ces précisions, le classement par niveau de revenu
— faible, intermédiaire, élevé — n’est pas toujours éclairant :
dans la catégorie faible, l’Inde côtoie le Bénin. C’est toutefois
sur cette base que repose l’idée que développement = crois-
sance, croissance en termes de revenu (ou de produit) moyen par
tête. C’est également par ce biais de la mesure que l’on introduit
la dimension temporelle : il y a les pays « avancés » et les pays
« en retard ».
Si l’on se fie à cette délimitation de leur champ, les théories
économiques du développement auraient un objet défini par la
géographie, avec la croissance comme thème central. Sous cet
angle, il n’y a pas d’économie du développement à proprement
parler, il n’y a que de l’économie comparative. Ce débat est
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récurrent, bien que les termes s’en soient modifiés au fil du
temps.
Les spécificités
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la discipline, tout en n’étant qu’une théorie parmi d’autres, avec
les prémisses qui lui sont propres.
Deux périodes
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aussi instructifs que les succès. En évacuant la dimension tem-
porelle, si présente dans les analyses de la première période,
celles de la seconde découvrent les différenciations culturelles.
L’Afrique « refuse » peut-être le développement, alors que
l’Asie (des NPI) le magnifie ; l’Amérique latine suit des
parcours à épisodes ; la Chine et l’Inde, immensités conti-
nentales, cheminent tellement à leur manière qu’il faut être spé-
cialiste pour en parler ; et, dans ce tiers monde, que l’on présente
comme divers aujourd’hui mais qui l’a toujours été, les indus-
trialisations ont ajouté quelques écarts supplémentaires. Fondé
sur un postulat de spécificités communes à un ensemble de pays,
ancré dans une conception évolutionniste du progrès et de la
modernité, le paradigme de la première période est en cours de
recomposition.
Quel peut être le projet collectif du développement, sa défi-
nition et sa finalité ? Comment concilier efficacité économique
et équité ? Quel traitement réserver aux activités dites infor-
melles ? Ces questions, qui ne sont pas nouvelles, sont reposées,
cette fois, sans référence à des pays modèles (ou repoussoirs)
historiques. Elles obligent toujours l’économiste à adapter les
outils et les problématiques théoriques habituels et à explorer les
frontières des concepts qu’il utilise — marché, salaire, capital,
prix, etc. Dans l’intervalle, les fondements microécononomiques
des théories néoclassique et keynésienne se sont renouvelés.
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renouvellement théorique, ou à cet ensemble de facteurs
conjugués, la réflexion sur le développement est clairement
engagée dans de nouvelles directions depuis le début des années
quatre-vingt-dix. L’« humain » fait une entrée remarquée dans
la littérature en prenant appui sur les théories de la croissance
endogène (le capital humain) et sur celles qui associent éthique
et économie (le développement humain). Le débat État-marché
se renouvelle avec les théories du marché des nouveaux clas-
siques, ou avec les thèses néokeynésiennes et institutionnalistes
des contrats et des organisations.
Ce qui caractérise les nouvelles approches, c’est la dilution
des spécificités dans des fondements microéconomiques
renouvelés ; c’est aussi le glissement de la notion d’agents repré-
sentatifs (pour l’agrégation comptable ou modélisée) vers celle
d’acteurs de plain-pied dans l’économie de marché ; c’est éga-
lement une optique hic et nunc, sans lendemains qui chantent,
sans l’utopie rationalisable que recouvrait le développementa-
lisme. Néanmoins, comprendre le processus global par lequel
« les augmentations quantitatives des variables économiques
(telles que le capital et le travail) interagissent avec les cultures
et les institutions de telle manière que le développement du
système social engrange des accroissements plus rapides du
revenu par tête » [Yujiro Hayami, 1997, p. 9], reste un chantier
ouvert, cette fois à partir de l’expérience acquise.
La question de savoir s’il existe ou non un champ acadé-
mique du développement est devenue secondaire quoi qu’en
pense Paul Krugman [1993]. Cet objet d’étude a contribué,
comme les autres, à l’évolution de la théorie économique dans
son ensemble, comme le rappelle Pranab Bardhan [1993].
Comme on le constatera, l’optique mondiale occupe une place
notable dans cet ouvrage à deux pôles — celui des questions
relatives aux marchés des produits primaires, et celui de l’éco-
nomie politique de la mondialisation avec ses débats actuels.
Néanmoins, sous ce deuxième volet, l’accent est mis sur le fait
que l’intégration internationale des PED ne résulte pas d’une
marche inéxorable du marché à l’échelle mondiale, mais de
choix de politiques économiques nationales, si dictées par
l’extérieur soient-elles.