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L’OBJET A DE LACAN, SES USAGES

Colette Soler

EPFCL-France | « Champ lacanien »

2007/1 N° 5 | pages 77 à 84
ISSN 1767-6827
ISBN 9782916810027

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L’objet a de Lacan, ses usages


Colette Soler

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Nous avons dit « L’objet a de Lacan » parce que c’est lui qui en a produit
la notion, qui a construit sa logique, sa topologie et dégagé ses fonctions.
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Cela ne veut pas dire pourtant que celles-ci ne soient en œuvre que dans
une psychanalyse que l’on dirait lacanienne. L’objet de Lacan est partout,
de la même façon que l’inconscient, que l’on dit freudien, est partout.
L’homologie est assurée. L’inconscient est freudien parce qu’il ne peut
être interrogé comme un savoir que grâce au procédé inventé par Freud.
Cependant, pour être freudien, l’inconscient n’en est pas moins partout où
est l’être parlant, c’est-à-dire où l’instinctuel tombe sous le coup de l’effet
de langage. Mais si l’inconscient parle depuis toujours et s’il se déchiffre
depuis Freud comme un langage, cela ne dit pas ce qui le fait parler.
Réponse avec la théorie de l’objet a qui est le corrélat de l’inconscient
langage, et qui vise à rendre raison de ce qui « fait effet » dans la structure
de langage. Cet objet se situe donc du côté de ce que Freud désignait
par les termes de libido et d’énergie. On pourrait dire qu’avec lui, c’est le
moteur de la vie psychique aussi bien que sociale qui est en question.
Car il est partout, et pas seulement dans la psychanalyse. Dès 1970,
dans « Radiophonie », Lacan diagnostiquait, je cite : « la montée au zénith
social de l’objet dit par moi petit a  1 ». Et la notion de discours est une
condensation théorique : aux trois termes  ,  et  , avec lesquels Lacan
a retraduit l’inconscient freudien, la théorie ajoute le quatrième, l’objet a,
toute réalité, aussi bien subjective que sociale ayant structure de discours.
C’est pourquoi on peut poser la question de l’objet a et de ses fonctions
différentielles dans la civilisation et dans la psychanalyse, comme nous
l’avons fait dans le séminaire de l’EPFCL 2005 / 2006. Je m’en tiens cepen-
dant ici à la psychanalyse.

 Lacan J., « Radiophonie », in Autres écrits, Paris, éd. du Seuil, 2001, p. 414.


78 L’objet a de Lacan, ses usages

La psychanalyse est freudienne par essence, elle n’existe qu’à condi-


tion qu’il y ait des analysants qui mettent en œuvre le procédé freudien,
ce procédé singulier qui use d’une parole transformée côté analysant
(association libre) aussi bien que côté analyste (interprétation), et dont la
visée n’a rien à voir avec ce qui est en vogue actuellement dans la parole
de confidence ou de témoignage. En ce sens, toute psychanalyse reste
d’abord freudienne.
Par contre, le psychanalyste en tant qu’objet, il est… lacanien. La
fonction du psychanalyste dans la psychanalyse est en question depuis le

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début c’est-à-dire depuis plus d’un siècle. Sa participation de parole dans
le dispositif est définie depuis l’origine par le terme d’interprétation, mais
ça ne résout pas la question de savoir quel est le facteur économique et
libidinal qui soutend le pouvoir de l’interprétation. La question s’est posée
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très vite, bien avant Lacan, quand les analystes ont commencé à buter sur
les limites des effets de l’interprétation. Avec l’analyste faisant fonction
d’objet a, Lacan a apporté à cette question la seule réponse cohérente, je
veux dire conforme à la structure de discours. Ça revient d’ailleurs à dire
que le discours analytique, tel que Lacan l’écrit, avec l’objet à la place de
l’agent, est par nature freudo-lacanien.
Freud a reconnu l’analyste objet du transfert, certes, mais il n’est pas
parvenu à dissocier celui-ci du signifiant maître. Il a souvent incité les
analystes à ne pas abuser de leur pouvoir transférentiel pour diriger
le patient, mais en 1938, dans Abrégé de psychanalyse, son dernier texte,
inachevé, Freud écrit encore : c’est « en devenant pour le patient une
autorité et un substitut de ses parents, un maître et un éducateur que
nous pouvons lui être utile 2 ». Autrement dit, l’objet du transfert est resté
pour Freud ce que nous appelons l’Autre, avec un grand A. Inventant
l’objet a, Lacan n’a pas réinventé l’analysant, mais il a réinventé l’analyste.
Encore faut-il ajouter que ça se joue en acte, car il est patent que la théorie
de l’objet qui est maintenant à la disposition de tous, est bien incapable,
à elle seule, de produire des analystes en acte, et il n’y en a pas d’autres,
d’analystes.
Voyez l’ironie de la petite histoire. Du côté de l’IPA, ils se disent
freudiens, et bruyamment. C’est pour contester la qualité d’analyste à
ceux qui se disent lacaniens. Mais, un prêté pour un rendu, du point
de vue lacanien, avec la conceptualisation de l’objet a, celui qui se dit

 Freud S., Abrégé de psychanalyse, Puf, 1964, p. 50.


L’objet a de Lacan, ses usages 79

seulement freudien s’avoue être resté un suppôt de l’Autre et ça le conduit


à une position que je dirais de co-associant, ou de co-penseur comme dit
l’un d’eux, là où il faudrait faire fonction de l’objet cause — qui, lui, opère
en silence, qui ne pense pas, mais fait penser. Les conséquences de cette
proposition sur l’interprétation sont évidemment immenses, mais je n’y
entre pas ici.
Sortons de la petite histoire : pas moyen de situer le cours d’une analyse
et sa fin sans cet objet a.
Comment parler de cet objet spécial, écrit d’une lettre ?

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Tout comme l’inconscient-langage, il est constituant du parlêtre, mais
au titre de ce qui lui manque 3. Et pourtant, il est aussi la voie, le rail 4 par
où ses plus-de-jouir viennent au parlêtre. Ses précurseurs dans l’histoire
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de la psychanalyse sont l’objet originairement perdu de Freud, les objets


dit partiels de la pulsion, et l’objet transitionnel de Winnicott, comme
« emblème 5 », dans la réalité, de l’objet cause. Je précise : l’objet a, « est ce
qui manque 6 », par la faute du langage. À vrai dire, ce manque n’est lui-
même pas simple car l’objet manque à la fois dans l’imaginaire, dans le
symbolique, dans le réel, aussi bien que dans le nœud qu’ils forment entre
eux. Bien distinct donc de l’objet des dites relations d’objet à partir duquel
on a pensé le transfert, et qui est l’objet visé de la réalité. Dès le départ,
contre l’accent mis sur cette relation d’objet dans le mouvement analy-
tique, Lacan a souligné que ce qui importait c’était le manque d’objet, et il
signe en 1976, avec l’expression que je viens de citer.
Un pas de plus : l’objet a c’est ce qui manque, et que tout ce qui ne
manque pas, pour cause de discours, cherche à faire oublier. Dans le
discours commun, dit discours du maître où le  ordonne la réalité aussi
bien psychique que commune, le sujet est un sujet complété qui ne pense
pas son manque, car le discours s’emploie au comblement de la béance.
Sans cette opération de comblement, on ne comprendrait pas que l’uni-
versel de la castration ait pu être méconnu si massivement jusqu’à la
psychanalyse. Et pas non plus que certains auteurs contemporains, pas

 Lacan J., « Préface à l’édition anglaise du séminaire XI », in Autres écrits, Paris, éd. du Seuil,
2001, p. 573.
 Lacan J., « Postface au Séminaire XI » : « L’objet a tel que je l’écris c’est lui le rail par où viennent
au plus-de-jouir ce dont s’habite, voire s’abrite la demande à interpréter. » ( L e Séminaire,
Livre XI, Paris, éd. du Seuil, 1973, p. 252).
 Lacan J. « Subversion du sujet et dialectique du désir », in Écrits, Paris, éd. du Seuil, 1966,
p. 814.
 Lacan J. « Préface à l’édition anglaise du Séminaire XI », op. cit. p. 573.
80 L’objet a de Lacan, ses usages

plus bêtes que d’autres, brocardent le manque et tout au contraire croit


être modernes en soutenant que désormais nous sommes dans ce qu’un
film appelle The Land of plenty. Voyez un Sloterdijk et quelques autres
dans la psychanalyse.
C’est que, selon les discours et les individus, il y a des usages divers de
l’objet a, et des façons de le manier, c’est à dire de le faire servir. Car il sert
l’objet a, c’est l’expression de la « Note aux italiens », en 1974, et on peut le
faire servir. Lacan a déplié tout un vocabulaire instrumental à son sujet.
À quoi sert-il ? Primairement, c’est-à-dire hors de la psychanalyse, je

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dirais en condensé qu’il sert d’abord à se faire être. Le sujet naturel, celui
que je dis complété, que Lacan définit par son « Je ne pense pas », sous-
entendu,  « je suis », n’est nullement inerte. Loin de là. Il fait bel et bien
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servir l’objet a. À quoi ? À sa mise en jeu dans la pulsion dont s’enveloppe


l’objet, la pulsion par quoi, je cite : chacun « se vise au cœur et n’y atteint
que d’un tir qui le rate 7 », autrement dit, chacun cherche à se faire être,
mais sans y parvenir. Reste alors… à recommencer. C’est cette répétition,
laquelle n’a rien de pathologique, qui est à la base de tout dynamisme,
qui fait support à quelque chose de bien connu de chacun d’entre vous.
Je parle de ce que Freud assignait comme l’objectif thérapeutique à l’ana-
lyse : rendre, disait-il, au sujet sa capacité à travailler et à aimer. Lacan
reformule : l’objet a qui manque, fait support aux « réalisations les plus
effectives », voilà pour le travail, et aux « réalités les plus attachantes »,
voilà pour l’amour. Autrement dit — je l’avais commenté naguère —
aux « œuvres » au sens classique, ce que chacun fait dans sa vie, et aux
amours, en effet bien attachantes, lesquelles conjuguées — les œuvres et
les amours — assurent « l’arbre généalogique », dit Lacan, soit l’inscription
dans la filiation et la mémoire humaine. Et on sait que rien ne déchaîne
plus d’acharnement chez les sujets. Il n’y a pas à y redire, sauf que ça ne
fait pas un analyste, car le discours analytique suppose un autre usage
de l’objet, qui conduit à un autre résultat, lequel n’exclut d’ailleurs pas
forcément le premier, mais doit s’y ajouter.
Cet autre usage, en fait, c’est un usage inversé que l’écriture du discours
analytique rend visible. Pour ce qui est de l’objet, à l’inverse du discours
du maître, le discours analytique « manque à sa production », il procède à
son « évidement 8 », comme le dit Lacan dans « Radiophonie ». Déjà en 1967,

 Lacan J., « Note italienne », in Autres écrits, op. cit., p. 310.


 Lacan J., « Radiophonie », op.cit, p. 414.
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dans le « Compte rendu du séminaire sur l’acte 9 », il parlait du lien analy-


tique comme d’une « dé-aïfication 10 ». C’était la même idée de soustraction,
pour parer à l’usage de complémentation. D’où d’ailleurs, l’effet d’angoisse
qu’il produit à l’occasion. C’est angoissant de le voir faire l’analyste, notait
Lacan. J’ajouterais, du moins s’il « décharite » comme c’est sa fonction,
car aujourd’hui, sous la pression du discours, beaucoup pensent plutôt à
montrer avec quel bon cœur ils accueillent la souffrance contemporaine.
Je souligne le caractère paradoxal de l’offre de l’analyste au regard du
discours commun. Il offre l’objet à son analysant, mais cette offre consiste

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à soustraire plutôt qu’à ajouter. L’art d’offrir l’objet qui manque, se réper-
cute sur tous les aspects de l’action analytique. Je vais en décliner trois
qui me paraissent essentiels au niveau de la demande, de l’interprétation,
et du temps.
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J’ai déjà eu l’occasion de souligner que c’est une offre qui passe par du
refus. Encore faut-il dire lequel.

1.  Le refus, Lacan l’a d’abord situé par rapport à la demande que
génère l’amour de transfert, demande intransitive qui est foncièrement
demande de rien de particulier. Il rejoint là l’affirmation constante de
Freud, disant que l’analyse ne peut se faire sans le maintien d’un certain
degré de frustration.
Cependant, ce refus ne consiste pas plus à frustrer qu’à gratifier la
demande transférentielle, car ça reviendrait au même par rapport à ce
qu’il s’agit de faire valoir, à savoir le désir inconscient qui circule dans
cette demande, et qui conduit tout droit à ce qui le fonde, ce désir, à savoir
la castration. Ce refus, je pourrais presque dire cette abstinence de l’obla-
tivité charitable, laquelle est bien sympathique mais sans effets analyti-
ques, est la réponse d’un « dire que non ». Le dire que non se distingue
du dire non, et il n’est ni contradiction, ni négation, ni correction : il vise
ailleurs. Voyez sur ce point « L’étourdit ». Le silence de ce dire que non
insatisfait la demande d’amour, mais en fait il satisfait au sens insistant
de cette demande, tel que Lacan l’a situé, ce sens, dans une belle formule :
« je te demande de refuser ce que je t’offre parce que ça n’est pas ça. »

 Lacan J., « L’Acte psychanalytique, compte rendu », in Autre écrits, op.cit, p. 375-383.


10 Ibid, p. 379.
82 L’objet a de Lacan, ses usages

2.  Ce « dire que non » opère aussi bien dans l’interprétation qui répond
à la production analysante. Puisque je dois aller vite, je ne retiens qu’une
seule formule : « Il n’y a qu’à plus-en-dire que réponde le pas-assez 11 ». Là
encore vous voyez le renversement. Dans le dialogue analytique, orienté
par l’objet cause, le pas assez ne sanctionne pas un trop peu de dire, mais
au contraire, un plus-en-dire qu’il relance, encore. Jusqu’où et comment ?
Pour ce qui est du comment, ce pas assez de relance se distingue du tout
au tout du « peut mieux faire » cher aux professeurs de nos écoles, que
vous connaissez tous, car le pas assez dans l’analyse répond à celui qui

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a déjà « fait au mieux ». Mais comment se véhicule ce « pas assez » ? Il ne
s’énonce pas, évidemment. Et si nous suivons Lacan, l’instrument de ce
pas assez, est l’interprétation a‑sémantique, équivoque, qui en fait ne dit
rien, mais intervient dans le dire de l’analysant. C’est ce mode d’interpré-
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tation qui fait croire que les analystes n’interprètent plus, ce qui est une
aberration. Mais il est vrai qu’ils interprètent autrement. Que vise-t-elle
cette autre interprétation ? Lacan l’a évoqué sur bien des années, avec des
expressions très diverses, mais toutes réfèrent à une coupure dont il a
tenté de construire la topologie, et qui détache, ou plutôt sépare, l’objet et
le savoir supposé. C’est une opération au cœur du transfert, je pourrais
presque dire une chirurgie d’extraction, qui fait passer la coupure entre
tout ce qui fait savoir et ce qui reste hors, qui ex-siste à ce savoir.

3.  Incidence de l’objet dans le temps de l’analyse et de la séance.


Tous les analystes admettent que l’analyste est objet, même si Lacan
est le seul à avoir élaboré la théorie de l’objet a, et tous postulent aussi, je
crois, qu’une fois mis en fonction, cet objet du transfert a une incidence
sur toute l’économie libidinale du patient, pas seulement durant le temps
des séances. Il suffit de lire la littérature analytique : tous conviennent
que dès qu’un sujet entre en analyse, toute sa vie libidinale se trouve
réordonnée par ce nouvel objet et qu’il n’y a donc pas moyen d’être en
analyse sans y être à temps plein. Ça donnerait même à penser que l’ana-
lyste cause du transfert est un objet plutôt ubiquitaire, qui suit le patient
en tous lieux. D’où la question de savoir, s’il est partout, de savoir ce qui
fait le poids de son acte en présence dans la séance.
Tout le courant de ceux qui se disent freudiens aujourd’hui s’emploie,
selon leurs propres termes, à « analyser le transfert », tout en refusant de

11 Lacan J., « …ou pire », Scilicet 5, éd. du Seuil, 1975, p. 9.


L’objet a de Lacan, ses usages 83

considérer le temps comme une de ses données constituantes. Analyser


le transfert revient à signifier à l’analysant à peu près ceci : « tout ce que
tu me dis, dit ce que je suis pour toi », et du coup toutes leurs interpré-
tations sont subsumables sous une formule générale : « voilà ce que tu
me dis que je suis pour toi ». Seulement l’objet a, c’est ce qui ne peut se
dire. L’interprétation du transfert est une voie possible pour faire défiler
et extraire les signifiants et les significations susceptibles de répondre à
la question du désir inconscient, au « che vuoi ? » ou au « que suis-je ? », et
pour faire produire à la cure les coordonnées de ce qui anime les quêtes de

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l’analysant. C’est donc une interprétation qui se tient au même niveau que
le déchiffrage élément par élément, qui lui est homogène et qui ne peut
saisir de l’objet que ce qui en est prédicable, à savoir en gros les signifiants
des partenaires idéaux, ou des objets dits partiels de la pulsion, avec les
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significations afférentes. Autrement dit, elle se limite aux coordonnées


inconscientes imaginaires et symboliques de l’objet d’amour, mais elle rate
l’objet a. Or, c’est lui qui commande au temps. Je l’ai développé ailleurs,
séance à durée fixe, variable ou séance écourtée, du moins telle que je
l’ai vu maniée par Lacan, obtiennent les mêmes résultats pour ce qui est
du déchiffrage élément par élément de l’inconscient, mais elles diffèrent
quant au traitement du transfert, qui est, je cite, « une relation essentielle-
ment liée au temps, et à son maniement 12 ».
La séance courte, et c’est le point capital, n’empêche nullement,
comme certains le disent, la déclinaison bribe par bribe des éléments de
l’inconscient. Bribe par bribe : c’est l’effet des scansions. Ces effets sont à
certains égards incalculables, mais les éléments qui s’en déposent et que
la scansion permet d’extraire, sont, eux, limités et objectivables. Que sont
ces éléments de l’inconscient que nous cherchons à extraire dans le flux
de la parole analysante — car la parole est un flux et pas seulement dans
l’analyse ? Ils sont en nombre limité et de deux types, sans compter le
silence. Ou bien ce sont des unités sémantiques (phrases ou séquences de
phrases qui bouclent leur signification sur un point de capiton), et nous
obtenons alors ce que je vais appeler une unité conclusive sur une part de
ce qui s’est dit dans le flot de la parole. Ou bien nous isolons des unités
a‑sémantiques, par coupure, soit que nous extrayons un signifiant de son
contexte, soit que nous interrompions la chaîne avant son point de chute
final (pratique fréquente chez Lacan). Alors nous obtenons une unité,
non pas conclusive, mais plutôt a‑sémantique et que je vais appeler unité

12 Lacan J., « Position de l’inconscient », in Écrits, éd. du Seuil, 1966, p. 844.


84 L’objet a de Lacan, ses usages

suspensive. Quelle que soit la durée d’une séance, son point arrêt est, ou
bien un arrêt conclusif, si petit soit-il, ou bien un arrêt suspensif. Sur ce
point, et sur ce point seulement, je fais remarquer que séances courtes ou
longues sont à égalité. Au bout d’une minute ou de trente ou de quarante,
pas d’autre choix : c’est ou l’unité conclusive, ou l’unité suspensive. Et si
c’est le silence, il est lui-même suspensif.
L’objet a, dont il n’y a pas d’idée, qui n’a pas d’image et dont la consis-
tance est purement logique ne peut s’approcher en pratique que parce
que c’est lui qui commande au temps. Sans lui, la séance courte est

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impensable, qui fait passer en acte la ligne de coupure entre la dimension
prédicable de l’objet et sa dimension réelle, impossible à verbaliser : « je ne
peux dire ce que tu es pour moi… » Cet impossible à prédiquer, comment
le nommer sinon réel ? Cependant, attention, dire l’objet réel ne conduit
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pas à ce que je pourrais appeler, par analogie avec la théologie négative, à


une objectologie négative, ce que Lacan nommait « la mystagogie du non
savoir ». C’est que cet imprédicable est aussi une cause qui stimule, qui
ne laisse pas tranquille, qui opère dans l’économie du sujet, hic et nunc.
Passé tout ce qui peut se dire, ce reste innommable de l’élaboré, cet ab‑jet
ne se fait valoir que dans l’acte de la coupure ponctuelle où la présence
de l’analyste reste seule à représenter ou à présenter, l’irreprésentable.
Ce pourquoi Lacan dit qu’à la fin, au-delà de tout ce que l’on a pu dire,
l’analyste est réduit à cet objet. Pour l’analysant arrivé là, à cette séparation
entre supposé savoir et objet, il ne reste plus qu’à se séparer du représen-
tant incommode. Et pour ça, « faut le temps », encore.

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