Академический Документы
Профессиональный Документы
Культура Документы
homme-machine
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 1
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
1. Démarche méthodologique bles. La définition de ce modèle peut s’appuyer sur des méthodes
d’analyse largement répandues dans le milieu industriel. On distin-
gue deux types de méthodes :
Une démarche méthodologique globale d’analyse, de conception (i) les méthodes d’analyse de système en fonctionnement
et d’évaluation de systèmes homme-machine a été mise au point au normal ;
Laboratoire d’Automatique et de Mécanique Industrielles et Humai-
nes (LAMIH, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis), (ii) les méthodes d’analyse de système en fonctionnement
et validée dans le cadre de plusieurs projets industriels. Elle com- dégradé.
prend deux phases séquentielles (figure 1) : De telles méthodes sont présentées dans le paragraphe 2.
(1) une phase descendante d’analyse et de conception du système
homme-machine qui aboutit à une mise en œuvre sur site ou à une Ces méthodes sont utiles pour identifier chacun des modes de
simulation ; fonctionnement normaux et anormaux du procédé. Dans le cas d’un
fonctionnement anormal, elles permettent par exemple de détermi-
(2) une phase ascendante qui consiste en l’évaluation du système ner les parades à mettre en œuvre pour compenser celui-ci, ces
homme-machine. parades pouvant être confiées aux opérateurs humains en salle de
Ces deux phases sont résumées ci-dessous. contrôle, ce qui débouche sur la définition des tâches humaines
prescrites (qu’elles soient manuelles ou interactives) dans le sys-
tème homme-machine. Cette définition doit être cohérente avec les
limites et ressources cognitives des intervenants humains concer-
1.1 Phase descendante d’analyse nés par les différentes situations, normales et anormales : opéra-
et de conception teurs, rondiers, personnel de maintenance, etc. Le but de ce travail
est de se rapprocher des connaissances de l’opérateur de supervi-
sion et de rechercher la sémantique des situations à considérer, afin
Dans cette phase, la démarche consiste d’abord à analyser le pro- de guider la réalisation (i) des outils d’aide aux tâches de supervi-
cédé et son système de contrôle pour en déduire les modes de fonc- sion, et (ii) des interfaces homme-machine, en fonction des besoins
tionnement et de dysfonctionnement prévisibles. Ainsi, il convient probables des intervenants humains. Le paragraphe 3 est consacré
d’abord de dégager les contraintes techniques (dynamique, sécu- à l’analyse et la modélisation des tâches humaines et des interve-
rité, etc.) selon les différents contextes de fonctionnement prévisi- nants impliqués dans le système homme-machine.
Caractéristiques techniques et
objectifs du procédé
Contextes de
fonctionnement du
Phase ascendante d'évaluation
procédé (normaux,
anormaux) Analyse du procédé et Modèle général
du système de contrôle
des activités humaines
Tâches à réaliser (limites, ressources)
Objectifs de l'évaluation
Figure 1 – Démarche méthodologique d’analyse, de conception et d’évaluation de systèmes homme-machine (adaptée de [1] et [50])
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 3
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
Les besoins en assistance, découlant de l’analyse des tâches déplacements, par exemple pour aller chercher des informations
humaines, ont pour conséquence le choix d’un degré d’automatisa- dans des documents papier ou électroniques), ses stratégies visuel-
tion pour chaque tâche identifiée. Cette analyse conduit en outre les par des méthodes oculométriques, sa charge de travail, etc. De
l’équipe de conception à recenser les différentes situations pour les- nombreuses méthodes d’évaluation sont expliquées dans la
quelles les opérateurs doivent réaliser des tâches spécifiques plus partie 6.
ou moins complexes. Pour chacune des situations, il importe de
choisir les outils et fonctions (gestion d’alarmes, graphiques, statis- Les entrées et les actions des opérateurs, ainsi que leur comporte-
tiques, modules basés sur des méthodes issues de l’intelligence arti- ment gestuel et visuel, sont analysés et si besoin rejoués en différé
ficielle ou de la recherche opérationnelle, etc.) qui aideront la aux opérateurs, afin d’obtenir de leur part des explications complé-
réalisation de ces tâches. Le choix de l’intégration de ces modules mentaires sur leur comportement et ainsi de déduire le raisonne-
dans le système homme-machine influe directement sur le choix ment qui les a conduits à exécuter les actions en réponse aux
des modes de coopération homme-machine. Ces aspects sont trai- informations qui leur étaient présentées. Bien entendu, la mise en
tés dans le chapitre de Patrick Millot dans ce même volume. évidence de ces raisonnements humains doit être éclairée par la
connaissance des ressources cognitives particulières mises en jeu
Les travaux précédents (analyse du procédé et de son système de par chaque opérateur testé. Les données fournies par l’analyse des
commande, analyse des tâches humaines prescrites, choix des activités sont exploitées par la suite pour l’amélioration des condi-
outils d’aide aux tâches humaines, choix des modes de coopération tions de travail des opérateurs et de l’efficacité du système homme-
homme-machine) ont mis en évidence tous les besoins en matière machine.
de fonctions du système de supervision, ainsi que les besoins infor-
mationnels de l’ensemble des intervenants humains (figure 1). Il est Les données ergonomiques résultant de l’analyse des activités
donc possible de passer à la spécification des interfaces homme- des opérateurs doivent permettre d’affiner ou de généraliser les
machine. Celle-ci est traitée en détail dans le paragraphe 4. modèles décisionnels proposés dans le début de l’étape descen-
dante et également le modèle des tâches qui en découle. En ce sens,
La spécification des interfaces conduit à la réalisation du système l’analyse d’activité est au travail réel ce que l’analyse des tâches est
de supervision complet (interfaces et fonctions d’aide spécifiques). au travail prescrit.
À ce sujet, notons que le marché actuel offre un éventail varié
d’environnements graphiques facilitant la réalisation et la modifica- Un second objectif de l’analyse d’activité est de vérifier l’adéqua-
tion d’interface homme-machine en réduisant l’écriture de code et tion des informations présentées par l’interface réalisée, avec les
en permettant la réutilisabilité des programmes (cf. § 5). La réalisa- informations attendues par les opérateurs de supervision et néces-
tion de l’imagerie, de son gestionnaire, ainsi que des modules de saires pour mener leurs raisonnements. Ceci conduit alors à affiner
traitement spécifique d’assistance conduit à un système de supervi- les interfaces, si nécessaire, par exemple si certaines informations
sion prêt pour l’évaluation, faisant l’objet de la section suivante. manquent ou sont mal présentées.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 5
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
Identification Fonctions, Modes de Causes Effets sur Effets Moyens Fréquence Observations
du composant états défaillances possibles le système sur les de des
(Repères, d'une systèmes détection inspections
désignation, défaillance externes ou essais
type, lieu) (Causes :
internes,
externes)
Tension T3 Problème
2.2.2 Arbre des défaillances nulle en d'enclenchement
entrée par l'opérateur
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 6 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 7
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
5.1
Recueil Tâche : Gérer la position
SEQ d'informations
5 5.2.1 État initial : environnement contrôlé
Gérer la Prévenir
position État final : position contrôlable en
toute sécurité
5.2
Prendre une But : en fonction de la charge
décision SEQ de trafic gérer au mieux
les positions de contrôle
Ne rien faire, boucle
ALT Précondition : –
sur Gérer la position 5.2.2
Restructurer Restructurer Postcondition : Gérer les priorités
le secteur le secteur ALT
Figure 7 – Extrait d’une modélisation par MAD de tâches humaines (issue de [37])
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 8 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
TOOD (Task Object Oriented Description) propose un principe de monde, telle qu’elle est captée par les systèmes sensoriels. Ce
description des tâches humaines dans un but de spécification objet registre est capable de contenir l’image pendant 200 ms environ.
des interfaces homme-machine [48]. L’information constituant l’image est à l’état brut et ne peut pas être
modifiée par des mécanismes cognitifs. Elle disparaît donc inexora-
Notons aussi le symbolisme proposé avec la méthode MERISE
blement quelle que soit la volonté de l’individu à la maintenir dans
débouchant sur une description statique des tâches [34] ou encore
le registre. La mémoire à court terme permet de retenir, pendant
la méthode DIANE [24], basée sur MERISE, permettant de formaliser
plusieurs secondes, une interprétation immédiate des événements,
le dialogue homme-machine à partir d’enchaînements et de déclen-
constituant une synthèse et une structuration des informations
chements de procédures, de tâches et d’opérations. Chacune des
contenues dans le registre de l’information sensorielle. On admet
méthodes propose une description hiérarchique, dans laquelle les
selon cette approche que la capacité de cette mémoire est limitée et
sous-tâches peuvent être individuellement décrites.
ne permet de traiter qu’un nombre limité d’items, variant selon les
L’analyse et la modélisation des tâches humaines constitue une individus de 5 à 9, selon la formule « magique » de MILLER [49] :
étape essentielle dans le développement de systèmes homme- 7 ± 2 . La mémoire à long terme est constituée par une organisation
machine, en facilitant par la suite l’analyse des besoins et la spécifi- complexe de connaissances, composée de schémas cognitifs. Sa
cation de l’interface et de modules d’aide adaptés. C’est par une capacité est pratiquement illimitée. Bien entendu, il peut survenir un
démarche pluridisciplinaire que cette étape trouvera toute son effi- phénomène d’oubli ou de déformation de certaines informations,
cacité. Dans la démarche d’analyse des tâches, l’analyse et la modé- celui-ci n’étant pas dû à la capacité de la mémoire humaine, mais à
lisation cognitive des opérateurs ont été sous-entendues. Il est donc l’organisation et à l’encodage de ces informations dans la mémoire.
intéressant de plus la détailler, en se basant sur des tentatives de Exploitant les recherches menées en psychologie cognitive, plu-
modélisation existantes. sieurs modèles IA, symboliques ou connexionnistes, de la mémoire
humaine ont été réalisés. Le plus connu est sans doute « The Human
Processor Model » (figure 8), qui s’intéresse surtout aux aspects
temporels de l’interaction homme-machine, dans le but de com-
3.2 Analyse et modélisation cognitive prendre et de prévoir les performances du système homme-
des opérateurs humains machine. Selon le modèle, l’utilisateur d’un logiciel est représenté
par un système de traitement d’informations régi par des règles, et
qui comprend un ensemble de mémoires et de processeurs inter-
Afin d’assister efficacement les opérateurs humains et améliorer connectés. Chaque mémoire est caractérisée particulièrement par
ainsi l’efficacité et la fiabilité du système homme-machine, il s’agit trois paramètres : sa capacité, sa persistance (ou durée de vie) et le
d’analyser puis de modéliser leurs caractéristiques, leur manière de type d’information mémorisée. Les informations stockées sont
travailler, de raisonner, d’agir. Ce travail est réservé aux spécialistes exploitées et mises à jour par des processeurs extérieurs. Ensuite,
des facteurs humains, et doit déboucher sur une banque de données chaque tâche peut être décomposée en opérations élémentaires.
qui sera considérée lors de la spécification et de l’évaluation des Ces opérations sont ensuite mises en relation avec les besoins
moyens interactifs mis à la disposition des opérateurs en salle de potentiels humains en matière de mémorisation, ce qui conduit à
contrôle. identifier des besoins en assistance.
Il s’agit d’effectuer une classification par fonction (ou rôle) des dif- ■ Dans les sciences cognitives, cette approche de modélisation est
férents intervenants concernés directement ou non par ces systè- progressivement abandonnée au profit de la notion de mémoire de
mes interactifs. Chacun de ces intervenants pourra ensuite être travail. Celle-ci a été précisée par les travaux de BADDELEY et HITCH
caractérisé par son niveau de formation, ses connaissances et son [22] : ceux-ci ont montré qu’un sujet peut maintenir un certain
expérience débouchant sur des manières d’appréhender le procédé nombre d’items en mémoire à court terme (jusqu’à six éléments)
suivant les différentes situations de fonctionnement, normales ou tout en réalisant des opérations cognitives complexes telles que des
anormales. Pour ces situations, leurs objectifs et critères de décision opérations d’apprentissage, de compréhension ou encore la mise
et d’intervention devront être connus. En considérant que les fonc- en œuvre de raisonnements. Ces résultats ne sont donc pas compa-
tions du système d’assistance doivent être adaptées aux processus tibles avec le modèle précédent. Cette constatation a conduit à la
de raisonnement mis en œuvre par les opérateurs, l’identification de proposition d’un ensemble de modèles, symboliques ou connexion-
ces processus est nécessaire. Celle-ci peut s’appuyer sur des tenta- nistes. Par exemple, un des plus connus est le modèle symbolique
tives de modélisation, recensées dans la littérature depuis plus de ACT* (Adaptive Control of Thought) proposé par ANDERSON [21].
vingt ans. Certaines d’entre elles sont successivement résumées ci- La mémoire de travail, où sont représentées la situation courante et
dessous. l’issue des traitements, est en relation avec une mémoire perma-
nente déclarative et une mémoire permanente de nature
procédurale : (1) la mémoire permanente déclarative stocke des
3.2.1 Tentatives de modélisation de la mémoire informations factuelles ou conceptuelles dans un réseau séman-
humaine tique et sous un format variable, par exemple des images, des
séquences ou des propositions ; (2) la mémoire permanente de
Pour effectuer leurs tâches, les opérateurs en salle de contrôle ont nature procédurale stocke des procédures dont un modèle peut être
de multiples occasions d’utiliser leur mémoire, par exemple pour des règles de production. Ces procédures sont ensuite appliquées
prévoir l’influence d’un changement de consigne sur une variable aux contenus de la mémoire de travail. Ces applications peuvent
par la connaissance du temps de réponse de celle-ci, mettre en engendrer de nouvelles connaissances déclaratives, créer d’autres
œuvre une procédure, constituée de différentes sous-tâches règles de production ou modifier d’anciennes règles.
séquentielles et/ou parallèles, appréhender le déroulement d’un
cycle de fonctionnement du système, utiliser dans le raisonnement ■ On retrouve désormais de tels principes de modélisation dans la
des valeurs de variables qui viennent d’être lues, etc. Deux appro- plupart des modèles actuels. Quelques exemples sont donnés plus
ches de modélisation de la mémoire humaine issues des sciences loin. Quelle que soit l’approche de modélisation utilisée, les limita-
cognitives sont successivement décrites. tions liées aux caractéristiques de la mémoire humaine ont des
répercussions directes sur l’ergonomie des interfaces homme-
■ Selon une première approche, on considère que la mémoire machine et des outils d’aide mis à la disposition de leurs utilisa-
humaine est composée de trois systèmes de stockage de l’informa- teurs : d’une manière générale, une interface homme-machine est
tion : le registre de l’information sensorielle, la mémoire à court conçue comme un prolongement de la mémoire à court terme de
terme et la mémoire à long terme [46]. Le registre de l’information l’utilisateur [29]. De plus, elle peut faire office de mémoire à long
sensorielle conserve une image assez précise et complète du terme annexe de l’utilisateur, par exemple en centralisant et en ren-
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 9
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
Visuelle Auditive
Processeur moteur
Durée de vie : 200 ms Durée de vie : 1 500 ms
Capacité : 17 lettres Capacité : 5 lettres Temps de cycle : 70 ms
Codage : physique Codage : physique
Processeur perceptif
dant facilement disponibles les procédures de correction ou de « L’échelle de décision » offre un bon cadre pour analyser le
reprise de défaut utilisables suite à l’apparition d’un dysfonctionne- comportement cognitif de l’homme et proposer en conséquence
ment dans le système. À partir de ces constatations, de nombreuses une interface homme-machine adaptée à chaque type de comporte-
recommandations ergonomiques peuvent être formulées, par ment suivi. « L’échelle de décision » de RASMUSSEN a d’abord été
exemple : « l’interface ne doit pas présenter des informations inu- considérée comme un modèle, puis de plus en plus comme une
tiles à la tâche en cours de réalisation, car elles limitent la capacité architecture cognitive générique, produisant une classe de modèles.
de travail et l’efficacité de l’utilisateur » (voir à ce sujet le chapitre de Ce cadre a souvent été critiqué pour ses aspects réducteurs, dans la
Jean-Claude ROUHET dans ce volume). De telles recommandations mesure où il ne reflète pas la dynamique de la résolution de pro-
peuvent être trouvées parmi des centaines d’autres dans les guides blème, en étant trop linéaire, trop figé. Notons à ce sujet que des
d’ergonomie des logiciels mis de plus en plus à la disposition des recherches sont menées actuellement au niveau international dans
concepteurs, cf. § 4.2. le but de proposer une modélisation (plus réaliste d’un point de vue
temporel que celle de RASMUSSEN) du diagnostic et de la prise de
décision dans les situations dynamiques (cf. par exemple [44]).
3.2.2 Tentatives de modélisation des activités
humaines 3.2.2.2 Théorie de l’action de Norman
La théorie avancée par NORMAN, quant à elle, introduit la notion
Les deux approches de modélisation des activités humaines les de modèle conceptuel et explique les différentes étapes cognitives
plus couramment considérées actuellement sont certainement nécessaires à la réalisation d’une tâche exécutée à l’aide d’un sys-
celles proposées par RASMUSSEN [14] et NORMAN [52], représen- tème informatique. Le modèle conceptuel correspond à une repré-
tatives de deux écoles de pensée, l’une européenne, et l’autre amé- sentation mentale en terme de variables dites psychologiques : à
ricaine. Malgré leurs limites, elles ont permis à de nombreux chaque concept, unité de connaissance ou sujet d’intérêt correspon-
développeurs de systèmes interactifs de prendre conscience d’un dra une variable psychologique. La théorie de l’action comporte
ensemble de notions, issues de la psychologie, relatives aux interac- sept étapes :
tions homme-machine. (1) L’établissement d’un but : un but est une représentation men-
tale de l’état du système que l’opérateur souhaite atteindre, et ceci
3.2.2.1 Échelle de décision en agissant sur des dispositifs de commande ;
RASMUSSEN a proposé un cadre, appelé « échelle de décision » (2) La formulation d’une intention : celle-ci correspond à la déci-
(decision ladder), illustrant la démarche générale de résolution de sion d’agir afin d’atteindre un but préétabli ;
problème suivie par un opérateur humain. « L’échelle de décision » (3) L’adoption par l’opérateur d’un plan d’action : elle correspond
de RASMUSSEN comprend plusieurs étages séquentiels de traite- à la représentation psychologique de l’ensemble des actions et de
ment d’informations, figure 9 : la détection d’événement anormal leur ordonnancement que l’utilisateur doit exécuter au moyen des
met l’utilisateur en état d’alerte, suite à l’apparition d’une alarme ou dispositifs physiques, et ceci dans le but d’atteindre son objectif ;
par l’observation de l’évolution anormale d’une ou plusieurs varia- (4) L’exécution du plan d’action : le plan est mis en application en
bles ; l’évaluation de la situation consiste pour l’opérateur à obser- agissant sur le système. Celui-ci est donc modifié ;
ver l’ensemble des informations utiles de façon à identifier l’état du
système ; compte tenu de l’état précédemment identifié et des (5) La perception du nouvel état du système : l’opérateur constate
objectifs assignés à l’utilisateur, celui-ci définit une stratégie géné- un ensemble de changements survenus sur le système ;
rale de correction, qu’il décompose ensuite en tâches, puis en pro- (6) L’interprétation de la modification des variables physiques en
cédures d’actions ; le dernier étage concerne l’exécution des termes psychologiques : elle aboutit à une représentation mentale
actions. du nouvel état du système ;
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 10 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
distance d'évaluation
distance d'exécution
d'information
Intention Évaluation
Ambiguïté But final
Activité
États de mentale
connaissance
Interprétation résultant d'un Spécification Interprétation
des conséquences traitement d'action
pour la tâche courante, d'information
la sécurité, l'efficacité, etc.
Exécution Perception
État du But
système cible
Activité
physique
Identification
de l'état actuel Définition
du système de tâche Opérateur en salle de contrôle
Ensemble Tâche
d'observations
Formulation de
Observation procédure ;
d'information planification de
et de données Système industriel complexe
séquence d'actions
Activation ; Exécution ;
détection de coordination de bles psychologiques du monde virtuel et les variables physiques du
besoin d'action manipulations monde réel ainsi que l’établissement d’associations entre les varia-
bles physiques et les dispositifs de supervision. Cette mission est
Figure 9 – « L’échelle de décision » [14] confiée au concepteur qui doit en conséquence établir explicitement
ces relations, gages de qualité en définitive pour l’interface homme-
machine.
(7) La comparaison entre l’état du système avec le but préétabli et
les intentions formulées : elle peut conduire à la poursuite du plan D’autres précieux enseignements pourront être tirés des tenta-
ou à sa modification. tives d’informatisation de modélisations cognitives. Par exemple,
MESSAGE [30] modélise le comportement du pilote et du copilote
En fait, l’activité d’un opérateur ne se ramène pas à une simple d’un Airbus A 310. CES [69] et COSIMO [31] simulent des prises de
exécution séquentielle des étapes citées : ces dernières peuvent décision humaines dans des tâches de résolution de problème en
apparaître dans un ordre différent, certaines peuvent ne pas être salle de supervision.
exécutées, et d’autres peuvent être répétées. Il peut être instructif de
discuter de cette théorie vis-à-vis de la réalisation de tâches humai-
nes dans une salle de supervision, figure 10. En cas d’apparition 3.2.2.3 Utilisation des modèles
d’un défaut, l’opérateur interprète et évalue la situation de fonction-
nement du système. Puis, en fonction des buts opératoires, il traduit Toutes ces approches de modélisation constituent une source
ses intentions en une suite d’actions qu’il exécute. On distingue précieuse d’enseignement et de réflexion pour les concepteurs des
donc bien dans cette interaction les variables physiques, correspon- interfaces homme-machine et des outils d’assistance. En effet, elles
dant à des variables du système (température, pression...) et les permettent de mieux positionner et comprendre les besoins de l’uti-
variables psychologiques à partir desquelles il évalue la situation de lisateur pour les différentes tâches qu’il a à accomplir, et ceci dans
fonctionnement. L’opérateur est par conséquent amené à traduire les différentes situations, normales et anormales, du système. Par
dans un premier temps les variables physiques en variables psycho- exemple, en s’inspirant de la figure 9, il est possible de mettre en
logiques et cela dans un but d’évaluation de la situation. Dans un évidence sur le modèle de résolution de problème proposé par RAS-
second temps, la traduction des variables psychologiques en varia- MUSSEN les différents types de modules d’aide qui pourront éven-
bles physiques lui permet de spécifier les actions à mettre en œuvre. tuellement être utiles (sinon nécessaires) à l’opérateur pour réaliser
La phase d’évaluation consiste pour l’opérateur à comparer l’état du ses tâches. Inspirée de MILLOT [12], la figure 11 donne un aperçu
système avec les buts et les intentions d’origine. Le problème de non exhaustif des types de modules possibles en fonction de l’étape
l’interaction est donc bien posé en termes de compatibilité entre le dans laquelle l’opérateur se trouve. Outre un module d’acquisition
modèle de l’opérateur et l’image du système. de données, différents modules peuvent être envisagés : (i) un
module de gestion d’alarme, (ii) un module permettant la visualisa-
Cette approche de modèle met en évidence le rôle primordial de tion de données issues du système, (iii) un module de diagnostic
l’interface homme-machine. En effet, tout au long de son activité, activable en cas de défaillance, (iv) un module capable de prédire
l’opérateur se construit un monde virtuel et ceci, par l’intermédiaire l’état futur probable du système, (v) un module permettant de simu-
de l’interface qui doit donc être une image du monde réel. De plus, ler l’état du système suite à une action sur une des variables, (vi) un
l’interface doit faciliter la mise en correspondance entre les varia- module capable de donner des conseils d’action à l’opérateur, enfin,
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 11
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
4. Spécification de l’imagerie
Ambiguïté But final
de supervision
Interprétation
des conséquences La spécification de l’imagerie utilisée par les opérateurs en salle
pour la tâche courante, de contrôle doit être réalisée en collaboration par les différents inter-
la sécurité, l'efficacité, etc. venants du projet. À partir de la modélisation des tâches humaines
et des différents utilisateurs, il s’agit de recenser rigoureusement les
besoins, ergonomiques et techniques, puis de définir le nombre
État du Module de But d’écrans à utiliser, l’architecture de l’interface homme-machine (*),
système diagnostic cible
l’enchaînement des vues, les modes de présentation des informa-
tions (cf. un recensement de tels modes dans [10]), les modes d’acti-
Module de vation des différents outils d’aide, les modalités de dialogue
Identification Définition
de l'état actuel simulation de tâche homme-machine, etc. À ce sujet, plusieurs techniques issues du
du système génie logiciel seront d’abord rappelées. Elles peuvent s’appuyer sur
des recommandations ergonomiques, des guides de style d’inter-
Module de
prédilection
face et des normes ou des standards internes en vigueur dans le
Tâche domaine d’application.
Ensemble
d'observations
(*) Notons que la définition d’architecture d’interface homme-
Module machine fait l’objet d’un vaste courant de recherche en informa-
d'aide à Formulation de
la reprise procédure ; tique. Les modèles d’architecture les plus connus sont certainement
Observation planification de
d'information le modèle de SEEHEIM [53], PAC [3] et ARCH [25]. Ils ont également
séquence d'actions fait l’objet de plusieurs variantes, telle PAC-AMODEUS.
et de données
Module de
visualisation
Alerte Procédure
Module de
4.1 Techniques de spécification issues
commande
Exécution ;
du génie logiciel
Activation ;
coordination de
détection de
manipulations
besoin d'action Module de
gestion
Pour des systèmes industriels complexes, où les interactions
d'alarme homme-machine sont nombreuses, la spécification exige un travail
particulièrement ardu. Pour spécifier les pages-écrans, la méthode
Outils d'aide certainement la plus employée consiste à dessiner sur papier les
à l'opérateur vues d’écran envisagées. Cette méthode n’est bien sûr pas suffi-
humain sante, mais elle a l’avantage d’être pratique et de faciliter le dialogue
entre les différents intervenants. La spécification peut être facilitée
Figure 11 – Positionnement de modules d’aide à l’opérateur humain par l’utilisation et/ou la combinaison d’un ensemble de techniques
en fonction de la tâche suivantes, recensées par plusieurs auteurs (cf. [3], [38] ou [43]).
■ Les techniques basées sur les langages formels et d’événe-
ments : celles-ci permettent de spécifier la syntaxe du dialogue
(vii) un module permettant d’effectuer des commandes sur le sys- homme-machine, sous la forme de séquences d’actions autorisées
tème. pour les utilisateurs de l’imagerie. Les techniques principales sont :
Concernant les aides possibles à apporter aux opérateurs (i) les automates d’état fini caractérisés statiquement par un ensem-
humains en salle de contrôle, le lecteur pourra aussi se référer au ble d’états et dynamiquement par un ensemble d’arcs étiquetés for-
chapitre de DUBUISSON dans ce volume portant sur le diagnostic malisant le passage d’un état à un autre (figure 12), (ii) les
de pannes, à BOY [29] qui décrit des principes d’aides intelligentes, grammaires indépendantes du contexte, où la spécification de
à STANTON [64] qui s’intéresse aux facteurs humains liés à la ges- l’interface peut se baser sur un formalisme de type BNF (Backus
tion des alarmes, ou encore à MILLOT [12] et KOLSKI [10] décrivant Naur Form) (iii) les réseaux de Pétri ajoutant aux concepts d’état et
des typologies d’aides (intelligentes ou non). de transition présents dans les automates d’état fini la notion d’acti-
vités parallèles et (iv) les langages d’événements voyant une appli-
cation interactive comme étant composée de plusieurs modules
dirigés par des événements générés par l’utilisateur par exemple.
3.3 Conclusion ■ Les techniques hypermédias : à l’aide d’un logiciel de développe-
ment d’applications hypermédias (tel HYPERCARD ou SUPER-
CARD), il est facile et rapide de maquetter une application et de
L’analyse et la modélisation des tâches humaines, ainsi que des simuler par boutons les appels aux différentes pages-écrans de
différents intervenants impliqués dans le système homme-machine, l’application visée.
font maintenant l’objet d’un courant de recherche très actif aussi
bien en ingénierie que dans les sciences cognitives. On voit donc ■ Les techniques basées sur l’utilisation des approches orientées
apparaître depuis plusieurs années des méthodes et des modèles de objets : la spécification de l’interface par une approche orientée
plus en plus concrets. Les données issues de l’analyse et de la objets offre des avantages indéniables en terme de génie logiciel. En
modélisation servent ensuite de fondation à la spécification de effet, cette technique repose sur les notions de classe et d’héritage,
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 12 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 13
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
Expertise Expertise
Expert Concepteur Expert Concepteur
technique technique
? Dialogue
Expertise
? concernant Spécifications facilité
les tâches ergonomiques
prescrites
Expertise Opérateur
Opérateur concernant
Manuels Guides Spécialiste des les tâches
ergonomiques de style facteurs humains réelles
Rédaction
Ergonomie Ergonomie
Spécialiste des de
facteurs humains normative Manuels Guides
ergonomiques de style conception
La spécification des interfaces homme-machine est un travail dif- La première catégorie est basée sur l’utilisation de boîtes à outils,
ficile qui demande une collaboration étroite entre les différents et s’adresse à des programmeurs. Elles facilitent l’écriture de pro-
intervenants du projet. L’expression des spécifications peut être faci-
grammes de dialogue à partir des différents dispositifs d’entrées/
litée et accélérée par l’utilisation de nombreuses techniques issues
du génie logiciel. sorties d’information (écran, souris, clavier, etc.). Par exemple, dans
le monde UNIX et son standard de fait X11, X-Toolkit est certaine-
De plus, afin d’améliorer l’ergonomie du logiciel, il est possible de
ment la boîte à outils la plus connue (si nous omettons les standards
s’appuyer sur des manuels de recommandation, ainsi que sur des
guides de style. Toutefois, l’utilisation de ces derniers sera confortée Motif et Open Look destinés aux interfaces de dialogue). Située au-
avantageusement par la présence d’un spécialiste de la communi- dessus de la bibliothèque graphique Xlib, elle offre un ensemble
cation homme-machine. Notons que la spécification devra égale- d’objets prédéfinis appelés Widgets. Toutefois, cette boîte ne fournit
ment respecter les normes et/ou les standards du domaine pas, dans sa version de base, d’objets graphiques habituellement
d’application. Il en existe pour la supervision de systèmes indus- utilisés en supervision. Cette remarque est valable également pour
triels complexes. d’autres boîtes à outils du marché. Par contre, certaines boîtes à
L’équipe de développement a ensuite besoin d’outils graphiques outils, telle DV-Tools de l’environnement DataViews (de VI CORPO-
puissants permettant de réaliser rapidement et d’animer les vues, RATION) offrent toutes les fonctionnalités nécessaires pour l’anima-
afin d’en faciliter l’évaluation avec les utilisateurs. tion d’images de supervision.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 14 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
5.2 Utilisation d’éditeurs d’interfaces On recense actuellement une centaine de progiciels disponibles en
France et il n’est bien sûr pas envisageable de les citer tous ici
(cf. [56]).
Nous nous intéressons ici uniquement aux éditeurs d’interfaces
permettant de spécifier interactivement l’interface. Ceux-ci peuvent
s’adresser à des développeurs non-informaticiens, et consistent en
des outils graphiques interactifs facilitant le prototypage, tels DV- 5.4 Conclusion
Draw (de VI CORPORATION) associé à DV-Tools ou SL-GMS (de
SHERRILL-LUBINSKI Corporation). Il en existe de nombreux sur le
marché. Il faut toutefois souligner que les éditeurs du marché exi- Il existe actuellement de nombreux produits permettant la réalisa-
gent parfois de programmer certaines parties du dialogue homme- tion des interfaces homme-machine. Cependant, ils ne sont pas tous
machine. adaptés aux contraintes des applications liées à la supervision de
certains systèmes industriels complexes. Ces contraintes concer-
Un énorme avantage que possèdent de plus en plus d’éditeurs
nent en particulier les temps de réponse et la variété des modes de
d’interfaces actuels est d’être facilement exploitables par des spé-
présentation de l’information.
cialistes de l’ergonomie du logiciel et de produire des interfaces
immédiatement évaluables. Cependant, ils sont parfois limités par De plus, la facilité plus ou moins grande de ces produits pour réa-
les modes de représentation disponibles (même remarque que pour liser l’imagerie et leur apporter des modifications aura une inci-
certaines boîtes à outils). Même si le développeur a accès avec cer- dence sur la volonté des concepteurs à les évaluer et à prendre en
tains éditeurs à des modes de représentation classiques en supervi- compte les remarques des opérateurs. À ce sujet, des méthodes
sion tels des barre-graphes, des courbes, des symboles, etc., il peut d’évaluation font l’objet de la partie suivante.
éprouver les pires difficultés à parvenir à une représentation d’infor-
mation moins conventionnelle. Afin de pallier ce problème, certains
environnements offrent la possibilité de programmer de nouveaux
modes de représentation. La plupart des éditeurs graphiques du
marché ne sont pas prévus au départ pour la supervision de systè- 6. Évaluation du système
mes complexes. Ils s’intègrent donc dans des environnements logi-
ciels plus ou moins adaptés aux contraintes temporelles sévères
homme-machine
liées à certaines applications. Dans ce cas, il peut être nécessaire de
remettre en cause l’utilisation d’un éditeur et de s’orienter sur une
boîte à outils, plus « proche de la machine », ou sur un progiciel spé- L’imagerie doit être considérée en tant que composant du sys-
cialisé. tème homme-machine global. D’après GRISLIN [42], dans ces condi-
tions, son évaluation consiste à le vérifier et à chercher à le valider.
Le système homme-machine est vérifié, s’il correspond aux spécifi-
cations issues de la définition des besoins. Il est validé, s’il corres-
5.3 Utilisation de progiciels spécialisés pond aux besoins en respectant les contraintes du domaine
d’application (sécurité, production, ergonomie…) ; sinon ses insuffi-
sances par rapport à des critères identifiés a priori sont mises en évi-
Venant en complément des Systèmes Numériques de Contrôle- dence et doivent être corrigées.
Commande (SNCC), la troisième catégorie regroupe les progiciels La figure 15 présente quelques-unes des principales variables
graphiques spécialisés dans la supervision temps réel de systèmes dépendantes utilisées de manière générale pour l’évaluation d’inter-
industriels complexes. Ceux-ci sont généralement interfaçables faces homme-machine usuelles. Deux grandes familles se
directement avec plusieurs automates et calculateurs du marché. distinguent : l’acceptabilité sociale et l’acceptabilité pratique. La
Ces progiciels consistent en des squelettes d’applications interactifs seconde classe comprend les contraintes courantes de production,
et configurables, et regroupent le code réalisant les fonctions usuel- de coût, de fiabilité… mais aussi la facilité d’utilisation qui concerne
les de l’interface homme-machine sous la forme d’un logiciel réutili- principalement l’IHM. C’est donc dans ce critère d’utilisation que
sable et complétable selon les besoins. l’on retrouve les deux propriétés d’utilité et d’utilisabilité. L’utilité
La démarche consiste alors à configurer l’outil par rapport à détermine si les systèmes mis à la disposition des opérateurs per-
l’application. Pour ce faire, on dispose d’outils de déclaration des mettent à ceux-ci d’atteindre leurs objectifs de travail. Elle corres-
caractéristiques de l’installation, de création de synoptiques, mais pond par exemple aux capacités fonctionnelles, aux performances
aussi de configuration de modules d’assistance : affichage d’alar- et à la qualité de l’assistance technique fournie aux opérateurs. L’uti-
mes, d e conseils d’action, de valeurs prédites, etc. Ainsi, au lisabilité rend compte de la qualité de l’interaction homme-machine,
contraire des deux autres catégories d’outils citées, la plupart des en termes particulièrement de facilité d’apprentissage et d’utilisa-
progiciels graphiques spécialisés intègrent des fonctionnalités de tion, ainsi que de qualité de la documentation (voir [26] pour un
base d’assistance à l’utilisateur lors de la réalisation de ses tâches. recensement structuré de critères d’utilisabilité).
Acceptabilité
sociale Utilité
Acceptabilité
du système Facilité d'utilisation Facile à apprendre
Acceptabilité Coût Utilisation efficace
pratique Compatibilité Utilisabilité Facile à mémoriser
Fiabilité Peu d'erreurs
Etc. Préférence subjective
...
Figure 15 – Principales variables cibles pour l’évaluation des IHM (traduit de [13])
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 15
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
Une évaluation rigoureuse nécessite de suivre une démarche lecteur pourra aussi se référer à [8] et [10] pour un recensement très
avec des méthodes et des techniques. Lorsque le système à évaluer complet des méthodes d’évaluation.
existe, des méthodes d’analyse de données comportementales
recueillies au moyen d’observations ou de mesures, sur le terrain ou
en laboratoire, sont préconisées. Ces méthodes consistent générale-
ment à réaliser des tests d’utilisabilité avec des opérateurs habituels 6.1 Approche empirique
ou des sujets sélectionnés pour l’expérience. Ce type d’évaluation
s’effectue a posteriori sur des imageries déjà utilisées ou prototy-
pées et aboutit à l’émission de jugements relatifs à leur utilisation. Selon l’approche empirique, l’évaluation du système homme-
Cette approche d’évaluation est la plus répandue pour l’instant. machine est effectuée à partir du recueil et de l’analyse de données
Cependant, lorsque le système homme-machine à évaluer est provenant de phases d’utilisation par des opérateurs représentatifs,
encore inexistant, des méthodes que l’on peut qualifier d’analy- et ceci dans un environnement d’évaluation le plus proche possible
tiques sont également utilisables. Elles permettent de réaliser une de celui d’utilisation. Deux approches peuvent être distinguées :
analyse a priori, i.e. de fournir une appréciation du système avant (i) les tests de conception, utilisables lorsqu’il n’existe pas encore
son utilisation réelle. L’évaluation repose alors sur la comparaison d’expérience d’utilisation du système,
des informations concernant l’imagerie − à un stade particulier de et (ii) le diagnostic d’usage, dans le cas contraire, figure 16.
son développement − avec un modèle de référence décrivant les
propriétés d’une bonne imagerie. Ce référent est issu des connais-
sances en ergonomie ou d’une architecture de ce que doit être le 6.1.1 Tests de conception, prototypage
dialogue homme-machine. Certaines méthodes analytiques préco-
nisent le respect de recommandations. Ces méthodes peuvent alors
être utilisées au cours de la conception, en vue d’un contrôle a priori Ce type d’évaluation peut être mis en œuvre a priori lorsqu’il
de la qualité ergonomique du système interactif prévu. Les principes n’existe pas encore d’expérience d’utilisation du système. Des tests
d’évaluation a priori font l’objet de recherches de plus en plus acti- sont alors réalisés tout au long du processus de conception. Trois
ves. démarches sont possibles (figure 17).
Il est souvent utile de commencer par des tests relatifs à la sélec-
En fait, dans la plupart des projets de développement d’imagerie
tion d’alternatives de conception lorsqu’il n’existe pas de critère de
en salle de contrôle, la phase d’évaluation est souvent bâclée,
choix évident entre plusieurs possibilités (concernant par exemple
maladroitement menée, voire ignorée. Dans ce cas, l’imagerie peut
le choix des symboles graphiques, la codification des variables du
ne pas répondre aux besoins des opérateurs humains. Pourtant, il
procédé, la structure des messages d’alarme, etc.), et le recueil des
existe actuellement de nombreuses méthodes et modèles issus de
données empiriques doit alors permettre de hiérarchiser les solu-
l’ingénierie et des sciences cognitives susceptibles de contribuer à
tions envisagées au départ. Cette méthode est la plupart du temps
cette phase délicate d’évaluation. SENACH [16] a classé ces métho-
conduite en amont du prototypage (voir ci-dessous). Des alterna-
des et modèles selon deux approches, figure 16 : (i) l’approche
tives sont donc évaluées avec les opérateurs par rapport aux objec-
empirique se base sur la mesure des performances d’utilisateurs
tifs du système final, les résultats servant de base pour les étapes
représentatifs de la population finale, lors d’expérimentations, alors
suivantes de la démarche de conception. Une des limitations à ce
que (ii) l’approche analytique prend en compte des modèles de
type d’évaluation est qu’elle est effectuée souvent en dehors du
l’interface et de l’interaction homme-machine, l’évaluation étant
contexte réel de la tâche, de ses contraintes, de son environnement.
réalisée en comparant l’interface à un modèle de référence. Cette
En effet, une alternative obtenant de médiocres résultats en phase
section met à jour la classification de SENACH vis-à-vis des applica-
d’évaluation peut s’avérer meilleure dans une situation de travail, en
tions de supervision. Pour chaque méthode (ou classe de méthode),
se rattachant à d’autres informations suivant la logique de l’opéra-
son principe de base est résumé et discuté brièvement par rapport
teur pour la tâche courante. Cette technique peut être utilisée avan-
au domaine d’application visé.
tageusement dans un contexte de supervision où la complexité des
Il existe d’autres classifications des méthodes d’évaluation dans tâches et la multiplicité des supports d’information utilisés entraî-
la littérature, le lecteur consultera par exemple [19], [23] ou [65]. Le nent rapidement la mise en évidence de nombreuses alternatives.
APPROCHE APPROCHE
EMPIRIQUE ANALYTIQUE
Expérimentations menées avec des opérateurs Contrôle de qualité selon un modèle défini
a priori (sans opérateurs)
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 16 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
Sélection
d'alternative de
conception Produit
fini
Études
expérimentales
Détection Mesure
de défauts d'impacts Contrôle de qualité
■ Une autre méthode concerne l’évaluation itérative de l’interface figure 16. Six techniques, présentées successivement, permettent
(prototypage). Dans la section 4 était mise en évidence l’apparition de diagnostiquer des fonctions ou des modes de représentation
actuellement sur le marché de nombreux environnements graphi- défaillants, inutiles, difficiles à exploiter, etc.
ques facilitant la réalisation et la modification d’imagerie par la
réduction de l’écriture de code et la réutilisabilité des programmes. ■ La méthode des incidents critiques a été utilisée pour la première
La plupart de ces outils facilitent la réalisation itérative de plusieurs fois par FLANAGAN [39] pour étudier des accidents d’avions évités
versions plus ou moins avancées de l’imagerie, qu’il est donc possi- de justesse. Elle consiste à recueillir systématiquement les dysfonc-
ble d’évaluer au fur et à mesure du projet. Le prototypage a pour tionnements du système homme-machine à partir d’entretiens avec
objectif de minimiser les coûts de développement de l’imagerie tout les utilisateurs et d’observations effectuées sur leur poste de travail.
en visant l’optimisation progressive de sa qualité selon des critères Chaque incident est décrit sous la forme de court récit. Les récits
ergonomiques généraux, ainsi que des critères spécifiques à l’appli- font l’objet d’une classification regroupant des incidents instances
cation. L’efficacité de cette démarche dépend directement des possi- d’un même problème. Les problèmes sont ensuite regroupés en
bilités de réutilisation des composants logiciels et de réaména- classes plus générales. Elles peuvent être ensuite utilisées pour défi-
gement rapides en fonction des résultats de l’évaluation. La dernière nir les premières fonctionnalités d’un nouveau système, réaliser des
version du prototype est celle considérée comme satisfaisante vis-à- aménagements, préciser les objectifs de formation, etc. Cette
vis des besoins des opérateurs pour les différentes tâches à réaliser. méthode permet rapidement d’effectuer un diagnostic global des
La rentabilité du prototypage est totale si cette dernière version peut principaux dysfonctionnements.
être utilisée en tant que produit final. Le prototypage rend néces- ■ Le questionnaire d’utilisation permet à l’évaluateur de recueillir
saire la participation des opérateurs à la démarche de conception, des informations subjectives sous une forme sûre et structurée, pro-
tout en servant de support de dialogue entre ces derniers et les pice à l’analyse. Elle a l’avantage de permettre à l’opérateur de tra-
concepteurs. vailler « à tête reposée », même si ceci est susceptible d’introduire
un biais dans ses réponses, puisqu’il n’est pas toujours en mesure
■ Une autre méthode consiste à mettre en place un banc d’essai de se souvenir des difficultés rencontrées lors des différentes situa-
final. À ce sujet, un système interactif doit respecter de nombreux tions de travail. Plusieurs travaux ont été consacrés à la manière de
critères avant de pouvoir être considéré comme utilisable [13] [41]. réaliser un questionnaire [61]. En supervision de système complexe,
Avant toute commercialisation, il importe d’évaluer globalement la réalisation d’un questionnaire peut exploiter des travaux spéci-
chacun de ses composants et d’en faire ressortir les points forts et fiques à ce domaine : GERTMAN et al. [40] ont mis au point un ques-
les points faibles. Dans ce but, notons que des stations d’évaluation, tionnaire, dont on trouvera un exemple d’utilisation dans [33].
faisant office de banc d’essai final, font leur apparition. Il en existe
par exemple dans les locaux de MICROSOFT. Spécialement aména- ■ Le monitoring, ou « mouchard électronique », permet de
gées, elles permettent le recueil empirique de données objectives et recueillir automatiquement des données objectives à l’aide de l’ordi-
subjectives à l’aide de méthodes d’observation élaborées (glaces nateur, figure 18. Cette méthode peut renseigner l’évaluateur sur les
sans tain, chronomètres, microphones, etc.). Dans le domaine de la activités et les performances d’un opérateur, que ce soit en situation
supervision, de telles stations d’évaluation nécessitent l’utilisation réelle ou en simulation. Elle est généralement associée à des ques-
de simulateurs réalistes (ce qui n’est cependant pas toujours pos- tionnaires et des verbalisations. Elle n’est pas intrusive, ne pertur-
sible). La simulation permet aux opérateurs de se familiariser avec bant pas la réalisation des tâches, et n’apportant donc pas de biais
le système, de l’évaluer dans des conditions proches de l’exploita- dans les données recueillies. Celles-ci sont généralement traitées
tion tout en étant plus économiques, et de proposer des améliora- automatiquement afin d’obtenir des informations variées : straté-
tions visant à résoudre les difficultés liées à l’accomplissement de gies utilisées, séquencement réel des tâches, performance obtenue,
certaines tâches. Bien entendu, la simulation entraîne la nécessité identification des erreurs d’utilisation, etc. [35] [47]. Par les nom-
de développer une plate-forme spécifique où l’environnement dyna- breuses données temporelles fournies, cette technique peut contri-
mique de l’application cible doit être reconstitué. buer à l’amélioration de l’imagerie et des modules d’assistance mis
à la disposition des opérateurs.
■ L’analyse des traces écrites par les opérateurs lors de leurs tâches
6.1.2 Évaluation par diagnostic d’usage est susceptible de faciliter la mise en évidence de problèmes d’utili-
sation. Dans les salles de supervision, on retrouve le plus souvent
Cette évaluation est effectuée le plus souvent a posteriori lorsqu’il des rapports qui décrivent les événements survenus, les défauts, les
existe une expérience d’utilisation du système dans sa globalité, arrêts, les redémarrages, etc. Certaines d’entre elles peuvent mettre
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 17
INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE ______________________________________________________________________________________________
Oculomètre ASL
Images
œil & champ
Direction relative
du regard
Système LAMIH
Figure 18 – Principe du « monitoring » tête/écran
Image
en lumière des lacunes dans l’imagerie. Dans certaines salles, on champ
retrouve aussi des cahiers de doléances, surtout dans les premiers
mois faisant suite au lancement d’une nouvelle installation ou ima- X-Y/tête
gerie. Ces cahiers peuvent être d’un apport précieux pour l’amélio-
ration de l’imagerie, en servant d’outil de dialogue entre opérateurs
et concepteurs. Direction absolue
du regard
■ La charge de travail est une grandeur utile pour l’évaluation des
systèmes homme-machine. En raison de la complexité des tâches à Figure 19 – Principe d’évaluation par analyse des mouvements
effectuer par les opérateurs dans le domaine de la supervision, il est oculaires, exemple de système mis au point au LAMIH (Laboratoire
particulièrement instructif d’évaluer dans quelles mesures les outils d’Automatique et de Mécanique Industrielles et Humaines)
graphiques influent sur leur charge de travail. Il existe de nombreu-
ses méthodes d’estimation de la charge. Celles-ci peuvent être soit
subjectives, consistant à demander à l’opérateur d’indiquer a poste-
riori son sentiment de charge, le plus souvent au moyen d’échelles Mais, une des critiques les plus courantes adressées à cette
subjectives, soit objectives, utilisant des paramètres physiques ou méthode est que chaque spécialiste se focalise sur des aspects par-
physiologiques mesurés pour estimer la charge de travail [12]. Les ticuliers et fonde son évaluation sur une démarche globale qui lui
résultats obtenus permettent de mettre en évidence des points sen- est propre [51]. L’idéal consisterait donc à faire intervenir plusieurs
sibles pour les outils graphiques utilisés, et de procéder ensuite à spécialistes, à confronter puis synthétiser leurs résultats [54]. Mal-
des aménagements de ceux-ci en cas de difficultés lors de l’exécu- gré ces limitations, pour l’évaluation d’imageries de supervision,
tion de certaines tâches. cette méthode est à préconiser dans la mesure où elle permet de
diagnostiquer rapidement un certain nombre d’erreurs de concep-
■ Une autre méthode consiste en l’analyse des mouvements ocu- tion.
laires. Il s’avère que dans la supervision, il est fait énormément
appel à la perception visuelle des informations. Dans ces conditions,
■ L’apprentissage personnel du métier consiste pour l’évaluateur à
la direction absolue du regard devient un élément utilisable en
se mettre pour un temps à la place d’utilisateurs et à apprendre leur
parallèle avec d’autres moyens pour analyser l’activité d’un utilisa-
métier. SPERANDIO [17] ne recommande pas cette méthode : elle
teur devant un écran ou un ensemble de supports d’informations,
est à exclure lorsque les tâches sont compliquées, elle est rarement
figure 19. Il est possible, à partir de l’étude de son activité oculo-
utile, l’évaluateur a tendance à se prendre comme modèle, ne peut
motrice, d’étudier la manière dont il recherche et localise les infor-
que devenir un opérateur sans expérience, donc éprouver des diffi-
mations utiles en fonction des différentes situations, de mettre en
cultés à analyser objectivement le travail. Ainsi, pour des tâches
évidence des stratégies utilisées et d’identifier des lacunes liées aux
bien définies où l’évaluateur est en fait un utilisateur potentiel (par
outils lors de certaines situations de crise. Il existe plusieurs techni-
exemple en bureautique), la mise en œuvre de la méthode entraîne
ques de mesure des mouvements oculaires [1]. Bien que leur mise
moins de difficultés et en tout cas permet au moins l’évaluation de
en place pose certains problèmes techniques ou ergonomiques, cel-
la prise en main du système. Dans une salle de contrôle, cette
les-ci paraissent désormais suffisamment maîtrisées pour contri-
méthode pose un énorme problème : il est hors de question d’utili-
buer à l’évaluation des stratégies visuelles des opérateurs en salle
ser l’imagerie en ligne au risque de modifier des paramètres de
de supervision, et donc à l’aménagement des moyens mis à leur dis-
régulateurs, des seuils d’alarmes ou des valeurs de consigne. Afin
position.
d’améliorer la compétence de dialogue avec les opérateurs et de
mieux appréhender l’utilisation de fonctionnalités de l’imagerie, il
peut être toutefois possible pour l’évaluateur d’utiliser l’imagerie
6.2 Approche analytique de l’évaluation hors ligne, sans conséquence sur le procédé.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
R 7 614 − 18 © Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle
_____________________________________________________________________________________________ INGÉNIERIE DES SYSTÈMES HOMME-MACHINE
teur puisqu’elle l’oblige en principe à ne négliger aucun des aspects qu’une équipe d’évaluation doit pouvoir utiliser un ensemble
de l’imagerie. d’outils allant des techniques cliniques aux méthodes formelles à
chaque étape de la vie d’un produit. Elle ne pourra être effective que
dans la mesure où des outils fiables, systématiques et faciles à utili-
6.2.2 Évaluation a priori par modèle formel ser seront disponibles ».
■ Plusieurs modèles formels dits prédictifs sont progressivement Cet article est consacré à un état de l’art sur l’ingénierie des sys-
mis au point, partant de l’hypothèse que certaines performances de tèmes homme-machine, tout en se focalisant sur les interfaces
l’opérateur peuvent être prédites, et donc considérées lors de la con- homme-machine utilisées en salle de contrôle de procédés indus-
ception de l’interface. Nous avons déjà vu dans la partie 2 qu’un triels complexes. En cinq parties, il a été possible de constater la
ensemble de méthodes d’analyse et de modélisation des tâches richesse et la variété des approches, issues de l’ingénierie et des
humaines permettaient implicitement d’intégrer un état d’esprit sciences cognitives. En raison des critères économiques et sécuri-
d’évaluation a priori dans la démarche de conception. Notons à ce taires liés le plus souvent à leur utilisation dans des situations par-
sujet les modèles dits de tâche, tels HTA [36], GOMS [32], MAD et fois extrêmes, la conception et l’évaluation de tels systèmes
SADT/Réseau de Petri, ces deux derniers modèles ayant été décrits homme-machine nécessitent des approches spécifiques, et en tout
précédemment vis-à-vis de la modélisation de tâches humaines. cas pluridisciplinaires. Il s’avère donc que de nouvelles méthodes,
Rappelons que les modèles de tâche consistent en une décomposi- connaissances, modèles et outils doivent maintenant de plus en
tion hiérarchique des tâches pour représenter l’activité cognitive plus être connues et utilisées par les ingénieurs. Ce chapitre a tenté
d’un utilisateur. Dans ce type de description, la tâche est décompo- d’en donner un aperçu.
sée par raffinage en partant de la tâche globale ou, au contraire, à
La première partie a été consacrée aux méthodes d’analyse et de
partir des constituants élémentaires (analyse descendante et ascen-
modélisation de systèmes techniques, d’une part en fonctionne-
dante). Elle fournit en principe un support formel pour l’évaluation
ment normal, et d’autre part en fonctionnement dégradé. Même si
prédictive de la performance, puisqu’elle propose une description
de telles méthodes sont bien connues en ingénierie, il n’était pas
mesurable du comportement de l’utilisateur et de ses performances.
inutile de les rappeler et de les positionner vis-à-vis des systèmes
La difficulté consiste ici à associer à de tels modèles des métriques
homme-machine, puisque les modélisations fournies sont impor-
systématiques et rigoureuses ; ces métriques font l’objet de recher-
tantes en terme de support de dialogue pour l’ensemble des interve-
ches actives actuellement.
nants d’un projet de conception de système homme-machine
Ces modèles formels dits prédictifs sont étudiés avant tout pour industriel.
faciliter l’évaluation a priori des interfaces hommes-machines. Tou-
tefois, il est important de souligner qu’ils peuvent être également La seconde partie a été consacrée à l’analyse et la modélisation
utilisés a posteriori. Par exemple, à l’aide de la méthode utilisant des tâches humaines et des opérateurs, étapes insuffisamment pri-
conjointement SADT et les réseaux de Pétri, ABED et ANGUE [20] ses en compte dans la plupart des modèles et méthodes de dévelop-
confrontent a posteriori un modèle des tâches prescrites et un pement de l’ingénieur. Elles font l’objet de recherches très actives, et
modèle des activités réelles d’opérateurs afin de mettre en évidence débouchent progressivement sur des démarches et techniques opé-
des lacunes ou des problèmes relatifs à l’utilisation des interfaces rationnelles et concrètes.
homme-machine.
La troisième partie a eu pour objet la spécification d’imagerie. Il
■ Notons qu’il existe d’autres modèles dits modèles formels de s’avère qu’en plus de nombreuses méthodes de spécifications
qualité de l’interface. Certains s’intéressent à l’évaluation « auto- issues du génie logiciel, la prise en compte d’autres supports est
matique » de la présentation de l’information, à partir de l’activation essentielle : des manuels de recommandations et guides de style
de règles ergonomiques ; d’autres visent la génération automa- trouveront dans la spécification leur pleine utilité s’ils s’intègrent
tique d’affichage (ou de spécifications d’interface) respectant des dans une démarche d’ergonomie de conception ; des normes et/ou
concepts ergonomiques de base. Dans la mesure où ceux-ci sont des standards liés à la présentation de composants d’installations
encore du domaine de la recherche, même si plusieurs prototypes existent pour la supervision de systèmes industriels complexes et il
sont d’ores et déjà opérationnels, ils ne seront pas décrits dans ce est important que les ingénieurs les utilisent.
chapitre. En effet, de nombreuses études doivent encore être La quatrième partie s’est intéressée aux environnements graphi-
menées avant d’envisager leur industrialisation, sous forme de ques de réalisation d’imagerie. Il s’avère qu’un choix important est
connection avec des progiciels de création et d’animation d’image- mis à la disposition des développeurs industriels, allant de boîtes à
ries industrielles, ou d’intégration dans ceux-ci. Le lecteur intéressé outils à des progiciels spécialisés pour des applications de supervi-
se référera à [10]. sion, en passant par des éditeurs d’interfaces.
Enfin, la cinquième partie a été consacrée à l’évaluation des sys-
tèmes homme-machine, l’évaluation étant souvent négligée dans
6.3 Conclusion sur les méthodes de nombreux projets ou intervenant très (trop) tard. Pourtant, de
d’évaluation nombreuses méthodes, permettant d’intervenir a priori et/ou a pos-
teriori par rapport à l’étape de réalisation effective, émergent de
l’ingénierie et des sciences cognitives et sont d’ores et déjà opéra-
Il existe une grande variété de méthodes contribuant à l’évalua- tionnelles ; notons aussi que d’autres méthodes nécessitent encore
tion des systèmes homme-machine, et ceci, à l’aide particulière- des validations complémentaires pour être appliquées dans le
ment du prototypage et des modèles prédictifs, a priori, c’est-à-dire domaine de la supervision.
au niveau même de la conception (cf. aussi [42]). Cette constatation
rejoint le constat fondamental de SENACH [16] : « cette organisation En conclusion, l’ingénierie des systèmes homme-machine n’est
va à l’encontre des idées reçues en matière d’évaluation : elle mon- pas un domaine figé, mais bien au contraire en constante évolution
tre que celle-ci constitue un processus parallèle à la conception, et nécessite véritablement la mise en œuvre de démarches pluridis-
qu’elle ne peut pas être réduite à une simple étape ponctuelle et ciplinaires (cf. pour de plus amples détails [10]).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Mesures et Contrôle R 7 614 − 19
P
O
U
Ingénierie des systèmes R
homme-machine
E
N
par Christophe KOLSKI
Laboratoire d’Automatique et de Mécanique Industrielles et Humaines - URA CNRS 1775
Professeur à l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis
S
A
Références bibliographiques principales V
[1] ABED (M.). – Contribution à la modélisation
de la tâche par outils de spécification exploi-
tant les mouvements oculaires : application à [7]
humains de la fiabilité dans les systèmes
complexes, Édition Octarés, Marseille, 1990.
GILMORE (W.E.), GERTMAN (D.I.), BLACK-
approach to cognitive engineering. Elsevier
Science Publishing, 1986. O
[15] RAVDEN (S.J.), JOHNSON (G.I.). – Evaluating
la conception et à l'évaluation des interfaces
homme-machine. Thèse de doctorat, univer-
sité de Valenciennes, Septembre 1990.
MAN (H.S.). – User-computer interface in pro-
cess control, A Human Factors Engineering
Handbook. Academic Press, 1989.
usability of human-computer interfaces : a
practical method. Ellis Horwood, Chichester,
I
1989.
[2] AMALBERTI (R.), De MONTMOLLIN (M.),
THEUREAU (J.). – Modèles en analyse du tra-
[8] GRISLIN (M.), KOLSKI (C.). – Évaluation des
Interfaces Homme-Machine lors du dévelop- [16] SENACH (B.). – Évaluation de l'ergonomie
des interfaces homme-machine : du proto-
R
vail. Liège : Mardaga, 1991. pement de système interactif. Technique et
Science Informatiques, n° 3, Mars 1996. typage aux systèmes experts. Actes du
[3] COUTAZ (J.). – Interfaces homme-ordina- Congrès ERGO-IA '90 : Ergonomie et Infor-
[9] IGL TECHNOLOGY. – SADT, un langage pour
teur : conception et réalisation. BORDAS, matique avancée, Biarritz, septembre 1990.
[4]
Paris, 1990.
DANIELLOU (F.). – L'opérateur, la vanne,
[10]
communiquer. Éditions Eyrolles, 1989.
KOLSKI (C.). – Interfaces homme-machine,
application aux systèmes industriels comple-
[17] SPERANDIO (J.C.). – Les méthodes d'analyse
du travail en psychologie ergonomique.
P
l'écran : l'ergonomie dans les salles de
contrôle. Montrouge, ANACT, collection
« Outils et Méthodes », 1986.
[11]
xes. Éditions Hermès, Paris, janvier 1997.
MEINADIER (J.P.). – L'interface utilisateur,
pour une informatique plus conviviale.
Dans La recherche en psychologie (domaines
et méthodes), J.P. Rossi (Éd.), Bordas, Paris,
1991.
L
[5] DIENG (R.). – Méthodes et outils d'acquisition
des connaissances. In L'ergonomie dans la
conception des Projets Informatiques, J.C.
[12]
Dunod, Paris, 1991.
MILLOT (P.). – Supervision des procédés
[18] VILLEMEUR (A.). – Sûreté de fonctionnement
des systèmes industriels : fiabilité, facteur
humain, informatisation. Eyrolles, Paris,
U
automatisés et ergonomie. Éditions Hermès,
sperandio (Éd.), Octares Éditions, Toulouse,
pp. 335-411, 1993. [13]
Paris, Décembre 198.8
NIELSEN (J.). – Usability engineering. Acade- [19]
1988.
WILSON (J.R.), CORLETT (E.N.). – Evaluation
S
[6] FADIER (E.). – Fiabilité humaine : méthodes mic Press, 1993. of human works : a practical ergonomics
d'analyse et domaines d'application. In [14] RASMUSSEN (J.). – Information processing methodology (2nd edition). Taylor & Francis,
J. Leplat et G. De Terssac (Eds.), Les Facteurs and human-machine interaction, an 1995.
V [38]
CENA et l'INRIA, août 1991.
EL MRABET (H.). – Outils de génération
tion au contrôle de trafic aérien). Thèse de
Doctorat, université de Valenciennes, juin
1997.
[61] SINCLAIR (M.A.). – Subjective assessment.
In : Evaluation of Human works : a practical
ergonomics methodology. Wilson J.R. and
d'interfaces : état de l'art et classification.
O [39]
Rapport INRIA, Rocquencourt, n° 126, 1991.
FLANAGAN (C.). – The Critical incident tech-
[49] MILLER (G.A.). – The psychology of commu-
nication. Basic Books, New York, 2nd Ed, [62]
Corlett E.N. (Eds.), Taylor & Francis, 1990.
SMITH (S.L.), MOSIER (J.N.). – Guidelines for
197.5 designing user interface software. Report
I [40]
nique. Psychology Bulletin, 51, p. 327-386,
1954.
GERTMAN (D.I.), BLACKMAN (H.S.), BANKS
[50] MILLOT (P.), DEBERNARD (S.). – Men-machi-
nes cooperative organizations: methodologi-
EDS-TR-86-278, The MITRE Corporation,
Bedford, MA, 1986.
[67]
THEUREAU (J.). – Le cours d'action : analyse
sémio-logique. Berne, Peter Lang, 1992.
VALAER (L.A.), BABB II (R.G.). – Choosing a
Normalisation
Normes internationales ISO ISO 3511-4 : 1985 Fonctions de régulation, de mesure et d’automa-
International Organization for Standardization tisme des processus industriels. Représentation
symbolique. Partie 4 : Symboles de base pour la
ISO 3511-1 : 1977 Fonctions et instrumentation pour la mesure et représentation des fonctions calculateur.
la régulation des processus industriels. Repré-
sentation symbolique. Partie 1 : Principes de
Normes britanniques BS British Standards
base.
BS 1646 : Symbolic representation for process measure-
ISO 3511-2 : 1984 Fonctions et instrumentation pour la mesure et ment control functions and instrumentation.
la régulation des processus industriels. Repré-
sentation symbolique. Partie 2 : Extension des BS 1646 : Part 1 : 1979 = ISO 3511/1 Basic requirements.
principes de base.
BS 1646 : Part 2 : 1983 = ISO DIS 3511/2 Specification for additio-
ISO 3511-3 : 1984 Fonctions et instrumentation pour la mesure et nal basic requirements.
la régulation des processus industriels. Repré-
sentation symbolique. Partie 3 : Symboles BS 1646 : Part 3 : 1984 = ISO DIS 3511/3 Specification for detailed
détaillés pour les diagrammes d’interconnexion symbols for instrument interconnection dia-
d’instruments. grams.
P
L
U
S