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ACTUS

SURÉLÉVATION 9 AVENUE DE SÉCHERON :


DE LA TRAME À LA MATRICE
PAR BRENDA LYNN EDGAR

juridique, l’indignation provoquée chez


les habitants par certains projets
(comme autour de la surélévation pré-
vue de l’usine Beyeler) n’a pour effet
que de pousser les architectes dans le
retranchement.

Ce débat nous rappelle avec force


que l’architecture n’est jamais créée
ex nihilo et que, peut-être plus que
d’autres exercices, la surélévation re-
met en question l’impératif d’origina-
lité. Or, pour beaucoup d’architectes
aujourd’hui, dont la formation est en-
core marquée par l’influence des
mouvements avant-gardistes du dé-
but du XXe siècle, qui cherchaient à
rompre avec la tradition et les styles
historicistes, l’originalité d’un projet
demeure gage de sa qualité. Certes,
les programmes d’aujourd’hui se
complexifient et les normes de
construction deviennent de plus en
plus contraignantes, laissant peu de
place à l’expression individuelle de
l’architecte. Bien entendu, l’enjeu éco-
nomique est de taille. En 2012,
Jacques Herzog soulignait que dans
un marché de plus en plus mondialisé,
« l’impératif d’exister » pour les archi-
tectes rime avec la production « des
©Tettamanti

signes distinctifs » (1). Ainsi, nous té-


moignons d’un surenchérissement de
Une solution élégante pour une nouvelle identité. Architecture : Raphaël Nussbaumer Architectes - prouesses techniques et de jeux for-
Direction des Travaux : AML Immo Conseils - Ingénieur civil : Ingeni.
mels parfois sophistiqués, mais sou-
Le débat actuel autour de la loi sur les vent vides de sens. On peut alors s’in-
surélévations à Genève n’a pas fini terroger sur la pertinence de cette
d’attiser les conflits entre politiques, « iconisation » de l’architecture ainsi
propriétaires d’immeubles, acteurs de que sur l’assimilation de l’originalité
la société civile et, bien sûr, les archi- avec le « signe distinctif ».
tectes. Mais pendant que le débat fait
rage, les surélévations se poursuivent, La surélévation au 9 avenue de Sécheron
modifiant de manière irréversible le par Raphaël Nussbaumer Architectes
profil urbain de la ville. La question de nous donne à voir une architecture
la qualité architecturale mérite alors dont l’originalité réside précisément
d’être traitée, d’autant que les surélé- dans sa discrétion et sa capacité de
vations se démarquent souvent d’une transformer un bâtiment relativement
manière spectaculaire de leur contexte. ordinaire (et assez emblématique de
©Ldd

Alors que l’on peine à trouver un cadre la construction d’après-guerre) en


Un bâtiment emblématique de la construction
d’après-guerre.

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ACTUS

œuvre architecturale, sans faire re- culation savante, faute de quoi on Côté cour, la trame devient tridimen-
cours à un formalisme sensationna- retrouve des bâtiments quelconques, sionnelle, une matrice dessinée par
liste. L’élégance de la solution se voit aux limites qui paraissent arbitraires l’élégante structure métallique des
particulièrement dans la façade sur ou régies principalement par des loggias vient s’intégrer à la façade.
rue, soit le lieu d’expression principal questions de dimensionnement inté- Les espaces de ces jardins d’hiver,
de son intégration dans le contexte et rieur. Si la façade existante au 9 ave- d’une ambiance chaleureuse créée
l’affirmation de sa nouvelle identité. nue de Sécheron n’était pas entière- par l’emploi d’une peinture couleur
On y retrouve notamment une réso- ment dépourvue de qualités, son magenta aux sols des balcons,
nance avec le langage architectural du écriture était plutôt anodine. Rajouter viennent ainsi se lover avec les es-
bâtiment existant: l’ancienne façade une surélévation singulière n’aurait paces intérieurs (transformant au
est reprise et intégrée dans la nou- eu pour effet que de souligner la mo- passage les appartements existants).
velle sur toute la hauteur de l’édifice, destie du bâtiment existant et de s’en En plus de réécrire toute la façade
le gabarit est maintenu sur la largeur distancier, voire même s’en aliéner. côté cour, cet ensemble de balcons
et la trame des fenêtres existantes Or, dans le cadre des surélévations, constituent sinon un espace commun
mise en valeur, en devenant l’élément l’aliénation formelle relève souvent du moins un espace d’égalité entre
structurant de la fresque. Celle-ci, d’une autre qui est, elle, sociale et l’existant et les étages rajoutés.
œuvre de l’artiste Karim Noureldin, économique, car il s’agit de rajouter Certes, il n’est pas toujours possible
reprend littéralement le motif de la des appartements aux loyers nettement dans le cadre d’une surélévation de
grille, peinte en lignes de couleur supérieurs à ceux des logements exis- rajouter ainsi des balcons à l’en-
cuivre (un pigment métallique) sur tants. Raphaël Nussbaumer, lui, a osé semble de l’immeuble ni de reprendre
fond gris clair, et déployée sur toute la inscrire sa transformation complète- en totalité la façade existante – bien
surface de la façade. ment dans la trame de l’existant et en- que l’on trouverait de nombreux avan-
suite, transformer cette trame en une tages à une législation qui obligerait
La trame et la grille sont des motifs véritable « matrice ». Tout d’abord, la de telles mesures d’entretien. La
emblématiques à la fois de la construc- reprise des façades sur toute leur surélévation au 9 avenue de Sécheron
tion standardisée et mécanisée d’après- hauteur, choix fort louable de la part souligne les avantages de la création
guerre et d’une conception moderniste du propriétaire, permet de créer une de tels biens communs, si nécessaires
de l’espace. Au début du XXe siècle, la « toile libre » sur laquelle on vient re- à la vie urbaine et démontre ainsi que
grille était un dispositif spatial em- dessiner l’identité de l’édifice. Côté la « stratification » de la ville n’em-
ployé par des avant-gardes moder- rue, la planéité du dessin de Nourel- pêche pas de créer des liens durables
nistes pour dessiner l’espace infini din souligne la « mise à plat » de la et signifiants entre ses différentes
et « aperspective ». Pour les artistes surface qui vient désormais à fleur couches.
comme Mondrian ou plus tard Agnès des fenêtres. Loin d’être une œuvre
Martin, la grille sollicite le hors-champ, « rajoutée » au nom de l’art contem-
suggérant une continuité par-delà la porain, la fresque souligne les réalités
toile. Pour les architectes, la grille constructives de la façade tout en
était synonyme du plan libre. Dans son jouant sur une certaine tension spa-
ouvrage phare « Vers une architec- tiale créée par la grille. D’apparence
ture » paru en 1923, Le Corbusier par- rigide, la grille est en fait composée
lait de la grille en façade comme d’une de lignes discontinues et le dessin
articulation « accusatrice » qui met en semble vibrer de par le contraste
rapport la géométrie de la surface du entre sa couleur vive et le fond gris. Le
Brenda Lynn Edgar - Docteur en histoire
bâtiment avec celle du volume, de ma- glissement latéral des lignes, se déta- de l’art - Maître assistante à l’Université de
nière à accuser ses formes au lieu de chant des bords par-ci, débordant Genève - Architecte de formation, travaille
les dissimuler. La grille est aussi ma- par-là, suggère le mouvement des fils sur la question de l’ornementation photo-
graphique en architecture, sujet de sa thèse
trice spatiale, faisant allusion aux sys- dans un métier à tisser. En haut, là où
de doctorat soutenue en 2013 à Paris I Pan-
tèmes de construction modulaires, l’ancien bâtiment était couronné d’une théon-Sorbonne. A enseigné l’histoire et la
infiniment extensibles – du moins en corniche, les lignes cuivrées de la théorie de l’architecture à l’HEIA, Fribourg,
théorie. fresque s’arrêtent net au bord de la la HEAD Genève.
surface plane de la façade, sollicitant
(1) P
 ropos de Jacques Herzog cités dans
Cependant, comme tout dispositif mi- le hors-champ et faisant allusion aux La trame et le hasard de Jean François
nimaliste, la grille demande une arti- étages rajoutés de la surélévation. Chevrier

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