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Esthétique de la

Conférence
d’Esthétique
« c’est assez dire : abîme et satire de l’abîme »
Jacques Derrida, la vérité en peinture, Flammarion, Paris, 1978
« On a tout foutu en l’air »
Easy Rider, 1969
« L’art est la définition de l’art. »
Joseph Kosuth, Art after philosophy, 1969

Ce court texte a pour intention de s’interroger sur la qualité de nature de l’espace-


temps vécu par le public d’une conférence d’esthétique. En se posant la question de
la qualité de nature on insiste non pas sur ce que la conférence produit en elle-
même comme concepts, mais plutôt sur l’espace-temps qu’elle génère vis-à-vis d’un
public et le spectaculaire dont il est question. La situation est la suivante : il y a un
face à face, une personne s’adresse à public et ce au sujet -ou au nom ?-1 de l’art. Il
y a un objet absent -l’art pendant la conférence n’est pas en présence directe,
immédiate, au plus il est en représentation par le truchement d’une diapositive-, et il
y a un discours.

Ce discours est-il d’encadrement, à la limite du dedans et du dehors, bref


parergonal vis à vis de son objet ? Cette question faisant date en 1978 n’est plus de
mise, car nous considérons la conférence d’esthétique comme un format de l’art
contemporain qui lui est totalement intérieur –les catégories Art et Philosophie
s’étant dissolus en 1969, nous y reviendrons. Alors, sans parler de cadres, que peut-
on dire de la relation se dessinant entre un public et la sculpture sonore d’un orateur
esthéticien ? C’est une nouvelle question, on peut la soulever en questionnant le
rapport à la vérité des énoncés post-fictifs.

a-sur la post-fiction
Après l’étape de la fiction post-moderne, comme surgissement de discours faisant
autorité après la période des récits2 première étape donc de la fiction théorique,
teinté du nihilisme lié à l’idée de crise et d’effondrement des repères, revient dans
l’esthétique l’idée de vérité sous son aspect conceptuel. La vérité revient, mais elle
n’est pas revenante à la manière d’un fantôme qui revient sur son lieu de
hantement, ce n’est pas l’idée de vérité qui revient, mais son nouveau corps, elle
revient en son concept, et se pense dans la philosophie comme catégorie. Alain
Badiou : « Ce qui se dit aussi bien : l’art lui-même est une procédure de vérité. Ou
encore : l’identification philosophique de l’art relève de la catégorie de vérité »4. Ce
fait nouveau, l’arrivée de la vérité comme concept et non comme idéalité, se passe
donc dans la post-fiction théorique. En effet il apparaît que la sortie de la
postmodernité, dans son après, dans son post, dans son post au carré, ou dans son
alternativité-moderniste, s’élabore ou s’intrigue5 dans la pensée esthétique
contemporaine, et ce, sous ces possibles diverses noms (« post post… », « après »,
« alter ») qui peuvent aussi se penser comme théories de la post-fiction. Mais dans
une telle sortie de, peut-on s’accorder sur une catégorie de vérité ? et comment
celle-ci peut-elle s’élaborer dans l’espace artistique ?

b-sur les énoncés de performance


Il est ce fait récent : l’importance de la communication directe et sans médiation
écranique, soit la ré-évaluation -dans les pratiques artistiques récentes- de la
performativité sans traces que celles racontées de proche en proche, de bouche à
oreilles, de connaisseurs à amis, d’un événement artistique. Peut-on ici parler de
sculpture sonore dont le matériau de relance est le corps même d’un public absent
lors de l’événement performatif initial ? Cela engage-t-il un rapport décomplexé à la
représentation, une résistance à son régime de codification et augure d’une nouvelle
nature de l’espace-temps vécu dans la post-fiction ? Cette question triple qui est
également celle qui peut se poser lorsque l’on assiste à la conférence d’un
esthéticien en 2006 doit tisser son rapport à la vérité par son fait performatif. Mais
ce qui se dit lors d’une performance discursive sont-ce des énoncés performatifs ?
Pour cela il faudrait rappeler la controverse entre Searle et Derrida sur ces dits
énoncés. Austin dans How to do Things with Words6 définit le performatif comme un
acte exécuté par un fait de discours, en disant : « je te baptise » par exemple un
prêtre baptise effectivement un enfant. Pour John Searle dans la droite ligne d’Austin
le performatif est inséparable de son contexte d’énonciation et nécessite sa pleine
saisie pour s’accomplir. Cette affirmation intrigue Jacques Derrida pour lequel
l’itération d’un énoncé –sa répétition différentielle- crève le contexte, dans le sens
où la lisibilité de l’énoncé est en droit séparable de son contexte d’énonciation7.
Nous voyons alors ici un motif de discorde théorique entre deux traditions, anglo-
saxonne et continentale, sur la question du contexte, l’un pense sa positivité dans la
lignée empiriste tandis que l’autre affirme son insaisissabilité dans la lignée de
l’herméneutique heidegerrienne.

Une performance artistique est le plus souvent définie comme un accomplissement8


artistique faisant œuvre, une performance tout comme un énoncé performatif se
tient par son absence à un référent extérieur : « il ne décrit pas quelque chose qui
existe hors langage et avant lui »8, dit Jacques Derrida, en ce sens son
accomplissement est inaugural et peut se penser sous la conceptualité de
l’événement. Ce saut interprétatif allant de l’énoncé performatif au concept
d’événement est la tentative d’une liaison entre Derrida et Badiou, et a pour but de
questionner le rapport du performatif à la vérité post-fictive. Ce saut n’est peut être
pas légitime, il est une assertion. Par lui nous pouvons avancer que les énoncés de
performance sont performatifs car sans référents et se peuvent décrire par une
catégorie de vérité en tant qu’ils font événement à un ordre du discours en
changeant ses modalités logiques.

c-sur l’espace performatif de la conférence –son effet de vérité


En 1969 Joseph Kosuth fait une proposition de caractère historique sur le nouage
art / philosophie : « Le 20éme siècle a vu l’avènement d’une époque dont on
pourrait dire qu’elle est celle de la fin de la philosophie et du commencement de
l’art »9. Cette entreprise d’historisation de l’art après la philosophie se révèle être en
définitive, dans les faits, une dissolution de l’art dans la philosophie, comme le dit
Seth Price dans Dispersion, l’art conceptuel « se revêt d’autres disciplines (la
philosophie étant l’exemple le plus notable) »10. Cette dissolution s’est faite chez
Kosuth en recourant au style logique de la philosophie, en employant la forme
syllogistique et tautologique : « l’art est la définition de l’art »11, nous dit-il à la fin de
son texte. Notre hypothèse concernant l’effet de vérité des énoncés de la conférence
d’esthétique tient au fait que l’art absent lors de la conférence -si ce n’est par sa
représentation par le truchement d’une diapositive- possède une autre nature de sa
présentation, qui est sa pure présence en sa forme discursive. La forme discursive
de la conférence dont le sujet est l’art est un format de l’art conceptuel, et la
philosophie dont elle se soutient est après l’art après la philosophie. L’espace de la
conférence d’esthétique, qui est un espace performatif car sans référents, l’art est
toujours absent même si on s’y réfère, crée une situation favorable à un événement
post-fictif. Cet événement est porteur d’une vérité post-fictive, immanente et
singularisée.

Dans la philosophie après l’art après la philosophie, qui est une théorie de la post-
fiction, s’engage une nouvelle procédure de vérité des énoncés performés en temps
réel. Le matériau sonore de la conférence qui est force de concepts n’est pas
d’encadrement mais de situation, il crée un espace de performance pour la pensée.
Cet espace de performance est immatériel, ne peut se résoudre à ses traces -notes
du public, enregistrements numériques, mémoire du spectateur- il est la tentative de
créer un présent qui dure dans le passé comme dans le futur.

Les énoncés post-fictifs performés dans les conférences d’esthétique après 2005 ont
valeur de vérité par la création de ce présent même. Vérité et création du présent se
recoupent dans la performance esthétique dont l’enjeu est de s’écarter de
l’immédiateté de la vision.

Benoît Maire, Paris, janvier 2006

Texte distribué à l’occasion du colloque « Art After the End of Art : An International
Conference in Contemporary Aesthetics in Honour of Artur Danto », 4 février 2006,
LSE, Old Theatre, Old Building, Houghton Street, Londres.

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