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Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire
du marxisme
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Michael Löwy
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Michael Löwy
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Quatrième de couverture
[239]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
PREMIÈRE PARTIE.
MARX [17]
Introduction [39]
I. La Révolution de 1854 [43]
II. « Revolutionary Spain » (revue historique) [47]
III. « Revolution in Spain » (1856) [50]
DEUXIÈME PARTIE.
ROSA LUXEMBURG [83]
TROISIÈME PARTIE.
LÉNINE [127]
QUATRIÈME PARTIE
SUR LE MARXISME EN AMERIQUE LATINE [161]
CONCLUSION :
Science et révolution : objectivité et point de vue de classe dans les sciences
sociales [201]
I. Le positivisme [203]
II. La tentative éclectique de Mannheim [212]
III. Le débat au sein du marxisme [214]
IV. Conclusion : le point de vue du prolétariat [229]
Sources [237]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 10
[7]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
INTRODUCTION
[8]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 11
[9]
Dialectique et révolution
lectique, c'est-à-dire par le fait que son projet révolutionnaire n'est pas
un « devoir être » abstraitement posé en face de l'état de chose exis-
tant, mais si fondé sur les tendances concrètes de la réalité elle-même.
(Ce en quoi elle partage la critique de Hegel à Kant et Fichte. Cf.
Lukács "Moses Hess und die Probleme der idealistischen Dialektik",
Archiv für die Geschichte des Sozialismus und der Arbeiterbewegung
XII, Leipzig, 1926, pp. 116-130.) Enfin, la théorie de la révolution de
Marx est dialectique parce qu'elle refuse le dilemme métaphysique
« conditions objectives » (ou « circonstances ») versus « conditions
subjectives » (ou « conscience »), en saisissant leur unité contradic-
toire dans la praxis révolutionnaire du prolétariat.
L'idéologie hégémonique dans la IIe Internationale videra la pen-
sée marxiste de son contenu dialectique. Avec une remarquable luci-
dité Bernstein, le père du révisionnisme, avait souligné le lien profond
entre la dialectique et la révolution chez Marx ; d'où sa rage contre la
dialectique « élément perfide de la doctrine marxiste », ce piège »,
« jeu dangereux qui mène aux aventures révolutionnaires et les justi-
fie », source du « blanquisme » de Marx (« blanquisme » étant pour
Bernstein synonyme de voie violente vers le socialisme) et de ses re-
chutes dans le « révolutionnarisme » [13] (« révolutionnariste » étant
pour Bernstein tout écrit proclamant que la révolution prolétarienne
est à l'ordre du jour). Pour Bernstein, la dialectique, de source hégé-
lienne, en affirmant la nécessité de pousser les contradictions jusqu'au
bout, et la possibilité de sauts catastrophiques dans le processus histo-
rique, est le fondement méthodologique de l'« erreur » révolutionnaire
de Marx : « ce qui devrait demander des générations pour se réaliser
fût considéré à la lumière de la philosophie de l’évolution par et dans
les contradictions comme le résultat immédiat d'une révolution poli-
tique... » (Cf. Pierre Angel, E. Bernstein et l'évolution du socialisme
allemand, Didier, 1961, pp. 198-204.)
Quant aux « marxistes orthodoxes » Kautsky et Plekhanov, leur
pensée représente, dans une large mesure (comme nous essayons de le
montrer dans les articles où nous les confrontons avec Rosa Luxem-
burg et avec Lénine) un retour au matérialisme mécaniste du XVIIIe
siècle, c'est-à-dire à une forme de pensée fondamentalement métaphy-
sique et pré-dialectique. La dialectique marxiste ne survivra, de la
mort d'Engels à 1914 qu'« à l'œuvre » dans les écrits politiques de la
gauche révolutionnaire de la IIe Internationale : Rosa Luxemburg,
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 15
[16]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 17
[17]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Première partie
MARX
[18]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 18
[19]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Première partie : Marx
Chapitre I
Marx et Weber :
notes sur un dialogue implicite
« D'autre part, il est hors de question de soutenir une thèse aussi dérai-
sonnable et doctrinaire, qui prétendrait que "l'Esprit du capitalisme"... ne
saurait être que le résultat de certaines influences de la Réforme, jusqu'à
affirmer même que le capitalisme en tant que système économique est une
création de celle-ci » 2.
« Un grand nombre de régions du Reich, les plus riches et les plus dé-
veloppées économiquement, les plus favorisées par leur situation ou leurs
ressources naturelles, en particulier la majorité des villes riches, étaient
passées au protestantisme dès le [22] XVIe siècle... Se pose alors la ques-
tion historique : pourquoi les régions économiquement les plus avancées
se montraient-elles en même temps particulièrement favorables à une évo-
lution dans l'Église ? » 5.
« L'idée que l'homme a des devoirs à l'égard des richesses qui lui ont
été confiées et auxquelles il se subordonne comme un régisseur obéissant,
voire comme une "machine à acquérir", pèse de tout son poids sur une vie
qu'elle glace... Comme tant d'éléments de l'esprit du capitalisme moderne,
5 Ibid., p. 35.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 21
6 Ibid., p. 230.
7 Ibid., p. 75.
8 Religionssoziologie, I, pp. 83, 218 ; Ephraïm Fischofï, « The History of a
Controversy » in Protestantism and Capitalism (The Weber thesis and its
critics), D.C. Heath & Company, Boston, 1967, pp. 110-111).
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 22
10 John Andrew Doyle, The English in America, Longmans Green and Co.,
Londres, 1887, Vol. II, pp. 33-35 et 39.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 24
[27]
En d'autres termes : cette plainte de 1632 suggère que la recherche
du profit était non une conséquence de la religiosité des gens, mais de
leur insuffisance religieuse ; le révérend puritain ne voyait pas la re-
cherche du profit comme un métier (Beruf) béni, mais comme quelque
chose d'opposé à la vraie religiosité. Il nous semble donc que cette
plainte peut difficilement être citée, comme le fait Weber, pour soute-
nir la thèse que la religion puritaine était la cause principale de cette
« avidité en matière de profit » de la Nouvelle-Angleterre. Dans un
autre passage du livre de Weeden apparaît une autre doléance qui sou-
ligne le même point : l'opposition entre religion et recherche du pro-
fit ; il mentionne un plainte du puritain Johnson en 1650, lequel
s'indigne de ce que les marchands, les commerçants et hommes d'af-
faires « voudraient bien que la Communauté tolère divers genres
d'opinions pécheresses, pour attirer des hommes à venir et à s'asseoir
avec nous, pour que leurs bourses soient remplies d'argent, le gouver-
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 25
13 Doyle, op. cit., pp. 37, 40. Wedent, op. cit., p. 165.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 27
« ...mon père m'avait, parmi les leçons qu'il me donnait quand j'étais
enfant, répété fréquemment un proverbe de Salomon : "Vois-tu un homme
diligent dans son affaire (calling), il sera debout devant [33] les Rois, il ne
sera pas debout devant les plébiens" ; j'ai à partir de là considéré l'indus-
trie comme un moyen d'obtenir la richesse et distinction, ce qui m'a encou-
ragé, même si je ne croyais pas que je serais effectivement debout devant
les Rois, ce qui, cependant, est arrivé ; puisque j'ai été devout devant cinq
rois et j'ai même eu l'honneur de m'asseoir avec un, le Roi du Danemark,
pour dîner » 18 (souligné par nous).
ou encaisser une insulte parce que la main qui l'offre porte un anneau
de diamants » 19.
D'autre part, il n'y a pas de doute que la richesse est pour Franklin
non seulement un moyen d'obtenir de la distinction sociale, mais aussi
un but en soi. Nous retournons donc à la question de Weber : pourquoi
doit-on « des [34] hommes faire de l'argent » ? L'argument de Weber
est que faire de l'argent, l'acquisition, l'enrichissement comme fin ul-
time de la vie est (d'un point de vue hédoniste) complètement irration-
nel, et ne peut être expliqué sinon par l'influence d'idées religieuses :
la profession (Beruf) comme un but moral en soi 20 — le meilleur
exemple étant Franlin lui-même. Nous avons essayé de montrer que
l'autobiographie de Franklin ne soutient pas cette explication. Pour-
quoi donc ne pas supposer qu'un comportement économique n'est pas
rationnel (en termes hédonistes) par lui-même, sans le besoin d'inspi-
ration religieuse ? Weber lui-même admet qu'aujourd'hui le capita-
lisme et son esprit (irrationnel) de « faire de l'argent » comme un but
absolu fonctionne à merveille sans avoir besoin de religion. Pourquoi
n'en serait-il pas ainsi dès les débuts ? Au contraire : il était peut-être
plus rationnel (en termes utilitaires-hédonistes) pour un petit artisan
du XVIIe siècle d'être industrieux et économe comme un moyen
d'ascension sociale, qu'aujourd'hui pour un riche capitaliste d'être ob-
sédé par le besoin d'accumulation d'argent !
Marx a analysé dans ses écrits ce caractère irrationnel du capita-
lisme, et l'a présenté comme une forme d’aliénation, semblable dans
sa structure à l'aliénation religieuse : dans les deux cas les êtres hu-
mains sont dominés par leurs propres produits : respectivement l'Ar-
gent et Dieu. Le capitaliste, écrit Marx, « dans la mesure où ses actes
ou omissions sont seulement une fonction du capital personnifié en lui
avec conscience et volonté, considère sa propre consommation
comme un vol contre l'accumulation du capital, comme dans les livres
de comptes italiens, où les dépenses privées apparaissent comme une
dette du capitaliste [35] envers le capital 21. Voir aussi les Manuscrits
de 1844 : « Moins tu manges, bois, achètes des livres, vas au théâtre
19 The Life and Works of Benjamin Franklin, Brightly & Childs, pp. 183-184.
20 Weber, op. cit., pp. 53-54.
21 Marx, Das Kapital, Vol. I, Werke, Vol. 23, Dietz Verlag, Berlin, 1962, p.
619.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 31
24 Cf. Marx, Das Kapital, p. 96, et L. Althusser, Lire le Capital, I, II, éd. Mas-
pero, Paris.
25 K. Marx, Fondements de la critique de l'économie politique, éd. Anthropos,
Paris, 1967.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 33
[39]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Première partie : Marx
Chapitre II
Marx et la révolution espagnole
1854-1856
Introduction
26 L'article est mentionné dans le cahier de notes de Mme Marx. Cf. Karl Marx,
Chronik seines Lebens in Einzeldaten, Marx-Engels Verlag, Moskau, 1934,
148 p.
27 Marx, Engels, Werke, Dietz Verlag, Berlin, 1962, Bd. 28, 711 p.
28 Cf. lettre de Marx à Engels du 10 novembre 1854, Werke, Bd. 28. Pour une
description des articles, voir Rubel, Bibliographie des Œuvres de Marx,
Marcel Rivière, Paris, 1956, 1960.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 35
Publishers, New York, 1939. Cette édition contient en outre des écrits
postérieurs de Marx et Engels sur l'Espagne. Une introduction ano-
nyme rapproche les événements de 1854-1856 de ceux de 1936-1939.
En Espagne même, il y eut deux éditions :
— Carlos Marx, La Revoluciόn Española, Madrid, 1929. On n'y
trouve que les travaux historiques (deuxième catégorie dans notre
classification). La traduction est d'André Nin, futur fondateur du Parti
ouvrier d'Unité marxiste (P.O.U.M.) 29.
[42]
— K. Marx, F. Engels, Révolutiόn en España, Ediciones Ariel,
Barcelona, trad. Manuel Entenza, 1960. Il s'agit d'une traduction de
l'édition américaine de 1939. Un prologue anonyme présente quelques
remarques méthodologiques pénétrantes et passe en revue les men-
tions aux articles de Marx dans quelques histoires contemporaines de
l'Espagne.
I. La Révolution de 1854
l'initiative, mais que dans beaucoup d'endroits ils n'ont fait que céder
aux pressions supérieures de la population 33.
Après la victoire de l'insurrection, après les sacrifices sanglants du
peuple sur les barricades, le conflit commence entre celui-ci et les gé-
néraux : dès le début, les chefs des barricades se rendirent chez Espar-
tero pour lui faire part de leurs objections sur la constitution du gou-
vernement.
Quel est le contenu politique de ce conflit ? Marx montre, dans une
correspondance du 11 août 1854, que le peuple espagnol veut le suf-
frage universel, auquel s'opposent, à des degrés divers, O'Donnel et
Espartero. Le peuple se refuse à déposer les armes tant que le gouver-
nement n'aura pas publié un nouveau programme, puisque [45] celui
de Manzanares ne lui paraît plus satisfaisant. Le peuple exige entre
autres, l'annulation du Concordat clérical de 1851 avec l'Église (Marx,
par erreur, parle du « concordat de 1852 »), la confiscation des biens
des contre-révolutionnaires et le jugement de la reine-mère Chris-
tine 34.
Marx compare ce conflit entre les militaires « modérés » et le
peuple radical aux événements de la révolution de 1848 en France. En
analysant les mesures fiscales réactionnaires du gouvernement « révo-
lutionnaire » d'Espartero, il conclut : « Ainsi le nouveau gouverne-
ment populaire se transforme aussitôt en serviteur des grands capita-
listes et en oppresseur du peuple. Exactement de la même façon, le
gouvernement provisoire français de 1848 a été poussé à prendre la
célèbre mesure des 45 centimes et à confisquer les fonds des Caisses
d'épargne pour pouvoir payer aux capitalistes leurs intérêts » 35.
Cette remarque de Marx est importante, parce qu'elle n'oppose plus
seulement « militaires » et « peuple », mais aussi « capitalistes » et
« peuple », et parce qu'elle place apparemment l'Espagne au même
« niveau » social et politique que la France de 1848.
Cependant, en écrivant sur « le peuple », il se limite à mentionner
le rôle des groupes démocrates et républicains, surtout à Madrid et
Barcelona, sans soulever l'hypothèse d'un « juin 1848 » en Espagne.
[47]
38 R.S., p. 28. Il existe cinq cahiers de Marx contenant des notes sur l'histoire
espagnole, à partir d'auteurs anglais, français et espagnols (Werke, 28, p.
711). Dans une lettre à Engels du 2 septembre 1854, Marx écrit que son
« étude principale » était maintenant l'Espagne (Werke, 28, p. 389).
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 41
41 R.S., p. 53.
42 Werke, 10, p. 632.
43 Bruguera, Hist. contemp. d'Espagne, pp. 228-230 ; cf. aussi Éduardo Aunos
Pérez, Itinerario Historico de la Espana Contemporanea (1808-1936),
Bosch, Barcelona, 1940, p. 139 ; cet historien franquiste voit dans les évé-
nements de cette époque la naissance, en Espagne, du « monstre de la sub-
version sociale » (p. 138).
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 43
tués par des grévistes et des dirigeants ouvriers fusillés par les autori-
tés.
Il nous est difficile de déterminer avec précision si Marx fut infor-
mé de ces événements. De toute façon, de décembre 1854 jusqu'à août
1856, on ne trouve pratiquement aucune mention faite de l'Espagne
dans les articles de Marx pour le N.Y.D.T., ou dans sa correspondance
avec Engels. Cela ne signifie pas nécessairement qu'il ait ignoré les
troubles sociaux d'Espagne, mais simplement que son attention,
comme celle du inonde entier, fut tournée vers d'autres événements (la
guerre de Crimée, notamment).
En juillet 1856, le général O'Donnel déclencha (avec la complicité
de la reine Isabelle) un coup d'État contre Espartero et prit le pouvoir.
Espartero se cacha, abandonnant ses partisans à leur destin ; les Cor-
tès, après un essai timide de résistance, se séparèrent « de facto », et
leur président conseilla à la milice nationale (qui s'était soulevée à
Madrid contre l'armée) de se disperser 44. Il ne restait sur le champ de
bataille que les insurgés des quartiers [51] ouvriers commandés par le
dirigeant populaire (et ex-torrero) Pucheta, qui luttèrent jusqu'au
bout 45. D'autres soulèvements se produisirent aussi à Barcelone, Gé-
rone et Saragosse, mais le 31 juillet O'Donnel était maître du pays et
dissolvait la milice nationale.
Les deux correspondances de Marx sur les événements de juillet
1856 (sous le titre The Revolution in Spain) sont peut-être la partie la
plus significative et la plus importante de ses écrits sur l'Espagne.
En décrivant les événements révolutionnaires de Madrid, Marx
remarque qu'au début les « esparteristes » et les libéraux bourgeois en
général s'unirent au peuple dans l'insurrection contre le coup d'État de
O'Donnel. Cependant, dès le deuxième jour, la milice nationale bour-
geoise « disparaissait complètement des lieux de l'action, laissant aux
ouvriers tout le poids de la bataille ». En d'autres termes, selon Marx,
il y a eu deux batailles distinctes pendant les trois jours de lutte à Ma-
drid : « l'une a été livrée par la milice libérale des classes moyennes,
appuyée par les ouvriers (workmen), contre l'armée ; l'autre a été li-
vrée par l'armée contre les ouvriers abandonnés par la milice ». Résu-
mant l'insurrection de juillet 1856 à Madrid, Marx souligne : « les pro-
létaires furent trahis et abandonnés par la bourgeoisie » 46.
La conclusion politique que Marx tire de ces événements est très
différente de celle de 1854 :
49 Ibid.
50 R.S., p. 148.
51 R.S., pp. 151-152.
52 R.S., pp. 152, 154.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 46
1) Marx croyait que l'Espagne était assez mûre pour faire partie
de la révolution socialiste imminente en Europe.
53 R.S., p. 154.
54 Ibid.
55 Marx Engels, Ausgewählte Briefe, Diète Verlag, Berlin, 1953 p. 133 (lettre
du 8 octobre 1858), souligne par nous.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 47
[56]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 48
[57]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Première partie : Marx
Chapitre III
L’humanisme historiciste de Marx
ou relire le Capital
[58]
dition, bien entendu, qu'on lise ce qui y est écrit, et non un soi-
disant « discours silencieux », « reconstitué... » en dépit de la lettre de
Marx » — confirme entièrement cette définition 57.
Aujourd'hui, la présentation de cette thèse doit être précédée par
une polémique avec l'école « anti-humaniste ». Il s'agit de montrer que
la lecture « anti-humaniste » est en contradiction non seulement avec
les œuvres qu'Althusser a rejetées dans le purgatoire de la « coupure »
et de la « mutation » (Idéologie Allemande, Misère de la Philosophie,
18 Brumaire) mais aussi avec celle qu'il a admise au paradis scienti-
fique où l'on contemple éternellement la Vérité Positive : le Capital.
61 Marx, « Das Kapital I », in Werke 23, Dietz Verlag, Berlin, 1968, pp. 181,
186.
62 Pour Marx, p. 225.
63 Marx, « Randglossen zu Adolph Wagner... », in Werke, 19, p. 371.
64 J. Zeleny, Die Wissenschaftslogik bei Marx und Das Kapital, Akademie
Verlag, Berlin, 1968, pp. 290-291.
65 Marx, « Randglossen... », Werke, 19, p. 362.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 52
qu'« en même temps qu'il agit par ce mouvement sur la nature exté-
rieure et la modifie, il modifie sa propre nature » 70.
Le concept d'« homme en général », comme celui de ce production
en général », ne fait que souligner certains traits communs à toutes les
époques de la vie sociale, jusqu'à nos jours. Sa valeur est donc limitée
(selon Marx, l'« abstraction raisonnable » a le mérite de « nous éviter
la répétition ». Cf. Grundrisse, p. 7) et ne constitue nullement le
« fondement » de l'humanisme marxiste. En réalité, ce qui intéresse
Marx n'est pas tellement la « production en général » ou « l'homme en
général », mais la [63] production à une époque historique déterminée,
et les hommes concrets qui vivent et produisent dans une société his-
toriquement déterminée.
1) Dévoilement du fétichisme
[65]
L'aliénation
79 « Kapital I », Werke 23, pp. 89, 95, 108, 455, 649 ; « Kapital III », Werke
25, pp. 247, 838, etc.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 56
83 Par cette remarque nous voulons uniquement signaler une direction de re-
cherche possible sur le problème complexe et contradictoire de l'articulation
entre « valeurs » et « science » chez Marx ; problème qui ne nous semble
pas pouvoir être résolu dans le cadre d'une approche néo-positiviste.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 59
3) Le socialisme
ment c'est-à-dire par son côté transitoire, rien ne saurait lui en impo-
ser ; elle est essentiellement critique et révolutionnaire » 93. Ce qui
signifie concrètement, dans le Capital, saisir le caractère spécifique,
historique, « périssable », limité et contradictoire des formes, lois et
rapports de production de l'économie capitaliste. Et c'est parce que son
matérialisme est dialectique-historique que Marx condamne formel-
lement et explicitement dans le Capital le « matérialisme qui, en tant
que science-naturaliste (naturwissenchaftlichen) abstrait, exclut le
processus historique » 94, remarque très actuelle aujourd'hui, quand
des courants néo-positivistes essaient (à nouveau) de placer le mar-
xisme dans le lit de Procuste du modèle méthodologique des sciences
naturelles.
C'est ici, au cœur de la méthode elle-même, que se trouve
l’historicisme de Marx. Parler du caractère historiciste du Capital ne
signifie donc nullement prétendre que le Capital est ce l'histoire du
capitalisme » ou que l'ordre de développement des catégories dans les
trois livres est en rapport avec l'ordre d'apparition historique [74] de
ces catégories. L'historicisme se trouve à un niveau beaucoup plus
« profond » dans la conceptualisation théorique de chaque catégorie.
Chaque catégorie du mode de production capitaliste est saisie, analy-
sée, définie et conceptualisée par Marx comme historiquement spéci-
fique. Nier ce fait, ou son importance méthodologique capitale, signi-
fie ne rien comprendre à la différence entre la dialectique révolution-
naire de Marx et la méthode des économistes bourgeois.
Comme les textes de Marx à ce sujet sont absolument explicites et
univoques, il est impossible à Althusser et à ses collaborateurs de les
« interpréter » dans un sens structuraliste « anti-historiciste ». Ils sont
par conséquent obligés d'avancer la thèse curieuse selon laquelle Marx
n'a pas compris son rapport avec l'économie classique ; que sa « cri-
tique déclarée » à l'économie politique classique (critique de son ca-
ractère a-historique, éternitaire, fixiste) « reste superficielle et équi-
voque », et ne fait que témoigner de « l'inachèvement du jugement de
Marx sur lui-même » ! 95. Selon Rancière, la véritable différence entre
Marx et Ricardo n'est pas l'historicisme, mais le fait que « seul Marx
98 « P.J. Proudhon, l'économiste, a très bien compris que les hommes font le
drap, la toile, les étoffes de soie, dans des rapports de production détermi-
nés. Mais ce qu'il n'a pas compris, c'est que ces rapports sociaux déterminés
sont aussi bien produits par les hommes que la toile, le lin, etc. » Marx, Mi-
sère de la Philosophie, Ed. Sociales, Paris, 1947, p. 88.
99 Marx, Le 18 Brumaire de Louis-Napoléon-Bonaparte, Ed. Sociales, Paris,
1948, p. 173.
100 Selon Goldmann, la méthode de Marx repose sur le principe dialectique de
la circularité du sujet et de l'objet, « cercle à l'intérieur duquel il est impos-
sible de choisir un commencement autrement que relatif, et justifié unique-
ment pour les raisons pragmatiques de telle ou telle recherche particulière.
Inutile de dire que sur ce point l'analyse de Marx, et tout aussi bien celle de
Lukács et du marxisme dialectique, se trouvent en opposition rigoureuse
avec tout matérialisme mécaniste pour lequel, comme pour Feuerbach, tel
que l'a lu Marx tout au moins, les circonstances — en l'occurrence les rap-
ports de production — constituent un commencement absolu qui ne laisse
aucune place à la transformation de ces rapports par l'activité des hommes ».
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 65
[77]
La thèse dialectique selon laquelle « les hommes font l'histoire » a
toujours été un des points de rupture théorique entre le marxisme ré-
volutionnaire et le pseudo-marxisme mécaniciste des idéologues « of-
ficiels » de la IIe Internationale (Kautsky, Plekhanov). Ce n'est pas par
hasard que Lénine souligne, dans une polémique avec Plekhanov, l'at-
titude de Marx envers la Commune de Paris : « il estime au plus haut
point le fait que la classe ouvrière faisait héroïquement, avec abnéga-
tion et initiative, l'histoire du monde. Marx considérait l'histoire du
monde du point de vue de ceux qui la font sans avoir la possibilité de
prévoir infailliblement les chances de succès... » 101.
Althusser rejette l'idée selon laquelle les hommes seraient le sujet
de l'histoire ; pour lui, les hommes ne sont que « supports de rapports
de production », et les rapports de production ne peuvent être pensés
sous la catégorie de sujet 102. Or, ce qui disparaît du champ de visibili-
té de cette théorie est précisément la révolution. Si les hommes ne
sont que « supports de rapports de production » comment peuvent-ils
un beau jour transformer ces rapports de production ? S'ils « ne sont
que masques » (Balibar), comment peuvent-ils jeter bas le masque de
l'esclavage salarié ? Dans la conception « anti-humaniste » il n'y a pas
de place pour la révolution, surtout pour la révolution socialiste, où le
prolétariat, sujet de l'histoire, se soulève (sous la direction de son par-
ti) pour briser les [78] rapports de production anciens et en créer cons-
ciemment, rationnellement, de nouveaux.
Il faut dire que ce problème de l'histoire faite par les hommes est le
lieu de contradictions flagrantes chez Althusser. Dans un texte récent
sur Lénine il écrit que « ce ne sont pas les hommes qui font l'histoire,
mais les masses... » 103. Ceci appelle quelques remarques :
[79]
108 Che Guevara, Œuvre révolutionnaire 1959-1967, Maspero, Paris, pp. 262,
148.
109 Selon Staline, « le marxisme conçoit les lois de la science — qu'il s'agisse
des lois de la nature ou des lois de l'économie politique — comme le reflet
des processus objectifs qui s'opèrent indépendamment de la volonté hu-
maine. Ces lois, on peut les découvrir, les connaître, les étudier, en tenir
compte pour ses actions, les exploiter dans l'intérêt de la société, mais on ne
peut les modifier ou les abolir » Problèmes économiques du socialisme en
U.R.S.S., Editions Norman Béthune, Paris, p. 4. Staline, ce précurseur génial
de l'anti-historicisme contemporain, identifie purement et simplement la
science naturelle et l'économie politique, les lois de la nature et les lois éco-
nomiques historiquement déterminées, c'est-à-dire qu'il revient de Marx à
l'économie politique classique.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 69
[83]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Deuxième partie
ROSA LUXEMBURG
[84]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 71
[85]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Deuxième partie : Rosa Luxemburg
Chapitre IV
Le marxisme révolutionnaire
de Rosa Luxemburg
[86]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 72
[87]
111 « L'essence du marxisme ne consiste pas dans une ou autre opinion sur des
problèmes courants mais seulement en deux principes fondamentaux : l'ana-
lyse dialectique-matérialiste de l'histoire... et l'analyse du développement de
l'économie capitaliste... qui est elle-même une géniale application de la dia-
lectique et du matérialisme historique à l'époque de l'économie bourgeoise.
L'âme de toute la doctrine de Marx est la méthode dialectique-matérialiste
d'examiner les problèmes de la vie sociale, méthode pour laquelle il n'y a
pas de phénomènes, principes ou dogmes constants et immuables... » Pré-
face à "La question polonaise et le mouvement socialiste", (1905) in Rosa
Luxemburg, Scritti Politici, Editori, Riuniti, Roma, 1967, p. 265.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 73
I. — La science révolutionnaire
[94]
Pour Rosa Luxemburg, la référence à la totalité est toujours la réfé-
rence au processus historique ; il n'y a pas pour elle de structure figée
et immobile : elle refuse d'absolutiser et réifier la stabilité relative des
articulations du tout. Ses œuvres économiques contiennent une di-
mension historique, non comme « matériel illustratif » mais comme
condition méthodologique de la compréhension et l'explication de la
réalité. Quatre des dix chapitres de son Introduction à l'Économie Po-
litique sont dédiés à l'histoire économique et aux tendances du déve-
loppement capitaliste, et L'Accumulation du Capital contient des ex-
tenses analyses historiques de l'impérialisme et son mouvement de
domination des économies pré-capitalistes. Mais l'histoire est présente
dans ses œuvres non seulement au sens immédiat mais encore et sur-
tout comme point de vue méthodologique, comme perspective qui
considère, saisit et analyse chaque moment de la réalité comme étape
du développement historique.
maison, qu'un œil au beurre noir ». 124 Mais cela ne signifie nullement
qu'elle s'incline vers une conception économiste de l'histoire —
comme Kautsky, chez qui l'économisme mécaniste se mélangeait
harmonieusement avec l'évolutionnisme darwiniste, donnant comme
résultante politique une tactique d'attente de l'écroulement nécessaire,
inévitable et fatal du système capitaliste.
Une lettre récemment découverte de Rosa Luxemburg, du 15 août
1898, montre que dès le début de sa vie politique, elle n'a jamais sous-
crit à l'économisme pseudo-marxiste qui dominait la pensée théorique
de la IIe Internationale : tout en soulignant que l'économique est en
dernière instance l'élément décisif, elle ajoute que « des matérialistes
qui affirment que le développement économique va sifflant comme
une locomotive sur les rails de l'histoire, tandis que la politique et
l'idéologie restent en arrière, abandonnés comme des wagons-
marchandises morts » n'ont rien à voir avec le marxisme. 125
Comment transformer la possibilité objective en acte ? La réponse
de Rosa Luxemburg est explicitée dans la « brochure Junius » : la
praxis révolutionnaire. La praxis est le lien dialectique entre le passé
et l'avenir, entre les possibilités ouvertes par le processus historique et
leur accomplissement. Les hommes font leur histoire, dans des limites
imposées par le développement écono- […/…] *
[96]
[97]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Deuxième partie : Rosa Luxemburg
Chapitre V
Rosa Luxemburg
et la question nationale
[98]
[Page non imprimée dans le livre. JMT.]
[99]
[Page non imprimée dans le livre. JMT.]
[100]
1918, et de dégager les racines théoriques et méthodologiques de ses
erreurs.
Il n'y avait pour elle qu'une exception à cette règle « d'airain » : les
peuples balkaniques opprimés par l'empire turc : Grecs, Serbes, Bul-
gares, Arméniens. Ces peuples avaient atteint un degré de développe-
ment économique, social et culturel supérieur à la Turquie, empire
décadent qui les écrasait de son poids mort. Dans ces conditions dès
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 84
[106]
Inutile d'ajouter que la seule tentative des bolcheviks pour « dé-
fendre avec ongles et dents l'intégrité de l'État russe comme arène de
la révolution », l'invasion de la Pologne par l'Armée Rouge en 1920,
s'est soldée par un échec douloureux qui démontre à satiété l'erreur
profonde de la stratégie prônée par Rosa. Cette invasion, comme
l'avait prévu Trotski (contre Toukhashevsky, principal théoricien de
« l'exportation de la révolution ») avait provoqué une résurgence des
sentiments nationalistes antirusses en Pologne, renforçant ainsi le ré-
gime réactionnaire de Pilsudsky et isolant le P.C. polonais, identifié
par les masses avec « l'envahisseur étranger ».
130 Lénine, « Bilan d'une discussion sur le droit des nations à disposer d'elles-
mêmes », 1916, in Question de la politique nationale, Ed. du Progrès, Mos-
cou, 1968, p. 223.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 89
131 Rosa Luxemburg, Scritti Politici, Ed. Riuniti, 1967, pp. 261-262. Cf. aussi la
suggestive introduction à ce texte par Lelio Basso, ibid., pp. 239-250.
132 Ibid., p. 278.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 90
III. — Aujourd'hui
133 Cf. Roman Rosdolski, « Friedrich Engels und das Problem der
"Geschichtslosen Völker" in Archiv fur Sozialgeschichte, VI, Hamburg,
1964.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 91
[113]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Deuxième partie : Rosa Luxemburg
Chapitre VI
La signification méthodologique
du mot d’ordre
“socialisme ou barbarie”
134 Cf. G. Lukács, Histoire et Conscience de Classe, Ed. de Minuit, Paris, p. 61.
135 P. Froelich, Rosa Luxemburg, Maspero, Paris, p. 275.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 93
Nous savons que nos buts ne peuvent être accomplis que par une révo-
lution, mais nous savons aussi qu'il n'est pas dans notre pouvoir de
faire la révolution, comme ce n'est pas dans le pouvoir de nos adver-
saires de l'empêcher. [117] Nous n'avons par conséquent jamais songé
à provoquer ou préparer une révolution. » 141
C'est surtout à partir de la révolution russe de 1905 que Rosa
Luxemburg commence à s'éloigner politiquement de Kautsky et à cri-
tiquer de plus en plus la conception « rigide et fataliste » du marxisme
qui consiste à « attendre les bras croisés que la dialectique historique
nous porte ses fruits mûrs ». 142 Vers 1909-1913, sa polémique avec
Kautsky sur la grève de masses cristallise les divergences théoriques
latentes à l'intérieur du courant marxiste orthodoxe de la social-
démocratie allemande. Apparemment la critique de Rosa a pour objet
principal le caractère purement parlementariste de la « stratégie
d'usure » (Ermattungstrategie) prônée par Kautsky. Mais à un niveau
plus profond, c'est tout le « radicalisme passif » de Kautsky (Panne-
koek dixit), son fatalisme pseudo-révolutionnaire qui est mis en ques-
tion par Rosa. Face à cette théorie attentiste, dont la foi obstinée dans
la victoire électorale-parlementaire « inévitable » n'était qu'une des
manifestations politiques, Rosa développe sa stratégie de la grève de
masse fondée sur le principe de l'intervention consciente : « La mis-
sion de la social-démocratie et de ses chefs ne consiste pas à être traî-
nés par les événements, mais à les devancer consciemment, à embras-
ser du regard le sens de l'évolution et à abréger cette évolution par une
action consciente, à en accélérer la marche. » 143
[118]
Cependant, jusqu'à 1914 la rupture avec Kautsky et avec le « fata-
lisme socialiste » n'est pas complète. Comme le montre le passage
même que nous venons de citer, il n'y a pour Rosa qu'un « sens de
141 Kautsky, Der Weg zur Macht, 1910, 3 Auflage, Berlin 19, p. 57. Cf. aussi le
programme d'Erfurt du Parti Social-Démocrate allemand (1891), rédigé par
Kautsky et qui présente le socialisme comme un « naturnotwendiges Ziel »,
un but résultant d'une « nécessité naturelle ».
142 Discours de 1907 au congrès l'Internationale à Stuttgart, in L. Basso, « In-
troduzione » à Scritti Politici, p. 85.
143 Article de 1913 de Rosa Luxemburg contre la « stratégie de l'épuisement »
de Kautsky, in Frolich, op. cit. p. 185.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 96
145 Engels, Anti-Dühring, Ed. Sociales, Paris, 1950, p. 189, souligné par nous.
Cf. aussi p. 197 : « Ses propres forces de production sont devenue trop puis-
santes pour obéir à sa direction et poussent, comme sous l'effet d'une néces-
sité naturelle, toute la société bourgeoise au-devant de la ruine ou de la révo-
lution. »
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 98
quelles des possibilités sont réelles ; mais la décision entre les di-
verses possibilités objectives dépend de la conscience, de la volonté et
de l'action des hommes.
La praxis révolutionnaire, le facteur subjectif, l'intervention cons-
ciente des masses guidées par leur avant-garde [123] gagne mainte-
nant un tout autre statut dans le système théorique de Rosa : il ne
s'agit plus d'un élément secondaire qui doit « appuyer » ou « accélé-
rer » la marche « irrésistible » de la société. Il ne s'agit plus du rythme
mais de la direction du processus historique. L'« étincelle animatrice
de la volonté consciente » n'est plus un simple facteur « auxiliaire »
mais celui qui a la dernière parole, celui qui est décisif. 147
Ce n'est que maintenant, en 1915, que la pensée de Rosa devient
véritablement cohérente. Si l'on accepte la prémisse kautskyenne de
l'inévitabilité du socialisme, il est difficile d'échapper à une logique
politique attentiste et passive. Tant que Rosa ne justifiait ses thèses sur
l'intervention révolutionnaire que par le besoin d'« accélérer » ce qui
était de toute façon inévitable, il était facile pour Kautsky de dénoncer
sa stratégie comme « impatience de rebelle » (rebellische Ungeduld).
La rupture méthodologique définitive entre Rosa Luxemburg et
Kautsky ne se produit qu'en 1915, à travers le mot d'ordre « socia-
lisme ou barbarie ». 148
Ajoutons qu'une évolution théorique tout à fait semblable a lieu
chez Lénine et Trotsky : sous l'impacte traumatique de la faillite de la
IIe Internationale, Lénine rompt non seulement au niveau politique
mais aussi au niveau méthodologique avec Kautsky (dont il se consi-
dérait jusqu'alors le disciple). C'est la découverte en 1914-15 [124] de
la dialectique hégélienne (les Cahiers Philosophiques) et le dépasse-
ment du matérialisme évolutionniste vulgaire de Kautsky et Plékha-
nov — dépassement qui constitue la prémisse méthodologique des
thèses d'avril 1917. 149 Quant à Trotsky : dans ses premiers écrits
comme Nos lâches politiques (1904), il se proclame convaincu « non
seulement de la croissance inévitable du parti politique du prolétariat,
mais aussi de la victoire inévitable des idées du socialisme révolution-
naire à l'intérieur de ce parti ». 150 (Souligné par nous) — espoir fata-
liste naïf qui allait être lui aussi cruellement déçu en août 1914...
Quelques mois après le commencement de la guerre mondiale, dans
un pamphlet publié en Allemagne, La guerre et l'Internationale
(1914) — pamphlet qui a été probablement lu par Rosa Luxemburg —
Trotsky pose déjà le problème en tout autres termes : « Le monde ca-
pitaliste est confronté avec l'alternative suivante : soit la guerre per-
manente... soit la révolution prolétarienne. » 151 Le principe méthodo-
logique est le même du mot d'ordre luxemburgien, mais l'alternative
est différente, et peut-être encore plus réaliste, à la lumière de l'expé-
rience historique des cinquante dernières années (deux guerres mon-
diales, deux guerres U.S. en Asie, etc.) En attribuant à la volonté
consciente et à l'action un rôle déterminant dans la décision du proces-
sus historique, Rosa Luxemburg ne nie nullement que cette volonté et
cette action sont conditionnées par tout le développement historique
antérieur, par « toute la masse des conditions matérielles accumulées
par l'histoire ». Il s'agit cependant [125] de reconnaître au facteur sub-
jectif, à la sphère de la conscience, au niveau de l'intervention poli-
tique, leur autonomie partielle, leur spécificité, leur « logique in-
terne » et leur efficacité propre.
Or, il nous semble que cette compréhension du rôle du facteur sub-
jectif, volontaire et conscient, est précisément une des principales
prémisses méthodologiques de la théorie du parti de Lénine, le fon-
dement de sa polémique avec les économistes et les mencheviks. Ain-
si, malgré toutes les divergences indéniables qui continuent à exister,
même après 1915, entre Rosa Luxemburg et Lénine, au sujet de la
problématique parti/masses, il y a un rapprochement réel, tant dans la
pratique (constitution de la Ligue Spartacus) que dans la théorie : la
brochure Junius proclame explicitement que l'intervention révolution-
149 Cf. à ce sujet notre article « De la grande logique de Hegel à la gare finlan-
daise de Petrograd », L'Homme et la Société, n° 15, mars 1970.
150 Trotsky, Nos tâches politiques, Pierre Belfond Ed., Paris, 1970, p. 186.
151 In The Age of Permanent Revolution, a Trotsky Anthology, Laurel, New
York, p. 79.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 102
[126]
[127]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Troisième partie
LÉNINE
[128]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 104
[129]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Troisième partie : Lénine
Chapitre VII
De la Grande Logique de Hegel
à la gare finlandaise de Petrograd
Voici la réception unanime qui fut donnée, par les représentants of-
ficiels du marxisme russe, aux thèses hérétiques que Lénine avait ex-
posées, d'abord à la foule massée sur la place de la gare finlandaise de
Petrograd, du haut d'une voiture blindée et, le lendemain, devant les
délégués bolcheviks et mencheviks du Soviet : les « thèses d'avril ».
Dans ses célèbres mémoires, Soukhanov (menchevik devenu fonc-
tionnaire soviétique) avoue que la formule politique centrale de Lé-
nine — tout le pouvoir aux Soviets — « retentit comme un coup de
tonnerre dans un ciel tout bleu » et « stupéfia et confondit les plus ins-
truits de ses fidèles disciples ». Selon Soukhanov, un dirigeant bol-
chevik aurait même déclaré que « ce discours (de Lénine) n'avait pas
aggravé les divergences au sein de la social-démocratie, mais les avait
au contraire supprimées, car il ne pouvait y avoir qu'un accord entre
bolcheviks et mencheviks face à la position de Lénine » ! 154. L'édito-
rial du 8 avril dans la Pravda a pour un moment confirmé cette im-
pression d'unanimité anti-léniniste ; d'après Soukhanov « il semblait
que les fondements marxistes du parti bolchevik restaient solides et
inébranlables, que la masse du parti s'élevait contre Lénine pour dé-
fendre les principes élémentaires du socialisme scientifique d'antan ;
hélas ! nous nous trompions ! » 155.
Comment expliquer l'extraordinaire tempête que soulevèrent les
paroles de Lénine et ce chœur de réprobation générale qui s'abattit sur
elles ? La description naïve mais [131] révélatrice de Soukhanov sug-
gère la réponse : Lénine a précisément rompu avec le « socialisme
scientifique d'antan », avec une certaine façon de comprendre « les
principes élémentaires » du marxisme, façon qui était, dans une cer-
taine mesure, commune à tous les courants de la social-démocratie
marxiste en Russie. La perplexité, la confusion, l'indignation ou le
mépris avec lesquels ont été reçues les thèses d'avril à la fois par des
dirigeants mencheviks et bolcheviks ne sont que le symptôme de la
coupure radicale qu'elles impliquent d'avec la tradition du « marxisme
orthodoxe » de la IIe Internationale (nous nous référons au courant
hégémonique et non à la gauche radicale : Rosa Luxemburg, etc.).
Tradition dont le matérialisme-mécanique-déterministe-évolutionniste
se cristallisait dans un syllogisme politique rigoureux et paralysant :
154 Soukhanov, La révolution russe de 1917, Stock, Paris, 1965, pp. 139, 140,
142.
155 Ibid., p. 143.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 106
I. — Le « vieux bolchévisme »
ou le « marxisme d'antan » :
Lénine avant 1914
158 Lénine, Œuvres, Ed. Sociales, Vol. II, pp. 432, 433.
159 Lénine, Dos tacticas de la social-democracia, Ed. Anteo, Buenos Aires,
1957, p. 40, souligné par nous, M.L.
160 Lénine, Dos tacticas..., p. 34 ; cf. aussi p. 33 : « Les marxistes sont absolu-
ment convaincus du caractère bourgeois de la révolution russe. Qu'est-ce
que cela signifie ? Cela signifie que les transformations démocratiques dans
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 109
170 Lénine, Cahiers Philosophiques, Ed. Sociales, pp. 148, 229, 230.
171 Ibid., pp. 132, 152, 171.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 114
Bien entendu, ce qui nous intéresse ici est moins l'étude du contenu
philosophique des Cahiers « en soi », que celui de ses conséquences
politiques. Ce n'est pas difficile de trouver le fil rouge qui mène des
prémisses méthodologiques des Cahiers aux thèses de Lénine en
1917 : de la catégorie de la totalité à la théorie du maillon le plus
faible de la chaîne impérialiste ; de la conversion des contraires l'un en
l'autre à la transformation de la révolution démocratique en révolution
socialiste ; de la conception dialectique de la causalité au refus de dé-
finir le caractère de la Révolution russe par la seule « base écono-
mique arriérée » de la Russie ; de la critique de l'évolutionnisme vul-
gaire à la « rupture dans la succession » en 1917 ; etc. Mais le plus
important, c'est purement et simplement que la lecture critique, la lec-
ture matérialiste de Hegel a libéré Lénine du carcan étroit du mar-
xisme pseudo-orthodoxe de la IIe Internationale, de la limite théorique
que celui-ci imposait à sa pensée. L'étude de la Logique hégélienne a
été l'instrument par lequel Lénine a déblayé la route théorique qui
mène à la gare finlandaise de Petrograd.
[143]
En mars-avril 1917 Lénine, délivré de l'obstacle représenté par le
marxisme pré-dialectique, peut, sous l'impulsion des événements, se
débarrasser assez rapidement de son corollaire politique : le principe
abstrait et figé selon lequel « la Révolution russe ne peut être que
bourgeoise — la Russie n'est pas économiquement mûre pour une ré-
volution socialiste ». Une fois franchi ce Rubicon, il se met à étudier
le problème sous un angle pratique, concret, et réaliste : quelles sont
les mesures, constituant en fait une transition vers le socialisme, que
l'on peut faire accepter par la majorité du peuple, c'est-à-dire par les
masses ouvrières et paysannes ?
179 Trotsky, in Histoire de la Révolution Russe, Ed. du Seuil, Paris, 1967, Vol.
I, pp. 333, 336.
180 Voir les souvenirs de F. Somilov, in Lénine tel qu'il fut, Ed. Livre Etranger,
Moscou, 1958, p. 673. Cf. aussi les notes sténographiques qu'a prises le bol-
chevik Bonch-Bruevitch du premier discours de Lénine à la gare : « Il vous
faut lutter pour la Révolution socialiste, lutter jusqu'au bout, jusqu'à la vic-
toire complète du prolétariat. Vive la révolution socialiste ! » in G. Golikov,
La Révolution d'Octobre, Ed. du Progrès, Moscou, 1966.
181 Trotsky, op. cit., p. 358. Cf. E. H. Carr, The Bolshevik Revolution, 1917-
1923, Col. I, Macmillan, Londres, 1950, p. 77 : « Personne n'avait encore
contesté le point de vue que la révolution russe n'était, et ne pouvait être,
qu'une révolution bourgeoise. Ceci était le cadre doctrinal solide et accepté
dans lequel la stratégie politique devait s'insérer. Il était difficile, à l'intérieur
de ce cadre, de découvrir une raison urgente quelconque pour rejeter a priori
le Gouvernement Provisoire, qui était sans doute bourgeois, ou de demander
que l'on donne le pouvoir aux soviets, qui étaient essentiellement proléta-
riens... C'était la quadrature du cercle. Il échut donc à Lénine de briser, de-
vant les yeux étonnés de ses disciples, le cadre doctrinal lui-même. » Cf.
aussi le témoignage du bolchevik Olminsky, cité par Trotsky, op. cit., pp.
366, 367 : « La révolution qui s'amorce ne peut être qu'une révolution bour-
geoise... C'était un jugement obligatoire pour tout membre du parti. C'était
l'opinion officielle du parti, un mot d'ordre constant et invariable, jusqu'à la
Révolution de février 1917 et même quelque temps encore après. »
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 118
184 Lénine, Œuvres, Vol. 24, p. 35. Cf. aussi p. 41 : « La formule du camarade
Kamenev, inspirée du vieux bolchevisme : « La révolution démocratique
n'est pas terminée », tient-elle compte de cette réalité ? Non, cette formule a
vieilli. Elle n'est plus bonne à rien. Elle est morte. C'est en vain que l'on ten-
tera de la ressusciter. »
185 Ibid., p. 44.
186 Lénine, « les partis politiques en Russie et les tâches du prolétariat »,
Œuvres, Vol. 24, p. 89.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 120
Conclusion
[151]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Troisième partie : Lénine
Chapitre VIII
Notes historiques
sur le marxisme russe
n’aurait pu être élaborée que par une pensée qui avait dépassé le car-
can idéologique du matérialisme métaphysique [155] qui pesait sur le
marxisme russe. La méthode marxiste de Trotsky peut être résumée
dans une formule remarquable écrite en 1929 : « la scolastique ne veut
pas comprendre qu’entre le déterminisme mécanique (fatalisme) et
l’arbitraire subjectif il y a la dialectique matérialiste ». (Trotsky,
L’Internationale après Lénine, Presses Universitaires de France, Paris,
1970, p. 70. Voir à ce sujet l’excellent ouvrage de Denise Avenas,
Économie et Politique dans la pensée de Trotsky, Maspero, Paris,
1970.)
Mais même au cours de la brève période d’hégémonie de la pensée
de Lénine et Trotsky au sein du marxisme russe (1917-1923), il y
avait dans le parti bolchevik lui-même des courants matérialistes pré-
dialectiques représentés, avant tout, par Nikolaï Boukharine. Jusqu’en
1928 Boukharine était généralement considéré comme le principal
idéologue et penseur marxiste du Parti, Lénine lui-même l’estimait et
l’a désigné dans son célèbre Testament comme « le plus précieux et le
plus grand théoricien du Parti » ; mais il avait en même temps les plus
grandes réserves sur ses idées philosophiques et il ajoutait dans ce
même document : « Il n’a jamais appris et je crois qu’il n’a jamais
vraiment compris la dialectique. »
Une critique semblable fut formulée par George Lukács contre la
principale œuvre philosophique de Boukharine, La théorie du maté-
rialisme historique, un manuel de sociologie marxiste (1921). Selon
Lukács, le point de vue de Boukharine est dangereusement proche du
matérialisme bourgeois, contemplatif, « science-naturaliste » ; ceci est
particulièrement visible dans la tendance de Boukharine d’expliquer le
développement historique et social comme déterminé par la technique
économique, et dans son usage peu critique, non-dialectique et a-
historique de la méthode des sciences de la nature pour la connais-
sance de la société. (Cf. Lukács, « N. Bucharin, Theorie [156] des his-
torischen Materialismus, Hamburg, 1922 (Literaturbericht) » Archiv
für die Geschichte des Sozialismus und die Arbeiterbewegung, XI,
Leipzig, 1925, pp. 216-218, 224.)
Un bel exemple de sa méthode matérialiste mécanique (au sens
strict) et de son interprétation fataliste de l’histoire et de la société
peut être trouvé dans l'ABC du Communisme (1919), l’œuvre la mieux
connue de Boukharine (en collaboration avec Preobrazhensky) :
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 126
[159]
L’idéologie soviétique de la période contemporaine est l’héritier
direct de la tendance cc objectiviste » du marxisme russe. Le rôle dé-
cisif des conditions matérielles-économiques-objectives est le leimotiv
des proclamations politiques soviétiques des dix dernières années, et
le principe constitutif de toute leur conception de la construction du
socialisme et le la cc ligne générale » du mouvement ouvrier mondial.
Ceci est le sens et la signification idéologique de 1 insistance sur la loi
objective de la valeur, les lois objectives du marché, le critère objectif
du profit, les catégories mercantiles et le stimulant matériel dans
l’économie socialiste. C est de ce point de vue qu’il faut comprendre
et expliquer la doctrine de Khrouchtchev sur le triomphe mondial du
communisme grâce au dépassement de l’économie américaine par la
soviétique : « Toute la marche du développement social confirme la
prévision de Lénine selon laquelle c’est la construction économique
des pays du socialisme vainqueur qui influence surtout le développe-
ment de la révolution mondiale. La compétition économique pacifique
est la principale arène où s’affrontent les systèmes socialistes et capi-
talistes. » (Nikita Khrouchtchev, Le communisme est la paix et le
bonheur des hommes, Moscou, 1963, tome 2, p. 272, souligné par
nous.) Dans les écrits de Khrouchtchev (comme dans nombre
d’œuvres économiques soviétiques) il est fait état fréquemment de
l’aggravation de la crise générale du capitalisme, laquelle mènerait
inévitablement à l’écroulement du système. Pour Khrouchtchev,
comme pour Plekhanov et Boukharine, les lois de l’évolution sociale
<c sont tout aussi infaillibles que celles de la nature, dans le sens que
leur action est objective ». (Ibidem p. 401).
Si nous prenons au hasard n’importe quel texte soviétique récent,
nous trouverons partout la même problématique. Par exemple un ar-
ticle de mai 1972, d’Andrei Kirilenko (membre du B.P. du P.C.U.S.)
souligne le [160] caractère « profondément réaliste » de la politique
économique du P.C.U.S. qui « soutient de toute l’autorité du parti »
les « tendances progressistes qui se développent objectivement ».
Quant à la politique extérieure de l’U.R.S.S., elle a pour tâche de
« consolider les tendances favorables qui se font jour ». (A. Kirilen-
ko : « Un an après le 24e Congrès », La nouvelle revue internationale,
mai 1972, pp. 13, 22.) Encore une fois, le rôle de la direction écono-
mique et politique est, pour cette vision du monde, moins un rôle
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 129
[161]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Quatrième partie
SUR LE MARXISME
EN AMÉRIQUE LATINE
[162]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 131
[163]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Quatrième partie : Sur le marxisme en Amérique centrale
Chapitre IX
Guevara, marxisme
et réalités actuelles
de l’Amérique latine
Je pense qu'il ne faut pas être très malin pour deviner que ce texte
n'est pas de Che Guevara ; c'est un texte du secrétaire général du parti
communiste brésilien, écrit, comme je l'ai dit, en juin 1959, c'est-à-
dire à la veille de dix années de guerre, de lutte armée, de lutte de
classe violente en Amérique latine ; donc en juin 59 ce véritable Pan-
gloss du marxisme officiel nous prophétise la voie pacifique et le
vaste front de toutes les classes de la nation. Je pense que pour com-
prendre la nouveauté de la pensée de Guevara, il faut voir, à l'arrière-
plan, ce qu'était la conception stratégique hégémonique au sein de la
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 133
çon dont cette grève a été déclenchée est vraiment une caricature de la
façon dont il faut déclencher une grève générale. Les révolutionnaires
n’avaient réalisé aucune préparation politique de la grève, les ouvriers
ne savaient pas qu’une grève allait se déclencher, parce que les diri-
geants du mouvement du 26 juillet dans la ville voulaient faire la
grève par surprise pour que la police ne soit pas prévenue ; donc pour
que la police ne soit pas prévenue ils n’ont pas prévenu la classe ou-
vrière non plus ! Alors qu’ont-ils fait ? le 9 avril 58 ils ont pris la ra-
dio, ils ont réussi à prendre la radio à 11 heures du matin, ils ont lu a
la radio un communiqué disant « la grève générale est proclamée » ;
malheureusement les ouvriers à 11 heures du matin sont au boulot et
ils n’écoutent pas la radio ; pratiquement il n’y a pas eu de grève gé-
nérale, les quelques noyaux de guérillas qui s’étaient soulevés en
croyant qu’ils était au milieu d’une grève générale ont été absolument
massacrés. Le Che a écrit une analyse de cette grève qui me semble
très intéressante, où il souligne qu’on n’a pas compris que la grève
générale est un phénomène de masse, qu’on ne peut pas la déclencher
du sommet d’une façon artificielle, qu’il faut que les travailleurs eux-
mêmes, dans l’exercice de leur initiative révolutionnaire choisissent
quand et comment on déclenche une grève générale ; il faut ensuite
donner à la grève une organisation et il faut surtout comprendre que la
grève générale est un mouvement de la classe ouvrière et non quelque
chose qu’on peut, par surprise, et du sommet, déclencher d’une façon
tout à fait artificielle. Je pense qu’il y a là un parallèle tout à fait sai-
sissant avec les analyses de Rosa Luxemburg sur le problème de la
grève générale des masses en 1906. Un autre problème dans ce con-
texte [176] est celui du rôle du parti ; dans quelle mesure la guérilla, la
grève générale, tous ces mouvements, doivent être dirigés par un parti
révolutionnaire. On sait que l’expérience cubaine est celle d’une révo-
lution sans un parti au sens strict — on peut discuter dans quelle me-
sure le Mouvement du 26 juillet est un parti ou non — mais de toutes
façon ce n’était pas un parti marxiste-léniniste classique. La question
se pose de savoir dans quelle mesure le cas cubain est un cas excep-
tionnel qui doit se répéter ou non en Amérique latine ; on connaît la
position de Debray là-dessus : le parti est devenu un obstacle, ce qu’il
faut c’est un noyau de guérilla qui se substitue pratiquement au parti.
Il me semble que la position de Guevara n’était pas si tranchée ; on
trouve chez lui certains textes où il parle du rôle du parti révolution-
naire, en insistant sur le fait que le parti révolutionnaire ne l’est pas en
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 141
ser une stratégie révolutionnaire mondiale qui ne soit pas déduite des
intérêts politiques, diplomatiques et militaires d’un État, mais qui soit
vraiment fondée sur les besoins révolutionnaires à l’échelle mondiale.
[178]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 143
[179]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
Quatrième partie : Sur le marxisme en Amérique centrale
Chapitre X
Les étapes du développement social
dans la “vision du monde” marxiste
en Amérique latine
191 Nous employons le terme « idéologie » dans son sens large, comme syno-
nyme de vision du monde.
192 Kaustsky, Le chemin du pouvoir, Éditions Anthropos, 1969, p. 3, souligné
par nous.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 145
198 « A program of action for the victory or the chilean People’s Front », The
Communist, XX, n° 5, may 1941, p. 456.
199 Ibid.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 151
[191]
Nous trouvons ici, avec quelques modifications importantes (le
rôle de l’impérialisme) le schéma de Engels, qui en réalité n’est pas
autre chose que le résumé des étapes du développement sociale en Eu-
rope Occidentale. Dans ce sens, la vision de l’histoire dans ce docu-
ment brésilien de 1958 est, dans une certaine mesure, la transplanta-
tion pour l’Amérique latine du XXe siècle du modèle de développe-
ment européen des siècles XV à XIX.
Le coup militaire de 1964, appuyé à la fois par le gouvernement
américain et par les représentants des différentes associations patro-
nales (industrie, agriculture, commerce) du Brésil, a mis en question,
pour un grand nombre de militants et intellectuels communistes,
l’adéquation du schéma historico-social du P.C. brésilien. Apparais-
sent en ce moment quelques tentatives d’explication sociologique de
la politique et de l’idéologie du communisme au Brésil au cours des
trente dernières années, dont l’hypothèse fondamentale est « l’origine
petite-bourgeoise de la direction prestiste du P.C.B. ».
À notre avis cette explication n’est pas satisfaisante. Il est possible
que l’origine « tenentiste » et de classe moyenne de Luis Carlos
Prestes, Agildo Barata et autres dirigeants du P.C.B. a joué un certain
rôle dans la détermination du caractère de l’insurrection de 1935, mais
ce facteur ne peut en aucune manière rendre compte de la théorie et de
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 153
201 Nous définissons comme catégorie sociale un groupe dont le trait distinctif
correspond à un rapport spécifique à des structures politiques et idéolo-
giques (non économiques) : par exemple, militaires, étudiants, bureaucrates,
intellectuels, etc. Cf. Nicos Poulantzas, Pouvoir politique et classes sociales,
Maspero, p. 89.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 154
[199]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
CONCLUSION
[200]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 159
[201]
Science et révolution :
objectivité et point de vue de classe
dans les sciences sociales
I. — Le positivisme
[204]
Ce passage, véritable joyau du naturalisme positiviste, est un des
rares moments où le discours sociologique bourgeois se manifeste
dans toute sa pureté, pour ainsi dire à l’état sauvage. Il permet de
mieux saisir le sens véritable du mot « positif » employé par Comte
pour distinguer, mieux, opposer sa doctrine aux dangereuses théories
négatives, critiques, destructrices, dissolvantes, subversives, en un
mot, révolutionnaires, de la philosophie des lumières, de la Révolu-
tion française et du socialisme 214.
Durkheim, plus que Comte, sera le vrai maître à penser de la socio-
logie positiviste moderne. Son naturalisme sociologique est d’origine
comtienne, comme il le reconnaît explicitement dans Les Règles de la
méthode sociologique : « La première règle et la plus fondamentale
est de considérer les faits sociaux comme des choses. [...] Comte, il
est vrai, a proclamé que les phénomènes sociaux sont des faits natu-
rels soumis à des lois naturelles. Par là, il a implicitement reconnu leur
caractère de choses ; car il n’y a que des choses dans la nature. » 215
216 Id., pp. 157-158. La Division du travail social. P.U.F., Paris, 1960.
217 Ibid., pp. 369-370.
218 Id., Les Règles de la méthode..., préface, p. 8.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 163
[206]
Le discours durkheimien, nous l’avons vu, passe allègrement de la
loi de la jungle aux lois naturelles de la société et de celles-ci aux or-
ganismes vivants. Cet étonnant vagabondage de la démarche est fondé
sur une présupposition méthodologique essentielle : l’homogénéité
épistémologique des différents domaines et, par conséquent, des
sciences qui les prennent pour objet. Présupposition qui fonde cette
exigence centrale et décisive de tous les courants positivistes : « Que
le sociologue se mette dans l’état d’esprit où sont physiciens, chi-
mistes, physiologues, quand ils s’engagent dans une région encore
inexplorée de leur domaine scientifique. » 219
Comment le chercheur en sciences sociales peut-il se mettre dans
l’état d’esprit du chimiste si l’objet de son étude, la société, est aussi
l’objet d’un combat politique acharné où s’affrontent des conceptions
du monde radicalement opposées ? La réponse de Durkheim est d une
ingénuité désarmante, empreinte d’une « bonne volonté » positiviste :
« La sociologie ainsi entendue ne sera ni individualiste, ni commu-
niste, ni socialiste, au sens qu’on donne vulgairement à ces mots. Par
principe, elle ignorera ces théories auxquelles elle ne saurait recon-
naître de valeur scientifique, puisqu’elles tendent directement, non à
exprimer les faits, mais à les reformer. » En d’autres termes : le socio-
logue doit « ignorer » les conflits idéologiques, « faire taire les pas-
sions et les préjugés » et « écarter systématiquement toutes les préno-
tions » 220.
Durkheim, bon positiviste, croit que les « préjugés » et les « préno-
tions » peuvent être « écartes » comme on écarte une paire de lunettes
sombre pour voir plus clair. Il ne comprend pas que ces « prénotions »
(c’est-à-dire [207] les idéologies) sont, comme le strabisme et le dal-
tonisme partie intégrante du regard, élément constitutif du point de
vue. Durkheim lui-même est d’ailleurs la preuve vivante que la
« bonne volonté » et l’ardent désir d’être objectif ne suffisent nulle-
ment à faire taire les « préjuges » (dans son cas conservateurs et
contre-révolutionnaires)...
221 G.A. Lundbert, C. Schrag, O. Larsen, Sociology, New York, 1954, p. 5 : Cf.
aussi B. Berelson, « Introduction to the Behavioural Sciences », The Beha-
vioural Sciences Today, New York, 1963, p. 3 : « Le but scientifique est
d’établir des généralisations dur le comportement humain, soutenues par des
évidences empiriques rassemblées de façon impersonnelle et objective. […]
La fin ultime est de comprendre, expliquer et prévoir le comportement hu-
main dans le même sens où les scientistes comprennent, expliquent et pré-
voient le comportement des forces physiques ou de facteurs biologiques, ou,
ce qui est plus proche de nous, le comportement de biens et prix dans le
marché économique. » Voir aussi à ce sujet l'ouvrage de I. Kon, Der Positi-
vismus in der Soziologie, Akademie Verlag, Berlin, 1968.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 165
3) le fait que les problèmes sociaux sont l’enjeu des visées anta-
gonistes des différentes classes sociales ;
4) les implications politico-idéologiques de la théorie sociale : la
connaissance de la vérité peut avoir des conséquences directes
sur la lutte de classes.
Ces raisons (étroitement liées entre elles) font que la méthode des
sciences sociales se distingue de la méthode des sciences naturelles,
non seulement au niveau des modèles théoriques, techniques de re-
cherche et procédés d analyse, mais aussi et surtout au niveau du rap-
port aux [210] classes sociales. Les visions du monde, les « idéolo-
gies » (au sens large de systèmes cohérents d’idées et de valeurs) des
classes sociales façonnent de manière décisive (directe ou indirecte,
consciente ou inconsciente) les sciences sociales, posant ainsi le pro-
blème de leur objectivité dans des termes tout à fait distincts des
sciences de la nature.
La réalité sociale, comme toute réalité, est infinie. Toute science
implique un choix, et dans les sciences historiques ce choix n’est pas
un produit du hasard, mais il est organiquement lié à une perspective
globale déterminée. Les visions du monde des classes sociales condi-
tionnent donc non seulement la dernière étape de la recherche scienti-
fique sociale, l’interprétation des faits, la formulation des théories,
mais le choix même de l’objet d’étude, la définition de ce qui est es-
sentiel et de ce qui est accessoire, les questions que l’on pose à la réa-
lité ; en un mot, la problématique de la recherche.
Un exemple : la question que pose constamment Durkheim dans
La Division du travail social : quels sont les facteurs qui entravent la
libre compétition des individus dans la lutte pour la vie ? Loin d’être
« innocente », porte la marque de la vision du monde social-
darwiniste de la bourgeoisie à l’époque du capitalisme concurrentiel.
Indépendamment de la « réponse » proposée par Durkheim, cette
« question » oriente sa théorie sociologique dans une certaine direc-
tion, lui donnant un caractère nécessairement « tendancieux ».
Cela dit, il est vrai que la distinction entre sciences naturelles et
sciences sociales ne doit pas être absolutisée : elle est historique et
relative.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 167
225 Mannheim, Idéologie et Utopie, Marcel Rivière éd„ Paris, I956, p. 213.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 170
226 Marx, Misère de la philosophie, Ed. Sociales, 1948, p. 100 ; cf. aussi F. En-
gels, « Le communisme, dans la mesure où il est une théorie, est
l’expression théorique de la position du prolétariat dans la lutte des classes
[…]. » « Die Kommunisten und Karl Heinzen », Marx, Engels, Werke, Dietz
Verlag, Berlin, Bd. 4, p. 322.
227 Marx, Das Kapital I, 23, Dietz Verlag, Berlin, 1968, p. 22; cf. aussi
l’Adresse Inaugurale de la 1re Internationale, où Marx oppose « l’économie
politique de la classe ouvrière » à « l’économie politique de la classe
moyenne ».
228 Ibid., p. 28, souligné par nous.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 171
229 Lénine, « Les trois sources et les trois parties constitutives du marxisme »,
1913, Marx, Engels, Marxisme, Ed. en langues étrangères, Moscou, p. 71.
230 Id., « Ce que sont les amis du peuple », Ibid., p. 102, souligné par nous.
231 Réforme ou Révolution, Spartacus, Paris, 1947, p. 75.
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 172
236 Ibid., p. 62. Desanti, à l'époque membre du P.C.F., avait écrit dans La Nou-
velle Critique, no 11, déc. 1949, un article intitulé « Staline, savant d'un type
nouveau, et avec ces sous-titres : « La science stalinienne, science univer-
selle, science encyclopédique » ; « La science stalinienne, science rigou-
reuse ». Ajoutons à la décharge de Desanti, mathématicien fort respectable
et l'homme de science éminent, que son article fut écrit « avec l'aide d'une
commission créée spécialement à cette occasion, présidée par Victor Joan-
nès, membre du comité central. »
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 176
IV. — Conclusion :
le point de vue du prolétariat
247 A. Schaff, Histoire et Vérité, Ed. Anthropos, Paris, 1971, pp. 193-194, 326.
248 A. Schaff, op. cit., p. 314
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 185
[236]
[237]
Dialectique et révolution.
Essai de sociologie et d’histoire du marxisme.
SOURCES
[238]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 191
[239]
PREMIÈRE PARTIE.
MARX [17]
DEUXIÈME PARTIE.
ROSA LUXEMBURG [83]
TROISIÈME PARTIE.
LÉNINE [127]
QUATRIÈME PARTIE
SUR LE MARXISME EN AMERIQUE LATINE [161]
CONCLUSION :
Science et révolution : objectivité et point de vue de classe dans les sciences
sociales [201]
M. Löwy, Dialectique et révolution. Essai de sociologie et d’histoire du marxisme. (1973) 192
[240]
Éditions Anthropos
Dépôt légal 2e trimestre 1973 - N° 196
Fin du texte