Anesth Reanim.
2020; 6: 96–102
Revue
Russell Chabanne 1, Marc Begard 1, Mikael Mazighi 2,3,4, Benjamin Maïer 2
Disponible sur internet le :
29 novembre 2019
Mots-clés
AVC
Infarctus cérébral de la
circulation antérieure
Thrombectomie
Anesthésie Générale
Sédation Procédurale
Sédation Consciente
96
en ligne sur / on line on
www.em-consulte.com/revue/anrea
www.sciencedirect.com
AVC ischémique de la circulation antérieure :
place de la thrombectomie. Quelle gestion
anesthésique ?
1. CHU de Clermont-Ferrand, hôpital Gabriel Montpied, pôle de médecine
périopératoire, 63000 Clermont-Ferrand, France
2. Service de neuroradiologie interventionnelle, fondation ophtalmologique
Adolphe-de-Rothschild, 75019 Paris, France
3. Hôpital Lariboisière, Unité Soins Intensifs Neurovasculaires, 75010 Paris, France
4. Hôpital Bichat, Laboratory of Vascular Translational Science, unité Inserm 1148,
7518 Paris, France
Correspondance :
Russell Chabanne, CHU de Clermont-Ferrand, hôpital Gabriel Montpied, pôle de
médecine périopératoire, 63000 Clermont-Ferrand, France.
rchabanne@chu-clermontferrand.fr
Résumé
La thrombectomie mécanique (TM), si possible associée à la thrombolyse intraveineuse, est
recommandée depuis 2015 dans la prise en charge des AVC ischémiques de la circulation anté-
rieure proximale chez des patients sélectionnés. Le bénéfice est important quel que soit l'âge du
patient, mais nécessite une prise en charge interventionnelle en extrême urgence, dans des
centres de compétence. Une sélection stricte des patients par imagerie évaluant la pénombre
ischémique récupérable permet de parfois repousser les délais jusqu'à 24 heures post-ictus. La
prise en charge périopératoire, notamment anesthésique, apparaît importante. Elle permet de
sécuriser la procédure pour le patient et l'opérateur par la gestion des voies aériennes, le confort,
l'analgésie et le contrôle des possibles mouvements. Elle tente également de protéger la zone de
pénombre ischémique en maintenant la pression artérielle, l'oxygénation et les autres détermi-
nants du métabolisme cérébral. Elle peut se faire sous anesthésie générale (AG) ou sédation
procédurale (sédation consciente SC), voire anesthésie locale. Pendant plusieurs années, une
altération pronostique liée à l'AG était suspectée. Cependant, les résultats étaient fortement
biaisés, en rapport notamment avec l'absence de randomisation sur la procédure anesthésique.
Les données récentes montrent au moins une équivalence entre AG et SC. Certaines études
randomisées et une méta-analyse de données individuelles retrouvent même un meilleur
pronostic associé à l'AG. Des études multicentriques restent cependant nécessaires. L'organisation
et la coordination de la filière de prise en charge associant médecine d'urgence, neurologie
vasculaire, neuroradiologie interventionnelle et anesthésie-réanimation-médecine périopératoire
est centrale.
tome 6 > n81 > janvier 2020
https://doi.org/10.1016/j.anrea.2019.11.015
© 2019 Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
AVC ischémique de la circulation antérieure : place de la thrombectomie. Quelle gestion anesthésique ?

Revue
Keywords Summary
Stroke
Anterior Circulation Brain Anterior circulation acute ischemic stroke: Endovascular mechanical thrombectomy
Infarction indications and perioperative anaesthetic management.
Thrombectomy
Mechanical thrombectomy (MT), associated with intravenous thrombolysis if possible, is recom-
General Anaesthesia
mended since 2015 in proximal anterior circulation acute ischemic stroke in selected patients. The
Procedural Sedation
procedure is beneficial whatever the age of the patient, but requires urgent medical attention in
Conscious Sedation
specialised centres. Strict patient selection with scanners evaluating perfusion mismatch can
prolong delay up to 24 hours post stroke symptoms. Peri-interventional procedure, notably
anaesthesia, is important. The aim is to secure MT for the patient and the operator related
to airway management, comfort, analgesia and movements control. Also, protection of the
ischemic penumbra needs maintenance of blood pressure, oxygenation and other determinants
of cerebral metabolism. General anaesthesia (GA) or procedural sedation (conscious sedation
(CS)), if not local anaesthesia, could be used. For many years, it was assumed that GA altered
outcome. Nevertheless, study results were impacted by consequent selection bias. Recent data
found at least equipoise between GA and CS. Some randomised trials and one meta-analysis on
individual patient data found better outcomes associated with GA. However, multicentric trials
are urgently needed. One thing is for certain: coordination and organisation of emergency
medicine, vascular neurology, interventional neuroradiology and anaesthesia-perioperative
medicine teams are truly essential.

Introduction Nous allons donc successivement décrire la place de la TM dans

La prise en charge des Accidents Vasculaires Cérébraux ischémi-
ques (AVCi) par occlusion proximale de la circulation antérieure
(terminaison carotidienne et artère cérébrale moyenne proxi-
male) a récemment connu une révolution thérapeutique avec
l'avènement de la thrombectomie mécanique (TM) [1]. Cette
technique relativement ancienne a profité des récentes avancées
technologiques concernant le matériel [2]. De même, la sélec-
tion des patients éligibles s'est fortement améliorée, permettant
de repousser les délais avec les progrès de l'imagerie. Le pro-
nostic de ces patients s'en est trouvé transformé, passant de taux
faibles de recanalisation sous thrombolyse intraveineuse (TIV)
seule à des taux de recanalisation atteignant 90 %. Ainsi, depuis
2015, la TM est recommandée dans cette indication [3,4].
Néanmoins, la filière de prise en charge des infarctus cérébraux
(IC) traités par TM s'est fortement complexifiée en raison de :
 la nécessité de regrouper les prises en charge dans des centres
experts disposant du plateau technique, après sélection radio-
logique (scanner ou IRM) possiblement réalisée à distance ;
 l'impératif d'urgence interventionnelle absolue (« Time is
brain ») chez des patients fragiles, souvent âgés, en défail-
lance neurologique aiguë, dans des secteurs interventionnels
fréquemment « hors bloc » ;
 l'obligation de coordination de multiples équipes : médecine
d'urgence, neurologie vasculaire, neuroradiologie interventionnelle
et souvent anesthésie-réanimation-médecine périopératoire.
la gestion des AVCi de la circulation antérieure et les modalités
de prise en charge anesthésique.
Place de la thrombectomie mécanique dans
les AVCi
Depuis 2015, plusieurs essais randomisés internationaux ont
montré la supériorité de l'association de la TIV par Alteplase
et de la TM par rapport à la TIV seule pour le traitement des IC
associés à une occlusion proximale de la circulation antérieure.
En effet, le taux de recanalisation d'une occlusion artérielle
proximale de la circulation antérieure traitée par TIV seule reste
faible, évaluée à environ 21 % pour les occlusions du segment
M1 et 4 % pour les terminaisons de la carotide [5]. La récente
méta-analyse sur données individuelles des essais de throm-
bectomie (Highly Effective Reperfusion evaluated in Multiple
Endovascular Stroke trials, HERMES) a ainsi pu montrer la supé-
riorité de la stratégie combinée dites de « bridging » (TIV + TM) :
14 % de patients en plus avec un score de Rankin modifié (mRS :
échelle d'autonomie fonctionnelle qui est le critère de jugement
de référence dans les études sur les AVC) entre 0 et 1 (auto-
nomie complète) à 3 mois ; 19,5 % de patients en plus avec un
mRS entre 0 et 2 (autonomie complète au quotidien mais avec
incapacité de réaliser certaines activités antérieures : sport par
exemple) à 3 mois [6].
97

tome 6 > n81 > janvier 2020

 R. Chabanne, M. Begard, M. Mazighi, B. Maïer
Revue
Avec des délais de traitements variables au sein des études
princeps (les 6 premières heures pour MRCLEAN – Multicenter
Randomized CLinical trial of Endovascular treatment for Acute
ischemic stroke in the Netherlands [7] –, 8 h pour REVASCAT –
randomized trial of Revascularization with Solitaire FR Device
versus Best Medical Therapy in the Treatment of Acute Stroke
due to Anterior Circulation Large Vessel Occlusion Presenting
within Eight hours of Symptoms Onset [8] –, 12 heures pour
ESCAPE – Endovascular treatment for Small Core and Anterior
circulation Proximal occlusion with Emphasis on minimizing CT
to recanalization times [9]), la sélection des patients par des
critères cliniques et neuroradiologiques a permis de s'affranchir
des délais restreints connus de la TIV. Ce point a été récemment
confirmé pour la TM avec les études DEFUSE 3 – The Endovas-
cular therapy Following Imaging Evaluation for Ischemic Stroke
[10] – et DAWN – DWI or CTP Assessment with Clinical Mismatch
in the Triage of Wake-Up and Late Presenting Strokes Under-
going Neurointervention with Trevo [11] – (respectivement TM
jusqu'à 16 et 24 heures du début des symptômes) mais éga-
lement pour la TIV seule (jusqu'à 9 heures) [12]. Même si les
raisonnements actuels consistent à mettre en évidence un
« mismatch » (différence entre une zone irréversible d'IC -le
cœur ischémique- et une zone étendue de pénombre isché-
mique réversible si recanalisation efficace), les recommanda-
tions internationales précisent que la TM doit être réalisée dans
les 6 heures (car plus de 80 % des patients ont été traités avant
6 heures dans les essais princeps) et jusqu'à 24 heures uni-
quement en présence de certains critères d'imagerie (ceux de
l'étude DAWN) [13,14].
Du point de vue technique, il n'est actuellement pas établi de
stratégie supérieure à une autre (stent-retriever et/ou throm-
boaspiration, cathéter porteur avec ou sans ballon d'occlusion
proximale) [15].
Initialement indiquée pour les occlusions artérielles proximales
de la circulation antérieure (segment M1 de l'artère cérébrale
moyenne et terminaison de la carotide interne), les occlusions
M2 proximales sont également traitées par TM [13,14,16].
Aucun essai n'a à ce jour démontré d'indication de TM pour
les occlusions artérielles plus distales, la décision étant prise au
cas par cas après discussion collégiale neuroradiologue inter-
ventionnel/neurologue vasculaire.
Enfin, l'âge n'est pas une contre-indication à la réalisation de
la TM, les patients de plus de 80 ans bénéficiant du geste
endovasculaire au même titre que les patients plus jeunes
(cOR en faveur de la TM : 3,68 ; IC à 95 % : 1,95–6,92) [6],
et également pour une fenêtre thérapeutique étendue
à 24 heures [13,14].
Malgré des taux de recanalisation qui ne cessent d'augmenter,
dépassant actuellement les 90 % [15], la moitié des patients
recanalisés entre 3 et 6 heures restent dépendants à 3 mois [6].
Ce point souligne que d'autres prises en charge autour de la TM
paraissent cruciales, notamment la gestion anesthésique.
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Quelle gestion anesthésique ?
Impératifs de prise en charge périopératoire des
thrombectomies mécaniques pour AVCi
La TM oblige à une prise en charge interventionnelle en urgence
absolue de patients fragiles souvent âgés, en défaillance neu-
rologique aiguë. Il n'existe pas de contre-indication absolue liée
au grand âge ou à la sévérité de l'AVC, dès lors que le patient
était préalablement autonome. Quelle que soit la situation, si
le patient a bien été sélectionné, le bénéfice pronostique
escompté est conséquent, avec des récupérations ad integrum
ou au moins une autonomie préservée dans environ la moitié
des cas (30 à 70 % selon le degré de sélection) [6].
Les impératifs de prise en charge périopératoire sont [17] :
 immobilité en rapport avec une procédure délicate, à risque de
complications en cas de mouvement ;
 confort face à une intervention stressante, possiblement pro-
longée, avec quelques composantes douloureuses potentiel-
les (ponction vasculaire, désengagement du caillot. . .) ;
 sécurité vis-à-vis de possibles complications liées à l'état neu-
rologique (coma, convulsions, vomissements, inhalation,
détresse respiratoire. . .) et à l'intervention (perforation vas-
culaire intra ou extracrânienne, complications hémorragiques
ou allergique de la fibrinolyse. . .) ;
 homéostasie neurophysiologique en maintenant la perfusion
cérébrale dans la zone de pénombre ischémique (hypotension
artérielle proscrite), l'oxygénation et la glycémie ;
 gestion des comorbidités parfois sévères.
La présentation clinique va de patients peu déficitaires, commu-
nicants et parfaitement tolérants aux soins, à des patients
sévères, présentant des déficits moteurs, des troubles phasiques
gênant la compréhension et l'expression, parfois comateux.
L'état clinique est traduit par le score NIHSS (National Institute
of Health Stroke Scale) allant de 0 (aucun symptôme) à 42. Les
patients AVC sévères présentent un NIHSS > 15.
Controverse initiale concernant la prise en charge
anesthésique
L'ensemble de ces éléments suggère l'intérêt d'une prise en
charge anesthésique : protection des voies aériennes chez des
patients fréquemment estomac plein, sédation/analgésie. . .
Pourtant, cette prise en charge a historiquement suscité contro-
verse. En effet, avant 2015, alors que les TM étaient déjà
pratiquées mais non codifiées et non validées en termes de
matériel et de sélection des patients, l'anesthésie générale (AG)
avec intubation était volontiers utilisée. En 2010, deux études
rétrospectives publiées dans la revue Stroke, retrouvaient une
altération pronostique des patients ayant été gérés sous AG avec
intubation, dont la mortalité était augmentée comparée aux
autres patients [18,19]. Une controverse était née dans cette
même revue, avec une opposition de la communauté neuro-
radiologique pro AG aux neurologues qui plébiscitaient l'anes-
thésie locale (AL)  sédation procédurale (sédation consciente
tome 6 > n81 > janvier 2020
AVC ischémique de la circulation antérieure : place de la thrombectomie. Quelle gestion anesthésique ?
(SC)) [20–22]. Aucun anesthésiste ne prenait alors part au débat.
Dans les suites, beaucoup d'équipes ont publié leurs séries avec
les mêmes résultats [23–25] étayées en méta-analyse [26]. Ces
études souffraient néanmoins de nombreux biais méthodolo-
giques. Un important biais de sélection existait notamment,
puisque les patients gérés sous AG étaient initialement
plus graves neurologiquement, altérant de facto le pronostic
fonctionnel et la mortalité. Aucune donnée de prise en charge
anesthésique ou de gestion de la pression artérielle n'était
notifiée [27].
Ainsi, en 2015, lors de la mise à jour des recommandations de
prise en charge des AVCi plébiscitant la TM, la SC était recom-
mandée. Des études randomisées sur la thématique étaient
toutefois plébiscitées [28].
Données récentes
Dans les études de validation de la TM à compter de 2015, les
prises en charge périopératoires ont également été étudiées
dans des analyses prospectives observationnelles post hoc. Là
encore, l'AG/intubation était associée à des pronostics moins
bons, même si le bénéfice de la TM était maintenu par rapport
au comparateur sans TM. Les scores NIHSS initiaux étaient cette
fois comparables, mais d'importants biais persistaient car l'inter-
vention anesthésique n'était pas randomisée ni contrôlée. Une
augmentation des délais de reperfusion associée à l'AG pouvait
expliquer ces conclusions d'après les auteurs [29].
Hypothèses physiopathologiques
La communauté Anesthésique a tenté d'expliquer ces résultats
à compter de 2012 [30]. Outre les problèmes de biais métho-
dologiques et de délais possiblement augmentés précédem-
ment notifiés, l'impact de l'AG sur la pression artérielle a été
évoqué. En effet, il apparaissait que c'était surtout l'hypotension
artérielle qui était associée à un mauvais pronostic, et cet
événement était plus fréquent sous AG [23]. Ainsi, la zone
de pénombre ischémique pouvait être mal perfusée et évoluer
vers l'IC. Récemment, une revue systématique sur le sujet a pu
montrer l'hétérogénéité des définitions de l'hypotension arté-
rielle pendant la TM (maximum-minimum, chute > 40 % de la
PAM, variation par rapport à la PAM initiale, etc.) et l'association
entre l'hypotension artérielle pendant la TM et le handicap
à 3 mois, soulignant l'impact crucial du contrôle hémodyna-
mique pendant la TM [31]. Enfin, il a également été récemment
démontré qu'une variation de plus ou moins 10 % de la PAM par
rapport aux valeurs avant TM était associée au handicap à 3 mois,
indépendamment du mode de sédation (i.e. AG et SC) [32]. Ce
résultat souligne que la gestion hémodynamique est étroite-
ment liée au pronostic et ne concerne pas uniquement l'AG.
Enfin, l'AG pouvait être associée à une hyperventilation avec
hypocapnie, fréquemment utilisée en anesthésie neurochirur-
gicale mais qui, dans le contexte de l'AVCi, pouvait concourir
à une dette énergétique liée à la vasoconstriction cérébrale
induite [33].
tome 6 > n81 > janvier 2020
Revue
Avantages et inconvénients théoriques de l'AG pour
thrombectomies mécaniques des AVCi
Néanmoins, compte tenu des impératifs de gestion périopératoire
précédemment cités, l'AG pourrait tout de même avoir certains
avantages. Ce tableau est adapté de Wijayatilake et al. [34].
Avantages de L'AG Inconvenients de L'AG
Sécurisation des voies aériennes Possible majoration de délai
de revascularisation
Diminution du risque d'inhalation Risque allergique
Maintien de l'oxygénation Risque hémodynamique
Contrôle de la PaCO2 Effets pharmacologiques sur
la perfusion cérébrale
Diminution des mouvements Nécessité de surveillance
post-interventionnelle
spécialisée
Contrôle de la douleur/anxiété Coût en matériel et personnel
État de la littérature actuelle
Nous disposons enfin d'essais cliniques comparant la prise en
charge périopératoire des TM sous AG versus SC/AL.
En effet, trois études randomisées monocentriques ont récem-
ment été publiées.
L'étude SIESTA – Sedation vs. Intubation for Endovascular TreAt-
ment – a inclus 150 patients en Allemagne [35]. Le critère de
jugement principal était la récupération neurologique précoce
(score NIHSS à H24). La prise en charge était réalisée par des
neuro-réanimateurs non anesthésistes. Il n'existait pas de pro-
tocole précis de SC et d'AG, mais il y avait des objectifs clairs de
pression artérielle, d'oxygénation et d'EtCO2. Il n'y avait pas de
différence concernant le critère de jugement principal entre les
deux groupes. À J90, l'autonomie évaluée par le score mRS était
meilleure dans le groupe AG. Il s'agissait cependant d'un critère
de jugement secondaire, et l'étude n'était pas calibrée pour
conclure sur ce critère. Cette étude présentait donc des résultats
iconoclastes avec un signal en faveur de l'AG. Cependant, il
existait un pronostic fonctionnel anormalement mauvais dans le
groupe SC, avec seulement 18 % de patients autonomes
à 3 mois, ce qui était contradictoire avec les études de validation
de la TM. Il est à noter qu'avant l'étude, le centre menait des AG
uniquement.
L'étude AnStroke – Anesthesia during Stroke – a randomisé
90 patients entre AG réalisée avec propofol/remifentanil et
SC réalisée par propofol [36]. Le critère de jugement principal
était le score mRS à 3 mois. L'étude ne retrouvait aucune
différence significative entre les deux groupes concernant le
critère de jugement principal et les critères de jugement
secondaire.
99
 R. Chabanne, M. Begard, M. Mazighi, B. Maïer
Revue

 Existe-t-il un effet propre des médicaments anesthésiques ?

Enfin, l'étude GOLIATH – General Or Local anesthesia in Intra
Arterial THerapy – a randomisé 128 patients entre SC et AG [37].
Il n'y avait pas de différence concernant l'extension du volume
d'infarctus cérébral mesuré en IRM à 24 heures, qui était le
critère de jugement principal, malgré un taux de reperfusion
significativement plus élevé et un meilleur score mRS à 3 mois
dans le groupe AG.
Pour ces trois études, la prise en charge anesthésique était
réalisée par une équipe dédiée et aguerrie à ces urgences. La
pression artérielle était contrôlée de manière stricte afin notam-
ment de prévenir et/ou traiter toute hypotension artérielle.
Ces études ont été inclues très récemment dans une méta-
analyse de données individuelles, réalisée par les auteurs réunis
sous forme d'un groupe collaboratif [38]. Ainsi, 368 patients ont
pu être inclus dans l'analyse. Le score NIHSS initial était toujours
au moins 10. Le critère de jugement principal était le niveau de
handicap à 3 mois défini par l'analyse ordinale du score mRS. Il
était en faveur de l'AG (2,8 (95 % IC, 2,5–3,1) vs 3,2 (95 % CI,
3,0–3,5), p = 0,02). L'autonomie définie par un mRS 0–2 était
meilleure après AG (49,2 % vs 35,1 % ; OR, 2,16 [95 % IC, 1,31–
3,54] ; p = 0,003). Il n'y avait pas de différence de mortalité ni de
durée de procédure. La reperfusion était meilleure sous AG, ce
qui pouvait expliquer les résultats selon les auteurs, possible-
ment par amélioration du confort technique de l'opérateur.
Questions en suspens
Ces études ne permettent pas encore de valider la meilleure
stratégie périopératoire. Notamment, des interrogations
persistent :
 Quelle est la meilleure stratégie pour les patients les moins
sévères (NIHSS < 10) ?
 Les résultats peuvent-ils témoigner d'une mauvaise gestion de
la sédation (sur ou sous-sédation) ? [39]
 Quelle est la validité externe des études monocentriques ?
[40]
 Peut-on envisager une gestion sous AL seule ? [41]
 Quelle gestion hémodynamique pendant la TM ?
Pour tenter de répondre en partie à ces questions, différentes
études multicentriques sont en cours, notamment en France et
en Chine [42–44].
Conclusion
La TM est recommandée dans les IC par occlusion des gros
vaisseaux de la circulation antérieure. La filière de prise en
charge des IC, possiblement interventionnelle, s'est complexi-
fiée et nécessite une collaboration active entre les intervenants
afin de gagner du temps et préserver l'autonomie des patients.
La gestion périopératoire est complexe et intègre volontiers les
médecins anesthésistes-réanimateurs, comme recommandé
par la Haute Autorité de Santé [45]. L'AG, jadis décriée, pourrait
finalement être bénéfique si correctement réalisée par une
équipe spécialisée. La spécialité doit donc prendre part active-
ment à la gestion de ce problème de santé publique.
Déclaration de liens d'intérêts : Russell Chabanne est l'investigateur
coordonnateur de l'étude AMETIS (Anesthesia Management in
Endovascular Therapy for Ischemic Stroke) (NCT03229148) ayant reçu un
financement DGOS Programme Hospitalier de Recherche Clinique Inter-
Régional (PHRC IR) 2016.
Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.

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