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Ma r i a Go r e a Considérations sur la politisation de la religion

à Palmyre et sur la dévotion militaire


des Palmyréniens en Dacie

Cette étude se présente en deux volets : après une inscriptions recueillies par W . Halifax et allait formuler
présentation de la cité caravanière de Palm yre, une ce vœ u quelques années plus tard : « B y the help o f
première partie s ’attache plus spécialement à l ’un des these [inscriptions], compared w ith two others taken at
aspects de l ’iconographie de la Palmyrène, celui de la Palmyra, w hich I have by me (they being near o f the
représentation en uniforme légionnaire de quelques-unes same Date), I hope w e may be able, one Day, to make
des divinités que pouvaient vénérer les soldats palm y­ out the Palmyrene Alphabet »2. M ais l ’ouvrage d écisif
réniens à Palmyre même ou ailleurs dans l ’Empire. La pour l ’avenir des études sur Palm yre fut celu i que
seconde partie suit les archers palmyréniens jusqu’aux Robert W ood et James Dawkins publièrent en 1753
confins septentrionaux de l ’Empire, en D acie intra- (in -f), à la suite d’une expédition menée deux ans plus
carpathique, où nombre d’entre eux avaient été dépla­ tôt, en mars 1751 : The Ruins o f Palmyra otherwise
cés au sein de troupes irrégulières de l ’armée romaine. Tedmor in the Desert (et une édition française contem­
Cette partie prend appui sur des documents purement poraine, Les Ruines de Palmyre, autrement dite Tedmor
épigraphiques, puisque aucune représentation figurative au Désert). Outre l ’intérêt que pouvait avoir un tel
de ces divinités n ’est attestée en D acie, où ni la nature ouvrage pour illustrer un goût esthétique classique
de leur m ission ni les charges militaires n ’ont laissé puis romantique que partageaient beaucoup d ’amateurs
aux Palmyréniens le loisir de figurer les divinités en de ruines, il facilita notamment à l ’abbé Jean-Jacques
sculptant leurs effigies. Malgré la disparité de ces deux Barthélemy le déchiffrement de l’alphabet palmyrénien
sujets, l ’ensem ble veut offrir au lecteur une im age grâce aux relevés des treize inscriptions palmyréniennes3
double d’une même idée : la sujétion et la déférence des que contenait le volum e, dont huit étaient accompa­
Palmyréniens envers une armée romaine victorieuse, gnées d ’un texte grec. L ’abbé Barthélemy présenta, le
aux triomphes de laquelle ils avaient participé et qui 12 février 1754, devant l ’Académie, son mémoire sur
leur avait fourni un m odèle de prestige pour la repré­ l ’écriture palmyrénienne : « R éflexions sur l ’alphabet
sentation de leurs divinités, à l ’image des officiers et sur la langue dont on se servait autrefois à Palmyre »4.
romains sinon de l ’empereur lui-même. John Swinton n’a pas moins de mérite pour avoir abouti
aux m êm e résultats, qu’il divulgua le 30 mai, et lut
le 20 juin de la même année 17545, indépendamment
■ In t r o d u c t i o n de l ’abbé Barthélem y, m êm e si les deux savants se
connaissaient et avaient même correspondu6.
L ’histoire de Palmyre était déjà connue grâce aux
écrits de quelques historiens de l ’Antiquité, mais on
redécouvrira la cité, après les expéditions anglaises
m enées en 1678 par le pasteur W illiam Halifax, qui anciently called Palmyra, -with short Remarks upon the
Inscriptions fo u n d there. B y E. Halley, Philosophical
avait pris des relevés de quelque seize inscriptions
Transactions o f the Royal Society, nr. 218 (nov.-déc. 1695),
grecques, une latine, ainsi qu’une palm yrénienne p. 160-175 (voir aussi D aniels 1988, p. 420).
(CIL 4 2 0 2 )1. En 1695, Edm ond H alley discutait les 2. Miscellanea curiosa. 'Containing a Collection o f Curious
Travels, Voyages, and Natural Histories o f Countries,
J. M. for M. Smith, Londres, vol. III, 1708, p. 160-175,
plus particulièrement, p. 174.
1. W. Halifax, Relation to a Voyage from Aleppo to Palmyra 3. Les CIL 3932, 3934, 3936, 3939, 3940, 3943, 3944, 3978,
in Syria, sent by the Reverent Mr. William Halifax (adressée 3999, 4021, 4031, 4151, 4152.
à M. Bernard), Philosophical Transactions o f the Royal 4. Mémoires de l ’A cadémie XXVI, p. 577-597.
Society, nr. 217 (oct. 1695), p. 83-110 ; An Extract o f the 5. La publication écrite eut lieu en 1755 (Swinton 1755).
Journals o f the English Merchants o f Aleppo, to Tadmor, 6. Swinton 1753. Cf. D aniels 1988, p. 435.

oi: 10.1484/J.SEC.1.100932 D Sem Clas 3 2010 • p. 125-162


126 Maria Gorea

Ce que l ’abondante docum entation épigraphique en amont, à Doura-Europos9, centre adm inistratif de
de Palmyre avait permis de comprendre, à partir de ce la Parapotamie parthe et qui comptait égalem ent une
moment, fut non seulement que le négoce et les activités importante communauté palmyrénienne10. Une garnison
commerciales avaient constitué de toute évidence l ’aspect d ’archers palmyréniens y était stationnée pour protéger, à
majeur de la prospère ville pendant les trois siècles de cet endroit, le passage des caravaniers qui pouvaient
sa brève existence, à Palmyre même ainsi que dans les ainsi se rendre sans encombre, en descendant l’Euphrate
comptoirs qui ont vu s ’installer d ’importantes com m u­ en radeaux ou par v o ie terrestre, ju sq u ’au port de
nautés palm yréniennes, m ais elle a révélé égalem ent V ologésias et jusqu’en Characène11.
les principaux aspects de la religion des Palmyréniens. Lorsque, aux premières années du iiie siècle, Palmyre
Les avantages économ iques étaient en égale mesure reçut le statut de colonie romaine (en 203), son négoce
redevables tant au positionnement stratégique de l ’oasis avait, com m e auparavant, les m êm es ramifications
de Palmyre, annexée à l ’Empire dès l ’an 177, à l ’intel­ lointaines : en dehors des routes caravanières allant
ligence marchande de ses habitants, qu’à la mobilité et vers la Méditerranée et le nord de la Syrie, la cité de
à l ’organisation de ses m ilices d ’archers montés qui Palmyre gardait son réseau sur des routes fluviales et
surveillaient les routes du désert pour empêcher la contre­ maritimes en Mésène et l ’accès au Golfe arabo-persique,
bande. Les mentions - nombreuses - de Palmyréniens vers l’Inde. Lorsque Rome s ’est vue opposée à Palmyre,
actifs en M ésopotamie du Sud, présents dans quelques autrefois soum ise ou alliée, et que la puissance de la
ports fluviaux, à Phorat, Vologésias et Charax Spasinou8, cité gouvernée par Zénobie menaçait, par ses expansions,
sont complétées par l ’abondante documentation trouvée les intérêts et l ’intégrité de l ’Empire, appuyée par les
forces sarrasines et arméniennes, ce fut en partie par la
ruse et ayant intercepté et corrompu ses alœ, qu’Aurélien,
7. Son annexion s’est faite après la visite du très populaire avec l ’appui des bandes de latrones syriens, réussit
Germanicus (père de Caligula, il était fils de Nero Claudius à affaiblir d ’abord la résistance de l ’armée, ensuite à
Drusus de qui il tient son surnom, et devenu, après son épuiser la cavalerie lourde des clibanarii de Zénobie
adoption par Tibère, en l’an 4, Germanicus Iulius Cœsar). et prévaloir par une supériorité stratégique.
Les sources ne disent rien d’une visite de Germanicus à
La fin de Palmyre devait être un com m encem ent :
Palmyre, mentionné simplement comme l’hôte du légat
de la legio X Fretensis près d’Antioche, à Cyrrhe (Tacite, celui d’une v ille gouvernée par un des tribuns d ’Auré-
Annales 2, 57), mais les restes d’une dédicace latine lien, Marcellin, gouverneur totius Orientis. La garnison
qu’un legatus legionis, Minucius Rufus, fit inscrire sur un laissée en place, qui comptait quelque six cents archers,
fragment de comiche dans le temple de Bêl, à Palmyre, a été élim inée par une population qui n’a pas su prévoir
honnorant Tibère, son fils adoptif, Germanicus, et le cadet les représailles d’Aurélien, aussi féroces que définitives.
de celui-ci, Drusus, laissent penser que Germanicus est
M ise à sac, Palmyre a vu ses murs et sa fierté abattus.
passé par la ville : [Dr]uso Cæsari [Ti. A u g .f divi nepoti}
Ti. Cæsari divi Aug.f. Augusto divi Iuli nepoti Ge[rmanico Le sac de la v ille eut lieu en 273. Le temple de B êl fut
Cæsari] [T.Aug. f. divi nepoti}/ imperatoribus posuit/ également saccagé, puis promptement restauré sous
[Min]ucius T . f Hor. Rufus legatus leg.XFretensis (« À
[Dr]usus César, {fils de Tibère Auguste, petit fils du
divin (Auguste)}, à Tibère César, fils du divin Auguste,
Auguste, petit fils du divin (Jules), à Gefrmanicus César] 9. Aujourd’hui Salihiyya, à environ 220 km à l’est de
{fils de Tibère Auguste, petit fils du divin (Auguste)}, Palmyre.
ceci a été dédié par [Min]ucius, fils de Tiberius, de la tribu 10. La cité devint romaine en 115-117, pendant la campagne
Horatia, Rufus, légat de la Xe légion Fretensis », Canti- parthe de Trajan, mais jusqu’au milieu du ne siècle, Doura-
neau 1933 [« Le sanctuaire de Bêl »], nr. 2, p. 7-9). Europos avait reconnu la souveraineté arsacide. Les Romains,
8. Les Palmyréniens de Vologésias avaient accès aux sous les ordres de Lucius Verus, se sont à nouveau emparés
marchandises venant non seulement du nord et de l’ouest de Doura au cours de la campagne de 164/165 et des archers
syrien, mais aussi du Turkestan chinois, de Turfan, en Palmyréniens au service de Rome se sont installés dans
passant par Kasgar, Bactres, puis par le plateau iranien, la ville (appartenant à la cohorsX X Palmyrenorum). Un
par Hamadan. Les marchands Palmyréniens installés à ancien temple dédié aux divinités palmyérniennes a été
Charax-Spasinou devaient, eux, s’assurer une plus grande trouvé à l’angle nord-ouest de la ville, près des remparts,
prise sur le marché en provenance de l’Asie centrale et arri­ dans le quartier militaire. Doura deviendra colonie romaine
vant par la route de la soie. Celle-ci, pour éviter l’empire vers 211.
Parthe, pouvait descendre de Bactres vers le Penjab, par 11. Les marchandises devaient arriver à Doura par voie
Taxila, pour rejoindre le port de Barbaricum, ou, en passant terrestre, depuis l’ouest, en passant par Palmyre ou, par
par Mathura, celui de Barygaza, sans quitter le pays des voie fluviale, de l’extrémité nord de la Syrie, d’Apamée /
Couchans. Vers leur marché convergeaient non seulement Zeugma, en descendant l’Euphrate, et même par son
les négociants de la Mésène venant, par les deux voies affluent, le Khabür, qui prend naissance aux nombreuses
fluviales, de Séleucie et de Vologésias, sur les rives du sources des environs de R a’s al-‘Ayn, important centre
Tigre et de l’Euphrate, mais aussi ceux d’Iran, arrivés marchand situé sur l’axe menant de la Méditerranée en
d’Ecbatane, par Suse, ou ceux du nord de l’Arabie. Perse.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 127

l ’ordre d ’Aurélien même, qui dut comprendre combien statues qu’ornaient les temples de Palmyre ? Lequel ?
l ’humiliation suprême pour un vaincu était de lui faire Comment se les représentaient-ils en faisant leurs dévo­
l ’aumône de ses propres d ieu x12. Z énobie eut la v ie tions quotidiennes et en les invoquant en pays étrangers ?
sauve, non sans dénoncer, en un geste ultime de faiblesse Comparativement à l ’art hellénistique - ou romain,
ou de lâcheté, le philosophe néoplatonicien L ongin qui s ’en inspire - , celui de Palmyre était d ’expression
comme ayant été l ’instigateur et le cerveau de la résis­ provinciale. À l ’époque du floruit de Palm yre, l ’art
tance palm yrénienne. Il fut ainsi m is à mort. La hellénisant qu’avaient fini par adopter les peuples
postérité verra toujours une Zénobie vaincue13, portée « barbares » depuis la conquête d ’Alexandre, allant
à travers les rues de Rom e en prisonnière, comme un de la façade orientale de la Méditerranée jusqu’à l ’A sie
butin de guerre ou une bête de foire, chargée de lourdes Centrale et l ’Inde, était fortement marqué par les apports
et dérisoires chaînes d’or lui entravant les pieds, les locaux et parthes, ainsi que le voulurent les dynastes
mains et le cou, ployant sous le poids des parures et ou aristocrates commagènes, hatréens, palmyréniens ou
des pierres précieuses exhibées comme pour illustrer arsacides, donnant naissance à des formes éclectiques,
la richesse déchue de la ville, définitivement humiliée gréco-orientales, gréco-sémitiques, gréco-iraniennes...
par la grâce que lui accorda Aurélien, lui laissant la vie Puis, par un mouvement de retour, ce m ême art gréco-
sauve, l ’autorisant à vivre dans une ferm e proche de oriental com m ença à s ’imposer partout dans l ’Empire
Tivoli, aussi insignifiante qu’une riche matrone romaine. romain - tout com m e l ’esprit de l ’Orient avait pénétré
L ’oasis glissera peu à peu dans l ’insignifiance, les études des érudits et lettrés latins, ou l ’Orient
après une intense activité militaire, en tant que poste hellénisé fut d écisif dans les religions - , en entraînant
de garnison ensablé sur la Strata Diocletiana, puis l ’agonie puis la disparition des cultes gréco-romains,
sera contrôlée par les tribus arabes Ghassanides de la peu à peu absorbés dans ceux des « barbares ».
fam ille princière jafnide, alliée de l ’empire byzantin. Mais comment représentait-on les dieux à Palmyre ?
Je ne voudrais relever ici qu’un des aspects de leur
iconographie. L ’aniconisme propre à l ’Arabie du Sud,
■ P o l i t i s a t i o n d e l ’a r t : dont on peut affirmer aujourd’hui qu’il fut à l ’origine
l ’ic o n o g r a p h i e d e s d i e u x l é g io n n a ir e s de celui qui caractérisera plus tard l ’islam , ainsi que
les courants iconoclastes au sein de l ’empire byzantin,
La richesse des Palmyréniens était considérable : n ’avait pas fait d ’adeptes parmi les Palm yréniens,
en témoignent l’art funéraire des hypogées et les portraits pourtant aux origines arabes bien marquées, du moins
des notables défunts qui rivalisent en ornements sculptés pour une partie d ’entre eux.
et en dignité, comme si on voulait, naïvement, prolonger Loin de Rome, à l ’extrémité orientale de l ’Empire,
et perpétuer dans la mort une condition toute humaine. les Palmyréniens habillaient certains des dieux qu’ils
L ’art du portrait, en m ême temps que celui de la repré­ vénéraient en armure de légionnaires romains, à la
sentation en relief des divinités vénérées nait puis manière des statues cuirassées des empereurs romains
s ’épanouit à Palmyre, surtout au cours du iiie siècle, qui du ne siècle, eux-mêmes reproduisant des modèles hellé­
est aussi celui de son apogée économique, en mêlant nistiques et classiques de divinités guerrières cuirassées.
des réminiscences d’un art hellénistique omniprésent Les artistes palmyréniens, en copiant les m odèles de
à des influences de l ’art bouddhique de Gandhara, de la souverains romains - que les dieux des Palmyréniens
dynastie kushite. semblaient imiter jusqu’au contraposto - ont toutefois
L ’art sculptural de Palm yre tient tout autant de la éludé le geste de l ’adlocutio, auquel ils avaient préféré
ferveur religieuse que d ’une fortune à laquelle les des poses silencieuses, mais davantage belliqueuses14.
soldats qui composaient les contingents palmyréniens
aux frontières de l ’Empire ne pouvaient pas aspirer
durant le tem ps de leur service. L es soldats Palm yré-
niens auraient-ils emporté avec eux pour seule image 14. Ainsi, la statue en marbre d’Auguste de villa Livia, à
Prima Porta (près de Rome), représenté en cuirasse historiée.
de leurs dieux le souvenir mental des autels et des 123
La représentation des empereurs en cuirasse s’intensifie
après l’époque des Flaviens (Vermeule 1959, p. 19). En
faisant ce rapprochement entre les dieux cuirassés de
la Palmyrène et les empereurs romains immortalisés en
12. La dernière inscription palmyrénienne, datant du mois cuirasse, je ne prends pas position contre H. Seyrig qui
d’Adar (février-mars) 273, est celle d’un décret du thiase considérait comme relevant d’un « préjugé insidieux »
des prêtres du temple de Bêl, qui reconnaît les mérites du tout rapprochement entre ces deux types iconographiques
symposiarque, un des partisans de la capitulation (voir (Seyrig 1970, p. 86). À supposer même que le lien soit
Zosime, Histoire romaine I, 56), pour avoir « aidé [les indirect et que l’éloignement géographique rende caduque
troupes d’Au]rélien César » (Gawlikowski 1971, p. 420). l’idée d’une imitatio imperatorum, une motivation commune
13. HistoireAuguste, Vie d ’A urélien XXXIV. semble néanmoins avoir présidé à l’élaboration de ces
128 Maria Gorea

Ils avaient projeté sur les dieux - censés être les protec­ invincible ? Sans doute. Pour autant, les attributs
teurs de la ville et des Palmyréniens qui sillonnaient astraux - archaïques et tenaces - des divinités figurées,
mers et terres - un idéal d ’invincibilité et de force tels les nimbes radiés, les croissants de lune, les rosaces
militaire, et la fascination qu’exerçait la puissante armée ou étoiles, ne sont pas absents, mais tendent à devenir
de l ’Empire sur les Orientaux se traduisait ainsi dans des marques conventionnelles et discriminatoires du
une iconographie originale, qui avait échangé les vieux surnaturel, nécessaires pour reconnaître l ’image d ’un
drapés et voilages de l ’antiquité hellénistique avec les dieu et éviter ainsi toute méprise et confusion avec
cuirasses, cottes de mailles, armures, loricœ, épaulières, des représentations profanes d’un quelconque stratège,
casques, ceintures et autres accessoires, sans oublier les chevalier, préfet d ’aile, lieutenant ou tout autre officier,
lances, les boucliers ou les enseignes de la panoplie des susceptibles d’être représentés avec les enseignes m ili­
légionnaires. R ien d ’étonnant dans cette représentation taires. Il est rare que des artistes - minimalistes - aient
dissuasive d ’un dieu revêtant la cuirasse légionnaire de omis ces indices, en risquant ainsi d’exposer leur œuvre
la toute puissante armée romaine, devant défendre, à à une interprétation ambiguë, en permettant que l ’on se
la tête de ses fidèles, les privilèges convoités par des méprenne, en considérant l ’image de tel dieu comme
voisins intrépides et un commerce qui nécessitait une profane ou inversement, m ême si les mortels ne sont
mobilité non entravée par les pillards dont était infesté jam ais représentés à Palm yre vêtus de l ’uniform e
le désert syrien. M êm e les dieux de la steppe, souvent militaire. Pour cette raison précisément. Les notables
apportés par des populations d ’origine nord-arabique - défunts - se font représenter, prêtres à part, en buste
installées en Palmyrène, étaient figurés armés, bien que et drapés de la toge, rarement en pied, tout au plus
sans cuirasse, modestie oblige15. - pour les plus privilégiés d ’entre eux, immortalisés
Com m e H. Seyrig l ’avait judicieusem ent m is en étendus sur un banc de triclinium - habillés en costumes
avant, contrairement aux pratiques iconographiques de iraniens formés d’une tunique ceinte et d ’un pantalon
la Grèce et de Rome, où seuls les dieux de la guerre serré aux chevilles, les tissus savamment pliés, comme
sont armés, ce qui n ’a rien pour surprendre, dans la pour transposer dans la pierre le m oelleux de la soie,
Syrie et l ’Égypte gréco-romaines, de nombreux dieux aux ourlets et galons chargés de broderies, dentelles
que la nature qui leur était attribuée ne désignait pas et perles. A insi les deux mondes, celui des divinités et
comme guerriers sont représentés en armes et uniforme celui des humains, restent-ils bien distincts et leurs
m ilitaire16. Y aurait-il eu pour autant à Palmyre, et protagonistes reconnaissables à leurs signes extérieurs.
partout où des Palm yréniens étaient installés pour Si l ’art funéraire varie les portraits des défunts, les
les besoins de leur négoce, une conception militaire expressions des v isa g es divins nous échappent pour
hiérarchisée dans la figuration des différentes divinités, la plupart du temps, du fait que la grande majorité des
ou s ’agit-il simplement d ’une représentation devenue reliefs figurant des dieux sont mutilés par le temps, les
vite conventionnelle et d’un traitement égal des dieux et œuvres ayant été exposées non seulement au regard de
symbolique d’une force à la fois offensive et défensive ? tous, mais à des hauteurs d’où il est toujours à craindre
Que pouvait refléter les triades et autres groupements des chutes, contrairement aux stèles ou plaques funéraires
de dieux militaires loricati et représentés en pied ? N on enfermées dans des hypogées qui les avaient protégées
seulem ent à Palm yre, m ais dans toute la Palm yrène, des vicissitudes et des dégradations. D ’ailleurs, l ’étude
les représentations de divinités tutélaires plus anciennes des œuvres sculpturales de l ’Antiquité s ’attache moins
sous les traits de légionnaires romains abondent : l ’ordre à saisir une quelconque expression des visages qu’au
et l ’organisation romains étaient, bien que familiers, répertoire des signes et des attributs figurés, ou encore
suffisamment lointains pour que l ’autorité divine ait pu à la gestuelle. Sans doute, considère-t-on encore - à
être représentée sous les traits du pouvoir impérial, un tort - que les artistes provinciaux n’avaient pas le talent
peu comme les scènes christiques de quelque tableau qui aurait été nécessaire à rendre de manière réaliste
hollandais où les divers personnages sont vêtus à la mode la ressemblance avec le modèle. À moins qu’ils n ’aient
flamande. Prestige et fascination de l ’armée glorieuse, pas eu la volonté de portraiturer autrement les gens
de Palm yre que dans des poses convenues, togati, se
ressemblant les uns aux autres, l ’air pensif, aux yeux
deux pratiques iconographiques : le prestige d’une pose globuleux, le nez droit et le menton ferme, ne variant
martiale et la fascination de l’uniforme d’une armée que les coiffures, les signes de l ’âge des défunts et la
victorieuse. Voir aussi K antorowicz 1961. position de leurs mains, l ’une posée avec plus ou moins
15. Ainsi divers génies (gwy’, Kh. Farwwan), les dieux Arsou, de lourdeur sur le rabat de la toge d ’où le bras droit
Azîzû, Abgal et ’Asar (Kh. Semrin), Salman, As‘ar, A s‘ar,
sort, ce qui confère au défunt une attitude digne et
Sa‘ad, M a‘an et Sa‘ar (Ra’as al-Sa‘ar), Rahm et la déesse
’Allât (Kh. al-Sana, Wadï Suwana), cf. Seyrig 1970, grave, quelque peu éloquente et non sans analogie avec
p. 81, et Schlumberger 1951, p. 121-128. ces philosophes drapés, im pression renforcée par la
16. Seyrig 1970, p. 77-78. présence du rouleau ou de la tablette inscrite que tient
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 129

habituellement la main gauche et qui contribue à donner Pour revenir aux dieux militaires, le plus souvent,
de la distinction au personnage. La manière de revêtir leur lorica est celle des officiers de haut rang ou du
la toge est invariablement la même et diffère de celle princeps, se moulant sur les muscles du buste, suggérant
connue dans le monde romain, où l ’on ne craignait pas une anatomie qui rappelle les reliefs classiques ; parfois,
de figurer les vivants : à Palmyre, le bras droit du elle est ceinte par-dessus le diaphragme ; souvent, il
défunt n ’est plus libre comme dans les représentations s ’agit de la squamata, aux plates disposées de façon
romaines en ronde bosse ou en relief, où l ’étoffe passe tégulaire, ou de la hamata, en cotte de m ailles, par­
en dessous de l ’aisselle laissant au bras la liberté de dessus laquelle une agrafe pectorale en forme de disque
gesticuler (ou de suggérer cette liberté...), mais il est ou de rosace attache les extrémités d’un paludamentum,
pris en écharpe, au repos en quelque sorte, le défunt qui est le manteau des généraux (figure 1). Plus rarement,
étant comme emmailloté, ce qui est sans doute un signe la lorica est revêtue par certaines divinités par-dessus
de trépas, à l ’exception toutefois des prêtres dont les un drapé dont les manches longues (manicatæ) sortent
deux mains sont dégagées, servant à tenir des objets et enserrent les poignets : cela semble être un vêtem ent
rituels, seuls à bénéficier de quelque obscur privilège parthe, notamment lorsque la divinité est figurée en
dans l ’au-delà.

Figure 1 - Triade de divinités palmyréniennes :


‘Aglibôl, Ba'alsamîn, Malakbêl, Musée du Louvre (dessin M. Gorea).
130 MariaGorea

officiant devant un autel pourvu d’offrandes17, comme Une question qui peut être soulevée concerne préci­
pour signifier cette double fonction, sacrificielle et sément l ’allure et l ’équipement militaires de ces dieux :
m ilitaire. La taille est habituellem ent ceinte par un l ’aspect militaire aurait-il déteint sur l ’expression même
cingulum noué et, parfois, par un balteus qui soutient le et sur l ’organisation d ’un culte qui se serait ainsi ressenti
glaive18. Le traitement des lambrequins qui protègent du solennel et de la rigueur tout romains ? Cortèges
les hanches et les épaules varie et le drapé d’une mantille derrière des enseignes et autres effigies portées en pro­
peut être passé par-dessus le bras gauche plié. Chaussés, cessions ? R ien ne permet de l ’affirmer ou d ’empêcher
qui de demi-bottes (sorte de cothurnes montantes), qui que l ’on y songe. Le plafond du temple de Bêl à Palmyre
de chaussures de soldats - les caligæ, ou de sandales (IN 2) livre de discrètes mais curieuses représentations
(crepidæ) - , ou encore de brodequins, chez certains de loricæ fixées à une hampe, portées triomphalement
dieux, des pantalons parthes serrés aux ch ev illes sur l ’épaule gauche par des génies ailés, à la poitrine et
peuvent parfois sortir de dessous les lambrequins. au bas-ventre dénudés, comme prêts à enfiler la cuirasse
Les Palmyréniens devaient imaginer, sous les cuiras­ (ou venant de l ’ôter ?), et qui font de la droite le salut
ses et les uniformes légionnaires aux macles et plates militaire. Cela n ’est pas sans rapport avec ce que l ’on
bruissantes et s ’entrechoquant, des cœurs tendres de peut appeler le culte des enseignes, pratiqué dans les
dieux miséricordieux - qu’ils voulaient aussi justiciers - , cam ps romains et institutionnalisé dans le tem ple de
à la démarche raide, proférant des ordres brefs, tout Mars Ultor à Rome, où étaient déposés les signa perdus
comme ils se voyaient eux-mêmes en soldats obéissants, puis restitués par les Parthes.
enrôlés, conquérant le monde, domptant les barbares, les
bédouins insoum is, les brigands et les rivaux ja lo u x :
poses droites, au garde-à-vous ou présentant un léger et ■ Un p a n t h é o n m il it a r is é
à peine perceptible déhanchement qu’accuse la ligne
verticale de la lance pointée vers le ciel, légèrem ent Le panthéon de Palmyre est vaste et varié. Sa diversité
inclinée, en sorte que l ’extrémité inférieure touche la est celle de ses multiples provenances : nœud commercial
pointe du pied droit, alors qu’elle s ’écarte progressive­ et stratégique, Palmyre avait attiré des gens venant des
ment vers le haut, comme si elle servait d ’appui au bras quatre coins du monde. Plus généralement, les traits de
droit, l ’autre bras, pas tout à fait abandonné le long du la religion qui se dégagent des documents épigraphiques
corps, reposant sur le baudrier ou se terminant par et iconographiques sont ceux d ’un polythéism e où se
quelque objet difficile à identifier qui fait penser à un m êlent diverses traditions orientales, plus ou m oins
rouleau (ordre, contrat d ’alliance ?), ou encore suppor­ anciennes, iraniennes, mésopotamiennes, d ’autres que,
tant un pan de la mantille dont l ’asymétrie rompt la par la commodité que procure une certaine convention,
monotonie et la régularité de la composition, tout comme on appellera nord-ouest sémitiques et sud-sémitiques,
la présence parfois de boucliers. ainsi que des influences du monde gréco-romain.
Si l ’iconographie des divinités palm yréniennes Malgré les tendances unificatrices du culte impérial
est relativem ent b ien docum entée, la th éologie, les d’abord, de celui de Sol ensuite, l ’ancien dieu suprême
rites et le culte qui leur étaient associés sont beaucoup de Palmyre, B êl / B-qXoç19, se maintiendra sur une
moins connus, et les seuls indices sont contenus dans position que l ’on pourrait qualifier de principale au sein
les documents iconographiques eux-mêmes. Faute de du panthéon palmyrénien. Assimilé à Zeus kosmokrator
textes liturgiques ou littéraires qui nous renseignent sur et, d’un point de vue romain, à Jupiter, il est figuré, dans
d’autres aspects théologiques que ceux - élémentaires - son temple de Palmyre20, au centre du zodiaque hellé­
qui ont pu être déduits des attributs astraux ou de ceux nistique, entouré de planètes tel un soleil : en cela, il est
que l ’on a interprétés comme agraires, l ’iconographie la survivance du dieu babylonien Bêl-M arduk, dont
n’est pas plus explicite que les quelques inscriptions il perpétue le nom. Le voilà, entouré de part et d ’autre
avares en épithètes ou autres indications, comme celles,
ponctuelles, de l’association de ‘Aglibôl ou de Yarhibôl
à la source Efqâ et qui permet de formuler l ’hypothèse
19. Anciennement Bôl, comme l’atteste l’onomastique des
de l ’existence de quelques cérémonies lustrales. personnes et de certaines tribus (S tark 1971 ; pour une
synthèse sur cette question, largement discutée, voir
Gawlikowski 1990, p. 2609).
17. Cf. la représentation de ‘Aglibôl et de Malakbêl du péristyle 20. La dédicace de ce temple, consacré en fait à la triade Bêl,
de la cella du temple de Bêl à Palmyre. Yarhibôl et ‘Aglibôl (hykV d yB l wYrhbwl w'glbwl 'Ihy'),
18. Seyrig 1941, p. 35, fig. 4 : fragment de cuirasse avec glaive ; eut lieu le 6 Nîsan de l’an 32 de notre ère, comme l’indique
fig. 7 : un torse cuirassé sans tête (qui devait s’ajouter), l’inscription palmyrénienne gravée sur une console qui
trouvé près de la source Efqâ, aux plates juxtaposées et devait soutenir une statue à l’intérieur de la cella du temple
enserrées par plusieurs bandeaux horizontaux, le tout même (note de J. Cantineau, communiquée à l’Académie
ceint d’une écharpe nouée sur le ventre. par R. Dussaud, cf. Cantineau 1932).
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 131

par deux dieux, cuirassés également : Yarhibôl - divinité Leurs principaux acolytes, ’A glib ôl, M alakbêl,
solaire originaire de l ’oasis de Palmyre et de la source Yarhibôl, divinités mineures ou locales bien distinctes,
Efqâ, où des vestiges d ’un sanctuaire confirment un tel verront leurs différences s ’estom per à force d ’être
culte21, plus tard identifié avec H élios - , et de ‘A glibôl traités sur un pied d ’égalité - par un souci certain de
- dieu lunaire originaire de la région de Harrân, au nord parité - , nimbés du disque radié, vêtus à l ’identique et
de la M ésopotamie. Ainsi, dès le Ier siècle, B el occupe alignés tels des soldats, comme si l ’uniforme légion­
la place centrale d ’une triade mentionnée partout où naire devait effacer leurs caractéristiques propres et
des Palmyréniens s ’installeront, à Rome, en Égypte, en souligner, malgré l ’habillement tout humain, ce qui
Dacie, dans l ’île de Cos22. .. Cette association, de même leur était commun : la divinité (terme que j ’oppose ici à
que celle d ’autres divinités d ’un même panthéon ou « humanité »). Seules les inscriptions qui accompagnent
de panthéons différents, selon les origines tribales des les reliefs permettent de les identifier avec certitude,
dédicants, plutôt que d ’être le reflet d ’une théologie d’où l ’importance des épigraphes. A vec le temps, ils se
populaire ou la projection involontaire et spontanée de verront attribuer, par une idéologie solaire, des dignités
coalitions enracinées dans l ’histoire des diverses factions universelles qui accuseront leur uniformité, leur confé­
et tribus, semble plutôt le fruit de spéculations préphi­ rant même un certain degré d ’interchangeabilité.
losophiques ou théologiques. Les programmes icono­ Parmi eux, une divinité que l ’on pourrait considérer
graphiques émaneraient d ’une initiative fédérative et comme étant spécifiquement palmyrénienne est Malak­
d ’une conception « civique » 23 et m êm e m ilitaire des bêl, dont le nom signifie « Messager de Bel » (MaPak-Bêl),
alliances conclues au sein d ’une communauté diversi­ suggérant, à l ’origine, une subordination à B el, mais
fiée, où les dieux étaient répartis selon l ’origine des tribus qui est pourtant identifiée, ou du moins associée, à Sol
qui com posaient la société palm yrénienne. C ’est la sanctissimus, sur un autel qui se trouve au musée du
théorie fondamentale, acceptée par la plupart des histo­ Capitole, à Rome. Le monument, d’une qualité artistique
riens des religions, qui met les structures de la religion exceptionnelle et qui n ’a rien de provincial, issu d ’un
en rapport étroit avec l ’organisation de la vie sociale. atelier romain, a suscité l ’intérêt des savants depuis le
L ’autre grande divinité vénérée à Palm yre était x v iie siècle et même avant2123425. On s ’est intéressé à ses
Baalsam în, le « maître des cieux ». Une certaine confu­
sion em pêche encore de bien différencier celui-ci de
Bel, alors que leurs noms sont pourtant bien distincts, catégorie des vétérans, alors que Bêl - barbu, entre deux
dans la mesure où, selon la démarche syncrétique de âges - exhibe, sortie des plis de son manteau, la partie
juxtaposition, les deux seront identifiés à Zeus / Jupiter. supérieure d’une lorica dont seuls le buste et les lambrequins
Peut-on parler de rivalité, en sachant que B èl tire ses de l’épaule droite sont visibles (relief du Musée des Beaux-
Arts de Lyon, cf. Briquel Chatonnet, Lozachmeur 1998).
origines de la M ésopotamie, alors que Ba'alsam în était
25. Les plus anciennes éditions de gravures représentant
particulièrement honoré dans la région de l ’Anti-Liban, le monument (connu alors sous le sigle « Rome II »),
en Syrie du Nord et à l ’Ouest ? D es représentations remontent au xvie siècle et sont indiquées dans la notice
d’aigles aux ailes déployées sont associées à ce dernier, qui accompagne l’inscription palmyrénienne 3202 du
non seulement en raison de son identification à Zeus mais Corpus Inscriptionum Semidearum, pars secunda, tertia.
égalem ent par association avec l ’aquila des légion s Parmi les premiers à s’y intéresser, en même temps qu’au
romaines, devenu lui-même objet de vénération reli­ relief palmyrénien figurant l’alliance de ‘Aglibôl et Malak­
bêl (cité comme « Rome I », infra, p. 133), furent : Jan(us)
gieuse. Le dieu, figuré en légionnaire armé et cuirassé,
Gruter(us), dès 1603 (dans ses Inscriptiones antiquae
barbu, semble désavouer son ancienne image de dieu totius orbis Romani in corpus absolutissimum redactae cum
inactif et débonnaire, du temps où il était assis sur le indicibus, édité à Heidelberg, puis en 21616 [Inscriptionum
trône et cueillait dans le creux de sa robe des gerbes de Romanarum corpus absolutissimum, t. 1, p. LXXXVI,
céréales et des fruits24. nr. 8], et repris à Amsterdam, en 1707 dans Iani Gruteri
corpus inscriptionum ex recensione et cum annotationibus
Georgii Graevii, nr. 8, p. LXXXVI [voir Neue Deutsche
Biographie, Bayerische Akademie der Wissenschaften,
21. À Doura, un ex-voto des archers palmyréniens qualifie 7. Band, Duncker & Humboldt, Berlin, 1966, p. 238-240 :
Yarhibôl demsb' ‘y n \ « idole de la source » (Rostovtzeff, notice sur J. Gruter]) ; Jacob Spon (Recherches curieuses
B rown, W elles 1939, p. 264, pl. 35, 2). d ’antiquité contenues en plusieurs dissertations sur des
22. L evi della V ida 1939. mailles, bas-reliefs, statues, mosaïques et inscriptions
23. Cf. Teixidor 1970. antiques enrichies d ’un grand nombre défigurés en taille
24. Les dieux Bêl et Ba’alsamîn sont représentés sur un douce, T. Amaulry, Lyon, 1683 / Miscellaneae eruditae
même relief, assis, excentrés et accompagnés deYarhibôl et antiquitatis in quibus marmora, musiva toreumata, gemmae,
d’Aglibôl, représentés debout, enjeunes soldats, comme numismata Gruferò, Ursino, Boissardo, Reinesio aliisque
sur une photographie de famille qui réunit trois générations : antiquorum monumentorum collectoribus ignota, & hucusque
malgré son visage mutilé, Ba’alsamîn, seul à porter un inedita referuntur ac illustrantur, T. Amaulry, Lyon, 1685,
vêtement plissé au lieu de l’armure, paraît relégué dans la p. 1-4) ; Octavian Pulleyn (16 mars, 1696, Philosophical
132 MariaGorea

deux inscriptions, une latine et une palmyrénienne, le « soleil de la nuit », si la supposition de F. Cumont est
longtemps incomprises, datant probablement de la fin juste et si les quatre faces de l ’autel devaient illustrer,
du Ier siècle et dédiées au dieu par un certain Tiberius com m e il le pensait, les phases successives du Soleil
Claudius Felix, sa fem m e et son fils, éventuellement levant, du S o leil de m idi et du S o leil de nuit29. U n
issus d ’une fam ille de Palmyre. L ’inscription latine se objet recourbé se détache du fond, à sa droite. La face
trouvant sur l ’une des faces est la CIL VI, 1, 71026 ; postérieure de l ’autel réserve néanmoins une curieuse
l ’inscription palmyrénienne (face latérale gauche) est représentation : des ramures d ’un cyprès, à l ’élégante
la CIS 3903 : silhouette fuselée et dont un bandeau noué serre le
feuillage à son sommet, émerge le torse d ’un enfant
Soli sanctissimo sacrum
nu30.
Ti(berius) Claudius Felix et
Malgré la diffusion, en Orient et dans tout l ’Empire,
Claudia Helpis et
notamment au iiie siècle, d ’une idéologie solaire unifi­
Ti(berius) ClaudiusAlypusfil(ius) eorum
catrice, à tendance monothéiste, les triades, tout comme
votum solverunt libens merito
les com positions à plusieurs divinités, semblent avoir
Calbienses de Coh(ortes) III21.
gardé la préférence des Palmyréniens. Il convient d’y
Le texte palmyrénien se lit comme ceci (lecture de voir un m odèle romain : celui de la triade capitoline.
Lidzbarski)28 : Les dieux sont représentés en frise, frontalement, et sont
traités plastiquement de façon égale, comme si aucune
‘It’ dh IMlkbl wTlhy Tdmr
prédominance ne pouvait favoriser les uns et reléguer
qrb Tbrys Qlwdys Plqs(y)
les autres à un rang inférieur31. On pourrait se deman­
wtdmry’ I’lhyhn slm
der si on n ’avait toutefois pas envisagé une certaine
Cet autel [est dédié] à Malakbêl et aux dieux de Palmyre. hiérarchie au sein de ces com positions symétriques, à
A offert Tiberius Claudius Felix, trois ou à plusieurs personnages, et si celui qui occupe
le Palmyrénien, aux dieux. Paix. la position centrale ne détient pas, fatalement, un statut
qui le différencie des autres dont l ’importance décroît
L ’autel devait provenir d ’un temple dédié à des en progressant vers les bords de la com position. Et si,
dieux syriens, à proximité de la Porta Portese. Sur l ’une dans les cas de frises à nombre pair, on n ’avait pas
des faces, le dieu est représenté en s ’apprêtant à monter v eillé à ce qu’il n ’y eût pas de centralité justement. La
dans un attelage solaire tiré par quatre griffons ailés,
vêtu d ’un manteau agrafé sur l ’épaule, par-dessus une
ample tunique serrée par une ceinture et un pantalon
29. Cumont 1928, p. 104. Dans son Commentaire à /"Enéide
noué aux chevilles. Une victoire - ailée aussi - se tient
(I, 729), Servius rapporte que « chez les “Assyriens”,
derrière lui, en un geste de couronnement. Sur la face pour quelque raison secrète, Bêl est dit à la fois Saturne
antérieure de l’autel (figure 2), au-dessus de l ’inscription et Soleil » ([...] apud Assyrios autem Bel dicitur quadam
latine, le buste du dieu Sol, à la chevelure flamboyante sacrorum ratione et Saturnus et Sol ; alii hunc Belum
et au disque radié, est porté par un aigle aux pattes posées, Saturni temporibus regnasse eiusdemque dei hospitem
aux serres accrochées à la base, les ailes déployées, fuisse tradunt, Maurus Servius Honoratus. In Vergilii
offrant sa poitrine et l ’intérieur de son pennage de carmina comentarii. Servii Grammatici qui feruntur in
Vergilii carmina commentarii [recensuerunt Georgius Thilo
pierre, ainsi qu’un œ il sombre. Le personnage barbu
et Hermannus H agen], B. G. Teubner, Leipzig, 1881).
et voilé, figuré sur la face latérale droite, serait Saturne, 30. Voir aussi la représentation d’une petite figure sortant
d’un des sept cyprès dans les dipinti du mithrœum de Doura
(templum dei Solis invicti Mithrœ), illustrant la légende
de Mithra. La ressemblance avec la représentation de
Transactions 19, p. 525 [Letter from M. Octavian Pulleyn la naissance de Mithra sous les traits d’un enfant dont le
giving an Account o f an Inscription there found in the torse émerge d’un rocher (Mithra est dit n crp o y £VY)ç,
Language o f the Palmyreni]) (voir aussi D aniels 1988, « naissant d’un rocher ») est saisissante. Le mithrœum de
p. 421-424). Doura avait été restauré entre 209 et 211 par des soldats
26. = Dessau ILS 4337. de l’armée régulière des légions IV Scythica et X V IFlavia
27. Pour une reconsidération de l’inscription latine, voir Firma, ce qui pourrait expliquer certaines analogies
H ouston 1990, notamment pour l’interprétation de Cal­ iconographiques entre les représentations de la légende
bienses (l. 6) comme « habitant du quartier III de horrea de Mithra à Doura avec d’autres attestées en Europe, sur
Galbae » (« who lived in the third courtyard of the appar­ les cours du Rhin et du Danube. Notamment, F. Cumont
tement house in the Galban complex », p. 192). invoque les images analogues des cyprès d’où sortent des
28. Lidzbarski 1898, p. 477, nr. 2. Pour une excellente repro­ têtes coiffées du bonnet phrygien, à Pœtovio (la Pettau,
duction, voir Cumont 1928. L’autel est également repro­ aujourd’hui, Ptuj, en Slovénie) et à Dieburg, dans la Hesse
duit dans D rijvers 1976, pl. XL-XLIII et Teixidor 1979, (F. Cumont, 1934, p. 101-103).
pl. XV-XVI. 31. Seyrig 1933.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 133

m iC t K V e iV & F E iB t 1 E 1
C lA Y B U ' H l L'PÏ S - E l
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v^r « '\\vv
Figure 2 - Représentattion de Solsur l’autel du Musée du Capitole, Rome
(dessin M. Gorea).

symétrie ne serait d ’ailleurs que purement structurelle x v iie siècle, sous le nom « Rom e I »34. Ce dernier porte
et pour ainsi dire graphique, car, selon une certaine une double inscription, grecque (CIG III, 6 0 1 5 ) et
tradition tenace, au côté droit serait octroyée une pré­ palm yrénienne (CIS 3902). Curieusem ent, sur ce
éminence sur le gauche. Par ailleurs, certains monuments monument, les noms des deux dieux palmyréniens sont
attestent une volon té incontestable d ’égalité, com m e transcrits en grec, en contournant ainsi la difficulté
dans le cas de l ’alliance du dieu solaire Malakbêl et du d ’identifier les deux à Sol ou seulement l ’un d ’eux :
dieu lunaire ‘A glibôl, figurés en armure et se serrant
ÄyAißwAw x at MaXaxß^Aw n arp w o iç Geoïç
la droite, en un geste de Ss^tm oiç, qui n ’est pas sans
x at to oîyvov àpyopoôv oùv n a v T xôÇpw
analogie avec la poignée de mains entre Mithra et SoP2 :
avÉO^xe
sur le relief d ’une poutre du péristyle, dans le temple
T. Aôp. HÂiôSwpoç Avrioypo ÂSpiavôç
de B el à Palmyre3233 et sur le relief en forme d ’édicule du
na popnvôç èx twv ISîwv ùnèp
M usée du Capitole, figurant, dans les publications du
ow rnpiaç aÔTOÛ x at t (^ ç) oopßioo x at x(wv)
Tsxvwv, STOOÇ pnvùç nEpiTÎOO.

32. Le Glay 1978, p. 300. Voir aussi Lemardelé 2008, p. 150.


33. Seyrig, A my, W ill 1975, p. 89. 34. Cf. supra, n. 25.
134 MariaGorea

Le texte palmyrénien vient en seconde position : accepté et adopté sans avoir déjà été bien enraciné en
Orient et en Arabie - où la déesse Sams était particuliè­
1‘glbwl wMlkbl wsmyt’ dy ksp’wtsbyth ‘bd mn kysh Yrhy
rement vénérée. Les théologiens de l ’Empire avaient
brH lypy br
réussi à élaborer une idéologie solaire unificatrice qui,
Yrhy Lsms S w ‘dw 7 hywhy w hy’ bnwhy byrh sbt snt 547
tout en flattant les cultes locaux des diverses provinces
À Aglibôl et Malakbêl, le sêmeion en argent et sa décoration, par l ’identification des anciennes divinités locales,
qu’a fait, à ses frais, Yarhay, fils de Halyfay, fils de astrales ou non, au Sol , ou simplement en leur associant
Yarhay, fils de Lisams, fils de Sô'adô, pour sa vie et [pour] des insignes et des attributs solaires, devait œuvrer
la vie de ses fils. Au mois de sobat [janvier-février], pour un universalisme politique. La qualité de « dieux
année 547 [= 235 de notre ère]. ancestraux », dis patriis, 0 so i n a x p w o i, que les dévots
en gagés dans les grands m ouvem ents de troupes de
Le dieu d ’un relief d ’Ém èse portant une dédicace l ’armée romaine s ’empressaient à clamer, était censée
grecque « au soleil, le dieu suprême », 'HXimi 0 £ ö i les rassurer et préserver leur sentiment - affaibli ? -
psytoTWi M à p x o ç / K X auSioç sùxrçv zxooq x p ß 35, d’appartenir toujours à leurs ethnies, justem ent au
est figuré en buste, cuirassé et drapé. Sa figure est moment où celles-ci perdaient leurs attaches avec des
brisée et il n ’en subsiste que le menton et quelques- cultes séculaires, obscurs, austères et moins prestigieux.
unes des boucles qui encadraient un visage imberbe. Le Sol invictus (Soleil invaincu), à forte connotation
Le disque radié ainsi que les cornes d ’un croissant qui militaire, prendra non seulement des attributs d’Apollon
pointe derrière les épaules plaident en faveur d ’une et de Mithra, surtout en A sie Mineure, mais sera iden­
identification avec Malakbêl ou ‘Aglibôl. Cependant, tifié et reconnu dans bien d ’autres divinités (solaires)
cette identification de Sol / “HXioç avec Malakbêl, bien orientales, y compris palmyréniennes. Sa grande popu­
que hautem ent probable, n ’est pas la seule en visa­ larité acquise au sein de l ’armée romaine le prouve, dès
geable, malgré l ’analogie d ’ordre formel entre l ’effigie le iie siè c le ju s q u ’à la diffusion de son effigie, frappée
d’Émèse et celle du dieu palmyrénien, notamment si l ’on en miniature sur les ém ission s m onétaires du iiie.
avait opéré un transfert de l ’image anthropomorphe de C ’était là un culte neutre et universel, pouvant être
Malakbêl vers la divinité qui faisait l ’objet d ’un culte accepté par de nombreux peuples de l ’Empire, notam­
aniconique, à Émèse. ment en Syrie, où le folklore pouvait l ’associer à celui
D ’autres sources viennent appuyer la documentation du dieu syrien, ou du bétyle38 - sorte d ’aérolithe ou
épigraphique et iconographique quant à l’existence d ’un météorite noir, rappelant aux Romains le lapis niger
culte solaire à Palm yre au cours des iie et iiie siècles. tombé du ciel39 - et à Malakbêl, à Palmyre. À Rome,
Lors de la confrontation armée, à Ém èse (Homs), en les m ilieux conservateurs et civils attachés à la religion
hiver 271, de l ’impressionnant escadron de soixante- traditionnelle se sont montrés d ’abord hostiles et
dix m ille Palmyréniens (si vera) menés par Septimius avaient mal accueilli ce nouveau culte - un de plus ! - ,
Zabdas, général de la reine Zénobie, avec celui d’Auré- mais la présence dans l ’Urbs même de communautés
lien, la victoire inespérée de l ’empereur, à la tête de syrienne et palmyrénienne a dû contribuer, de manière
troupes pourtant affaib lies36 s ’était laissé entrevoir plus ou moins décisive, à une acceptation progressive
par l ’apparition d ’un signe divin : l ’historien Zosim e du syncrétisme, peu à peu à l ’œuvre tant à Rom e qu’en
rapporte que l ’im age d ’un dieu Sol s ’était montrée à Orient. Dans la capitale de l ’Empire, les cultes syriens
Aurélien (Hist. Nov. I, 50-56). Ce dieu solaire est le se concentraient dans le sud de la ville, notamment sur
même que le dieu syrien Élagabal (ou H éliogabale)37, la rive droite du Tibre, dans la région suburbaine et
celui auquel, quelques années plus tard, en 274, Aurélien portuaire, propice au commerce et à l ’échange. Les
dédiera un temple à Rome, au Champ de Mars, en fixant congrégations privées y avaient fondé, dès le ier siècle,
sa fête officielle, le dies natalis solis, le lendemain du un culte oriental de ce type donnant lieu à de multiples
solstice d ’hiver, le 25 décembre. dévotions religieuses qui étaient autant d ’expressions
Le culte solaire qui s ’est vu ainsi attribuer une de la diversité ethnique des étrangers envoyés dans la
position officielle de religion de l ’État, se substituant capitale : des militaires, des marchands de passage40.
au culte impérial, tombé en désuétude, n ’aurait pu être

38. Hérodien, Histoire romaine 5, 5.


35. Musée de Damas, inv. 7939, daté de 30/31. 39. Appelé aussi « pierre de foudre », il s’agit en réalité de tuf
36. Des conflits avaient précédemment opposé les troupes volcanique. Son inscription, d’interprétation incertaine,
rom aines aux Goths en Illyrie et en Thrace, et après est CIL I, 1.
un premier affrontement sur le fleuve Oronte, avec les 40. Le culte de la Dea Syria (Atargatis) pour laquelle la
Palmyréniens. communauté syrienne, formée de générations successives
37. Éponyme de l’empereur M. Aurelius Antoninus (218-222), de prisonniers, esclaves ou negotiatores, éprouvait une
qui prendra le nom du dieu même d’Émèse. grande piété, sur la rive droite du Tibre, à la Vigna Bonelli,
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 135

La d iffusion des cultes orientaux à R om e sem ble (plus, felix , inclytus, victor, triumphator, restitutor orbis,
donc liée au problème de l ’afflux de la main d ’œuvre conservator... ) auxquels les Palm yréniens sem blent
employée dans les services urbains et les établissements associer leurs divinités, et l ’affirmation stç et pôvoç,
liés à l ’activité portuaire. avant d ’être une pure spéculation théologique, est tout
Aux côtés des dieux aux noms bien distincts, Palmyre d ’abord une affirm ation de souveraineté suprême, à
vénérait égalem ent le dieu sans nom. Celui que les l ’image du seul souverain romain.
spécialistes appellent le « dieu anonym e » fit l ’objet À Palmyre, bien d ’autres divinités s ’étaient cristal­
d’un culte tenace à Palmyre, où il était invoqué comme lisées à partir de multiples figures des panthéons locaux
« le dieu un, unique, miséricordieux », à partir du début plus ou moins éloignés, identifiées aux dieux gréco-
du 11e siècle41. Souvent, il est qualifié de « bon » et de romains. Ainsi, Nebô, aux origines mésopotamiennes,
« rémunérateur », ce qui laisse penser que, à défaut de le dieu oraculaire de la sagesse, a été associé à l ’époque
saisir par son nom, on devait s’attacher à reconnaître ses classique à Apollon. Quant à Arsû, dieu protecteur des
œuvres dans une juste rétribution, différente des faveurs caravanes, il était, lui, assim ilé à D io n y so s, en dieu
que d’autres divinités pouvaient accorder gracieusement protecteur des jardins et des cultures. Sadrafâ, un dieu
ou de façon même indue. Théologiquement, l ’idée d ’un barbu, accompagné d ’animaux malfaisants, habituelle­
dieu « rémunérateur » est intéressante, le fidèle n ’étant ment des serpents, et qui avait des origines orientales et
plus celui qui mendie une grâce imméritée, mais qui m ême iraniennes (son nom est transcrit dans certaines
recueille un salaire qui récompense sa peine. Orgueil inscriptions grecques com m e Satrapes ou, aramaïsé
ou déférence ? Je ne peux m ’empêcher d ’attribuer à en Hastrapty, comme l ’Apollon lycien), pouvait être
ce rapport encore une touche militaire et y voir le reflet identifié à Asclépios, comme l ’était Sadrafâ-’Esmûn, en
des attentes de tout conscrit volontaire qui rejoint Proconsulaire, à Carthage ou à Lepcis Magna. Fortuna
l ’armée romaine en échange d’une solde compensatrice. bénéficiait d ’une vénération toute particulière : il s ’agit
N e serait-ce que par ses dimensions, l ’autel monumental d ’une Tychè identifiée égalem ent à Gad ou à la déesse
trouvé dans le temple de cette divinité, à Palmyre, près arabe Allât, dont la vénération se confondait parfois
de la source Efqâ42, tém oigne d’une piété particulière, avec celle d’Atargatis, la déesse syrienne de Hiérapolis.
généralem ent com prise par les spécialistes com m e Dans Allât, on a voulu voir l ’Astartè des Grecs, contre­
traduisant simplement une tendance hénothéiste ou même partie de Listar de Babylonie et assimilée régulièrement
m onothéiste, ou la v olon té de fédérer les principaux à Aphrodite, mais une confusion s ’était déjà installée
cultes (ce qui revient au m ême), sans mention expresse et Atargatis de Hiérapolis se voyait parfois représentée
de la divinité ainsi sous-entendue. Le fait qu’aucun com m e Athéna ou comme Artémis (De Dea Syria 32),
nom ne lui soit prêté, son identité étant protégée par la cependant qu’Allât était figurée également dans une
formule évasive : « dont le nom est béni à jamais », posture d ’Athéna de type parthenos, debout, à la fois
laisse toutefois croire que ces appellations - à la fois guerrière et déesse-mère orientale.
vagues et affirmées, opiniâtrement obscures - pouvaient Tous ces dieux endosseront, à Palmyre, la cuirasse
dissimuler une éventuelle source de controverse, notam­ légionnaire. D e m ême le feront les Génies, ginnayê
ment en raison des deux épithètes stç et p ôvoç, qui - dont l ’appellation, tout comme celle, arabe, des jinn,
semblent exclure les autres divinités d ’un panthéon est un équivalent linguistique pour le genius latin (le
pourtant riche. À m on sens, il s ’agit surtout de copier genius loci de l ’Enéide I, 95). C ’étaient des divinités
une manière toute romaine d’accabler le dieu de surnoms tutélaires de la fam ille d ’abord - comme l ’étym ologie
honorifiques, d ’épithètes flatteuses et de titres pompeux, à de genius le montre, en rapport avec la gens - , de la
la manière des panégyriques des souverains romains personne et des lieux qu’elle fréquentait. Ces divinités
ne sont pas arrivées à Palmyre des déserts de l ’Arabie,
apportées par des Bédouins, mais c ’est bien à Palmyre
et dans d ’autres cités où la religion romaine s ’est vu
au Janicule, pouvait être accompagné de celui de Bêl et accorder une place importante que s ’est opérée l ’adap­
de Malakbêl, vers la fin du Ier siècle avant de s’implanter,
tation, en m ilieux araméens, puis arabes, des genii
lorsque la communauté palmyrénienne s’est davantage
consolidée et que le culte de Sol s’est imposé peu à peu romains aux croyances sémitiques ainsi infiltrées. Ce
dès l’époque de Trajan, dans les milieux marchands de la n ’était pas la seule composante arabe parmi les Palm y­
zone portuaire fréquentée par les Syriens et les Palmyré­ réniens qui pouvait invoquer les ginnayê , de Palmyre
niens, en même temps que les navicularii et les marchands jusqu’en Dacie - où une inscription trouvée à Tibiscum
alexandrins se repliaient sur le temple d’Isis et de Sérapis, y fait référence, conjointement aux dis patriis43 - , mais
au Champ de Mars.
l ’ensemble des Palmyréniens.
41. Seyrig 1933, p. 269-270 : dédicace grecque sur un petit
pyrée au évi póvw è£Y)povi 0£w.
42. D u M esnil du B uisson 1966, p. 162-165 (« Le temple
du dieu anonyme. L ’autel monumental »). 43. M oga, R ussu 1974, nr. 10, p. 24-26.
136 MariaGorea

Figure 3 - Carte de la Dacie romaine (cartographie H. David-Cuny).

■ D e s Pa l m y r é n i e n s en Da c i e r o m a in e problèmes des plus urgents dès l ’époque des Flaviens,


mais l ’armée romaine n’avait franchi le Danube en Dacie
La présence des cultes palmyréniens coïncide avec et l ’arc carpatique que sous Trajan, après avoir construit
le trajet qu’empruntent les Palm yréniens à travers en l ’an 101 un pont à hauteur de la ville garnison de
l ’Empire. Sur sa frontière septentrionale, la région qui Drobeta (Turnu-Severin), située près des actuelles Portes-
s ’étendait au-delà du Danube44 avait posé à Rome des de-Fer (Portile de Fier), et après les deux batailles de
102 et 106 (figure 3). C ’est cette victoire de Trajan sur
les D aces de D écébale (illustrée sur la colonne de
44. Le Danuvius des latins, l’Ister des sources grecques, aux Trajan), qui lui avait valu les quatrième et sixièm e
lourdes eaux, finit son long parcours de près de 3000 km salutations impériales (en 102 et 106), lui ayant permis
à travers l’Europe, depuis la Forêt Noire, où il prend sa l ’annexion de la D acie et la création de la province
source, jusque dans la Dobroudja (Scythia Minor). Ici, le romaine de Dacie, maintenue jusqu’en 271.
Danube fait un virage vers le nord, avant de précipiter les Les contingents fournis par les armées syriennes,
eaux de ses six bras dans la mer Noire, le Pontus Euxinus
par des sections d ’auxilia en provenance de la Syrie et
(Tacite décrit brièvement mais avec précision l’embouchure
du Danuvius : ...donec in Ponticum mare sex meatibus de la M ésopotamie, avaient alors pris part à la conquête
erumpat, septimum os paludibus hauritur, Tacite, Germa­ de la Dacie et lorsque Trajan avait dû affronter le peuple
nia I ; le septième qu’il mentionne est en fait constitué de des Roxolans, d’origine Sarmate et alliés des Daces.
trois autres bras qui forment le Delta, que Tacite appelle
ici « marécage »). Des cités grecques, anciennes colonies
pour l’essentiel mégariennes, posaient ici les confins du
monde civilisé, au-delà desquels s’étendaient les terres des libre, régi par la coutume. Pratiquement, depuis sa source
Barbares scythes et sarmates. Ainsi, le Danube constituait jusqu’à l’embouchure du Delta, une flotte permanente
la frontière entre l’Imperium et le Barbaricum du Nord, était entretenue par les Romains, la classis, qui veillait
entre le monde policé et régi par les lois et un monde plus sur les mouvements des peuples barbares.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 137

L ’armée romaine s ’était alors renforcée par des troupes U n des principaux castres de la province qui avait
auxiliaires de diverses origines, parmi lesquelles, en plus abrité des archers orientaux, Tibiscum (Jupa, Caranse-
des Syriens, se comptaient également des Maures45. Les bes), était un avant-poste m ilitaire de la capitale
auxilia orientales déplacées en D acie à cette occasion Sarmizegetusa. Après la traversée du Danube à D robeta,
comportaient quatre groupes ethniques, mentionnés dans les troupes romaines y accédaient en empruntant un
les inscriptions : les Iturœi46, les Commageni41, les Suri48 couloir érodé, découpé dans le massif banatique (Banat)
et les Palmyreni. par les rivières Cerna et Tim is. La route passait ensuite
par les castres de D ierna (Orsova), Prœtorium (Mehadia),
A d P annonios (Teregova), avant de déboucher dans le
45. Dion Cassius, Histoire romaine, 68, 32. Trajan eut recours bassin de Caransebes.
aux services des archers montés maures, commandés par La principale unité orientale qui stationnait à Tibiscum
Lusius Quietus (K o^ toç A oôaioç M aûpoç... twv
était une cohors I sagittariorum , probablement mixte
Maôpw v apywv x a l èv In n z û m v ’(Pqç è^^T aaro ) :
« Lorsque la guerre contre les Daces fut imminente, quant à ses composantes ethniques et qui avait participé
Trajan ayant eu besoin du secours des Maures, il [Lusius] à des expéditions du sud-ouest de la province de Dacie
vint le trouver de lui-même et accomplit de grandes actions. et à des travaux de plus longue durée dans la vallée du
Ayant reçu des honneurs pour cela, il accomplit dans la Tim is . La cohors a été ensuite déplacée à D robeta /
seconde guerre des exploits bien plus nombreux et plus Turnu-Severin, à en juger d ’après les inscriptions,
grands » (ôorcpov Sè toû Aaxixoû noXÉpoo èvoxâ toç pour l ’essentiel tégulaires, du iiie siècle49 que l ’on y a
x al too T p aïav o û rrçç twv Maôpwv ao p p a y raç
trouvées, mais à Tibiscum, elle est encore attestée sous
S£Y)0£Vtoç Y]Â0£ te npôç aÒTÒv aÔT£nâYY£ÂTOÇ x al
pEyâXa £pya a re S E ^ a m Tipï)0£iÇ Sè èm toôtw noXù Marc-Aurèle (161-180), auquel elle avait dédié un autel
tcâeîw x al p£ÎÇw èv tw S eotépw noXépw è^£ipyâ-
aaTo). Les troupes nord-africaines stationnées en Dacie
étaient : la cohors II Flavia Numidarum Antoniniana,
appartenant à l ’armée de la Dacie inférieure (voir les et Barales) ; la cohors II Flavia Commagenorum equitata
diplômes de 129 [CTL XVI, 75 = ID R I, 10], et de 140 sagittariorum, auparavant en Mœsie supérieure, est attestée
[AE 1962, 264 = IDR I, 13] et dont la garnison était station­ en l’an 144 (CIL XVI, 90) et en 151 (CIL XVI, 101)
née dans le castre de Feldioara [Földvar, Marienburg, parmi les auxilia de la Dacie supérieure, à Micia (Vetel)
région de Fägäras, dans le sud de la Transylvanie]) et, parmi (CIL III, 1311, 1312, 1313, 1314, 1343, 1848, 1849, etc.).
les numeri, celui des Mauri Gentiles et le numerus Maure- 48. Ou Syri : ils ont donné à l’armée romaine de Dacie une seule
tanorum Tibiscensium. Cf. Russu 1914 ; P etulescu 1996, unité, celle du numerus Syrorum sagittariorum, stationné
p. 255. Dans la Pannonie voisine, la cohors milliaria en Dacie inférieure, où sa présence est attestée dans le
Maurorum était stationnée dans le vicusMatrica (Szazha- castre de Bivolari (Vîlcea, identifié sans certitude à
lambatta, Hongrie). Arutela) (CIL III, 12601), àMalva (Romula, CIL III, 1593),
46. L ’ala IAugusta Iturœorum sagittariorum a été déplacée à Släveni (au sud de Romula, CIL III, 8014). D ’autres
en Dacie après avoir stationné en Germanie et en Pannonie, unités syriennes ont stationné de manière plus ou moins
à Arrabona (Györ, Pannonie supérieure, Hongrie) (cf. le passagère en Dacie : la cohors IAntiochensium, venant
diplôme militaire CIL XVI, 42, de l’an 98, avant les de Mœsie supérieure, où sa présence est attestée par des
guerres daciques). Elle se composait d’Ituréens (originaires diplômes (dont CIL XVI, 39, 46, de 93 et de 103), déplacée
de la côte libanaise et du Hawran), mais aussi de Celto- ensuite à Drobeta (Turnu-Severin, sur le Danube), puis
hispaniens et de Bataves. En 110, elle est mentionnée en ramenée en Mœsie (cf. le diplôme de l’an 160, CIL XVI,
Dacie, dans un diplôme (CIL XVI, 163). À partir de 148, 111) ; la cohors ITyriorum sagittariorum, attestée en
on constate à nouveau sa présence en Pannonie inférieure l’an 140 en Dacie inférieure ; la cohors I sagittariorum
(CIL XVI, 119, 99, 112, 113, 123). La cohors IIturœorum miliaria equitata, sans autre précision de l’origine ;
equitata (?) arrive en Dacie pour les mêmes raisons, après les inscriptions qui la mentionnent ne donnent pas de
l’an 88 (CIL XVI, 51, le diplôme est accordé Thaemo renseignements sur l’ethnie de ses soldats, mais il est
Horati f. Ituraeo et N a ïf. eius... ). La cohors IAugusta probable que ce fût des Orientaux (Russu 1969, p. 115­
Iturœorum sagittariorum arrive également en Dacie de 116). En Dacie, tout comme dans la Pannonie voisine,
Pannonie à la fin du Ier siècle, pour rester en Dacie supé­ l’élément syrien s’était renforcé après que Caracalla (211­
rieure, où elle est attestée encore en 144 {CIL XVI, 90), 211), s’étant retourné contre les Parthes en 216, avait
en 151 (CIL XVI, 101) et en 158 (CIL XVI, 108). envahi et annexé l ’Osrohène (au sud-est de la Turquie
Cf. R ussu I960, p. 111. et au nord de l’Irak). Peu de temps après, surgissait à
41. Deux unités auxiliaires en provenance de la Commagène Intercisa (Duna-Pentele, Pannonie inférieure, Hongrie) un
(devenue romaine en 12) sont attestées dans l’armée numerus Osroenorum, voisin de la cohors Hemesenorum,
romaine en Dacie : dans le sud, en Dacie inférieure, la aux effectifs originaires d’Emèse (Homs), qui y stationnait
cohors IFlavia Commagenorum, qui était affectée au également.
début du IIe siècle en Mœsie inférieure (CIL XVI, 50, 49. Le dernier nom de cette unité est celui de cohors I sagit­
diplôme de l’an 105), formée de soldats commagènes, tariorum Gordiana milliaria equitata, datant du règne de
locuteurs de langues sémitiques ou iranienne (cf. AE 1938, Gordien (empereur pendant l’anarchie militaire, en 238).
6 : épitaphe de Tomis [Constanta, Roumanie] deM .Iulio Il s’agirait des mêmes archers que ceux de Tibiscum,
Tertullo, vet. coh. I. Commag. Mitradates mil. coh. eiusd(em) déplacés par la suite à Drobeta.
138 MariaGorea

en l ’an 16550. Elle sera divisée dans des vexillationes seulement pour prévenir les révoltes des D aces, mais
qui deviendront (entre 141-159) des numeri : ainsi se aussi pour contenir les incursions des Sarmates Iazyges
formeront un numerus Palmyrenorum à Tibiscum, un qui habitaient le nord de la Pannonie et des Daces libres
autre à Porolissum (aujourd’hui Moigrad) et un troisième du Nord-Ouest de la D acie56. Le service des archers
à Optatiana (Sutor, Sälaj), sur la frontière nord de la orientaux a dû être particulièrement apprécié lors des
D acie Porolissensis. À Tibiscum étaient égalem ent guerres contre les Marcomans et les Iazyges (167-180).
stationnés la cohors I Vindelicorum 51 et le numerus La position la plus au nord où des Palmyréniens
Maurorum Tibiscensium505152534*. avaient stationné en D acie supérieure est Porolissum
Les premiers Palmyréniens (Palmyreni sagittarii (aujourd’hui, village de Moigrad, Sälaj57), castre qui
ex Syria) semblent arriver en D acie pendant le règne détenait une position clé dans le système défensif de
d’Hadrien (117-138), précédemment gouverneur de la la Dacie romaine intracarpathique58, à la frontière nord
Syrie, avant de succéder comme empereur à Trajan de la province Dacia Porolissensis, dont le siège de
(97-117), à la mort de celu i-ci. La D acie, b ien que procurature se trouvait à Napoca. La province Dacia
fertile, est austère, et les hivers rudes pouvaient mettre Porolissensis est attestée pour la première fo is en
à l’épreuve des soldats originaires de contrées orientales, 13359, aux côtés de Dacia inferior et de Dacia superior.
aussi endurcis fussent-ils53. Afin de motiver ses sujets, Selon deux diplômes militaires datés de 12060, Porolis­
Hadrien accordait la citoyenneté romaine à ses soldats sum se situait à cette époque encore dans la Dacia
orientaux, à l ’issue de longues années de service, comme superior. La création adm inistrative de la province
l ’attestent quelques diplôm es gravés sur bronze trouvés Dacia Porolissensis devrait donc avoir eu lieu sous
dans la D acie supérieure, datant des années 120 et 126, Hadrien, entre 120 et 133, peut-être lors de son inspec­
dont les bénéficiaires étaient des Palmyrenii sagittarii tion en D acie et dans la région danubienne, en 124,
ex Syria54. Ces privilèges ont été maintenus par la suite55, lorsqu’il a dû réorganiser le Limes Alutanus, afin de
afin de récompenser les archers orientaux sollicités non m ieux défendre les territoires conquis par Trajan61.

50. Numéro 2 du catalogue de M oga, R ussu 1974 : Im pera­


tori) Caes(ari) divi Anto/nini Fil(io) divi Hadr(iani) /
nep(oti) divi Troiani Parti(ci) / pronepoti divi Ner/vae 56. La façon de combattre des Sarmates n’était pas européenne,
abnep(oti) M(arco) Aurel(io) / Antonino Aug(usto) Arm e/ mais typiquement orientale, aux coutumes guerrières
niaco Part(ico) Max(imo) lmp [...] trib ./ potes(tatis) communes aux peuplades des plateaux iraniens. Ils étaient
XVIIIIco(n)s(uli) I I I / coh(ors) Isag(ittariorum) . réputés invincibles, protégés par une cuirasse imperméable
51. Formée de Celtes des environs de Munich et d’Augsburg. et montés sur des chevaux également cuirassés. Ce fut à
52. Les Maures, recrutés de la Maurétanie césarienne et de l’aide de nombreuses unités auxiliaires d’archers spécia­
l’Afrique proconsulaire, étaient stationnés également à lisés, orientales, syriennes, palmyréniennes, ituréennes,
Optatiana (Sutor, Sälaj), à M icia (pagus Miciensis, arabes et thraces que l ’armée de Trajan put contenir la
cf. CIL III, 7847 ; aujourd’hui Vetel / Vecel, Hunedoara, cavalerie cataphractaire des Sarmates sur laquelle reposait
sur le Mures) et à Cristesti (actuellement commune la résistance des Daces. Au début du iiie siècle, en poste à
suburbaine de Tîrgu-Mures). Doura-Europos, c’est encore la cohors X X Palmyrenorum
53. Personne n ’a donné une description aussi poignante de equitata sagittaria milliaria, formation mixte composée
ces contrées barbares que, dans ses Tristes et Pontiques, d’archers Palmyréniens à pied et à cheval, qui défendait
Ovide, exilé à Tomis (l’actuelle Constanta), au tournant de les frontières de l’empire face aux Parthes équipés d’une
notre ère. Ses poèmes épistoliers disent toute son angoisse manière semblable (Rostovtzeff 1939, papyrus nr. 8,
lorsque, après d ’interminables années et de nombreux p. 299, et nr. 3, p. 296).
efforts pour s’intégrer à la communauté des Gréco-Gètes, 57. Le castre est situé au sommet du mont Pomet, qui domine
il pensait perdre peu à peu la qualité de son latin, au toute cette partie vallonnée, constituant un poste d’obser­
milieu de ce nulle part hostile à toute civilisation, sans vation idéal.
répit menacé par les incursions des Sarmates farouches. 58. Le nom est inscrit sur la Tabula Peutingeriana et men­
Dans ses vers et dans ses lettres, il ne se plaignait pas tionné dans la liste des villes de Dacie, chez Ptolémée,
seulement de la rudesse du langage barbare des Gètes et Geographia III, 8, 6 (nopóA iaaov), ainsi que dans la
des Sarmates, de n ’y trouver aucune oreille attentive à Cosmographie de l’Anonyme de Ravenne.
l’élégance de ses vers latins, même parmi les Grecs mêlés 59. Dans le diplôme trouvé à Gherla (Cluj), daté du 2 juillet
à la foule barbare, mais d’un climat toujours froid, d’un 133, dont le bénéficiaire est le ex pedite Sepenestus fils de
vent toujours cinglant et du gel des hivers de la Scythie. Rivus (ou Rivius) Cornon (Daicoviciu, P rotase 1961).
54. Voir, infra, n. 51 et 52. Le gentilice pourrait se référer à Comacum, en Pannonie
55. Cf. le diplôme CIL XVI, 108, daté du 8 juillet 158, trouvé inférieure (entre Acumincum [Stari Slankamen, Vojvodina]
à Cristesti (Maros-Keresztùr, près de l’actuel Tîrgu- et Teutiburgium [Sotin, dans le Vukovar], en Croatie,
Mures), dont le bénéficiaire est un certain Heptator Isi cf. note éditoriale, Ibid., p. 70).
f(ilius), qui avait servi dans l’unité des Mauri gentiles, 60. CIL XVI, 68 et AE 1958, 30.
stationnée en Dacia Porolissensis. 61. C. D aicoviciu 1964, p. 176.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 139

Une série de castres, parmi lesquels Porolissum, devaient À ces documents s ’ajoute une inscription grecque
assurer la défense de la frontière nord menacée par les trouvée dans les fouilles de l ’Agora de Palmyre, gravée
D aces libres et autres tribus celtiques et germaniques62. sur une console qui soutenait une statue aujourd’hui
Le castre devait être une étape importante sur la via perdue, faite aux frais et à la dem ande des archers
militaris qui reliait Aquincum (Budapest, H ongrie)63 palmyréniens d’une vexillatio stationnée dans la Dacia
au pont de Drobeta, sur le Danube64, en passant par Porolissensis, à Porolissum même. Ils y honorent leur
Napoca (Cluj, Kolozsvar), Potaissa (Turda), Apulum commandant, un certain T(itus) Ælius :
(Alba-Iulia, Karlsburg, Gyulafehérvar), Ulpia Troiana
T. AiXio[v... ënapxov xwv]
Sarmizegetusa.Augusta Dacica, Agnaviœ (Zävoi, Zâvoly),
èv napo i[aaw 70 rrçç àvwvé-]
Tìbìscum (Jupa) et Dierna (Orsova) ou Lederata (Palan-
paq A axîaq [xa]T£[i]£ypévwv
ka, dans la Mœsia superior, aujourd’hui en Hongrie)65.
TO^ÔTwv oî à n ô too npwTo[o]
Porolissum, devenu municipium au début du 11e siècle,
aÒTOÒ oòn^[ÀA]oo, T£ipŸ)Ç
sous Septime Sévère, avait abrité, parmi d ’autres unités
[X«piv]
d’origine diverse, un numerus Palmyrenorum Porolis-
sensium sagittariorum civium Romanorum, devenu plus Image de Titus Aelius .[ p r é fe t des] archers enrôlés à
tard ala Palmyrenorum Porolissensium. Poroli[ssum en] Dacie [supérieure, (dressée par) ceux
Parmi les docum ents épigraphiques latins qui de son premier peloton, en son honneur (traduction de
mentionnent des archers palmyréniens à Porolissum se J. Starcky)71.
compte un diplôme fragmentaire daté du 29 juin 120
trouvé à Porolissum m êm e, qui a pour bénéficiaire Titus Ælius prend le nom d’Antonin le Pieux, ce qui
un des [.. .Palmyrenis sagittariis ex] Sy[rì(a) qui sunt in peut être un indice pour dater l ’inscription entre 138
Da]cia Superiore sub Tulio Se]vero, Hamaseo Alapatha et 159. Or, étant donné que l ’inscription précise que
/(ilio) Palmyr(a)62634566678.Les tém oins de ce dernier se retrou­ Porolissum se trouve en D acie supérieure, l ’inscription
vent dans un autre diplôm e m ilitaire, daté du m êm e devrait dater des années 118-11972. Selon R. Cagnat, le
jour, découvert en 1929 dans une des tours de la porte numerus Palmyrenorum Porolissensium sagittariorum
nord du camp romain de Cäseiu (Alsôkosaly, identifié à serait peut-être sorti plus tard des archers cavaliers
Samum, situé à quelque 80 km plus à l ’est de Porolissum, (subdivision vexillatio) d’Ælieus. Une autre inscription
au nord de Dej) et dont le titulaire, un certain Bari(o ?) (datée de 141) trouvée au même endroit et qui m en­
M ale/(ilius) Palmyr(enus), fait égalem ent partie des tionne un préfet des archers, M. Ulpius Abgar, pourrait
Palmyrenis sagittariis ex Syria qui sunt in Dacia supe­ se référer aux mêm es troupes, sans qu’il y ait toutefois
riore sub Tulio Severo civitatem dedit iis... 67. U n autre mention de Porolissum : [M jàpxov OöXrao[v ’Ä ßya]pov
diplôme militaire, trouvé à Tibiscum en 1960, daté du znaçxpv / naXpup-rçvm[v to]^otwv x a i y £ p -/[...]73.
12 février 12668, mentionne un archer palmyrénien, un D ès Hadrien74, les unités comportant des archers
certain Perh Ev (? ou Perhev) Athenatan69*. palmyréniens se réorganisent pour devenir des numeri
affectés en trois lieux d ’importance stratégique pour la
défense de la Dacie supérieure : à Porolissum (Moigrad),
à Optatiana (Sutor) et à Tibiscum 75. Les inscriptions
62. La Dacia Porolissensis était défendue par quelque dix- les plus anciennes qui attestent leur présence en Dacie
neuf troupes auxiliaires : quatre ou cinq alæ, douze ou
révèlent des noms sémitiques, alors que les Palmyréniens
treize cohortes, trois numeri (Russu 1974, p. 216).
63. Une autre voie reliait Aquincum et Micia, puis Apulum, seront peu à peu romanisés et prendront des noms latins.
en passant par Szeged (Hongrie).
64. M acrea 1960, 1962.
65. G udea, Schuller 1998, p. 22-46. La traversée de la
province de Porolissum à Dierna devait durer quelque 70. Selon R. Cagnat (qui suit M. N. Tod), il s’agirait d’une
six jours (pour un trajet d’environ 420 km), cf. F odo- faute d’impression, au lieu de nopoXîfaaw] (AE 1947, 170),
rean 2006 (ch. VII). mais chez Ptolémée, les deux graphies sont attestées.
66. CIL XVI, 68 ; aujourd’hui, au musée de Szeged, Hongrie. 71. Starcky 1949, p. 51 (Inventaire X, nr. 79), mais aupara­
67. C. D aicoviciu 1957, AE 1958, 30. vant, Seyrig 1941, p. 231, nr. 4 (AE 1947, 170).
68. Aujourd’hui au musée de Caransebes (C. D aicoviciu, 72. C. D aicoviciu 1964, p. 176.
Groza 1965). 73. Seyrig 1941, p. 231, nr. 3 (le surnom est restitué d’après
69. Son nom peut refléter une transcription approximative et l’inscription palmyrénienne qui conserve le nom d’Abgar
peu claire d’un nom d’origine iranienne ou arménienne fils de Taimarsô) ',AE 1947, 169.
(arm. Pargev, F. Justi, Iranisches Namenbuch, G. Olms, 74. Selon Ion I. Russu, après Antonin le Pieux (Russu 1969,
Hildesheim, 1963, p. 242), mais le patronyme (« don de p. 173).
[la déesse] Até ») est bien connu à Palmyre et en Syrie, 75. Aujourd’hui, village Jupa (Zsuppa), dans le district de
Cantineau 1933 (Inventaire IX), nr. 30 (AG^vaGoo) ; Carasseverin et dépendant de la municipalité de Caran­
RES 1055, 1056, 1629 ; CIS 4109. sebes, au sud de la Transylvanie actuelle.
140 Maria Gorea

Une épitaphe trouvée à Porolissum mentionne un La dernière mention connue du numerus Palmyre­
Palmyrénien au nom bien sémitique : Salmas Rami ex norum Porolissensis est un titulus honorarius qui date
n(umero) P(almyrenorum)16 et une autre, du m ême de 25082 :
endroit, est dédiée à un certain Val(erius) Them(o)
[[Herenniae Etruscillae sanctissimae augustae coniugi
vet(eranus) dec(urìo) munìcìp(ìì) , probablem ent du
d(omini) n(ostri) Troiani Deci aug. Matri Deci et Quinti
même numerus11.
augg]] et castrorum senatus ac patriae n(umerus)
Dans une inscription funéraire qui se trouve actuelle­
Pal(myrenorum) Porol(issensium) sag(ittariorum) c(ivium)
ment au Musée de Tîrgu-Mures (Marosvasarhely), mais
R(omanorum) Decianus dicatissimus numini eorum.
qui provient de Potaissa (Turda), sont mentionnés :
Après 250, le numerus est réorganisé en deux types
Ael(ia) Tiiadmes Palmyra, vix(it) an(nos) VIII, Surillio
supérieurs d ’unité : alœ et cohortes. U ne inscription
vix(it) an(nos) XX, Ael(ius) Bolhas Bannaei vet(eranus)
grecque trouvée à Thessalonique mentionne un certain
ex n(umero) Palmyr(enorum) etAel(ia) Domestica coniux
G(aius) Mestrius Servilianus, zn a p y o v d ’une ala
<a>eius posuerant filiae pientissim(a)e et dulc(issi)m(a)e
equitata formée de Palmyréniens de Porolissum :
etliberto etmenesteriis b(ene) m(erentibus)ls.
...x a r à to Sóyav vfi
D ’autres mentions du numerus Palmyrenorum Poro-
xparîaTfl ßoiLKfi x at
lissensis datent du 111e siècle, comme la dédicace faite
t ü ÎEpwTaTW Sr)pw
par l ’unité au dieu B el, dans le temple de cette divinité
XetAîapxov onzîpzq
palmyrénienne à Porolissum, à l ’occasion de travaux
npw rnç MooaooÂapwv
de réfection, entre 212 et 211, dont les frais furent
înntxnç, zn a p xo v
supportés par l ’ensemble de l ’unité19. À cette plaque
zCkqç înnéw v àpiGpoû
commémorative s’ajoutent des inscriptions qui mention­
naÂpopnvwv nopoXoa-
nent certains membres de ce numerus, comme l’épitaphe
a^vwv, A vtw. n o o ß A io y tov naTpwov83.
trouvée à Ilisua, de la région de Porolissum, d ’un eques
du n(umerus) P(almyrenorum) P(orolissensium) au nom Il est difficile de dire si l ’unité de Porolissum est
romain, Aurel(ius) Iustin[us], que commémore son frère, restée dans le castre ou ailleurs en D acie jusqu’au
Aurel(ius) Maximus80 ; celle, postérieure à l ’an 212, de retrait d ’Aurélien (271), étant donné le conflit qui
la fam ille d ’un vétéran, où les défunts portent des noms opposait le pouvoir romain à la cité de Palmyre.
romains : D ’après la documentation épigraphique, le numerus de
Porolissum s ’est scindé en une ala numeri Palmyreno­
[D(is)M(anibus)]
rum Porolissensis 84 et une cohors I P(almyrenorum)
[Aur(elius)?.. ,]us vet(eranus) ex
P(orolissensis). Une inscription funéraire en provenance
[dec.? vix(it) a]n(nos) LXXXVm(ilitavit)
de Potaissa (Turda) qui date du temps de Trajan D èce
[an(nos)...Aur(elius) P]assersig(nifer)
(249-251) est la dernière à mentionner trois soldats de
[?n(umeri) P(almyrenorum) P(orolissensis) vix](it)
la c(o)h(ors) IP(almyrenorum) P(orolissensisfi5.
an(nos)XVIIAur(elius)
Le numerus Palmyrenorum Optatìanensium (NPO),
[- cognomen viri —] mil(es) n(umeri) P(almyrenorum)
stationné dans le castre d ’Optatiana (Sutor, Sälaj), est
P(orolissensis) vix(it)
connu de deux épitaphes : celle, fragmentaire, d ’un
[an(nos)...Aur(elia)?] Sabina etAu-
certain Iul(ius) C ..., soldat dans ce numerus86 et celle
[rel(ius)...u]s actarius
du vétéran Publius Ælius Septimius Audeo appelé aussi
[N .P.P.?...] B (?)...81
Maximus, ancien centurion du numerus Palmyrenorum,
dont le libertus, au nom grec, était devenu augustalis.

82. Dacia 1-8, p. 329 = AE 1944, 56 ; R ussu 1969, p. 114.


16. CIL III, 831. Aujourd’hui au musée de Cluj (Roumanie). Aujourd’hui au musée d’histoire de Cluj.
11. R ussu 1968, p. 453. 83. Dessau, ILS 9412. L ’expression zi'Àyç in n é a v àpiGpoû,
18. CIL III, 901 ; Torma 1880, p. 131, nr. 10. ala equitata numeri, tout comme celle de numerus alœ,
19. R ussu 1969, p. 114 et P iso 2005, p. 416 (avec restitution se rencontre par ailleurs, cf. R ussu 1969, p. 114, n. 11.
de la lacune). Voir infra, p. 148. 84. Dessau ILS 9412.
80. CIL III, 803. Aujourd’hui au musée de Bistrita. 85. CIL III, 908. Aujourd’hui au musée de Turda.
81. R ussu 1968, p. 454-455 nr. 3. Aujourd’hui au musée de 86. AE 1956, 211, R ussu 1968, p. 460 et I dem 1969, p. 114
Zalau. (l’inscription a été emportée à Suceava, en Moldavie).
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 141

Malgré ses origines, que révèlent son nom palmyrénien ■ Le s b il in g u e s


(Aw w adô ou Aw w îdô)81, son fils a intégré la legio
X III Gemina. D ’ailleurs, le nom de celui-ci, Romanus, 1/ Stèle bilingue de Gürâ (figure 4) :
cornicularius, tém oigne d ’une volonté d ’intégration
au monde romain :
D(is) MM(anibus)
P(ublius)Ael(ius) Sept(imius)Audeo qui etM axi- Ael(ius) Gurasliddei
mus vet(eranus) ex c(enturio) n(umeri) P(almyrenorum) [op]tio ex n(umero) Palmyr(enorum)
0(ptatianensium ?) vixitann(os) LX [vi]xit ann(os)XXXXIImil(itavit)
Ael(ius) Sept(imius) Romanus mil(es) leg(ionis) [an]n(os)XXIAel(ius) Habibis
X III G(eminae) [pon]tif(ex) eth(aeres) b(ene) m(erenti)p(osuerunt)9°
[a]diut(or) offic(ii) comicul(ariorum) etSeptimia
En dessous, une ligne en araméen :
Septimina etRevocatafil(ia) et
[C]omeliaAntonia uxorheredes Gwr’ Ydy hptyn
[p]onendum curaverunt cura agent(e)
[S]eptimioAsclepiade aug(ustali) col(oniae)
liberto eius81*88

La seule form ation à avoir fourni des inscriptions


bilingues latines et palmyréniennes sur le sol de la Dacie
est le numerus d’infanterie Palmyrenorum Tibiscensium.
Il s’agit d’inscriptions à caractère funéraire et comportant
des reliefs dans la partie supérieure, souvent mutilés,
martelés ou brisés. Certaines avaient été découvertes
lors des premières fouilles à Tibiscum, vers le milieu du
x ix e siècle, et au cours de celles qui se sont poursuivies
avec intermittence après 1815. La documentation s ’est
ensuite accrue, après que les recherches ont été reprises
à l ’initiative de l ’historien Constantin D aicoviciu et de
l ’archéologue Marius M oga, qui ont procédé en 1964
à une étude plus systématique du site de Tibiscum et du
castre romain abritant des troupes auxiliaires au même
endroit. Le matériel épigraphique dégagé entre les
années 1964-1913 a été trouvé pour l ’essentiel dans la
partie est du castre (il s ’agit de monuments funéraires,
certains rem ployés au m om ent de la restauration de
l’enceinte fortifiée), mais aussi dans les ruines du temple
qui est situé dans la partie « civ ile » du site et dans
le prœtorium. La plupart des stèles sont conservées
actuellement au M usée de Tim isoara89*.

81. En arabe, 'Awwad. Le sens est celui de « protection » (de Figure 4 - Stèle funéraire bilingue latine et palmyrénienne de
la divinité). Guras, lapidaire du musée de Timisoara (fac-similé M. Gorea).
88. CIL III, 1411, ID R III/2, 366.
89. Le Lapidaire du musée de Timisoara (Muzeul Banatului),
dont le fonds a commencé à être constitué dès la fin du
xixe siècle, abrite quelques inscriptions bilingues, latino-
palmyréniennes ou latines, faisant mention de la présence Vienne où elles avaient été emportées en 1722 par le
de Palmyréniens et de leurs cultes. Plus systématiquement, comte Giuseppe Ariosti, officier de l’armée impériale
le Lapidaire s’est transformé en une collection épigraphique, autrichienne, échappées au naufrage dans lequel d’autres
à la fin de la première guerre mondiale. Le site qui a fourni s’étaient perdues dans les eaux du Danube, près de Szeged
le plus d’inscriptions est Tibiscum. Un catalogue des inscrip­ (G. Ariosti, Cod. Vindob. 8198 de la Österreichische
tions latines du Lapidaire de Timisoara, édité en 1914 par Nationalbibliothek, Vienne ; Scipione Maffei, « Museo
Marius Moga et Ion I. Russu, rassemble des documents imperiale d’inscrizioni », Osservazioni letterarie 1, 1131,
déjà publiés ou des inscriptions inédites (reprises dans les p. 168-110).
Inscriptiones Daciae Romanae). Quelques copies repro­ 90. CIL III, 1999, dans la transcription d’Alfred von Domas-
duisent des inscriptions qui se trouvent actuellement à zewski (= IDR II/1, 154).
142 Maria Gorea

Th. Nöldeke avait traduit cette ligne par : Gûrâ


[Sohn] Jaddai’s Option (oder vielmehr Hoption), en se
fondant sur le dessin publié par K. Torma en 188291, et
vérifié d’après un relevé fait par J. Euting à sa demande92.

2/ Le numerus Palmyrenorum est mentionné égale­


ment dans l ’inscription funéraire bilingue latine et
palmyrénienne d’un jeune soldat mort pendant l ’hiver
159 / 160, pour lequel ses frères, aux noms bien palmyré-
niens, invoquent les dieux mânes (figure 5) :
[D(is)] M(anibus)
A'jejiei Ierhei
[ex] n(umero) Pal(myrenorum) -vixit
[a\n(nos)XXV Ma-
[l]hus et Ier-
[heus] f(ratri) b(ene) m(erenti)p(osuerunt)

En dessous, les restes de quatre lignes en araméen :

‘bd[w\ Mlk[w (br) Yrhy]


l[AjsJ ’[hy]hwn
[bs]nt470 (400+60+10)
byrh dtbt

[Ont] fait Malikû [et Yarhay]


pour Nese’ leur [frère]
[en] l’an 470,
au mois de Tebeth (décembre 159 / janvier 160)9394.

3/ U n fragment provenant d ’une autre stèle ne livre


que les restes de deux lignes en écriture palmyrénienne :
[...]hn[...] / [...] wtrn[>. ] 94. On peut y reconnaître le
mot latin veteranus, transcrit en araméen.

4/ U n éclat d ’épitaphe en grès calcaire comporte les


Figure 5 - Stèle funéraire bilingue latine et palmyrénienne de
restes d’une inscription bilingue, dont les quatre lignes Neses, lapidaire du musée de Timisoara (fac-similé M. Gorea).
inscrites en latin présentent une graphie inhabituelle,
aux lettres serrées, hautes et bien régulières :

[...]
L ’inscription palmyrénienne semble commencer à
[ex n(umero) Palmyren]orum -vixit
la ligne par le patronyme, ce qui serait pour le moins
[an(nis) ? .? ] e X e i s mili(tavit) annis
inhabituel :
[ ? . T]hemhesfratri be-
[ne mere]ntipos(uit). br/d Tym[y...]
fils de Taymay...95.

91. T orma 1882, p. 120, nr. 72. À la différence de Doma-


szewski, K. Torma avait lu Fl(avius) Guras (au lieu de
Ael[ius]...). 95. M oga, R ussu 1974, nr. 43, p. 80-82. De toute évidence,
92. N öldeke 1890, p. 180. C’est le dessin de J. Euting qui la ligne commence bien avec le mot bar. S’agirait-il de la
est repris dans CIS II/3, 3906 et dans M oga, R ussu 1974, spécification d’un clan des Taymay auquel le défunt aurait
p. 58 (nr. 30). J’ai pu voir la pierre, en 2003, dans le lapi­ appartenu, et non du nom, en raison d’une éventuelle
daire du musée de Timisoara, mais les traces de la fin du difficulté à transposer en écriture sémitique un nom latin,
dernier mot araméen n ’apparaissent plus aussi nettes à supposer que le défunt ait accompli les vingt-cinq années
qu’elles l’étaient dans le fac-similé de J. Euting. de service militaire et obtenu la citoyenneté romaine
93. TDÆIII, 1, 167 ; numéro 37 du catalogue de M oga, ainsi que le droit de porter les tria nomina ? La formule
R ussu 1974. attendue serait alors, en palmyrénien, mn bny Tymy. À moins
94. P etrovszky, W ollmann 1979, p. 261-262, nr. 9. qu’il ne faille lire [ ‘]bd Tym[y... ] « a fait Taymay ».
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 143

5/ D ’un autre fragment d ’inscription bilingue, il ne L ’épitaphe de Claudianus :


subsiste qu’un m latin et les trois lettres palmyréniennes
P(ublius) Ael(ius) Claudia­
de la f in d ’u n n o m : [...]/y s b/h[?...]96.
nus miles n(umeri)
P(almyrenorum) T(ibiscensium) 101.

■ Ép i t a p h e s l a t in e s L ’épitaphe d’un certain Claudius, du même numerus,


est trop endommagée pour y lire le nomen , éventuelle­
La mort est omniprésente et des inscriptions funé­ ment le gentilice, à supposer qu’il en possédait un, ainsi
raires latines perpétuent le souvenir de soldats de ce que le nom du second défunt. Les éditeurs eux-m êm es
numerus. Ainsi, le mil(es) palmyrénien au nom bien reconnaissent que la pierre est en très mauvais état de
sémitique et appartenant peut-être à une fam ille ém i­ conservation et que la lecture reste incertaine, aussi le
nente de Palmyre, ÆliusBorafas Zabdibol91 : chiffre X X X V qu’ils proposent paraît douteux pour un
vétéran, étant donné la formule et les supposés tria
D(is)M(anibus)
nomina :
Ae(lius) Borafas Za-
bdiboli mil(es) ex- [...] MD
n(umero) Pal(myrenorum) v(i)x(it) an(nos) [...] Cl(audius)M [...] ex
et Valeriae [ . ] n(umero) Palm(yrenorum) Tib(iscensium) vix(it)
etZab[di]bolf(ilius) N[...]rum an(nos)XXXV (?) mil(itavit)
[■■■M ?) > [ ...] 96*89 a(?...) C(?...) R(...)a vix(it)
an(nos)XXV au[...]
U n autre Palmyrénien mort pendant son service
etma[?...]dbvb (?)
s ’appelait [Ae]l(ius) Male".
f(ilio) b(ene) m(erente)p(osuit)102
D ’autres soldats de cette unité portent des noms
rom anisés, s ’agissant probablem ent de vétérans et Cette form ation sem ble avoir reçu des renforts
citoyens romains, tels Antonius Marcus et Valerius extérieurs venant notamment de la Thrace, com m e en
Iulianus, originaires de Palmyre, dont l ’épitaphe est témoignent les noms thraces que révèle l ’épitaphe en
posée par un certain Ælius Priscus : provenance d’Apulum (Alba Iulia) qu’un « compagnon
de camp », Mucatra, dresse à son compatriote, Mucapor,
D(is)M(anibus)
décédé103 :
Antonio
Marco D(is)M(anibus)
et Val(erio) Iulian- Mucatra
o mil(itibus) exP a- Brasi (filius) miles
lmyr(a) vix(erunt) a- n(umeri)
n(nis)XXXpo(suit) Ae- Palmyren(orum)
l(ius) Priscus Tibiscensium
B(ene)M(erentibus)100 vixit annisXXXVIIII
MucaporMucatral(is)
heres contubem(ali)
96. Ibid., nr. 45, p. 82-83. carissimoposuit104.
91. Le groupe des benê / oî èv yévonç Zabdibôl est mentionné
dans trois inscriptions bilingues, grecques et araméennes,
découvertes le long de la Colonnade transversale, à Palmyre,
datées de 119 (CIS 3950, 3951 et 3953). Selon J.-B. Yon,
les benê Zabdibôl ne formaient pas une tribu au sens
civique du terme, mais un clan dont les divers membres 101. Ibid., nr. 29, p. 51-58.
avaient une origine commune et semblaient desservir 102. Ibid., nr. 34, p. 66.
plus particulièrement le dieu Soleil, Samas, le « dieu de 103. Le nom M ucatral, M ouxarpaX ^ç, M ooxdrpaX iç,
la maison de leur pères » (Yon 2002, p. 12-15). apparaît dans bien d’autres inscriptions, parfois associé,
98. CIL III, 14216 (ID R III/1, 152), dont un fragment se comme dans l’inscription d’Apulum, au nom thraco-
trouve aujourd’hui au musée de Budapest. Deux autres bithynien, Mucapor : CIL XIII, 1292 (MucaporMu[cat]
fragments de la même stèle ont été retrouvés dans les ralis). Cf. D umont 1892, p. 321 : M ooxa[n-ôpioç] ;
fouilles de Tibiscum, permettant une reconstitution plausible p. 235 : M ooxarpdXnç (« Inscriptions et monuments
de l’ensemble (Petrovszky, W ollmann 1919, p. 251-259). figurés de la Thrace », index, p. 546) ; Schulze 1966,
99. M oga, R ussu, nr. 26, p. 52-53. Le nom est bien attesté à p. 432. L ’assassin d’Aurélien portait également le nom
Palmyre sous la form eM alê' (en transcription grecque, de Mucapor (HistoireAuguste, Vie d ’A urélien XXXV).
MaXqç : CIS 3959). 104. IDRIII/5, 559 = AE 1914, 102. Aujourd’hui au musée
100. Ibid., nr. 31, p. 61-62. national d’histoire de Bucarest (inv. 66426).
144 Maria Gorea

U n optio Pal(myrenus) qui vénérait le dieu Silvanus Les Palmyréniens disposaient à Porolissum d’un
porte le nom, à la désinence latine, de Mucianus , bien temple pour y célébrer le culte de leurs divinités. Il
attesté parmi la population thrace, en M œ sie105. semble que le sanctuaire dédié à B el, situé au nord du
Si les unités d ’archers palmyréniens accueillaient castre du M ont Pomet, avait initialement été celui
des soldats originaires d ’autres formations et d ’ethnies du dieu Liber111. Une destruction par incendie a pu être
différentes de la leur, ou pouvaient être honorées de la à l ’origine d ’un abandon, entraînant une réorientation
camaraderie de personnages comme Aurelius Lœcanius du culte, sans exclure d ’éventuels rem aniem ents et
Paulinus, ancien armurier dans la cohors I Vindelicorum déplacements de certaines troupes. L ’inscription trouvée
(cu[stos\ / cu[rator] armorum) et décurion de la colonie in situ, datant du règne de Marc-Aurèle, entre 212 et
de Sarmizegetusa, auteur d ’une dédicace au dieu 217, commémore la restauration du temple de Belus
palmyrénien Yarhibôl106, inversement, des Palmyréniens par le numerus Palmyrenorum. Le dédicant - du moins
ont investi d ’autres corps de l ’armée en D acie, y honorifique - de l ’inscription est le gouverneur même
compris à Tibiscum. C ’est ainsi que certains Syriens ou de la D acie Porolissensis, alors que les travaux avaient
Syro-Palestiniens, plus ou moins romanisés, avaient été menés par le præpositus de la troupe :
intégré la cohors I Vindelicorum mìllìarìa, tel Barsimus
Pro salute [I\mp(eratoris) M(arci) Aur[elii\
Callistenis f(ilius) , originaire de Cœsarea, mentionné
AntoniniAug(usti) PiiFel(icis) deo
dans un diplôme trouvé à Tibiscum, daté de 158107108.
patrio Belo n(umerus) Pal(myrenorum) sagit(tariorum)
Quant à Publius Ælius Theimes, il a été centurion de
tem­
la cohors I Vindelicorum et duumvir de la colonie Ulpia
plum -vi ignis consumptumpecunia sua restitueront)
Troiana Sarmizegetusam . Selon une inscription de Sarmi­
dedi-
zegetusa, un certain Ælius, originaire de Palmyre, aurait
cant([e\ [[C(aio)\\ I[[ul(io) Sept(imio) Casti\\no
été préfet de la cohors I Augusta Iturœorum saggittario-
co(n)s(ulari) IIIDaci[ar(um)M (arcofi\ Ulpio Victore
rum, si la lecture (améliorée) de C. Daicoviciu est juste :
proc(uratore)Aug(usti)provi[nc(iae) Por\ol(issensis)
[A\elius d[omo Pal\myr[a\ ori[undus\ praef(ectus)
cura agen­
coh(ortis) IA(ugustae) I(turaeorum)109.
te T(ito) Fl(avio) Saturnino (centurione) le\g(ionis) V
Mac(edonicae) P(iae) C(onstantis)112.

■ Se r v i c e m il it a ir e e t c u l t e s Certains prêtres palmyréniens se sont illustrés dans


des fonctions officielles à Porolissum, m ais toute
La cohors I Sagittariorum avait construit - un peu expression de préférence religieuse d ’une troupe devait
à l ’écart du castre militaire de Tibiscum - un temple être subordonnée au culte impérial et un Palmyrénien
dédié au Sol Invictus, dédicace qui pouvait traduire des qui remplissait des charges municipales, com m e ce fut
cultes solaires propres aussi bien aux archers syriens
ou palmyréniens qu’aux soldats de la cavalerie maure
(Mauri equites, puis vexilarii Africœ et Mauritania),
dont la présence est attestée ailleurs dans la région110. salute sua et suorum / templum a Solo /fecit. Un autre
temple à trois celœ était dédié, à Micia, aux dii Patrii
par les soldats mauritaniens et rénové par eux et par
le préfet Iulius Evangelianus en l’an 204 : Pro salute
105. A E 1960, 219 ; Aurelius M ucianus / MooKiavôç, cf. dd(ominorum) nn(ostrorum) in/victissimor(um) imp(era-
D umont 1892, p. 327. À Apulum, un certain Marcus torum) Severi / et Antonini et [Getae Caes(aris) au\/
Ulpius Mucianus, soldat dans la cohorte XIII Gemina g(ustorum) et Iuliae et [Plautillae aug(ustarum) e t /
et horologiar(?ium) templum, fait une dédicace à Jupiter Plautiani c(larissimi) v(iri) praefecti) pr(aetorio) patris /
et à Junon (CIL III, 1070 = ILS 5625, actuellement à augustae\ sub Pomponio / liberale co(n)s(ulari) Mauri
Vienne). Mic(ienses) / et Iul(ius) Evangelianus Praef(ectus) /
106. ID R III/1, 137. Voir, infra, p. 148. templum deorum patrio/rum vetustate conlapsum / sua
107. CIL XVI, 107. p(ecunia) et opera restitueront) / Cilone II et Libone
108. Ce Palmyrénien s’était illustré en construisant à Sarmi­ co(n)s(ulibus) (IDR III, 37). La formule pro salute
zegetusa un temple dédié à des divinités orientales imperatorum... place l’inscription dans la catégorie des
(CIL III, Suppl., nr. 7954), voir infra. documents officiels qui se distinguent par un soin qui est
109. C. D aicoviciu 1924, p. 251. L ’auteur corrige la lecture à comprendre dans le contexte de l’épigraphie d’Afrique
du premier éditeur, M. A. Buday (Dolgozatok [Travaux\, romaine. D’ailleurs, les Maures avaient apporté avec eux
IV, Cluj, 1913, p. 257). en Dacie des pratiques de lapicide spécifiques, notamment
110. Un temple dédié au Deus Sol Invictus, à Micia, où les la disposition du texte en deux colonnes (à Tibiscum,
Mauritaniens avaient stationné semble avoir eu un même M oga, R ussu 1974, nr. 27 et 35).
plan que celui de Tibiscum (Benea, B ona 1994, p. 108-109). 111. R ussu-Pescaru, A licu 2000, p. 74-77.
Sa destination est précisée par l’inscription IDR III, 3, 112. Piso 2005, p. 476 ; pour le consularis IIIDaciarum,
49 : Deo / Invicto / [P(ublius)\ Ael(ius) Eupho/rus pro / cf. AE 1977, 666 (inscription de Tihau [Tihô]).
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 145

le cas d’un certain P. ÆliusMalachus, prêtre des divinités de l ’existence ici de cultes orientaux, parmi lesquels
palmyréniennes, mais égalementflamen et quinquennale celui de B êl (deuspatrlus Belus) et, comme à Apulum,
de Porolissum, devait honorer en premier lieu le culte ceux d ’autres divinités spécifiquement palmyréniennes,
officiel de Jupiter : syriennes ou plus largement orientales sémitiques117 :
Deus Sol larhibol / lerhabol (ou Deo lerhibol, Deo
I(ovi) 0(ptimo)M(aximo)
Soli Hieroboli), Malagbel, Azizos, Belahamon, Benefal
P(ublius)Ael(ius)M -
(métathèse de *Fenebal, voir infra), Manauat, Mithra,
alachu(s)
Juppiter Optimus Maximus Heliopolitanus, Juppiter
Flamen
Balmarcodes, Juppiter Turmasgades118, Juppiter Doli-
quinq(ennalis) mun(icipii)
chenus, la Dea Syria119*, la Magna mater deorum,
S(eptimii) Por(olissensis) etsa-
Invictus deus Serapis, Isis et Tanit, vénérée, comme à
cerdos dei n(umeri) P(almyrenorum) P(orolissensium)
Carthage, sous le nom de Cœlestis Virgo ou Cœlestis
v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito)113.
dea110.
Le culte de B êl est illustré égalem ent à Tibiscum,
où un temple devait lui être dédié au sud du castre, à en
juger d’après un fragment d’autel inscrit, trouvé en 1964. ■ Ma l a g b e l
La partie manquante du monument a été découverte
cinq ans plus tard, lors de la fouille du castre : À Sarmizegetusa, un autel portant une inscription
[d]eo Soli/ [MaJ]agbel[o]m devait provenir d’un temple
Bel[o] deo Palmyr(eno)
de Malagbel, situé près de celui de Dis Pater, au nord
Ae[l(ius) Z]abdibol
du castre, à proximité immédiate du forum. S’y ajoutent
Ae[l(ius)?.. ,]iumeus (?)
d ’autres inscriptions, dont l ’une, fragmentaire, est ins­
e[x nu]mero
crite sur un autel trouvé à l ’est de la v ille et portant une
Pal[m]yrenorum
dédicace à Malagbel111. La graphie du nom de Malakbêl,
[v](otum) s(olvit) l(ibens) m(erito)114
transcrit en latin Malagbel, ne révèle quasiment pas de
Une inscription trouvée à Tibiscum invoque le variantes à l ’exception d’une seule, cependant incertaine,
Génie des Palmyréniens : qui transcrirait le nom du dieu par M alachbel113. La
graphie Malagbel reste cependant majoritaire et elle
[G]enio n(umeri) P[a]l(myrenorum) Tib(iscensium)
est commune aux inscriptions que des Palmyréniens
[ . ] hore dispat(riis) etpro
dédient au dieu en D acie et en N um idie124, alors qu’à
[sal]ute augg(ustorum) nn(ostrorum) P(ublius)Ael(ius)
R om e, son nom est évité, pour lui substituer celui
[? Ser]vius vet(eranus) [e]x opt(ione)
- générique - de Sol 125.
[? cum sui]s ex -voto [po]suit115.

La présence palmyrénienne fut relativement impor­


tante égalem ent dans la capitale de la province, Ulpia
Troiana Sarmizegetusa116.*Les inscriptions témoignent Nerv[aef(ilii) Nervae] Troiani Augusti condita Colonia
Dacica per [D(ecimum) Terenti]um Scaurianum [leg(atum)
eius] pr(o) pr(aetore). Ce nom est attesté dans d’autres
inscriptions rédigées du temps de Trajan ou immédiate­
113. Cf. infra, n. 150. ment après sa mort (CIL III, 1323, 1572, 1100). Cf. H. D ai-
114. M oga, R ussu 1974, nr. 8, p. 21-23. coviciu 1974. Sévère Alexandre élèvera Sarmizegetusa
115. Ibid., nr. 10, p. 24-26. Les deux « augustes » de l’inscrip­ au rang de metropolis.
tion sont Marcus Aurelius Antoninus - Caracalla et son 117. Pour les cultes orientaux en Dacie, voir Sanie 1983.
frère, Publius Septimius Geta (211/212). Ion I. Russu et 118. La cohors IIFlavia Commagenorum equitata sagitta­
M. Moga remarquent un écart de générations, étant riorum lui dédie un temple à Micia.
donnés le prænomen et le gentilice du dédicant, qu’il tient 119. AE 1944, 50 (= AE 1977, 663) : dédicace à la dea Syria
de Publius Aurelius Hadrianus, probablement hérités faite par un prêtre de Porolissum, Aur(elius) Gaianus
d’un ancêtre libéré de son service dans les années 130 dec(urio) m(unicipi) P(orolissensis) sace(r)do[s].
(Ibid., p. 26). 120. Voir, infra, p. 155-156. A licu, p. 172-173. Voir l’étude
116. La colonie était inscrite dans la tribu de Trajan, Papiria, de P iso 1993.
et avait reçu le ius italicum (Ulpianus, Digestœ, 50, 15, 121. CIL III, 7956 (ID R III/2, 265) ; au musée de Deva.
1, 8-9). Son nom complet est Colonia Ulpia Troiana 122. CIL III, 12580 (AE 1912, 303, IDR III/2, 264).
Augusta Dacica Sarmizegetusa, mais cette dernière épi­ 123. Infra, p. 147.
thète, d’origine dacique, a été ajoutée après la fondation 124. En Numidie, il est invoqué à al-Qantara : deo
de la colonie par Trajan en 106, probablement par Hadrien, Mal(agbelo) et deo sanc(to) Malagb(elo) (AE 1901, 114
à partir de l’an 118. Dans l’inscription de fondation et 1933, 43), et à Dimmidi : deo Malag(belo) (CIL VIII,
(CIL III, 1444), la capitale s’appellait simplement Colonia 8795).
Dacica : [Ex] au[ctoritate imp(eratoris) cae]saris divi 125. CIL, VI, 710 (= 30817 et CIS, 3903).
146 Maria Gorea

Le dieu fait l ’objet d’une autre inscription votive, Une autre inscription, qui se trouve actuellement au
com m andée par un scribe de Sarmizegetusa, au tria musée de Deva, mais qui provient de Sarmizegetusa,
nomina romains, Titus Flavius Aper, dont il est difficile est une dédicace faite par un affranchi dont le nom,
de dire s ’il était Palmyrénien126 (figure 6) : Primitivos, à désinence grecque, est de toute évidence
son ancien nom d ’esclave. L ’auteur est un tabularius
Deo
lettré qui a la maîtrise des formules romaines de dédi­
Malag-
cace pro salute imperatoris et qui em ploie l ’épithète
beli
sanctus - un qualificatif romain sans équivalent dans
T(itus) Fl(avius) Aper
les inscriptions votives palmyréniennes128 - , et rien
scrib(a) c[ol(oniae)]
n’indique qu’il aurait eu des origines palmyréniennes :
ex voto127*
Deo sa[ncto] Malagbe[lo]
pro salut[e imperatoris C]aes(aris)M(arci)Aurel(ii)
Sev[e]ri Al[exandr]ipiifel(icis) aug(usti)
etluliae [Mammaeae] aug(ustae)
matriaug(usti) n(ostri) etcastrorum
Primitivos aug(usti) lib(ertus) tabularius
prov(inciae) Dac(iae)Apulens(is)posuit129*.

L ’inscription de Sarmizegetusa, CIL 7 954, qui


invoque Malagbel aux côtés d’autres divinités qualifiées
de dis patriis sera discutée plus bas130.
Le dieu est égalem ent invoqué à Tibiscum dans
une inscription recom posée ainsi à partir de deux
fragments131 :

Au[ribus]
d[ei Solis]
Malg[beli]
Ael(ius) F[...]

Sur le prem ier des deux fragm ents, une oreille


droite au lobe manquant est représentée en relief, sans
pendant gauche, m atérialisant en quelque sorte l ’or­
gane par lequel le dieu « écoute » (ou « a écouté »), d’où
la restitution proposée par C. Daicoviciu, Au[ribus]132.

Figure 6 - Dédicace de Titus Flavius Aper à Malagbel, 128. Cette même épithète se rencontre en Numidie, à al-
musée de Deva (fac-similé M. Gorea). Qantara (Calceus Herculis), dans la dédicace au dieu
faite par deux chefs (d’armée ?), dont l’un au moins, un
certain Malcus, est Palmyrénien, à en juger d’après son
nom (en araméen, Malkô) : Deo sanct(o) Malagb(elo)
126. Le surnom Aper (« Sanglier ») est assez courant dans Mucianus Malcus et Lisin(i)us Mucianus mag(istri)
le monde romain, encore qu’une transposition en latin v(otum) s(olverant) (A lbertini 1932, p. 206-207, nr. 9 ;
d’un nom sémitique (Hazzîr[-bar] ?) ne soit pas impos­ cf. aussi Carcopino 1933, p. 23).
sible à envisager. Un certain T(itus) Aur(elius) A per, 129. CIL III, 7955 ; Sanie 1983, nr. 109, p. 1266.
mentionné dans une inscription d’Ampelum (Zlatna) se 130. Infra, p. 150-157.
dit Dalmate de Salona : T(itus) Aur(elius) AperDelmata 131. La lecture continue est celle d’Ioan Piso (Piso 1983,
princ(eps) adsignatus ex m(unicipio) Splono vix(it) nr. 5, p. 109). M. Moga et I. I. Russu considèrent, quant
ann(orum) X X X Aur(elia) Sattara lib(erta) patr(ono) à eux, qu’il s’agit de deux fragments indépendants
optimop(osuit) (CIL III, 1322). (M oga, R ussu 1974, nr. 19 et 20).
127. ClL 12580 ; Sanie 1983, nr. 112, p. 1267. L ’inscription 132. Le deuxième fragment présente le lobe d’une oreille droite
se trouve au musée de Deva. Une autre inscription frag­ et les deux dernières lignes de l’ensemble reconstitué
mentaire, ID R III/2,484, dans le même musée, préserve par C. Daicoviciu. Les deux fragments ne semblent pas
quelques lettres du nom de Malagbêl, dans l’inscription s’ajuster, même si le relief de l’un contient ce qui manque
votive d’un « adorateur » du dieu : Cult[or... M aflag- à l’autre. D ’ailleurs, les deux éclats de marbre n’ont pas la
b[eli... Pro]lculu[s...] (Sanie 1983, nr. 112bis, p. 1267). même épaisseur (45 mm pour le premier, 30 pour le second).
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 147

La représentation d ’une o reille en r e lie f n ’est pas U n autre fragment inscrit trouvé à Sarm izegetusa
inédite : ce m êm e type se rencontre sur une dédicace (figure 7) commémore la construction d ’un temple que
grecque faite au 0 s ô ç T ty io r o ç , en provenance de trois sacerdotes palmyréniens dédient à une divinité dont
Sarmizegetusa , aujourd’hui, au m usée de Cluj, due à le nom est perdu dans la lacune, peut-être M [algabel] :
un certain I a x s ip [ o ç ] (ou plutôt, en tenant compte
de la ponctuation, I. Axeip[oç]) et dont la partie gauche [-M -]
a disparu, com m e pour l ’inscription de T ib isc u m 133. [-M -]
[Pa]lmyr[...]
Par ailleurs, 0 s ô ç 'T ^ iotoç, qui fait l ’objet d ’un culte
[P]abraen Fl(orus?) M [...]
assidu en Dacie, est qualifié d ’ènrçxooç « celui qui
Bassi(us) Marinu(s)
écoute / entend » 134. Que la dédicace de Tibiscum (ou,
[Max]imus Gora Lu-
ce qui est plus probable, l’ex-voto ) soit faite « aux
(cius)Maximus Bars(emon) [sa-]
oreilles du dieu Sol M alagbel » (et non au dieu qui est
[ce]rdot(es) templum
ainsi pourvu d ’oreilles), comme le suggère la restitution
ex suofecer(unt)137
de C. D aicoviciu, la formulation serait surprenante et
sans précédent. Elle expliciterait ce qui se veut implicite
à la représentation figurative, en rendant celle-ci en
quelque sorte inutile. Or, la représentation plastique
d’un pavillon d’oreille devrait justem ent se substituer
au m ot auricula et le surpasser en efficacité. Quoi qu’il
en soit, la lacune n’interdit pas que l ’on prête à M alagbel
le qualificatif d ’auditor, « celui qui écoute », équiva­
lent latin possible d ’èn-rçxooç, lecture qui pourrait tout
aussi bien compléter les deux lettres au [...] du premier
fragment.
La lecture, jusqu’alors partielle, d ’une éventuelle
dédicace faite à M alachbel (si vera ) par un ancien
optio du num erus Palm yrenorum trouvée à Tibiscum
a été complétée en 1983 par un nouveau fragment.
La transposition en lettres latines du nom du dieu, si
la restitution est juste, pose néanmoins le problème
d’une éventuelle correspondance phonétique entre le
k a f aspiré de l ’araméen135 et sa transcription latine par
ch, dans la mesure où il est suivi d ’une consonne et non
de la voyelle qui auraitjustifié et même exigé une telle Figure 7 - Dédicace d’un temple,
transcription : musée de Sarmizegetusa (fac-similé M. Gorea).

[DeoM]alach[belopr]o sal(ute) ddd(ominorum)


[nnn(ostrorum)A]uggg(ustroum) P(ublius) A[el(ius)
Se?r]vius
■ Ie r h a b o l / Ie r h i b o l / H i e r o b o l
[ . ] vet(eranus) ex op[t(ione) n(umeri)
P(almyrenorum)]136
Le dieu Yarhibôl a fait lui aussi l ’objet d ’une dévo­
tion particulière de la part de Palmyréniens mais aussi
d’autres ethnies de la Dacie romaine, notamment des
Dalmates, qui semblent s ’êtrejoints aux Palmyréniens
pour lui vouer un culte.
133. C. D aicoviciu 1924, p. 232 ; Sanie 1983, nr. 101,
p. 1264.
134. 0£W / s/ tcyjxow / zùjajpioxoô/aa àvé0r\Ka / 137. C. D aicoviciu 1924, p. 250, nr. 2. À la quatrième ligne,
ÂiXîa K a o o îa (Ibid., nr. 100, p. 1264) ; Ait 'Y^iaxw / on pourrait lire les lettres FL commef(i)l(ius). L ’auteur
èn^KOW / ÂiX(îoç) AnoXivâ/pioç ènîxponoq / x al propose la restitution du nom Bars(emon) par analogie
M a ^ îp a / £Ôx,apiaTY)piov (Ibid., nr. 99). Ces deux avec CIL III, 14445, mais on peut aussi bien y voir une
inscriptions se trouvent actuellement au musée de tout autre transcription du nom Barsamyâ, bien connu
Sarmizegetusa. en palmyrénien (Barsameus). Quant à Bassi(us), les
135. Rendu en grec par un x : MaXaxßnX. traces de la première lettre, d’après la photographie, ne
136. P iso 1983, p. 107-109 ; Sanie 1983, nr. 113, p. 1267 ; semblent pas exclure une lecture Cassi(us) (retenue dans
actuellement au musée de Lugoj. R ussu-Pescaru, A licu 2000, p. 175).
148 Maria Gorea

Le nom du dieu est transcrit avec quelques colonie Sarmizegetusa, il a pu honorer les divinités de
variantes, en raison de la difficulté qu’il y eut à repro­ ses concitoyens, alors qu’il ne s ’agissait pas des dieux
duire le phonèm e guttural hethl3S. A in si à Apulum, de sa patrie :
il apparaît sous la forme Hierobol, alors qu’à Tibiscum
Deo Soli
et à Sarmizegetusa il est transcrit Ierhabol, ce qui rap­
Ierhaboli
proche cette graphie de la forme attestée en Numidie,
pro salutem [sic !]
lerhobol138139.
d[[d(ominorum)]] n[[n(ostrorum)]] aug[[g(ustorum)]]
Le com m anditaire d ’une inscription votive de la
Aurel(ius) Laecanius
catégorie pro salute, trouvée à Tibiscum, Aurelius
Paulinus vet(eranus)
Læcanius Paulinus, ancien armurier dans la cohors
ex c(ustode/curatore) a(rmorum) coh(ortis)
I Vindelicorum, était vraisemblablement originaire de
I Vind(elicorum)
D alm atie140 (figure 8). En tant que magistrat de la
etdec(urio) col(oniae) Sarmiz(egetusae)
v(otum) l(ibens) s(olvit)141

Les deux augustes auxquels semble faire allusion


l ’inscription sont les fils de Septime Sévère, Marcus
Aurelius Antoninus - Caracalla et Publius Septimius
Geta (211-212). La damnatio memoriæ sanctionne par
le martèlement le deuxièm e des frères, assassiné par
Caracalla.
Lors des fouilles menées en 2002-2003 à Sarmizege­
tusa même, à l ’ouest du forum vetus, ont été découverts
quatre fragments d ’une plaque de marbre, portant les
1ER H A H O LI restes d ’une inscription de dédicace à Ierhabol, dont
loan Piso a pu reconstituer la lecture suivante :
I? ROSA M M
[■■■]
! d Um [...] dei
[Solis Ierh]abolis
AVKELLÆmîv [.. ,?Vale]ntinus
PAVL1NVSA£T [.. ,?t]ribu[n(us)]
EXCACÔH'ÎVM); [,..]142
id e g c o l s a i R Le culte de Yarhibôl s ’est diffusé en D acie non
W l: S - seulement au sein des unités d ’archers palmyréniens,
mais également auprès d’autres populations au contact
des Palm yréniens. A ucune des inscriptions connues,
en terre dace, qui invoquent ce dieu ne le qualifie de
patrius et l ’identification avec Sol a pu contribuer à
une reconnaissance de ce dieu à l ’extérieur des limites
strictement communautaires. Il est fort probable qu’un
temple était dédié à Yarhibôl dans le castre d Apulum
(Alba-Iulia), d ’où proviennent deux dédicaces d ’autel
Figure 8 : Ex voto d ’A. Paulinus Lœcanus, faites à ce dieu, datant du me siècle, et qui ont pour auteurs
musée de Timisoara (fac-similé M. Gorea). des prêtres de Ierhibol/ Hierobol, le Palmyrénien Ælius
Nisa (Nesey) et le Dalmate Aurelius Bassius, décurion
de l ’importante colonie ôIÆquum (en Dalmatie), qui
138. Habitués au grec, les Palmyréniens pouvaient transcrire se dit « prêtre de la divinité » {sacerdos numinum).
le nom de Yarhibôl par IapißwA^ en ignorant la gutturale, La dédicace de ce dernier présente une métathèse dans
comme dans la graphie du nom propre Yarhay, transcrit la transcription du nom divin, sans doute par association
en grec ’Iocpoâoç, avec effacement de la gutturale. avec l ’épithète grecque isp ô ç « saint » :
139. Chabot 1932.
140. Il est également l’auteur d’une dédicace I(ovi) 0(ptimo)
M(aximus) (Moga, Russu 1974, nr. 13). Un autre Læcanius
S c[...] était préfet de la Dacia Porolissensis (ID R III/I, 141. IDR III/1, 137 ; M oga, R ussu 1974, nr. 11.
20). La famille des Læcanii est surtout connue en Italie 142. P iso 2004. L ’éditeur s’étonne àjuste titre du génitif à la
centrale et en Istrie (voir Tassaux 1982). place de la formule attendue : deo Soli Ierhaboli.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 149

Deo H. S ey rig so u p çon n ait Y arhibôl, qualifié à Pal-


Ierhibol(i) myre m ême de « dieu ancestral », dans une inscription
Ael(ius) Nisa grecque datée de 1 9 2 /1 9 3 147, d 'a v o ir été vén éré
sacerd(os) com m e le dieu qui désignait les titulatures de certaines
posuit143 personnes aux postes de stratège148. Cela faisait partie,
à Palm yre et dans les com ptoirs palm yréniens, d'une
et :
démarche complexe consistant, après la désignation (par
Deo Soli voie oraculaire) de la titulature par le dieu, à recueillir
Hierobolo et publier des « tém oignages » (papxnpiai), qui confir­
Aur(elius) Bas- m aient le ch oix divin, sous forme de décrets et de
sius dec(urio) statues, faits aux frais de la ville, les décisions émanant
col(oniae)Ae- du sénat ou du sénat et du peuple de Palmyre, sur le
quens(is) modèle romain. Dans le cas de personnages aux fonctions
sacerd(os) nu­ de la plus haute importance, ces tém oignages étaient
minum v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito)144. recueillis auprès du légat de la Syrie, sous forme d'édits
(Srdxaypat) ou de lettres, et, parfois, des compliments
Une inscription lacunaire trouvée à Dostat (Thor- pouvaient être présentés comme venant de la part de
stadt)145, mais qui doit provenir d'Apulum, est la dédicace l ’empereur m êm e149. Les invocations de Yarhibôl en
faite à un dieu qualifié d’invictus, probablement Mithra. D acie devaient avoir égalem ent un rapport avec des
Le commanditaire, à l'initiative et aux frais de qui un nominations dans des fonctions de commandement, soit
temple fut construit, est un prêtre originaire de M acé­ que l'on aspirât à de tels honneurs, soit que le dieu fût
doine, qui mentionne l'acquisition de son sacerdoce remercié pour l'obtention d'une dignité militaire ou,
auprès des Palmyréniens, probablement à Apulum, là tout simplement, pour l'accom plissem ent du service,
m êm e où le D alm ate Aurelius Bassius exerçait son dignité à laquelle la formule consacrée v(otum) l(ibens)
sacerdoce et où le culte de Sol-Ierhibol semble avoir été s(olvit) m(erito) pourrait faire allusion dans les inscriptions
actif, à en juger d'après les deux précédentes inscriptions. d A Bassius et d A Lœcanus. Pour avoir été investi
Cela laisse entendre que l'autorité sacerdotale pouvait de fonctions sacerdotales, le Palmyrénien P(ublius)
dépasser les frontières entre les divers cultes, notam­ A(urelìus) Malachu(s) flamen q(uìn)q(ennalìs) mun(ìcìpìì)
ment lorsque des dieux étaient qualifiés de Sol, et que S(eptimU) Por(olissensis) et sacerdos dei n(umerì)
la réputation des prêtres et des officiants palmyréniens P(almyrenorum) P(orolissensium) exprimait en revanche
pouvait être une garantie m ême pour les dévots d ’autres sa gratitude I(ovi) O(ptimo) M(aximo), pouvant toute­
divinités : fois cacher une adresse au dieu national B e l150.

[Invic]to [SoliDeo]
[ge]nitori P[(ublius)Ael(ius)Art-]
emidorus de[c(urio)?]
sacerd(os) creatusaPalm[yre-]
nis do(mo)Macedonia et adve[n-]
tor huius templipro se
et suisfecit [l(ibenter)?]146
147. L'inscription est inscrite sur une console de colonne
trouvée dans le rempart, mais qui devait provenir de
l'agora : ’Iapiß[w ]A oo / [toô n ]ax p [w ]o o 0£ oô
143. Au musée d'Alba-Iulia : ID R III/5, 102 (AE 1977, 661) ; (Seyrig 1941, p. 246).
ID R III/5, 103 ; Sanie 1983, nr. 106, p. 1265. 148. C antineau 1930 {Inventaire III, 22 = CIS 3932) : wç
144. CIL III, 1108 (= ILS 4344) ; Sanie 1983, nr. 105, p. 1265 ; 8 ià T aôxa papxopn0^vai ò n ò 0£oô 'IapißwAoo
AE 1991, 946-947. Bassius cumulait la fonction sacerdo­ « (il avait conduit sa carrière si honorablement) qu'il
tale avec celle de magistrat. D'autres inscriptions trouvées a reçu un témoignage du dieu Yarhibôl», Idem 1933
en Dacie, à Apulum et dans la région aurifère des monts (Inventaire IX, 19 = CIS 3919), cf. Seyrig 1941, p. 246.
Apuseni (dans les Carpates occidentales) mentionnent des 149. Attestés uniquement pour le caravanier Soados fils de
Illyriens originaires de la colonie claudienne d'Æquum Bôliadès, « honoré... de lettres de témoignages par feu
(située à 30 km au Nord de Salona / Split, province de l’empereur Hadrien et par le très divin empereur son fils
Dalmatie) : les CIL III, 1323 (Ampelum - zlatna), 1223 Antonin » (Mouterde, Poidebard 1931, p. 106-107). Pour
(Apulum), 1262 (Alburnus M aior - Rosia Montana), ce personnage, fondateur d'un temple des Augustes à
mais la présence en Dacie de tribus illyriennes est bien Vologésias, voir Y on 2002, p. 43.
documentée dans la région des Aurariœ Dacicœ. 150. Inscription trouvée à Porolissum et publiée par N. Gudea
145. À quelque 30 km à l'est d'Apulum - Alba Iulia. en 1980, dans les Acta M usei Porolissensis 4 (apud
146. IDR III/4, 30 ; Russu-Pescaru, Alicu 2000, p. 176 (nr. 36). P iso 2005, p. 476).
150 MariaGorea

■ M a l a g b e l , Be b e l l a h a m o n , pourrait donc se lire, en développant le télescopage,


Be n e f a l , Ma n a u a t com m e Bel (et) Belahamon. On peut reconnaître dans
ce dernier le nom du dieu phénicien Ba'al Hammon et
À Sarmizegetusa, une inscription votive inscrite sur de celui, punique, d ’Afrique du nord, attesté également
une plaque de marbre en tabula ansata (figure 9), posée à Palmyre, où il était particulièrement vénéré par la
par le duumvir Publius Ælius Theimes, un Palmyrénien tribu des benê ‘A grûd . Son nom se rencontre sur
qui honore ses « dieux ancestraux », Malagbel, Bebel­ quelques tessères (Blhmwn)154 et sur une dédicace où
lahamon, Benefal et Manauat, s ’ajoute au nombre des les noms de B el (et) de B el Hammon sont suivis de
inscriptions qui témoignent d ’une activité édilitaire des celui de la déesse Mnwt, comme à Sarmizegetusa :
Palmyréniens stationnés en Dacie, de l ’existence d ’un
Qrb Tbr' br Zbdlh
temple dédié à plusieurs divinités et d ’un culte actif
wMqym br Zbdbwl ’s'd
dans la c o lo n ie 151. Le com m anditaire dit avoir obéi
IBI Blhmwn wMnwt15123*55*
« à l ’ordre » des dieux ancestraux (iussus ab ipsis),
mais cela n ’est pas sans soulever quelques questions L ’absence de la conjonction entre les deux noms Bl
auxquelles certaines réponses peuvent être données : Blhmwn peut mener à comprendre la séquence comme
« Seigneur Bêlham m ôn », comme peut-être à Sarmi­
Diis PatriisMalagbel et Bebellaha­
zegetusa.
mon etBenefal etM ana-
Le dieu B el Hammôn faisait, dès le Ier siècle, l ’objet
vat P(ublius) Ael(ius) Theimes Ilviral(is)
d’un culte à Palmyre où un temple lui était dédié au
col(oniae) templumfecit solo et
som m et du Jabal Muntar, au sud-ouest de la v ille 156.
inpendio suopro se suisq(ue)
La chapelle était construite à une centaine de mètres
omnibus obpietate(m) ipsorum circa
au-dessus du point d ’origine de la source Efqâ. La
se iussus ab ipsisfecit
dédicace du sanctuaire, inscrite sur le linteau de la
et culinam subiunxit.
porte principale, ainsi que l ’inscription d’une console,
Traduction : de rédaction identique, situent l ’achèvem ent de sa
construction en l ’an 89. U n sanctuaire dédié à Manawât
Aux dieux de la patrie, Malagbel, Bebellahamon, Benefal
lui était associé et mentionné dans ces mêm es inscrip­
et Manauat, Publius Ælius Theimes, duumviralis de la
tions. Une curieuse dédicace inscrite sur un petit autel
colonie (Ulpia Troiana), a fait le temple à partir de ses
en pierre calcaire, trouvé dans un jardin à l ’est de la
fondations et à ses propres frais, pour lui et pour les siens,
m ême source, datant de ju in 128, associe à nouveau
grâce à la bienveillance (des dieux) envers lui et par leur
les deux dieux, en tant que dédicataires eux-m êm es
ordre. Il a fait et ajouté une cuisine.
au « dieu anonyme » : « à Celui dont le nom est béni à
La lecture Bebellahamon a été suspectée de reposer jam ais ; (ont) fait B el Hammôn et Manawât, aux frais
sur une dittographie de la première syllabe, Be{bel}- de ‘Ate'aqab, fils de Hairan bgmwt (lors de [ses] épou­
lahamon, mais je préfère y voir, en partageant avec sailles ?), au m ois de Sîwan de l ’an 439 » 157. Il est
Jean Starcky et Hadrian Daicoviciu cette supposition152, probable que le couple divin fût invoqué par les jeunes
la mention de deux divinités dont les noms seraient mariés ou pour présider aux noces.
fondus - graphiquem ent - en un seul, en raison de Le nom de Benefal n ’est attesté, quant à lui, dans
l ’allitération de la première partie de leur nom et selon aucun autre document palmyrénien. Faute de paral­
un procédé bien connu des lapicides romains, consistant à lèles, il a été expliqué comme le résultat d’une méta-
imbriquer des lettres ou des mots, pratique particulière­ thèse pour Fenebal, lui, connu sur des monnaies ém ises
ment répandue en D acie, soit que l ’on ait considéré les au I er- Ii e siècle, à A sca lo n 158, com m e illustrant la
deux divinités comme identiques, soit que leur élément survivance d ’une posture guerrière du dieu phénicien
commun pût justifier cette graphie153. Bebellahamon Ba'al, figuré en pied, brandissant non plus la foudre

151. CIL 7954 (= Dessau ILS 4341 = ID R III/2, 18, fig. 14 : 154. Ingholt, Seyrig, Starcky, Caquot 1955, nr. 212-215.
photographie et fac-similé). 155. Starcky 1956, p. 516-519.
152. J. S tarcky (supra), notamment p. 517 ; D aicoviciu , 156. D u M esnil du B uisson 1966, p. 165-174 (« Temples de
A licu 1984, p. 72-73. Bêl Hammôn et de Manawat », « Inscriptions du temple
153. En dehors des lettres inscrites à l’intérieur d’autres lettres, de Bêl Hammôn »).
suscrites ou des ligatures, le redoublement, comme le 157. G awlikowski 1971, p. 408.
triplement, des lettres initiales de mots pluriels (ddd[omi- 158. Sur des monnaies frappées en 146/7, 152/3, les légendes
norum] nnn[ostrorum]) suggère une triple prononciation livrent la graphie OavnßaA(o^), cf. H ill 1914, p. lix-
de dominus nostrum, précisant ainsi le pluriel. lxiii, 133-134, pl. XIV, 4.5.13.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 151

Figure 9 - Ex voto de Publius Ælius Theimes,


musée national d’histoire, Bucarest, inv. 38939 (photo R. Oanta-Marghitu).

m ais un g la iv e 159 et portant l ’équipem ent m ilitaire, notamment à Carthage, en tant qu’épithète de la déesse
cuirasse, casque, bouclier et palm es160. Le nom phéni­ Tanit (T ntpn Bd). D es transcriptions grecques que
cien se comprendrait alors « face de B a’al » ou encore, des lapicides scrupuleux n ’ont pas osé traduire par un
adverbialement, « devant B a’al » (panê-Ba'al), syntagme plausible d so u n p ô o m n o v 161 aboutissent aux graphies
attesté massivement dans des inscriptions puniques, ® av£ BaX et ®£vn ßaX dans des inscriptions prove­
nant du sanctuaire d ’al-Hufra, à Cirta (Constantine)162.

159. Nombre de chercheurs qui citent R. Dussaud (par exemple,


F inkielsztejn 1992, notamment p. 53) lui prêtent, par
méprise, d’avoir vu dans l’objet brandi au-dessus de la
tête - pourtant, facilement identifiable à un glaive - une 161. Nom attesté dans la toponymie libanaise, après Polybe,
harpe, en faisant de celui que Dussaud considérait chez Strabon (Géographie XVI, ii, 15.18). Le site
comme un Hérakles-Bêl une sorte d’Orphée incognito, se trouverait entre Batroun et Tripoli. Renan avait déjà
se montrant prêt à briser sa lyre dont il aurait fait une compris 0 £ o o n p ó o w n o v comme la traduction d’un
arme improvisée ! La pose martiale se prêtant mal à une sémitique Phanuel ou Pny-B'l (R enan 1864, p. 145­
telle identification de l’objet ainsi brandi, et toute vérifica­ 146), peut-être l’actuel R a’s al-Saq‘a. H. Salamé-Sarkis
tion faite dans la publication de 1904, il convient d’ap­ soutient l’identification du nom antique de ce promon­
porter ici un correctif et réparer un tort fait à R. Dussaud toire qui fait face à la mer avec un nom que livrent
qui ne parlait bien entendu pas d’une « harpe » mais les Annales assyriennes de Salmanazar III (858-824), le
bien d’un « harpé », sorte de cimeterre, en employant un Baali-Ra’si (qui se comprend comme « tête de Ba’al »)
terme technique qui n ’est autre que la transcription du où le souverain dit avoir dressé son image royale
mot grec ap n n , « faux, faucille » (cf. D ussaud 1904 : (Salamé-Sarkis 2005).
« Les monnaies d’Ascalon figurent fréquemment un 162. Berthier, Charlier 1952-1955, les inscriptions EH gr. 1
dieu revêtu de la cuirasse, coiffé d’un casque à grand (AaSouv Xu BaX Apouv ou Xu pußao/0wv 0ivi0
cimier, brandissant de la main droite le harpe, tenant <Eave BaX ; cette inscription est en langue punique mais
dans la main gauche un bouclier rond et une longue elle est écrite en caractères grecs ; sa réversion serait :
palme » [p. 209]). l'dn IB I Hmn wlRbtn Tnt Pn-B'l « au seigneur Ba’al
160. Voir Belayche 2001, p. 229-232. H. Seyrig veut en faire Hammôn et à notre Dame, Tanit-Face-de-Ba‘al ») et
un dieu arabe (Seyrig 1970, p. 96-97, fig. 18, monnaie EH gr. 3 (Kpóvwt 0£vv£i0 <l>£vn BaX, où Kronos est
frappée sous Vespasien). un équivalent de Ba’al Hammôn).
152 MariaGorea

La métathèse qui aboutit à la graphie Benefal, dans deux contrées élo ig n ées, la D acie et la N um idie ?
l ’inscription de Sarmizegetusa, pourrait d ’autant plus Comme si les distances pouvaientjustifier le fait que le
s ’expliquer chez un lapicide distrait qu’il pouvait nom Fenebal soit parvenu, en traversant les espaces, non
l ’assim iler à des mots tel benevole. seulem ent séparé du nom de Tanit dont il est surtout le
Il n ’est pas de détail insignifiant dans l ’inscription cognomen, plus que l ’épithète, mais en ayant entraîné
de Sarmizegetusa jusqu’à l ’ordre dans lequel P. Ælius une ambiguïté quant au genre de cette divinité.
Theimes invoque les divinités. Comme il est naturel, Nombre d ’inscriptions palmyréniennes, latino-pal-
vient d ’abord Malagbel, le dieu des Palmyréniens et myréniennes ou latines mentionnant des Palmyréniens
des expatriés enrôlés dans l ’armée romaine : cela proviennent d’Afrique du Nord, de la province romaine
exprime l ’attachement du dédicant à une communauté de Numidie, où des troupes auxiliaires d’archers et de
avant tout religieuse ; la suite est surprenante venant de méharistes originaires de Palmyre, dont un numerus
la part d ’un Palmyrénien qui devait avoir la nostalgie Palmyrenorum165, et de la v ille syrienne de H om s
de son pays d ’origine. Elle le serait moins venant de la (Ém ésa)166 stationnaient dans des v illes ou tout au long
part d ’un Numide ou d ’un Maure, à moins que P. Ælius de la frontière avec la province de la Mauretanea
Theimes lui-même n ’ait passé une partie de son service cæsariensis167, où ils montaient la garde dans le désert,
militaire en Numidie, ou que des compagnons de son rayonnant à partir d ’al-Q an(ara (figu re 1 0 )168. D es
entourage, Palmyréniens aussi, y aient séjourné et que, inscriptions mentionnant des Palmyréniens169 ont été
pour une raison inconnue, ils aient adopté ces cultes trouvées à Lambœsis (Lam bèse)170, qui était un camp
locaux. On reconnaît, à Sarmizegetusa, le couple Ba'al de la legio IIIAugusta, et, sur la route militaire, dans
Hammon et Tanit Ponê-Ba'al (« F ace-de-B a'al »), le centre à population civile de Thamugadi (Timgad)171,
dans l ’ordre qui est celui des inscriptions puniques et dans les garnisons d ’al-Qan(ara (dans le défilé de Cal­
néo-puniques d ’Afrique du Nord163. Comme à Carthage ceus Herculis, mentionné dans la Table de Peutinger)172
ou à Cirta, à Sarmizegetusa également, Bebellahamon et à Castellum Dimmidi, près de M essad173. La distance
précède immédiatement Fenebal, et si ces deux (deux ?) qui sépare Cirta et son quartier nord d ’al-Hufra d ’al-
divinités sont mentionnées dans cet ordre (et non inver­ Qantara est d’environ 170 km et il très probable que
sement, Fenebal d’abord, Bebellahamon ensuite), c ’est
probablement moins à cause d ’une hiérarchie conve­
nue qui aurait dicté au dédicant un ordre à suivre, qu’en sont mentionnées les deux divinités est inversé à Hadru­
raison d ’une unité syntagmatique dont les composantes metum (Sousse), comparé aux autres sites qui ont livré
- bien que dissociables - sont solidaires, l ’une entraî­ des inscriptions évoquant le couple.
nant l ’autre à sa suite. M ais pourquoi ne pas invoquer 165. CIL VIII, 8795, 2486 (= 18007), 2510 (= 18006), 2511,
2512, 18008, 18026.
le nom m ême de Tanit ? Aurait-on compris l ’ensemble
166. Émèse avait reçu le statut de colonie romaine après 198 et
Tanit Fenebal com m e réductible à sa seule dernière celui de colonie ìuris italici avant 217 (Carcopino 1933,
partie, comme on pouvait réduire l ’ensemble nomen- p. 29). Pour les attestations de la présence d’un numerus
cognomen au seul surnom dans le cas de personnalités Hemesenorum à al-Qantara, aux côtés du numerus
connues par tous ? P. Ælius Theimes ne déroge pas aux Palmyrenorum, voir Ibid., nr. 1-6, p. 24-26, et A lber­
normes que lui dicte sa culture romaine. On peut alors tini 1932, p. 2-11.
considérer que l’absence de la mention de Tanit n’est pas 167. La province avait été créée en l’an 40 de notre ère,
succédant au royaume berbère des Juba.
une om ission par négligence, mais bien au contraire,
168. Voir Carcopino 1925. L ’auteur a relevé des traces de
une marque de dévotion envers la déesse. la présence des contingents syriens à la garde du limes
Comment relier la divinité Benefal (recte : Fenebal) de Numidie, tout le long d’une véritable ligne frontière.
de Sarmizegetusa à celles, puniques d’Afrique du Nord, Voir aussi Idem 1933.
d ’al-Hufra (quartier au nord de Cirta - Constantine), 169. Les bilingues latino-palmyréniennes CIS 3908, 3908bis ;
de Carthage ou même de Sousse, en Afrique proconsu­ les latines AE 1933, 36.38-41.43.
laire164 ? Prend-on le risque d ’un télescopage de ces 170. Où a été trouvé une épitaphe rédigée en palmyrénien et
datée de 149/150.
171. À 25 km à l’est de Lambèse. Encore plus à l’est, à Sufetula
(Sbeïtla), en Afrique proconsulaire, sur la voie romaine
163. Les dédicaces déploient une formule récurrente : l'dn qui liait Hadrumetum (Sousse) de Capsa (Gafsa), une
I B I Hmn wlRbt TntPn-B’l, « au seigneur Ba‘al Hammon inscription faite par Lordo Sufetulensis honore le tribun
et à la dame Tanit Ponê-Ba'al » (ou encore, sans la pré­ du numerus Palmyrenorum, M. Valgius Aemilianus
cision « [notre] dame » : l'dn IB ! Hmn w lT n tp n B ‘1). (H éron de Villefosse 1884, p. 370)
164. Voir, dans ce même volume, les inscriptions du sanctuaire 172. À 70 km à l’ouest de Lambèse. Voir les inscriptions :
de Hadrumetum (Sousse), inédites ou rééditées par CIL VIII, 2497, 8795, 2515 (= CIS III, 3908), 2505 et
Hélène Bénichou-Safar (les nr. 1 ; 14 ; 16 [incertain] ; 3917 ; A lbertini 1932, nr. 29, p. 28 (bilingue).
17 ; 18 ; 21 [incertain]. Toutefois, comme le précise Cf. E. A lbertini 1932.
l’auteur (cf commentaire au nr. 20), l’ordre dans lequel 173. A quelque 300 km à l’ouest d’al-Qantara.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 153

Figure 10 - Carte de l’Afrique romaine (cartographie H. David-Cuny).

des Palmyréniens stationnés dans l ’oasis d’al-Qantara Peut-on supposer un lien entre les Palmyréniens de
ou plus à l ’ouest, fidèles à leur dieu M a la g b el174, aient Numidie et ceux de D acie, dans le sens où des Palm y­
pu avoir des contacts avec des cultes locaux, notamment réniens stationnés d ’abord en Numidie auraient ensuite
avec celui de Ba'al Hammon et de Tanit P anê-B a 'a l , été déplacés dans les contrées danubiennes ? Et si cela
particulièrement vénérés dans la région de Cirta et qui s ’avérait être le cas, peut-on admettre que des Palmyré­
rappelaient, du moins pour Ba'al Hammon, les leurs. niens, par ailleurs fidèles à leur panthéon175, aient aussi
Autant dire que les Palmyréniens ont pu adopter Tanit, adopté des divinités locales des pays où ils vivaient ?
sous le nom F enebal, par égard pour Ba'al Hammon, Malgré J. Carcopino qui, à la suite de R. Cagnat, doutait
même si, à Palmyre, celui-ci semblait former un couple d’un éventuel rapport entre le num erus P alm yrenorum
avec la déesse Manawât. D ’ailleurs, l ’association de qui a séjourné en D acie et celui de al-Qantara176, cette
Ba'al Hammon à Tanit F enebal et à Manawât dans une possib ilité n ’est aujourd’hui plus à contester, m êm e
même dédicace, à Sarmizegetusa, fait penser, davantage si la chronologie des inscriptions palmyréniennes de
qu’à une énumération, à une triade, sur le m odèle de Numidie est tardive.
la triade capitoline, au sein de laquelle le dieu est Selon le contenu d ’une inscription reconstituée à
accompagné de deux déesses, la Palmyrénienne (ou partir de deux fragments trouvés en 1930 et en 1943
nord-arabique) Manawât, et celle rencontrée en terre à C œ sarea (Cherchel), en Maurétanie voisine, publiée
étrangère, la Punique Tanit. La piété de P ublius Æ lius
T heim es lui im posait de respecter en égale mesure
les deux.
175. Malagbêl (dédicaces trouvées à al-Qantara, AE, 1933,
43 ; 1901, 114 ; et à Dimmidi, CIL VIII, 8795 [= 18020]) et
Y arhibôl/ Iarhoboles (à al-Qantara, Chabot 1932 et à
174. L’inscription sur un autel d’al-Qantara est dédiée Deo Lambèse, AE 1967, 572) sont les deux divinités invoquées
sanc(to) Malagb(elo) par Mucianus Maleus et Lisinus par les Palmyréniens de Numidie.
Mucianus, mag(istri) (Albertini 1932, nr. 9, p. 14-15). 176. C arcopino 1925, p. 134, n. 3.
154 Maria Gorea

par L. Leschi177, on apprend que la Dacia inferior avait par la suite le commandement de la legio III Augusta,
eu à sa tête un prœfectus (et non un procurator), un en Numidie, en y apportant le culte mithriaque qui s ’est
certain T. Fl(avius) T.f. Palatin Prisco Gallonius im posé à Lambèse, à partir du règne de Com m ode183.
Fronto Q. Marcius Turbo, ce qui a suscité des ém o­ D e ces liens étroits semblent relever égalem ent l ’intro­
tions parmi les historiens qui connaissaient déjà un duction et la diffusion du culte de Silvanus à Lambèse,
Q. Marcius Fronto Turbo, ami d ’Hadrien, préfet du particulièrement vénéré parmi les soldats de la legio III
prœtorium et commandant des troupes m obilisées pour Augusta 184.
la répression de la révolte en D acie en 117/118178. À partir du m ilieu du IIe siècle, Calceus Herculis
Selon C. D aicoviciu179, le préfet du prétoire ne pouvait (al-Qantara) était la clé de tout le système défensif
pas être le m ême que celui qui est mentionné dans déployé dans la région où stationnaient des détachements
l’inscription de Cherchel et dans une autre provenant des de la IIIe légion Auguste. Commode leur adjoindra,
environs de Sarmizegetusa 180, bien que ce prœfectus après 174, des troupes auxiliaires entraînées à combattre
Daciœ inferior ait pu être issu de la m ême fam ille que dans les déserts : la cohors VI Commagenorum, des
le préfet du prétoire. Indépendamment des discussions Chalcideni, venus à al-Qantara et dont la cohorte
relatives à cette inscription au sujet du statut de la (montée) était formée d ’Arabes originaires de Syrie,
D acie inférieure en tant que province prétorienne181, mais aussi de Palmyréniens, com m e l ’atteste l ’épitaphe
il est intéressant de constater que ce personnage avait d’un soldat palmyrénien, un certain Agrippa, fils de
eu, tout com m e l ’am i d ’Hadrien, après la charge de Themus1718902*185, dont R. Cagnat pensait qu’il était passé de
procurator pro legato de la province de Maurétanie la cohorte des Thraces dans celle des Chalcidéniens
Césarienne, celle de prœfectus de la province de la lorsque celle-ci stationnait encore en Syrie, arrivé avec
Dacie inférieure, avant de retourner comme simple elle en Afrique, chargé du commandement des archers
procurator cette fois en Maurétanie. Le commande­ palmyréniens186.
ment des troupes de frontière pouvait être confié à
un m ême personnage expérimenté tant sur le front du
Nord que sur celui du Sud et qui pouvait se déplacer
en tant que leg. Aug. pro prœtore leg. IIIAug., il avait
en y emmenant ses propres troupes.
été préfet d’une cohors I Thracum, pour passer ensuite
D ’autres preuves viennent confirmer l ’hypothèse de tribunus d’une coh o rsl Hamiorum civium Romanorum
l ’existence, vers 175, de liens directs et d ’un déplace­ milliaria, stationnée en Syrie, d’où il était parti sur les
ment, dans le sens opposé, de la D acie vers la Numidie. rives du Pont-Euxin, avant d’être chargé de ravitailler en
Dans une étude du Mithrœum de Lambèse M. Le Glay blé les troupes des deux Pannonies et de recevoir des
soutenait que le mithriacisme africain avait des origines distinctions à la fin de la guerre germanico-sarmate, en
175, en tant que procurateur de la Mœsia superioris puis
danubiennes : un dévot de Mithra, originaire de Pœtovio
de la Dacia Porolissensis (cf. P flaum 1956).
(Pettau / Ptuj), en Pannonie supérieure, M. Valerius 183. Le Glay 1954, p. 275-276. Une autre dédicace à Mithra
Maximianus, commandant de la legioXIII Gemina qui de Lambèse (CIL 2675) est due au préfet de la legio III
avait stationné en Dacie, à Apulum (Alba-Iulia)182, prend Augusta, M. Aurel(ius) Sabinus, originaire de Carnuntum,
en Pannonie (près de Bad Deutsch-Altenburg, Autriche).
Enfin, s’ajoutent deux autres dédicaces deo InvictoMythra,
en plus de l’inscription CIL 4578 (de Diana Veteranorum),
177. Leschi 1945, p. 144-162 (= AE 1946, 113) ; c f aussi CIL 8440 (de Sétif), faites par deux cohortes de la
C. D aicoviciu 1964, p. 174-175. legio II Herculis, détachée en Numidie, précédemment
178. Selon l’auteur de l’Histoire Auguste, Q.M arcius Fronto stationnée en Moésie, à Trœsmis (Iglita, Tulcea, Roumanie),
Turbo était « revêtu des ornements de la préfecture » où le culte mithriaque est bien attesté (Le Glay 1954,
(prœfecturœ infulis ornatum) (VitaHadriani, 5.6.7.9.15). p. 275-277).
179. C. Daicoviciu s’aligne sur R. Syme, qui restitue l’inscrip­ 184. Ibid., p. 276 ; Châtelain 1910.
tion de Cherchel différemment de Leschi (S yme 1962, 185. Le nom est courant en palmyrénien, Tym 1(dans les inscrip­
p. 87-97). tions grecques, 0 aïp o ç), identique au cognomen que
180. CIL III, 1462 (inscription emportée à Vienne par Ariosto) porte le dédicant de Sarmizegetusa.
(Dessau ILS 1324) : Q. Marcio Turboni/Frontoni Publi­ 186. Cagnat 1895, nr. 13, p. 74-75 ; Clermont-Ganneau 1901,
cio / Severo praef(ectus) praet. / imp. Caesaris Troiani / IV, p. 217-218 : Dis m(anibus) s(acrum) / Agrippa Themi /
Hadriani Augusti p .p . / colonia) Ulp(ia) Traian(a) [fil(ius) Palmyra q(ui) f u i t ) / [(centurio)] coh(ortis)
Aug(usta) / Dacica Sarmizegetus(a). III Thra/cum Syr(iaca) item / translatas / i]n coh(ortem)
181. Voir C. D aicoviciu 1964. (primum) Ch(a)lci/[d]enor(um) iusso / [i]mp(eratoris)
182. M. Valerius Maximianus est le dédicataire de l’inscription curam /[e]git Palmyr(enorum) [s]agitt(ariorum) ann(os) X /
d’Apulum CIL III, 1122. Son parcours est détaillé dans militavit ann(os) [X]XIII, vix(it) an(nos) L V / [.. ,]es lib(ertus)
une longue inscription trouvée à Diana Veteranorum et pro(curator) (reconstitution dans Carcopino 1925,
(Zana, Numidie, à 40 km au nord-ouest de Lambèse) : p. 118-122). J. Carcopino résume ainsi le contenu de cette
avant de prendre la tête de la legioXIII Gemina d’Apulum inscription assez complexe : après avoir commandé les
(Alba-Iulia), d’où ensuite il a été transféré en Numidie archers palmyréniens pendant dix ans, Agrippa, fils de
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 155

Les Palmyréniens sont restés en Numidie près d ’un gustorum etluliae et [Plautillae aug(ustarum) et
d em i-siècle. La première inscription où le numerus Plautiani c(larissimi) v(iri)praef(ecti)pr(aetorio)patris
Palmyrenorum apparaît distinctement date de 194, augustae] sub Pomponio
quelques années avant que Palmyre fut érigée en colonie, liberale co(n)s(ulari) MauriMic(ienses)
mais il n ’est pas nécessaire que la constitution de ces etlul(ius) Euangelianuspraef(ectus)
formations indépendantes, spécialisées de Palmyréniens templum deorumpatrio-
et leur détachement dans certaines parties de l ’Empire rum uetustate conlapsum
aient attendu que la cité reçoive le titre de colonie. suap(ecunia) et opera restitueront)
Le numerus Palmyrenorum de Numidie fut doublé Cilone IletL ib o n e co(n)s(ulibus)l9ì.
par un numerus Hemesenorum, arrivé d’Emesa (Homs),
métropole située sur la vallée de l ’Oronte, en Numidie, Plus significativement, le culte de la Cœlestis dea,
à al-Qantara, en 213 au plus tard, mais aussi à Lambèse, particulièrement vénérée en Afrique romaine, semble
dans la IIIe A uguste187, et à Cœsarea (Cherchel), en avoir été actif en Dacie, à Apulum, où un légat de la
Maurétanie188. Leur instruction terminée, les iuniores legioXlll Gemina sous Septime Sévère était le dédicant
pouvaient avoir été ramenés sur le front du Danube, d’un autel à des divinités carthaginoises et autochtones
comme les Osrhoeni dont le numerus est signalé en de D acie et, en premier lieu, à la CœlestisAugusta :
Pannonie, à Intercisa (Duna-Pentele, Hongrie) dès le
CaelestiAugustae
règne d ’Alexandre Sévère ou au plus tard de celui
etAesculapioAu-
de Gordien189. Si l ’aile des Pannoniens et l ’ala Flavia
gusto et Genio
se sont évanouies190, le numerus Palmyrenorum est
Carthaginis et
resté dans les solitudes de la N um idiejusqu’à la fin du
Genio Daciarum
règne de Gordien III, et il semble s ’être éclipsé après
Olius Terentius
253, lorsque la le g io n i Augusta, chassée lors de la
Pudens Uttedi-
rébellion de Capellien, en 2 3 8 191, est revenue à Gemellœ
anus leg(atus)Augg(ustorum)
(al-Kasba)192. Si, parmi les Palmyréniens qui avaient
leg(ionis)XIIIGem(inae) leg(atus)
stationné en Numidie, certains étaient morts, on peut
Augg(ustorum)propraet(ore)
supposer que d ’autres ont été déplacés ailleurs dans
[pr]ovinciae R(a)e-
l ’Empire, peut-être dans l ’armée d’Odainath.
ticae194.
L ’inscription de Sarmizegetusa serait alors un tém oin
indirect de cette expérience commune, suffisamment D ’Apulum provient égalem ent un autel dédié
longue en Numidie et en Dacie, pour qu’un Palmyrénien, numini Caelesti par Marcianus verna libr(arius)195 et,
assez âgé pour avoir l ’autorité et la dignité requises à Sarmizegetusa, deux autres esclaves lettrés vénèrent
fonde un temple dédié à des divinités à la fois palmyré- la dea Cœlesta : le servos librarius Nemesianus, qui
niennes et numides. À cela s ’ajoute l ’attestation de la construit un temple Caelesti Virgini Augustae196, et
présence numide et mauritanienne en Dacie, à Micia, Liberlais, un verna adìut(or) tabul(arìus), qui dédie un
où était stationné le numerus Maurorum Miciensium. autel deae Caelesti191, sans que l ’on puisse dire s ’il
Construit dans la deuxième moitié du ne siècle, le temple s ’agit de la principale déesse vénérée en Afrique ou de
où les Maures rendaient culte à leurs divinités fut refait la déesse syrienne qui reçoit égalem ent ce qualificatif.
en 204, comme l ’atteste l ’inscription trouvée à Micia : Cœlestis semble en effet avoir été l ’épithète de la
déesse Tanit à Carthage même, à en croire les sources
Pro salute d(ominorum) n(ostrorum) in­
latines qui identifient la déesse principale d ’Afrique à
victissimorum) imp(eratorum) Seueri
et Antonini et [Getae Caes(aris) aug]-

193. ID R III/3, 47. Une autre unité auxiliaire était stationnée


Themus est mort à al-Qantara, où il avait été déplacé et à Tibiscum, le numerus Maurorum Tibiscensium de
où il avait exercé ce commandement sous l’ordre de l’inscription IDR III/, 1, 156, rédigée en deux colonnes,
l’empereur en tant que centurion de la cohors I Chalci- selon une pratique de lapicide bien connue en Afrique du
denorum, probablement sous Commode. Nord. Ce numerus est connu également d’une inscription
187. CIL VIII, 2568. de Cherchel (CIL VIII, 9368 [= 20944]) qui mentionnait
188. Carcopino 1925, p. 131. un certain Marius Domesticus, praef(ectus) n(umerus)
189. Ibid. ; ILS 2540. Mauret(anorum) Tibiscensium.
190. Carcopino 1925, p. 129-134. 194. CIL III, 993, qui se trouve aujourd’hui à Vienne.
191. Gordien III la disperse jusqu’en Rétie (cf. CIL VIII, 195. CIL III, 992.
2564). 196. IDR III/2, 17 = AE 1913, 50.
192. Carcopino 1925, p. 144. 197. IDR III/2, 192 = AE 1933, 17.
156 MariaGorea

Venus ou à luno Cælestis1981920, l ’O ùp avta des Grecs199. que l ’on était fataliste, indifférent à sa destinée, en dehors
À Sarmizegetusa, un sanctuaire lui était dédié au nord- des épousailles, occasion où l ’invocation de la déesse du
ouest des remparts200 et une inscription versifiée qui destin pouvait encore avoir un sens. À Sarmizegetusa,
l ’invoque fait allusion à un rite de libation : lieu d ’exil pour beaucoup de ces expatriés disloqués loin
d ’une cité insouciante, occupée à mener ses affaires et
Caelestis mul­
son négoce, l ’invocation de Manauat se veut méritoire,
sa propria
compensant la négligence des Palmyréniens prospères.
placabitur ara
Réputée implacable, insensible et indécelable, la Destinée
hac diviis aliis
que M anauat personnifie tient le m ot de la fin, aussi
tura merumq(ue) damus
vient-elle en dernier, puissance obscure et détentrice
(Que) la Céleste [déesse] par le vin d ’un secret que personne n ’a envie de connaître.
mélangé (de miel) prescrit, Ses origines doivent être situées en Arabie du Nord,
s’apaise. Sur cet plutôt qu’en Arabie méridionale où elle est une divinité
autel, à d’autres dieux, périphérique. Les commentaires du Coran en font une
nous offrons des épices et du vin (sans mélange)201. des trois filles d ’A llah : al-Lat, al-'Uzza et M anat202.
En Arabie du Nord, dans des inscriptions lihyanites,
D es lettrés et des versificateurs sem blent avoir safaïtiques, thamoudéennes ou nabatéennes, sa graphie
réservé à la Cælestis dea une dévotion qui pourrait est plus proche de celle de Palmyre et de l ’inscription de
surprendre dans un monde militarisé, sur pied de guerre Sarmizegetusa : Mnwt et Mnwtw203, que dans les sources
et parmi une soldatesque fruste, dont la vie n’avait, elle, sud-arabiques204. Bien que l ’inscription de Sarmizegetusa
rien de poétique. Douceur du m iel pour la Cælestis, ait été découverte et publiée depuis plus d ’un siècle
âpreté pour des dieux moins tendres : c ’est ainsi que - ou justement à cause de cela - , un débat persiste
l ’on cherchait, symboliquement, à préserver un juste encore quant à la restitution de la prononciation du
équilibre entre bonté et rudesse. nom Mnwt, les savants hésitant encore entre *Manawàt
Manauat, l ’autre compagne de Belhamon, déesse et *Manàt. Selon M ichael M acDonald, le waw médian
qui préside au destin, n ’est que sporadiquement - et de la forme Mnwt serait consonantique, supposant une
comme marginalement - invoquée à Palmyre, à croire prononciation *Manawàt (et non *Manôt ou *Manât),
étant donné que le safaïtique (et le thamoudéen205), où

198. Minucius Felix, Octavius, XXV, 9 parle d’une « Junon


punique » (luno... Poena) ou de « Junon de Carthage »
(Iuno Karthagini), tout comme Servius : Patrii dii sunt, 202. La sourate 53, verset 19 (suivi des fameux « versets
qui praesunt singulis civitatibus ut Minerva Athenis, luno sataniques », abrogés de la Vulgate) n ’ignore pas la
Karthagini (Ad Georg. I, 498). Voir aussi les inscriptions : « sublime déesse » : Avez-vous considéré al-Lat et al-'Uzza
CIL VIII, 1424 ; Bulletin archéologique du Comité des et Manat, cette troisième autre ? [Ce sont les Sublimes
travaux historiques et scientifiques 1905, p. CCI (trouvée Déesses et leur intercession est certes souhaitée]. Voir
au sud-est du Kef, communiquée par R. P. Delattre : R obin 2001a. Selon Ibn al-Kalbi, son idole se trouvait,
Iunoni Caelesti Aug. sac.) ; P oinssot 1917, p. 94-96 encore au IXe siècle, érigée au bord de la mer, à proxi­
(inscriptions de Thuburbo M ajus - Henchir-Kasba), mité de al-Mushallal, dans le Qudayd, entre La Mecque
nr. 4-6 (dédiées Iunoni Caele[sti\) et les nr. 1-3 (dédiées et Médine (Kitab al-asnam [« Livre des idoles »], 12).
deae Caelesti) ; CIL III, 10407. 203. En nabatéen, la forme M nwt apparaît aux côtés de la
199. Hérodien, Histoire romaine 5, 15 : « il [Héliogabale] fit variante Mnwtw (cf par exemple, CIS II, 197, inscription
apporter la statue de Carthage à Rome, pour laquelle les de Mada’in Salih).
Carthaginois et les autres peuples d’Afrique professent 204. Son nom est le théonyme de certains noms thamoudéens
une extrême vénération. [...] Les Africains appellent cette ou lihyanites, Hnmnt, Thn’mnwt (Ryckmans 1934, t. 1,
déesse Urania et les Phéniciens Astroarchès, affirmant p. 18-19, 223). Les graphies thamoudéennes Mnt, Mnh
que c’est la lune (Aißucg pèv o5v aòrijv O ùpavîav et M nwt sont relevées par Maria Höfner (H öfner 1970,
xaÂoûai, O oêvixeç Sè A avpoâpxnv ôvopâÇooai, p. 205, 361 et 377). Pour le sud-arabique, voir B ron 1998
azkr\vr\v eîvai Géâovteç) » (traduction L. Halévy, (p. 30), où la mention de la plus ancienne occurrence de
Firmin Didot, Paris, 1860). Voir G sell 1929, p. 251-277 ; M nwt est celle de l’inscription minéenne M a‘ïn 9/4,
P iso 1993. datée du Ve siècle avant notre ère, bien antérieure à celles
200. Il s’agit probablement du même sanctuaire que celui des inscriptions de l’Arabie du Nord-Ouest. Le nom de
bâti par le librarius Nemesianus (supra, n. 196). la déesse apparaît aussi dans le toponyme Qys‘mnwt,
201. Traduction de I. Piso : « Die Himmlische Göttin wird dans une inscription de Qaryat al-Faw, et parmi des noms
mit dem für sie vorgeschriebenen Weinmet besänftigt inscrits dans des graffites de la région de Najran, de date
werden. A uf diesem Altar bringen wir (des) anderen incertaine, où il est orthographié -mnwf" et, le plus souvent,
Göttern W eihrauchopfer und (ungemischten) Wein -m n t(R obin toys ; R yckmans 1957, p. 559).
dar » (Piso 1993, p. 224). 205. Cf. H öfner 1970.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 157

cette graphie est égalem ent attestée206, présente habi­ Quant à P ublius Æ liu s Z abdibol, dont il est difficile
tuellement une notation purement consonantique. Pour de préciser le lien de parenté avec P. Æ liu s Theimes,
Christian Robin, s’appuyant sur l ’orthographe coranique, moins favorisé par le destin - né en D acie et mort
où le a devant un ta ' m arbuta est régulièrement noté jeune - , il porte le nom d ’une fam ille palmyrénienne
par un waw , celui-ci n ’aurait pas alors de valeur conso­ dont au moins un autre membre est mentionné en
nantique, mais aurait servi à noter le la i médian. Le D acie211.
nom se prononcerait alors *M anât2ai. Or, la graphie À Sarm izegetusa, P ublius Æ lius Theim es agrandit
latine M anauat de l’inscription de Sarmizegetusa atteste le temple212, en lui annexant une cuisine (culina)213,
la prononciation *M anawàt et non *Manàt, avec un waw dont on peut aisément deviner l ’utilité lors des sacri­
consonantique, comme le soutenait Michael MacDonald fices rituels et des festivités, des banquets et des repas
(qui semble pourtant ignorer l’inscription de Dacie), ce qui communautaires qui s ’en suivaient, mais il semble avoir
laisse supposer l’existence de deux traditions phonétiques : vénéré - ou du moins honoré - égalem ent des divinités
une nord-arabique, plus proche des quelques attestations gréco-romaines. Ainsi, au musée de Deva, une inscrip­
du nom de la déesse à Palmyre, consistant en une pro­ tion gravée sur le socle d ’une statue fragmentaire de
nonciation *M anawàt, reposant sur un pluriel208, et une la déesse H ygia, drapée et chaussée de sandales, est la
sudarabique *Manât, passée également dans le Coran209. dédicace faite par P ublius Æ liu s Theim es, qui semble
La mention de cette divinité en D acie laisse penser avoir prodigué sa piété aux divinités de la m édecine et
que le Palmyrénien Publius Æ lius Theimes de l ’inscrip­ de la santé, pour lui ou, plus vraisemblablement, pour
tion de Sarm izegetusa, malgré sonp ræ nom en et nom en ces jeunes enfants que les prières n ’ont pu sauver et
romains, acquis sous (ou après) Hadrien, était un dont les noms figurent sur sa propre épitaphe :
Palm yrénien aux origines nord-arabiques et qu’il était
Aes(culapio) etHygiae
attaché au souvenir d ’une dévotion fam iliale ou tribale
P(ublius) Ael(ius) Theimes214
envers cette déesse. D ’ailleurs, il semble que le destin lui
fut favorable, comme l’indique une épitaphe qui précise Si M a la g b e l est b ien présent dans la dédicace de
qu’il avait été centurion de la c o h o r s l Vindelicorum , P. Æ lius Theimes, on ne peut que s’étonner de l ’absence
duum vir de la colonie Ulpia Troiana Sarm izegetusa et de Y arhibôl ou du dieu lunaire ‘A glib ô l parmi les
qu’il y est mort à l ’âge vénérable de 89 ans : divinités énumérées, dans la mesure où d’autres dieux
marginaux, voire étrangers au panthéon palmyrénien
D(is)M(anibus)
sont invoqués en tant que dii p a triis. La préférence
P(ublius)Ael(ius) Theime[s]
des soldats palmyréniens de D acie pour M a la g b el
[v]et(eranus) ex (centurione) c[oh(ortis)
et Yarhibôl se v o it confirm ée en A frique romaine.
(primae)] Vindel(icorum) et
(duum)vir[al(is)] col(oniae) D[ac(icae)]
Sar[miz(egetusae)] -vixit
ann(os) (octoginta novem) 211. Voir supra, p. 142 et n. 95.
212. Le temple, situé à l’ouest du castre, à près de 1 km de la
etP(ublius)Ael(ius) Beric[io]
ville, sur la colline Dealul Delinestilor, mesurait 17,70 m
vix(it) ann(os) (quindecim)... de long, pour une largeur de 10,60 m. La hauteur (estimée
etP(ublius)Ael(ius) Zabdibol proportionnellement d’après le diamètre des colonnes)
vixitann(os) (undecim) et n ’aurait pas dépassé 7 m. Par l’entrée, qui se trouvait à
A[el]ia Pham[enis... ].. ,210 l’est, on accédait à un pronaos (d’environ 6 m sur 2,50).
On pénétrait dans le naos par une entrée flanquée de deux
colonnes. L ’inscription a été trouvée in situ, lors des
fouilles de 1881. La Transylvanie faisait alors partie de
206.Inscription safaïtiqueBl de Rijm Mushbik, en Syrie. l’Empire austro-hongrois, et les premières fouilles avaient
M acD onald, M u ’azzin, N ehmé 1996, p. 446-447. été menées par les archéologues hongrois de Deva,
207. Voir les analogies coraniques (sala1 [slw% zakât [zkw1], P. Kiraly et Gabor Téglas. Les résultats ont été publiés
bayât [hyw1], etc.) que donne Chr. Robin (Robin 2001b, par ce dernier en 1906 (apud D aicoviciu, A licu, 1984,
p. 570-577). p. 70-73).
208. Un pluriel s’accorderait assez bien avec celui de ces 213. Elle se trouvait à droite de l’entrée et avait une largeur
divinités féminines qui président aux destins, les Parcœ de 2,50 m. On y a trouvé des restes d’os d’ovins, capridés,
et les Moipat, antiques. porcs et bovins (ibid).
209. Pour la bibliographie sud et nord-arabique, je remercie 214. H. D aicoviciu, A licu 1984, p. 224. La statuette devait
Christian Robin qui m ’a aimablement communiqué une provenir d’un asklepion dédié aux dieux de la médecine,
note synthétique comportant toutes les informations peut-être de celui à"Apulum, dont il est fait mention dans
utiles sur Manawat. quelques épigraphes (IDR IIII5, 6.7.13.21), cf. R ussu-
210. ID R III/2, 369. Le même est mentionné dans une autre P escaru, A licu 2000, p. 122-125. L ’une d’elles est la
inscription à caractère commémoratif, trouvée à Grädistea dédicace Aesculapio etHygiae, d’un augustal d’Apulum,
(le village de Sarmizegetusa), IDR IIII2, 370. d’origine syrienne, P. Ælius Syrus (IDR IIII5, 7).
158 MariaGorea

En revanche, ‘A glibôl, qui reste en retrait en Afrique latin des invocations et de célébrer des cultes sans
romaine, est absent en Dacie où aucune dédicace à ce visage. L ’existence de tem ples dédiés à des divinités
dieu n ’a encore été trouvée. palm yréniennes, souvent construits ou restaurés à
l ’initiative et aux frais de l’unité militaire ou de quelque
vétéran parvenu à des fonctions sacerdotales et de
■ Co n c l u s i o n s magistrature, au service de la colonie de Sarmizegetusa
ou d ’autres garnisons de la province, ne peut sejustifier
Grâce aux soldats d ’origine orientale enrôlés dans que par un séjour prolongé des membres d’une commu­
l ’armée romaine en D acie, divers cultes orientaux nauté palmyrénienne dans ces lieux217.
sem blent avoir réussi à concurrencer ceu x gréco- D ’origine sans doute modeste, déplacés loin de leur
romains qui, à leur tour, avaient évincé des religions patrie, ces Palmyréniens s’étaient enrôlés pour de nom ­
locales plus anciennes, dont nous avons une certaine idée breuses années dans l ’espoir d ’acquérir la citoyenneté
- peut-être idéalisée - par ce que rapporte Hérodote : romaine à l ’issue du service, mais nombreux sont ceux
le dieu des G ètes s ’appelait, selon lui, Z alm oxis215. qui sont morts en terre étrangère avant de l ’avoir
Peu de traces subsistent néanmoins des anciens cultes achevé. La plupart des inscriptions votives ou funéraires
autochtones des Daco-Gètes, sur lesquels sont venues se sont commanditées par des soldats romanisés, qui avaient
greffer des traditions diverses, occidentales ou orien­ déjà accom pli leur service militaire, par des vétérans
tales, méditerranéennes et nord-africaines, apportées qui avaient renoncé à retourner dans leur pays, et dont
par les soldats de l ’armée romaine, surtout par ceux on peut imaginer qu’ils avaient atteint, du moins pour
des troupes auxiliaires et autres formations irrégulières certains d ’entre eux, un incontestable degré d ’aisance,
de combat ou de garde. Parmi eux, des Palmyréniens formant une frange pour ainsi dire fortunée de la popu­
stationnés en Dacie supérieure avaient érigé leurs propres lation d ’origine palm yrénienne en D acie. Parmi ces
lieu x de culte, dédiés aux divinités de leur patrie, en Palm yréniens, quelques-uns s ’étaient distingués par
laissant derrière eux des dédicaces et des inscriptions des charges municipales et sacerdotales, ou en faisant
votives, des épitaphes pour accom pagner les défunts œuvre d’évergétisme, comme le Palmyrénien et citoyen
de leur ethnie ou encore de simples indications de leur romain Publius Ælius Theimes, à Sarmizegetusa.
présence, estam pillées sur des tuiles ou des briques.
Les m entions des Palm yréniens y sont suffisantes
pour recomposer le réseau militaire où ils avaient été riaque, ou des deux plaques votives, trouvées en Pannonie
déployés. D es monuments, des autels, des ex-voto ou et en Dacie inférieure, figurant - en armure - le dieu
des inscriptions funéraires, des diplômes militaires, des syrien Iupiter Dolichenus, dont le culte a été diffusé dans
ruines de sanctuaires témoignent encore de leur passage tout l’Empire (pour la Dacie, voir Sanie 1983, p. 1246­
1251). Sur une plaque pyramidale de bronze argenté
et de leur piété. Aucune iconographie n ’accompagne
trouvée à Kömlöd, en Hongrie, actuellement exposée dans
cependant les inscriptions votives, mais, si on ne trouve le Lapidaire du musée national de Budapest (Magyar
pas de ces images saintes qu’on rencontre un peu partout Nemzeti Müzeum), le dieu est cuirassé, se tenant en pied
en Palm yrène, c ’est faute de m ain d ’œuvre qualifiée sur un taureau. Dans la partie supérieure de l’objet, les
dans la figuration d’une iconographie spécifique. En bustes du Soleil et de la Lune sont également cuirassés,
l ’absence d ’ateliers et de traditions iconographiques de même que ceux d’Hercule et de Mars (casqué), qui
dans les lieux où ils stationnaient de manière plus ou occupent les deux angles inférieurs. Le dieu tient la hache
bipennis de sa droite et la foudre dans sa main gauche.
moins durable et où d ’autres pratiques iconographiques
L ’autre objet provient de la Dacie inférieure, de Räcari
avaient cours216, ils se sont contenté de faire inscrire en (au sud des Carpates). Le dieu y est représenté, comme
à Kömlöd, cuirassé, debout, sur un taureau, avec gladius
et bipennis (cf. Tudor 1961). À ces objets, il convient
215. ZâXpo^iç, avec une variante SâXpo^iç ou encore d’ajouter une statuette fragmentaire trouvée à Porolissum,
ZapôÂ ^iç Il aurait initialement été un roi des Gètes, figurant le dieu qui se tient debout sur un taureau. La base
Zalmogedicus, ou même un esclave ou un disciple de de la statuette porte une inscription grecque qui avait été
Pythagore. Son épithète semble avoir été Beléïzis. Autour lue : ÂTTOvâpiç B â aa o [ç ] (ou Ano<XK>ivâpiq
de cette divinité il semble s’être constitué un culte initia­ B âaao [o ]) zb yzw / [0e]ôç AoÂixÙvoç (« Attonaris
tique à mystères et la croyance dans l’immortalité de l’âme, Bassos / Apollinaris fils de Bassus [a accompli] le vœu
ce qui s’apparenterait davantage à un procédé consistant envers le dieu Dolichenus »). Voir P iso 2005 (« Studia
à greffer sur d’anciennes et diffuses croyances de nouvelles Porolissensia [I] : Le temple dolichénien », p. 467-487),
formes censées rafraîchir une spiritualité fanée, plutôt plus particulièrement p. 468-470.
qu’à l’apparition d’une nouvelle religion qui aurait surgi 217. On peut invoquer ce même argument pourjustifier de la
comme une illumination subite. présence d’autres lieux de cultes voués à la piété de soldats
216. Néanmoins, des Orientaux ont laissé, en Dacie ou en originaires d’autres contrées ainsi que, d’un tout autre
Pannonie, des représentations figuratives, comme c’est ordre, celle des amphithéâtres destinés au divertissement
le cas des nombreux reliefs qui figurent le sacrifice mith- de l’armée.
La dévotion des Palmyréniens en Dacie 159

Le stéréotype des form ules dédicatoires ou funé­ D acie. A fin de renforcer ces troupes, Odainath a pu
raires ne doit pas mener à conclure trop vite à la simple obtenir le rapatriement de ses propres concitoyens
formalité des textes : les invocations des dis m anibus stationnés en Dacie, en leur assignant une place parmi
en faveur des défunts, des divinités romaines ne sont les form ations d ’Orient ou de Palmyre. C ’est une
pas le pur reflet d ’une assimilation et de la perte d ’une supposition. S ’il est certain que des vétérans n ’ont plus
spécificité orientale au profit d’une latinité qui n’est plus quitté la Dacie, il est fort probable que la plupart des
à contester, mais, sans trahir les croyances ancestrales, soldats actifs sont retournés en Orient. Auraient-ils pris
elles s’y superposaient, en préservant un espace protégé à part à la révolte de la ville, se levant contre un ordre
une piété par ailleurs affirmée sous des noms spécifiques auparavant respecté et même vénéré, pour à nouveau
ou sous celui de dis patriis . À Palmyre même, les cultes lui être soumis ?
se ressentaient de la soum ission au modèle romain Université P aris VIII
d’une religion impériale fondée sur un relativement
petit nombre de divinités symbolisant le pouvoir, mais
les dieux palmyréniens ne sont pas moins invoqués ■ Ab r é v i a t i o n s
comme divinités protectrices par les archers stationnés
en Dacie. Si les vétérans palmyréniens peuvent invo­ AE Année épigraphique, Presses universitaires de France,
quer des divinités étrangères à leur patrie d ’origine, Paris.
inversement, les dieux palmyréniens ne semblent pas CIL Corpus inscriptionum latinorum consilio et aucto­
avoir été vénérés exclusivem ent par des Palmyréniens, ritate Academiœ Litterarum (Regiæ) Borussicœ
mais d ’autres ethnies pouvaient s ’associer à ces cultes. edictum, Leipzig-Berlin, 1862-1943, ed. altera.
Certains monuments funéraires, à Tibiscum , portent CIS Corpus inscriptionum semidearum ab Academia
des inscriptions palmyréniennes qui précisent le nom inscriptionum et litterarum humanorum, pars
du défunt - le plus souvent mort avant d ’avoir achevé secunda : inscriptiones aramaicas, tomus III,
son service militaire et avant d’accéder à la citoyenneté Reipublicœ typographeo, Paris, 1926.
romaine. Il est significatif à cet égard que l ’expression IDR Inscriptiones Daciae Romanae, Bucarest, vol. I,
nationale et l ’idiome se limitent, dans les inscriptions 1975 ; vol. II, 1977 ; vol. III/1, 1977 ; vol. III/2, 1980 ;
des Palmyréniens en Dacie, au seul espace funéraire, vol. III/3, 1984.
c ’est-à-dire individuel, et qu’il vienne en deuxième ILS Hermann D essau, Inscriptiones latinae selectae,
place, après le texte latin, comme s ’il était concédé au Weidmann, Berlin, vol. II, 1902.
défunt cet ultim e retour aux origines, c ’est-à-dire à RES Répertoire des inscriptions sémitiques, publié par la
l ’essence de son être. Commission du Corpus Inscriptionum Semidearum,
L ’occupation romaine en D acie tournera court Imprimerie nationale, Paris, 1900-1919 (t. 1-4).
lorsque, un siècle et demi après sa création, la province
sera mise en péril par les déplacements des Germains
orientaux et par l ’arrivée des Goths sur la mer Noire ■ Bib l io g r a p h i e
(en 238)218. Rome se résignera à organiser l ’évacuation
de la D acie dès 267 et lorsque, en 270/271, les Alamans A lbertini e .
menaçaient l ’Illyricum occidental et l ’Italie, les troupes 1932 Inscriptions d ’E l-Kantara et de la région (Extrait
rom aines et l ’adm inistration d ’A urélien (270-275) de la Revue Africaine 348-349, 1931), J. Carbonel,
quittaient effectivement la Dacie, au même moment où, Alger.
aux frontièrs orientales de l ’Empire, Aurélien mettait B elayche N.
fin aux ambitions de Zénobie. 2001 Iudaea-Palaestina. The Pagan Cults in Roman
Que sont devenus les soldats Palmyréniens lors de Palestine (Second to Fourth Century), Mohr-Siebeck,
la guerre romaine contre Zénobie et le jeune Wahballat ? Tübingen.
Le père de ce dernier, Odainath (O dæ natus ), avait été B enea D., B ona P.
nom m é D u x R o m a n o ru m et chargé par G allien de 1994 Tibiscum, Museion, Bucarest.
commander les armées des provinces de tout l ’Orient, B erciu i ., P etulescu e . e.
de la Syrie, de la M ésopotamie, de l ’Arabie Pétrée, 1976 Les cultes orientaux dans la Dacie méridionale,
ainsi que de l’Asie Mineure. En tant que général, il avait Brill, Leiden.
mené de grandes campagnes contre les Perses (en 263, B erthier a ., Charlier R.
puis en 266-267) au même moment où l ’administration 1952-1955 Le Sanctuaire d ’A l-Hufra à Constantine,
aurélienne envisageait de se retirer de la province de Arts et métiers graphiques, Paris.
B riquel Chatonnet Fr., L ozachmeur h .
1998 « Un nouveau bas-relief palmyrénien », Syria 75,
218. D emougeot 1969. p. 137-143.
160 MariaGorea

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