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ATD Quart Monde

En finir avec les idées fausses sur


les pauvres et la pauvreté
Édition 2020 revue et augmentée

1
Conception graphique de la couverture : Alain Verstichel.

www.editionsatelier.com
www.twitter.com/ateliereditions – www.facebook.com/editionsatelier

© Les Éditions de l'Atelier


ISBN : 978-2-7082-5342-1

© Éditions Quart Monde


ISBN : 979-10-91178-74-7
www.atd-quartmonde.fr/editions

Paris, 2020

2
ATD Quart Monde

ATD Quart Monde est un Mouvement inter‐


national, sans appartenance politique ni
confessionnelle. Créé en 1957 par Joseph
Wresinski avec les habitants d'un bidonville
de la région parisienne, il mène des actions
qui visent à détruire la misère par l'accès de
tous aux droits fondamentaux. Il développe
particulièrement des actions d'accès au savoir,
à la culture, à la prise de parole (biblio‐
thèques de rue, Festivals des arts et des sa‐
voirs, Universités populaires Quart Monde).
Il se mobilise afin qu'aux plans local, national
et international les personnes démunies soient
écoutées et représentées, et que la lutte contre
la grande pauvreté soit une priorité (actions
auprès des institutions politiques, des profes‐
sionnels et du grand public).

Branche éditoriale du Mouvement ATD Quart


Monde, les Éditions Quart Monde ont un
triple objectif :
– témoigner de la vie et de la pensée des per‐
sonnes très pauvres en leur donnant la parole
le plus directement possible,
– contribuer à changer les mentalités,
– permettre de réfléchir et d'agir, à partir des
actions de fond menées par ATD Quart
Monde.
www.atd-quartmonde.fr/editions
editions@atd-quartmonde.org

Pour en savoir plus :

3
– ATD Quart Monde France : www.atd-quart‐
monde.fr
– ATD Quart Monde international : www.atd-
quartmonde.org

4
Remerciements

Nous remercions les partenaires qui ont rendu possible l'édition 2020
de cet ouvrage :

Ainsi que les organismes qui ont soutenu cette édition 2020 :
Apprentis d'Auteuil, Emmaüs France, Enseignement Catholique, FSU, Ins‐
titut de recherche de la FSU, JOC, Ligue de l'Enseignement, Mouvement
pour une Alternative non violente, Pacte Civique, SNC, SNL-Union, Soli‐
darités Paysans, Union syndicale Solidaires.

Merci aussi aux organismes qui ont permis les premières éditions de
ce projet :
Advocacy France, AFEV, AGSAS, Amicale du Nid, Apel nationale, Ca‐
hiers pédagogiques, CFTC, CNAF, CNAPE, CNCDH, Collectif Pouvoir
d'agir, Défenseur des droits, Entraide protestante, Fédération des Centres
sociaux et socioculturels de France, FNAREN, FO, Fonds CMU, Grande
Loge de France, Habitat et Humanisme, La Cimade, Médecins du monde,
Ministère de la culture et de la communication, MRAP, MRIE, MRJC,
MSA, Nouveaux Droits de l'Homme, Ordre de Malte, RESOLIS, Scouts et

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Guides de France, Scouts Musulmans de France, Secours Catholique-Cari‐
tas France, Secours Islamique France, Unaf, Unafam, Unapp, Unsa.

Pour leurs relectures, informations et conseils, merci à Laure Brimant-


Kauffmann, Marie Drique, Didier Goubert, Charlotte Goure, Chloé Herla,
Daniel Le Guillou, Julien Lucchini, Lola Mehl, Annick Mellerio, Cyril Pi‐
card-Levrard, Magali Ramel, Geoffrey Renimel, Rémi Saintagne, Bernard
Stéphan, Céline Vercelloni, Alain Verstichel.
Cet ouvrage n'engage que ses auteurs et ne reflète pas nécessairement les
positions d'ATD Quart Monde et des organismes partenaires et soutiens de
cette édition. Son objet est de stimuler le débat et d'appeler commentaires et
critiques, dans une démarche d'éducation populaire.

6
« C'est parce qu'on se tait qu'on ne nous connaît pas. »
Une militante d'ATD Quart Monde en décembre 2018

« Si vous vous lavez et que vous vous rasez, vous trouverez un boulot. »
Kurt Beck, président du SPD, s'adressant à un chômeur, Wiesbadener Tagblatt, 13 dé‐
cembre 2006

« Une fausse nouvelle naît toujours de représentations collectives qui pré‐


existent à sa naissance. [...] Les imaginations sont déjà préparées et fermentent
sourdement. [...] On ne dira jamais assez à quel point l'émotion et la fatigue
détruisent le sens critique. »
Marc Bloch, Réflexions d'un historien sur les fausses nouvelles de la guerre, 1921

« Il est toujours payant de faire preuve de méfiance vis-à-vis des mots, de les
surveiller, et on ne sera jamais trop prudent dans ce domaine. »
Václav Havel

« Il existe un écart entre l'importance de questions sociétales et la volonté des


personnes de s'y intéresser{1}. »
Steven Sheperd, Aaron C. Kay

« Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde. »


Albert Camus, Poésie 44, Sur une philosophie de l'expression

« “Émulation” est le masque noble derrière lequel l'économie dite libérale dis‐
simule son vrai visage qui s'appelle “concurrence”. Cette concurrence accen‐
tue encore les inégalités de naissance. Justifiée peut-être en d'autres temps, le
progrès technique auquel elle a contribué l'a rendue désormais odieuse. À quoi
sert d'engendrer prétendument le bien-être si l'on perpétue l'injustice ? Il s'agit
d'abord que tous vivent. »
Gilbert Cesbron. Journal sans date, publié en 1963

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Sommaire

Préface

Avant-propos

Introduction

PREMIÈRE PARTIE – « Les pauvres sont cou‐


pables. » Idées fausses sur les pauvres
Sur la pauvreté en général
1. « La définition de la pauvreté est subjective. »
2. « Les pauvres creusent nos déficits. »
3. « Les pauvres ne veulent ni ne peuvent s'intégrer à la société. »
4. « Les pauvres sont tellement cassés par la misère qu'ils ne s'en sortent
pas. »
5. « Les pauvres sont violents. »
6. « La pauvreté est héréditaire. »

Sur l'emploi
7. « Les chômeurs ne veulent pas travailler. »
8. « Les chômeurs travaillent au noir. »

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9. « Certains chômeurs ne cherchent pas de travail. »
10. « Si l'on veut travailler, on trouve. »
11. « Les gens ne vont pas chercher le travail là où il est. »
12. « Les pauvres ne sont pas discriminés à l'embauche. »
13. « C'est parce que les gens ne sont pas formés qu'ils ne trouvent pas de
travail. »
14. « Certains gagnent plus au chômage qu'en travaillant. »
15. « On peut gagner plus en alternant périodes travaillées et non tra‐
vaillées, qu'en travaillant en continu à temps partiel. »
16. « Les gens préfèrent des emplois précaires pour être plus libres. »
17. « Les Neet ne veulent pas travailler. »
18. « Il y a 300 000 à 450 000 offres d'emploi non pourvues. »

Sur les minima sociaux


19. « Les pauvres font tout pour toucher des aides. »
20. « Les non-recours montrent que certains peuvent se passer des
aides. »
21. « Les pauvres ont des droits, mais ça va avec des devoirs. »
22. « On peut gagner plus avec le RSA qu'avec le Smic. »
23. « On ne vit pas si mal avec le RSA. »
24. « Certains bénéficiaires du RSA possèdent des biens. »

Sur le budget des familles


25. « Les pauvres ne savent pas gérer un budget. »
26. « Les pauvres ont des grands écrans et des smartphones. »
27. « Les pauvres ne paient pas de taxes et d'impôts. »
28. « C'est moins difficile d'être pauvre à la campagne. »

Sur la Sécurité sociale et la santé


29. « Les pauvres font des enfants pour toucher des aides. »
30. « Les pauvres sont des fraudeurs. »
31. « Les bénéficiaires de la CMU-C font des soins de confort. »
32. « Les pauvres consomment beaucoup d'alcool, de tabac et de
drogues. »
33. « Les pauvres ne savent pas se nourrir correctement. »
34. « Les pauvres gaspillent l'aide alimentaire. »

9
Sur l'enfance et l'éducation
35. « Les enfants pauvres sont maltraités par leurs parents. »
36. « Les pauvres sont incapables d'élever leurs enfants. »
37. « Les parents pauvres se désintéressent de l'école. »
38. « Les enfants pauvres sont moins aptes que les autres à l'école. »
39. « Les enfants d'immigrés sont plus en échec scolaire que les autres. »

Sur le logement
40. « Les pauvres ne paient pas leur loyer. »
41. « Ceux qu'on expulse sont des profiteurs. »

Sur la culture et les loisirs


42. « C'est leur culture qui enferme les pauvres dans la pauvreté. »
43. « Se loger et manger est plus important que la culture. »
44. « Les pauvres manquent de culture. »
45. « Les pauvres n'ont pas besoin de vacances. »

Sur la participation citoyenne et politique


46. « Les pauvres ne participent pas à la vie en société. »
47. « Les pauvres se désintéressent de la politique. »
48. « Les plus pauvres votent extrême droite. »

Sur l'environnement et le climat


49. « Les pauvres polluent. »
50. « Les pauvres ne sont pas spécialement touchés par le changement
climatique. »
51. « Les pauvres ne s'intéressent pas à l'écologie. »

Sur les immigrés et les réfugiés


52. « L'immigration augmente massivement en France. »
53. « Les immigrés font baisser les salaires et prennent des emplois aux
Français. »
54. « Les étrangers sont attirés par notre protection sociale. »
55. « Les demandeurs d'asile bénéficient de tous les droits. »
56. « Ce sont les étrangers les plus pauvres qui immigrent en France. »
57. « L'immigration coûte cher à la France. »
58. « L'aide médicale d'État coûte cher à la France. »

10
59. « Les réfugiés passent toujours avant les pauvres. »
60. « Des étrangers âgés perçoivent le minimum vieillesse en arrivant,
sans avoir jamais travaillé. »

Sur les Roms


61. « Les Roms ne veulent pas s'intégrer. »
62. « Les enfants roms font partie de bandes organisées. »
63. « Il faut évacuer les campements de Roms. »

Seconde partie – « C'est bien beau, mais on ne peut pas


faire autrement. » Idées fausses sur les solutions
Sur la pauvreté en général
64. « Avec la mondialisation, la hausse du chômage est inéluctable. »
65. « Vouloir éradiquer la misère est utopique. »
66. « Réduire les inégalités, c'est réduire la pauvreté. »
67. « Concentrons nos efforts sur ceux qui peuvent s'en sortir. »
68. « La mobilité sociale en France est aussi bonne qu'ailleurs. »
69. « La lutte contre la pauvreté bloquera toujours au niveau politique. »

Sur l'emploi et l'économie


70. « On n'a pas besoin d'avoir un travail rémunéré pour exister. »
71. « Il faut contrôler davantage les chômeurs. »
72. « Il vaut mieux un petit travail que pas de travail du tout. »
73. « De toute façon, la robotisation détruit l'emploi. »
74. « De toute façon, il y a un taux de chômage structurel. »
75. « On ne peut pas augmenter le Smic. »
76. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser le coût du tra‐
vail. »
77. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les cotisations
sociales. »
78. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut baisser les impôts
des entreprises. »
79. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut faciliter les licencie‐
ments. »
80. « C'est le secteur marchand qui crée des emplois. »
81. « Pour réduire la pauvreté, il faut de la croissance économique. »

11
82. « Les contrats aidés ne marchent pas. »
83. « L'État n'a plus les moyens de créer de l'emploi. »
84. « En France, on crée des emplois ! Où est le problème ? »
85. « S'il existait vraiment des nouveaux emplois à créer, le marché l'au‐
rait déjà fait. »
86. « Le taux de chômage est un bon indicateur de la santé d'un pays. »
87. « L'indemnisation du chômage coûte cher à l'État. »
88. « L'emploi précaire et le travail indépendant sont bons pour l'écono‐
mie. »
89. « La RTT est la solution au chômage de longue durée. »
90. « On travaille moins en France que dans les autres pays. »
91. « Le montant du Smic est trop élevé en France. »
92. « Augmenter le pouvoir d'achat ne sert qu'à augmenter les importa‐
tions. »

Sur la protection sociale


93. « Notre modèle de solidarité enferme les pauvres dans l'assistanat. »
94. « La France distribue des minima sociaux élevés. »
95. « Il faut obliger les bénéficiaires du RSA à faire du bénévolat ou à ac‐
cepter un emploi. »
96. « Il faut réduire les allocations chômage pour encourager les gens à
travailler. »
97. « Pour encourager les gens à travailler, il ne faut pas augmenter le
RSA. »
98. « Nous avons la protection sociale la plus coûteuse d'Europe. »
99. « La protection sociale creuse la dette publique. »
100. « Pour réduire la pauvreté, il faut réduire la dépense publique. »
101. « On ne doit pas laisser de dette à nos enfants. »
102. « Les prélèvements obligatoires sont très élevés à cause des dé‐
penses sociales. »
103. « Les citoyens paient trop d'impôts. »
104. « La lutte contre la pauvreté coûte cher aux classes moyennes. »
105. « Notre protection sociale est inefficace. »

Sur les mythes du marché roi


106. « Quand une société s'enrichit, ça profite aussi aux pauvres. »

12
107. « Les inégalités sont un mal nécessaire au fonctionnement de l'éco‐
nomie. »
108. « On doit sa réussite avant tout à soi-même. »
109. « Les lois du marché sont neutres. »
110. « La vraie vie, ce n'est pas l'assistance, c'est la réussite
des plus aptes. »
111. « Il ne sert à rien de victimiser les pauvres, ils doivent faire des ef‐
forts. »
112. « Le chômage est faible aux États-Unis, en Allemagne et au
Royaume-Uni. »
113. « La philanthropie privée doit prendre part aux politiques pu‐
bliques. »
114. « Les Français veulent moins d'État. »
115. « Chacun doit être protégé en proportion de ce qu'il a cotisé. »
116. « Il serait plus efficace de privatiser l'éducation, la santé, etc. »

Sur la santé et l'accès aux droits


117. « Avec la CMU, tout le monde a accès aux soins. »
118. « Il n'est pas si compliqué d'accéder à ses droits. »
119. « On ne peut garantir l'accès gratuit à tous les droits. »
120. « La justice est la même pour tous. »

Sur l'enfance et l'éducation


121. « Il vaut mieux placer les enfants pauvres. »
122. « Le rôle de l'école n'est pas de régler les inégalités sociales. »
123. « La mixité sociale nuit à la réussite scolaire. »
124. « Les élèves en difficulté doivent aller vers l'enseignement profes‐
sionnel le plus tôt possible. »
125. « Les enfants de chômeurs n'ont pas besoin d'aller à la crèche
ni à la cantine. »

Sur le logement
126. « Les HLM sont accessibles aux plus pauvres. »
127. « Il est difficile de construire plus de logement social. »
128. « On ne mettra jamais fin au sans-abrisme. »

Sur l'environnement et le climat

13
129. « Si les pauvres sortent de la pauvreté, c'est mauvais pour la pla‐
nète. »
130. « La taxe carbone appauvrit encore plus les plus bas revenus. »

Sur les réfugiés


131. « En accueillant les réfugiés en France, on provoque un appel
d'air. »

Glossaire

14
Préface

Par Cécile Duflot{2}

Les idées fausses, c'est ce qui mine l'intelligence. Ne pas se poser de


questions, se le tenir pour dit, une fois pour toutes, dans le confort trompeur
que produit le refus de réfléchir. Ce confort n'est pas seulement trompeur, il
est fade, il enlève de la vie à la vie. Ne pas regarder le monde tel qu'il est, se
limiter à son environnement immédiat, c'est se croire en paix sans l'être. Ce
qui nous rend assurément humains et vivants c'est l'absence de renonce‐
ment, c'est le goût de changer, c'est la curiosité. C'est ce qui a fait que notre
espèce humaine a défriché tant de terrains inconnus.
C'est avec la pauvreté que cette mise à distance organisée est sans doute
la plus commune. Refuser de regarder les pauvres et la pauvreté pour ce
qu'ils sont, c'est sans doute pour beaucoup une façon de se protéger du
risque de le devenir tout autant que de s'interroger sur sa responsabilité et sa
capacité à agir. Et c'est pour cela que le travail d'ATD Quart Monde est si
précieux. Parce qu'il ouvre les yeux, parce qu'il permet de ne plus simple‐
ment voir mais de comprendre.
C'est plus que jamais nécessaire car le monde ne va plus « comme il va ».
Poussée à bout par un système économique prédateur, notre planète vit deux
embrasements destructeurs : le dérèglement climatique et l'accroissement –
à des niveaux inouïs – des inégalités.

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Ces deux embrasements minent nos sociétés au Nord comme au Sud et
s'attisent l'un et l'autre. Le dérèglement du climat est violent et brutal avec
ceux qui en sont le moins responsables : à l'échelle mondiale, ce sont les
10 % les plus riches qui émettent 50 % des émissions de gaz à effets de
serre et ce sont les plus pauvres, les populations vivant au Sahel ou en Asie
du Sud-Est, qui en subissent déjà les conséquences.
Cette injustice géographique se double d'une injustice générationnelle :
ce sont les jeunes d'aujourd'hui, les enfants et les générations futures qui vi‐
vront les conséquences d'une dégradation de l'environnement dont ils ne
sont pas responsables. À l'inverse, ceux qui ont créé, favorisé, aggravé cette
situation – et qui continuent même encore aujourd'hui alors que les scienti‐
fiques ont plus que largement et précisément documenté la situation –, n'en
subiront pas les effets.
Les injustices sont aussi sous nos yeux. En France, les 10 % les plus
pauvres paient, proportionnellement à leurs revenus, 2,7 fois plus de taxe
carbone que les 10 % les plus riches alors que ces derniers polluent 3 fois
plus que les ménages les plus pauvres.
Les faits sont têtus et les chiffres sont édifiants. Pour éviter de regarder
cette réalité, rien de mieux que le mépris qui tient à distance. Et c'est ce qui
fait que l'on a trop souvent entendu des petites phrases qui renvoient les
pauvres à leur responsabilité et la pauvreté à une fatalité. C'est aussi pour
cela qu'on leur dénie le droit à la parole, qu'on s'exprime à leur place, que
l'on considère que l'existence de « dispositifs », de « minima sociaux » vaut
fin de non-recevoir. La solidarité minimale étant assurée, circulez, le pro‐
blème est réglé.
Mais c'est une faute d'humanité que de considérer la pauvreté comme une
fatalité. Une faute et une erreur. Accepter la fragmentation de nos sociétés,
refuser le chemin vers l'égalité qui doit être permanent, c'est refuser de faire
société. Et c'est pour cela que derrière les chiffres, qui naît du refus de la
misère, du refus de la fatalité, du refus de la pauvreté comme destin, de l'ab‐
sence de considération ou d'attention. Ces derniers temps, ces valeurs que
l'on pourrait penser être le socle de nos sociétés modernes, nourries des Lu‐
mières, du combat pour les droits humains, de celui de l'émancipation des
femmes et de la reconnaissance du droit à vivre une enfance, sont pourtant
attaquées.
C'est pourquoi il faut continuer le combat avec d'autant plus de vigilance.
Refuser de céder un pouce de terrain à ceux qui déguisent la réalité. Mettre

16
chiffres, données, faits et réalités sur la table. Avec force, sans mollir, pour
redonner visibilité et dignité aux plus pauvres. C'est la mission que mène
ATD Quart Monde depuis plus de 60 ans. Nous sommes nombreux à parta‐
ger ce combat pour une société plus juste. Pas seulement avec notre raison
mais avec tout notre cœur. Construire un monde plus juste et plus solidaire
c'est ce qui nous rend chaque jour plus humain, qui donne du sens à nos
vies, qui fait vibrer ce fil invisible qui nous relie.
Nous sommes quelques milliards d'êtres humains sur une petite planète
que nous avons en partage. Mettre en péril notre capacité à y vivre tout au‐
tant que creuser les inégalités minent donc profondément notre humanité.
Ce n'est pourtant pas une fatalité : en relevant la tête et en retroussant nos
manches, nous pouvons, ensemble, changer le cours de notre destin collec‐
tif. L'action d'ATD Quart Monde et la lecture de cet ouvrage y participent.

17
Avant-propos

par Élodie Espejo-Lucas{3}

Pour moi, être militante Quart Monde, c'est connaître ou avoir connu la
pauvreté et pouvoir en parler. Par exemple, savoir concrètement ce que ça
fait de voir sa mère se priver de manger pour ses enfants.
Je pense que la vie qu'on a aujourd'hui est plus dure qu'avant, même pour
ceux qui ne sont pas les plus précaires.
Notre vie est une bagarre. On est obligé de compter tous les jours le
moindre sou.
Les gens sont de plus en plus dans l'entre-soi. Les pauvres sont de plus en
plus pauvres et les riches de plus en plus riches.
C'est souvent compliqué pour une personne de milieu populaire de de‐
mander de l'aide, de laisser une personne extérieure entrer chez soi, parce
qu'on a peur d'être jugé. C'est quand on n'en peut vraiment plus qu'on
s'oblige à demander.
Lorsqu'on est accompagné par une association comme ATD Quart
Monde, on est entendu. Mais en dehors de cela, on ne l'est pas.
Quand des responsables sont venus dans notre quartier, ils ne sont allés
que dans la partie la plus rénovée, pas dans les logements plus dégradés. Ils
n'ont pas vu le vrai côté des choses.
J'entends souvent dire que « les pauvres profitent du système ». En réali‐
té, c'est le contraire, je vois autour de nous des gens qui ne demandent pas

18
leurs droits.
Mon père a quitté la maison quand j'étais petite. J'entendais souvent cer‐
taines personnes dire : « Ta mère ne veut pas travailler. » Ça fait mal d'en‐
tendre cela quand on est enfant. En grandissant, j'ai compris que c'était son
handicap qui empêchait ma mère de travailler. Ça fait mal aussi aux parents
de ne pas avoir un travail qui rende fiers leurs enfants.
Même nous, militants d'ATD Quart Monde, on a parfois des idées fausses
sur certains sujets, on peut penser que certains profitent du système. Il y a
des fraudeurs, c'est vrai, mais pas plus chez les pauvres que chez les autres.
Et on ne connaît jamais complètement la vie des autres.
Il faut se battre pour tous, pas pour certains seulement. Il faut mieux se
connaître entre nous.
Pour lutter contre ces préjugés, on doit créer un dialogue entre les gens.
Si l'on ne se parle pas, on peut très vite entrer dans les préjugés.
Je souhaite que les responsables politiques et toute la société changent de
regard grâce à ce livre et se mobilisent pour éradiquer la pauvreté.

19
Introduction

par Paul Maréchal{4}

Les préjugés et les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté ont la peau
dure.
Comme les crocodiles.
Mais les crocodiles sont beaucoup moins dangereux.
L'édition 2020 d'En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pau‐
vreté relève le défi d'analyser 131 représentations et affirmations fréquentes
sur la pauvreté et les moyens d'en venir à bout, entendues dans la vie quoti‐
dienne, véhiculées parfois par les médias, reprises dans certains discours de
personnes publiques ou dans des petites phrases lancées à la volée par des
représentants politiques. Finalement, elles sont diffusées chaque jour dans
tous les lieux et tous les milieux sans être ni vérifiées, ni analysées, ni criti‐
quées ; ou trop peu.
Ces idées fausses ont la peau dure. Elles ont la peau dure car il est sou‐
vent plus facile et rassurant de mettre les gens dans des cases plutôt que de
vérifier nos opinions ou intuitions ou encore de chercher ailleurs les respon‐
sabilités de la grande pauvreté. Elles sont aussi relayées par méconnais‐
sance et ignorance, tout simplement.
Elles touchent tous les domaines : la définition de la pauvreté, l'emploi,
l'économie, les minimas sociaux, le budget des familles, la Sécurité sociale
et la santé, l'enfance et l'éducation, le logement, la culture et les loisirs, la

20
participation citoyenne et politique, l'environnement et le climat, les per‐
sonnes immigrées, les Roms...
Parmi les thèmes qu'abordent ce livre, celui de l'emploi et des minimas
sociaux est particulièrement frappant : « les chômeurs ne veulent pas tra‐
vailler », « si on veut travailler, on trouve », « certains gagnent plus au chô‐
mage qu'en travaillant », « on peut gagner plus avec le RSA qu'avec le
Smic »... L'emploi est une préoccupation majeure de notre société au‐
jourd'hui, et le taux de chômage que nous connaissons en France la rend
particulièrement sensible, « à vif » pourrait-on dire. Pourtant, une première
évaluation de l'expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée
montre que 98 % des personnes privées d'emploi rencontrées sont intéres‐
sées par un emploi en CDI au Smic, utile au territoire ; et que dans tous les
cas de configuration familiale, on gagne plus avec le Smic qu'au RSA...
Certains sujets, comme celui des personnes migrantes ou de l'écologie, ali‐
mentent aussi beaucoup le débat public, et le quotidien des conversations.
Les représentations et idées fausses sont monnaie courante. Elles ont la
peau dure et il est finalement un devoir de nous informer. Connaître, com‐
prendre, confronter nos opinions aux réalités des études, des enquêtes, des
chiffres mais aussi aux réalités de la vie des personnes est une urgence ma‐
jeure, absolue{5}. C'est pourquoi ce livre nous paraît aujourd'hui si précieux.
Les idées fausses sont aussi dangereuses.
Elles sont dangereuses pour la cohésion sociale de notre pays. En simpli‐
fiant les problématiques, en rejetant parfois la responsabilité des problèmes
sur les personnes elles-mêmes, ou même en désignant, dans certains cas, un
bouc émissaire, elles détruisent la qualité de notre tissu social, des liens qui
peuvent unir des personnes de différents milieux. Elles sont, en somme, une
menace à notre démocratie.
Elles détruisent aussi les personnes très pauvres elles-mêmes. Elles
culpabilisent, enfoncent, sapent l'estime de soi et la confiance, et finissent
par enfermer les personnes les plus pauvres dans la culpabilité, annihilant
leur capacité de se reconnaître comme victimes, mais surtout résistantes, ac‐
trices de leur vie et de la société. Elles les privent de leur pouvoir d'agir. Le
regard et la parole ne sont pas neutres, ils sont agissants sur les personnes et
les situations. C'est une réalité bien connue dans le domaine de l'enseigne‐
ment par exemple où le regard du professeur peut avoir un impact sur les
résultats de l'élèves (ce que l'on appelle l'« effet Pygmalion »), mais c'est
vrai à tous les niveaux, comme le disent par exemple certains des jeunes

21
ayant participé à la consultation relative à l'élaboration de la stratégie pau‐
vreté en 2018 : « Nous sommes moins pris en considération [...]. Parfois, on
nous croit pas. Et ça psychologiquement c'est très dur. On a besoin de beau‐
coup plus d'humanité. »
Les idées fausses sont aussi particulièrement dangereuses car elles nous
empêchent de chercher les bonnes solutions. Quand le signal GPS nous en‐
voie une information erronée, on finit au milieu des champs ou dans des
zones de travaux improbables... Et quand on fait le mauvais constat, on se
prive des ressources nécessaires à une réponse adaptée. C'est un peu,
comme le propose le proverbe chinois, chercher à tout prix à donner du
poisson ou apprendre à pêcher à un homme... sans avoir compris qu'il y est
allergique ou que, la rivière étant polluée, il ne pourra ni ne voudra jamais
donner ces poissons contaminés à ses enfants. Si l'on analyse mal la réalité
de la situation, comment peut-on chercher des solutions pertinentes ?
Ce livre est donc d'autant plus précieux que, dans sa seconde partie, il
examine les idées fausses qui circulent concernant les solutions à la grande
pauvreté et l'exclusion, là encore dans tous les domaines. Nous mesurons à
quel point elles paralysent la créativité et la réflexion sur la manière de s'at‐
taquer aux causes de l'extrême pauvreté et d'en venir à bout. Là encore,
l'exemple du travail et de l'emploi est très éclairant. Comme le rappel le
projet « Territoire zéro chômeur de longue durée », ce n'est pas le travail ni
l'argent qui manquent, et nul n'est inemployable. Mais pour oser l'imaginer,
l'expérimenter et relever le défi, il a fallu, et il faut encore, affronter
quelques préjugés tenaces : « de toute façon, il y a un taux de chômage
structurel », « l'État n'a plus les moyens de créer de l'emploi », « s'il existait
vraiment des nouveaux emplois à créer, le marché l'aurait déjà fait »...
Et cela touche aussi bien les domaines de l'enfance (« il vaut mieux pla‐
cer les enfants pauvres », « la mixité sociale nuit à la réussite scolaire »), du
logement (« il est difficile de construire plus de logement social »), de l'éco‐
logie et du climat, que de l'accueil de personnes migrantes en France. Au‐
tant de sujets qui peuvent cliver notre société et qui, s'ils sont laissés au
stade des opinions, idées reçues et préjugés, ne trouveront pas de solutions.
Les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté ont la peau dure, comme
celles des crocodiles. Et elles sont effectivement particulièrement dange‐
reuses. Elles méritent toute notre attention, notre investissement et, de fait,
notre engagement. Nous vous souhaitons bonne lecture.

22
PREMIÈRE PARTIE

« Les pauvres sont coupables. »


Idées fausses sur les pauvres

23
Paul Dumouchel, professeur à la Haute École d'éthique à l'université de
Ritsumeikan, au Japon, écrit que « le peu de visibilité sociale de l'extrême
pauvreté entraîne une indifférence et une insouciance à son égard, qui se
traduisent par la conviction commune que cela n'existe pas, par exemple en
France ou au Japon ou au Canada. Cette indifférence et cette incrédulité à
l'égard de l'extrême pauvreté font partie de la violence de la pauvreté parce
qu'elles condamnent ceux qui en sont touchés à y rester. La vérité est que
l'extrême pauvreté n'est pas considérée comme un problème social, comme
une question politique et sociale qui devrait être débattue sur la place pu‐
blique car elle concerne tout le monde, mais comme un problème qui
concerne uniquement ceux qui en sont victimes{6}. »
La première partie de cet ouvrage s'attaque aux principaux préjugés qui,
en France comme ailleurs, visent les personnes en situation de pauvreté,
nombreuses, mais pourtant invisibles et donc présumées coupables, selon
l'adage « les absents ont toujours tort »{7}.

24
Sur la pauvreté en général

1. « La définition de la pauvreté est subjective. »


→ Pas si simple. La grande pauvreté est une situation de rup-
tures profondes qui n'a rien de relatif ni d'artificiel.

La pauvreté n'est pas qu'une notion relative. Un millionnaire ne sera ja‐


mais pauvre dans un pays de milliardaires. Il existe bien un moment où, à
force de cumuler des précarités dans plusieurs domaines, une personne
se trouve dans une situation de rupture et d'exclusion qui la prive d'une
existence sociale et de ses droits fondamentaux. C'est ainsi que l'économiste
Amartya Sen a défini, dans les années 1980, la pauvreté comme un déficit
de « capabilités » ou « capacités » de base{8} permettant d'atteindre certains
niveaux de minimums acceptables, variables d'une société à une autre : être
bien nourri et logé, prendre part à la vie de la communauté, pouvoir se mon‐
trer en public sans honte, etc.
En 1987, Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde, a donné une
définition similaire de la grande pauvreté : « La précarité est l'absence d'une
ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux per‐
sonnes et familles d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales et
sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L'insécurité qui en résulte
peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins
graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte

25
plusieurs domaines de l'existence, qu'elle devient persistante, qu'elle com‐
promet les chances de réassumer des responsabilités et de reconquérir ses
droits par soi-même, dans un avenir prévisible{9}. »
Cependant, alors que Sen et Wresinski insistent sur le caractère multidi‐
mensionnel de la pauvreté{10}, les mesures officielles se basent, en France
comme dans les autres pays, sur des indicateurs quantitatifs de la pauvreté
centrés sur l'aspect monétaire : les revenus, l'accès à un panier de biens ou
les « conditions de vie ». Dans la suite de cet ouvrage, nous utiliserons mal‐
gré tout ce type d'indicateurs, car ils sont actuellement les seuls disponibles.
• La pauvreté monétaire
Pour les Nations unies et l'Union européenne, une famille est « pauvre »
si son revenu se situe sous un seuil de pauvreté défini à 60 % du revenu mé‐
dian{11} : 1 026 € mensuels pour une personne seule en France en 2016, et
2 155 € pour un couple avec deux enfants de moins de 14 ans.
En France, l'Insee dénombrait en 2016 :
– 8 783 000 personnes en situation de pauvreté (au seuil de 60 %), soit
14 % de la population ;
– 4 997 000 personnes en grande pauvreté (seuil de 50 % du revenu mé‐
dian), soit 8 % de la population.
Mais ces taux de pauvreté monétaire ne disent rien du poids croissant des
dépenses contraintes dans le budget des ménages défavorisés (idée fausse
23). Et ces taux peuvent baisser « artificiellement » si le revenu médian
baisse, comme cela a été le cas en 2003, 2004, 2010, 2011, 2012 et 2013
(mais un taux qui baisse ne signifie pas forcément un nombre de personnes
sous le seuil de pauvreté qui baisse, car la population française croît chaque
année).
Aux États-Unis et au Canada, la pauvreté n'est pas seulement définie de
façon relative, mais aussi de façon absolue, en comptant le nombre de per‐
sonnes qui ne peuvent pas s'offrir un « panier » de biens et services de base.
Cette approche a ses avantages et ses inconvénients : il est difficile de défi‐
nir ce panier et de déterminer comment le faire évoluer au fil des années. En
France, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale
(ONPES) a défini en 2014 un tel panier en associant des personnes confron‐
tées à la pauvreté{12} : le « budget de référence » minimum serait ainsi de
1 424 € par mois pour une personne seule locataire en HLM.
Signalons l'existence d'un autre indicateur monétaire suivi par l'Insee :
l'intensité de la pauvreté, qui mesure le revenu moyen des personnes en si‐

26
tuation de pauvreté (il s'agit plus précisément de l'écart entre le seuil de
pauvreté et le revenu médian des personnes vivant sous ce seuil). L'intensité
de la pauvreté (à 60 % du revenu médian) était de 18 % en 2004 et de
19,6 % en 2015 (et de 16,6 % pour le taux de pauvreté à 50 % du revenu
médian et de 20,2 % pour le taux à 40 %){13}.
Il y a aussi le taux de « persistance dans la pauvreté », qui mesure la part
des personnes pauvres une année donnée, qui l'étaient déjà au moins deux
années sur les trois précédentes (qui l'ont donc été trois années sur quatre,
en comptant la dernière). Ce taux augmente globalement au fil des années.
• La « pauvreté en conditions de vie »
Chaque année, l'Insee mesure également la « pauvreté en conditions de
vie » en comptant le nombre de personnes qui cumulent des difficultés dans
quatre domaines : consommation, insuffisance de ressources, retards de
paiement, difficultés de logement.
En 2017, en France, le taux de pauvreté en conditions de vie était de
11 %. Bizarrement, il baisse d'année en année. Il est l'objet de différentes
critiques{14}.
Au niveau international, l'université d'Oxford a conçu en 2010 un taux de
pauvreté mesurant dix dimensions (nutrition, mortalité infantile, années
d'étude, scolarisation effective, énergie domestique, sanitaires, eau potable,
électricité, logement, autres éléments) regroupées sous trois thématiques
principales : la santé, l'éducation et les besoins du quotidien{15}.
• Les dimensions cachées de la pauvreté
On voit les limites de ces différents taux de pauvreté qui ne mesurent que
ce qui est visible et quantifiable, mais pas ce qui fait le fond de l'exclusion
sociale : le sentiment d'isolement, d'assujettissement à autrui, la maltrai‐
tance institutionnelle, la dureté des relations au travail, la stigmatisation, les
discriminations, la non-participation, l'incertitude constante quant à l'avenir,
etc. ATD Quart Monde et l'université d'Oxford ont lancé en 2016 un travail
international qui, pour la première fois, a associé en profondeur des per‐
sonnes en grande précarité afin d'identifier ces dimensions de la pauvreté
cachées, mais cruciales{16}. C'est aussi en s'attaquant à ces dimensions ca‐
chées que l'on parviendra à mieux agir contre la pauvreté.

27
Source : Les dimensions cachées de la pauvreté, recherche participative interna-
tionale, ATD Quart Monde/Université d'Oxford, 2019.

2. « Les pauvres creusent nos déficits. »


→ Vrai. La misère coûte cher humainement, moralement et fi-
nancièrement. La supprimer profiterait à tout le monde.

Ce ne sont pas les pauvres qui coûtent à la société, mais la pauvreté. Si


elle cesse, les personnes qui y sont confrontées peuvent devenir des acteurs
économiques et sociaux au même titre que les autres.
La pauvreté occasionne des coûts directs – prestations sociales, pro‐
grammes de lutte contre la pauvreté, etc. – et indirects – manques à gagner
sur la consommation et les recettes fiscales, conséquences de la mauvaise
santé, de l'échec scolaire, etc. Mais les personnes en précarité ne font pas
que coûter à la société : elles lui « rapportent » aussi un peu, à travers les
emplois précaires qu'elles acceptent, leur consommation, les cotisations so‐
ciales et les taxes qu'elles paient (idée fausse 27), les taux usuraires des cré‐
dits qu'elles souscrivent, etc.
La recherche économique commence à analyser comment la pauvreté,
comme les inégalités (idée fausse 107), handicape la croissance écono‐

28
mique d'un pays, essentiellement en amputant le capital humain et les com‐
pétences de ses habitants{17}.
ATD Quart Monde a estimé le coût du chômage de longue durée (supé‐
rieur à un an) entre 43 et 50 milliards d'euros, soit entre 16 000 € et
19 000 € par demandeur d'emploi non indemnisé par l'assurance-chô‐
mage{18}. Une première estimation faite sur les Territoires zéro chômeur de
longue durée{19} montre que lorsqu'une personne au chômage de longue du‐
rée retrouve un CDI à plein-temps au Smic cela procure un gain pour les fi‐
nances publiques d'environ 13 000 € par an et un gain pour l'économie lo‐
cale d'environ 10 000 € par an.
Dans la région de Leeds au Royaume-Uni, on a calculé que chaque chô‐
meur retrouvant un emploi au salaire minimum procurerait un gain aux fi‐
nances publiques de 6 280 ¯ par an – soit environ 6 911 € au cours
d'août 2019 – et un gain annuel pour l'économie locale de 14 643 ¯ par
an{20} – environ 16 115 € .
Au Royaume-Uni toujours, une estimation{21} évalue le coût annuel de la
pauvreté à 78 milliards de livres, soit 4 % du PIB (environ 85 milliards
d'euros), et à 20 % la part des dépenses publiques liée aux conséquences de
la pauvreté. Au Québec, ce coût a été estimé entre 15,7 et 17 milliards de
dollars pour l'année 2008{22}. Aux États-Unis, le coût de la pauvreté des en‐
fants est estimé à plus de 1 000 milliards de dollars, soit 5,4 % du PIB et un
dollar dépensé à réduire cette pauvreté en économiserait sept{23}.
En France, le groupe de travail « Accès aux droits, aux biens essentiels et
aux minima sociaux » de la Conférence nationale sur la pauvreté et l'inclu‐
sion sociale de décembre 2012 à Paris a estimé que 15 milliards d'euros per‐
mettraient, sous forme de salaires et de prestations sociales, de faire passer
au-dessus du seuil de pauvreté les plus de 8 millions de personnes qui, à
l'époque, se trouvaient en dessous, et de supprimer ainsi la pauvreté moné‐
taire en France. Cela ferait économiser à la société une bonne partie du coût
de la lutte contre la pauvreté (idée fausse 104).
Au Canada, on estime que supprimer l'échec scolaire lié à la pauvreté fe‐
rait gagner au pays entre 4,1 et 5,9 milliards de dollars chaque année{24}.
Autre exemple : l'État de l'Utah aux USA comptait en 2005 environ
2 000 sans-abri lorsqu'il a lancé un plan de dix ans pour reloger toute per‐
sonne à la rue. En 2015, le nombre de sans-abri avait chuté de 91 %, faisant
économiser à l'État environ 8 000 $ par an et par personne{25}. La vie a

29
changé pour des centaines de personnes... tout cela en pleine crise écono‐
mique !

3. « Les pauvres ne veulent ni ne peuvent s'intégrer à la


société. »
→ Faux. S'exclure de la société est rarement un choix délibéré.

Il n'existe pas de « culture de la pauvreté » qui empêcherait les personnes


en précarité de s'intégrer à la société (idée fausse 42). Ce sont plutôt les
moyens qui leur manquent pour y prendre part comme elles le souhaite‐
raient. En effet, les personnes confrontées à la pauvreté rencontrent dans la
vie plus d'obstacles que les autres (idée fausse 111). Mais lorsque ces obs‐
tacles sont levés, elles peuvent retrouver leur place au même titre que tout
le monde (idée fausse 4).

4. « Les pauvres sont tellement cassés par la misère


qu'ils ne s'en sortent pas. »
→ Faux. La pauvreté détruit une partie des capacités des per-
sonnes, mais ces capacités peuvent renaître si la pauvreté
cesse.

« La misère paralyse les facultés intellectuelles de l'homme, elle rétrécit


sa vision sur la société », analysait déjà Joseph Wresinski en 1985{26}.
Lorsque l'on vit dans la précarité ou la pauvreté, on souffre de ne plus avoir
prise sur sa vie et celle de ses proches{27}, on doit constamment faire face à
l'urgence et à des situations d'injustice et de mépris destructrices pour l'es‐
time de soi. Les mauvaises conditions matérielles, l'isolement social, le sen‐
timent d'impuissance dégradent la santé des personnes{28}.
Les travaux d'Esther Duflo et Abhijit Banerjee{29} et d'autres chercheurs
confirment que les personnes en situation de pauvreté ont leur intelligence
tellement accaparée par la survie quotidienne qu'elles deviennent perfor‐

30
mantes pour faire face à cette urgence permanente, mais que leurs moyens
cognitifs s'en trouvent atteints pour réussir d'autres tâches et qu'elles
adoptent plus souvent que d'autres des comportements renforçant leurs dif‐
ficultés{30}. Vivre dans la précarité et la pauvreté serait comme être privé de
sommeil. Ce n'est pas que les personnes souhaitent rester pauvres (idée
fausse 42), c'est que, même avec la volonté d'en sortir, leurs capacités sont
amputées – en plus du fait qu'elles sont victimes de discriminations (idée
fausse 12).
La perte de capacités est plus liée à la situation qu'aux personnes. Ces tra‐
vaux indiquent en effet que, lorsque celles-ci déchargent leur esprit de l'ob‐
session de la survie quotidienne, cela leur permet de « sortir du tunnel » et
de libérer des ressources qu'elles peuvent consacrer à d'autres tâches (idée
fausse 93). Les scientifiques expliquent qu'un environnement sécurisant
permet au cerveau de produire de la dopamine, de la sérotonime et de
l'adrénaline, substances qui renforcent nos capacités.
C'est ainsi que l'on voit, sur les Territoires zéro chômeur de longue durée,
des personnes privées d'emploi depuis plusieurs années prendre, une fois re‐
trouvé un CDI, une part active au développement d'une entreprise{31}. Autre
exemple : dans une évaluation des « Maisons des Familles »{32}, les Appren‐
tis d'Auteuil indiquent que « des processus de réassurance, de redynamisa‐
tion, de restauration de la confiance en soi et de sa capacité d'agir sont ob‐
servables dans les parcours d'un certain nombre de parents{33}. » Mais il faut
aussi du temps pour que les personnes reprennent confiance en elles-mêmes
et dans les autres, d'autant que les difficultés à résoudre sont parfois mul‐
tiples.

5. « Les pauvres sont violents. »


→ Faux. Ils sont davantage victimes qu'auteurs de violences.

L'étude « La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix »


menée en 2010-2011 par ATD Quart Monde et la recherche participative in‐
ternationale « Les dimensions cachées de la pauvreté » ont mis en évidence
que les personnes en situation de pauvreté dans les différents pays étaient
plus victimes qu'auteurs de violences : « Aucun autre groupe de personnes
n'est soumis à autant de violence, autant de châtiment, autant de ségréga‐

31
tion, autant de contrôle et autant de mépris que les personnes qui vivent
dans la pauvreté{34}. » Celles-ci ne sont pas violentes de nature. Ce sont les
inégalités, les injustices et la pauvreté qui constituent une violence inhu‐
maine et attaquent les capacités des hommes, des femmes et des enfants, y
compris celles de communiquer les uns avec les autres (idée fausse 4). Mais
cette violence est le plus souvent ignorée par la société, qui voit surtout
celle commise par les personnes{35}. La violence subie est même parfois vue
comme une punition ou une fatalité par ceux qui l'endurent ; elle réduit ses
victimes au silence et à l'exclusion.
Richard Wilkinson et Kate Pickett expliquent{36} que plus les inégalités
sont fortes dans une société, plus elles génèrent chez les personnes les plus
démunies une violence physique qui est presque toujours une réaction à l'ir‐
respect, à l'humiliation et à la honte{37}. Mais cet enchaînement n'est pas une
fatalité. Aux États-Unis, le sociologue Robert J. Sampson a montré que la
violence est plus faible dans les quartiers où la cohésion sociale et la
confiance sont fortes entre les habitants, qu'ils soient riches ou pauvres{38}.
En France et dans d'autres pays, on peut citer de nombreuses expériences de
vie partagée dans des quartiers défavorisés, mises en œuvre par des habi‐
tants, des associations, etc. On observe que ce sont les personnes en précari‐
té qui hébergent le plus des personnes encore plus mal logées qu'elles, parce
qu'elles connaissent la violence de la vie à la rue. En 2019, selon la Fonda‐
tion Abbé Pierre, environ 643 000 personnes sont en hébergement contraint
chez des tiers.
Les équipes d'ATD Quart Monde sont témoins quotidiennement de la
force de ces liens dans des quartiers déshérités du monde entier. Ils ont per‐
mis de sauver des vies pendant l'ouragan Katrina à La Nouvelle Orléans
(2005), le séisme en Haïti (2010), le typhon Haiyan aux Philippines (2013)
ou encore lors des violences en Centrafrique (2013-2016){39}.

6. « La pauvreté est héréditaire. »


→ Oui et non. Elle pourrait être héréditaire... si on ne la stoppe
pas.

« Nous voulons que nos enfants s'en sortent mieux que nous », disent les
parents confrontés à la précarité et à la pauvreté. Mais la dureté des condi‐

32
tions de vie atteint leur corps et leurs capacités. Est-ce de façon définitive ?
Cela se transmet-il à la génération suivante, qui le transmet à la suivante,
etc., ou bien le compteur peut-il à un moment repartir à zéro ?
La pauvreté n'est pas irréversible (idée fausse 4) : quand elle disparaît, la
personne peut le plus souvent retrouver ses capacités. Toute généralisation
est bien sûr impossible, car beaucoup de choses dépendent de la durée et de
l'intensité de la pauvreté vécue par la personne, de ses capacités de résis‐
tance, du soutien qu'elle trouve autour d'elle, etc.
Les conséquences sur les enfants et petits-enfants de la situation de pré‐
carité supportée par les parents sont réelles{40}, mais les neurosciences qui
étudient le système nerveux et l'épigénétique qui étudie comment l'environ‐
nement influence nos gènes comprennent encore mal comment les transmis‐
sions s'opèrent. Ces conséquences seraient liées au stress imposé aux pa‐
rents, au manque d'accès à une nourriture, une santé et un environnement
sains, etc. Elles ne seraient pas définitives puisqu'une amélioration des
conditions de vie de la famille permettrait aux enfants de regagner en partie
leurs capacités. Ces constats incitent à développer des politiques efficaces
contre la pauvreté et les discriminations{41}.
La qualité des relations que les enfants et adultes en précarité tissent avec
leurs proches, leurs amis et leurs communautés est plus déterminante pour
leur permettre d'être heureux que leur origine sociale ou leur quotient intel‐
lectuel{42}.

33
Sur l'emploi

7. « Les chômeurs ne veulent pas travailler. »


→ Faux. Le plus grand nombre souhaite trouver par un travail
décent une utilité et une place dans la société.

Fin décembre 2015 en France, 14 % des bénéficiaires de minima sociaux


sont salariés (17 % si l'on intègre les travailleurs indépendants) et en 2016,
29,6 % du revenu disponible des 10 % les plus défavorisés sont des revenus
d'activité, salariés ou indépendants{43}. En Europe, un quart à un tiers des
personnes en âge de travailler qui vivent dans la pauvreté ont un emploi{44}.
Ce sont des « travailleurs pauvres » qui occupent des emplois précaires et
leur nombre croît d'année en année.
« Il faut rappeler, précise l'économiste Bruno Coquet{45}, qu'environ un
million de chômeurs acceptent un emploi chaque mois, bien que souvent cet
emploi ne soit pas celui espéré, qu'il dure seulement quelques heures, ou
quelques jours, en activité réduite. Dans la conjoncture actuelle, peu d'em‐
plois sont disponibles. »
Une première évaluation des Territoires zéro chômeur de longue durée
montre que 98 % des personnes privées d'emploi rencontrées sont intéres‐
sées par un emploi en CDI au Smic, utile au territoire{46}.
L'enquête « L'influence des incitations financières sur le retour à l'emploi
des bénéficiaires de minima sociaux » de la Direction générale du Trésor en

34
2009 montre que la valeur accordée au travail, l'espoir placé en des gains
ultérieurs et la volonté d'assurer le meilleur avenir possible à leur famille
conduisent la plupart des bénéficiaires à accepter la reprise d'un emploi,
même sans gain financier immédiat{47}.
Une étude de 2002 explique qu'un tiers des bénéficiaires du RMI ont re‐
pris un emploi pour un gain inférieur à 76 € par mois{48} : « Ils en retirent
pour la plupart un mieux-être, lié à un sentiment d'autonomisation et d'utili‐
té sociale. Pour partie, ils espèrent aussi pouvoir de cette manière accéder à
de meilleurs emplois, ce qui reste difficile. Le danger, pour les allocataires
du RMI, est donc moins la trappe à chômage que la trappe à pauvreté, parce
qu'ils occupent pour la plupart de “mauvais emplois” et restent très souvent
confinés dans un secteur secondaire, sans transition ou presque vers un sec‐
teur primaire composé des “bons emplois”. »
Dire que les personnes en grande précarité ne veulent pas travailler per‐
met surtout aux responsables politiques et économiques de renforcer le
contrôle des personnes sans emploi, de maintenir à un faible niveau le mon‐
tant des prestations sociales, et leur évite de s'interroger sur de réels moyens
à investir dans la création d'emplois.

8. « Les chômeurs travaillent au noir. »


→ Pas si simple. Le volume moyen de travail au noir semble
plus important pour un actif ou un retraité que pour une per-
sonne au chômage.

Les études sur le travail au noir concernent plus souvent le travail non dé‐
claré à l'initiative des entreprises que le travail au noir individuel, à l'initia‐
tive des personnes – même s'il est parfois difficile de les distinguer. Dans le
premier cas, il est évident qu'il existe un lien fort entre le travail non déclaré
et la situation de chômage, car les entreprises vont plutôt employer au noir
des personnes au chômage que des étudiants, des retraités ou des salariés en
activité. En revanche, pour ce qui est du travail au noir à l'initiative des per‐
sonnes elles-mêmes – d'un volume beaucoup moins important que le pre‐
mier –, une étude européenne montre que celui des personnes au chômage
est plus important que pour d'autres catégories de personnes, mais seule‐
ment dans certains secteurs d'activité. Elle montre également que le volume

35
moyen de travail au noir pour une personne au chômage est moins impor‐
tant que pour les personnes en activité (cette étude présente des données eu‐
ropéennes et non françaises et elle repose sur du déclaratif anonyme et non
sur des volumes de travail au noir réels, détectés suite à des contrôles).
En moyenne en Europe, les personnes sans emploi travaillent moins au
noir que les ouvriers et les retraités dans le secteur bâtiment/réparation,
moins que les employés de ménage dans le secteur du nettoyage, beaucoup
moins que les étudiants dans le baby-sitting, moins que les retraités dans le
jardinage, moins que les retraités et les salariés dans la vente non déclarée
d'objets{49}. Selon cette étude, le travail au noir rapporte par an, en moyenne
en Europe, 250 € à chaque personne sans emploi, 300 € à chaque travailleur
indépendant, 317 à chaque cadre, 460 à chaque ouvrier, 263 € pour le per‐
sonnel domestique, 465 € à chaque retraité, et 230 € à chaque étudiant. Ces
montants déclaratifs sont en partie sous-estimés, mais ils constituent un
ordre de grandeur.
On observe aussi que le travail au noir est « dans la plupart des cas un
choix par défaut, faute de disposer d'autres solutions. Le travail informel vu
comme une véritable alternative à l'emploi formel représente une situation
relativement rare, voire exceptionnelle. Il apparaît simplement moins inac‐
cessible et est parfois incité par les entourages. Les activités ainsi entre‐
prises sont bien souvent des expédients fragiles dont la viabilité est réduite
car encapsulés dans des cercles trop étroits. [...] Le travail informel peut
également concerner des actifs, qui jouissent d'un statut de salarié ou d'indé‐
pendant, en vue de se constituer un revenu d'appoint{50}. »
Tout cela contredit l'idée qu'un grand nombre de personnes sans emploi
travailleraient au noir et en vivraient bien. Certaines le font, bien sûr, et il
faut les contrôler, mais elles sont une minorité. La plupart des personnes
sans emploi travaillent très peu au noir, essentiellement parce que le chô‐
mage les coupe peu à peu de la société.
La meilleure solution pour réduire le travail au noir ne serait-elle pas de
pouvoir proposer un emploi décent à chacun (idée fausse 83) ?

9. « Certains chômeurs ne cherchent pas de travail. »


→ Faux. Le chômeur n'est pas responsable du chômage.

36
On connaît sans doute l'exemple d'une personne sans emploi qui, appa‐
remment, n'en recherche pas. Néanmoins, « il y a aussi des personnes qui ne
sont pas inscrites à Pôle emploi, mais sont privées d'emploi et voudraient
travailler. Elles sont souvent découragées et se disent : “Ça fait tellement
longtemps que je n'ai pas travaillé, jamais Pôle emploi ne me trouvera un
boulot, il y aura toujours un meilleur candidat que moi.” Ces personnes font
vraiment partie des privés d'emploi que vise le projet{51} », explique le res‐
ponsable d'un Territoire zéro chômeur de longue durée.
« Quand on est au chômage depuis pas mal de temps, on entre dans une
forme d'autoexclusion, confirme Jean-Michel, devenu salarié sur un Terri‐
toire zéro chômeur de longue durée{52}. Chaque réponse négative à une can‐
didature est vécue comme un échec. Au bout d'un moment, on en a marre
de tendre le bâton pour se faire battre, alors on finit par ne plus démarcher
les entreprises, puis par ne plus répondre aux quelques annonces. [...] Mais
quand on repart dans une dynamique où l'on est invité à pouvoir donner à
nouveau, la machine se remet en marche et c'est reparti. »
Ce n'est pas parce qu'on ne recherche « visiblement » pas un emploi que
l'on n'en recherche pas par ses propres moyens. Et ce n'est pas nécessaire‐
ment parce que l'on en recherche un « visiblement », que l'on a plus de
chances de trouver.
On observe que l'obligation faite par Pôle emploi aux chômeurs de justi‐
fier de leurs recherches encourage des modes de recherche justifiables mais
peu efficaces et que cela conduit souvent à accroître leur méfiance vis-à-vis
de l'institution{53}, qu'ils associent plus à un rôle d'accompagnement-
contrôle que d'accompagnement-conseil (idée fausse 71).

10. « Si l'on veut travailler, on trouve. »


→ Faux. Avec 8 à 9 millions d'emplois décents manquants, ce
n'est pas si simple.

Le discours « si l'on veut travailler, on trouve » est partagé par 64 % des


Français{54} pour plusieurs raisons : pour les plus âgés, c'était vrai il y a des
années en France, mais les conditions économiques se sont dégradées au fil
du temps ; c'est aussi un moyen pour chacun de garder espoir ou de sauver
la face, quitte à surestimer ses capacités{55} ; c'est un discours diffusé par

37
des courants de pensée qui mettent uniquement en avant la responsabilité de
l'individu et rarement celle de la société (idées fausses 106 à 111) ; enfin,
« trouver un emploi » peut très bien signifier un emploi précaire, ce qui
n'est pas une solution de long terme (idée fausse 72).
Or, plus que la volonté des personnes, c'est l'état actuel du marché de
l'emploi qui est la cause du chômage. En France à la mi-2019, 3 632 500
personnes sont sans aucun emploi (catégorie A) et 2 255 400 sont en re‐
cherche d'emploi et exercent une activité réduite (catégories B et C), soit au
total 5 887 900{56}. On peut ajouter deux à trois millions de personnes sans
emploi mais non inscrites à Pole emploi (idée fausse 86).
On ne peut donc prétendre qu'il est facile de trouver du travail. De plus,
certaines personnes restées depuis longtemps sans emploi ont besoin d'être
particulièrement soutenues pour revenir à l'emploi. Le chômage de longue
durée (touchant 2,65 millions de personnes à la mi-2019) produit en effet
des dégâts physiques et psychiques peu pris en compte{57}.
L'ONPES confirme dans son rapport « Penser l'assistance » de mai 2013
que « les personnes en situation de pauvreté espèrent majoritairement trou‐
ver un emploi et améliorer leur niveau de vie, tout en devenant autonomes.
Toutefois, beaucoup d'entre elles rencontrent des obstacles pour y parvenir :
formation insuffisante{58}, problèmes financiers, de santé, de logement ou
de mobilité, d'enfants à charge..., enfin – et surtout – absence d'emplois ac‐
cessibles localement. » Elles sont aussi victimes de discriminations à l'em‐
bauche (idée fausse 12).

11. « Les gens ne vont pas chercher le travail là où il


est. »
→ Faux. La question de la mobilité n'est pas une cause princi-
pale du chômage.

Une première remarque : les travailleurs vont globalement chercher le


travail là où il est, puisque, malgré les discours répandus de « pénurie de
main-d'œuvre », le nombre d'emplois laissés vacants faute de candidats est
infime par rapport au nombre de chercheurs d'emploi (idée fausse 18).

38
Il est vrai qu'entre 2007 et 2011, 500 000 personnes ont renoncé à un
poste en raison de problèmes de logement et du surcoût de la mobilité exi‐
gée{59}, mais cela ne représente en moyenne que 100 000 personnes par an.
Bien sûr, il faut développer des solutions qui facilitent la mobilité des cher‐
cheurs d'emploi : amélioration des transports publics, prises en charge plus
importantes des frais de transports non polluants, aides publiques et/ou de
l'employeur, etc. Mais, pour une partie importante des chercheurs d'emploi
– et plus importante que ce que les acteurs économiques imaginent{60} –, dé‐
ménager d'un quartier ou d'une région où l'on a construit des liens familiaux
et sociaux n'est pas facile, surtout pour un CDD, ou même un CDI (dont
plus d'un tiers sont rompus avant un an){61} plus ou moins bien payé. Et plus
on connaît une situation de précarité, plus les réseaux sur lesquels on peut
compter sont localisés.
L'expérience des Territoires zéro chômeur de longue durée montre aussi
que l'on peut créer beaucoup plus d'emplois décents et de proximité que ce
que l'on imagine{62}, en réduisant les durées de transport et donc l'empreinte
écologique des territoires.

12. « Les pauvres ne sont pas discriminés à l'em‐


bauche. »
→ Faux. La situation de précarité sociale est un facteur de dis-
crimination pour accéder à un emploi comme à d'autres
biens et services.

« Une littérature abondante a analysé les comportements discriminatoires


de certains employeurs par rapport au lieu d'habitation ou à l'origine eth‐
nique des candidats. On peut penser que le fait de percevoir des prestations
d'assistance aboutit au même type de “signalement”{63}. » C'est ce qu'a
prouvé un testing réalisé à l'été 2013 par ATD Quart Monde et ISM-Co‐
rum{64} : une personne en précarité – qui fait par exemple apparaître sur son
CV une période de travail en entreprise d'insertion ou comme domicile un
foyer d'hébergement – a moins de chance d'obtenir un entretien d'embauche
qu'une autre en situation moins précaire. On sait aussi que les bénéficiaires
de la CMU-C sont parfois victimes de refus de soins (idée fausse 117) et

39
que les bénéficiaires de minimas sociaux ont du mal à accéder aux loge‐
ments sociaux (idée fausse 126). Ces discriminations qui maintiennent des
personnes dans la pauvreté ont un coût bien sûr humain, mais aussi finan‐
cier, invisible, que la société tout entière supporte (idée fausse 2).
ATD Quart Monde, quarante associations et syndicats, la Commission
nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), le Défenseur des
droits et le Cese{65} ont mené campagne à partir de 2009 pour que ces dis‐
criminations soient reconnues et pour que le critère de discrimination pour
précarité sociale entre officiellement dans le code pénal, ce qui a été le cas
après le vote en juin 2015 par le Sénat – et en juin 2016 par l'Assemblée na‐
tionale – d'une proposition de loi initiée par le sénateur Yannick Vaugre‐
nard.
Le 17 octobre 2016, à l'occasion de la Journée mondiale du refus de la
misère, ATD Quart Monde a dévoilé le mot choisi pour désigner cette dis‐
crimination pour précarité sociale. Après une consultation à laquelle ont
participé plus de 1 000 personnes, le choix s'est porté sur le mot « pauvro‐
phobie », qui est apparu le plus consensuel.

13. « C'est parce que les gens ne sont pas formés qu'ils
ne trouvent pas de travail. »
→ Faux. Le principal obstacle à l'emploi, c'est l'absence d'em-
plois disponibles.

Au moins trois constats pourraient faire penser que la principale réponse


au chômage réside dans la formation. Tout d'abord, il est vrai que moins on
est formé, plus on est exposé au chômage. Il est vrai également qu'environ
une seule personne au chômage sur 10 accède à une formation en France.
Enfin, avec la robotisation, un certain nombre de métiers évoluent de façon
rapide et de nouveaux vont se développer auxquels il est nécessaire de se
former (idée reçue 73).
Mais des fonds publics et privés importants sont consacrés à la formation
(et font sortir de nombreux demandeurs d'emploi des statistiques officielles
du chômage...), sans que cela améliore vraiment les reprises d'emploi (idée
fausse 84). « Il suffirait d'améliorer la formation des travailleurs pour que

40
ceux-ci trouvent un emploi [...]. Mais tout cela est un mirage », constatent
des économistes{66}. « Si la formation est le moyen privilégié d'améliorer sa
place dans la liste d'attente, elle n'en fait pas diminuer la longueur [...]. Une
main-d'œuvre bien formée est certes un avantage précieux, mais encore
faut-il que les emplois existent. » Tout est dit.
Du point de vue des employeurs, les enquêtes montrent que le principal
obstacle pour recruter n'est pas le manque de formation des candidats, mais
le manque de commandes et de débouchés (idée fausse 76).
On peut enfin préciser que seuls 20 % des salariés travaillent dans un do‐
maine pour lequel ils ont été formés{67}. Les autres 80 % ont le plus souvent
un diplôme qui ne concerne pas directement leur secteur d'activité mais qui
a pesé dans la décision d'embauche. Cette préférence des recruteurs pour le
diplôme, quel qu'il soit, est malheureusement très française.

14. « Certains gagnent plus au chômage qu'en tra‐


vaillant. »
→ Faux. La démonstration faite par Pôle emploi est erronée.

Voilà encore un discours qui fait reposer la responsabilité du chômage sur


les chômeurs ! Lors des négociations sur la réforme de l'assurance chômage
début 2019 (ce n'est pas un hasard), la ministre du Travail a prétendu que
20 % des chômeurs indemnisés touchaient plus que le salaire moyen de leur
période travaillée. Pour l'illustrer, Pôle emploi a présenté l'exemple suivant
dans sa note « Taux de remplacement mensuel net » de juin 2019 : « Pour
bénéficier de l'assurance chômage, il est nécessaire d'avoir travaillé au
moins 88 jours (4 mois{68}) sur une période de référence{69}. L'allocation se
calcule alors sur une base journalière : son montant est déterminé à partir
des seuls jours travaillés. Par exemple, si une personne accumule 88 jours
de travail, elle aura droit à 4 mois continus d'indemnisation{70}, et le mon‐
tant de son allocation sera calculé à partir du salaire moyen sur ses 88 jours
de travail{71}. Si cette personne a été rémunérée au Smic, elle pourra rece‐
voir ainsi une allocation mensuelle nette d'environ 920 € pendant 4 mois.
Pour calculer le taux de remplacement mensuel net, cette allocation men‐
suelle nette doit être rapportée au salaire mensuel moyen perçu pendant la

41
période d'activité. Or, ce salaire mensuel moyen dépend de la durée de la
période sur laquelle les 88 jours de travail ont été effectués. Par exemple, si
cette personne a mis 11 mois pour cumuler ces 88 jours de travail, en tra‐
vaillant 8 jours par mois, elle percevrait chaque mois un salaire net inférieur
à 500 €. Ainsi, ce demandeur d'emploi percevra plus en étant indemnisé par
l'assurance chômage que ce qu'il percevait en travaillant. » On voit tout de
suite l'erreur de cette démonstration : il faut aussi calculer le montant
moyen de l'allocation chômage par rapport à la même durée que la période
travaillée. Si la personne ne retrouve pas de travail{72}, son allocation
moyenne sur 11 mois sera les 920 € × 4 mois (elle n'a pas droit à plus),
c'est-à-dire 3 680 € que l'on divise par 11, c'est-à-dire 335 (et non pas
920 €), ce qui est inférieur à son salaire moyen antérieur. Autrement dit, la
personne percevra un montant « élevé » d'allocation chômage, mais sur une
période brève, et pour un total inférieur au total de ses salaires perçus anté‐
rieurement.

15. « On peut gagner plus en alternant périodes tra‐


vaillées et non travaillées, qu'en travaillant en continu
à temps partiel. »
→ Faux. On peut gagner plus dans le premier cas, mais moins
longtemps. Au total, le résultat est le même.

On entend parfois dire que l'on peut gagner plus en alternant périodes tra‐
vaillées et non travaillées qu'en travaillant en continu à temps partiel (pour
le même nombre d'heures travaillées sur une même durée totale). Par
exemple, travailler un an à mi-temps au Smic, soit 760 € bruts par mois,
donne droit à une allocation chômage d'environ 460 {73}, alors qu'un salarié
qui réaliserait ce même nombre d'heures, mais en alternant CDD de quinze
jours et quinzaines sans travail, toucherait une allocation de 920 €{74}, donc
apparemment plus que les allocations et même plus que le salaire du pre‐
mier et même que leur salaire à chacun... et cela sans travailler et sans avoir
travaillé plus que le premier !
Là encore, on oublie de considérer la durée de la période d'indemnisation.
Si aucun d'entre eux ne retrouve de travail{75}, le premier percevra son allo‐

42
cation chômage pendant un an et le second pendant 6 mois, et les deux rece‐
vront un total équivalent.
Si les deux salariés retrouvent un emploi qu'ils peuvent cumuler avec leur
allocation chômage, le premier cumulera une allocation deux fois plus
faible que le second, mais sur une durée deux fois plus longue. Tous deux
cumuleront avec leur revenu d'activité le même total d'allocation chômage.
Reste qu'il est tout de même étrange d'aboutir à deux montants et durées
d'indemnisation différents pour un même nombre total d'heures travaillées
sur une même période de référence. Cela est dû au fait que le montant d'in‐
demnisation est calculé à partir du « salaire journalier de référence », qui ne
tient compte que des salaires perçus les jours effectivement travaillés. À
compter du 1er avril 2020, le calcul sera établi à partir du revenu moyen des
mois où le salarié a travaillé, ce qui supprimera ces différences de traite‐
ment. Cela aura pour effet d'allonger les durées d'indemnisation et d'abais‐
ser le montant des allocations des salariés qui alternent périodes travaillées
et non travaillées, les rapprochant des conditions d'indemnisation des sala‐
riés à temps partiel.

16. « Les gens préfèrent des emplois précaires pour


être plus libres. »
→ Faux. Le temps partiel est plus souvent contraint que choisi.

Même si les salariés en CDD perçoivent en fin de contrat une prime de


précarité (au moins égale à 10 % de la rémunération brute totale versée) et
si certains disent « Je refuse les CDI, je préfère ma liberté », est-ce le cas
pour le plus grand nombre ? Les salariés eux-mêmes répondent dans une
enquête de l'Unédic{76} : « Parmi les allocataires qui ont travaillé moins d'un
temps complet, deux tiers déclarent qu'ils auraient préféré travailler plus au
cours du mois. Les allocataires qui ne souhaitent pas travailler plus d'heures
au cours du mois citent principalement les raisons suivantes : ils doivent
s'occuper de personnes à charge, veulent conserver du temps libre, ont un
emploi du temps déjà complet avec les temps de transport et les coupures de
travail, évoquent des raisons de santé. Ceux qui ont occupé des CDD ou des
missions d'intérim sont 68 % à dire qu'ils préféreraient être en CDI. [...]

43
Parmi les allocataires qui ont repris un CDI à temps partiel (12 % des ré‐
pondants), 4 sur 5 déclarent qu'ils accepteraient de travailler à temps plein si
l'occasion se présentait. »
Il apparaît donc que le temps partiel est plus souvent contraint, soit par la
précarité du marché de l'emploi et le fait que 9 offres sur 10 sont des
CDD{77}, soit par des charges familiales ou des raisons de santé qui pèsent
sur les personnes.
L'économiste Jacques Freyssinet a étudié les sondages qui, au Royaume-
Uni, prétendent que les salariés en contrats « zéro heure »{78} seraient en
partie satisfaits : « Il existe un contraste évident entre les résultats des en‐
quêtes statistiques et ceux des entretiens en face-à-face. Les résultats parfois
surprenants dans le premier cas reflètent dans une certaine mesure une auto-
sélection de catégories qui s'accommodent des contrats zéro heure et qui re‐
prennent à leur compte l'idéologie dominante d'autonomie et de flexibili‐
té{79} », écrit-il.
Cette prétendue préférence des travailleurs pour la précarité – qui n'existe
pas – arrange bien, on s'en doute, certains discours officiels qui voudraient
faire accepter la précarisation de l'emploi par le plus grand nombre (idées
fausses 72 et 88).
Sur les Territoires zéro chômeur de longue durée, on observe que lors‐
qu'on offre la possibilité d'emplois décents en CDI, les personnes choi‐
sissent le plein-temps en grande majorité, sauf en cas de contraintes fami‐
liales ou de santé{80}.

17. « Les Neet ne veulent pas travailler. »


→ Pas si simple. Plus des deux tiers d'entre eux souhaitent un
emploi stable.

En France, 1,9 million de jeunes de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi, ni


en études, ni en formation. On les appelle les Neet – « Neither in Employ‐
ment, nor in Education or Training ». 19,8 % des 18-24 ans sont Neet en
France en 2016, contre 15,3 % en moyenne pour les pays de l'OCDE.
L'explication serait simple : si ces jeunes sont dans cette situation, c'est
qu'ils ne rechercheraient pas vraiment un emploi stable, ou ne seraient pas
capables d'en occuper un, et préféreraient la liberté et les petits boulots. Or

44
les chiffres déconstruisent ces représentations. « Dans les faits, très peu de
jeunes sont restés Neet durant les cinq années suivant la sortie de l'école :
de 2 à 3 %. Les trois quarts des Neet [observés dans l'étude] ont même eu
l'opportunité d'occuper un emploi d'au moins six mois et plus du tiers ont si‐
gné un contrat à durée indéterminée [qui s'est arrêté pour une raison ou une
autre]. Environ 40 % ont eu un parcours professionnel avec de multiples
emplois. De surcroît, interrogés sur leur priorité, plus des deux tiers af‐
firment vouloir trouver un emploi stable{81}. »

18. « Il y a 300 000 à 450 000 offres d'emploi non pour‐


vues. »
→ Faux. Il existe seulement 30 000 à 50 000 offres à temps plein
non pourvues... pour 8 millions de personnes en manque
d'emploi décent.

Chaque année en France, entre 100 000 et 150 000 offres de Pôle emploi
sont retirées faute de candidat adéquat{82}. Comme Pôle emploi draine un
tiers des offres (les deux autres passent par les petites annonces, les réseaux
professionnels, etc.), il y aurait au total entre 300 000 et 450 000 offres
abandonnées chaque année faute de bon candidat. Mais cela ne signifie pas
qu'elles auraient trouvé preneur, et encore moins que cela aurait fait autant
de chômeurs en moins.
Tout d'abord parce que, pour plus de 4 offres sur 5, des candidats se sont
présentés et ont été refusés par le recruteur. Mais qui, du recruteur ou du
candidat, pose problème ? Les recruteurs interrogés par Pôle emploi{83} (qui
n'interroge malheureusement pas les candidats{84}) invoquent surtout le
manque d'expérience, de motivation et de compétences des candidats, et,
dans seulement 25 % des cas, un salaire insuffisant. Précisons que la moitié
de ces 100 000 à 150 000 offres seraient illégales, selon une étude réalisée
en 2017{85}, et que les agents de Pôle emploi ne peuvent pas vérifier les
60 % d'offres qui sont déposées sur leur site par des sites privés – Vivas‐
treet, Jobijoba, Keljob, Monster, etc., soit 110 partenaires au total – qui pu‐
blient sur poleemploi.fr leurs offres, triées non par des agents de Pôle em‐
ploi mais par un logiciel qui en rejette 30 % environ pour non-conformité.

45
Précisons aussi que la plupart des offres sont à temps partiel ou en CDD
de courte durée. L'étude de 193 offres en horticulture en Île-de-France a
montré qu'elles équivalaient à seulement 40 offres à temps plein{86}. Si l'on
applique ce ratio aux 300 000 à 450 000 offres, cela ne représenterait que
60 000 à 100 000 emplois à temps plein vacants (et 30 000 à 50 000 si l'on
enlève la moitié d'offres illégales).
Certes, il est vrai que plusieurs métiers sont délaissés par les chercheurs
d'emploi car leur image s'est dégradée. Il faut bien sûr mieux les faire
connaître et les valoriser. Mais une étude du Centre de lutte contre les dis‐
criminations (CLCD){87} montre que, sur ces métiers en tension, les exi‐
gences des employeurs sont parfois trop hautes. Sur 1 575 offres d'emploi
publiées par le Forem (le Pôle emploi belge) pour 10 métiers déclarés en
pénurie, les caractéristiques les plus fréquentes sont l'expérience profession‐
nelle exigée – ce qui exclut les jeunes et les demandeurs d'emploi en recon‐
version – et le contrat précaire. Quatre métiers exigent d'autre part le permis
de conduire ou un véhicule, alors que cela n'est pas directement lié à l'exer‐
cice de l'emploi. Et entre 70 et 86 % des offres cumulent trois ou quatre de
ces critères...
Par ailleurs, les études montrent que les artisans et les petites entreprises
savent moins bien recruter que les grandes, parce qu'ils ont moins l'habi‐
tude, les compétences, les réseaux, etc{88}.

46
Sur les minima sociaux

19. « Les pauvres font tout pour toucher des aides. »


→ Faux. Au contraire, beaucoup ne sollicitent pas les aides
auxquelles ils ont droit.

C'est ce que l'on appelle les non-recours : 30 % pour la couverture mala‐


die universelle complémentaire (CMU-C){89} ; 23 % pour l'Aide à l'acquisi‐
tion d'une complémentaire santé (ACS){90} ; 27 % pour la prime d'activité
en 2016{91}. Environ 31 % des ménages reçus aux permanences du Secours
catholique avec au moins 2 enfants ne perçoivent pas d'allocations fami‐
liales{92}. De même, le non-recours au « chèque énergie » (anciennement ta‐
rifs sociaux de l'énergie) reste supérieur à 20 %. Au Royaume-Uni, plus
d'un chercheur d'emploi sur deux ne demande pas ses indemnités...
Les raisons de ces non-recours sont multiples : la complexité des dé‐
marches (idée fausse 118) et leur dématérialisation croissante, la volonté de
ne pas dépendre de l'aide publique, le manque d'information, le souhait de
ne pas être contrôlé, la crainte de la stigmatisation... Les non-recours sont
un grain de sable dans les théories économiques qui disent que chacun
cherche en permanence à maximiser son profit.

47
20. « Les non-recours montrent que certains peuvent se
passer des aides. »
→ Faux. Ils s'expliquent plus par des obstacles rencontrés que
par un manque d'intérêt.

L'Observatoire des non-recours (Odenore){93} distingue plusieurs causes


de non-recours à un droit : la méconnaissance, la complexité administrative
(en particulier les démarches en ligne), la non-demande (parce que la pres‐
tation ne répond pas bien aux besoins, ou par croyance que la prestation
s'adresse aux plus en difficulté que soi{94} ou que ses difficultés ne sont que
temporaires, par crainte de la stigmatisation, par espoir de s'en sortir par
soi-même et désir d'autonomie{95}), la non-proposition à la personne par le
travailleur social (par méconnaissance, par anticipation que la démarche ne
va pas aboutir, par préjugé{96}, etc.). Dans la mesure où bénéficier d'une
prestation sociale permet à la personne d'améliorer sa situation financière
ou de mieux faire face à certaines dépenses, les non-recours trouvent donc
davantage leurs origines dans les différents obstacles décrits ci-dessus que
dans un manque d'intérêt de la personne. C'est pourquoi il est important de
comprendre leur nature et d'agir pour les lever{97}.

21. « Les pauvres ont des droits, mais ça va avec des


devoirs. »
→ C'est vrai. Les personnes confrontées à la pauvreté aime-
raient bien pouvoir assumer leurs responsabilités comme les
autres.

« Fin 2017, note une étude{98}, 83 % [des bénéficiaires du RSA] sont


orientés vers un parcours d'insertion par les collectivités territoriales char‐
gées de l'insertion des bénéficiaires du RSA sur leur territoire. » L'orienta‐
tion proposée est soit vers Pôle emploi (pour environ 44 % des cas en
2017), auquel cas la personne doit définir un projet personnalisé d'accès à
l'emploi, soit vers un autre organisme avec lequel la personne signe un
contrat d'engagement réciproque.

48
Dans l'esprit de la loi de 1988 instaurant le RMI, il n'y avait pas de condi‐
tionnalité à son versement, cette allocation ayant été conçue non comme
une relation « donnant-donnant » avec le bénéficiaire, mais comme un sou‐
tien « plancher » et inconditionnel aux personnes en précarité, supposées
aussi désireuses que les autres d'assumer leurs responsabilités et, en particu‐
lier, de travailler (idée fausse 7). « La circulaire [circulaire DIRMI no 93-04
du 27 mars 1993] précise que “l'engagement du bénéficiaire dans les actions
d'insertion n'est pas la contrepartie de l'allocation” ; il en est seulement une
condition que le législateur a entouré de réelles garanties pour les personnes
concernées{99}. » Le contrat d'insertion RMI signalait surtout l'obligation
faite à la société de tout mettre en œuvre pour soutenir l'allocataire dans son
projet d'insertion.
Mais au fil des années, on a glissé peu à peu vers l'idée que le RMI, puis
le RSA, serait une aide qui se mérite, réservée aux « bons pauvres » qui
s'engagent dans un contrat unilatéral et remplissent leurs « devoirs » (voir
par exemple l'idée fausse 95). Et, de fil en aiguille, la société a de moins en
moins bien rempli sa part au fil des années, en ne mettant pas assez de
moyens dans l'accompagnement socio-professionnel et en ne créant pas as‐
sez de formations et d'emplois pour celles et ceux qui en sont privés. Le
rapport de la Cour des comptes « Pôle emploi à l'épreuve du chômage de
masse » de juillet 2015 montre par exemple que Pôle emploi stimule et re‐
lance moins les personnes au chômage depuis plus d'un an que celles qui
sont plus proches de l'emploi.
Les chercheurs Bernard Gomel et Dominique Méda s'interrogent : « Tout
se passe comme un jeu de rôles dans un théâtre où l'on obligerait les alloca‐
taires à singer la recherche frénétique d'emploi alors qu'il n'y a pas d'em‐
plois – ou du moins d'emplois dignes de ce nom. [...] En l'absence d'em‐
plois, la mécanique des droits et devoirs, même mise en œuvre de la façon
la plus humaine possible, peut se transformer en instrument de torture mo‐
rale{100}. »
Le sociologue Serge Paugam conclut : « Responsabiliser les pauvres ne
doit pas conduire à déresponsabiliser la société dans son combat contre la
pauvreté. [...] Est-ce normal que les moins qualifiés soient aussi les moins
protégés en termes de couverture sociale ? Est-ce normal que les enfants
des milieux défavorisés soient condamnés à échouer dans le système sco‐
laire sans avoir la chance d'acquérir les bases nécessaires à leur intégration

49
sociale ? Est-ce normal que les moins qualifiés aient moins accès à la for‐
mation continue que les plus qualifiés{101} ? »
Les plus pauvres ont des devoirs et des responsabilités, certes, mais en‐
core faudrait-il leur procurer un réel accès à l'emploi et aux droits fonda‐
mentaux (voir aussi l'idée fausse 111).

22. « On peut gagner plus avec le RSA qu'avec le


Smic. »
→ C'est faux dans tous les cas de configuration familiale.

Dans le tableau ci-après, le revenu disponible intègre le cas échéant le


RSA et la prime de Noël, les allocations logement, le Smic, la prime d'acti‐
vité, les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de ren‐
trée scolaire et l'allocation de soutien familial. Les cas de figure présentés
sont ceux d'une personne seule (soit une « unité de consommation » [UC])
ou un ménage (1,5 UC) habitant en France en zone 2{102} et dont les éven‐
tuels enfants ont entre 6 et 13 ans (représentant chacun 0,3 UC).
Ce tableau le montre : si l'on galère avec le Smic (et l'on voit ici qu'un
Smic pour un couple avec ou sans enfants ne permet guère de dépasser le
seuil de pauvreté), on galère encore plus avec le RSA : en fonction de la
configuration familiale, l'écart de revenu entre « le ménage au RSA » et « le
ménage au Smic » est en moyenne de 700 € chaque mois (et en moyenne de
300 € avec la situation à 0,5 Smic).

50
Revenu disponible mensuel par ménage en euros en 2019
Personne seule Couple
Nombre d'enfants
0 1 2 3 0 1 2 3
Revenu disponible
767 1 146 1 397 1 821 1 040 1 261 1 520 1 921
au RSA seul
Revenu disponible
1 058 1 492 1 741 2 162 1 405 1 625 1 886 2 287
à 0,5 Smic
Revenu disponible
1 445 1 860 2 130 2 583 1 720 1 970 2 247 2 671
à 1 Smic
Seuil de pauvreté
1 067 1 387 1 707 2 027 1 600 1 921 2 241 2 561
2019 (estimé)
Source et détail des calculs : « La combinaison des prestations et ses effets sur le
niveau de vie », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019.

Le montant du Smic net mensuel est de 1 204 € en 2019, un peu plus que
le seuil de pauvreté (1 067 € estimés pour 2019). Le montant du RSA est
bien inférieur : 493 € (sans compter l'aide au logement). L'erreur que l'on
commet souvent en pensant que l'on peut gagner plus au RSA qu'au Smic
est de croire que seul celui qui bénéficie du RSA peut accéder à d'autres
aides sociales. En réalité, bénéficiaires du RSA et travailleurs (pauvres) au
Smic ont souvent accès aux mêmes aides, avec des montants réduits pour
les seconds.

23. « On ne vit pas si mal avec le RSA. »


→ Faux. Avec le RSA, on ne vit pas, on survit... et encore !

Le montant du RSA pour une personne seule est de 560 € mensuels en


avril 2019 (493 € sans compter l'aide au logement). Tous les discours qui
disent qu'en cumulant RSA et travail au noir, on peut vivre plutôt conforta‐
blement, sont à prendre avec des pincettes (idée fausse 8).
Citons quelques autres chiffres :
– La moitié des personnes vivant dans un ménage bénéficiaire d'un reve‐
nu minimum garanti touchaient moins de 910 € par mois en 2012. Les mé‐

51
nages bénéficiaires du RSA socle consacrent alors en moyenne 46 % de
leur revenu disponible à des dépenses contraintes (loyer, téléphone, gaz,
électricité, assurances...). Une fois ces dépenses et les dépenses alimentaires
réglées, leur revenu restant disponible est en moyenne de 250 € mensuels
par personne (et inférieur à 100-120 € pour un quart d'entre eux){103}. On
imagine sans peine que, depuis 2012, ces montants ont encore diminué, en
particulier du fait de la hausse des prix de l'immobilier. Jusqu'en 2000, ils
ont évolué à peu près au même rythme que le revenu des ménages. Depuis,
ils ont doublé, alors que le pouvoir d'achat du revenu disponible des mé‐
nages ne progressait que de 40 %. Entre 2000 et 2018, les loyers des appar‐
tements parisiens ont été multipliés par plus de trois{104}. Le pouvoir d'achat
« arbitrable » par unité de consommation a diminué de 0,4 % entre 2007
et 2018, après avoir augmenté de 19,8 % entre 1997 et 2007{105}. Ce n'est
qu'une moyenne. La situation des familles les plus défavorisées s'est plus
dégradée que la moyenne{106}.
– Un quart des bénéficiaires de revenus minima garantis ne disposent pas
de leur propre logement : 18 % sont hébergés par des proches, 2 % habitent
dans des foyers ou des résidences sociales et 3 % vivent à l'hôtel, en centre
d'hébergement, dans une habitation mobile ou déclarent être sans abri. Un
tiers à un quart des bénéficiaires du RSA vivent en habitat surpeuplé{107}.
– 58 % des bénéficiaires de revenus minima garantis connaissent d'im‐
portantes restrictions de consommation (pouvoir se chauffer correctement,
prendre au moins un repas complet par jour, etc.){108}.
– 36 % des bénéficiaires du RSA de 18 à 59 ans sont considérés comme
étant en état de détresse psychologique, contre 14 % en moyenne pour la
population française{109}.
– Selon l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), près
de 3,3 millions de ménages français – représentant 6,7 millions de per‐
sonnes – avaient en 2017 des difficultés à payer leur facture d'énergie et à
satisfaire leurs besoins de chauffage.
– Un surcoût est imposé aux familles en situation précaire qui paient le
logement, l'alimentation, le téléphone, le crédit, etc., à un prix supérieur à
celui que paient les autres familles. Ce phénomène de « double peine » gé‐
nère un surcoût de 500 € par an en France pour une famille en situation pré‐
caire{110}.
On peut ajouter à ces conditions matérielles le poids des démarches à re‐
nouveler régulièrement pour obtenir des aides, les difficultés de santé, le

52
stress des recherches d'emploi et de formation, le poids des préjugés à af‐
fronter... Tout cela pour, au bout du compte, ne pas parvenir à vivre digne‐
ment jusqu'à la fin du mois. Combien de familles évitent leurs voisins et
leurs amis parce qu'elles ne peuvent même pas les recevoir pour un ca‐
fé{111} ?
Souvent, des personnes pensent que certains « ne vivent pas trop mal
avec le RSA » ; en fait, elles surévaluent le montant des minima sociaux et
se trompent dans leurs calculs (idée fausse 22).

24. « Certains bénéficiaires du RSA possèdent des


biens. »
→ Certes, mais chacun doit déclarer les revenus qu'il tire ou ti-
rerait de tout capital ou bien qu'il possède, et ces revenus
seront pris en compte dans le calcul de l'allocation.

Dans le dossier de demande de RSA comme dans la déclaration trimes‐


trielle de ressources, on doit aussi déclarer des ressources exceptionnelles
comme la vente d'un bien immobilier, un héritage, des gains aux jeux, etc. ;
les revenus de capitaux placés – livret A, livret d'épargne populaire, compte
épargne logement, etc. (les capitaux non productifs de revenus réels sont
considérés comme produisant fictivement un revenu annuel égal à 3 % de
leur montant) – ; les loyers d'un immeuble loué ; la valeur locative d'un lo‐
gement, local ou terrain non loué (c'est le loyer annuel que ce bien produi‐
rait s'il était loué aux conditions du marché).
Par ailleurs, le « train de vie » d'une personne bénéficiaire du RSA peut
être pris en compte s'il est constaté une disproportion entre celui-ci et ses
ressources déclarées. La personne doit alors répondre dans les 30 jours à un
questionnaire sur son patrimoine en France ou à l'étranger, selon les articles
R262-74 à R262-81 du Code de l'action sociale et des familles. Si le barème
forfaitaire déterminé pour chacun des éléments dépasse certains seuils, le
train de vie est pris en compte pour la détermination du droit au RSA.
Ne pas mentionner dans sa déclaration RSA un bien ou un capital que
l'on possède (qu'il produise ou non des revenus) expose donc à des sanc‐
tions.

53
Sur le budget des familles

25. « Les pauvres ne savent pas gérer un budget. »


→ Faux. Les personnes en précarité déploient le plus souvent
un grand savoir-faire en matière financière.

Dans son rapport « Ressources, crise et pauvreté » de 2009, le Secours


catholique constate que les personnes en précarité « développent des com‐
pétences dans de multiples domaines, en particulier celui de la gestion quo‐
tidienne, des savoir-faire, avec une énergie et une ténacité que l'on ne soup‐
çonne pas ». Bien sûr, il ne s'agit pas de dire que toutes les personnes en
précarité ou en pauvreté gèrent bien leur budget. Mais les Chambres régio‐
nales du surendettement social (Crésus) constatent que l'« illettrisme de l'ar‐
gent », c'est-à-dire l'incapacité à gérer un budget familial, touche toutes les
couches de la société.
Même avec une grande attention portée aux dépenses, la faiblesse des
minima sociaux, des salaires des emplois précaires et l'augmentation des
prix font que de nombreuses familles ne mangent pas à leur faim et doivent
s'endetter. Marie-France Zimmer, militante d'ATD Quart Monde, explique :
« En réalité, on gère comme on peut quelque chose qui est ingérable, et sou‐
vent mieux que ceux qui ont des revenus importants{112}. » Une autre mère
de famille dit : « Je tiens un cahier où j'écris tout ce que je dépense. Je mets

54
la date, la nature de l'achat, le prix et je fais le solde. Je fais des choix, le
premier choix c'est pour mon fils quand il veut et que je peux{113}. »

26. « Les pauvres ont des grands écrans et des smart‐


phones. »
→ Moins que les autres. Et cela ne signifie pas qu'ils vivent
dans le luxe.

Il est vrai que parmi les personnes qui se trouvent sous le seuil de pauvre‐
té, celles qui ne possèdent pas de téléphone (plus souvent portable que fixe)
et de téléviseur couleur sont peu nombreuses. Précisons tout de même que
parmi les plus bas revenus en France, un tiers n'ont pas d'ordinateur et un
quart n'ont pas de smartphone{114}. En revanche, le fait de posséder une voi‐
ture ou de manger de la viande est davantage un indicateur de grande préca‐
rité. « Avec les téléviseurs chinois bon marché, les pauvres peuvent s'offrir
la télévision – et, en général, les habitants des villages déshérités d'Inde et
de Chine l'ont aussi », confirme Joseph Stiglitz. « Dans le monde actuel, ce
n'est pas un signe de richesse [...]. Vendre le téléviseur ne mènera évidem‐
ment pas bien loin un ménage pour financer des dépenses comme l'alimen‐
tation, les soins médicaux, le logement ou l'accès aux bonnes écoles{115}. »
Stiglitz ajoute que l'on ne peut éluder non plus la question du bien-être. Si la
télévision procure des moments de bonheur, de quel droit en priverait-on
certains ? Et sans téléphone portable, comment chercher un emploi ?
Esther Duflo et Abhijit Banerjee constatent eux aussi que ceux qui, sur
différents continents, gagnent moins d'un ou deux dollars par jour, n'inves‐
tissent pas que dans la nourriture, un abri ou de quoi se chauffer, mais aussi
dans des dépenses de loisirs : un poste radio ou télévision, un festival de
musique, etc{116}. Ils en concluent que ce besoin de loisirs est un besoin pro‐
fond, même quand on vit dans la pauvreté (voir aussi l'idée fausse 43).

27. « Les pauvres ne paient pas de taxes et d'impôts. »

55
→ Faux. Tous paient au moins la TVA et certains d'autres im-
pôts et taxes.

Si elles échappent en partie à l'impôt sur le revenu – mais pas toutes (en
2015, une personne sous le seuil de pauvreté paie en moyenne 55 € d'impôts
directs chaque mois{117}) –, les personnes en précarité paient comme tout le
monde la TVA qui représente la moitié des recettes fiscales de l'État. Les
10 % des personnes les plus modestes consacrent 12 % de leur revenu dis‐
ponible à la TVA, contre 5 % pour les 10 % les plus aisées. Une hausse de
3 points de la TVA serait comparable à une baisse d'environ 3 % du
RSA{118}.
Par ailleurs, les bas revenus qui dépassent 11 128 € de revenu fiscal de
référence 2018 pour une personne – jusqu'à 12 000 € par an, on est sous le
seuil de pauvreté – paient la contribution sociale généralisée (CSG) et la
contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), qui participent
au financement de la Sécurité sociale. Ceux qui dépassent 10 815 € paient
la taxe d'habitation.
Le taux moyen d'imposition affiché (impôts directs et indirects) des 10 %
les moins riches est d'environ 40 %{119} et celui des 0,1 % les plus riches
d'environ 35 %{120}. En réalité, le taux effectif est inférieur pour ces derniers
car, grâce aux niches fiscales, une partie des plus hauts revenus échappe à
l'imposition.
Signalons aussi que 36,1 % des revenus des ménages vivant sous le seuil
de pauvreté sont des revenus d'activité (salaires ou revenus d'indépendants),
donc soumis à une partie des cotisations sociales{121}.

28. « C'est moins difficile d'être pauvre à la cam‐


pagne. »
→ Pas si simple. L'isolement physique et social peut y être très
fort.

Il est difficile de dire si le taux de pauvreté en milieu rural est plus ou


moins important à la campagne qu'en ville. Cela dépend des régions et il
existe différents types de milieu rural, entre le rural profond et le rural péri‐

56
urbain. On minimise cependant souvent l'importance de la pauvreté en mi‐
lieu rural en considérant que le coût de l'habitat y est moins élevé qu'en ville
et que la solidarité y serait plus vive et les possibilités de subvenir à ses
propres besoins plus nombreuses. Mais les ruraux les moins fortunés – fa‐
milles aux faibles revenus qui ont fui la ville, agriculteurs en situation pré‐
caire, etc. – font face à des problèmes spécifiques à la campagne qui
peuvent les précipiter dans des situations très difficiles : l'isolement, la rare‐
té des logements sociaux, des services publics et de services de transport
rares ou coûteux. En milieu rural, le souci du « qu'en-dira-t-on » est très
présent et les droits sociaux, méconnus, sont souvent assimilés à un recours
à l'assistanat. On pense souvent que les ruraux et en particulier les agricul‐
teurs ne dépensent rien pour leur alimentation car ils sont autosuffisants.
C'est faux. Toutes catégories sociales confondues, ce sont eux au contraire
qui dépensent le plus pour leur alimentation car, pris par leur activité, la
plupart n'ont plus le temps de cultiver pour eux-mêmes{122}.

57
Sur la Sécurité sociale et la santé

29. « Les pauvres font des enfants pour toucher des


aides. »
→ Faux. Avoir des enfants ne permet pas de s'enrichir avec les
aides sociales.

Ce n'est pas avec le RSA que l'on peut vivre dignement en famille (idée
fausse 23). Et ce n'est pas en ayant davantage d'enfants que la situation
s'améliore. Une famille se trouvant sous le seuil de pauvreté ne s'en éloigne
guère lorsqu'elle s'agrandit, parce qu'à chaque nouvel enfant le seuil de pau‐
vreté augmente autant que les ressources gagnées, c'est-à-dire d'environ
300 (on estime même que les aides sociales et fiscales ne couvriraient que
moins d'un tiers du coût de l'enfant pour les familles les moins fortu‐
nées{123}).
Si l'on reprend les chiffres du tableau de l'idée fausse 22 et que l'on me‐
sure l'écart entre le revenu disponible de la famille au RSA jusqu'au seuil de
pauvreté, on constate que pour 0, 1, 2 et 3 enfants, cet écart négatif est res‐
pectivement de 266, 203, 266 et 172 pour le parent seul et de 509, 599, 650
et 575 pour le couple. On voit qu'il ne se réduit pas significativement avec
le nombre croissant d'enfants.
On sait par ailleurs qu'en France le taux de pauvreté s'accroît avec la
taille de la famille, ce qui confirme malheureusement notre propos : 10 %

58
environ pour un couple avec 1 ou 2 enfants en 2015 ; 18,3 % pour 3 ; et
38,9 % pour 4 enfants et plus{124}.
On sait aussi qu'une famille ouvrière française a en moyenne 2,3 enfants
et une famille cadre 2,2 enfants{125}. Une famille britannique a en moyenne
1,8 enfant, quel que soit son milieu social{126}. Les moins fortunés ne font
pas plus d'enfants que les autres.

30. « Les pauvres sont des fraudeurs. »


→ Faux. Ils fraudent beaucoup moins que les autres.

Dans les discours que l'on entend sur la fraude sociale, il est important de
savoir si l'on parle de la fraude estimée à partir de sondages ou de celle qui
est effectivement détectée chaque année par les services antifraudes. Dans
les deux cas, la fraude sociale est marginale par rapport aux autres.
Montant de fraudes détectées
RSA 180,5 millions en 2017
CMU-C 8,2 millions en 2017
Aide médicale d'État{127} 0,13 million en 2018
Assurance maladie 270 millions en 2017
Assurance chômage 185 millions en 2017
Fraude aux cotisations sociales par les
589,71 millions en 2017
entreprises
Fraude douanière 894,5 millions en 2017
Fraude fiscale 6,45 milliards en 2017
Source : sauf mention contraire, Délégation nationale à la lutte contre la fraude.

59
Montant des fraudes estimées
Fraude estimée
Prestations familiales (minima sociaux, allo-
1,9 milliard en 2016
cations logement, allocations familiales)
TVA 20 milliards
Travail au noir des entreprises Entre 3,2 et 5,7 milliards{128}
Fraude fiscale Au moins 80 à 100 milliards{129}
Source : sauf mention contraire, Délégation nationale à la lutte contre la fraude.

Une fraude au RSA de 180 millions d'euros sur un total de 1,84 million
de foyers allocataires en 2018, cela représente moins de 100 € par foyer et
par an, soit environ 8 € par mois, sur un montant mensuel moyen de RSA
de 493 € par foyer{130}. « La fraude des pauvres est une pauvre fraude », es‐
timait déjà le Conseil d'État en 2011{131}.
En face du 1,9 milliard d'euros de fraudes estimées aux prestations fami‐
liales, alignons les montants estimés des non-recours à ces mêmes presta‐
tions : 5,3 milliards pour le RSA, 4,7 milliards pour les prestations fami‐
liales et le logement, 828 millions pour l'allocation personnalisée d'autono‐
mie (Apa), soit, au total, environ 11 milliards « économisés » chaque année
par l'État parce que, pour différentes raisons, une partie des personnes qui
ont droit à ces prestations ne les sollicitent pas (idée fausse 19){132} !
Dans son rapport « Lutte contre la fraude aux prestations sociales : à quel
prix pour les droits des usagers ? », le Défenseur des droits s'est interrogé en
2017 sur certains risques liés à la lutte contre la fraude sociale : un disposi‐
tif juridique qui assimile l'erreur et l'oubli à la fraude, une information par‐
fois insuffisante de la part des organismes de protection sociale en direction
des usagers, des pratiques de recouvrement parfois illégales et un droit aux
recours pas toujours respecté.

31. « Les bénéficiaires de la CMU-C font des soins de


confort. »
→ Faux. Leur consommation de soins est supérieure, mais leur
état de santé est nettement moins bon.

60
Pour les soins hors hospitalisation, la dépense remboursable est en 2012
de 720 € en moyenne pour une personne lambda, de 759 € pour un(e) béné‐
ficiaire de l'Aide à la Complémentaire Santé (ACS) et de 986 € pour un(e)
bénéficiaire de la CMU-C. Pour l'hôpital (qui n'est pas précisément un lieu
de « confort »), ces dépenses respectives sont de 601 , 833 € et 1 335 €{133}.
Les bénéficiaires de la CMU-C ont 1,3 fois plus souvent recours aux soins à
l'hôpital que ceux du régime général. Ces écarts s'expliquent en grande par‐
tie par un état de santé moins bon chez les bénéficiaires, lié aux consé‐
quences de la précarité et à un accès plus tardif aux soins. De nombreuses
maladies touchent davantage les bénéficiaires de la CMU-C et de l'ACS que
la population générale : diabète, maladies cardio-vasculaires, maladies res‐
piratoires chroniques, etc{134}. Au bout du compte, une personne très pré‐
caire vit en moyenne 13 ans de moins qu'une personne très favorisée (idée
fausse 117).

32. « Les pauvres consomment beaucoup d'alcool, de


tabac et de drogues. »
→ Faux, sauf pour le tabac.

Les personnes en situation de précarité fument plus que la moyenne ; le


tabac est souvent utilisé pour faire face au stress et à l'anxiété.
Comparée à la population générale, une personne sans emploi consomme
plus d'alcool (2,22 fois plus pour un homme et 1,5 fois plus pour une
femme{135}), mais le chômage touchant toutes les catégories sociales, on ne
peut en déduire que les plus pauvres sont plus consommateurs. On sait par
ailleurs que les 10 % des ménages les moins fortunés ne dépensent que
1,2 % de leurs revenus en boissons alcoolisées, contre 1,4 % en moyenne
pour la population française et 1,6 % pour les 10 % les plus fortunés{136}.
Les personnes en situation de précarité et de pauvreté consomment-elles
plus de drogues que les autres ? De nombreuses études soulignent un lien
réel entre la consommation de drogue et le chômage, mais on ne peut en dé‐
duire un lien entre cette consommation et la pauvreté, pour la même raison
que précédemment. « Au sein des actifs occupés, les catégories sociales
se distinguent peu par leur propension à avoir usé de cannabis au cours de

61
l'année », remarque l'Insee{137}. « L'élévation du niveau d'instruction sco‐
laire va de pair avec une consommation de cannabis au cours des douze der‐
niers mois plus répandue. »
Au Royaume-Uni, moins de 4 % des bénéficiaires des aides sociales
souffrent d'une addiction aux drogues ou à l'alcool{138} et les études n'éta‐
blissent pas de lien entre la consommation d'alcool et la catégorie so‐
ciale{139}. Aux États-Unis et au Canada, elles montrent que la consommation
de drogues et d'alcool est plus fréquente parmi les couches socialement plus
favorisées{140}.

33. « Les pauvres ne savent pas se nourrir correcte‐


ment. »
→ Pas si simple. L'alimentation et la santé sont liées à des
choix individuels, mais aussi et surtout à l'environnement de
la personne.

Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) reconnaît{141} que « la com‐


munication et l'éducation nutritionnelle des populations, aussi primordiales
soient-elles, n'agissent pas de manière isolée sur les inégalités sociales de
santé en nutrition, voire sont susceptibles de les aggraver. En effet, si les
consommations alimentaires ou de pratique d'activité physique relèvent d'un
choix personnel, ce choix est influencé par divers facteurs extérieurs à l'in‐
dividu. Plusieurs niveaux d'influence peuvent ainsi être identifiés : le niveau
individuel, l'environnement social proche (familles, amis, parents), l'envi‐
ronnement physique (disponibilité et choix alimentaires dans les écoles,
lieux de travail, supermarchés, etc.) et enfin le macro-environnement (mar‐
keting alimentaire, normes sociales, structure du marché économique, fi‐
lières de production alimentaire, régulation gouvernementale...). »
L'expérience d'ATD Quart Monde et d'autres associations (jardins parta‐
gés, achats groupés auprès de producteurs locaux, repas préparés en‐
semble...) montre toute l'importance d'aborder les questions d'alimentation
et de santé d'une manière collective, qui respecte la dignité de chacun et res‐
taure les liens entre les personnes{142}.

62
34. « Les pauvres gaspillent l'aide alimentaire. »
→ Faux. Quand on est contraint par des conditions de vie très
difficiles, on fait attention à tout.

« Les familles [en grande précarité] ne se sentent pas concernées par les
messages de lutte contre le gaspillage. Chez elles, il n'y a que très peu de
choses jetées. La préoccupation est plutôt de remplir et de réutiliser les
restes que de savoir comment jeter{143}. » Quand on vit dans la survie quoti‐
dienne (idée fausse 23), on veille à tirer le meilleur parti des aliments
comme des différents objets utiles au quotidien (idée fausse 51).

63
Sur l'enfance et l'éducation

35. « Les enfants pauvres sont maltraités par leurs pa‐


rents. »
→ Faux. Les maltraitances ne sont pas plus importantes chez
les familles confrontées à la pauvreté.

« Toutes les classes sociales sont touchées », explique la pédiatre et cher‐


cheuse Anne Tursz, « car la cause de la maltraitance n'est pas le manque
d'argent, mais l'incapacité à aimer un bébé et à gérer l'épreuve que repré‐
sentent notamment les pleurs pendant les premiers mois de vie. Si les fa‐
milles défavorisées sont souvent surreprésentées dans les statistiques, c'est
surtout parce qu'elles sont plus l'objet de l'intérêt des services sociaux. Il est
plus facile aux familles mieux “armées” d'éviter les investigations{144}. » Le
sociologue Laurent Mucchielli confirme, de son côté, que les maltraitances
sont davantage signalées dans les catégories sociales populaires{145}.

36. « Les pauvres sont incapables d'élever leurs en‐


fants. »

64
→ Pas si simple. Les parents en grande précarité ne sont pas
moins attentifs que les autres.

Les parents en grande précarité ne sont pas moins attentifs que les autres,
mais ils sont confrontés à de multiples difficultés qui affectent le quotidien
et le devenir de leurs enfants. Comme l'écrit Chantal Zaouche-Gaudron,
professeure en psychologie de l'enfant, « le développement de l'enfant est
intimement lié à l'espace social et aux contextes culturels et économiques
qui l'environnent. L'absence de sécurité parentale entraîne un climat d'an‐
goisse et de tension fortement ressenti par l'enfant dès son plus jeune
âge{146} », avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur son dévelop‐
pement psychologique et physique, ses possibilités d'apprentissage et sa ca‐
pacité à établir des relations sociales.

37. « Les parents pauvres se désintéressent de l'école. »


→ Faux. Comme tous les parents, ils fondent de grands espoirs
dans l'école.

Mais ces espoirs sont parfois rapidement déçus. Pour ces parents, il y a
souvent la peur de voir leur enfant revivre l'échec scolaire qu'eux-mêmes
ont pu vivre.
Le fossé culturel entre l'école et les familles en situation de précarité crée
une crainte réciproque entre ces familles et les enseignants. Par ailleurs,
80 % des mères non diplômées s'estiment dépassées quand il s'agit d'aider
leurs enfants dans leurs études au collège, contre 26 % seulement des mères
diplômées de l'enseignement supérieur{147}.
Les parents aux faibles revenus ont en général plus de difficultés à parti‐
ciper aux réunions et activités proposées à l'école. Non parce qu'ils s'en pré‐
occupent moins, mais à cause du fossé évoqué ci-dessus et parce qu'ils tra‐
vaillent souvent en horaires décalés, ont moins de facilités de transport, de
garde d'enfants, etc{148}.

65
38. « Les enfants pauvres sont moins aptes que les
autres à l'école. »
→ Faux. Ils ont plus de difficultés au départ, mais il n'y a pas de
fatalité.

Avant et après sa naissance, les conditions de vie difficile (logement,


chômage, alimentation, santé, etc.) et le stress imposé à sa famille re‐
jaillissent sur l'enfant et sur ses capacités d'apprentissage (idée fausse 4). Le
stress produit du cortisol, hormone qui nuit à la construction du cerveau, à
la pensée et à la mémoire. Quand nous sommes en confiance, notre cerveau
bénéficie de dopamine qui améliore son fonctionnement, de sérotonine qui
améliore l'humeur et d'adrénaline qui renforce les performances. La misère
est une des expériences négatives vécues dans l'enfance (en anglais « ad‐
verse childhood experiences ») qui ont des conséquences sur l'avenir des
enfants. Ainsi, en France, un chômage durable des parents diminue de
12 points la probabilité d'obtention du baccalauréat pour leurs enfants{149}.
Mais la bonne nouvelle est que, pour de nombreux neurocientifiques, « le
cerveau tire ses connaissances de son environnement. Selon eux, la princi‐
pale propriété des circuits corticaux est leur plasticité, leur capacité
de s'adapter. De fait, les cellules nerveuses ajustent en permanence leurs sy‐
napses en fonction des entrées qu'elles reçoivent{150}. » Pendant la plus
grande partie de la vie, le cerveau est capable de rattraper un retard acquis
les premières années.
Le lien entre pauvreté et échec scolaire n'est pas inéluctable. Les études
Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves) montrent
que, dans beaucoup d'autres pays développés, ce lien est moins élevé qu'en
France. Plusieurs actions peuvent aider à le casser : améliorer les conditions
de vie de l'enfant et de sa famille ; investir davantage dans le soutien à la
petite enfance (accès aux crèches, etc.) et dans l'école élémentaire{151} ; ré‐
duire les inégalités territoriales d'éducation{152} ; soutenir les parents dans
leur rôle éducatif{153} ; changer le regard négatif souvent porté sur les élèves
en difficulté, qui les décourage encore plus (c'est l'« effet Pygmalion ») ;
mettre en œuvre des pédagogies adaptées à tous les élèves{154} et des modes
d'évaluation qui les mettent moins en compétition et les encouragent tous à
progresser ; développer des temps de formation tout au long de la vie ; etc.

66
39. « Les enfants d'immigrés sont plus en échec scolaire
que les autres. »
→ C'est vrai, non pas parce qu'ils sont immigrés, mais
parce qu'ils appartiennent à des milieux sociaux en moyenne
plus défavorisés.

Parfois, on entend dire aussi que « les élèves étrangers font baisser le ni‐
veau des classes. »
En réalité, « à niveau social égal, les descendants d'immigrés ne sont pas
en moyenne plus touchés par l'échec scolaire et les sorties sans diplôme que
le reste de la population. Les élèves issus de l'immigration connaissent plus
souvent l'échec, avant tout parce qu'ils appartiennent à des milieux sociale‐
ment moins favorisés », explique le Cese dans son « Avis sur les inégalités à
l'école » de 2011. Plusieurs chercheurs{155} ont montré au contraire que, à
conditions sociales et familiales égales, les enfants d'immigrés ont en
moyenne des trajectoires scolaires plus positives que les autres élèves.
Preuve de la force des motivations éducatives chez les familles issues de
l'immigration, et du fait que l'école française ne crée pas pour ces élèves un
handicap spécifique, en plus de celui qu'ils doivent au fait d'appartenir en
moyenne à un milieu plus défavorisé.

67
Sur le logement

40. « Les pauvres ne paient pas leur loyer. »


→ Faux. Se loger est de plus en plus cher. Mais payer son loyer
est une priorité pour les familles aux revenus modestes.

Selon le rapport 2019 de la Fondation Abbé Pierre, le nombre de familles


en effort financier excessif dû au logement a augmenté de 25,8 %
entre 2006 et 2013 (passant de 2 156 000 à 2 713 000), alors que le nombre
d'impayés de loyers n'a augmenté que de 2,5 % (passant de 481 000 à
493 000). Celui-ci reste faible : il concerne 7 % des ménages pour les im‐
payés de plus de trois mois en 2012 pour le parc HLM{156}. Malgré la
hausse des loyers (idée fausse 23) et des coûts de l'énergie (qui ont augmen‐
té de 10 % en 2011 ; de 5,5 % en 2012 ; 3,9 % en 2013 ; 1,9 % en 2014), les
gens paient leur loyer, même avec des difficultés croissantes. Les ménages
les plus modestes consacrent en moyenne 30 % de leur budget à se lo‐
ger{157}.

41. « Ceux qu'on expulse sont des profiteurs. »

68
→ Faux. La majorité des expulsions sont le résultat d'accidents
de parcours graves dans la vie des locataires.

La majorité des impayés de loyers sont dus à une rupture professionnelle


ou personnelle imprévue dans la vie du locataire, de plus en plus fréquente
étant donné la précarisation croissante des foyers, l'augmentation continue
des loyers et des charges et la diminution des aides au logement pour une
partie des ménages{158} (idée fausse 126). Une faible part des impayés sont
dus à un niveau initial du loyer trop élevé ou à un conflit entre le locataire
et le propriétaire (environ 10 % pour ce dernier cas, souvent pour un diffé‐
rend sur des travaux à exécuter dans le logement ou sur le montant du loyer
ou des charges){159}. Lorsqu'un locataire est confronté à une perte d'emploi,
un problème de santé ou une séparation, la dégradation de sa situation éco‐
nomique l'enferme souvent dans une spirale dont il est difficile de sortir,
surtout si ni lui ni le bailleur ne connaissent les aides et l'accompagnement
dont ils peuvent bénéficier. Le taux de non-recours à l'aide personnalisée au
logement (parc public) est faible – environ 5 % –, mais il est de 60 % pour
l'allocation de logement à caractère social concernant les foyers sans enfant
dépendant du parc privé (idée fausse 19).
Les expériences d'accompagnement et de conseil aux locataires en diffi‐
cultés ont fait leurs preuves. Par exemple, cela a permis de réduire les ex‐
pulsions de 37 % à Helsinki{160}.

69
Sur la culture et les loisirs

42. « C'est leur culture qui enferme les pauvres dans la


pauvreté. »
→ Faux. Il n'existe pas de « culture de la pauvreté » qui empê-
cherait les personnes en précarité de s'intégrer à la société.

Les personnes en situation de pauvreté partagent-elles des croyances, des


valeurs et des comportements essentiellement négatifs (la résignation, la vie
au jour le jour, une répugnance pour le travail et pour l'école, une « culture
de l'assistance », une culture des droits et non des devoirs, un abus de
drogues et d'alcool, etc.) qui les empêcheraient de s'intégrer dans la société
et seraient en grande partie à l'origine de leur pauvreté ? L'anthropologue
Oscar Lewis a popularisé en 1961 cette notion d'une « culture de la pauvre‐
té », dans son livre Les Enfants de Sánchez.
Cette thèse a desservi les pauvres du monde entier pendant des décen‐
nies. Elle a été contredite par des études{161} qui montrent que ce sont les
facteurs structurels (économiques, sociaux, politiques, etc.) qui sont avant
tout à l'origine de la pauvreté (voir aussi les idées fausses 4 et 12). Une
étude britannique sur les « familles qui n'ont jamais travaillé »{162} montre
que ces cas sont extrêmement rares et que les phases d'inactivité corres‐
pondent plus à des étapes de la vie (par exemple situation de parent isolé
avec de jeunes enfants, etc.), qu'à un état permanent.

70
Le rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale »{163} ex‐
plique que « [en milieu de pauvreté], on prend ses distances par rapport à la
culture environnante, perçue comme une agression, parce qu'elle révèle sans
ménagements vos ignorances et incapacités. On en vit cependant des va‐
leurs de base. C'est le manque de moyens de les appliquer concrètement qui
use l'adhésion et conduit à l'occasion à des comportements contraires. »

43. « Se loger et manger est plus important que la


culture. »
→ Faux. La culture est une part essentielle de l'être humain et
peut « remettre en route » une vie.

Geneviève de Gaulle-Anthonioz a expliqué l'importance qu'avaient eue


pour elle la culture, l'art et la spiritualité, alors qu'elle se trouvait déportée
en 1944 dans le camp de Ravensbrück{164}. À la même époque, des femmes
internées dans un autre camp mettaient en scène le conte de Blanche Neige
pour représenter leur situation{165}. Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant
ont rappelé combien l'aspiration à la beauté avait été forte au cœur même de
l'esclavage, dans les siècles précédents. Nombreux sont les témoignages qui
disent combien la culture est essentielle à l'être humain, même au plus pro‐
fond de sa détresse{166}.
Des chercheurs comme Sian Beilock ont montré{167} que la pratique de
l'écriture, par exemple, pouvait libérer l'esprit de certaines angoisses et lui
permettre de consacrer plus d'énergie à certaines tâches.
Pour Joseph Wresinski, « l'action culturelle est primordiale. Elle permet
de poser la question de l'exclusion humaine d'une manière plus radicale que
ne le fait l'accès au droit au logement, au travail, aux ressources ou à la san‐
té. On pourrait penser que l'accès à ces autres droits devient inéluctable,
lorsque le droit à la culture est reconnu{168}. » S'appuyant sur cette réflexion,
le philosophe Patrice Meyer-Bish explique que la puissance créatrice
de chacun est celle qui déclenche les autres droits{169}.
Tout cela va à l'encontre de la célèbre théorie de la « pyramide des be‐
soins » du psychologue Abraham Maslow qui, bien que n'ayant pas de vali‐

71
dité scientifique, est enseignée partout. Cette théorie distingue des besoins
dits primaires de besoins dits secondaires.

Pyramide des besoins de Maslow

Un programme de recherche mené par ATD Quart Monde a déconstruit


cette pyramide, expliquant que la culture peut « remettre en route » une
vie : « Les besoins culturels sont aussi importants que les besoins qualifiés
traditionnellement de primaires. [...] La culture est une nourriture essentielle
pour l'être humain. Le matériel, au sens large, ne suffit pas pour redonner de
l'élan dans une vie. Les gens ne se mettent pas en route pour cela. La diffi‐
culté, par exemple, que peuvent avoir des personnes en situation de précari‐
té à prendre leur santé en main peut provenir d'une absence de but, d'un
manque de finalité dans leur existence. [...] De fait, il existe un cloisonne‐
ment entre l'action sociale, qui prend en compte les besoins primaires vi‐
taux, et l'action culturelle, qui paraît subsidiaire (à satisfaire lorsque les
autres besoins seront satisfaits) ou relative, donc non primordiale quand il
s'agit de personnes en situation de précarité. [...] Il existe à la fois des be‐
soins primaires vitaux et des aspirations (reconnaissance, culture, beauté...)
qui font que quelqu'un est un être humain à part entière. Pour passer de l'as‐
sistance à la participation, il faut que ces aspirations soient prises en
compte. [...] Nous proposons de remplacer le dessin pyramidal [de la pyra‐
mide de Maslow] par un cercle, une boule, qui respecte la totalité de la per‐
sonne{170}. »

72
Le cercle des besoins

44. « Les pauvres manquent de culture. »


→ Pas si simple. Chaque personne a besoin d'accéder
à la culture de tous, mais aussi de consolider ses propres sa-
voirs et expériences.

Que chacun puisse accéder à la culture « reconnue » ou « savante » est


important et il faut amplifier les actions dans ce sens. Mais « le droit à la
culture se fonde d'abord sur le droit à l'expression et à la consolidation, par
tous, de leur propre savoir, de leur propre expérience et pensée{171} ». L'art
et la beauté permettent de découvrir les savoirs, les souffrances et les es‐
poirs d'autres que soi, et aussi de dire sa propre vie à d'autres, en passant par
le détour de la création et de l'imaginaire{172}.
C'est pourquoi il faut multiplier les lieux d'éducation populaire qui per‐
mettent la rencontre, l'expression et la création par tous. Dans son ar‐
ticle 103, la loi Notre (Nouvelle organisation territoriale de la République)
de 2015 incite d'ailleurs les collectivités à mettre en valeur les « droits
culturels » des habitants, qui, selon la Déclaration de Fribourg de 2007, sont
« l'ensemble des références culturelles par lesquelles une personne, seule ou
en commun, se définit, se constitue, communique et entend être reconnue
dans sa dignité ».
Les personnes en précarité peuvent être créatrices de valeurs, de modes
de vie, de récits, de manières de créer qui ne reposent pas sur du « toujours

73
plus » et peuvent rejoindre les aspirations croissantes d'autres citoyens qui
recherchent des manières de vivre ensemble plus solidaires et plus du‐
rables{173}.

45. « Les pauvres n'ont pas besoin de vacances. »


→ Faux. Les vacances sont vitales pour toute personne.

40 % des Français ne partent pas en vacances{174}. 26 % des foyers qui


ont un revenu mensuel supérieur à 1 900 € ont reçu une aide pour les va‐
cances en 2014 et seulement 22 % des foyers qui ont un revenu inférieur à
1 200 €{175}. La loi contre les exclusions de 1998 précise pourtant que
« l'égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique spor‐
tive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national [qui] permet
de garantir l'exercice effectif de la citoyenneté ».
Les vacances sont « un temps propice à de nouveaux échanges, à la créa‐
tion d'une mémoire familiale heureuse, et dans certains cas au rapproche‐
ment parent-enfant{176} ». Des bénéfices vitaux pour chaque enfant, jeune et
adulte, qu'il travaille ou soit privé d'emploi.

74
Sur la participation citoyenne et poli-
tique

46. « Les pauvres ne participent pas à la vie en socié‐


té. »
→ Faux. Lorsque les conditions sont réunies, les personnes en
grande précarité veulent et peuvent participer.

Dans son rapport de 2011 « Recommandations pour améliorer la partici‐


pation des personnes en situation de pauvreté et d'exclusion à l'élaboration,
à la mise en œuvre et à l'évaluation des politiques publiques », le Conseil
national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale
(CNLE) rappelle les lois de 1991, 1998 et de 2002 sur la participation.
S'inspirant en particulier des Universités populaires Quart Monde et de la
méthode du Croisement des savoirs et des pratiques© expérimentée par
ATD Quart Monde{177}, ce rapport précise : « La participation doit être le ré‐
sultat d'une confrontation de points de vue entre des expertises différentes :
l'expertise donnée par une expérience de vie, l'expertise politique et l'exper‐
tise technique. Ce n'est plus décider pour les personnes en situation de pau‐
vreté, mais bien décider avec elles. [...] Il ne s'agit pas seulement de sollici‐
ter un simple témoignage de ces personnes mais bien de créer les conditions
d'une réciprocité des savoirs. [...] Il y a une certaine méthodologie à mettre

75
en place pour que cette participation soit réelle. Elle consiste à former et
préparer des personnes en situation de pauvreté et les institutionnels à ces
pratiques. » Ces conditions sont rarement réunies dans des groupes ou as‐
semblées. Cela demande du temps et un investissement fort des animateurs,
mais permet une participation de tous{178}.
Dans La Démocratie des émotions{179}, les chercheurs Loïc Blondiaux et
Christophe Traïni expliquent aussi comment, dans la démocratie participa‐
tive, la prise en compte des émotions (le sentiment d'indignation, mais aussi
la conscience de posséder un savoir utile à d'autres, l'empathie, l'imagina‐
tion, etc.) peut, si celles-ci servent à construire une pensée collective,
conduire à un renforcement de la confiance, de la participation et de la ca‐
pacité d'agir des personnes en grande précarité.

47. « Les pauvres se désintéressent de la politique. »


→ Pas si simple. Les plus défavorisés s'intéressent davantage à
la politique que ceux qui sont un peu plus favorisés.

En 2016 au Royaume-Uni, 34 % des personnes appartenant au 1er quintile


de revenus exprimaient un grand intérêt pour la politique. Elles étaient
moins nombreuses (28 %) dans le deuxième quintile{180}. Cette même an‐
née, les Britanniques sont « seulement » 50 % à penser, pour le 1er quintile,
que leur parole n'a aucun poids en politique, contre 57 % pour le second,
53 % pour le troisième, 51 % pour le quatrième et 44 % pour les 20 % les
plus favorisés.
En France, 67 % des personnes les plus précaires interrogées dans le
cadre de l'enquête préélectorale TNS Sofres-TriÉlec{181} disaient avoir de
très fortes intentions de voter au scrutin présidentiel d'avril 2012. C'est
moins que pour les personnes plus favorisées, mais cela montre que le lien
avec la politique résiste en partie à l'insécurité économique, à l'isolement
social et à la stigmatisation rencontrés par les personnes en précarité, alors
même que les débats politiques abordent peu, en général, les questions qui
les concernent directement, voire les stigmatisent.

76
48. « Les plus pauvres votent extrême droite. »
→ Faux. Les personnes en grande précarité votent plus à
gauche qu'à droite.

La précarité a effectivement favorisé en avril 2012 Marine Le Pen, qui a


doublé son score chez les électeurs précaires (20 %) par rapport aux plus fa‐
vorisés (11 %). Mais, plus que la catégorie des plus précaires, c'est la caté‐
gorie juste au-dessus qui a le plus voté Le Pen (24 %), ceux qui ont un petit
patrimoine, possèdent parfois leur logement, ont un statut social et
craignent de le perdre. Lors de cette élection, les plus précaires ont voté
plus à gauche que les autres couches de la population{182}.
« Plus que la condition sociale ou la profession, ce qui regroupe les élec‐
teurs du FN [désormais RN], précise le démographe Hervé Le Bras, c'est
plutôt le sentiment de ne pas s'en sortir face à la crise. Le FN recrute dans
une population plus large, comprenant des artisans et des commerçants, ap‐
partenant à une classe moyenne inférieure ou à une classe populaire supé‐
rieure. Ce ne sont pas tant les plus fragiles socialement qui votent FN que
ceux qui les côtoient et redoutent de basculer dans une forme ou une autre
de précarité{183}. »
En 2016 au Royaume-Uni, 4 % des Britanniques appartenant aux 20 %
les plus défavorisés se déclaraient proches du parti UKIP d'extrême droite,
contre 7 % des membres du second quintile (et 4 ou 3 % pour les autres
quintiles){184}. Les Britanniques les plus défavorisés votent plus à gauche
qu'à droite{185}.

77
Sur l'environnement et le climat

49. « Les pauvres polluent. »


→ Faux. Ils polluent moins que les autres.

Les ménages européens ayant un faible impact sur l'environnement sont


plus souvent des foyers monoparentaux avec un niveau de revenu faible et
dont la personne de référence est économiquement inactive{186}.
En France, l'empreinte écologique des 10 % les plus fortunés égale deux
fois celle des 10 % les plus pauvres{187}.

50. « Les pauvres ne sont pas spécialement touchés par


le changement climatique. »
→ Faux. Ils sont très exposés et les inégalités écologiques sont
liées aux inégalités sociales.

Les populations confrontées à la pauvreté ont moins de moyens que


d'autres pour échapper aux conséquences du changement climatique comme
la hausse des températures et la dégradation de la qualité de l'air{188}. Elles
vivent plus souvent dans des lieux exposés à la pollution et ont peu de

78
moyens de s'en protéger et de s'en éloigner. Elles sont aussi plus vulné‐
rables{189}.
Au Royaume-Uni, les habitants des 10 % des territoires les plus défavori‐
sés ont huit fois plus de risques de résider dans des zones inondables que les
10 % les plus avantagés et la qualité de l'air y est plus mauvaise{190}.
Lors de la canicule de 2003 qui fit 15 000 morts en France, l'un des deux
principaux critères liés aux décès de personnes âgées était, avec le degré
d'autonomie de la personne, sa catégorie socioprofessionnelle{191}.
L'élévation des températures touche davantage les familles qui occupent
des logements mal isolés et surpeuplés – en particulier les enfants et les per‐
sonnes âgées. Le réchauffement favorise le développement des maladies
respiratoires chroniques qui, en France, concernent 57,3 pour mille des bé‐
néficiaires de la CMU-C, contre 35,4 pour mille de la population en géné‐
ral{192}. Aux États-Unis, la pauvreté est un déterminant de l'asthme plus im‐
portant que le fait de vivre en ville ou à la campagne{193}.
Des mesures prises contre les causes ou les conséquences du changement
climatique peuvent soit ne pas toucher les personnes en précarité, soit se re‐
tourner contre elles, si ces mesures ne sont pas pensées avec tous. Par
exemple, la rénovation thermique de logements sociaux peut renchérir le
montant des loyers et des charges, la taxe carbone peut renforcer la précari‐
té énergétique chez de nombreuses familles (idée fausse 130), etc.
Tout cela considéré, les inégalités environnementales sont, comme les in‐
égalités d'accès aux soins, à l'emploi, etc., un facteur aggravant la pauvreté
tout autant qu'un facteur aggravé par elle{194}.

51. « Les pauvres ne s'intéressent pas à l'écologie. »


→ Faux. Ils mettent en œuvre des pratiques qui peuvent agir
contre le dérèglement climatique.

Les personnes confrontées à la précarité sont au quotidien « plus écolos


que les écolos » (idée fausse 49). Est-ce par nécessité ou par choix, ou les
deux ? Pour le politologue Paul Ariès, « les cultures populaires sont d'abord
des cultures du peu et à ce titre elles inventent des façons de vivre diffé‐
rentes{195} ». Les familles en précarité mettent en œuvre des pratiques déva‐
lorisées par notre société de consommation et qui peuvent agir contre le dé‐

79
règlement climatique : faire durer les objets, les remettre en état et les réuti‐
liser, prêter et s'entraider, économiser l'énergie, etc. (voir aussi idée fausse
129).
Ce sont parfois aussi des populations défavorisées qui, touchées de plein
fouet par des problèmes environnementaux (voir l'idée fausse 50), se sont
mobilisées tôt dans certains pays. En 1982, des habitants du comté de War‐
ren aux États-Unis ont manifesté contre l'enfouissement de déchets chi‐
miques dans leur ville, la plus pauvre de Caroline du Nord. Cet événement
est souvent identifié comme l'acte de naissance des mobilisations de justice
environnementale{196}.

80
Sur les immigrés et les réfugiés

52. « L'immigration augmente massivement en


France. »
→ Faux. Elle n'a augmenté que de 1,9 point entre 1975 et 2015.

En France, les immigrés composaient, en 1931, 6,6 % de la population.


Cette part a diminué jusqu'à la guerre et augmenté ensuite pour atteindre
7,4 % en 1975, restant à ce niveau jusqu'en 1999 et augmentant jusqu'à
9,3 % en 2015 (alors que les Français l'évaluaient en 2011 à 23,5 %{197} !),
pour un total de 6,17 millions de personnes sur une population française to‐
tale de 66,4 millions.
En 2018, 256 000 immigrés sont arrivés en France (dont 33 500 pour rai‐
sons économiques, 90 000 pour raisons familiales, 83 000 étudiants, 34 000
pour raisons humanitaires – essentiellement réfugiés – et 15 000 pour mo‐
tifs divers){198}.
Chaque année 60 000 à 70 000 personnes quittent la France (essentielle‐
ment étudiants en fin d'études, départs en fin de contrat de travail ou départs
en retraite).
La France accueille moins d'étrangers que la moyenne des pays euro‐
péens.

81
53. « Les immigrés font baisser les salaires et prennent
des emplois aux Français. »
→ Faux. À terme, l'immigration a un impact nul ou positif sur
l'emploi.

En France, en 2010, un dixième de la population active était immigrée.


On entend parfois dire que si des travailleurs issus de l'immigration retour‐
naient dans leur pays d'origine, cela ferait autant d'emplois libérés pour les
chômeurs français. Ce raisonnement est erroné.
Redisons tout d'abord que la France n'a délivré en 2018 que 33 500 titres
de séjour pour motif économique. L'afflux annuel de travailleurs immigrés
en France est très faible.
Dans les pays de l'OCDE, « la probabilité que les immigrés accroissent le
chômage est faible à court terme et nulle à long terme{199} ». Des études ob‐
servent même un effet positif de l'immigration sur l'emploi. Pour ce qui est
de la France, les immigrés en provenance de pays tiers ont significative‐
ment contribué à la croissance du PIB par habitant et à la baisse du chô‐
mage entre 1994 et 2008{200}.
On observe depuis des décennies dans tous les pays que lorsque la popu‐
lation croît, cela accroît en effet la taille du marché et de la richesse du pays
(idée fausse 57) et donc cela crée de nouveaux emplois : en France, la popu‐
lation en emploi est ainsi passée de 21,2 millions en 1921 à plus de 25 mil‐
lions en 2014. C'est pourquoi l'ensemble des études ne constatent pas d'im‐
pact particulier à terme de l'immigration sur les salaires et le chômage
(même si l'on constate souvent, pendant une période d'ajustement de 1 à 5
ou 10 ans, une légère baisse des salaires des natifs concernant les qualifica‐
tions qui correspondent à celles des travailleurs immigrés{201} et une légère
hausse des salaires concernant les qualifications complémentaires) : au-delà
de ces périodes d'ajustement, l'immigration est en réalité comparable à une
augmentation proportionnelle de la population, de l'emploi et de la produc‐
tion sans incidence sur le niveau du salaire moyen et sur le niveau de chô‐
mage.
Le taux de chômage est élevé en France par rapport à d'autres pays qui
accueillent une immigration plus importante, comme les États-Unis, le
Royaume-Uni et l'Allemagne (qui a, il est vrai, une natalité très faible).

82
L'immigration ne joue donc pas une part prépondérante et négative dans le
niveau du chômage et des salaires. La libre circulation des capitaux qui se
délocalisent dans les pays où la main-d'œuvre est moins chère (idée fausse
64) a un impact plus important.

54. « Les étrangers sont attirés par notre protection so‐


ciale. »
→ Faux. Ils sont avant tout attirés par la perspective d'un tra-
vail.

On peut émigrer d'un pays pour des raisons économiques, politiques, eth‐
niques ou religieuses, ou pour fuir un conflit, etc. Pour ce qui est des moti‐
vations économiques, une étude européenne{202} montre que les immigrés
européens sont avant tout attirés par la perspective de travailler bien plus
que par celle de percevoir des aides sociales. Un rapport de l'OCDE le
confirme pour les immigrés européens et non européens{203}. Les conditions
d'accès à notre protection sociale sont restrictives. Par exemple, pour pré‐
tendre au RSA, les personnes issues d'un pays non-membre de l'Union euro‐
péenne doivent être titulaires d'un titre de séjour depuis au moins cinq ans
autorisant à travailler, sauf si elles ont obtenu le statut de réfugié, ou sont
apatrides ou bénéficiaires de la protection subsidiaire.

55. « Les demandeurs d'asile bénéficient de tous les


droits. »
→ Faux. La plupart d'entre eux subissent une grande précarité.

Au nom de la lutte contre l'immigration irrégulière{204}, le traitement des


demandes d'asile est marqué depuis les années 1990 par la méfiance de l'ad‐
ministration française à l'égard des demandeurs. Seule une petite partie des
demandes d'asile sont acceptées (idée fausse 131). La plupart des deman‐
deurs d'asile sont condamnés à vivre dans une grande précarité : soumis à

83
des démarches administratives complexes, sans droit de travailler, sans hé‐
bergements en nombre suffisant, sans autre aide que l'aide médicale d'État
(AME) et la faible allocation pour demandeur d'asile (idée fausse 59)... Or,
comme l'affirme Thomas Hammarberg, commissaire aux droits de l'homme
au Conseil de l'Europe : « Si nul ne peut contester aux États leur intérêt lé‐
gitime à contrôler leurs frontières, ce droit ne doit pas se faire au détriment
du droit de demander l'asile et d'accéder à une procédure équitable{205}. »

56. « Ce sont les étrangers les plus pauvres qui im‐


migrent en France. »
→ Faux. Pour migrer, il faut avoir un minimum de ressources.

Cela coûte cher de migrer et situation économique et niveau d'instruction


des migrants sont en général fortement liés. On constate qu'ils ne passent
pas d'un pays très pauvre directement à un pays riche, mais d'abord à un
pays moins pauvre et proche géographiquement du leur{206}. « Dans l'en‐
semble, les migrants représentent par rapport aux non-migrants de la société
d'origine une population sélectionnée : en meilleure santé, plus instruite,
plus entreprenante, dotée d'un minimum de ressources{207}. »
Une étude montre que les immigrés vivant en France et les réfugiés arri‐
vés en Autriche sont plus instruits que la plupart des personnes restées dans
leur pays de naissance{208}.
Pour les pays d'accueil, cela représente une économie que de voir arriver
des personnes déjà éduquées et en partie formées. On observe toutefois que
« les immigrés en France sont globalement moins qualifiés que les natifs,
même si leur niveau d'éducation est en progression constante depuis trente
ans{209} ».

57. « L'immigration coûte cher à la France. »


→ Faux. L'impact de l'immigration sur les finances publiques
est non significatif.

84
Les immigrés créent de la richesse et donc de l'emploi, car ils sont aussi
consommateurs, cotisants et contribuables (TVA et autres impôts). La réuni‐
fication de familles en France accroît les dépenses de consommation dans
notre pays. Ils apportent également une diversité culturelle et profession‐
nelle qui favorise l'économie du pays d'accueil{210}, sans que notre pays ne
supporte une part des frais d'éducation et de formation. « Les États-Unis et
le Royaume-Uni fournissent à cet égard une illustration de ce qu'on peut
considérer comme une forme de pillage de professionnels de santé dont la
formation a été assurée et financée par d'autres pays. Dans les années 2000,
24 % des médecins exerçant aux États-Unis sont étrangers et 30 % au
Royaume-Uni{211} », explique ainsi Antoine Math.
On constate ainsi que les migrations ont accru le PIB par personne, abais‐
sé le taux de chômage et amélioré les finances publiques en moyenne dans
19 pays de l'OCDE, dont la France, étudiés entre 1980 et 2015 (donc y
compris après la crise de 2007-2008), car elles ont accru la part des actifs
payant des cotisations et impôts. Les migrations ont aussi permis une réduc‐
tion du taux de chômage et de la part des prestations sociales – et en parti‐
culier des retraites – dans le PIB{212}.
Mais leur impact sur les finances publiques serait moins significatif selon
d'autres études. Au fil des années entre 1979 et 2011, il se situerait entre
-0,5 % et +0,05 % du PIB{213} (certaines études font état d'impacts négatifs
beaucoup plus importants de l'immigration sur les finances publiques, car
elles considèrent de manière erronée les enfants d'immigrés jusqu'à 16 ans
comme immigrés et les rattachent après 16 ans à la population native, alors
que ces enfants sont Français dès leur naissance car nés en France).

58. « L'aide médicale d'État coûte cher à la France. »


→ Pas si simple. Elle coûte moins cher... que si elle n'existait
pas.

L'AME est un dispositif d'accès aux soins qui s'adresse aux étrangers en
situation irrégulière depuis plus de trois mois et dont les ressources ne dé‐
passent pas le plafond de la CMU-C. Elle donne droit à la prise en charge
de 100 % des soins dans la limite des tarifs de base de la Sécurité sociale, ce
qui peut laisser un reste à charge conséquent pour le bénéficiaire. Elle

85
concerne en 315 835 personnes fin 2017 (dont 286 669 en métropole) pour
un budget total de 867 millions d'euros{214}, soit un coût annuel de 2 745 €
par personne, c'est-à-dire moins que la consommation annuelle moyenne de
soins et biens médicaux (CSBM) en France en 2017 : 2 977 € par habi‐
tant{215}.
En 2010, un autre rapport{216} précisait que « les bénéficiaires de l'AME
sont majoritairement des hommes seuls dans un état de santé dégradé ne re‐
courant aux soins et à une couverture maladie qu'en cas de besoin. À plus
de 80 %, ils n'ouvrent des droits que pour eux-mêmes. » Le rapport expli‐
quait que restreindre l'accès à l'AME provoquerait encore plus de renonce‐
ments aux soins, dont « le premier effet pourrait être celui de l'accroisse‐
ment des dépenses allant bien au-delà de l'économie escomptée, [des res‐
trictions à l'accès à l'AME] pouvant conduire à retarder une prise en charge
médicale et à un recours tardif à l'hôpital, nettement plus coûteux. Le
deuxième effet pourrait être celui de risques sanitaires sérieux du fait des
retards induits sur le recours aux soins par la population concernée. »
Abhijit V. Banerjee et Esther Duflo expliquent par ailleurs que cela « rap‐
porte plus » à la société de soigner les plus pauvres que de ne pas le faire,
car une personne en bonne santé travaille et accroît par sa production la ri‐
chesse de la collectivité{217}.

59. « Les réfugiés passent toujours avant les pauvres. »


→ Faux. Ils ne sont même pas accueillis comme la loi le prévoit.

La France accueille jusqu'à présent très peu de réfugiés (idée fausse 131).
Ceux qui demandent l'asile en France ne peuvent pas travailler tant qu'ils
n'ont pas le statut officiel de réfugié. En attendant, ils reçoivent l'allocation
pour demandeur d'asile – 200 € par mois pour une personne seule si elle est
logée dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), 340 € sinon.
Et ils bénéficient de la CMU.
Mais les conditions d'accueil en France ne sont pas bonnes. Jusqu'à la ré‐
forme de 2015 qui raccourcit de moitié le délai d'instruction, il fallait deux
ans en moyenne pour obtenir le statut de réfugié (en Allemagne, ce délai
était de cinq mois jusqu'en 2016 et les demandeurs d'asile peuvent travailler
au bout de trois mois). De plus, la loi française oblige à héberger les deman‐

86
deurs d'asile, mais, faute de places disponibles, « en 2014, seulement 39 %
des demandeurs d'asile remplissant les conditions pour être pris en charge
en Cada ont effectivement été accueillis dans ce dispositif. Au 31 décembre
2014, 38 000 personnes étaient en attente d'une place en Cada », souligne la
Fnars{218} (Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation
sociale, devenue FAS – Fédération des acteurs de la solidarité). D'où des
camps illégaux souvent insalubres.
On a entendu dire que des demandeurs d'asile se verraient attribuer des
logements sociaux inoccupés, en passant avant tous les mal-logés qui at‐
tendent depuis des années. En réalité, beaucoup de ces logements sont tem‐
poraires ou sont situés dans des régions isolées où l'on ne trouve guère de
travail.

60. « Des étrangers âgés perçoivent le minimum


vieillesse en arrivant, sans avoir jamais travaillé. »
→ Faux. Les conditions d'obtention sont contraignantes.

Pour bénéficier de l'Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa),


une personne de nationalité étrangère doit soit détenir depuis dix ans un
titre de séjour autorisant à travailler, soit être réfugiée, apatride, ou ancien
combattant, soit être ressortissante d'un État membre de l'Espace écono‐
mique européen ou suisse (ces ressortissants représentent 3,5 % seulement
des bénéficiaires de l'Aspa{219}). Il faut aussi résider régulièrement en
France. Le montant de l'Aspa dépend des ressources de la personne et est au
maximum de 801 € par mois.

87
Sur les Roms

61. « Les Roms ne veulent pas s'intégrer. »


→ Faux.

Les Roms présents en France sont le plus souvent des migrants écono‐
miques qui ont fui leur pays afin d'échapper à une très grande précarité liée
à une discrimination et à un rejet féroces. Ils veulent scolariser leurs en‐
fants, trouver un emploi, faire vivre leur famille, mais en étaient largement
empêchés jusqu'à janvier 2014 par une réglementation qui rendait difficile
leur accès au travail. Des dizaines de milliers de Roms sont intégrés dans
les études et la vie active et ne se revendiquent pas explicitement roms.
Les Roms gardent des liens très forts avec les membres de leur famille
restés au pays. Les allers-retours qu'ils effectuent entre la France et celui-ci
peuvent parfois être perçus comme une intention de ne pas s'intégrer.
En mars 2014, l'association Les Enfants du Canal a réalisé une « Enquête
sur l'intégration des Roms vivant dans des bidonvilles d'Île-de-France » au‐
près de 119 personnes habitant six bidonvilles en Île-de-France. 53 %
d'entre elles vivent en France depuis plus de cinq ans ; 86 % souhaitent
vivre dans une maison et 8 % dans un appartement ; 95 % souhaitent occu‐
per un emploi salarié et 80 % ont déjà travaillé.
L'ouvrage Roms et riverains{220} décrit de nombreux exemples de bonnes
relations qui se sont nouées entre des familles roms et leur voisinage dans

88
plusieurs villes françaises, malgré la virulence de certains discours hostiles
à leur présence.

62. « Les enfants roms font partie de bandes organi‐


sées. »
→ Faux. Les bandes organisées sont le fait de réseaux spéciali-
sés et ne concernent qu'un petit nombre d'enfants.

Les enfants roms présents en France sont d'origines diverses. Venus d'ex-
Yougoslavie, de Roumanie, de Bulgarie, de milieu rural ou urbain, certains
ont fait des études, d'autres non... Lorsque ceux-ci commettent des délits, il
faut distinguer deux cas de figure qui nécessitent des réponses différenciées
en termes de répression, de prévention et d'accompagnement.
Premier cas : il peut d'agir d'actes de mendicité et de délits mineurs, com‐
mis à l'insu des parents ou non, liés à une situation de précarité, de non-sco‐
larisation{221}, d'errance et de rejet. La situation d'errance de ces jeunes et
les expulsions répétées gênent leur prise en charge par les dispositifs habi‐
tuels de protection de l'enfance.
Second cas : il peut d'agir de vols à répétition commis par des enfants
sous l'emprise de réseaux d'exploitation organisés. Le ministère de l'Inté‐
rieur estime entre 300 et 400 le nombre de ces mineurs commettant des dé‐
lits réguliers et habitant un bidonville d'Île-de-France{222}.

63. « Il faut évacuer les campements de Roms. »


→ Oui, pour des raisons d'urgence humanitaire. Mais pas n'im-
porte comment.

La circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l'anticipation et


à l'accompagnement des opérations d'évacuation des campements roms illi‐
cites précise aux préfets qu'il convient « d'assurer un traitement égal et
digne de toute personne en situation de détresse sociale [...] en initiant le
travail le plus en amont de la décision de justice qu'il est possible, de propo‐

89
ser des solutions d'accompagnement [...]. Cela suppose, dans une logique
d'anticipation et d'individualisation, l'établissement, chaque fois qu'il est
possible, d'un diagnostic et la recherche de solutions d'accompagnement,
dans les différents domaines concourant à l'insertion des personnes (scolari‐
sation, santé, emploi, logement/mise à l'abri...) ».
Par une ordonnance du 24 janvier 2014, le tribunal de Bobigny (Seine-
Saint-Denis) a pris une décision qui pourrait en inspirer d'autres : il a rejeté
la demande d'une société commerciale qui voulait expulser des familles
roms de son terrain situé au Blanc-Mesnil. Le juge a estimé que cette expul‐
sion aurait eu des conséquences humaines disproportionnées par rapport à
la nécessité de l'expulsion. S'inspirant de l'arrêt de la Cour européenne des
droits de l'homme (CEDH) du 17 octobre 2013{223}, le juge a rappelé que la
perte d'un logement, si précaire soit-il, était une des atteintes les plus graves
au droit au respect du domicile et de la vie privée et familiale, et que, dans
ce cas précis, la circulaire du 26 août 2012 n'avait pas été mise en œuvre.
Allons plus loin que le texte de cette circulaire (qui n'est pas appliquée à
la lettre par les préfets) : toute évacuation de campement illicite devrait être
subordonnée à une solution de relogement digne proposée aux familles. Si‐
non, on ne fait que déplacer le problème et on casse des efforts d'intégration
entrepris parfois depuis des mois ou des années.

90
Seconde partie

« C'est bien beau,


mais on ne peut pas faire autrement. »
Idées fausses
sur les solutions

« C'est une injustice faite aux hommes qui n'ont pas de pouvoir de leur faire
croire qu'il n'y a plus de bonnes nouvelles sérieuses dans le monde, car c'est
les vouer à plus de misère. »
Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde

« Le monde a assez pour répondre aux besoins de tous, mais pas assez pour sa‐
tisfaire l'avidité de chacun. »
Gandhi

Les politiques et les réformes s'enchaînent depuis des décennies, mais


sans parvenir à faire reculer durablement la pauvreté, le chômage et la pré‐
carité. Serait-on impuissant ? Ou bien n'aurait-on pas emprunté les bonnes

91
pistes ? Avec au moins 8 millions de personnes en manque d'emploi décent
en France, le temps n'est-il pas venu de concevoir ces politiques avec les
premiers concernés et de mettre en œuvre un projet de société basé sur la
dignité et l'utilité de tous ?

92
Sur la pauvreté en général

64. « Avec la mondialisation, la hausse du chômage est


inéluctable. »
→ Pas si simple. Ses effets négatifs sont réels, mais pas inéluc-
tables.

La mondialisation dérégulée – avec, dès les années 1950, les traités de


commerce qui échappent aux normes sociales de l'Organisation internatio‐
nale du travail (OIT) et ont pour but de faire régner la concurrence entre les
États – joue un rôle non négligeable dans l'accroissement des inégalités, du
chômage et de la pauvreté dans de nombreux pays. Elle permet que les ca‐
pitaux soient investis là où la main-d'œuvre est la moins chère. Ce n'est pas
la seule cause de tous ces maux. Il y a aussi, entre autres, la hausse de la
productivité qui, en France, a été multipliée par deux entre 1820 et 1960, et
par cinq depuis{224} !
Un aspect largement médiatisé de la mondialisation est la délocalisation
de l'emploi industriel depuis la France vers d'autres pays. Difficile à quanti‐
fier, ce phénomène ne toucherait que 10 000 à 20 000 emplois par an (du
moins entre 1995 et 2001) et est surtout l'œuvre de très grandes entre‐
prises{225}. On estime aussi qu'entre 1999 et 2015 les emplois exposés à la
concurrence internationale sont passés de 27,5 % à 23,6 % de ce total. Ils

93
ont diminué de 5,8 %, pendant que le reste des emplois, abrités de la
concurrence internationale, augmentait de 15,3 %{226}.
Le phénomène des « travailleurs détachés » est un autre aspect de cette
libre concurrence faussée par la mondialisation. Ces salariés étrangers
viennent travailler en France – à la demande d'entreprises françaises – en
étant payés aux conditions françaises, mais cotisent dans leur pays d'ori‐
gine, donc moins, et sont souvent exploités.
Les effets pervers de la mondialisation ne sont pas inéluctables, puisque,
par exemple, certains pays du nord de l'Europe sont plus mondialisés que
nous et connaissent moins de pauvreté{227}. Des politiques nationales de
lutte contre la pauvreté peuvent aider à combattre ces effets pervers et à re‐
localiser l'économie, ce qui est une bonne chose également pour la lutte
contre le dérèglement climatique.
Une première étape serait déjà d'instaurer une plus grande homogénéité
salariale, sociale et fiscale entre les différents pays de l'Union européenne.
Un pas timide a été franchi en 2015 avec l'instauration d'un salaire mini‐
mum en Allemagne.

65. « Vouloir éradiquer la misère est utopique. »


→ Faux. C'est surtout la volonté citoyenne et politique qui
manque.

Vaincre la pauvreté était, dans les années 1960 aux États-Unis, un objec‐
tif du président Johnson qu'il estimait pouvoir atteindre en une génération.
Cette politique ne fut qu'entamée, mais elle produisit de réels résultats,
grâce en particulier à la hausse du salaire minimum et la création en 1965
du service public d'assurance santé Medicaid.
L'économiste Jean Gadrey estime à 20 milliards d'euros le coût annuel
pour maintenir en France tous les citoyens au-dessus du seuil de pauvre‐
té{228}. C'est, ajoute-t-il, « à peu près ce dont les 10 % les plus riches bénéfi‐
cient annuellement en réductions fiscales successives sur le seul impôt sur
le revenu depuis 2000 ». Une autre estimation chiffre ce coût à 15 milliards
(idée fausse 2). On est bien en dessous du coût annuel du CICE accordé ac‐
tuellement aux entreprises (idée fausse 78) ! Et si l'on tient compte des
coûts directs et indirects de la pauvreté qui disparaîtraient (idée fausse 2),

94
cela abaisse encore plus le coût à terme de l'investissement nécessaire pour
supprimer la pauvreté monétaire en France.
L'éradication de la pauvreté monétaire ne résoudrait pas le problème de la
misère et de l'exclusion dans toutes ses dimensions (idée fausse 1), mais ces
quelques repères chiffrés montrent que des premières victoires sont pos‐
sibles.
L'économiste Jeffrey Sachs affirme que l'extrême pauvreté pourrait être
éradiquée dans le monde en vingt ans. Pourquoi, alors, n'y parvient-on pas ?
Parce que, estime l'économiste William Easterly, les « planificateurs » de
l'Onu et des organismes internationaux définissent des solutions « de haut
en bas » inadaptées. Dans l'ouvrage Éradiquer la misère, Xavier Godinot et
ses coauteurs montrent que les planificateurs n'ont pas pris en compte que la
misère est non seulement un problème matériel, mais aussi le résultat de
l'exclusion et d'un mépris social. Elle requiert une transformation de la rela‐
tion entre inclus et exclus, ou entre aidants et aidés{229}. Comme le prouvent
également Esther Duflo et Abhijit V. Banerjee dans Repenser la pauvre‐
té{230}, les politiques menées seraient plus efficaces si les personnes concer‐
nées y étaient associées.
Jim Yong Kim, président de la Banque mondiale, a déclaré le 2 avril
2013 que l'objectif de cette institution était de « mettre fin à l'extrême pau‐
vreté à l'horizon 2030, cet objectif étant désormais à notre portée{231} ».
C'est ce que déclarait aussi son prédécesseur, Robert McNamara, à Nairo‐
bi... en 1973. À suivre donc...

66. « Réduire les inégalités, c'est réduire la pauvreté. »


→ Faux. C'est nécessaire, mais pas suffisant.

On peut réduire les inégalités sans réduire la pauvreté. Imposer davantage


les revenus et les patrimoines les plus élevés (idée fausse 103) est une me‐
sure équitable et utile pour financer des politiques de lutte contre la pauvre‐
té, mais cela ne permet pas en soi de réduire la pauvreté. De réelles poli‐
tiques de lutte contre la pauvreté sont aussi nécessaires pour que celle-ci di‐
minue, voire disparaisse. C'est pourquoi, par exemple, les Objectifs de dé‐
veloppement durable adoptés par les Nations unies en septembre 2015 ont
décidé de viser en même temps ces deux cibles dans leurs objectifs 1 et 10.

95
67. « Concentrons nos efforts sur ceux qui peuvent s'en
sortir. »
→ Non. Pour agir efficacement contre la pauvreté, mieux vaut
réfléchir avec tous.

Pourquoi ? Parce que, en associant les plus pauvres, on s'attaque aux


causes profondes de l'exclusion – en particulier en s'attaquant à ses dimen‐
sions cachées (idée fausse 1) – et on met en œuvre des stratégies qui, si on
les conçoit de manière ouverte, bénéficient à tous. Si l'on ne vise que les
plus aptes à s'en sortir, on conçoit des « politiques d'écrémage » qui laissent
certains encore plus sur le bord de la route... et satisfont les gens qui
pensent qu'il y a de « bons » et de « mauvais pauvres ».
En revanche, « en concentrant les efforts sur les plus pauvres », explique
Anthony Lake, directeur de l'Unicef, « pour chaque million de dollars dé‐
pensé, nous sauvons 60 % d'enfants de plus qu'en optant pour la voie habi‐
tuelle. Autrement dit, cela prouve que ce principe d'équité est non seule‐
ment juste moralement mais plus rentable économiquement{232}. » Concen‐
trer ses efforts sur les plus pauvres signifie concrètement accorder de l'im‐
portance à des dimensions souvent sous-estimées dans les programmes et
les politiques : prendre les moyens d'agir dans la durée en associant les per‐
sonnes concernées ; favoriser les zones géographiques les plus désavanta‐
gées ; concevoir des actions globales, non stigmatisantes ; définir des objec‐
tifs non pas en termes de « moyennes » à atteindre, mais plutôt d'impact
mesuré sur les populations les plus pauvres, avec les acteurs locaux, à partir
de critères de performance qui ne soient plus calculés en termes de volumes
d'argent investis, de rapidité et de visibilité des résultats, mais d'impacts so‐
ciaux durables, etc{233}.

68. « La mobilité sociale en France est aussi bonne


qu'ailleurs. »
→ Faux. Elle est globalement faible par rapport aux pays com-
parables. Pour ce qui est du taux de sortie de la pauvreté, on

96
se situe un peu au-dessus de la moyenne.

Il faut deux générations en moyenne aux 10 % de Danois les plus pauvres


pour rejoindre les classes moyennes ; trois en Norvège, Suède et Finlande ;
quatre en Espagne, au Canada et au Japon ; cinq aux États-Unis ; au
Royaume-Uni, en Irlande, en Italie et en moyenne dans les pays de
l'OCDE ; six générations en France et en Allemagne et sept en Chine.
Sans parler de rejoindre les classes moyennes, mais seulement de sortir
de la pauvreté, on observe que le taux de persistance dans la pauvreté (idée
fausse 1) en France se situe en dessous de la moyenne européenne : 8 %
contre 11,3 % en 2017 (et 7,8 % pour le Royaume-Uni et 11,6 % pour l'Al‐
lemagne). Par ailleurs, 60 % des personnes pauvres en France se trouvent
dans la pauvreté persistante (et 46 % pour le Royaume-Uni et 72 % pour
l'Allemagne), ce qui est là encore « un peu mieux » que la moyenne euro‐
péenne qui est de 67 %{234}.
Depuis les années 1980, la mobilité sociale se dégrade dans la plupart des
pays : les chances d'ascension pour ceux qui se trouvent en bas de l'échelle
diminuent et ceux qui se trouvent en haut ont de plus en plus de chances d'y
rester{235}.
On le voit, la France peut être plus performante en matière de mobilité
sociale ascendante, surtout pour les familles les plus défavorisées. L'ascen‐
seur social fonctionne d'autant mieux dans un pays que l'accès de tous à
l'éducation, à la santé, à un emploi décent et à la protection sociale y est ga‐
ranti.
Une mauvaise mobilité sociale, de même que des inégalités trop impor‐
tantes (idée fausse 107) nuisent à la santé économique et globale d'un pays.

69. « La lutte contre la pauvreté bloquera toujours au


niveau politique. »
→ Pas toujours. Les choses peuvent changer lorsque citoyens
et politiques se mobilisent.

Après le pouvoir d'achat et l'avenir des retraites, la principale préoccupa‐


tion des Français est la pauvreté, pour 86 % d'entre eux, à égalité avec l'en‐

97
vironnement et avant le chômage et l'immigration{236}. Mais la lutte contre
l'exclusion ne marque pas pour autant beaucoup de points sur le terrain poli‐
tique. Qu'est-ce qui explique cette inertie citoyenne et politique constatée un
peu partout ? Différentes raisons. D'abord, les préjugés et les discours font
reposer la responsabilité de la situation principalement sur l'individu (idées
fausses 10 et 106 à 111). Les populations défavorisées et populaires sont in‐
visibilisées{237} et certains discours tentent de les dresser les unes contre les
autres : travailleurs pauvres contre chômeurs, chômeurs contre bénéficiaires
du RSA, bénéficiaires du RSA contre sans-abri, sans-abri contre immigrés,
immigrés contre réfugiés plus récents ou contre Roms, Roms contre sans-
papiers... Enfin, le « court-termisme » dans lequel vivent les milieux finan‐
ciers{238} et la méfiance des citoyens à l'égard du politique liée à la précarité
grandissante, ne favorisent pas la prise de conscience{239}.
Mais croire que « ça bloquera toujours au niveau politique » est aussi une
prophétie auto-réalisatrice. Dans de nombreux pays, lorsque citoyens et po‐
litiques se mobilisent, les choses changent plus que l'on ne croit. Comme le
montrent Esther Duflo et Abhijit V. Banerjee dans Repenser la pauvreté,
des actions d'envergure peuvent réussir même si les lois ne changent pas.
De plus en plus de citoyens lancent des initiatives là où ils vivent, y com‐
pris dans le domaine politique et économique : monnaies locales, budgets
participatifs, collectifs sur la dette locale ou publique, etc{240}. Ces initia‐
tives citoyennes ne garantissent cependant pas que les droits de tous y com‐
pris des plus pauvres soient également respectés, sauf si elles se fixent des
objectifs explicites de justice sociale et d'équité{241}, ainsi que des moyens
effectifs pour une réelle participation de tous (idée fausse 46).
Et parfois, des mobilisations collectives parviennent à créer de nouvelles
lois, comme cela a été le cas avec ATD Quart Monde et la société civile
pour la création du RMI, de la CMU ou des « Territoires zéro chômeur de
longue durée ».
Une des conditions premières pour que les choses changent est que cha‐
cun puisse avoir une meilleure compréhension des mécanismes de la pau‐
vreté et se défaire de certains préjugés, ce qui est le propos de cet ouvrage.
N'hésitez donc pas à le diffuser !

98
Sur l'emploi et l'économie

70. « On n'a pas besoin d'avoir un travail rémunéré


pour exister. »
→ Pas si simple. Certains prônent un revenu de base universel,
d'autres la création massive d'emplois décents.

Tout d'abord, ne confondons pas le travail – production de biens et ser‐


vices moyennant paiement, ce qui inclut travail salarié et non salarié – et
l'activité – comme du bénévolat dans une association, qui peut elle aussi ap‐
porter certains bénéfices, comme la reconnaissance sociale ou la réalisation
de soi (mais pas la rémunération).
67 % des Français déclaraient en 2008-2010 considérer le travail « très
important » dans leur vie (63 % pour les salariés à temps plein et 75 % pour
les personnes sans emploi){242}. C'est davantage que dans les autres pays eu‐
ropéens, où les loisirs et le temps libre sont jugés plus importants que la vie
professionnelle (dans tous les pays, la première place revient à la famille).
Paradoxalement, la France est l'un des pays développés où la satisfaction au
travail est la plus faible{243}.
Constatant que le travail devient globalement de plus en plus pénible,
qu'il est victime du « court termisme » (idée fausse 69), qu'il est inégalitaire
(inégalités hommes-femmes, discriminations à l'embauche...), qu'il dégrade
souvent la planète et se raréfie, certains militent pour qu'il cesse d'être la va‐

99
leur centrale de nos sociétés et pour l'instauration d'un revenu de base uni‐
versel. Ce revenu – qui pourrait aussi prendre la forme d'un « héritage »
versé à chacun à sa majorité (idée fausse 108) – permettrait à chaque ci‐
toyen, pauvre ou riche, de pratiquer des activités (travail, formation, activité
au sein de la famille, engagement bénévole, engagement politique...) en
fonction de ses besoins et désirs.
D'autres réfléchissent à trouver de nouveaux moyens de créer des em‐
plois décents (idées fausses 83 et 85), d'améliorer les conditions de rémuné‐
ration (idée fausse 75) et de travail, en s'interrogeant aussi sur la croissance
constante de nos besoins et de notre consommation.

71. « Il faut contrôler davantage les chômeurs. »


→ Pas si simple. En situation de pénurie d'emplois, renforcer le
contrôle ne sert qu'à pousser les chômeurs vers des emplois
précaires.

Les tenants du discours « il faut contrôler davantage les chômeurs »


disent que c'est ainsi que les gens retrouveront des emplois (voir aussi les
idées fausses 7, 18, 72, 95 et 96). Ce qu'ils ne disent pas, c'est qu'il s'agit
d'emplois de plus en plus précaires. En effet, les études{244} montrent que,
dans une économie qui ne produit pratiquement plus d'emplois décents par
elle-même (idée fausse 84), le renforcement du contrôle des chercheurs
d'emploi a comme résultat de les pousser à accepter des emplois de moins
en moins bien rémunérés et de durées de plus en plus courtes... ou bien de
les décourager à se (ré)inscrire à Pôle emploi. Cela peut faire baisser les sta‐
tistiques du chômage, mais cette précarisation forcée de l'emploi finit par
impacter la santé des personnes et leur productivité, ce qui au final n'est bé‐
néfique ni aux personnes ni à l'économie{245}.
De plus, renforcer le nombre de contrôleurs Pôle emploi sans renforcer le
nombre de conseillers chargés de l'accompagnement des chercheurs d'em‐
ploi ne peut conduire qu'à dégrader la qualité de cet accompagnement et à
augmenter les sanctions injustifiées. Le député Stéphane Viry note dans son
rapport sur Pôle emploi de février 2019 que « en 2016, les deux tiers des
demandeurs d'emploi inscrits dans un accompagnement suivi{246} n'ont pas
eu d'entretien avec leur conseiller référent quatre mois après leur inscription

100
à Pôle emploi. De même, plus d'un quart des demandeurs d'emploi en mo‐
dalité “renforcé”{247} n'avaient toujours pas eu cet entretien cinq mois après
leur inscription à Pôle emploi. Dès lors, de nombreux demandeurs d'emploi
déplorent l'absence d'accompagnement ou la mauvaise orientation qui leur
est proposée. » L'idée de sous-traiter une partie de l'accompagnement à des
structures privées ne semble pas être une bonne solution. Ce même rapport
constate en effet que « en 2014, les membres du conseil d'administration de
Pôle emploi ont considéré que les opérateurs privés n'avaient pas apporté la
preuve de leur efficacité puisqu'à résultats équivalents, le coût était selon
eux plus élevé pour une prestation réalisée par un opérateur privé que par
Pôle emploi ».
Faisant fi de tous ces constats, l'État français a renforcé le contrôle des
chercheurs d'emploi en 2019{248}, certains médias ne craignant pas de désin‐
former pour faire croire que les Français soutiennent ces mesures{249}. Ces
mesures renforcent l'idée que les chômeurs ne veulent pas travailler ou
fraudent. Or Pôle emploi lui-même a établi en 2017 que seulement 14 %
des dossiers contrôlés aboutissaient à une radiation (pour un motif qui est
seulement, le plus souvent, « non-réponse à une convocation »), 60 % de
ces chercheurs d'emploi radiés ne touchant pas d'allocation chômage.

72. « Il vaut mieux un petit travail que pas de travail


du tout. »
→ C'est en effet ce qui se pratique dans de nombreux pays, ce
qui engendre des millions de travailleurs pauvres.

« À lui seul, un emploi stable peut changer de façon décisive la concep‐


tion que les gens ont de la vie », notent Esther Duflo et Abhijit Banerjee.
« Un “bon emploi” est un travail stable, bien payé, qui permet d'avoir l'es‐
pace mental nécessaire. [...] De bons emplois signifient que les enfants
grandissent dans un environnement où ils ont la possibilité de tirer le maxi‐
mum de leurs talents{250}. »
Le sociologue Didier Demazière explique que « l'acceptabilité des petits
boulots est déjà très grande chez les chômeurs. Quand ils s'inscrivent à Pôle
emploi, ils sont plus de 90 % à déclarer vouloir un contrat à durée indéter‐

101
minée, à temps plein. Pourtant, on observe que près de la moitié acceptent
des emplois temporaires de courte durée et à faible temps de travail, puis‐
qu'ils sont inscrits à Pôle emploi dans les catégories B et C recensant ceux
qui exercent une activité réduite{251}. »
Le résultat est que le nombre de travailleurs pauvres ne cesse de grandir
en Europe et ailleurs : environ 7,9 % du total des travailleurs en France en
2016 ; 9,5 % en Allemagne et 8,6 % au Royaume-Uni (chiffres Eurostat
2019). En Allemagne, les réformes Hartz des années 2000 ont réduit la pro‐
tection sociale des personnes sans travail pour les inciter à accepter des
« mini-jobs ». La diminution du chômage – et encore... voir l'idée fausse
112 – s'y est accompagnée d'une hausse des inégalités et de la pauvreté{252}.
Pour Dominique Méda et Bernard Gomel, le fonctionnement du RSA en
France est la consécration d'un message trompeur qui remonte aux poli‐
tiques d'activation des dépenses sociales depuis la fin des années 1990 :
notre système de protection sociale devrait s'adapter à la « nouvelle réalité »
du marché du travail, selon laquelle « l'emploi acceptable est un quart de
temps et une heure d'emploi vaut mieux que l'assistance, pour les finances
de l'État et pour les individus eux-mêmes. L'activité quelle qu'elle soit vaut
mieux que l'inactivité, tel est le message véhiculé{253}. » La faiblesse des ré‐
munérations du travail étant complétée par des prestations sociales versées
aux « travailleurs pauvres »...
Accepter un travail précaire quand son conjoint travaille déjà, pourquoi
pas ? Mais est-ce acceptable pour faire vivre toute une famille (voir aussi
l'idée fausse 16) ? On aurait pourtant les moyens de faire mieux si on le
voulait vraiment (voir les idées fausses 75, 83, 85 et 88).

73. « De toute façon, la robotisation détruit l'emploi. »


→ Pas si simple. Certes, certains métiers vont disparaître, mais
les politiques publiques ont leur mot à dire pour en dévelop-
per d'autres.

De nombreux discours, tel que celui des universitaires d'Oxford Frey et


Osborne{254} qui sert souvent de référence, prédisent la fin d'une bonne par‐
tie des emplois moyennement qualifiés que nous connaissons aujourd'hui,
sous l'effet de la robotisation, de l'intelligence artificielle et de l'« ubérisa‐

102
tion ». Mais ces prédictions sont difficiles à faire. L'OCDE{255} prédit ainsi
cinq fois moins de destructions d'emplois que Frey et Osborne, qui passent
peut-être trop rapidement de la prévision qu'une tâche va être informatisée à
la conclusion que l'emploi correspondant va entièrement disparaître{256}.
D'autre part, on sait que les gains de productivité ont été importants aussi
pendant les Trente Glorieuses, sans que cela nuise à l'emploi. Ces gains ont
en partie permis de réduire la durée hebdomadaire du travail.
Quand on regarde l'évolution sur la durée de différents métiers en Eu‐
rope{257}, on s'aperçoit qu'avec l'Autriche et la Suède, la France fait partie
des pays où la tendance à la disparition des emplois moyennement qualifiés
est la plus importante. Cela semble montrer que les conséquences négatives
des évolutions technologiques sur l'emploi peuvent être limitées par des po‐
litiques publiques qui, par exemple, viseraient à maintenir une qualité de
l'emploi au plus bas de l'échelle des métiers, et en particulier dans le do‐
maine des services à la personne, ou encore limiteraient l'ubérisation de cer‐
tains secteurs d'activité. C'est en Italie, en France et en Espagne que les
temps partiels subis sont les plus élevés parmi les salariés peu qualifiés dans
les services aux personnes. Dans des pays comme le Danemark et la Fin‐
lande, ces emplois sont largement pris en charge par les villes, ce qui limite
une précarisation du travail. En France ou en Espagne, en revanche, la prio‐
rité a été donnée à l'emploi de personnes à domicile par les particuliers eux-
mêmes.

74. « De toute façon, il y a un taux de chômage structu‐


rel. »
→ Pas si simple. La notion de chômage structurel est floue et
peut servir à justifier l'inaction en matière de lutte contre le
chômage.

On confond souvent deux idées : celle d'un taux de « chômage structu‐


rel » qui serait un chômage d'équilibre évitant que les salaires ne s'em‐
ballent, et celle d'un taux de « chômage frictionnel ou naturel » qui, lui, cor‐
respondrait juste au délai nécessaire aux chercheurs d'emploi pour passer
d'un emploi à un autre.

103
On entend parfois dire qu'en France, le chômage structurel serait de 9 %,
ce qui justifierait qu'on ne fasse pas grand-chose pour lutter contre... En réa‐
lité, cette notion est assez vague et les économistes ne s'accordent sur aucun
taux de « chômage structurel ». C'est le libéral Milton Friedman qui a popu‐
larisé cette notion en 1968, sans que quiconque ne comprenne vraiment le
concept{258}. Aujourd'hui, les tenants d'un taux de chômage structurel élevé
sont aussi ceux qui prônent la réduction des salaires, des cotisations so‐
ciales, des impôts sur les entreprises, des contraintes de licenciement, des
allocations chômage, etc., pour lutter contre le chômage. Nous déconstrui‐
sons tous ces discours dans les idées fausses suivantes.
Quant au chômage frictionnel ou naturel, l'économiste Anthony Atkinson
estime son taux à environ 2 %. Il propose que les gouvernements se fixent
comme priorité le plein emploi (soit ce taux de chômage de 2 % environ)
{259}
. Selon lui, l'État doit offrir à toute personne qui le souhaite une garantie
d'emploi, sous forme, en dernier recours, d'un emploi rémunéré au moins au
salaire minimum, dans un organisme public ou privé non lucratif agréé. Il
rappelle qu'aux États-Unis, l'État a créé 8 millions d'emplois entre 1935
et 1943 et que des politiques de création d'emplois publics y ont eu cours
jusqu'à la fin des années 1970 (voir aussi l'idée fausse 83).

75. « On ne peut pas augmenter le Smic. »


→ Faux. Augmenter le Smic de 1 % n'a pas de conséquences
négatives sur le coût du travail, l'emploi et les finances pu-
bliques.

92 % des Français souhaitent qu'on augmente le Smic{260}.


C'est un moyen efficace d'agir contre la pauvreté monétaire, puisque cela
peut aider un grand nombre de familles à passer au-dessus du seuil de pau‐
vreté (idée fausse 22){261}. Une étude réalisée à New York montre même
qu'une hausse du salaire minimum sauve des vies{262}. La hausse du Smic
aurait aussi l'effet indirect de réduire les compléments de revenus versés
aux travailleurs pauvres sous forme de prestations sociales, et donc de ré‐
duire les dépenses publiques et le montant des impôts.
Mais on entend souvent dire, y compris au sommet de l'État, que « si l'on
augmente le Smic, les entreprises embaucheront moins », que « cela va ac‐

104
croître le chômage » et que « les salaires doivent rester bas. »
Un premier constat : contrairement à certains discours, le montant du sa‐
laire minimum n'est pas si élevé en France, comparé aux autres pays (idée
fausse 91). On constate aussi qu'abaisser le coût du travail ne crée pas beau‐
coup d'emplois (idée fausse 76). Mais s'il augmente, cela découragera-t-il
certaines entreprises d'embaucher ?
Des observations faites dans différents pays montrent que la création ou
la hausse d'un salaire minimum n'a pas forcément un effet négatif sur la
santé des entreprises, qu'elle redynamiserait au contraire l'économie et
qu'elle n'augmente pas le chômage{263}. Cela confirmerait la théorie écono‐
mique dite « du monopsone » qui montre que lorsque les employeurs ont un
pouvoir dominant, ils établissent des salaires à un niveau inférieur à celui
qui prévaudrait sur un marché du travail parfaitement concurrentiel (voir
par exemple les travaux de l'économiste Alan Manning), et que, comme les
économistes Akerlof et Stiglitz l'ont montré, un salaire correct (qu'ils ap‐
pellent « salaire d'efficience ») produit une bonne productivité des salariés,
car ils savent qu'ils perdraient beaucoup à être licenciés et sont incités à tra‐
vailler correctement{264}.
Au Royaume-Uni, le salaire minimum a doublé entre 2000 et 2017 sans
que cela n'augmente le taux de chômage. Depuis quelques années, plusieurs
États américains augmentent leur salaire minimum afin de relancer la
consommation des ménages, principal moteur de la croissance américaine,
et aussi parce qu'ils savent que des salaires bas sont de toute façon complé‐
tés en partie par des prestations sociales et occasionnent donc un coût fis‐
cal{265} (certains diraient une subvention publique à l'emploi précaire) que
l'on pourrait éviter en relevant le montant du salaire minimum, ce qui per‐
mettrait aussi aux salariés de vivre plus dignement de leur travail, et non
d'un mix salaire/aides sociales.
En France, une augmentation du Smic de 1 % n'aurait pas de consé‐
quence sur le coût du travail, car elle serait compensée en grande partie par
l'augmentation des réductions de cotisations sociales sur les bas salaires{266}.
Au bout d'un an, elle ne supprimerait que 2 100 emplois et ne dégraderait
les finances publiques que de 0,02 point de PIB. On voit donc que les avan‐
tages d'une augmentation légère du Smic (sortie de la pauvreté monétaire
pour un grand nombre de familles, hausse de pouvoir d'achat stimulant la
demande intérieure – idée fausse 92 – et donc les emplois, etc.), sont plus
importants que ses conséquences négatives.

105
Cette idée qu'on ne pourrait pas augmenter le Smic en France et les
quatre idées fausses qui suivent posent aussi la question d'identifier ce qui
détermine réellement les entreprises à produire, à investir et à embaucher.
En réalité, plus que les réductions de coût du travail ou d'impôts, que la
compétitivité-prix par rapport à l'étranger et que les facilités pour licencier,
c'est davantage la santé de l'économie et des carnets de commandes qui est
le facteur déclencheur (idée fausse 76).

76. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut


baisser le coût du travail. »
→ Pas si simple. Le coût du travail en France est raisonnable si
l'on prend en compte la forte productivité des travailleurs
français.

Le premier constat à faire est que « 80 % des emplois marchands [...]


sont subventionnés via les allégements de cotisations ou le CICE, soit une
participation de l'État à hauteur de près de 10 % de la masse salariale
concernée{267} ».
Le coût horaire de la main-d'œuvre s'élevait en 2018 à 27,40 € au
Royaume-Uni, 34,60 € en Allemagne, 35,80 € en France, 43,50 € au Dane‐
mark et 50 € en Norvège{268} – il est un peu plus élevé en France qu'en Alle‐
magne, parce qu'une grande partie de la protection sociale passe par la Sé‐
curité sociale, qui tire plus de la moitié de ses ressources des cotisations sur
les salaires, alors que dans d'autres pays, la protection sociale est prise en
charge davantage par l'impôt sur le revenu, la TVA ou des assurances pri‐
vées{269}. Mais la productivité horaire est élevée en France : 61,50 $ de PIB
par heure travaillée en 2018 contre 60,50 $ en Allemagne, 52,80 $ au
Royaume-Uni et 65 $ pour les États-Unis, selon l'OCDE, ce qui réduit les
différentiels entre les pays.
Une entreprise n'embauche pas d'abord parce qu'elle économise sur le
coût du travail, mais parce qu'elle a des commandes. Jean-François Rou‐
baud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entre‐
prises (CGPME), a ainsi déclaré : « On crée des emplois lorsque les carnets

106
de commandes augmentent, mais pas parce qu'il y a une baisse des charges.
Il n'y a pas de relation de cause à effet directe entre les deux{270}. »
La question est donc de savoir si abaisser le coût du travail permettrait de
produire moins cher en France qu'ailleurs et donc gonflerait les carnets de
commandes pour des produits français ainsi devenus plus compétitifs. En
réalité, abaisser le coût du travail n'a pas d'impact important sur la création
d'emploi, parce que cela se répercute proportionnellement peu sur les prix
de vente des produits (idée fausse 77) et aussi, pour ce qui concerne nos ex‐
portations, parce que l'avantage qualité paie davantage que l'avantage prix,
qui paie peu{271}.

77. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut


baisser les cotisations sociales. »
→ Faux. C'est coûteux et l'impact sur la création d'emploi est li-
mité.

Depuis 1993, les réductions de cotisations sociales sur les bas salaires al‐
lant de 1 à 1,6 Smic sont la principale arme utilisée contre le chômage en
France, à tel point qu'aujourd'hui aucune cotisation sociale employeur n'est
plus due sur un Smic. Les réductions de cotisations sociales s'élèvent à plu‐
sieurs milliards d'euros par an, mais elles ont peu d'effets sur l'emploi, pour
plusieurs raisons.
Il y a tout d'abord les « effets d'aubaine » qui font que les entreprises em‐
bauchent en contrat bénéficiant de cotisations allégées des personnes
qu'elles prévoyaient d'embaucher de toute façon en contrat non aidé{272}.
On pourrait s'attendre tout de même à ce que, cela abaissant en théorie le
coût du travail et en conséquence les prix de vente des produits, les entre‐
prises reçoivent des commandes croissantes, tant sur le marché français
qu'éventuellement à l'exportation, et que cela conduise à de nouvelles em‐
bauches. Mais, « pour que fonctionne ce processus vertueux, il faut d'abord
que le freinage des coûts salariaux soit effectivement répercuté dans les
prix, puis que la fameuse compétitivité dépende suffisamment des prix et
non d'autres facteurs{273}. Or, cela ne semble pas être forcément le cas. Ain‐
si, “les allègements de cotisations sociales peuvent en outre être simplement

107
répercutés en augmentation des marges des entreprises éligibles, afin de
pouvoir reverser des dividendes aux actionnaires, de financer des dépenses
d'investissement ou, plus conjoncturellement, de restaurer une situation fi‐
nancière dégradée”, expliquent les auteurs de la note du CAE{274}. De toute
manière, disent-ils, “la France ne semble pas souffrir d'un problème de
compétitivité-coût du travail au niveau des emplois intermédiaires”{275}. »
Une étude{276} a par ailleurs montré que la politique d'allégement des co‐
tisations sociales conduite depuis 1993, en favorisant les emplois peu quali‐
fiés, conduirait pour une part à une détérioration de la qualité de la produc‐
tion et du contenu en innovation, ce qui se traduirait par un impact négatif
sur les exportations et donc, in fine, sur l'emploi.
Une autre montre que si l'on transférait au moins 6 milliards d'euros des
programmes de réduction de cotisations sociales vers des programmes de
créations d'emplois plus directes, cela en créerait davantage{277}.

78. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut


baisser les impôts des entreprises. »
→ Faux. Il n'y a pas de relation de cause à effet.

L'imposition des entreprises en France, si elle est supérieure à celle que


l'on constate en moyenne en Europe, a diminué depuis les années 1980, de
même qu'ailleurs en Europe. L'impôt sur les sociétés est passé d'environ
50 % jusqu'en 1985 à 33,33 % depuis 1993 et devrait baisser jusqu'à 25 %
en 2022. Les petites et moyennes entreprises supportent des taux de cet
ordre, alors que les grandes paient déjà des taux effectifs compris entre 15
et 25 % grâce à diverses possibilités de réductions fiscales{278}.
La France n'est pas si mal placée que cela au niveau de la fiscalité appli‐
quée aux entreprises. Le taux moyen effectif d'imposition des bénéfices est
en 2009 de 28 % pour le Royaume-Uni ; 31 % pour l'Allemagne ; 34,4 %
pour la France ; 38,3 % pour les États-Unis ; et 40,8 % pour le Japon{279}.
Mais l'assiette sur laquelle ce taux s'applique est plus étroite en France que
dans d'autres pays ; comparer seulement les taux ne suffit pas.
Comme on l'a vu, les réductions d'impôts ne déterminent pas en priorité
l'activité des entreprises et leurs projets d'embauches. Sur 800 PME interro‐

108
gées en 2013 par l'assureur Euler Hermes, 80 % disent prévoir leurs projets
en fonction de la demande à venir, 10 % en fonction de la fiscalité et 10 %
en fonction des moyens de financement.
Le gouvernement français a lancé en 2013 une vaste politique de baisse
d'impôts des entreprises avec le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'em‐
ploi (CICE), qui coûte aux finances publiques entre 15 et 25 milliards d'eu‐
ros par an (de quoi faire passer au-dessus du seuil de pauvreté les huit à
neuf millions de personnes qui se trouvent en-dessous – voir idée fausse 2).
Or, « sur l'emploi, les travaux portant sur le CICE ont mis en évidence un
impact très modeste », note en 2019 le Conseil d'analyse économique, qui
précise que « les évaluations ne montrent pas d'effet positif sur les exporta‐
tions des baisses de cotisations sociales sur les salaires au-dessus de 1,6
Smic, alors que cette politique (Pacte de responsabilité et CICE dans une
large mesure) a été motivée essentiellement par un objectif de compétitivi‐
té{280}. »
Sur le plan de l'équité républicaine, on peut s'interroger sur le fait que les
pouvoirs publics attendent de plus en plus de « contreparties » de la part des
bénéficiaires de minimas sociaux (obligation de bénévolat, d'accepter une
offre d'emploi, de justifier de démarches d'insertion, etc.), alors qu'ils ne de‐
mandent jamais de contreparties en termes de création d'emplois aux entre‐
prises qui bénéficient du CICE. Les comités régionaux et national de suivi
du CICE n'ont jamais réellement fonctionné{281}.

79. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut fa‐


ciliter les licenciements. »
→ Faux. Depuis 2000, c'est l'inverse en France : le marché du
travail est de plus en plus flexible et le chômage grimpe.

En pensant que le chômage est plus bas ailleurs qu'en France parce que le
marché du travail est plus flexible dans d'autres pays, on commet deux er‐
reurs. D'abord, le chômage n'est pas toujours si faible que cela ailleurs que
chez nous (idée fausse 112). Ensuite, il n'y a pas de lien direct entre ces
deux phénomènes. Dans différents pays, l'OCDE a étudié sur la période
2000-2013 les variations de la rigidité du marché du travail et du chômage,

109
pour arriver à cette conclusion{282}. En France, c'est même l'inverse : plus
les licenciements sont faciles (le droit français n'a cessé de renforcer la
flexibilité de l'emploi ces dernières années), plus le chômage est élevé ! En
Allemagne, le lien est pratiquement nul.
Autre idée fausse erronée : pour les CDI, les licenciements ne sont pas
plus faciles en Allemagne qu'en France (mais pour les CDD, la loi y est plus
souple).
En réalité, les modèles de « flexisécurité » (combinant flexibilité pour les
employeurs et sécurité pour les salariés) qui fonctionnent, comme le modèle
danois pendant un temps, ne consistent pas seulement à assouplir le marché
de l'emploi. Ils s'accompagnent aussi de politiques de relance de l'activité,
d'un suivi performant des chercheurs d'emplois (accompagnement, montant
des allocations, formation), bref, de mesures d'ensemble qui nécessitent un
fort consensus des partenaires économiques et sociaux.

80. « C'est le secteur marchand qui crée des emplois. »


→ Faux. Le secteur marchand est plus important, mais moins
dynamique en création d'emplois que le secteur non-mar-
chand.

On entend parfois dire que seul le secteur marchand crée de la valeur et


des emplois. C'est faux. Depuis 1950, c'est le secteur non marchand (santé,
enseignement, autres services publics, action sociale) qui a créé presque
deux tiers des emplois en France. Entre 1950 et 2016, le nombre total d'em‐
plois a augmenté de 8,1 millions, dont 3 millions dans le secteur marchand
et 5,1 millions dans le secteur non marchand{283}. En 2016, le secteur mar‐
chand employait 19,3 millions de personnes et le secteur non marchand
8,3 millions. C'est en particulier durant les Trente Glorieuses (1946-1975)
que ce dernier a produit beaucoup plus d'emplois : 2 millions sur un total de
2,7 millions, et il semble que cela n'ait pas nui à la croissance ! La récession
de 1974-1975 a été suivie de vingt années durant lesquelles le secteur mar‐
chand a détruit des emplois. Après la crise de 2007-2008, l'emploi mar‐
chand a reculé plusieurs années, puis se redresse un peu depuis 2016.
Entre 2007 et 2017, il augmente de 400 000 emplois et l'emploi non mar‐
chand de 500 000 emplois{284}.

110
On le voit : c'est le secteur non marchand qui est le plus producteur d'em‐
plois depuis des décennies en France. Certains{285} estiment que ce secteur
« étoufferait » la création d'emplois marchands qui pourrait, selon eux, être
beaucoup plus importante si le secteur non marchand n'était pas aussi soute‐
nu par des fonds publics (voir aussi l'idée fausse 116). « En réalité, explique
l'économiste Michel Husson, c'est la panne de l'emploi privé qui a conduit à
la hausse du taux de chômage et aussi, mécaniquement, à une hausse plus
rapide de la part des services non marchands dans l'emploi total{286}. »

81. « Pour réduire la pauvreté, il faut de la croissance


économique. »
→ Faux. La croissance ne suffit pas pour résorber la pauvreté.
Et même sans croissance, nous avons des moyens d'agir.

La croissance économique – rare de nos jours – fait peu reculer le chô‐


mage et la pauvreté pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'elle s'accom‐
pagne souvent d'une hausse de la productivité qui limite la création d'em‐
plois. Ensuite, on constate que ses fruits sont de plus en plus inégalement
répartis{287} et que depuis plusieurs années, les emplois qu'elle crée sont
dans l'ensemble peu qualifiés et mal rémunérés. Enfin, les chômeurs de
longue durée sont toujours les derniers à retrouver un travail. Dans les an‐
nées 1980 et 1990, on remarquait déjà aux États-Unis que la croissance ne
permettait plus aux bas revenus de trouver un emploi correctement rémuné‐
ré{288}.
L'obstination de nos dirigeants à produire de la croissance est surtout, ex‐
plique le sociologue Paul Jorion, liée aux règles de fonctionnement du sys‐
tème capitaliste et libéral, où, pour produire, nous empruntons car nous ne
trouvons pas assez – ou nous ne savons pas nous contenter – d'argent déjà
disponible en fonds propres. Résultat : dans tout produit que nous achetons,
il y aurait, compris dans le prix que nous payons, 30 à 40 % de versements
d'intérêts{289}. Les entreprises qui empruntent doivent donc vendre toujours
plus ou toujours plus cher.
Plus que la croissance, la redistribution semble être plus efficace pour
agir contre le chômage et la pauvreté (idées fausses 2 et 83). C'est même la

111
Banque mondiale qui le dit{290} au niveau international : réduire les inégali‐
tés de 1 % par an permet davantage de réduire l'extrême pauvreté qu'ac‐
croître le PIB de 1 %.

82. « Les contrats aidés ne marchent pas. »


→ Faux. Dans le secteur non marchand, ils ont trois fois plus
d'efficacité pour créer des emplois que dans le secteur mar-
chand.

Les contrats aidés sont passés de 320 000 en 2017 à moins de 150 000 en
2019. Ils s'appellent maintenant « parcours emploi compétence », avec un
taux de prise en charge moins élevé par l'État.
Certains disent qu'ils sont inefficaces car ils ne permettent pas ensuite
une insertion professionnelle durable, surtout dans le secteur non marchand.
Il faut savoir que dans le secteur marchand, 58 % des embauches aidées (de
la même personne au même moment) auraient lieu même sans aide pu‐
blique, alors que ce chiffre est seulement de 21 % pour le secteur non mar‐
chand, et que les contrats aidés dans le secteur non marchand touchent da‐
vantage les bénéficiaires de minima sociaux et les personnes au chômage de
longue durée que ceux du secteur marchand{291}. Cela montre bien que les
contrats aidés dans le secteur non marchand permettent de proposer des em‐
plois à des personnes qui n'en auraient que très difficilement sans cela.
Quand l'emploi aidé prend fin dans ce secteur, il n'est pas étonnant qu'une
part importante des personnes se retrouvent sans rien, dans un pays comme
le nôtre qui connaît le chômage de masse{292}.
Il n'est pas étonnant non plus qu'une part plus importante des personnes
en contrat aidé dans le secteur marchand soit encore en poste même après la
fin de l'aide : non seulement elles sont plus proches de l'emploi, mais une
part importante d'entre elles intéressent les employeurs, même sans aide à
l'embauche.
Pour ce qui concerne les contrats de service civique, 1 € investi par l'État
rapporterait 1,92 à la collectivité{293}.
Et pourquoi accuserait-on d'inefficacité les contrats aidés, et jamais les
réductions de cotisations sociales ou d'impôts sur les entreprises, alors que

112
ces réductions sont au total bien plus massives et bien plus inefficaces
(idées fausses 76 à 78) ?

83. « L'État n'a plus les moyens de créer de l'emploi. »


→ Faux. D'autant plus que, quand on crée des emplois, le retour
sur investissement est généralement positif.

On entend parfois dire qu'en matière d'emploi, notre choix se limiterait à


accepter soit l'essor de l'emploi précaire, soit le chômage de masse (que cer‐
tains déguisent sous le terme de « chômage structurel » – idée fausse 74).
Souhaiter un emploi décent pour chacun serait-il une utopie dont nous
n'avons pas ou plus les moyens ?
Nous avons vu (idée fausse 2) qu'environ 15 milliards d'euros par an per‐
mettraient de supprimer la pauvreté monétaire. C'est peu par rapport à cer‐
tains montants de fraude fiscale que l'État pourrait récupérer (idée fausse
30), par rapport à certaines réductions d'impôts ou de cotisations sociales
accordées chaque année mais dont l'efficacité est limitée (idées fausses 77
et 78) et par rapport aux 122 milliards d'euros investis en 2015 par l'en‐
semble des politiques de l'emploi en France{294}.
D'autant plus que lorsque l'on crée des emplois, il y a des retours sur in‐
vestissement, puisque la personne jusqu'alors privée d'emploi contribue en‐
suite davantage à la consommation et aux finances publiques (idée
fausse 2). Si les emplois sont créés dans le domaine de la transition énergé‐
tique, le retour sur investissement inclut aussi des économies d'énergie.
Dans tous les cas, il inclut les gains à terme du retour à l'emploi correspon‐
dant à la réduction des coûts des conséquences du chômage sur la santé,
l'éducation, etc.
Le rapport gains/coûts des emplois créés sur les dix premiers Territoires
zéro chômeur de longue durée entre 2017 et 2019 montre qu'il est rentable
et durable pour l'État de créer des emplois par ce type de modèle qui mixe
public et privé : « les emplois ainsi créés ne représentent pas une charge
supplémentaire pour la dépense publique{295} ».
Ce modèle des Territoires zéro chômeur de longue durée peut croiser
d'autres pistes de création d'emplois dans le domaine de la transition éner‐
gétique{296}.

113
84. « En France, on crée des emplois ! Où est le pro‐
blème ? »
→ Le problème est que les créations d'emplois sont inférieures
à l'augmentation de la population active.

Considéré seul, le nombre de créations d'emplois est trompeur à deux


titres. Tout d'abord, de la même manière que le chiffre du chômage (idée
fausse 86), il fait abstraction de la qualité de l'emploi : CDI, CDD, temps
plein, temps partiel... Ensuite, le nombre d'emplois créés dans une année est
à rapporter à l'augmentation de la population active dans l'année. On ne
peut par exemple se féliciter de la création de 100 000 emplois si la popula‐
tion active a augmenté de 150 000 personnes : la population active fluctue
selon la démographie et selon les comportements d'activité, qui varient en
fonction du taux de participation des femmes au marché du travail, des ré‐
formes des retraites, de l'espoir ou non des chômeurs de longue longue du‐
rée de retrouver un emploi.
Comme le montre le tableau suivant, les 976 000 créations d'emplois
entre 2009 et 2018 n'ont pas couvert le nombre de 1,37 million de per‐
sonnes nouvelles ayant rejoint la population active, soit en moyenne
140 000 par an. De plus, ces créations sont très largement financées par la
puissance publique, beaucoup plus qu'il y a 20 ou 30 ans où l'on arrivait à
créer des emplois sans autant baisser le coût de l'emploi.
Rappelons-le, ces créations d'emplois incluent le travail précaire et le
temps partiel et ne sont donc pas toutes des emplois décents, capables de
faire vivre le travailleur et sa famille. « Au 4e trimestre 2018, 18,2 % des ac‐
tifs occupés travaillent à temps partiel. Pour environ un tiers de ces per‐
sonnes, le temps partiel est subi : elles souhaiteraient travailler davantage et
sont disponibles pour le faire{297}. »
La bonne nouvelle de 2019 est qu'il y aurait au 1er trimestre environ
100 000 nouvelles créations d'emplois... en bonne partie issues du surcroît
de pouvoir d'achat obtenu fin 2018 par le mouvement des Gilets jaunes, qui
s'est traduit par un accroissement des dépenses publiques de 10 milliards
début 2019 (idée fausse 100).

114
Évolution de la population active, des créations d'emploi et du nombre de
chômeurs (en milliers) entre 2009 et 2018
Entre
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2009
et 2018
Population
156 10 224 306 149 142 52 167 10 156 1 372
active
Création –
98 164 53 140 50 108 218 311 195 976
d'emplois 361
Nombre de

chômeurs 517 – 88 60 253 9 92 – 56 – 51 – 39 396
301
en plus
Source : C. De Miras, S. De Waroquier De Puel Parlan, C. Dixte, T. Do, C. Minni,
S. Rebiere, M. Rey, « Emploi, chômage, population active en 2018 : ralentisse-
ment de l'emploi du fait de l'intérim et moindre baisse du chômage », Dares Ana-
lyses, no 30, 2019.

85. « S'il existait vraiment des nouveaux emplois à


créer, le marché l'aurait déjà fait. »
→ Faux. De nombreux emplois utiles n'ont pas de clientèle ca-
pable d'en payer le coût. Il faut trouver d'autres moyens de
les financer.

Il existe de nombreuses tâches utiles, durables et non menacées d'être un


jour délocalisées ou mises en œuvre par des robots (idée fausse 73) : des
services aux personnes isolées ou en précarité en milieu urbain ou rural, des
travaux liés à la transition énergétique{298}, des actions éducatives, de for‐
mation et culturelles (idée fausse 43), etc.
Un grand nombre de ces tâches ne sont pourtant pas mises en œuvre car
leurs bénéficiaires n'ont pas les moyens de les financer. La question est
alors de trouver des moyens de les financer (idée reçue 83).
Et l'emploi crée de l'emploi : plus il existe de petites entreprises sur un
territoire, plus la croissance économique locale est importante{299}. Un pro‐
duit acheté auprès d'une entreprise locale génère trois fois plus d'emplois,

115
de revenus et de taxes que le même produit acheté à une entreprise non lo‐
cale{300}.

86. « Le taux de chômage est un bon indicateur de la


santé d'un pays. »
→ Faux. En France comme ailleurs, le taux de chômage est un
indicateur très imparfait. Arrêtons de l'utiliser !

De temps à autre, on se félicite ou on se désole de quelques dixièmes de


pourcents de taux de chômage perdus ou gagnés. Mais ce taux n'est pas un
bon indicateur, principalement parce que, qu'il s'agisse du taux mesuré par
l'Insee ou de celui de la catégorie A de Pôle emploi, il exclut les personnes
sans emploi qui, temporairement ou plus durablement, ne sont pas en re‐
cherche active. Elles sont pourtant bien privées d'emploi et, pour un grand
nombre d'entre elles, désireuses de travailler (idée fausse 7). Le taux de
chômage peut ainsi se réduire sans que pour autant la conjoncture de l'em‐
ploi ne s'améliore en profondeur (voir aussi l'idée fausse 84).
En effet, Pôle emploi ne compte pas les personnes désinscrites ou jamais
inscrites et qui souhaitent pourtant travailler. Elles sont entre 2 et 3 millions,
soit une bonne moitié (environ{301}) des 1,8 million d'allocataires du RSA
(seulement 630 000 chercheurs d'emploi inscrits en catégories A, B et C
sont en effet bénéficiaires du RSA socle en février 2019{302}, sur environ
1,83 million de bénéficiaires du RSA socle à la même date), plus entre
500 000 et un million des 1,9 million de jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont ni
en emploi, ni en formation, plus d'autres encore qui ont perdu espoir et/ou
se trouvent dans le non-recours au RSA et aux autres prestations sociales,
mais seraient peut-être prêts à retravailler si on leur proposait un emploi dé‐
cent{303}.
Précisons aussi que la catégorie A de Pôle emploi ne comptabilise pas les
travailleurs précaires, dont le nombre croît sans cesse{304}. Entre 1996
et 2018, les catégories B et C de Pôle emploi sont passées de 19 % du total
des demandeurs d'emploi à près de 40 %, c'est-à-dire de 0,6 à 2,2 millions
de personnes.

116
D'autre part, compte tenu des délais d'enregistrement des dossiers, tous
les chercheurs d'emploi en catégorie A n'apparaissent pas dans les chiffres
de Pôle emploi : « En moyenne, explique un responsable, j'ai 300 personnes
en attente d'affectation dans mon agence{305}. »
Le taux de chômage ne dit rien, par ailleurs, des inégalités territoriales ou
d'âge liées à l'emploi (en particulier l'exclusion croissante des plus de 40 ans
qui ont un faible niveau de formation).
Enfin, les reprises d'emploi déclarées ne représentent que 20 % environ
des sorties des catégories A, B et C de Pôle emploi{306}. La moitié du total
des sorties sont des non-renouvellements d'inscription dont les raisons
peuvent être très diverses, par exemple le fait que lorsqu'on ne perçoit pas
ou plus d'allocation chômage, on a moins de raisons de s'inscrire à Pôle em‐
ploi (or les conditions pour toucher l'allocation deviennent plus restrictives
en 2020...). On disparaît donc des statistiques de Pôle emploi bien qu'on soit
encore chômeur...
Quant au chiffre de l'Insee, il correspond aux personnes qui n'ont pas tra‐
vaillé – ne serait-ce qu'une heure – la semaine de référence, qui sont dispo‐
nibles dans les 15 jours et qui ont cherché activement un emploi le mois
précédent. L'Insee ajoute à ce chiffre (environ 2,8 millions de personnes)
deux autres, moins connus. Premièrement, celui du « halo du chômage »,
c'est-à-dire des personnes qui ne seraient pas disponibles rapidement et
celles qui ne feraient pas preuve d'une démarche active de recherche d'em‐
ploi, soit parce qu'elles cherchent de leur côté, soit parce qu'elles ne
cherchent plus, par découragement. Deuxièmement, le chiffre du « sous-
emploi », qui concerne les travailleurs à temps partiel souhaitant accroître
leur temps de travail. L'Insee évalue le halo et le sous-emploi à environ
1,6 million de personnes chacun{307}.
Dès lors que les chiffres du chômage sont faussés (et masquent des inéga‐
lités territoriales de plus en plus importantes), ils autorisent de nombreux
discours et politiques qui ne s'attaquent pas à ses vraies causes, mais per‐
mettent tout de même de faire baisser temporairement ces chiffres par le dé‐
veloppement de l'emploi précaire, le placement des chômeurs dans des for‐
mations, l'incitation à l'auto-entrepreneuriat, etc. Ces politiques font sortir
des personnes de la catégorie A de Pôle emploi ou des calculs de l'Insee,
mais leur efficacité n'est que de façade.
Il existe un meilleur indicateur que les chiffres du chômage donnés par
Pôle emploi ou par l'Insee. Il a été lancé fin 2017 par le magazine Alterna‐

117
tives économiques et mesure{308}, à partir des chiffres de l'Insee, le taux de
non-emploi, c'est-à-dire le taux de personnes actives n'ayant pas d'emploi. Il
intègre pour cela le halo du chômage calculé par l'Insee et, considérant que
le temps partiel est plus souvent subi que choisi, ramène les temps partiel à
de l'équivalent temps plein, produisant ainsi un « taux de non-emploi en
équivalent temps plein » qui s'élève en 2018 à 27,2 % en France, 28 % au
Royaume-Uni et 28,4 % en Allemagne. Cet indicateur est très intéressant.
Mais, en calculant le halo du chômage comme l'Insee, il oublie un certain
nombre des personnes sans emploi devenues « invisibles ».

87. « L'indemnisation du chômage coûte cher à


l'État. »
→ Faux. Si elle ne finançait pas Pôle emploi, l'assurance-chô-
mage pourrait être à l'équilibre.

L'assurance chômage verse chaque année entre 30 et 35 milliards d'allo‐


cation chômage aux demandeurs d'emploi et, depuis la fusion ANPE-Assé‐
dic de 2009, entre 3 et 3,5 milliards à Pôle emploi{309}, assurant les deux
tiers de son financement. Son déficit annuel équivaut en gros au montant de
cette contribution à Pôle emploi, mais l'équilibre est attendu pour fin 2020.
On voit donc que, globalement, le versement des allocations chômage ne
coûte pas à l'État, puisqu'il provient en principe des cotisations chômage des
salariés et employeurs.
Les taux de ces cotisations n'ont d'ailleurs guère été relevés depuis les an‐
nées 2000, alors qu'ils auraient dû l'être puisque le chômage, lui, n'a cessé
d'augmenter. C'est malheureusement en réduisant son taux de couverture
(part des personnes percevant une allocation chômage parmi toutes celles
inscrites à Pôle emploi) que l'Unédic a essayé de conserver un équilibre fi‐
nancier – tout en s'endettant un peu chaque année, ce qui fait le bonheur des
marchés financiers privés. « Au quatrième trimestre 2018, en France métro‐
politaine, 68,1 % des personnes inscrites à Pôle emploi en catégories A, B,
C, D, E sont indemnisables au titre du chômage. Parmi ces personnes,
74,3 % sont indemnisées{310}. » Donc le taux de couverture n'est que de
50 % (74,3 % de 68,1 %).

118
Avec la réforme de l'assurance chômage de 2019, l'État bouscule cet
équilibre, faisant désormais supporter le paiement des cotisations chômage
salariales par la CSG, un impôt dont, par définition, l'affectation n'est plus
fléchée ad vitam aeternam vers le versement des cotisations chômage.
C'est-à-dire que si l'État souhaite réduire les dépenses de l'Unédic et éven‐
tuellement les cotisations chômage, il a maintenant tout pouvoir pour le
faire.

88. « L'emploi précaire et le travail indépendant sont


bons pour l'économie. »
→ Faux. À terme, ils nuisent à la santé économique d'un pays.

C'est un fait, ces types d'emplois explosent en France (dans les services,
la restauration, le bâtiment, etc.) comme dans d'autres pays (voir aussi l'idée
fausse 16). En témoigne la croissance de la catégorie C de Pôle emploi, qui
comptait 623 000 personnes fin 2007 et 1 456 000 fin juin 2019. Il est sûr
aussi que ces emplois apportent une flexibilité aux entreprises exposées à la
concurrence internationale (mais elles sont une minorité – idée fausse 64).
En revanche, ils n'incitent pas les salariés à s'investir dans l'entreprise
(voir aussi le « salaire d'efficience », idée fausse 75), ce qui, in fine, ne pro‐
fite pas à l'économie. Et à plus long terme, ils empêchent leurs salariés d'ac‐
céder à des services essentiels comme un logement durable, des emprunts,
etc., et ne permettent pas vraiment aux employeurs de faire monter leurs sa‐
lariés en compétences. Au total, la précarité de l'emploi est non seulement
une mauvaise chose pour les travailleurs concernés, mais également pour
l'économie en général.

89. « La RTT est la solution au chômage de longue du‐


rée. »
→ Pas si simple. Elle peut créer des emplois, mais sans s'atta-
quer vraiment au chômage de longue durée.

119
La réduction du temps de travail (RTT) est une tendance sociale lourde
depuis des décennies. La durée moyenne travaillée par salarié est passée de
1 846 heures par an en 1950 à 1 423 en 2016.
Cela permet-il de créer des emplois ? L'Insee a évalué{311} à 350 000 le
nombre d'emplois créés entre 1998 et 2002 par le passage de 39 à 35 heures
accompagné d'une baisse des cotisations sociales et de gains de productivi‐
té. Il est donc probable que de nouvelles mesures de réduction du temps de
travail, accompagnées de réduction de cotisations sociales et de réorganisa‐
tions du travail permettant des gains de productivité créeraient des emplois
de façon plus efficace, rapide et importante que le CICE et d'autres disposi‐
tifs censés le faire (idées fausses 77 et 78).
Mais à elle seule, la RTT permettrait-elle d'atteindre aussi les personnes
les plus durablement privées d'emploi, de corriger les inégalités territoriales
de chômage, de créer des emplois durables dans des secteurs d'activité nou‐
veaux liés à la transition énergétique et sociale et correspondant aux besoins
d'emplois utiles de chaque territoire ? Non. Il faut pour cela une politique
volontariste de création d'emplois telle que les Territoires zéro chômeur de
longue durée, pilotée localement grâce à une forte mobilisation de tous les
acteurs concernés.

90. « On travaille moins en France que dans les autres


pays. »
→ Faux. En moyenne, nous travaillons plus et sommes plus
productifs que les Allemands !

Quand on parle de durée du travail, on peut parler de durée officielle ou


de durée habituelle constatée, de durée hebdomadaire ou annuelle, ou en‐
core de durée moyenne tous contrats confondus ou de durée du travail à
temps plein. Toutes ces notions sont différentes.
En 2016, la durée habituelle hebdomadaire du travail des salariés (tous
types de contrats confondus) est de 36,4 heures dans l'Union européenne ;
36,8 pour le Royaume-Uni ; 36,3 pour la France ; 34,8 pour l'Allemagne et
32,3 pour le Danemark. Nous sommes dans la moyenne européenne car

120
nous avons proportionnellement moins de travail précaire que l'Allemagne
ou même le Royaume-Uni.
Pour la durée hebdomadaire à temps complet, nous sommes légèrement
en-dessous de la moyenne de l'UE qui est de 40,3 heures. Cette durée est de
42,2 pour le Royaume-Uni ; 40,4 pour l'Allemagne ; 39,9 pour la Suède ;
39,1 pour la France et 37,7 pour le Danemark{312}.
Pour ce qui est de la durée annuelle de travail (total d'heures travaillées
par an divisé par le nombre de travailleurs, tous types de contrats confon‐
dus), la moyenne des pays de l'OCDE est en 2018 de 1 734 heures, et 1 520
pour la France, 1 538 pour le Royaume-Uni... et 1 363 seulement pour l'Al‐
lemagne{313} ! Là aussi, la précarité d'une grande partie de ses travailleurs
fait baisser la moyenne de l'Allemagne.
Les Français sont par ailleurs parmi les plus productifs en Europe. Sur
une base 100 représentant le PIB moyen par travailleur dans l'Union euro‐
péenne, la France se situe à 115 ; le Danemark à 114,6 ; la Finlande à
108,2 ; l'Allemagne à 104 ;6, le Royaume-Uni à 99,3{314}...
On le voit, nous ne sommes pas moins travailleurs et productifs que la
moyenne des autres pays, contrairement à certains discours. Nos dirigeants
qui voudraient que les Français travaillent plus pourraient penser à créer da‐
vantage d'emplois, plutôt que vouloir faire travailler plus ceux qui tra‐
vaillent déjà...

91. « Le montant du Smic est trop élevé en France. »


→ Faux. Il est comparable au salaire minimum allemand.

Lorsque l'on compare le salaire minimum français à ceux d'autres pays,


on peut avoir en tête au moins trois notions différentes : le coût du travail
horaire (qui intègre les cotisations sociales patronales et salariales), le sa‐
laire brut (qui intègre les cotisations salariales mais pas patronales) et le sa‐
laire net perçu par le travailleur, une fois déduites toutes les cotisations so‐
ciales. Si l'on se préoccupe de la compétitivité de la France par rapport aux
autres pays, c'est le coût du travail qui importe, car c'est ce que le salarié
coûte à l'employeur.
On le voit dans le tableau ci-après, le coût du travail français au niveau
du salaire minimum n'est pas si mauvais que cela, en grande partie grâce

121
aux réductions de cotisations patronales. Les discours qui comparent les
montants bruts des salaires minimums ne sont pas pertinents, comme nous
venons de le voir.
Coût du travail, salaire brut et salaire net horaires pour un emploi au salaire
minimum en 2017
Allemagne France Royaume-Uni
Coût du travail horaire 10,84 10,68 9,26
Salaire brut 8,84 9,76 8,77
Salaire net{315} 7,31 7,49 7,82
Source : O. Chagny, S. Le Bayon, C. Mathieu, H. Sterdyniak, « Salaire minimum :
du coût salarial au niveau de vie. Une comparaison France, Allemagne et
Royaume-Uni », Sciences-Po OFCE Working Paper, no 11, 2018.

Ce coût du travail est à comparer à ceux d'autres pays principalement


pour les entreprises exportatrices, c'est-à-dire un tiers des entreprises en
France, les exportations représentant environ un tiers du PIB français.
Le coût du travail n'est pas la seule dimension de la compétitivité fran‐
çaise. Il faut aussi considérer que la productivité française est élevée (idées
fausses 76 et 90) et que, par ailleurs, en matière d'exportations, l'avantage
qualité est souvent plus important que l'avantage coûts (idée fausse 76 ; voir
aussi l'idée fausse 75).

92. « Augmenter le pouvoir d'achat ne sert qu'à aug‐


menter les importations. »
→ Faux. 100 € de pouvoir d'achat de plus, c'est 70 € de plus
pour la demande de produits intérieurs, et donc de la crois-
sance en plus.

On entend parfois dire qu'augmenter le montant du Smic ou des minimas


sociaux relancerait la consommation, entre autres de produits importés, et
donc ne favoriserait pas notre propre production et nos emplois, voire creu‐
serait notre déficit commercial. En réalité, pour 100 € d'achats, les ménages
appartenant au 1er décile de niveau de vie consomment seulement 30,90 €

122
en produits importés (et les 10 % les plus aisés, 32,50 €){316}. Pour ceux-ci,
une augmentation de pouvoir d'achat de 100 € augmente donc la demande
pour des produits domestiques de presque 70 .
Il est donc bénéfique pour notre production nationale d'augmenter le pou‐
voir d'achat des ménages, en particulier des plus modestes. Ainsi, on peut se
féliciter qu'en 2019 la politique budgétaire de l'État soit « marquée par le ré‐
équilibrage des mesures en faveur des ménages des déciles intermédiaires,
résultant des mesures décidées fin-décembre pour répondre à la crise des
Gilets jaunes. Les mesures de la Loi d'urgence de décembre 2018 devraient
à elles seules contribuer à hauteur de 0,3 point de PIB en 2019{317}. »

123
Sur la protection sociale

93. « Notre modèle de solidarité enferme les pauvres dans


l'assistanat. »
→ Faux. Les personnes confrontées à la pauvreté ne sont pas « ac-
cros » à l'assistance.

On entend régulièrement dire que notre protection sociale coûte cher et que,
bien que « la croissance et les créations d'emplois reprennent » (idée fausse 84),
le chômage et la pauvreté ne diminuent pas. Serait-ce parce que les aides so‐
ciales enferment les personnes dans une « trappe à inactivité » qui serait une dé‐
pendance à l'assistance ?
L'importance des non-recours atteste plutôt du fait que les personnes en pré‐
carité préfèrent souvent s'en sortir par leurs propres moyens plutôt que de recou‐
rir aux aides auxquelles elles ont droit (idée fausse 19). Un grand nombre
d'entre elles sont prêtes à occuper un emploi, même sans gain financier immé‐
diat, ou en ont déjà un (idée fausse 7) et sont « travailleurs pauvres ».
La protection sociale ne décourage pas les bénéficiaires de rechercher un em‐
ploi, au contraire (idées fausses 96 et 97), car ils souhaitent améliorer leur situa‐
tion. 27 % des allocataires du RSA en sortent ainsi chaque année{318}. 43 % des
bénéficiaires du RSA sortis du RSA en 2015 l'ont fait par une reprise d'emploi
salarié (la plus grande partie des autres personnes en sont sorties à l'occasion
d'un changement de situation familiale){319}, pourcentage honorable étant donné
l'importance du chômage et des discriminations à l'embauche dont ils sont l'ob‐
jet (idée fausse 12). Mais la pérennité de ces sorties est plus faible que pour les

124
allocataires de l'Allocation de solidarité spécifique, en partie plus proches de
l'emploi{320}.

94. « La France distribue des minima sociaux élevés. »


→ Faux. Elle est dans la moyenne européenne.

Les gens qui croient le plus dans la générosité des minima sociaux sont ceux
qui en connaissent le moins bien les montants{321}.
En 2018, le montant moyen des minima sociaux avec allocation logement
pour un couple sans enfant équivaut en France à 39 % du revenu médian ; 46 %
au Royaume-Uni ; 49 % en Allemagne ; 35 % en moyenne dans l'Union euro‐
péenne et 36 % en moyenne dans l'OCDE{322}. Parmi les pays européens ayant
mis en place un revenu minimum garanti (25 sur 27), la France se classe dans la
moyenne (12e sur 25) quant à la générosité relative du dispositif.

95. « Il faut obliger les bénéficiaires du RSA à faire du bé‐


névolat ou à accepter un emploi. »
→ Non. Loin de favoriser l'insertion professionnelle des personnes,
cela risque au contraire d'augmenter leur précarité.

Cette proposition repose apparemment sur du bon sens : « On n'a rien sans
rien. » Elle diffuse surtout le message selon lequel les bénéficiaires du RSA se‐
raient des oisifs qui refuseraient des emplois et qu'il faudrait obliger à travailler.
Or ce discours est erroné : les gens veulent travailler (idée fausse 7). En 2010,
sur le 1,4 million d'allocataires du RSA socle, 450 000 exerçaient une activité
dans le cadre de leur contrat d'insertion : surveillance de sorties d'école, entre‐
tien de locaux, accueil dans des services publics, etc. Remplacer ces contrats ré‐
munérés par du bénévolat obligatoire aurait pour effet de renforcer la précarité
des personnes évincées de l'emploi.
Le revenu minimum est un ultime filet de sécurité dont le montant est seule‐
ment de 490 € par mois pour une personne seule. À ce niveau, très rares sont
ceux qui ne recherchent pas d'emploi alors qu'ils ont la capacité de travailler. Si
des départements lancent des initiatives de bénévolat obligatoire pour des béné‐
ficiaires du RSA, n'est-ce pas aussi parce que, ayant la charge du paiement du

125
RSA, certains cherchent à faire des économies et à décourager des bénéficiaires
potentiels d'y recourir ?
Un autre argument souvent avancé est que le bénévolat favoriserait l'insertion
professionnelle des bénéficiaires du RSA. Il n'existe à notre connaissance au‐
cune évaluation confirmant cet effet positif du bénévolat. Au contraire, de mul‐
tiples témoignages – tel celui qui suit – montrent que, malgré plusieurs années
de bénévolat, les personnes ne débouchent pas davantage sur des emplois :
« Depuis sept ans, raconte un chercheur d'emploi de Nantes-Métropole, je tra‐
vaille en tant que bénévole dans différentes associations, pour me rendre utile et
aussi pour garder ma dignité en tant qu'homme, citoyen, mari et père respon‐
sable. Je préférerais nourrir mes enfants avec un salaire, plutôt qu'avec une allo‐
cation. Mes enfants ne m'ont jamais vu ramener une paie à la maison. Ce n'est
pas facile à accepter, de même que de ne pas pouvoir toujours financer leurs
études. L'État me prive d'un emploi qui est un droit, et moi je prive mes enfants
d'un avenir professionnel et de bien d'autres choses{323}. »
Au niveau international, les politiques d'« activation » des minimas sociaux et
de contreparties n'ont pas produit de résultats convaincants : « Depuis les années
1990, les débats de politique sociale dans les pays de l'OCDE ont mis de plus en
plus l'accent sur la nécessité de politiques actives ou “activantes” de soutien
[...], associées à la possibilité de sanctions concernant les prestations si les béné‐
ficiaires ne se conformaient pas à une conduite adéquate. [...] Mais les succès
ont été incertains [...], ils ont été bien plus difficiles à atteindre en matière de re‐
venus et d'insertion sur le marché du travail{324}. »
Quant à imposer aux bénéficiaires du RSA l'obligation d'accepter un emploi,
c'est déjà le cas pour les demandeurs d'emploi qui perçoivent une allocation
chômage et sont obligés d'accepter une seconde « offre d'emploi raisonnable »
sous peine de voir leur allocation réduite ou suspendue. Tant que nous nous
trouvons dans une situation de pénurie d'emploi (idée fausse 84) et que rien n'est
fait pour créer massivement des emplois, une telle obligation a pour résultat de
forcer les personnes à accepter des emplois précaires et à les enfoncer peu à peu
dans une plus grande précarité professionnelle et sociale (idée fausse suivante).
Dans un arrêt du 15 juin 2018, le Conseil d'État a autorisé un Conseil départe‐
mental à proposer du bénévolat aux bénéficiaires du RSA, à condition qu'il ne
soit pas obligatoire, qu'il reste compatible avec la recherche d'un emploi et qu'il
« puisse contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire. »

126
96. « Il faut réduire les allocations chômage pour encoura‐
ger les gens à travailler. »
→ Faux. Au contraire : lorsqu'existe un chômage de masse, il est
plus efficace pour tous de maintenir, voire de renforcer l'assu-
rance chômage.

On entend parfois dire que nos allocations chômage seraient trop généreuses.
Il faut savoir qu'ailleurs en Europe l'assurance chômage est complétée par
d'autres transferts sociaux : allocations logements, prestations familiales, exoné‐
rations d'impôts, etc. Le taux de remplacement assuré par l'assurance chômage
en France est de 50 % du salaire brut de référence en moyenne, auxquels
s'ajoutent 14 % par le biais d'autres transferts sociaux. Ce taux n'est par exemple
que de 36 % en Allemagne, mais s'y ajoutent 32 % par le biais d'autres trans‐
ferts sociaux{325}.
En France, moins de 40 % des inscrits à Pôle emploi perçoivent une alloca‐
tion chômage, pour un montant moyen inférieur à 1 000 € par mois.
Les chômeurs de longue durée seraient les plus impactés par une réduction
des allocations chômage. Ce sont aussi ceux qui ont le plus de mal à retrouver
un emploi et ceux qui sont le plus susceptibles de basculer vers les minimas so‐
ciaux.
Nous avons vu que, pour la plus grande partie des personnes sans emploi,
l'incitation financière n'est pas le principal critère de choix pour reprendre ou
non une activité (idée fausse 7). Elles sont autant sinon plus motivées à retrou‐
ver un travail dans les pays où la protection sociale est la plus généreuse{326}. La
protection sociale aide à garder la tête hors de l'eau, et l'on souhaite bien sûr
améliorer ce minimum en travaillant... quand il y a des emplois disponibles. On
observe que les chômeurs indemnisés recherchent activement un emploi et en
acceptent un nouveau quand ils en trouvent, « et les emplois vacants qui ne sont
pas pourvus par les chômeurs indemnisés ne le sont pas non plus par les non-in‐
demnisés{327} ».
On observe aussi qu'une réduction des allocations chômage encourage davan‐
tage les personnes à accepter des emplois précaires, aux salaires de plus en plus
faibles, les mettant de plus en plus en difficulté{328} et diminuant leur productivi‐
té.
C'est pour ces raisons que l'économiste Bruno Coquet explique que l'« on a
intérêt à augmenter la durée d'indemnisation chômage quand la conjoncture va
mal, quitte à ajuster ensuite quand la situation s'améliore. [...] La seule étude
empirique existante conclut que [la réduction des allocations chômage] aurait

127
ralenti le retour à l'emploi{329}. » Entre 1992 et 2001, en effet, une réduction des
allocations a été mise en œuvre en France, sans que cela ne favorise le retour
des personnes à l'emploi.

97. « Pour encourager les gens à travailler, il ne faut pas


augmenter le RSA. »
→ Au contraire : des minimas sociaux décents permettent et en-
couragent la recherche d'un mieux-être et d'un emploi.

On lit ou on entend souvent que, pour encourager à travailler, il faudrait


maintenir le RSA à un niveau bas, ou qu'il faudrait garder un écart important
entre le RSA et le Smic. Ainsi, on peut lire dans un document officiel récent :
« Les montants maximaux des prestations sont les plus faibles pour les minima
sociaux s'adressant à des personnes en âge et en capacité supposée de travailler
[comme le RSA]. Leurs barèmes visent à encourager les allocataires à retrouver
une autonomie financière par le biais de l'emploi{330}. » Ce raisonnement qu'au‐
cune étude ne justifie fait fi des études qui montrent au contraire que la motiva‐
tion financière n'est pas le principal déterminant de la reprise d'emploi (idée
fausse 7). Et est-ce avec des minimas sociaux qui permettent à peine de survivre
(idée fausse 23) que l'on peut construire un projet de vie et un projet profession‐
nel ? Ce type de raisonnement contribue surtout à diffuser l'idée que les per‐
sonnes sans emploi ne sont pas assez motivées pour en trouver un.
Or, deux Français sur trois se prononcent en 2018 en faveur de l'augmentation
du revenu de solidarité active (RSA), contre un peu moins d'un sur deux en
2014{331}. Une majorité semble avoir conscience du montant très faible du RSA
(493 € mensuels pour une personne seule en 2019) et de sa faible progression
par rapport aux prix à la consommation et aux dépenses contraintes. Le montant
des minima sociaux est en effet indexé non sur les salaires, mais sur les prix – et
des prix qui ne correspondent pas aux dépenses réelles des ménages aux plus
bas revenus (idée fausse 23). Ainsi, en 1990, le RMI représentait 35 % du reve‐
nu médian (52 % avec les allocations logement). En 2019, le RSA est à 26,5 %
du revenu médian (43 % avec les allocations logement). Il faudrait que tous les
minima sociaux soient indexés sur le Smic (voir aussi l'idée fausse 75).
La tranche d'âge 18-29 ans est, avec celle des moins de 18 ans, la plus tou‐
chée par la pauvreté, et l'on entend aussi souvent dire qu'un « RSA jeune » dé‐
couragerait les jeunes de rechercher un emploi. À cela, le chercheur Olivier Bar‐

128
gain répond : « Si elle existe, cette désincitation devrait se traduire par un flé‐
chissement du taux d'emploi des jeunes juste après 25 ans [âge à partir duquel
on peut percevoir le RSA plus systématiquement], puisque le gain à l'emploi de
certains jeunes serait plus faible à partir de cet âge. Or, aucune rupture dans les
taux d'emploi à 25 ans n'est repérable pour les jeunes célibataires sans enfant
ayant au moins un CAP ou un BEP. Le RMI et le RSA n'auraient donc pas d'ef‐
fet désincitatif marqué sur l'emploi de ces jeunes{332}. »
Ce n'est pas le montant des minimas sociaux qui décourage les gens de tra‐
vailler. C'est encore une fois le manque d'emplois décents accessibles à tous. Si
l'on établit le montant des minimas sociaux à un niveau plus digne et si l'on
prend en même temps les moyens de créer suffisamment d'emplois décents, on
verra que le plus grand nombre des personnes privées d'emploi choisiront l'em‐
ploi.

98. « Nous avons la protection sociale la plus coûteuse


d'Europe. »
→ Pas si simple. Son coût est important, mais elle profite à tous. La
lutte contre la pauvreté ne représente qu'une infime partie de
ses dépenses.

En part de PIB consacré à la protection sociale, la France se situe effective‐


ment au premier rang européen avec un taux de 32,1 % (voir aussi l'idée fausse
102). Mais en termes de montant de dépenses de protection sociale par per‐
sonne, la France passe au 7e rang européen, à égalité avec la Suède, après le
Luxembourg, l'Autriche, l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande,
du fait que ces pays ont un PIB par habitant élevé.
Dépenses de protection sociale en part dans le PIB et en standards de pouvoir
d'achat (SPA)* annuel par habitant en 2016
Moyenne
Luxem- Fin- Dane- Au- Alle- Pays-
France Suède euro-
bourg lande mark triche magne Bas
péenne
21,5 % 32,1 % 31,3 % 29,8 % 29,2 % 29 % 28,2 % 28 % 27,1 %
14 230 € 10 060 € 10 090 € 10 450 € 10 780 € 10 060 € 10 500 € 10 330 € 7 750 €

* Unité monétaire artificielle qui élimine les différences de niveaux de prix entre les
pays.

129
Source : « La protection sociale en France et en Europe en 2017 », Drees, 2019.

Les dépenses de protection sociale recouvrent bien plus que la lutte contre la
pauvreté : la santé, la vieillesse, la famille, l'emploi et le logement, dont tout le
monde bénéficie (idée fausse 104). Si l'on regarde les strictes dépenses liées à
l'exclusion sociale, la France est au 6e rang européen tant en part de PIB qu'au
niveau des dépenses annuelles par habitant.
Dépenses contre l'exclusion sociale en part du PIB et en SPA annuel par habitant
en 2016
Da- Moyenne
Pays- Fin- Luxem- Royaume- Alle-
ne- Suède Chypre France euro-
Bas lande bourg Uni magne
mark péenne
1,5 % 1,4 % 1,3 % 1,2 % 1,1 % 0,50 % 1% 0,6 % 0,4 % 0,6 %
530 470 480 300 350 320 310 180 150 160
Source : « La protection sociale en France et en Europe en 2017 », Drees, 2019.

99. « La protection sociale creuse la dette publique. »


→ Non, ce sont surtout le manque de recettes fiscales et la crise
qui creusent la dette.

La dette publique, qui variait entre 55 % et 65 % du PIB français des années


1990 jusqu'en 2007, a fait un bond avec la crise pour atteindre, début 2019,
99,6 % (et 80,7 % en moyenne dans l'Union européenne), c'est-à-dire
2 358,9 milliards d'euros. Elle se compose de la dette de l'État et des administra‐
tions centrales (1 949,3 milliards), des collectivités locales (206,8 milliards) et
de la Sécurité sociale (202,8 milliards) dont la dette a reculé en 2018 de 20 mil‐
liards{333}.
Depuis les années 1990, la part des dépenses publiques (de l'État, des collecti‐
vités locales et de la Sécurité sociale) dans le PIB français n'a pas beaucoup
augmenté, restant aux alentours de 50-55 % avec un pic en 2008 suite à la crise.
Ces dépenses s'élevaient en 2017 à 56,5 % du PIB, soit 1 294 milliards d'eu‐
ros{334}. Les prestations sociales représentent environ la moitié des dépenses pu‐
bliques.
Comment donc expliquer ce bond de la dette publique s'il n'est pas dû à un
bond des dépenses publiques ?

130
Il y a d'abord la faiblesse des recettes fiscales de l'État. Elles étaient plus éle‐
vées dans les années 1990, mais la crise de 2008 les a ensuite fait chuter. Et sur‐
tout, les réductions d'impôts accordées aux entreprises et aux particuliers depuis
les années 2000, dans une course européenne à la concurrence fiscale, pro‐
voquent un trou dans les caisses de l'État de 100 à 200 milliards d'euros par an.
Un autre élément récent vient accroître notre dette publique : jusqu'à 2018-2019,
les baisses de cotisations sociales sur les salaires, creusant le déficit de la Sécu‐
rité sociale, devaient légalement être compensées par d'autres recettes de l'État
(CSG, TVA, etc.). Ce n'est plus le cas dorénavant. Une partie de la dette pu‐
blique est donc maintenant occasionnée par des réductions de cotisations so‐
ciales dont une partie sont inefficaces (idée fausse 77).
La protection sociale et les dépenses publiques doivent bien sûr être gérées
avec rigueur, mais leur réduction systématique n'est pas souhaitable, d'autant
que cela se traduit par un effet dépressif sur la croissance, qui ne fait que creuser
le déficit{335}.

100. « Pour réduire la pauvreté, il faut réduire la dépense


publique. »
→ Pas si simple. Certes, l'État doit investir avec sagesse, mais trop
réduire sa dépense risque d'accroître la pauvreté et les déficits
publics.

On entend dire sans cesse que la dépense et la dette publiques sont trop im‐
portantes en France. Bien sûr, il y a des postes de dépenses qui pourraient être
réduits. Mais il faut aussi maintenir nos services publics de protection sociale,
de santé, d'éducation, de transports, etc., sous peine de pénaliser les familles aux
revenus moyens ou faibles et les générations à venir.
La dépense publique a aussi un effet d'entraînement sur la production géné‐
rale d'un pays. Le Fonds monétaire international (FMI) a longtemps estimé
qu'une dépense publique d'un euro n'augmentait la production à court terme que
de 0,50 (c'est ce que l'on appelle le « multiplicateur budgétaire »). Il a reconnu
en 2013{336} que cette augmentation est supérieure à 1 – retrouvant l'analyse de
Keynes dans les années 1930.
Les 95 000 emplois créés en France au premier trimestre 2019 seraient en
bonne partie liés aux 10 milliards de dépense publique nouvelle obtenus fin
2018 par le mouvement des Gilets jaunes, de même qu'une augmentation de

131
notre PIB de 0,3 % (les Gilets jaunes donneraient donc un coup de pouce à
celle-ci, qui serait en 2019 de l'ordre de 1,3 % en France, contre 0,7 % pour
l'Allemagne, 0,8 % pour le Royaume-Uni et 1 % pour la zone euro){337}.
La zone euro, enfermée dans une volonté de réduire à tout prix la dépense pu‐
blique, a mis neuf ans à retrouver son niveau de PIB de 2007, contre quatre ans
pour les États-Unis, qui, eux, n'hésitent pas à utiliser la dépense publique
comme outil de relance. Alors que l'État français peut emprunter aujourd'hui à
des taux négatifs (les investisseurs privés sont prêts à payer plus que leur prix
des obligations de l'État français tellement c'est un placement sûr à long
terme !), notre pays pourrait en profiter pour engager des investissements dont
la rentabilité n'est pas immédiate, mais qui ont des résultats bénéfiques à long
terme, comme des investissements dans la transition énergétique{338}.
« Notons au passage que cela n'a pas de sens d'opposer les dépenses de fonc‐
tionnement de l'État, qui n'apporteraient aucun retour, aux dépenses d'investisse‐
ment, qui seraient seules génératrices de recettes futures. Ce n'est pas en coulant
du béton que l'État investit pour notre avenir, c'est en payant des auxiliaires de
puériculture, des enseignants ou des chercheurs{339} », ajoute Philippe Fré‐
meaux.

101. « On ne doit pas laisser de dette à nos enfants. »


→ Eh bien si. Car, en réalité, nos enfants héritent d'un patrimoine
net et non d'une dette.

« L'État doit gérer sa dette comme un bon père de famille ou une entreprise »,
entend-on souvent. Encore une fois, notre bon sens est trompeur. Car nous ou‐
blions qu'en France le patrimoine public (en immobilier et en participations fi‐
nancières des administrations publiques dans les entreprises) est supérieur à la
dette publique{340}. C'est donc bien un patrimoine net et non une dette nette que
nous léguons à nos enfants.
Notre dette publique est par ailleurs inférieure à notre dette privée, celle des
individus et des entreprises, qui, elle, ne semble inquiéter personne : 100 % du
PIB pour la première (et le Japon, les États-Unis, l'Irlande, le Royaume-Uni, la
Belgique, etc. ont un ratio comparable, sinon supérieur), 130 % pour la seconde.
Il ne sert d'ailleurs à rien de les comparer au PIB car le remboursement de ces
dettes s'étend sur plusieurs années alors que le PIB est une donnée annuelle.
Nos gouvernants qui redoutent de « laisser une dette à nos enfants » ne se
gênent pourtant pas pour accroître cette dette à coup de réductions fiscales mas‐

132
sives, aux effets économiques plus que limités (idée fausse 78). « La régression
de la fiscalité d'État est l'une des sources principales de l'endettement public,
confirme l'économiste Jacques Rigaudiat. [...] En l'absence de baisses de prélè‐
vements, la dette publique serait environ 20 points de PIB plus faible au‐
jourd'hui qu'elle ne l'est en réalité... en dix ans 400 milliards de recettes fiscales
perdues{341}. »
Le discours sur la dette publique sert surtout à essayer de convaincre l'opinion
de déconstruire les services publics (idée fausse 114).

102. « Les prélèvements obligatoires sont très élevés à


cause des dépenses sociales. »
→ Pas si simple. Les définitions de ce que recouvrent les prélève-
ments obligatoires diffèrent d'un pays à un autre.

En France, le taux de prélèvements obligatoires par rapport au PIB est l'un


des plus élevés d'Europe, mais ces prélèvements bénéficient à chacun à travers
les services de santé, d'éducation, de culture{342} (idée fausse 116) et à travers la
protection sociale, constituée pour presque 90 % de prestations versées à tous :
santé, retraites, allocations familiales (idée fausse 104).
Si l'on comptabilisait le volume des prélèvements obligatoires après récupéra‐
tion par l'État des cotisations et impôts qu'il prélève auprès de ses fonction‐
naires, le taux de ces prélèvements serait inférieur d'environ 10 %{343}.
Dans son « Rapport sur les perspectives de financement à moyen-long terme
des régimes de protection sociale 2014 », le Haut Conseil du financement de la
protection sociale prévient que les comparaisons de taux de prélèvements obli‐
gatoires entre différents pays sont trompeuses, car les dépenses financées par
ces prélèvements varient d'un pays à un autre. En France, le système de retraite
a pris la forme d'un service publique et apparaît dans les prélèvements obliga‐
toires alors qu'il relève souvent de régimes privés dans les autres pays. Mais, au
bout du compte, le coût pour le citoyen est à peu près semblable.

103. « Les citoyens paient trop d'impôts. »


→ Faux. On en paie moins qu'il y a quarante ans. Et on ne mesure
pas assez leur utilité.

133
Le bon sens nous fait dire que si chacun payait moins d'impôts, on disposerait
de plus de moyens pour investir et pour consommer, donc pour favoriser l'em‐
ploi. Mais cela ne doit pas conduire à sous-imposer les plus fortunés (idées
fausses 106 à 111), comme c'est le cas dans la plupart des pays depuis les an‐
nées 1980. Car les impôts financent des infrastructures, la création d'emplois,
les services publics et la protection sociale, utiles à tous et qui sont un des mo‐
teurs de l'activité. Lorsqu'une personne qui paie des impôts peut mesurer la part
qui lui revient ainsi qu'à la collectivité sous forme de biens et services publics,
sa satisfaction et son bien-être augmentent{344}.
La Suède impose les plus fortunés davantage qu'aux États-Unis et cela n'a pas
empêché la croissance annuelle d'y être plus forte dans la période 2000-2010 :
2,31 % contre 1,85 %.
Les baisses d'impôts spectaculaires des années 1980{345} sont encore en vi‐
gueur aujourd'hui. Si le niveau d'impôts et de transferts sociaux d'il y a quarante
ans était en vigueur de nos jours, les inégalités seraient 40 % plus faibles dans
les pays de l'OCDE{346}.
Aujourd'hui, le manque à gagner de l'impôt sur le revenu pour l'État français
est de 120 à 140 milliards par an, si l'on cumule environ 40 milliards annuels de
niches fiscales{347}, entre 80 et 100 milliards de fraude estimée (idée fausse 30)
et au moins 4 milliards dus aux baisses d'impôts depuis les années 1990{348}.
Autant de moyens en moins pour les services publics et la protection sociale.
Rétablir les taux d'imposition qui avaient cours avant les années 1980 ne se‐
rait que justice{349}. Plusieurs économistes ont calculé que le taux supérieur
d'imposition idéal serait environ de 60 %{350} ou 65 %{351}, c'est-à-dire ses ni‐
veaux d'avant les années 1980.
Si les plus fortunés sont trop imposés, partiront-ils à l'étranger ? Pas si sûr.
Dans des pays où ils ne sont pas sous-imposés, comme le Danemark, la Nor‐
vège et la Suède, la grande majorité d'entre eux ne songe pas à l'exil fiscal et fait
partie des « peuples heureux »{352}, parce que le pays bénéficie de services pu‐
blics de qualité et connaît moins de pauvreté et d'inégalités. Le rapport « Global
Wealth Report 2015 » montre que la France est encore l'un des pays qui
comptent le plus de millionnaires.

104. « La lutte contre la pauvreté coûte cher aux classes


moyennes. »

134
→ Faux. Elle ne coûte presque rien aux classes moyennes « infé-
rieures ».

Les classes moyennes « inférieures » (dont le niveau de vie est situé entre
1 200 € et 1 600 € par mois pour une personne) versent 43 % de leur revenu en
impôts sur le revenu, TVA, autres impôts indirects et cotisations sociales, et re‐
çoivent 42 % de leur revenu en aides sociales, allocations chômage, retraite et
couverture maladie, en moyenne tout au long de leur vie{353}. Leurs contribu‐
tions à la protection sociale équilibrent donc les bénéfices qu'elles en retirent.
Comme le montre le graphique suivant, le coût de la lutte contre la pauvreté ne
représente en 2017 que 3 % du coût total de notre protection sociale (23,1 mil‐
liards d'euros en 2017 sur un total de prestations de protection sociale de
727,9 milliards).

Prestations de protection sociale en 2017

105. « Notre protection sociale est inefficace. »


→ Faux. Elle réduit la pauvreté presque de moitié.

Les Français sont attachés à leur système de protection sociale. Six Français
sur dix trouvent normal de consacrer un tiers du revenu national à son finance‐
ment{354}.
Notre protection sociale a un effet efficace sur les inégalités et la pauvreté. En
2015, elle permet au taux de pauvreté de passer de 22,3 % à 14,2 % de la popu‐
lation française et à l'intensité de la pauvreté de passer de 38,1 % à 19,6 %. Les
taux de grande pauvreté à 50 % et 40 % du revenu médian passent respective‐
ment de 16,7 à 8 % et de 12,3 à 3,4 % de la population française{355}.

135
Sur les mythes du marché roi

106. « Quand une société s'enrichit, ça profite aussi aux


pauvres. »
→ Faux. Le « ruissellement de la richesse » est une théorie er-
ronée.

Cette doctrine, théorisée entre autres par Simon Kuznets (prix Nobel
d'économie en 1971), connaît encore un certain succès. Elle prétend que
lorsqu'une société s'enrichit, même de façon inégalitaire, les plus riches
consommant et investissant, cela finit toujours par profiter aux plus pauvres
et par réduire les inégalités et/ou la pauvreté (dès lors, il serait légitime de
réduire les impôts et le rôle de l'État pour laisser les riches s'enrichir encore
plus). Mais plusieurs économistes, dont Thomas Piketty dans Le Capital au
xxie siècle et Joseph Stiglitz dans Le Prix de l'inégalité, ont montré qu'il n'en
était rien.
Aux États-Unis, pays du prétendu « rêve américain » et de l'égalité des
chances, les inégalités et la pauvreté sont très fortes et la mobilité sociale
est aussi – sinon plus – faible qu'en Europe{356} où l'État, les services pu‐
blics et la protection sociale tiennent une plus grande place (la « courbe de
Gatsby » de l'économiste Alan Krueger montre que la mobilité sociale est
plus importante dans les sociétés plus égalitaires). Les années 1980 de la
période Reagan ne sont pas la preuve d'un ruissellement car, en plus des

136
baisses d'impôts pour les plus riches, elles ont bénéficié d'une augmentation
massive des dépenses publiques et d'une baisse des taux d'intérêt qui ont en‐
couragé les investissements et la consommation.
Si la théorie du ruissellement était exacte, plus un pays serait inégalitaire,
plus chacun s'enrichirait à tous les niveaux, de haut en bas. Or, on constate
le contraire.
Le FMI lui-même écrit noir sur blanc que c'est « le ruissellement par le
bas » et non par le haut qui fonctionne : « augmenter les revenus des classes
pauvres et moyennes favorise la croissance, alors qu'augmenter les revenus
des 20 % les plus favorisés nuit à la croissance – c'est-à-dire que quand les
riches s'enrichissent, cela ne ruisselle pas vers le bas{357}. »
Cela n'a pas empêché les gouvernements, suite à la crise de 2008, de re‐
lancer l'économie en redonnant presque tous leurs pouvoirs aux banques,
sans aider les millions de familles qui avaient perdu logements et emplois...
avec comme résultat une croissance importante du chômage, de la pauvreté
et des inégalités.

107. « Les inégalités sont un mal nécessaire au fonc‐


tionnement de l'économie. »
→ Faux. Mais c'est ce que l'on a pensé entre les années 1970
et 2000.

La thèse soutenue par Kuznets (encore lui) et en 1975 par Arthur Okun
est que les inégalités sont indispensables à l'efficacité économique, car elles
motivent les acteurs économiques et récompensent leurs talents. Pourtant,
des années 1950 aux années 1970, les États-Unis, le Japon et d'autres pays
ont connu une forte croissance tout en réduisant les écarts de revenus et en
imposant fortement (jusqu'à 90 % !) les plus hauts revenus{358}.
Suite aux travaux de Joseph Stiglitz, Robert Reich, James K. Galbraith,
Atkinson et d'autres, on sait aujourd'hui que les inégalités – qui ont pris une
tout autre ampleur que dans les années 1970 – nuisent à l'économie. Le
Fonds monétaire international (FMI) le concède maintenant lui aussi{359}
(sans pour autant que cela influe beaucoup sur sa manière d'agir).

137
Dans La Grande fracture{360}, Stiglitz identifie quatre raisons qui font que
les inégalités ralentissent l'économie. D'abord, elles freinent la consomma‐
tion (car les plus fortunés consomment proportionnellement moins que les
classes plus défavorisées). Ensuite, ces dernières ont moins accès à l'éduca‐
tion et à la formation, ne gagnent donc pas en qualifications et ne peuvent
donc pas beaucoup participer à l'essor économique. Troisièmement, les re‐
cettes fiscales de l'État se réduisent (car les riches paient proportionnelle‐
ment moins d'impôts que les classes moyennes) et donc son soutien à l'éco‐
nomie. Enfin, les inégalités accroissent l'instabilité économique (le FMI lui-
même explique qu'elles peuvent mener à une crise{361}).
Non seulement trop d'inégalités nuisent à l'économie, mais elles ne se
justifient ni par les performances, ni par les qualités individuelles des diri‐
geants de grandes entreprises{362} (voir l'idée fausse 108).
La réduction des inégalités (et donc des problèmes sanitaires et sociaux
qui s'ensuivent) profite dans tous les pays, non seulement aux personnes
aux bas revenus, mais aussi à la société tout entière{363}.

108. « On doit sa réussite avant tout à soi-même. »


→ Faux. Pour la plus grande part, on la doit à son entourage et
à son milieu social.

En 2018, 48 % des Français pensent que le mérite individuel est le plus


important pour réussir dans la vie (33 % pensent que c'est le milieu social et
17 % le hasard){364}.
Or, contrairement au mythe selon lequel on est soi-même la clé de sa
propre réussite, celle-ci est aussi liée pour une grande part au milieu social,
au contexte et à la société{365}. L'économiste Branko Milanovic estime que
60 % du revenu d'une personne dépend du pays où elle est née, 20 % de son
origine sociale et 20 % de ses mérites personnels{366}. Prendre conscience de
cela aiderait certaines élites qui nous dirigent à être un peu plus humbles et
davantage à l'écoute de leurs concitoyens{367}.
Le philosophe John Rawls écrivait en 1971 dans sa Théorie de la justice :
« [un caractère supérieur qui nous rend capables de l'effort pour cultiver nos
dons] dépend en bonne partie d'un milieu familial heureux et des circons‐
tances sociales de notre enfance, que nous ne pouvons pas mettre à notre

138
actif. La notion de mérite ne s'applique pas ici. » « Personnellement, je
pense que la société est responsable d'un pourcentage significatif de ce que
j'ai gagné, confirme le milliardaire Warren Buffet. Plantez-moi au milieu du
Bangladesh, du Pérou ou d'ailleurs et vous verrez ce qu'est réellement ca‐
pable de produire mon talent dès lors qu'il lui faut s'exercer sur le mauvais
type de sol{368} ! »
Plus que le labeur, c'est l'héritage et la rente (et le patrimoine immobi‐
lier{369}) qui expliquent la réussite de certains et creusent le plus les inégali‐
tés – comme Thomas Piketty l'explique dans Le Capital au xxie siècle. Mais
les Français sont bizarrement beaucoup moins sensibles aux inégalités de
patrimoine que de revenus{370}.

109. « Les lois du marché sont neutres. »


→ Faux. Elles sont discriminantes à l'égard des plus en difficul-
tés.

Dans La fabrique juridique des Swaps. Quand le droit organise la finan‐


ciarisation du monde{371}, la juriste Pascale Cornut Saint-Pierre explique
comment le milieu de la finance a modelé en fonction de ses intérêts le droit
international depuis les années 1980. Et la finance est tout sauf un milieu
neutre et équitable. Dans La Fascination de l'ogre, ou comment desserrer
l'étau de la finance{372}, l'économiste Laurence Scialom cite le discours du
21 septembre 2015 du gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney,
qui déconstruit les croyances en la moralité et l'autorégulation des marchés
et de la finance. Cet ouvrage montre également le mélange d'intérêts qui
existe entre secteurs public et privé{373}, au profit des plus puissants. Cela se
traduit au quotidien par exemple par le fait que les banques ont institué dif‐
férentes catégories de clients : elles réservent aux plus privilégiés des offres
et des services avantageux et aux moins favorisés des services plus réduits.
Quant au rôle particulier des banques centrales des États, il est en effet
censé être neutre et ne favoriser personne. Mais, suite à la crise de 2007-
2008, celles-ci se sont lancées dans des mesures massives d'« assouplisse‐
ment quantitatif », achetant des dettes d'États et des actions d'entreprises
pour plusieurs centaines de milliards d'euros. Or cela élève le prix de ces
titres financiers, au profit de ceux qui les détiennent, c'est-à-dire les plus

139
fortunés. L'action des banques centrales n'est donc pas neutre. Dès lors,
pourquoi ne pas utiliser l'argent des banques centrales pour créer des em‐
plois ou financer la transition énergétique ?

110. « La vraie vie, ce n'est pas l'assistance, c'est la


réussite des plus aptes. »
→ Faux. La coopération, mieux que la concurrence, permet à
chacun de bien vivre.

La doctrine du « darwinisme social » qui prétend que la libre compétition


est l'état normal de la nature humaine sert parfois à revendiquer une liberté
économique totale. Mais cette doctrine n'est pas celle de Darwin qui a juste‐
ment expliqué le contraire{374}.
Un monde uniquement guidé par des intérêts individuels mènerait à des
résultats désastreux, autant collectifs qu'individuels, comme l'ont montré
des philosophes tels que Hobbes (qui dit dans son Léviathan que sans co‐
opération, la vie de l'homme serait « solitaire, indigente, dangereuse, ani‐
male et brève ») et comme le prouve aussi le célèbre « dilemme du prison‐
nier »{375}. De plus, donner la priorité au collectif ne signifie pas nuire à l'in‐
dividu, cela peut lui permettre au contraire de s'épanouir, alors que l'inverse
est moins vrai{376}.
Une éducation et des soins accessibles à tous, des infrastructures de
transport et de communication, par exemple, ne peuvent être développés
sans placer à un moment l'intérêt collectif au-dessus des intérêts privés, ce
qui suppose un minimum de contraintes communes. Les sociétés qui
mettent en place des règles pour réduire les inégalités sont celles où l'on vit
le mieux (idée fausse 107) et où l'on maîtrise le mieux la violence (idée
fausse 5).
Deux autres points. D'abord, la « réussite des plus aptes » est parfois plu‐
tôt celle des plus chanceux ou des plus tricheurs{377}. Et, à l'inverse, quand
on naît dans un milieu défavorisé, on a moins de chance de « réussir »,
même si l'on fournit plus d'efforts que celui qui est né dans un milieu favo‐
risé (idées fausses 68 et 111).

140
La coopération renforce la coopération, et la concurrence renforce la
concurrence. Notre capacité d'entraide est renforcée si l'on a vécu ou si l'on
vit dans un environnement d'entraide. Elle peut être endommagée si l'on ob‐
serve autour de nous des comportements égoïstes et des inégalités impor‐
tantes{378}.

111. « Il ne sert à rien de victimiser les pauvres, ils


doivent faire des efforts. »
→ Pas si simple. À conditions de vie égales, ils pourraient réus-
sir aussi bien que les autres.

Dire que les personnes confrontées à la pauvreté rencontrent dans la vie


plus d'obstacles que les autres, ce n'est pas les victimiser, c'est décrire une
réalité. Ces obstacles, véritables trappes à pauvreté, sont au moins de trois
ordres : les conséquences du stress imposé par la précarité (idée fausse 4),
les enjeux de l'école (idée fausse 38) et les discriminations subies (idées
fausses 12 et 117). Si nous ne luttons pas en même temps contre ces obs‐
tacles, tous les efforts que peuvent faire les personnes en précarité{379} ne
permettront pas seuls de changer leur situation.
Dans le domaine de l'éducation, les conditions de vie ont un poids déter‐
minant sur la réussite. En France, 8 % à 10 % du retard scolaire serait lié au
mal-logement{380}. Cela ne signifie pas, bien sûr, que l'on ne doive pas in‐
vestir les meilleurs moyens éducatifs dans les quartiers défavorisés, mais
cela ne suffit pas. Pour faire reculer l'échec scolaire, il est plus efficace de
lutter globalement contre la pauvreté{381}.
On le voit bien, le discours du mérite – « pour réussir, il faut faire des ef‐
forts », « tout le monde peut y arriver », etc. – est en bonne partie trompeur
(idée fausse 108). Au lieu d'égalité des chances, on ferait mieux de parler
d'inégalité des chances.

112. « Le chômage est faible aux États-Unis, en Alle‐


magne et au Royaume-Uni. »

141
→ Pas si simple. Les faibles taux de chômage officiels
masquent une grande précarité en emploi et hors-emploi.

Les « pays modèles » ont quelques défauts dans la cuirasse. Le taux de


chômage américain est officiellement d'environ 4 %, mais en réalité d'au
moins 10 % ou 15 %{382} si l'on comptabilise tous ceux qui ont abandonné
leurs recherches, découragés (être inscrit au chômage aux États-Unis ne
rapporte pas grand-chose), ainsi que les travailleurs très précaires, souvent
indépendants sans l'avoir choisi, en intérim ou en sous-traitance{383}. Aux
États-Unis, il suffit de travailler une heure par semaine pour n'être plus
considéré comme sans emploi. La part des personnes de plus de 16 ans ap‐
partenant à la population active y avoisine les 63 %, un des taux les plus
faibles de l'OCDE. Entre 2009 et 2019, le nombre d'Américains de 15 à
64 ans qui travaillent n'a progressé que de 1,15 million alors même que la
population des 15-24 ans a progressé de 9,1 millions ! La population active
américaine commence par ailleurs à être touchée de façon préoccupante par
les drogues{384}.
La Grande-Bretagne peut également impressionner avec son taux de chô‐
mage qui avoisine les 4 %. Mais la part d'emplois précaires et de tra‐
vailleurs pauvres est très importante. Il y avait, fin 2017, 1,8 million de
« contrats sans garantie d'horaire »{385}. Pour la moitié de ces salariés, il
s'agissait de l'occupation principale. La croissance britannique repose beau‐
coup sur la spéculation immobilière dans les grandes villes et sur l'activité
financière de la City de Londres, plus que sur la production.
Le taux officiel de chômage allemand se situe aux alentours de 4 %.
Outre la renommée de l'industrie nationale qui favorise les exportations, ce
faible taux est lié à des spécificités allemandes qu'il n'est pas souhaitable de
transposer dans les autres pays{386} : une très faible progression des salaires
dans les années 2000 ; la croissance du travail précaire ; des sanctions très
fortes imposées aux chercheurs d'emploi, par exemple obligés d'accepter de
travailler pour un euro de l'heure dans un service d'intérêt public sous peine
de suspension des allocations. De plus, la croissance démographique est
faible en Allemagne (à comparer avec celle de la France – idée fausse 84).

142
113. « La philanthropie privée doit prendre part aux
politiques publiques. »
→ Pourquoi pas, mais sans prendre le pouvoir.

Les investissements financiers de grandes entreprises privées, des fonda‐


tions et des fonds de pensions, etc. dans l'action sociale et les services pu‐
blics sont souvent encouragés par les États et les collectivités car ils leur
permettent de réduire les dépenses publiques. Pourquoi pas ? Les efforts de
tous sont bienvenus pour agir contre la pauvreté. À condition, cependant,
que cette philanthropie privée n'ait pas d'arrière-pensées politiques ou com‐
merciales. Dans Les oubliés du rêve américain, Nicolas Duvoux s'inter‐
roge : dans quelle mesure cette philanthropie veut-elle réellement s'attaquer
aux racines de la pauvreté et des inégalités ? Sous prétexte d'aider les per‐
sonnes en précarité à « se prendre en main », ne contribue-t-elle pas à main‐
tenir le fonctionnement inégalitaire de la société américaine, à faire croire
que tout est de la responsabilité de l'individu et à décrédibiliser l'État en
voulant montrer que la compétence privée est supérieure à la compétence
publique ? Tout en légitimant au passage l'opulence de philanthropes – at‐
teinte parfois grâce à des pratiques monopolistiques, d'optimisation fiscale,
etc. – qui bénéficient de larges réductions d'impôts{387}.
Le problème est que les financeurs privés nourrissent parfois un certain
mépris envers les modes d'intervention des acteurs de terrain et imposent
des critères d'efficacité qui peuvent susciter des politiques d'écrémage (idée
fausse 67) car ils ont besoin d'obtenir des résultats rapides mais pas toujours
durables. Par ailleurs, ils entretiennent une vision particulière de la société
qui n'est pas partagée par le plus grand nombre{388}.

114. « Les Français veulent moins d'État. »


→ Pas en ce moment. Les Français sont plus nombreux qu'il y a
vingt-cinq ans à défendre les services publics et la redistri-
bution des richesses.

143
« Peut-être y a-t-il, dans certains milieux et cercles politiques, consensus
autour des politiques économiques libérales ; ce dernier n'existe en tout cas
pas au niveau des électeurs. L'attachement aux services publics et à la redis‐
tribution est fort en France. Il ne l'a même jamais été autant que depuis
l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République », écrit
Vincent Tiberj{389}, professeur de science politique. Il a créé avec les cher‐
cheurs James Stimson et Cyrielle Thiébault, l'indice du « mood social »
(« humeur sociale ») qui analyse depuis 1978 les préférences sociales des
Français. Entre 1993 et fin 2018, cet indice a progressé de 11,5 points vers
un souhait de davantage de services publics et de redistribution des ri‐
chesses. En 2018, seuls 26 % des Français considèrent qu'il y a trop d'inter‐
vention de l'État en matière économique et sociale{390}.
Rappelons-nous aussi qu'entre 1950 et 1980, l'État jouait un rôle de pre‐
mier plan dans l'économie française, investissant beaucoup et encadrant les
marchés financiers, et que la société ne s'en portait pas trop mal. Les décen‐
nies suivantes ont vu un retrait généralisé de la puissance publique en
France et dans d'autres pays. Mais depuis, la crise financière de 2007-2008
a ébranlé chez certains l'idée que le marché pouvait s'autoréguler.
Ce désir actuel de davantage d'action de l'État semble cependant moins
concerner le soutien aux plus défavorisés. L'individualisme gagne en effet
du terrain depuis une dizaine d'années, malgré la crise. En 1991, 62 % des
Français attendaient une action plus importante de l'État envers les plus dé‐
favorisés. En 2019, ils ne sont plus que 49 % selon le Crédoc.

115. « Chacun doit être protégé en proportion de ce


qu'il a cotisé. »
→ Faux. Il faut aussi garantir un minimum de protection à cha-
cun.

On entend parfois qu'il serait plus juste que chacun bénéficie de la pro‐
tection sociale ou d'un service public en proportion de ce qu'il a cotisé. Re‐
marquons tout d'abord que, d'un strict point de vue financier, comme les
personnes en précarité paient plus de TVA en proportion de leurs revenus

144
que les autres (idée fausse 27) et que la TVA est la principale ressource de
l'État, il est juste qu'elles bénéficient d'une partie de la protection sociale.
La France, à la différence des régimes assuranciels bismarckiens financés
principalement par des cotisations (tels qu'en Allemagne), a choisi une pro‐
tection sociale qui permet une redistribution plus importante que dans cer‐
tains autres pays, en combinant cotisations des individus et impôts (financée
environ aux deux tiers par des cotisations et à un tiers par l'État). La protec‐
tion sociale française n'a choisi ni le principe de l'uniformité des prestations
(des aides de même montant pour tous), ni celui de prestations strictement
proportionnelles aux cotisations, mais celui d'équité des aides (donner plus
à ceux dont on juge qu'ils en ont le plus besoin), à partir du principe, vu à
différentes reprises dans cet ouvrage, que la solidarité profite à tous, y com‐
pris aux plus fortunés, et qu'il ne serait pas juste qu'une personne, parce
qu'elle est privée d'emploi malgré son souhait de travailler et parce qu'elle
cotise par conséquent moins aux différentes caisses qu'un salarié, ait un ac‐
cès réduit aux soins et à la protection sociale.
En 2018, seuls 21 % des Français pensent que les retraites ne devraient
bénéficier qu'à ceux qui cotisent, et seulement 28 % pour ce qui concerne
les allocations chômage{391}.

116. « Il serait plus efficace de privatiser l'éducation, la


santé, etc. »
→ Faux. Lorsque ces systèmes sont privés, il n'y a aucune ga-
rantie que les coûts baissent et que leur efficacité augmente.

La santé et les retraites, l'eau{392}, l'énergie, l'éducation, les transports{393},


la recherche{394}, etc., et même la lutte contre la pauvreté représentent des
marchés importants pour les entreprises privées. C'est pourquoi certains
prétendent que les systèmes publics sont coûteux et inefficaces (et, malheu‐
reusement, l'Union européenne oblige ses États membres à privatiser de
plus en plus de services publics, en commençant par l'énergie, les télécom‐
munications, les transports...). La vérité est que les services publics sont en
général moins coûteux et plus efficaces. « Ce qui n'a rien de surprenant, ex‐

145
plique Joseph Stiglitz{395}. L'objectif du secteur privé est de faire des pro‐
fits. »
Selon le baromètre d'opinion Drees 2018, 74 % des Français pensent que
le système de Sécurité sociale français peut servir de modèle à d'autres pays
et 62 % qu'il fournit un niveau de protection suffisant.
Le système de santé américain est essentiellement privé, avec un résultat
médiocre. En 2013, les dépenses de santé s'élevaient selon la Banque mon‐
diale à 9 146 $ par personne aux États-Unis (4 864 $ en France), pour une
espérance de vie de 79 ans (82 en France) et une mortalité infantile de 6
pour 1 000 en 2015 (4 pour 1 000 en France). Aux États-Unis, l'augmenta‐
tion du coût des assurances santé privées et celle de Medicaid, le système
public d'assurance maladie créé en 1965 pour les bas revenus, sont estimées
respectivement à 5 % et 3,6 % par bénéficiaire par an entre 2012
et 2021{396}. Les dépenses de santé y représentent 17 % du PIB contre
11,7 % en France, et deux millions d'Américains font faillite chaque année à
cause de factures médicales{397}.
Dans le domaine de l'éducation, les comparaisons de résultats entre pu‐
blic et privé sont difficiles car cela dépend de la sélection des élèves opérée
ou non à l'entrée par les établissements. L'échec de la privatisation de
l'école en Suède a souvent été commenté. Aux États-Unis, l'étude « Natio‐
nal Charter School Study »{398} constate en 2013 que les « charter schools »
privées ont des résultats un peu meilleurs que les écoles publiques (c'était le
contraire en 2009), tout en reconnaissant que les écoles privées sélec‐
tionnent peut-être davantage leurs élèves à l'entrée{399}. À l'inverse, en
France, une note Pisa de 2012{400} observe que les élèves du privé ont de
moins bons résultats dans certaines matières que ceux du public. « Les ré‐
sultats scolaires en CE2 ainsi que la probabilité de redoubler le CP ou le
CE1 ne diffèrent pas significativement entre les écoles des deux secteurs,
public et privé sous contrat », note une étude de 2017{401}.
Si tous ces services étaient privés, une année d'école élémentaire revien‐
drait à 5 500 € , une année de collège à 8 000 € , une année de lycée à
10 000 € , une journée d'hôpital à 800 €, un accouchement à 3 500 € et un
an de traitement d'un cancer à 9 000 €{402}. Rappelons aussi que la dépense
moyenne de santé est d'environ 3 000 € par personne et par an{403}.
Et rappelons cette vérité essentielle : si l'objectif est de réduire le coût de
l'assurance maladie, de l'échec scolaire et du mal-logement, le plus efficace
n'est pas de privatiser les secteurs d'activité concernés, mais de lutter contre

146
la pauvreté, les non-recours et les discriminations par des politiques réelle‐
ment efficaces. Les pays scandinaves réussissent à assurer des soins médi‐
caux accessibles à presque tous, un enseignement supérieur pratiquement
gratuit pour tous et figurent dans les premiers rangs pour les indicateurs de
bien-être{404}.

147
Sur la santé et l'accès aux droits

117. « Avec la CMU, tout le monde a accès aux soins. »


→ Faux. Il faut continuer d'agir contre les inégalités d'accès à la
prévention et aux soins.

Même privée d'emploi, toute personne a le droit de se soigner. En pra‐


tique, il faut franchir plusieurs étapes : savoir que l'on peut avoir accès à la
CMU, la CMU-C ou l'ACS et décider de recourir à ce droit (idée fausse
19) ; réussir à remplir son dossier jusqu'au bout (idée fausse 118) ; ne pas
être confronté à un refus de soins ou ne pas renoncer soi-même, lorsque le
« reste à charge » (part non remboursée par la Sécurité sociale et la mu‐
tuelle) est trop élevé par rapport à son budget.
Les bénéficiaires de la CMU sont parfois confrontés à des refus de soins
de la part de professionnels de santé : un quart des médecins, 32 % des den‐
tistes, 31 % des ophtalmologues et 40 % des gynécologues de secteur 2 à
honoraires libres disent pratiquer ce refus{405}.
Les renoncements aux soins concernent 18 % des bénéficiaires de mini‐
ma sociaux pour le médecin et 29 % pour le dentiste. Par ailleurs, 11 % des
bénéficiaires de minima sociaux indiquent ne pas avoir de couverture com‐
plémentaire santé fin 2012{406}.
Principale conséquence de ces inégalités d'accès aux soins : l'espérance
de vie à la naissance des hommes parmi les 5 % les plus aisés est de

148
84,4 ans, contre 71,7 ans parmi les 5 % les plus pauvres, soit 13 ans
d'écart{407}. Une personne sans domicile en France décède en moyenne à
49 ans{408}.
On peut s'interroger avec certains chercheurs (Frédéric Pierru, Didier Ta‐
buteau...) sur la baisse continue, au fil des décennies, de la prise en charge
des soins courants par la Sécurité sociale (50 % en moyenne seulement{409})
au profit de la part des mutuelles. Même s'il existe quelques complémen‐
taires santé (comme « Accès santé »{410} créée en 2013 avec ATD Quart
Monde) qui couvrent plus avantageusement les personnes en précarité, les
mutuelles dans leur ensemble protègent bien mieux les salariés que les per‐
sonnes privées d'emploi, qui ont pourtant en moyenne une santé plus pré‐
caire (idée fausse 31).

118. « Il n'est pas si compliqué d'accéder à ses droits. »


→ Faux. C'est parfois un parcours du combattant et c'est l'une
des explications des non-recours.

« Les modalités de gestion de la CMU-C et de l'ACS sont lourdes et


complexes pour leurs demandeurs comme pour les caisses d'assurance ma‐
ladie et ne garantissent pas l'attribution (ou le rejet) à bon droit des de‐
mandes », note la Cour des Comptes{411}. « [La lourdeur des démarches] est
due non seulement à la nécessité de devoir renseigner un nombre élevé de
rubriques relatives à la composition et aux ressources de leur foyer, mais
aussi à celle de devoir documenter une grande partie des informations dé‐
clarées en l'absence d'une alimentation automatisée de l'application infor‐
matique utilisée pour instruire les demandes. » Un nombre important de jus‐
tificatifs est souvent demandé dans un dossier de RSA ou de CMU-C. « Les
cas de dossiers comportant plus de 100 pièces ne sont pas rares ! précise un
rapport du Sénat{412}. [...] Finalement, le sentiment domine que plus la per‐
sonne est précaire, plus le dossier est difficile à constituer. » Ce rapport,
comme celui du sénateur Yannick Vaugrenard{413}, propose des mesures de
simplification. Cela réduirait les non-recours qui s'expliquent rarement par
un manque d'intérêt pour la prestation, mais plutôt par « un manque d'infor‐
mation sur les droits et la complexité de procédures parfois jugées non ac‐
ceptables car trop contraignantes ou intrusives{414} ».

149
Toutes les innovations ne vont pas dans le bon sens. Il n'est désormais
plus possible de faire certaines déclarations de ressources par la Poste, mais
seulement par Internet. Comment faire pour les dizaines de milliers de bé‐
néficiaires qui y ont difficilement accès ? Consciente qu'il est nécessaire de
« réhumaniser » l'accès aux droits, la mutuelle « Accès santé » initiée par
ATD Quart Monde prévoit un accompagnement des bénéficiaires par des
conseillers des mutuelles partenaires{415}.
Et rappelons aussi qu'une fois que son droit est reconnu au niveau admi‐
nistratif, il reste encore d'autres obstacles à vaincre (idée fausse 117) !

119. « On ne peut garantir l'accès gratuit à tous les


droits. »
→ Non. Mais on peut faire beaucoup mieux que ce que l'on fait
actuellement.

Serait-il trop facile pour les personnes en précarité d'accéder aux aides
sociales ? Faudrait-il les cantonner à des sous-systèmes de soins, de loge‐
ment, à des droits spécifiques, dont on limiterait sévèrement le coût ? Le lé‐
gislateur français a au contraire choisi de permettre à tout le monde d'accé‐
der aux mêmes droits, par exemple avec la CMU, le Dalo ou les Territoires
zéro chômeur de longue durée.
Les pages précédentes de ce livre tendaient en partie à expliquer qu'il n'y
a pas d'un côté les « assistés », profiteurs et fraudeurs (mais aussi invisibles
et silencieux), et de l'autre les « travailleurs » qui paient des impôts pour les
autres. Rappelons quelques faits :
– Les 1 % les plus fortunés paient moins d'impôts et de taxes, en propor‐
tion de leurs revenus, que les 10 % les moins favorisés.
– Les financements publics vont plus aux entreprises et aux plus fortunés
qu'aux personnes en précarité : des dizaines de milliards d'euros sont accor‐
dés chaque année sous forme de niches fiscales, de réductions de cotisations
sociales ou d'impôts dont on ne mesure pas l'efficacité économique et d'in‐
vestissements publics dans des domaines – la santé, les nouvelles technolo‐
gies... – qui profitent au secteur privé ensuite (sans parler d'une fraude fis‐
cale très importante et contre laquelle les États restent assez impuissants).

150
Face à tout cela, le budget « Lutte contre la pauvreté et l'exclusion » de
notre protection sociale ne s'élève qu'à 23,1 milliards d'euros en 2017.
– Les personnes en précarité sont confrontées à une vie plus chère et à un
accès aux soins, au logement, à l'éducation, à la culture, etc. plus difficile.
En France, elles vivent en moyenne 13 ans de moins que les familles plus
favorisées, et dans des conditions de (fin de) vie moins bonnes.
– Les mêmes personnes préfèrent travailler plutôt que de bénéficier
d'aides qu'elles ne sollicitent pas toujours.
Alors qui fait cadeau de quoi à qui ? Qui profite le plus de la « gratui‐
té » ?...

120. « La justice est la même pour tous. »


→ Faux. Elle doit évoluer vers plus d'équité et a besoin de
moyens pour cela, surtout quand des droits fondamentaux
sont remis en cause.

En France, le budget de la justice rapporté au nombre d'habitants est l'un


des plus bas d'Europe : 57,70 € par personne en 2008 contre 75,10 € pour le
Royaume-Uni et 106 € pour l'Allemagne. La France compte 10,9 juges pour
100 000 habitants, contre 24,5 pour l'Allemagne. En conséquence, le
nombre d'affaires à suivre par juge est plus élevé en France que dans la plu‐
part des pays comparables. Du côté des justiciables, l'aide juridictionnelle y
est l'une des plus faibles d'Europe : 353 € en moyenne par affaire jugée,
avec une moyenne de 1 392 affaires bénéficiant de l'aide judiciaire pour
100 000 habitants (contre 1 131 € et 3 051 affaires au Royaume-Uni){416}.
On le voit, les juges et les avocats ne disposent pas du temps et des
moyens nécessaires pour créer les conditions d'un vrai dialogue avec les
personnes en précarité et dépasser les incompréhensions qui peuvent exister
de part et d'autre{417}. Et, de l'autre côté, les citoyens les plus en difficulté
n'ont pas accès à des moyens suffisants pour faire valoir comme les autres
leurs droits devant le tribunal. Les moyens seraient à mettre en priorité sur
les contentieux qui touchent aux droits fondamentaux des personnes en
grande précarité : droit au logement, droit de vivre en famille, etc. Cela évi‐
terait à la France d'être recadrée dans certains domaines par la Cour euro‐
péenne des droits de l'homme (idée fausse 63).

151
Permettre aux personnes en précarité d'accéder à leurs droits favorise leur
sortie de la pauvreté. C'est juste moralement, mais aussi économique‐
ment{418}.

152
Sur l'enfance et l'éducation

121. « Il vaut mieux placer les enfants pauvres. »


→ Faux. Le plus souvent, d'autres solutions que le placement
existent, qui permettent de mieux préserver l'enfant et sa fa-
mille.

On entend parfois dire que placer les enfants des familles en précarité
leur permettrait de connaître une vie meilleure ou d'échapper à la maltrai‐
tance de leurs parents{419}. S'il y a maltraitance avérée, l'éloignement est
bien sûr nécessaire, mais nous avons vu (idée fausse 35) que ces parents
n'étaient en moyenne pas plus maltraitants que d'autres. Une étude menée
en 2014-2015 sur trois départements de l'ancienne région Rhône-Alpes
« montre que les trois quarts des placements sont de l'ordre de carences édu‐
catives, et que seulement un quart concernent de la maltraitance. Comment
agir quand les professionnels imputent les difficultés familiales à une ca‐
rence éducative alors que ces difficultés sont d'abord le fait de conditions de
vie indignes{420} ? »
Les stratégies qui assurent le meilleur avenir à ces enfants ne sont pas
celles qui visent au placement immédiat, mais celles qui tentent de préser‐
ver la cellule familiale en soutenant les parents dans leurs responsabilités et
en visant de meilleures conditions de vie{421}. En effet, pour se construire,
un enfant a besoin de grandir dans un environnement stable. Le fait d'avoir

153
été placé dans son enfance augmente par exemple le risque d'être sans-abri
plus tard ; 40 % des personnes sans domicile âgées de 18 à 24 ans sorti‐
raient du dispositif de l'aide sociale à l'enfance{422}.
Dans son « Avis sur le droit au respect de la vie privée et familiale et les
placements d'enfants en France » de 2013, la Commission nationale consul‐
tative des droits de l'homme constate que la France est un des pays d'Europe
où le taux de placement est le plus élevé.
La Cour européenne des droits de l'homme a condamné à plusieurs re‐
prises des États pour avoir décidé abusivement d'un placement ou pour
n'avoir pas mis en œuvre, lorsqu'il était justifié, les conditions respectant le
droit des parents et des enfants au maintien de relations familiales. Cette ju‐
risprudence s'impose aux juges français{423}.
La loi française propose un grand éventail de réponses pour apporter aux
familles « l'aide appropriée » (article 18 de la Convention internationale re‐
lative aux droits de l'enfant) dans l'exercice de la responsabilité éducative :
soutien aux parents, aide à la gestion du budget familial, mesures d'accom‐
pagnement à domicile, etc. Il y a aussi les actions de soutien à la parentalité
mises en œuvre par des communes, des associations, le voisinage, etc.
Lorsque l'enfant est jugé en danger, il existe de nombreuses alternatives au
placement, souvent ignorées des familles, voire des professionnels.
La Cour des comptes constate que « six milliards d'euros sont dépensés
chaque année [par l'aide sociale à l'enfance] de façon empirique sans que
l'on cherche à contrôler les acteurs de la protection de l'enfance, ni à
connaître l'efficacité de ces interventions{424} ». Une telle somme ne pour‐
rait-elle pas être utilisée pour soutenir davantage les familles ?

122. « Le rôle de l'école n'est pas de régler les inégalités


sociales. »
→ Non. Mais elle peut et doit y contribuer mieux qu'actuelle-
ment.

Selon l'étude Pisa 2012 (Programme international pour le suivi des acquis
des élèves), plus de 75 % des élèves en France dont les parents sont cadres
ou exercent une profession intellectuelle ont obtenu le bac général en 2009,

154
contre seulement 33 % pour les enfants d'ouvriers. Dans son Avis de
mai 2015, le Cese écrit : « La DEPP [Direction de l'évaluation de la pros‐
pective et de la performance]{425} démontre que l'origine sociale et l'orienta‐
tion dans les classes [d'école et de collège] sont fortement corrélées. Ainsi,
parmi les enfants affectés en ASH{426} pour des troubles intellectuels et cog‐
nitifs, 6 % viennent de milieu social favorisé, contre 60 % d'un milieu très
défavorisé. Lorsque les troubles sont « du langage, auditif, visuel, viscéral,
moteur... », autrement dit médicalement bien identifiés, l'écart se réduit à
25 points (respectivement de 15 % à 40 %){427}. »
L'étude Pisa montre que de nombreux pays réussissent mieux que la
France à réduire l'impact des inégalités sociales sur l'orientation et la réus‐
site scolaire. En France, 17 % des écarts de performance des élèves en lec‐
ture s'expliquent par le milieu social, contre seulement 14 % en moyenne
dans les autres pays de l'OCDE.
Notons aussi que, comme l'indique le Code de l'éducation, les objectifs
de l'école française sont également de transmettre les valeurs de la Répu‐
blique, parmi lesquelles figurent l'égalité et la fraternité.

123. « La mixité sociale nuit à la réussite scolaire. »


→ Faux. La mixité sociale a des effets positifs ou neutres sur
les résultats de la majorité des élèves. Et d'ailleurs, que si-
gnifie « réussir » à l'école ?

La mixité sociale est moins importante dans les écoles de France que
dans d'autres pays et c'est un des facteurs qui explique que notre école a
plus de mal à réduire les inégalités. La majorité des parents de milieu favo‐
risé se méfient de la mixité scolaire et préfèrent que les élèves de milieu dé‐
favorisé soient mis « dans d'autres classes ».
Or, si la mixité sociale est soutenue par des pédagogies adaptées, elle
peut être bénéfique pour tous.
« Le bénéfice que retirent les élèves plus défavorisés d'un accroissement
de cette mixité semble plus élevé que le désavantage que peuvent subir les
élèves plus favorisés », souligne un rapport{428}. « La mixité a des effets po‐
sitifs ou neutres sur les résultats scolaires de l'immense majorité des élèves,
confirme la sociologue Nathalie Mons{429}. À l'exception d'une toute petite

155
élite, qui réussit un peu moins bien scolairement quand elle se retrouve mé‐
langée à des élèves différents. Si l'on regarde les effets de la mixité en
termes de cohésion sociale, là, tous les élèves sans exception y gagnent.
Même le haut de l'échelle ! La petite élite a tout intérêt à être entourée
d'élèves ne venant pas du même milieu, au risque, sinon, de porter un han‐
dicap social les pénalisant dans leur vie professionnelle future. [...] Il faut
de la mixité dans les classes, mais pas avec des écarts scolaires trop impor‐
tants. Si vous mettez des très bons élèves avec des très mauvais, cela ne
fonctionnera pas. Pour que la mixité soit efficiente, la recherche a montré
qu'il faut que les élèves moins bons puissent s'identifier à leurs pairs ayant
un niveau scolaire plus élevé, mais atteignable. »
Il est important que les enseignants, les chefs d'établissements et les pa‐
rents de tous milieux soient sensibilisés et associés au développement de
cette mixité à l'école, qui est l'une des principales préconisations de l'avis
« Une école de la réussite pour tous » du Conseil économique, social et en‐
vironnemental en mai 2015.

124. « Les élèves en difficulté doivent aller vers l'ensei‐


gnement professionnel le plus tôt possible. »
→ Faux. On peut trouver sa voie dans l'enseignement profes-
sionnel, mais il faut que ce soit un choix réfléchi, pas par dé-
faut.

On croit souvent que les enfants de milieu défavorisé sont moins aptes
que les autres (idée fausse 38) et on veut alors les orienter précocement vers
une voie professionnelle ou vers l'enseignement adapté et spécialisé{430}.
Mais une orientation trop rapide risque de ne pas leur permettre de dévelop‐
per toutes leurs capacités, surtout si cela signifie moins attendre d'eux et
moins les solliciter. En Finlande, les élèves ne peuvent être orientés dans
différentes voies qu'à partir de 16 ans.
On constate dans différents pays qu'« une façon de s'assurer que les
élèves scolarisés en filière professionnelle ne soient pas lésés dans leur par‐
cours scolaire est de repousser l'âge de l'orientation et d'allonger la durée de
l'enseignement général commun, ou de faciliter le passage des établisse‐

156
ments professionnels aux établissements généraux. Une autre possibilité
consiste à améliorer la qualité des formations professionnelles et à travailler
de concert avec les employeurs afin de s'assurer que les élèves suivant ces
filières disposent des compétences adéquates pour réussir leur entrée sur le
marché du travail{431}. »
« Il est essentiel que tous les jeunes possèdent les savoirs de base du pri‐
maire et les connaissances qui font “le socle commun” du collège »,
confirme dans son « Avis sur les inégalités à l'école » le Cese, qui insiste sur
l'importance de l'orientation de fin de 3e et propose de faciliter les change‐
ments de parcours d'études, de créer des passerelles entre les spécialités et
de développer une formation tout au long de la vie réellement accessible à
tous.

125. « Les enfants de chômeurs n'ont pas besoin d'aller


à la crèche ni à la cantine. »
→ Faux. Ils doivent y avoir accès comme tous les enfants.

En 2014, seuls 5 % des enfants de milieu défavorisé ont accès à la crèche


contre 22 % des plus favorisés{432}. La crèche comme la cantine scolaire, la
garderie ou l'étude permettent non seulement aux parents d'être disponibles
pour travailler, mener une recherche d'emploi et suivre une formation, mais
ils sont aussi des lieux de socialisation et d'éducation des enfants, dès le
plus jeune âge.
« Beaucoup de conseils régionaux, de conseils généraux et de municipali‐
tés font de gros efforts pour l'accueil de tous les élèves à la restauration sco‐
laire », note le rapport « Grande pauvreté et réussite scolaire ; le choix de la
solidarité pour la réussite de tous »{433} dont la cinquième recommandation
est de « faire en sorte que la restauration scolaire devienne un droit sans au‐
cune condition restrictive ».

157
Sur le logement

126. « Les HLM sont accessibles aux plus pauvres. »


→ C'est de moins en moins vrai, car les logements sociaux ac-
cueillent une part croissante de classes moyennes.

65 % des familles vivant dans la pauvreté sont logées dans le parc pri‐
{434}
vé , le plus souvent dans des conditions de dégradation et de surpeuple‐
ment. « Les logements du parc social n'accueillent que la moitié des mé‐
nages locataires situés sous le seuil de pauvreté, alors que sa capacité ex‐
cède de plus d'un million leur effectif total », écrit la Cour des comptes{435}.
Le logement social (public) leur est de moins en moins accessible dans les
grandes villes, faute de logements suffisants et du fait de l'augmentation
continue des loyers et des charges. Le coût des opérations de logement so‐
cial augmente d'année en année (+ 85 % entre 2000 et 2011 selon l'Union
sociale pour l'habitat) à cause de l'envolée des prix de l'immobilier depuis
2000 et des contraintes d'isolation thermique et d'accessibilité des loge‐
ments. Les bailleurs répercutent ces hausses sur les nouveaux loyers : le
taux d'effort (part du loyer et des charges sur les revenus du ménage, en te‐
nant compte des allocations logement) des locataires HLM est passé de
19 % en 1992 à 24 % en 2013, et même 55,9 % pour les ménages du pre‐
mier décile{436}.

158
Résultat : les bailleurs sociaux accueillent de plus en plus de classes
moyennes. Les PLS – Prêts locatifs sociaux – et PLUS – Prêts locatifs à
usage social – représentent trois quarts des constructions. Leurs loyers plus
élevés compensent l'aide de l'État, moins importante que pour les PLAI –
Prêts locatifs aidés d'intégration – destinés aux moins fortunés. Selon le mi‐
nistère du Logement, 55,4 % des ménages français ont en 2018 des niveaux
de ressources qui se situent au-dessous des plafonds PLUS, 70 % au-des‐
sous des plafonds PLS et 25,7 % au-dessous des plafonds PLAI. Entre 2000
et 2015, la hausse des loyers plafonds PLUS aura été de plus de 35 %.

127. « Il est difficile de construire plus de logement so‐


cial. »
→ Faux. Plus qu'un problème financier, c'est une question de
volonté citoyenne et politique.

109 000 logements sociaux ont été construits en 2018, contre 113 000 en
2017 et 124 000 en 2016. Par manque d'investissement financier de l'État,
« [la construction de logement sociaux] passerait sous la barre des 100 000
à partir de 2020, puis se situerait à une moyenne de 63 000 entre 2027
et 2055. Bien loin des objectifs de 150 000 HLM à construire chaque année,
objectif annuel (jamais atteint) lors du précédent quinquennat{437}. »
En France, le choix de construire du logement social est malheureuse‐
ment, dans une très large mesure, entre les mains des maires qui, pour des
raisons électorales, y sont peu favorables. L'État, à travers les préfets, doit
contrôler la légalité républicaine – y compris l'offre de logement en quantité
et à des prix adaptés à la population – par le biais de plans locaux d'urba‐
nisme (PLU) proposés par les maires. Mais les préfets manquent de moyens
et se trouvent souvent face à des rapports politiques locaux trop complexes
pour user utilement de ce droit de contrôle.
Une autre solution serait « d'améliorer la gestion du foncier en transférant
sa responsabilité de façon systématique au niveau des intercommunalités et
en installant un régime dérogatoire en petite couronne de la région pari‐
sienne{438} » et d'imposer des sanctions aux maires qui ne construisent pas
assez de logements sociaux. Il faudrait aussi soutenir les maires-bâtis‐

159
seurs{439}, car de nouveaux logements peuvent coûter cher en termes d'équi‐
pements associés, comme les écoles. Mais les députés et sénateurs sont sou‐
vent eux-mêmes maires et ne sont pas spontanément favorables à tout ce
qui pourrait les contraindre localement.
La résolution de la crise du logement ne passera donc vraisemblablement
que par la prise de conscience de ses enjeux par tous et par un grand débat
citoyen : il est possible financièrement de construire davantage de loge‐
ments sociaux (car des opérations suffisamment denses s'équilibrent écono‐
miquement) ; il n'est pas viable, ni humainement, ni légalement, ni écono‐
miquement{440}, de continuer à laisser grandir le mal-logement dans notre
pays.

128. « On ne mettra jamais fin au sans-abrisme. »


→ Faux. La Finlande montre qu'avec une volonté politique forte,
on peut pratiquement mettre fin au sans-abrisme.

Le nombre de personnes sans domicile ne cesse d'augmenter un peu par‐


tout. Pourtant, ce n'est pas fatal. La preuve : la Finlande a divisé le nombre
de personnes sans domicile par cinq en 30 ans{441}. Le pays a commencé à
agir contre le sans-abrisme dans les années 1980. En 1995, sa Constitution a
reconnu le droit au logement pour tous.
Au centre de l'expérience finlandaise se trouve le mode d'action du « lo‐
gement d'abord » (« housing first »), c'est-à-dire la proposition sans condi‐
tion d'un logement de droit commun aux personnes sans domicile. Cette ex‐
périence montre que vivre dans la rue n'est pas le souhait des personnes
sans abri et qu'il est possible de proposer un logement décent et durable à
chacun, au bénéfice des personnes et de la société, puisque cela est plus
économe pour les deniers publics que l'hébergement d'urgence. Par
exemple, en Belgique, le coût du « housing first » est de 17,80 € par jour et
par personne, contre 55 € dans un abri de nuit classique ; à Liverpool,
12 607 ¯ par personne et par an, trois à cinq fois moins que dans le système
classique ; en France, dans le cadre du programme « Un chez soi d'abord »,
14 000 € par personne et par an, auxquels s'ajoutent 11 000 € de soins,
contre 30 000 € pour le système d'hébergement habituel. L'amélioration de
la santé des personnes entraîne par ailleurs une diminution de la fréquenta‐

160
tion des services d'urgence de logement et de soins. De manière générale,
plus les besoins de la personne sont élevés, plus les économies réalisées sur
les coûts évités sont importantes{442}.

161
Sur l'environnement et le climat

129. « Si les pauvres sortent de la pauvreté, c'est mau‐


vais pour la planète. »
→ Non, si l'on articule bien politiques sociales et écologiques.

On entend parfois qu'« agir pour le climat et contre la pauvreté sont in‐
compatibles » et que, lorsque des personnes sortent de la pauvreté, cela leur
permet de consommer davantage et donc cela peut nuire davantage à la pla‐
nète. Mais ce n'est pas fatal et c'est pourquoi il est vital de mener de front
actions pour le climat et lutte contre la pauvreté. On doit pouvoir éradiquer
la pauvreté et aller en même temps vers des moyens de vivre plus sobres.
Les activistes, économistes et chercheurs sont de plus en plus nombreux à
penser ensemble ces deux actions. Ces processus de changement doivent
être justes et graduels. Ils doivent s'appuyer sur des changements de com‐
portements et peuvent être une chance de renforcer les liens sociaux, d'amé‐
liorer la santé de tous, de réinventer notre protection sociale, de créer des
emplois utiles et durables (l'action pour le climat peut créer 6 millions d'em‐
plois en Europe{443} et des centaines de milliers en France{444}). « L'exemple
de la Suède parle de lui-même, explique Éloi Laurent{445}. De 1996 à 2006,
alors que le poids de la fiscalité a diminué de 8 points sur le travail et aug‐
menté de 12 points sur l'énergie, l'intensité énergétique de l'économie a
baissé de 30 points, les émissions de gaz à effet de serre se sont réduites de

162
15 % et le taux de chômage a reculé de 9 % à 6 %. La transition écologique
peut et, à vrai dire, doit aussi être une transition sociale. »
L'économiste Kate Raworth prend l'image du donut – ce beignet améri‐
cain avec un trou au milieu – pour identifier les privations humaines cri‐
tiques à ne pas dépasser (c'est le cercle intérieur du beignet) et les limites
physiques que la planète peut supporter (c'est le cercle extérieur). Entre les
deux : le donut proprement dit, qui correspond à l'espace dans lequel nous
pouvons satisfaire les besoins de tous, dans la limite des moyens de la pla‐
nète. Sa « théorie du donut » propose des points de repère pour construire
une nouvelle économie qui respecte à la fois l'humain et la nature.

130. « La taxe carbone appauvrit encore plus les plus


bas revenus. »
→ Non, si l'on agit pour la rendre plus juste socialement.

La taxe carbone ou « contribution climat-énergie » (CCE), c'est, depuis


2014, plusieurs centimes sur chaque litre d'essence ou de diesel, et plusieurs
dizaines d'euros sur une facture annuelle de chauffage (et malheureusement
très peu sur le kérosène des avions). Son rôle est de rendre plus cher ce qui
est polluant et de permettre aux énergies renouvelables d'être plus compéti‐
tives. Elle a démarré en France beaucoup plus timidement que dans d'autres
pays{446}. Proportionnellement, la taxe carbone affecte davantage les reve‐
nus modestes, qui ont un budget chauffage et transport plus élevé en pro‐
portion de leurs revenus (mais pas en valeur absolue, bien sûr). Pour corri‐
ger cette injustice{447} qui fait payer relativement plus ceux qui polluent le
moins, il faudrait consacrer une partie plus importante des recettes de la
taxe carbone (environ 9 milliards d'euros en 2018) à compenser financière‐
ment son coût pour les familles à bas revenus, mais aussi à financer des ac‐
tions pour le climat pensées avec celles-ci et socialement justes : isolation
thermique des logements, services de mobilité sobres en énergie, etc.
Par exemple, l'initiative « Rénovons » présente un plan d'action pour
l'isolation thermique de logements privés qui permettrait aux familles pro‐
priétaires disposant de revenus inférieurs au revenu médian d'économiser

163
plus sur leur facture énergétique que ce que les travaux d'isolation leur coû‐
teront{448}.

164
Sur les réfugiés

131. « En accueillant les réfugiés en France, on pro‐


voque un appel d'air. »
→ Non. Car la France n'accueille que très peu de réfugiés.

Qu'on leur ouvre ou non nos portes, les Syriens, les Afghans, les Éry‐
thréens, les Irakiens, etc. quittent leurs pays parce que leur vie est menacée
par la guerre{449}. En 2018, selon l'Agence des Nations unies pour les réfu‐
giés, le monde a dénombré 70,8 millions de personnes déplacées de force,
dont 25,9 millions de réfugiés, 41,3 millions de déplacés à l'intérieur de leur
pays et 3,5 millions de demandeurs d'asile. 80 % des réfugiés vivent dans
des pays proches de leur lieu d'origine. Les principaux pays d'accueil ont
été en 2018 la Turquie, le Pakistan, l'Ouganda, le Soudan et l'Allemagne.
Les pays développés n'ont accueilli que 16 % des réfugiés.
Fermer les frontières encourage l'activité des passeurs clandestins. La
construction du mur entre le Mexique et les États-Unis n'empêche pas les
Mexicains de continuer à tenter leur chance. L'usage de drones s'y révèle
même inefficace{450}.
Beaucoup de réfugiés savent qu'ils ne sont pas attendus à bras ouverts
dans notre pays. En 2018, la France a rejeté 83 % des demandes d'asile{451},
bien plus que ses voisins européens. 33 330 demandes ont été accordées
cette année-là par l'Ofpra et la Cour nationale du droit d'asile.

165
Glossaire

ACS : aide au paiement d'une complémentaire santé.


AME : aide médicale d'État.
APL : aide personnalisée au logement.
CEDH : Cour européenne des droits de l'homme.
CESE : Conseil économique, social et environnemental.
CMU : couverture maladie universelle.
CMU-C : couverture maladie universelle complémentaire.
Dalo : droit au logement opposable.
Drees : Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statis‐
tiques.
Insee : Institut national de la statistique et des études économiques.
MRIE : Mission régionale d'information sur l'exclusion.
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques.
OIT : Organisation internationale du travail.
ONPES : Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale.
ONU : Organisation des Nations unies.

166
RMI : revenu minimum d'insertion.
RSA : revenu de solidarité active.
SMIC : salaire minimum interprofessionnel de croissance.
UE : Union européenne.

167
{1} S. Shepherd, A. C. Kay, « On the Perpetuation of Ignorance : System Dependence, Sys‐
tem Justification, and the Motivated Avoidance of Sociopolitical Information », Journal of
Personality and Social Psychology, Vol. 102, No. 2, 2012, 264–280.
{2} Directrice générale d'Oxfam France.
{3} Militante d'ATD Quart Monde.
{4} Délégué national d'ATD Quart Monde en France.
{5} En France et dans d'autres pays. Voir par exemple le travail d'ATD Quart Monde aux
États-Unis, Poverty Myths : The truth about four of the most persistent myths about poverty
in America, ATD Fourth World, 2018, et en Irlande : « Sure, it's their own fault ! » Our
Misconceptions of Poverty and the Poor, ATD Fourth World, 2018.
{6} Dans A.-C. Brand et B. Monje Barón (sous la dir.), La misère est violence, rompre le si‐
lence, chercher la paix, Paris, ATD Quart Monde, 2012.
{7} Un sondage de 2015 au Québec confirme que plus une personne a des relations proches
avec d'autres confrontées à la précarité, plus son attitude à leur égard est positive
(http://bit.ly/1RMJekW, consulté en août 2019).
{8} « L'ensemble des capacités exprime ainsi la liberté réelle qu'a une personne de choisir
entre les différentes vies qu'elle peut mener » (A. Sen, « Capability and Well-Being », in
M. Nussbaum et A. Sen [sous la dir.], The Quality of Life, Oxford, Clarendon Press, 1993).
{9} Définition contenue dans l'avis adopté par le Conseil économique, social et environne‐
mental (Cese) les 10 et 11 février 1987, sur la base du rapport « Grande pauvreté et précari‐
té économique et sociale » présenté par J. Wresinski, fondateur du Mouvement ATD Quart
Monde.
{10} La lutte contre la pauvreté ne doit donc pas viser seulement les revenus, mais aussi
l'éducation, la santé, les discriminations, etc.
{11} Le revenu médian partage la population en deux moitiés : l'une touche moins et l'autre
touche plus que ce revenu.
{12} « Budgets de référence ONPES », Crédoc et Ires, 2014. Voir aussi « Les budgets de ré‐
férence : une méthode d'évaluation des besoins pour une participation effective à la vie so‐
ciale », rapport ONPES 2014-2015.
{13} Drees, « Les effets des transferts sociaux et fiscaux sur la réduction de la pauvreté mo‐
nétaire », 2018.
{14} J.-L. Pan Ké Shon, Pourquoi l'indicateur de pauvreté en conditions de vie baisse mal‐
gré la crise économique ouverte en 2008 ?, Insee, 2015.
{15} Global Multidimensional Poverty Index 2018. The Most Detailed Picture to Date of
the World's Poorest People, OPHI, University of Oxford, 2018.
{16} Comprendre les dimensions de la pauvreté en croisant les savoirs. « Tout est lié, rien
n'est figé », ATD Quart Monde/Secours Catholique-Caritas France, 2019.
{17} « Poverty in America. Economic Research Shows Adverse Impacts on Health Status
and Other Social Conditions As Well As the Economic Growth Rate », United States Go‐
vernment Accountability Office, 2007.
{18} Présentation du projet Territoires zéro chômeur de longue durée, annexe 3, 7 mai 2014,
actualisée en juin 2017.

168
{19} Cette expérimentation propose un emploi en CDI, à temps choisi et rémunéré au mini‐
mum au Smic, à toute personne privée durablement d'emploi sur le territoire. L'idée est de
s'appuyer sur les compétences détenues par les personnes pour développer des travaux
utiles financés en partie par la réaffectation des coûts directs et indirects du chômage de
longue durée. Voir www.tzcld.fr, ainsi que le film de M.-M. Robin, Nouvelle cordée, 2019.
Voir également D. Goubert, C. Hédon, D. Le Guillou, Zéro chômeur. Dix territoires re‐
lèvent le défi, Ivry-sur-Seine/Montreuil, Les Éditions de l'Atelier/Éditions Quart Monde,
2019.
{20} J. Stott, M. Campbell, « Connecting growth and poverty reduction. More jobs, better
jobs in Leeds City Region », JRF, 2014.
{21} G. Bramley, D. Hirsch, M. Littlewood, D. Watkins, Counting the cost of UK poverty,
JRF, 2016.
{22} A. Barayandema, G. Fréchet, « Les coûts de la pauvreté au Québec selon le modèle de
Nathan Laurie », CEPE, Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, 2011.
{23} M. McLaughlin, M. R. Rank, « Estimating the Economic Cost of Childhood Poverty in
the United States », Social Work Research, Volume 42, Issue 2, 2018.
{24} N. Laurie, « The cost of poverty. An analysis of the economic cost of poverty in Onta‐
rio », Ontario association of Food Banks, 2008.
{25} Cette économie va jusqu'à 20 000 $ dans d'autres États américains. « Comprehensive
Report on Homelessness », State of Utah, Department of Workforce Services, 2015.
{26} J. Wresinski, Culture et grande pauvreté, Paris, Éditions Quart Monde, 2004.
{27} L. Eriksson, J. Mahmud Rice, R. E. Goodin, « Temporal Aspects of Life Satisfaction »,
Social Indicators Research, 2007.
{28} Voir par exemple le chapitre « Surpeuplement des enfants : une cicatrice à vie » du
rapport 2018 de la Fondation Abbé-Pierre ; J.-F. Serres, « Combattre l'isolement social
pour plus de cohésion et de fraternité », Cese, 2017. Voir aussi les travaux de Martin Selig‐
man sur l'impuissance apprise, ce sentiment d'impuissance permanente qui a des effets sur
le comportement et la santé de la personne, effets qui peuvent être contrecarrés par des ex‐
périences positives. Voir enfin l'étude de N. Snyder-Mackler, J. Sanz, J.N. Kohn, J. F.
Brinkworth, S. Morrow, A. O. Shaver, J.-C. Grenier, R. Pique-Regi, Z. P. Johnson, M. E.
Wilson, L. B. Barreiro, J. Tung, « Social status alters immune regulation and response to
infection in macaques », Science, 354, 2016, qui montre qu'il existe un lien fort entre sys‐
tème immunitaire et situation sociale.
{29} E. Duflo, A. V. Banerjee, Repenser la pauvreté, Paris, Le Seuil, 2012, chap. 6.
{30} S. Mullainathan et E. Shafir, Scarcity : Why Having Too Little Means So Much, New
York, Times Books, 2013 ; D. Bourguignon, D. Desmette et alii, « Activation du stéréo‐
type, performance intellectuelle et intentions d'action : Le cas des personnes sans emploi »,
Revue internationale de psychologie sociale, 2007 ; J. Sheehy-Skeffington, J. Rea, How
poverty affects people's decision-making processes, Joseph Rowntree Foundation, 2017.
{31} D. Goubert, D. Le Guillou, C. Hédon, Zéro chômeur. Dix territoires relèvent le défi,
op. cit.
{32} Lieux d'accueil et d'échange pour les familles, inspirés par une expérience québécoise
et initiés en France en 2009 par les Apprentis d'Auteuil. Chacun peut y partager son expé‐

169
rience de parent et y trouver de l'entraide et des soutiens. On dénombre treize Maisons des
Familles en France en 2018.
{33} ASDO Études, « Évaluation de l'impact social des Maisons des Familles-Apprentis
d'Auteuil », 2018.
{34} M. Sepúlveda Carmona, Rapporteur spéciale de l'ONU sur l'extrême pauvreté et les
droits de l'homme entre 2008 et 2014, dans A.-C. Brand et B. Monje Barón (sous la dir.),
La misère est violence, rompre le silence, chercher la paix, op. cit.
{35} Dans Le Déchaînement du monde. Logique nouvelle de la violence (Paris, La Décou‐
verte, 2018), l'historien F. Cusset explique que la logique néolibérale exerce sur les per‐
sonnes une violence à la fois sur elles, entre elles et en elles, mais que autant nous sommes
autant hypersensibles à la violence interpersonnelle, autant nous sommes indifférents à ce
type de violences de masse.
{36} R. Wilkinson et K. Pickett, Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous, Paris, Les Petits
matins, 2013, et Pour vivre heureux, vivons égaux !, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2019.
{37} Honte et pauvreté sont associées dans les pays développés comme dans les pays en dé‐
veloppement : R. Walker, G. B. Kyomuhendo, E. Chase et alii, « Poverty in Global Pers‐
pective : Is Shame a Common Denominator ? », Journal of Social Policy, vol. 42, Issue 02,
2013.
{38} R. J. Sampson, S. W. Raudenbush, F. Earls, « Neighborhoods and Violent Crime :
A Multilevel Study of Collective Efficacy », Science, vol. 277, no 5 328, 1997. C'est aussi
le constat de A.-C. Brand et B. Monje Barón (sous la dir.) La misère est violence, rompre le
silence, chercher la paix, op. cit.
{39} L'entraide est un comportement plus humain que la compétition, au quotidien comme
aux moments de grandes catastrophes. Voir P. Servigne, G. Chapelle, L'entraide, l'autre loi
de la jungle, Paris, Les Liens qui libèrent, 2017 ; R. Solnit, A Paradise Built in Hell. The
Extraordinary Communities That Arise in Disaster, London, Penguin Books, 2010. Lire
aussi P. K. Piff, M. W. Kraus S. Côté, B. Hayden Cheng, D. Keltner, « Having Less, Giving
More : The Influence of Social Class on Prosocial Behavior », Journal of Personality and
Social Psychology, Vol. 99, 2010.
{40} Voir par exemple N. Hair, J. Hanson et alii, « Association of Child Poverty, Brain De‐
velopment, and Academic Achievement », JAMA Pediatr, 2015 ; et K. Noble, S. Houston
et alii, « Family Income, Parental Education and Brain Structure in Children and Adoles‐
cents », Nat Neurosci, mai 2015.
{41} Écouter l'émission « Sur les épaules de Darwin » de J.-C. Ameisen du 13 septembre
2014 consacrée à l'hérédité des caractères acquis. Voir aussi V. Hughes, « The sins of the
father », Nature, no 507, 2014 ; et S. Richardson, C. Daniels, M. Gillman, « Don't blame
the mothers », Nature, no 512, 2014.
{42} Voir l'« Étude sur le développement humain » de l'université d'Harvard aux États-Unis,
aussi appelée « Grant study », qui suit la vie de 724 hommes et de leur famille depuis
1939.
{43} « L'emploi salarié des bénéficiaires de minima sociaux » et « La composition du reve‐
nu des ménages modestes », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019.

170
{44} I. Marx, G. Verbist, « The Policy Response : Boosting Employment and Social Invest‐
ment », in W. Salverda et alii, Changing Inequalities and Societal Impacts in Rich Coun‐
tries, Oxford University Press, 2014.
{45} « Réduire les droits des chômeurs aggraverait le chômage », interview par S. Foulon,
Alternatives économiques, 26 février 2016.
{46} D. Goubert, D. Le Guillou, C. Hédon, Zéro chômeur. Dix territoires relèvent le défi,
op. cit., p. 150. En France, les zones urbaines inférieures à 500 000 habitants ne créent plus
d'emploi en solde net depuis une quinzaine années (Ibid, p. 33).
{47} L'étude de D. Gallie et S. Paugam, Welfare Regimes and the Experience of Unemploy‐
ment in Europe, Oxford University Press, 2000, va dans le même sens, ainsi que celle de la
MRIE « RSA et pauvreté », 2012. Voir aussi F. Dubet, A. Vérétout, « Une “réduction” de
la rationalité de l'acteur. Pourquoi sortir du RMI ? », Revue française de sociologie, no 42-
3, 2001 ; et B. Gomel et D. Méda « Le RSA, innovation ou réforme technocratique ? Pre‐
miers enseignements d'une monographie départementale », Centre d'études de l'emploi,
2011.
{48} Parmi les célibataires sans enfant bénéficiaires du RMI en 1996 et sortis du RMI un an
plus tard. Étude réalisée par D. Guillemot, P. Pétour et H. Zajdela, « Trappe à chômage ou
trappe à pauvreté. Quel est le sort des allocataires du RMI ? », Revue économique, vol. 53,
no 6, 2002.
{49} « Undeclared work in the European Union. Special Eurobarometer 402 », European
Commission, p. 59.
{50} « Le travail non déclaré », Conseil d'orientation pour l'emploi, France Stratégie, 2019.
{51} D. Goubert, D. Le Guillou, C. Hédon, Zéro chômeur. Dix territoires relèvent le défi,
op. cit., p. 121.
{52} Ibid., p. 152 et 155.
{53} Voir A. Fretel, B. Touchelay, M. Zune, « Contrôler les chômeurs : une histoire qui se
répète (forte de ses croyances et à l'abri des réalités) », Revue française de socio-économie,
no 20, 2018/1. Cela met en particulier en difficulté les chômeurs les moins qualifiés, cf.
M. Zune, D. Demazière, É. Ugeux, « Les expériences de l'exclusion du chômage. Re‐
cherche qualitative », UCL, 2017.
{54} Crédoc, Enquête « Conditions de vie et Aspirations », 2014.
{55} Voir par exemple l'« effet de surconfiance » identifié par les chercheurs D. Dunning et
J. Kruger.
{56} https://statistiques.pole-emploi.org/stmt/publication (consulté en août 2019). Les per‐
sonnes inscrites en catégorie B ont une activité inférieure à 78 heures par mois et celles de
la catégorie C une activité supérieure à 78 heures par mois.
{57} Voir M. Debout, Le Traumatisme du chômage. Alerte sur la santé de cinq millions de
personnes, Ivry-sur-Seine, Éditions de l'Atelier, 2014 ; C. Halmos, Est-ce ainsi que les
hommes vivent ?, Paris, Fayard, 2014.
{58} « La formation professionnelle des personnes en recherche d'emploi en 2013 », Dares
Analyses, 2015.
{59} R. Bigot et S. Hoiban, « La mobilité professionnelle bridée par les problèmes de loge‐
ment », Crédoc, 2011.

171
{60} A. Roulet, Améliorer les appariements sur le marché du travail, Paris, Presses de
Sciences Po, 2018.
{61} X. Paraire, « Plus d'un tiers des CDI sont rompus avant un an », Dares Analyses,
23 janvier 2015.
{62} D. Goubert, D. Le Guillou, C. Hédon, Zéro chômeur. Dix territoires relèvent le défi,
op. cit.
{63} Rapport de l'ONPES « Penser l'assistance », 2013.
{64} ATD Quart Monde, Discrimination et Pauvreté : « On n'est pas traité comme tout le
monde », 2013.
{65} Dans son « Avis sur l'impact du chômage sur les personnes et leur entourage »,
mai 2016.
{66} É. Berr, V. Monvoisin, J.-F. Ponsot (sous la dir.), L'Économie post-keynésienne, Paris,
Le Seuil, 2018.
{67} É. Heyer dans l'émission « Emplois non pouvus : quelles réalités ? » sur France-
Culture, le 21 septembre 2018.
{68} Cela passera à 6 mois en 2020. Une semaine travaillée = 5 jours ; un mois travaillé
= 4,4 semaines.
{69} 28 mois pour les personnes de moins de 53 ans, 36 mois pour les personnes de 53 ans
et plus.
{70} L'indemnité chômage est versée sur une durée égale au nombre de semaines tra‐
vaillées. Cette durée est le nombre de jours travaillés × 1,4, soit ici 88 × 1,4 = 123,2 jours,
soit effectivement 4 mois de 30,8 jours en moyenne. Le coefficient de 1,4 sert à tenir
compte des samedis et dimanches.
{71} Pôle emploi calcule d'abord le salaire journalier de référence (SJR) comme suit : SJR =
salaire de référence (la somme des salaires bruts perçus lors des douze derniers mois) ÷
(nombre de jours travaillés × 1,4). Le montant journalier de l'allocation chômage sera le
plus élevé entre 40,4 % du SJR + 12 € ou 57 % du SJR. Ici, pour quatre mois de salaire
perçu avec un Smic à 1 520 € mensuels bruts, le SJR est de 6 080 ÷ (88 × 1,4) = 49,35 €
par jour. Le montant de l'allocation chômage sera le plus élevé entre (40,4 % de 49,35)
+ 12 = 31,94 € et 57 % de 49,35 = 28,12 €, soit 31,94 €. L'allocation mensuelle sera donc
de 31,94 × 30,8 = 984 € bruts, soit environ 920 € nets après prélèvements CSG et CRDS.
{72} Et si elle retrouve un emploi, ses droits seront reportés selon les conditions prévues par
l'Unédic et elle ne percevra plus 920 €.
{73} Cela donne en effet un SJR de 24,67 €. Le montant journalier de l'allocation chômage
est le plus élevé entre 40,4 % × 24,67 + (12 × 0,5) = 15,97 (0,5 est le coefficient de temps
partiel) et 57 % × 24,67 = 14,06 , donc 15,97 , soit 492 € bruts par mois, soit environ 460 €
après prélèvements CSG et CRDS. La durée d'indemnisation est de 12 mois, identique à la
durée travaillée.
{74} On se retrouve en effet avec un SJR identique à celui de l'idée fausse précédente.
{75} Auquel cas leurs droits aux allocations seront reportés proportionnellement, selon les
conditions prévues par l'Unédic.
{76} « Enquête auprès des allocataires qui travaillent », Unédic, 23 octobre 2018.

172
{77} V. Rémi, « Pourquoi les employeurs choisissent-ils d'embaucher en CDD plutôt qu'en
CDI ? », Dares Analyses, no 70, 2017.
{78} Contrats sans garantie de minimum d'heures travaillées, mais qui imposent aux salariés
d'être disponibles à tout moment. Au Royaume-Uni par exemple, la plupart des employés
de McDonald sont en contrat « zéro heure ».
{79} J. Freyssinet, « Royaume-Uni. Les contrats “zéro heure” : un idéal de flexibilité ? »,
Ires, 2016.
{80} D. Goubert, D. Le Guillou, C. Hédon, Zéro chômeur. Dix territoires relèvent le défi,
op. cit.
{81} T. Couppié, A. Dupray, D. Épiphane, V. Mora, 20 ans d'insertion professionnelle des
jeunes : entre permanences et évolutions, Céreq, coll. « Essentiels », 2018, p. 68.
{82} Voir l'enquête « Besoins en main-d'œuvre 2018 » réalisée par Pôle emploi et le Crédoc,
p. 59, et « Offres pourvues et abandons de recrutement », Statistiques, études et évaluations
de Pôle emploi, no 40, 2017.
{83} Statistiques, études et évaluations de Pôle emploi, no 40, op. cit., p. 7.
{84} Alors que cela permettrait certainement de mieux apparier encore offres et demandes
d'emplois. Voir F. Eymard-Duvernay, Épreuves d'évaluation et chômage, Toulouse, Édi‐
tions Octares, 2012.
{85} V. Bizet-Sefani, « Étude de 1 298 offres pole-emploi.fr : une offre sur deux est illé‐
gale » sur www.cgt56.com/spip.php?article1533 (consulté en août 2019) et l'émission de
France Inter « Les étranges annonces de Pôle emploi » du 20 mai 2017.
{86} H. Clouet, « “Il suffit de traverser la rue...” : la ritournelle des emplois non pourvus »,
theconversation.com, 18 septembre 2018.
{87} « Analyse des offres d'emploi pour 10 métiers critiques », Forem, mars 2017.
{88} É. Heyer, « Emplois non pourvus : quelles réalités ? », art. cit.
{89} Lettre Références du Fonds de financement de la CMU, no 72, juillet 2018.
{90} P. Denormandie, M. Cornu-Pauchet, « L'accès aux droits et aux soins des personnes en
situation de handicap et des personnes en situation de précarité », Fonds CMU-C, 2018.
{91} Rapport d'évaluation de la prime d'activité, DGCS, 2017, p. 18-19.
{92} Rapport du Secours catholique, 2017.
{93} Odenore, L'envers de la « fraude sociale ». Le scandale du non recours aux droits, Pa‐
ris, La Découverte, 2012.
{94} Il peut être intéressant de présenter certaines prestations sociales mal connues comme
des « bons plans » plutôt que comme des aides sociales. Voir E. Alberola, L. Brice,
C. Maes, J. Muller, La caractérisation de la population éligible à l'ACS et les motifs de
non-recours, Crédoc, 2017.
{95} Voir le rapport Igas, « Pauvreté, précarité, solidarité en milieu rural » (2009) qui met
en évidence un fort non-recours au RMI à l'époque.
{96} D. Laumet, « Le droit à l'épreuve du lien ? Pour une compréhension de la non-mobili‐
sation du droit au logement opposable par les acteurs des dispositifs de l'urgence sociale
grenobloise », mémoire de master VTS, IEP de Grenoble, 2013.
{97} Voir par exemple P. Denormandie, M. Cornu-Pauchet, « L'accès aux droits et aux soins
des personnes en situation de handicap et des personnes en situation de précarité », art.

173
cit. ; et Résolis, L'accès aux droits sociaux en France, 60 initiatives contre le non-recours,
2018. Pour connaître les prestations sociales auxquelles on peut prétendre, il suffit de faire
une simulation sur www.mes-aides.gouv.fr (consulté en août 2019).
{98} « L'orientation et l'accompagnement des bénéficiaires du RSA », Minima sociaux et
prestations sociales, Drees, 2019.
{99} J.-C. Barbier, « Comparer insertion sociale et workfare ? », in La Contrepartie : les ex‐
périences nationales, RFAS, no 4, 1996.
{100} D. Méda, B. Gomel, « Le RSA, innovation ou réforme technocratique ? Premiers en‐
seignements d'une monographie départementale », art. cit.
{101} S. Paugam, N. Duvoux, La Régulation des pauvres, Paris, PUF, 2008, p. 73-74.
{102} Ce qui correspond à l'Île-de-France en dehors de la grande couronne parisienne ou à
une zone urbaine dense en province.
{103} « Niveau de vie et revenu arbitrable des bénéficiaires de revenus minima garantis »,
Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019. Ce montant est de 114 dans l'étude
MRIE/UDCCAS « Reste pour vivre, reste pour survivre : quel(s) budget(s) pour les mé‐
nages en situation de pauvreté ? », 2017.
{104} P. Madec, « Peut-on faire baisser le prix des logements ? », Alternatives économiques,
2 février 2019. Voir aussi « Les ménages modestes écrasés par le poids des dépenses de lo‐
gement », sur www.inegalites.fr, 2017 (consulté en août 2019).
{105} « Revenu et pouvoir d'achat des ménages en 2018 », www.insee.fr/fr/statis‐
tiques/4131421?sommaire=4131436 (consulté en août 2019).
{106} En plus, selon certains, l'Insee surestimerait le montant du pouvoir d'achat des mé‐
nages, en minorant les hausses de prix au moins de deux manières : l'Insee ne considère pas
l'achat d'un logement comme une dépense, mais comme un investissement et sous-évalue
ainsi sa part dans le budget des ménages ; et l'Insee introduit un « effet qualité » dans l'aug‐
mentation des prix des produits technologiques, en faisant baisser leur prix quand leurs per‐
formances croissent, alors que leur prix ne baisse pas toujours. Avec le « Simulateur d'in‐
dices des prix personnalisé » de l'Insee, on peut calculer l'évolution de son propre indice
des prix.
{107} Chiffres 2012. « Les conditions de logement des bénéficiaires de revenus minima ga‐
rantis », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019.
{108} « Les conditions de vie des bénéficiaires de revenus minima garantis », Minima so‐
ciaux et prestations sociales, Drees, 2019.
{109} « L'état de santé des bénéficiaires du RSA », Minima sociaux et prestations sociales,
Drees, 2019.
{110} Voir F. Dalsace, C.-É. Vincent et alii, « Les pénalités de pauvreté en France : com‐
ment le marché aggrave la situation des plus pauvres », 2012 ; M. Hirsch, Cela revient cher
d'être pauvre, Paris, Stock, 2013. En plus, les prix des biens et services beaucoup consom‐
més par les moins fortunés (alimentation, transports...) augmentent plus vite que pour les
autres couches de la population. Pour le Royaume-Uni, voir les travaux sur le « minimum
income standard » de la Fondation Rowntree.
{111} Le critère « pouvoir recevoir des parents ou amis pour boire un verre ou pour un repas
au moins une fois par mois » est un critère de l'Insee pour mesurer la « pauvreté en condi‐

174
tions de vie » (idée fausse 1).
{112} Journal d'ATD Quart Monde, janvier 2013. Voir aussi d'autres témoignages dans
« L'argent », Revue Quart Monde, no 229, 2014, et « Se nourrir », Revue Quart Monde,
no 230, 2014.
{113} ATD Quart Monde, Promotion familiale sociale et culturelle Lille-Fives, Rapport
2011.
{114} A.-A. Durand, « Précarité, travail contraint, espérance de vie... zoom sur six inégalités
insidieuses », Les décodeurs, www.lemonde.fr, 4 juin 2019 (consulté en août 2019).
{115} J. E. Stiglitz, Le Prix de l'inégalité, Paris, Les Liens qui libèrent, 2012, p. 64.
{116} A. V. Banerjee, E. Duflo, « The Economic Lives of the Poor », Journal of Economic
Perspectives, vol. 21, no 1, 2007, p. 163.
{117} Il s'agit principalement de l'impôt sur le revenu, de la taxe d'habitation et de la CSG.
Voir « Les effets des transferts sociaux et fiscaux sur la réduction de la pauvreté moné‐
taire », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2018.
{118} M. André, A.-L. Biotteau, « À moyen terme, une hausse de la TVA augmente légère‐
ment les inégalités de niveau de vie et la pauvreté », Insee Analyses, no 43, 2019. On re‐
trouve dans les autres pays ce poids de la TVA pour les budgets modestes. En Irlande, par
exemple, le premier décile des ménages consacre 27 % de ses revenus à des impôts indi‐
rects comme la TVA, contre 6 % pour le dernier décile (M. Collins, « Total Direct and Indi‐
rect Tax Contributions of Households in Ireland : Estimates and Policy Simulations », Du‐
blin, Nevin Institute, 2014).
{119} Pour les bénéficiaires du RSA socle, donc sans aucun revenu d'activité, on peut sup‐
poser que la seule taxe payée est la TVA sur la consommation, et donc que le taux moyen
d'imposition est inférieur à 20 % du revenu.
{120} www.revolution-fiscale.fr/le-systeme-actuel/un-systeme-regressif (consulté en
août 2019).
{121} En 2016. Voir « La composition du revenu des ménages les plus pauvres », Minima
sociaux et prestations sociales, Drees, 2019.
{122} « Enquête budget de la famille, structure des dépenses des ménages selon la catégorie
socioprofessionnelle de la personne de référence en 2011 », Insee, 2016. Voir aussi
www.solidaritepaysans.org/parlons-difficultes (consulté en août 2019).
{123} Il est difficile d'évaluer le « coût » d'un enfant. Si l'on suit les travaux de l'ONPES sur
les budgets-types, les aides sociales et fiscales ne compenseraient qu'entre 20 % et 35 % de
ce coût pour les familles du premier décile, en fonction de la configuration familiale (A.
Favrat, C. Marc, M. Pucci, « Les dispositifs sociaux et fiscaux en faveur des familles :
quelle compensation du coût des enfants ? », Insee, 2015). Voir aussi A. Math, « Coût des
enfants et politiques publiques. Quelques enseignements d'une évaluation des dépenses
consacrées par la société aux enfants », La Revue de l'Ires, no 83, 2014/4, p. 87-113.
{124} « Les effets des transferts sociaux et fiscaux sur la réduction de la pauvreté moné‐
taire », Drees, 2018.
{125} L. Masson, « Avez-vous eu des enfants ? Si oui, combien ? », in Insee, France, por‐
trait social, 2013.

175
{126} « Challenging 12 Myths and Stereotypes about Low-Income Families and Social Se‐
curity Spending », Save the Children, 2012.
{127} Avis sur le projet de loi de finances 2019 présenté le 22 novembre 2018 par la séna‐
trice C. Imbert. Voir aussi l'idée fausse 58.
{128} « La lutte contre le travail dissimulé : une action au service des salariés, des entre‐
prises et de la collectivité », Urssaf, note de presse, 2 mai 2019.
{129} « Rapport du syndicat national Solidaires Finances publiques. Quand la baisse des
moyens du contrôle fiscal entraîne une baisse de sa présence... », 2018.
{130} M. Calvo, C. Leroy, « En 2017, le nombre d'allocataires de minima sociaux se stabi‐
lise, après avoir baissé en 2016 », Drees, Études et Résultats, no 1108, 2019.
{131} Entretiens « Fraude et protection sociale » publiés dans la revue Droit social, no 5,
2011. Lire aussi P. K. Piff, D. M. Stancato, S. Côté, R. Mendoza-Denton, D. Keltner, Hi‐
gher Social Class Predicts Increased Unethical Behavior, Proceedings of the National
Academy of Sciences, 2012.
{132} Voir Odenore, L'Envers de la « fraude sociale », op. cit.
{133} Cnamts, « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Proposi‐
tions de l'Assurance maladie pour 2016 ».
{134} « Enquête santé et protection sociale » de l'Irdes ; Rapport 2014 et rapport « La dé‐
pense de CMU complémentaire par bénéficiaire 2013-2014 » du Fonds CMU ; B. Derbez,
Z. Rollin, Sociologie du cancer, Paris, La Découverte, 2016.
{135} Étude « Constances » menée depuis 2013 auprès de 200 000 personnes fréquentant
les centres d'examens de santé (CES) de la Sécurité sociale.
{136} Enquête sur le budget des familles en 2011, Insee.
{137} F. Beck, S. Legleye et alii, « Le rôle du milieu social dans l'usage des substances psy‐
choactives des hommes et des femmes », dans Insee, Femmes et Hommes, Regards sur la
parité, 2008.
{138} « Local Authority Breakdown : Incapacity Benefits and Disability Living Allowance
claimants with main condition of alcohol or drug abuse », DWP Ad-hoc analysis, 2011.
{139} « Adult Psychiatric Morbidity in England 2007 », NHS, 2009.
{140} C. C. Diala, C. Muntaner, C. Walrath, « Gender, occupational, and socioeconomic
correlates of alcohol and drug abuse among U.S. rural, metropolitan, and urban residents »,
American Journal of Drug and Alcohol Abuse, 30(2), 2004. Voir aussi L. Degenhardt,
W.T. Chiu, et alii, « Epidemiological patterns of drug use in the United States : Evidence
from the National Comorbidity Survey Replication, 2001-2003 », National Institutes of
Health, 2007 et, pour le Canada, S. Chevalier, « Consommation de drogues », Santé Qué‐
bec. Et la santé, ça va en 1992-1993 ?, 1995.
{141} « Propositions pour une Politique nationale Nutrition Santé à la hauteur des enjeux de
santé publique en France 2017-2021 », HSCP, 2017.
{142} Voir aussi l'idée fausse 43, ainsi que M. Ramel, H. Boissonnat Pelsy, C. Sibué de Cai‐
gny, M.-F. Zimmer, Se nourrir lorsqu'on est pauvre, Montreuil, Éditions Quart Monde,
2016 ; et T. Meyer, J.-F. Verlhiac, N. Rigal, P. Sarrazin, C. O. C. Werle, « Inégalités so‐
ciales de santé en lien avec l'alimentation et l'activité physique. Expertise collective », In‐
serm, 2014.

176
{143} M. Ramel, H. Boissonnat Pelsy, C. Sibué de Caigny, M.-F. Zimmer, Se nourrir lors‐
qu'on est pauvre, op. cit., p. 138.
{144} www.allodocteurs.fr/actualite-sante-enfants-en-danger-la-maltraitance-touche-tous-
les-milieux-9510.asp?1=1 (consulté en août 2019).
{145} www.inegalites.fr/spip.php?article1528 (consulté en août 2019).
{146} C. Zaouche-Gaudron, Les conditions de vie défavorisées influent-elles sur le dévelop‐
pement des jeunes enfants ?, Ramonville-Saint-Agne, Érès, 2005.
{147} M. Gouyon, « L'aide aux devoirs apportée par les parents », Insee Première, no 996,
2004.
{148} U.S. Department of Education, « Parent and Family Involvement in Education : 2002-
03 », 2005.
{149} M. Duée, « Chômage parental de longue durée et échec scolaire des enfants », Don‐
nées sociales, Insee, 2006. Voir aussi J. Farache, « L'impact du chômage sur les personnes
et leur entourage : mieux prévenir et accompagner », Cese, 2016.
{150} S. Dehaene, Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines, Paris, Odile Ja‐
cob, 2018, p. 18. Lire aussi ATD Quart Monde, Ateliers grande pauvreté et orientation sco‐
laire, 2018.
{151} Un élève de l'école élémentaire en France coûte 20 % de moins qu'ailleurs dans
l'OCDE, alors qu'un lycéen français coûte presque 40 % de plus (source rapport de la Cour
des comptes « Le coût du lycée », 2015).
{152} A. Blanchard-Schneider, H. Botton, V. Miletto, P. Caro, « Justice à l'école et terri‐
toires. Éclairage sur certaines des inégalités scolaires d'origine territoriale en France »,
Cnesco, 2018.
{153} Voir par exemple http://centre-alain-savary.ens-lyon.fr/CAS/relations-ecole-fa‐
milles/dispositifs/les-entretiens-enseignante-parent-s-un-dispositif-institutionnalise
(consulté en août 2019).
{154} Voir l'Avis du Cese « Une école de la réussite pour tous » présenté par M.-A. Grard en
mai 2015 ; « Les élèves en difficulté : Pourquoi décrochent-ils et comment les aider à réus‐
sir ? Principaux résultats », Pisa, 2016 ; R. Félix, Tous peuvent réussir !, Lyon/Paris, Chro‐
nique sociale/Éditions Quart Monde, 2013, C. Gueguen, Pour une enfance heureuse. Re‐
penser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Paris, Robert Laf‐
font, 2014, et ATD Quart Monde, Ateliers grande pauvreté et orientation scolaire, op cit.
{155} Voir par exemple J. P Caille, L. A. Vallet, « La scolarité des enfants d'immigrés », in
A. Van Zanten, L'école : l'état des savoirs, Paris, La Découverte, 2000, p. 293-301.
{156} T. Serafini, « Les impayés de loyers, corollaire de la précarité », Libération, 31 jan‐
vier 2013.
{157} « Les comportements de consommation en 2011 », Insee Première, no 1 458, 2013.
{158} Rapport Igas, « Évaluation de la politique de prévention des expulsions locatives »,
2014, p. 16-17.
{159} N. Wagner, N. Maury, M. Chodorge, « Bailleurs et locataires face à l'impayé », Anil,
2014.
{160} Rapport 2018 de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, p. 279.

177
{161} Voir par exemple D. Billings, « Culture and Poverty in Appalachia : A Theoretical
Discussion and Empirical Analysis », Social Forces, 53 (2), 1974 ; ou W. J. Wilson,
« More Than Just Race : Being Black and Poor in the Inner City », New York, W. W. Nor‐
ton & Company, 2009 ; ou encore M. R. Rank, H. S. Yoon, T. A. Hirschl, « American Po‐
verty as a Structural Failing : Evidence and Arguments », The Journal of Sociology & So‐
cial Welfare, 2015.
{162} A. Rosso, D. Gaffney, J. Portes, « What explains the growth in “never-worked” hou‐
seholds ? », Joseph Rowntree Foundation, 2015.
{163} Avis adopté par le Conseil économique, social et environnemental les 10 et 11 février
1987, sur la base du rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » présen‐
té par J. Wresinski, op. cit., p. 56.
{164} G. de Gaulle-Anthonioz, La Traversée de la nuit, Paris, Le Seuil, 1998.
{165} M. Gilzmer, Camps de femmes, Paris, Autrement, 2000. Cité par G. Bigot, Mar‐
chande d'étoiles. Le rêve d'une conteuse d'aujourd'hui, Montreuil, Éditions Quart
Monde/La Grande oreille, 2018. Voir aussi E. Herberstein, A. Georget, Les Carnets de
Minna, Paris, Le Seuil 2008.
{166} Par exemple, B. Cyrulnik, Un merveilleux malheur, Paris, Odile Jacob, 1999 et Les vi‐
lains petits canards, Paris, Odile Jacob, 2001.
{167} Par exemple G. Ramirez, S. L. Beilock, « Writing About Testing Worries Boosts
Exam Performance in the Classroom », Science, 14 janvier 2011, Vol. 331, Issue 6014,
p. 211-213.
{168} Culture et grande pauvreté, op. cit.
{169} Intervention lors du colloque de Cerisy en 2017, dont les actes ont été publiés en
2018 : B. Tardieu et J. Tonglet (sous la dir.), Ce que la misère nous donne à repenser, avec
Joseph Wresinski, Paris, Hermann, 2018.
{170} Groupes de recherche Quart Monde-Université et Quart Monde Partenaire, Le Croise‐
ment des savoirs et des pratiques, Ivry-sur-Seine/Paris, Éditions de l'Atelier/Éditions Quart
Monde, 2008.
{171} J. Wresinski, Culture et grande pauvreté, op. cit.
{172} Voir par exemple G. Bigot, Marchande d'étoiles, op. cit. ; N. Schenker, Une longue,
longue attente, Montreuil, Éditions Quart Monde, 2018.
{173} Voir P. Ariès, Écologie et cultures populaires. Les modes de vie populaires au secours
de la planète. Paris, Éditions Utopia, 2015.
{174} Enquête « Conditions de vie et aspirations des Français » du Crédoc, juin 2012.
{175} « Qui reçoit des aides financières pour partir en vacances ? », sur www.inegalites.fr,
2016 (consulté en août 2019).
{176} V. Guillaudeux, F. Philip, « Étude sur l'accompagnement au départ en vacances fami‐
liales », Dossier d'étude Cnaf, no 162, 2013.
{177} C. Ferrand (sous la dir.), Le Croisement des pouvoirs, Ivry-sur-Seine/Paris, Éditions
de l'Atelier/Éditions Quart Monde, 2008. Voir aussi M. Carrel, Faire participer les habi‐
tants ?, Paris, ENS Éditions, 2013.
{178} Voir aussi le guide de l'Unaforis (Union nationale des acteurs de formation et de re‐
cherche en intervention sociale), « La participation des personnes ressources concernées

178
aux formations à l'intervention sociale », 2018.
{179} Paris, Presses de Sciences Po, 2018. Voir aussi, chez le même éditeur, G. E. Marcus,
Le Citoyen sentimental. Émotions et politique en démocratie, 2008.
{180} E. Taylor, C. Saunders, M. Toomse-Smith, Social and political attitudes of people on
low incomes, JRF, 2017.
{181} Voir http://bit.ly/1l3Ucjn (consulté en août 2019).
{182} C. Braconnier, N. Mayer (sous la dir.), Les Inaudibles. Sociologie politique des pré‐
caires, Paris, Presses de Sciences Po, 2015.
{183} C. Daumas, « Le vote frontiste se propage comme des épidémies de grippe », Libéra‐
tion, 10 décembre 2015.
{184} E. Taylor, C. Saunders, M. Toomse-Smith, Social and political attitudes of people on
low incomes, op. cit.
{185} M. Goodwin, O. Heath, « Low-income voters in UK general elections, 1987-2017 »,
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{186} S. Pye, I. Skinner, N. Meyer-Ohlendorf, A. Leipprand, K. Lucas, R. Salmons, « Ad‐
dressing the social dimensions of environmental policy. A study on the linkages between
environmental and social sustainability in Europe », in European Commission Directorate-
General, Employment, Social Affairs and Equal Opportunities, 2008.
{187} A. Boutaud, N. Gondran, L'empreinte écologique des régions françaises en 2008,
étude pour l'association des régions de France et le Nord-Pas-de-Calais. Le multiplicateur
est même 2,5 pour R. Haalebos, P. Malliet, « Carbon Consumption Survey », OFCE,
Beyond Ratings, 2019.
{188} National Wildlife Federation, « The Psychological Effects of Global Warming on the
United States », 2012.
{189} S. Hallegatte, M. Bangalore, L. Bonzanigo et alii., « Shock Waves. Managing the Im‐
pacts of Climate Change on Poverty », Banque mondiale, 2015.
{190} G. P. Walker, G. Mitchell, J. Fairburn, G. Smith, « Environmental Quality and Social
Deprivation. Phase II : National Analysis of Flood Hazard, IPC Industries and Air Quali‐
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flood risk, waste management and river water quality in Wales », Science Report
SC020061/SR5, Bristol, The Environment Agency, 2007.
{191} « Étude des facteurs de décès des personnes âgées résidant à domicile durant la vague
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nicule et surmortalité à Paris en août 2003. Le poids des facteurs socio-économiques », Es‐
pace populations sociétés, 2006 ; S. Deguen, C. Petit et alii, « Neighbourhood Characteris‐
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Nitrogen Dioxide Concentrations and All-Cause Mortality in Paris », PLoS ONE, 2015 ;
IAU, « Inégalités environnementales et sociales sont étroitement liées en Île-de-France »,
Note rapide, no 749, 2017 ; K. Laaidi, A. Ung, M. Pascal, P. Beaudeau, « Vulnérabilité à la
chaleur : actualisation des connaissances sur les facteurs de risque », Bulletin épidémiolo‐
gique hebdomadaire, 2015.
{192} Rapport « La dépense de CMU complémentaire par bénéficiaire 2013-2014 » du
Fonds CMU.

179
{193} C. A. Keet, M. C. McCormack et alii, « Neighborhood poverty, urban residence,
race/ethnicity, and asthma : Rethinking the inner-city asthma epidemic », Journal of Aller‐
gy and Clinical Immunology, 2015.
{194} Voir aussi É. Laurent, « Écologie et inégalités », Revue de l'OFCE, no 109, avril 2009.
{195} P. Ariès, Écologie et cultures populaires. Les modes de vie populaires au secours de
la planète, op. cit.
{196} Voir M. Drique, C. Lejeune, « Penser la justice sociale dans un monde fini », in « In‐
égalités, un défi écologique ? », dossier de la revue Projet, no 356, 2017.
{197} Selon le sondage « Transatlantic Trends : Immigration 2011 ». Une connaissance pré‐
cise de la part des immigrés dans la population de son pays atténue les préjugés à leur
égard : A. Grigorieff, C. Rothz, D. Ubfal, « Does Information Change Attitudes Towards
Immigrants ? Evidence from Survey Experiments », IZA Discussion Papers, no 10 419,
2016.
{198} « L'essentiel de l'immigration – chiffres clefs – les titres de séjour », ministère de l'In‐
térieur, 12 juin 2019.
{199} O. Damette, V. Fromentin, « Migration and labour markets in OECD countries : a pa‐
nel cointegration approach », Applied Economics, 2013.
{200} H. D'Albis, E. Boubtane, D. Coulibaly, « Immigration et croissance économique en
France entre 1994 et 2008 », 2013 ; et « Immigration Policy and Macroeconomic Perfor‐
mance in France », Annals of Economics and Statistics, no 121/122, 2016 ; E. Moreno-Gal‐
bis, A. Tritah, « Effects of immigration in frictional labor markets : theory and empirical
evidence from EU countries », TEPP Working Paper, 2014 ; voir aussi l'idée fausse 57.
{201} L'existence de salaires minimums limite ces baisses temporaires de salaires : A. Edo,
H. Rapoport, « Minimum Wages and the Labor Market Effects of Immigration », IZA Dis‐
cussion Paper, no 11 778, 2018.
{202} Commission européenne, « A fact finding analysis on the impact on the Member
States' social security systems of the entitlements of non active intra EU migrants to special
non contributory cash benefits and healthcare granted on the basis of residence », 2013.
{203} « Perspectives des migrations internationales 2013 », OCDE, juin 2013.
{204} Il vaut mieux parler de « migrants irréguliers » ou « sans-papiers » plutôt que de « mi‐
grants illégaux » ou « clandestins ». Voir https://picum.org/Documents/WordsMatter/Lea‐
flet_FRENCH.pdf (consulté en août 2019).
{205} Dans « Inventer une politique d'hospitalité en Europe ? », Causes communes, no 63,
2009, cité dans Cimade, « Fiche argumentaire 2. Pour un devoir de protection des deman‐
deurs d'asile », 2012.
{206} G. J. Abel, N. Sander, « Quantifying Global International Migration Flows », Science,
2014.
{207} F. Héran, « Cinq idées reçues sur l'immigration », Population & Sociétés, 2004.
{208} M. Ichou, A. Goujon, « Le niveau d'instruction des immigrés : varié et souvent plus
élevé que dans les pays d'origine », Population & Sociétés, no 541, 2017.
{209} X. Chojnicki, L. Ragot, N.-P. Sokhna, « L'impact sur les finances publiques de 30 ans
d'immigration en France », Lettre du CEPII, no 394, 2018.

180
{210} A. Alesina, J. Harnoss, H. Rapoport, « Birthplace diversity and economic prosperi‐
ty », NBER Working Papers, 2013.
{211} A. Math, « Coût des enfants et politiques publiques. Quelques enseignements d'une
évaluation des dépenses consacrées par la société aux enfants », op. cit.
{212} H. D'Albis, E. Boubtane, D. Coulibaly, « Immigration and Public Finances in OECD
Countries », École d'économie de Paris, Working paper, no 2018-59, 2018 ; et « Macroeco‐
nomic evidence suggests that asylum seekers are not a “burden” for Western European
countries », Science Advances, 2018.
{213} X. Chojnicki, L. Ragot, N.-P. Sokhna, « L'impact sur les finances publiques de 30 ans
d'immigration en France », op. cit.
{214} Rapport sur le projet de loi de finances 2019 présenté le 22 novembre 2018 par le sé‐
nateur A. de Montgolfier.
{215} « Les dépenses de santé en 2017. Édition 2018 », Drees.
{216} A. Cordier, F. Salas, « Analyse de l'évolution des dépenses au titre de l'aide médicale
d'État », IGF, Igas.
{217} Repenser la pauvreté (chapitre « L'amélioration de la santé publique »), op. cit.
{218} « Mission Immigration, asile et intégration. BOP 303. Action no 2 : garantie de l'exer‐
cice du droit d'asile », Fnars, 2016.
{219} I. Bridenne et L. Jaumont, « Les bénéficiaires du Saspa : spécificités, profils et évolu‐
tions », Questions Retraite & Solidarité, 2013.
{220} É. Fassin, C. Fouteau, S. Guichard, A. Windels, Roms et riverains. Une politique mu‐
nicipale de la race, Paris, La Fabrique, 2014.
{221} Alors que l'Éducation nationale doit accueillir tout mineur de moins de 16 ans, on ob‐
serve de nombreux refus d'inscription au motif que les familles ne peuvent fournir un justi‐
ficatif EDF ou une quittance de loyer.
{222} Lire G. Lardanchet, « Protéger les enfants des bidonvilles comme les autres », sur
www.metropolitiques.eu (consulté en août 2019) ; R. Bigot, « Le parcours des mineurs iso‐
lés roumains suivis par Hors la rue et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance de Paris »,
2006 ; O. Peyroux, Délinquants et victimes, Paris, Éditions Non-Lieu, 2013.
{223} Condamnant la France pour avoir expulsé en 2004 des familles du voyage sans avoir
pris en compte les conséquences sur le droit de vivre en famille.
{224} Marchand, C. Thélot, Deux Siècles de travail en France, Paris, Insee, 1991.
{225} Insee, Délocalisations et réductions d'effectifs dans l'industrie française. L'économie
française 2005-2006.
{226} P. Frocrain, P.-N. Giraud, « L'évolution de l'emploi dans les secteurs exposés et non
exposés en France », Insee, Économie et statistique, no 503-504, 2018.
{227} Par exemple, la Norvège, la Suède, la Finlande et le Danemark, où les importations et
les exportations représentent un tiers du produit intérieur brut (PIB), alors qu'elles s'élèvent
à moins d'un quart en France.
{228} J. Gadrey, « La pauvreté dans un pays (très) riche », https://blogs.alternatives-econo‐
miques.fr/gadrey, 9 novembre 2011 (consulté en août 2019) ; et « Si on prenait un peu aux
riches, ça ferait combien pour les pauvres ? », https://blogs.alternatives-economiques.fr/ga‐
drey, 11 janvier 2010 (consulté en août 2019).

181
{229} Sur Sachs et Easterly, voir X. Godinot (sous la dir.), Éradiquer la misère. Démocratie,
mondialisation et droits de l'Homme, Paris, PUF, 2008, p. 353-360.
{230} E. Duflo, A. V. Banerjee, Repenser la pauvreté, op. cit.
{231} « Un monde sans pauvreté est à notre portée », http://bit.ly/1fhaJBj, 2 avril 2013
(consulté en août 2019).
{232} « L'Unicef doit se recentrer sur les plus marginalisés », entretien d'A. Lake avec B.
Perruca, Le Monde, 2010. Voir aussi les rapports de l'Unicef « Réduire les écarts pour at‐
teindre les objectifs » et « Achieving the MDGs with Equity », 2010.
{233} ATD Quart Monde, « Pour un développement durable qui ne laisse personne de côté.
Le défi de l'après-2015 », 2014, p. 90-91.
{234} D. Webber, O. Mann, « Persistent poverty in the UK and EU : 2017. Comparisons of
persistent poverty between UK and other EU countries », ONS, 2019.
{235} « L'ascenseur social en panne ? Comment promouvoir la mobilité sociale », OCDE,
2018.
{236} Baromètre d'opinion Drees 2018.
{237} Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a ainsi réalisé une étude en 2018 mon‐
trant que les cadres, qui ne représentent que 9 % de la population française, occupaient
60 % du temps d'antenne, alors que les employés, retraités et ouvriers sont sous-représen‐
tés.
{238} « Il s'agit avec le “court-termisme” non pas d'un trait psychologique, mais d'un effet
de structure, puisqu'il est inscrit [depuis les années 1980] dans les règles comptables défi‐
nissant la manière dont les entreprises brossent le portrait de leur santé économique à l'in‐
tention du public » (P. Jorion, Le dernier qui s'en va éteint la lumière, op. cit.). De plus, à
travers les stock-options, les dirigeants des grandes entreprises ont chaque jour le nez rivé
sur l'évolution du prix des actions. La financiarisation a aussi transformé le droit et la
sphère publique. Voir P. Cornut St-Pierre, La fabrique juridique des swaps, Paris, Sciences
Po, 2019 ; et L. Scialom, La Fascination de l'ogre, Paris, Fayard, 2019.
{239} « Plus les conditions de vie du travailleur se dégradent, plus il vote pour des poli‐
tiques qui les dégraderont encore », M. Chollet, « L'art de faire rêver les pauvres », Le
Monde diplomatique, avril 2008. Voir aussi P. Savidan, Voulons-nous vraiment l'égalité ?,
Paris, Albin Michel, 2015.
{240} Ces initiatives sont souvent en lien avec l'écologie. Voir par exemple le film et le livre
de M.-M. Robin, Sacrée croissance !, ou le film Demain de C. Dion et M. Laurent, qui
montre que des changements politiques sont possibles, comme en Islande ou au Danemark.
{241} Voir « Citizen Participation and Pro-poor Budgeting », Nations unies, 2005. Voir aussi
http://pbnetwork.org.uk et www.participatorybudgeting.org (consultés en août 2019).
{242} Enquête World Values Survey, citée dans R. Bigot, E. Daudey, S. Hoibian, La société
des loisirs dans l'ombre de la valeur travail, Crédoc, 2013.
{243} OECD, « Work satisfaction », in Society at a Glance, OECD Social Indicators, OECD
Publishing, 2009. 3,2 millions de Français seraient menacés par le burn-out (étude du cabi‐
net Technologia en 2014).
{244} Par exemple P. Arni, R. Lalive, J. C. van Ours, « How Effective Are Unemployment
Benefit Sanctions ? Looking Beyond Unemployment Exit », Discussion Paper, no 4 509,

182
2009 ; T. Chandola, N. Zhang, « Re-employment, job quality, health and allostatic load
biomarkers : prospective evidence from the UK Household Longitudinal Study », Interna‐
tional Journal of Epidemiology, Volume 47, Issue 1, 2018.
{245} Voir aussi le rapport « Benefit Sanctions. Nineteenth Report of Session 2017-19 »
(octobre 2018) de la Chambre des communes sur les excès du contrôle des chômeurs bri‐
tanniques, modèle que certains voudraient importer en France.
{246} Qui s'adresse aux demandeurs d'emploi autonomes et proches du marché du travail.
Dans certains territoires, il peut y avoir 1 000 demandeurs d'emploi en modalité « suivi »
pour un conseiller.
{247} Personnes éloignées de l'emploi et confrontées à des obstacles périphériques : santé,
mobilité, langue, etc. Elles bénéficient en théorie d'un rendez-vous physique mensuel avec
un conseiller Pôle emploi.
{248} Surtout avec un décret du 28 décembre 2018 (en pleine trêve des confiseurs...) de la
loi du 5 septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », sur les sanc‐
tions qui visent les chercheurs d'emploi, en particulier quand ils refusent pour la seconde
fois ce qu'on appelle une « offre raisonnable » d'emploi – dont la définition a été au pas‐
sage complètement revue pour favoriser l'emploi précaire.
{249} Voir par exemple l'article « Les Français sont très demandeurs d'une réforme de l'as‐
surance-chômage » par Alain Ruello, dans Les Échos du 6 juin 2019, qui manipule les ré‐
sultats d'un sondage Elabe réalisé quelques jours plus tôt pour Les Échos, Radio Classique
et l'Institut Montaigne. Sur cette manipulation, lire l'article « Le chômage, la faute aux allo‐
cations ? », par J.-M. Dumay, le 4 juillet 2019 sur www.la-bas.org (consulté en août 2019).
{250} E. Duflo, A. V. Banerjee, Repenser la pauvreté, op. cit., chapitre 9.
{251} D. Israël, « Il n'y a pas de raison économique d'intensifier le contrôle des chômeurs »,
Mediapart, 12 juin 2019.
{252} F. Bouvard, L. Rambert et alii, « Réformes Hartz : quels effets sur le marché du tra‐
vail allemand ? », Trésor-Éco, no 110, 2013.
{253} D. Méda, B. Gomel, « Le RSA, innovation ou réforme technocratique ? Premiers en‐
seignements d'une monographie départementale », art. cit.
{254} C. B. Frey et M. A. Osborne, « The future of employment : how susceptible are jobs
to computerisation ? », 17 septembre 2013 ; « Industry 4.0. The new industrial revolution :
How Europe will succeed », Roland Berger Strategy Consultants, mars 2014.
{255} M. Arntz, T. Gregory, U. Zierahn, « The Risk of Automation for Jobs in OECD Coun‐
tries », 2016 ; Conseil d'orientation pour l'emploi, Automatisation, numérisation et emploi,
tomes I, II et III, 2017.
{256} Voir D. H. Autor, « Why Are There Still So Many Jobs ? The History and Future of
Workplace », Journal of Economic Perspectives, vol. 29, no 3, 2015.
{257} C. Peugny, « L'évolution de la structure sociale dans quinze pays européens (1993-
2013) : quelle polarisation de l'emploi ? », Sociologie, no 4, vol. 9, 2018.
{258} Voir G. Raveaud, « Taux de chômage “naturel” : l'empreinte de Friedman », Alterna‐
tives économiques, 5 novembre 2018.
{259} A. B. Atkinson, Inégalités, Paris, Le Seuil, 2016.
{260} Baromètre d'opinion 2018 de la Drees.

183
{261} Pour une démonstration concernant le cas américain, voir A. Dube, « Minimum
Wages and the Distribution of Family Incomes », National Bureau of Economic Research
Working Paper, no 25 240, 2018.
{262} T. Tsao, K. J. Konty, G. Van Wye, O. Barbot, J. L. Hadler, N. Linos, M. T. Bassett,
« Estimating Potential Reductions in Premature Mortality in New York City From Raising
the Minimum Wage to $15 », AJPH, Vol. 106, no 6, 2016.
{263} D. Card, A. B. Krueger, « Minimum Wages and Employment : A Case Study of the
Fast-Food Industry in New Jersey and Pennsylvania », The American Economic Review,
1994, vol. 84, no 4, p. 772-793 ; J. Schmitt, « Why Does the Minimum Wage Have No Dis‐
cernible Effect on Employment ? », Washington, CEPR, 2013 ; S. Black, J. Furman,
L. Giuliano, W. Powell, « Minimum wage increases by US states fuelled earnings growth
in low-wage jobs », www.voxeu.org, 2 décembre 2016 (consulté en août 2019) ; G. Ahl‐
feldt, D. Roth, T. Seidel, « The regional effects of Germany's national minimum wage »,
Centre for Economic Policy Research, 2018 ; M. Hafner, J. Taylor, P. Pankowska, M. Ste‐
panek, S. Nataraj, C. van Stolk, « The impact of the National Minimum Wage on employ‐
ment : A meta-analysis », Cambridge, Rand Europe, 2017. L'étude « Working poor in
America » d'Oxfam en 2014 recense plusieurs études qui détaillent les effets positifs qu'au‐
rait une hausse du salaire minimum sur l'économie américaine.
{264} Une minorité de salariés reste durablement au Smic (« La conjoncture du marché du
travail au 4e trimestre 2018. Focus : les salariés rémunérés au salaire minimum », Les RDV
de Grenelle, ministère du Travail, 2019). On peut en déduire que les entreprises trouvent fi‐
nalement les moyens de mieux rémunérer leurs salariés.
{265} 153 milliards de dollars par an pour les contribuables américains, selon K. Jacobs,
I. Perry, J. MacGillvary, « The High Public Cost of Low Wages », UC Berkeley Labor cen‐
ter, 2015, dont 7 milliards pour les salariés des fast-foods, selon S. Allegretto, M. Doussard
et alii, « Fast Food, Poverty Wages. The Public cost of low-wage Jobs in the fast-food in‐
dustry », UC Berkeley Labor center, 2015.
{266} É. Heyer, M. Plane, « Quelles conséquences économiques d'un coup de pouce au
Smic ? », OFCE, Les notes, no 22, 2012.
{267} D. Goubert, D. Le Guillou, C. Hédon, Zéro chômeur. Dix territoires relèvent le défi,
op. cit., p. 58.
{268} « Les coûts horaires de la main-d'œuvre compris en 2018 entre 5,40 et 43,50 selon les
États membres », Eurostat, 2019.
{269} On peut réfléchir à un financement de la protection sociale en France qui reposerait
un peu moins sur les salaires. Mais l'impact sur l'emploi est limité (idées fausses 77 et 78).
{270} Cité par M. Bellan dans « Comment le Medef entend créer un million d'emplois »,
www.lesechos.fr, 2014, https://bit.ly/2NsSs9r (consulté en août 2019).
{271} A. Garsaa, N. Levratto, « Exportations et exonérations, les deux vont-elles de pair ?
Analyse empirique sur données individuelles d'entreprises françaises », Economix, 2018.
Exemple typique : le coût du travail dans l'industrie automobile allemande est 20 % supé‐
rieur au nôtre et cela ne nuit pas aux exportations. Voir aussi C. Emlinger, S. Jean, V. Vi‐
card, « L'étonnante atonie des exportations françaises : retour sur la compétitivité et ses dé‐
terminants » Cepii Policy Brief, no 24, 2019.

184
{272} « Plus de 90 % des emplois subventionnés [par allègements des cotisations sociales]
ne disparaîtraient pas si les subventions dont ils bénéficient étaient supprimées » (B. Co‐
quet, Un avenir pour l'emploi. Sortir de l'économie administrée, Paris, Odile Jacob, 2017,
p. 48). Autrement dit, les réductions de cotisations ne sont efficaces qu'à hauteur de 10 %
environ pour le maintien ou la création d'emplois.
{273} Comme les variations des prix de l'énergie, du taux de change de l'euro, etc.
{274} Y. L'Horty, P. Martin, T. Mayer, « Baisses de charges : stop ou encore ? », Les notes
du conseil d'analyse économique, no 49, janvier 2019.
{275} M. Husson, « Maigre bilan pour les baisses des cotisations », Alternatives écono‐
miques, 6 février 2019.
{276} A. Garsaa, N. Levratto, « Exportations et exonérations, les deux vont-elles de pair ?
Analyse empirique sur données individuelles d'entreprises françaises », art. cit.
{277} C. Carbonner, B. Palier, M. Zemmour, « Exonérations ou investissement social ? Une
évaluation du coût d'opportunité de la stratégie française pour l'emploi », LIEPP Working
Paper, no 34, 2014.
{278} M. Pucci, B. Tinel, « Réductions d'impôts et dette publique : un lien à ne pas occul‐
ter », art. cit.
{279} « Rapport d'information sur l'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les socié‐
tés », présenté par J.-Y. Cousin et P. Forgues, Assemblée nationale, 1er février 2012.
{280} Y. L'Horty, P. Martin, T. Mayer, « Baisses de charges : stop ou encore ? », Les notes
du conseil d'analyse économique, no 49, 2019.
{281} L. Peillon, « Pourquoi aucune contrepartie des entreprises n'a été exigée en échange
du CICE ? », www.liberation.fr, 27 février 2019 (consulté en août 2019).
{282} www.oecd.org/fr/emploi/emp/lesindicateursdelocdesurlaprotectiondelemploi.htm
(consulté en août 2019).
{283} « 6 208 Emplois intérieurs total par branche en nombre de personnes », www.in‐
see.fr/fr/statistiques/fichier/2832668/t_6208.xls (consulté en août 2019).
{284} Selon les statistiques de l'Insee.
{285} Y. Algan, P. Cahuc, A. Zylberberg, « Créer des emplois publics crée-t-il des em‐
plois ? », Revue d'économie politique, vol. 122, 2012/6.
{286} « Depuis 1950, le privé n'a créé que 37 % des emplois », 16 mai 2018, http://husso‐
net.free.fr/empubpriv.pdf (consulté en août 2019).
{287} R. Wilkinson et K. Pickett, Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous, op. cit., et Pour
vivre heureux, vivons égaux !, op. cit. La croissance, à partir d'un certain seuil, provoque la
croissance des inégalités et la dégradation de l'environnement. Notons que le Produit inté‐
rieur brut, qui sert à mesurer la croissance, comptabilise le commerce de drogues et la pros‐
titution, et des activités qui polluent la planète. Il croît donc avec ces activités.
{288} M. Zyblock, Z. Lin, « Existe-t-il des liens entre la performance économique, les paie‐
ments de transfert, l'inégalité et le faible revenu ? », Statistique Canada, 1997. Voir aussi R.
Blank, It Takes a Nation. A New Agenda for Fighting Poverty, New York, Princeton Uni‐
versity Press, 1997.
{289} P. Jorion, Le dernier qui s'en va éteint la lumière, op. cit., p. 74.

185
{290} C. Lakner, D. G. Mahler, M. Nègre, E. B. Prydz, « How much does reducing inequali‐
ty matter for global poverty », Banque mondiale, Policy Research Working Paper,
no 8 869, 2019.
{291} S. Bernard, M. Rey, « Les contrats aidés : quels objectifs, quel bilan ? », Dares Ana‐
lyses, no 21, 2017.
{292} Par ailleurs, « les pouvoirs publics se déchargent progressivement sur les associations
d'un nombre toujours plus important de missions d'utilité sociale, sans que les finance‐
ments soient proportionnels à ces transferts de charges. Au contraire, le montant des sub‐
ventions ne fait que baisser. Afin de réduire les coûts engendrés par cette quasi-délégation
de service public, les gouvernements successifs ont encouragé l'essor des contrats aidés
dans le secteur associatif. Ces derniers permettent également de compenser en partie la di‐
minution des subventions » (A. Dufaut, J.-B. Magner, « Réduction des contrats aidés : of‐
frir une alternative crédible au secteur associatif », Note de synthèse, Sénat, 2018).
{293} Étude « L'impact économique du Service civique » réalisée par GoodWill-manage‐
ment pour Unis-Cité en 2019.
{294} « Les dépenses en faveur de l'emploi et du marché du travail en 2015 », Dares, no‐
vembre 2017.
{295} D. Goubert, D. Le Guillou, C. Hédon, Zéro chômeur. Dix territoires relèvent le défi,
op. cit., p. 111. Voir aussi le chapitre 3.
{296} Voir par exemple www.theshiftproject.org/fr (consulté en août 2019). Selon Initiative
Rénovons, « Coûts et bénéfices d'un plan de rénovation des passoires énergétiques à l'hori‐
zon 2025. Étude économique », 2017, les coûts et bénéfices d'un tel plan s'équilibrent sur
une période de 26 ans et les effets positifs se poursuivent ensuite, n'entraînant que des
gains. Le Centre de politiques alternatives canadien publie un budget fédéral alternatif qui
montre qu'il est possible d'agir contre les changements climatiques tout en agissant pour
l'emploi et contre la pauvreté (www.policyalternatives.ca, consulté en août 2019). Sur des
politiques nationales capables de garantir un emploi à tous, voir par exemple R. Wray
et al., « Guaranteed jobs through a public service employment program », Levy Economic
Institute of Bard College Policy, note 2018/2, 2018 ; ainsi que J. H. G. Pierson, Full Em‐
ployment, 1941, J. P. Wernette, Financing Full Employment, 1945, H. P. Minsky, Stabili‐
zing an Unstable Economy, New York, McGraw-Hill, 1986, A. B. Atkinson, Inégalités, op.
cit. ; ou encore B. Cook, W. Mitchell, V. Quirk, M. Watts, « Creating effective local labour
markets : a new framework for regional employment policy », Centre of Full Employment
and Equity, University of Newcastle, 2008.
{297} C. De Miras, S. De Waroquier De Puel Parlan, C. Dixte, T. Do, C. Minni, S. Rebiere,
M. Rey, « Emploi, chômage, population active en 2018 : ralentissement de l'emploi du fait
de l'intérim et moindre baisse du chômage », art. cit.
{298} Voir par exemple http://emplois-climat.fr (consulté en août 2019).
{299} D. D. Fleming, S. J. Goetz, « Does Local Firm Ownership Matter ? », Rural Develop‐
ment Paper, no 48, 2010 ; E. L. Glaeser, W. R. Kerr, « The Secret to Job Growth : Think
Small », Harvard Business Review, 2010.
{300} Voir par exemple G. Moscarini, F. Postel-Vinay, « The Contribution of Large and
Small Employers to Job Creation in Times of High and Low Unemployment », American

186
Economic Review, 2012 ; R. Souchier, Made in local. Emploi, croissance, durabilité : et si
la solution était locale ?, Paris, Eyrolles, 2013. Dans le film Tous comptes faits d'A. Denis
(Real Productions, 2008), le député J.-P. Charié explique que la grande distribution « em‐
ploie trois fois moins de personnes minimum que le petit commerce ».
{301} Une partie des bénéficiaires du RSA socle ne sont pas disponibles pour un emploi,
pour raisons de santé, familiales, etc.
{302} www.data.gouv.fr/fr/datasets/demandeurs-demploi-beneficiaires-du-rsa (consulté en
août 2019).
{303} L'Observatoire des inégalités cite le chiffre de 600 000 hommes qui se seraient retirés
du marché du travail entre les années 1980 et 2017 (« Mal-emploi : huit millions de per‐
sonnes fragilisées », sur www.inegalites.fr, le 14 juin 2019). L'Insee montre que le taux
d'activité des actifs a baissé de 0,2 % entre 2018 et 2019, c'est-à-dire que des actifs se re‐
tirent du « marché du travail » officiel, par découragement (Insee Informations rapides,
no 2019-208, 14 août 2019). Le taux d'activité des 15-29 ans est passé de 56 % en 2008 à
53,3 % en 2015 (C. Minni, B. Galtier, « Emploi et chômage des 15-29 ans en 2015. Un
jeune sur dix au chômage », Dares Résultats, no 16, 2017). La population active des 25-
49 ans a reculé de 96 000 personnes par an entre 2013 et 2018 (C. De Miras, S. De Waro‐
quier De Puel Parlan, C. Dixte, T. Do, C. Minni, S. Rebiere, M. Rey, « Emploi, chômage,
population active en 2018 : ralentissement de l'emploi du fait de l'intérim et moindre baisse
du chômage », op. cit.). Paradoxalement, une hausse des inscriptions à Pôle emploi peut
être un bon signe si, par une confiance accrue dans la conjoncture économique, des per‐
sonnes s'inscrivent pour être aidées dans leur recherche.
{304} Les chiffres de Pôle emploi ne disent rien sur les conditions de travail précaires d'un
nombre croissant de salariés. (Voir par exemple Dominique Lhuilier : « Le monde du tra‐
vail fabrique des “rebuts” et s'en moque », entretien avec C. André, Alternatives écono‐
miques, 24 septembre 2019).
{305} « Les dossiers fantômes des agents de Pôle emploi », émission « Secrets d'info » sur
France-Inter, par Jacques Monin, 15 juin 2019.
{306} « Demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi au deuxième trimestre 2019 », Dares
indicateurs, no 34, 2019.
{307} G. Parent, S. Rebière, « Les personnes en situation contrainte sur le marché du travail
dans l'Union européenne : un diagnostic complémentaire qui révèle l'ampleur de la main-
d'œuvre sous-utilisée », Insee Référence, 2019.
{308} Voir l'article G. Duval, « Alternatives économiques lance son contre-indicateur du
chômage », Alternatives économiques, 4 septembre 2017.
{309} « Situation financière de l'Assurance chômage. Prévision pour les années 2019 à 2022
avant réforme », Unédic, 12 juillet 2019.
{310} « Demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi au deuxième trimestre 2019 », Dares
indicateurs, no 34, 2019.
{311} A. Gubian, S. Jugnot, F. Lerais, V. Passeron, « Les effets de la RTT sur l'emploi : des
simulations ex ante aux évaluations ex post », Économie et statistique, no 376-377, 2004.
{312} C. Létroublon, S. Zilloniz, « Comparaisons européennes des durées du travail : illus‐
tration pour huit pays », Dares, Document d'études no 220, 2018.

187
{313} Indicateur des heures travaillées de l'OCDE, 2019.
{314} https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-datasets/-/tesem160 (consulté en
août 2019).
{315} En parité de pouvoir d'achat, c'est-à-dire en tenant compte du coût de la vie dans les
différents pays.
{316} É. Heyer, X. Timbeau, « Perspectives économique 2019-2021 », OFCE, Policy brief,
avril 2019.
{317} Ibid.
{318} « Les effectifs des allocataires de minima sociaux », Minima sociaux et prestations
sociales, Drees, 2019.
{319} « La sortie des minima sociaux », Ibid.
{320} M. Calvo, C. Leroy, « En 2017, le nombre d'allocataires de minima sociaux se stabi‐
lise, après avoir baissé en 2016 », art. cit.
{321} A. Grice, « Voters “brainwashed by Tory welfare myths”, shows new poll », The Inde‐
pendent, 2013, http://ind.pn/1cJirvj (consulté en août 2019).
{322} « Suffisance des prestations du Revenu minimum garanti », www.oecd.org/fr/els/pres‐
tations-et-salaires-statistiques.htm (consulté en août 2019).
{323} Témoignage recueilli par ATD Quart Monde, mars 2019.
{324} H. Immervoll, « Minimum-income Benefits in OECD Countries : Policy Design, Ef‐
fectiveness and Challenges », IZA Discussion Paper no 4627, 2009, cité dans J.-C. Barbier,
« L'assistance sociale en Europe : traits européens d'une réforme et persistance de la diver‐
sité des systèmes (1988-2017) », Revue française des affaires sociales, no 3, 2017.
{325} www.alternatives-economiques.fr/taux-de-remplacement-010320168758.html, cité
dans la vidéo « Chômage, mirages, naufrages » de Datagueule, juin 2019.
{326} D. Gallie, S. Paugam, Welfare Regimes and the Experience of Unemployment in Eu‐
rope, op. cit.
{327} B. Coquet, « Dégressivité des allocations chômage : une réforme ni nécessaire, ni ef‐
ficace », OFCE Policy Brief, 2016.
{328} J. Kolsrud, C. Landais, J. P. Nilsson, J. Spinnewijn, « The optimal timing of unem‐
ployment benefits : theory and evidence from Sweden », American Economic Review,
2017.
{329} L'Assurance chômage. Une politique malmenée, Paris, L'Harmattan, 2013 ; voir aussi
B. Coquet, « Les allocations chômage devraient-elles être dégressives ? », OFCE Sciences
Po Working Paper, 2017.
{330} « Les montants des minima sociaux », Minima sociaux et prestations sociales, Drees,
2019.
{331} « L'opinion des Français sur la pauvreté et l'exclusion », Ibid.
{332} Dans Insee Analyses, no 6, 2012. Lire aussi O. Bargain et A. Vicard, « Le RMI et son
successeur le RSA découragent-ils certains jeunes de travailler ? Une analyse sur les jeunes
autour de 25 ans », Économie et Statistique, no 467-468, 2014.
{333} « À la fin du premier trimestre 2019, la dette publique s'établit à 2 358,9 Md », Insee,
Informations rapides, juin 2019.

188
{334} Cela ne signifie pas que le secteur public capte en France 56,5 % des richesses pro‐
duites, ni qu'il ne reste à la dépense privée que 43 % du PIB. Voir C. Ramaux, « Calculée
comme la dépense publique, la dépense privée dépasserait 200 % du PIB », Rue89, 2014.
Rapporter notre dépense publique au PIB, c'est comparer des données qui ne sont pas com‐
parables.
{335} J. Creel, M. Plane, H. Sterdyniak, « Faut-il réduire la dette publique ? Faut-il réduire
les dépenses publiques ? », OFCE, 2012.
{336} O. Blanchard, D. Leigh, « Growth Forecast Errors and Fiscal Multipliers », IMF Wor‐
king papers, 2013.
{337} É. Heyer, X. Timbeau, « Perspectives économique 2019-2021 », Policy Brief, 53,
avril 2019 ; P. Madec, M. Plane, R. Sampognaro, « Budget 2019 : du pouvoir d'achat mais
du déficit », Policy Brief, 46, janvier 2019.
{338} Voir par exemple M. Weisbrot, L. Merling, A. Main, D. Rosnick, « L'économie fran‐
çaise, les autorités européennes et le FMI : “réformes structurelles” ou création d'em‐
plois ? », CEPR, 2017.
{339} P. Frémeaux, « Le bloc-notes », Alternatives économiques, no 392, juillet-août 2019.
{340} T. Piketty, Le Capital au XXIe siècle, Paris, Seuil, 2013, p. 200. La dette de l'État fi‐
nance d'ailleurs presque intégralement de l'investissement. Voir C. Chavagneux, « Dette
publique : pas de panique ! », Alternatives économiques, no384, 2018.
{341} J. Rigaudiat, La dette, arme de dissuasion sociale massive, Vulaines-sur-Seine, Édi‐
tions du Croquant, 2018, p. 40-41.
{342} Les hauts revenus profitent plus que les bas du soutien public à l'éducation (études su‐
périeures), à la culture (musées, théâtres...), etc.
{343} B. Théret, D. Uri, « La pression fiscale : une limite à l'intervention publique ? », Cri‐
tique de l'économie politique, no 21, 1982.
{344} « Happy Taxpayers ? Income Taxation and Well-Being », Institute for the Study of
Labor, 2012. Voir aussi W. T. Harbaugh, U. Mayr et D. R. Burghart, « Neuronal Responses
to Taxation and Voluntary Giving Reveal Motives for Charitable Donations », Science,
no 5 831, 2007.
{345} En 1979, le gouvernement Thatcher a réduit le taux supérieur d'imposition des reve‐
nus du travail de 83 % à 60 %. En 1988, il est passé à 40 %. Aux États-Unis, ce taux est
passé de 70 % en 1980 à 35 % ensuite, puis à 28 % en 1986. En France, le taux supérieur
est passé de 65 % en 1985 à 45 % aujourd'hui. Voir aussi M. Pucci, B. Tinel, « Réductions
d'impôts et dette publique : un lien à ne pas occulter », art. cit. Rappelons que le taux supé‐
rieur ne s'applique qu'à la tranche supérieure du revenu, pas à la totalité de celui-ci. Le taux
moyen est donc plus faible.
{346} L. Chancel, Insoutenables inégalités, Paris, Les Petits Matins, 2017, p. 68-69.
{347} Annexe au projet de loi de finances 2016. Dépenses fiscales.
{348} Estimations déjà anciennes du Rapport à l'Assemblée nationale présenté par Gilles
Carrez le 30 juin 2010.
{349} Le Fonds monétaire international préconise d'ailleurs d'augmenter l'imposition dans la
plupart des pays ; voir : « Fiscal Monitor. Taxing Times », World Economic and Financial
Surveys, International Monetary Fund, octobre 2013.

189
{350} T. Piketty, E. Saez, C. Landais, La Révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le
XXIe siècle, Paris, Le Seuil, 2011.
{351} A. B. Atkinson, Inégalités, op. cit.
{352} World Happiness Report 2013, Onu.
{353} R. Bigot, É. Daudey et alii « En France, les classes moyennes inférieures bénéficient
moins de la redistribution que dans d'autres pays », Crédoc, Consommation et modes de
vie, no 264, 2013.
{354} Baromètre d'opinion 2018 de la Drees.
{355} « Les effets des transferts sociaux et fiscaux sur la réduction de la pauvreté moné‐
taire », Drees, 2018.
{356} R. Haskins, I. Sawhill, Creating an Opportunity Society, Brookings Institution Press,
2009. Voir aussi l'idée fausse 68.
{357} E. Dabla-Norris, K. Kochhar, N. Suphaphiphat, F. Ricka, E. Tsounta, « Causes and
Consequences of Income Inequality : A Global Perspective », IMF Staff Discussion Note,
SDN/15/13, 2015.
{358} Et la Russie post-soviétique, en n'imposant pas assez les plus hauts revenus, a créé
une société oligarchique. Voir F. Novokmet, T. Piketty, G. Zucman, « From Soviets to oli‐
garchs : inequality and property in Russia 1905-2016 », NBER Working Paper No. 23712,
2017.
{359} A. Berg, J. D. Ostry, C. G. Tsangarides, « Redistribution, Inequality, and Growth »,
IMF Staff Discussion Note, 2014 ; et E. Dabla-Norris, K. Kochhar, N. Suphaphiphat, F. Ri‐
cka, E. Tsounta, « Causes and Consequences of Income Inequality : A Global Perspec‐
tive », op. cit. Voir aussi Standard & poor's, « How Increasing Income Inequality Is Dam‐
pening U.S. Economic Growth, And Possible Ways To Change The Tide », 2014 ; et
OCDE, « Focus - Inégalités et croissance », 2014.
{360} J. Stiglitz, La Grande fracture, op. cit., p. 437.
{361} M. Kumhof, R. Rancière, P. Winant, « Inequality, Leverage and Crises : The Case of
Endogenous Default », IMF Working Paper, WP/13/249, nov. 2013.
{362} Voir par exemple L. Bebchuk et J. Fried, Pay Without Performance. The Unfulfilled
Promise of Executive Compensation, Harvard University Press, 2004. D'autant plus qu'au-
delà d'un certain seuil le bien-être cesse de croître avec le revenu : D. Kahneman, A. Dea‐
ton, « High income improves evaluation of life but not emotional well-being », Princeton
University, 2010.
{363} R. Wilkinson, K. Pickett, Pourquoi l'égalité est meilleure pour tous, op. cit. Un effet
des fortes inégalités : depuis 15 ans, la mortalité des Américains blancs est à la hausse quel
que soit leur niveau de revenus (A. Case, A. Deaton, « Rising morbidity and mortality in
midlife among white non-Hispanic Americans in the 21st century », Princeton University,
2015).
{364} Baromètre d'opinion 2018 de la Drees. Voir aussi M. Forsé, M. Parodi, « Comment
les Français perçoivent-ils l'égalité des chances ? », Revue de l'OFCE 146, 2016, qui
conclut que l'égalité des résultats est un objectif plus fort que l'égalité des chances.
{365} D. Robichaud et P. Turmel, La juste part, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2016. Avec ce
petit livre, vous apprendrez pourquoi Bill Gates (Microsoft), Steve Jobs (Apple) et d'autres

190
ont eu de la chance en naissant au milieu des années 1950 et pourquoi les plus grands spor‐
tifs sont souvent nés à un moment identique dans l'année.
{366} B. Milanovic, Worlds Apart : Measuring International and Global Inequality, Prince‐
ton University Press, 2005 et The have and the Have-Nots, New York, Basic Books, 2012.
{367} Voir par exemple M. Duru-Bellat, Le mérite contre la justice, Paris, Presses de
Sciences Po, 2019.
{368} J. Lowe, Warren Buffet speaks : Wit and Wisdom from the World's Greatest Investor,
New York, J. Wiley, 1997, p. 164.
{369} J. Taricat, « Les inégalités de patrimoine sont la vraie fracture sociale », Le Monde,
30 octobre 2015.
{370} Baromètre d'opinion 2018 de la Drees. Pour corriger ces inégalités, A. B. Atkinson (et
d'autres) propose qu'un capital soit versé à chaque jeune à sa majorité, le tout financé par
l'impôt sur les successions.
{371} Paris, Sciences Po, 2019.
{372} Paris, Fayard, 2019, p. 37-39. Le livre explique aussi comment l'hyper-financiarisa‐
tion nuit à l'économie réelle.
{373} Voir aussi A. Reshef et P. Mishra, « La régulation de la finance dépend du parcours
des gouverneurs de Banques centrales », Alternatives économiques, 1er avril 2019 ; et A.
Vauchez, Sphère publique, intérêts privés. Enquête sur un grand brouillage, Paris, Sciences
Po, 2017.
{374} Voir B. Tardieu, Quand un peuple parle, Paris, La Découverte, 2015, p. 153-156. La
pensée de Darwin a été détournée pour prôner la libre compétition entre les individus. Les
principes darwiniens de la sélection naturelle par les plus forts s'appliquent à la nature et
aux animaux. Darwin attribue en revanche à l'homme des qualités propres, en plus de la
force et de l'intelligence : des instincts sociaux qui le conduisent à ne pas abandonner les
plus faibles et à créer des règles pour les protéger.
{375} Théorie qui montre qu'en l'absence de coordination deux personnes ont plus intérêt à
coopérer qu'à non-coopérer.
{376} Voir par exemple A. Williams Woolley, C. F. Chabris, A. Pentland, N. Hashmi, T. W.
Malone, « Evidence for a Collective Intelligence Factor in the Performance of Human
Groups », www.sciencemag.org, 29 octobre 2010.
{377} Le livre La Juste part montre qu'une compétition non encadrée peut récompenser des
vainqueurs pour de mauvaises raisons – par exemple parce qu'ils sont mieux informés ou
plus tricheurs que les autres.
{378} P. Servigne, G. Chapelle, L'entraide, l'autre loi de la jungle, op. cit. Voir aussi P. Kro‐
potkine. L'Entraide, un facteur de l'évolution, Bruxelles, Aden, 2009.
{379} Et tous les enseignements que nous apporte la « psychologie positive ».
{380} ONPES, PUCA, OFCE, « Marché à procédure adaptée sur la mesure du coût écono‐
mique et social du mal-logement », 2015.
{381} Sans compter que cela a des impacts plus larges, en particulier sur la santé. Voir au
Royaume-Uni, K. Cooper, K. Stewart, « Does Money Affect Children's Outcomes ? A Sys‐
tematic Review », JRF, 2013. Voir aussi A. Cody, The Educator And The Oligarch. A Tea‐
cher Challenges The Gates Foundation, New York, Garn Press, 2014 ; ainsi que P. Sahl‐

191
berg, Finnish Lessons : What Can the World Learn from Educationnal Change in Finland ?
New York, Columbia University, Teachers College Press, 2011. Voir aussi http://schott‐
foundation.org, http://nepc.colorado.edu (consulté en août 2019), etc.
{382} Ou même plus de 21 % en 2018, selon le Bureau of Labor Statistics cité par J. Gadrey
dans « Benjamin Griveaux recalé (lui aussi) au Bac ES : “toutes les autres grandes démo‐
craties occidentales ont réglé le problème du chômage de masse” », https://blogs.alterna‐
tives-economiques.fr/gadrey, 10 janvier 2019 (consulté en août 2019).
{383} Voir L. F. Katz, A. B. Krueger, « The Rise and Nature of Alternative Work Arrange‐
ments in the United States, 1995-2015 », 2016. Voir aussi l'idée fausse 86 pour les critiques
que l'on peut faire à la fiabilité des taux de chômage.
{384} OCDE, Economic Surveys United States, overview, 2018.
{385} « Contracts that do not guarantee a minimum number of hours : April 2018 », Office
for National Statistics, 23 avril 2018.
{386} Voir « Le modèle allemand est une tragédie grecque. Entretien avec Guillaume Du‐
val » sur www.lvsl.fr (consulté en août 2019).
{387} Voir par exemple L. Astruc, L'Art de la fausse générosité. La fondation Bill et Melin‐
da Gates, Arles, Actes Sud, 2019.
{388} Voir A. Cody, The Educator And The Oligarch, op. cit., ou B. Martin, L'adieu à l'hu‐
manitaire ? Les ONG au défi de l'offensive néolibérale, Lausanne, FPH, 2015.
{389} « Les attentes de redistribution n'ont jamais été aussi fortes », sur www.alternatives-
economiques.fr, 4 décembre 2018 (consulté en août 2019).
{390} Baromètre d'opinion 2018 de la Drees.
{391} Baromètre d'opinion 2018 de la Drees.
{392} La gestion de l'eau a été privatisée au Royaume-Uni en 1989. Elle dessert plus les in‐
térêts de ses propriétaires changeants – à qui elle a reversé, entre 2007 et 2016, 95 % des
profits plutôt que d'en réinvestir une partie – que ceux des consommateurs (cf. par exemple
www.gov.uk/government/speeches/a-water-industry-that-works-for-everyone, consulté en
août 2019).
{393} Par exemple, les performances du système ferroviaire dépendent de la part d'investis‐
sements publics qu'il reçoit : S. Duranton, A. Audier, J. Hazan, M. P. Langhorn, V. Gauche,
« The 2017 European Railway Performance Index », BCG, 2017.
{394} L'État joue un rôle premier dans l'innovation scientifique – voir B. Amable, I. Ledez‐
ma, Libéralisation et innovation : faut-il (vraiment) les associer ?, Rue d'Ulm Eds, coll.
Cepremap no 37, Paris, 2015 ; M. Mazzucato, The Entrepreneurial State : Debunking Pu‐
blic vs. Private Sector Myths, Anthem Press, 2013. T. Harford, L'économie mondiale en 50
inventions, Paris, PUF, 2018, montre que les inventions sont toujours issues d'investisse‐
ments publics et privés.
{395} Le Prix de l'inégalité, p. 314.
{396} Voir J. Holahan, S. McMorrow, Medicare, Medicaid and the deficit debate. Washing‐
ton (DC), Urban Institute, 2012. La croissance du coût total de l'assurance privée et de Me‐
dicaid (6 % et 8,5 % par an sur cette période) est due à l'augmentation du nombre de béné‐
ficiaires, surtout depuis 2008. Mais c'est bien le coût par bénéficiaire qu'il faut comparer.

192
{397} D. Mangan, « Medical Bills are the Biggest Cause of US bankruptcy : study »,
CNBC, 2013.
{398} Center for Research on Education Outcomes, Stanford University.
{399} Voir « Charter schools leave special-needs kids behind », Associated Press,
https://bit.ly/2NMCR4R (consulté en août 2019).
{400} « Les élèves en difficulté : Pourquoi décrochent-ils et comment les aider à réussir ?
Note pays - France ».
{401} D. Fougère, O. Monso, A. Rain, M. Tô, « Qui choisit l'école privée, et pour quels ré‐
sultats scolaires ? », Éducation & Formations, no 95, 2017.
{402} V. Drezet, Une société sans impôts ?, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2014.
{403} Drees, « Les dépenses de santé en 2017. Édition 2018 ».
{404} http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr (consulté en août 2019). Et aussi K. Davis,
K. Stremikis et alii, « Mirror, Mirror on the wall. How the Performance of the U.S. Health
Care System Compares Internationally », The Commonwealth Fund, 2014 ; et, pour l'Aus‐
tralie, « Poverty in Australia 2018 », ACOSS et UNSW Sydney, 2018.
{405} Fonds CMU, « Les refus de soins : le testing 2009 ».
{406} « La couverture santé des bénéficiaires de revenus minima garantis », Minima sociaux
et prestations sociales, Drees, 2019. Voir aussi M. Moisy, « État de santé et renoncement
aux soins des bénéficiaires du RSA », Drees, Études et Résultats, no 882, 2014 ; P. Warin,
« Le baromètre du renoncement aux soins dans le Gard », Odénore, 2014.
{407} N. Blanpain, « L'espérance de vie par niveau de vie : chez les hommes, 13 ans d'écart
entre les plus aisés et les plus modestes », Insee Première, no1 687, 2018. Le chercheur
M. Grossetête montre quant à lui que le nombre de morts sur les routes est en partie lié à la
situation de précarisation d'une partie de la population (voir « Des accidents de la route pas
si accidentels », www.monde-diplomatique.fr, 2016 [consulté en août 2019]). « Près de 15
000 cas de cancers pourraient être évités en France chaque année par l'amélioration des
conditions de vie et la promotion de la santé des populations les plus défavorisées », notent
aussi J. Bryere, O. Dejardin, L. Launay, M. Colonna, P. Grosclaude, G. Launoy (« Environ‐
nement socioéconomique et incidence des cancers en France », Bulletin épidémiologique
hebdomadaire, no4, 2017). Sur le lien chômage-santé, voir P. Meneton, S. Hercberg, J. Mé‐
nard et alii, « Unemployment is associated with high cardiovascular event rate and increa‐
sed all-cause mortality in middle-aged socially privileged individuals », Int. Arch. Occup.
Environ. Health, 2015 ; M. Laanani, W. Ghosn et alii, « Association entre taux de chômage
et suicide, par sexe et classe d'âge, en France métropolitaine, 2000-2010 », Bulletin épidé‐
miologique hebdomadaire, 2015. Enfin, les inégalités continuent après la mort : voir H.
Boissonnat, É. Pelsy, J.-M. Stébé, P. Bascou, J.-M. Billotte, C. Sibue de Caigny, « Mourir
lorsqu'on est pauvre : où s'arrête la dignité ? », Dossiers et documents de la Revue Quart
Monde, no 28, 2018.
{408} Rapport 2014 de l'Observatoire national de la fin de vie.
{409} Selon le rapport 2011 du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Voir aussi
les travaux de l'Observatoire citoyen des restes à charge en santé.
{410} www.acces-sante-pour-tous.fr (consulté en août 2019).

193
{411} Dans son rapport « Le fonds de financement de la protection complémentaire de la
couverture universelle du risque maladie » de 2015.
{412} A. Archimbaud, « L'accès aux soins des plus démunis. 40 propositions pour un choc
de solidarité », 2013.
{413} Y. Vaugrenard, « Comment enrayer le cycle de la pauvreté ? Osons la fraternité ! »,
2014.
{414} Odenore, L'Envers de la « fraude sociale », op. cit. Voir l'idée fausse 19.
{415} Voir aussi « Enquête sur l'accès aux droits Volume 2 — Relations des usagères et usa‐
gers avec les services publics : le risque du non-recours », Défenseur des droits, 2017.
{416} J.-P. Jean, Étude de 16 pays comparables, CEPEJ, Conseil de l'Europe, rapport 2010.
{417} Rapport du Défenseur des Droits « Enfants confiés, enfants placés : défendre leurs
droits », 2011. Voir aussi les dossiers « Les émotions dans le prétoire » (2014/11) et « Des
juges sous influence » (2015/4) des Cahiers de la justice, Paris, École nationale de la ma‐
gistrature. Des coformations s'appuyant sur la pédagogie du croisement des savoirs et des
pratiques © d'ATD Quart Monde permettent une évolution des représentations et des pra‐
tiques. Voir ATD Quart Monde-ENM, « Coformation Grande pauvreté, droits et pratiques
professionnelles », 2014.
{418} Voir l'idée fausse 2 et aussi « Investing in Justice : A Roadmap to Cost-Effective Fun‐
ding of Civil Legal Aid in Massachusetts », Boston Bar Association Statewide Task Force
to Expand Civil Legal Aid in Massachusetts, 2014.
{419} Dans certains pays, des programmes publics et privés de grandes envergures ont sépa‐
ré des enfants de familles démunies et les États ont présenté récemment des excuses pu‐
bliques : en 2014 en France, pour le déplacement d'enfants réunionnais vers la métropole
dans les années 1960-1970 ; en 2013 en Suisse, pour des placements et des stérilisations
forcés des années 1920 aux années 1970 ; en 2013 en Irlande, pour les placements de filles-
mères dans les « blanchisseries Madeleine » pendant deux siècles. Aux USA, des « trains
d'orphelins » – qui n'étaient pas tous orphelins – ont déplacé vers l'ouest des dizaines de
milliers d'enfants entre 1854 et 1929.
{420} MRIE, « Conditions de vie des familles dont les enfants sont en situation de place‐
ment : Quels éléments dans les dossiers des services de protection de l'enfance ? », 2016.
{421} P. Naves, B. Cathala et J.-M. Deparis, « Accueils provisoires et placements d'enfants
et d'adolescents : des décisions qui mettent à l'épreuve le système français de protection de
l'enfance et de la famille », 2000.
{422} Voir J.-M. Firdion et I. Parizot, « Le placement durant l'enfance et le risque d'exposi‐
tion aux violences à l'âge adulte » dans Violences et santé en France. État des lieux, Paris,
La Documentation française, 2010, et J.-M. Firdion, « Influence des événements de jeu‐
nesse et héritage social au sein de la population des utilisateurs des services d'aide aux
sans-domicile », Insee, 2006.
{423} Par exemple arrêts « Olsson contre Suède », « McMichael contre Royaume-Uni »,
« Wallova et Walla contre République tchèque », « Eriksson contre Suède », « Kützner
contre Allemagne », « Hasse contre Allemagne », « A. D. et O. D. contre Royaume-Uni »,
« Moser contre Autriche ». Voir aussi M.-C. Renoux, Réussir la protection de l'enfance,
Ivry-sur-Seine, Éditions de l'Atelier/Éditions Quart Monde, 2008.

194
{424} Rapport de la Cour des comptes « La protection de l'enfance », octobre 2009.
{425} La Direction de l'évaluation de la prospective et de la performance, dans sa note de fé‐
vrier 2015 intitulée « À l'école et au collège, les enfants en situation de handicap consti‐
tuent une population fortement différenciée scolairement et socialement. » Voir aussi Ate‐
liers grande pauvreté et orientation scolaire, ATD Quart Monde, op cit.
{426} Adaptation scolaire et scolarisation des élèves Handicapés : ensemble des moyens mis
en œuvre par l'Éducation nationale pour l'intégration des élèves souffrant d'un handicap.
{427} Voir aussi « Comment l'école amplifie-t-elle les inégalités sociales et migratoires ? »,
rapport du Conseil national d'évaluation du système scolaire, 2016.
{428} CSE-Cnesco, « Conférence de comparaisons internationales. La mixité sociale à
l'école », 2015.
{429} « La mixité sociale est un avantage pour tous les élèves sans exception », Libération,
18 octobre 2015.
{430} Lire Ateliers grande pauvreté et orientation scolaire, op. cit.
{431} « Les élèves en difficulté : Pourquoi décrochent-ils et comment les aider à réussir ?
Principaux résultats », Pisa, 2016.
{432} « L'accueil du jeune enfant en 2014 », Observatoire national de la petite enfance,
Cnaf, 2015.
{433} Remis en mai 2015 par Jean-Paul Delahaye à la ministre de l'Éducation nationale.
{434} Mémento de l'habitat privé, Agence nationale de l'habitat, 2014.
{435} Dans son rapport « Le logement social face au défi de l'accès des publics modestes et
défavorisés », février 2017.
{436} Rapport 2019 de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement.
{437} Idem, p. 31.
{438} A. Trannoy et É. Wasmer, « Comment modérer les prix de l'immobilier ? », Note du
CAE, no 2, février 2013.
{439} Les maires disposent d'un outil très adapté mais trop peu utilisé, l'« emplacement ré‐
servé », qui permet de geler tout projet de construction privée sur des parcelles que la com‐
mune souhaite réserver au logement social, à des espaces verts, à des voies publiques, etc.
{440} L'étude ONPES, PUCA, OFCE, « Marché à procédure adaptée sur la mesure du coût
économique et social du mal-logement », op. cit., propose une méthodologie pour chiffrer
le coût du mal-logement.
{441} N. Pleace, « The Finnish Homelessness Strategy, An International Review », Rapport
du ministère de l'Environnement, 2015.
{442} Rapport 2018 de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, p. 279. Voir aussi
P. Auquier, « Un chez-soi d'abord. Rapport intermédiaire de la Recherche. Volet quantita‐
tif », 2016 ; « Le logement d'abord, et après. Bilan et propositions pour la généralisation du
logement d'abord en France », ANSA, 2017.
{443} C. C. Jaeger, L. Paroussos et alii, « A New Growth Path for Europe. Generating Pros‐
perity and Jobs in the Low-Carbon Economy », Potsdam, European Climate Forum e. V.,
2011.
{444} Voir par exemple le rapport « L'évaluation macroéconomique des visions énergétiques
2030-2050 de l'Ademe » ; P. Quirion, « L'effet net sur l'emploi de la transition énergétique

195
en France : une analyse input-output du scénario négaWatt », Cired, 2013 ; Plateforme em‐
plois-climat, « Un million d'emplois pour le climat », 2016. Malheureusement, depuis son
adoption en avril 2018, le plan national de rénovation énergétique des bâtiments n'a pas
vraiment décollé.
{445} É. Laurent, Nos mythologies économiques, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2016.
{446} Et elle sert en grande partie à financer le Crédit impôt compétitivité emploi au lieu de
la transition énergétique ! Voir G. Landa, P. Mailliet, A. Saussay, « Contribution climat-
énergie : quels enjeux pour l'économie française ? », in OFCE, L'Économie française, Pa‐
ris, La Découverte, 2016.
{447} Voir aussi « La fiscalité écologique frappe plus les pauvres que les riches », par V.
Doumayrou, sur www.reporterre.net, 2016 (consulté en août 2019).
{448} Initiative Rénovons, « Coûts et bénéfices d'un plan de rénovation des passoires éner‐
gétiques à l'horizon 2025. Étude économique », op. cit.
{449} Et par la crise climatique. Voir F. de Châtel, « The Role of Drought and Climate
Change in the Syrian Uprising : Untangling the Triggers of the Revolution », Middle Eas‐
tern Studies, 2014.
{450} Ils n'aident à arrêter que 2 % des migrants irréguliers (selon le rapport « High Costs,
Low Returns for CBP Drone Program » du Département de la Sécurité Intérieure de 2016),
pour un coût d'environ 10 000 $ par heure de vol.
{451} Pour 123 625 demandes d'asile enregistrées à l'Ofpra (« L'essentiel de l'immigration.
Chiffres clefs. Les demandes d'asile », ministère de l'Intérieur, 12 juin 2019). Les de‐
mandes ont presque doublé depuis 2014, où elles étaient de 65 000. Les principaux deman‐
deurs d'asile sont Afghans, Albanais, Géorgiens, Guinéens et Ivoiriens.

196
Table des Matières
Page de titre 1
ATD Quart Monde 3
Remerciements 5
Sommaire 8
Préface 15
Avant-propos 18
Introduction 20
PREMIÈRE PARTIE « Les pauvres sont coupables.
23
» Idées fausses sur les pauvres
Sur la pauvreté en général 25
1. « La définition de la pauvreté est subjective. » 25
2. « Les pauvres creusent nos déficits. » 28
3. « Les pauvres ne veulent ni ne peuvent s'intégrer à la
30
société. »
4. « Les pauvres sont tellement cassés par la misère
30
qu'ils ne s'en sortent pas. »
5. « Les pauvres sont violents. » 31
6. « La pauvreté est héréditaire. » 32
Sur l'emploi 34
7. « Les chômeurs ne veulent pas travailler. » 34
8. « Les chômeurs travaillent au noir. » 35
9. « Certains chômeurs ne cherchent pas de travail. » 36
10. « Si l'on veut travailler, on trouve. » 37
11. « Les gens ne vont pas chercher le travail là où il
38
est. »
12. « Les pauvres ne sont pas discriminés à
39
l'embauche. »
13. « C'est parce que les gens ne sont pas formés qu'ils 40

197
ne trouvent pas de travail. »
14. « Certains gagnent plus au chômage qu'en
41
travaillant. »
15. « On peut gagner plus en alternant périodes
travaillées et non travaillées, qu'en travaillant en continu 42
à temps partiel. »
16. « Les gens préfèrent des emplois précaires pour
43
être plus libres. »
17. « Les Neet ne veulent pas travailler. » 44
18. « Il y a 300 000 à 450 000 offres d'emploi non
45
pourvues. »
Sur les minima sociaux 47
19. « Les pauvres font tout pour toucher des aides. » 47
20. « Les non-recours montrent que certains peuvent se
48
passer des aides. »
21. « Les pauvres ont des droits, mais ça va avec des
48
devoirs. »
22. « On peut gagner plus avec le RSA qu'avec le Smic.
50
»
23. « On ne vit pas si mal avec le RSA. » 51
24. « Certains bénéficiaires du RSA possèdent des
53
biens. »
Sur le budget des familles 54
25. « Les pauvres ne savent pas gérer un budget. » 54
26. « Les pauvres ont des grands écrans et des
55
smartphones. »
27. « Les pauvres ne paient pas de taxes et d'impôts. » 55
28. « C'est moins difficile d'être pauvre à la campagne.
56
»
Sur la Sécurité sociale et la santé 58
29. « Les pauvres font des enfants pour toucher des
58
aides. »
30. « Les pauvres sont des fraudeurs. » 59

198
31. « Les bénéficiaires de la CMU-C font des soins de 60
confort. »
32. « Les pauvres consomment beaucoup d'alcool, de
61
tabac et de drogues. »
33. « Les pauvres ne savent pas se nourrir
62
correctement. »
34. « Les pauvres gaspillent l'aide alimentaire. » 63
Sur l'enfance et l'éducation 64
35. « Les enfants pauvres sont maltraités par leurs
64
parents. »
36. « Les pauvres sont incapables d'élever leurs
64
enfants. »
37. « Les parents pauvres se désintéressent de l'école.
65
»
38. « Les enfants pauvres sont moins aptes que les
66
autres à l'école. »
39. « Les enfants d'immigrés sont plus en échec
67
scolaire que les autres. »
Sur le logement 68
40. « Les pauvres ne paient pas leur loyer. » 68
41. « Ceux qu'on expulse sont des profiteurs. » 68
Sur la culture et les loisirs 70
42. « C'est leur culture qui enferme les pauvres dans la
70
pauvreté. »
43. « Se loger et manger est plus important que la
71
culture. »
44. « Les pauvres manquent de culture. » 73
45. « Les pauvres n'ont pas besoin de vacances. » 74
Sur la participation citoyenne et politique 75
46. « Les pauvres ne participent pas à la vie en société.
75
»
47. « Les pauvres se désintéressent de la politique. » 76
48. « Les plus pauvres votent extrême droite. » 77

199
Sur l'environnement et le climat 78
49. « Les pauvres polluent. » 78
50. « Les pauvres ne sont pas spécialement touchés
78
par le changement climatique. »
51. « Les pauvres ne s'intéressent pas à l'écologie. » 79
Sur les immigrés et les réfugiés 81
52. « L'immigration augmente massivement en France.
81
»
53. « Les immigrés font baisser les salaires et prennent
82
des emplois aux Français. »
54. « Les étrangers sont attirés par notre protection
83
sociale. »
55. « Les demandeurs d'asile bénéficient de tous les
83
droits. »
56. « Ce sont les étrangers les plus pauvres qui
84
immigrent en France. »
57. « L'immigration coûte cher à la France. » 84
58. « L'aide médicale d'État coûte cher à la France. » 85
59. « Les réfugiés passent toujours avant les pauvres. » 86
60. « Des étrangers âgés perçoivent le minimum
87
vieillesse en arrivant, sans avoir jamais travaillé. »
Sur les Roms 88
61. « Les Roms ne veulent pas s'intégrer. » 88
62. « Les enfants roms font partie de bandes
89
organisées. »
63. « Il faut évacuer les campements de Roms. » 89
Seconde partie « C'est bien beau, mais on ne peut
pas faire autrement. » Idées fausses sur les 91
solutions
Sur la pauvreté en général 93
64. « Avec la mondialisation, la hausse du chômage est
93
inéluctable. »
65. « Vouloir éradiquer la misère est utopique. » 94

200
66. « Réduire les inégalités, c'est réduire la pauvreté. » 95
67. « Concentrons nos efforts sur ceux qui peuvent s'en
96
sortir. »
68. « La mobilité sociale en France est aussi bonne
96
qu'ailleurs. »
69. « La lutte contre la pauvreté bloquera toujours au
97
niveau politique. »
Sur l'emploi et l'économie 99
70. « On n'a pas besoin d'avoir un travail rémunéré pour
99
exister. »
71. « Il faut contrôler davantage les chômeurs. » 100
72. « Il vaut mieux un petit travail que pas de travail du
101
tout. »
73. « De toute façon, la robotisation détruit l'emploi. » 102
74. « De toute façon, il y a un taux de chômage
103
structurel. »
75. « On ne peut pas augmenter le Smic. » 104
76. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut
106
baisser le coût du travail. »
77. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut
107
baisser les cotisations sociales. »
78. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut
108
baisser les impôts des entreprises. »
79. « Pour réduire le chômage et la pauvreté, il faut
109
faciliter les licenciements. »
80. « C'est le secteur marchand qui crée des emplois. » 110
81. « Pour réduire la pauvreté, il faut de la croissance
111
économique. »
82. « Les contrats aidés ne marchent pas. » 112
83. « L'État n'a plus les moyens de créer de l'emploi. » 113
84. « En France, on crée des emplois ! Où est le
114
problème ? »
85. « S'il existait vraiment des nouveaux emplois à 115

201
créer, le marché l'aurait déjà fait. »
86. « Le taux de chômage est un bon indicateur de la
116
santé d'un pays. »
87. « L'indemnisation du chômage coûte cher à l'État. » 118
88. « L'emploi précaire et le travail indépendant sont
119
bons pour l'économie. »
89. « La RTT est la solution au chômage de longue
119
durée. »
90. « On travaille moins en France que dans les autres
120
pays. »
91. « Le montant du Smic est trop élevé en France. » 121
92. « Augmenter le pouvoir d'achat ne sert qu'à
122
augmenter les importations. »
Sur la protection sociale 124
93. « Notre modèle de solidarité enferme les pauvres
124
dans l'assistanat. »
94. « La France distribue des minima sociaux élevés. » 125
95. « Il faut obliger les bénéficiaires du RSA à faire du
125
bénévolat ou à accepter un emploi. »
96. « Il faut réduire les allocations chômage pour
127
encourager les gens à travailler. »
97. « Pour encourager les gens à travailler, il ne faut
128
pas augmenter le RSA. »
98. « Nous avons la protection sociale la plus coûteuse
129
d'Europe. »
99. « La protection sociale creuse la dette publique. » 130
100. « Pour réduire la pauvreté, il faut réduire la
131
dépense publique. »
101. « On ne doit pas laisser de dette à nos enfants. » 132
102. « Les prélèvements obligatoires sont très élevés à
133
cause des dépenses sociales. »
103. « Les citoyens paient trop d'impôts. » 133
104. « La lutte contre la pauvreté coûte cher aux
134
classes moyennes. »

202
105. « Notre protection sociale est inefficace. » 135
Sur les mythes du marché roi 136
106. « Quand une société s'enrichit, ça profite aussi aux
136
pauvres. »
107. « Les inégalités sont un mal nécessaire au
137
fonctionnement de l'économie. »
108. « On doit sa réussite avant tout à soi-même. » 138
109. « Les lois du marché sont neutres. » 139
110. « La vraie vie, ce n'est pas l'assistance, c'est la
140
réussite des plus aptes. »
111. « Il ne sert à rien de victimiser les pauvres, ils
141
doivent faire des efforts. »
112. « Le chômage est faible aux États-Unis, en
141
Allemagne et au Royaume-Uni. »
113. « La philanthropie privée doit prendre part aux
143
politiques publiques. »
114. « Les Français veulent moins d'État. » 143
115. « Chacun doit être protégé en proportion de ce
144
qu'il a cotisé. »
116. « Il serait plus efficace de privatiser l'éducation, la
145
santé, etc. »
Sur la santé et l'accès aux droits 148
117. « Avec la CMU, tout le monde a accès aux soins. » 148
118. « Il n'est pas si compliqué d'accéder à ses droits. » 149
119. « On ne peut garantir l'accès gratuit à tous les
150
droits. »
120. « La justice est la même pour tous. » 151
Sur l'enfance et l'éducation 153
121. « Il vaut mieux placer les enfants pauvres. » 153
122. « Le rôle de l'école n'est pas de régler les
154
inégalités sociales. »
123. « La mixité sociale nuit à la réussite scolaire. » 155
124. « Les élèves en difficulté doivent aller vers 156

203
l'enseignement professionnel le plus tôt possible. »
125. « Les enfants de chômeurs n'ont pas besoin d'aller
157
à la crèche ni à la cantine. »
Sur le logement 158
126. « Les HLM sont accessibles aux plus pauvres. » 158
127. « Il est difficile de construire plus de logement
159
social. »
128. « On ne mettra jamais fin au sans-abrisme. » 160
Sur l'environnement et le climat 162
129. « Si les pauvres sortent de la pauvreté, c'est
162
mauvais pour la planète. »
130. « La taxe carbone appauvrit encore plus les plus
163
bas revenus. »
Sur les réfugiés 165
131. « En accueillant les réfugiés en France, on
165
provoque un appel d'air. »
Glossaire 166

204

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