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Langue française

A l'école de la clarté : la dissertation française


Lucile Clément

Citer ce document / Cite this document :

Clément Lucile. A l'école de la clarté : la dissertation française. In: Langue française, n°75, 1987. La clarté française. pp. 22-
35;

doi : 10.3406/lfr.1987.4663

http://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1987_num_75_1_4663

Document généré le 13/06/2016


Lucile Clément
Université de Bruxelles

A L'ÉCOLE DE LA CLARTÉ :
LA DISSERTATION FRANÇAISE

Selon certains spécialistes 1 : « La dissertation (...) est d'abord un


exercice de composition sur une matière donnée par lequel on juge de
la réflexion, du bon sens, de l'esprit du candidat bien plus que de ses
connaissances. La clarté de la pensée se juge à la clarté du style; la
logique de la réflexion s'estime à l'enchaînement [des] phrases et [des]
paragraphes (...). Si [la] réflexion est logique, [le] jugement sain et
[l'Jesprit sûr (...), la dissertation est aussi un exercice de réflexion. »
Voici exposé en quelques mots ce qui constitue le problème essentiel
de la dissertation : la clarté de la pensée et la clarté du style
s'associeraient dans l'élaboration d'une réflexion personnelle; le résultat obtenu
permettrait d'apprécier les qualités intellectuelles des étudiants. On
attribue de grandes vertus à ce type d'exercice : la dissertation
apprendrait à bien raisonner et à s'exprimer judicieusement, en faisant
apprécier et la clarté d'une suite logique d'arguments et celle d'un style
fluide et précis.
Tous les manuels de dissertation consultés parlent de « clarté »
lorsqu'ils traitent les problèmes de fond et de forme. Pour le fond, le premier
point à considérer est la compréhension de la citation ou du sujet
proposé : « Interpréter les données; comprendre le sujet. C'est ce qu'il y a

1. Nous reprenons à titre d'exemple les propos développés par Ph. Deschamps dans sa préface à
l'ouvrage de M. Dassonville (1960), p. XII-xill. Tous les manuels consultés s'étendent longuement sur la
question. Il est impossible de les citer tous; les deux exemples qui suivent, 0. Pecqueur (1961), p. 9, et
M.J. Borel (1984), p. 7, montrent à quel point les spécialistes s'accordent sur les objectifs principaux de
la dissertation :
1° « La dissertation réclame avant tout de la justesse dans les pensées, de la méthode dans le
développement, de la liaison et de la proportion entre les parties, de la clarté dans l'expression.
Elle proscrit particulièrement la prolixité, la futilité, l'abus d'une phraséologie creuse et banale,
l'absence de conviction et d'émotion.
2° Le contrôle du discours argumenté exige un effort critique : — la pratique naturelle est
spontanément floue et confuse, par manque d'attention au maniement des concepts - elle est
spontanément amalgamante faute d'analyse - elle est dogmatique, par défaut d'argumentation (...) le
contrôle se développe dans un sens normatif. »

22
de plus difficile », estime D. Huisman 2. R. Duřet 3 et D. Mornet 4 et quelques
autres consacrent même un chapitre entier de leurs ouvrages au problème
de l'interprétation de l'énoncé. Trop de mauvaises dissertations seraient
dues selon eux à une compréhension erronée, partiale ou partielle du
sujet. Les spécialistes expliquent le problème en ces termes :

- Les candidats comprennent mal ou ils ne définissent pas assez


clairement un mot simple dans sa forme mais chargé d'un sens complexe.
— Ils discernent mal que le texte du sujet donné pose plusieurs
problèmes, plus ou moins dépendants les uns des autres, et qu'ils doivent
considérer l'ensemble du texte.
- Alors que la plupart des sujets proposés sont aisément
compréhensibles, pour peu qu'on prenne la peine d'y réfléchir, les erreurs sur la
signification sont extrêmement fréquentes dans les examens, même dans
ceux de l'enseignement supérieur.

Et comment pourrait-on bien comprendre un sujet, si ce n'est en


acquérant au préalable une bonne culture générale? Tous les auteurs de manuels
insistent sur ce point et partagent l'avis de A. Chassang et C. Senninger 5 :

« L'apprenti doit donc d'abord se cultiver : il ne doit pas se contenter


de notions sommaires (...)
Il serait peut-être plus honnête de dire qu'il n'y a pas de dissertation
possible, qu'il n'y a aucun travail possible en français sans une culture
doublée d'une pratique (...); que la sincérité, sans autre précision, est un
mot qui n'a pas de grand sens (...) »

Si bon nombre d'ouvrages considèrent l'interprétation du sujet, tous,


sans exception, accordent une très large place à la clarté du plan 6 :

— « Le souci d'être clair, le souci de ménager l'intérêt, le désir de


convaincre exigent que les idées qui vous assaillent ne s'accumulent pas sur
votre feuille comme elles vous viennent à l'esprit. »
— « Toute dissertation doit être conçue comme allant de l'incertitude à
la conviction, de l'obscur au clair, de l'évident au subtil. »
- « Avant de se mettre à écrire sur un sujet donné, il importe de
réfléchir ; en d'autres termes, il faut se faire un plan. Le plan doit comprendre
et les idées que l'on a trouvées après mûre réflexion et l'ordre le plus
convenable de disposition de ces mêmes idées : car, ce n'est pas tout d'avoir
trouvé les idées à développer dans un sujet donné, elles doivent encore, sous
peine de perdre en valeur et en intérêt, se suivre d'une façon logique et
2. D. Huisman (1954), p. 10, souligne à plusieurs reprises dans son ouvrage (voir aussi p. 15 et ss.,
p. 23 et ss.) à quel point le travail préliminaire de compréhension de la citation est important : «
Commencez par vous assurer d'avoir bien compris le sujet », « Bien comprendre chacun des mots qui constituent
le sujet » ou encore « Le principal défaut d'une dissertation étant l'incompréhension du sujet (défaut
rhêdibitoire et dont la fréquence est extraordinaire, depuis le certificat d'études jusqu'au concours de
l'École nationale d'Administration), le second est le manque de connaissances précises. »
3. Cf. R. Duret (1947), p. 11-24.
4. Cf. D. Mornet (1934), p. 119-124.
5. A. Chassang et Ch. Senninger (1972) exposent le problème dans une longue introduction,
p. 9-35.
6. Les passages cités sont extraits des ouvrages de P. Desalmand et P. Tort (1977), p. 7, B. Gicquel
(1979), p. 88 et Ch. Doutrepont (1951), p. 6.

23
naturelle, et se compléter les unes par les autres. Une fois le plan fait, les
idées trouvées et leur enchaînement bien établi, on écrira avec moins de
difficultés et d'efforts. »

C'est en effet à la rigueur de l'argumentation, à la cohérence et à la mise


en ordre des idées exposées, à l'expression d'un sentiment personnel que
l'on juge l'aptitude qu'un étudiant a ou n'a pas de raisonner sur un
problème. L'ordonnance générale des idées ne se pose même pas, parce
qu'elle est imposée par une nécessité logique, un bon sens évident, pourvu
que le sujet ait été bien compris. Aussi certains 7 estiment-ils que « si
l'étudiant a bien compris le sujet proposé, l'intérêt du ou des problèmes
secondaires entraînés par le ou les sujets principaux, la disposition des
parties de sa dissertation lui deviendra extrêmement facile ». Or, il semble
bien que le plan soit la pierre d'achoppement pour la plupart des
candidats. Les étudiants classent mal leurs idées — pour autant qu'ils en
aient —, les enchaînent en dépit du bon sens, et les professeurs ne savent
plus par quel biais entamer la correction des copies. Si la plupart des
manuels mentionnés sont en fait des collections de corrigés types de
dissertations et de plans élaborés, c'est parce qu'il y a, de toute évidence,
pour l'élève, des problèmes d'élaboration de plan. L. Bellenger et d'autres
spécialistes 8 s'entendent à reconnaître que « l'élève peut traverser tout
l'enseignement secondaire sans vraiment découvrir ce que l'on attend de
lui et sans connaître les principes mêmes du jeu entre lui et le jury ou
le maître » et B. Gicquel consacre d'ailleurs une partie de sa recherche
à expliquer toutes les formes possibles d'un plan de dissertation 9. Ce
problème ne date pas d'aujourd'hui puisqu'il est l'objet même d'anciens
ouvrages consacrés à la dissertation et/ou à la composition, comme ceux
de 0. Pecqueur et de M. Roustan. Il semble bien que nous puissions dire
avec L. Bellenger 10 que « dès l'école, la question du plan est au centre
de l'apprentissage de l'écriture. Le plan, une fois établi, serait cette clef
magique donnant enfin le droit d'écrire ».
Toutefois, si les auteurs de manuels parlent fréquemment de clarté
lorsqu'ils traitent les problèmes de fond, ils en font encore plus souvent
mention en traitant le problème du style n :

« La clarté est une qualité fondamentale du style qui nous fait atteindre
directement et sans peine la pensée à travers les mots et les phrases. Elle
suppose surtout la correction, la propriété des termes sans l'abus des vocables
exotiques ou techniques, enfin la netteté dans l'arrangement des mots. »

7. Nous avons repris à titre d'exemple


d\m l'opinion émise par D. Mornet (1939), p. 78.
_.8. Cf.
... L. Bellenger
o_. (1981),
v. .._-,, r-p. 104. Voir aussi à ce propos A. Chassang et Ch. Senninger (1972), p. 9
et M. Dassonville (1960), p. XI-XIV.
9. B. Gicquel (1979), p. 89 et ss, insiste sur les différentes conceptions des plans de dissertation.
Il explique longuement ce qu'il faut entendre par « plan d'exposition », « plan de comparaison », « plan
de discussion », en soulignant par ailleurs l'intérêt des « transitions ».
10. Cf. L. Bellenger (1981), p. 95.
11. С Lefèvre (1936), p. 182. Il serait inutile de citer ici tous les ouvrages qui parlent de la clarté
du style. Tous y font au moins allusion.

24
La définition de cette notion pose d'évidents problèmes. Aussi, les auteurs
s'étendent-ils rarement sur le sujet, préférant laisser à d'autres le soin
d'élaborer un enseignement méthodique de l'art d'écrire 12. Néanmoins,
certains tentent d'apporter de plus amples informations en expliquant
avec force détails les défauts de l'obscurité 13 :

« L'obscurité, ou manque de clarté, est tantôt volontaire et tantôt


involontaire. Volontaire, elle provient soit du cœur, soit de l'esprit : dans le
premier cas, elle s'appelle duplicité; dans le second cas, elle se nomme
affectation et conduit vite au galimatias, c'est-à-dire au langage entortillé,
confus et prétentieux. L'obscurité involontaire vient, soit de l'ignorance du
vocabulaire et de la syntaxe de la langue, soit de l'irréflexion, soit de la
nature complexe et délicate de l'idée même ou des sentiments vagues et
ondoyants que l'on veut faire connaître. »

La clarté, telle que J. Gob se borne à la définir, serait une transparence


du style 14. H y a clarté si et seulement si le lecteur peut atteindre l'idée
à travers les mots et les phrases, sans effort. Ceci explique que l'on tente
généralement de définir la clarté par des synonymes : pureté, propriété,
précision, naturel, variété et surtout élégance et harmonie, quoique ces
termes ne permettent pas de mieux cerner le problème. Pour les uns 15,
le style doit avoir une qualité nécessaire qui est la clarté mais il est bon
qu'il ait en outre des qualités ďart (élégance, pittoresque, vigueur, etc.,
en un mot originalité). Pour les autres 16, « la meilleure expression de la
pensée est la plus transparente. On s'efforcera donc à cette élégance
difficile qu'est la simplicité. On écrira non pour éblouir, mais pour
éclairer; non pour séduire, mais pour convaincre. On évitera l'éloquence,
l'emphase, l'onction; et l'image, quand on dispose du terme propre».
Les auteurs de manuels font souvent référence aux vers de Boileau :

Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.


Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Chant I, v. 150-154.

12. Certains ouvrages consultés sont consacrés à l'art de bien écrire; ils s'efforcent — parfois au
prix de nombreuses contradictions — de définir la clarté du style. Les auteurs de manuels de dissertation
sont en général plus prudents. S'ils parlent d'une clarté nécessaire dans ce type d'exercice, ils conviennent
de la difficulté qu'il y aurait à définir précisément cette notion. A. Chassang et Ch. Senninger (1972),
p. 22, s'expriment franchement en ces termes : « Le style demanderait un ouvrage spécial plutôt que
quelques conseils en passant et d'autre part il n'y a pas, en réalité, un style de la dissertation, le style
résultant plus que jamais ici, suivant la formule célèbre de Buffon, de " l'ordre et du mouvement qu'on
met dans ses pensées ", de même que D. Mornet (1934), p. 224, « Nous n'avons pas l'intention de donner
en détail un " art d'écrire ". »
13. Cf. С Lefèvre (1936), p. 182-183.
14. Cf. J. Gob (1950), p. 80 : « Le style est clair si le lecteur peut atteindre l'idée à travers les mots
et les phrases, sans effort. La clarté est donc une transparence du style (...) La clarté de La Fontaine et
de Voltaire est vraiment un plaisir pour l'esprit, une beauté du style. Et c'est un lieu commun que de
louer la clarté française. »
15. Cf. D. Mornet (1934), p. 224.
16. Cf. R. Duret (1947), p. 90.

25
Cette démarche n'est pas innocente : ils entendent masquer le manque
de précision qu'ils apportent à la définition du fond par un recours à la
forme, même si l'apport en ce domaine s'avère aussi peu précis. Nous
devons voir là le motif pour lequel, très souvent, les deux problèmes se
définissent partiellement l'un par l'autre : pas de bon fond sans bonne
forme et pas de bonne forme qui ne s'appuie sur un fond de qualité. La
clarté de l'un dépend donc de celle de l'autre, et vice versa. Aussi étonnant
que cela puisse paraître, les manuels consultés ne définissent pas tous la
dissertation, mais ceux qui le font renvoient toujours aux notions de
clarté et de logique. P. Desalmand et P. Tort, d'une part, 0. Pecqueur,
d'autre part, précisent ainsi n que :

— « Une bonne dissertation est l'expression d'une réponse personnelle


à un problème donné, formulée avec rigueur et clarté, et se référant
constamment au réel. »
— « La dissertation est le développement logique d'une pensée, d'une
opinion, d'un mot célèbre, d'une vérité d'expérience ou de raison (...). Tantôt,
elle discute la justesse ou la fausseté des opinions et des pensées, développe
les arguments pour ou contre, et en tire des conséquences rigoureuses;
tantôt elle exprime, avec la logique du cœur plutôt que de l'esprit, les idées,
les sentiments, les impressions que font naître en nous telle maxime, telle
phrase, tel vers connus. »

Les auteurs ont, sans aucun doute, conscience de la difficulté du problème


et de l'ambiguïté des termes choisis. Il faut y voir la raison pour laquelle
ils ne s'aventurent pas trop sur ce terrain glissant.
Par ailleurs, les dictionnaires ne nous aident pas davantage à résoudre
ce problème. Ils considèrent de façon très générale que la dissertation
est un type de composition. Le Littré 18 estime que la dissertation est une
« sorte de composition qu'on donne à faire aux écoliers dans les classes
de philosophie des lycées ou collèges et aux aspirants à la licence dans
les facultés des lettres. Dissertation latine. Prix de dissertation française ».
Le Robert 19, quant à lui, propose la définition suivante : « (1864). Mod.
exercice écrit que doivent rédiger les élèves des grandes classes des lycées
et ceux des facultés de lettres, sur des sujets littéraires, philosophiques,
historiques. » Seul parmi eux, le TLF20 fait allusion au problème de
l'argumentation ordonnée :

« A. — Vieux
1. Discours ou écrit où sont développés, de façon ordonnée, des
arguments sur un sujet, un thème, ou une question scientifique.
B. - Usuel
1. [Dans les classes terminales du second cycle des lycées et dans les
universités] Exercice écrit, que l'on donne aux élèves ou aux étudiants, qui
consiste dans la discussion argumentée d'un sujet donné. »

17. Cf. P. Desalmand et P. Tort (1977), p. 7 et O. Pecqueur (1961), p. 7.


18. Cf. Littré (1968), vol. II.
19. Cf. Robert (1981), vol. III, p. 581a.
20. Cf. TLF (1971), vol. II, p. 305a-b.

26
On ne mentionne donc pas sous la rubrique « dissertation » un quelconque
problème de clarté de fond ou de forme. Mais si l'on considère le mot
« clarté » dans ces mêmes dictionnaires, il est toujours fait allusion à
l'écrit pour au moins une acception du terme. Le Littré 21 définit la clarté
en ces termes :

- « Tout ce qui éclaire l'esprit.


Netteté, en parlant des idées et des expressions. Le génie de notre
langue est la clarté.
Avoir de la clarté dans l'esprit, dans les idées, avoir des idées claires
et nettes. Transparence, limpidité. »

Le Robert 22 semble plus précis :

— «(1268), " renommée, caractère illustre". Abstrait. (1580,


Montaigne). Caractère de ce qui est intelligible, se comprend sans effort excessif.
Netteté, perspicacité, précision.
La clarté d'une phrase, d'un texte, d'un discours. S'exprimer, parler
avec clarté. Clairement. Écrit, récit, discours plein de clarté. Clarté d'un style
pur et élégant. Qualité de ce qui est sans ambiguïté. Avoir de la clarté dans
l'esprit, dans les idées. Clarté d'esprit. »

Le TLF 23, enfin, donne de la clarté cette définition :

« [En parlant de l'esprit, de ses productions, de ses manifestations]


Qualité de ce qui est clair.
a) Domaine de la pensée. Qualité de ce qui est clair, sans ambiguïté,
facile à comprendre. (...)
c) Dans le domaine de Гехрг. didactique, littér., etc. La clarté du
discours, de la phrase, du récit. La clarté de son style (...) Clarté dans
l'expression.

Quoi qu'il en soit, pour tout spécialiste, la clarté du fond et celle de la


forme paraissent indissolublement liées. Selon les uns, l'indigence du
fond entraîne 24 « l'insignifiance de la forme : une prose lâche, traînante,
riche de mots quelconques accumulés à dessein pour noircir du papier »,
selon les autres 25 :

« L'art d'écrire requiert l'art de penser juste. En effet, la mise en forme


d'un contenu intellectuel oblige à la penser bien. L'instrument naturel de
la pensée est donc le langage. Par ailleurs, le rôle de celui-ci est double; il
ne nous permet pas seulement de penser, il nous sert aussi à communiquer
avec d'autres. De la perfection du style va tout naturellement dépendre la
perfection de la pensée. »

21. Cf. Littré (1968), vol. I, p. 959b.


22. Cf. Robert (1981), vol. II, p. 643b.
23. Cf. TLF (1971), vol. V, p. 887a-b.
24. Cf. E. Legrand (1968), p. vu.
25. L'opinion exprimée par .1. Hermand (1967), p. 7, souligne cette liaison étroite du style et de la
pensée, dont nous trouvons mention dans bon nombre d'ouvrages.

27
On peut dès lors remonter dans le temps jusqu'à Buffon et son Discours
sur le style 26 :

« Le Discours sur le style de Buffon contient les meilleures pages que


nous ayons sur ce sujet. Personne n'a mieux expliqué les procédés d'un art
que Ton peut considérer comme une science, et n'a mieux exposé les diverses
opérations de l'esprit par lesquelles on arrive à faire de bonnes phrases.
"■ Le style, dit Buffon, est Vordre et le mouvement qu'on met dans ses
pensées. " h ordre, c'est-à-dire la logique des idées, leur enchaînement, leur
fond; le mouvement, c'est-à-dire la vie, la forme; Vordre, qui est la
concentration, l'allure, l'ensemble; le mouvement, qui est l'imagination, l'agrément,
le relief. »

De toute façon, il est impossible de soigner le fond sans veiller à la forme


et le manque de soin apporté à l'un entraîne irrémédiablement le défaut
de l'autre. Aussi tous les auteurs se demandent-ils, comme A. Baron 27,
comment un « esprit, qui n'a pas la vigueur nécessaire pour " fixer un
seul moment la discussion ", aurait l'énergie de " suivre une idée " dans
toute son " étendue " et toute sa " force ", de la marquer par des
expressions nettes et originales, de conduire sans broncher un raisonnement,
de faire enfin un rude effort pour se débarrasser des souvenirs qui
encombrent sa mémoire, et le dispensent à la fois de réfléchir et pour
le fond et pour la forme » ?
Il n'y a en effet pas d'autre qualité à rechercher dans la dissertation
que la clarté, comme se plaît à le souligner B. Gicquel 28 lorsqu'il explique
que les idées, une fois ordonnées et rassemblées, « doivent encore être
présentées au lecteur sous une forme qui facilite autant que possible leur
intelligence. L'effort de rédaction qui intervient à ce stade ne fait
cependant que mener à son terme naturel le travail d'élaboration précédent ».
Au vu du grand nombre d'ouvrages consacrés à la dissertation, il
paraît évident que cet exercice suscite de nombreux problèmes. A en
croire les auteurs de manuels, cette constatation n'a rien d'original. Si
les maîtres de jadis éprouvaient autant de difficultés que les professeurs
d'aujourd'hui à corriger ce type de copie, étant donné le manque
d'instruction et de références valables, leurs élèves progressaient aussi
péniblement que les nôtres 29. Ce malaise a incité bon nombre de professeurs
à privilégier aujourd'hui le commentaire. Néanmoins, dans les ouvrages
26. Buffon semble représenter la meilleure garantie qui soit pour les auteurs de manuels. Il est
cité à de multiples reprises. Nous avons repris ici quelques lignes d'A. Albalat (1906), p. 43-44.
27. Cf. A. Baron (1879), p. 11.
28. Cf. B. Gicquel (1979), p. 103.
29. Nous aurions peut-être tendance à croire que la dissertation ne pose de graves problèmes que
depuis quelques années. Ce serait là le signe incontestable d'une grave crise de la langue française. Ces
propos pessimistes étaient déjà monnaie courante à la fin du siècle passé. Or, il semble bien que les
maîtres de nos parents et grands-parents aient eu les mêmes soucis que les professeurs d'aujourd'hui,
tout en s'interrogeant sur le bien-fondé de leurs corrections. Voici ce qu'en dit E. Legrand (1968-
19eédit.), p. VII:
« Si sérieuses et si intelligentes qu'on les suppose, elles (les remarques du professeur) risquent
fort de manquer leur but, à moins d'une initiation préalable chez l'élève. Faute de quoi, le
pauvret va jeter un regard ahuri sur les annotations critiques semées à profusion dans les marges
de sa copie : lourd, plat, impropre, etc. Qu'est-ce à dire ? En quoi consiste la lourdeur ? la platitude ?
l'impropriété?... Voilà une phrase reconstruite de toutes pièces! Quelle différence!... Mais enfin
d'où provient l'amélioration ? Comment Га-t-on obtenue ? Toujours mystère. »

28
qui lui sont consacrés, les obscurités subsistent. En effet, si Ton examine
de plus près quelques manuels récents, on retrouve les mêmes
ambiguïtés 30 :

- « Rédiger une composition française, c'est écrire un texte en respectant


deux conventions : traiter le sujet proposé et appliquer certaines règles de
clarté et de correction consacrées par le bon usage. »
— « II apparaissait (...) inutile de répéter une nouvelle fois, à propos de
la dissertation, des conseils fondamentaux de méthode exposés dans les
chapitres consacrés au commentaire et à l'exposé. (...) Г " information ",
présentée avec tous ses tenants et aboutissants doit être devenue tout à fait
claire. (...) les informations " véhiculées " (...) devront être à la fois neuves,
compréhensibles et claires. Elles devront aussi être exactes, objectives. Elles
auront été sélectionnées et interprétées. »

Or, dans les ouvrages considérés, à aucun moment, la notion de clarté


n'est définie. De toute évidence, le problème de « clarté » ne se rencontre
pas uniquement dans l'exercice de dissertation mais il concerne tout type
de travail que l'on peut demander à un élève.
Si l'on considère surtout l'obscurité des dissertations, il faut bien
reconnaître qu'il s'agit là d'un problème auquel sont confrontés tous les
enseignants et tous les enfants dès leur plus jeune âge. Dans un ouvrage
consacré à La pratique de la rédaction, L. Léonard 31 passe en revue tous
les défauts que l'on rencontre dans les copies des jeunes élèves. Qu'y
trouve-t-il? Une série de fautes «contre la clarté». Que recommande-
t-il ? L'ordre « logique ». Et quelles sont, selon lui, les qualités stylistiques
essentielles d'une phrase, par ailleurs grammaticalement correcte? La
clarté, l'expressivité et le rythme.
Les exigences n'ont donc pas changé depuis les anciens manuels et
si, aujourd'hui, l'on donne parfois d'autres noms à ces exercices, le
problème du fond existe toujours. Comme le souligne L. Bellenger, citant
un manuel de la fin du XIXe siècle, les recommandations n'ont pas
évolué 32 :

« Dès 1882, dans un petit traité de Savoir-vivre à l'usage des gens du


monde (Paris, Nouvelle Librairie scientifique et littéraire) on trouve de
nombreux avertissements aux usagers de l'écrit (...) et toujours ces mêmes
recommandations : " quoi que vous écriviez, votre style doit offrir les
qualités suivantes : pureté, clarté, précision, naturel, variété, noblesse,
convenance ". »

La pratique de la dissertation est pénible à apprendre et difficile à


enseigner. Tous les spécialistes s'accordent sur un point précis : plus on
travaille, plus on compose de dissertations, plus on se corrige, plus on a de
30. Les deux exemples cités sont tirés au hasard du manuel de J. Aimeras et D. Furia (1973), p. 72,
et de l'ouvrage Les techniques d'expression française (1974), vol. Il, p. 156-126-185.
31. Le manuel écrit par L. Léonard (1965) s'adresse aux élèves des classes du premier cycle de
l'enseignement secondaire et des collèges d'enseignement général. Il est destiné à préparer
progressivement les élèves à des techniques de fond (plan) et de forme (clarté, aisance, etc.) qui seront appliquées
dans les exercices de composition et de dissertation.
32. Cf. L. Bellenger (1981), p. 51.

29
chances d'améliorer son raisonnement et son style, qui, dès lors,
deviendrait « clair » et « limpide » et faciliterait les relations humaines. Aussi
D. Vernaud et alii insistent-ils en ces termes 33 : « Soulignons enfin qu'on
n'apprend à composer qu'en écrivant des compositions, en se pliant à la
discipline de cet exercice de manière à maîtriser son expression pour
communiquer avec autrui. »
Encore faudrait-il pouvoir apprendre aux étudiants en quoi
précisément consistent cette « clarté » de raisonnement et cette « clarté » de
style. Les professeurs sont amenés à recourir à des pis-aller « rigueur de
la pensée » et « fluidité de la langue ». Et comment pourraient-ils faire
autrement lorsqu'ils n'ont aucune indication méthodologique précise?
B. Gicquel 34 a raison de souligner que les instructions officielles n'ont
pas voulu ni pu donner de règles absolues. « Les instructions ne se
contentent pas de déclarer qu'il n'y a pas de règles générales, elles
affirment qu'il ne saurait y en avoir. Si elles avaient cherché des règles,
elles en auraient certainement trouvé. Mais n'en voulant pas, elles ont
déclaré qu'il ne pouvait pas y en avoir. » Selon ce critique, ce n'était pas
seulement justifier à peu de frais leur absence, c'était élever la carence
méthodologique au rang d'un principe. Ce manque d'indications
méthodologiques peut être constaté aussi bien dans les programmes français
que dans les belges. Ceci n'est évidemment qu'une face du problème; il
en est une autre presque aussi importante : le temps fait défaut. Or,
comme chacun sait, la technique du raisonnement exige un long
apprentissage et beaucoup de patience de la part des enseignants et des enseignés,
ce qui fait dire à certains, dont B. Gicquel 35, que l'on est en droit de se
demander si « l'exercice de dissertation n'est pas un peu lourd par ses
exigences de disponibilité temporelle envers ceux qui le pratiquent et
ceux qui le corrigent. Cette lourdeur interdit d'en faire un nombre
suffisant pendant les mois de travail scolaire. Or, tout entraînement repose
sur une pratique fréquente et, dans le cas de la dissertation, celle-ci est
manifestement impossible. Sans doute obtiendrait-on de meilleurs
résultats dans cet exercice si l'on sériait les difficultés : la recherche des idées,
l'élaboration du plan, la rédaction. Il y a quelque raison de penser que
si les élèves dominaient séparément chacun de ces domaines, ils
n'éprouveraient pas de grandes difficultés à en faire la synthèse ». Il ne faut donc
pas s'étonner que l'exercice ait été si violemment remis en question. Il
semblait un jeu gratuit, superficiel et inutile. Comment pourrait-il en
être autrement? La pédagogie de jadis demandait aux élèves d'imiter les
Anciens, en s'imprégnant de leurs modes de raisonnement, et de
reproduire leur technique d'écriture... tout en faisant preuve d'un style
personnel 36. Si des ouvrages comme ceux de Pecqueur, d'Albalat ou de Baron
insistent bien sur l'importance du développement raisonné d'une pensée,
sur la logique de l'argumentation et sur l'élégance de la composition, à
aucun moment, ils ne donnent d'indications précises pour réaliser l'un
de ces points. Aucune méthode ne permet d'aboutir au résultat tant
convoité : la réalisation d'une bonne dissertation. Ces imprécisions
méthodologiques ont amené plus d'un critique à parler de récupération
politico-culturelle 37. Pour eux, la composition française ne serait pas
seulement un exercice scolaire, mais aussi une pratique idéologique. Son
histoire dépendrait de la mutation des valeurs culturelles. Son impact
aujourd'hui marquerait, au-delà de l'école, le système de l'écriture. Tout
type d'éducation s'inscrit bien évidemment dans un type de société et est
influencé par elle. Les exigences de l'enseignement varieront en fonction
de l'évolution de la société et des mentalités. A cet égard, il suffit de
consulter les programmes d'enseignement de la langue française en France
et en Belgique depuis un siècle. Toujours est-il que les choses semblent
avoir évolué. On aurait pu s'attendre à ce que la dissertation s'écroulât
sous tant de critiques. Il n'en est rien : elle est encore au programme et
bon nombre de professeurs tentent aujourd'hui d'en faire apprécier tous
les mérites par leurs élèves. C'est que, si la dissertation présente toujours
autant de difficultés, elle permet néanmoins de développer la capacité de
raisonnement et l'expression la plus adéquate de ce type de pensée. Nous
faisons ici allusion aux travaux de G. Genette 38 : la dissertation
s'apparente à une méthode d'analyse la plus objective possible. Elle rejette cet
aspect de jeu de rhétorique gratuit, qui était le sien hier, pour étudier
la littérature et non se soumettre à elle. Elle requiert donc une
argumentation progressive et un style précis. Reconnaissons cependant qu'il
s'agit là de principes, plus que de consignes méthodologiques, et de
théorie plus que de pratique... Les manuels contemporains sont d'ailleurs
aussi imprécis que ceux de jadis à propos de cette « clarté ». Le fait que
les correcteurs laissent plus de place à une pensée personnelle serait-il
le seul indice de changement?
Actuellement, quel est l'enseignant qui ne procède pas par à-coups
dans ses corrections? Quel est l'étudiant qui ne tâtonne pas péniblement
pour acquérir cette « méthodologie » de la dissertation? Comment
s'assurer objectivement que « les candidats savent argumenter, faire
progresser leur pensée suivant un ordre méthodique, étayer leurs convictions
d'exemples analysés », programme idéal de la dissertation défini par
A. Chassang et C. Senninger 39? Le problème fondamental n'est toujours
pas résolu et promet de ne pas l'être avant longtemps. En effet, quel
défaut reproche-t-on aujourd'hui aux étudiants, sinon un manque de
clarté dans le raisonnement et dans le style?
Peut-être faudrait-il trouver ailleurs une explication à ce problème
de la clarté en langue française :

(1979), p. 20-24.
39. Cf. A. Chassang et Ch. Senninger (1972), p. 6.

31
« De la définition de la langue, on peut déduire ses principales qualités.
Une langue bien faite a pour caractère essentiel d'être claire. Or, une langue
vraiment claire est celle qui exprime fidèlement, complètement la pensée
totale et concrète, c'est-à-dire non seulement l'idée pure, mais encore
l'énergie et le sentiment qui l'accompagnent.
La clarté suppose donc tout à la fois la précision qui rend nettement
l'élément intellectuel de la pensée, Vénergie pour exprimer la vigueur du
mouvement et de la volonté, le pathétique pour reproduire la chaleur du
sentiment et de la passion. Ces qualités en supposent, elles-mêmes, plusieurs
autres qui en sont la condition, à savoir la richesse du vocabulaire, la
sonorité harmonieuse, une certaine analogie entre la nuance ainsi que
l'allure de la pensée et la nuance ainsi que l'allure tant des mots que de la
phrase. Le génie d'une langue, dans ce qu'il a de définissable, n'est rien
d'autre que l'ensemble des caractères distinctifs de son lexique et de sa
grammaire. »

Cette opinion tranchée de С Lefevre 40 n'est que le résultat d'une tradition


séculaire, comme celle de J. Gob 41 : « Ce qui domine dans notre langue,
c'est la clarté et la logique (...) Dans une vraie phrase française, la
structure générale et l'ordre des termes doivent suivre le mouvement
raisonnable de la pensée. Une phrase française aligne les termes comme
autant de jalons, selon la marche de l'esprit. Les mots sont plus incolores
et plus atones que ceux d'autres langues : ils servent d'autant mieux la
pensée. » II est inutile de citer d'autres manuels, dans la mesure où ils
partagent tous cette opinion : la clarté et la logique, le caractère plus
intellectuel que sensible font du français une langue plus apte à exprimer
la variété et les idées générales. Encore peut-on s'estimer heureux de ne
plus trouver chez les auteurs de manuels contemporains de chauvinisme
exacerbé 42 : « Le clair esprit d'ordre est la qualité par excellence de nos
grands classiques. (...) Même chez nos classiques de second rang, la clarté
ordonnée est la qualité maîtresse. (...) La clarté n'exclut pas la profondeur,
comme voudraient le faire croire les esprits paresseux, lourds et lents,
qui ne peuvent jamais résoudre leurs brouillards en étincelantes gouttes
de pluie. Montaigne, Descartes, Pascal, Malebranche, Maine de Biran,
Proudhon, Ravaisson ne craignent aucun Allemand pour la profondeur.
Mais ils ont cette pure énergie mentale qui éclaire la pensée et ne s'arrête
que devant les problèmes reconnus insolubles. Leur admirable conscience
refuse d'ajouter à la pénombre des choses les équivoques et les brouillards
d'une intelligence hésitante qui jamais ne va jusqu'à l'effort héroïque.
Partout, on retrouve chez le Français cette recherche courageuse de la
clarté. » Quoi qu'il en soit, les manuels de jadis ne cachent pas leurs
références idéologiques. Les critiques contemporains ont-ils conscience
de s'inscrire dans une tradition qui remonte à la politique du XVIIe siècle 43?
Le Discours sur V universalité de la langue française de Rivarol ne vint

40. Cf. С Lefèvre (1936), p. 44-45.


41. Cf. J. Gob (1950), p. 38-39.
42. Nous avons choisi un exemple parmi d'autres, celui de J. Payot (1913), p. 306-307.
43. Cf. F. Brunot (1966-1972), vol. VI, 2e partie, p. 134-135.

32
jamais que confirmer une habile politique expansionniste de la France.
Quand F. Brunot 44 affirme que :

« Si le Roi a servi les brillantes destinées de notre langue, c'est par


l'éclat de sa Cour, non par ses victoires ou sa politique. Le vainqueur, c'est
le génie de la race, magnifiquement épanoui à cette époque, en une floraison
d'élégances qui faisaient de Paris et de Versailles les capitales du monde
civilisé, et les centres d'attraction où beaucoup venaient par snobisme, sans
doute, mais que voulait aussi fréquenter une élite d'hommes et de femmes
de toutes nations, désireuse de se polir au contact d'une civilisation
supérieure »,

les louanges adressées par Rivarol 45 à la langue française viennent


pourtant appuyer une volonté politique :

« Par sa juste étendue elle touche à ses véritables limites. » « II faut


donc que la France conserve et qu'elle soit conservée. »
« La maturité du langage et celle de la nation arrivèrent ensemble. »
« C'est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent
de suivre l'ordre des sensations. La syntaxe française est incorruptible. »
« C'est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue;
ce qui n'est pas clair, n'est pas français. »

Aussi n'est-il pas étonnant que la clarté devienne dès le XVIIIe siècle le
principe fondamental de la langue et du style. La clarté s'identifiera
rapidement avec la netteté et deviendra synonyme de justesse 46. Or, la
« clarté » n'est pas définie en tant que telle. Dans son ouvrage consacré
à Г Histoire de la clarté française — ses origines — son évolution — sa valeur,
D. Mornet 47 explique que, dès le XVIIe siècle, « il s'agit d'écrire
clairement et non plus " régulièrement ", selon le " bon usage " ou les "
bienséances ". Ou plutôt règles, bon usage et bienséances étaient des mots
assez vagues et ployables en plusieurs sens. On s'est proposé d'en rendre
raison; cette raison est qu'ils sont des moyens pour atteindre la clarté ».
Ce principe de clarté deviendra rapidement un principe d'enseignement.
Il servira de base à l'élaboration de ces Rhétoriques qui seront d'un si
grand usage et qui auront une telle influence, au XVIIIe siècle, dans les
Collèges.
44. Cf. F. Brunot (1966-1972), vol. VI, 2' partie, p. 145.
45. Rivarol (§ 31-38-66), cité par F. Brunot (1966-1972), vol. VIII, p. 852-853.
46. Cf. F. Brunot (1966-1972), vol. VI, p. 2013. F. Brunot souligne à plusieurs reprises (p. 1023) que
la clarté fut considérée comme la qualité maîtresse de la langue française dès le XVIIIe siècle, malgré
quelques timides réactions :
« Clarté! Clarté! Ce mot avait été le cri des réformateurs depuis les premières années du XVIIe siècle,
c'est le seul peut-être qui n'ait jamais été discuté. Il avait dirigé les travaux des théoriciens de
la langue avec la même autorité qu'il s'était fait accepter aux esprits. Rivarol consacrait la
doctrine de Vaugelas, quand il émettait son fameux axiome : " Ce qui n'est pas clair n'est pas
français. " Le xviii' siècle, qui raisonna de tout, ne pouvait en effet manquer de garder cet idéal
de clarté qui convenait
i-. .i si bien
. à • son génie
l'ii/*et à ses ■ besoins. i.(...) De partout des voix
."îi* s'élèvent
'■*-"£■"
.

es explications qu'on donne des causes qui ont assuré с


justesse, ou du moins les raisons ne sont ni distinguées ni classées suivant leur importance. Le
sophisme sur la beauté et la supériorité de l'ordre direct est à peine contesté. »
47. Cf. D. Mornet (1929), p. 303-305.

33
L'enseignement n'a fait que perpétuer cette tradition pour aboutir
à la « crise du français » que l'enseignement a connue dans la première
décennie du XXe siècle 48. Mais cette crise de l'enseignement ne revient-
elle pas à intervalles réguliers? Jusqu'à ce jour, aucune méthode
d'apprentissage de la dissertation n'a pu s'imposer. En l'occurrence, nous ne
sommes pas plus précis que par le passé. Si les auteurs de manuels
contemporains comme A. Chassang et C. Senninger font moins souvent
référence à cette notion de « clarté » qui n'a jamais pu être précisée, le
problème reste cependant entier. Au moins a-t-on aujourd'hui le mérite
d'en reconnaître l'existence et le désir de lui trouver une solution. Elle
consisterait à élaborer une méthodologie précise à l'intention des
enseignants chargés du cours de dissertation. Nous avons rapidement montré
à quel point cette méthodologie a toujours fait défaut et combien les
spécialistes déplorent la carence des programmes scolaires en la matière.
Les étudiants devraient être progressivement préparés à cette technique,
ce qui permettrait de sérier les différents problèmes qui restent
d'actualité. Il n'est évidemment pas possible d'aborder et de résoudre toutes ces
questions dans les limites d'un article. Les difficultés posées par l'exercice
de dissertation méritent d'être analysées tour à tour avant d'envisager
l'élaboration d'une théorie plus générale de l'écrit dans l'enseignement
secondaire et supérieur.

BIBLIOGRAPHIE

La bibliographie qui suit n'est pas exhaustive. Elle se limite à citer les ouvrages les plus souvent
consultés pour la préparation de cet article.
Je tiens à remercier tout spécialement M. A. Mingelgriin, ainsi que M"1' A. Jabé et M. Th. Gergely pour
les intéressantes discussions que nous avons eues sur les problèmes posés par la dissertation.
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48. Cf. B. Gicquel (1979), p. 14.

34
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