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L'Encéphale (Paris)

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque H. Ey. C.H. de Sainte-Anne


L'Encéphale (Paris). 1924/01-1924/12.

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L'ENCÉPHALE
JOURNAL

DE NEUROLOGIE ET DE PSYCHIATRIE
Comité de Rédaction :

ABADIE. — ANDRÉ-THOMAS. — CESTAN. — Mm& DÉJERINE


ÉTIENNE. — EUZIÈRE. — FROMENT. — GUILLAIN. HESNARD
KLIPPEL.—
LAIGNEL-LAVASTINE. LÉVY-VALENSI —
LÉPINE. — MIGNOT. — RAVIART. — ROGER
ROGUES DE FURSAC.—ROUBINOVITCH. —P. SAINTON. — SÉGLAS
SÉRIEUX. — SICARD. — TOULOUSE. — VALLON. — VERGER

Secrétariat général- : LHERMITTE


R. MOURGUE
PAR

A. ANTHEAUME - Henri CLAUDE

DIX-NEUVIÈME ANNÉE

1924

H. DELARUE, LIBRAIRE-ÉDITEUR
5, Rue des Grands-Augustins, 5
PARIS (VIe)
TENUE A LA CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS
LE 19 DÉCEMBRE 1923

Sommaire
Communication du professeur Henri Claude et de Mlle Suzanne Bernard. —
Myxœdème et Psychose.
Conférence du professeur G. Marinesco. — Le rôle des ferments oxydants dans la
vie du neurone.
Discussion : M. Lhermitte.
Communication de MM. Toulouse, Marchand, Targowla et Mlle L. Pezé. — Consi-
dérations cliniques, biologiques et anatomo-pathologiques à propos d'un cas de para-
lysie générale au début.
Discussion : MM. Guillain et Lhermitte.
Communication de MM. Ch. Foix et I. Nicolesco. — Sur les altérations du système
nerveux dans quelques maladies dites musculaires.
Communication de Mlle Gabrielle Lévy et L. Van Bogaert. — Quelques remarques
sur le rythme respiratoire dans certaines maladies chroniques du système nerveux, en
particulier chez les pseudo-bulbaires.
Communication du professeur Guillain et de M. Alajouanine. — Le réflexe médio-
pubien.

Myxœdème et Psychose, par M. HENRI CLAUDE


et Mlle SUZANNE BERNARD
M. H. Claude et Mlle S. Bernard rendent compte de l'état morbide de
Mme B..., âgée de cinquante-trois ans, présentée à la précédente réunion
biologique, neuro-psychiatrique et chez laquelle coexistaient un état psycho-
pathique et un syndrome de myxœdème.
Les troubles mentaux, caractérisés au moment de l'internement par des
idées délirantes de persécution avec hallucinations sensorielles —et notam-
ment visuelles — à caractère terrifiant et réactions anxieuses (état à la
constitution duquel la contribution d'une imprégnation alcoolique ne
laissait aucun doute), s'étaient rapidement modifiés, pour se stabiliser sous la
forme d'un état de dépression mélancolique avec stupeur habituelle. Dans
cet état, qui était celui de Mme B..., lors de la précédente présentation,
l'élément intellectuel (idées vagues d'auto-accusation) et l'élément affectif
paraissaient assez réduits; les troubles les plus frappants étaient ceux de
l'activité mouvements rares et lents, apathie, engourdissement voisin de
:
l'inertie.
Le syndrome myxœdémateux, qui paraissait remonter à six ou sept ans,
se manifestait par la bouffissure de la face, l'infiltration dure des téguments,
l'aspect cireux de la peau, l'absence de pilosité des régions axillaires et
pubiennes, la frilosité et le refroidissement des extrémités.
L'hypothèse d'une psychose thyroïdienne s'imposait. Mais le désir, si légi-
time qu'ilsoit,de fournir quand on le peut une explication pathogénique des
psychoses ne doit pas faire admettre d'emblée l'existence d'un lien causal
entre le trouble endocrinien et le trouble mental par le seul fait que ces
deux troubles coexistent. L'influence sur l'état mental du traitement du
myxœdème par de l'extrait thyroïdien devait nous permettre de serrer les
faits de plus près.
Mme B... a donc ingéré, depuis le 2 juin, des doses quotidiennes de
thyroïde (20 à 40 cg.). Ce traitement prolongé n'a pas déterminé de signes
d'intoxication thyroïdienne ni tachycardie excessive, ni tremblement. On
:

a constaté un amaigrissement progressif et intense(15 k.). Mais la disparition


de l'infiltration des tissus a dû être un facteur important de perte de poids.
Au bout d'une quinzaine de jours l'aspect de Mme B... commença à se
modifier, d'abord par intermittences entrecoupées de rechutes, puis, à partir
de i5 juillet environ, progressivement et rapidement. Au début de sep-
tembre, la bouffissure des traits, le refroidissement des extrémités avaient
disparu. Le pouls, de 60, était passé à80ou90 pulsations selon les moments.
L'amélioration du myxœdème, cliniquement manifeste, était confirmée par
les épreuves physiologiques suivantes :

Métabolisme basal. — 14 mai : 25 calories ; 20 mai 21 calories.


:

Après traitement thyroïdien :

25 septembre 41 calories; 2 octobre, 43 calories.


:

Injection sous-cutanéed'adrénaline (1 mg.). — 26 mai : Réaction d'intensité


moyenne. Le pouls passe de 60 à 8o ; la pression maxima de 17 à 19. On ne
note aucun phénomène subjectif.
Après traitement thyroïdien :

16 juillet
:
Réaction extrêmement vive. Le pouls passe de 70 à i3o; la
pression maxima de i3 à 26. Angoisse, tremblements, nausées, vomissements
une demi-heure à une heure après la piqûre. Douleur très vive pendant plu-
sieurs jours au niveau de l'injection.
Injection sous-cutanée d'extrait de lobe postérieur d'hypophyse (Jo cg.). —
18 mai Réaction presque nulle, légèrement inversée (pouls 60 avant,
66 après).
Après traitement thyroïdien :

16 octobre Réaction de même ordre. Le pouls passe de 88 à 94.


:

Épreuves de fonctionnement hépatique. — 5 mai Les urines contiennent


de l'urobiline. La réaction de Hay est légèrement positive. Coefficient de
Derrien-Clogne 6,2. Épreuve de Roch Élimination de bleu de méthylène
:

pendant quarante-huit heures.


Après traitement thyroïdien :

10 septembre Pas :
d'albuminurie.
Réaction de Hay Négative. Coefficient de Derrien-Clogne 4,3.:

Épreuve de Roch Présence de bleu de méthylène dans les trois premiers


verres (9 heures).
Épreuves de fonctionnement rénal. — 5 mai Albuminurie. Phénol-sul-
fone-phtaléine, urine i5 cc. — p. s. p. 36,5 p. 100.
18 septembre Pas d'albuminurie. Phénol-sulfone-phtaléine,42,5 p. 100.
:

Or, parallèlement à ces modifications physiques et fonctionnelles survint


une transformation radicale de l'état mental, transformation qu'on peut qua-
lifier de guérison. Mme B... sortit de sa torpeur, demanda à coudre, à être
occupée, se leva, aida les infirmières. Son activité devint peu à peu tout à
fait normale. Elle sortit spontanément de son mutisme. Elle eut conscience
de son amélioration et s'en réjouit.
Le fond de tristesse ne disparut pas, il est vrai, mais cette tristesse
changea de caractère Mme B... perdit son aspect impassible, cessa de se
replier sur elle-même, cherchant au contraire dans les circonstances exté-
rieures, les événements de chaque jour,la justification de ses dispositions
chagrines — témoignant par là d'une activité intellectuelle plus grande.
Il faut noter qu'une émotivité excessive succéda même à l'impassibilité
initiale. La malade se réjouit, s'attendrit, s'alarme à la moindre cause. L'in-
quiétude, l'instabilité d'humeur, l'émotivité extrême qu'elle présente rappe-
lèrent ce qu'on observe au cours de la maladie de Basedow.
C'est vers le début d'octobre que le caractère émotif et instable s'accusa
surtout. Jusqu'à cette époque, le traitement donné avait consisté exclusive-
ment en poudre de thyroïde. Depuis on y adjoignit de l'extrait de corps
jaune. Soit coïncidence, soit conséquence de cette association médicamen-
teuse, l'équilibre émotionnel est alors devenu meilleur, l'impressionnabilité,
l'inquiétude ont diminué.
Quoi qu'il en soit, l'amélioration de l'état myxœdémateux a coïncidé avec
une disparition de la crise mélancolique. De plus, une interruption de
traitement, essayée vers le i5 novembre, amena au bout de quinze jours,
en même temps qu'un retour de la bouffissure des traits et qu'une dimi-
nution du métabolisme basal (34 calories), un nouveau fléchissement de
l'état mental. Le rôle du trouble thyroïdien dans la genèse de la psychose
semble donc bien démontré.
Au cours de la maladie de Mme B..., les réflexes oculo-cardiaque et
solaire ont été notés à plusieurs reprises. Les constatations suivantes ont été
faites :

1° Avant tout traitement, le R. O. C. était légèrement inversé, le réflexe


solaire nul ;
2° Après ingestion d'extrait thyroïdien, le R. O. C. n'a pas été modifié, le
réflexe solaire est devenu fortement positif; l'extrait thyroïdien semble donc
avoir excité électivement le sympathique ;
3° L'association d'extrait ovarien à l'extrait thyroïdien a été suivie de la
disparition du réflexe solaire. A l'inverse de l'extrait thyroïdien, l'extrait ova-
rien semble donc avoir inhibé le sympathique. Il y a là une série de consta-
tations qui, vérifiées chez d'autres sujets, pourraient permettre de préciser le
mécanisme de l'action des extraits endocriniens étudiés.

Le rôle des ferments oxydants dans les phénomènes de la vie du neurone,


Conférence de M. G. MARINESCO.
La méthode de la coloration des oxydases permet d'aborder les chan-
gements intimes de la respiration cellulaire. Toutes les cellules nerveuses
contiennent dans leur protoplasma des ferments oxydants.
Ils existent dans les dendrites, mais font défaut dans les cylindres-
axes.
Les terminaisons sensitives de la peau/des tendons des muqueuses, etc.,
en contiennent en grande quantité. La même richesse d'oxydase est constatée
dans les corpuscules gustatifs de la papille foliée du lapin. C'est là la meil-
leure preuve en faveur de l'opinion que je soutiens, à savoir que les termi-
naisons nerveuses sensitives ainsi que le cytoplasma sont des générateurs
d'énergie nerveuse tandis que le cylindre-axe joue plutôt un rôle de conduc-
teur de cette énergie.
Mais chez l'embryon les fibres nerveuses sont pourvues de ferments oxy-
dants jusqu'au septième mois. Ces ferments procurent l'énergie nécessaire
pour la croissance.
On peut retrouver le même phénomène dans les nerfs en voie de régéné-
rescence. En effet, la massue de croissance des fibres du bout central de
même que le syncitium de Schwan des deux bouts du nerf sectionné sont
pourvus d'une quantité considérable de ferments oxydants indispensables à
la régénérescence. Sans l'intervention des phénomènes oxydants il n'y a ni
phénomène de croissance ni phénomène de régénérescence.
Ensuite il y a un rapport direct entre la quantité des ferments oxydants
et l'intensité de l'activité non seulement des cellules mais des organismes.
Les animaux à sang froid ou hétérothermes sont pauvres en oxydases.
'Ces constatations nous autorisent à introduire dans la genèse de la
chaleur animale et dans la conservation de l'équilibre thermique le facteur
quantité d'oxydase contenu dans le système nerveux.
A mesure que l'on avance en âge, la quantité des ferments oxydants
diminue et c'est là la cause du ralentissement des échanges nutritifs dans la
vieillesse. Aussi ne peut-on pas soutenir qu'il soit possible de rajeunir un
organisme. Enfin, les ferments oxydants jouent un rôle considérable dans
l'hérédité normale et pathologique comme les lésions de l'idiotie amauro
tique le prouvent.
Discussion :

M. /. Lhermitte. — Je ne retiendrai que certains points de l'intéressante


conférence de M. Marinesco.
Avec M. Dustin, M. Marinesco admet la théorie de l'odogénèse, c'est-à-
dire la nécessité de voies névrogliques préformées pour la croissance des
axones de régénération ; mes recherches histologiques pendant la guerre
m'ont montré les mêmes faits qu'à M. Dustin et il me semble que, au moins
pour l'adulte, l'odogénèse est une réalité.
Ainsi que l'a rappelé M. Marinesco, j'ai pu mettre en évidence, dans plu-
sieurs cas de transsection de la moelle, des fibres en régénération. Et j'ai
insisté sur ce fait, qui me semble capital, que cette régénération presque
constante dans les cas de survie de plusieurs mois, s'effectue exclusivement
au profit des fibres des racines postérieures. Malgré cette restauration anato-
mique on n'observe guère de récupération des fonctions sensitives ; et cela
pour la raison que le segment central des cordons postérieurs est incapable
de préparer les voies dans lesquelles pourraient s'engager les jeunes axones
régénérés.
Pour ce qui est des ferments oxydants du système nerveux, leur étude se
heurte en anatomie pathologique à la rigueur de la loi française, laquelle
impose un délai minimum de vingt-quatre heures avant l'autopsie. Mais si
l'étude des oxydasesnous est interdite, il n'en est pas de même du métal qui
agit dans les cellules nerveuses à la manière d'un catalyseur. Ce métal c'est
le fer. La recherche du fer de désintégration nous apparaît comme des plus
instructives au cours des maladies de l'encéphale. Dans la maladie de Par-
kinson sénile, dans les syndromes striés post-encéphalitiques, j'ai pu
constater, après Guizetti, Spatz et M. Marinesco, la présence d'une quantité
considérable de fer dans le futamen et surtout le globus pallidus, fer qui se
localise dans les cellules névrogliques, les cellules adventitielles et la paroi
musculaire des vaisseaux.
Dans l'écorce cérébrale, le fer de déchet apparaît beaucoup plus rarement.
Cependant, dans la démence sénile, j'ai pu dès 1914 mettre en évidence
l'infarcissement des cellules pyramidales par le fer libéré. Cette altération
est tout à fait différente de celle que l'on observe dans la paralysie générale,
où les pigments ferrugineux (probablement d'origine hématique) se ren-
contrent presque exclusivement dans les adventices vasculaires.

Considérations cliniques, biologiques et anatomo-pathologiques, à propos


d'un cas de paralysie générale au début, par MM. TOULOUSE,
MARCHAND, TARGOWLA et Mlle L. PEZÉ.
Il s'agit d'une malade âgée de cinquante-six ans, ayant une hérédité
chargée. Depuis longtemps, elle se livrait à des excès alcooliques quand, un
mois avant son internement, elle fut atteinte de paraplégie avec rétention
d'urine. Le début des troubles mentaux est plus difficile à préciser.
A son entrée dans le service de prophylaxie mentale, on constate un état
infectieux; les urines sont troubles et renferment de l'albumine. La tension
artértelle est de Mx = 20, TMn = 12. Les pupilles sont inégales, elles
réagissent faiblement à la lumière et normalement à l'accommodation. Trem-
blement accusé des extrémités supérieures. Les réflexes rotuliens et achil-
léens sont vifs; signe de Babinski bilatéral. La force musculaire des
membres inférieurs est diminuée. Pas de signe de Romberg. On ne note pas
d'embarras de la parole. L'écriture est très tremblée; les lettres sont mal
formées et certaines manquent dans les mots.
Au point de vue psychique, on constate des troubles confusionnels avec
amnésie antérograde et fabulation.
L'examen du sang et du liquide céphalo-rachidien donne les résultats
suivants :
Dans le sang réaction de Wassermann négative; réaction de floculation
positive.
Dans le liquide céphalo-rachidien réaction de Pandy négative ; réaction
:

de Guillain négative ; réaction de l'élixir parégorique positive ; réaction de


Wassermann partiellement positive ; réaction de floculation faiblement
positive.
Leucocytes : i,5 à la cellule de Nageotte; albumine o,38.
Un régime lacto-végétarien associé au lactose et à l'urotropine améliore
l'état général et l'état mental. Un traitement spécifique allait être institué
quand, brusquement, vingt jours après son entrée, la malade est atteinte de
crises épileptiformes en série et meurt.
A l'autopsie Congestion diffuse de l'encéphale happements de la pie-
: ;

mère au cortex. Les reins sont petits, sclérosés ; le foie présente l'aspect du
foie cardiaque.
L'examen histologique des centres nerveux décèle les lésions suivantes :
Infiltration cellulaire de la pie-mère au fond des sillons cérébraux ; infil-
tration méningée accusée par place au niveau de la convexité de circonvo-
lutions. Périvascularite nette par endroits. Dans le cortex les petits vais-
seaux sont entourés de cellules rondes. Les artériels ne présentent aucune
dégénérescence, aucune lésion d'endartérite. Lésions cellulaires accusées,
sans altération notable des neurofibrilles. Raréfaction irrégulière et ponctuée
de la partie profonde du réseau des fibres tangentielles. Présence de corps
hyaloïdes. La névroglie est peu altérée. Dans la substance blanche sous-
corticale, quelques vaisseaux sont atteints de périvascularite. '
Infiltration cellulaire accusée de la pie-mère cérébelleuse.
Dans le bulbe, les lésions inflammatoires méningées, la périvascularite
sont aussi accusées que celles que l'on rencontre dans la paralysie générale
avancée. Par places, les cellules embryonnaires sont tellement nombreuses
que la lésion méningée prend l'aspect d'un tissu gommeux sans trace d'endar-
térite toutefois.
Dans la moelle, les lésions sont plus accusées au niveau de la moelle
lombaire. Le canal central est oblitéré ; la pie-mère est atteinte de ménin-
gite subaiguë. Les cellules des cornes antérieures sont atrophiées et
pigmentées.
Dégénérescence partielle des fibres des racines antérieures.
Les lésions des reins sont très importantes. A côté de régions relative-
ment saines, on note des zones dans lesquelles glomérules, tubes, tissu
conjonctif et vaisseaux sont très altérés ; le tissu conjonctif est infiltré de
cellules mononucléées pressées les unes contre les autres, étouffant glomé-
rules et tubes ; les artères sont atteintes d'endartérite fibreuse oblitérante.
Le foie est peu altéré ; légère infiltration du tissu conjonctif des espaces
portes.
On peut admettre que l'intoxication alcoolique a contribué, avec l'état
infectieux urinaire, à déterminer le syndrome confusionnel présenté parla
malade à son entrée dans le service. C'est peut-être cet état toxi-infectieux
qui a camouflé, pourrait-on dire, les symptômes qui auraient pu mettre sur
la voie du diagnostic de méningo-encéphalite. L'évolution même de l'état
confusionnel vers la guérison plaide en faveur de cette interprétation.
D'autre part, les symptômes organiques (inégalité pupillaire, réflexes
pupillaires paresseux à la lumière, tremblement des extrémités, troubles
paraplégiques) étaient trop peu caractéristiques et trop peu prononcés pour
que l'on puisse affirmer le diagnostic de paralysie générale.
Les réactions humorales, quoique partielles, permettaient cependant de
soupçonner la syphilis et d'orienter davantage le diagnostic.
Quel que soit le rôle de l'alcoolisme dans la provocation des troubles
mentaux, on ne peut le retenir comme cause des lésions nerveuses diffuses de
nature inflammatoire. Il ne reste donc que deux diagnostics à discuter :
syphilis nerveuse ou paralysie générale. En se basant sur la diffusion des
lésions, l'absence d'endartérite, la physionomie spéciale des lésions
méningées, les altérations des fibres tangentielles, la périartérite, la présence
de corpuscules hyaloïdes dans le cortex, les auteurs s'arrêtent au diagnostic
de paralysie générale au début.
Discussion :

M. Guillain pense qu'il s'est agi d'un syndrome organique. Il n'a jamais
vu de réaction au benjoin négative dans la paralysie générale, même au
début.
M. Lhermitte rappelle les cas où l'on soupçonnait une paralysie générale,
où le syndrome humoral est resté négatif, comme chez certains malades
dont l'histoire a été rapportée récemment par Urecchia il s'agissait de
:

syphilis des petits vaisseaux, type Alzheimer.


M. Marchand. — La question se pose ainsi : peut-on, par l'absence d'une
réaction humorale, telle que la réaction du benjoin, infirmer le diagnostic
de paralysie générale? Ne peut-on pas admettre qu'une réaction humorale
peut faire défaut momentanément et devenir positive à mesure que le pro-
cessus paralytique progresse davantage? Dans le cas présent, il s'agit
d'une méningo-encéphalite tout à fait au début de son développement et
peut-être peut-on voir dans ce caractère anatomo-pathologique l'expli-
cation à la fois de la réaction de Wassermann négative dans le sang et de la
réaction du benjoin colloïdal négative dans le liquide céphalo-rachidien.
Il est bien difficile d'admettre l'interprétation de M. Lhermitte. La
méningite diffuse subaiguë est très accusée ici. Les lésions sont, en somme,
celles que l'on note dans les cerveaux de paralytiques généraux dans les zones
les moins touchées de leur cortex cérébral.
M. Toulouse. — Cette observation soulève un problème diagnostique de
haut intérêt. Une malade présente un état infectieux urinaire développé au
cours d'une intoxication alcoolique. Comme réactions mentales, il existe un
syndrome confusionnel avec troubles amnésiques accentués, capables de
masquer temporairement l'évolution d'une démence organique. Clinique-
ment le diagnostic doit donc être réservé. On fait les réactions de la
syphilis, dont certaines sont positives dans le sang comme dans le liquide
eéphalo-rachidien. Ainsi le diagnostic de syphilis nerveuse, sans être certain,
apparaît comme probable. Puis, brusquement, la malade meurt à la suite de
crises épileptiformes. Et l'on trouve à l'examen histologique les lésions
inflammatoires habituelles que l'on observe dans la paralysie générale
banale. Comment interpréter ce cas ?
Peut-on fonder un diagnostic ferme de paralysie générale au début sur
des réactions humorales et des altérations histologiques, alors que le syn-
drome clinique est fruste? Et alors on pourrait se demander si, dans ces cas
de début, les lésions de méningo-encéphalite ne commencent pas longtemps
avant les manifestations psychiques typiques. Je serais heureux que nos
collègues, après avoir examiné nos coupes, nous donnent leur avis. Cette
communication n'a pas d'autre but.
Sur les altérations du système nerveux dans quelques maladies
dites musculaires, par CH. FOIX et I. NICOLESCO
Dans deux cas de myopathie et un cas de maladie de Thomsen nous
avons observé, à côté de lésions classiques de l'appareil musculaire, des
lésions du système nerveux d'ordre avant tout cellulaire. Ces lésions peuvent
être divisées en deux groupes lésions communes aux deux affections,
lésions spéciales aux myopathies.
Sur ces dernières, qui consistent principalement en altérations fort spé-
ciales des cellules radiculaires antérieures, nous n'insisterons pas pour le
moment. Des altérations analogues ont été signalées par divers auteurs.
Les lésions communes aux deux maladies portent, avec des électivités
différentes, sur des formations annexées d'une part à la voie extra-pyrami-
dale, de l'autre aux formations végétatives de l'axe nerveux.
i° Au niveau du corps strié les lésions sont surtout marquées dans la
maladie de Thomsen. Elles consistent dans cette affection en une dégénéres-
cence à pigment brun des cellules du putamen et dans une atrophie abou-
tissant à la transformation en boules hyperchromiques des cellules du glo-
bus pallidus.
L'altération du putamen n'est pas absolument généralisée, elle prédo-
mine sur la partie antéro-supérieure. Elle porte surtout sur les grandes
cellules qui sont notablement diminuées de vulume et infiltrées en grains
de pigment brun, fort abondant. La même altération se retrouve dans un
certain nombre de petites cellules nerveuses. Enfin on retrouve du pigment
en gros amas autour des vaisseaux ou en grains incorporés dans les cellules
névrogliques. Ce pigment est fort différent du lipochrome qui ne paraît
augmenté que dans les petites cellules.
Les lésions du globus pallidus sont toujours dans la maladie de Thomsen,
très importantes, elles semblent être les étapes d'un même processus d'abio-
trophie. La plus curieuse consiste dans la transformation d'un grand nombre
de cellules en petites boules hyperchromiques où l'on devine parfois encore
les éléments constitutifs.
A côté de ces éléments, on observe toutes les transitions entre les cellules
pallidules normales et les ombres de neurones altérés à l'extrême.
Quelques cellules présentent une augmentation du lipochrome, d'autres
contiennent des grains de pigment noir-verdâtre (sur les coupes au Nissl).
Il existe enfin une réaction névroglique d'ordre surtout progressif avec des
formations syncitiales et une abondance de cellules névrogliques. Quelques
cellules névrogliques contiennent du pigment. Il existe des concrétions
mûriformes basophiles disséminées, cernées de cellules microgliques.
2° Les groupes cellulaires à pigment noir de l'axe hulbo-ponto-Pédoncu-
laire sont touchés dans les deux affections et les altérations portent princi-
palement sur le locus cœruleus, sur le noyau dorsal du vago-spinal, sur les
cellules à pigment noir de la formation réticulée.
Au niveau du locus cœruleus les lésions semblent passer par trois
stades a) gonflement énorme du noyau avec réduction du protoplasma; b)
:

atrophie de la cellule qui se réduit à un bloc de pigment ; c) destruction


cellulaire et mise en liberté du pigment.
Au niveau des cellules à pigment noir du vago-spinal on observe des
figures analogues, sauf le gonflement du noyau qui manque. Par contre, on
observe souvent une vacuolisation du protoplasma; l'éclatement cellulaire
laisse des étoiles de pigment noir, incorporé par les macrophages et les
cellules névrogliques.
Les cellules à pigment noir de )a formation réticulée bulbo-ponto-pédon-
culaire présentent des altérations de même ordre atrophie, enkystement
de pigment, enfin dislocation de la cellule. Dans la maladie de Tliomsen
ces altérations contrastent avec l'intégrité absolue des noyaux moteurs hypo-
:

glosse, noyau ambigu, facial, noyau masticateur, etc. Mais dans nos deux
cas de myopathie typique nous avons retrouvé dans ces noyaux les mêmes
altérations qu'au niveau de la moelle épinière.
Enfin, point important, le locus niger ne présenta que des lésions dis-
crètes.
3° Un troisième type de lésions concerne certaines formations infundi-
bula-hypothalamiques, la substance innominée de Reichert, les cellules sans
pigment noir de la formation réticulée, les cellules vésiculeuses, enfin le
noyau dentelé du cervelet.
Ces lésions sont analogues dans le cas de maladie de Thomsen et dans
les deux cas de myopathies; cependant,dans l'ensemble,elles sont plus mar-
quées dans la maladie de Thomsen.
Les cellules de la substance innominée de Reichert, des noyaux du tuber
et surtout du noyau périventriculaire présentent des lésions d'ordre atro-
phique avec grande abondance de lipoçhrome et fréquemment aspect multi-
vacuolaire du protoplasma. Par places, il existe de véritables incrustations
de la périphérie des neurones.
Les cellules nerveuses sans pigment noir de la formation réticulée du
bulbe et des groupes réticulés paramédians de la protubérance présentent
de la chromatolyse centrale avec surcharge lipochromique et pour le plus
grand nombre de l'atrophie.
Les cellules vésiculeuses présentent une atrophie notable ainsi qu'un cer-
tain nombre de cellules du noyau dentelé du cervelet.
Le cortex cérébral, le cortex cérébelleux, les noyaux gris protubérantiels
sont sensiblement indemnes. On retrouve dans la partie haute de la moelle
cervicale au niveau de la formation réticulée des altérations portant princi-
palement sur les cellules à pigment noir et qui sont à rapprocher des alté-
rations ci-dessus décrites. Les cellules de la corne latérale ne sont pas non
plus indemnes.
Dans toutes les régions altérées, il existe un certain degré de réaction
névroglique d'ordre progressif.
Les formations myéliniques nous ont paru sensiblement indemnes.
En résumé, nous avons constaté dans ces trois cas d'affections dites
musculaires (maladie de Thomsen, myopathie), outre les lésions des cellules
motrices spéciales aux cas de myopathie, des altérations qui nous paraissent
intéressantes par plusieurs points :

1° Il ne semble pas tout d'abord qu'il s'agisse là d'altérations inflamma-


toires. Elles se rapprochent beaucoup plus, sans pouvoir leur être assimilées
toutefois, des lésions dites abiotrophiques des maladies familiales ou de la
sensibilité. Une différence essentielle les sépare cependant de cette der-
nière variété de lésions : l'absence complète d'altérations vasculaires et d
désintégration myélinique.
2° La distribution de ces lésions ne paraît pas une distribution de
hasard. Elle porte, en effet, d'une part sur des formations dépendant de la
voie extra-pyramidale et de l'autre sur des groupes que l'on tend à rattacher
aujourd'hui au système nerveux végétatif.
De l'un à l'autre système, d'ailleurs, il semble qu'il y ait plus d'un lien de
parenté. Il s'ensuit par conséquent que l'électivité lésionnelle contratée,
exprime l'atteinte d'un système sous l'influence d'une hérédité morbide,
dont le mécanisme nous échappe encore.
3° Cette distribution rappelle par plus d'un côté (principalement en ce
qui concerne la maladie de Thomsen) celle que l'on observe dans certains
processus préséniles, notamment dans le syndrome parkinsonien. Elle en
diffère cependant par plus d'un point : a) l'absence tout d'abord de processus
de désintégration presque constants dans ces affections sous forme d'état
précriblé du globus pallidus, d'îlots cicatriciels au niveau du Locus
Niger, etc ; b) la répartition très différente des altérations cellulaires : le
Locus Niger est ici presqueindemne. tandis que le locus cœruleus est très
touché, ete. ; c) l'aspect même de ces altérations.
Il existe d'ailleurs également quelques parentés cliniques entres ces affec-
tions.
4° Ces lésions sont à mettre en rapport avec certains troubles généraux
(troubles végétatifs, altérations des glandes vasculaires sanguines, troubles
psychiques), et avec les moditcations du tonus et de la contraction muscu-
laire (volontaire,mécanique ou électrique) que l'on observe dans les myopa-
thies comme dans la maladie de Thomsen.

Quelques remarques sur le rythme respiratoire dans certaines maladies


chroniques du système nerveux, en particulier chez les pseudo-
bulbaires, par Mlle GABRIELLE LÉVY et M. L. VAN BOGAERT.
Ces auteurs ont pu mettre en évidence, par l'inscription graphique, un
type de respiration ondulante, particulière, surtout fréquente chez les pseudo-
bulbaires, mais qui peut s'observer encore dans un certain nombre d'affec-
tions chroniques du système nerveux.
Cette respiration ondulante semble présenter des rapports avec le trem-
blement, bien qu'elle existe souvent chez des sujets non trembleurs, et
manque dans certains cas de tremblement.
Il semble s'agir d'une trémulation spéciale des muscles respiratoires, dont
les auteurs discutent la pathogénie.

Le réflexe médio-pubien, par MM. GUILLAIN et ALAJOUANINE


Démonstration, sur un malade, du réflexe médio-pubien, récemment
décrit par les auteurs.
TRAVAUX ORIGINAUX

NOUVELLE CONTRIBUTION
A LA CONCEPTION DES SYSTÈMES STATIQUE
ET KINÉTIQUE DE LA MOTILITÉ
PAR
J. RAMSAY HUNT
(de New-York)
(Travail original traduit de Vanglais par H. Baruk)

L'auteur présente une conception nouvelle des voies efférentes du


système nerveux : il y a lieu selon lui, de distinguer dans l'étude de la
motilité deux grands mécanismes ayant trait respectivement, l'un aux
fonctions de mouvement, l'autre aux fonctions de posture. Ces deux
mécanismes doivent être envisagés aussi bien en ce qui concerne l'appa-
reil cérébro-spinal que le système nerveux végétatif.

I. — Les « composantes » statiques et kinétiques


du système nerveux cérébro-spinal
Les fonctions de motilité peuvent se résoudre en deux « compo-
santes », distinctes physiologiquement et anatomiquement : la première
conditionne le mouvement proprement dit; elle concerne le système
kinétique. La deuxième se rapporte à une variété en quelque sorte pas-
sive de la contractilité musculaire, c'est-à-dire au tonus de posture.
Elle concerne le système statique.

CONSIDÉRATIONS ANATOMIQUES

A. Système statique
La part essentielle dans la direction et la régulation du système sta-
tique, c'est-à-dire des fonctions posturales, doit être, suivant l'auteur,
attribuée au cervelet. A cet organe aboutissent, d'une part, les incitations
centripètes d'origine périphérique et d'autre part les incitations centri-
fuges corticales. Ces différentes incitations sont ensuite distribuées par
l'intermédiaire des voies cérébello-spinales aux mécanismes qui règlent
dans les muscles les fonctions myostatiques.
On peut distinguer à ce sujet deux systèmes statiques cérébelleux :
icle systèmepaléostatique qui règle les fonctions posturales élémentaires,
et automatiques; il prend son origine dans les noyaux les plus anciens
du vermis (nucleus fastigius, globosus et emboliformis).
2° Le système néostatique qui règle les fonctions posturales plus com-
plexes et plus élevées. Il réside au niveau des hémisphères cérébelleux,
et prend son origine au niveau des cellules du noyau dentelé. Enfin ce
système néostatique est soumis lui-même au contrôle cérébral par
l'intermédiaire des fibres qui unissent le cortex aux noyaux du pont et
qui, de ces noyaux, se rendent à l'hémispère cérébelleux du côté opposé.
Il est probable, en se plaçant sur le terrain phylogénique, que la voie
pariéto-temporo-occipitale qui se termine dans les noyaux dorsaux du
pont est plus ancienne que la voie fronto-pontine qui descend du lobe
frontal vers les noyaux ventraux du pont. C'est cette dernière voie que
l'auteur considère comme l'homologue, pour le système statique, de la
voie cortico-spinale pour le système kinétique. Ce faisceau fronto-ponto-
cerébelleux, qui concerne donc le système néostatique, passe dans le bras
antérieur de la capsule interne et dans la portion moyenne du pédoncule
cérébral où il entre en rapport étroit avec le faisceau pyramidal. Il est en
outre intéressant de noter que les deux faisceaux qui constituent l'un
l'appareil néostatique, l'autre l'appareil néokinétique reçoivent leur
enveloppe de myéline en même temps, aussitôt après la naissance.
Ces deux systèmes posturaux, néostatique et paléostatique, abou-
tissent finalement au cervelet qui en constitue le siège et qui les coor-
donne. Ces faits concordent du reste avec la nature du mécanisme
postural qui joue dans la motilité un rôle secondaire et inconscient.
Tandis que les manifestations les plus élevées du mouvement repré-
sentent dès le début un processus conscient et volontaire, les mécanismes
posturaux sont au contraire secondaires, et suivent automatiquement la
voie tracée par le développement du mouvement.

B. Système kinétique
Le système kinétique a trait à la transmission des incitations de
mouvement proprement dit. Les mouvements élémentaires réflexes sont
représentés par l'appareil archéokillétiqne du système nerveux segmen-
taire. Quant aux centres moteurs plus élevés, chargés du contrôle des
fonctions kinétiques, ils sont représentés par le corps strié et les cir-
convolutions rolandiques.
Ces deux grands systèmes, paléo et néo-kinétiques, se complètent l'un
l'autre, et leur indépendance n'est mise en évidence que par le travail de
certaines dissociations pathologiques.
Un point essentiel à faire ressortir,c'est que la portion pallidale du
corps strié est kinétique et concerne en quelque sorte les représentations
de mouvement. Le noyau dentelé du cervelet a, au contraire, une fonction
statique et comprend les représentationsposturales. En d'autres termes,
le mécanisme supra-spinal comporte là deux centres moteurs qui ont
trait l'un et l'autre aux fonctions kinétiques et statiques, autrement dit
aux représentations de mouvement et à celles de posture.

C. Systèmes périphériques myostatiques et myokynétiques


La fibre musculaire striée est composée de deux portions bien dis-
tinctes : l'une a une fonction de contractilité, l'autre une fonction de
posture. La première réside dans les colonnettes musculaires qui repré-
sentent les portions contractiles, autrement dit kinétiques; la deuxième
réside dans le sarcoplasma, d'aspect plus homogène, et qui est en rapport
avec les phénomènes myostatiques, c'est-à-dire posturaux.
D'une façon générale, on pense que les colonnettes musculaires repré-
sentent environdu sixième à la moitié de la masse musculaire totale. Le
reste constitue le sarcoplasma. Chaque fibre striée contient une termi-
naison nerveuse motrice, qui constitue elle-même l'extrémité d'une fibre
nerveuse médullaire. Suivant l'opinion de Boeke, la plaque motrice ter-
minale de la fibre nerveuse médullaire fournirait le stimulus au système
des disques musculaires. Par contre, la fibre accessoire non médullaire
tiendrait sous sa dépendance le sarcoplasma. Mosso a confirmé cette
conception, dans l'interprétation qu'il donne du tonus et des fonctions
musculaires.
Il est intéressant en outre de noter que les physiologistes ont pu
établir en étudiant le métabolisme musculaire des différences en tradui-
sant deux modes d'activité. Pekelharing a pu caractériser les deux pro-
cessus chimiques suivants dans le métabolisme des muscles : l'un est en
rapport avec le système des disques musculaires et concerne l'utilisation
de substances non azotées. L'autre a trait au contraire à l'utilisation des
albumines et est probablement sous la dépendance du sarcoplasma.
D'autres expérimentateurs ont montré, d'autre part, que la dépense
d'énergie nécessitée par la contraction musculaire active (tetanus) est
beaucoup plus considérable que celle nécessitée par le tonus de posture;
ce fait explique l'infatigabilité relative que l'on observe quand seule la
fonction posturale ou sarcoplasmique est en jeu. Il est donc bien signi-
ficatif de noter qu'à deux substances contractiles différentes correspon-
dent deux processus chimiques également dissemblables.

D. Rapports entre les éléments statiques et kinétiques


du système nerveux cérébro-spinal, et les signes cliniques
A vrai dire, dans presque tous les troubles moteurs, on peut noter la
participation des deux systèmes statiques et kinétiques que nous venons
d'étudier. Toutefois il est souvent possible de constater que l'atteinte de
l'un des deux est prépondérante.
En nous plaçant d'abord au stade le plus élémentaire du système
nerveux, c'est-à-dire au stade réflexe, nous voyons que le réflexe tendi-
neux nous offre un exemple typique de fonction kinétique, tandis que le
réflexe de posture représente la fonction statique. L'exagération des
réflexes tendineux, le clonus musculaire (clonus du pied, de la rotule,
du poignet) traduisent des troubles du mécanisme kinétique. D'un autre
côté l'exagération du tonus et des réflexes de posture traduisent des
troubles du mécanisme statique. Langelaan a montré que le tonus est
formé de deux facteurs : l'un le tonus contractile en rapport avec les
colonnettes musculaires, l'autre le tonus plastique en rapport avec le
sarcoplasma. Suivant cette conception dualiste, le tonus contractile peut
être rattaché au système kinétique et le tonus plastique au système sta-
tique. Le premier peut être appelé le kinétotonus, le deuxième constitue
le statotonus,termes qui indiquentainsile système auquel ils se rattachent.
Ces deux grandes variétés de contractilité se manifestent non seu-
lement dans l'étude des réflexes tendineux, mais aussi dans la percussion
directe du muscle. Le facteur kinétique se caractérise par la contraction
rapide, et la vive excitabilité du muscle; le facteur statique par une con-
traction idio-musculaire persistante (myœdème).
Les troubles moteurs spasmodiques tels que la chorée, le paramyo-
clonus multiplex, les myoclonies, sont en rapport avec le système
kinétique.
Ces différentes manifestations résultent de phénomènes irritatifs ou
de la libération des centres moteurs inférieurs, Le clonus de la paraly-
sie spasmodique (du pied — de la rotule — du poignet) et le tremble-
ment de la paralysie agitante ont tous deux une origine kinétique. Dans
une étude du tremblement strio-cérébelleux, l'auteur a déjà montré les
relations qui unissent la paralysie agitante (tremblement strié) au méca-
nisme kinétique et le tremblement cérébelleux au mécanisme statique.
Hypertonie musculaire posturale. — L'hypertonie posturale des
muscles est liée au système statique et aux fonctions du sarcoplasme.
Les différents typesd'hypertonie qui succèdent à des paralysies dépendent
de la nature et de la localisation de la lésion. Les plus importants parmi
ces phénomènes spastiques concernent d'abord les affections de la voie
pyramidale, puis la rigidité de la paralysie agitante, la rigidité décéré-
brée, les manifestations d'hypertonie posturale consécutives aux lésions
transverses du pont, de la moelle et du rachis.
Quant aux troubles moteurs que l'on désigne sous le nom de « myo-
tonie » (qu'elle soit d'origine cérébrale, cérébelleuse, spinale, ou périphé-
rique), l'auteur les rattache au mécanisme statique. C'est le trouble de
ce mécanisme qui explique les caractères si particuliers de la myotonie:
la persistance de la contraction, l'impossibilité du relâchement muscu-
laire après la contraction. Dans la myotonie, il y a en quelque sorte deux
vagues distinctes de contraction : l'une rapide et en rapport avec le sys-
tème des disques musculaires; l'autre lente, soutenue, et probablement
d'origine sarcoplasmatique.
L'auteur considère en outre les principaux symptômes des lésions
cérébelleuses (dyssynergie, dysmétrie, adiadococinésie, tremblement
intentionnel) comme traduisant des troubles du système statique. Le
cervelet constitue l'organe essentiel dans le contrôle et la régulation des
synergies posturales.
Les systèmes statiques et kinétiques dans l'épilepsie. — Dans les
manifestations motrices de l'épilepsie, interviennent les deux systèmes;
les phénomènes convulsifs, toniques et cloniques sont en rapport avec
le mécanisme kinétique; l'abolition brusque du contrôle postural, avec
le mécanisme statique.
Les facteurs statiques et kinétiques dans la sphère psycho-motrice. —
Il faut ajouter aux diverses manifestations somatiques que nous venons
d'étudier les manifestations dans la sphère psychique des deux ordres de
fonctions ; l'une psychostatique,l'autre psychokinétique.
Aux troubles de la fonction psychokinétique se rattachent les traduc-
tions psychiques du tremblement, de la chorée, des convulsions, du
myoclonus, des tics convulsifs.
Aux troubles psycho-statiques se rattachent la catalepsie, lacatatonie.
l'astasie, les attitudes stéréotypées.
Les signes de persévération tonique semblent révéler aussi, par les
deux variétés de persévération passive, un double système de représen-
tation dans la sphère psycho-motrice.

II. — Le système nerveux végétatif, ses composantes statiques


et kinétiques
Le principe de la dualité des fonctions motrices (fonction de mouve-
ment et fonction de posture) s'applique non seulement au système ner-
veux cérébro-spinal, mais encore au système neuro-végétatif, qui,au point
de vue phy logé nique, représente le stade le moins élevé du système nerveux.
Tout ce que nous avons dit de la fibre musculaire striée est également
vrai de la fibre musculaire lisse. Ces deux variétés de tissu contractile
dérivent du reste l'un de l'autre dans le long processus de l'évolution.
La fibre musculaire lisse, de même que la fibre striée, se compose de
deux parties : les fibrilles et le sarcosplama. Suivant notre conception
générale de la dualité des fonctions musculaires, il semble bien que les
fibrilles des muscles lisses soient liéesau mouvement (contractilité)tandis
que le sarcosplasma concerne la posture (tonus).
CONSIDÉRATIONS ANATOMIQUES

Le système nerveux végétatif de l'homme représente un système pri-


mitif, et constitue au point de vue phylogénique la portion la plus
ancienne du système nerveux. On peut le diviser en deux parties, bien
distinctes au triple point de vue anatomique, physiologique et pharma-
codynamique.
a) La première constitue le sympathique, et est représentée par la
chaîne thoraco-lombaire d'où partent les rameaux splanchniques-cervi-
caux et sacrés. Cette portion du système végétatif ou autonome est com-
posé de fibres nerveuses non myélinisées qui traversent les différents
groupes de ganglions dits vertébraux, prévertébraux, et périphériques,
et qui prennent leur origine dans les cellules de la corne latérale de la
moelle épinière.
La deuxième partie constitue le parasympathique : Il diffère du pre-
mier par plusieurs points de vue. Tout d'abord, il émerge de certaines
portions seulement du névraxe ; substance grise du mésencéphale, de la
moelle allongée, et de la région sacrée. Ensuite ses fibres sont des fibres
à myéline et représentent, par suite,des éléments d'un ordre plus élévé,
anatomiquement et fonctionnellement, que les fibres du sympathique.
Si nous reprenons maintenant à propos du système nerveux autonome
notre conception dualiste,nous voyons que le parasympathique repré-
sente l'élément kinétique, tandis que le sympathique représente l'élé-
ment statique du système végétatif : la structure fibrillaire des cellules
du muscle lisse est en rapport avec les fibres kinétiques du parasympa-
thique. Le sarcosplama, au contraire, est sous le contrôle des fibres sta-
tiques du sympathique. Le premier constitue le mécanisme myokiné-
tique et dirige les manifestations primitives eu mouvement, le deuxième
constitue le mécanisme myostatique et maintient les manifestations pos-
turales primitives. Les éléments fibrillaires des muscles de la vie invo-
lontaire constituent un vaste réseau contractile qui transmet aux viscères,
en quelque sorte, une série de lentes vagues de mouvement. Le sarco-
plasma, au contraire, montrent les différents viscères dans un état de tonus
postural en rapport avec leur contenu, et analogue au tonus postural des
muscles de la vie de relation,
Autrefois, la physiologie envisageait bien l'excitation, la contraction
et le tonus des muscles, mais le tonus était étudié surtout à l'état de
repos. La conception de ce qu'on peut appeler la « fixation » de l'action
musculaire a apporté des notions nouvelles.
Actuellement, nous considérons qu'il existe non seulement une exci-
tation et contraction dans le règne du mouvement, mais que cette exci-
tation doit être envisagée également dans le règne du tonus. En d'autre
terme, la contraction proprement dite se traduit par un mouvement en
masse du muscle. La contraction tonique, ou mieux « la fixation », se tra-
duit par la dureté du muscle.
Les recherches physiologiques sur les fonctions motrices du tractus
gastro-intestinal confirment l'existence au niveau des viscères d'un
double processus statique et kinétique. Les graphiques intestinaux nous
le montrent très nettement : après excitation du vague, on voit un mou-
vement s'établir par suite de la contraction simultanée des fibres muscu-
laires longitudinales et des fibres musculaires de la paroi intestinale. Au
contraire l'excitation du sympathique provoque une augmentation géné-
rale du tonus.

Rapports entre les composantes statiques et kinétiques


du système nerveux végétatif et les signes cliniques
L'auteur envisage maintenant les relations qui existent entre le fonc-
tionnement du système nerveux végétatif et les signes cliniques : bien
que les faits constatés soient moins démonstratifs en ce qui concerne le
système nerveux végétatif qu'en ce qui concerne le cérébro-spinal, il y
a néanmoins un certain nombre de constatations qui confirment notre
conception. De même que les muscles de la vie de relation, les muscles
des viscères possèdent une fonction posturale qui a pour but de main-
tenir le tonus. Cette fonction est particulièrement importante au niveau
des viscères creux. Elle favorise l'adaptation de ces organes à leur con-
tenu ainsi que leur changement de forme par suite de la pression
hydrostatique. On peut établir le principe général suivant : c'est que
toute perturbation de facteur myostatique au niveau du système végéta-
tif provoquera un trouble du tonus postural. De même toute perturba-
tion du facteur myokinétique retentira de la même façon sur le mouve-
ment.
Les cliniciens ont, du reste, déjà noté depuis longtemps les diffé-
rences qui séparent ces deux fonctions en ce qui concerne la motilité
gastrique, et l'on sait bien que l'augmentation du tonus et celle du
péristaltisme ne marchent pas forcément de pair. En pathologie viscé-
rale les troubles du tonus postural sont liés au facteur statique de la
motilité. Parmi les troubles de cet ordre, nous citerons l'atonie et la
dilatation gastrique et intestinale; l'atonie et l'insuffisance du sphincter
pylorique et du sphincter rectal.
Les troubles en rapport avec le facteur kinétique se traduisent au
contraire par l'hyperkinésie, l'exagération du péristaltisme, les.. vomis-
sements et la diarrhée.
Il est probable également qu'au même facteur se rapporte la contrac-
tion des sphincters du pylore, du cardia, du rectum, bien qu'on puisse
envisager également à leurs niveaux des phénomènes de fixation postu
-
rale. Il en est de même de la'constipation dite spasmodique.
Cette conception d'un double mécanisme statique et kinétique inter-
venant dans les phénomènes de mouvement et dans les phénomènes de
posture, trouve donc une confirmation dans un grand nombre de
domaines différents : dans l'histologie, la physiologie, la biologie, la
chimie, l'anatomie comparée et la neurologie.
L'auteur a essayé également de bâtir son hypothèse sur la constata-
tion suivante : c'est que les deux éléments de la motilité que nous
venons d'envisager présentent un parallélisme structural et fonctionnel
à tous les degrés du système nerveux efférent. En d'autres termes, le
système de la motilité, comme celui de la sensibilité, n'est pas indivis :
il présente différents types fonctionnels, correspondant à l'adaptation
spéciale de l'organisme au milieu ambiant.
L'organisme animal, considéré dans ses rapports avec le monde
extérieur, se trouve soit dans un état de repos, soit dans un état de mou-
vement : ces deux fonctions sont assurées par le système nerveux effé-
rent. Le mouvement part de l'état postural et d'autre part aboutit à
l'état postural. Après cessation du mouvement, le muscle doit rester
dans une position de repos, dans un état statique spécial qui doit résister
à l'effort continuel de la pesanteur et de la pression atmosphérique. Il y
a dans l'activité musculaire une perpétuelle coopération et une véritable
harmonie des deux systèmes que nous venons de décrire. — L'un des
faits qui atteste à l'évidence cette coopération, c'est la double innervation
musculaire qui est représentée à la fois par le système nerveux végétatif
et par le système cérébro-spinal. — Toutefois, bien que concernant l'un,
la posture, l'autre le mouvement, chacun des deux systèmes coopère en
quelque sorte aux fonctions de son congénère : le système statique con-
tribue à la stabilité et à l'exactitude du mouvement; le système kinétique
joue un rôle dans le fait de maintenir l'attitude posturale. C'est le jeu
harmonieux de l'innervation qui favorise les différents phénomènes
moteurs.
Le système nerveux cérébro-spinal présente de toute évidence une
dualité de fonctions qui se manifeste à toutes les échelles du fonction-
nement. Elle se manifeste, en effet, au niveau des appareils archéokiné-
tiques,paléokinétiques et néokinétiques qui correspondent respectivement
aux réflexes, aux mouvements automatiques et associés, et aux synergies
indépendantes.
Là, aussi, l'on rencontre une innervation réciproque, avec la coopé-
ration mutuelle des deux grands systèmes statiques et kinétiques.
CONSIDÉRATIONS SUR LA PARAPLÉGIE
EN FLEXION A PROPOS D'UN CAS
(Avec une planche hors texte)

PAR
L. MARCHAND

Quand Babinski1 a isolé du groupe des paraplégies avec contracture


la paraplégie en flexion, il en précisa les principaux caractères que l'on
peut résumer ainsi : attitude en flexion des membres inférieurs, abolition
ou diminution de la motricité volontaire, abolition ou diminution des
réflexes tendineux, exagération des réflexes cutanés, apparition de mou-
vements involontaires quand on exerce une traction sur les membres,
absence d'anesthésie, formation rapide de rétractions fibro-tendineuses,
troubles sphinctériens et trophiques. Il considérait cette forme comme
symptomatique de lésions médullaires ou bulbaires (sclérose spinale,
néoplasme comprimant la moelle ou le bulbe, myélite aiguë) n'entraî-
nant pas la dégénération des faisceaux pyramidaux. Il admettait aussi
que des lésions bilatérales de l'encéphale pouvaient donner naissance à
un syndrome analogue. Il opposait cette paraplégie à la paralysie spas-
tique spinale d'Erb et au tabes dorsal spasmodique de Charcot, affec-
tions dans lesquelles les lésions desfaisceaux pyramidaux sont constantes.
Depuis les premières publications de Babinski les cas de paraplégie
avec contracture en flexion ont été l'objet de divers mémoires, chacun
confirmant et précisant les caractères de ce syndrome ou ajoutant
2
quelque particularité. C'est ainsi que dans le cas de Claude la para-
plégie en flexion s'accompagnait d'une anesthésie aux divers modes
remontant jusqu'à dix centimètres de l'ombilic. A l'autopsie, l'auteur
constata des tumeurs sarcomateuses méningées au niveau du VI' et du
VIIIe segment cervical, des IXe et Xe segments dorsaux. A partir du
1er segment lombaire, toute la moelle était englobée dans une masse sar-

comateuse végétante. Les lésions médullaires étaient accusées; « au


niveau de la XI dorsale, les compressions des régions supérieures

i. BABINSKI.Sur une forme de paraplégie spasmodique consécutive à une


lésion organique et sans dégénération du système pyramidal. (Bull. et Mém. de
la Soc. méd. des Hôp.,1899, p. 342.) — Paraplégie spasmodique organique
avec contractions musculairesinvolontaires. (Soc. de Neurologie, 12 janv. 1911.)
2. H. CLAUDE. Sur la paraplégie avec contracture en flexion. (Soc. de
Neurol., 2 fév. 1911.)
n'avaient pas provoqué une dégénération accusée des faisceaux pyrami.
daux. Les cordons de Goll et de Burdach étaient lésés. Au-dessous, la
moelle était comprimée et absolument déformée au milieu des masses
néoplasiques ».
Dans le cas de Souques t, se rapportant à un cas de sclérose en
plaques probable, les membres inférieurs avaient présenté des alterna-
tives de flexion et d'extension involontaires, lentes et peu douloureuses
avant de garder d'une façon permanente l'attitude en flexion. La même
remarque se retrouve chez le malade de Klippel et Monier-Vinard2 qui
paraissait atteint de mal de Pott ayant entraîné une compression extra-
dure-mérienne (pachyméningite externe) portant sur la moelle du v" au
x° segment dorsal. La flexion des membres n'était pas immuable. Spon-
tanément, les membres se plaçaient d'eux-mêmes dans la position de la
rectitude et il suffisait d'une excitation minime pour leur faire reprendre
la position fléchie.
Dans l'observation de Lian et Rolland 3, la malade était aussi atteinte
du mal de Pott et « il suffisaitde passer à côté de son lit ou de lui toucher
les jambes pour déterminer d'amples mouvements involontaires de
flexion ». Comme autres particularités, les réflexes rotuliens étaient
exagérés.
De ces observations, on peut rapprocher le cas récent de Roger,
Aymes et Piéri' et le deuxième cas de Souques. Dans le premier, la
paraplégie spasmodique en flexion s'était installée rapidement chez un
pottique à la période de cachexie terminale et s'accompagnait de xantho-
chromie et de dissociation albumino-cytologique du liquide céphalo-
rachidien. La paraplégie était déterminée par la compression de la face
externe de la dure-mère au niveau des segments Dl et D* par un abcès
ossifluent formant poche. Le cas de Souques5 est particulièrement inté-
ressant, car la paraplégie pottique en flexion datait de trois ans quand
elle disparut en deux mois après l'évacuation spontanée de l'abcès ossi-
fluent au niveau de la fosse iliaque externe du côté droit. Ainsi, la para-

i. A. SOUQUES. Paraplégie spasmodique organique avec contracture en


flexion et exagération des réflexes cutanés de défense. (Soc. de Neurol.,
2 mars iqii.)
2. KLIPPEL et MONIER-VINARD. Paraplégie avec contracture en flexion et
exaltation des réflexes de défense. (Soc. de Neurol., n juillet 1912.)
5. C. LIAN et J. ROLLAND. Paraplégie spasmodique avec contracture en
flexion (type cutanéo-réflexe de Babinski) dans un mal de Pott. (Soc. de
Neurol., 6 juin 1912, p. 843.)
4. H. ROGER, C. AYMES et J. PIÉRI. Paraplégie en flexion par abcès froid
pottique en bissac avec poche liquide extravertébrale suspleurale et poche
caséeuse comprimant les segments médullaires DI et D2 (Comité méd. des
Bouches-du-Rhône, mai 1923,)
5. A. SOUQUES. Paraplégie pottique en flexion causée par la compression
d'un abcès ossifluent et guérie par l'évacuation spontanée de cet abcès. (Soc.
de Neurol., 8-9 juin 1923, p. 649.)
plégie en flexion n'était due à aucune lésion destructive. Dans une
t,
observation également récente de Marinesco et de Paulian ces auteurs
arrivent à la même conclusion, à savoir que la paraplégie en flexion n'est
pas toujours due à une libération des segments lombo-sacrés de la
moelle. Chez leur malade, atteinte de paraplégie avec contracture en
flexion, la guérison fut obtenue à la suite d'un traitement spécifique.
Marinesco et Paulian pensent que la paraplégie relevait de lésions légères
de méningo-myélite qui n'avaient pas entraîné la dégénérescence des
faisceaux ascendants et descendants de la moelle.
Chez un sujet, considéré comme atteint de sclérose latérale amyotro-
phique et présentant une paraplégie en flexion, Anglade2 a noté des
lésions des cornes antérieures, des faisceaux pyramidaux, des méninges
et des nerfs périphériques, ce qui permet de faire des réserves sur le
diagnostic de sclérose latérale amyotrophique. La paralysie atteignit
tardivement les membres supérieurs. IP

De cette observation, on peut rapprocher celle d'Etienne et Gelma3.


En même temps que la paraplégie en flexion, il existait un état démentiel
et une parésie des membres supérieurs avec flexion des doigts et des
avant-bras. Néanmoins, la paraplégie présentait la plupart des caractères
décrits par Babinski. Même indécision au sujet du diagnostic dans le cas
de Gonnet et Piasco 3, les auteurs pensant à la sclérose en plaques; le
Bordet-Wassermann était négatif.
5
Le cas de Coyon et Barré présente au point de vue clinique et ana-
tomo-pathologique des particularités intéressantes. Le syndrome avait
débuté brusquement chez un sujet atteint de maladie de Recklinghausen
par une paraplégie spasmodique en extension qui se transforma en
quelques jours en paraplégie en flexion. Il avait été déterminé par la
compression de la moelle au niveau des segments D* et D3 par une petite
tumeur (neurofibrome de la grosseur d'un petit pois). Les cordons pyra-
midaux ne presentaient aucune lésion; les cordons postérieurs étaient
légèrement altérés. Même évolution clinique chez le sujet de Vergen et
MassiasG.

i. G. MARINESCO et D. PAULIAN. Un cas de paraplégie avec contracture en


flexion presque complètement guéri par le traitement spécifique (Soc. de
Neurol., 8-9 juin 1923, p. 663.)
2. ANGLADA. Sclérose latérale amyotrophique ascendante avec manifesta-

1911, p. 73.)-
tions douloureuses et paraplégie en flexion intense. (Montpellier med., 3o juillet
3. G. ETIENNE et [E. GELMA. Paraplégie spastique spinale en
flexion. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1911, p. 335.)
4. A. GONNET et J. PIASCO. Un cas de paraplégie avec contracture en
flexion (sclérose en plaques probable). (Soc. des Sc. méd. de St-Etienne,
7 juillet 1920; La Vie méd., août 1920, p. 353.)
5. A. COYON et A. BARRÉ. Paraplégie t type Babinski » chez un sujet atteint
de maladie de Recklinghausen. Absence de régénération secondaire des
faisceaux pyramidaux. (Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1913, p. tlI.)
6. Soc. allal. clin, de Bordeaux, 16 juillet 1923.
Dans les observations précédentes, la paraplégie en flexion est con-
ditionnée par des lésions soit médullaires, soit bulbaires ou protubéran-
tielles. Babinski avait cependant admis que ce type de paraplégie pouvait
être dû à des lésions cérébrales. Brissaud, Souques et Charcot avaient
d'ailleurs signalé de tels cas, mais l'observation de Pierre Marie et
Foix1 est la première dans laquelle la paraplégie en flexion d'origine
cérébrale s'accompagne de la dissociation signalée par Babinski entre
les réflexes d'automatisme dits de défense qui sont exagérés et les réflexes
tendineux qui sont diminués. Les lésions consistaient en une nécrose
sous-épendymaire progressive symétrique intéressant la substance
blanche des lobules paracentraux; il existait une dégénérescence secon-
daire des fibres des faisceaux pyramidaux destinés aux membres infé-
rieurs. Ainsi, cette observation montrait que la suppression des centres
sous-corticaux pouvait produire, comme les lésions médullaires ou méso-
céphaliques, l'automatisme médullaire et la paraplégie en flexion.
La communication de Pierre Marie et Foix laissait ainsi prévoir qu'il
devait y avoir des cas intermédiaires entre le type de paraplégie en
flexion d'origine cérébrale et celui de paraplégie en flexion d'origine
spinale. L'observation de Bouttier, Alajouanine et Girot2 en est un
exemple. Chez leur malade, on notait également une dissociation entre
les réflexes tendineux et les réflexes d'automatisme médullaire, mais
les symptômes associés (syndrome parkinsonien, paralysie verticale du
regard, consécutifs à l'encéphalite léthargique) permettaient de localiser
les lésions en un point élevé du nevraxe, dans les régions mésocépha-
3
lique et encéphalique. Enfin, dans sa thèse, Alajouanine a décrit un
type de paraplégie en flexion traduisant des lésions anatomiques uni-
quement cérébrales. Dans ce type, à la contracture en flexion avec exal-
tation des phénomènes d'automatisme médullaire, s'associent des
symptômes de sclérose cérébrale sénile (démence, rire et pleurer spas-
modiques, troubles pseudo-bulbaires) ; les lésions cérébrales sont
bilatérales, symétriques et prédominent sur la voie motrice paracen-
trale, l'écorce et les noyaux gris; elles consistent en lacunes de désinté-
gration et entraînent la dégénérescence de la voie pyramidale.
La paraplégie en flexion peut aussi apparaître à titre de complication
au cours d'autres affections du système nerveux. C'est ainsi qu'on
l'observe fréquemment au cours de la paralysie générale infantile ou
juvénile. Elle est alors liée à une sclérose combinée, la dégénération

i. PIERRE MARIE et CH. Foix. Paraplégie en flexion d'origine cérébrale par


nécrose sous-épendymaire progressive. (Revue Neural., janv. 1920, p. 1.)
2. BOUTTIER, ALAJOUANINE et GIROT. Paraplégie en flexion avec état par-
kinsonien et syndrome de Parinaud. (Soc. de Neurol., 14 décembre 1922,
p. 1514.)
3. TH. ALAJOUANINE. Sur un type de paraplégie en flexion d'origine cérébrale
avec exagération de l'automatisme médullaire (Thèse de Paris, 1923.)
fasciculaire dominant tantôt sur les cordons postérieurs, tantôt sur les
cordons antéro-latéraux.
Les cas de paraplégie en flexion et surtout ceux qui font l'objet d'une
étude anatomo-clinique sont donc encore peu nombreux. Chaque nou-
veau fait, s'il confirme généralement les caractères cliniques du syndrome
primitivement décrit par Babinski, montre combien sont variées les
altérations de l'axe cérébro-spinal pouvant conditionner ce type de para-
plégie. C'est à ce titre que l'observation suivante nous semble présenter
quelque intérêt.
T... est interné à l'asile de Blois à l'âge de quinze ans. On ne possède
aucun renseignement sur ses parents. Il a été élevé dans un hospice tenu par
des religieuses.
T... est atteint d'idiotie congénitale. Sa physionomie est inexpressive,
hébétée. La parole n'est pas développée. T... prononce quelques mots inintel-
ligibles parmi lesquels son nom et son petit nom. Il manifeste sa joie par des
grognements quand on lui présente la nourriture. Il est incapable de se servir
d'une cuiller ou d'une fourchette; il porte les aliments solides à sa bouche
avec les doigts. On est obligé de le faire boire. Il ne peut s'habiller seul. Il est
gâteux.
Physiquement, on note les particularités suivantes : La tête est petite, sans
stigmates grossiers de dégénérescence. Les lobules des oreilles sont adhérents;
le front est fuyant. Les cheveux sont implantés très bas sur le front. Les dents
sont assez bien plantées. Les mensurations craniennes sont les suivantes :
Diamètre antéro-postérieur maximum 16 c.
Diamètre transverse maximum
Indice céphalique -
13,i 100 80,1
13,1

........
Courbe antéro-postérieure (circonférence cranienne)... 31
Circonférence horizontale maximum 47

Diamètre bizygomatique
.............
Courbe biauriculaire transverse

Les membres sont normalement développés. On ne note aucune paralysie,


25
II,7

aucun trouble de la sensibilité. La marche est normale. Les réflexes tendineux


sont faibles.
La verge et les bourses sont bien développées. Absence complète de poils.
Le corps thyroïde n'est pas hypertrophié.
Quelques mois après son entrée à l'asile, on remarque que T... a de la
difficulté à mouvoir son membre inférieur droit. La marche est possible, mais
le malade claudique, tenant toujours la jambe droite légèrement fléchie sur la
cuisse. Les muscles des mollets et de la cuisse paraissent moins développés
que ceux du membre inférieur gauche. La force musculaire du membre infé-
rieur droit est diminuée. Le réflexe patellaire droit est plus faible que le
gauche. Les réflexes achilléens sont normaux; le réflexe cutané plantaire est
conservé. Pas de signe de Babinski, pas de clonus de la rotule, ni trépidation
épileptoïde du pied. La sensibilité est très difficile à explorer en raison de la
faiblesse intellectuelle du sujet; elle paraît normale. La pression des muscles
n'est pas douloureuse.
Quand le sujet est étendu, le membre inférieur droit garde une attitude en
légère flexion facilement corrigée passivement. On ne constate aucun mouve-
ment spasmodique, aucune secousse parcellaire.
L'impotence gagne bientôt le membre inférieur gauche et on est obligé de
tenir T... alité. L'atrophie des muscles des membres inférieurs est nettement
accusée. Dès les premières semaines de l'alitement, on note que les membres
inférieurs présentent une triple flexion qui augmente rapidement ensuite.
A dix-sept ans, T... présente l'attitude suivante : Les segments des membres
inférieurs sont tenus fléchis. La flexion est plus prononcée du côté droit. Le
malade peut accomplir les mouvements de flexion des cuisses sur le bassin et
de la jambe sur la cuisse; les mouvements d'extension sont limités; l'extension
des cuisses sur le bassin ne dépasse pas l'angle droit; l'extension de la jambe
sur la cuisse est encore plus limitée. Les pieds sont fléchis et tenus en varus;
les mouvements volontaires sont à peine ébauchés. Les mouvements de
flexion des orteils sont plus étendus que les mouvements d'extension.
Les mouvements passifs sont plus étendus que les mouvements actifs, mais
il est impossible d'étendre complètement la jambe sur la cuisse et la cuisse sur
la jambe. L'extension à partir d'un certain degré devient douloureuse et on
constate une tension des tendons des muscles postérieurs de la cuisse. Aban-
donnés à eux-mêmes, les membres reprennent rapidement la position fléchie.
Atrophie musculaire portant sur l'ensemble des membres inférieurs. La
force musculaire est très diminuée. Les muscles, à la palpation, présentent une
certaine dureté. Les articulations sont indemnes. La pression des troncs ner-
veux n'est pas douloureuse. La circulation des membres est normale.
La sensibilité à la douleur, au chaud, paraît bien conservée. La faiblesse
intellectuelle empêche d'apprécier la sensibilité au tact et le sens musculaire.
Quel que soit l'endroit des membres supérieurs que l'on pique, frappe, frotte
ou pince, on détermine une augmentation de la flexion des divers segments.
On obtient le même résultat en comprimant les masses musculaires ou en
percutant les tendons. Jamais on obtient l'allongement des membres. La
piqûre ou le pincement des membres supérieurs augmente légèrement aussi
l'attitude en flexion. Il suffit de découvrir le malade pour obtenir le même
résultat. Les efforts musculaires des membres supérieurs n'ont aucune
influence sur la flexion. En dehors de ces mouvements d'automatisme médul-
laire, on ne constate aucune contraction spasmodique intermittente.
Les réflexes patellaires sont très faibles; les réflexes achilléens sont nuls.
Le réflexe cutané plantaire est absent. Les réflexes abdominaux et crémasté-
riens sont conservés. Pas de clonus du pied et de la rotule.
Aux membres supérieurs, on ne note qu'une légère amyotrophie. La force
musculaire est assez bien conservée. Tous les mouvements volontaires sont
possibles. Le réflexe radial et le réflexe olécranien sont exagérés. Pas de
troubles de la sensibilité. Léger tremblement des mains et des doigts.
On ne note aucune paralysie de la face et des muscles oculaires. Les
pupilles sont égales et réagissent à la lumière.
Le malade est gâteux. Les réservoirs se vident normalement.
Dans la suite,cet état de contracture en flexion et l'atrophie musculaire
augmentent. On constate des symptômes de tuberculose pulmonaire du côté
droit. Le malade se cachectise.
Trois ans après son entrée à l'asile, T... présente l'attitude suivante (fig. I) :
Membre inférieur droit. La face antérieure de la cuisse s'applique contre
l'abdomen. Le genou atteint la fourchette du sternum et la cinquième côte
gauche. La jambe est fléchie sur la cuisse et affecte avec elle des rapports si
étroits et constants que la face postérieure de la cuisse présente une gouttière
formée par l'empreinte de la jambe. Le pied est en flexion plantaire à angle
si obtus que sa plante repose sur le plan horizontal du lit, le sujet étant couché
sur le dos. Le tilon a creusé une fossette sur la fesse droite. Les mouvements
des membres sont nuls.
La circonférence de la cuisse à sa partie moyenne est de i5 centimètres,
la circonférence du mollet de i3 centimètres.
Par suite de la disposition vicieuse des membres inférieurs, les deux pieds
du malade sont croisés, le pied gauche s'appliquant sur le pied droit à la partie
inférieure du tronc.
Membre inférieur gauche. La cuisse est fléchie sur le bassin, la jambe est
fléchie sur la cuisse de telle façon que le genou arrive au niveau de la troi-
sième côte gauche et atteint le bord inférieur du creux axillaire. Le pied est
en équinisme et la plante regarde en dedans. Les mouvements actifs et passifs
d'extension et de flexion de la cuisse, de la jambe et du pied sont nuls. Les
mouvements de flexion des orteils sont ébauchés.
La circonférence de la cuisse à sa partie moyenne est de 21 centimètres;
celle du mollet de 16 centimètres.
L'état de contracture des membres inférieurs est si prononcé q'.'.e l'on peut
soulever le malade en cherchant à étendre la jambe sur la cuisse.
Tous les mouvements des membres supérieurs sont normaux.
Le malade meurt à l'âge de dix-neuf ans et demi dans un état de cachexie
profonde. Les dernières semaines, des escarres étaient apparues au niveau
du coude gauche, du sacrum, au-dessous des deux rotules.
La photographie ci-jointe (fig. I) a été prise immédiatement après la mort.
La petite plaie située au-dessus de la racine du nez est le résultat de grattages
faits par le malade pendant les huit derniers jours de son existence.
Autopsie : Système nerveux. Boîte cranienne assez mince. Pas d'adhé-
rences de la dure-mère à la boîte cranienne et aux méninges molles. Pas
d'athérome des artères cérébrales.
Le poids total de l'encéphale est de 898 grammes. L'hémisphère droit pèse
390 grammes, le gauche 38o grammes; le cervelet et le bulbe 128 grammes.
Traînées opalescentes disséminées sur la pie-mère à la convexité du cer-
veau, surtout sur la moitié antérieure des hémisphères. La pie-mère épaissie
se décortique assez facilement.
L'ensemble du cerveau est régulièrement frappé de défaut de développe-
ment, les ventricules latéraux ne sont pas dilatés.
Rien de particulier à l'extraclion de la moelle.
Cavité thoracique et abdominale. Poumons : le poumon gauche est adhérent
à la cage thoracique. Congestion généralisée. Hépatisation rouge. Pas de
lésions tuberculeuses. Le poumon droit est également adhérent. Cavernes loca-
lisées au sommet.
Le cœur est flasque, mou. Poids 115 grammes.
:
Le rein droit pèse go grammes, le gauche 100 grammes. Ils sont conges-
tionnés sans autre lésion.
Le foie pèse 1010 grammes. Il est congestionné.
Examen histologiquedu système nerveux. Cerveau. La pie-mère est épaissie,
stratifiée, adhérente par place au cortex sous-jacent (séquelles d'un état
méningé ancien).
La couche corticale est peu épaisse. Les cellules pyramydales, bien moins
nombreuses qu'à l'état normal, ne sont pas disposées par couches régulières;
les cellules profondes ne sont pas plus volumineuses que les cellules superfi-
cielles. Toutes les cellules pyramidales sont petites, mal développées sans
autres lésions. Dans les espaces péricellulaires les cellules rondes sont plus
nombreuses que normalement.
La couche des fibres tangentielles contient très peu de fibres; la strie de
Baillarger est à peine apparente.
Le tissu névroglique est partout hyperplasié,mais principalement dans la
couche moléculaire.
Aucune lésion des vaisseaux.
Cervelet. A part la microgyrie, on ne note aucune lésion.
Bulbe. La pyramide droite est un peu moins grande que la gauche. Aucune
lésion des cellules des noyaux des nerfs craniens.
Moelle. Les lésions ne portent que sur les cellules nerveuses motrices qui
sont toutes atrophiées sans aucune lésion dégénérative des cordons (fig. II,
III, IV). Le canal central médullaire est élargi sur toute la hauteur de
la moelle. Les cellules de la colonne de Clarke sont relativement bien
développées.
Les lésions ont leur maximum d'intensité au niveau de la moelle lombaire.
Le corps des cellules motrices atteint à peine le cinquième de son volume
normal (fig. V). Leurs prolongements protoplasmiques sont rares. Les granu-
lations chromophiles sont réduites en poussière; le noyau est rabougri. On ne
note aucune prolifération dutissu névroglique, aucune lésion des vaisseaux et
de la méninge.
Racines. Aucune dégénération des fibres à myéline; aucune lésion des
ganglions rachidiens.
Nerfs périphériques. L'examen a porté sur plusieurs filets des. sciatiques
poplités externes. On ne constate aucune altération.

Ainsi, un sujet atteint d'idiotie congénitale (microcéphalie) présente à


l'âge de seize ans de la faiblesse musculaire, d'abord dans le membre
inférieur droit dont les divers segments, dès le début de la maladie, ont
une tendance à se mettre en flexion. Quelques mois plus tard, la para-
lysie s'étend au membre inférieur gauche.
Rapidement, la paraplégie prend le type en flexion. Les mouvements
volontaires deviennent très limités, surtout les mouvements d'extension.
Les pieds sont tenus en varus. L'atrophie porte sur l'ensemble des
muscles des membres inférieurs. On ne constate aucun trouble objectif
ou subjectif de la sensibilité. Les réflexes rotuliens sont faibles, les
achilléens absents; pas de clonus du pied, pas de trépidation épilep-
toïde; pas de Babinski. Les réflexes de défense sont exagérés.
La paralysie suit une marche progressive. Deux ans après le début
des troubles, les membres inférieurs sont complètement fléchis; les
mouvements volontaires des cuisses et des jambes sont nuls. Des rétrac-
tions fibre-tendineuses se sont formées.
si
Les membres supérieurs ne présentent rien de particulier, ce n'est
une légère atrophie des muscles.
Le sujet meurt de tuberculose pulmonaire à l'âge de dix-neuf ans
et demi.
A l'autopsie, on constate un défaut de développement de tout l'en-
céphale qui pèse 898 grammes. Aucune lésion localisée. L'examen
microscopique décèle des épaississements méningés, de la sclérose céré-
brale diffuse portant sur l'écorce et les noyaux centraux; les cellules
pyramidales sont moins nombreuses que normalement et elles sont
irrégulièrement ordonnées.
Dans la moelle, la seule lésion consiste en une atrophie considérable
des cellules des cornes antérieures dans toute la hauteur de la région
dorso-lombaire. Les faisceaux pyramidaux ne présentent aucune altéra-
tion dégénérative.
En résumé, il s'agit d'un cas de paraplégie en flexion conditionnée
par l'atrophie des cellules motrices médullaires survenant chez un sujet
atteint de sclérose cérébrale congénitale.
Notre observation constitue une forme rare de paraplégie en flexion,
quoique depuis nous ayons eu l'occasion d'en observer un second cas
dont nous n'avons pu faire l'autopsie.
Quand on étudie les diverses observations de paraplégie spasmo-
diques en flexion publiées jusqu'alors, on remarque combien elles
diffèrent à la fois par leur évolution et leur symptomatologie. On peut
décrire les deux variétés suivantes :
io La paraplégie en flexion succède à une paraplégie en extension;
20 La paraplégie en flexion est primitive.
Dans la première variété, la paraplégie en flexion fait suite à une
paraplégie en extension. Deux cas peuvent se présenter. Dans le premier,
les symptômes de spasticité, observés au cours de la paraplégie en exten-
sion, ne présentent aucune modification. Les réflexes tendineux conti-
nuent à être exagérés, le signe de Babinski persiste, la trépidation épi-
leptoïde du pied, le clonus de la rotule peuvent encore être observés
jusqu'au moment où des rétractions fibro-tendineuses et l'atrophie mus-
culaire empêchent leurs manifestations. Quelquefois, seuls les réflexes
rotuliens s'affaiblissent ou même disparaissent, les autres symptômes de
spasticité restant aussi prononcés (cas de Bouttier, Alajouanine et Girot,
cas de Verger et Massias).
C'est également dans ce groupe que rentrent les cas de paraplégie
spasmodique dans lesquels, au début tout au moins, les membres se
mettent tantôt en flexion, tantôt en extension (premier cas de Souques,
cas de Klippel et Monier-Vinard).
Dans le second cas, la première phase est caractérisée par une para-
plégie spasmodique en extension avec réflexes achilléens et patellaires
exagérés, clonus du pied et de la rotule, signe de Babinski. Dans la
deuxième phase, les membres prennent l'attitude en flexion, mais les
signes de spasticité en dehors de la contracture disparaissent. Les
réflexes tendineux sont diminués ou nuls ; on ne constate plus le signe
de Babinski, le clonus du pied, la trépidation épileptoïde (cas de
Babinski, cas de Coyon et Barré, 2e cas de Souques). Dans cette forme
évolutive, la paraplégie en flexion « apparaît au cours d'affections à
évolution lente et elle est précédée par des signes de tabes spasmodique
qui disparaissent peu à peu » (Babinski'). Ce type peut également, dit
le même auteur, succéder à une paraplégie flasque liée à une myélite
aiguë.
Il y a lieu de remarquer que, même chez un sujet normal, le réflexe
rotulien est difficile à obtenir quand les cuisses et les jambes sont tenues
en flexion prononcée. Quand seul ce réflexe fait défaut, on ne peut
affirmer sa disparition que si des examens répétés au cours de périodes
de détente de la flexion confirment le fait. On a d'abord attribué l'abo-
lition ou la diminution des réflexes tendineux, la disparition ou l'absence
du clonus du pied et de la trépidation épileptoïde à l'amyotrophie ou
aux rétractions fibro-tendineuses qui viennent compliquer si rapidement
la paraplégie en flexion. Il semble bien que cette raison peut entrer en
ligne de compte chez certains sujets. Mais la constatation du même
phénomène au cours de paraplégie en flexion ne s'accompagnant pas
de rétractions fibro-tendineuses, montre qu'il y a lieu de rechercher
une autre interprétation. Pour Claude, l'abolition ou la diminution des
réflexes tendineux est sous la dépendance de lésions des cordons
postérieurs ou des racines. Mais il existe des observations de paraplégie
en flexion avec disparition des réflexes tendineux dans lesquels l'exa-
men histologique montre l'intégrité des cordons postérieurs et des
racines. Foix2 admet qu'il s'agit d'un phénomène d'inhibition: « Quand
sur un malade, écrit cet auteur, présentant du clonus du pied ou de la
rotule, on provoque l'un de ces clonus ei qu'ensuite on excite la sensi-
bilité superficielle ou profonde de façon insuffisante pour provoquer un
réflexe d'automatisme, on voit cependant s'arrêter le clonus. Ainsi donc
le premier effet de l'excitation de l'automatisme médullaire est l'inhibi-
tion de la réflectivité tendineuse. Il n'est donc pas étonnant de voir
disparaître cette réflectivité chez des malades chez qui l'automatisme est
exalté à un haut degré. »
i. Soc. deNeurol., 12 janv. 191I. — 2. Ch. Foix. L'automatisme médul-
laire. (Questions neurologiques d'actualité, 1922, p. 400.)
Dans la deuxième variété, la paraplégie est d'emblée en flexion. Mais
ici encore les observations peuvent se diviser en deux groupes. Dans le
premier, les signes de spasticité restent accusés pendant toute la durée
de l'affection (cas de Anglade, de Gonnet et Piasio, de Marinesco et
Paulian, de Lian et Rolland) ou seuls les réflexes patellaires s'affai-
blissent ou même disparaissent (cas d'Etienne et Gelma) « après une
période plus ou moins longue pendant laquelle il y a eu surréflectivité
tendineuse)) (Babinski t).
Dans le deuxième groupe, dès les premiers symptômes de la para-
plégie, les membres inférieurs se fléchissent, la rigidité musculaire suit
une marche progressive, mais les réflexes tendineux sont affaiblis ou
nuls. On ne constate ni mouvements spasmodiques, ni trépidation
épileptoïde du pied et de la rotule, ni signe de Babinski (cas de Ba-
binski3, cas de Pierre Marie et Foix, notre cas).
Cette forme se différencie facilement de la paraplégie en flexion
d'origine périphérique (Courbon3) et de la paraplégie d'origine myopa-
thique dont la paraplégie des vieillards, individualisée par Lejonne et
Lhermitte4, représente une des principales variétés. Dans cette affection,
la paraplégie débute à un âge très avancé après que le malade a été alité;
les membres se placent progressivement en rtexion; les muscles s'atro-
phient, deviennent durs, se sclérosent; la marche de l'affection est lente.
Les lésions sont localisées dans les muscles qui présentent une atrophie
numérique et volumétrique des fibres striées avec augmentation du tissu
conjonctif. Dans la paraplégie en flexion due à des lésions de l'axe
cérébro-spinal, l'affaiblissement musculaire est primitif et on constate,
avant que le malade s'alite, une tendance des membres à se mettre en
flexion. Les muscles s'atrophient sans présenter au début de dureté
scléreuse; enfin les réflexes de défense sont exaltés.
Pour certains auteurs, entre autres pour Noïca 5,
la contracture en
flexion des membres inférieurs est une pseudo-contracture, une attitude
de repos. Noïca appuie son interprétation sur les remarques suivantes.
On peut observer cette attitude : 1° chez les adultes et les vieillards
hemiplégiques non seulement du côté paralysé, mais même du côté sain;
1. J. Réflexes de défense. (Revue neuroL, août 1922, p. 1060.)
BABINSKI.
2. J. Contracture tendino-réflexe et contracture cutanéo-réflexe.
BABINSKI. -

(Revue neural., 3o juillet IQI2, p. 70.)


3. P. COURBON. Récupération chirurgicale de la marche après huit ans de
paraplégie en flexion. (L'Encephale, juillet-août 1923, p. 455.)
4. P. LEJONNE et J. Lhermitte. Études sur les paraplégies par rétraction
chez les vieillards. (Nouv. Icon. de la Salpêtrière, ann, xix, n° 3, igo6, p, 255.)
J. LHERMITTE. Étude sur les paraplégies des vieillards. (Thèse de Paris,
1907.)
5. NOÏCA. Sur la contracture des membres inférieurs en flexion. (Revue Neu-
rol., 1909, p. 228. — A propos de l'article de M. Babinski, « Paraplégie spas-
modique organique avec contracture en flexion et contractions involontaires.
(Soc. de'Neurol., 6 juillet l, p. 173.)
191
2° chez les enfants qui n'ont jamais marché ou qui ne marchent pas
depuis des années, chez les adultes ou les vieillards qui ne marchent pas
depuis longtemps par le fait d'une paralysie des membres inférieurs.
Cette position devient définitive par l'établissement de rétractions fibro-
tendineuses. Babinski a montré que la raideur des membres dans la
paraplégie en flexion est liée à un phénomène éminemment actif, à un
mode d'activité musculaire entrecoupé parfois de mouvements spasmo-
diques avant de devenir stable. D'ailleurs des faits de guérison rapide
de paraplégie en flexion ayant eu une durée de plusieurs années montrent
que, dans ces cas, on ne pouvait admettre une pseudo-contracture fixée
par des rétractions fibro-tendineuses. La paraplégie en flexion se com-
plique souvent, il est vrai, et parfois rapidement, de rétractions fibro-
tendineuses, mais c'est là un phénomène secondaire et non primitif.
Dans la première période de l'affection, on n'observe pas de lésions arti-
culaires ou périarticulaires. De plus, on voit communément des sujets
atteints de démence sénile avec affaiblissement musculaire prononcé des
membres inférieurs qui ne présentent pas ce type de paraplégie après un
séjour prolongé au lit.
Il y a lieu de remarquer que dans notre cas, la paraplégie était liée à
l'atrophie des cellules des cornes antérieures de la moelle et elle prit
peut-être le type en flexion à cause des lésions scléreuses intéressant tout
l'encéphale (cerveau, cervelet, mésocéphale) qui existaient avant le début
de la poliomyélite chronique et qui déterminaient une certaine libéra-
tion du segment médullaire dorso-lombaire. Nous pouvons rapprocher
notre observation de celle de Babinski concernant une forme de con-
tracture liée à une irritation des cornes antérieures dans un casde syrin-
gomyélie. « Il s'agirait de raideurs provenant d'un mode pathologique
de l'activité musculaire conditionnée par une irritation du neurone
moteur périphériquel. »
Ces constatations sont importantes à noter, car elles montrent que la
paraplégie en flexion peut s'observer quand les cellules motrices de la
région médullaire dorso-lombaire sont lésées. Elles sont en contradic-
tion avec l'opinion de Walsche3 et de Riddoch 3. D'après ces auteurs,
l'activité réflexe des fléchisseurs des membres inférieurs réside unique-
ment dans les noyaux spinaux, l'activité réflexe des extenseurs nécessite
l'intervention des centres situés dans le mésocéphale. S'il en était ainsi,
la contracture en flexion n'aurait pu se produire chez notre sujet à moins
de supposer, comme nous venons de le dire, que l'activité réflexe des

i. une irritation des cornes antérieures de la


BABINSKI. Contracture liée à
moelle dans un cas de syringomyélie. (Soc. de Neural., 6 février 11 3, p. 246.)
2. WALSHE. Sur la genèse et la signification physiologique de la spasticité
et autres désordres de l'innervation motrice. (Brain, 1919.)
3. G. RIDDOCH. Les fonctions réflexes dans les sections complètes de la
moelle chez l'homme. (Brain, 1917.)
cellules motrices médullaires ait été très augmentée du fait des lésions
encéphaliques diffuses présentées par notre malade. Foix admet d'ailleurs
que les lésions des voies extrapyramidales, particulièrement des corps
striés participent très probablement à la pathogénie des contractures en
flexion. De nouvelles observations anatomo-cliniques sont nécessaires
pour élucider cette question.
Si maintenant on cherche à préciser quels sont les symptômes qui
se retrouvent dans toutes les paraplégies en flexion, nous n'en trouvons
qu'un seul dont l'importance a d'ailleurs été mise en lumière par tous
les auteurs qui ont étudié ce type de paraplégie, c'est l'exaltation des
réflexes d'automatisme médullaire. La contracture en flexion est liée à
l'exagération de l'automatisme médullaire et elle peut être considérée,
dit Foixt, « comme un phénomène des
raccourcisseurs fixé et par
conséquent comme une contracture d'automatisme ». Babinski, pour
bien mettre en évidence le rôle des réflexes de défense dans cette forme
de paraplégie, la désigne sous le nom de type cutanéo-réflexe par oppo-
sition au type tendino-réflexe dans lequel la contracture dépend de la
surréflectivité tendineuse.
Il y a lieu de remarquer toutefois que l'attitude en flexion ne se pro-
duit pas dans toutes les paraplégies spasmodiques s'accompagnant d'une
exaltation des réflexes de défense (Déjerine). Donc l'exagération de
l'automatisme médullaire n'est pas suffisante pour expliquer le type en
flexion des paraplégiques, mais on peut dire qu'elle est indispensable.
L'abolition ou la diminution des réflexes tendineux ne peut être
considérée comme un symptôme constant de cette variété de paraplégie
puisqu'ilexistedes cas dans lesquels les réflexes tendineux sont exagérés.
Les lésions qui conditionnent la paraplégie en flexion sont variables
comme nature et localisation. Les premières observations semblaient
montrer que ce type s'observait dans les cas de compression de la
moelle ou du bulbe, de sclérose spinale n'entraînant pas la dégénération
des faisceaux pyramidaux (Nicaud)2. D'après les divers cas cités plus
haut, on peut conclure que cette forme de paraplégie peut s'observer au
cours de toutes les affections intéressant l'axe nerveux pourvu qu'elles
entraînent une exaltation de l'automatisme médullaire. Elle est liée à
des processus anatomiques variables (Pierret et Duhot)3. Elle peut
dépendre soit de lésions destructives (tumeurs sarcomateuses, myélite
aiguë, méningo-myélite, sclérose latérale, sclérose en plaques, nécrose
des lobules paracentraux, sclérose cérébrale sénile, sclérose cérébrale

i. Ch. Foix. Rapport sur les compressions médullaires (Soc. de neural.,


réunions des 8-9 juin 1923, p. 636.)
2. P. NICAUD. La paraplégie en flexion (These de Paris, 1914.)
3. R. PIERRET et DUHOT. Le syndrome paraplégie avec contracture en
flexion à type cutanéo-rétlexe de Babinski (Echo mèd. du Nord, ann. XVII, 2 mars
1913, p. 101.)
infantile et poliomyélite chronique), soit de lésions irritatives ou simple-
ment compressives sans lésions dégénératives (pachyméningite externe,
compression médullaire parabcèsossifluent, neurofibrome). Le deuxième
cas de Souques, concernant une femme qui guérit d'une paraplégie en
flexion ayant eu une durée de trois ans en est une preuve. La compres-
sion de la moelle par un abcès ossifluent avait déterminé une libération
physiologique et non anatomique de la moelle inférieure. Donc, la
présence de réflexes de défense même très prononcés et de troubles
moteurs des plus accusés n'est pas nécessairement l'expression d'un état
incurable. Par contre le cas de Claude dans lequel la moelle au-dessous
de la x' dorsale « était comprimée et absolument déformée au milieu des
masses néoplasiques, les fibres ne se colorant plus » montre que ce
syndrome peut s'observer quand il y a lésion globale de la moelle lom-
baire. On ne saurait donc actuellement considérer la paraplégie en
flexion comme pathognomonique d'une compression spinale sans
dégénérescences fasciculaires.

EXPLICATION DES FIGURES


FIGURE I. — Paraplégie en flexion. Photographie prise immédiatement
après la mort.
FIGURES 2, 3 et 4. —
Moelle cervicale; moelle dorsale; moelle lombaire.
Méthode de Weigert-Pal. Absence de dégénérescence fasciculaire.
FIGURE 5.
— Corne antérieure
gauche de la moelle lombaire. Méthode de
Nissl. Micros. Zeiss, ocul. 3, obj. D. Atrophie des cellules motrices.
,"R:"

Fi-.U'P,

RUE

A.
DEL

L'ENCÉPHALE
TRAVAIL DU LABORATOIRE DE PSYCHIATRIE DE
L'UNIVERSITÉ ET DU SERVICE
DE PSYCHIATRIE ET DE NEUROLOGIE DU « KOMMUNEHOSPITAL »
A COPENHAGUE (PROF. Dr A. WIMMER)

LA SARCOMATOSE DIFFUSE DES MÉNINGES


(MALADIE D'OLLIVIER)
( Avec une planche hors texte)

PAR
Knud H. KRABBE
(de Copenhague)

La sarcomatose diffuse des méninges, maladie bien caractérisée


quant à l'anatomie pathologique, présente une image clinique très
variable. C'est pourquoi il est de quelque intérêt, quoiqu'on ait déjà
publié un certain nombre de cas de cette maladie, d'observer encore
quelques cas pour chercher des traits qui peuvent apporter une contri-
bution au diagnostic de la maladie déjà dans les premières phases de
son évolution. Voici l'histoire d'un cas que nous avons observé:
Viggo H., âgé de deux ans trois quarts, fils d'un charcutier. Admis au
« Kommunehospital » de Copenhague, le 28 mars 1923, mort là le 17
avril 1923.
Il est né à terme, de manière normale et têta pendant deux mois. A l'âge
de quinze mois, il savait marcher et commença à parler. Il fut atteint dès
l'âge de six mois d'un strabisme convergent, du reste, il était bien portant.
A l'âge de vingt et un mois, il tomba dans une cave, mais sans que cette
chute ait des conséquences. A l'âge de deux ans et trois mois survint de
nouveau un traumatisme de la tête et c'est à partir de cette époque que
ses parents datent sa maladie. Celle-ci commença par des troubles de la
démarche, il marchait le dos courbé, puis il se mit à marcher sur les orteils
et à fléchir les genoux. Il finit par ne plus pouvoir marcher. Sa température
commença à être élevée, il maigrissait et devenait pâle.
Etant considéré comme souffrant d'une tuberculose de la colonne verté-
brale, il fut admis à l'institut Finsen pour être traité à la lumière du soleil
artificiel. L'examen pour l'admission démontra ce qui suit Le petit garçon
était bien orienté, il ne se plaignait pas. Vomissements fréquents. Il perdait
l'urine et les excréments. Il était très émacié. On observait parfois des
secousses dans les extrémités supérieures. Forte raideur de la nuque; la
tête tournée vers la droite. Le bulbe gauche immobile, à pupille dilatée, sans
réaction à la lumière. Ptosis à droite ; l'œil droit mobile, à pupille dilatée
et réagissant à la lumière. Le malade parlait distinctement. Les extrémités
supérieures raides et parétiques tremblaient un peu. Les extrémités infé-
rieures en position de grenouille avaient les muscles flasques et parétiques,
Vif clonus du pied droit. Réaction de Bordet-Wassermann négative, réac-
tion de Pirquet négative.
Après quelques jours de séjour à l'institut Finsen, l'enfant fut transféré
au service des maladies nerveuses du Kommunehospital. L'examen ophtal-
moscopique démontra de l'œdème dans les deux papilles dont les limites
étaient effacées. Les vaisseaux étaient hyperhémiques et tortueux. Les deux
pupilles dilatées, sans réaction à la lumière. Phtosis gauche. Le malade
était alors incapable de mouvoir les yeux. Il y avait une paralysie faciale
gauche. Il était à peine question d'anesthésie faciale. Il murmurait un peu,,
sa mentalité semblait troublée. La tête avait la forme un peu hydrocépha-
lique, les fontanelles étaient fermées.
Extrémités supérieures hypotoniques, muscles des bras et des épaules
atrophiques ; pas d'atrophie certaine des avant-bras et des mains. Réflexes
tendineux abolis. L'extrémité supérieure gauche tout à fait paralysée, sem-
blait analgésique. Les doigts de la main droite se mouvaient un peu, il les
retirait lorsqu'on les piquait.
Les extrémités inférieures étaient tout à fait contractées, la musculature
était atrophique. En percutant le tendon sous-patellaire, il n'apparaît aucun
réflexe rotulien, par contre, il paraît une flexion de tous les orteils. Cette
flexion des orteils augmentait quand on percutait la partie plus distale du
tibia. L'irritation plantaire provoquait aussi cette flexion des orteils, mais
pas d'extension. Les extrémités pouvaient être passivement agitées, dans tous
les jointures, elles étaient hypotoniques et complètement paralysées.
La colonne vertébrale était fortement recourbée en arrière et ne pouvait
pas être courbée en avant. La respiration présentait faiblement le type de
Cheyne-Stoke.
Par la ponction lombaire, il s'évacua environ i centimètre-cubede liquide
jaune gélatineux qui se coagula spontanément. L'examen microscopique
démontra une pléocytose. Les cellules étaient ovoïdes, granulées, du volume
des grandes lymphocytes, mais sans noyau distinct. La réaction de Pandy
présenta une augmentation considérable des albumines.
L'urine donna une faible réaction de sucre.
Pendant le séjour à l'hôpital, la débilité du malade augmenta et il mou-
rut le 17 avril 1923.
Dès le commencement,on avait au « Kommunehospital » diagnostiqué
une sarcomatose diffuse des méninges. Le diagnostic fut porté d'une des-
truction profonde progressive de la moelle épinière, à laquelle s'ajoutaient
des symptômes de tumeur à la base du cerveau. L'examen du liquide
céphalo-rachidiensoutint ce diagnostic.
L'autopsie le confirma. Toute la dure-mère de la moelle épinière était
gonflée comme un long saucisson. Lorsqu'on fit des coupes transversales,
on vit la moelle épinière enfermée dans toute sa longueur dans une masse
qui distendait la dure-mère, mais qui ne la transperçait pas. La tumeur
s'étendait, de plus, à la surface inférieure du bulbe, de la protubérance et en
partie sur celle du cervelet (fig. 1). L'examen microscopique démontra que la
tumeur était un sarcome globo-cellulaire à très grande vascularisation,plutôt
même un angio-sarcome globo-cellulaire. La moelle épinière, colorée par la
méthode dela myéline présentait devastes dégénérescences des gaines myé-
liniques, surtout dans les parties périphériques de la moelle.
C'est Ollivier qui le premier a donné la description d'un cas de
tumeur, un sarcome sans doute, envahissant en grande extension les
méninges du cerveau et de la moelle.
Il s'agissait du petit Jean Legrand, âgé de onze ans et demi qui était
entré à l'Hôpital des Enfants en 1823. Cet enfant, habituellement bien
portant, avait été pris six mois auparavant de céphalalgies très intenses ;
en outre, il avait quelquefois des vomissements. Ses facultés intellec-
tuelles s'affaiblissaient, il n'avait plus de mémoire, était triste, n'avait
plus de goût à rien. La vue s'affaiblissait aussi. En cet état, il eut une
éruption croûteuse à la tête. Les vomissements augmentèrent et il parut
de légères convulsions dans les yeux; il ne distinguait plus les objets
qu'on lui présentait. Puis il eut des accès convulsifs, des mouvements
continuels, une agitation extrême. A son entrée à l'hôpital, il avait un
renversement de la tête en arrière avec céphalalgie très intense ; impos-
sibilité de se tenir assis; pupilles dilatées et sensibles à la lumière, mais
impossibilité de reconnaître les personnes ou les objets proches. L'ouïe
et la voix n'étaient pas altérées, les membres étaient sensibles et se
remuaient facilement, mais ils étaient douloureux, le pouls petit, lent et
irrégulier. Le lendemain, l'agitation devint extrême, il poussait des cris,
il avait de vives douleurs dans toutes les parties du corps, principalement
dans le dos. La respiration devint très irrégulière, la toux laryngée. Il
ne pouvait se tenir assis. La face était alternativement rouge et pâle ; il
n'avait point d'évacuation alvine. La dernière journée, il ne parla plus,
ne pouvait plus boire et paraissait momentanément comme asphyxié;
il succomba le surlendemain de son admission à l'hôpital.
L autopsie présenta à la partie supérieure du cervelet une tumeur
ayant le volume d'un œuf de pigeon. La dure-mère et l'arachnoïde de
la moelle épinière était saines ; mais au-dessous de la dure-mère, dans
toute la longueur de la moelle et du côté postérieur existait sous forme
de demi-canal cylindrique une couche d'un tissu accidentel formant une
demi-enveloppe bornée à la partie postérieure de la moelle ; elle était
assez ferme, résistante et parcourue par de petits vaisseaux.
Cette description classique d'Ollivier donne, en effet, l'image que
nous trouvons avec quelques variations dans les descriptions des auteurs
de notre temps. C'est une image qui pour un diagnostic du vingtième
siècle porterait sur une tumeur du cerveau. Seulement les douleurs
énormes des membres et du dos, peut-être aussi l'impossibilité complète
du malade de se tenir assis pouvait pointer sur une affection de la moelle
épinière et surtout de ses racines.
Si nous examinons les cas publiés plus tard, nous verrons, dans la
plupart d'entre eux, que ce sont les symptômes de tumeur du cerveau qui
caractérisent le commencement de la maladie.
Coupland et Pasteur ont présenté (1887) à la Société de patho-
logie de Londres deux cas. Le premier cas était une femme, âgée de
vingt-deux ans chez laquelle la maladie avait commencé cinq mois avant
la mort par céphalalgie et vomissements. Deux mois plus tard, elle avait
eu des douleurs du bras droit. Une fatigue progressive et des douleurs
du dos apparurent. L'autre cas était une petite fille âgée de quatre ans
et demi, chez laquelle la maladie commença après une chute grave avec
strabisme, difficultés de démarche et douleurs dans le dos ; puis une
amaurose soudaine apparut.
Dans le cas de Busch (1897), un enfant âgé de neuf ans, la maladie
commence par céphalalgie,vomissements,étourdissements, puis titube-
ment dans la démarche et strabisme.
Le cas de Schroder ( 1899), un homme âgé de vingt-six ans, présente
d'abord des vomissements et un affaiblissement de l'acuité visuelle ;
après six mois il était apparu de la céphalée et des troubles dans la
démarche; l'examen objectif avait démontré : exophtalmie double, ataxie
des extrémités, affaiblissement des réflexes rotuliens. Liquide céphalo-
rachidien jaune verdâtre, albumine o, 15 p. 100.
En 1899, Lereboullet a décrit le cas suivant : Un enfant âgé de quatre
ans présentait une tumeur de l'oreille. Il apparut de la céphalée, des
vomissements, de la constipation,une rétraction de l'abdomen. L'examen
objectif donna : raideur de nuque, signe de Kernig, irrégularité du pouls.
Nonne décrit en 1902, le cas d'une jeune fille âgée de 16 ans,chez
laquelle la maladie commença avec sensation de corps étranger dans
la gorge et avec des attaques de lipothymies. Puis : céphalalgie, rachial-
gies et sacralgies, amaurose aiguë, hallucinations et apathie. L'examen
objectif donna,outre les symptômes cérébraux, une parésie des membres
inférieurs, de l'hypotonie des jambes et une aréflexie rotulienne.
Rindfleish décrit, en 1904, trois cas, le premier sans autopsie. Le
cas II était une petite fille âgée de dix ans qui avait présenté pendant six
semaines : perte d'appétit, fatigue, céphalée, vertige, vomissements,
troubles dans la démarche et des accès épileptiformes. Son cas m, une
jeune fille âgée de vingt et un ans atteinte de syphilis trois ans aupa-
ravant, avait été malade pendant deux semaines, présentant céphalée
somnolence, vertige et délire, puis parésies progressives. Le liquide
céphalo-rachidien était jaune.
Le cas de Schlagenhaufer (1900) femme âgée de trente-sept ans, qui
avait présenté pendant cinq ans un affaiblissement de la jambe droite et
une sensation d anesthésie des doigts. Pendant un an, elle avait eu un
affaiblissement de l'acuité visuelle, des accès de perte de connaissance
et une céphalalgie progressive.
Dufour décrit en 1904 le cas suivant : homme âgée de soixante-quatre
ans,atteint de sarcomatose diffuse, avait perdu ses forces sept mois aupa-,
ravant, ses jambes étaient devenues faibles et amaigries. Une dizaine de
jours avant ces symptômes, il avait eu de la difficulté d'uriner. Il présen-
tait : déviation de la langue, hémiatrophie linguale et dysarthrie. Dufour
semble être le premier à accentuer l'importance de l'examen des cellules
du liquide céphalo-rachidien qui peut contenir ces cellules de tumeur.
Comme dans le cas de Dufour, le cas de Grund (1906) donne d'abord
des symptômes médullaires : affaiblissement progressif de la main droite
avec atrophie et anésthésie; plus tard, céphalée, vomissements et œdème
papillaire, xantochromie du liquide céphalo-rachidien.
Les cas de Rach (1907) présentaient dès le commencement des symp-
tômes cérébraux : douleurs de la nuque, vomissements, convulsions et
inquiétude.
Sicard et Gy ont décrit en 1908 le cas d'un homme âgé de soixante
ans, chez lequel il y avait eu de la céphalée, du vertige, des bourdonnements
de l'oreille. Comme Dufour,ils insistent sur l'existence de cellules de
tumeur dans le liquide céphalo-rachidien.
Wimmer et H.-C. Hall ont décrit en 1913 le cas d'un petit garçon
âgée de douze ans. Pendant deux ans il avait eu de la céphalée et des
vomissements périodiques à diplopie passagère. Il apparut alors une
diminution de l'acuité visuelle, une névrite optique, puis une atrophie
du nerf optique. Plus tard survinrent des accès de parésie, et des trem-
blements firent leur apparition, ainsi qu'une torpidité progressive.
L'examen donna : Absence des réflexes rotuliens et achilléens ; anésthésie
correspondante aux segments cervical vin et dorsal 1, de même qu'aux
pieds.
Si nous résumons les symptômes initiaux de tous ces malades, nous
remarquons qu'ordinairement ce sont les symptômes de tumeur céré-
brale qui dominent dès le début de la maladie, c'est-à-dire la céphalal-
gie, les vomissements, les étourdissements et l'affaiblissement de l'acuité
visuelle. Seulement, dans les cas de Dufour et de Schlagenhaufer, il
semble que ce sont des symptômes médullaires qui se font remarquer
les premiers. Dans notre cas aussi, les premiers symptômes sont des
troubles de la démarche sans que nous puissions dire s'il s'agit d'une dys-
basie médullaireou cérébrale. Au cours de la maladie nous voyons dans plu-
sieurs cas qu'il s'ajoute aux signes de tumeur cérébrale des signes qu'il
faut considérer le plus probablement comme symptômes médullaires : de
vastes atrophies, des troubles de sensibilité très marqués, des douleurs
s'irradiant dans les extrémités; ce sont des signes que nous pouvons
trouver dans les maladies cérébrales, il est vrai, mais très rarement avec
une intensité aussi énorme que dans les cas de sarcomatose diffuse des
méninges de la moelle.
Le diagnostic semble pouvoir être confirmé avant que les symptômes
médullaires se présentent : c'est-à-dire par la ponction lombaire. Dans
presque tous les cas de sarcomatose diffuse des méninges qui ont subi
une ponction lombaire, on a trouvé la xantochromie et la hyperalbumi-
nose du liquide céphalo-rachidien. Et, ce qui est encore plus intéressant,
on a réussi (comme dans les cas de Dufour, de Sicard et Gy et le cas
décrit plus haut) à trouver des cellules de tumeur par l'examen micros-
copique du liquide.
Il est important de pouvoir faire le diagnostic dans une phase préli-
minaire de la maladie; pas en ce qui concerne l'opération qui ne
donnera sans doute aucun résultat heureux, mais en ce qui concerne la
radiothérapie qui, dans ces cas, ne doit pas être limitée à la région céré-
brale postérieure. Il faut absolument soumettre toute la moelle épinière
à un traitement radiothérapique.
Ce que nous allons conclure de ces cas,c'est ce qui suit. Dans les
cas de tumeur de cerveau, surtout chez les enfants, qui présentent une
rapide évolution des symptômes et qui semblent être localisés au cer-
velet et à la région bulbo-protubérantielle, il est nécessaire de faire le
plus tôt possible un examen microscopique et chimique du liquide
céphalo-rachidien. De plus, il est nécessaire de faire un examen détaillé
concernant les symptômes éventuels du côté de la moelle épinière. Si
on obtient des résultats positifs dans ces deux examens, il sera indiqué
d'employer la radiothérapie, non seulement dans la région du cervelet,
mais aussi dans toute l'extension de la moelle épinière et de la queuedu
cheval.

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TRAVAIL DU SERVICE DE PROPHYLAXIE MENTALE DU DOCTEUR TOULOUSE

IMPULSIONS AU TATOUAGE
ET PERVERSIONS SEXUELLES
PAR
Roger DUPOUY et E. MINKOWSKI

Les troubles particuliers dont il sera question n'ont pu être étudiés


chez notre malade d'une façon complète en raison de certaines réticences
et du trop petit nombre d'examens psychologiques auxquels nous avons
pu le soumettre. Il s'agit cependant d'un ensemble de symptômes telle-
ment rares qu'ils méritent d'être décrits, même partiellement.
P..., commerçant, âgé de vingt-sept ans, vient consulter au dispensaire
de prophylaxie mentale dirigé par le docteur Toulouse; il est atteint, depuis
deux ans, dit-il, de la « manie du tatouage ».
Il y a plusieurs années, avant la guerre, il lit dans un numéro des Lectures
pour tous un article sur le tatouage; il n'y attache à ce moment-là que peu
d'importance et n'y arrête point sa pensée. Il y a deux ans, il voit incidemment,
au restaurant, un homme tatoué; l'article lu antérieurement lui revient alors
et l'idée de se tatouer surgit en son esprit. Il recherche l'article en question
et procède au premier tatouage, selon les indications qu'il y trouve. Depuis,
il ne peut s'empêcher de recommencer de temps en temps. Quand il voit
quelque chose ayant trait au tatouage, son désir morbide s'empare de lui;
mais il y succombe également sans qu'aucun événement extérieur vienne en
apparence l'évoquer. Il a essayé de lutter, mais sans succès ; c'est plus fort
que lui; il s'agit d'une impulsion irrésistible. Après avoir cédé à celle-ci, il
éprouve chaque fois un sentiment de bien-être général, suivi habituellement
de lassitude et de dépression.
P... porte les traces de son impulsion morbide : ce sont de simples figures
géométriques (en forme de losanges), disposées en arc sur la poitrine.
Ces traces l'ennuient; il a essayé de les enlever, mais, ayant probablement
employé un mauvais procédé, n'a pas obtenu le résultat voulu.
P... est fils unique. Il va au lycée jusqu'à l'âge de seize ans et demi; la
mort de son père l'oblige à interrompre ses études; il fait alors son apprentis-
sage d'électricien et s'établit ensuite à son propre compte.
A l'âge de onze ou douze ans, il avait souvent des cauchemars nocturnes,
il voyait une grande roue venir sur lui. Il se réveillait en sursaut; ses parents
lui mettaient des compresses froides sur la tête. Pendant assez longtemps, il
avait eu l'habitude de se ronger les ongles.
Tempérament calme, endormi même; était souvent distrait, « dans la
lune ». Il n'aurait jamais eu d'ami; ses camarades le tenaient à l'écart et se
moquaient de lui. Son père, professeur, était très sévère et lui défendait de
jouer. Sa mère vit encore, elle le soutenait plutôt contre son père.
Se marie il y a trois ans; a un garçon âgé de trois mois. Sa femme est ner-
veuse, lente, irritable ; quelques accrocs dans le ménage pour cette raison.
Jusqu'à l'âge de dix-huit ans, reste tout à fait ignorant des questions
sexuelles; n'éprouve aucun désir, aucune curiosité, n'y pense même pas. A
dix-huit ans, premiers rapports, continue ensuite, les espaçant plutôt ; en même
temps, depuis ses premiers rapports, se livre à l'onanisme, chose qu'il ne fai-
sait jamais avant. Maintient, en partie, ces pratiques, même une fois marié ;
cependant les abandonne entièrement depuis l'apparition de l'impulsion au
tatouage.
Cette impulsion l'assaille « par crises i; il lui est arrivé déjà de rester six
mois sans y céder; il sent d'ailleurs la crise venir et réussit à la couper, en
ayant des rapports conjugaux avec sa femme.
Quand il se tatoue, il ne ressent aucune douleur, il est, à ce moment, tout
à fait insensible.
P... nous fait ce récit d'une voix monotone; sa mimique est peu expressive,
ses associations sont courtes; il semble rester impassible et ne s'anime un peu
que quand il nous parle de son enfant.
En résumé : individu ayant toujours vécu d'une façon solitaire, à
l'écart des autres; tempérament taciturne ; pauvreté des manifestations
extérieures d'ordre émotionnel; quelques troubles nerveux dès son
jeune âge : cauchemars, onychophagie ; évolution tardive et anor-
male (début simultané de l'onanisme et de rapports hétéro-sexuels) de
la vie sexuelle consciente; il y a deux ans, apparition de l'impulsion au
tatouage; rapports étroits entre cette anomalie et la vie sexuelle, plus
particulièrement l'onanisme, l'impulsion étant devenue, semble-t-il, un
succédané de celui-ci.
Le récit du malade a pu être complété dans la suite, par quelques
données fournies par sa femme qui, elle aussi, vient nous demander
conseil.
Nous apprenons ainsi que P... est encore atteint d'autres perversions qui
rendent la vie conjugale extrêmement pénible; contrairement à la « manie du
tatouage », il nous avait dissimulé celles-ci. Au moment des rapports sexuels,
chaque fois, il se colorie tout le corps; sans faire de dessins précis, il se
met de la peinture partout; quand il n'a pas de couleurs sous la main, il les
remplace par l'encre de chine. Une part d'exhibitionnisme intervient : il exige
que la lumière reste allumée pour se voir et se faire voir. Il demande à sa
femme de se prêter aux mêmes pratiques et de se laisser faire au moins
quelques traits de couleur sur la figure ou de l'aider à se colorier. Elle s'y est
d'ailleurs toujours refusée, sauf deux ou trois fois où elle a cédé à ses prières.
Après, il pleure parfois et lui demande pardon.
P... lui-même nous confirme ultérieurement ces dires de sa femme qui nous
fournit encore d'autres détails intéressants. P... n'est guère sensuel. Sa femme
« n'aime pas ses caresses » et rêve souvent à son premier fiancé qu'elle a
perdu à la guerre.
Elle est malheureuse en ménage; les « manies » de son mari n'en sont
d'ailleurs pas la cause unique; elle se heurte, en plus, à son caractère bizarre
et désagréable ; très dur pour lui-même, il n'a guère de ménagements pour les
autres. Sa vie a entièrement changé après le mariage; très choyée chez elle,
elle doit maintenant s'occuper du ménage et fournir en même temps un travail
considérable au magasin; son mari l'exige d'elle et n'admet pas qu'elle puisse
avoir besoin, de temps en temps de repos, de changement et de détente. Il ne
pense qu'à son commerce; c'est l'unique chose qui existe pour lui dans la vie,
tout le reste ne compte pas. Toute son énergie est absorbée par le magasin;
tout l'argent y passe, de sorte qu'ils sont obligés de se priver dans le ménage
même de choses nécessaires. Il travaille énormément, mais ne réussit pas
dans ses affaires; il voit tout en grand, achète constamment de nouvelles
marchandises, projette, sans répit, des modifications importantes dans le
magasin, fait des réclames très coûteuses et enfin, quand les échéances
approchent, est obligé, pour s'acquitter, de vendre à perte.
(Détail assez caractéristique pour la psychologie de la femme : une pointe
de jalousie perce dans ses dires par rapport au magasin. Elle en veut à ce
maudit magasin ; ils auraient pu être bien plus heureux s'il n'était pas là ; elle
se résignerait, à la rigueur, à supporter les « manies Î de son mari, si seule-
ment il se montrait gentil pour elle; mais il est entièrement absorbé par le
magasin et la vie à deux est intenable; plus d'une fois, elle lui a dit qu'elle
désirait sincèrement qu'il fasse faillite, ceci pourrait encore les sauver tous).
Il est égoïste, bizarre et irritable, comme d'ailleurs toute sa famille. Quand
il achète pour lui-même, tout doit être de bonne qualité; quand il s'agit d'elle,
par contre, il exige que ce soit bon marché. Il surveille ses comptes et lui
refuse la moindre dépense supplémentaire; elle aime lire, il lui fait des
reproches quand elle achète un livre. Il tient énormément, d'une façon mor-
bide même, à l'argent; en voici un exemple il ont en banlieue un petit
:
jardin; un dimanche, un de ses oncles à elle vient avec eux et, sur son insi-
stance, emporte quelques fruits; son mari retient alors la valeur de ces fruits
sur la somme qu'il lui donne par mois pour le ménage ; il trouve cela tout
naturel; des cas analogues se produisent fréquemment.
Il n'a ni ami, ni camarade ils ne fréquentent personne et ne sortent guère.
;
Elle croit qu'il est attaché à elle et qu'il l'aime à sa façon, mais il n'a jamais
su le manifester avec un peu de tendresse, comme elle l'aurait désiré; au
moment des fiançailles, il ne lui offre que des objets utiles, une valise, un
dictionnaire, etc., mais jamais une fleur, un bibelot; jamais une caresse,
jamais une gentillesse de sa part. Il achète cependant des objets inutiles et
des bibelots à sa mère. Celle-ci doit subir une opération, il ne pense pas
aux frais et veut que l'opération soit faite dans les meilleures conditions ; au
contraire, quand il s'agit de son accouchement à elle, il ne veut consentir la
moindre dépense; il aime certainement beaucoup sa mère. Ici Mme P...
s'arrête, réfléchit et ajoute : < Oui, il l'aime, mais également d'une façon
étrange, jamais je ne l'ai vu l'embrasser; il ne l'aime certainement pas de la
même manière que moi la mienne. »

Nous pouvons maintenant compléter le résumé que nous avons fait


tout à l'heure. Il existe, en dehors des impulsions au tatouage dont
l'origine sexuelle semble plus que probable, une autre perversion parti-
culière : le malade se colorie entièrement au moment de l acte sexuel.
Il cherche à se voir et à se montrer ainsi (exhibitionnisme). Nous obser-
actives .
vons à côté de ces troubles un désordre accusé des facultés
fixation exclusive de son énergie personnelle à son activité commerciale,
façon
avec incapacité consécutive de mesurer et de diriger celle-ci d une
conforme aux circonstances; manifestations d'avarice pathologique;
lacunes considérables, par rapport aux autres, du côté sentimental de sa
vie; incapacité foncière d'apporter une note plus chaude et plus tendre
dans sa vie conjugale ; froideur, tendance à l'isolement. Il existe peut-être,
de
en outre, une fixation pathologique de son affectuosité à la personne
la mère.
Nous ne saurions, certes, affirmer que des liens profonds, de nature
causale, rattachent, entre elles, toutes les diverses manifestations mor-
bides que nous venons d'énumérer notre analyse n'a pu être poussée
:

assez loin, à ce point de vue, et la possibilité d'une coïncidence fortuite


ne saurait être exclue entièrement pour l'une ou l'autre de ces manifes-
tations. L'existence de tels liens est cependant, en principe, très pro-
bable ; les perversions sexuelles, se rapportant à un des instincts
primordiaux, vont tout naturellement de pair avec d'autres anomalies
importantes qui concernent l'évolution harmonieuse de la personnalité
humaine.
Dans les monographies concernant le tatouage1, celui-ci est examiné
avant tout au point de vue ethnographique et médico-légal. Les facteurs
psychologiques d'ordre individuel n'interviennent naturellement pas
dans les études ethnographiques; c'est une coutume bien établie qui
règle dans chaque peuplade le genre et le cérémoniel du tatouage et qui
lui confère sa signification particulière ; des rapports plus étroits avec
la vie sexuelle sont fréquents, mais ne peuvent être considérés comme
règle absolue. Ce sont également des facteurs de psychologie collective
que nous trouvons à la base du tatouage, dans les sociétés modernes.
En premier lieu vient l'imitation. Elle explique la fréquence des
tatouages dans certains milieux spéciaux; elle détermine également
l'apparition, d'une façon épisodique, même dans les classes les plus
élevées de la société, de véritables épidémies, en faisant du tatouage une
chose « à la mode ». Lombroso avait essayé, il est vrai, d'établir un
rapport plus étroit entre le tatouage, d'une part, et la dégénérescence
mentale et la criminalité de l'autre. Cesconclusions cependant n'ont pas
été confirmées par la suite. Il n'existe pas de relation constante entre le
tatouage et la gravité de la peine encourue. C'est bien davantage l'imi-
tation et l'ennui qui déterminent la fréquence relative des tatouages chez

i. La plus récente parmi celles-ci est celle de M. Paul CATTANI. (Zurich)


Das Tatauieren, Benno Schwabe et Cie, éditeur, Bâle, 1922. Nous trouvons
dans cette étude une bibliographie très documentée des ouvrages antérieurs.
les détenus. Bien souvent, le nombre des tatouages augmente régulière-
ment avec le nombre de peines de prison purgées. L'ennui expliquerait
d'ailleurs également la recrudescence du tatôuage pendant la guerre.
M. Cattani a eu l'occasion de l'observer fréquemment chez les prison-
. niers internés en Suisse.
Le côté médico-légal du tatouage concerne son utilisation pour
l'identification judiciaire, les complications pouvant survenir à sa suite
(érysipèle, lymphangite, syphilis, etc.), les tatouages pratiqués contre le
gré du sujet et d'autres questions semblables. Il ne peut nous intéresser
ici.
Le cas que nous venons de relater appartient, lui, à la psychopatho-
logie individuelle. Des mobiles franchement morbides poussent notre
malade au tatouage. Il s'agit chez lui de véritables impulsions au
tatouage et au coloriage. Elles doivent être rangées, après ce qui a été
dit plus haut, dans le chapitre des impulsions et des perversions sexuelles.
Des cas pareils semblent être fort rares; nous n'en avons pas trouvé dans
la bibliographie. On rencontre seulement,incidemment, des descriptions
permettant de supposer que le facteur psychopathologique joue, dans
certains cas, un rôle primordial. Le Blond et Lucas1, par exemple,
parlent d'un richissime vieillard qui trouvait un réel plaisir à se faire
dessiner des tatouages variés sur les différentes parties du corps et faisait
venir fréquemment chez lui, dans ce but, un tatoueur professionnel.
L'analyse de faits semblables permettra, avec le temps, d'étudier plus à
fond les cas de tatouage relevant de la psychopathologie, dans le sens
strict du mot.

i. Albert Le BLOND et Arthur LUCAS. Du tatouage cher les prostituées


Paris, 1899, p. 92.
CONTRIBUTION A LA PSYCHOLOGIE
DES ÉTATS DITS SCHIZOPHRÉNIQUES
PAR
A. HESNARD et R. LAFORGUE
(de Bordeaux) (de Paris)

Les très consciencieuses études du professeur Bleuler commencent


enfin à se répandre dans notre pays. Et il faut reconnaître que, si nos
auteurs classiques ont laissé des descriptions cliniques parfaites des syn-
dromes variés réunis actuellement sous le terme générique de démence
précoce, certains symptômes morbides utiles à la compréhension de ces
états nous ont été vraiment révélés par l'école de Zurich.
Tel est l'autisme, cette tendance foncière; — névropathique ou psycho-
pathique—parfois lointainement constitutionnelle, à ce que H. Claude
a nommé l'intériorisation mentale, au repliement sur un monde intérieur,
imaginaire, dont rien parfois ne transparaît au dehors de l'individu.
Certains psychopathes, apparemment obnubilés ou absents, présentant
ou non une sorte d'activité de surface mal adaptée au réel (réactions
inadéquates, langage et gestes en rapport avec une interprétation symbo-
lique de l'entourage, etc...) vivent en réalité une vie imaginative intense,
un rêve tenace, dont la connaissance importe essentiellement au psy-
chiatre
L'existence de ce monde intérieur chez certains malades dits grands
névropathes ou même schizophrènes — monde prodigieusement com-
plexe parfois et qui dépasse les limites d'un simple délire — indique en
effet qu'il n'y a pas chez eux (au moins dans les premières phases de la
maladie) de détérioration vraie, de déficit des fonctions affectives. Appa-
remment éteinte en ce qui concerne les objets extérieurs, leur affectivité
est conservée, en ce qui concerne les personnes et les choses qui animent
ou meublent leur rêve morbide; et on a l'impression, en pénétrant dans
cet univers intérieur, que le sujet y prend un intérêt assez puissant pour
renoncer, parfois sans autre raison, à s'occuper sérieusement de la vie
réelle.
i. Voyez l'intéressante et originale étude du professeur CLAUDE et de ses
élèves BOREI. et RoBiN : Considérations sur la constitutionschizoïde, etc... (Encé-
phale, sept.-oct. 1923). Elle fera comprendre que l'analyse de la pensée autiste
peut servir de guide dans une tentative légitime de délimiter le domainenosolo-
gique de la schizophrénie, et d'en isoler, notamment, des états psychogènes
et accessibles à la psychothérapie.
Ce mécanisme, que révèle une analyse attentive de la mentalité de
certains schizophrènes, est-il constant, essentiel ou même spécifique?
Cette force encore mystérieuse qui retranche le malade de la réalité en
éparpillant sa personnalité dans le chaos du rêve délirant, est-elle ou
non secondaire à des causes plus générales et d'ordre plus matérielle-
ment biologique? Nous n'avons nullement l'intention d'aborder ici ce
gigantesque problème de psychiatrie générale.
Nous voulons seulement, à propos de deux cas choisis parmi les états
atténués de transition entre la névrose et la psychose
— que Bleuler
revendique comme les formes initiales ou frustes de la schizophrénie

préciser un peu le mécanisme psychique en vertu duquel le monde ima-
ginaire tend à se substituer au réel.
Nous cherchons surtout à dénoncer le moment critique où, malgré
la conscience très active et parfois même protestataire du sujet, le rêve
morbide, organisé habituellement à l'insu du malade et dans les profon-
deurs de son affectivité, semble parvenir à se faire jour par poussées, à
faire échec à la pensée rationnelle et consciente, puis à s'imposer à sa
place à titre de réalité vivante et vécue.

Observation I. — Il s'agit d'une jeune fille, Mlle Z..., qui présentait,au


moment où nous la vîmes pour la première fois, le tableau clinique suivant
(très résumé) : Impuissance intellectuelle non seulement subjective, mais affec-
tive et l'ayant contrainte à abandonner tout travail. Elle inquiète son entourage
par des périodes de plusieurs heures, durant lesquelles elle est c dans le
vague », l'air absent ou absorbé, ne répondant pas aux questions, immobile.
Interrogée sur son état d'esprit durant ces sortes d'absences, elle répond
qu' « elle croit ne penser à rien P, qu'elle s'aperçoit cependant que le temps
passe sans savoir comment. Elle se sent dans un état complet d' « abrutisse-
ment », est arrivée à s'isoler complètement et la plus grande partie de la
journée dans une vague rêverie, et déclare qu'elle a souvent le sentiment de
« flotter à la dérive ». Parfois, elle se sent prise soudain de terreur, parait
alors réagir par des mouvements d'effroi, puis tombe dans de violentes convul-
sions suivies d'inconscience assez prolongée; elle dit ne conserver aucun sou-
venir des représentations apparemment terrifiantes qui doivent la hanter
durant la crise. D'autres fois, les crises convulsives font place à des tics
multiples, avec mouvements stéréotypés et sans signification expressive nette,
des épaules et de la tête, qui peuvent durer plusieurs heures. Dans ces moments
d'agitation motrice, Mlle X... devient entièrement indifférente à l'entourage,
éprouvant seulement, parfois, des sentiments de dépersonnalisation (trouvant
le monde extérieur c étrange, lointain 1), percevant tout « cemme en rêve »,
c comme si ce n'était pas la réalité »); d'autres fois encore, elle accuse des
visions hallucinatoires horribles : têtes dans lesquelles sont implantées des
épingles, squelettes rampant par terre, un enfant sans tête... un diamant qui
scintille devant ses yeux et l'obsède... et quantité d'autres images qu'elle
n'arrive pas à classer ou à désigner. Elle n'émet aucune hypothèse sur la
cause de ces impressions morbides, de ces crises ni de ces mouvements ; elle
a seulement le sentiment qu'elle finira par sombrer dans l'aliénation mentale.
Nous avons pu, chez cette malade, parfaitement lucide en dehors des symp-
tômes ci-dessus mentionnés, reconstituer, par une analyse psychique minu-
tieuse, la plupart des événements apparemment importants de la vie affective
intime, — dont on commence aujourd'hui, sous l'influence de Freud, et ma'gré
certaines outrances de ses enseignements, à comprendre le grand intérêt
diagnostique chez les psychopathes. Après avoir acquis un certain entraîne-
ment à la reconstitution de ses propres souvenirs, Mlle X... nous fit, entre
autres, connaître, sans qu'on put suspecter sa bonne foi ni attribuer ses
souvenirs à des artifices d'imagination— certains événements impressionnants
contemporains de son éveil sexuel. Ils sont dignes d'être rapportés, tant le lien
entre ces événements infantiles et la nature actuelle de ses rêveries délirantes
s'impose (quelle qu'en soit la nature exacte) : à l'âge de neuf ans, elle avait
contracté des habitudes solitaires qui, chose curieuse, s'accompagnaient de
représentations, — ce ce moment-là intentionnelles et conscientes — dans
lesquelles la note sadique dominait ; la volupté avait pour support, dans cette,
imagination précocement déviée, UQ.jeu d'images de cruautés, en particulier
de scènes de violences où des femmes enceintes étaient soumises à la torture
et réagissaient par des cris de douleur; et le plaisir organique ressenti dans
ces évocations librement acceptées devint si tyrannique par leur répétition
qu'elle en arriva à se livrer à son vice imaginatifdurant plusieurs années avec
une véritable frénésie.
Notons ici que cette pernicieuse culture de sa sensualité avait un autre
sens; elle ne respectait pas certaines images familières aux rêves infantiles,
comme celle de la mère; nous comprendrons plus loin pourquoi.
En grandissant, l'imagination de la fillette élargit la scène de ses évocations
sensuelles; d'autres personnages vinrent l'animer, parmi lesquels, aux envi-
rons de la puberté, des images masculines; mais ces pâles représentations
n'avaient pas l'attirance irrésistible des premières qui, à plusieurs reprises, la
tentèrent de nouveau. D'un autre côté, ayant acquis la notion des valeurs
morales, elle prit peu à peu honte d'elle-même, se prit à résister très sincère-
ment à son vice, et finalement, à éprouver pour ses rêves sensuels une pro-
fonde horreur. Elle réussit à peu près à s'abstenir de ses tristes habitudes.
Mais, devenue jeune fille, les déboires commencèrent pour elle dans ses pre-
miers contacts avec la vie. Elle eut à subir plusieurs déceptions affectives
dont nous ne pouvons donner les détails. Finalement, dégoùtée de l'existence,
affaiblie au surplus physiquement par une maladie grave, elle renonça au
mariage qui la révoltait pour diverses raisons et se réfugia à nouveau dans
ses rêveries. C'est alors — à l'âge de vingt-cinq ans — qu'un beau jour une
crise la saisit, et que s'installa la symptomatologie dont nous avons parlé plus
haut.
Nous fûmes frappés de ce fait qu'en insistant pour avoir une idée de ce
qui pouvait se passer en elle durant les absences, les rêveries diurnes et les
crises, nous parvînmes à découvrir qu'elle était, au cours de ces paroxysmes
de la névrose, le jouet de rêves à la fois obscurémentvoluptueux et nettement
terrifiants ; ceux.-ci la reportaient en imagination aux « anciennes histoires »,
aux « choses horribles ï qui occupaient son imagination d'enfant; mais ces
scènes de torture qu'elle avait jadis, au moment des premières expériences
sensuelles, recherchées, surgissaient alors en elle d'elles-mêmes, matérialisées
et compliquées par l'angoisse et s'imposaient à elle sous la forme despotique
d'un cauchemar. Éveillée, après sa crise, elle n'en accusait pas le souvenir au
cours des premières séances d'examen médical. Mais elle finissait par en
retrouver la trace dans sa mémoire, quand, mise sur la voie par l'évocation de
ses terreurs, elle s'abandonnait aux associations d'images qui lui venaient à
l'esprit; à la manière d'un dormeur qui, revenu à l'état de veille, reconstitue—
d'abord avec effort, puis avec des éclairs soudains de conscience — les péri-
péties d'un songe nocturne.
Ce résultat nous engagea à poursuivre notre analyse en recherchant suivant
quel mécanisme ces imaginations infantiles, apparemment assoupies durant
de longues années, pouvaient ainsi revivre de façon si fâcheuse pour son
équilibre psychique.
Notre étude de son évolution mentale nous apprit que c'était vers la
douzième année qu'étaient apparues les premières manifestations de sa person-
nalité sociale. A ce moment-là, elle avait renoncé, sinon à ses pratiques soli- -
taires, du moins à ne plus provoquer consciemment ces écarts d'imagination
qu'elle considérait depuis un certain temps déjà comme abominables. Or,
c'est à ce moment précis de sa vie que commencèrent à se manifester les pre-
miers signes extérieurs de sa constitution mentale défectueuse : isolement,
rêverie, tempérament maladif. Il est possible, sinon probable, que cette ten-
dance à l'intériorisation fut chez elle, à ce moment, et resta, depuis, en parallé-
lisme — malgré l'ignorance de la malade — avec ses hantises imaginatives
datant du jeune âge.
Il nous restait à préciser la genèse, dans son cerveau d'enfant, de ce
complexe d'images impressionnantes relatives aux préoccupations sadiques et
à la mère. Or, à l'âge de cinq ans, la fillette s'était trouvée, durant un accou-
chement de sa mère, dans une chambre à côté et avait été très profondément
troublée par les bruits mystérieux qu'elle y entendait et par les cris terrifiants
de sa maman chérie. Très attachée à celle-ci, elle avait éprouvé, durant toute
son enfance, une certaine antipathie secrète contre son père, motivée, — dans
sa logique sentimentale d'enfant — par des quantités de petits faits qu'il serait
trop long de rapporter et qui sont très significatifs de l'influence paternelle
défavorable sur la malade. — Ajoutons qu'en dehors de sa névrose, la malade
avait toute sa vie trahi, par diverses particularités de son bizarre caractère,
l'existence, en elle d'une contradiction, d'un antagonisme entre certains de
ses sentiments très violents et la personnalité morale sévère qu'elle s'était
imposée en grandissant.

Pour les psychanalystes, une telle observation serait un précieux


argument : le refoulement d'un complexe maternel sadique, c'est-à-dire
d'une déviation de la tendresse infantile (avec régression de l'énergie
affective non sublimée vers les formes inférieures de la sexualité) par
la censure morale, créerait en pareil cas une ambivalence, c'est-à-dire
un partage des forces morales en deux directions : l'une imposée par le
besoin organique du plaisir physique, très solidement inscrit dans la
constitution mentale malléable de l'enfant, l'autre tentée par les
exigences ultérieures de la personnalité morale. C'est ce conflit qui
s'exprimerait par la lutte des énergies inconscientes, du rêve autistique,
contre l'activité consciente; lutte qui tendrait à dissocier la personnalité
pour aboutir à l'état schizophrénique.
Mais cette explication en apparence très simple, qui fait appel à des
quantités d'hypothèses purement psychologiques et paraît pouvoir se
passer facilement de toutes les conditions biologiques de la névrose,
nous semble pour le moins inutile ici. Sans fournir aucune interpréta-
tion, nous nous bornons à souligner dans cette observation,parmi tant
d'autres, deux faits intéressants ; en ce qui concerne seulement le
« contenu » de la psychose : l'identité apparente du monde imaginaire
qui peuplait l'autisme de cette jeune fille et celui de ses rêveries infan-
tiles d'une part; et de l'autre, le parallélisme assez manifeste du déve-
loppement de sa névrose avec le refus de l'évocation consciente touchant
ses imaginations sensuelles.

Observation II. — Un jeune homme, M. J..., dont l'inintérêt à la réalité est


encore plus prononcé que dans le cas précédent, est venu consulter pour une
dépression psychique profonde avec impuissance, sexuelle. Cette dépression,
accompagnée de divers symptômes, entraine chez lui un tel état de distraction
qu'il lui arrive — fait contrôlé par l'entourage — de s'arrêter dans une lecture,
au milieu d'une phrase, de rêvasser durant deux ou trois heures sans s'aper-
cevoir que le temps passe, puis de reprendre son livre, persuadé de ne s'être
interrompu que durant un bref instant. Cette rêverie, qu'il croit inconsistante,
ne lui laisse pas de souvenirs ; et ce fait est d'autant plus remarquable qu'il
s'agit d'un intellectuel qui passe, dans son milieu, pour supérieurement doué.
Il ne s'intéresse plus à rien dans la vie. De plus, son caractère a changé et il
existe chez lui, entre autres signes cliniques objectifs, un certain degré de
maniérisme dans les gestes et la façon d'être générale. Si bien qu'un pronostic
assez sévère a été porté au sujet de ce malade, qui présente un syndrome
dépassant assez notablement le cadre de la simple névrose et ressemble assez
à un état schizophrénique.
Ayant procédé à son égard comme à celui de Mlle X..., nous fûmes vite
renseignés sur les terribles circonstances qui avaient présidé au développement
de ses premiers sentiments familiaux. En résumé, l'amour maternel, et,
par
suite, toutes les aspirations de la tendresse infantile, s'étaient révélés pour lui
sous une forme particulièrement odieuse : sa mère haïssait son mari de toutes
les forces de son âme et de sa féminité, et avait reporté sur l'enfant l'implacable
antipathie qu'elle éprouvait pour le père. Sa jeunesse s'était écoulée dans les
affres d'une misère morale indescriptible et il semble bien qu'il était vraiment
dans l intention inavouée de cette malheureuse femme de laisser mourir son
fils en le privant des soins les plus élémentaires de propreté
comme en lui
faisant endurer les brutalités les plus révoltantes. Notre malade porte d'ailleurs
les cicatrices des nombreuses blessures qui résultèrent de
ce traitement; et,
sans l'intervention énergique de son oncle, il n'aurait probablementpas résisté
à ce genre d'éducation. Or ses rêveries morbides le reportent régulièrement à
cette période critique de sa formation morale ; comme dans l'observation pré-
le
cédente, sujet, en pleine distraction apparente, a l'esprit occupé d'une sorte
de hantise imaginative, dont les scènes reproduisent des thèmes variés sur
un même motif :la volupté par le sang et la violence, le viol avec meurtre.
Voici par exemple, quelques associations (trés résumées) recueillies au
cours de ses « absences :c( Une femme... il faudrait qu'elle soit morte... jeune
®

encore, je la vois nue... Il me semble que j'aurais pu la tuer. Aucune saveur


n'égale celle de la mort... la mort dans la volupté. Je suis sûr que si je ne
devais pas connaître l'amour autrement, je serais capable de cela... Aimer une
femme en la haïssant... tout ce besoin de destruction qui est en moi... etc... ».
Prenant un jour plus conscience de son état, il ajoute : « Depuis que je
fais attention à mes pensées, je commence à m'en apercevoir... Et ce qu'il y a
de pire, c'est que je n'ai pas de.remords. Comment voulez-vous qu'on ait
d'autres idées si l'on n'a connu les premières tendresses que sous cette forme? »
Il est évident que cet homme bien élevé et doué d'un sens moral supérieur,
quand la lucidité lui revient se révolte contre les tendances qui se font jour
dans ses rêveries. Mais cette confrontation du sujet avec lui-même n'a pour
ainsi dire jamais lieu. Nous insistons en effet sur ce fait de la dissociation
frappante chez lui, du rêve inavouable et l'activité consciente : les préoccu-
pations érotiques choquantes apparaissent et se réalisent au cours d'une sorte
d'état second, comme par suite d'un clivage de la personnalité; et le sujet
n'arrive, avec l'aide du médecin, à les évoquer que comme l'homme normal
parvient à percevoir un songe. Plus même, notre malade a l'impression,devant
ce monde imaginaire dont il a peine à accepter l'existence en lui-même, de
pensées étrangères à sa propre nature morale; et s'il lui arrive d'être obligé
de les constater clairement dans son souvenir, il les rejette de sa propre per-
sonne en les considérant alors comme des réalités extérieures à lui, c'est-à-dire
en les interprétant comme des scènes objectives jouées devant ses yeux; ce
qui rend délicat le problème de savoir s'il n'est pas parfois, au cours de ses
absences, plus halluciné que rêveur.

Cette deuxième observation, que nous avons dû considérablement


résumer, est partiellement superposable à la première, en ce qu'elle met
en évidence, comme elle, l'importance, dans la détermination du contenu
de la psychose, des conflits d'ordre affectif, sexuel notamment. En
outre, elle offre ceci d'intéressant que le monde imaginaire morbide qui
peuple la rêverie du malade l'absorbe à un point tel qu'il compromet
déjà gravement l'harmonie de son être psychique.
Comme précédemment, il serait d'un intérêt psychiatrique capital
de savoir dans quelle mesure cette hantise des scènes de son enfance
est, chez notre malade, une cause de sa psychose, ou quel rôle peut
jouer dans la pathogénie de ses symptômes mentaux la mauvaise orien-
tation imprimée accidentellement à son affectivité par les misères de son
éducation morale. Mais, encore une fois, cette question n est pas du
cadre de notre travail, qu'inspira uniquement le désir de projeter
quelque lumière — ne fût-ce que par une étroite fissure — dans le
mystère de la conscience individuelle.
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)

I. SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
— II. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
III. SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE. IV. SOCIÉTÉ DE

PSYCHIATRIE.
I. — Société de neurologie
^ SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1923

Présidence de M. André-Thomas
Myopathie atrophique localisée aux trapèzes et consécutive à un trauma-
tisme, par MM. /. Lhermitte, Cénac et N. Péron. — On s'accorde pour admettre
la fréquence des atrophies musculaires à localisation périscapulaire consé-
cutives aux traumatismes, mais la nature de ces amyotrophies est encore
très discutée. H. Claude, Vigouroux et Lhermitte ont soutenu la nature
myopathique de l'altération musculaire. Le cas présenté par les auteurs
témoigne en faveur de cette pathogénie.
Il s'agit d'un malade âgé de quarante-trois ans atteint de paralysie géné-
rale à évolution rapide. Ce sujet présente une atrophie presque absolue des
deux trapèzes, laquelle se traduit par les déformations vertébrales et scapu-
laires que l'on connaît. Les particularités de ce fait tiennent, d'une part, à
l'étiologie, et, d'autre part, à la nature de cette amyotrophie localisée. Celle-ci
est survenue à la suite d'un violent traumatisme subi à l'âge de six ans.
Depuis cette époque, l'affection n'a subi aucune modification. Quant à la
nature de cette atrophie, les auteurs se basent sur une série d'arguments pour
appuyer son origine myopathique. Les plus frappants consistent dans la
localisation de l'atrophie, l'ébauche d'une taille de guêpe, l'absence de réac-
tion de dégénérescence et de troubles moteurs ou sensitifs en rapport avec
une lésion spinale, la présence d'une réaction myotonique légère, ainsi que
d'une hypertrophie localisée au segment acromial du trapèze gauche, enfin
sur les résultats d'une biopsie.
Conservation de la sensibilité profonde de la face après section rétro-gassé-
rienne de la racine postérieure du trijumeau. — MM. A. Souques et Hartmann
présentent un malade chez qui, pour remédier à une névralgie faciale, on
coupa la racine postérieure du trijumeau. Ce malade, suivi depuis trois ans
et demi, a perdu la sensibilité superficielle du côté opéré ; mais, de ce même
côté, la sensibilité profonde est conservée : ainsi la pression, le diapason et
les mouvements des muscles de la face sont perçus normalement ou à peu
près normalement. Les auteurs ont constaté la même dissociation de la sen-
sibilité chez de nombreux malades ayant subi la même section de la racine
postérieure du trijumeau. Ils pensent que les fibres de la sensibilité profonde
de la face ne doivent pas venir du trijumeau, en tout cas qu'elles ne passent
pas par la racine postérieure de ce nerf, et qu'elles viennent probablement
du facial.
Dysphasie et syndrome strié. — MM. E. de Massary et /. Rachet présentent
un malade atteint de bégayement spasmodique apparu à l'âge de trois ans,
accompagné de spasmes de la face et de mouvements choréo-athétosiques
des doigts. Imputable à une lésion des noyaux striés, ce syndrome s'exagère
dans les efforts et aboutit, après une phase de contracture, à une élocution
normale. Ce trouble peut être rapproché des phénomènes de kinésie para-
doxale décrits par Souques chez les parkinsoniens.
Hémichoréo-tremblement et syndrome de Parinaud lésion pédonculaire. —
:

MM. Halbron, A. Léri et Weissmann-Netter présentent une malade qui,


depuis vingt ans, est atteinte d'un hémitremblement gauche très intense avec
mouvements involontaires plus ou moins choréiformes. Elle avait présenté,
deux ans auparavant, une paralysie faciale droite, puis un syndrome de Weber
(ptosis à droite avec diplopie, hémiparésie à gauche). En même temps que les
troubles du côté de la face et des yeux disparaissaient l'hémitremblement
remplaçait l'hémiparésie ; il avait l'allure complexe de ceux que l'on observe
dans les syndromes de Benedikt. Avec cet hémitremblement, on constate
aujourd'hui un syndrome de Parinaud, paralysi-e des mouvements associés
verticaux du regard.
Cette association (hémichoréo-tremblement, syndrome de Weber tempo-
raire, syndrome de Parinaud persistant) autorise à localiser la lésion causale
à la région pédonculaire ; il s'agit très probablement d'un ramollissement
par artérite spécifique et le vaisseau altéré est de ceux qui, s'enfonçant dans
le pédoncule par sa face antérieure, irrigue la partie antéro-supérieure du
noyau rouge, puis les voies cortico-nucléaires oculo-motrices immédiate-
ment en avant et au-dessus des noyaux de la IIIE paire. L'association des
symptômes permet ainsi de situer dans le pédoncule à la fois l'hémitremble-
ment et le syndrome de Parinaud.
Sur le réflexe croisé chez le homard et l'écrevisse. — La recherche des
réflexes dits de défense chez le homard a conduit M. J. Babinski à constater,
entre autres particularités, des mouvements réflexes croisés des pinces, le
crossed reflex. Il y avait lieu de penser a priori que le réflexe croisé devait
exister à l'état normal dans certaines espèces occupant un niveau relative-
ment peu élevé dans la hiérarchie zoologique. Or, c'est précisément ce que
l'on peut observer chez le homard et l'écrevisse.
Si le homard repose sur sa face ventrale ou s'il est maintenu par sa cara-
pace, les pinces étant pendantes, on constate souvent qu'en percutant l'une
de ces pinces les divers segments qui la constituent fléchissent les uns sur
les autres, tandis que les segments de l'autre pince s'étendent plus ou moins.
Puis, lorsqu'on percute cette dernière, elle fléchit à son tour, tandis que la
première exécute un mouvement très net d'extension, et il est parfois pos-
sible d'obtenir plusieurs fois le réflexe croisé, les deux pinces fléchissant et
s'étendant d'une manière alternative.
De l'évolution terminale des myoclonies de l'encéphalite épidémique. —
M. E. Krebs a continué à suivre les malades chez qui il s'est attaché, il y a
deux ans, à préciser les caractères intrinsèques des myoclonies de l'encépha-
lite (synchronisme des secousses, anomalies des synergies [musculaires, réveil
ou accentuation des phénomènes physiologiques, réflexes ou volontaires,,
qui déterminent un état de tonus ou de contraction statique des muscles).
Ces caractères se vérifient jusqu'à la fin de ces troubles moteurs; le synchro-
nisme, en particulier, survit à la régularité de rythme, il persiste jusqu'à
l'arrêt définitif des secousses dans les muscles.
Petits signes révélateurs de la phase prodromique de la maladie de Parkinson.
— M. le professeur eri (de Bologne) présente un malade qui, depuis deux
N
ans, à la suite d'un épisode fébrile léger étiqueté grippe, accuse un syndrome
subjectif à type neurasthénique avec phénomènes vaso-moteurs, asthénie,
céphalée, sialorrhée, besoins de se déplacer, insomnie. Chez ce malade, qui
n'a aucunement l'aspect d'un parkinsonien, l'examen montre les signes sui-
vants :
i° Un syndrome végétatif (acrocyanose, accès de vaso-dilatation faciale,
bradycardie, sialorrhée, polyurie);
20 Un syndrome myotonique (accès de secousses myocloniques dans un
faisceau du sterno-cléido-mastoïdien, léger état d'hypertonie avec perte des
mouvements associés, léger degré de bradycinésie, lenteur de la décontrac-
tion après l'effort, fluctuation de la réflectivité;
3° Enfin, à l'examen électrique une réaction myotonique et parfois
tétanisante, des ondulations rythmées, la nécessité de la sommation des
excitations, enfin des phénomènes de diffusion, par exemple, flexion para-
doxale de la main ou des doigts.
L'auteur pense qu'il s'agit dans ce cas d'une maladie de Parkinson post-
encéphalitique et il souligne l'intérêt de ces signes pour le diagnostic
précoce de la maladie de Parkinson.
Réactions électriques dans les syndromes hypertoniques d'origine extra-py-
ramidale. — MM. Neti et Monier-Vinardprésentent une malade qui accuse
une raideur subjective des quatre membres, raideur disparaissant par l'exer-
cice, des sensations musculaires désagréables la nuit, du besoin de déplace-
ment ; on note, à l'examen, l'hypertonie objective de certains segments, de la
variabilité dans la réponse des réflexes tendineux, des mouvements automa-
tiques des membres.
M. N eri montre l'existence chez cette malade des réactions électriques sur
lesquelles il a attiré l'attention à la séance précédente, à savoir phénomènes
myotoniformes, période de latence entre l'excitation et la décontraction;
contraction progressive des plus lentes ; contractions saccadées, ondulations
rythmées ; phénomènes de diffusion ; diminution de la sensibilité électrique.
L'auteur insiste sur ce type de réactions électriques comme caractéristique
des syndromes hypertoniques d'origine extra-pyramidale
Actions musculaires réciproques chez les parkinsoniens. — M. Cantaloube
rapporte deux phénomènes constatés chez deux parkinsoniens. De ceux-ci, le
premier ne peut ouvrir les yeux qu'en jetant un appel brusque « Ma mère » !

Chez l'autre, il se produit une contraction extrêmement prolongée du droit


antérieur lorsque le genou opposé, préalablement fléchi, s'étend. Le premier
de ces faits semble s'apparenter au torticolis mental. Le second rend vrai-
semblable dans la maladie de Parkinson l'existence d'un trouble des con-
tractions musculaires, trouble portant moins sur leur durée que sur leur
succession.
P. SCHIFF.
II. — Société médico-psychologique
SÉANCE -DU 29 DÉCEMBRE 1923
Présidence de M. Antheaume
Sur quelques cas d'hypertrophie des glandes salivaires observés dans les
affections mentales. — MM. G. Demay, H. Beaudouin et M. Craffe ont noté
avec une fréquence inaccoutumée (6 p. 100 au lieu du chiffre normal de
o,5 p. 100), chez les pensionnaires de l'asile de Clermont, une hypertrophie
des glandes salivaires. Cette hypertrophie n'est ni inflammatoire ni dégéné-
rative; elle est presque toujours bilatérale et associée quelquefois à une
hypertrophie des glandes sous-maxillaires et sublinguales. C'est dans la
débilité mentale que cette hypertrophie est la plus fréquente.
Les auteurs se rallient à l'hypothèse que la glande parotide est une glande
à sécrétion interne. Ils ont constaté l'association de l'hypertrophie des glandes
salivaires avec d'autres troubles endocriniens, en particulier l'hyerthyroïdie,
avec une exagération du réflexe oculo-cardiaque. Ce dernier fait s'explique
par les relations des glandes salivaires avec le parasympathique cranien.
Au point de vue pathogénique MM. Demay, Beaudoin et Craffe ne
peuvent se prononcer définitivement, mais ils admettraient volontiers l'opi-
nion de différents auteurs qui attribuent au syndrome de Mikulicz, complet
ou partiel, une origine syphilitique.
Psychose verbo-motrice à trois phases cyclothymiques. (Présentation de
malade guérie). —M. Revaultd'Allonncs présente une malade cyclothymique
qui, au cours d'une phase aiguë de son affection, a présenté un état pseudo-
hallucinatoire particulier, du type verbo-moteur pur. Cet état a réalisé le
syndrome dénommé par l'auteur « polyphrénie » fausses réceptions verbales,
vol de la pensée, hétéro-impulsions, fausses personnifications, et « polymi-
mie ». Cette polymimie avait extériorisé tout un drame intérieur, où la malade
traduisait elle-même les sentiments divers de son mari, de son père, d'un
ami et les siens propres. Ces représentations mentales sont exemptes de
caractère sensoriel, elles sont privées de matérialité, d'auditivité. Mais le
monde invisible avec lequel la malade est ainsi entré en communication est
doué d'une vitalité si puissante qu'il a été capable de créer le syndrome
complexe détaillé plus haut.
M. de Clérambault rappelle que les faits rapportés par M. Revault d'Al-
lonnes étaient connus d'anciens auteurs comme Baillarger, et que lui-même
les étudie et les enseigne depuis longtemps, sous le nom d'automatisme
mental, à l'Infirmerie spéciale.
H. BARUK.
III. — Société clinique de médecine mentale
SÉANCE DU LUNDI 17 DÉCEMBRE 1923

Présidence de M. Dupain
Érotomanie secondaire.— MM. V. Truelle et/. Reboul-Lachaux présentent
une malade atteinte d'érotomanie apparue à la faveur d'un système de
défense, d'un besoin de protection commandé par un délire de persécution.
Des tendances amoureuses anciennes et un fond d'orgueil constitutionnel
ont prêté au protecteur trouvé des sentiments affectueux, bientôt partagés par
la malade et un tableau typique d'érotomanie s'est constitué. Le postulat
ne s'est pas imposé, mais a été le fait d'un long
travail imaginatif et inter-
prétatif. Le choix de l'objet a été orienté vers un grand romancier contem-
porain par la culture littéraire de la malade, par ailleurs débile, mais non
affaiblie intellectuellement.
Les psychoses hallucinatoires chroniques. — Le docteur de Clérambault
montre un malade de quarante ans, dégénéré supérieur, présentant d'une
part le tableau classique de la psychose hallucinatoire systématique progres-
sive de Magnan, d'autre part des dérogations à ce tableau début par éro-
tisme, puis jalousie ; persécution seulement ultérieure ; début aussi par auto-
matisme mental - période mégalomaniaque remplie principalement par du
mysticisme et par un délire dogmatique.
L'auteur insiste d'abord sur la rubrique « délire dogmatique » qu'il pro-
pose pour une forme soit secondaire, soit autonome de délire,
dont il trace
hallucinatoires
un schéma. Il aborde ensuite la doctrine des psychoses
chroniques.
A propos d'un état démentiel avec idées de négation. Paralysie générale?
Réactions humorales négatives. — M. /. Cuel présente une malade de qua-
rante-trois ans, ayant des antécédents syphilitiques nets et hospitalisée en
juin 1922 avec le diagnostic de paralysie générale unanimement admis
alors. (Affaiblissement intellectuel à marcherapide, idées de grandeur et de
richesse, rigidité pupillaire). Depuis quelques mois se sont développées des
idées de négation, d'abord corporelle, puis générale.
L'affaiblissement intellectuel, bien que profond, n'est pas absolument
global, il y a conservation d'un certain pouvoir de critique. Il n'existe pas
de troubles caractéristiques de la parole. Le syndrome humoral paralytique
du liquide céphalo-rachidien a constamment manqué (sept examens) et cela
en dehors de toute rémission des signes cliniques. Dans le sang, réaction de
Hecht partiellement positive, réaction de Wassermann au sérum chauffé
négative.
Il semble bien que le diagnostic de paralysie générale ne puisse être
maintenu. D'autre part, les antécédents de la malade, les signes pupillaires,
la positivité partielle du sérum sanguin, les caractères du syndrome mental
ramènent vers une affection spécifique des centres nerveux. Il s'agit vraisem-
blablement d'une de ces formes relativement rares de syphilis cérébrale
diffuse, décrite par Nissl, Alzheimer, Jakob sous le nom d'endartérite syphi-
litique des petits vaisseaux du cortex, forme dans laquelle les réactions humo-
rales du liquide céphalo-rachidien demeurent le plus souvent négatives et
qui se manifeste par une symptomatologie assez voisine,quoique distincte,
de celle de la paralysie générale.
Il est possible que bien des cas décrits comme paralysies générales sans
réactions humorales relèvent en réalité de cette affection.
Alcoolisme et hallucinations lilliputiennes, par MM. H. Colin et Cénac. —
Les auteurs présentent un malade éthylique, ancien paludéen, ayant eu, au
cours d'accidents éthyliques subaigus, des hallucinations visuelles terri
fiantes alternant avec des hallucinations lilliputiennes typiques (syndrome
de Leroy). L'intérêt de cette présentation réside dans l'alternance de ces
phénomènes oniriques à caractères affectifs opposés.
Hémiaparésie alterne et syndrome pseudo-bulbaire. — MM. H. Colin- et
Cénac présentent un malade spécifique atteint, à la suite d'ictus, d'hémiplégie
alterne avec troubles de la phonation et de la déglutition, troubles cérébel-
leux, troubles de la mimique, rire spasmodique. Les auteurs attribuent ces
troubles à des lésions en foyers par artérite spécifique, dont l'une protubé-
rantielle, et écartent, malgré les réactions biologiques positives dans le
liquide céphalo-rachidien et en raison de l'intégrité relative de l'intelligence
de ce malade, le diagnostic de paralysie générale envisagé dans le certificat
de placement.
Syndrome parkinsonien et syphilis nerveuse. — MM. Demay et Petithony
rapportent l'observation d'une malade qui présente à la fois un syndrome
parkinsonien (facies figé, akinésie spontanée et automatique, akatisie) et des
signes de syphilis nerveuse (légère spasmodicité, céphalalgie et vertiges,
Bordet-Wassermann positif dans le liquide céphalo-rachidien).
On peut se demander en pareil cas si la syphilis n'a pas joué un rôle dans
l'étiologie du syndrome parkinsonien.
Les injections intraveineuses de salicylate de soude dans l'encéphalite chro-
nique à forme parkinsonienne. — M. Bouchard (asile de Clermont, Oise) rap-
porte deux cas d'encéphalite chronique à forme parkinsonienne qu'il a traités
par des injections intraveineuses de salicylate de soude à la dose de 6 grammes
par jour en solution à 2 pour 10. Sous l'action de ce traitement, il a nettement
vu rétrocéder une grande partie des symptômes physiques, l'hyperglyco-
rachie et même les troubles du caractère. Le traitement ne put malheureu-
sement être continué plus de deux mois à cause de l'oblitération veineuse
produite par la salicylate de soude.
L'amélioration se maintint pour un des malades du mois de juillet au
mois de novembre. A cette époque, tous les symptômes s'aggravèrent,
prenant les caractères d'une poussée évolutive. L'état de l'autre malade s'est
à peu près maintenu.
Il serait intéressant de poursuivre ces essais en employant comme l'a con-
seillé Carnot, le salicylate de soude en solution plus étendue (4 p. 100 par
exemple), ce qui d'ailleurs est d'une application difficile.
H. COLIN.
IV. — Société de psychiatrie
SÉANCE DU 20 DÉCEMBRE 1923

Présidence de M. Marcel Briand


Chorée héréditaire et troubles mentaux. — M. Chartier rapporte l'histoire
d'une famille noble dans laquelle la chorée de Huntington se présente au
cours de cinq et même six générations successives. On remarque que dans
les générations les plus récentes le début des accidents est plus précoce et
que la mort survient plus tôt avec des phénomènes démentiels. Chez le der-
nier malade, les mouvements choréiques ont commencé vers vingt-trois ans,
et vers trente-cinq ans sont survenus des symptômes psychopathiques inter-
prétations délirantes, idées de persécution, affaiblissement lent et progressif
des diverses facultés. L'auteur considère que les troubles délirants doivent
être séparés des symptômes déficitaires qui caractérisent la chorée de Hun-
tington et qu'ils traduisent un état de dégénérescence mentale associé à la
chorée.
M. Marcel Briand, acceptant cette manière de voir, rapporte un cas de
chorée aiguë chez un grand débile mental.
M. Laignel-Lavastine montre à ce propos l'utilité des études historiques
pour la connaissance de l'hérédité mentale. Ce n'est que dans les familles
princières ou nobles que l'on peut trouver des renseignements certains sur
la transmission des caractères pathologiques. Il croit également qu'il y a
lieu de distinguer dans la chorée de Huntington les manifestations psychiques
par insuffisance mentale des sujets dues à des lésions corticales et les
troubles délirants qui surviennent secondairement sous des influences
diverses, constitutionnelles ou autres.
Présentation de trois obsédés. — MM. Laignel-Lavastine, Vinchon et Lar-
geau présentent trois malades atteintes des manifestations obsédantes et chez
lesquelles ils ont cherché, au moyen des épreuves médicamenteuses, les rela-
tions entre les troubles psychiques et les variations vago-sympathiques.
La première de ces malades souffre de réminiscences obsédantes d'événe-
ments passés, qu'elle a d'abord évoqués volontairement, mais qui s'imposent
maintenant automatiquement et malgré elle. L'adrénaline a provoqué nette-
ment une amélioration, tandis qu'au contraire l'atropine augmente l'anxiété
et les obsessions.
La deuxième malade est atteinte de phobie des pointes elle s'inquiète et
se fâche quand elle sent des pointes dirigées vers elle, elle s'est fait couper
les cheveux pour éviter les épingles sur la tête. Les médicaments ont paru
peu actifs dans ce cas en revanche, la psychothérapie a produit un soulage-
ment.
La troisième malade, après une période de surmenage et de fatigue, est
tombée dans un état dépressif avec phobies du toucher. L'adrénaline a donné
de bons résultats.
M. Tinel communique le graphique des variations obtenues chez cette
malade par une injection d'adrénaline. Dans les débuts, on constate une
accentuation très nette du réflexe oculo-cardiaque avec une inversion du
réflexe solaire. Puis, au bout d'un certain temps, ces effets s'atténuent et à
un certain moment le réflexe oculo-cardiaque est presque nul, tandis qu'au
contraire le réflexe solaire s'exagère. Simultanément l'anxiété disparaît et
est remplacée par une hyperémovité diffuse avec sentiment d'euphorie. Il
semble donc qu'il y ait opposition entre l'anxiété et l'impressionnabilité
générale. Au reste, M. Tinel ne croit pas qu'on doive admettre une relation
étroite et fatale entre les troubles psychiques et l'état neuro-végétatif.
M. Marcel Briand, à propos de la première malade, rappelle que chez les
anciens combattants l'évocation de certains souvenirs de guerre déclenche
l'anxiété. Il a même connu un homme chez lequel la vue seule d'un militaire
provoquait une réaction émotive.
M. Hartenberg ne croit pas que les malades présentées soient des obsédées
véritables, mais plutôt des névropathes banales ayant des craintes plus ou
moins imaginatives. Il estime qu'il y a une distinction au point de vue pra-
tique entre l'anxiété durable qui est à la base de l'obsession et la réaction
d'émotion-choc. Il a vu également chez des obsédés, sous l'influence de-
l'adrénaline, s'atténuer l'anxiété fondamentale, tandis qu'apparaissaient la
tachycardie, le tremblement, la pâleur du visage, symptômes de l'émotion-
choc.
M. Laignel-Lavastine rappelle que Marafion, dans ses recherches, avait
déjà observé cette différence.
M. Delmas n'admet pas cette distinction entre le choc émotif et l'anxiété,
Par contre, l'émotivité anxieuse doit être séparée de l'émotivité coléreuse.
M. Chartier, traitant des asthmatiques par des spécialités complexes qui
contiennent de l'adrénaline, s'est vu parfois obligé d'interrompre la cure à
cause de l'action excitante de ce médicament sur l'émotivité.
P. HARTENBERG.

REVUE DES LIVRES

P. NOBJLCOURT. Les syndromes endocriniens dans l'enfance et la


jeunesse. Paris, Ernest Flammarion, éditeur. Un volume in-I8.
Les glandes endocrines ou glandes à sécrétions internes jouent un rôle
important dans les phénomènes de la vie, à tous les âges. Dans l'enfance et
la jeunesse, elles président, en outre, à-la croissance somatique, au dévelop-
pement intellectuel, à l'évolution pubertaire. Leurs altérations et leurs
troubles fonctionnels ont toujours des conséquences fâcheuses, particulière-
ment chez les jeunes sujets en pleine période de développement ; ils se tra-
duisent notamment par des anomalies physiques, intellectuelles et morales,
par des dystrophies. Leur groupement réalise des syndromes endocriniens_
Ces syndromes tiennent une place importante dans la pathologie et la clinique
chez l'enfant- et les jeunes gens.
La physiologie et la pathologie de certaines glandes endocrines sont
établies sur des données précises. Mais il n'en est pas ainsi pour toutes.
Parmi les syndromes dits endocriniens, il en est dont l'origine glandulaire
semble certaine; il en est d'autres pour lesquels elle est moins évidente et
même discutée. Dans l'état actuel de nos connaissances, des réserves s'im-
posent encore dans bien des cas.
En écrivant ce livre sur les syndromes endocriniens dans l'enjance et la
jeunesse, le docteur Nobécourt s'est placé sur le terrain de la clinique. Il
décrit des types cliniques dépendant soit des troubles de telle ou telle
glande, syndromes thyroïdiens, paratlzyroïdiens, hypophysaires, éPiPhysaires,
thymiques, surrénaux, sexuels, soit des troubles de plusieurs glandes, syn-
dromes poly endocriniens ou pluriglandulaires. Puis, à propos de chacun
d'eux, il expose et il discute les.faits donnés à l'appui de leur origine endo-
crinienne; il les examine sans parti pris, met en valeur ceux qui sont acquis
et dégage la part de l'hypothèse, en tenant compte de l'anatomie patholo-
gique, de la physiologie et de la pathologie. Il montre qu'un certain nombre-
de syndromes endocriniens ne méritent pas, en réalité, une telle appellation.
Ce livre comporte donc, d'une part, un élément positif, d'autre part, un
élément critique. A ce double titre, il doit retenir l'attention des médecins ;
il leur permettra d'observer leurs malades, d'analyser les symptômes qu'ils
présentent, de découvrir les facteurs étiologiques et pathogéniques, en dehors
de toute idée préconçue et de conceptions trop exclusives, et, par suite,
d'apprécier les indications de l'opothérapie et les résultats qu'il est légitime
d'en attendre.
La lecture du livre est facilitée, même pour les personnes peu au courant
de l'endocrinologie, par le plan qu'a suivi l'auteur. Dans les premiers cha-
pitres, avant de décrire les syndromes endocriniens, il a, en effet, étudié les
glandes endocrines et les sécrétions internes, puis les modalités de la crois-
sance et de la puberté, dont la connaissance est indispensable pour pouvoir
en aborder avec fruit la pathologie. R. MOURGUE.

H. ROGER et G. AYMÈS. Diagnostic et traitement des sciatiques.


In-8, 1923, 164 pages, i5 figures. — Maloine et fils, éditeurs, Paris.
La sciatique... Quelle affection met plus souvent à l'épreuve la sagacité
du clinicien, abreuve davantage de déceptions le thérapeute MM. Henri
Roger et Gaston Aymès publient sur ce sujet une intéressante étude, où ils
se sont donné la tâche d'ôter à cette formule un pessimisme déprimant.
Dans cet ouvrage, concis et clair, que l'on sent être le fruit d'une sûre
expérience personnelle, et où la part bibliographique n'est cependant pas
sacrifiée, les auteurs adoptent un plan original et pratique.
Après une étude d'ensemble, où les nombreux petits signes dont s'est
récemment enrichie la sémiologie des sciatiques sont appréciés à leur juste
valeur, les étapes d'un diagnostic méthodique sont nettement définies dans
une série de chapitres concernant : les sciatiques simulées ou exagérées, —
les fausses sciatiques (algies des membres inférieurs n'ayant pas leur origine
dans ce nerf), — les parasciatiques, ou sciatiques de cause extrinsèque par
lésion de voisinage, — les sciatiques symptomatiques d'origine infectieuse,
toxique, etc., — en dernier lieu, et seulement par exclusion, les sciatiques
dites essentielles, envisagées dans leurs variétés hautes ou basses, funicu-
laires ou radiculaires.
Le traitement de ces divers types, la thérapeutique chimique et physique
sont exposés de telle façon qu'ils répondent aux nécessités de la pratique
journalière une série de paragraphes de petite chirurgie neurologique
expose minutieusement la technique des injections épidurales, des injec-
tions d'air, etc., que, grâce à cette description, tout praticien est à même
d'exécuter.
L. PARROT.

Howard C. WARREN. Précis de psychologie, i volume in-8 broché,


448 pages, avec nombreuses figures. — Librairie Marcel Rivière, Paris.

Sans développements inutiles et sans rien omettre d'essentiel, le Précis


du professeur Warren présente sous leur forme actuelle les données de la
Psychologie. C'est dire que les travaux récents occupent une large place
dans ce livre qui se recommande encore par sa riche documentation et par
son extrême clarté, chaque terme spécial étant défini avec soin. L'ouvrage est
donc accessible à tous. Il est même aisé de porter un jugement sur les pro-
positions qu'il renferme, les exemples, comme les exercices, ayant été choisis
parmi les plus simples, afin que, d'emblée, chacun puisse vérifier l'exacti-
tude des uns et exécuter les autres. Des subdivisions nettes facilitent la
lecture ainsi que la recherche de renseignements psychologiques.
Parmi les expériences publiées jusqu'à ce jour, beaucoup ne furent pas
probantes, mais certaines, incontestablement démonstratives, comme celle
de Stratton et l'auto-observation de Hayes, arrêtent net des controverses
qu'on pouvait croire sans issue. C'est un des mérites de ce précis que de
dégager et de mettre en valeur les résultats les plus suggestifs des recherches
expérimentales.
L'originalité du plan général, celle de certains aperçus et de certaines
analyses, n'échapperont à aucun psychologue.
L. PARROT.

JEAN REBOUL-LACHAUX. Le réflexe solaire. Thèse de Paris, 1923.

Après avoir donné un aperçu général sur les fonctions du système


neuro-végétatif et indiqué les procédés servant à étudier ses réactions,
l'auteur présente un court historique des recherches, concernant plus particu-
lièrement le réflexe solaire. Il passe ensuite aux résultats de ses propres
expériences et observations, tant d'ordre physiologique que clinique. Nous
reproduisons brièvement les principales conclusions de cet intéressant
travail. Le réflexe solaire est un réflexe surtout « pathologique »; il traduit
un certain degré d'hyperexcitabilité du système sympathique thoraco-lom-
baire. Soumis à des variations, sous l'influence des repas et des substances
pharmaco-dynamiques, il doit être recherché à jeun et en dehors de toute
action médicamenteuse thérapeutique. Le réflexe solaire et le réflexe oculo-
cardiaque sont l'objet d'un antagonisme relatif.L'expérimentation physiolo-
gique permet de considérer le réflexe solaire comme un phénomène nerveux,
véritablement réflexe et à mécanisme vaso-moteur ; il appartient au système
th oraco lombaire ; ses voies centripètes sont renfermées dans le nerf splan-
chnique ; ses voies centrifuges sont constituées par le splanchnique qui
commande une réponse vaso-motrice abdominale et par les fibres du ganglion
premier thoracique et du plexus pulmonaire qui conditionnent une réponse
vaso-motrice pulmonaire; les deux phénomènes, vaso-dilatation en aval,
vaso-constrictionen amont du cœur gauche, ajoutent leurs effets pour rendre
plus basse la pression et plus petites les oscillations qui l'expriment. La
recherche, en clinique, du réflexe solaire en même temps que du réflexe
oculo-cardiaque, permet de distinguer quatre types essentiels, dont les deux
premiers sont les plus fréquents 1) réflexe solaire nul ou inversé, réflexe
oculo-cardiaque positif ; 2) réflexe solaire positif, réflexe oculo-cardiaque
nul ou inversé; 3) réflexe solaire et réflexe oculo-cardiaque positifs ; 4) réflexe
solaire et réflexe oculo-cardiaque nuls. En psychiatrie, la recherche du
réflexe solaire donne la mesure de l'excitabilité sympathique thoraco-
lombaire. On peut entrevoir une application de la recherche des troubles de
l'excitabilité vago-sympathique à l'étude des constitutions psycho-névropa-
thiques et à la différenciation de certains états psychopathiques dont le dia-
gnostic clinique est parfois difficile.
Présentée d'une façon claire et concise, la thèse de M. Reboul-Lachaux,
faite dans le service de M. le professeur H. Claude, est une contribution pré-
cieuse à l'étude du système neuro-végétatif, plus particulièrement dans ses
rapports avec les troubles mentaux.
E. MINKOWSKI.

BERNARD FREY. Conceptions de Kraepelin et conceptions françaises


concernant les délires systématisés chroniques. (Thèse de doctorat de la
Faculté de Strasbourg, 1923.)
Dans cette intéressante étude comparative, l'auteur montre que, dans la
psychiatrie de Kraepelin, les délires systématisés ne constituent pas, comme
dans les classifications françaises, un groupe à part. Ils sont, en effet, ratta-
chés par l'auteur allemand à trois grands chapitres la paranoïa, les formes
systématisées de la démence Paranoïde, et les Paraphrénies.
Sous le nom de paranoïa, il faut entendre, d'après Kraepelin, un délire
systématisé chronique « endogène», constitutionnel, et sans affaiblissement
psychique terminal. Il est, en outre, caractérisé par son organisation, la
conservation de la lucidité, l'absence de dissociation psychique, la multipli-
cité des interprétations délirantes et l'absence ou la rareté des hallucinations.
La paranoïa de Kraepelin correspond très exactement au délire d'interpré-
tation de Sérieux et Capgras. Par contre, il faut en séparer le « délire des
quérulants », rangé par Kraepelin dans la classe des délires psychogènes
acquis, et correspondant à peu de chose près au délire de revendication de
l'école française. Quant au délire d'imagination, il n'a pas d'équivalent dans
la psychiatrie krsepelinienne.
La démence paranoïde et les paraphrênies représentent des syndromes où
l'élément constitutionnel peut manquer et où se surajoute souvent un
élément accidentel exogène ou endogène. La première se caractérise par une
dissociation psychique plus ou moins généralisée. La deuxième, par une dis-
sociation incomplète et limitée. Ces deux syndromes ont, du reste, dans la
psychiatrie de Kraepelin une certaine parenté. Parmi les différentes para-
phrénies, seule la paraphrénie dite systématique correspond au délire chro-
nique hallucinatoire de Magnan, avec cette réserve cependant qu'en France
le délire hallucinatoire chronique conserve une autonomie, tandis que l'au-
teur allemand rapproche la paraphrénie de la démence précoce. Quant aux
paraphrénies expansives et fabulatrices de Kraepelin, elles correspondent, en
France, à des affections qui ne sont pas considérées comme des délires
accidentels. La paraphrénie expansive notamment ressemble surtout à la
« manie chronique avec délire systématisé secondaire » de
Régis.
H. BARUK.

E. GELMA. Les hallucinations auditives sont-elles entendues par les


malades comme des sons perçus par un sujet normal? (2e fascicule des
travaux de la clinique psychiatrique de Strasbourg. Directeur : professeur
Pfersdorff).
S'il est un sujet de la psychiatrie qui, il y a quelques années, paraissait
épuisé, c'est celui des hallucinations considérées au point de vue morpholo-
gique. Mais, depuis quelque temps, « l'individualité des troubles psycho-sen-
soriels, l'existence même des hallucinations auditives », sont remises en
discussion.
E. Gelma,dont on se rappelle les travaux sur l'hallucinose,publielà-dessus un
mémoire dans le fascicule 2 des travaux de la cliniquepsychiatrique de Strasbourg.
Pour les classiques, les hallucinations auditives étaient précisément des per-
ceptions auditives, semblables à celles des sujets normaux,, exception faite
de leurs causes. Élémentaires ou verbales, on n'en pouvait parler sans sous-
entendre les caractères suivants : sonorité, tonalité; timbre, spatialité, etc.;
et ceci les différenciait nettement des hallucinations psychiques, des « paroles
sans bruit », des fausses hallucinations, peut-on dire, pour bien marquer les
contrastes. Gelma, après une revue des conceptions de Baillarger, de Michéa
de Kandzinski, de Kahlbaum, des travaux de Séglas, de G. Petit, etc., montre
où en est actuellement cette question. Pour l'auteur, l'halluciné de l'ouïe n'en-
tend pas réellement ses « voix » comme un sujet normal perçoit des sons; et la
preuve de cette opinion, c'est que la constatation d'hallucinationsse produisant sous
forme de paroles prononcées d voix haute est exceptionnelle. En fait, la plupart
des hallucinés auditifs, sinon tous, entendent des paroles dites à voix basse.
A la vérité, bien des faits, selon nous, paraissaient dans les récits des
hallucinés, assez singuliers: ceux-ci parlent souvent de petites voix, de voix
soufflées dans les oreilles, de téléphone, etc. ; et, sans doute, pouvait-on penser
que ces comparaisons, si fréquentes, n'étaient qu'un essai d'explication de
phénomènes d'audition, étranges parceque non accompagnés des autres con-
comitants sensoriels habituels. Toutefois, l'ignorance et la crédulité de certains
malades est telle que ces images eussent dû donner l'éveil et faire supposer
qu'elles étaient un effort de description et non d'explication.
Gelma, à l'appui de sa thèse, se réfère aux travaux de Rulf, de Flournoy,
de Blondel, de Bertschinder, de Krueger, d'Halberstadt, et enfin de Quercy,
qui concluent, soit à la rareté et à la pauvreté des hallucinations auditives
verbales, soit à la possibilité de réduire celles-ci à des interprétations.
Il rappelle les conditions nécessaires d'une bonne étude clinique des hallu-
cinations : il faut examiner les malades au moment même où ils écoutent leurs
voix, leur poser un minimum de questions, les prier de reproduire vocalement
ce qu'ils entendent; parmi eux, il faut choisir les délirants lucides, orientés,
et enfin, les sujets intelligents, instruits de vocabulaire nuancé.
Précisément, il rapporte dans son travail, l'observation de trois hallucinés
de l'ouïe appartenant à cette catégorie; or, les « voix » que ces malades
entendent sont des voix bases.
Selon l'auteur, il est souverainement important de « distinguer l'intensité
de l'hallucination auditive du caractère sonore des bruits que le malade dit
avoir entendus ». Si les images auditives verbales sont quelquefois très nettes
ou impérieuses, ce que les réactions des malades prouvent assez, si l'hallucina-
tion est intense ou même « violente x, selon le qualicatif d'une de ses malades,
elle est la plupart du temps dépourvue de bruit réel, «ce n'est qu'une image».
Gelma ne va pas jusqu'à dire qu'il n'existe pas d'hallucinations auditives
verbales à caractère classique, et dont l'observafion de Colin et Mourgue
reproduit un cas saisissant; il ne va pas jusqu'à les assimiler à l'illusion et à
l'interprétation. Il admet qu'elles se confondent le plus souvent avec l'hallu-
-cination psychique, et que, lorsqu'il y a phénomène d'audition, les voix sont
entendues d'une manière beaucoup plus étouffée qu'à l'état normal. Mais il ne
conclut pas, comme certains observateurs modernes, que les barrières sépa-
rant jusqu'ici les délires hallucinatoires des folies raisonnantes sont désormais
supprimées.
Georges LERAT.

E. GELMA. Contribution à l'étude de la paraphrénie confabulante et fan-


tastique. (2°fascicule des travaux de la clinique psychiatrique de Strasbourg.
Directeur : professeur Pfersdorff.)
On sait que Kraepelin, il n'y a pas encore bien longtemps, donnait à la
démence précoce des droits de propriété bien étendus; il lui attribuait tous
les délires hallucinatoires plus ou moins cohérents. Mais la conception de la
démence paranoïde fut critiquée; certains fidèles du maître de Munich furent
bien obligés de séparer de la démence précoce les délires hallucinatoires
systématisés chroniques.
Et, l'introduction des paraphrénies dans la nosologie psychiatrique a pu
cc

être considérée comme la consécration d'un long mouvement de réaction


contre l'englobement, dans le cadre de la démence précoce, de tous les délires
hallucinatoires plus ou moins cohérents JJ.
c Les délires de confabulation, paranoïa confabulante de
Neisser, les
délires fantastiques de Sérieux et Capgras, constituent un chapitre important
des paraphrénies. » Ce sont des délires caractérisés par l'abondance, l'exubé-
rance, l'énormité des productions imaginatives, mythiques, alors que les
systèmes hallucinatoires ou interprétatifs sont relativement limités, et « gra-
vitent autour (l'une idée prévalente ». L'auteur publie quatre observations se
rapportant à la « paraphrénie fantastique a et montre que ces malades, malgré
l'excitation, l'absurdité des idées délirantes de grandeur et de richesse, etc.,
ont conservé l'intelligence, l'adaptation au travail, la spontanéité et l'inven.
tivité.
A la lecture superficielle de quelques-unes de ces observations, et l'auteur
lai-même signale l'objection, on serait tenté de porter le diagnostic de manie
chronique.
Après avoir énuméré les symptômes distinctifs attribués par Kraepelin à la
paraphrénie confabulante et à la paraphrénie fantastique et après avoir bien
mis en lumière, par l'exposé d'un tableau comparatif, combien se ressemblent
les caractères généraux de la paraphrénie confabulante et du délire d'imagina-e
tion de Dupré, Gelma décrit les analogies et les différences qui rapprochent et
séparent les paraphrénies confabulante et fantastique : toutes deux sont dues
à la productivité débordante de l'imagination créatrice et reproductrice; elles
ont donc pour parenté commune la constitution morbide imaginative. Mais
la paraphrénie fantastique diffère principalement de la confabulante par
l'énormité, l'étrangeté du délire, l'existence d'hallucinations auditives et de la
sensibilité générale, et par la fréquence de son étiologie pénitentiaire.
Pour l'auteur, et contrairement à l'opinion de W. Mayer, elle mérite,
puisque après une longue durée elle ne s'accompagne pas d'affaiblissement
intellectuel, qu'on ne lui dénie pas l'individualité et qu'on la place hors du
cadre des psychoses à évolution démentielle rapide, des délires hallucinatoires
chroniques sans évolution démentielle ou à évolution démentielle très retardée.
Georges LERAT.

ANALYSES

HENRY HEAD. The conception of nervous and mental energy (Vigilance


:
A physiological state of the nervous system.) The British journal of psy-
chology (General Section), vol. XIV, part 2, October 1923.
Cet article, qui est la reproduction in extenso d'une communication faite
par l'auteur au dernier Congrès International de psychologie qui s'est tenu
à Oxford, l'été dernier, constitue une contribution des plus importantes à la
physiopathologie générale du système nerveux. Comme il l'avait fait dans
divers travaux antérieurs, Head proteste contre la neurologie, qui se
con-
tente uniquement de considérations anatomiques (interprétation des symp-
tômes parles interruptions de fibres).
L'effet des modifications structurales ne dépend pas seulement de leur
étendue et de leur gravité; le mode et la rapidité de l'attaque et l'état général
du système nerveux au même moment sont de bien plus grande importance
pour la détermination de la nature du déficit fonctionnel. Head rappelle, à
cette occasion, ses intéressantes recherches, entreprises en collaboration
avec Riddoch, sur les sections complètes de la moelle par blessure de
guerre. Celle-ci est encore susceptible de divers degrés d'activité, qui se
manifeste par diverses formes de réponses réflexes; mais qu'une toxémie ou
toute autre complication capable d'abaisser la vitalité du sujet, la nature
même de la réaction va changer (par exemple, disparition des réflexes
profonds, restriction du champ réceptif du réflexe plantaire à la plante du
pied ou aux parties inférieures de la jambe, disparition de l'évacuation des
réservoirs par excitation périphérique). Ce phénomène peut être temporaire
et ce qui montre qu'il ne peut être attribué à une désorganisation structurale,
c'est qu'il peut être provoqué, d'une façon transitoire, par l'action du chloro-
forme. Head trouve également dans les expériences prolongées de Bazett et
Penfold sur la rigidité décérébrée une remarquable confirmation de sa thèse.
On sait que ces auteurs ont pu mettre en évidence, dans leurs préparations,
une merveilleuse complexité de réactions, dont le caractère purement discri-
minatif ne saurait être nié. Head insiste sur ce point, que l'état de vitalité
de l'animal, qu'une hémorragie, une infection, l'état plus ou moins profond
de la narcose chloroformique, fait considérablement varier, conditionne
non
pas un état de plus ou moins grande excitabilité du système nerveux, mais
des états différents entre eux qualitativement au point de vue de la
com-
plexité et de l 'adaptation. C'est pour désigner cette propriété du système
nerveux que Head a créé le terme de vigilance ; comme l'auteur nous l'a fait
remarquer, il ne faut pas confondre cette notion avec celle d'intégration, qui
est proprement une action de sélection et de regroupement des excitations
afférentes, action qui rend possible l'existence des réactions hautement
différenciées.
Head montre ensuite le rôle de la vigilance dans les actions automa-
tiques, particulièrement celles qui ont été acquises durant la vie de l'indi-
vidu. Ces aptitudes sont fonction de la vigilance des parties responsables de
leur exécution. D'ailleurs, dans tous les modes spécifiques de comportement,
les processus conscients et automatiques sont inextricablement mêlés. La
sensation normale exige non seulement la reconnaissance de différences qua-
litative et spatiale, mais aussi l'enregistrement précis, au niveau physiolo-
gique, des résultats produits par les impressions afférentes antérieures. Par
exemple, le même ensemble de phénomènes qui déterminent la réalisation
des rapports spatiaux intervient dans le déterminisme de conditions pure-
ment physiologiques telles que le maintien de quelques formes de tonus
musculaire et de coordination.
L'adaptation à caractère finaliste (purposive-adaptation) est plus ou
moins évidente dans toutes les réactions, somatiques ou psychiques, qui sur-
viennent au cours d'un état de vigilance neurale particulièrement développé.
Trois facteurs interviennent dans ce cas :
1° Certaines qualités de l'excitant demeurent ignorées du sujet, alors que
d'autres donnent naissance à une réaction; ces réactions, à leur tour, luttent
entre elles pour la maîtrise du processus et leur intégration finale donne de
l'importance à un aspect de l'excitation plutôt qu'à un autre ;
2° La forme prise, à chaque moment, par les réactions dépend de dispo-
sitions dues aux activités passées, de sorte que l'avenir est implicitement
contenu dans le présent. Ainsi le comportement du système nerveux central,
considéré dans l'ensemble ou en partie, est constitué par un processus orga-
nique (au sens logique du mot) de phénomènes et n'est pas une série d'épi-
sodes isolés ;
3° Les excitations afférentes dotent les :réactions de relations spatiales ;
la résultante en est un rapport avec un but défini dans l'espace et dans le
temps.
Les mêmes facteurs, sous une forme plus développée, peuvent être mis
en évidence dans tous les modes conscients de comportement, qui sont spéci-
fiquement touchés par des atteintes du système nerveux central. Les pro-
cessus conscients manifestent le même rapport avec la vie des centres supé-
rieurs du système nerveux que les réflexes adaptés manifestent avec la
vitalité des centres situés plus bas dans la hiérarchie neurale. Les uns et les
autres sont également l'expression de la vigilance physiologique.
L'unité de l'esprit est la résultante de tous les processus psychiques qui
peuvent modifier la conscience. Ceux-ci sont en état d'interaction intime et
s'influencent réciproquement, de façon profonde, pour produire finalement
une continuité d'adaptation d'un caractère hautement finaliste. Ce n'est pas
le résultat d'une synthèse d'éléments divers, mais bien la conséquence finale
d'une lutte entre diverses formes de réaction. Si l'une d'elles doit être
éliminée, il n'y a pas de hiatus dans la continuité de la conscience ; la
perte de la fonction ne peut être reconnue que par un acte défini d'obser-
vation.
Ce n'est pas le lieu de situer ici le point de vue de Head sur la vigilance
dans le courant des idées contemporaines (en particulier de les comparer
avec celles de M. de Monakow ou avec celles d'Arnold Pick), ou de montrer
dans quelle mesure il adopte le point de vue biologique. Il est d'ailleurs aisé
de reconnaître dans le résumé précédent la généralisation de principes qui
forment le couronnement des beaux travaux de Head sur les sensations.
R. MOURGUE.

G. VERMEYLEN. Les débiles mentaux. (Étude expérimentale et clinique.)


Bulletin de l'Institut général psychologique. Kos 4-6, 1922.)
Conformément aux tendances modernes, l'auteur cherche à préciser et à
différencier davantage la notion de débilité mentale et à établir, en consé-
quence, une classification des débiles.
Le débile mental est, pour l'auteur, un déficient dont le niveau mental
correspond à celui d'enfants de six à dix ans ; en dehors de cette diminution
globale, le débile manifeste une infériorité qui porte plus particulièrement
sur son activité d'élaboration ; son adaptation à la vie ne se fait que d'une
façon incomplète, l'autonomie de diverses fonctions, constatée chez l'enfant
au-dessous de dix ans ayant chez lui tendance à perdurer.
L'auteur s'est servi d'une série de tests adaptés à l'examen des diverses
facultés mentales. Les résultats de l'examen sont mis, pour chaque sujet, en
diagramme et reproduits ainsi à l'aide d'une courbe mentale. Cette méthode
permet, en plus d'une appréciation globale de l'arriération du sujet, une
analyse plus détaillée du degré d'évolution de chaque faculté. En dehors des
données fournies par les tests, il y a lieu de noter les activités spontanées,
les attitudes et les manières de faire personnelles du sujet qui se manifestent
à l'occasion de l'examen et qui peuvent donner d'utiles indications sur sa
nature intime et sur son caractère individuel.
Les résultats, obtenus à l'aide de ces moyens d'investigation, permettent
tout d'abord de distinguer deux grands groupes de débiles : les débiles
désharmoniques et les débiles harmoniques. Les premiers présentent des
irrégularités dans le tracé de la courbe mentale; la courbe des seconds,
reste, par contre, assez :uniforme dans son ensemble. Il est permis d'ail-
leurs d'aller encore plus loin; suivant le caractère particulier des irrégu-
larités dans les courbes mentales, on peut subdiviser les débiles désharmo-
niques en sots, instables et émotifs ; chez les débiles harmoniques, le tracé
de la courbe est, comme nous venons de le dire, uniforme ; il ne peut donc
servir de base pour une classification ; c'est surtout l'observation des réac-
tions spontanées et de l'attitude générale qui permet de grouper les débiles
harmoniques en déciles passifs, pondérés, actifs et puérils.
L'examen comparé des enfants normaux de différents âges et des débiles
permet d'éclairer leur psychologie réciproque.L'enfant normal passe, entre
six et dix ans, d'une activité mentale surtout réceptrice à une activité d'éla-
boration visant, par le jeu des suppléances, à coordonner le fonctionnement
mental en vue d'une adaptation meilleure. Le débile mental, au contraire,
reste presque toujours au stade de l'activité surtout réceptive, la coordi-
nation des fonctions intellectuelles est toujours incomplète et ne peut
aboutir à une synthèse parfaite.
D'un grand intérêt théorique et pratique, les recherches de Vermeylen
co-ntribueront certainement à une plus grande adaptation des procédés
pédagogiques aux particularités individuelles des débiles mentaux.
E. MINKOWSKI.
KRABBE La glande pinéale, et en particulier sa signification dans le
développement sexuel. (Endocrinology, mai 1923, VII, 3.)
L'a glande pinéale est un organe dont la fonction est restée jusqu'à ce
jour presque totalement inconnue, et l'auteur a réuni en quelques pages
toutes nos connaissances actuelles sur ce sujet.
Les données anatomiques et histologiques ne permettent pas de conclure
à l'existence d'une fonction sécrétoire. Si celle-ci existe, rien n'indique
qu'elle prenne fin à la puberté; l'épiphyse ne s'atrophie pas plus que les
autres organes chez les sujets âgés et il subsiste une quantité prédominante
de tissu parenchymateux. On admet que l'épiphyse, étant intimement reliée
à l'encéphale et baignée de toutes parts par le liquide céphalo-rachidien,
intervient dans leur métabolisme, mais ce n'est là qu'une hypothèse. Enfin
l'état rudimentaire où l'on trouve cet organe chez certains animaux, cétacés,
édentés par exemple, ne permet pas de conclusions au sujet de son rôle.
Les recherches anatomo-cliniques ne donnent pas davantage de rensei-
gnements utiles. Les lésions pinéales les plus fréquemment décrites sont
des tumeurs, et en particulier des tératomes. Leur présence dans l'épiphyse
peut s'expliquer par la situation superficielle de l'organe au cours du déve-
loppement. On a décrit beaucoup d'autres altérations, telles que les trans-
formations fibreuses ou kystiques, l'hypertrophie, l'atrophie, la sclérose,
mais elles ne doivent être acceptées qu'avec la plus grande réserve, les limites
entre l'état normal et l'état pathologique étant très imprécises.
Parmi les symptômes qui accompagnent les tumeurs, un des plus inté-
ressants est l'apparition prématurée des caractères sexuels secondaires avec
développement rapide des organes génitaux externes, de la taille et du sys-
tème pileux. L'auteur montre qu'il existe dans la littérature de nombreux
cas de puberté précoce en relation avec une tumeur épiphysaire, mais la
nature de cette relation demeure très obscure. On a pensé pouvoir la rat-
tacher à la sécrétion de substances par les tumeurs, ou bien à la destruction
de l'épiphyse, mais on connaît une série de cas de destruction de cet organe
par des tumeurs ou une hydrocéphalie et qui ne furent pas accompagnés de
puberté précoce. On a aussi invoqué la destruction des centres voisins du
mésocéphale qui gouvernent le métabolisme, mais ce n'est qu'une hypothèse.
L'action à distance de l'épiphyse sur l'hypophyse peut être mise hors de
cause. Au contraire, il faut remarquer que presque tous les cas signalés de
puberté précoce associée à une tumeur épiphysaire sont des tératomes,
c'est-à-dire des tumeurs ayant des relations étroites avec les malformations,
et il pourrait y avoir coïncidence d'une anomalie de la région de la glande
pinéale et des éléments endocrines des testicules. En somme, il n'est pas
démontré jusqu'ici que l'épiphyse exerce une influence inhibitrice ou accé-
lératrice sur le développement sexuel.
L'extirpation de la glande pinéale ne nous a pas jusqu'à présent mieux
renseigné sur ses fonctions. Les résultats obtenus peuvent être considérés
comme négatifs et il semble établi que chez le chien, le lapin, le cobaye,
l'épiphyse n'est pas un organe d'importance vitale ; son rôle peut être assumé
par d'autres organes lorsqu'on vient à la supprimer. Les résultats de l'extir-
pation obtenus par Christea sont tout à fait contradictoires avec ceux de Foâ ;
aussi est-il impossible actuellement de se prononcer à ce sujet. Il semble
bien, en tout cas, que si l'épiphyse a une action sur le développement de la
puberté, cette action n'est que secondaire.
Les expériences de castration n'ont donné que des résultats divergents.
Il en est de même de l'injection d'extraits épiphysaires et de l'ingestion
d'épiphyse. D'ailleurs, dans ces expériences, on n'a pas tenu compte de la
quantité considérable de nucléines que renferme l'organe, lesquelles peuvent
activer le développement de l'animal d'expérience et il faudrait tout au moins
soumettre des témoins à des quantités équivalentes d'acide nucléique.
En somme, on peut admettre avec certitude que la glande pinéale possède
une fonction chez l'homme et chez la majorité des mammifères ; qu'il s'agit
probablement d'une sécrétion interne, mais qu'elle n'est pas indispensable
à la vie. Il faut enfin avouer que nous ignorons totalement l'influence de cette
sécrétion interne sur l'organisme et, en particulier, sur le développement de
la puberté.
LAUZIER.

JOHN TIERNEY. Classification et traitement des troubles hypophysaires.


(Bulletin of the Association for the study of internai sécrétion, juillet 1923,
p. 536.)
Si l'expérimentation, les recherches cliniques, les épreuves thérapeutiques
n'ont pas permis, en tant que recherches isolées, d'édifier une classification
concordante des manifestations hypophysaires, on peut cependant essayer, en
combinant les résultats de ces trois modes d'investigations, de tracer un schéma
d'ensemble, encore incertain mais qui peut cependant dès maintenant guider
le médecin dans les essais thérapeutiques. L'auteur, avec Engelbach, est arrivé
aux conclusions suivantes : il distingue d'une part les altérations du lobe anté-
rieur; d'autre part,celles du lobe postérieur auquel il rattache le lobe moyen.
Pour chacune de ces deux divisions, il y a lieu de considérer séparément les
manifestations d'hyper ou d'hypofonctionnement, et d'autre part l'âge auquel
elles surviennent.
En partant de ces données, on peut établir la classification suivante :
1. Lobe antérieur régit surtout le développement du squelette et en partie
des organes génitaux.
a) Hyperfonctionnement : avant l'adolescence, gigantisme; après l'ado-
lescence, acromégalie.
b) Hypofonctionnement : avant l'adolescence, arrêt de développement de
tous les os et infantilisme type Lorain; après l'adolescence, arrêt de dévelop-
pement des os courts plats (microcéphalie), membres normaux, développe-
ment normal des organes génitaux.
2. Lobe postérieur agit sur les facteurs suivants :
1. Métabolisme : hypofonctionnement-diminué-hyperfonctionnement-aug-
menté, glycosurie.
2. Adiposité : hypofonctionnement-augmenté-hyperfonctionnement-dimi-
nué.
3. Polyurie : hypofonctionnement-positive-hyperfonctionnement-positive,
ou négative.
4. Contraction des muscles involontaires (intestin, utérus) hypofonc-
:

\> onnement-négative-hyperfonctionnement-positive(spasmes intestinaux).


5. Autres glandes endocrines, thyroïde : hypofonctionnement hypothyroï-
dique, hypofonctionnement hyperthyroïdique.
6. Pouls : hypofonctionnement-lent-hypofonctionnement-rapide.
7. Psychisme : hypofonctionnement-apathie,
somnolence-hypofonctionne-
ment instabilité psychique.
Quant aux symptômes de voisinage, notamment les symptômes de tumeur,
ils sont inconstants. La selle turcique est souvent normale au cours des diffé-
rents syndromes hypophysaires. En ce qui concerne la thérapeutique, si les
extraits pluriglandulaires jouissent actuellement de la faveur universelle, il
n'y en a pas moins lieu d'insister sur l'efficacité plus grande d'extraits, uni-glan-
dulaires quand on peut nettement déterminer la glande enclose. Il est préfé-
rable, dans les cas plus complexes, d'essayer de déterminer une combinaison
rationnelle opothérapique basée sur l'analyse des divers symptômes. Enfin,
pour être efficace, le traitement devra être appliqué le plus tôt possible.
H. BARUK.

MOTOO SEGI. (Nagoya, Japon.) Etude anatomique d'un cas d'hémianopsie


homonyme double, (Zeitschrift fiir die gesamte Neurologie UlzdPsychiatrie; ;
Vol. LXXXXV, n05 4-5, Ier septembre 1923, p. 467.)
L'intérêt du cas décrit réside, au point de vue clinique, dans le fait de
l'apparition chez un homme de quarante ans, syphilitique, d'une hémianopsie
homonyme double due non pas à une meningite gommeuse de la base, mais
à une double lésion vasculaire des lobes occipitaux. D'autre part cette hémia-
nopsie s'est montrée, aux premiers examens, particulièrement irrégulière
(champ visuel droit supérieur conservé à un œil et aboli à l'autre) et ne
respectant le champ maculaire que dans une très faible étendue.
L'examen anatomique macroscopique montre des lésions massives de
l'hémisphère gauche détruisant toute la région du cunéus et s'étendant en
avant dans la substance blanche jusqu'au lobe pariétal.
Dans l'hémisphère droit au contraire, altérations minimes en forme de
coin étroit atteignant par sa partie antérieure le corps calleux et n'arrivant pas,
par son extrémité postérieure, au pôle occipital. Les coupes en série montrent
une configuration anormale de la calcarine qui se divise en deux scissures :
la supérieure, peu profonde, se dirige en avant. En arrière, jusqu'à 1 centi-
mètre et demi du pôle occipital, aucune lésion. A cette distance apparaît un
foyer de ramollissement d'abord étroit, qui atteint sa plus grande étendue un
peu en avant du milieu de la scissure calcarine et détruit en partie le lobe
fusiforme. Au delà, il se rétrécit et se divise en deux parties, l'une se dirige
vers le lobe lingual, l'autre reste dans la sphère visuelle, vient léser le faisceau
sagittal externe et s'enfonce dans le système des fibres centrales.
L'auteur rapprochant les faits cliniques des faits anatomiques conclut :
En ce qui concerne l'hémisphère gauche, la destruction de la voie visuelle
étant totale, le déficit du champ visuel s'explique aisément.
Pour l'hémisphère droit, au contraire,les lésions de la sphère visuelle elle-
même seraient insuffisantes à expliquer l'hémianopsie. Il faut bien admettre
le rôle des voies d'association et particulièrement du faisceau sagittal externe.
Ce cas est une nouvelle preuve à l'appui de la thèse qui soutient la projec-
tion verticale des fibres optiques dans la sphère et les voies visuelles.
Les lésions des voies d'association démontrent que, conformément à l'opi-
nion de Henschen, Nissl, etc., il n'y a que dans le faisceau sagittal externe
qu'il existe des fibres visuelles se dirigeant vers le cortex.
L'étendue des lésions ne permet pas à l'auteur d'apporter des précisions
nouvelles quant à la projection maculaire. Il estime que l'importance du
déficit maculaire dans le cas décrit peut être expliquée par deux ordres
d'hypothèses : ou bien par l'atteinte, dans la partie postérieure de la calcarine
seulement, des fibres horizontales du faisceau sagittal externe, ou bien, si l'on
admet la double innervation de la zone maculaire, par l'atteinte des deux
lobes pariétaux à travers lesquels doit s'effectuer le passage des fibres macu-
laires.
S. SCHIFF-WERTHEIMER.

C. L. PARHON et Mme MARIE BRIESE (de Jassy). Sur la localisation mo-


trice spinale de la jambe et du pied chez l'homme (Archivio generale di
lzeurologia, psichiatria e psicoanalisi. Vol. III [1922] n°s ï et 2).
Étude de la moelle lombo-sacrée d'un homme ayant succombé seize jours
après l'amputation de la cuisse, dans son tiers inférieur, pour une gangrène de
la jambe. Cette étude confirme différents travaux antérieurs du profes-
seur Parhon, de Marinesco, Goldstein, Van Gehuchten, etc. Le groupement
des cellules radiculaires des cornes postérieures varie suivant l'étage examiné
et n'est pas aussi rigoureusement schématique que l'affirment les traités clas-
siques. Au niveau du deuxième segment sacré, les auteurs distinguent un
noyau antéro-externe pour les muscles de la hanche, un noyau intermédiaire
(muscles de la jambe), un noyau postérieur (muscles du pied), un petit groupe
postérieur et interne à signification inconnue. Les réactions de dégénérescence
dans le cas des auteurs, comme dans les cas précédemment étudiés (réaction
à distance de Marinesco), permettent de formuler les propositions suivantes :
Les centres moteurs primaires pour les muscles de la jambe et du pied
s'étagent chez l'homme au niveau de la moelle, entre le cinquième segment
lombaire et les segments sacrés.
Il existe dans la moelle lombo-sacrée des noyaux moteurs bien indivi-
dualisés, à topographie constante, mais il peut exister de petites variations
individuelles quant à leurs limites exactes dans le sens de la hauteur.
Lorsqu'un de ces noyauxinnerve plusieurs muscles, on observe une sous-
division, constante elle aussi, en groupements secondaires. Dans le groupe-
ment des muscles de la jambe, les centres qui innervent les muscles de la
partie antéro-externe sont situés en dehors de ceux qui innervent les muscles
de la face postérieure et en ce qui concerne ces derniers, les muscles de la
couche la plus superficielle occupent une situation plus antérieure que celle des
couches musculaires profondes.
Aux muscles homologues des différents segments de membre correspond
unehomologie de leurs centres spinaux.
Dans leur dernier cas les auteurs ont observé en outre une dégénéres-
cence croisée de quelques cellules : il y aurait donc quelques rares fibres
motrices pour l'innervation de la jambe qui auraient un croisement spinal.
P. SCHIFF.
C. VERMEYLEN (Gheel). Les troubles du caractère chez les enfants à
la suite d'encéphalite épidémique. (Société de médecine mentale de
Belgique. — Journ. de neurol. et de Psych., 5, 1923.)
L'auteur présente six observations, venant confirmer les conclusions pré-
sentées par Truelle et Petit au Congrès de Quimper. Les troubles de carac-
tère post-encéphalitiques ressemblent beaucoup au tableau clinique de la
constitution perverse instabilité générale, activité maligne, susceptibilité
:

et vanité, impulsions violentes et cruauté, indocilité et indiscipline, sexua-


lité précoce et déréglée. Le plus souvent, il s'agit d'enfants à hérédité plus
ou moins chargée et ayant présenté déjà antérieurement quelques troubles
légers. Ceci pourtant n'est pas une règle absolue ; parfois, on ne trouve rien
d'anormal dans les antécédents. On peut, dès lors, se demander comment
certains malades peuvent acquérir une constitution pathologique définie qui
s'oppose nettement à leur état antérieur. Cette question a été soulevée par
Courbon au Congrès de Besançon. Cette tranformation de caractère n'ayant
été signalée que chez des enfants, il y a lieu de se demander s'il ne s'agit
pas là simplement d'un développement de tendances latentes ; il ne saurait
être question ainsi d'une véritable création de tendances nouvelles, mais
uniquement d'une sorte de transposition de valeurs, mais mettant en évidence
des tendances, restées jusque-là latentes et ramenant les autres dans
l'ombre. La plasticité psychique de l'enfant rend cette hypothèse plausible.
E. MINKOWSKI.

VERMEYLEN, NYSSEN et LAMSENS. Quatre cas de catatonie à la


ménopause. (Société de médecine mentale de Belgique. — Journ. de
neurol. et de psych., 1, 1923.)
Les auteurs décrivent quatre cas de catatonie à la ménopause, trouvés sur
un total de douze cents malades. Ils se rallient à l'opinion de ceux qui consi-
dèrent la catatonie comme un syndrome pouvant se retrouver dans diverses
affections mentales. Ce syndrome se manifeste également parfois à la méno-
pause. Dans ces cas, il semble présenter quelques caractères particuliers le
tableau clinique est plus nettement et plus exclusivement psycho-moteur
que dans le syndrome hébéphréno-catatonique, la diminution de l'affectivité
semble moins grande, les troubles de l'humeur et du caractère sont très
importants.
E. MINKOWSKI.
DANIEL C. MAIN.— Physiothérapie,ses résultats dans la démence précoce,
dans une série de vingt cas. (The American JOllnzal of Psychiatry,
janvier 1923.)
L'auteur envisage d'abord l'utilité de faire effectuer dans les asiles des
travaux variés aux différents malades. Le travail a un rôle curatif important.
Il y aurait lieu pour l'auteur d'établir dans chaque établissement une organi-
sation à ce sujet permettant de donner aux malades des occupations variées
allant des travaux manuels jusqu'aux travaux intellectuels. En ce qui concerne
la démence précoce, l'auteur a appliqué cette méthode dans vingt cas dont il
rapporte succinctement les résultats. Il y a lieu autant que possible en parei
cas d'éviter d'instituer un travail trop automatique, ou auquel le malade serait
trop habitué, et qui laisserait s'opérer la désagrégation psychique. Il faudra
donc autant que possible choisir une occupation demandant une certaine
attention. D'autre part, il est nécessaire de disposer à cet effet d'instructeurs
spéciaux, doués d'une patience à toute épreuve, de jugement, de bon sens, et
surtout capables de discerner chez leurs élèves les défauts qui dépendent de
la maladie, et ceux qui relèvent d'une insuffisance de la volonté du sujet.
Sur les vingt cas observés, un certain nombre de sujets ont pu être réédu-
qués d'une façon suffisante pour reprendre un petit travail lucratif en dehors
de l'asile. Quant aux autres, même si la rééducation ne peut être poussée
aussi loin, ce mode de traitement a au moins le mérite de leur éviter les
inconvénients de l'oisiveté et de l'inertie.
H. BARUK.

G.-H. HYSLOP. Le traitement de l'encéphalite épidémique résiduelle.


(J. Neurol et Psychopath., n° 3, p. 250, 1922.)
Quinze cas de syndrome parkinsonien post-encéphalique,étudiésau point
de vue pharmacologique, ont été améliorés par l'administration de scopola-
mine (75 p. 100 des cas) et de gelsemium (66 p. 100). L'action de cette dernière
substance semble même avoir guéri deux des malades traités.
L. CORNIL.

AVIS
Réunion biologique neuro-psychiatrique
La prochaine réunion biologique neuro-psychiatrique se tiendra
à l'amphithéâtre de la clinique des maladies mentales à l'asile Sainte-
Anne, le jeudi 3i janvier, à dix heures.
Toutes les personnes qui s'intéressent aux questions concernant les
applications biologiques à la neurologie et à la psychiatrie sont invitées
à y prendre part.
Pour les communications, écrire à M. le docteur Santenoise, chef de
clinique à l'asile Sainte-Anne, 1, rue Cabanis.

Le Gérant : G. DELARUE.
TRAVAUX ORIGINAUX

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
ENTRE LA FOLIE MANIAQUE DÉPRESSIVE
ET LA CATATONIE

PAR
R. de SAUSSURE
Asile de Bel-Air (Genève)

Lorsqu'on parcourt les ouvrages qui relatent un grand nombre de


cas de manies ou de catatonies, on est frappé par le fait que les limites
qui séparent ces deux affections varient d'un auteur à l'autre. On a
l'impression que ce qui, chez l'un, serait décrit sous le nom de manie,
est décrit par un autre sous le nom de catatonie. Les difficultés de ce
diagnostic ont été signalées depuis longtemps déjà, et si nous y reve-
nons, c'est uniquement parce que les auteurs ne nous paraissent pas
être arrivés à des conclusions fermes à ce sujet. En France, la question
a surtout été discutée entre les années 1909 et 19I3 1.
Depuis lors, la France semble avoir attaché moins d'importance
à cette question, mais un ouvrage récent d'un auteur allemand,
M. Lange 2 nous invite à reprendre la question.
Examinons tout d'abord quelques-unes des difficultés du problème :
10 Certains auteurs semblent contester qu'il faille considérer la cata-
tonie comme une entité morbide. Ballet et Séglas se rangent à cet avis3.
2° Tout en reconnaissant une entité morbide caractérisée par le syn-

1. Voir et COLIN. A propos du diagnostic de démence précoce et de


SÉGLAS
folie maniaque dépressive (Encéphale 1909, t. II, p. 55y).
— LEROY. Un cas de
démence précoce chez une malade ayant présenté antérieurement des accès
de délire intermittent [Ann. Médico-Psychol. 1909, t. II, p. 409-420).
— BARBÉ
et GUICHARD, démence précoce et psychose périodique (Encéphale 1911, p. 365).
— BARBÉ, Difficultés du diagnostic entre démence précoce et psychose pério-
'). -
dique (lbid. 1912, t. II, p. 437-45 GOURBON. Démence précoce et folie
maniaque dépressive, (Ibid, 1913, p. 435-445). —MASSELON, Psychoses consti-
tutionnelles et psychoses associées (Ibid. IQI3, t. I. p. i t8-i36).
2. KatatonischeErscheinungen iw Rahmen Pizaizz.scherErkrankungen, Berlin,
Springer, 1922, 169 p.
3. Voir la discussion qui a suivi le travail de SÉGLAS et COLIN (Encéphale
ig-,i). — COURBON aussi. (Encéphale 1913, t. I.)
drome de la catatonie, certains auteurs constatent que les symptômes
catatoniques peuvent se trouver avec plus ou moins de fréquence dans
la folie maniaque dépressive. Ainsi Sommer1.
Ce qui nous intéresse avant tout, c'est de connaître dans quelle
mesure les symptômes catatoniques se mêlent à la folie maniaque
dépressive. A ce propos, le tableau de Lange (10) est fort intéressant;
sur cent psychoses maniaques dépressives, il rencontre :
1° Associations d'idées dissociées dans le sens des
démences précoces, dans 52 cas.
20 Hallucinations, (dont 32 auditives), dans 48 —
3° Indifférence émotionnelle, dans 12 —
4° Négativisme,dans i3 —
5° Stéréotypies, dans 36 —
6° Maniérisme, dans 37 ;—
70 Catalepsie, dans 5

8° Echomimie, écholalie, dans 8 —
gO États stuporeux, dans 18 —
10° États hyperkinétiques, dans i5 —
11° Automatismes, dans 2 —
12° Actions impulsives, badigeonnage, etc., dans .. ..
-
36 —

Dans vingt-quatre cas seulement, la manie a été trouvée à l'état pur.


D'après le tableau ci-contre, nous pouvons nous rendre compte que
les symptômes catatoniques apparaissent surtout dans le jeune âge et à
un âge avancé.
3° Enfin, certains auteurs admettent qu'il peut y avoir des psychoses
associées, un même individu contractant à la fois la démence précoce
et la folie maniaque dépressive. Ainsi : Weygandt, Kraepelin, Lange,
Soum 2 :
4° D'autres auteurs encore refusent de considérer les psychoses.
périodiques comme entité morbide et ne voient là qu'un symptôme qui
se retrouve dans diverses affections mentales, comme aussi chez le-
normal. Ce point de vue a été défendu avant tout par Ritterhaus 3.

- -
I. Diagnostik der Geisteskrankheiten. (Urban und Schwarrenberg,Vienne,
1901.) PFERSDORFF.Ueber Stereotyptien in I.
M. D. (CentralbI.f.Nervenheilk.
1906, p. 745). SCHNEIDER. Ueber Wesenund Bedeutung Katatonischer Symp-
tome (Zeitschr. f. d. Ges. Neurol. und Psychiatr. t. XXII, p. 486). — MEYETC,
Paranoische Formen der M. D. I. (Areh. f. Psychiatrie 1921, t. LXIV, p. 299).
— URSTEIN. Dementia Praecox und ihre Stellung zum M. D.I.., Vienne, igog.
(M. D. I. als Erscheinungsform der Katatonie, 1912, Vienne, p. 65o). — WILL-
BUERGER., Paranoische Zustaende in der Manie. (Thhse, Tubinge 1914).
2. Assoc. de la folie intermittente et du délire de persécution ; LAURENCE,
Assoc. confus, mentale avec manie et mélancolie, (Thèse, Bordeaux, 1912)
COURBON, op. cit.
j
3. Die klinische Stellung des.M. D. I. (Zeitsehr. f. die ges. Psych, u.
Neurol, t. LVI, 1920, p. 10.)
Il est vrai que peu d'auteurs se rattachent à cette opinion qu a été
fortement combattue par Ewald '.

Il n'en reste pas moins que la catatonie évolue souvent avec 'des
phases analogues à celles des psychoses périodiques, ce qui vient encore
augmenter les difficultés du diagnostic.
On voit d'après ce qui précède combien le diagnostic est difficile
i. Das M. D. I. und die Frage der Krankheitseinheit (Ibid. t. LXIII,
p. 64.)
1921,
dans bien des cas, et surtout combien les psychiatres sont loin de s'en-
tendre sur la solution à donner au problème. De l'avis général, la seule
raison pour laquelle il importe d'établir exactement ce diagnostic, est le
fait qu'on peut en déduire un pronostic. Cette idée, en tout cas, est
ordinairement admise dans la psychiatrie française classique. Baillarger,
le premier, insistait sur ce que l'accès de la folie périodique laissait
derrière lui un cerveau parfaitement sain. Magnan, et bien d'autres
après lui, ont partagé cette opinion.
Cependant l'accord est loin d'être fait sur ce point. Schuele1, écrit :
« L'accès (de psychose périodique) laisse ordinairement quelques traces
telles qu'une méfiance exagérée, la conviction que garde le malade
d'avoir supporté un préjudice, une irritabilité, une émotivité anormale.
Puis ces traces elles-mêmes disparaissent, et la santé semble parfaite.
Mais à un examen attentif, on remarque qu'il existe une certaine torpeur
psychique, peu marquée il est vrai, et qui se manifeste à propos de tout
travail intellectuel. »
Kraepelin (68 éd.) remarque que « pendant les périodes de rémission,
on observe certains phénomènes constants. D'une part une certaine
dépression de l'énergie psychique par suite de laquelle le malade devient
incapable de fixer son attention de façon durable, d'accomplir des
travaux intellectuels prolongés et importants et d'enrichir son esprit de
nouvelles acquisitions. D'autre part une résistance moindre dans la
sphère des sentiments, qui se traduit par une irritabilité anormale et des
accès de colère injustifiés ».
Garczinski2, dans son travail fait sous la direction du professeur
Weber, arrive aux conclusions suivantes : a La psychose maniaque
dépressive aboutit, elle aussi, à un affaiblissement des facultés intel-
lectuelles, à une démence. Toute psychose qui devient chronique, ou
qui récidive nombre de fois, conduit fatalement à la démence. Cette
conclusion ne prouve cependant pas que ce soit une démence précoce.
La démence est aussi issue dela manie-mélancolie ». Beaucoup d'autres
aliénistes partagent cet avis. Ainsi Walker3.
Donc lorsqu'on veut baser le diagnostic sur l'évolution de la maladie,
une première difficulté se dresse : dans l'intervalle des accès, les psy-
choses maniaques dépressives ne reviennent pas toutes à une intégrité
complète. La seconde difficulté provient de ce que certains accès de

i. Traité clinique des maladies mentales. Trad. de Dagonet et Duhamel.


CParis, Lecrosnier 1888, p. 280.)
2. De l'issue des folies périodiques et circulaires, (Thèse, Genève, 1910,
p. 127).
3. Ueber m. d. Psychosen. (Arch. f. Psychol., t. XLII, Ig07, p. 788.) —
HOESSLIN, Beitrag zur Kenntniss des Verlaufes und Ausganges des M. D. I.
(Zentralbl. f. Nervenkr. und. Ps., t. XXXII, Ig09, p. 823.) — STRANSKI, Das
-
M. D. /., vol., 1911.) VVEYGA:\DT, etc.
1
catatonie peuvent être suivis d'une rémission presque complète. C'est
du moins l'avis de Kraepelin, de Lange (op. cit.), de Mueller ( Periodische
Katatonie, Thèse, Zurich, 1900). Enfin Bleuler admet que la démence
peut ne s'installer qu'à la suite de plusieurs accès de catatonie. Tous ces
faits pcrmettent de comprendre pourquoi il existe un flottement aussi
grand dans le diagnostic différentiel de la catatonie et des psychoses
périodiques.
Nous croyons avoir exposé les difficultés essentielles auxquelles on
se heurte dès qu'on veut essayer de jeter un peu de jour dans cette
question. Il faut en déduire que pendant longtemps encore les psy-
chiatres auront de la peine à classer ces cas complexes qui présentent
à la fois des symptômes de manie et des symptômes de catatonie. Mais
cet échec importerait peu si nous étions en mesure de donner un pro-
nostic à peu près certain. Hélas, nous n'en sommes pas encore là!
Pour remédier à cette lacune, on a proposé de publier un grand
nombre de ces cas. La chose a même été faite, mais elle n'a pas répondu
à ce qu'on attendait d'elle, et voici pourquoi : chaque auteur publie
des observations en notant ce qui l'a frappé, et lorsqu'on se donne la
peine de relire toutes ces histoires de malades, on est généralement déçu
parce que l'on ne trouve aucune indication sur tel ou tel symptôme, et
l'on ne sait jamais si le malade ne l'a pas présenté ou si le médecin ne
l'a pas noté.
A notre sens, il n'y aurait qu'un moyen d'arriver à un résultat pra-
tique : il faudrait établir la liste des symptômes catatoniques et la liste
des symptômes de la manie. Il faudrait ensuite qu'un grand nombre de
médecins d'asiles notent quels ont été les symptômes de ces listes pré-
sentées par leurs malades. Si beaucoup d'aliénistes voulaient se livrer
à ce patient travail, nous aurions enfin des données statistiques exactes
sur lesquelles nous pourrions appuyer notre pronostic. Ces observations
ne seraient naturellement publiées que dans une dizaine d'années. Pour
que le travail soit utile, il faudrait noter l'âge de la première crise, la
fréquence des accès, enfin le caractère de chaque accès. J'entends par là
qu'il importe de noter à chaque accès l'ensemble des symptômes pré-
sents, et en même temps l'ensemble des symptômes absents.
En effet, nos notions sur le pronostic des malades qui présentent à la
fois des symptômes de manie et de catatonie se réduisent à presque rien.
Le premier tableau que j'ai emprunté à Lange est fort intéressant,
mais il ne nous renseigne pas sur la répartition de ces symptômes
suivant les sexes, et il ne nous donne pas non plus des indications sur
le pronostic.
Urstein (op. cit.) avait soutenu que plus une manie présentait de
signes catatoniques, plus son pronostic était défavorable; il admettait
une évolution presque certaine de ces cas vers la démence précoce.
Cependant Willmams et Lange1 sont d'un avis diamétralement opposé.
On comprend facilement l'intérêt que pourraient avoir des statis-
tiques faites sur une grande échelle pour établir de façon certaine ces
faits.
Nous voudrions rappeler brièvement quelles sont les données du
diagnostic différentiel des deux affections qui nous occupent. Si nous
le faisons de façon très schématique, c'est uniquement pour permettre
au praticien d'établir un tableau résumé de chaque cas qu'il .observera.
1. Antécédents héréditaires. — L'hérédité des deux maladies qui nous
occupent a été bien étudiée au cours de ces dernières années. Voir
notamment les travaux de Kahn 2,Hoffmann3 et de Boveni.
Ce dernier auteur, dans son travail si remarquable et malheureuse-
ment si-peu connu, arrive aux conclusions suivantes. La folie maniaque
dépressive et la démence précoce sont héréditaires. Cette hérédité est
directe et similaire pour la folie maniaque dépressive, polymorphe et dis-
continue, spécifique jusqu'à un certain point cependant, pourla démence
précoce.
Lange (op. cit.) arrive aux mêmes conclusions. Dans son matériel,
il n'a trouvé que le 10 p. 100 de ses cas de folie maniaque dépressive
entachés d'hérédité schizoïde. Lorsque l'hérédité est mixte, on se trouve
souvent en face de malades difficiles à classer, que nous pouvons consi-
dérer comme des psychoses associées. L'hérédité est donc pour nous un
élément de diagnostic important.
2. Constitution physique etpsychopathique. — Boven5 a déjà essayé
de caractériser le fond mental sur lequel se développaient ces deux
psychoses, mais c'est surtout à Kretschmer6 que nous devons une étude
caractérologiqueimportante et classique.
Il ne peut être question de résumer ici, dans le détail, l'intéressante
tentative de Kretschmer. Notons simplement que cet auteur a distingué
quatre constitutions physiques différentes chez l'homme.
Asthéniques. Athlétiques. Pykniques.
Hommes. Femmes. Hommes. Femmes. Hommes. Femmes.
Taille moyenne
Poids moyen.... .. 168,4
50,5
153,8
44,4
170,0
62,9
i63,i
61,7
176,8
68,0
156,5
56,3
Largeur d'épaules . 35,5 32,8 39,1 37,4 36,9 34,3
Thorax 83,9 9°,0 84,4
Tour de tête ....
Longueur dejambes.
55,6
89,4
»
79,2
56,3
oo.o
)}

»
85,o
57,7
87,4
»
»
80,5

I. Zur diff. Diagnose der Funktionnellen Psychosen (Zbl. f. Nervenheilk.


und. Psychiatr., t. XXXI, 1907, p. 56g).
2. Erbbiologische-kunische Versuche (Leitschr. 1. die (ies. Neurol. und
Psych, t. LXII, 1920, p. 273). — 3. HOFFMANN (ibid. 1919).
4. BOVEN, Similarité et Mendélisme dans l'hérédité de la dewe?!ce précoce et de
la folie ?iz--niaque dépressive. (Vevey, Imprimerie Sauberlin, 1915.)
5. Op cit. et Caractère individuel et aliénation mentale. lArcn. suisses ae
Neurol. et Psychiatrie, t. VI, fasc. II.)
6. Koerperhau und Charakter. (Berlin, Springer, 1921.)
Le tableau ci-dessus montre quelques mesures de trois principaux
'types physiques. Le quatrième type est formé par des dysplasiques, per-
sonnes dont le squelette a été fortement modifié par une dysfonction
d'une glande à sécrétion interne.
Les Asthéniques sont des individus dont tous les tissus sont insuf-
fisamment développés ; leur tête est généralement dolichocéphale, leur
poitrine enfoncée, leurs côtes, et leurs os de la main sont saillants. Ce
sont des individus qui grandissent très rapidement au moment de la
puberté.
Les Athlétiques sont caractérisés par un développement prononcé du
squelette, de la musculaire et de la peau. Leur cage thoracique est bien
développée, leur chevelure abondante.
Les Pykniques (de tiuxvo; — ramassé) sont caractérisés par une
grosse tête ronde, un gros thorax, un gros abdomen. La nuque courte
et forte, la figure large. Une tendance à l'adiposité. Le système pileux
est abondant sur le corps, la tête généralement chauve.
Au point de vue mental, Kretschmer distingue deux tempéraments
fondamentaux : les cycloïdes et les schizoïdes. Nous reviendrons plus
tard sur le caractère de ces deux constitutions fondamentales. Exami-
nons dès à présent comment elles se répartissent en fonction des types
physiques précités ; car c'est dans la découverte de ce rapport que réside
toute l'originalité de la doctrine de Kretschmer.
Cycloïdes. Schizoïdes.
Asthéniques 4 81
Athlétiques 3 31
Asthéniques, athlétiques associés 2 n
Pykniques 58 2
Formes associées au type pyknique 14 3
Dysplasiques » 34
Malades ne répondant pas aux types précités.. 4 I3

Du tableau précédent on peut tirer les conclusions suivantes :


ic Il semble y avoir une certaine affinité biologique entre le type
corporel pyknique et le tempérament cycloïde.
2° Il semble y avoir une certaine affinité biologique entre le tempé-
rament schizoïde et les types corporels asthéniques, athlétiques et dys-
plasiques.
3° Inversement on constate très peu d'affinité entre le tempéra-
ment schizoïde et le status corporel pyknique, et très peu d'affinité
entre le tempérament cycloïde et les types physiques asthéniques, athlé-
tiques et dysplasiques.
Si ces constatations se confirment, ce qui semble bien être le cas1.

I. BIRBAUM.Die neueren Forschungsbestrebungen in der Psychiatrie. (Mona-


tschr. f. Psychiatr. and Neurol. t. LIV, p. 305-320, 1923.) — OLIVIER. Koer-
Nous ne voulons pas entrer dans la discussion du kretschmerisme ;
nous remarquons seulement que la plupart des auteurs confirment les
données du médecin de Tubinge. Les plus importantes critiques qui
lui aient été adressées ont trait à la difficulté de prendre des mesures
très exactes chez des individus vivants, et à l'inconstance des mesures
dans le sexe féminin. De plus on reproche à K. que sa division de l'hu-
manité en deux caractères fondamentaux est une division par trop sim-
pliste.
Ces remarques, on le voit, sont propres à perfectionner le kretsch-
merisme, mais elles ne renversent pas l'idée fondamentale et originale
qu'il contient.
On comprend l'intérêt qu'il peut y avoir, à noter d'une part certaines
mesures corporelles, et d'autre part les caractéristiques du tempérament.
Ces éléments de diagnostic devraient être recherchés dans toutes les
cliniques psychiatriques. Précisons maintenant, dans les grandes lignes,
les caractères des cycloïdes et schizoïdes.
Les Cycloïdes sont des personnes sujettes à tomber dans une des
formes de la folie maniaque-dépressive. On peut les classer en trois
groupes :
il Les sociables, aimables, bienveillants, confortables.
2° Les bons vivants, égoïstes, actifs, spirituels, satisfaits.
3° Les faibles, paisibles, tranquilles, tristes, mais bienveillants et
aimables.
Les cycloïdes ont le cœur sur la main, ils n'ont pas de timidité. Ils
sont francs, spontanés, naturels, ils vont droit au but, leur nature n'est
pas compliquée.
Les Schizoïdes ont au contraire le tempérament compliqué, difficul-
tueux; ce sont des gens souvent énigmatiques, cachottiers, boudeurs,
n'allant pas droit au but. Ils sont toujours tourmentés, scrupuleux,
timides, craintifs. Ils ne se livrent pas tels qu'ils sont. Ils sont fréquem-
ment méfiants et soupçonneux.
Les découvertes de Kretschmer sont du plus haut intérêt pour le dia-
gnostic qui nous intéresse. Elles nous font envisager la maladie dans
son ensemble, au lieu de ne considérer que l'accès pathologique. L'accès
perbau der schizophrenen. (Zschr. f. die ges. Neurol. und Psychiatr. t. LXXX,.
p. 489. — SIOLI et A. MEYER. Bemerkungen zu Kretschmers Buch, ibid.,
t. LXXX, p. 439, 1922. — MINKOWSKA. Charakterologische Probleme, ibid.,
t. LXXZII, p. 139. — KRETSCHMER. Konstitution und Rasse, ibid., t. LXXXII,
p. 139. — GRUELHE. Historische Bemerkungen zum Problem Charakter une
Koerperbau (ibid., t. LXXXIV, p. 444, 1923). — EWALD. Die biolog. Grund-
lagen von Temperament und Charakter und ihre Bedeutung f. die Abgren-
zung des M. D. I. (ibid., t. LXXXIV, p. 384. — STERN PIPER. Konstitution
und Rasse (ibid., t. LXXXVI, p. 265, 1923) et Zur Frage der Bedeutung der
psycho-physischen Typen Kretschmers (ibid., t. LXXXIV, p. 408 et Arch. f.
Psychiatr., t. LXVII, Heft 5).
lui-même est certainement, dans beaucoup de cas, très difficile à diffé-
rencier. Il l'est d'autant plus que, selon Lange, la manie pure ne se
trouve que dans 24 p. 100 des cas. Un ou deux symptômes catatoniques
ne peuvent donc pas nous autoriser à considérer l'accès comme appar-
tenant à la démence précoce. C'est sur l'ensemble du tableau qu'il faut
juger, sans oublier les précieuses indications de l'hérédité et de la cons-
titution. Je proposerai donc que les aliénistes qui s'intéressent à cette
question remplissent pour tous les cas de catatonie et de manie qui leur
passent entre les mains, la fiche suivante :
I. Hérédité.
II. Caractère schizoïde ou cyclique.
III. Constitution physique (selon Kretschmer).
IV. Symptômes catatoniques pendant l'enfance.
V. Les accès, d'après le tableau suivant :
Accès :
Symptômes maniaques i^^^Tétc.
Age du malade » »

,
Euphorie. (Le malade se sent parfaitement satisfait.)
Hypertrophie-,.. de
-
délire
la personnalité, avec ....
(
... »
»
»
»
( sans délire
<
» »
Voir dans tout le bon côté des choses » »
Excitation à la moindre contrariété » »
Logorrhée avec fuite des idées. (Sans dissociation persis-
tante.) » »
Pensées fragmentaires, incomplètes » »
Orientation restée bonne. (A ou 2 jours près.)
1 » »
Grande inattention
Emprunt au monde ambiant des éléments du délire ....
Fait de toucher tous les objets qui tombent sous la main..
»
»
»
»
»
»
Création de nombreux plans, qui veulent tout réformer
Erotiques
.. »
»
»
»
Malgré les colères passagères, bons rapports affectifs.... » >1

Le malade réalise qu'il est malade » »


Illusions nombreuses » »

Symptômes catatoniques
Hallucinations » »
Incohérence d'idées » »
Indifférence émotionnelle » »
Négativisme » »
Stéréotypie » »
Maniérisme. (Attitudes catatoniques.) » »
Catalepsie
Echomimie, écholalie
Stupeur
Automatismes
................... »
»
»
»
»
»

Actions impulsives
.................... »
»
»
»
Le malade badigeonne » »
Paramimie
Hyper-ou hypotonie des membres
Affaiblissement intellectuel
.............
................
»
»
»
»
»
»

VI. Décrire la crise (sa durée, sa marche, l'impression d'ensemble.)


VII. Décrire très minutieusement les périodes d'intervalle des accès
en faisant particulièrement attention à la diminution de l'intelligence et
aux remarques précitées de Schuele et Kraepelin.
En comparant un grand nombre de ces fiches, on pourrait probable-
ment tirer des enseignements fort utiles sur le pronostic des symptômes.
On pourra aussi se rendre compte si un symptôme est plus dangereux
suivant l'âge du malade, suivant le fond mental sur lequel il se mani-
feste, etc. Il sera bon naturellement de préciser en dehors du tableau les
caractères de certains symptômes. Ainsi l'on sait1 que dans la folie
maniaque dépressive les symptômes catatoniques sont plus dangereux
s'ils apparaissent chez un individu lucide que s'ils apparaissent chez un
individu dont la conscience est troublée. Des notations de ce genre
seront évidemment très utiles.
Je m'excuse de n'apporter dans ces lignes aucun résultat effectif et de
me borner à proposer un plan de travail. Je crois cependant que cet
article ne sera point inutile si de patients confrères veulent bien se
livrer à cette enquête et en publier les résultats dans une dizaine d'an-
nées. Je les en remercie d'avance.

I. Voir LANGE, op. cit. p. 13o.


CLINIQUE DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES DE L'UNIVERSITÉ ROYALE
DE ROME DIRIGÉE PAR M. LE PROF. G. MINGAZZINI

ÉVALUATION DE LA PRESSION
DU LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN
DANS LES MÉNINGITES SÉREUSES
ET DANS LES TUMEURS DE L'ENCÉPHALE
PAR
Ottorine BALDUZZI

Un des problèmes qui se présentent le plus fréquemment dans la


pratique neurologique,c'est le diagnostic différentiel entre les diverses
maladies de l'axe cérébro-spinal accompagnées des symptômes d'hyper-
tension intracranienne.
L'importance de ces états morbides est si variée, et les pronostics
si disparates, que la nécessité d'une prompte différentiation s'impose
plus que dans toutes les autres éventualités cliniques. D'autre part, on
connaît les graves difficultés, parfois presque insurmontables, qui se
présentent au clinicien, non seulement quand, au début du processus
morbide, ne se sont pas encore manifestés des signes précis qui per-
mettent de faire le diagnostic générique de l'augmentation de la pression
intracranienne, mais encore quand tous les symptômes cliniques mani-
festent ces états morbides.
En effet, aucun des symptômes généraux, par lesquels peut se mani-
fester ce syndrome, n'est particulièrement en rapport avec l'une ou
l'autre des causes capables de le provoquer. Ainsi, la céphalée, le vomis-
sement, le vertige, la névrite optique, etc., se présentent avec des
-caractéristiques à peu près identiques, tant si l'augmentation de la
pression endocranienne est en rapport avec une néoplasie qui se déve-
lopperait, que si l'hypertension est le résultat de l'augmentation du
liquide dans les cavités encéphaliques et spinales, ou d'une difficulté
de la circulation veineuse ou lymphatique de l'encéphale.
Il est incontestable que la meilleure preuve de l'existence d'une
hypertension endocranienne, quelle qu'en soit la nature, est fournie par
la ponction lombaire. Mais ce précieux moyen de diagnostic, employé
dans les formes usuelles, ne nous procure, pour ainsi dire, dans l'hypo-
thèse la plus favorable, qu'un des éléments indiquant qu'il existe une
augmentation de la tension dans les espaces subarachnoïdiens spinaux
et, indirectement, dans la plupart des cas, une augmentation de la tension
dans les cavités cérébrales.
Pour que ce moyen de recherche fournisse un critérium plus con-
cret et vraiment différentiel, il est nécessaire qu'il soit pratiqué selon
certaines règles et que l'on ait recours à un des nombreux appareils qui
permettent d'établir, de la manière clinique la plus exacte, la pression
du liquide céphalo-rachidien, et d'en évaluer les variations physiolo-
giques et pathologiques. Dans notre clinique même, G. Ayala vient de
traiter cette question dans un travail fortement documenté 1.
Grâce à l'examen de la modalité de la pression du liquide cérébro-
spinal dans un très grand nombre de tumeurs cérébrales et de ménin-
gites séreuses et de compression médullaire, il a pu déduire un
nouveau critère important de diagnostic différentiel entre ces formes
morbides.
Vérifier et évaluer, par le moyen de mes expérimentations, le phé-
nomène observé par M. Ayala, tel est le but de ce travail.
Pour une compréhension plus facile de mon sujet, il est à propos,
je pense, d'exposer d'abord quelques considérations générales sur la
pression du liquide céphalo-rachidien, et sur quelques particularités
techniques de la ponction lombaire.
Tous les auteurs ne sont pas d'accord sur la valeur normale de la
pression du liquide céphalo-rachidien. Cela dépend surtout du fait qu'on
s'est servi d'appareils différents pour la déterminer. C'est au Dr Claude
que revient le mérite d'avoir inventé et d'employer depuis 1912 un appa-
reil d'ailleurs peu encombrant, qui permet une évaluation suffisamment
exacte de la pression du liquor « au départ ». La pression mesurée avec
cet appareil a, comme M. Claude vient encore de l'affirmer, une valeur
normale moyenne de cm. i5 — 20 de H20, le sujet étant couché sur le
côté, tandis qu'elle augmente de cm. 8 — io s'il prend la position verti-
cale. Ces données, obtenues par le manomètre Claude, sont acceptées
par d'autres auteurs, et doivent être retenues comme étant les plus
exactes. Naturellement elles subissent des variations dans dé nombreux
cas physiologiques, et suivant la diversité des sujets ; mais pour les
résultats pratiques on peut estimer qu'il y a augmentation de la
pression du liquide céphalo-rachidien quand le manomètre dépasse
35 cm. de H20, le sujet ponctionné étant dans la position verticale.

1. AYALA G. Uber den diagnostichen. Wert des Liquor druckes und


einen Apparat zu seiner Messung — Zeitschrift f. d. ges. Neur. u. Psych.
Bd. LXXXIV. — Su alcuni criteri diagnostici differenziali fi axchoroido-epen.
dimitis serosa e tumor cerebri. (XVI. Congresso della Società Freniatrica Ita-
liana, Roma, 1923).
L'évaluation de l'hypertension doit être faite par le manomètre : le
jugement que l'on peut porter sur la façon dont le liquide sort de l'ai-
guille (par gouttes rapprochées, par jet, etc.) peut donner lieu à plusieurs
erreurs dépendant de causes tout à fait accidentelles. Mais, même quand
on a obvié à ces inconvénients, on ne peut constater seulement les fortes
hypertensions, tandis que nous échappent les hypertensions faibles ou
initiales, qui provoquent une légère symptomatologie et qui sont pré-
cisément celles qui exigent une vérification plus soignée.
L'examen de la pression du liquide céphalo-rachidien fait par le
manomètre de Claude permet aussi d'établir la quantité de liquide qui
peut être extraite par la ponction. Il importe à l'état du malade si on lui
-soustrait une quantité ou plus ou moins grande de liquide, et plusieurs
des inconvénients qui sont la conséquence de la ponction lombaire,
dépendent de la trop forte quantité du liquide extrait. Et cela s'explique
aisément, quand on se rappelle la fonction protectrice et régulatrice
de la tension interne des centres nerveux, et notamment de leur système
(c
vasal », auquel le liquide céphalo-rachidien rend un service normal.
En prenant la précaution d'extraire seulement la quantité strictement
nécessaire pour que la pression redevienne normale, ou même plus
élevée que la normale quand la pression initiale est trop forte, et en
cherchant à faire sortir le liquide avec beaucoup de lenteur (ce qui est
facile si l'on se sert d'aiguilles fines, ou si l'on laisse le stylet dans l'ai-
guille), la ponction lombaire devient, dans la plupart des cas, une opé-
ration absolument sans inconvénients.
Ces procédés techniques, dont j'ai acquis la certitude de l'utilité
dans l'exécution de nombreuses ponctions lombaires, certitude con-
firmée même par l'expérience générale des auteurs, ne sont pas toujours
assez mis en évidence. En général, l'usage d'un manomètre, dans l'exé-
cution d'une ponction lombaire, est considéré comme un luxe des
cliniques spécialisées, tandis qu'il peut et devrait entrer dans la pra-
tique, même privée, de tous les praticiens.
En considération de l'utilité de ce procédé suffisamment démontrée
dans son travail sus-mentionné, M. Ayala propose de relever aussi les
variations que la pression initiale peut subir par les changements de
position de la tête, par les différents mouvements respiratoires et par la
compression des jugulaires, car ces variations peuvent présenter des
aspects très différents dans les diverses maladies, compliquées par des
obstructions complètes ou partielles des communications soit entre les
espaces subarachnoïdiens et les cavités ventriculaires, soit entre les
cavités tant encéphaliques que spinales.
M. Ayala croit enfin nécessaire, en exécutant une ponction lombaire,
de tenir compte des éléments suivants :
i' de la pression initiale marquée par le manomètre avant que le
liquide sorte de l'aiguille;
2° de la pression résiduelle ou finale relevée au moment où l'on
sus-
pend l'extraction;
3° de la quantité du liquide:extrait.
M. Ayala a pu observer que la pression résiduelle, après la sous-
traction d'un nombre déterminé de centimètres cubes de liquide, n'est
pas seulement en rapport avec la pression initiale, mais encore avec la
quantité du liquide contenu dans les espaces encéphalo-médullaires.En
effet, tandis que, dans l'hydrocéphalie, la pression, après la soustraction
d'une certaine quantité de liquide, s'abaisse relativement assez peu,
cette pression, dans les tumeurs cérébrales, devient plus forte, quoique
la quantité du liquor extraite soit la même.
Si l'on indique par I la pression initiale, par F la pression finale et
par Q la quantité du liquide extrait, et si on multiplie la quantité par la
pression finale, et qu'on divise le produit par la pression initiale, suivant
la formule

on obtient le quotient qui sera directement proportionnel à la pres-


sion initiale.
Ce nombre (q.R) a été appelé par M. Ayala « quotient rachidien ».
Il a calculé cette donnée dans un très grand nombre de tumeurs et
de méningites séreuses, ou, comme il les appelle, « choroïdo-épendymites
séreuses » et il a constaté que, dans les premières, le quotient rachidien
oscille entre 2,55 et 4,55 tandis que dans les autres, il oscille entre 7
et JO.
Toutefois, dans quelques cas de tumeur cérébrale, la valeur du quo-
tient peut être celle qu'on observe dans les méningites séreuses : en
effet sur dix-huit cas firent exception à cette règle : i tumeur du corps
calleux, i tumeur du lobe temporal, 2 tumeurs du cervelet, i tumeur
d'abcès du lobe frontal.
Cependant, dans ces divers cas, il coexistait une énorme hydrocé-
phalie qui explique la différence des résultats obtenus. Quant au groupe
des méningites séreuses, sur quarante cas, dans un seulement on a
obtenu un quotient inférieur à 5.
On ne peut méconnaître l'importance de cette observation et la
grande valeur séméiologique qu'elle peut obtenir, même si, comme en
avertit prudemment M. Ayala, cette règle ne doit pas être considérée
comme absolue.
Aussi j'ai cru opportun de faire de nouvelles recherches à ce propos
et, dans le premier tableau ci-joint, je rapporte les résultats de quinze
cas de tumeur cérébrale, dont la plupart ont été contrôlés à l'autopsie,
ou à la table d'opération; et dans le second tableau, huit cas de ménin-
gite séreuse et deux de méningite.
Il l'in- opé- l'in opé- latéral. latéral.

OBSERVATIONS.

par par
tervention tervention

Décubitus Décubitus
Autopsie. Autopsie.
Autopsie. Autopsie.
Autopsie. ratoire. Autopsie. Confirmé ratoire.Autopsie.
» » Confirmé
» » »

pres-corn-des
~~

AVEC sion
47 56 » J) » » 63 54 64 82 »
106
31 » » 76

Ste fléchie.
100
74 » 74

I » » 60 » »
PRESSION très
» » » 82 » 28
la
tête hexjou
en
» 42 » > » » » » 56 » » » » » » »
LA
la
tête érigée.
DE
» 40 » » » » » » » 80 » » » » » »
MODIFICATION
la

toux.

» » » » » » 60 » 60 » )> » » » » »
la
actes respira-
toires.

» » 2,3
2,4
» » » » » » » » » » » »
les

Rachid.
<*">'•
40 5,3 5,5 1,7 3,2 3,6 4,2 3,2 4,2 5,o5 2.09 5,2 1,4 2,4 4,6 2,8

£ Jiraè." cubes.
6 8 10 5 5 5 75 7 8 3 10 3 58 4

P«ién
r
é.
sion
duelle.

3o 28 25 23 3o 3o 35 3o 33 48 25 5o 10 3o 45 5o

initiale.
Pres- sion
45 42 45 68 45 41 58 45 55 76 36 95 21 62 78 71

callosi.... - D.cranii. .. .. acustici. . .... cere- fronto-temporo-


........
quadrigemi
dextri dextri
sin.
dextri dextri
multipla
temporalis
temporalis sin
temporalis
sin
DIAGNOSTIC. post. frontalis
pontis n.
tempor.
temp.
temp. bilateralis
laminae cerebelli
corporis cerebelli
Sarcomafoveae Tuberculomata sin
Tubercoloma lobi
lobi
lobi lobi lobi lobi lobi
lobi parietalis

Sarcoma
TumorTumor Tumor Tumor TumorTumor Tumor Tumor Tumor
Gumma et Tumor
nae
bri

6.XIl.'22
22
16.11.23.
22 10.II.'23 15.IV.:d 16.VI.'23
4.II1.22 20.IX.22 .'23 5.111.'23 5.IX.'23
de L 8.V.237.V.'23
IV.23
27.XII. 5.XII.
Date P. 1.11
la
1
Age
52 23 5o 23 33 43 1 23 21 23 38 56 19 65 11
1
C"'
1 2 3 4 5 6 78 9 10 11 12 13 14 15
I OBSERVATIONS.
latéral.

» » » » » » » » » » » » » » » » » » »
Autopsie.
Decubitus Autopsie.

con- des
Pres" lalres.

AVEC
sion
» 70 » » » 80 74 75 72 » » H » 62 80 » 52 52 » 55 »
1a
tête flèchie.

» 78 72 » »
PRESSION très
«***—
» » 55 » » M » » 60 » » 5o 5o » 52 »
la

tête flexion.

en
» 75 » » » » » » » » » » » » » 60 » 47 » » »
LA
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DE

.
tcte
la
MODIFICATION

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^
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» » » 55 » 45 » »

» » 56 64 » » 47 » »
»

»
la
actes respira-
toires.
2.3 2.3 2.4 2.4 2.4 2.3
Rachid.. » » » » » » » » » » » » » » »
les

Quot.
8.1
6 8.6 7.1 9.4 6.6 6.9 9.5 7.1
9 II.1 7.9 7.1 9.2 6.5
6 11.6
10 -3
7
6.2 9.2

"ce" res
Quan- cubes.

titécen- t 14 10 10 10 12 10 16 16 10 12 i5 i5 10 12 10 10 i5 i5 10 12 12
Ime

duelle.
Pres- résl"
sion 3o 33 40 32 33 40 3o 32 46 45 40 29 37 40 40 3o 35 3o 38 25 40

initiale.
Près-
sion
52 55 46 45 42 60 69 67 64 60 52 55 52 52 61 5o 45 45 52 48 52

N.dela
, L. VIII

, P.
1 II III
»
serosa.... )} 1 II III IV V VI VII
serosa....»
serosa....» serosa....» » » » »
w

serosa.... serosa....
serosa....

serosa...

DIAGNOSTIC.

Tbc Tbc

Meningitis— Meningitis
Meningitis Meningitis
Meningitis Meningitis
Meningitis
Meningitis Meningitis Meningitis
— — - — — - — —

1922
2.IV.'23V.'2
23 2S.IlI.23 26.IV.'24 28.VI.'23
5.XII.'22
20.11.23 q.V.'23 i.VI.'23 I.VI.22 15.VI.23 22.II.'23 ..¡..III.'23
de L. 4.V.'23

Date P. 24.V. )> » I d.III.'


IX » »
„ la
2,S.
21. 1
Age. m-17
24 » » 17 5o 36 24 » » » » » » » 44 22 34 » » »

Cis.
1 » M 2 3 45 » » » » » » » 6 78 » » 9 10
Dans l'examen des cas de méningite sérieuse, je n'ai tenu compte
que de ceux dont le diagnostic, en plus des signes commun d'hyper-
tension endocranienne et d'altération du fond oculaire, était confirmé
par la guérison du malade.
Par l'observation des valeurs réunies dans les deux tableaux,
on remarquera que le quotient rachidien le plus élevé, dans le cas
de tumeur cérébrale est 5,5 (dans un sarcome de la fosse crânique pos-
térieure), tandis que le quotient le plus bas est 1,4 (dans le cas n° 13 —
gomme de la face inférieure du lobe temporal gauche). Dans le cas de
méningite séreuse, on obtient un minimum de 6, comme aux numéros l,
2, et un maximum de 11,6 comme aux numéros 7, 8, 10.
Il y a donc entre les deux maladies un écart bien marqué, puisque la
valeur maxima des tumeurs cérébrales arrive à 5,5 tandis que la valeur
minima des méningites séreuses ne descend pas au-dessous de 6.
Comme il a été dit plus haut, tandis que M. Ayala fixe, aux fins
pratiques, la limite des valeurs entre 2,5 et 4,5 dans les tumeurs céré-
brales, je prendrai, d'après mes expériences, les limites d'un minimum
de 1,5 et d'un maximum de 5,5. Quant aux méningites séreuses, j'abais-
serai à 6,5 le minimum de 7, donné par M. Ayala, et je laisserai indé-
terminée la limite maxima. Les valeurs qu'on obtiendrait entre 5,5 et
6,5 devraient être considérées comme équivoques et sans aucune valeur
différentielle.
On aurait donc un quotient inférieur à 5 pour une tumeur, et un
quotient supérieur à 7 pour une méningite séreuse.
Enfin, malgré ces menus détails, les résultats de mes observations
concordent avec ceux de M. Ayala : ils sont même plus démonstratifs,
puisque je n'ai pu constater une seule exception à la marche spéciale de
la pression que je viens de mettre en évidence.
Pour les méningites tuberculeuses, du moins dans les deux cas que
j'ai observés, on note une marche pareille à celle des méningites séreuses,
ce qui est dû au fait, que, dans les méningites tuberculeuses, le liquide
se déverse aussi dans les ventricules et que ces derniers se dilatent.
Toutefois, comme dans ces formes l'analyse chimique du liquide
céphalo-rachidien fournit des signes suffisants au diagnostic, on peut
considérer comme inutile de se livrer à d'autres recherches.
On se rendra aisément compte de la raison de la marche diverse des
deux formes morbides si l'on fait attention à la façon différente dont se
produit l'hypertension. Tandis que dans la méningite séreuse (choroïdo-
épendymite séreuse) l'augmentation de la pression est due à une aug-
mentation correspondante du liquide dans les cavités ventriculaires et
dans les espaces subarachno'idiens; pour les tumeurs, au contraire,
l'augmentation de la pression est due à ce que la masse solide de la
tumeur tend à réduire l'orifice des ventricules et l'ampleur des canaux
des citernes subarachnoïdiennes et encéphaliques. Le liquide contenu
dans ces cavités est ainsi repoussé dans les espaces subarachnoïdiens
spinaux où il ne peut être suffisamment absorbé par les espaces lym-
phatiques. Il s'ensuit donc que, dans le premier cas, on devra soustraire
une assez forte quantité de liquide céphalo-rachidien pour que la
pression en arrive à être normale; tandis que, lorsqu'il y a des
tumeurs, le liquor arachnoïdien — étant relativement plus rare — la
quantité qu'il sera nécessaire d'extraire pour abaisser la pression sera
aussi moindre, d'autant plus que, à cause de la pression centrifuge
exercée par la néoplasie, il peut arriver que les communications entre
ventricules et espaces arachnoïdiens soient entravées.
Quand la tumeur est compliquée d'une hydrocéphalie ou d'une
méningite toxique réactive, la marche de la pression et du qr dont il est
question plus haut sera altérée. C'est ce qui explique les contradictions
apparentes dans quelques-uns des résultats que j'ai donnés pré-
cédemment.
Ainsi, en rapprochant les cas de M. Ayala sur la tumeur cérébrale et
les méningites séreuses et ceux de mes tableaux, on en déduit un
nombre considérable d'observations qui me permettent d'insister sur la
presque constance des résultats obtenus : constance qui doit être consi-
dérée comme relative, vu qu'il s'agit de phénomènes biologiques.
Toutefois j'estime que, dans la pratique neurologique, ce signe
peut et doit acquérir une grande valeur, lorsqu'il est accompagnée
d'autres signes différentiels concourant à confirmer un diagnostic
plutôt qu'à l'établir. Je tiens surtout à insister sur ce point, pour qu'on
donne à ce signe sa juste valeur seulement dans les cas de véritable
hypertension.
En résumé, je puis affirmer que l'observation de la marche de la
pression du liquide céphalo-rachidien obtenu par la ponction lom-
baire, dans les cas ci-dessus exposés, m'autorise à formuler les déduc-
tions suivantes :
i0 Que, lorsqu'il existe des symptômesd'hypertension endocranienne,
on doit recourir à la ponction lombaire sans négliger l'usage du mano-
mètre, qui permet de relever avec exactitude le degré et les variations
de la pression du liquide céphalo-rachidien ;
2° Qu'il est prudent, dans ces circonstances morbides, de ne sous-
traire du liquide qu'autant qu'il est nécessaire pour que la pression soit
réduite à l'état normal; ou même davantage quand l'hypertension est
trop élevée;
3° Que l'évaluation de la pression initiale en fonction de la quantité
et de la pression résiduelle, c'est-à-dire le quotient rachidien, est une
donnée précieuse, qui peut éclaircir un diagnostic douteux, surtout
quand on balance entre une tumeur cérébrale et une méningite séreuse.
LA DÉCÉRÉBRATION CHEZ L'HOMME
* PAR
Walter FREEMAN
(de Philadelphie)
Assistant étranger à la Salpêtrière.

La décérébration, d'après les communications classiques de Sherrington,


est le procédé de transsection mésencéphalique qui provoque un spasme
tonique des « antigravity » muscles. Ce terme, étroitement limité, exclut les
sections faites à d'autres niveaux de l'axe nerveux et ne comprend pas
certains procédés qui sont d'une importance égale à la décérébration classique
pour l'étude de la régulation du tonus musculaire. Nous voudrions donc
donner une signification plus large au terme, en considérant plusieurs niveaux
anatomo-physiologiques de décérébration, et chez les sujets humains nous
voudrions établir une différence entre les interruptions fonctionnelles et les
interruptions anatomiques.
Dans la crise comitiale, nous voyons l'exemple typique de la décérébration
fonctionnelle, tandis que dans l'hémiplégie nous trouvons un exemple de la
décérébration anatomique partielle.
1
Nous devons à Rosett la description du phénomène qu'il appelle la
réaction épileptoïde normale et qu'il a trouvée chez des sujets sains. Il a
montré que ce phénomène ne diffère de la crise comitiale que par des
symptômes moins marqués, et qu'il se trouve en rapport avec l'état de
décérébration.
Pour aborder le problème, il s'agit de constater dans le mécanisme neuro-
musculaire central, plusieurs mécanismes physiologiques qui correspondent
à des niveaux anatomiques superposés. A chaque niveau, il y a une décom-
position partielle, avec réintégration partielle, dont le résultat est une action
harmonique selon l'intégration de tous les niveaux ou mécanismes qui se
trouvent en fonction, mais sans le contrôle des centres supérieurs coordinatifs.
Les niveaux divers, anatomiques et physiologiques que nous allons étudier
dans ce travail, sont les suivants :
i. Bulbo-médullaire,
2. Ponto-bulbaire,
3. Mésencéphalique,
4. Cortical.
Avant de considérer les phénomènescliniques, nous allons tenter un résumé

I. ROSETT. The Mechanism and the Fundamental Causes of the Epilepsies


(Arch. of. Neurol. alzd Psychiat., 9, p. 689, 1923).
assez bref de ce que les physiologistes ont constaté après la décérébration à
chacun des niveaux que nous venons de citer. La section au-dessous de
l'entrée de la huitième paire est suivie de flaccidité complète avec abolition
de tous les réflexes. La rigidité décérébrée typique s'obtient lorsqu'on
sectionne le névraxe entre l'entrée du nerf auditif et le noyau rouge. Elle
consiste en extension tonique des quatre membres et de la queue, et en
extension de la tête, en même temps qu'on peut provoquer des réflexes
d'automatisme médullaire et des réflexes de la station debout (Strehreflexe
le Magnus 1). On provoque facilement les réflexes toniques du cou et
quelques réflexes du labyrinthe. L'animal auquel on a conservé les parties
sous-thalamiques et mésencéphaliques diffère des animaux déjà considérés en
ce qu'il peut se lever spontanément, et qu'il peut résister aux efforts de l'ob-
servateur pour le renverser. Le tonus musculaire dans 'l'état de repos serait
normal. L'animal n'exécute pas des mouvements spontanés, mais par
plusieurs excitations, on peut provoquer chez l'animal des actes coordonnés
tels que la marche, la course ou le saut. En plus des réflexes toniques de la
station debout, Magnus trouve des réflexes de position (Stellreflexe.)
Les réactions qui apparaissent dans chaque expérience sont des phéno-
mènes de libération (release phenomena). Par exemple, la rigidité décérébrée
typique ne se produit pas à cause du fonctionnement du mésencéphale, mais
elle est due à l'action des centres inférieurs. Magnus a constaté sa présence
lorsque la section est faite en bas jusqu'au niveau immédiatement au-dessus
de la huitième paire. Elle est remplacée par le tonus normal lorsque la section
se fait au-dessus du niveau du noyau rouge.
Chez les animaux de laboratoire, avec des méthodes d'expérimentation
contrôlés, les phénomènes de décérébration doivent être beaucoup plus nets
que chez l'homme dans la clinique. La décérébration est toujours aussi bien
anatomique que physiologique, et ces conditions se trouvent réunies assez
rarement chez l'homme. Alors, pour mieux étudier la décérébration chez le
sujet humain, il s'agit de la diviser arbitrairement en deux parties, la décéré-
bration fonctionnelle et la décérébration anatomique. La première qu'on
trouve si souvent dans les états du système nerveux soit physiologique, soit
pathologi lue, est une réaction plutôt complète, comprenant tous les niveaux,
ainsi que l'ont montré les observations de Rosett, tandis que sa durée est
variable; souvent, elle est si courte que quelques phases de la réaction
échappent à l'observation. La décérébration anatomique est presque toujours
partielle, ne comprenant que quelques symptômes de chaque étage, par contre
elle tend à rester permanente. Ces deux formes peuvent se mélanger, et en
effet, lorsque l'action des centres supérieurs du système nerveux est entravée
par l'existence de lésions anatomiques, la décérébration physiologique se-
produit d'autant plus facilement.
Dans la condition qualifiée par Rosett de « réaction épileptoïde normale P,
on retrouve les phénomènes typiques, mais réduits, de la crise comitiale, et
description
en même temps la décérébration fonctionnelle. L'auteur donne la
suivante du phénomène : « Le sujet tourna le dos vers l'observateur, et on lui
demanda de relâcher les muscles le plus complètement possible. Alors on

I. MAGNUS. Beiträge zur Pharmakologie der Korperstellung und der


Labyrinthreflexe. (Acta oto-laryngologica, 4, p. I,
2 1923.)
lui fit une chiquenaude sur l'oreille. A l'instant même, le sujet prit une attitude
de rigidité tonique généralisée... le dos se redressa, la tête se renversa, les
cuisses et les jambes s'étendirent, les épaules se levèrent, les membres supé-
rieurs se mirent en pronation, les doigts se fermèrent sur la paume, avec la
phalangette et la phalangine étendues ou ébauchèrent l'attitude du poing
fermé; le pouce s'opposa à la paume... L'état momentané de rigidité
tonique généralisée fut suivi dans à peu près la moitié des cas par des mou-
vements cloniques. Ils s'observaient dans les mains et dans les doigts, et
ressemblaient à ceux de la choréo-athétose, quelques mouvements d'une petite
amplitude et d'une force faible... Le quatrième stade (celui de la résolution)
fut d'une durée assez longue pour avoir pu être constaté chez plusieurs sujets.
Elle durait une minute, pendant laquelle le sujet était évidemment confus et
taisait souvent quelques mouvements coordonnés, mais sans but ».
Une réaction semblable est bien connue dans la vie journalière, déclanchée
par des excitations douloureuses, des bruits forts, des éclatements, des chutes,
des aspersions d'eau froide. Les phénomènes moteurs de tous ces différents
étages peuvent s'observer chez l'animal, après la section du système nerveux
à tous les différents niveaux. Par exemple le raidissement indique le fonc-
tionnement des centres ponto-bulbaires, les mouvements cloniques le fonc-
tionnement des centres mésencéphaliques, et l'état d'obnubilation la mise en
contrôle graduelle de l'écorce. On ne voit pas dans cette description des
phénomènes propres au niveau bulbo-spinal, cependant quelques réflexions
et un peu d'observation nous permettront de constater que la réaction propre
à ce niveau existe aussi dans la réaction épileptoïde normale. La réaction à
une excitation brusque et violente, qui d'après Rosett correspond au retré-
cissement du champ de la conscience jusqu'aux limites déterminées par
l'excitation, quant à nous, nous croyons plutôt qu'elle consiste en une aboli-
tion absolue de la conscience. Il y a pendant cet instant une tendance des
genoux à tiéchir, pour l'individu de tomber flasque, et on constate une
sensation d'enfoncement dans l'épigastre. C'est l'expression de l'abolition
brusque de tout tonus. Le sujet rentre dans l'état bulbo-spinal. Il vaut la
peine de noter que ce sont les excitations qui agissent directement sur le
bulbe qui sont les plus puissantes dans le déclanchement de cette réaction
normale. Par exemple le claquement de l'ongle sur le pavillon de l'oreille
envoie des impulsions et par la cinquième paire et par la huitième paire. Une
aspersion d'eau froide agit mieux dans la face que dans un autre endroit. La
chute est la meilleure de toute excitation, car elle agit sur le labyrinthe ; en
second lieu peut-être vient le bruit violent, brusque et inattendu.
Cette phase négative est assurément très brève chez le sujet normal. Elle
échappait à l'observation même de Rosett qui cherchait partout les mani-
festations de la crise épileptique dans les événements de la vie ordinaire. Il
s'ensuit, ainsi que l'a montré Rosett, la production en excès du tonus dans
tous les muscles, en particulier dans les muscles qui agissent sur l'équilibre.
Les muscles du tronc, ceux de la face et de l'abdomen, le diaphragme, eux
aussi réagissent sous l'empire de cette phase tonique. On provoque facilement
cette réaction lorsqu'on jette en l'air un enfant normal. Le corps se raidit, la
tête se redresse en arrière, la colonne vertébrale s'étend, les jambes s'écartent,
les orteils de même, les bras se mettent en abduction rigide, avec un peu de
flexion des coudes, les mains sont ouvertes, les doigts écartés. L'aspect est
celui de la peur. L'on observe parfois un tremblement net des extrémités. La
mise à terre est accompagnée d'un ricanement « bruyant »,et le tonus normal
revient. Cet état tonique dans la réaction, selon l'opinion de vValshe 1, est un
moyen de défense, ayant pour but de donner au sujet une base solide, sur
laquelle les mouvements des extrémités pourront se faire. Parfois cependant,
par exemple dans la chute en avant, la réaction est moins habile. Le sujet
tombe, le bras tendu et raide, et son os se casse avant que la rigidité du
membre soit relâchée. C'est pourquoi un homme de sport inhibe cette réaction
et tombe dans un état de relâchement.
La mise en jeu des centres mésencéphaliques qui se manifeste selon les
idées de Rosett, par des mouvements rythmiques chez les sujets qu'il a étu-
diés, nous la voyons aussi se manifester chez la foule : le rire d'agacement
au moment d'une situation pénible dans le drame, les applaudissements à la
fin d'une course, ressemblent un peu aux mouvements spasmodiques d'un
enfant effrayé. La prise d'un objet chaud est suivie de mouvements cloniques
qui peuvent agir sur plusieurs groupements musculaires du corps. L'extase
d'un petit enfant à la vue de sa mère qui revient se manifeste par des bon-
dissements et des gesticulations ; l'enfant est distrait, il n'entend plus si on
l'appelle.
Une fois nous regardions un groupe d'enfants jouer au bord d'un canal ;
l'un d'eux tomba dans l'eau. Il se raidit, la bouche ouverte, poussa un cri et
s'enfonça, puis revint à la surface, pataugeant des bras et des pieds, poussa
encore un cri et s'enfonça encore. Son ami, tout près, trépidait sur le bord
du canal, jettant ses bras en l'air et criant à tue-tête. S'il s'était baissé il
aurait facilement pu donner la main à son camarade. D'abord inhibé, nous
n'accourons vers la scène du drame qu'après quelques instants, c'est-à-dire
après qu'un temps de la réaction qui nous est personnelle se fut épuisé. Le
père vint, saisit une gaffe et repêcha l'enfant flasque et presque noyé. Sa
réaction immédiate fut d'administrer au gamin une sérieuse fessée. Nous
croyons que dans cet exemple la réaction épileptoïde normale se faisait chez
quatre personnes qui jouaient chacune un rôle différent dans l'incident.
Les grands exploits athlétiques, dans la boxe, dans le football sont des
types plus élevés de mouvements coordonnés, se produisant chez un individu
qui paraît inconscient de ce qui l'entoure et qui n'a plus tard aucun souvenir des
événements ou de ce qu'il a fait. Le boxeur qui se jette à l'aveugle contre
son adversaire, en dépit des coups meurtrissants qu'il reçoit, qui attaque tou-
jours malgré tout, et met souvent par hasard « knockout » son adversaire, et
qui ensuite se jette contre l'arbitre, c'est ce qu'on voit parfois dans les
matches entre des boxeurs jeunes et inexpérimentés. Le meilleur est parfois
énervé par le retour insistant de l'autre, et c'est cet état de trouble qui le
rend plus prompt à succomber, victime des coups précoces et mal exécutés
de son adversaire. Il montre lui aussi une tendance à entrer dans l'état de
décérébration physiologique.
LES ÉTATS INVOLONTAIRES
Dans le chapitre précédant nous avons constaté l'étroite relation entre la

I. WALSHE. Decerebrate Rigidity in Man, Arch. Neurol, and Psychiat. 10 :


p. i, 192?.
Téaction épileptoïde normale et la crise comitiale. La première phase dite
bulbo-spinales'accompagned'une aura dont nous ne comprenons pas l'origine,
à moins que, c'est une hypothèse, les auras épigastriques ne soient une mani-
festation du relâchement du tonus dans les muscles de la paroi abdominale,
Vient alors la chute de l'individu, qui s'affaisse comme mort, relâché, tout
d'un tas. Le retrécissement du champ de la conscience est si rapide à ce
moment, en comparaison avec l'expansion qui a lieu plus tard, que nous
pourrions dire qu'il y a une section physiologique au niveau du bulbe accom-
pagné d'un état flasque de shock médullaire. Les stades suivants de la crise
épileptique peuvent se suivre très aisément et ils peuvent se comparer aux
réactions des animaux après des transsections de l'axe nerveux à des niveaux
de plus en plus élevés. En passant, nous signalerons que pendant la phase
tonique on peut observer des réactions posturales des membres tout à fait
caractéristiques, des réflexes toniques du cou, par la rotation active ou pas-
sive de la tête, tandis que ces réactions font défaut aux stades ultérieurs.
Ainsi la phase tonique représente l'activité des centres bulbo-protubérantiels,
la phase clonique représente la mise en jeu des centres mésencéphaliques et
la phase automatique, l'obnubilation et la réintégration lente de la conscience
représentent la réactivation des centres supérieurs corticaux chez le malade.
Quant au stade suivant de torpeur nous croyons qu'il se trouve en rapport
avec la fonction du sommeil.
Il y a plusieurs états qui s'accompagnent de perte de connaissance et qui
démontrent dans différents degrés les stades de la réaction épileptoïde. Habi-
tuellement il y a un stade qui prédomine, ce qui donne à une obser-
vation superficielle un aspect différent aux états, mais nous croyons que dans
chaque cas, on découvr-ira une série de phénomènes moteurs qui corres-
pondent à plusieurs, sinon à tous les niveaux de la décérébration physio-
logique.
Le sommeil. Qui est-ce qui n'a pas éprouvé dans la première période du
sommeil la contraction brusque des jambes, même des bras, qui a été parfois
d'une intensité suffisante pour vous réveiller? Ce phénomène s'accompagne
souvent d'une sensation de chute. Cette sensation se produit, peut-être, à
cause du relâchement des muscles trop brusquement. Il y a une interruption
de nos procès susvitaux à un niveau trop bas, suivie de la réactivation des
centres supérieurs avec le déclanchement de la « rigidité décérébrée ». Les
mouvements rythmiques, les agitations, le somnambulisme, tous ces états
bien connus peuvent trouver leurs images dans les états variés qui se suivent
l'un après l'autre pendant la crise convulsive. Pendant le premier stade de
sommeil les pupilles sont contractées, et les muscles présentent une augmen-
tation du tonus, mais lorsque le sommeil devient profond les muscles se
relâchent, et finalement même les réflexes tendineux s'abolissent. On entre
dans l'état bulbo-spinal.
L'évanouissement se compose aussi d'un rapide rétrécissement du champ
dela conscience avec des phénomènes moteurs, mais ils sont moins prononcés
que dans le paroxysme épileptique. Le sujet se rend compte qu'il va tomber,
souvent il l'annoncera, et il s'assiéra ou il s'arrangera de façon à amortir sa
chute. Le relâchement est néanmoins complet, les pupilles sont dilatées,
même la respiration peut être momentanément inhibée. Nous avons vu un
nystagmus violent se produire. Les phases suivantes se manifestent par des
secousses, des essais imparfaits à se relever, le rire spasmodique, une sensa-
tion de fatigue et de confusion.
Le syndrome de Stokes-Adams est probablement une forme exagérée de
l'évanouissement, et il relève du même mécanisme, c'est-à-dire de l'anémie
cérébrale. C'est pendant le stade de réaction qu'on observe ensuite consécu-
tivement les mouvements toniques, cloniques et coordonnés.
L'anesthésie montre encore un exemple d'inconscience pendant laquelle
se produisent des réactions de types divers en rapport avec les niveaux de la
décérébration. A la fin du premier stade on voit des mouvements coordonnés,
le sujet ayant en partie sa conscience : ils ont pour but l'enlèvement du
masque ; puis des mouvements incoordonnés extravagants auxquels tous
les groupements musculaires du corps prennent part. Ce stade alors se carac-
térise par un état de rigidité tonique, même avec opisthotonos et avec un cri
effrayant. Puis le relâchement terminal de tous les muscles a lieu, et le sujet
tombe à l'état bulbo-spinal. Les phases toniques et cloniques ne s'observent
• pas pendant le réveil, mais tout le monde sait combien les gens qui se réveil-
lent du sommeil anesthésique bavardent sans contrôle.
Dans des cas de traumatisme cérébral qui provoque la perte immédiate de
la connaissance, il y a d'abord un relâchement complet avec chute, suivi
souvent d'une phase de rigidité tonique avec tremblement, avant que la phase
de relâchement secondaire se développe. Cette série de phénomènes s'observe
couramment dans l'abatage des animaux, et heureusement moins souvent.
chez l'homme. Pendant l'état de rigidité, le sujet pousse souvent un cri qui
ressemble à celui des animaux décérébrés au niveau de la protubérance, au
cri de la crise épileptique, et au « ether cry » de l'anesthésie. Dans la plupart
des cas. le sujet blessé du crâne est porté à l'hôpital dans un état de chock,
pâle, flasque, et profondément inconscient. Dans les cas heureux on peut
constater les stades du rétablissement. L'état de shock donne lieu à un état de
tonicité dans lequel on voit des secousses musculaires, parfois des mouve-
ments cloniques; le malade commence à gémir, il porte la main à la tête, il
repousse les médicaments, arrache les pansements, il délire. Puis, étape par
étape, il revient à lui-même, en demandant ce qui s'est passé. S'il s'agit d'une
hémorragie ou d'une hypertension intracranienne, le rétablissement peut
s'interrompre à n'importe quel stade cité ci-dessus et alors une chute
recommence avec l'abaissement du niveau de l'activité réflexe, jusqu'aux
centres inférieurs de l'activité végétative et réflexe. * L'intervalle lucide »
bien connu, et d'une importance si grande pour le diagnostic de l'hémorragie
intracranienne, est un exemple de décérébration consécutive, dans laquelle le
type physiologique est suivi du type anatomique.
On constate alors que les phénomènes moteurs qui correspondent aux
réactions des animaux décérébrés aux différents niveaux, peuvent s'observer
au commencement aussi bien qu'à la fin de la période d'inconscience. Dans
tous ces cas, les phénomènes moteurs sont d'autant plus marqués que la
dépression ou le retour de la conscience est brusque et violent. Pendant le
sommeil, par exemple, le réveil d'un cauchemar s'accompagne plus souvent
d'activité musculaire que l'acte de s'endormir, Le début rapide et parfois
violent de l'anesthésie s'accompagne de jactation, tandis que l'élimination
lente de l'anesthésique dans le calme, ne s'accompagne pas de phénomènes
moteurs aussi prononcés. L'anémie cérébrale due à l'asystole dans le syndrome
de Stokes-Adams tend plus que celle de l'évanouissement à provoquer les
convulsions.
LA DÉCÉRÉBRATION ANATOMIQUE
Sur les limites entre la décérébration physiologique et la décérébration
anatomique nous rencontrons plusieurs états qui probablement ou même cer-
tainement, possèdent une base anatomique, mais les phénomènes physiolo-
giques qui en résultent se développentd'une manière beaucoup plus frappante.
Les crises jacksoniennes dues aux tumeurs cérébrales rentrent dans ce cadre.
La question intéressante à savoir, si l'irritation ou la libération est la cause de
ces crises, ne peut pas se discuter dans cette communication.
En deuxième ordre, nous avons les états d'hypertension intracranienne.
Les cerveaux gros et œdémateux de l'alcoolisme aigu, de l'urémie, de
l'éclampsie et de la méningite, indiquent une élévation de la pression dans
la cavité cranienne qu'on peut constater, pendant la vie, par la ponction
lombaire. Lorsqu'on voit cesser les crises et se rétablir la connaissance à la
suite de cette, ponction, on peut croire que l'hypertension elle-même est au
fond de l'état de la décérébration qu'on constate. D'après nos observations
prises dans le service de M. le professeur Frazer, à Philadelphie, quelques

malades admis à l'hôpital après avoir reçu des blessures du crâne, dans un
état de tonicité avec secousses musculaires, stertor et inconscience profonde
revenaient à l'état de veille après l'enlèvement de quelques centimètres cubes
de liquide céphalo-rachidien qui sortait de l'aiguille en jet. Malheureusement
l'amélioration durait souvent moins d'une heure, après laquelle l'individu
retombait encore dans son état grave et mourait.
Toute hypertension intracranienne aiguë peut provoquer un état plus ou
moins sévère de décérébration. Les attaques de convulsions et de perte de
connaissance produites par une pression sur les hernies cérébrales sont trop
bien connues pour que nous y insistions ici. La pression sur les méningocèles
donne parfois les mêmes résultats. La spasticité de l'hydrocéphalie est proba-
blement due à une lésion anatomique des faisceaux pyramidaux, car elle existe
même après que la tête a cessé de grandir, et elle persiste même quand la
tension du liquide céphalo-rachidien reste normale. Cependant, dans les
premiers stades de la maladie, on observe souvent des crises convulsives qui
cessent sous l'influence de la ponction lombaire ou ventriculaire.
Dans les cas d'inondation ventriculaire, il existe parfois une période consi-
dérable pendant laquelle les centres corticaux, même les centres sous-corticaux
et mésencéphaliques semblent être annihilés. Un état de rigidité se développe
alors qui ressemble tout à fait à la rigidité décérébrée des animaux après la
transsection du tronc cérébral au niveau de la protubérance. Cet état dure
quelquefois des heures, même des jours. Les membres sont raides, ils présen-
tent des réflexes exagérés, les réflexes cervicaux s'observent nettement. Des
4
états semblables sont remarquablement décrits par Wilson et il justifie ses
conclusions par des pièces anatomiques, montrant de grosses lésions qui
interrompent les communications entre les centres supérieurs et les centres
inférieurs.
La décérébration complète et permanente s'établit rarement chez l'homme
i. WILSON, S. A. K. : Decerebrate Rigidity in Man and the Occurrence of
Tonic Fits. (Brain; 43, p. 220, 1920.)
sauf dans les conditions terminales; cependant, si l'on examinait les enfants
arriérés avec plus de soin, on en trouverait un assez grand nombre entrant
dans le cadre des animaux opérés. L'idiotie familiale amaurctique de Tay-
Sachs, l'hydrocéphalie, la sclérose cérébrale diffuse, la microcéphalie, présen-
tent parfois des états plus ou moins semblables à la rigidité décérébrée expéri-
mentale. Dans presque chaque cas néanmoins, il existe encore quelques signes
qui démontrent qu'il reste encore un peu de contrôle des centres supérieurs.
L'hémiplégie ordinaire constitue la forme la plus commune de la rigidité
décérébrée partielle anatomique.Wilson a reconnu ce fait et Walshe y a insisté.
Celui-ci avant de poser le diagnostic de cet état exige pour que tous les signes
constatés par Sherrington chez les animaux décérébrés soient touvés chez le
sujet. A propos d'un malade, il dit « Il s'agit d'un cas d'hémiplégie résiduelle
:

avec spasticité. On voit que la spasticité frappe avec prédilection certains


muscles et qu'elle présente le clonus, l'inhibition réciproque par le réflexe
phasique en flexion d'origine médullaire, le raccourcissement (des muscles) et
la présence des réflexes de Magnus et de Kleyn. En un mot, la spasticité pré-
sente toutes les caractéristiques de la rigidité décérébrée expérimentale. » Il y
a d'autres signes qui apparaissent mieux chez l'homme que chez les animaux.
Par exemple, Wilson croit que chaque sujet qui présente une pronation de
l'avant-bras rentre dans le groupe des décérébrés. Nous voudrions signaler
aussi l'adduction et l'opposition du pouce qui semblent exister très constam-
ment et qui gênent les mouvements de la main paralysée. Rosett a noté ce signe
dans les états qu'il a étudiés.
Dans l'hémiplégie il existe un degré de rigidité tonique du côté malade
qui imprime aux membres une attitude caractéristique ; flexion-abduction-
pronation pour le membre supérieur, et extension-adduction pour le membre
inférieur. Hughlings Jackson 1 le premier, montra que ce phénomène équivaut
à une libération, que l'écorce donne les impulsions normales inhibitrices
contre cette augmentation du tonu-s. On pensait autrefois que les méca-
nismes libérés étaient situés dans la moelle épinière ou dans le cervelet
(Jackson), mais il y a encore un mécanisme qui entre en jeu. La pronation de
l'avant-bras et l'adduction du pouce sont probablement des attitudes déter-
2
minées par le mécanisme médullaire, car Riddoch et Buzzard ont trouvé ces
signes dans leurs cas de quadriplégie spinale, mais quant à l'attitude de
flexion de l'avant-bras, il faut chercher plus loin. D'après Riddoch et Buzzard,
lorsqu'il s'agit d'une lésion de la moelle cervicale supérieure, le coude
s'étend, même assez fortement, et le bras montre aussi un peu d'abduc-
tion et de rotation interne. Le membre supérieur présente des réflexes de
raccourcissement et d'allongement analogues à ceux du membre inférieur,
qu'on trouve dans des cas de lésion transverse de la moelle dorsale. Ils sont
brusques, puissants et stéréotypés. Nous avons observé ces réflexes dans
quelques cas d'hémiplégie, mais nous n'avons rencontré le réflexe en extension
qu'assez rarement.
Dans le cas d'hémiplégie, d'ailleurs, on observe plusieurs réactions postu-
rales qu'exécute le bras paralysé, d'un ordre différent de celui des réflexes

i. Hughlings, JACKSON (Medical Examiner, 1878).


2. RIDDOCH and BuzzARD Reflex Movements in Quadriplegia with special
:
reference to the upper extremity (Brain, 44: p. 377, 1923).
d'origine médullaire. Par exemple, pendant le repos, le coude reste presque
toujours en flexion. Alors, lorsque le"malade bâille, ou qu'il éternue, ou qu 'il
défèque avec effort, il y a un mouvement lent du bras paralysé qui exagère
la contracture. Ce même mouvement peut se produire lorsque le malade fait
un effort volontaire du côté sain ayant pour but le déplacement d'un segment
du corps contre une résistance. Cette réaction posturale qui se développe
pendant un effort volontaire s'appelle syncinésie, et dans une communication
avec Morin1 nous avons constaté que ces réactions dépendent de l'intégrité
des centres mésencéphaliques. Walshe a constaté ces réactions posturales
chez le malade qu'il a étudié. Ce fait montre que l'hémiplégie n'est pas l'image
exacte de la rigidité décérébrée classique de Sherrington, elle est d'un ordre
de décérébration à un étage plus élevé.
Dans le même cadre que l'hémiplégie ordinaire, nous plaçons l'athétose.
Pendant le sommeil ou le repos, les extrémités restent immobiles, mais une
fois les mouvements déclanchés, ils continuent pendant une période indéfinie,
souvent plusieurs minutes et à la suite d'une seule excitation. En l'absence
de tout effort volontaire (on commande aux malades de rester tranquilles)
la présence de ces mouvements indique qu'une série de réflexes a été mise
en action et qu'ils s'épuisent difficilement. Parfois on peut assister à des
mouvements de grande amplitude, qui se suivent dans un ordre régulier.
Selon l'opinion de Wilson : c Pour difficile qu'il soit de suivre les mouve-
ments changeants d'athétose, il n'y a, à mon avis, aucun doute que la base
ne se trouve dans une attitude changeante de la rigidité décérébrée. » Nous
croyons que l'athétose relève d'un automatisme assez complet des centres
mésencéphaliques, qu'elle signifie la décérébration partielle immédiatement
au-dessus du mésencéphale. Dans ces cas, on peut provoquer plus facilement
la décérébration fonctionnelle, c'est-à-dire la réaction épileptoïde normale,
par des excitations variées. Un bruit inattendu par exemple, produit chez le
diplégique infantile une phase tonique qui dure même pendant des secondes.
Après cela les mouvements athétosiques commenceront et ils ne s'épuiseront
qu'après plusieurs minutes. L'effort musculaire à lui seul suffit à provoquer
un abaissement du niveau de l'activité réflexe, et souvent ces malades entrent
dans un état tonique quand ils essayent de faire un mouvement. Lorsque le
contrôle des centres supérieurs est assez puissant, les réflexes de posture sont
moins prononcés et ne durent que quelques instants. Alors on éprouve une
première difficulté chez les malades conscients. D'après Wilson, It les postures
caractéristiques (de la rigidité décérébrée) se maintiennent moins facilement
que chez les sujets inconscients. Il y a, pour ainsi dire, une lutte entre deux
mécanismes moteurs, chacun essayant de chasser l'autre de sa position
dominante n.
CONCLUSIONS
La décérébration chez le sujet humain implique, dans le sens le plus
étendu, l'abaissement du contrôle de l'activité nerveuse vers un de ces
différents niveaux aussi bien anatomiques que physiologiques. Les centres,
dont l'activité donne les phénomènes les mieux différenciés, sont les sui-
vants :
i. FREEMAN, WALTER et MORIN, PAUL. Les réflexes d'automatisme mésen-
céphalique (Revue Neurologique, à paraître).
1. Bulbo-médullaire,
2. Ponto-bulbaire,
3. Mésencéphalique,
4. Cortical.
La décérébration peut être physiologique ou temporaire : il s'agit alors
d'une réaction qui tend à se développer complètement et dans laquelle une
phase prédomine sur les autres. Ou la décérébration est anatomique ; on y
rencontre un état rarement complet, mais souvent permanent.
Comme exemples de la décérébration physiologique nous citerons :
1. La réaction épileptoïde normale, qui se manifeste au moment d'une
surprise.
2. Des états de perte de connaissance accompagnés de phénomènes
moteurs : tels le sommeil, l'évanouissement, l'anesthésie, le syndrome de
Stokes Adams, les crises comitiales, les fugues et les colères.
3. L'hypertension intracranienne.
Pour ce qui est de la décérébration anatomique, des formes complètes
s'observent au stade terminal du traumatisme cérébral, de l'hémorragie intra-
ventriculaire, et parfois dans les encéphalopathies et dans les lésions com-
plètes transverses de l'axe nerveux au-dessus du bulbe. Des formes partielles
se rencontrent chez les hémiplégiques d'origine cérébrale, dans les scléroses
cérébrales, dans l'athétose ; en un mot, chez tous les malades qui présentent
des lésions qui interrompent les voies cérébrales motrices entre le cortex et
le bulbe inférieur, en respectant les voies inférieures.
LE VOL DE LA PENSÉE
PAR
REVAULT D'ALLONNES

Par l'expression vol de la pensée on doit entendre une conscience par-


tielle de la désintégration psychique, avec revendication par un «moi»
amoindri, résiduel, de productions mentales en train de s'évader de son
contrôle, et qui paraissent tomber sous le contrôle d'autrui. Au premier
degré, elles semblent exposées à se divulguer, elles vont être la proie de
détectives. Au second degré, c'est fait, elles sont sournoisement détour-
nées. Au troisième degré, c'est ostensiblement qu'elles sont colportées.
Une verbalisation étrangère des pensées intimes est d'abord imminente;
puis elle est obscurément constatée, enfin elle éclate ouvertement.
Quel rapport y-a-t-il entre le vol de la pensée etl'intrusion de pensées
étrangères ?
Dans le premier cas, le malade a conscience de la désappropriation ;
il n'en a pas conscience dans le second. Dans le premier cas, c'est le ma-
tériel de l'idéation personnelle qui est en cause; dans le second, c'est le
matériel de la cérébrationextra-personnelle,non incorporée à la personne.
L'idéation tout entière est en voie de verbalisation désavouée. En vertu
de la dislocation psychique, une partie seulement demeure personnelle,
et les fausses réceptions correspondantes constituent le vol de la pensée.
Les autres parties de l'idéation sont détachées de la personne, en anta-
gonisme hostile, et quelquefois bienveillant à son égard; les fausses ré-
ceptions correspondantes sont reçues comme des paroles d'ennemis et
d'amis, sans soupçon de spoliation, car ces dernières, à aucun môment
de leur formation, n'ont été incorporées au moi.
Le vol de la pensée est donc, pour ainsi dire, à cheval sur la pensée
personnelle et sur l'hallucination verbale hétéro-personnelle, c'est un
terrain commun au polyphrène et à ses invisibles. Deux conceptions op-
posées se présentent. Ou bien ce phénomène indique un fléchissement,
une détente de la cérébration dissidente, qui ne se donne pas la peine de
créer du nouveau, qui, pour matériaux de ses fabrications hallucinatoires,
se borne à soutirer paresseusement la substance personnelle. Ou bien,
au contraire, le vol de la pensée révèle l'extrême faiblesse de la conten-
tion personnelle, la toute-puissance de la cérébration dissidente, enhar-
die jusqu'à s'approprier la pensée personnelle. Mais puisque le vol de la
pensée ne suspend pas les hallucinations hétéro-personnelles, qu'il in-
terfère, qu'il s'enchevêtre avec elles, aucune de ces deux interprétations
ne peut être admise. Toutes les pensées du polyphrène sont susceptibles
de lui revenir proférées par les invisibles, celles qu'il connaît comme cel-
les qu 'il ignore, celles qu'il revendique comme celles qu'il désavoue.
Tenant compte des diverses modalités qui seront ci-dessous classées
et décrites, nous proposons la définition suivante du vol de la pensée.
Dans toutes les formes de la polyphrénie se produit un phénomène
propre à cette psychose, et qui en est l'un des symptômes fondamentaux :
le malade aperçoit une soustraction de ses propres pensées, soit au fur et
à mesure de leur formation, soit plus communément allant qu'il les ait
sciemment conçues. La forme auditive et retardante est peu fréquente,
elle constitue 1 écho de la pensée. Les formes anticipantes, qu'elles soient
oit non auditives, sont les plus communes et ne sauraient être dénommées
écho.

Valeur séméiologique du vol de la pensée. M. Gilbert Ballet1 attire



l'attention sur la signification et l'importance de ce phénomène, signalé
par tous les auteurs, mais regardé bien à tort comme banal, en raison
de sa fréquence. Il en fait lesymptômepathognomoniquedela psychose
hallucinatoire chronique, qui procède d'une désagrégation de la person-
nalité, et le signe différentiel, par exemple à l'égard de la psychose inter-
prétatrice chronique, où la personnalité est indemne.
L'observation des malades nous amena à admettre la haute valeur
séméiologique et pathognomonique du vol de la pensée, avant que nous
n'eussions pris connaissance des articles de notre ancien maître, ni des
idées analogues émises, soit sous son influence, soit indépendamment,
par Delmas, R. Charpentier, de Clérambault, Allamagny et autres. Après
avoir lu ou écouté ces cliniciens en continuant à vivre parmi nos aliénés,
nous avons été amené aux conclusions suivantes :
1. L'expression «écho de la pensée)), qui, dans l'usage, est la plus
courante, doit passer à l'arrière-plan. Elle doit être réservée à une moda-
lité secondaire, à la modalité auditive et retardante. A la suite de Magnan
et de Séglas, les auteurs qui viennent d'ètre cités substituent souvent ce
nom d'une espèce plutôt aberrante au nom pourtant ancien et consacré
du genre, vol de la pensée.
2. Important et pathognomonique, le vol dela penséel'estautant et
non plus que quatre autres symptômes que nous avons dégagés sous le
nom de syndrome polyphrénique, et la réunion de plusieurs d'entre eux
ou de tous l'est encore bien d'avantage.
3. La «psychose hallucinatoire chronique» est loin d'absorber tous
les cas de vol de la pensée. Au contraire, la polyphrénie les absorbe,

i. Encéphale, 1913, I, 5o3. V. ci-dessous, ch. ix, un texte cité. Ballet écrit
(1
écho de la pensée:, mais il est clair qu'il veut dire vol de la pensée.
avec ses diverses formes cliniques, dont nous avons en juillet 1923 pro-
posé une énumération provisoire, et que nous classons actuellement
comme suit : polyphrénie simple, raisonnante, confusionnelle, cyclo-
thymique, maniàque ou hypomaniaque.
4. Soit dans la psychose hallucinatoire chronique de Ballet, soit dans
la polyphrénie, il ne faut pas parler vaguement de «désintégration») en
général, mais de dislocation : les fragments désunis sont remarquable-
ment peu désintégrés.
5. La «personnalité», ou conscience de soi, subsiste et s'affirme,
quoiqu'elle soit diminuée. Ce qui est disloqué, c'est l' individualité, dont
la personnalité n'est (Ribot) qu'une portion minime.
6. Enfin il n'est pas certain que dans la « psychose interprétatrice
chronique », la personnalité ni l'individualité soient indemnes.
Classification des formes du vol de la pensée. — Faute de connaître
les diverses formes du vol de la pensée, on risque de laisser ce symptôme
cardinal. Trop souvent on ne songe qu'à l'écho de la pensée, forme à la
fois retardante et auditive, qui est loin d'être fréquente.
On peut distinguer les modalités suivantes, dont la présentation peut
être auditive ou dépourvue d'auditivité.
10 Vol de la pensée sans apparence d'anticipation ni de retard ;
intrusion dans la vie passée; énoncé des actes, de l'écriture; double
lecture.
21 Vol de la pensée à caractère anticipant : anticipation de la pensée,
annonce de l'écriture, des actes; anticipation de la lecture.
3° Vol de la pensée à caractère retardant : écho de la pensée.
La découverte d'une de ces espèces ne dispense pas de rechercher
les autres : rien de plus ordinaire, dans la polyphrénie, que le cumul.
Intrusion dans la vie passée. — L'intrusion dans la vie passée est, de
toutes les formes du vol de la pensée, la plus ordinaire.
A vrai dire, le malade ne se plaint pas qu'on lui vole ses pensées,
mais qu'on lui vole ses secrets. Cette distinction a un sens subtil. Elle
signifie que l'actualisation des souvenirs intimes n'est pas voulue, elle
est mise au compte des indiscrets. Mille détails surgissent, des minuties
oubliées, des circonstances sans intérêt, indignes d'avoir été conservées.
« On » les ravive, on les ressuscite, on leur donne une valeur qu'ils
n'ont jamais eue, on connaît la vie du sujet mieux que lui-même, jamais
il n'aurait pu, quant à lui, repenser tout cela ; c'était enfoui, aboli,
anéanti. Ces fantômes d'un passé mort, il est bien obligé de les identifier
au passage. Tout cela a bien existé. Mais à quoi bon cette sarabande?
Et pourquoi ne peut-il pas la réfréner? C'est une hypermnésie, mais
d'une espèce particulière, une hypermnésie attribuée à l'intervention
d'évocateurs étrangers. Elle déroule des images de choses, de lieux, de

1. Atin. médico-psych., nO d'octobres


personnes, d'événements, de situations, et aussi de propos autrefois
tenus, vieux documents qui ressortent d'archives où il valait mieux les
laisser. La verbalisation est ici secondaire, épisodique, estompée. Ce
n'est pas une voix sonore, ce n'est pas une parole non sonore faisant
un exposé, c'est une reviviscence, une danse macabre à laquelle le
patient est contraint d'assister, où il reconnaît des lambeaux de lui-
même, mais qui est dirigée par un maître invisible et silencieux.
Cette récapitulation sempiternelle, fastidieuse, à laquelle il est
astreint par ses suborneurs tantôt s'effectue sous la forme endophasique
de l'hétéro-soliloque à lèvres closes, tantôt devient un hétéro-soliloque
parlé, ou même vociféré.

Énoncé des actes, de l'écriture, double lecture.


— Les menus actes.
du polyphrène sont énoncés sans qu'il puisse dire si c'est avant l'ac-
complissement ou après, surtout les petits actes indispensables, quoti-
diens, solitaires, ceux de la toilette, de l'habillage, du déshabillage, de
la coiffure, du repas, de la garde-robe.
Voici quelques échantillons : « Il se fait la barbe. Il s'est coupé. Il
met ses bretelles. Il ôte ses chaussettes. » « Elle enlève son râtelier.
Elle ne trouve pas ses lunettes. Elle reprend des petits pois. Elle change
de chemise. »
Ce sont de fausses réceptions verbales, de celles qui sont étiquetées
hallucinations vraies, ou de celles qui sont étiquetées pseudo-halluci-
nations, ou des deux ordres à la fois. Elles sont mêlées de propos hétéro-
personnels. Par exemple : « Il s'est coupé: c'est bien fait! qu'il se coupe
la gorge! )) « Elle enlève son râtelier: voye\la vieille coquette/» « Elle
reprend des petits pois; très bien, ils sont empoisonnés. » « Elle change
de chemise, elle a le corps d'une Vénus. » Bien entendu les paroles hétéro-
personnelles en italiques expriment elles aussi des pensées du malade,
mais des pensées inavouées ou désavouées. Seules les paroles en carac-
tères romains ont un contenu personnel avoué, mais l'énoncé en est
hétéro-personnel.
Quand nous accomplissons un acte tel que ceux qui viennent d'être
cités, nous ne remarquons pas que des pensées y président. Aussi
l'énoncé de ses actes est-il regardé par le polyphrène comme une
intrusion dans sa vie privée, plutôt que comme un vol de sa pensée.
Mais, pour le psychologue, l'énoncé des actes est une espèce de vol de
la pensée.
La légitimité de ce rattachement devient évidente dans l'acte d'écrire.
Ici la pensée qui préside est remarquée, elle est consciemment verba-
lisée. Ed. Philomène refuse d'écrire des lettres parce qu'aussitôt les
invisibles disent à voix haute tout ce qu'elle écrit. Elle s'abstient égale-
ment de toute lecture, parce que tout ce qu'elle lit retentit sonorement
à ses oreilles.
L'énoncé de l'écriture et la double lecture sont exceptionnellement
constants et persistants chez elle. Le plus souvent, ces phénomènes,
comme par exemple chez Ab. Michel, n'apparaissent que dans les crises
aiguës, et cessent d'exister dans les intervalles d'état subaigu.
Anticipation de la pensée. — Si quelqu'un exprime, mieux que nous
n'aurions su faire, une opinion voisine des nôtres, nous disons qu'il
nous « arrache les mots des lèvres ». Les revendications de priorité,
fléau des lettres, des arts et des sciences, reposent sur une impression
analogue. Des idées en voie d'élaboration circulent encore embryon-
naires, indistinctes, elles flottent, dit-on, dans l'air. Elles ne sont le
monopole de personne, elles appartiennent à quiconque les met en
valeur. Aussitôt qu'une œuvre les fixe, plus d'un, qui tâtonnait, se met
à crier au plagiat. Il reconnaît sa propre substance. Un mirage le
persuade qu'il était sur le point de trouver, que c'est lui qui devait
trouver.
Semblablement les invisibles du polyphrène lui ôtent les paroles de
la bouche, ils anticipent ses pensées, plutôt qu'ils ne les reproduisent,
ils réalisent avant lui ses propres opérations. Avant la lettre les pen-
sées en litige étaient peu conscientes, et même n'étaient pas conscientes
du tout, le plaignant ne se doutait pas qu'il les possédât, il ne les con-
nait pour siennes que sous un accoutrement qui n'est pas sien.
C'est pourquoi, si on leur parle d'écho, peu de malades comprennent
ce que l'on veut dire. Ils ne se plaignent pas de concevoir des pensées
qui, ensuite, leur seraient renvoyées par autrui, mais ils se plaignent que
leurs pensées soient connues alors qu'eux-mêmes ne les connaissent pas
encore.
« Votre pensée est-elle répétée, répercutée comme en écho?» Cette
question n'obtient d'ordinaire qu'une réponse négative. Gardons-nous
de nous en tenir là, et de confondre l'absence d'une espèce avec l'ab-
sence du genre, l'absence d'écho de la pensée avec l'absence du vol de
la pensée.
Séglas, et avec lui Magnan, ont remarqué que le renvoi de la pensée
est anticipant, plutôt que retardant. Ils maintiennent néanmoins le mot
écho. Mais c'est un abus de langage, ce terme cesse d'être convenable,
il risque, par une mauvaise adaptation de l'interrogatoire1, d'égarer le
diagnostic.
Am Roger 2, est un grand halluciné verbal. Il s'explique clairement
et ouvertement, seulement réticent parfois sur les personnalités à qui il
attribue ses voix et son automatisme. Il développe tous les symptômes
de la psychose polyphrénique. Un seul manque au tableau, de tous le
plus beau peut-être. Ne songeant qu'à l'écho, et non aux autres formes

i. V. ci-dessus la définition de l'écho de la pensée par Séglas.


2. V. obs., ch. x.
du vol de la pensée, nous lui demandons à diverses reprises, à plusieurs
jours de distance, « si sa pensée est répétée J). Constamment il répond
non. Sa « pensée n'est jamais répétée telle quelle » : elle est glosée par
des voix qui ne sont pas des échos, car elles critiquent, elles commen-
tent. S'il lit, s'il écrit, il en va de même : les voix font des interruptions
hostiles ou bienveillantes, mais ne répètent pas en écho.
Chez un aussi typique disloqué, cette lacune paraissait étrange.
Après quatorze jours d'insuccès, voici ce que lui-même il nous
découvre. Une fois de plus, il vient de répondre qu'il ignore ce que c'est
qu'une pensée répétée en écho par les voix. Puis il ajoute : a Lorsque
je pense, avant que je sache moi-même ce que je pense, cela m'est
annoncé par les voix. C'est tout le contraire d'un écho. Je n'ai pas
encore arrêté les contours de ma pensée, que déjà elle éclate toute for-
mulée à mes oreilles. Les voix devancent ma pensée, elles la fixent et
la rédigent plus vite que moi. On connaît ma propre pensée mieux que
>
moi-même, avant moi-même. »
Ainsi les invisibles verbalisent, acoustiquement ici, la pensée encore
en germe, encore inconsciente ou à demi-consciente. On ne saurait
parler d'écho anticipant. C'est vol de la pensée qu'il faut dire.
Dictée, annonce des actes, anticipation de la lecture. — Nous avons
publié 1 un certain nombre d'observations d'écriture prophétique sous
la dictée des invisibles, et quelques-uns de nos malades actuels2 fournis-
sent de ce phénomène des spécimens exempts de religiosité. La dictée
mystique est reçue comme un miracle; l'instrument docile se garde bien-
de songer à un vol, ni même à une prise de sa pensée. Mais écoutons.
ses confidences. Une pensée infiniment supérieure à la sienne précède
la sienne, s'y substitue, l'anéantit ; sous la dictée, il est passif, il est en
un état d'inertie mentale et de vide intellectuel ; l'esprit surnaturel exige
que la place soit nette. Traduisons: ce polyphrène est volé et content.
Il reçoit comme un don qui le comble ce qui n'est qu'une simple resti-
tution.
L'annonce des actes diffère de l'énoncé des actes par son caractère
anticipant. La pensée qui préside à l'acte est seulement volée un peu plus
tôt.
Voici une observation d'anticipation de la lecture, et les réflexions
du malade, la Camille, intelligent, ingénieur. Il s'est absenté pendant
deux ans, qu'il a passés en Italie et en Suisse. Il revient halluciné tou-
jours, mais en rémission, et disposé à faire une place aux explications
psychopathologiques, qu'il repousse avec colère dans les exacerbations
de sa psychose. Il a, dit-il, fait maintes fois à Capri l'expérience que
voici.
i. Psycho!. d'une religion, i vol. in-8°, 291 p., Paris, Alcan 1907, v. p. 173-
2A0.
2. Am Roger, Oa Jeanne, Ya Louise.
(( J'ouvre un livre ou une revue, au hasard, portant les yeux au haut
-de la page non lue, et j'évite avec soin de regarder le bas de la page.
J'attends que la voix me dise un des mots que je n'ai pas aperçus. Cela
ne tarde guère. Elle me donne un mot, en général important, un nom
propre, un nom géographique. Alors je regarde. Effectivement je trouve
ce mot imprimé dans la partie inférieure de la page. »
Le plus curieux, c'est l'explication qu'il a spontanément offerte. Elle
est d'un style auquel les malades ne nous ont guère habitués, et la voici,
notée sur-le-champ, sans y changer une syllabe :
« A mon insu, ce mot était tombé avec d'autres dans le machinisme
du subconscient, et ce machinisme a fait choix d'un terme intéressant. »
Quelques jours plus tard, mis en présence de cette formule, il la
répudie et se fâche, car il est repris par la conviction qu'il est en proie
à des maléfices.
Ainsi l'élaboration d'une idée se produit concurremment dans plu-
sieurs mécanismes mentaux, et le plus actif, chez le polyphrène, n'est pas
toujours le mécanisme personnel. L'achèvement de cette idée est souvent
accompli dans un mécanisme dissocié d'avec la personne, et aussitôt,
notification en est faite à la personne par une parole, avant que le moi,
de son côté, ait arrêté à sa manière la formule.
Écho de la pensée.
— Par l'expression écho de la
pensée, il convient
de désigner l'une des formes du vol de la pensée, à la fois auditive et
non anticipante, en évitant de confondre avec elle les formes antici-
pantes, fussent-elles puissamment auditives.
Voici la définition donnée en 1903 par Séglas dans le Traité de Gil-
bert Ballet :
« Dans certaines formes chroniques où prédomine l'hallucination de
l'ouïe, le malade arrive à ne plus pouvoir penser sans entendre sa pensée
répercutée au dehors, souvent même avant qu'il l'ait formulée ; c'est le
phénomène qu'on désigne en psychiatrie sous le nom d'écho de la
pensée.1 »
On ne saurait admettre cette formule telle quelle. En effet, Ob
Louise 2,
affolée par l'écho retentissant de sa pensée, n'est point une
chronique : convalescente après trois mois et demi, elle guérit au cin-
quième mois, et voici un an qu'elle reste guérie de cette crise jusqu'ici
3
unique. D'autre part, Am Roger entend incessamment des voix exté-
rieures; entre autres paroles, elles disent toutes ses propres pensées,
mais cela n'a rien de commun avec un écho, la tournure est un peu dif-
férente, et c'est même, dit-il, tout le contraire d'un écho, elles disent
avant qu'il ne pense.
La rédaction de Séglas paraît donc devoir être modifiée comme suit :

I. Séglas, Séméiologie d. aff. ment., Traité de patlzol.ment. (G. Ballet), 200.


2. Obs. ch. XIII.. — 3. Obs. ch. x.
dans celles des formes aiguës ou chroniques de la polyphrénie où l'hal-
lucination verbale s'adresse nettement à l'ouïe, le malade se plaint d'en-
tendre ses propres pensées se répercuter au dehors; à ce phénomène on
peut conserver le nom d'écho de la pensée; mais aussitôt que l'ouïe n'est
plus en jeu, ou que la soustraction des pensées est anticipante, le vol de
la pensée ne ressemble plus à un écho.
L'extension de l'écho de la pensée se trouve singulièrement restreinte
par les remarques précédentes. Même quand elle reste admissible, on ne
doit pas oublier que c'est une comparaison approximative. Pendant que
le malade pense : « Je prends l'ascenseur», ou s'il se tutoie comme l'on
fait à Toulouse : « Tu vas prendre l'ascenseur », les invisibles disent :
«//prend l'ascenseur ». La reproduction n'est pas littérale, elle est lé-
gèrement altérante. Ainsi s'affirme la personnalité des invisibles. Même
s'il est sonore et plutôt retardant, le vol de la pensée diffère d'un écho
par sa teneur. Elle n'est pas absolument identique à celle de la pensée
soustraite. La rédaction est légèrement aberrante, hétéro-personnelle,
elle choque ou étonne un peu le patient, elle ne lui paraît pas tout à fait
acceptable, ce n'est qu'une traduction et qui porte l'empreinte du tra-
ducteur.
La personnalité des invisibles s'affirme d'ailleurs bien plus encore par
les gloses d'espèces variées dont ils entrecoupent et assaisonnent la re-
production de la pensée du patient, et dont nous avons donné des exem-
ples.
Pour toutes ces raisons, l'écho de la pensée doit être tenu pour une
forme accessoire d'un phénomène principal, qui est le vol de la pensée :
les formes en sont multiples, et elles sont souvent cumulées.
Variétés auditives et variétés non auditives du vol de la pensée. —
L'expression «écho» ne convient pas même à toutes les formes retar-
dantes du vol de la pensée. En effet, quelques-unes des présentations de
la pensée volée par les invisibles, tout aussi bien que de la pensée qui est
de leur cru, sont dépourvues de sonorité.
Il convient d'étendre au vol de la pensée les analyses de l'hallucina-
tion verbale par Séglas. Elle a des composantes autres qu'auditives, et
parfois elle se passe de la composante auditive. Tout comme la pensée
des invisibles, la pensée personnelle volée procède, dans un nombre non
négligeable de cas, par articulation muette, épigastrique, pharyngo-glot-
tique, linguo-labiale, mentale, et occasionnellement par vision scriptu-
rale incoercible.
Oa Jeanne, dépourvue d'imagination auditive, présente la forme psy-
chomotrice du vol de la pensée comme de l'hallucination verbale hété-
ro-personnelle. Elle ne comprend pas les questions sur l'écho de lapen-
sée, mais elle sent que ses morts prononcent toutes ses pensées par sa
propre bouche, dans sa gorge, où elle ne cesse de porter sa main, dans
son ventre, dans sa tête.
Al Marie présente la forme rare visuelle scripturale du vol de la pen-
sée : elle voit mentalement s'écrire de sa propre écriture ou s'imprimer
en caractères diversement teintés toutes ses pensées personnelles, en
même temps que des pensées étrangères, scandaleuses, dangereuses, in-
culquées par des sorciers.
Mécanisme du vol de la pensée. — Le vol de la pensée est assurément
un des plus curieux phénomènes mentaux. Quel en est le mécanisme?
La polyphrénie réalise une polarisation psychique plurale avec con-
science partielle. Le pôle personnel continue, avec une capacité et une
activité réduites, à organiser une certaine masse psychique, notablement
inférieure à la normale. Des éléments de tout ordre restent en dehors de
son attraction ou en sortent, demeurent inassimilés ou sont désassimilés.
La polarité hétéro-personnelle, simple ou multiple, fixe ou changeante,
est créée par les affinités propres de ces éléments, etaussi par une contri-
bution délirante du sujet. Ce dernier s'aperçoit de ses déficits, de ses
pertes. Toute évasion lui paraît une spoliation, il prête à la polarité hé-
téro-personnelle une activité entreprenante à ses dépens. La confirma-
tion est obtenue par le maquillage des possessions soustraites. Elles ne
sont pas seulement démarquées, elles portent des estampilles étrangères,
et en particulier une rédaction, auditive ou autre, qui n'est pas précisé-
ment celle que le sujet aurait choisie, mais qui est celle d'usurpateurs.
Ambivalence du vol de la pensée. — De tous les phénomènes poly-
phréniques, aucun n'est plus commun que le ;vol de la pensée, mais
aucun n'est plus surprenant pour le malade, ni plus digne d'être médité
par l'aliéniste.
C'est un événement critique, un grave incident de frontière, un en-
gagement, un corps à corps. Le noyau de la personnalité se maintient,
en pleine débâcle, grâce à des prodiges de réadaptation et d'équilibre.
Par un double courant d'exosmose et d'endosmose, il perd sa propre
substance et la retrouve adultérée.
C'est un événement fondamental, ambivalent, antérieur à la persécu-
tion et à la protection, apte à engendrer l'une et l'autre, soit successive-
ment, soit même simultanément, la première en raison de l'indiscrétion,
de la violation du for intérieur, la seconde en raison de la confirmation
mystérieuse apportée aux pensées personnelles.
A leur tour, les tendances naissantes de persécution sont amplifiées,
matérialisées, répercutées et deviennent les paroles persécutrices,
pendant que les tendances naissantes de protection, amplifiées, maté-
rialisées, répercutées, deviennent les paroles salvatrices. Ainsi amorcé,
un double travail intellectuel, défensif et adaptatif, se poursuit, en
pensées hallucinatoires et aussi en pensées proprement dites, non
hallucinatoires.
On comprend dès lors comment l'hallucination protectrice est
souvent contemporaine de l'hallucination hostile. Si, en général, les
thèmes de persécution se développent avant les thèmes ambitieux, cela
tient-il, comme le veut Magnan, au caractère.plus déraisonnable des
seconds, qui ne sont acceptés qu'après une longue habitude du délire?
Nullement, mais il est naturel que les réactions d'inadaptation ouvrent
la scène, que l'adaptation n'ait pas lieu d'emblée, qu'elle ne se produise
qu'à la longue, après une phase d'intolérance. Oa Jeanne 1 a guéri au
bout de cinq mois, après avoir passé par trois phases. D'abord, son
mari défunt la criblait de reproches et de menaces ; plus tard, son
complice mort la rassurait à demi, enfin survint l'âme de son père bien-
aimé, pour lui démontrer que tout s'arrangeait au mieux, et devait finir
par un nouveau mariage.

i. Soc. méd.-Psych., janvier 1924.


CONTRIBUTION A L'ÉTUDE MÉDICO-LÉGALE
DE LA DÉMENCE PRÉCOCE A FORME SIMPLE
PAR
G. HALBERSTADT
Médecin des asiles.

La médecine légale de la démence précoce n'a pas été étudiée d'aussi


près que celle de certaines autres maladies mentales, comme par exemple
la paralysie générale ou l'épilepsie. Les publications sur ce sujet sont assez
rares, et pourtant sauf pour les cas tout à fait nets où l'on est en présence
de gros troubles psychiques (agitation, délire, état catatonique, etc.), le
problème médico-légal à résoudre n'est pas toujours facile. Déjà Hecker1,
se basant autant sur l'enseignement de Kahlbaum que sur ses recherches
personnelles, disait que la connaissance des manifestations cliniques de
l'hébéphrénie était importante au point de vue médico-légal et que cer-
tains hébéphréniques étaient pris, bien à tort, pour des simulateurs.
Lorsqu'il y a quelque vingt-cinq ans, à la suite des travaux de Kraepelin,
la maladie qui nous occupe commença à être bien connue, certains
auteurs firent voir la portée pratique de cette découverte clinique. En
France notamment, Sérieux, dans son article de 1902 disait2 : « Si pour
ces deux catégories de malades (paralytiques généraux et déments pré-
coces), on méconnaît fréquemment l'existence de troubles cérébraux,
c'est que ceux-ci se bornent souvent à un affaiblissement psychique
simple : les idées délirantes peuvent ou faire défaut, ou rester très atté-
nuées, très mobiles. » Antheaume et Mignot ont eu le mérite de décrire,
en 1907, « la période médico-légale prodromique de la démence pré-
coce3. » Ils ont rapporté trois observations personnelles de sujets chez
lesquels la maladie avait débuté par une « phase de délinquance » ayant
duré plusieurs années. Les troubles intellectuels confirmés n'apparurent
que plus tard. L'année suivante paraissait l'article de Sartorius4. Cet

I. HECKER. Die Hebephrenie. (Virchows Archiv., vol. LII, 1871, p. 394.)


2. SÉRIEUX. La démence précoce. (Revue de psychiatrie, 1902, p. 241.)
3. ANTHEAUME et MIGNOT. La période médico-légale prodromique de la
démence précoce. (Encéphale, février 1907, p. 126.)
4. SARTORIUS. Die forensische Bedeutung der Dementia Praecox. (Allg.
Zeitschrift f. Psychiatrie, 1908, p. 666.)
auteur estime que l'importance médico-légale de la démence précoce est
plus grande que celle de la majorité des autres maladies mentales. Il
montre que ces malades commettent de nombreux délits, étudie aussi la
question au point de vue de la médecine militaire et mentionne enfin la
possibilité de l'apparition d'une démence précoce sous l'influence de
l'emprisonnement. On sait d'ailleurs que les psychoses pénitentiaires
sont plutôt rattachées à l'heure actuelle à la dégénérescence mentale, et
sur ce point, par conséquent, l'opinion de Sartorius ne peut être acceptée
qu'avec réserve'. Dans son excellente monographie parue en 1911,
Mlle Pascal consacre tout un chapitre à la médecine légale de la démence
précoce. Elle montre notamment l'importance dans l'accomplissement
des actes antisociaux de certains facteurs associés tels que par exemple;
l'hystérie, la dégénérescence, l'alcoolisme. Elle parle des déments pré-
coces fugueurs, vagabonds, des autodénonciateurset des sursimulateurs2.
En 1922, au Congrès belge de neurologie et de psychiatrie, Libert reve-
nait sur cette question et montrait, s'appuyant sur de nombreuses publi-
cations tant françaises qu'étrangères et sur plusieurs observations per-
sonnelles recueillies dans le service de Sérieux, toute l'importance du
diagnostic précoce de cette maladie pour trancher des cas médico-légaux
litigieux. Ceci était surtout vrai, disait-il, pour les cas où la démence
précoce se développait chez des sujets constitutionnellementanormaux3.
Toutes les formes de la démence précoce ne sont pas également inté-
ressantes pour le médecin expert. Certes dans toutes, on peut observer
une période médico-légale prodromique. Mais il y en a une parmi ces
formes qui par son aspect clinique particulier donne lieu au plus grand
nombre de difficultés et d'erreurs. C'est la forme simple. Elle est carac-
térisée par un affaiblissementprogressifdes facultés mentales, sans aucun
phénomène délirant, sans hallucinations, sans symptômes de la série
catatonique. Et si cet affaiblissement est peu accentué, n'aboutissant pas
à une déchéance intellectuelle marquée, on a alors la forme fruste. Ce
dernier terme est de Sérieux. Il l'emploie dans l'article déjà cité et son
élève Monod a tout particulièrement étudié les cas de ce genre dans sa
thèse inaugurale de 19054. Ainsi donc c'est la forme simple, surtout
quand il s'agit de la variété « fruste » de cette forme,qui donne lieu au
plus grand nombre de réactions antisociales intéressantes à connaître.
Et cela se comprend : le sujet ne se présente pas du tout comme un
aliéné, il n'est jamais interné, commet des actes parfaitement coordonnés
I. Contribution à l'étude clinique de la folie pénitentiaire.
HALBERSTADT.
Annales de médecine légale, décembre 1923, p. 624).
2. Mlle PASCAL. La démence précoce. Paris, Alcan, 1911.
3. LIBERT. Les perversions instinctives au début de la démence précoce.
(Congrès belge de neurologie et de psychiatrie. Encéphale, octobre 1912,
p. 3 oq.)
4. E. MONOD. Les formes frustes de la démence précoce. (Thèse de Paris,
1905.)
ne portant pas le cachet démentiel. Et d'autre part, ce sont précisément
ces malades qui manifestent le plus souvent des perversions instinctives
caractérisées. Kahlbaum a le premier bien vu ces cas et saisi leur indi-
vidualité clinique2. Il décrit cette forme sous le nom d'héboïdophrénie,
insiste sur ce fait capital que l'affaiblissement psychique ne va jamais
jusqu'à la déchéance intellectuelle profonde et montre la prédominance,
dans le tableau morbide, de troubles du sens moral. Il spécifie cepen-
dant qu'on ne saurait rattacher cette affection à la folie morale, mais
qu'il faut la rapprocher plutôt de l'hébéphrénie.
Christian admettait parfaitement les formes peu accentuées de la
démence précoce. Dans son travail de 1899, maintes fois cité, il parle de
la possibilité d'une hébéphrénie « légère », « mitigée n, la qualifiant de
«démence incomplète* ». En 1903 paraissait le travail de Diem, contenant
une étude bibliographique complète de la question et qui aujourd'hui
encore n'a pas vieilli. On en trouvera l'analyse détaillée dans la thèse de
Monod3. Diem tend à distinguer deux variétés cliniques secondaires
dans cette forme particulière qu'est la démence précoce simple. Sérieux
— on l'a vu plus haut — semble vouloir distinguer la démence précoce
simple proprement dite et la variété fruste. Diem va en quelque sorte
dans la direction opposée : il décrit à côté de la démence précoce simple
proprement dite non pas une variété plus bénigne, mais, au contraire,
une variété plus grave. Elle est caractérisée par ce fait que la maladie
après une période stationnaire parfois assez longue, entre dans une phase
terminale particulière (qui n'existe pas dans la démence précoce simple
proprement dite) au cours de laquelle apparaissentdes symptômes démen-
tiels plus nets et presque spécifiques de l'hébéphrénie. Kraepelin recon-
naît d'ailleurs la possibilité de cette évolution, en ce sens qu'il déclare
que pour lui la démence précoce simple peut être la première phase (pou-
vant d'ailleurs durer très longtemps) d'une démence précoce banale,
avec la symptomatologie grave que comporte cette psychose4. Nous
avons mentionné plus haut la thèse de Monod, qui mérite de nous arrêter
encore quelques instants. Il définit ainsi la forme qui nous occupe :
« Elle est caractérisée par un amoindrissement peu accusé des facultés
mentales. Les acquisitions antérieures et les formes inférieures quasi-
automatiques de la vie cérébrale persistent, mais le besoin d'exercer
l'activité psychique disparaît; la personnalité est atteinte dans ses élé-
ments les plus caractéristiques. Pour léger qu'il soit, le déficit intellectuel

z. KAHLBAUM. Ueber Heboidophrenie. (Allg. Zeitschrift f. Psychiatrie,


vol. XLVI, 1890, p. 461.)
2. CHRISTIAN. De la démence précoce des jeunes gens. (Annales médico-
Psychologiques, 1899, IX, p. 43, 200, 420 et X, p. 5, 177.)
3. DIEM. Die einfach demente Form der Dementia Praecox (D. simplex).
(Archiv fur Psychiatrie, 1903, vol. XXXVII, p. 111.)
4. KRAEPELIN. Psychiatrie, 86 édition, 3" volume, 1913, p. 766.
n'en accuse pas moins le caractère démentiel de la psychose. » Et il cite
l'opinion d'Evensen,de Trondjem qui établit dans certains cas une ana-
logie avec la folie morale, mais avec cependant cette différence clinique
qui a sa valeur : « Quand il s'agit de tourner une difficulté, le dément
précoce n'a pas la souplesse du fou moral, ni son habileté à tirer profit
d'une occasion, ni sa tenacité dans le but qu'il poursuit. »
Nous avons eu l'occasion d'observer récemment un cas dans lequel
le fait d'avoir pu poser chez une délinquante le diagnostic de démence
précoce simple a permis de faire arrêter les poursuites dans une affaire
qui aurait pu, dans le cas contraire, avoir pour l'intéressée les pires con-
séquences sociales. Il s'agissait d'une jeune fille de trente ans, appartenant
à une famille très aisée et très honorable habitant un petit village des
Flandres qui déroba en plein jour une paire de bas (d'une valeur de 10
à i5 francs) dans un magasin. Sur la demande de la famille et d'accord
avec le médecin habituel de celle-ci, le rapport suivant fut rédigé :
Le 25 mai nous avons été appelés par ses parents auprès de Mlle Ida
1923
W... pour nous prononcer sur son état mental. La famille nous a dit que
cette personne, âgée actuellement de trente ans, avait été normale jusqu'à
l'âge de dix-sept ans environ. Elle avait été à l'école, y avait fait des études
primaires suffisantes, puis avait travaillé et avait vécu comme les autres
jeunes filles de sa condition sociale, ne se distinguant en rien de son entou-
rage. Mais depuis environ treize ans, les choses ont changé. Il y a eu une
régression de ses facultés mentales, une insuffisance psychique peu marquée
d'abord, puis devenue telle que ses parents se sont finalement trouvés dans
la nécessité de la surveiller et de la guider presque constamment. Noncha-
lante , apathique, indifférente à tout, dépourvue de toute initiative, elle ne
peut travailler que si elle est dirigée de très près, autrement le travail serait
toujours mal exécuté. La première couchée et la dernière levée, elle se couche
encore souvent en plein jour, tellement elle est indolente et inactive. Elle
vit au jour le jour, ne formant aucun projet d'avenir, devenue une sorte de
grande enfant, soumise à la tutelle étroite et continue des siens. Il y a quelque
temps, se trouvant au marché, Mlle W... a pris une paire de bas sans payer
et sans en avoir demandé l'autorisation àla marchande.Elle se proposait de
montrer ces bas à sa mère, qui aurait ensuite réglé l'achat. Arrêtée, elle n'a
pas su s'expliquer suffisamment, et c'est ainsi qu'elle fut accusée de vol. Tels
sont les renseignements et les explications fournis par les parents de l'inté-
ressée.
Au cours de l'examen auquel nous avons procédé, voici ce qui nous est
apparu. Mlle Ida W... est une jeune fille physiquement bien constituée, ne
présentant aucun symptôme de lésion nerveuse organique la motilité, la
sensibilité, la réflectivité, sont normales ; les pupilles sont égales et réagissent
bien; il n'y a pas de troubles de l'équilibre; il n'y a pas de troubles sphinc-
tériens, aucun trouble trophique. Mais l'état mental de cette personne est
nettement déficitaire. Et tout d'abord, elle comprend à peine la gravité de la
situation dans laquelle elle s'est mise. Ce qui lui est arrivé au marché lui
semble être un incident sans portée. Elle a pris des bas sans payer parce
qu' « elle a cru que la marchande la connaissait », c'est là toute son excuse.
Plus tard, dit-elle, on aurait réglé l'achat. Incapable de faire un récit cir-
constancié de ce qui lui est arrivé, elle ne donne les renseignements qu'on
lui demande que par phrases courtes, sommaires, répondant généralement
par oui ou par non. Si on insiste trop elle se met à pleurer, puis brusquement
rit aux éclats sans s'expliquer sur ce changement brusque d'humeur. L'inter-
rogatoire de Mlle W... ne permet de constater l'existence d'aucun délire ni
d'aucun trouble sensoriel. Il n'y a ni confusion mentale, ni excitation
maniaque, ni dépression mélancolique. Ce qui existe, c'est un état d'affai-
blissement* de l'intelligence, dont voici les principales manifestations fai-
blesse de la mémoire, indifférence à la réalité ; manque d'initiative ; difficulté
de s'exprimer clairement, attitude puérile. Ces constatations nous permettent
d'aboutir à cette conclusion que le récit fait par les parents et dont il a été
question dans la première partie de notre rapport est tout à fait vraisem-
blable, corroboré qu'il est par l'examen de l'état mental du sujet. Nous
avons, en somme, affaire à une personne qui est manifestement une anor-
male. Reste à préciser la nature et, si l'on peut ainsi parler, le degré de
l'anomalie, et d'autre part, envisager les conséquences de cet état au point
de vue médico-légal (au criminel et au civil) et médical (mesures à prendre
pour le traitement et la surveillance).
La faiblesse intellectuelle sans délire concomitant (c'est le cas ici) peut
être soit congénitale, et c'est alors la débilité mentale avec ses différents
degrés ; soit acquise. Mlle W... nous le savons, n'est devenue une affaiblie
de l'intelligence qu'assez tardivement. C'est donc non pas une débile, mais
une démente. Ceci étant posé, et le diagnostic de paralysie générale étant
écarté par suite de l'absence de tout symptôme organique de cette affection,
reste le diagnostic de « démence précoce ». C'est celui, en effet, que nous
adoptons, et plus spécialement celui de « forme simple » de cette psychose.
Débutant dans l'adolescence, s'accompagnant souvent de délire et de périodes
d'excitation, parfois de troubles particuliers de la motilité volontaire, la
démence précoce évolue dans certains cas, sans autre symptomatologie que
l'apparition d'un état d'affaiblissement psychique (forme simple). Il s'agit,
en tout cas, d'une psychose ne présentant aucune chance de curabilité.
La responsabilité pénale de Mlle W... est nulle. On sait en effet que l'ar-
ticle 64 du Code pénal stipule qu'il n'y a ni crime ni délit lorsque l'acte
incriminé a été commis en état de démence. Or ce terme de démence doit
être compris dans un sens très large. Chauveau et Faustin Hélie écrivaient
déjà « Par démence, on doit entendre, puisqu'aucun texte n'en a restreint le
:

sens, toutes les maladies de l'intelligence, l'idiotie et la démence propre-


ment dite, la manie délirante et la manie sans délire, même partielle. Toutes
les variétés de l'affection mentale, quelle que soit la dénomination que leur
applique la science, quelques classifications qu'elles aient reçues, revêtent
la puissance de l'excuse et justifient l'accusé, pourvu que leur influence sur
la perpétration de l'acte puisse être présumée. » Mlle W... entre évidem-
ment dans la catégorie des personnes auxquelles s'applique l'article 64. Elle
est incapable de comprendre la gravité des actes qu'elle commet, agit
sans'réflexion, obéit au premier mouvement sans se rendre compte de ce
qu'elle fait. Au point de vue de sa capacité civile, nous ne pensons pas qu'il
y ait lieu de l'interdire, ce serait là une mesure trop grave et qu'on ne prend
même à l'égard des personnes internées dans les asiles d'aliénés que dans
des circonstances exceptionnelles. Mais nous estimons qu'on devrait lui
donner un conseil judiciaire, car elle ne pourrait gérer seule sa fortune.
L'internement dans un établissement spécial ne nous paraît pas nécessaire,
la famille se chargeant de la surveiller et de subvenir à ses besoins.

CONCLUSIONS

ln Mlle W... est atteinte de démence précoce.


2° Sa responsabilité pénale est nulle.
3° Il y a lieu de lui donner un conseil judiciaire.
4° Il n'est pas nécessaire de la placer d'office dans un asile.

En résumé, nous avons affaire à une malade âgée de trente ans,


ayant commis un vol, qui depuis l'âge de dix-sept ans présente un état
peu accentué d'affaiblissement psychique, avec prédominance de phéno-
mènes d'apathie, manque complet d'initiative, nécessité d'une direction
quasi continue. Malgré cela elle pouvait vivre au dehors, sans que jamais
l'idée d'un internement eût été soulevée. Elle s'occupait un peu, allait
et venait, mais toujours sous la surveillance des siens, parents ou
domestiques. Il n'y a jamais eu aucun phénomène psychotique : ni
délire, ni hallucinations, ni confusion mentale, ni aucun symptôme, si
léger fût-il, de la série catatonique. Un peu de puérilisme, parfois le
rire sans motif, une façon peu sérieuse d'apprécier l'inculpation, aucun
souci de l'avenir, autant de signes que nous savons rattacher à la discor-
dance psychique, mais qui pour un regard non averti n'ont pas de signi-
fication grave. Et chez notre malade ce fut la notion de la forme fruste
de la démence précoce qui nous permit de disculper Mlle W. d'une façon
absolue, de ne pas parler de « responsabilité atténuée » mais d'irrespon-
sabilité totale. Qui dit démence précoce dit, en effet, irresponsabilité
pénale, même s'il s'agit de ce que Christian appelait la forme « mitigée ».
Nous avons insisté dans notre consultation écrite, soumise parla famille
au Parquet et qui motiva l'arrèt complet des poursuites sur ce point,
qu'il s'agissait d'un véritable processus pathologique et non pas d'un
trouble du sens moral relevant de la dégénérescence. Ainsi que le fait
remarquer avec raison Libert dans sa communication déjà citée, pour
les dégénérés avec perversions instinctives peut se poser fa question de
savoir s'ils ne sont pas punissables; la peur du châtiment peut en effet
exercer le rôle d'un frein. Quant aux déments précoces, ce sont des
malades classés et certains, et il serait contraire à l'équité la plus
élémentaire d'appliquer à leurs actes délictueux une sanction pénale.
On voit donc que le diagnostic exact entraîne, dans l'espèce, des con-
séquences pratiques importantes et que la question de la démence pré-
coce simple mérite qu'on lui accorde plus d'intérêt que cela n'a été fait
jusqu'à présent.
COMPTE RENDU OFFICIEL
DE LA

QUATRIÈME RÉUNION BI0L06IQUE NEURO-PSYCHIATRIQUE

L'UNIVERSITÉ DE PARIS
TENUE A LA CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE

LE 31 JANVIER I924

Sommaire
Communication de M.
d'un test de mémoire.
Edouard Toulouse, et de Mlle Weinberg. - Établissement
Communication de MM. Henry Cardot et Henri Laugier. — Sur la diffusion et la
généralisation de l'excitation dans les centres au cours de l'effort prolongé.
Communication de MM. J. Tinel et D. Santenoise. — Contribution à l étude du
diagnostic biologique de l'épilepsie.

Établissement d'un test de mémoire par M. ED. TOULOUSE et Mlle WEINBERG


(Travail du Service de Prophylaxie mentale).
La psychologie expérimentale est encore peu appliquée à l examen neuro-
psychiatrique.
C'est que, pour des raisons de commodité, on s'est d'abord attaché à
établir en psychologie des expériences où la condition principale était l effort
volontaire du sujet. Or beaucoup de malades ne peuvent pas comprendre ce
qu'on leur demande ou sont incapables de faire l'effort mental nécessaire.
En attendant qu'on mette au point des méthodes où le sujet sera placé
dans des conditions qui provoquent ou entravent certains comportements,
mettant en œuvre telle ou telle fonction mentale, les procédés basés sur
l'effort volontaire ne doivent point être négligés, pas plus que le simple
interrogatoire clinique qui se heurte aux mêmes difficultés. Et on peut les
employer chez beaucoup de psychopathes qui sont encore peu troublés.
Or les troubles de la mémoire sont parmi les plus importants pour le
clinicien dans un grand nombre d'états morbides, toutes les variétés de
démence, paralysie générale, démence sénile, démence organique liée à
des lésions circonscrites, aphasie, amnésie, épilepsie, intoxications, syndrome
de Korsakoff, etc.
Il importe donc de pouvoir rendre objectifs les troubles mnésiques, de
différencier les fonctions diverses de la mémoire, de les évaluer pour servir
à l'appréciation des cas limites ou encore pour suivre l'évolution d'une maladie
ou les effets d'une thérapeutique syndromatique.
C'est ainsi que le laboratoire de psychologie du service de Prophylaxie
mentale a été amené à mettre au point une technique pour l'étude clinique de-
la mémoire.
Il s'agissait d'abord de différencier la mémoire d'évocation et aussi la

-
mémoire de reconnaissance qui, en clinique, sont souvent confondues — les
deux premières surtout alors qu'elles paraissent ressortir à des conditions
nerveuses différentes.
La mémoire de fixation est explorée couramment en clinique. On fait par
exemple répéter au malade des séries de mots, des phrases ou des chiffres et
l'on apprécie de la sorte le pouvoir de fixation du sujet.
Les troubles de la mémoire d'évocation sont plus difficiles à étudier
expérimentalement. Car le phénomène d'évocation est intimement lié en
pratique au phénomène de fixation.
L'évocation d'un souvenir est fonction de son degré de fixation d'abord
(on évoque un souvenir d'autant plus facilement qu'on l'a mieux fixé) et aussi
d'un grand nombre de circonstances caractéristiques du moment d'évocation.
On ne peut pas étudier expérimentalement le pouvoir d'évocation du sujet
en lui faisant évoquer des souvenirs anciens quelconques : car l'étendue, la
ténacité de la fixation de ces souvenirs nous étant inconnues, nous ne pouvons
distinguer ce qui dans une évocation médiocre serait dû à une absence de
fixation convenable ou à un trouble du pouvoir d'évocation proprement dit.
D'autre part les mêmes souvenirs ne s'évoquent pas toujours avec la
même facilité; les dispositions psychiques et physiques du sujet au moment
de l'évocation, son attitude mentale, les associations externes et internes, tous
ces facteurs déterminent chez un même sujet les variations de la reproduc-
tion des souvenirs, reproduction qui peut être tantôt parfaite et tantôt faire
défaut totalement. Le sujet normal peut néanmoins, quelles que soient les
variations que nous venons d'énumérer, dans une certaine mesure diriger
la reproduction de ses souvenirs : c'est l'évocation volontaire.
C'est cette fonction mnésique que nous avons en vue dans nos expériences,
nous proposant de mettre au point ultérieurement un test d'évocation spon-
tanée
.
Respectons la première difficulté d'ordre technique général qui se présente
ici. Lorsque nous examinons un sujet normal, nous supposons qu'il
donne le maximum d'effort dont il est capable. Or quand nous avons affaire
à des malades nous ne sommes plus autorisés à faire cette supposition et
nous ne sommes jamais sûrs que le malade fait son effort maximum. D'ailleurs
si même, par une appréciation plutôt intuitive, nous jugeons le degré d'effort
que le malade apporte, nous nous trouvons devant une autre difficulté : com-
ment comparer le résultat fourni par un sujet qui fait de son mieux et qui
donne son maximum au résultat d'un autre sujet qui ne se donne aucune
peine pour réussir? Dans tous les tests de mémoire qu'on a généralement
employés, le degré d'attention et le désir de bien retenir jouent un grand rôle
dans les résultats. Les sujets vont même jusqu'à forger des systèmes, ils
cherchent des associations logiques entre des éléments apparemment dispa-
rates, en un mot ils s'aident par des procédés mnémotechniques. On peut
éviter la mémorisation volontaire en donnant au sujet une tâche secon-
daire qui aurait pour but de le distraire. On peut par exemple,pendant qu'on
fait défiler des tests quelconques, lui faire faire du calcul mental ou exécuter
une autre activité de ce genre. Cette technique a été employée dans les expé-
riences de psychologie générale pour dissocier dans un acte mnémonique la
mémoire et l'attention. Toutefois ce procédé nous a paru peu adapté au but
de nos expériences. En effet lorsque le sujet accomplit deux tâches simulta-
nément et que ces tâches sont telles qu'elles ne puissent être exécutées auto-
matiquement, il se tire d'affaire par des oscillations plus ou moins rapides de
son attention qui va et vient entre les deux tâches. C'est une aptitude tout à
fait spéciale que les différents individus ne possèdent pas au même degré.
Ces techniques auraient donc compliqué l'expérience en nous entrainant
dans une tout autre direction. Nous avons donc préféré opérer d'une manière
différente et nous allons exposer tout à l'heure comment.
Nous avons utilisé quinze images colorées tirées d'un loto enfantin et qui
représentent des objets familiers, mais hétérogènes :
Les images sont collées sur un carton de 34,7 cm. X 25 cm.
Nous présentons le carton au sujet et nous lui demandons de nommer les
images aussi vite qu'il peut. Ce faisant, nous donnons au sujet une tâche
secondaire qui empêche la mémorisation volontaire ; mais au lieu de le dis-
traire et de provoquer une division de son attention, nous la dirigeons au con-
traire sur les objets qu'il doit retenir. On pourrait croire a priori que la
nécessité de nommer aussi vite que possible les images présentées ne gêne
par la mémorisation. En réalité tous les sujets se sont plaints de n'avoir pas
pu bien retenir parce qu'il fallait nommer très vite. D'une manière générale
nous avons trouvé au cours de nos expériences, tant sur les normaux que sur
les malades, que la mémorisation volontaire était impossible. Nous avons
bien affaire à l'aptitude mnémonique brute et non pas à l'art d'apprendre,
car c'est là un art véritable.
La durée d'exposition est déterminée par la rapidité avec laquelle le sujet
arrive à nommer toutes les images ; elle est donc variable pour les diffé-
rents sujets. C'est là une critique qu'on pourrait nous faire. En effet le
nombre d'éléments fixés variant notablement sous l'influence de la durée du
temps pendant lequel ces éléments sont présentés au sujet, on comprend que
les différences des temps d'exposition mettent les différents sujets en une
certaine mesure dans des conditions non identiques.
Mais d'autre part la rapidité de reconnaissance et la rapidité de la tra-
duction d'une image visuelle en symboles verbaux est, elle aussi, variable
suivant les sujets. Et il est indispensable de s'assurer que le sujet a réelle-
ment remarqué et a pu réellement nommer toutes les images présentées, car
en supposant qu'un malade soit particulièrement frappé par une image quel-
conque, il pourra pendant toute la durée d'exposition ne regarder que cette
seule image et l'expérience serait évidemment ratée.
Il serait donc encore préférable de donner une présentation successive,
soit en projetant les images sur l'écran, soit en les exposant dans un appareil
de présentation comme il en existe dans les laboratoires. Nous avons adopté
la technique d'exposition simultanée qui est plus commode pour le clinicien.
Remarquons d'ailleurs que la parfaite égalité des conditicns objectives ne
réalise pas toujours cette égalité au point de vue subjectif.
En présentant les images et en les faisant nommer nous faisons appel à la
fois à la mémoire visuelle et à la mémoire verbale (auditive et motrice).
Aussitôt l'exposition terminée, nous laissons un intervalle d'une minute
pendant laquelle nous demandons au sujet de compter, soit simplement, soit
à rebours, soit par deux ou trois, etc... Ceci simplement afin de l'empêcher
de penser aux images présentées tout à l'heure. Nous introduisons cet inter-
valle,comme on le fait dans toutes les expériences de mémoire, afin de per-
mettre aux souvenirs de se fixer effectivement, tandis que si nous demandions
une reproduction immédiate comme le font quelquefois certains auteurs,
nous ferions appel plutôt à une persistance sensorielle qui n'est pas de la
mémoire proprement dite.
Après l'intervalle nous demandons au sujet de nous indiquer toutes les
images retenues et nous répétons cette reproduction trois fois de suite, en
séparant chaque fois les reproductions successives par un intervalle d'une
minute remplie par le comptage.
Nous reprenons le sujet,lorsque les circonstances le permettent, après un
ntervalle de dix minutes et nous lui demandons de nouveau trois repro-
ductions successives séparées comme la première fois par des repos d'une
minute.
Nous obtenons donc une série de trois ou de six évocations suivant que
nous avons fait exécuter une seule épreuve ou deux épreuves.
Nous avons appliqué ce test tel que nous venons de le décrire sur 42 sujets
normaux dont 27 machinistes de tramways, qui constituent un groupe très
homogène par l'âge, la culture et la nature du travail. Nous avons constaté
que les images retenues ne sont pas reproduites à chaque évocation. Sur les
42 cas cités, 2 sujets seulement ont toujours reproduit les mêmes images.
Généralement les choses se passent de la manière suivante. Le sujet à la pre-
mière évocation reproduit par exemple une huitaine d'images, à la deuxième
évocation il peut en reproduire huit ou neuf, ou sept, mais parmi ces images,
il y en aura qui n'auront pas été évoquées la première fois, et d'autre part
il y aura des images évoquées la première fois et qui ne seront pas repro-
duites à la deuxième évocation. Le nombre d'images constantes, c'est-à-dire se
répétant dans toutes les six évocations, varie de 3 à 9 chez les 27 machinistes
des tramways avec une moyenne de 5, 77. Nous calculons le nombre total
d'images reproduites par le sujet dans les différentes évocations et nous avons
ainsi la mesure de son pouvoir de fixation. Nous comptons ensuite la moyenne
d'images reproduites à chaque évocation individuelle et le pourcentage de
cette moyenne par rapport au total des images reproduites ; nous pouvons
dire par exemple qu'un individu peut évoquer à n'importe quel moment 80
ou 90, ou 70 p. 100 de son capital acquis. "Nous pourrions appeler ce chiffre
indice du pouvoir d'évocation.
Ici il y a quelques réserves à faire. Les auteurs qui ont étudié les évoca-
tions successives après une seule présentation ont trouvé que le nombre de
souvenirs croît légèrement pour les évocations ultérieures. Un psychologue
anglais, M. Ballard, ayant fait apprendre aux enfants des écoles une pièce de
vers d'une manière incomplète a trouvé que le nombre de souvenirs repro-
duits croît avec l'intervalle de temps et que l'optimum se manifestait deux
jours après le moment de fixation.
Il a constaté en outre que, à côté du gain, de la réapparition des souvenirs
nouveaux, il y avait à partir des plus petits intervalles des oublis, disparition
d'autres éléments. Un auteur allemand, Nicolaï, ayant présenté des objets
différents aux groupes d'enfants a constaté un léger oubli après un intervalle
de 3o min. et une réapparition des souvenirs dans les évocations successives.
Les expériences de Ballard ont été reprises par Mlle Huguenin : Reviviscence
paradoxale (Arch. de Ps. 1914, XIV, p. 379) qui a pu vérifier les résultats
du psychologue anglais. Pour expliquer le fait de la reviviscence paradoxale,
pour employer le terme de Mlle Huguenin, Ballard a développé l'hypothèse
de M. Piéron sur la maturation des souvenirs. D'après ces théories, la fixation
des souvenirs, loin d'être instantanée comme on a l'air de le supposer quel-
quefois, nécessiterait un temps relativement long allant parfois jusqu'à
48 heures.
Mais ces théories n'expliquent pas pourquoi, à côté du gain, de l'enrichis-
sement progressif de nos souvenirs, il y a, parallèlement à cela, perte de
certains éléments, de sorte que, quand on compare deux évocations, on
trouve un certain nombre d'éléments présents dans les deux reproductions
et, outre cela, des éléments qui ne se retrouvent que dans l'une des deux
évocations. Mlle Huguenin a supposé que « les impressions qui pénètrent dans
la conscience sont de trois catégories : les unes s'y fixent rapidement mais
n'y séjournent pas, les autres au contraire se fixent lentement et ne peuvent
être reproduites qu'au bout d'un certain laps de temps ; la majeure partie
enfin s'y fixe rapidement et, s'étant fixée, y séjourne. Ces différences pro-
viennent peut-être des différences dans l'attention au moment de la mémo-
risation ou de processus connexes contrecarrant une fixation immédiate J.
Ballard et Mlle Huguenin n'ont faire faire à leurs sujets que deux évoca-
tions après chaque fixation. Or si l'on fait faire un nombre plus grand d'évo-
cations, on constate qu'il y a non seulement perte de certains éléments et
apparition d'autres, mais qu'il y a encore des éléments qui apparaissent à
certaines évocations, disparaissent dans les autres pour réapparaître de
nouveau. Il ne saurait évidemment dans le cas de ces images que nous avons
appelées « intermittentes être question de maturation ou d'oubli. Il est
®
évident que ce sont là des variations de l'évocation proprement dite des sou-
venirs dont nous pouvons affirmer la conservation même lorsqu'ils ne sont
pas reproduites à une évocation individuelle. Et l'on pourrait se demander
si, quand on trouve un oubli ou une reviviscence, on n'a pas plutôt affaire à
des variations de l'évocation proprement dite.
Nous avons remarqué que l'évocation faisait appel dans une assez large
mesure à un effort volontaire de la part du sujet. Nous avons ajouté encore
un test de reconnaissance. La série d'évocations terminée nous présentons au
sujet des tableaux sur lesquels les quinze images présentées préalablement se
retrouvent de nouveau, cette fois-ci mélangées avec quarante-deux autres. Le
sujet doit indiquer les images qu'il reconnaît comme ayant figuré sur le pre-
mier test. Ici tout effort est exclu ; le sujet répond par un oui ou
non. En
comptant le nombre total d'images reconnues, nous avons la mesure de sa
mémoire de reconnaissance.
Nous appliquons en ce moment, systématiquement, ce test à divers états
psychologiques et nous ferons sur les résultats obtenus une autre communi-
cation. Ce que nous pouvons dire dès maintenant, c'est que le test est appli-
cable à un grand nombre de malades et notamment aux paralytiques généraux
au début et aux déments séniles simples et qu'il permet de faire l'analyse des
troubles mnésiques dans ces états.
Ainsi les¡ paralytiques généraux peuvent présenter divers troubles d'abord
:
une diminution de pouvoir de fixation; certains n'arrivaient pas à fixer plus
de quatre images au total. Et chez ceux qui, étant au début de troubles
cliniques, ont conservé un pouvoir de fabulation proche du normal, le nombre
de fausses reproductions est très grand, et dépasse même parfois de beaucoup
le nombre d'images reproduites corréctement, atteignant par exemple le
chiffre 22. Le nombre de fausses reconnaissances est aussi très élevé; par
exemple il y a 10 fausses reconnaissances contre 8 images reconnues cor-
rectement. Chez des déments séniles, le nombre d'images fixées était très
au-dessous de la normale, ou encore il existait une fuite d'images d'une évo-
cation à l'autre. Chez un confus, la fixation était sensiblement normale, alors
que l'évocation était très mauvaise.
En résumé, nous pensons que ce test peut être utilisé en clinique et
nous serions heureux que les médecins veuillent bien l'employer. Il leur
donnera un élément plus précis et plus objectif pour analyser un syndrome
psychique et en suivre l'évolution. La nature de ces expériences de psycho-
logie empêche une démonstration en public. Mais nous sommes à la disposi-
tion de ceux qui s'y intéresseront pour leur donner tous les renseignements
utiles ou encore pour faire ces déterminations sur les malades qu'il nous
enverront.

Sur la diffusion et la généralisation de l'excitation dans les centres, au


cours de l'effort prolongé, par MM. HENRY CARDOT et HENRI LAUGIER.
Les lois qui régissent la diffusion de l'excitation dans les centres médul-
laires réflexes sont depuis longtemps classiques en physiologie. Lorsqu'on
applique par sa voie sensitive à un centre réflexe des excitations d'intensité
croissante, l'on obtient d'abord des réflexes étroitement localisés; puis,
l'excitation fournie augmentant d'intensité, l'excitation diffuse et l'on obtient
des réflexes sur le côté opposé de l'animal ; puis des réflexes généralisés
intéressant tout le corps.
Or un phénomène de diffusion de l'excitation tout à fait analogue se pro-
duit dans les centres supérieurs au cours de l'effort volontaire, phénomène
qui n'a pas encore trouvé place dans les traités classiques, et dont l'impor-
tance ne paraît pas moindre que celui qui se produit dans les centres réflexes.
Pour mettre en évidence le phénomène en question, il suffit de faire
l'expérience suivante on utilise un dynamographequelconque, par exemple
:

celui de Ch. Henry, qui est constitué par une poire en caoutchouc pleine de
mercure, reliée à un tube vertical dans lequel, en comprimant la poire, on
peut faire monter le mercure à des niveaux divers. On demande au sujet de
fournir un effort peu intense, mais de le soutenir jusqu'à la limite de ses
forces ; ainsi, pour le modèle courant du dynamographe, on lui demande de
faire monter le mercure à une hauteur de 20 centimètres et de l'y maintenir
aussi longtemps que possible.
Dans ces conditions, soit par l'auto-observation si l'on est soi-même sujet,
soit par l'enregistrement si l'on opère sur d'autres individus, on constate ce qui
suit au début, le sujet soutient les 20 centimètres de mercure sans diffi-
:

culté ; seuls sont en état de contraction les muscles de l'avant-bras qui con-
courent au travail exécuté, à savoir les fléchisseurs des doigts, et les muscles
de la main. Tous les autres muscles du corps sont en repos, ou tout au moins
dans cet état complexe de tonus léger qui maintient la station debout ou la
station assise, suivant les conditions dans lesquelles on opère. Pouls et res-
piration sont sensiblement normaux.
A mesure que l'effort se prolonge, la fatigue apparaît pour maintenir le
:

mercure au même niveau, le sujet a l'impression de faire un « effort » de


plus en plus grand ; il a d'une façon très nette l'impression que, pour con-
tinuer à soutenir la même colonne de mercure, ses centres doivent envoyer
aux muscles une commande de plus en plus intense. Pour réaliser le même
effet, l'individu, à mesure que la fatigue progresse, doit mettre en jeu une
« énergie nerveuse » de plus en plus
grande.
Or au fur et à mesure que le centre qui commande les muscles directement
intéressés à l'effort fonctionne avec une activité de plus en plus grande, on
observe, de proche en proche, que des muscles non directement intéressés
entrent en contraction d'abord les muscles des bras ; puis ceux de l'épaule;
:

puis ceux de l'autre bras, puis ceux de l'abdomen, puis ceux des membres
inférieurs et même de la face. Si bien que si l'individu qui est sujet pour-
suit honnêtement son effort jusqu'à la limite de ses forces, au moment où il-
l'atteint, on peut dire qu'il est en état de contraction généralisée tête, tronc
et membres, thorax immobilisé et pouls accéléré.
L'explication que nous proposons est la suivante à mesure que le centre
:

moteur supérieur qui commande le mouvement devient le siège d'une acti-


vité de plus en plus grande, l'excitation, d'abord bien étroitement localisée
à ce centre, s'irradie dans les centres voisins, les atteint successivement, et
diffuse de proche en proche pour se généraliser facilement à tout l'organisme.
Il s'agit, en somme, d'une simple transposition au domaine des centres supé-
rieurs, des lois bien connues sur les centres réflexes. L'excitation qui se
développe dans un centre supérieur lors des mouvements volontaires diffuse
dans les centres voisins au même titre que celle qui se développe dans les
centres réflexes lors de la mise en jeu des nerfs sensitifs.
Ces faits comportent des conséquences importantes dans des domaines
divers physiologie de l'effort; différences individuelles dans l'isolement des
:

centres ; fatigabilité des individus. Modifications de cette faculté de dépres-


sion dans les affections nerveuses et mentales, etc. Ces questions feront
l'objet de communications ultérieures.

Contribution à l'étude du diagnostic biologique de l'épilepsie par l'examen


du tonus vago-sympathique, par MM. J. TÏ1zel et D. Santenoise.
Les recherches que nous avons, Santenoise et moi, entreprises depuis
trois ans dans ce service, sur l'état du tonus vago-sympathique dans diffé-
rentes affections nerveuses ou mentales, nous paraissent susceptibles de
constituer assez souvent un véritable moyen de diagnostic biologique de ces
affections. Cette étude peut, dans bien des cas, apporter, au même titre que
les réactions humorales, une contribution importante à des problèmes de
diagnostic embarrassant.
Nous en citerons comme exemples les deux cas suivants d'épilepsie larvée.
OBS. I. Alexandre F... 23 ans, cultivateur, sans autre passé pathologique
qu'une chute de bicyclette 6 ans avant — et une grippe 2 ans avant les accidents
— est pris soudain en juillet 1922 de malaises bizarres. Dans la nuit du
10 juillet, il est réveillé vers 2 heures du matin, raconte-t-il, par une sorte de
frémissement dans la région du coeur ; le frémissement gagne rapidement le
tronc, les membres, puis la tête, et est suivi d'une paralysie flasque complète
de tout le corps, sans aucune perte de connaissance. Tout mouvement est
impossible, il ne peut ni remuer un doigt, ni parler, ni même ouvrir les yeux;
cela dure 20 minutes et la paralysie disparaît.

Depuis ce temps, ces crises de paralysies se sont renouvelées, d'abord


tous les i5 jours, puis plus rapprochées, et finalement presque toutes les
nuits. Elles surviennent moins souvent au milieu de la nuit, presque toujours
au moment où il s'endort.
Cependant au bout de six mois, ces crises nocturnes sont devenues plus
rares; elles surviennent maintenant plutôt le jour, et assez rarement; elles
se produisent surtout lorsque le malade lutte contre les accès de somnolence
dont nous allons maintenant parler.
Dès le lendemain de la première crise de paralysie sont en effet survenus
des accès de somnolence, répétés plusieurs fois par jour — et qui n'ont jamais
cessé jusqu'au jour où nous l'examinons — en octobre 1923. Ils surviennent
en général vers 10 heures du matin, puis pendant le repas de midi; ils cessent
après ce repas jusqu'à 4 ou 5 heures de l'après-midi, pour reparaître jusqu'au
dîner. Ces accès de sommeil, d'une durée de 10 à 20 minutes, sont presque
invincibles chez ce malade; il dort en marchant, en travaillant, en mangeant;
s'il pousse sa charrue, il est obligé d'arrêter l'attelage et de se coucher par
terre pour dormir quelques minutes; la lutte contre le sommeil détermine
en effet une crise de paralysie complète.
Enfin un dernier symptôme est apparu depuis quelques mois, à la suite
d'une ponction lombaire, déclare lê malade : toute surprise, toute émotion
inattendue — mais uniquement des émotions indifférentes et surtout agréables,
jamais au contraire la peur ou les émotions pénibles — provoque immédiate-
ment des secousses violentes des bras et des jambes, avec grimaces de la
face, secousses de la tête et impossibilité de parler pendant quelques secondes.
Voilà ce que nous raconte le malade, et notre diagnostic clinique est,
comme on peut le penser, très hésitant. 1.
C'est un sujet vigoureux, paraissant peu impressionnable,chez lequel nous
ne relevons à l'examen aucun signe pathologique.
Mais, lorsque après l'avoir fait entrer en observation, nous prenons avec
Santenoise, son réflexe oculo-cardiaque, nous sommes frappés de l'intensité
anormale de son réflexe oculo-cardiaque (19-7 au quart de minute), tout à fait
comparable par son exagération aux réflexes que nous trouvons chez des
catégories très spéciales de malades, grands déséquilibrés vago-sympathiques
dans le sens vagotonique, tels que les périodiques, certains anxieux, quelques
sujets en instance de migraine, et un grand nombre d'épileptiques.
La même réflexion nous échappe à tous les deux « Mais c'est là un
réflexe d'épileptique. » Et soumettant le malade à une observation minu-
tieuse, nous pouvons constater en effet que les crises de sommeil, sont quel-
quefois précédées chez lui de quelques petits mouvements rythmiques des
membres, au moment où il s'endort.
Il s'agit donc bien, nous semble-t-il, de crises anormales et larvées de mal
comitial ; nous mettons le malade au traitement du gardinal, et nous voyons,
sous l'influence de cet hypnotique, disparaître les accès de sommeil, comme
les autres manifestations pathologiques.
C'est évidemment dans ce cas l'étude du tonus végétatif qui nous a
orientés vers le diagnostic, et permis de reconnaître comme des équivalents
comitiaux ou des crises larvées, ces accès curieux de sommeil ou de paralysie.
Il s'agit ainsi d'une épilepsie larvée à forme somnolente, forme assez rare,
bien qu'on ait déjà rapporté déjà un certain nombre d'observations, et que
nous en ayons pu observer nous-mêmes deux autres cas.

Voici maintenant un autre cas où l'exploration biologique du tonus vago-


sympathique,nous a encore permis de dépister un mal comitial. Observation II.

Un jeune homme de vingt et un ans est réformé et renvoyé dans ses foyers
avec la mention : « Déséquilibre mental, hallucinations hypnagogiques,
délire épisodique des dégénérés. »
En réalité ce jeune homme a présenté au régiment trois crises nocturnes
délirantes. Chaque fois, à quelques semaines d'intervalle, il a été pris brusque-
ment, au milieu de la nuit, d'une agitation furieuse, avec cris et gesticu-
lations ; il se roule à terre, déchire ce qu'il attrape, lance des coups à des
personnages imaginaires qu'il interpelle violemment, il ne reconnaît per-
sonne... Cela dure une heure ou une heure et demie, puis il se calme et
s'endort; l'amnésie de ces scènes paraît complète.
Rentré dans sa famille, il a au bout de quelques jours une crise semblable
et l'on nous amène le malade deux jours après.
Frappés du début brusque des crises, du caractère onirique des idées
délirantes, de l'amnésie complète, nous soupçonnons bien leur caractère épi-
leptique, mais sans oser l'affirmer. Le réflexe oculo-cardiaque est, ce jour là,
assez modéré (20-14) ; mais sachant qu'après les crises, il diminue très souvent
d'intensité ou peut même disparaître presque complètement, nous demandons
à revoir le malade quelques jours après.
En effet six jours plus tard, nous constatons un réflexe oculo-cardiaque
extrêmement fort, (20-9 environ), un véritable réflexe d'épileptique.
Quelques jours après éclate en effet une nouvelle crise; le père accourt
immédiatement au bruit; il trouve le malade, qui, roulé dans ses draps, com-
mence son agitation et ses vociférations. Mais,prévenu par nous, il remarque
que l'oreiller est déjà « plein de bave »
!

Il semble bien encore dans ce cas qu'il s'agisse de crises comitiales pas-
sant inaperçues, suivies d'agitation onirique, et dont la nature comitiale
paraît nettement confirmée par les caractères du réflexe oculo-cardiaque.

La prochaine réunion biologique neuro-psychiatrique aura lieu le


27 mars 1924, à l'asile Sainte-Anne, a neuf heures et demie du matin.
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)

I. SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE. — II. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.


III. SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE.— IV. SOCIÉTÉ DE
PSYCHIATRIE.
I. — Société de neurologie
SÉANCE DU JEUDI Io JANVIER 1924

Présidence de M. O. Crouzon
Atrophie musculaire du type myopathique avec troubles psychiques et crises
convulsives. (Discussion sur l'étiologie traumatique et sur la nature :de cette
atrophie.) — MM. Crouzon, Chavany et René Martin présentent un homme âgé
de vingt-cinq ans qui, à la suite d'une blessure de l'avant-bras, vit se déve-
lopper une atrophie musculaire du type myopathique et des troubles psy-
chiques. Blessé et commotionné légèrement en juillet 1918 par un éclat
d'obus, le syndrome myopsychique apparut deux mois après. L'atrophie
musculaire très marquée à la racine des membres et à droite frappe surtout
la ceinture scapulaire droite, le bras droit, les deux psoas, la cuisse droite,
la loge antéro-externe de la jambe gauche. Les réflexes rotuliens sont abolis,
les achilléens faibles ou nuls, les olécraniens ainsi que les radiaux sont
abolis, mais les deux cubito-pronateurs persistent. Des contractures fibril-
laires sont nettement visibles au niveau du deltoïde droit. A signaler un
phénomène crampoïde à allure myotonique au niveau du triceps sural
gauche. L'examen électrique a montré dans certains groupes musculaires de
la lenteur et une augmentation des chronaxies. Wassermann négatif dans le
sang et liquide céphalo-rachidien. Ponction lombaire négative. Benjoin
négatif.
Les troubles psychiques sont caractérisés par des phases d'excitation et
de dépression. Le malade est atteint en outre de troubles de nature comi-
tiale (impulsions, fugues, crises épileptiques).
Bien que, morphologiquement, ce malade se présente comme un myopa-
thique, les auteurs croient qu'étant donné l'abolition des réflexes, les contrac-
tures fibrillaires et surtout l'examen électrique, l'on doive rapporter cette
dystrophie musculaire à une lésion médullaire.
Le rôle du traumatisme dans la genèse de cette affection semble difficile'
à préciser. Il semble peu probable que le traumatisme léger ait pu déterminer
cette grosse atrophie. L'on peut, par contre, fort bien admettre que la com-
motion ait réveillé, imprimé une allure aiguë à un processus qui avait ten-
dance à évoluer d'une façon chronique.
Un cas d'athétose bilatérale acquise avec crises jacksoniennes à aura visuelle,
par M. G. Roussy et Mlle G. Lévy. — La malade présentée, âgée de vingt ans,
frappe par des mouvements athétosiques bilatéraux, prédominant au membre
supérieur droit et très peu marqués à la face.
La marche est rendue impossible par une incoordination considérable,
s'accompagnant d'une forte rétropulsion.
L'intelligence est très bien conservée. La malade présente en outre des
crises jacksoniennes gauches, avec aura visuelle (vision de rouge et de vert
dans le champ externe du regard à gauche),
Ces troubles ont débuté à l'âge de onze ans, par des*céphalées, avec crises
jacksoniennes droites, suivies d'un épisode méningé fébrile de plusieurs
mois, accompagné de quadriplégie.
Il n'existe aucun antécédent familial. Les auteurs insistent sur la nécessité
de distinguer des cas d'athétose double congénitale classique de certains cas
d'athétose double tardivement acquise, qui en diffèrent cliniquement par
bien des points. Ils suggèrent aussi que les lésions du corps strié décrits
par M. et Mme Vogt comme le substratum anatomique de l'athétose double,
n'excluent pas la possibilité de lésions diffuses, ainsi qu'en témoignent les
crises jacksoniennes à aura visuelle de la malade en question.
Même si l'on admet que des lésions du corps strié puissent provoquer de
l'épilepsie, l'aura visuelle semble bien indiquer une participation corticale
de la zone visuelle.
Cette diffusion des lésions doit engager à la prudence dans l'interpréta-
tion pathogénique des phénomènes observés.
Discussion :

M. Lhermitteinsiste sur la nécessité de faire deux divisions 1° l'athétose


:

double pure, congénitale, classique, et 2° des athétoses diffuses inflamma-


toires. Il estime que la malade présentée ici entre dans la deuxième caté-
gorie à cause de ses crises jacksoniennes avec aura visuelle.
M. Foix se demande si ces troubles sont très éloignés de ceux qu'on
observe dans la sclérose cérébrale infantile.
M. Meige souhaiterait qu'on puisse donner une définition exacte des
mouvements choréiques d'une part, des mouvements athétosiques d'autre
part.
Section de la racine du nerf trijumeau. Troubles du vertige voltaïque consé-
cutifs, par M. Clovis Vincent. — Femme de cinquante-neuf ans, opérée par
M. de Martel le 21 décembre 1923 pour une névralgie faciale datant de treize
ans. Disparition complète des douleurs. L'examen des fonctions vestibulaires
montre qu'elles sont troublées. Le vertige voltaïque est anormal. Avec
2 milliampères, quel que soit le sens du courant, la tête incline et tourne
exclusivement du côtê droit. L'épreuve de Barany, à l'eau froide, 140, faite à
droite, détermine le nystagmus seulement au bout de deux minutes. Elle ne
modifie pas l'état du vertige voltaïque. L'irrigation gauche détermine au bout
de quarante secondes l'inclinaison de la tête et du tronc à gauche et le nys-
tagmus ; elle modifie le vertfge voltaïque. Avec le pôle + à gauche et un cou-
rant de 2 milliampères, la tête incline à gauche ; avec le pôle positif à droite
elle incline à droite. Bref l'irrigation gauche a été suivie du retour à l'état
normal du vertige voltaïque. A ces phénomènes s'ajoutent les petits troubles
suivants inclinaison de la tête à droite, les yeux bandés, tout le corps tend
:
à droite, et dans la marche est entraîné à droite. Il n'existe pas de trouble
de l'audition. Pas de paralysie faciale.
La perturbation labyrinthique dont les troubles précédents sont la 'mani-
festation a été observée chez deux autres malades ayant subi la même opéra-
tion. Quel est le mécanisme de cette perturbation ? Quand la racine de la
va paire a été arrachée, peut-être la traction exercée sur le nerf se trans-
met-elle au noyau de Deiters qui est contigu? Ainsi s'expliqueraient les
troubles observés. Mais, quand la racine est seulement sectionnée, qu'il n'y
a pas eu traction, le mécanisme doit être différent. Peut-être un trouble
vaso-moteur résultant de la section du trijumeau est-il en cause.
Ajoutons que, depuis l'opération, la malade présente une déviation de la
langue à gauche qui ne s'explique pas, suivant toute vraisemblance, par une
action traumatique sur le nerf hypoglosse.
Constante de réplétion vésicale et automatisme spontané de la vessie dans
les fortes compressions de la moelle. — MM. Souques et Blamoutier ont observé
une malade qui présentait un syndrome d'interruption spinale paraplégie
:
totale et complète, anesthésie absolue remontant jusqu'à la onzième dorsale,
exagération des réflexes tendineux et de défense, clonus du pied et signe de
Babinski des deux côtés. Elle ne sentait ni le besoin d'uriner, ni le passage
de l'urine. L'examen méthodique, pendant quinze jours, heure par heure, a
montré que la malade avait, par jour, quatre ou cinq mictions d'apparence
normale. A quatre jours différents, on mesura la quantité d'urine émise au
cours d'une miction, et la quantité d'urine recueillie par la sonde immédiate-
ment après cette miction. Ces deux quantités étaient variables, mais inverse-
ment proportionnelles. Le total de l'urine émise spontanément et de l'urine
recueillie par le cathéter était à peu près identique dans les quatre opéra-
tions.
Il y avait là une constante de réplétion vésicale qui était nécessaire pour
provoquerl'automatismevésical. Dans le cas présent, cette constante oscillait
entre 720 et 740 centimètres cubes. Il est probable que dans les cas analogues,
il doit exister une constante, non pas générale, mais individuelle. Celle-ci est
facile à déterminer pour un individu donné, en mesurant deux ou trois mic-
tions spontanées, en évaluant le liquide recueilli après chaque cathété-
risme, et en faisant le total On saura ainsi la quantité d'urine qui reste après
chaque miction spontanée et approximativementle temps au bout duquel le
malade aura besoin du bassin. On pourra éviter de la sorte que le sujet
souille son lit et sa personne et empêcher les escarres et leurs terribles con-
séquences.
Discussion
M. Clovis Vincent rappelle que, pendant la guerre, chez des soldas com-
motionnés ayant présenté une paraplégie passagère, on observait parfois de
l'incontinence des urines, au point qu'on se demandait s'il ne s'agissait pas
de phénomènes psychiques. Mais dans les incontinences d'urine véritables,
la contraction vésicale commençait toujours chez un même individu avec la
même quantité de liquide.
Un équivalent épileptique sous la forme d'accès d'amaurose monoculaire.

M. Souques et Mlle Dreyfus-Sée ont observé une malade qui, depuis deux
ans, présentait des accès d'amaurose monoculaire. L'accès survenait sans
cause connue, sans aucun phénomène précurseur ou consécutif brusque- :

ment la malade cessait de voir de l'œil droit, tandis qu'elle continuait à voir
normalement de l'œil gauche; la cécité était totale et complète. Au bout de
quelques secondes, tout au plus d'une minute, la vision revenait rapidement
dans l'œil droit. Ces accès se répétaient dix à quinze fois par mois, à inter-
valles irréguliers, toujours dans les mêmes conditions et avec les mêmes
caractères, jusqu'au jour où cette femme a été mise au traitement.
Les auteurs pensent que ces accès ressortissent à l'épilepsie, dont ils con-
stituent un équivalent véritablement singulier. Ils le pensent parce que cette
femme a depuis quatre ans des crises comitiales convulsives fréquentes et
parce que les accès d'amaurose monoculaire, comme les crises comitiales
convulsives, ont disparu depuis onze mois sous l'influence d'un traitement
par le gardénal.
Étant donné la brusquerie et la rapidité de la cécité monoculaire
paroxystique, ils attribuent les accès d'amaurose à un spasme de l'artère
centrale de la rétine. Un angiospasme à l'origine d'un accident épileptique
n'a rien de contraire à nos connaissances sur la physiologie pathologique
des crises épileptiques.
Quand une amaurose transitoire, attribuable à un angiospasme, ne relève
pas d'une hypertension artérielle ou d'une autre cause connue, on peut
penser à la possibilité d'un équivalent épileptique et essayer le gardénal.
Syndrome inférieur du noyau rouge avec troubles psychosensoriels d'origine
mésencéphalique. — M. L. Van Bogaert rapporte l'observationclinique d'une
malade ayant présenté au cours d'un syndrome inférieur du noyau rouge des
troubles psychiques particuliers. Il s'agit d'une femme âgée de cinquante-
neuf ans, indemne de syphilis, mais atteinte d'une endomyocardite rhuma-
tismale. Elle fait en juin 1922 un incident vertigineux avec chute, mais sans
perte de conscience et parvient à rentrer chez elle en titubant. Les patrons
remarquent une ptose bilatérale des paupières, un strabisme divergent et sa
démarche ébrieuse. Elle est amenée à la clinique le lendemain. Toute la
nuit qui a suivi l'accident, elle est agitée et signale des hallucinations chro-
matiques et zoopsiques.
L'examen neurologique montre un hémisyndrom« cérébelleux (troubles
caractéristiques de la marche, dysmétrie, hypotonie, adiadococinésie) nuancé
d'une discrète teinte pyramidale (cutané plantaire en extension, rotulien vif
et brusque, clonus du pied). Légère parésie de l'hémiface opposée. Dysar-
thrie. Paralysie nucléaire complète de la IIIE paire du côté opposé avec ptose
palpébrale. Pas de mouvements choréoathétosiques, ni de troubles sensitifs.
Ces symptômes sont typiques du syndrome de Claude, et l'observation se
range dans la classe des syndromes inférieurs du noyau rouge.
La malade n'est pas une éthylique, ni une toxicomane, elle n'a pas d'anté-
cédents psychiatriques. Dès le jour de son entrée, elle a insisté sur ses hal-
lucinations. Celles-ci sont isolées, ne sont pas connexes d'un thème délirant
ou interprétatif. Elles constituent le seul trouble mental, et l'orientation
est complète, quoique non accompagnée de troubles du sommeil comme
dans une très intéressante observation de Lhermitte. L'auteur pense cepen-
dant que le caractère isolé de ces hallucinations le rapproche des phénomènes
décrits par Séglas, Cotard, Juquelier, Dupré, et Gelma comme « syndrome
d'hallucinose ».
D'autre part, cette malade a présenté des « crises d'agitation vespérale »
tout à fait analogues à celles décrites par Mlle G. Lévy dans ses observations
de formes hypomaniaques de l'encéphalite. Ces poussées d'agitation à
horaire fixe, terminées le plus souvent au début de la nuit, brusquement
accompagnées d'excitation psychomotrice ont été observées par Camus,
Urechia, Sicard, Laignel-Lavastine,Briand, Claude et Quercydans une série
de lésions mésocéphaliques.
L'observation rapportée est à joindre aux études sur le problème des
centres psychorégulateurs extra-corticaux a insisté à plusieurs reprises
M. Camus et dont des faits cliniques récents confirment l'intérêt.
L'association d'un syndrome de Claude typique et de troubles psychosen-
soriels (hallucinations pures et poussée d'excitation vespérale périodique) la
rapproche d'une très intéressante observation déjà rapportée à la société par
Lhermitte de syndrome pédonculaire avec hallucinations et troubles du
sommeil.
Une nouvelle épreuve de l'index. — M. Barany fait une conférence sur une
nouvelle épreuve de l'index, sur le rôle du noyau rouge, du faisceau de von
Monakow et l'influence du cervelet dans l'épreuve de l'index.
Les fibres de la sensibilité profonde de la face passent-elles par le nerf facial ?
— MM. Souques et Hartmann montrent une malade, chez laquelle on a fait,
en deux opérations successives, une section du nerf facial dans la parotide,
et de la racine postérieure du trijumeau du même côté. Cette malade a une
abolition de la sensibilité superficielle et profonde dans la moitié correspon-
dante de la face, contrairement aux malades qui n'ont subi que la neurotomie
rétro-gassérienne et chez lesquels la sensibilité profonde est conservée.
Par conséquent l'abolition de la sensibilité profonde, n'étant pasdue à la
section de la racine postérieure du trijumeau,doit relever de l'interruption
du nerf facial. Les fibres de la sensibilité profonde de la face ne passeraient
donc pas par la racine postérieure du trijumeau mais bien par le nerf facial.
L. GIROT.
II. — Société médico-psychologique
SÉANCE DU 27 JANVIER 1924

Présidence de M. Truelle
Sur les variétés du langage automatique à propos d'un cas de psychose d'in-
fluence (hallucinations psychomotricesverbales, automatisme verbal auditivo-
moteur, langage mécanique), par M. André Ceillier. — L'auteur rapporte une
observation caractérisée par des hallucinations psychomotrices,un bavardage
marqué, et surtout des hallucinations mixtes auditivo-motrices, dont l'auteur
souligne l'intérêt. Il existe dans l'ensemble un véritable langage mécanique.
On constate en outre des troubles cénesthésiques, des visions imaginaires,
et des représentations olfactives. Tous ces troubles psycho-sensoriels ont
abouti à la constitution d'une psychose d'influence. Il existe enfin une cer-
taine dissociation entre l'état affectif global qui est pénible, et chacun des
phénomènes hallucinatoires qui sont d'essence agréable.
M. de Clérambault insiste à propos de cette observation sur le caractère
fragmentaire des représentations.
M. Laignel-Lavastineestime qu'il existe un certain rapport entre cet auto-
matisme auditivo-moteur et le faible degré de culture intellectuelle.
M. A. Marie précise l'idée de possession qui est à la base de cette psy-
chose d'influence.
Syndrome non démentiel de catatonie, par MM. Paul Courbon et Bauer.
— Il s'agit d'une malade présentant des
phénomènes de catatonie, de la
stéréotypie, du gâtisme. Après une amélioration progressive, promettant sa
sortie de l'asile, elle a été reprise des mêmes symptômes, et se trouve actuel
lement dans un état d'agitation à type maniaque. Cependant, il n'existe pas
chez cette malade d'état démentiel. Les auteurs précisent, à l'occasion de
cette observation, le sens du terme catatonie. Ce terme désigne à la fois un
syndrome moteur (caractère spastique de la moticité) et mental (négativisme,
indifférence, uniformité.) La catatonie désigne donc un syndrome complexe,
et est considérée à tort par certains auteurs uniquement du point de vue psy-
chique, par d'autres du point de vue neurologique.
H. BARUK.

III. —
Société clinique de médecine mentale
SÉANCE DU 21 JANVIER 1924

Présidence de M. Toulouse
Un cas d'apraxie. — M. Henri Colin présente un malade mutilé de guerre
(résection de la jambe droite), employé des postes, qui dut se faire mettre
en congé pour des troubles nerveux d'apparence purement fonctionnelle,
(lassitude générale, maux de tête, vertiges, tristesse, faiblesse musculaire).
Réflectivité normale, pas de signes de paralysie, pas d'adiadococinésie, bien
que le malade accuse des douleurs et une faiblesse de la main droite. En
l'examinant, on découvre une très légère inégalité pupillaire mais les pupilles
réagissent normalement. De plus on voit une apraxie limitée à la main droite.
Maladresse de la main, impossibilité d'exécuter des mouvements délicats
et même de boutonner le col ou d'ajuster une cravate. Troubles très marqués
de l'écriture. Astéréognosie.
Tous ces troubles ont échappé à l'attention des médecins qui ont examiné
le malade, et l'auteur insiste sur la nécessité d'étudier avec soin les malades
qui, au premier abord, paraissent être de simples neurasthéniques ou des
déprimés à la suite de fatigue ou d'accidents du travail (sinistrose de Bris-
saud, etc.)
De quelques idées de défense chez les persécutés. — MM. Leroy et Schut-
zenberger présentent trois malades réagissant de différentes manières aux
attaques dont elles se croient victimes. La première porte depuis des années
des lunettes d'auto et se protège la tête avec des mouchoirs pour lutter contre
les gaz s asphyxiants qu'elle reçoit. La seconde, dont les persécutions ont
pour centre la région génitale, a imaginé d'uriner au lit pour se défendre et
persiste depuis deux ans dans son gâtisme volontaire. La troisième, qui
présente une symptomatologie très riche et très pittoresque, est depuis quatre
ans la victime d'une bande ; successivement, elle a mis en jeu une série de
moyens de complication croissante; la parole, la lecture, la prière ont donné
des résultats éphémères ; actuellement, elle a recours à une mimique et à des
attitudes particulièrement curieuses. Cette réaction procure à la malade de
la fatigue, mais un répit d'une demi-heure environ et jette le désordre dans
le clan des ennemis qui interrompent, en maugréant, leurs attaques ; aussi
emploie-t-elle de préférence ce moyen avant de sortir pour ses courses ou ses
achats et se félicite-t-elle de pouvoir ainsi s'assurer depuis deux ans une pro-
tection momentanée.
Les psychoses hallucinatoires chroniques. Analyse et psychogénie, par le
docteur de Clérambault. — Présentation de trois malades, quarante-huit,
trente-deux et vingt-sept ans, dont les psychoses seraient appelées par tout
psychiatre, à l'heure actuelle, des délires de persécution. L'auteur fait valoir
trois traits communs de ces psychoses.
t° Les malades ne présentent nullement d'hostilité. Elles sont amènes,
affables, expansives et confiantes. Elles-mêmes ne croient que faiblement à
une provenance exogène et hostile des phénomènes dont elles sont le siège,
ou du moins, elles n'y croient que par intermittences. On peut sans insister
leur faire admettre alternativement l'origine objective ou subjective des
troubles ; leur conscience de la maladie se combine d'une façon variable à
l'idée d'une persécution. Leur résistance à l'explication malveillante provient
de ce qu'elles ne sont elles-mêmes pas Paranoïaques ; lors même qu'elles
croient à des manœuvres extérieures, elles les réduisent à la proportion
d'expériences et espèrent les voir cesser. Toutes trois demandent leur
guérison. Elles s'acheminent ou se sont acheminées vers l'idée de persécu-
tion, mais par force, dominées qu'elles sont par la précision des phénomènes,
leur prolongation, leur caractère vexatoire et les propos mêmes qu'elles
entendent ; elles ont retardé à l'extrême le stade de personnification ; elles ne
savent qui incriminer. Elles restent de fausses persécutées parce qu'avant
l'apparition de l'automatisme mental, elles n'étaient ni paranoïaques ni en
cours de délire interprétatif. De tels cas sont extrêmement fréquents, bien
que les traités classiques soient muets à leur sujet. Ils justifient les asser-
tions émises par l'auteur en 1920 (S. C. M. M.) les psychoses à base d'auto-
matisme mental ne comportent par elles-mêmes aucune hostilité, les psy-
choses hallucinatoires avec persécution vraie sont des psychoses mixtes.
Autre remarque. Ces malades sont suffisamment intelligentes pour
agencer une systématisation idéique; si elles ne le font pas, c'est en raison
du manque d'ardeur et du manque de continuité de leurs convictions. La
systématisation idéique est fonction du caractère peut-être plus que de l'in-
telligence, car la ténacité ressort du caractère.
20 La malade de trente-deux ans présente un triple automatisme (mental,
sensitif et moteur). Son automatisme présente, en outre de sa constance et
du sentiment de l'irréel, deux caractères intéressants. L'un est le développe-
ment des données totalement anidéiques, comme jeux de syllabes, mots explo-
sifs, kyrielles de mots et non-sens. L'autre est la prédominance des idées sans
images verbales, des tendances psychiques muettes comme velléités, irrita-
tion et impulsions. L'automatisme mental a commencé par l'émanciPation
des abstraits; aussi la malade parle-t-elle surtout d'influences; le délire
d'influence est ainsi le plus souvent une forme de petit automatisme mental,
il en est la forme initiale. Cet automatisme est lui-même la forme prépara-
toire de l'hallucination proprement dite; la période sensorielle ou pseudo-
sensorielle des psychoses n'est que tardive, dans le cas du moins de psy-
choses lentes et progressives. Le caractère thématique de ces psychoses est
secondaire. Le fait essentiel et primitif est un trouble de la pensée élémen-
taire, ou mieux encore la pensée à l'état naissant ; celle-ci est atteinte à la fois
dans son élaboration et dans son annexion à la conscience.
3° Les trois malades présentent des troubles endocriniens. La malade de
trente-deux ans est en hyperthyroïdie ligne surrénale, dermographisme
:

marqué surtout dans la région thyroïdienne, hypertrichose, tachycardie (P. 80)


R. O. C. ascendant.
Les malades de quarante-huit et de vingt-sept ans ont subi l'ovariotomie
respectivement à vingt-deux et à dix-neuf ans. Les troubles psychiques sont
apparus au plus tard chez l'une dix-huit ans, chez l'autre trois ans après
l'opération.
Chez la plus jeune une évolution vers la démence précoce est possible;
jusqu'ici, elle n'en présente aucun indice. Les facultés affectives sont con-
servées, comme aussi le goût du travail et toutes les aptitudes voulues pour
le travail. Dans quelque sens qu'elle évolue, démence précoce ou psychose
dite systématique, de toutes façons elle semble ne devoir jamais être une
persécutée véritable. Si elle évolue dans le sens d'une psychose genre systé-
matique, elle réagit comme une femme après ménopause elle aura fait la
même systématisation, au sens neurologique du mot, c'est-à-dire même répar-
tition et même caractère des lésions histologiques, cause du trouble hallu-
cinatoire et subsidiairement du délire.
L'auteur a précédemment insisté sur la fréquence des troubles toxiques
ou infectieux dans l'anamnèse des psychoses chroniques dites systématiques ;
il les considère comme ayant un rôle causal. Ces psychoses ne seraient que
l'expression d'une atteinte neurologique élective sytématisée, cette atteinte
serait elle-même une séquelle retardée à marche lente. L'atteinte neurologique
se traduirait en premier lieu par des phénomènes très ténus, ceux du petit
automatisme. L'atteinte neurologique serait systématique, parce que la rési-
stance globale de l'axe nerveux aux causes toxiques et infectieuses va aug-
mentant avec l'âge, ne laissant plus que des points de moindre résistance
disséminés, mais solidaires. La proportion variable entre atteinte diffuse et
atteinte systématique crée une série de cas ininterrompus entre le type
démence précoce et le type psychose hallucinatoire tardive; des malades
intermédiaires par l'âge sont ordinairement intermédiaires par la forme de
leur psychose ; le temps écoulé entre la maladie initiale et ses séquelles tend
également à rendre ces séquelles moins massives, plus systématiques, plus
subtiles.
Les psychoses hallucinatoires de persécution et autres psychoses hallu-
cinatoires chroniques ont ainsi une pathogénie non pas psychologique, mais
strictement histologique. Le trouble histologique se traduit en premier lieu
par de l'automatisme mental. L'extension du processus histologique produit
la période sensorielle ou pseudo-sensorielle de la psychose; les éléments
affectifs ou idéatifs sont ou des produits de réaction normaux, naturels,
légitimes (ce qui est le cas le plus général) ou des produits de lésions con-
nexes, ou simples associations (psychoses mixtes).
Épilepsie psychomotrice et neuro-syphilis, par MM. Marie et Bernadou.
(Service du docteur Marie.) — Un syphilitique a présenté des troubles psycho-
moteurs revêtant les caractères de l'épilepsie mentale agitation motrice,
:

monotone et brutale, pauvreté des idées, état confusionnel, bredouillements


stéréotypés. Cet état est amélioré par le traitement spécifique. Il persiste un
certain degré d'aphasie qui explique les bredouillements et les stéréotypies
verbales du début. Ce cas indique la possibilité d'une parenté pathogénique
et localisatrice entre les stéréotypies de l'épilepsie mentale et « l'intoxication
par le mot » des états aphasiques.
Seules les réactions biologiques révèlent ici nettement la syphilis du
névraxe. On peut se demander s'il ne s'agit pas d'un début de méningo-encé-
phalite avec lésion en foyer de l'écorce, comme M. Sérieux en a montré
jadis des cas dans la paralysie générale confirmée.
H. COLIN.

IV. — Société de psychiatrie


SÉANCE DU 17 JANVIER 1924

Présidence de M. René Semelaigne


L'ivresse hypomaniaque et ses conséquences médico-légales. — M. Maurice
de Fleury expose comment chez le cyclothymique, à côté des phases clas-
siques de dépression, les phases d'excitation peuvent revêtir la forme d'une
ivresse hypomaniaque, analogue à l'ivresse alcoolique, et qui prend, au point
de vue médico-légal une importance considérable. Car si pour l'état mélan-
colique, le diagnostic s'impose d'ordinaire et est accepté par tous les experts,
il n'en est pas de même pour la griserie hypomaniaque qui peut être méconnue
pour certains, qui tiennent alors le malade pour responsable, donnant lieu
ainsi à de fâcheux désaccords. C'est ce que démontrent deux observations
apportées à titre d'exemples par M. Maurice de Fleury.
Dans ces deux cas, on voit l'hypomanie diminuer les sentiments éthiques,
à l'inverse de la dépression qui tend à les exagérer. Sur ce point, comme sur
presque tous, les deux états s'opposent, quel que soit l'angle sous lequel on
les envisage. Par contre, les sentimentséthiques sont conservés chez d'autres
périodiques, comme dans un troisième cas rapporté par l'auteur. L'apprécia-
tion de la perte ou de la conservation des sentiments éthiques pourrait servir
de critérium médico-légal.
M. Pierre Kahn estime qu'il y a toute une série de degrés intermédiaires
entre le cyclothymique et le sujet normal. Il est incontestable que l'on doive
expliquer par des phases morbides de l'humeur certains écarts de conduite,
certains faits scandaleux qui contrastent avec l'existence habituelle des
individus.
M. Marcel Briand rapporte l'observation d'un cyclothymique qui partait
en voyage sous le coup de fouet de l'hypomanie et finissait ensuite par
échouer dans les maisons de santé. L'humeur circulaire explique évidemment
beaucoup de bizarreries de conduite qui paraissent étranges au premier
abord. L'accès de dépression est souvent responsable de désastres brusques
dans les milieux d'affaires. Dans le monde on voit des femmes ouvrir ou
fermer tour à tour leur salon, selon la disposition de leur humeur.
M. Georges Dumas demande si l'exaltation de l'intelligence est réelle ou.
seulement apparente dans l'hypomanie?
M. Delmas répond qu'il faut distinguer ici la qualité et la quantité. Chez
les déprimés, par exemple, dont il est plus facile d'explorer le jugement, la
qualité de l'intelligence peut ne pas être modifiée, c'est la quantité seule-
ment qui est diminuée. En réalité, il s'agit d'une question de plus ou de
moins dans l'activité intellectuelle, plutôt que de la valeur de l'intelligence
proprement dite.
M. Dumas rappelle que la définition classique de l'intelligence est la sui-
vante une fonction qui consiste à établir des rapports. Dans ces conditions,
:

les notions de qualité et de quantité semblent artificielles.


à
M. Meige, propos d'un des cas de M. de Fleury, dans lequel cet auteur
semble admettre que l'excitation a favorisé la guérison d'une blessure,
demande si réellement les plaies se cicatrisent plus vite chez les excités que
chez les déprimés ?
M. Arnaudn'a pas constaté de différence évidente. Certains mélancoliques
auto-mutilateurs guérissent très vite alors que chez d'autres mélancoliques,
la guérison traîne en longueur.
M. Vinchon a observé également que les auto-mutilations des mélanco-
liques guérissent rapidement.
Psychose hallucinatoire aiguë avec réaction méningée. — MM. Laignel-
Lavastine et Pierre Kahn présentent une femme qui fut prise il y a six mois
de délire hallucinatoire. Elle se plaignait d'être « rayonnée », électrisée, de
sentir de mauvaises odeurs, d'entendre des bruits, de voir sa mère comme
en projection, etc. En même temps existe une réaction méningée caractéris-
tique 25 lymphocytes par millimètre cube, o,85 de sucre, séro-réaction de
Guillain douteuse. Le sérodiagnostic de la syphilis est faiblement positif
dans le sang. Ces psychoses hallucinatoires avec réaction méningée, qui ne
sont pas liées à la syphilis secondaire, méritent d'être placées dans un groupe
d'attente. Peut-être ont-elles des liens avec l'encéphalite épidémique?
M. Delmas considère ces faits comme tout à fait exceptionnels en dehors
de la période secondaire la littérature psychiatrique est muette à leur sujet.
Auto-observation de confusion mentale onirique. — M. Georges Dumas rap-
porte les impressions subjectives qt'il a éprouvées au cours d'une récente
maladie. Opéré à la joue d'une tumeur qui avait été diagnostiquée ostéo-
sarcome, mais qui n'était heureusement qu'une mycose contractée pendant
un voyage en Amérique, il fut pris deux jours après l'intervention d'un
érysipèle avec température de 40°,5 qui persista huit jours pour s'améliorer
lentement.
Dans la période précédant l'opération, sous l'imminence du danger,
M. Dumas repassa les diverses étapes de sa vie. Pendant la semaine d'érysi-
pèle, peu de souvenirs furent fixés la lacune amnésique se termina alors
que deux mains le soulevaient sur son lit et qu'une voix lui annonçait la
chute de la température et la disparition du danger. M. Dumas se souvient
que les mouvements d'un des médecins qui le soignaient lui parurent comme
ceux d'un automate pendant deux jours, sans doute, parce que la vision ne
suivait pas régulièrement les mouvements. Il se souvient aussi avoir rêvé
qu'un sculpteur venait le prendre en automobile pour lui montrer une falaise
des bords de la Seine sur laquelle il avait sculpté un bas-relief la « cocas-
serie » de ce rêve semble avoir été la cause de sa conservation. L'image d'un
cercueil fut également conservée, mais reconnue presque immédiatement
pour une hallucination. Voulant la contrôler le lendemain, l'observateur
aperçut un tapis et des tringles sur le sol, à la place du cercueil ; mais à un
troisième contrôle, il s'aperçut que c'était encore une hallucination.
Enfin, une idée fixe post-onirique a été conservée pendant un certain
temps. Convaincu qu'un ami lui avait annoncé que son fils était atteint d'un
cancer, M. Dumas, à son réveil, voulait lui répondre. Cet ami avait d'ail-
leurs réellement écrit que son fils était neurasthénique l'idée du cancer
venait évidemment du diagnostic initial et avait souvent traversé les rêves du
patient, s'associant à celle de maison de santé pour constituer l'idée d'un
« Hôtel du Cancer ». La simple affirmation de l'ami
suffit à détruire cette idée
fixe post-onirique.
Hallucinations de la vue et délire chronique de persécution à base d'interpré-
tations délirantes. — MM. Courbon et Bauer relatent un cas de délire de per-
sécution et de jalousie typique, basé en réalité sur des interprétations déli-
rantes, mais qui, à en juger par le récit de la malade, semblerait avoir son
origine dans l'existence primitive d'hallucinations visuelles. Or il s'agissait
en fait d'une délirante interprétante, qui, au cours d'intoxications épiso-
diques alcooliques et médicamenteuses légères, a présenté des auto-repré-
sentations qu'elle a objectivées visuellement.
H. HARTENBERG.

REVUE DES LIVRES

Professeur MINGAZZINI. Der Balken (le corps calleux). Monographie.


212 pages. Berlin, J. Springer, éditeur, 1922.
Cet ouvrage très original et d'une documentation très complète, comme
le prouvent les multiples indications bibliographiques, sera consulté avanta-
geusement par les neurologistes et les psychiatres. Il y a peu de questions
plus intéressantes et renfermant plus d'inconnues que celle de la physiopa-
thologie du corps calleux. L'oeuvre du professeur Mingazzini ne se prête pas
à une analyse, elle vaut par sa richesse documentaire,la mise au point, par des
vues nouvelles et personnelles d'une série de notions relatives à la structure,
à la physiologie et à la pathologie de la grande commissure inter-hémis-
phérique. Un tel livre ne peut être parcouru. Chaque chapitre doit être
étudié à propos de la question qui retient l'attention.
Les divers chapitres traitent de l'anatomie macro-et microscopique du
corps calleux, son développement onto-et phylogénétique, l'anatomie du
tapetum, du ventricule de Verga. Puis l'auteur expose les différentes affec-
tions dont le corps calleux peut être le siège hémorragies, ramollissement,
traumatismes, tumeurs, dégénérations, agénésie - enfin de ces diverses consi-
dérations anatomiques et pathologiques se déduisent la physiologie et la
physiopathologie du corps calleux. Parmi les résultats les plus nets de cette
étude, nous retiendrons que pour le professeur Mingazzini le tiers antérieur
du corps calleux (portion verbale et praxique) contient des fibres qui sont
en rapport plus spécialement avec la fonction de langage. Le tiers moyen
(portion praxique) est constitué par des fibres commissurales ayant pour
fonction de régler l'activité eupraxique des membres. Le tiers postérieur
(portion sensitive) renferme des fibres unissant les centres sensoriels optiques
et auditifs, et aussi des fibres émanées de la zone du langage réunissant le
cerveau droit au cerveau gauche.
Cet ouvrage est illustré de nombreuses figures, photographies de pièces
ou schémas qui en rendent la lecture particulièrement facile.
Henri CLAUDE.

PARHON et GOLDSTEIN. Traité d'endocrinologie. Tome I. i vol. de


467 pages. Jassy, Viata Romineasca, 1923.
Cet ouvrage, publié en français, est tout à fait remarquable par la richesse
de la documentation, comme par l'originalité de certaines conceptions endo-
crinologiques. C'est plus que la deuxième édition du livre, paru en 1909 et
qui fut rapidement épuisé. C'est une œuvre nouvelle dont le premier volume,
consacré uniquement au corps thyroïde, sera suivi, espérons-le, rapidement
des autres fascicules concernant les diverses glandes. Dans ce premier
volume, les auteurs passent en revue successivement la morphologie normale
et pathologique de la thyroïde, les variations anatomiques de la thyroïde
dans les différents états physiologiques, expérimentaux ou pathologiques, et
notamment dans les maladies mentales et nerveuses, les greffes thyroïdiennes,
enfin ils étudient spécialement les variations des follicules thyroïdiens.
Signalons surtout un chapitre tout à fait intéressant, et qu'on ne trouve pas
habituellement dans les traités d'endocrinologie, sur la chimie de la glande
thyroïde à l'état normal et dans les conditions pathologiques. Puis nous
trouvons une étude de la pathologie du corps thyroïde dans laquelle rentrent
tous les types de l'insuffisance thyroïdienne.
Dans ces divers états les auteurs étudient les symptômes et les lésions
des organes, leurs modifications chimiques, les troubles des échanges, des
fonctions des divers appareils, les conditions améliorant ou aggravant l'in-
suffisance thyroïdienne, etc. Enfin, le volume se termine par un chapitre sur
l'hyperthyroïdisation expérimentale et particulièrement les troubles psy-
chiques et nerveux dus à l'hyperthyroïdie.
Cet ouvrage est vraiment conçu sous une forme tout à fait nouvelle, ce
n'est plus l'histologie, la physiologie, la pathologie des glandes endocrines,-
c'est l'endocrinologie générale, c'est la biologie des systèmes endocriniens
qui est exposée dans son acception la plus large. Mettre au courant des der-
nières publications, un pareil ouvrage constitue un (c tour de force ». Il faut
en féliciter très haut MM. Parhon et Goldstein. Il convient aussi de regretter
qu'ils n'aient pu faire éditer dans de meilleures conditions ce très bel ouvrage.
Mais ce regret n'est pas un reproche, nous devons, au contraire, rendre un
hommage à l'activité scientifique des savants qui, défavorisés par le scandale
des changes, ne peuvent parer richement leur œuvre, comme les travailleurs
d'autres nations qui ont la bonne fortune de voir mettre à leur disposition
toutes les ressources financières qui sont refusées aux autres, à ceux qui ont
souffert de la guerre comme nos amis roumains.
Henri CLAUDE.

PAUL ABÉLY.
— Les terminaisons de la mélancolie. (Un volume. Paris,
1923, Ollier-Henry, édit., 127 pages.) 6

Dans cette thèse, dont les éléments ont été recueillis dans les services
de MM. Sérieux et Capgras, l'auteur laisse de côté l'étude des accès mélan-
coliques secondaires à des affections diverses : il étudie la valeur nosogra-
phique et pronostique de la mélancolie c franche D, affection où la douleur
morale est le symptôme prédominant et invariable.
Abély se défend de vouloir discuter à nouveau la conception de la mélan-
colie simple, « idiopathique ». Néanmoins il a effectué personnellement des
recherches dans les archives du service de l'Admission à l'asile clinique,
et il conclut de ces recherches que 5o p. 100 environ des malades internés
pour mélancolie ne font qu'un accès unique : « La mélancolie simple non
récidivante existe en fait. '» Abély en distingue deux sortes : une forme
juvénile, fréquente surtout chez l'homme, avec évolution lente et guérison
progressive, une forme présénile ou d'involution, cette dernière étant par
excellence la mélancolie à accès unique.
La mélancolie à récidive unique de l'accès est rare (10 p. 100 des cas);
la mélancolie à récidives multiples est par contre fréquente, elle constitue
la forme habituelle de la psychose maniaque-dépressive. L'accès aigu peut se
présente sous des formes très diverses : anxieuse, délirante, stuporeuse, asthé-
nique simple.
Le pronostic de l'accès mélancolique périodique dépend, dit Abély, de
l'état mental dans les périodes intercalaires. L'auteur rappelle que, dans un
mémoire composé en collaboration avec son frère, le Docteur Xaxier Abély,
médecin chef à l'asile de Toulouse, il a été amené à restreindre l'importance
des facteurs héréditaires, des c symptômes constitutionnels » de l'affection,
et à donner plus de valeur par contre aux symptômes acquis, aux séquelles
psycho pathologiques des accès, séquelles qu'on peut grouper sous le
vocable de déséquilibre affectif. Les recherches statistiques de l'auteur
l'amènent à conclure que la mélancolie entraîne dans un grand nombre de
cas un affaiblissement intellectuel léger, que l'intégrité intellectuelle absolue
est peu fréquente et la terminaison démentielle plus rare encore, ne se ren-
contrant guère que dans la mélancolie d'involution.
L'auteur a essayé, pour établir de façon précoce le pronostic des accès
mélancoliques, de déterminer la « formule biologique » de ces accès : il
renvoie à ce sujet à une publication antérieure faite en collaboration avec
D. Saatenoise. Leurs recherches ont conduit les deux auteurs à distinguer :
1° Une mélancolie vagotonique, qui est proprement celle de la folie
périodique.
20 Une mélancolie sympathicotonique, laquelle n'est que l'exacerbation
d'un état habituel d'émotivité anxieuse, un paroxysme d'une névrose d'an-
goisse : cette forme spéciale de mélancolie récidivante n'est donc pas une
mélancolie périodique, elle n'appartient pas au groupe des cyclothymies.
3° Une mélancolie « indifférente au point de vue vago-sympathique D, qui
est une mélancolie cœnesthopathique,comprenant le délire de négation et les
mélancolies chroniques.
Le syndrome mélancolique peut passer en effet à la chronicité : mélan-
colie chronique simple ou mélancolie chronique délirante, cette dernière
forme étant de beaucoup la plus fréquente. Le syndrome de Cotard fait partie
de cette catégorie et serait dû à la combinaison de la mélancolie périodique
avec des troubles involutifs qui transforment la cyclothymie en démence
cœnesthopathique.

Dans une deuxième partie de son travail, l'auteur a essayé de rechercher


la valeur pronostique de quelques symptômes mélancoliques. Du côté de
l'idéation, la fixité et la monotonie du délire sont des signes alarmants. Du
côté de l'activité, les symptômes d'allure hébéphrénique d'une part, l'état
mixte permanent d'autre part paraissent assombrir le pronostic. Du côté
affectif, l'auteur a remarqué l'évolution fâcheuse des grands anxieux gémis-
seurs et déclamateurs. La confusion mentale secondaire est sans gravité.
L'hérédité similaire assombrit le pronostic.
Le travail de M. Abély constitue une très bonne mise au point de nos
connaissances actuelles sur un chapitre touffu de la psychiatrie. Il se distingue
par une bonne documentation bibliographique et par la relation de multiples
observations originales. L'auteur conclut en espérant que la biologie, associée
heureusement à la psychologie pourra transformer bientôt les conclusions de
son travail et leur apporter la précision scientifique qui, dans l'état présent
de la psychiatrie, lui fait encore forcément défaut.
P SCHIFF.
P. NAYRAC. La démence paranoïde. (Vigot frères, édit., Paris, 1923.
1
volume in-8 raisin de 176 pages avec 3 figures hors texte.)
C'est une bonne fortune, non seulement pour les psychiatres, mais encore
pour les médecins non spécialisés et les psychologues, que l'apparition en
librairie de cet ouvrage de M. Nayrac.
Qui donc au cours de ses études, et depuis dans sa pratique, n'est resté
hésitant devant cette entité morbide que Kraepelin isola sous le nom de
?
démence paranoïde Il désignait ainsi un ensemble de tableaux morbides qui
participaient à la fois des délires systématisés chroniques et de la démence
précoce. Au gré des diverses écoles, la démence paranoïde flottait entre ces
deux pôles.
Si l'on s'en rapporte au texte même de Kraepelin, aucune idée claire ne
jaillit, aucune délimitation précise n'apparaît, même si l'on a soin de débar-
rasser sa pensée des descriptions incidentes qui l'alourdissent; on pourra
s'en convaincre facilement en lisant le premier chapitre de ce travail, où
M. Nayrac n'a pas craint de faire au texte kraepelinien les plus larges
emprunts, avec contextes allemands en regard, pour satisfaire au besoin de
contrôle du lecteur difficile.
Poursuivant son étude, Nayrac est conduit à présenter les idées de Bleuler
sur la schizophrénie et il montre combien cette notion neuve, mais expurgée
de l'exagération outrée où l'a portée l'école de Zurich, peut être féconde en
psychiatrie.
Dégageant les grandes lignes des systèmes étudiés, d'une part des travaux
des auteurs, et d'autre part de ses observations personnelles analysées avec
objectivité, M. Nayrac montre qu'il n'y a pas une démence paranoïde mais
des démences paranoïdes, toutes pouvant se ramener à une symptomato-
logie simple : idées délirantes hallucinatoires chroniques mal systématisées
avec schizophrénie. Ce qui faisait apparaître complexe le tableau clinique pré-
senté par de tels malades, ce qui rendait les descriptions de Kraepelin si con-
fuses et le cadre de la démence paranoïde si mal délimité, c'est l'importance
plus ou moins grande que la dégénérescence mentale du malade et son apti-
tude psychique donnent à la couleur de son délire et à l'aspect général de sa
maladie. Aussi, après une dissection soignée et claire comme celle que l'on
trouve dans ce volume, la démence paranoïde apparaît être une entité mor-
bide simple : M. Nayrac nous apporte beaucoup de clarté dans cette affection
sur laquelle tous ne s'entendaient pas.
Cette mise au point complète est un important instrument de travail que
tous les médecins devraient avoir lu : la lecture en est facile, agréable même,
et comme tous les termes employés sont au préalable définis, l'obstacle de la
terminologie psychiatrique si souvent critiquée disparaît ici.
P. COMBEMAI.E.

ANALYSES

K. GYOTOKU et M. MOMOSE. Recherches sur le métabolisme dans quatre


cas de maladie d'Addison. (Mitteilungen der Kaiserlichen medirillischen
Fakullât der Universitât Tokyo, vol XXX, n° l, p. 1.)
Les troubles du métabolisme dans la maladie d'Addison ne sont pas encore
connus avec certitude. Les résultats de l'expérimentation et de la clinique
sont contradictoires. Pourtant, la plupart des auteurs admettent que chez
l'homme la lésion des glandes surrénales amène une tolérance exagérée aux
hydrates de carbone et même (Porges) une hypoglycémie notable. En ce qui
concerne l'élimination de l'azote, de l'urée, du phosphore et des chlorures, les
conclusions des auteurs sont très variables.
Les recherches des deux médecins japonais ont porté sur quatre cas
d'Addison, où les recherches biologiques ont été effectuées en détail et de
façon à se rapprocher le plus possible de l'expérimentation. Les conclusions
des auteurs sont les suivantes :
La tolérance pour les hydrates de carbone n'a pas été augmentée dans
leurs cas et l'hypoglycémie n'est pas la règle (i cas sur 4). L'hyperglycémie
adrénalinique et les autres effets de l'adrénaline furent identiques chez ces
malades et chez des sujets normaux. La chlorurie expérimentale montra une
rétention 3 fois sur 4. Rétention azotée dans deux cas mortels. Rétention de
calcium dans tous les cas.
Au point de vue clinique ces quatre malades avaient présenté les symptômes
classiques : adynamie, hypotension, pigmentation, troubles intestinaux, mais
il faut noter qu'il s'est agi deux fois de formes au début et que, pour les
deux cas mortels, il manque une fois le résultat de l'autopsie. Chez le
malade qui a été autopsié, les auteurs se sont bornés à constater macrosco-
piquement la caséification des surrénales.
P. SCHIFF.
MUNZER. Existe-t-il des antigènes spécifiques dans le sang des catato-
niques? (Zeitschriftf. die ges. Neurol. u. Psych., vol LXXX, n° 3-4, 1923.)
Geissler, en 1910, avait prétendu qu'il existait dans le sang des déments
précoces catatoniques, des antigènes spécifiques qu'il mettait en évidence
parla réaction de déviation du complément. Münzer a repris ces recherches,
mais ne peut confirmer les résultats de Geissler.
En titrant rigoureusement, et par un contrôle réciproque, tous les élé-
ments de cette réaction, il n'arrive à mettre en évidence un tel antigène, ni
par la méthode de la déviation du complément, ni par celle de la précipitation.
P. SCHIFF.

FRAENKEL. Sur la diversité des types psycho-pathologiques des eunu-


choïdes. (Zeitschrift f. die ges. Neurol. und Psych., vol LXXX, n° 5, 1923.)
Quelques considérations générales, au début, sur l'importance du facteur
constitutionnel pour la vie psychique, sur lès relations entre l'habitus corporel
et le caractère. On a voulu trop prématurément édifier des syndromes
psycho-physiques. Il existe peut-être une constitution thyroïdienne, mais,
-selon l'auteur, on s'est livré, en ce qui concerne le psychisme des eunuchoïdes,
à des généralisations hâtives.
Sterling a distingué chez éux trois types :
A : Sociable, altruiste, travailleur et mélancolique ;
B : Imbécile léger avec atonie.
C : Parasite social, inadapté, cyclothymique.
Fischer estime que l'eunuque a les caractéristiques négatives (manque
d'initiative, instabilité, égocentrisme) de l'épilepsie, sans ses caractéristiques
positives (activité, amour du travail, etc...)
L'auteur rapporte l'histoire de quatre cas d'eunuchoïdisme et il conclut
qu'il ne saurait établir une unité dans l'âme des eunuques.
On trouve tantôt de l'intelligence inférieure à la moyenne et tantôt une
intelligence supérieure. L'un de ces cas a des tendances épileptiques, un seul
est à la fois imbécile et inverti sexuel.
Frânkel déclare que l'étude des eunuques n'apporte aucune confirmation
à la doctrine de Kretschmer pour qui il existe, entre la conformation morpho-
logique et le caractère, des relations déterminées.
Cette étude ne confirme pas non plus les idées d'Adler : bien que les
eunuques réalisent au maximum « l'infériorité organique? que cet auteur met
au premier plan, ni l'infantilisme mental, ni la a: névrose protestaire »
n'existent chez eux.
Il n'est pas permis de conclure trop rapidement des faits observés.
L'absence d'une fonction endocrine ne doit pas faire conclure « a contrario »
au rôle de la glande quand cette fonction est présente. L'appareil de notre vie
psychique est plus compliqué, l'âme est plus plastique qu'on ne serait
tenté de le croire en lisant certains auteurs. Leurs cas n'ont de valeur que
comme cas isolés et c'est aussi ce que Frânkel pense de ses propres obser-
vations. Il faut continuer à amasser des documents. Le contraste entre les
eunuques primitifs et les secondaires, entre les eunuques et les castrats, vient
de ce que les seconds sont astreints à un travail de réorganisation organique
et psychique que les premiers n'ont pas à accomplir. P. SCHIFF.
RONCORINI. L'aphasie et les données architectoniques. (Rivista di patologia
nervosa e mentale, juillet-août 1923.)
Pour Roncorini les deux types d'aphasie, celui de Wernicke et celui de
Broca, existent tous deux, et il en existe même une infinité d'autres, car pour
lui, l'aphasie a son origine dans les troubles d'irrigation dans la sphère de la
cérébrale moyenne, la zone atteinte serait diffuse et assez mal délimitée, tou-
jours placée cependant au voisinage de la vallée sylvienne. Quel que soit le
siège du processus, toutes les modalités du langage sont atteintes, même le
langage intérieur.
Il n'en serait pas de même pour ce dernier, cependant, lorsque la lésion
siégerait dans les voies connexes. Dans l'aphasie motrice, il n'y a ni alexie,
ni agraphie ; dans la surdité verbale, on ne rencontre ni cécité, ni agraphie.
L'auteur n'admet pas qu'en clinique on puisse distinguer les lésions corticales
des sous-corticales pures, à cause des dégénérescences secondaires. Il peut
d'ailleurs se produire des faits de vicariance, Roncorini admet assez volontiers
que les centres homologues des deux hémisphères ont une action connexe
dans la fonction du langage, spécialement dans les formes les plus simples (et
les plus anciennes) de cette fonction. Il admet aussi que l'intelligence des
aphasiques n'est pas aussi intacte qu'on le dit, surtout lorsqu'ils sont hémi-
plégiques. L'auteur rejette la conception de la diaschisis de Von Monakow,
mais il accepte celle de Head qui ne voit dans l'aphasie qu'un désordre des
images psychiques mnésiques, acoustiques, motrices et visuelles.
D'ailleurs, dans l'aphasie, la compréhension de la parole est atteinte, aussi
bien que l'expression. En somme cette nouvelle façon de concevoir les choses
les éclairerait, mais elle a besoin d'un contrôle anatomique par l'examen de
coupes sériées. L. WAHL.
BRÜNING.
— Sur le vague et le sympathique (Klinische Wochenschrift
[Berlin], N° 5o, 10 décembre 1923, p. 2272).
Les observations récemment faites dans les cas de résection du sympa-
thique cervico-thoraciqueobligent à une révision de toutes les lois, jusqu'ici
considérées comme définitives, qui prétendaient régir la physiologie de ce
nerf et celle du nerf pneumo-gastrique.
Le dogme de l'antagonisme fonctionnel entre le vague et le sympathique
ne peut plus être maintenu. Il n'est pas licite d'appliquer sans critique à
l'homme les données des expériences pratiquées sur l'animal. Les résultats
des épreuves pharmaco-dynamiquessont souvent opposés suivant les espèces
animales et, d'autre part, chez l'homme, des opérations pratiquées tantôt
sur l'un tantôt sur l'autre de ces deux nerfs peuvent aboutir à des résultats
semblables. Ainsi l'auteur a obtenu la disparition des crises d'angine de
poitrine par la résection du sympathique cervical. Eppinger etHoferau der-
nier congrès allemand de médecine (Vienne 1923) ont déclaré être arrivés
aux mêmes résultats par la résection du nerf vague. Ce dernier fait est en
contradiction avec la théorie jusqu'ici admise que le vague est le modérateur
du cœur; de même les cas rapportés par Kümmel, d'asthme bronchique guéri
par résection du sympathique ne cadrent pas avec les bons effets de l'adréna-
line dans cette affection.
Les recherches anatomiques de Braueker et celles de l'auteur abou-
tissent à la conclusion que chez l'homme les anastomoses entre les deux
nerfs sont telles qu'on ne peut parler, à leur propos, d'équilibre et d'oppo-
sition de fonctions, mais au contraire d'intrication fonctionnelle. Il existe
de très importants rameaux de communication entre le ganglion cervical
supérieur et le ganglion plexiforme du X. Les filets cardiaques du pneu-
mogastrique sont en minorité vis-à-vis des fibres sympathiques contenues
dans le même tronc nerveux et l'on peut dire que le nerf appelé communé-
ment nerf vague est composé pour bonne part de filets sympathiques. Brü-
ning se range à l'opinion de Kümmel d'après laquelle le vague et le sympa-
thique ne forment pas deux systèmes nettement délimités et d'après laquelle
il est impossible deréséquer le sympathique sans léser également des branches
du vague. C'est dans ce sens qu'on peut appeler le vague et le sympathique
des nerfs « mixtes ».
Brüning croit que, pour la solution des problèmes soulevés par la révi-
sion de cette question, la clinique humaine apportera plus de clarté que
l'expérimentation sur l'animal. P. SCHIFF.
C. FERRIO. Corrélation entre les muscles agonistes et antagonistes dans
l'état normal et la maladie de Parkinson. (Rivista di patologia nervosa e
mentale, 3o septembre 1923.)
Deux théories cherchent à expliquer cette corrélation. Celle de Duchenne
de Boulogne qui voit une harmonie entre les antagonistes et celle plus
récente de Sherrington qui admet une innervation réciproque de ces deux
groupes de muscles : inhibition de l'un lorsque l'autre se contracte. Mais
l'antagonisme vrai n'existe que dans les muscles droits de l'œil, en réalité les
actions agonistes ne sont pas dues à un muscle, mais à un groupe de fibres
et l'action des antagonistes entre en jeu peu après cette contraction. (Expé-
riences de Sherrington et Hernig sur les muscles de la hanche). Sherrington
a énoncé la loi suivante :
Une excitation qui part d'une surface sensitive du corps donne lieu à une
série ininterrompue d'impulsions motrices par la contraction de certains
muscles, mais elle détermine et exerce une action inhibitoire sur le méca-
nisme moteur qui gouverne les « muscles antagonistes » ; expérimentalement,
on peut le démontrer par la faradisation du bout central du nerf du tendon
du biceps fémoral du chat ; il y a allongement des muscles extenseurs de la
jambe et diminution temporaire du réflexe rotulien. Le phénomène est clini-
quement facile à constater chez les parkinsoniens à cause de l'exagération
de leur tonus et de la lenteur des contractions. La contraction des antago-
nistes affecte, dans ce cas, le type de la trochlée dentée de Negro. La con-
traction organique obéit à la loi de Duchenne, la contraction statique à celle
de Sherrington. L. WAHL.

Le Gérant : G. DELARUE.
TRAVAUX ORIGINAUX

DÉMENCE PRÉCOCE, SCHIZOMANIE


ET SCHIZOPHRÉNIE
PAR

Le professeur Henri CLAUDE,


A. BOREL et Gilbert ROBIN

La question de la démence précoce est encore l'une des plus obscures et


des plus controversées de la psychiatrie et si la plupart des auteurs français
contemporains admettent, tout en la restreignant, la conception de Kroepelin
et sa division en trois formes principales : hébéphrénie, catatonie, paranoïde;
il est clair toutefois que, pour beaucoup, ce n'est là qu'une classification
d'attente. Nombre d'aliénistes, en effet, hésitent à ranger sous le même vocable
des cas éminemment disparates, dont certains même n'offrent qu'une appa-
rence de démence, sans correspondre à un affaiblissement intellectuel véri-
table. Kroepelin basait sa théorie sur la notion d'évolution et admettait que,
présentant au début des symptômes divers, groupés selon des modalités très
variables, les déments précoces finissaient par arriver au bout d'un temps
plus ou moins long à un état terminal identique, véritable démence qui carac-
térisait ainsi l'affection. Mais, outre que l'on ne voit pas bien dans sa des-
cription en quoi cette démence terminale présente des caractères véritable-
ment spécifiques, on se rend compte du même coup de l'excès où cette
manière de voir peut conduire. Toute affection psychique ne relevant pas
d'un processus bien déterminé et aboutissant à un affaiblissement intellectuel
ou même à une simple diminution des facultés pourrait être considérée comme
appartenant à la démence précoce.
Cette délimitation insuffisante d'une part, entrainant une extension abu-
sive, jointe à l'impropriété du terme démence servant à qualifier des sujets
pouvant (durant des années et parfois durant toute leur vie) ne pas présenter
d'affaiblissement intellectuel, a suscité de nombreux travaux tant en France
qu'à l'étranger. On s'est efforcé surtout de mieux caractériser l'affection, de
marquer ce qui fait l'unité du groupe. Les expressions de dissociation (Claude,
IQIO), ataxie intrapsychique (Erwin Stranski), dysharmonie (Arstein), discor-
dance (Chaslin, igi2), furent proposées pour en qualifier le trouble essentiel.
En Ir)'1 Bleuler fit une remarquable étude de la question et publia une nou-
velle description de la démence précoce. Il apportait une conception extrê-
mement originale et, pénétrant plus avant que ses devanciers dans le psychisme
même de ces malades,essayait à son tour de réduire la diversité clinique à un
petit nombre de symptômes cardinaux. Insistant sur l'impropriété du terme
démence, il proposait celui de schizophrénie.
Ni le terme, ni les conceptions de Bleuler ne furent cependant acloptés par
les aliénistes français. Il est vrai que de nombreuses objections pouvaient y
être faites. Autant et plus peut-être que Kræpelin, Bleuler étendait le domaine
de la démence précoce. Et, d'autre part, s'il est vrai que ses théories appor-
taient des notions nouvelles, elles ne pouvaient que difficilement s'appliquer
indifféremment à la totalité des cas cliniques. Nous avons l'intention d'exposer
comment, à notre avis, on peut envisager cette notion de schizophrénie et.
quelles restrictions nous proposons de lui donner.

La schizophrénie de Bleuler se caractérise par une altération spécifique de


la pensée et du sentiment et des relations avec le monde extérieur. La « dislo-
cation » (Spaltung) des fonctions psychiques en est le caractère essentiel. Les
fonctions simples altérées sont : les associations (afflux de pensées, barrage,
écholalie, stéréotypies, incapacité d'associer, sautes d'idées, « bizarrèries »
intellectuelles); l'affectivité, obtusion complète, ou bien dissonance dans le
ton des manifestations, versatilité, humeur capricieuse. L'ambivalence est la
tendance à marquer toute manifestation psychique à la fois d'un signe positif
et d'un signe négatif. Pour Bleuler, sensations et perceptions, orientation,
mémoire, conscience, motilité sont conservées. Les fonctions complexes,trou-
blées dans l'exercice de l'affectivité et de l'attention, sont principalement
atteintes dans les rapports avec le monde extérieur et sous le nom d'autisme
Bleuler désigne le fait que les malades rompent avec la réalité et ne vivent
cr:

plus que d'une vie intérieure ». La conséquence, c'est une désagrégation dè


l'individu en noyau profond ayant perdu le contact avec la réalité et en
couche superficielle qui l'entoure... La couche superficielle, tournée vers la
réalité et de ce fait aussi vers nous, réagira à sa façon aux excitations du
dehors et nous fournira une série de symptômes qui, mesurées à nos manifes-
tations psychiques normales, portent le cachet de perte de contact avec la
réalité. Mais cette couche superficielle se trouvera en même temps prise entre
la réalité d'un côté et le noyau profond qui se trouve être soustrait à celle-ci,-
de l'autre; ce noyau agira lui aussi sur la couche superficielle et viendra par-
fois se manifester à travers elle au dehors. De là instabilité et discordance
des symptômes (Minkowski). Le contenu du noyau, ce sera la « pensée autiste »
opposée à la « pensée réaliste ».
Les conceptions de Freud n'ont pas été négligées par Bleuler : l'ensemble
des idées, représentations, souvenirs doués d'une forte charge affective qui
constitue le « complexe » remplit la pensée autiste; et l'énergie affective qui
n'a pu se manifester d'une manière normale vient s'exprimer à la surface en
symptômes morbides. Aji terme de ces états s'installe la démence schizophré-
nique, démence sans démence, démence partielle, relative à certains moments
et à certains complexus.
Bleuler admet les formes de schizophrénie : a) paranoïde; b) catatonique;
c) hébéphrénique ; d) schizophrénie simple. Les trois premières formes se
comprennent aisément; les cas qu'elles visent ressemblent aux types de la
classification française encore que l'hébéphrénie de Bleuler englobe notre
démence vésanique. Quant à la schizophrénie simple, elle comprend ce qu'on
a mis « sous la bannière de la psychopathie, de la dégénérescence, de la folie
morale, de l'alcoolisme et peut-être aussi, et c'est le plus grand nombre, de la
santé i (Bleuler). Bleuler explique que s'il ne rattache pas cette forme à l'hébé-
phrénie, c'est pour des raisons plus pratiques que théoriques, la schizophrénie
simple étant rarement observée à l'asile et visant des «individus plus ou moins
instables, incapables de s'adapter à l'ambiance, négligeant la réalité exté-
rieure ». A l'état le plus léger, ce sont les « schizophrénies latentes » de Bleuler,
les « schizoïdes » de Kretschmer, opposés aux sujets « syntones», c'est-à-dire
adaptés, offrant une vive plasticité aux modifications du monde extérieur.
La conception de Bleuler s'étend à la majorité des psychoses. L'alcoolisme
chronique, le délire de préjudice présénile, certaines mélancolies ou manies
« impures » des autres écoles, écrit Bleuler, la plupart des confusions hallu-
cinatoires, beaucoup de ce qu'on appelle par ailleurs < amentia », une partie
des formes qui étaient attribuées au délire aigu, les obtusions primaires et
secondaires, les principales paranoïas des autres écoles, probablement toutes
les psychoses hystériques, presque toutes les « hypocondries » inguérissables,
beaucoup de malades « nerveux et impulsifs, les formes de masturbation
-P

juvénile, une grande partie des psychoses dégénératrices de Magnan, etc.,


relèvent de la schizophrénie.
Le plus grand reproche qu'on puisse faire à Bleuler, c'est d'avoir fait entrer
dans une vaste synthèse des maladies diverses. Comme l'a fait très judicieuse-
ment remarquer Trénell, l'analyse psychologique a dépassé la clinique. Au
lieu d'arriver à la « délimitation plus précise d'une entité morbide mentale, il
aboutit à un élargissement extrême, excessif, du domaine de ce qui n'est plus
une maladie proprement définie, mais un vaste genre ». En somme, la schizo-
phrénie englobe la majeure partie de la dégénérescence mentale et des psy-
choses. Bleuler dépasse les excès de Kræpelin. Chaslin lui reproche, à juste
titre, une telle extension et surtout de faire entrer dans sa synthèse l'amenda,
c'est-à-dire les états correspondants au délire d'épuisement et aux délires
toxiques.
Mais limitons nos critiques au strict terrain de la démence précoce. Nous
sommes, dès l'abord, arrêtés par ce fait que « le déséquilibre profond du con-
tact avec la réalité est, dans la schizophrénie, non pas une conséquence d'au-
tres troubles psychiques, mais un point essentiel d'où découlent, ou tout au
moins à partir duquel se laissent envisager d'une façon uniforme tous les
symptômes cardinaux de cette affection mentale » (Bleuler). Nous ne pensons
pas qu'une telle conception soit susceptible d'être appliquée indifféremment à
tous les cas qu'on range dans la démence précoce. Cette notion, en effet, qui
représente la part la plus originale des idées de Bleuler semble méconnaitre
les caractères de la forme simple hébéphrénique,dans laquelle l'affaiblissement
intellectuel, contrairement à ce qui se passe pour les autres formes de
démence précoce,est le phénomène initial prédominant. Ce n'est pas de «dis-
cordance » (Chaslin), de dissociation (Claude et Lévi-Valensi), de dislocation
(Bleuler). qu'il faut parler. Il y a démence vraie. Le trouble des relations avec
le monde extérieur n'est pas le trouble initial invoqué par Bleuler dans sa
conception. Il n'est qu'une conséquence au même titre que chez un paralytique
général ou un dément organique.
Une autre objection, non moins grave, c'est que la notion de l'autisme et

1. TRÉNEL. La schizophrénie, d'après les conceptions de Bleuler. (Revue


neurologique, 1912.)
du retrait de la réalité, appliquée à tous les cas de démence précoce demeure
une hypothèse, une tentative d'explication psycho-pathologique. Bleuler ne
tient pas compte des démences précoces post-confusionnelles,des confusions
mentales secondaires. Quand il envisage pour tous les cas observés la rupture
avec le monde extérieur comme le trouble primitif, quand il explique une fois
pour toutes la dislocation de la pensée exprimée par le heurt entre une pensée
autiste et une pensée réaliste, il fait une supposition gratuite. Il reste bien des
individus pour lesquels la psychose est la réalisation morbide de tendances
schizoïdes constitutionnelles, c'est-à-dire de tendances à s'évader de la réalité
et à vivre d'une vie intérieure plus ou moins imaginative. Ils sont en petit
nombre. Ce sont ceux qui méritent, à notre avis, de relever de la schizophrénie
simple de Bleuler, de celle-là seule.

Ces objections n'empêchent que Bleuler eut le mérite de montrer le pre-


mier l'existence de deux caractères fondamentaux chez certains individus : la
perte du contact avec la réalité et l'existence d'une pensée autistique. Nous
ne pensons pas qu'il ait été autorisé à ériger une constatation clinique — si
exacte pour la schizophrénie latente et la schizophrénie simple — en concept
et à étendre ce concept à presque toutes les psychoses. Aussi bien, si nous
arrivons à apporter quelque éclaircissement au sujet des démences précoces
et quelques précisions cliniques sur notre conception de la « schizomanie »
dérivée de la schizophrénie simple, c'est à Bleuler que nous le devons. Notre
conception de la schizophrénie est beaucoup moins extensive que celle de
Bleuler. A notre avis, la notion de schizophrénie n'est applicable qu'à un cer-
tain nombre d'individus dont l'existence clinique se laisse envisager avec pré-
cision et pour lesquels le mot démence apparaît le plus impropre.
L'anamnèse révèle que ces individus, avant l'éclosion d'aucunaccident mor-
bide, présentaient, en même temps qu'un passé héréditaire fréquemment
observé, une constitution spéciale : la constitution schifoïde sur laquelle
Kretschmer a insisté. Dès l'enfance, tendance à la solitude, au recueillement,
à la méditation, à la rêverie. Des conceptions imaginaires s'élaborent, que le
sujet ne livre pas facilement. Plus tard le contact avec la réalité exige un
effort, une tension. La vie intérieure est délibérément préférée, par dilection.
L'activité pragmatique est réduite par rapport à l'activité intellectuelle sans
que la discordance entre ces deux modes d'activité soit incompatible avec une
existence normale. L'adaptation aux exigences extérieures reste en apparence
suffisante.
A un stade déplus, tantôt sous une influence affective (complexe), tantôt à
la faveur d'un état toxi-infectieux, tantôt parfois sans motif appréciable, la
schizomanie représente l'état pathologique du schizoïde qui a cessé de s'adap-
ter à l'ambiance. La réalité est de plus en plus négligée. Les malades sont
inertes, inactifs, l'air absent et donnent l'apparence de l'inaffectivité puisqu'ils
ne s'intéressent pas à ce qui se passe autour d'eux. L'intégrité des fonctions
intellectuelles est cependant parfaite. L'interrogatoire, parfois un peu difficile
en raison du manque d'attention que montrent les sujets ou de leur reploiement
sur eux-mêmes, donne des réponses correctes, adéquates, logiques. L'élément
« dissociation » qui se révèle dans l'appréciation non plus des fonctions
psychiques prises isolément mais dans la synthèse intellectuélle supérieure,
existe auplus haut point entre l'activité pratique et le noyau de la personnalité
qui tend à vivre dans un monde intérieur, selon un mode de pensée « autiste ».
Les malades ont en général conscience d'un état morbide, mais se complaisent
dans l'inactivité et, quand la réalité extérieure leur est imposée, ils essaient
parfois de s'y soustraire par des fugues, par des crises d'exaltation confusion-
nelle ou par le suicide. Ils ont des tendances à la claustration, qu'ils ne réa-
lisent pas toujours sous une forme apparente, mais dans une condition qui
leur donne l'illusion. La pensée « autiste » se développe dans la solitude. Le
thème qu'elle a adopté est souvent en rapport avec un complexe affectif. Dans
des cas assez nombreux les éléments d'un tel complexe peuvent être le point
de départ de créations imaginaires plus ou moins fantaisistes qui créent une
vie intérieure fictive et cette psychose de rêverie explique que les malades
aient l'air distrait, indifférent, semblant sourire parfois à leurs conceptions
imaginaires.
Un degré de plus et le schi^omane devient schizophrène. L'être psychique
est bouleversé. La dissociation intellectuelle qui apparaissait surtout dans la
mise en œuvre des fonctions synthétiques atteint ici à une véritable « dislo-
cation » des fonctions psychiques, terme adopté par Bleuler et que nous adop-
tons. Non seulement l'individu a perdu complètement contact avec la réalité,
mais il semble même avoir perdu l'intérêt de sa propre existence, il néglige
les soins les plus élémentaires de sa personne, jusqu'à refuser toute nourri-
ture, et à présenter du gâtisme. Il passe ses journées au lit, paraît désorienté,
réalisant souvent un type de pseudo-confusion mentale; parfois il ne répond
pas aux questions, ou fait des réponses à côté. Il a l'air absent, lointain, il est
sujet au rire et aux pleurs sans motif apparent; il donne l'impression
d'être tantôt inaffectif, tantôt dissonant dans le ton des manifestations affec-
tives. Et cependant le « schizophrène » n'est pas un dément tout simplement,
mais relativement à certains moments, à certains complexes. « Tel qui parait
dans l'obtusion absolue peut d'un moment à l'autre faire par exemple une
opération compliquée, exprimer des idées complexes. » (Trénel.) c La démence
schizophrénique avancée est caractérisée par le fait que, parmi la totalité des
pensées et des actions des sujets, il y a, au point de vue numérique, beaucoup
de faux résultats. » (Minkowski.)
En effet, bien que le malade ait toute l' apparence d'un dément précoce clas-
sique (en dehors de la forme hébéphrénique simple que nous avons étudiée),
l'interrogatoire nous démontre parfois l'existence d'une pensée autiste. Dans
l'apparente incohérence des propos nous avons pu trouver le fil conducteur
d'un thème unique relié, en général à un complexe affectif que révèle l'anam-
nèse. Nous avons eu la bonne fortune de mettre en évidence pAr un nouveau
procédé d'investigation, Séthérisation, dont nous publierons les résultats dans
une étude prochaine, d'une part que ces complexes étaient fréquents et que les
malades sous l'influence de l'anesthésie nous en livraient les détails; d'autre
part qu'il n'existait pas ici de démence vraie et que les fonctions psychiques
disloquées étaient capables, à la faveur de l'éthérisation, de contribuer à une
synthèse normale.
Ce n'est pas dire qu'à une période ultime l'affaiblissement ne soit pas réel.
Il se produit une fixation des symptômes morbides, une stéréotypie à froid
des idées « paranoïdes », comme si l'autisme avait perdu tout potentiel, tout
dynamisme, et, dans ces cas, la capacité des réponses normales est réduite au
minimum.

Telle est schématiquement exposée l'évolution de ces schizoïdes consti-


tutionnels, passant par un stade plus ou moins prolongé de schizomanie avant
de tomber dans la dislocation schizophrénique. Les choses ne vont pas
toujours aussi simplement. Bien que le décours de la psychose en trois périodes
soit ce qu'on observe habituellement, l'affection n'est pas fatalement progres-
sive. Un schizoïde peut rester parfaitement adapté pendant touts son existence;
un schizomane ne pas évoluer vers la démence schizophrénique. D'autres
peuvent au contraire brûler les étapes vers la schizophrénie,
La durée théoriquement indéfinie d'un de ces trois états explique qu'on
puisse voir les premiers accidents morbides à un âge indifférent. Rien
n'empêche un schizoïde, jusqu'alors normal en des manifestations exté-
rieures, d'attendre trente ou quarante ans pour se livrer à des actes patholo-
giques. De même chez quelques-uns des accès schizomaniaquespeuvent surgir,
comme s'il s'agissait d'un état périodique. Il n'est pas impossible d'ailleurs que
les éléments de la constitution cyclothymique puissent s'associer à ceux de la
constitution schizoïde.
Notre notion de la schizomanie permet ainsi d'expliquer ces cas bizarres
pour lesquels on était obligé, faute de mieux, de porter le diagnostic de
démence précoce, d'hébéphrénie, malgré l'âge souvent avancé des malades, qui
démentait une telle épithète. Ces cas ne constituent évidemment qu'un nombre
assez limité de « déments précoces ». Ils ne sauraient en aucune manière être
confondus avec ce qu'on appelle en France la forme simple, constitutionnelle,
dégénérative (idiotie acquise d'Esquirol, démence juvénile de Morel, hébé-
phréniede Kahlbaum et Hecker). C'est la vraie démence précoce, et nous serions
tentés d'ajouter la seule démenceprécoce. Chaslin admet son existence à côté de
ses psychoses discordantes. Il faut élargir la conception de Régis en démence
précoce constitutionnelle et démence précoce post-confusionnelle et admettre
que des cas de démence précoce simple sont susceptibles de débuter par une
confusion mentale ou à la faveur d'un processus toxi-infectieux tel que
l'encéphalite épidémique. Il est vrai que, dans la plupart des cas, le processus
pubéral paraît avoir suffi à déterminer chez les jeunes gens, plus ou moins
menacés par une hérédité souvent chargée, mais demeurés jusqu'alors
normaux, l'apparition d'un état démentiel indubitable où l'affaiblissement intel-
lectuel est initial et prédominant, les autres symptômes de la maladie n'étant
que secondaires. Il y a ici vraiment démence, et la démence précoce des
auteurs français, type Morel, nous paraît une entité clinique immuable, carac-
térisée par l'effondrement primitif, global et rapide du psychisme.
Bien entendu, à côté du type Morel d'une part et des états schizomaniaques
d'autre part, états pouvant évoluer plus ou moins rapidement vers la schizo-
phrénie ou s'arrêter dans leur marche à des stades divers, il existe toute une
série d'états qui constituent, il faut bien le dire, le plus grand nombre des
cas de démence précoce et qui se présentent en clinique sous les formes
connues : paranoïde, catatonique et hébéphrénique délirante. Ces malades
méritent bien les épithètes de dissociés, de dysharmoniques, de discordants,
mais il ne semble pas qu'on puisse interpréter leurs troubles selon la concep-
tion de Bleuler.
Somme toute, la schizophrénie, à notre sens, n'est qu'une forme clinique
des démences primaires. Elle nous paraît avoir une existence indubitable et
relever du processus particulier que nous avons indiqué. Ce qui paraît surtout
intéressant, c'est la notion de constitution à la base de ces états qui nous fait
présumer qu'il s'agit dans cette forme d'une pathogénie bien différente de
celle de la forme simple type Morel et des autres formes de psychose discor-
dante. Il nous faudrait toutefois connaître maintenant la formule anatomique
ou biologique qui permettra de distinguer ces diverses formes cliniques.
LES INFLUENCÉS
SYNDROMES ET PSYCHOSES -D'INFLUENCE
PAR
André CEILLIER

En langage psychiatrique le terme influence, en tant qu'il désigne un syn-


drome, une idée délirante, une psychose, signifie : possession spirituelle.
L'influencé est un possédé de l'esprit qui peut dans quelques cas devenir
un vrai possédé si, à la possession psychique, s'ajoute la possession corporelle.
PATHOGÉNIE. Le mécanisme du phénomène d'influence s'explique par
l'addition, ou mieux par la combinaison de deux éléments.
1° L'Automatisme (traduisant une dissociation de la personnalité consciente).
2° L'Idée d'Influence (le malade admettant que ses actes et phénomènes
automatiques sont dus à une influence étrangère, par suggestion, hypnotisme,
sciences occultes, etc.).
A. L'automatisme porte sur :
a) Le langage intérieur et la pensée, et se traduit par :
1° Les pseudo-hailucinations verbales auditives;
2° Les pseudo-hallucinations verbales visuelles ;
3° L'hallucination psycho-motrice verbale orale, le langage méca-
nique ;
4° L'hallucination psycho-motrice-verbale graphique,l'écriture méca-
nique ;
5° L'hallucination psychique auditivo-motrice ou mixte;
6° L'hallucination psychique auditivo-graphique ;
70 La conversation mentale;
8° L'inspiration passive : médium intuitif, inspiration poétique,
musicale, etc. <.

b) Les représentations mentales.


Principalement visuelles : (les visions imaginaires).
c) Les sentiments.
Modification de la manière habituelle de sentir : haine, amour, joie,
tristesse, etc.

i. Cet article est la reproduction d'une conférence faite l'année dernière à


Sainte-Anne et que je n'avais pas l'intention de faire paraître, travaillant à un
livre sur le même sujet. Mais la publication de cet ouvrage se trouvant retar-
dée, j'ai cru utile de publier la conférence de l'année dernière.
d) Les actes.
Impulsions et actes automatiques. (Nécessité d'établir plusieurs
variétés dans ce groupe des actes dits automatiques.)
Phénomènes d'inhibition.
L'automatisme s'accompagne de troubles cénesthésiques particuliers.

B. Le sentiment et l'idée d'influence comprennent des sous-variétés :


Le sentiment et l'idée de perte de la liberté,
Le sentiment et l'idée de protection (souvent amoureuse),
Le sentiment et l'idée de domination,
Le sentiment et l'idée d'influence simple,
Le sentiment et l'idée de présence,
Le sentiment et l'idée de possession.

b) SUIVANT LE DEGRÉ DE L'AUTOMATISME et les caractères des phénomènes


pathologiques fondamentaux :

Les influencés par interprétation de phénomènes plus ou moins auto-


matiques;
Les influencés par désagrégation vraie de la personnalité;
Les influencés possédés, par adjonction de phénomènes, de sentiments
et d'idées de possession corporelle.
e) SUIVANT L'ÉTIOLOGIE.
Délire d'influence primitif : Psychose d'influence
Délire d'influence secondaire à :
Manie 2,
Mélancolie 3,
Psychasthénie par obsessions1, mentisme, sentiment d'incom-
plétude et besoin de réconfort5,
Erotomanie 6,
P. G. D. P., alcoolisme, etc.

i. Lévy-DARRAs. La Psychose d'Influence. (Thèse de Paris, 1914.)


2. LOGRE et HEUYER. Idées d'Influence au cours de l'Excitation maniaque.
(Cong. de Strasbourg, 1920.)
3. GODET. Idées d'Influence au cours d'un état mélancolique. (Annales
médico-psychologiques,mars 1923.)
4. CEILLIER. L'obsession et le délire d'Influence. (Bull, de la Soc. clin. de
Méd. mentale, avril 1922.)
5. CEILLIER. Du besoin de réconfort au sentiment et au délire d'Influence.
(Bull. de la Soc. Clin, de Méd. mentale, mars 1923.)
6. CEILLIER. Erotomanie et délire d'Influence. (Bull, de la Soc. clin. de
Méd. mentale, mai 1922).
Le diagnostic comporte donc deux temps : io reconnaître le syndrome,
2° reconnaître si le délira d'influence est primitif ou s'il est secondaire et, dans
ce cas, diagnostiquer l'affection causale. Dans ce dernier cas le pronostic
dépend presque toujours de la cause, bien que dans certains cas on ait pu
voir passer à la chronicité un délire d'influence provoqué par une affection
passagère.
A. Par automatisme psychologique il faut entendre des opérations qui
s'exécutent spontanément, en dehors de la volonté du sujet. Notre vie est
pleine d'actes automatiques. Les actes habituels (marche, écriture), les actes
instinctifs, les tendances, les inclinations, la mémoire, les associations d'idées,
le langage intérieur, etc., s'exécutent, dans bien des cas, machinalement, sans
le contrôle de la volonté.
L'automatisme est très marqué dans les états de distraction (gestes, paroles,
se détourner de son chemin), dans les états de rêverie où nous laissons aller la
pensée à son gré, dans le rêve où il est à son comble. Seulement lorsque
nous nous réveillons, lorsque nous sortons de notre état de rêverie ou de dis-
traction, lorsque nous constatons après coup un acte d'automatisme, nous
savons que ces actes viennent de nous, qu'ils appartiennent à notre moi.
Chez le psychasthénique, l'automatisme est très marqué, qu'il s'agisse d'un
état obsédant ou d'un état de mentisme. Le malade éprouve souvent un
sentiment de perte de la liberté, assez voisin du sentiment d'influence, mais
qui ne va pas jusqu'à l'idée délirante. L'obsession suppose la conscience— la
reconnaissance — de l'état morbide; aussi quand le malade ne reconnaît plus
l'origine personnelle, endogène, de son obsession, cesse-t-il d'être un obsédé
pour devenir un délirant.
Les malades que nous avons en vue considèrent, au contraire, que leurs
actes automatiques sont dus à une influence étrangère. Ils ont une dissocia-
tion de leur personnalité consciente. La personnalité consciente n'est pas
du tout la simple collection des états de conscience, mais elle doit- être
considérée comme une activité de groupement et d'appropriation personnelle.
Pour qu'une pensée, un acte, un sentiment soient rattachés à la personnalité
il
consciente, faut, de toute évidence, que cette pensée, cet acte, ce sentiment
soient considérés par le sujet comme lui appartenant1. Chez l'influencé les
choses se passent différemment. Des pensées se présentent à lui qu'il ne
reconnaît pas comme siennes. Des actes sont commis qu'il n'a pas voulus et
dont même il n'a conscience qu'au fur et à mesure qu'ils s'exécutent. Des
sentiments sont éprouvés qui sont en contradiction avec les siens propres et
qui lui sont suggérés malgré lui. L'appropriation personnelle ne se fait Pas : il
y a bien dissociation de la personnalité consciente.
Nous passerons en revue chacun des éléments qui par leur réunion cons-
tituent le syndrome d'influence et qui servent de base à l'édification du
délire. Ces symptômes ne se retrouvent jamais tous au complet chez le même
malade et se groupent en plus ou moins grand nombre et suivant diverses
-combinaisons. Parmi eux les plus fréquemment observés sont ceux qui tra-

i. Lire la discussion entre MM. Mignard, Legrain, Mallet, Ceillier, à la


séance de la Soc. Clin. de Méd. Mentale, mai 1922 et la discussion à la même
société entre MM. Logre, Chaslin, Ceillier à la séance d'avril 1922.
duisent l'automatisme du langage intérieur et de la pensée et l'automatisme
des actes. Nous étudierons d'abord les premiers.

a. Automatisme du langage et de la pensée


PSEUDO-HALLUCINATIONS-VERBALES-AUDITIVES.
— Elles sont presque cons-
tantes dans les délires d'influence. Elle se rapprochent de l'hallucination
vraie par les trois caractères suivants :
Elles sont automatiques, c'est-à-dire qu'elles se produisent en dehors de
la volonté.
Elles sont incoercibles, c'est-à-dire que le sujet ne peut les faire disparaître.
Elles sont douées d'objectivité psychique, c'est-à-dire que le sujet les recon-
naît comme étrangères à sa personnalité.
Elles en diffèrent par l' absence d'extériorité spatiale. Elles n'offrent pas les
caractères d'une perception.
En pratique, les malades, dans un certain nombre de cas, en décrivent
spontanément tous les caractères; dans d'autres, ils ont des explications très
confuses et il est parfois impossible de savoir s'il s'agit d'une pseudo hallu-
cination ou d'une hallucinationvraie. Lorsqu'ils reconnaissent le phénomène,
ils s'expriment ainsi : « C'est une voix qui vient dans la tête et pas dans les
oreilles. C'est une parole en pensée. C'est comme une pensée, mais plus fort.
J'entends mentalement. C'est comme une parole intérieure qui ne fait pas de
bruit. C'est une transmission de pensée. C'est une transmission intérieure. Il
D'autres fois ils sont moins précis : « C'est une voix, mais qui ne fait pas
beaucoup de bruit. Une voix très lointaine, très sourde. Ce n'est pas une
voix naturelle. » Enfin quelquefois ils disent : « C'est une voix comme la
vôtre, j'entends très distinctement. J'entends par les oreilles, etc. D. Des
phrases, même aussi catégoriques que celles-ci, ne doivent pas faire éliminer
de façon absolue et a priori l'existence d'une pseudo-hallucination. Le malade
est parfaitement en droit de se tromper, car il faut une certaine finesse
d'analyse psychologique pour reconnaître qu'une pseudo-hallucination, tout
en étant très claire, très distincte, n'est pas sonore. En effet, une pseudo-
hallucination, sans avoir aucun caractère de sonorité, peut avoir un timbre.
— Les sujets qui possèdent une oreille
musicale peuvent parfaitement « ima-
giner » le timbre d'un instrument particulier ou celui d'une voix. — Le lan-
gage est aussi une source de perpétuelle confusion, puisqu'il n'existe aucun
terme spécial et que le malade est obligé d'employer le mot « entendre »
même quand il s'agit d'une parole intérieure dépourvue de toute sonorité.
Dans certains cas il sera impossible d'affirmer la nature exacte du phéno-
mène. C'est dans ces cas que prennent une importance réelle certains carac-
tères accessoires qui, sans être absolument pathognomoniques, sont assez
particuliers aux pseudo-hallucinations. Ce sont :
1° Leur fréquence, leur continuité. Alors que l'hallucination vraie con-
siste le plus souvent en un mot isolé (injure, menace), ou en une phrase
courte, l'hallucination psychique est très fréquente, longue, parfois continue.
La pensée du malade est répétée (écho de la pensée). S'il lit, s'il écrit, on
répète intérieurement ce qu'il lit ou écrit. On commente tous ses actes, toutes
ses pensées.
2° Leur contenu souvent insignifiant ou agréable, flatteur, consolant, encou-
rageant. C'est une jeune femme à qui l'on dit qu'elle est jolie, qu'elle a une-
belle poitrine ou une dame âgée que l'on console « tu es bien conservée
:

pour ton âge ». On vante leurs qualités intellectuelles et morales. Ce caractère


bienveillant, sans être exclusif à l'hallucination psychique, lui est cependant
assez particulier. »
3° L'absence des moyens de défense quelquefois employés par l'halluciné
véritable : coton dans les oreilles, oreilles enfouies sous le bonnet.
4° La réponse mentale du malade à ses voix intérieures. Ce signe m'a paru
très rarement en défaut et je l'estime assez bon pour aider à distinguer les.
deux variétés d'hallucination. Alors que le persécuté halluciné invective à
haute voix ses ennemis, montrant ainsi qu'il croit à la réalité spatiale des
voix qu'il entend, l'influencé cause mentalement avec ses voix sans même
articuler, prouvant de cette façon qu'il s'agit d'une transmission de pensée »,
«.
soit qu'il la reçoive, soit qu'il l'envoie. Ces conversations mentales, dans les-
quelles le malade fait lui-même les demandes et les réponses, existent par-
fois presque sans arrêt et sont un excellent signe de dissociation de la per-
sonnalité.
LES PSEUDO-HALLUCINATIONS VERBALES-VISUELLES sont extrêmement excep-
tionnelles. J'ai pourtant observé un malade qui voyait « en fermant les yeux 1)

apparaître des mots «'tout à fait semblables, disait-il, à des réclames lumi-
:

neuses )).
LES HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTRICES VERBALES-ORALES. — Elles ont été
décrites par M. Séglas qui distingue : « les hallucinations verbales kinétiques
simples » dans lesquelles le malade n'a que la sensation de prononcer des
mots, sans mouvements d'articulation visibles. Les « hallucinations verbales
motrices » proprement dites, qui s'accompagnent de mouvements d'articu-
lation. L' « impulsion verbale », dans laquelle les mots sont réellement
prononcés. Les hallucinations motrices verbales sont je crois, plus rares
qu'on ne le dit. J'estime, en effet, que toutes les impulsions verbales ne
sont point toujours assimilables à des phénomènes hallucinatoires. Il me
paraît nécessaire d'établir plusieurs variétés dans ces phénomènes et de faire
un groupe à part de ces faits, assez fréquents, où le malade parle d'abondance,
sans se croire l'auteur de ses propres paroles, affirmant même ne connaître
le sens de son discours et de ses paroles qu'au fur et à mesure de leur débit,
mais sans éprouver toutefois l'impression d'une contrainte physique exercée
sur les organes de la phonation. Le phénomène moteur est accessoire et
secondaire, le phénomène psychologique primitif. L'automatisme porte beau-
coup plus sur le langage en tant que pensée que sur le langage en tant que
phénomène de phonation. Il va sans dire qu'il serait absurde de séparer com-
plètement ces deux sortes de phénomènes (intellectuel et phonatoire), qui sont,
par leur nature, intimement liés. Mais peut-être a-t-on, dans ces dernières
années, — suivant un courant général très en vogue en psychologie — attaché
trop d'importance, dans les hallucinations verbales, à l'élément sensoriel ou
moteur et pas assez à l'élément intellectuel. Les hallucinations verbales sont de
nature et peut-être de pathogénie très différentes des hallucinations communes
(non verbales) et doivent être envisagées, à mon sens, beaucoup moins comme
des phénomènes sensoriels ou moteurs, que comme des phénomènes de
pensée. Dans certains cas la pensée s'extériorise, se manifeste objectivement
par la parole ou l'écriture, le malade affirmant n'être point l'élaborateur de
divi-
son discours, mais seulement un agent inconscient, mécanique dont les
nités, les « esprits JI ou les hommes se servent pour émettre des paroles ou
écrire des mots. Ces phénomènes méritent les noms de langage mécanique
et d'écriture mécanique. Dans d'autres cas la pensée ne s'extériorise pas en
mots prononcés ou écrits, elle se formule « mentalement » et il est souvent
difficile au malade de reconnaître au moyen de quelle sorte d'images. Qu'il
s'agisse d'un malade ou d'un sujet sain, qu'il s'agisse d'hallucinations
psychiques, c'est-à-dire d'un langage intérieur automatique, non rattaché au
« moi », ou du langage
intérieur normal, il faut,pour reconnaître le type de
ce langage intérieur, que le phénomène soit très pur (ce qui n'est pas tou-
jours le cas), et que le sujet soit doué d'une certaine capacité d'introspection.
Ceci explique qu'il soit toujours malaisé et parfois impossible d'établir la
variété motrice ou auditive de l'hallucination psychique. L'existence d'un
type « mixte » « auditivo-moteur » montre que le mécanisme de l'halluci-
nation psychique n'est pas simple. Dans ces cas d'hallucinations psychiques
allditivo-motrices, il s'agit d'un automatisme du langage intérieur qui n'est ni
celui du langage auditif, ni celui du langage moteur, ni même, strictement, la
juxtaposition, la concordance, ou l'addition du langage intérieur auditif et du
langage intérieur moteur, mais une combinaison qui participe des deux, sans
être cependant l'un et l'autre : l'automatisme du langage auditivo-moteur.
Cette opinion est absolument conforme aux doctrines psychologiques
actuelles. « Il est certain, disaient Chaslin et Barrat, dans le récent traité de
psychologie de M. Dumas, que les images auditives de phonation sont inti-
mement associées aux mouvements qui habituellement les produisent. i, La
forme auditivo-motrice de l'automatisme verbal devrait donc être la plus fré-
quente et il y a lieu de s'étonner qu'elle ne soit presque jamais décrite.
Quelques exemples illustreront ce qui vient d'être dit. La malade suivante
présente des hallucinations verbales motrices du type décrit par M. Séglas :
« Un jour, dit-elle, j'ai senti qu'on me
parlait. D'abord j'ai senti une force
dans la mâchoire qui m'obligeait à parler, en épelant : « o-u-i ». Mes mâchoires
sous une impulsion autre que ma volonté proféraient des syllabes. Alors j'ai
dit : « Qui est-ce qui parle? » Alors on m'a répondu : « Un esprit », mais en
faisant épeler : e-s-p-r-... Je sentais la mâchoire qui était tirée, ainsi que les
lèvres, la langue. Ainsi ma bouche était tirée en large pour me faire dire « i »,
la langue animée pour dire c 1 ». Quelquefois je ne comprenais pas, alors on
me faisait répéter quatre, cinq,six fois, jusqu'à ce que je comprenne... ce qui
prouve bien que c'est une autre force qui me fait parler. Ça j'en suis parfai-
tement sûre. C'est un empire sur moi qui me fait parler. Ce n'est pas ordinaire
du tout. Je comprends, soit quand ils ont fini de parler, soit au milieu de la
phrase, avant qu'ils aient fini ce qu'ils avaient à me dire... Ils sont l'esprit du
mal... ils l'ont dit eux-mêmes. Ils ont dit que j'étais le : « c-e-n-t-i-é » de l'en-
fer (la malade s'étonne elle-même de cette orthographe). Ils ont dit que
j'étais une « hétaïre » de l'enfer, mais je ne sais pas ce que c'est qu'une
hétaïre... Souvent ils sont plus forts que moi et je ne peux pas fermer la bouche.
Il y a une force « herculéenne ) qui me fait agir les mâchoires... 11 y en a un,
le plus fort de tous, et je suis obligée de lui dire : « Ne faites pas cela si fort,
vous allez me démantibuler la mâchoire. i>

Une autre influencée, également de la variété spirite, s'exprimait ainsi :


« Ils me font parler, ils me font articuler par la pensée, ils veulent me faire
parler malgré moi et je ne veux pas, j'arrête ma respiration. Je suis poussée,
il faut que je parle. En serrant les lèvres je parle intérieurement comme si
f
j'articulais. C'est comme si c'était moi qui pensais et que articule en dedans,
mais ce n'est pas moi qui pense, ce sont les esprits qui sont en moi. » Et plus
loin : « Cet esprit double ma personne. Des fois même il se substitue à ma
personne. » Dans ces derniers cas la malade parle d'elle-même à la troisième
personne. La désagrégation de la personnalité est poussée alors jusqu'à la
transformation, complète par moments de la personnalité.
Dans ces deux cas il s'agit bien d'hallucinationspsycho-motrices verbales,
telles qu'elles ont été décrites par M. Séglas. Voici maintenant un exemple
d'hallucination psychique auditivo-motrice : On a essayé de me faire dire
6:

des choses contraires à ma pensée. Mes lèvres ont remué. Ca devait être ma
langue ou ma gorge, je ne peux pas dire. On m'a fait marmotter, j'entendais ce
qu'on disait et mes lèvres remuaient. » Et elle ajoute : « C'était comme d'habi-
tude (c'est-à-dire comme ses hallucinations psychiques habituelles), mais mes
lèvres marchaient. »
Enfin cette même malade présente très nettement du langage mécanique.
Elle monologue toute la journée et elle affirme que ce n'est pas elle qui parle.
— « Pourquoi parlez-vous tout le temps? » — « C'est quelqu'un qui me suggère.
Toute la journée je cause. Ce n'est pas ma pensée. Je ne comprends pas ce que
cela veut dire que je cause tout le temps. Tout à l'heure ce n'était pas moi
qui parlais, ce n'était pas ma voix. » — « Pourtant vous vous rendez compte
que c'est vous qui parlez? » — « Oh! non, Monsieur au contraire, — je me
!

rends compte que ce n'est pas moi qui parle. Je ne sais pas si c'est dans ma
tête, si c'est dans mon corps, mais ce n'est pas moi qui parle. On croirait
qu'il y a quelqu'un en moi, ça me fait cet effet-là. » (Quand la malade
déclare : « ce n'est pas moi qui parle », elle ne veut pas dire que les mots ne
sortent pas de sa bouche, mais elle veut dire que ce n'est pas elle qui élabore
les mots et les phrases qu'elle prononce.) — « Comprenez-vous ce que vous
dites? > — « Je le comprends après, quand je l'ai dit, mais avant je ne sais pas.
Quand je parle comme tout à l'heure, ce n'est pas moi qui pense, ce n'est pas
moi qui cause. Je parle, c'est automatique. » — « Qu'est-ce que ça veut dire :
automatique? » — « Quelque chose qui fonctionne tout seul. » La malade
nous dit spontanément, sans avoir été influencée par nous, que son langage
est automatique, c'est-à-dire quelque chose qui fonctionne tout seul. Nous
croyons qu'un tel phénomène doit être appelé : langage mécanique, par ana-
logie avec le langage mécanique des médiums parlant et l'écriture mécanique
des médiums écrivains.
Il nous faut enfin étudier certains malades qui s'expriment dans des langues
inconnues ou qui possèdent un plus ou moins grand nombre de personnes
qui parlent par leur bouche. Ces malades ont alors un langage qui a parfois
1' « apparence » d'être en partie volontaire, qui est presque toujours « déclen-
chable » au commandement et qui paraît très souvent un amusement pour eux.
Ce sont en général des excités, soit qu'il s'agisse d'excitation maniaque avec
idées d'influence secondaires, soit de périodes d'excitation psychique chez
des influencés chroniques. En les écoutant, on a nettement l'impression d'un
jeu. Voici par exemple Mme Big... dont l'estomac renferme quatorze personnes
qui parlent par sa bouche. La voix varie de timbre et de tonalité avec chacune
des personnalités amies ou ennemies qui se succèdent. L'une d'elles est un
adjudant qui s'exprime avec une grosse voix et qui hurle des commandements
militaires; une autre est une fillette dont la voix est très aiguë. Mme Big...
fait l'effet de jouer une comédie et même une charge, tant sont caricaturales
les expressions de chacun des personnages qui parlent par sa bouche, qui lui
répondent dès qu'elle les interroge et qui s'interpellent entre eux. Mme Big...
est pourtant une malade qui délire depuis plus de quinze ans. Voici Mme C...,
une autre influencée chronique, qui parle avec volubilité ( Hindoustani » (?),
mais seulement dans ses périodes d'excitation et aussi Mme L... qui est sous
l'influence d'individus qui s'expriment, par sa bouche, en trente langues
différentes (le tataouit, le papaoua, etc ) et qui écrivent, par sa main, autant
d'écritures.
Il serait abusif de considérer ces malades comme des hallucinés moteurs.
L'activité exagérée et déréglée (en grande partie automatique) de leur langage-
oral, l'hyperphasie motrice, pourrait-on dire, est le phénomène primitif.
Secondairement interviennent des conceptions d'ordre interprétatif et imagi-
natif, auxquelles le malade accorde plus ou moins sa croyance. Parfois la
croyance est nulle ou consiste en une vague supposition : c'est le cas de cer-
tains maniaques qui ébauchent des idées d'influence, mais sans aller jusqu'au
délire. A l'opposé la croyance peut être absolue : c'est le cas des délires d'in-
fluence (qu'ils soient primitifs ou secondaires). Mme Big... ne laisse pas que
d'étonner, car en reproduisant la voix de l'adjudant et celle des treize autres
personnages qui se disputent son estomac, elle donne bien l'impression de
« jouer la comédie » et pourtant sa conviction délirante, en ce qui concerne
la réalité des personnes qui sont en elle, m'a paru irréfragable.
Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre des variétés que nous avons passées en
revue, le résultat est de donner au malade l'impression et la conviction qu'il
n'est plus le maître de sa pensée et de son langage et qu'il est victime d'une
influence ou d'une possession.
HALLUCINATIONS PSYCHO-MOTUCES GRAPHIQUES.

Comme pour les psycho-
motrices verbales, M. Séglas distingue trois cas suivants :
1° Que le malade se représente simplement les mouvements adaptés à l'écri-
ture.
2° Que le malade a la sensation que sa main exécute des mouvements
d'écriture :
3° Que le malade écrive réellement.
Je donnerai ici une observation personnelle qui est extrêmement curieuse..
On y trouvera les trois variétés d'hallucinations psycho-graphiques de M. Sé-
glas, ainsi que deux des trois types d'écriture automatique décrits par les spi-
rites.
Mme Juliette P..., quarante-quatre ans. Intelligente. Esprit vif. Ne s'est
jamais occupée de spiritisme avant le début des phénomènes. Aucun trouble
névropathique antérieur. Début soudain, le 10 mars 1920. « Ça m'a pris, dit-
elle, comme un coup de pied dans le derrière. » Brusquement après le
déjeuner, sans raison, elle se sent poussée à écrire. Elle écrit : « Oui, on en
veut à ton mari, mais ne te fais pas de mauvais sang. » Elle se sentait poussée
à écrire comme mue par une force étrangère. Elle croit qu'elle aurait pu
résister, mais elle avait la curiosité de savoir. Elle écrivait par saccades, d'une
écriture changée, haute, anguleuse et renversée. Elle a écrit quatre jours de
suite. Elle ne savait ce qu'elle écrivait qu'après, en se relisant. Elle a demandé
à l'esprit de signer et il a mis la signature de sa sœur (morte quelques années
avant). Dès ce moment elle écrit avec les habitudes de style de sa sœur, avec
ses expressions affectueuses et avec une écriture, sinon identique à celle de sa
sœur, du moins très semblable et en tout cas nettement différente de la sienne
propre. Elle a aussi reproduit l'écriture de son père. Elle écrivait jusqu'à en
avoir le bras fatigué.
Jusqu'ici, dans cette première phase, la malade réalise le phénomène de
l'impulsion graphique. Elle ignore ce qu'elle écrit. Elle n'a aucune voix inté-
rieure. Dans une deuxième phase elle entend intérieurement une voix au fur
et à mesure qu'elle écrit, syllabe par syllabe. Les deux phénomènes sont rigou-
reusement synchrones.
Dans une troisième phase elle entend intérieurement et sa main fait les
mouvements de l'écriture, sans toutefois écrire. Voici comment elle s'en est
aperçue : « J'étais assise dans le métro, j'ai entendu une voix dans ma tête etje
faisais des mouvements comme si j 'écrivais, ma main étant posée sur mes
genoux. Alors j'ai compris qu'il était inutile d'écrire et qu'il suffisaii d'en-
tendre. Alors (quatrième phase) j'ai entendu sans écrire..', c'est moins fati-
gant. » Ce phénomène est rigoureusement comparable à celui de l'hallucina-
tion psychique auditivo-motrice (orale) et mérite le nom d'hallucination psy-
chique auditivo-graphique.
Les spirites ont merveilleusement étudié ces écritures mécaniques et leurs
descriptions me paraissent tout à fait conformes aux données de la clinique.
Ils admettent trois groupes de médiums écrivains :
Les médiums mécaniques, chez lesquels la pensée suit l'acte de l'écriture
(première phase de notre malade);
Les médiums semi-mécaniqueschez lesquels la pensée accompagne l'acte de
l'écriture (deuxième et troisième phase de notre malade);
Les médiums intuitifs chez lesquels la pensée précède l'acte de l'écriture
(le médium écrivant sous la dictée de ses « voix ». Ce phénomène n'a pas été
réalisé par notre malade).
Mme Juliette P... a présenté par ailleurs presque tous les symptômes des
délires d'influence pseudo-hallucinations verbales auditives, conversation
:

mentale, activité automatique extrêmement développée, visions imaginaires,


hallucinations psychiques combinées (en même temps que l'esprit lui parle, il
se montre à elle; elle le voit les yeux fermés, comme il est habituel dans les
visions imaginaires ; il apparait alors en veston ou en habit, parfois en « Jésus-
Christ » avec une longe robe et une corde, et il lui parle). Elle n'est nullement
persécutée; son « Esprit » est un gai et gentil compagnon. Parfois même cela
devient tout à fait plaisant : « L'esprit et moi nous faisons une revue. Je ne
sais même pas ce que je dis. Il me souffle. Nous faisons le compère et la com-
mère. On s'amuse beaucoup ensemble. Pourtant, à la longue, c'est lassant et
j'en ai assez d'avoir tout le temps ma pensée prise. »
L'inspiration passive est un phénomène assez particulier au délire d'in-
fluence. Qu'ils entendent intérieurement, qu'ils parlent ou écrivent malgré
eux, les malades sont très souvent surpris par la qualité de leurs productions.
Tel malade qui a habituellement de la difficulté à s'exprimer, parle avec une
extraordinaire facilité; tel autre, qui se dit ignorant des règles de la prosodie,
compose des vers qu'il trouve charmants (r); celui-ci raconte des événements
qu'il ignore, il prophétise ou bien il décrit l'au-delà, celui-là, peintre en car-
rosserie qui charme ses loisirs à jouer de la flûte, entend une voix intérieure
qui lui souffle une langoureuse mélodie, en même temps qu'elle lui dicte ses
notes. Inspiration poétique, voix prophétiques, dictée musicale ne sont que
des variantes de cette inspiration passive.
b) Les représentations mentales. — LES VISIONS IMAGINAIRES. Contraire-
ment à l'opinion de Lévy-Darras, j'estime que les hallucinations psycho-sen-
sorielles vraies de la vue sont exceptionnelles ou même absentes dans les syn-
dromes d'influence. Sur plus de cent cinquante influencés je ne les ai jamais
rencontrées. Dans les cas où le caractère sensoriel, avec objectivité et locali-
sation dans l'espace, est bien marqué, il m'a paru s'agir toujours d 'illusions.
Une de mes influencées voyait dans le rond de clarté que faisait une lampe au
plafond, une grosse figure barbue. Une ombre aperçue dans la pièce voisine
était prise pour un esprit : « Il était grand, debout, il s est évanoui comme
une fumée. » Les phénomènes dits de matérialisation ne sont probablement
que des illusions de ce genre.
Très fréquentes au contraire sont les pseudo-hallucinations visuelles, que je
préfère appeler visions imaginaires. L'hallucination est alors dépourvue
:

d'objectivité spatiale; le sujet voit en lui-même, les yeux fermés ou les yeux
ouverts, mais le regard perdu dans le vague.
J'ai remarqué dans ces « visions imaginaires j deux caractères qui me
semblent importants : elles sont symboliques et animées : « C'est une image
vivante », dit sainte Thérèse, qui les a éprouvées.
Voici par exemple ce que nous dit une malade : « Je voyais toutes sortes
de choses en fermant les yeux. J'ai vu le diable avec ses cornes. Il était tout
habillé de rouge. Je le voyais très bien.., il taisait des mouvements de dents
et des grimaces. — J'ai vu Notre-Seigneur qui me présentait un pain avec ses
apôtres. Il avait une grande robe avec de grandes manches... il faisait un
mouvement pour me tendre le pain. »
Très fréquentes chez les influencés spirites et mystiques, ces « visions
imaginaires » s'observent aussi dans la variété érotomaniaque. Une de nos
érotomanes s'exprimait ainsi : « Dans la journée, dans ma chambre, étant
éveillée et regardant au loin, on aurait dit qu'il y avait un homme assis au loin
et avec qui je conversais. Ça durait bien dix minutes, un quart d'heure, mais
c'était tellement bizarre que je me demandais si ce n'était pas mon cerveau
qui faisait cela. Il me parlait et il me répondait tout à fait comme si nous
avions causé l'un à l'autre. » Et elle ajoute « Je le voyais e11 pensée, très dis-
:

tinctement, je voyais bien sa figure, ses yeux bleus très clairs. Il avait le genre
américain... tout rasé... le teint clair... les yeux bleus... très profonds comme
regard... assez grand... habillé d'un costume marron. »
Un malade de Sainte-Anne, grand psychasthénique ayant évolué vers le
délire d'influence, voyait apparaître spontanément l'image de sa maîtresse, en
même temps qu'il l'entendait fredonner des chansons.
Ainsi donc les « visions imaginaires ï sont un symptôme très fréquent dans
les délires d'influence. Il n'est pas sans intérêt de faire remarquer que les hal-
lucinations qui apparaissent à la suite d'obsessions : « les obsessions halluci-
natoires » ont ce même caractère symbolique. C'est un des nombreux symp-
tômes communs aux états d'obsession et aux états d'influence.
Ces phénomènes hallucinatoires et pseudo-hallucinatoires ont été merveil-
leusement décrits par les théologiens et l'on trouve déjà dans saint Augustin
une classification qui est aussi bonne —sinon plus complète—que la classifica-
tion actuelle des psychiatres. Les théologiens distinguent les « visions » des
mystiques en trois groupes.
1° Les visions oculaires ou corporelles, qui sont identiques à l'hallucination
vraie.
2° Les visions imaginaires qui ne sont autres que les pseudo-hallucinations.
3° Les visions intellectuelles qui ne paraissent pas avoir d'équivalents dans
la classification psychiatrique et dont pourtant j'ai observé des cas chez
certaines influencées.
La vision intellectuelle est une connaissance surnaturelle, qui se produit
par une simple vue de l'intelligence, sans impression ou image sensible. La
« vision intellectuelle » est donc dépourvue de tout caractère sensoriel. Voici
comment s'exprime sainte Thérèse : « On ne voit rien, ni intérieurement,
ni extérieurement, parce que la vision n'est point « imaginaire », mais l'âme,
sans rien voir, conçoit l'objet, sent de quel côté il est, plus clairement que si
elle le voyait. C'est... ajoute sainte Thérèse... comme si, dans l'obscurité, on
sentait quelqu'un auprès de soi : quoiqu'on ne pût pas le voir, on ne laisse-
rait pas pour cela d'être sûr de sa présence. »
L'une de mes malades disait : « Je sens quelque chose qui est derrière
moi.-C'est l'esprit qui se tient près de moi. » — Une autre : « L'esprit est
dans mon ambiance. » — Une- psychasthénique avec syndrome d'influence
et qui avait été abandonnée par son mari, disait : « Parfois, dans la journée,
j'ai la sensation que mon mari est là. Il me semble qu'il est près de moi,
mais je ne le vois pas en réalité. » Une érotomaniaque influencée me
disait : Je sens qu'il est là. Je devine sa-présence autour de moi. Je la sens >
II:

Et cette malade, se trouvant à la campagne, passait son temps à chercher


celui qu'elle aimait, fouillant tous les buissons. Dans le service, elle ouvrait
les portes, les placards, regardait sous les tables, tant elle était assurée de
cette présence, et cela sans qu'il y ait d'hallucinations pouvant l'induire
en erreur. De tels phénomènes n'ont rien d'hallucinatoire, ils sont même
très peu intellectuels, ils sont surtout affectifs. Si je les ai cités ici, c'est uni-
quement pour montrer l'analogie qui existe entre les phénomènes éprouvés
par les mystiques et ceux que ressentent les influencés de la variété spirite,
mystique et érotomaniaque. Ce que les « mystiques chrétiens » appellent
« vision intellectuelle» mérite d'être appelé en langage psychiatrique: le senti-
ment de présence.
Les HALLUCINATIONS OLFACTIVES, tout à fait épisodiques d'ailleurs, pré-
sentent également le caractère d'être symboliques. Odeurs de soufre, de
rôti, chez les démonopathes, odeurs d'encens chez les mystiques, odeurs
rappelant les parfums favoris de l'objet aimé chez les érotomanes : « Je sens,
dit l'une d'elles, des violettes, des roses, un parfum printanier. Ce sont les
odeurs qui lui sont personnelles. »
A titre d'exceptionnelle curiosité que je n'ai vue mentionnée nulle part
et que j'ai constatée une seule fois, je citerai les OLFACTIONS IMAGINAIRES qui
sont à l'hallucination olfactive ce que la a vision imaginaire » est à l'halluci-
nation visuelle. La phrase suivante ne laisse aucun doute sur la réalité du
phénomène : « J'ai senti l'odeur de l'œillet, mais c'était plutôt en imagina-
a:

tion ». C'est une odeur que j'avais dans la tête. Ce n'est pas comme une odeur
que l'on respire dans l'air. » (A suivre).
PSYCHOPATHOLOGIE ET PATHOLOGIE GÉNÉRALE1

PAR
A. MAEDER
(Zurich)

INTRODUCTION : CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES

L'étude scientifique de l'homme est aujourd'hui répartie en plusieurs


disciplines : morphologie, physiologie, psychologie et sociologie qui,
toutes, explorent le même objet, mais l'examinent sous divers aspects,
expressions d'une nécessité intérieure du développement, d'une diffé-
renciation naturelle de la science. Le caractère essentiellement ana-
lytique de ces disciplines risque de nous faire perdre de vue Y unité de
leur objet, soit de l'homme comme tel. Un mouvement d'orientation
synthétique s'impose, afin que la science réalise une appréhension inté-
grale de son objet. Nous chercherons dans ce travail à englober les faits
pathologiques qui ressortissent au plan physique et au plan moral, en
partant de l'existence de deux disciplines autonomes, de la biologie et
de la psychologie, car, méthodologiquement parlant, ces dernières ne
doivent pas être mêlées l'une à l'autre comme on l'a fait souvent. Ne
mit-on pas en rapport le phénomène de l'association des idées avec la
structure du cerveau (fibres associatives) et la conscience avec une fonc-
tion de son écorce? C'était retomber dans l'erreur du physicien et du
chimiste, qui voulaient expliquer le processus vital en restant dans la
physique et dans la chimie et qui se refusaient à reconnaître la diffé-
rence qui existe entre les phénomènes organiques et anorganiques,
conception purement mécanique de la vie dont la faillite est aujourd'hui
avérée. De même le chercheur à orientation biologique avait cru pou-
voir saisir les phénomènes psychologiques à l'aide de concepts purement
biologiques. L'autonomie du psychisme n'était pas suffisamment recon-
nue : or, en méthodologie, la psychologie doit être absolument indépen-
dante de la biologie, comme la biologie elle-même l'est des sciences
naturelles d'ordre anorganique.
L'étude scientifique de l'homme se poursuit dans deux directions

i. Conférence faite à la Société suisse de psychiatrie le 25 novembre IQ23,


à Zurich.
différentes : appliquer les conceptions d'une discipline à l'autre est une
faute de méthode. L'homme lui-même, l'objet de cette recherche scien-
tifique, est unité, et la simple somme des résultats particuliers des
branches spéciales dela science ne saurait nous en donner une idée inté-
grale. Il faut donc gagner un point de vue nouveau pour embrasser
simultanément les divers domaines et établir leur vrai rapport sytithé-
tiqzte.
Actuellement ce processus est en voie de réalisation : la séparation
si longtemps tranchée entre les considérations morphologiques et
physiologiques (soit anatomiques et fonctionnelles) fait insensiblement
place à une vue plus large, plus globale des choses. Rappelons, par
exemple, l'enrichissement de la pathologie générale, restée pendant long-
temps pathologie cellulaire, et qui est en train d'absorber la pathologie
humorale : plus vaste encore la tentative de Monakow dans sa Biologie
du monde des instincts, où il applique des considérationsanatomiques et
embryologiques, physiologiques, pathologiques, psychiques et cliniques
à l'étude de l'instinct.
Mais nous retournons à notre affirmationpremière : la nécessité de réa-
liser en nous la conscience de l'unité de l'homme. Un des obstacles qui
nous arrêtent git dans notre propre point de vue : nous avons oublié que
la distinction entre le subjectif et l'objectif, le physique et le moral, la
structure et la fonction est toute relative : elle n'est que l'expression d'une
opération analytique de la fonction de connaissance qui nous est propre.
Elle ne gît pas dans la nature des choses mêmes. C'est à nous de tendre
à l'unification, à la synthèse des résultats obtenus. Nous n'y réussirons
que gràce à une attitude nouvelle. L'orientation de notre pensée scien-
tifique est unilatérale, purement intellectuelle, analytique et causale. Or,
nous l'avons décrétée seule correcte et valable : l'affirmation n'est néan-
moins que partiellement juste et regrettablement dogmatique. Il existe
une autre forme de la pensée, qui doit être cultivée aussi : c'est la
pensée d'orientation synthétique, intuitive et finale. Cette forme doit
subir une différenciation, que la première a déjà réalisée. Mais pour
cela il nous la faut reconnaître et adopter. Par la pensée analytique et
intellectuelle nous saisissons les différences individuelles, ce qui sépare :
parla pensée intuitive, les éléments communs, ce qui unifie. La « psycho-
logie en profondeur » (Tiefenpsychologie-Psychoanalyse) use de ces
deux formes de la pensée. Rappelons, par exemple, la conception freu-
dique de la conversion, qui permet de suivre la transformation de l'émo-
tion en excitation corporelle, la conception de la libido selon Freud et
selon Jung, ou la hormè de Monakow ; ce sont des étapes sur cette voie..
Dans ce travail nous nous occupons essentiellement, au point de
vue synthétique, de pathologie générale et de psychopathologie. Il y a
quelque vingt ans nous possédions deux pathologies générales, l'une
reliée à l'anatomie pathologique, l'autre à la clinique, interne et externe-
L'apparition de la première physiologie pathologique (du professeur
Krehl, de Heidelberg) fut un premier pas dans la direction de la syn-
thèse. Depuis lors, plus d'une passerelle fut jetée pour relier les deux
rives. Cependant il n'existe toujours pas, que je sache, d'ouvrage qui
embrasse tout le domaine et nous ne possédons même pas les éléments
d'une pathologie générale qui comprenne les phénomènes anatomiques,
physiologiques et psychiques,dans leur ordre hiérarchique. Il n'existe
malheureusement guère de collaboration entre les représentants des
différentes disciplines. L'histoire de la maladie de Basedow, où psycho-
neurologue, médecin interne et chirurgien travaillent chacun pour soi,
en est une illustration remarquable. L'accès de sa pathogenèse n'est
vraisemblablement possible que par l'étude coordonnée des phénomènes
du système nerveux sympathique (y compris la sécrétion interne) et de
l'affectivité (excitation génésique, peur). Tant que nous n'aurons pas de
médecins dont le savoir embrasse et la psychologie et la biologie, il
serait nécessaire que les spécialistes de chacune de ces branches tra-
vaillent en collaboration, dans un esprit commun. Alors une vue syn-
thétique se dessinerait, qui ouvrirait la voie à la thérapie. La spéciali-
sation outrée produit une sorte de déformation psychique : l'intérêt
général du médecin se rétrécit. Un rôle fâcheux revient encore à certain
trait caractéristique de notre temps : nous voulons parler de l'instinct
de puissance, qui influence aussi la psyché du savant, si froid et si
objectif fût-il en apparence. Son attitude envers l'objet de ses recherches
s'en ressent et son rapport avec ses collègues en est troublé. Or le res-
pect réciproque, le sentiment de solidarité imposé par la tâche commune
sont des conditions humainement nécessaires pour que le travail syn-
thétique puisse porter ses fruits. Séparer l'homme de la science, comme
nous nous plaisons fréquemment à le faire, est chose impossible.
Nous abordons les rapports de la médecine et de la psychologie.
Chacun connaît des cas où une affection corporelle grave (pneumonie,
tuberculose, ulcère de l'estomac, etc.) se déclare au milieu d'un grave
conflit moral. Le médecin considère généralement cette maladie comme
purement corporelle et donne au conflit moral qui a précédé la valeur
d'un adjuvant, d'une cause occasionnelle. Examinons de plus près une
affection de ce genre :
Une jeune fille réservée et timide, mais de nature délicate et pro-
fonde, tombe amoureuse d'un homme de qualités brillantes, plein de
verve, de tempérament passionné et très mondain. Elle se donne à lui,
croyant à son honneur et à la vérité de son sentiment. Mais elle s'aper-
çoit bientôt que l'amour n'est pour lui que conyoitise sexuelle : il
devient vite indifférent et finit par l'abandonner sans se soucier de la
blessure qu'il lui inflige. Elle se sent trompée, polluée, mais elle l'aime
toujours et cherche de loin à le comprendre et à l'excuser; au fond du
cœur, elle hait sa fausseté et son dévergondage, mais se défend contre
cette haine qu'elle s'efforce d'enfouir sous l'amour qui subsiste toujours :
elle n'ose se confier à personne et se renferme entièrement en elle-même.
Peu à peu une modification profonde de son être s'accomplit, elle com-
mence à se tourmenter d'amers reproches : sa haine se détourne lente-
ment de son amant pour revenir sur elle-même ; incessamment obsédée
par une impitoyable autocritique destructive, elle se perd toujours
davantage dans une sourde négation de la vie. Sa foi dans la vie, dans
les hommes, est sapée à sa base, sans qu'aucun trouble extérieur ne se
manifeste. L'état devient chronique. Un beau jour, elle prend froid i
catarrhe des bronches rebelle, qui évolue vers la tuberculose.
Ni cure d'altitude, ni cure de repos, ni traitement médicamenteux
n'agissent. Le cas reste stationnaire. Nous voyons ici, sous forme d'une
haine latente, un agent destructif, émanant du grave conflit moral resté
sans solution ; retirée de son objet primordial (l'amant), cette haine se
dirige contre le sujet lui-même : son effet se manifeste d'abord dans le
plan psychique, comme dépression, obsession, auto-négation et pour
finir, méfiance et haine de la vie : ensuite elle réussit.à passer dans le
plan physique. Une aspiration à la mort s'éveille; qui tend à la désagré-
gation à la fois physique et morale, volonté autodestructive qui mine
lentement la constitution générale.
Le diagnostic classique serait : tuberculose avec troubles moraux
comme facteur prédisposant. L'intérêt se concentre exclusivement sur
l'agent infectieux (contagion par bacille de Koch) et le reste s'y subor-
donne. Mais est-ce bien la seule, la véritable interprétation du cas?
Il me semble que non, d'autant plus que la malade n'a pas raconté
un mot de son histoire intime à ses médecins : elle fit simplement allu-
sion à « un chagrin » qu'elle aurait eu. Faut-il respecter son silence ou
avons-nous le devoir d'explorer son état psychique? C'est là, croyons-
nous, la condition sine qua non pour nous faire saisir sur le vif l'essen-
tiel du cas. Car l' agent destructif issu du conflit moral est ici élément
pathogénique primordial et déterminant ; le rôle de Y infect ion n'est que
secondaire. Le succès même dela cure psycho-thérapique en témoigne :
la guérison du processus tuberculeux ne commença qu'avec le moment
où la malade surmonta sa haine et se réconcilia avec la vie.
Cette interprétation heurte la pensée médicale qui nous est coutu-
mière : de par l'attitude prise une fois pour toutes, nous ne voyons que
les causes exogènes; nous ne sommes habitués à diagnostiquer que les
troubles anatomiques ou physiologiques; le facteur psychique nous
reste encore invisible et insaisissable, ainsi que l'étaient les bactéries
pour Virchow au temps où Semmelweiss soutenait contre lui la thèse de
l'origine infectieuse de la fièvre puerpérale. N'est-ce peut-être pas notre
positivisme qui nous borne l'horizon et nous rend insensibles aux pro-
cessus plus subtils ? Nous reviendrons en détail, au cours de ce travail,
sur la question de l'agent destructif : c'est maintenant le passage des
phénomènes psychiques aux phénomènes physiques qui exige notre
attention.
La sensation comme fonction psychologique paraît avoir une impor-
tance particulière en qualité d'intermédiaire entre les phénomènes
psychologiques et physiologiques. En effet, le type dit sensitif (qui,
selon la définition de Jung, aurait la sensation pour fonction fondamen-
tale et adaptative) semble posséder à un haut degré la tendance de dériver
les conflits psychiques dans le plan physique. La localisation du pro-
cessus se fait selon une détermination fort précise. La transformation
(soit le transvasement) de cette onde d'excitation d'un plan dans l'autre
est encore bien énigmatique. On constate des troubles du système ner-
veux sympathique : tonus, irritabilité, circulation, nutrition, sécrétion
(plus particulièrement interne). Ils sont non seulement fonctionnels :
vraisemblablement il s'en produit également de purement organiques 4,
surtout s'il s'agit d'une certaine qualité d'excitation à orientation destruc-
tive. Ce facteur paraît avoir une très grande importance dans l'étiologie
de beaucoup d'ulcères de l'estomac, où l'on réussit à découvrir des
affekrs refoulés depuis des années, de nature destructive tout à fait spé-
cifique, mais parfaitement inconscients au malade lui-même. Pour lui,
tout semble tourner autour de son estomac et des symptômes qui en
découlent : il nie obstinément son conflit, au médecin et à lui-mème.
Un intérêt assidu et une sympathie intelligente peuvent seuls l'amener à
reconnaître et à élaborer sa situation psychique. C'est au suc stomacal
ou à quelque autre ferment autolytique qu'est dévolu ici le rôle d'agent
destructif (comme au bacille de Koch dans le cas cité plus haut). On
comprendra sans peine que la simple constatation de l'agent destructif ne
saurait suffire au point de vue thérapeutique. Le médecin doit acquérir
la connaissance de ces problèmes, qui lui permettra de lutter avec effi-
cacité contre l'agent destructif et de guider la lutte du malade.
Reste maintenant à parler d'un mélange spécifique de phénomènes
physiques et psychiques qui demande une attention particulière. Le
cours des alfections physiqueschroniques se complique par l'intervention
secondaire de facteurs psychiques : d'abord subtile et insaisissable,
1. Voici un exemple de trouble purement fonctionnel : une jeune femme
divorcée souffre, depuis sa dernière menstruation, il y a trois semaines, d'une
ménorrhagiedont elle ne peut trouver la raison : auparavant son état physique
était parfaitement satisfaisant. L'analyse d'un rêve fait découvrir une excita-
tion sexuelle des plus intensives qui avait échappé au contrôle vigilant de la
conscience et de son self-control. Ce n'est pas le lieu d'expliquer la chose plus
en détail. Il suffit de savoir que, l'excitation devenue consciente par l'analyse,
la ménorrhagie s'arrêta sur l'heure : la menstruation suivante fut parfaite-
ment normale. Mais à la place du symptôme physique supprimé, l'excitation
sexuelle devint consciente. La jeune femme eut donc à faire face à une
tâche nouvelle : surmonter cette excitation, l'élaborer, pour la sublimer sans
tomber dans le refoulement, ce qui nécessite un travail qu'un traitement
psychothérapeutique bien compris doit faciliter.
elle reste souvent inconsciente au malade lui-même et inobservée de
son entourage (le médecin y compris). C'est une mobilisation de
complexus psychiques qui s'accomplit dans le courant de la maladie :
une foule de facteurs inhibiteurs et négatifs se manifestent et s'organisent
lentement autour du processus morbide purement physique, y prennent
part, renforçant la désagrégation et débilitant les tendances de défense
et de guérison. Freud parle defuite dans la maladie : l'idée s'applique
non seulement aux psycho-névroses et aux névroses traumatiques, mais
aussi aux maladies organiques. C'est une régression psychique du
malade à une attitude infantile. Quelque chose en lui profite de la situa-
tion de malade organique, soit pour se soustraire au devoir, soit pour
s'assurer à bon marché une position privilégiée à l'égard de son entou-
rage. Le médecin n'a plus seulement affaire à l'insuffisance cardiaque
ou à la paraplégie, mais à toutes les puissances négatives de l'incon-
scient du malade. Tout ce que -ce dernier garde en lui de primitif, de
négatif, tout ce qui a été refoulé ou n'est pas encore assimilé et intégré
dans le psychisme, tout cela s'organise en une redoutable puissance plus
ou moins invisible qui s'allie au mal physique.
L'impuissance relative de la thérapie des affections physiques chro-
niques dépend en grande partie de cet ordre de choses. Ce qu'il faut
avant tout surmonter ici, c'est le puissant refoulement dont le malade
use envers son conflit, par lequel il dresse une haute barrière entre le
médecin et lui. Ses moyens de défense sont souvent de camouflage raf-
finé. Un entraînement psycho thérapeutique spécial du médecin s'impose
ici, pour lequel ce dernier n'est guère préparé. C'est une des raisons
pour lesquelles le public moderne prête une confiance toujours moindre
au médecin et va chercher secours ailleurs. Le seul moyen efficace de
combattre le charlatanisme consiste à saisir la tâche thérapeutique dans
toute son ampleur, ce qui nécessite une meilleure préparation des
médecins. C'est là une question de principe que nous avons le devoir de
méditer sérieusement : question de notre attitude scientifique envers
l'objet de notre étude, envers l'homme, comme une unité, et de notre
outillage méthodologique et technique.
Pour une autre raison d'ordre extra-médical, cette question théorique
de la connaissance (attitude intégrale envers l'homme considéré comme
unité) est importante : nous voulons parler des phénomènes para-
psychiques que la science soumet aujourd'hui à une recherche toujours
plus exacte. Les observations sur les médiums (lévitation et matérialisa-
tion), sur les yoghis hindous et les derviches orientaux — nous écartons
dès l'abord les si nombreux subterfuges conscients et inconscients —
nous obligent à gagner un point de vue nouveau, à rompre le cadre des
formes de notre pensée biologique et psychologique. Des corrélations
nouvelles entre le plan physique et psychique semblent en résulter, qui
existent à côté des autres, jusqu'à présent seules connues et généralement
cceptées. Nous n'irons pas de l'avant en continuant à nier obstinément
et passionnément ou en nous contentant d'une critique objective :
seul,
l'intérêt éclairé et intelligent pourra nous aider.
Autrement passionnant encore, pour nous autres médecins, sont les
médi-
processus de guérison qui se produisent en dehors de notre sphère
cale, au sein de certains mouvements sociaux et religieux (Christian
Science, théosophie, miracles religieux dans les endroits de pèlerinage,
etc.). Leur explication dite scientifique, généralement en vogue, est par-
faitement insuffisante. Toute affection guérie, pour elle, est psycho-
névrose : la guérison même serait le résultat d'une simple suggestion ou
autosuggestion. Avant que l'on puisse élucider des phénomènes aussi
compliqués, qu^dépendent du concours de facteurs physiques, psy-
chiques, sociaux et religieux, il faudrait se tourner vers le problème
si ardu du développement spirituel au sens profond et véritable du
mot. Par l'intériorisation,qui est une différenciation et une hiérarchi-
sation des fonctions psychiques grâce à une discipline de l être tout
entier, de nouveaux rapports, de nouveaux échanges entre le physique
et le moral deviennent possibles et s'établissent, dont nous ne pouvons
encore apprécier la fécondité thérapeutique. C'est une nouvelle Amé-
rique à découvrir.

PSYCHOPATHOLOGIE ET PATHOLOGIE GÉNÉRALE

Essayons maintenant d'appliquer les points de vue énoncés plus


haut à quelques problèmes essentiels de la psychopathologie et de la
pathologie générale. Nous allons d'abord décrire les faits observés,
pour passer ensuite aux idées directrices.
Distinguons ici :
A. Les métamorphoses régressives et les néoformations comme effets
de l'agent destructif.
B. Les phénomènes de défense et l'essai de restitution comme réaction
de l'organisme et effet de l'agent créatif.

MÉTAMORPHOSES RÉGRESSIVES ET NÉOFORMATIONS (PARAPHÉNOMENES)

Examinons un état de dépression mélancolique : la situation est


dominée par un sentiment pathologique de tristesse et de culpabilité,
qui peut aller jusqu'au désespoir, le tout plus ou moins mêlé de
crainte. Les autres sentiments sont presque totalement inhibés. L'in-
hibition semble résulter d'une lutte contre tous les sentiments positifs.
Cette lutte s'étend même au dehors du sujet, jusqu'aux sentiments
positifs, optimistes des gens de l'entourage, qui finissent eux-mêmes
par souffrir du malade. L'inhibition s'étend également à la pensée,
qui devient monoïdéique ; à la sensation (sensation de dépérir, d'être
mort); à la volonté (aboulie). Elle pénètre jusque dans le plan phy-
sique, elle s'attaque à l'innervation (constipation grave, hypofonction
du tractus stomaco-intestinal (motilité et sécrétion), troubles de la
nutrition et de la circulation, etc ). Le malade exerce une influence incon-
sciente et suggestive sur son entourage qu'il opprime ou excite violem-
ment à la contradiction. Nous voyons ici la forme larvée d'une activité
purement négative : envers lui-méme, envers la vie, le mélancolique
fait preuve de nihilisme systématique. Sous les sentiments de dépression
anxieuse se cache une volonté de se détruire, de détruire, une haine
aveugle, inconsciente, que l'analyse seule permet de découvrir, et que
la tendance générale au suicide des mélancoliques confirme pleinement.
Chaque psychiatre connaît le raffinement et le froid calcul propres à
ces malades, lorsqu'ils sont dominés par cette tendance. Résumons-
nous : la personnalité consciente du mélancolique est tombée sous
l'empire d'une puissance destructive (d'ordre psychique); elle s'y est,
pour ainsi dire, livrée. C'est cet état passif de dépression qui détermine
le sentiment intensif de culpabilité si caractéristique de cette affection
mentale. Nous appelons-cet agent psychique d'ordre extra-individuel et
endogène agent destructif.
Cet agent destructif doit être recherché dans d'autres phéno-
mènes psychiques. Constatons dès d'abord qu'il ne s'agit pas d'un affekt
personnel issu d'une stase ou d'un simple conflit. Son caractère, au
contraire, est tout à fait impersonnel : son ingérence dans l'activité
psychique déclenche une grave désagrégation. Son contact avec la
sensation, par exemple, provoque la formation de peurs hypocon-
driaques parfois absurdes, mais toujours inquiétantes ;la pensée devient
rumination, critique destructive, doute systématique (cas graves de
psychasténie et de schizophrénie). Un rôle essentiellement dynamique
lui revient dans le mécanisme des phobies et de l'obsession, symptômes
connus pour leur rénitence : sous son influence, certaines poussées
instinctives sont perverties (sadisme, mc-phinisme, cocaïnisme). On
observe en outre dans sa symptomatologic ^es violences insensées, des
tendances autodestructives ou criminelles — phénomènes de métamor-
phose régressive qu'on définira d'une façon générale comme dégradation
de la personnalité.
L'anatomie pathologique connaît, de son côté, la métamorphose
régressive et la dégénérescence des tissus qui est un phénomène parallèle.
Nous avons affaire à un facteur tout à fait élémentaire dont l'influence se
manifeste dans tous les graves phénomènes morbides. Sa nature endo-
gène demande encore à être étudiée de près.
En étudiant la vie normale, nous y rencontrons, dans les plans psy-
chique et physique, des processus constructifs et destructifs qui se
déroulent selon une coordination précise bien que peu connue. Dans
l'enfance l'élément constructif l'emporte encore sur l'élément destructif;
dans la vieillesse, c'est le contraire. Le chimisme biologique est dominé
par le couple d'oppositions : assimilation et désassimilation (ana- et
catabolisme). Si nous passons au plan psychique, nous y trouvons
l'ambivalence des phénomènes primordiaux : la formation typique des
couples d'opposés qui régissent une phase entière de l'individuation,
l'évolution psychique dont Gœthe donne une excellente image par
son « Stirb und werde » (meurs et renais). La vie même est incon-
cevable sans la collaboration de l'élément constructif et destructif.
Certains troubles de la structure et de l'activité de l'organisme nous
mettent en présence particulièrement immédiate de l'un ou de l'autre
des deux agents en question. Ainsi nous réalisons le côté destructif
contenu dans la fonction digestive en étudiant la genèse de l'ulcère de
l'estomac, mais reconnaissons que, dans la fonction digestive, l'action
destructive est orientée utilement. Dans certaines circonstances, les fer-
ments autolytiques contenus dans les cellules sont activés : dans la
métamorphose des insectes, par exemple, ce sont eux qui déterminent
la dissolution du tractus stomaco-intestinal de la chenille, qui, ayant
perdu son importance, subit une autolyse pour faire place aux organes
sexuels caractéristiques du stade de l'insecte parfait. Cette autolyse est
le produit d'un agent destructif « dirigé » (gerichtet). Dans l'enfance
de l'homme, l'atrophie du thymus est un phénomène analogue. Il n'y
a rien de mystérieux dans l'existence de cet agent destructif : nous arri-
vons toujours davantage à la conviction qu'il s'agit d'un facteur vital
d'ordre élémentaire1.
Il existerait, par conséquent, dans la vie normale une coordination
déterminée des processus constructif et destructif; l'étude des phéno-
mènes de défense sera un auxiliaire précieux pour élucider la question.
La défense nous est connue par la pathologie : elle agit fort probable-
ment aussi à l'état normal (bien qu'inconsciemment), comme fonction
de protection contre l'agent destructif, qu'elle maintient par là dans des
limites appropriées. Dans le processus morbide se produirait soit
l'affaiblissement de l'appareil de défense, soit une intensification de
l'activité destructive, soit les deux ensemble. Cette conception est fondée
sur nos analyses approfondies de graves psycho-névroses et psychoses.
Il est impossible, vu le cadre de ce travail, de communiquer en détail

i. Le point de vue ne pourrait-il éclairer d'un jour nouveau le problème


des tumeurs malignes? Le déchainement de la croissance des tissus qui a lieu
dans le sarcome ou dans le carcinome est de caractère absolument destructif.
La question ne peut se résoudre que par l'examen minutieux et approfondi
d'un grand nombre de cas particuliers, sans jamais perdre de vue le psycho-
dynamisme (comme pour le cas de tuberculose cité plus haut). Les inlas-
sables recherches de l'origine infectieuse supposée de ces néoplasmes semblent
ne pas vouloir aboutir. L'horizon où on les enferme est évidemment beaucoup
trop étroit. -
les faits qui nous servent de base; nous nous contentons d'en indi-
quer les idées directrices.
Reste à dire quelques mots sur l'emploi en pathologie des trois
préfixes : hyper, hypo et para. Hyper se rapporte à l'intensifica-
tion d'un état ou d'une fonction, tels l'état affectif et l'association d'idées
(Ideenflucht) dans la manie; (parallèle biologique : hypertrophie des
muscles cardiaques, hypertonie du système artériel, artériosclérose).
Hypo indique la diminution d'un état ou d'une fonction, tels l'état
affectif de dépression, le ralentissement de la faculté associative. Para
veut dire à côté, contre — le terme s'applique aux néoformations et aux
métamorphoses régressives. Les hyper- et hypophénomènes sont donc
des modifications quantitatives du normal ; le paraphènomène en est une
modification qualitative — effet d'un nouveau et redoutable élément
destructif, de l' agent destructif lui-même. Systèmes délirants, idées
obsédantes, phobies, sont des néoformations typiques, parallèles aux
tumeurs et néoplasmes de l'anatomie pathologique. Rumination, manie
du doute, états d'hypochondrie sont des phénomènes de métamorphose
régressive (comparables aux métamorphoses régressives et à la dégéné-
rescence des tissus); ils sont l'expression d'une désagrégation.

PHÉNOMÈNES ET FONCTIONS DE DÉFENSE

Il est d'observation courante qu'un complexus à fort coefficient


émotif, inassimilable pour le moi conscient, est expulsé du champ de
la conscience par un acte volitionnel ou automatique. Un tel complexus
est maintenu par force sous le seuil de la conscience et est, par là même,
isolé, exclu de la vie consciente. Il s'agit du refoulement (Freud), qui
est un phénomène de défense1. Le processus, normal en soi, est parfai-
tement justifié tant qu'il reste provisoire. Son danger commence avec la
fixation, soit lorsque le conscient se dérobe avec persistance à l'examen
d'une expérience vécue qu'il devrait soumettre à la critique et élaborer
pour en assimiler certains éléments.
L'attitude d'indifférence (sorte d'anesthésie sans éclipse de la con-
science) quelquefois adoptée par la psyché pour se soustraire à une
impression de trop grande intensité est un autre moyen de défense.
L'entêtement (Trotz), le négativisme même deviennent, dans certaines
circonstances, moyens de défense et d'isolation. Le psychologue connaît
aussi, chez certains animaux, l'attitude de « faire le mort » ou l'automu-
tilation d'un segment de membre pour faciliter la fuite.
1. Dans tous les cas psychogènes d'impuissance sexuelle de l'homme ou
d'anesthésie sexuelle de la femme que j'ai observés et traités ces dernières
années, j'ai invariablement constaté comme facteur efficace une défense
psychique (mesure de-protection) contre une sexualité hypertrophiée ou per-
vertie, sous forme soit de refoulement de l'excitation actuelle, soit d'inhi-
bition statique d'une sexualité encore latente.
De tous ces phénomènes (et d'autres encore qui leur sont parents)
nous dérivons une fonction (ou tout un groupe de fonctions) de défense
et de protection. Monakow en a reconnu la forme biologique et psycho-
logique la plus générale et lui donne le nom d'ecclisis.
La réaction de l'organisme à toute lésion débute par la défense, qui
est un essai de combattre l'agent nocif, de le détruire si possible et
d'enrayer le processus déclenché. Le phénomène se complique par la
tendance de l'organisme à supprimer les suites de la destruction par
un effort de restitution, expression d'une qualité caractéristique de la
vie organique, fait fondamental de l'autonomie vitale (H. Driesch).
L'activité de l'organisme se concentre sur la défense ; les formes
habituelles de l'activité sont momentanément reléguées à l'arrière-plan.
Une forme de défense psychique est caractérisée par la résistance, sorte
de contre-offensivedirigée contre l'agent destructif (comme agent nocif
endogène par excellence). Nous l'appelons la fonction alexique (la
théorie de l'immunité admet l'existence d'alexines formées dans la lutte
contre les toxines). L'examen psychologique de la vie des saints et des
mystiques de toutes les religions illustre clairement cette fonction
alexique. Ces hommes ont su tenir tête (avec plus de succès que les
aliénés de nos jours) au choc des forces destructives qu'ils personni-
fiaient sous les traits de diables et de démons. La fonction alexique joue
un grand rôle dans cette lutte qui fait partie de l'intégration de la per-
sonnalité religieuse.
Une autre forme de défense est la fonction lytique (lysis = dissolu-
tion) : elle assume la dissolution des vues, attitudes, conceptions, rela-
tions et systèmes reconnus faux et désuets. Citons l'idée du sacrifice
dont l'importance religieuse est si grande. Psychologiquementparlant,
sacrifier veut dire abolir la puissance prédominante d'un instinct,
renoncer à une attitude unilatéralement volitionnelle ou intellectuelle,
surmonter la fixation infantile au père, enfin désagréger un système
délirant. Le côté intellectuel de la fonction lytique est la saine critique;
son côté émotif (mais sous forme encore non différenciée et primitive)
est le remords, le regret, le repentir. Inutile de dire qu'il s'agit ici d'une
considération purement psychologique de ces phénomènes, qui peuvent
(et doivent) aussi être envisagés du point de vue éthique ou reli-
gieux. Tout le groupe des fonctions de la défense appartient au système
des régulations psychiques.
Une courte comparaison biologique s'impose ici : trois groupes de
phénomènes dominent aujourd'hui la pathologie générale : l' inflam-
mation^ la fièvi-e, et l' immunité — tous considérés comme processus de
défense et de guérison. Nous ne citerons que : la limite de démarcation
dans la nécrose ; la formation du mur de leucocytes autour du foyer
inflammatoire (soit son enkystement, qui peut aller jusqu'à la calcifica-
tion) ; la formation des antitoxines pour neutraliser les toxines (alexine,
bactériolysiner etc.); l'activité des cellules lymphatiques dans. la phago-
cytose (absorption des corps étrangers, tels que bactéries, etc.); les
cellules géantes des tubercules et leur activité dissolvante. Rappelons
encore l'organisation du thrombus, qui non seulement facilite la résorp-
tion du coagulum mais écarte en même temps le danger de l'embolie ;
l'hypertrophie des granulations, formant paroi impénétrable à l'irrup-
tion des bactéries dans l'organisme, etc. Nous retrouvons la fonction
lytique et alexique de la psychopathologie dans la conception moderne
de la fièvre comme phénomène de défense.
L'hypertrophie des tissus dans la granulation des blessures (dont
nous venons de parler) et la production de l'état d'immunité permanente
permettent de reconnaître l'existence d'un autre facteur qui dépasse la
défense : ils nous font penser à la restitution et à la guérison — soit au
développement nouveau que la crise peut inaugurer.

PROCESSUS DE RESTITUTION ET DE GUÉRISON. FONCTION D'AUTO-


GUÉRISON ET INTÉGRATION DE LA PERSONNALITÉ

L'essai en restitution fait suite à la résistance et à la dissolution. La


guérison d'une blessure consiste en la réparation de la structure (forma-
tion de nouveaux tissus) et de la fonction de la partie lésée; on parle
de restitutio partialis ou de restitutio ad integrurn, selon que la guérison
est partielle (cicatrice ou perte fonctionnelle),ou intégrale. Le processus
de régénération, plus spécialement étudié chez les animaux inférieurs
par la biologie expérimentale, lui est parent, de même que la production
de l'immunité passagère ou durable dans la physio-pathologie. Toute-
fois ce n'est pas restitution pure et simple (soit guérison de la maladie
infectieuse en question), car l'organisme crée ici une qualité nouvelle,
l'immunité, dont la durée dépasse celle de la maladie; c'est donc un
enrichissement, un état nouveau qui se produit. L'affermissement de la
santé que l'on constate souvent chez des enfants qui ont surmonté avec
succès une des maladies typiques de leur âge appartient à la même caté-
gorie de faits. Il s'agit d'un nouvel état.
Trop peu d'attention a été accordée jusqu'ici au phénomène de la
restitution et à sa théorie. L'idée d'un instinct de guérison existait dans
la médecine antique : mais comme elle était imbue de mysticisme reli-
gieux, il fallut l'abandonner. La médecine contemporaine n'en possède
pas encore un équivalent. Les poussées instinctives de guérison existent
néanmoins, tout comme les poussées instinctives de défense (refoule-
ment, etc.). Nous avons déjà parlé plus haut de la différenciation de ses
poussées qui contribue à la formation de la fonction de défense propre-
ment dite. Quelque chose d'analogue a lieu dans la guérison. Voyons la
chose de plus près : les cas les plus favorables à l'examen du processus
de guérison sont incontestablement ceux d'autoguérison, car l'absence
de toute influence extérieure permet d'en constater le mécanisme, plus
exactement d'y observer le jeu des forces naturelles. Nous avons,
entre autres, étudié dans ce but le cas historique de l'autoguérison de
Benvenuto Cellini, racontée par lui-même dans sa biographie. Jusqu'à
trente-cinq ans, Cellini se distinguait par une impulsivité anormale,
une labilité et une agitation voisine de la poriomanie : révolté typique
à complexus paternel négatif correspondant, il présente une attitude
sexuelle ambivalente (homosexuelle et homoérotique, hétérosexuelle
mais non hétéroérotique). Après avoir réussi (par la protection injuste
du pape) à échapper à une juste condamnation pour assassinat perpétré
dans la colère, il devient la proie d'une névrose dans laquelle se déroule,
par une sorte de compensation, toute une procédure d'auto-condamna-
tion et de punition. Affection morale grave, qui porte avant tout le
caractère d'auto-châtiment : états crépusculaires avec angoisse, dépres-
sion, tentatives de suicide, introversion intensive avec visions prospec-
tives de délivrance et de pardon. Il finit par en sortir victorieux. Ses
visions et ses rêves soigneusement notés permettent de suivre psycha-
nalytiquement le long processus de restitution. Une certaine transfor-
mation de la personnalité (non pas seulement une guérison de la
névrose) se produit. Cellini, qui était d'un individualisme ombrageux
et morbide, devient relativement sociable. Il rentre dans le rang,
reconnaît une autorité supérieure, accepte le principe directif (fonction
téléologique), qui, dans sa névrose, était ancré dans l'homosexualité; il
gagne même une certaine religiosité. Au lieu de continuer ses querelles
et ses rixes, il se met au travail et devient l'admirable artiste que l'on
sait. Ses plus grandes œuvres datent d'après sa guérison : le Persée de
la Loggia dei Lanzi, à Florence, [ou Sauveur d'Andromède (symbole
de l'âme), héros triomphant du dragon (symbole de la primitivité)] et le
Christ sur la Croix, au Prado de Madrid.
Le savant moderne est encore trop méfiant à l'égard des phénomènes
de cet ordre, surtout là où apparaît une forme religieuse. Ils ont droit
à un examen inspiré du plus libre esprit scientifique, car ils font incon-
testablement partie du champ de l'étude psychologique, bien qu'on
puisse les examiner encore à d'autres points de vue. La condition sine
qua non est d'éviter toute confusion et toute méprise. (Encore une ques-
tion foncièrement méthodologique !) Ces phénomènes de restitution et
de guérison font également partie du grand groupe des régulations.
L'instinct de conservation de l'individu se manifeste dans l'orga-
nisme non seulement par les réactions de la défense contre l'agent
nocif, mais encore par le renouvellement continu des éléments mor-
phologiques qui subissent l'involution renouvellement des globules du
sang, des cellules des muqueuses et de l'épiderme, croissance des che-
veux et des ongles). Dans la restitution (guérison), le travail de renou-
vellement est encore bien plus intense. L'agent destructif en fournit le
stimulus, mais la cause même, la force motrice du processus propre-
ment dit, gît dans la propriété naturelle de renouvellement du proto-
plasme. La vie est création incessante, mais aussi mort ininterrompue
des parties : le correspondant de l'agent destructif est l'agent créatif ou
constructif. Les phénomènes de compensation, de restitution et de
renouvellement sont effets de l'agent créatif, de même que les phéno-
mènes de désagrégation normale et morbide sont soumis à l'agent des-
tructif.
La croissance et le développement eux-mêmes rentrent dans la même
catégorie que le renouvellement et la restitution. Nous touchons ici à
un point essentiel pour la psychologie comme pour la psychopathologie.
Le rôle du développement est tout à fait exceptionnel dans le plan
psychique, inversement au plan physique où ses limites sont fort
étroites. L'homme garde la faculté de se développer psychiquement et
spirituellement jusqu'à un âge avancé, à condition toutefois de savoir
« diriger » sa vie et de la soumettre à une juste discipline. En d'autres
termes, sa faculté de régénération psychique est infiniment plus grande
que sa faculté de régénération physique. On peut trouver des matériaux
précieux sur le développement et la formation de qualités nouvelles
dans le processus de guérison : nous l'avons déjà constaté dans l'histoire
de Cellini, où non seulement les symptômes ont disparu et la personna-
lité s'est stabilisée, mais un enrichissement important s'est produit ; les
fonctions auparavant latentes ou refoulées sont activées, la force créa-
trice proprement dite de l'artiste est libérée et sa conception de la vie
s'est transformée. Il s'agit donc, dans la guérison de ces troubles
psychiques, d'une phase importante de l'intégration de la personnalité.
Il nous faut mieux saisir le processus de restitution, à commencer
par les phénomènes du repentir, de la compréhension intérieure (Ein-
sicht), et surtout de la pénitence (volonté de se modifier, de se guérir).
C. L. Schleich compare quelque part la pénitence aux granulations
d'une blessure en voie de guérison. La comparaison est exacte, du moins
en partie : le repentir se rattache plutôt au stade préliminaire de la dis-
solution, soit au détachement des anciennes erreurs, alors que la péni-
tence ou l'exercice pénitentiel est connexe à leur correction proprement
dite, soit au processus même de restitution. La conception courante du
repentir et de la pénitence fait partie d'un système éthique et religieux :
c'est là une interprétation et une réglementation spéciales de certains
phénomènes psychiques parfaitement justifiées, mais qui ne nous
regardent pas ici. Nous cherchons à saisir ces phénomènes d'une façon
purement psychologique.
La pénitence devient un essai de réalisation d'une vue nouvelle,
acquise dans une expérience personnelle (repentir) : lutte contre une
attitude reconnue régressive, fausse et non adaptée et sa correction —
acceptation de fonctions négligées (soit latentes et non développées) pour
les assimiler à la structure hiérarchique de la psyché, tout cela avec le
concours de la volonté consciente et disciplinée, de la raison et de l'in-
tuition, sous l'égide de la fonction téléologique'.
Alors que la pénitence d'ordre religieux aurait pour but la réconci-
liation avec la divinité offensée, le processus de guérison correspond
au rétablissement de l'équilibre troublé et à la reprise d'une ligne nor-
male de développement : car les psycho-névroses et les psychoses fonc-
tionnelles sont essentiellement produits de déviation et inhibition du
développement. Ainsi, les deux éléments essentiels de la guérison sont :
la restitution et la reprise de l'intégration de la personnalité.

1.L'ascension du Mont de la Purification dans la Divine Comédie du


Dante est une admirable image des luttes et des souffrances du processus
de guérison, exprimée par un grand visionnaire dans le langage de son
époque.
SUR UNE TECHNIQUE SIMPLIFIÉE
POUR LA
RÉACTION DE DÉRÉGULATION AMMONIACALE
DE HASSELBALCH-BISGAARD '
PAR
George E. SCHROEDER
Au cours de ces dernières années, Bisgaard, médecin en chef de
l'asile des aliénés Sankt Hans Hospital, a publié quelques études sur la
faculté de régulation neutralisante de l'organisme humain. Ses études
ont porté spécialement sur des épileptiques. Ces travaux, et d'autres qui
s'occupent de problèmes analogues et publiés par les collaborateurs de
Bisgaard (Jarlne, Noervig, Larsen),sont si bien connus que je me bor-
nerai ici à en indiquer en peu de mots le contenu 2.
L'idée principale est de signaler l'importance de la réduction de
N H3, déterminée par l'analyse des urines totales de vingt-quatre heures.
Cette détermination se répète plusieurs jours en général au moins huit

jours—de suite. Les chiffres auxquels on arrive en calculant d'aprèslafor-
mule établie par Bisgaard-Nœrvig(voir plus loin) suivent, chez les individus
en bonne santé, une courbe qui s'approche de la ligne droite et qui se
tient en dedans des limites indiquées d'abord par Hasselbalch. Chez les
épileptiques, la courbe dépasse souvent ces limites et varie beaucoupd'un
jour à l'autre.
Toutes les expériences effectuées jusqu'à présent ont servi à faire
ressortir une constance remarquable de cet état de choses chez les épilep-
tiques vrais; il serait à désirer que les résultats fussent vérifiés dans
d'autres laboratoires. Une représentation graphique de la manière dont
se comporte le NH3 peut devenir une indication de grande valeurquand
il s'agit de diagnostiquer des affections compliquées de convulsions. On
sait qu'il peut être assez difficile de les classer correctement dans un
système clinique. La découverte de Bisgaard et de ses collaborateurs est
peut-être d'une portée plus grande ; elle pourra s'appliquer à d'autres
i. Technique employée à la clinique neurologique du Kommunehospital
de Copenhague.
2. Comptes rendus de la Société de Biologie : BISGAARD et NOERVIG, tome
LXXXIV, p. 159 et 318 et tome LXXXVIII p. 813. — JARLŒU, tome LXXXIV,
-
p. 156. BISGAARD et LARSEU, tome LXXXIV, p. 1047, et tome LXXXV,
p. 607. — LARSEU, tome LXXXVII, p. y53.
affections constitutionnelles que l'épilepsie. Pour le moment je laisserai
de côté cette question et ne m'occuperai que de la technique expéri-
mentale.
Le procédé suivi jusqu'ici par Bisgaard et ses collaborateurs sus-
nommés est si compliqué et demande un temps si considérable qu'il ne
convient guère à la pratique d'une clinique très fréquentée comme la
nôtre, et où l'on a justement grand besoin d'un moyen diagnostique de
ce genre.
Nous avons donc voulu essayer si un procédé moins détaillé pour-
rait faire obtenir des résultats applicables en pratique; bien entendu,
nous nous sommes rendu compte qu'en substituant aux méthodes les
plus exactes une technique plus sommaire, il faut renoncer en quelque
mesure à la précision.
Avec le gracieux concours du Docteur Erik Warburg nous avons,
semble-t-il, atteint ce but et, comme il est à présumer que les expériences
sur la régulation occuperont dès à présent les neurologistes et les psy-
chiatres, nous avons cru utile d'appeler l'attention sur un procédé qui
nous a paru, jusqu'à nouvel ordre, applicable en clinique.
Les réactions sont réalisées avec une portion des urines totales de
vingt-quatre heures, les urines ayant été placées sur de la glace immé-
diatement après l'évacuation. Les analyses et le calcul du NH3 réduit se
font selon la formule connue de Bisgaard-Noervig :

Pour déterminer les valeurs qui figurent dans cette formule, à savoir
pH, NH3 et N total, nous avons procédé comme suit :
Au lieu de la détermination électrométrique des ions d'hydrogène,
on emploie la détermination colorimétrique indiquée par Michaëlis
(Praktikum der physikalischen Chemie, Berlin 1921). On se sert d'indi-
cateurs unicolores (paranitrophénol et métanitrophénol). La couleur
propre de l'urine est éliminée au moyen d'un mélange optique selon
Walpole (Biochem journal : 5,207, !Q!o). Les comparateurs sont du
modèle du laboratoire de Carlsberg, seulement nous avons trouvé avan-
tage à en doubler la longueur. Nous supposons connu le principe de la
réaction colorimétrique Pour préparer les tubes étalons dontonse sert
dans les comparaisons avec les échantillons d'urine, on procède comme
suit : des tubes à essai à parois épaisses (ou des verres à préparations
sans rebord, de i5 mm. de diamètre à l'extérieur), sont remplis d'eau au
1. J
Voir ohanne CHRITIANSEN, Détermination de l'acide chlorhydrique libre et
combiné dans le contenu gastrique. Copenhague, 1912.
— Rich. EGE, Manuel
pour les exercices chimico-physiologiques dans le laboratoire physiologique de
l'Université. Copenhague, 1922, p. 73 et suiv.
moyen de la pipette, 10 cc. d'eau dans chacun des 10 tubes. On rejette
les tubes dont les parois ne sont pas lisses, et l'on choisit parmi les
tubes remplis ceux où la surface du liquide est de niveau ou ne varie que
de quelques millimètres.
Comme il faut un assez grand nombre de tubes pour les détermi-
nations, on en choisit de cette manière une quarantaine. Puis on assor-
tit à ces tubes des bouchons de liège qu'on fait bouillir dans de la paraf-
fine. Le bouchon mis à un tube rempli, on l'enduit encore de paraffine
fondue, de sorte que la rainure entre le bouchon et le rebord du tube
soit remplie. On emploie comme indicateurs du paranitrophénol dissous
dans de l'eau au taux de o, i p. i oo et du métanitrophénol à o,3 p. 100.
Il est utile de préparer au moins 5oo centimètres cubes'de chaque solu-
tion; le liquide se conserve à l'abri de la lumière et dans des flacons
verts à bouchon de caoutchouc. A chaque nouvelle préparation de solu-
tion, il faut naturellement en contrôler la nuance en la comparant avec
des échantillons de l'ancienne solution.
On prépare une série de mélanges de la « solution-tampon » de
S. P. L. Soerensen et de liquide colorant suivant le tableau ci-joint :
( 1,75 cc. HC!. I 1,0 cc. ) . ( Second.
U -4,7. !
PH- pHTT = 5,9. J J Phosphate. j R
8,25 cc. citrate. 9,0 cc. Prim.
0,4 cc. HCl. X,5
, |( 8^
„ -,1. cc. Second.
.. U 1 I 9,6 cc. CITRATE.
"-4-9'H-
(
PH-6 cc.
)
J ,
PHOSPHATE-
J
J Prim.

pH = 5,,. o.g CC. citrate.NAOH. PH = 6,3. CC. j PHOSPHATE. S


R ( cc. cItrate.
g,1 p ( 78 cc. ) Pnm.
R (

'H„ = 5,3.
R 3
( I,g5 cc. NAOH.
!
8,o5 cc. citrate.
„ C , j3,2 CC. ) N,
6,8 cc. j Phosphate.
,
( Second.
\
prim.
( 2,75 cc. NAOH. ( 4,3 cc. ) ( Second.
J'H = 5,5. i 7,25
cH R R
cc. citrate.
-
PH-6 ,7. \ 1,7
cc.
f Phosphate. j Prim.
,

PH-5
U . -'7' 3,4
J
6,6
cc. NAOH.
citrate.
cc.
PH-6 ,g. J(5,5 CC. |) PHOSPHATE,
- 45 ^
,
( Second.
J
Prim.

A chaque tube des mélanges énumérés sur le tableau ci-dessus, on


ajoute un centimètre cube de paranitrophénol dissous dans l'eau au
taux de o, i p. ioo. A chaque tube des mélanges énumérés sur le tableau
suivant, on ajoute i centimètre cube de métanitrophénol dissous dans
l'eau à o,3 p. ioo.
5,5 cc. ( Second.
pH
R
„ = 6,9.
-
^
]
( 4,5. cc. }
\
Phosphate.
N,
R
.
(< - .
PRIM.
( 6,7 cc. ) Second. L
TT | IL cc. J Phosphate. | Prim.

7,6 cc. PHQ


( Second.
j Prim.
R
pH=7,5.
—/
,1 ( 2,4 cc.
8,42,4 cc.cc.
)

1
Phosphate. f Prim.Second.

8,95 Phosphate.
pH 7,/-- Pnm..
cc.
Enfin on prépare des tubes avec 2 centimètres cubes de paranitro-
phénol dans la solution ci-dessus mentionnée pour pH = 4,7 — 4,9 —
5,1 — 5,3. Les tubes sont étiquetés. La détermination se fait selon le
procédé de Michaëlis, avec de légères modifications : Verser dans un
tube gradué 10 centimètres cubes d'urine, étendue avec 40 centimètres
cubes d'eau froide distillée et bouillie, mélanger avec soin. Si l'urine
est très trouble, filtrer d'abord. Transvaser au moyen de la pipette
10 centimètres cubes de l'urine étendue dans un des tubes à essai vides
mentionnés plus haut (i5 millimètres de diamètre à l'extérieur). Ajouter
1
centimètre cube desolution de paranitrophénol à 0,1 p. 100, mélanger
soigneusement, placer le tube dans le comparateur. Il peut servir après
trois minutes. Verser également 10 centimètres cubes de l'urine étendue
dans chacun des deux tubes; ajouter à chacun encore 1 centimètre cube
d'eau bouillie et distillée, mélanger. Verser enfin 10 centimètres cubes
d'eau bouillie et distillée dans un troisième tube. Ranger les tubes conte-
nant l'urine étendue derrière les tubes étalons et l'eau distillée derrière
l'urine colorée. Poser le comparateur sur un linge ou un papier blanc et
chercher le tube étalon dont la couleur correspond à celle de l'urine. Si
l'urine étendue et colorée correspond à un des quatre tubes étalons le
plus légèrement colorés, on y ajoute encore 1 centimètre cube de solu-
tion de paranitrophénol, et les quatre tubes étalons le plus légèrement
colorés sont échangés avec les tubes correspondants à plus forte colo-
ration, ceux où l'on a ajouté 2 centimètres cubes de paranitrophénol en
solution, et l'on cherche la couleur exacte. Dans le cas où l'urine
diluée et colorée serait de couleur plus foncée que le tube étalon le plus
coloré, on prépare dans un verre un mélange de l'urine diluée (10 cen-
timètres cubes) augmenté de 1 centimètre cube de métanitrophénol (o,3
p. 100), après quoi la colorimétrie se fait de la même manière qu'avec
le paranitrophénol.
La technique ici indiquée demande, on l'aura vu, l'emploi des
mélanges tampons de Soereusen. On peut s'en passer si l'on prépare
les tubes à essais selon les indications de Michaëlis, procédé que nous
n'avons pas essayé et que nous laisserons de côté ici.
Voici la composition des mélanges-tampons de Soerensen :
9,078g KHo P04 pour 1 litre de solution (phosphate primaire de potas-
sium Soerensen).
11,876g Na2 HP04 pour 1 litre de solution (phosphate secondaire de
sodium Soerensen).
i/iom NaOH.
21,008g acide citrique pour 1 litre de solution (Soerensen).
200 cc i/in NaOH — — —
Il faut cependant se rappeler que l'exactitude de la détermination
colorimétrique de la valeurpH peut varier avec la valeur 0,10. Si cette
« erreur » s'introduit pendant qu'on a affaire avec la partie « acide » de
l'échelle, il en pourra résulter une déviation assez sensible du NH3 réduit.
La formule sus-nommée contient en effet le facteur pH v 4,2 et pH est
relativement petit dans les valeur « acides ». Par contre, une erreur de
0,10 sera sans grande importance dans les réactions alcaliques, où
se traduit par des chiffres plus élevés.
En voici un exemple : Si l'on détermine pH = 5,o, le facteur pH -f
4,2 sera 5,o 4, 2 = 0,8. Si pH était en réalité = 5,1, le même facteur
aurait la valeur 0,9. Ce qui revient à dire que si le NH3 réduit calculé
avec 0,8 avait donné par exemple 3,2,il aurait dû être3,2X0,9
0,8
o= 3,6.
Autre exemple, illustrant l'effet de l'erreur sur des valeurs plus
élevées de pH : au lieu de pH : = 7,1 ou aura trouvé 7,0. Ici l'écart
entre le NH3 réduit observé et sa valeur réelle se comportera comme
voici : Supposons comme tout à l'heure que NH3 était déterminé à
3 2 2 'v
3,2, le vrai chiffre serait —:— Q
= 3,3. Même dans le cas le moins
2,80
favorable, l'erreur illustrée par le premier de ces exemples n'empêchera
cependant pas l'emploi en clinique de ce mode d'analyse.
Disons en passant qu'il existe encore une autre source d'erreurs,
surtout dans les réactions plus alcaliques, c'est-à-dire des déviations de
pH causées par la perte en acide carbonique de l'urine qu'on a laissée
en repos. Mais cette erreur n'est pas non plus d'importance pour
le tableau que nous avons dressé. Je n'en tiendrai donc pas compte, comme
l'ont fait, paraît-il, les médecins de Sankt Haus Hospital.
La détermination dela valeur NH3 se fait selon Folin sur 2 5 centimètres
cubes d'urine i. L'indicateur utilisé est une solution alcoolique de rouge
de méthylène. Pour éviter la formation d'écume dans l'urine pendant
l'aération on ajoute 5 gouttes d'alcool octylé à chaque flacon d'aération,
et 20 gouttes au récipient contenant l'acide sulfurique, parce qu'il
importe que ces vapeurs d'alcool octylé soient renouvelées abondamment.
Pour déterminer l'azote total on remplace l'analyse de Kjeldahl par
l'appareil de Marie Krogh, où l'urine est décomposée au moyen d'une
lessive de brome (voir Hospitalstidende, n° 19, 1914). On sait que ce
procédé ne permet pas de déterminer tout l'azote contenu dans l'urine,
une partie des matières azotées ne sont décomposées que partiellement
ou pas du tout. Marie Krogh a démontré que la partie non déterminée
dans ce procédé (lessive de brome : 1 centimètre cube de brome pour
100 centimètres cubes Zn Na OH) monte en moyenne à 0,57 gramme par
jour (voir le tableau joint à l'appareil2).
Cependant nous sommes déjà à même de juger que même des varia-
I. Zeitschr. f. physiol. Chemie vol. XXVII, 1902.
2. Du reste, il s est montre que des résultats dune exactitude suffisante
peuvent être obtenus par l'emploi des tubes à eudiomètre, procédé plus
simple et entraînant moins de frais.
tions assez considérables de la quantité de matières non décomposées
par la lessive de brome ne causent pas de déviation sensible du chiffre
d'ammoniaque réduit, quand il s'agit de l'urine des individus sains. Par
contre, il est impossible de dire d'avance si ces variations sont sans
importance dans les conditions que nous avons 'convenu d'appeler
dérégulation. On pourrait en effet supposer que les proportions réci-
proques de la quantité décomposée de NH3 et de l'azote total restent
constantes de jour en jour pour un pH donné, selon la détermination à
la lessive de brome, tandis que ces proportions varient dans des déter-
minations par la méthode de Kjeldahl. Une telle supposition n'est sans
doute pas trop vraisemblable, mais cette réflexion ne tranche pas la
question. Il faut constater si le NH3 réduit, déterminé au moyen de cette
méthode à la lessive de brome, varie dans l'épilepsie vraie (par opposition
à ce qui a lieu chez les sujets sains), et voilà justement ce que les courbes
ci-jointes servent à confirmer pleinement. Je dois faire observer que
nos calculs ne tiennent pas compte de la constante 0,57 indiquée par
M. Krogh. Néanmoins les résultats peuvent servir.
Les trois méthodes ici exposées facilitent la technique à ce point
qu'une détermination de NH3 réduit ne demande que 35 minutes, sans
compter le laps de temps où l'on peut laisser l'appareil fonctionner sans
contrôle.
CESSATION RAPIDE DES PHÉNOMÈNES
DÉLIRANTS AIGUS GRAVES
SOUS L INFLUENCE D'UNE DOSE MASSIVE D'ÉLECTRARGOL
PAR
Henri DAMAYE

Nous croyons utile de rapporter ici deux observations de confusion


mentale aiguë en 'raison de l'action manifeste et très rapide exercée,
dans les deux cas, par une dose massive d'électrargol.
Chez l'un et l'autre malade la confusion mentale aiguë menaçait de
se transformer en délire aigu : il importait d'agir vite et radicalement.
Chez la femme de la première observation, cardiaque et en état de gros-
sesse, une transformation en délire aigu eût été extrêmement grave. Il
s'agissait d'une malade surmenée et albuminurique depuis ses précé-
dentes couches.
Dans l'autre observation, nous voyons un individu mal nourri,
déprimé, mangeant peu depuis longtemps. Des germes pathogènes
latents ou accidentellement introduits dans l'organisme ont pu devenir
virulents en ces conditions.
Il est à remarquer, — et c'est là l'intérêt des observations, — que
non seulement la température, mais également la confusion, les hallu-
cinations et le délire en pleine activité et en pleine progression ont
disparu quelques heures après la dose massive d'électrargol. L'action fut
particulièrement rapide dans la deuxième observation.
OBSERVATION I. — Mme C..., vingt-cinq ans, cultivatrice, entre à l'asile le
6 janvier 1924 en état de manie confuse.
Père mort d'une maladie de cœur. La mère aurait eu des troubles névro-
pathiques. Treize frères ou sœurs dont plusieurs auraient présenté aussi des
phénomènes psychonévropathiques.—Étant jeune fille, la malade aurait eu
des idées mélancoliques et présenté des pertes blanches.
En février 1923, Mme C... accoucha d'un enfant bien portant. Trois mois
après, elle redevint triste, déprimée et s'accusait de négliger son enfant. Cet
état demeura à peu près stationnaire jusqu'en décembre 1923, époque où du
délire, de l'exaltation et de l'insomnie se manifestèrent. En fin décembre, la
malade s'excite, commence à présenter de l'incohérence, des hallucinations
visuelles et auditives. Elle croit voir sa petite fille morte, a peur d'être damnée,
nvoque Dieu et de nombreux saints. Cet état ne fit que s'accentuer.
A son arrivée à l'asile, Mme C présente le tableau d'une confusion men-
..
tale aiguë onirique avec un fort appoint maniaque. Elle crache partout. Nous
constatons qu'elle est enceinte de quatre mois environ. Langue saburrale
mais humide. Au cœur, insuffisance mitrale bien compensée. Réflexes tendi-
neux forts. Température : 37°4.
Le lendemain, la température oscille entre 3} 04 et 3y.
Mais le jour suivant, la température est, le matin, à 38°5. La langue est
encore humide et le pouls se maintient.
Cette femme est cardiaque, albuminurique légère, surmenéeparunelongue
agitation sans sommeil et en état de grossesse. Nous craignons une évolution
vers le délire aigu. Le traitement suivant est institué sur-le-champ :
40 centimètres cubes électrargol, 3 centimètres cubes vaccin antistaphy-
lococcique, 3oo grammes sérum glyco-ioduré, un abcès de fixation à la jambe.
Alimentation : lait fortement sucré avec des œufs crus. Compresse humide
en permanence sur toute la tête.
Le soir, la température n'est plus qu'à 38°i. La nuit, la malade dort plu-
sieurs heures, sans hypnotiques, pour la première fois.
Le lendemain matin, 37°4. La confusion mentale, les hallucinations, l'agi-
tation ont beaucoup diminué déjà. 3oo grammes sérum glyco-ioduré et 2 cen-
timètres cubes de vaccin antistaphylococcique encore. Le soir, 3706.
L'abcès de fixation évolue. Nuit très bonne et le lendemain matin, 37°3.
On se contente alors de 3oo grammes sérum glyco-ioduré comme médication.
37°1 le soir.
Le jour suivant, la température est redevenue normale. La confusion,
l'agitation et le délire ont presque disparu. Il n'y eut aucune rechute.
Au début de février, la malade est guérie.
OBS. II. — R... Jean, quarante-quatre ans, cultivateur, entre à l'asile le
15 janvier 1924 en état de confusion mentale aiguë onirique.
Père octogénaire et bien portant. Mère morte de démence sénile. — Lui,
très robuste. Enfance normale, sans bizarreries. Pneumonie à sept ans. Fait
les quatre ans de guerre sans blessures ni maladies. Pas d'éthylisme. En 1922,
commence à délaisser son travail, donne des conseils absurdes à sa famille,
se trompe dans ses comptes. Cet état s'accentue très lentement. En fin 1923,
tendances mélancoliques qui s'accentuent : le malade se précipite du haut d'un
arbre et tente, une autre fois, de se noyer. En décembre surviennent des idées
délirantes, des hallucinations et une exaltation qui s'intensifient rapidement.
Le malade voit Dieu, la Sainte Vierge, le démcn. Il se met à écrire, même la
nuit, s'excite de plus en plus et devient incohérent. Il ne s'alimente plus du
tout. Depuis environ un an il mangeait d'ailleurs très insuffisamment.R... croit
qu'on veut l'empoisonner et se met à menacer tout le monde.
Il arrive à l'asile excité et confus, émet des idées mystiques, mélancoliques
et de persécution incohérentes, voit des diables partout. Aspect physique
malingre. Souffle aortique léger. Bacillose des sommets au début. Réflexes
tendineux forts. Zones ovariennes sensibles. Pendant cinq jours la tempéra-
ture ne dépasse pas 37'6. Mais le 2 janvier elle s'élève à 38°4 et 38"6, avec
1

une intensification de la confusion mentale, du délire et des hallucinations.


On pouvait craindre une évolution vers le délire aigu, l'état général du
malade étant médiocre et la langue sèche.
Nous injectons 20 centimètres cubes électrargol et 3oo grammes sérum
glyco-ioduré.
Le lendemain matin, la température a baissé : elle est à 38°. 25o grammes
sérum glyco-ioduré.
Pendant deux jours, la température oscille ensuite entre 3709 et 38°2. La
confusion délirante hallucinatoire persiste.
Le 25 janvier nous injectons cette fois 40 centimètres cubes électrargol
et 350 grammes sérum glyco-ioduré. Le résultat fut surprenant. Dix ou douze
T.eures après cette injection, l'excitation cessa; délire, confusion et hallucina-
tions disparurent en même temps, on pourrait presque dire subitement. Le
malade se mit à manger suffisamment et la langue redevint humide.
Cette forte dose d'électrargol fut souveraine. Les phénomènes mentaux ne
reparurent plus et le malade s'alimenta bien. On se contenta de 25o centimè-
tres cubes sérum glyco-ioduré les jours suivants. La température ne remonta
plus.
R... était guéri. On le soumit ensuite au cacodylate et à la viande crue pour
remonter son état physique et traiter sa bacillose.

L'électrargol constitue donc l'un des meilleurs agents thérapeutiques


à employer dans les psychoses aiguës et suraiguës. Mais il faut toujours
l'injecter à haute dose, — nous ne donnons plus jamais moinsde 20 à 40
centimètres cubes, — et ne pas craindre de répéter l'injection pendant
plusieurs jours consécutifs, si besoin est.
L'abcès de fixation et le sérum anti-infectieux approprié sont à uti-
liser concurremment. Mais l'électrargol seul procure la guérison dans un
grand nombre de cas.
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)

J.
-
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE. — II. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
III. SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE. IV. SOCIÉTÉ DE
PSYCHIATRIE.
I. — Société de neurologie
SÉANCE DU JEUDI 7 FÉVRIER 1924

Présidence de M. Crouzon
Paralysie radiculaire supérieure du plexus brachial d'origine traumatiqué.
fracture des apophyses transverses des VIe et VIle vertèbres cervicales. Apo-
physe costiforme de la VIle. Troubles sympathiques. — M. André-Thomas pré-
sente un malade, qui, à la suite d'un accident, présente une paralysie radicu-
laire supérieure du plexus brachial; des contractions fasciculaires dans le
triceps, l'extenseur commun des doigts, le court abducteur du pouce. Sensi-
bilité atteinte dans le domaine de C5 C6 C7, mais l'anesthésie n'est totale
à aucun mode. Le réflexe pilomoteur fait défaut dans la zone d'anesthésie.
Hyperthermie de la main.
L'absence de réflexe pilomoteur dans la zone anesthésique permet d'af-
firmer l'existence d'une lésion située au delà de la coalescence du rameau
communicant du sympathique et de la racine. L'absence de troubles sensitifs
et la conservation du réflexe pilomoteur dans le territoire de la branche pos-
térieure des v\ VIe, VIIe nerfs rachidiens permet également de supposer l'in-
tégrité des racines au-dessus de la coalescence.
La présence de contractions fasciculaires qui apparaissent spontanément,
ou sont provoquées par des excitations périphériques, des changements de
position, peut être interprétée comme un phénomène d'irritation radiculaire,
qui, en raison de la proximité des centres, n'exclut pas la possibilité d'un
retentissement sur les cellules des cornes antérieures de la moelle.
L'hyperthermie de la main doit être également interprétée comme un
trouble sympathique.
Hémiplégie cérébelleuse syphilitique à forme cérébello-pyramido-thalamique.
— MM. Faure-Beaulieu et P. N.
Deschamps présentent un malade âgé de
cinquante ans, ancien syphilitique, qui, à la suite d'un ictus vertigineux sur-
venu il y a un an et demi, est atteint d'un syndrome strictement localisé au
côté gauche et fait de symptômes cérébelleux (latéropulsion, dysmétrie,
asynergie, adiadococinésie,passivité), pyramidaux (hémiparésie, exagération
des réflexes tendineux, signe de Babinski) et thalamiques (douleurs, troubles
de la sensibilité objective superficielle et profonde). La nature de la lésion
(altération vasculaire d'origine syphilitique) ne faisant guère de doute, les
auteurs discutent son siège, qu'ils placent dans la région sous-optique. Leur
cas ressortit ainsi au « syndrome supérieur du noyau rouge » isolé par Foix
et Masson, en opposition au syndrome inférieur de Claude, et se rapproche
d'observations analogues (Pierre Marie et Foix, CI. Vincent) où des troubles
pyramidaux et thalamiques homolatéraux viennent s'adjoindre à l'hémisyn-
drome cérébelleux.
Discussion
A propos de cette communication, une discussion s'engage à propos de
l'origine des vertiges. M. Barré ne croit pas que le vertige ait été cérébelleux,
mais labyrinthique, même si les épreuves labyrinthiques ont été négatives.
C'est également l'avis de M. A.-Thoiiias,qui estime que le vertige fait partie
des phénomènes d'irritation labyrinthique. Cependant M. Foix a toujours
noté le vertigeau moment des ictus cérébelleux, et il estime que chez le malade
présenté par M. Faure-Beaulieu il ne peut être question d'atteinte labyrin-
thique. M. A.-Thomas maintient que le vertige n'est pas d'origine cérébel-
leuse, et que dans le cas de ce malade, s'il y a lésion cérébelleuse vasculaire
certaine, des modifications circulatoires ont dû se produire, qui ont agi sur
le labyrinthe.
Alcoolisation endocranienne du trijumeau, contrôle lipiodolé. — M. Sicard
a repris sur les indications du docteur Taptos l'alcoolisationendocranienne
du trijumeau. Il avait déjà essayé cette intervention en 1908 par le trou ovale.
Il estime cette intervention plus efficace que l'alcoolisation des troncs péri-
phériques, et moins grave que la neurotomie rétro-gassérienne. Pour la
pratiquer, il suffit d'une simple aiguille, qui, sous anesthésie locale, pénètre
à travers les plans cutanéo-musculairesjusqu'au trou ovale.. Il est certain que
l'alcool n'est pas directement poussé dans le ganglion, mais sans doute
autour de lui et de ses branches. Le contrôle radiographique au lipiodol
injecté par l'aiguille laissée en place montre la répartition de l'huile iodée
au niveau de la base du crâne et des trous endocraniens, grand rond et ovale.
La guérison des névralgies par ce procédé est, selon Taptos, parfois défini-
tive, ou du moins très longue (huit ou dix ans).
Mal de Pott et radiographie vertébrale. — MM. Sicard, Laplane et Prieur
insistent sur les difficultés du diagnostic étiologique des compressions médul-
laires et particulièrement du mal de Pott. Ils considèrent que le mal de Pott
chez l'enfant et l'adolescent s'accompagne toujours de lésions radiologiques
vertébrales. Aussi en présence de cas simulant le mal de Pott, mais dont les
signes radiologiques font défaut, ils conseillent de recourir, non à l'appareil
platré, mais à la laminectomie exploratrice. Ils présentent à l'appui de leur
argumentation un adolescent chez lequel le diagnostic porté avait été celui
du mal de Pott, malgré les radiographies négatives; alors que le contrôle
opératoire montre en réalité une néoplasie rachidienne extirpable et curable.
Par contre, chez l'adulte, l'absence de signes radiologiques vertébraux ne
permet pas de conclure à l'absence d'une lésion tuberculeuse rachidienne,
comme MM. Sicard et Laplane ont pu s'en assurer dans un autre cas. A
l'opération on trouva en effet, à la place du neuro-gliome présumé, un début
d'ostéite tuberculeuse du corps vertébral. Chez ces deux sujets le lipio-dia-
gnostic rachidien avait permis de préciser avec une exactitude rigoureuse le
siège de la compression.
Discussion :

A propos de cette communication, M. Clovis Vincent estime que clini-


quement, il y a une différence entre la raideur du mal de Pott qui est seg-
mentaire mais absolue, et la raideur causée par des tumcurs qui est plus
diffuse et moins absolue.
Électrocution ayant laissé des troubles choréo-athétosiques persistants.
(Discussion sur la nature organique), par MM. O. Crouzon, /. A. Chavany et
René Martin. — Les auteurs rapportent l'observation d'un malade qui a été,
il y a quatre ans, électrocuté par un courant de i 5oo volts.
L'accident a été suivi d'une phase de raideur généralisée au décours de
laquelle se sont installés des mouvements choréo-athétosiquesd'abord géné-
ralisés qui, en quelques jours, se sont localisés au côté droit du corps.
Les mouvements persistent dans le côté droit avec tics de la face et
paroxysmes très marqués au moment de l'ingestion des aliments.
L'intérêt de l'observation réside dans la chronicité du processus qui,
malgré l'absence des signes objectifs, plaide nettement en faveur de la nature
organique des accidents constatés. La symptomatologie n'a pour ainsi dire
pas varié depuis quatre ans.
Des syndromes thalamique et cérébello-thalamique à évolution régressive,
par M. /. Lhermitte, Mlle H. Bourguina et M. Nicolas. — Le premier sujet
présenté fut atteint brusquement d'un syndrome cérébello-thalamique carac-
térisé par une hémianesthésie complète avec hémianopsie et hémisyndrome
cérébelleux au complet dysmétrie, oscillations cinétiques, passivité, réflexes
pendulaires, signe de la préhension, adiadococinésie,démarche festonnante.
Or, dans ce fait, la symptomatologie cérébelleuse s'effaça rapidement, tandis
que persistaient les troubles de la sensibilité objective. Cependant, ceux-ci
régressèrent également au deuxième mois après l'ictus et ne laissèrent que
des dysesthésies et des perturbations légères de la sensibilité profonde.
Le second malade fut frappé, lui aussi, brusquement par un ictus suivi
d'hémianesthésie complète, mais sans ataxie véritable ni symptômes céré-
belleux. Là encore, les troubles de la sensibilité présentèrent une évolution
régressive et les phénomènes douloureux firent absolument défaut.
Les auteurs montrent lanécessité d'établir unediscrimination entre l'ataxie
et l'incoordination cérébelleuses qui, l'une comme l'autre, peuvent s'associer
avec l'hémianesthésie, symptôme capital des lésions de la couche optique.
La première semble intimement liée aux troubles de la sensibilité profonde,
la seconde à l'atteinte des radiations sous-thalamiques du noyau rouge abou-
tissant du pédoncule cérébelleux supérieur.
Enfin, dans un de leurs cas, les auteurs ont observé l'apparition de mou-
vements athétoïdes du pied et de la main accompagnés d'une exaltation du
tonus musculaire dans la moitié du corps atteinte, hypertonie inconsciente
et nettement renforcée par l'exercice de la pensée.
Un cas de cysticercose cérébrale. Opération; disparition immédiate des
troubles moteurs, par MM. /. Lhermitte, de Martel et Nicolas. — Présentation
d'une malade chez laquelle, depuis huit mois, s'était installée une monoplégie
brachiale droite sans aphasie accompagnée de convulsions tonico-cloniques
discrètes et éphémères et de spasmes toniques de flexion persistants. A l'état
de repos, le bras apparaissait en flexion dans tous ses segments et la main
ne pouvait être étendue volontairement. De temps en temps, le membre
atteint présentait des contractions toniques violentes toujours à type de
flexion sans modification de la conscience. Les signes objectifs se rédili-
saient à une très légère exaltation des réflexes tendino-osseux du bras droit
et à quelques modifications très fines de la sensibilité avec astéréognosie.
L'intervention fit constater l'existence d'un kyste de la grosseur d'un petit
œuf siégeant sur la région préfrontale gauche et refoulant en arrière la partie
moyenne de la frontale ascendante. L'examen histologique de la poche,
laquelle contenait un liquide eau de roche, fit constater la structure typique
du cysticercus cellulosae.
Le jour même de l'intervention, tous les troubles moteurs avaient disparu.
Les auteurs insistent 1° sur l'existence de phénomènes myotoniques volon-
taires liés à la perturbation de l'innervation musculaire ; 20 sur l'impor-
tance en fréquence et en intensité des spasmes toniques liés probablement
aux mouvements du parasite; 3° sur la disparition immédiate des troubles
fonctionnels dès l'ablation de la poche kystique.
État de mal conscient et apyrétique, prolongé pendant un mois. —
MM. A. Souques et /. de Massary présentent une malade qui, à la suite d'un
traumatisme frontal suivi d'abcès du cerveau, est restée épileptique. En
dehors de crises comitiales généralisées typiques, elle est sujette à des états
de mal remarquables par leur longue durée et par l'absence d'hyperthermie
et d'inconscience.
L'état de mal, observé parles auteurs, a duré un mois. Les accès ont tou-
jours affecté le type bravais-jacksonien ; ils ont été subintrants et se sont
répétés toutes les trois minutes, jour et nuit (quatre à cinq cents accès dans
les vingt-quatre heures). Jamais il n'y a eu perte de connaissance pendant
l'accès, la malade entendait toutes les questions qu'on lui posait ; elle faisait
signe qu'elle entendait et, dès que l'accès était terminé, elle répétait les
questions qu'on lui avait posées et y répondait. Enfin, pendant cette longue
période d'un mois, malgré la fréquence extrême des accès, la température-
centrale e"t restée normale.
Akinésie paradoxale glosso-labiée existant dans la station et disparaissant
dans le décubitus, chezan parkinsonien. — MM. Souques et Blamoutier montrent
un malade de vingt-trois ans, atteint depuis quatre ans d'un syndrome parkin-
sonien postencéphalitique et qui présente de l'akinésie glosso-labio-laryngée
et du mutisme, exclusivement dans la station debout. Quand il est debout,
il ne peut ni ouvrir la bouche, ni siffler, ni souffler, ni parler; mais vient-il
à se coucher qu'immédiatement il répond aux questions qu'on lui pose,
ouvre la bouche, tire la langue.
Il s'agit là d'un de ces paradoxes moteurs qu'on ren'contre assez souvent
dans les syndromes parkinsoniens et dont on ne peut donner d'explication.
Bien que rejetant toute idée de supercherie et d'hystérisme, il semble
néanmoins que, dans ce cas, il soit logique de faire intervenir un facteur
psychique et affectif d'inhibition chez un sujet en état d'hypertonie mani-
feste.
Discussion :
A propos de cette communication, M. Foix pense qu'il s'agit d'une ques-
tion d'intensité, d'hypertonie de tonus d'attitude renforce, lorsque le malade
est debout. On sait d'ailleurs combien est variable le tonus des parkinso-
niens, il diffère suivant les heures de la journée, il y a souvent un assoupis-
sement vespéral des phénomènes d'hypertonie.
Poussée évolutive, au cours d'un tabès fruste ancien, ayant déterminé de
façon élective au niveau des membres supérieurs un syndrome poliomyélitique
(cornes antérieures et postérieures) del'ataxie et des mouvements involontaires.
— MM. Georges
Guillain, Th. Alajouanine et L. Girot présentent une malade
qui, au cours d'un tabès fruste ancien datant de vingt ans, a vu apparaître
brusquement une paralysie des membres sup-érieurs avec amyotrophie, de
l'ataxie et des mouvements involontaires de même localisation.
Ces phénomènes apparus de façon brusque et simultanée, se sont accom-
pagnés de douleurs intenses.
Le premier fait remarquable est la localisation exclusive des troubles au
niveau des membres supérieurs. La marche est en effet normale, non
ataxique, il n'existe qu'un Romberg sensibilisé.
Le deuxième fait, non moins remarquable, est l'apparition brusque de
trois ordres de phénomènes qu'on n'a pas l'habitude de voir survenir de façon
simultanée au cours du tabès.
La paralysie porte sur la racine des membres, s'accompagne d'amyotro-
phie,sans aucune altération du faisceau pyramidal. Son installation brusque
et ses caractères permettent d'en affirmer la nature poliomyélitique.
Les phénomènes ataxiques coexistent avec des troubles de la sensibilité
profonde, dissociés, portant uniquement sur le sens des attitudes et la
stéréognosie.
Enfin, il existe des mouvements involontaires permanents de type choréo-
athétosique.
Il s'agit donc, en somme, d'une véritable poussée aiguë, de nature syphili-
tique, au cours d'un tabès fruste, qui coïncide d'ailleurs avec des réactions
lymphocytaires chimiques et humorales du liquide céphalo-rachidien et qui
semble relever surtout d'une lésion diffuse de la moelle cervicale avec
atteinte prédominante de la substance grise.
Hyperspasmodicité clonique des muscles adducteurs et abducteurs de la
cuisse dans un cas de sclérose en plaques. — MM. Georges Guillain, Girot et
Marquizy attirent l'attention sur un phénomène très spécial qu'ils ont observé
chez une malade atteinte de sclérose en plaques. Lorsqu'on demande à cette
malade de fléchir les cuisses sur le bassin, les talons reposant sur le plan
du lit, on voit se produire un mouvement rythmique clonique d'adduction
et d'abduction des cuisses, et les genoux s'entre-choquent l'un contre l'autre
avec une cadence de 120 à 140 oscillations par minute. Ce mouvement clo-
nique est non seulement provocable par la flexion simultanée des deux
membres inférieurs, mais encore par la flexion isolée du membre inférieur
gauche. On peut encore provoquer ce clonus des adducteurs dans la station
debout, quand la malade fléchit à angle droit la cuisse sur le bassin. Ce
clonus des adducteurs ne peut être inhibé par le pincement de la peau des
membres inférieurs ou de la paroi abdominale, pincement qui très souvent
fait cesser le clonus du pied ou de la rotule.
L'hyperspasmodicitéclonique des adducteurs et abducteurs de la cuisse
ne se constate pas en général dans la sclérose en plaques, ni d'ailleurs dans
les autres affections médullaires déterminant des paraplégies spasmodiques.
Il est à remarquer de plus que la spasmodicité des membres inférieurs chez
la malade qui fait l'objet de cette présentation est relativement peu accentuée
puisqu'on ne peut provoquer chez elle ni le clonus du pied, ni le clonus de
la rotule; il s'agit, somme toute,d'une hypertonie spasmodique clonique très
localisée sur un groupe musculaire.
Tonus de posture local, tonus de posture général (ou mieux d'attitude) de
nature réflexe, tonus d'action, de nature syncinétique. Leur dissociation chez
un hémiplégique, par MM. Ch. Foix et H. Lagrange. — Chez un tabétique
atteint d'hémiplégie et notablementhypotonique, on observe une dissociation
entre les divers mécanismes toniques.
C'est ainsi que les réflexes toniques de posture locaux sont,comme il est
de règle, abolis. Par contre, les réflexes d'attitude (contraction tonique du
quadriceps dans la station debout par exemple), paraissent conservés, ce qui
cadre avec la complexité de leurs voies centripètes.
Enfin et surtout le tonus d'action est complètement normal, ainsi que le
démontre la recherche de la syncinésie globale qui donne une forte contrac-
tion du côté hémiplégié, une contraction normale et même plutôt forte du
côté sain.
Cette dissociation entre le tonus d'action et le tonus de posture paraît de
règle chez les tabétiques. Elle tend à souligner l'importance des réflexes de
posture locaux dans la pathogénie de l'hypotonie des tabétiques.
Paraplégie spasmodique avec inversion du réflexe achilléen, anomalie verté-
brale, hérédo-syphilis, compression médullo-radiculaire. — MM. André Léri,
Weissmann-Netter et Henri Leconte présentent une malade atteinte de para
plégie spasmodique avec inversion du réflexe achilléen..
La radiographie montre une grosse anomalie vertébrale sous forme de
lombarisation complète de la première pièce sacrée, avec écrasement latéral
des ve et VIE lombaires. Sur la radiographie de profil, on constate également
un effondrement de la IIE vertèbre lombaire. C'est cette dernière lésion qui,
par une compression médullo-radiculaire, explique le mieux à la fois la para-
plégie spasmodique, l'inversion du réflexe achilléen et les troubles sphinc-
tériens constatés.
Ces lésions sont certainement la conséquence d'une hérédo-syphilis que
révèlent l'examen du sang et celui du liquide céphalo-rachidien.
Association et dissociation des syndromes infundibulo-tubériens. —
MM. /. Camus. G. Roussy et /. Cournay rappellent qu'après des lésions
expérimentales de la région infundibulo-tubérienne,on observe des mani-
festations, soit isolées, soit associées la polyurie, la glycosurie, l'atrophie
:

génitale, l'obésité peuvent s'associer de façons variées.


La dissociation de ces syndromes peut être aussi observée et les auteurs
montrent un chien qui, après une lésion de la base du cerveau faite en 1919, a
présenté pendant quatre ans un diabète insipide associé à l'obésité et à
l'atrophie génitale. Depuis quelques mois, les testicules ont grossi rapide-
ment, alors que le diabète insipide et l'obésité persistent au même degré
qu'auparavant.
Paraplégie spasmodîque permanente et destruction complète de la moelle
dorsale par un fibro-gliome. Hypothèse sur l'étiologie de cette tumeur coïnci-
dant avec l'agénésie d'un disque cartilagineux intervertébral. — MM. Souques
et Blamoutier présentent la moelle épinière et la colonne lombaire d'une
malade morte des suites d'une paraplégie spasmodique. Celle-ci avait débuté
apparemment à la suite d'un traumatisme léger et avait duré quatre ans.
L'impotence des membres inférieurs était totale et complète, l'anesthésie
absolue jusqu'à Dx sans contracture notable, mais avec exagération des
réflexes tendineux et de défense, clonus et signe de Babinski bilatéral. Ces
symptômes ont persisté jusqu'à la mort.
A l'autopsie, on constata deux lésions :

1° Une tumeur (fibro-gliome) de la moelle dorsale inférieure ayant com-


plètement détruit celle-ci au niveau du Xe segment. A cette hauteur, on
trouvait sur un petit point de la périphérie un vestige de la moelle, mince
comme une feuille de papier. Dans ce vestige, la méthode de Cajal montra
quelques tronçons de cylindres-axes altérés ;
2° L'absence du disque cartilagineux séparant les IIIe et IVe vertèbres lom-
baires.
Cette observation suggère quelques observations intéressantes la dispa-
rition du disque intervertébral et la tumeur reconnaissent-elles une même
cause, le traumatisme? Cette hypothèse ne saurait être admise.
Existe-t-il un rapport embryologique entre la tumeur et l'absence du
disque? Il est plus facile de poser la question que de la résoudre.
Cette observation enfin est en contradiction avec laloi de Bastian, puisqu'on
trouve, malgré la destruction complète de la moelle, l'exagération des réflexes,
le clonus du pied et le signe de Babinski. Elle est en faveur de l'origine
médullaire des réflexes.
Syringomyélie chez le frère et la sœur, par MM. /. A. Barré et L. Reys
(de Strasbourg). — Les auteurs apportent l'observation de deux sujets de
vingt-six et vingt-huit ans, frère et sœur, chez lesquels une syringomyélie
s'est développée lentement à partir de l'âge de dix-sept ans chez l'un et de
vingt-trois ans chez l'autre.
Ces deux sujets étaient venus consulter l'un pour une faiblesse et des

crevasses de la main, l'autre pour des douleurs lombaires.
L'amyotrophie et la thermo-anesthésie sont localisées à un seul membre
supérieur, mais l'abolition des réflexes tendineux existe des deux côtés. La
scoliose est très nette chez les deux malades ; l'un et l'autre ont une ébauche
de paraplégie spasmodique.
Cet exemple s'ajoute aux cas de syringomyélie familiale déjà publiés et
souligne le caractère probablement congénital d'un certain nombre de cas
de syringomyélie.
Le réflexe dartoïque pénien, par M. /. A. Barré (de Strasbourg). — L'auteur
apporte les résultats de l'étude du réflexe dartoïque pénien qu'il a faite en
1916 chez quelques sujets normaux et sur des blessés de la moelle et de la
queue-de-cheval.
C'est un réflexe sympathique. Le meilleur excitant a paru être l'éther en
application locale. Le réflexe est lent et prolongé, il a un temps perdu qui
varie de dix à soixante secondes et passe par plusieurs phases de contraction
légère, de contraction brusque, de contraction tonique et de décontraction.
Il est conservé dans les cas de section de la moelle et ne s'accompagne
d'aucune douleur.
Chez les sujets dont la sensibilité des organes 'génitaux externes est con-
servée, une douleur très vive naît avec la contraction brusque et disparaît à
peu près avec la contraction tonique.
La zone réflexogène de ce réflexe est assez étendue.
Le Phlogetan dans le traitement du tabès, par MM. /. A. Barré et L. Reys
(de Strasbourg). — Les auteurs apportent les premiers résultats qu'ils ont
obtenus en traitant des tabès, dont plusieurs étaient graves et anciens, par le
Phlogetan de Fischer (de Prague).
Sur sept cas traités, ils ont observé six fois une amélioration nette ou
très marquée des douleurs fulgurantes, des crises viscérales, de l'ataxie, et
parfois des modifications humorales.
Ces résultats leur paraissent supérieurs à ceux fournis par l'emploi de
l'arsenic et du mercure ; ils ne comparent pas le phlogetan au bismuth dont
ils n'ont pas une expérience suffisante.
Le médicament est employé en injections intramusculaires et provoque
presque toujours une crise très pénible pendant laquelle la fièvre apparaît,
et les douleurs s'exaspèrent d'une façon considérable.
Malgré ces réactions violentes, presque tous les malades réclament la
continuation du traitement en raison du bénéfice qu'ils en ont retiré.
Le réflexe mamillo-pénien, par M. L. Criisem (de Strasbourg.) — La malaxa-
tion de la région mamelonnaire de l'homme provoque le retrait du pénis.
Le réflexe mamillo-pénien paraît exister chez tout homme normal ; il a été
trouvé aboli chez des malades porteurs d'une affection de la moelle dorsale.
Ce nouveau réflexe est, selon l'auteur, un réflexe purement sympathiqus.
Syndromes de réduction numérique des vertèbres sacro-coccygiennes, par
MM. Ch. Achard, Ch. Foix et /. Mouzon. — A côté des syndromes de
réduction numérique des vertèbres cervicales, que MM. Klippel et Feil ont
décrits, et sur lesquels M. Sicard a récemment insisté, il y a lieu de décrire
un syndrome de réduction numérique des vertébres sacro-coccygiennes. Si
l'on met à part les cas extrêmes, qui constituent de véritables monstruosités,
généralement incompatibles avec la vie, et les formes légères, qui ne donnent
lieu à aucun signe fonctionnel, il existe une catégorie de malades, chez les-
quels les symptômes (troubles sphinctériens, troubles paralytiques, réflexes
vaso-moteurs des membres inférieurs) rappellent ce qui s'observe dans le
spina bifida. Mais, en outre, il existe, en cas d'absence des vertèbres sacro-
coccygiennes, un défaut de développement tout particulier des fesses les :

fessiers ne peuvent se développer, car leur insertion osseuse supérieure fait


plus ou moins complètcment défaut.
Les auteurs montrent une jeune fille de vingt et un ans, chez qui les
troubles sphinctériens, l'abolition des réflexes achilléens, la cyanose et
l'œdème des membres inférieurs, le défaut de développement des régions
fessières s'expliquent par l'absence des trois dernières sacrées et du coccyx,
que l'on constate sur la radiographie. Cette malade présente, en outre, un
diverticule de la vessie.
Radioscopie du lipiodol rachidien. — MM. Sicard, Forestier et Laflane ont
soumis à l'examen radioscopique une minime quantité de lipiodol injectée
(i centimètre cube et demi) injecté dans le liquide rachidien.
L'injection se fait par voie lombaire, sur la table radioscopique elle-même,
le sujet étant en décubitus latéral, puis incliné, tête basse. On a ainsi toute
facilité pour étudier la descente de l'huile iodée de la région sacrée, vers la
région bulbaire tout le long de la cavité sous-arachnoïdienne, et pour appré-
cier le ralentissement physiologique de sa chute lors de la traversée dorsale
supérieure ou son arrêt pathologique en cas de compression médullaire, ou
de striction méningée. Cette nouvelle méthode de contrôle de la cavité sous-
araclmoïdienne du rachis est d'une grande simplicité technique ne néces-
sitant qu'un bon outillage radiologique. L'examen radioscopique peut ainsi
s'associer à l'examen radiographique, pour préciser davantage encore le
diagnostic lipiodolé. Les auteurs n'ont jamais .eu à noter, au cours de leurs
investigations, ni douleurs, ni incidents consécutifs.
L. GIROT.
SÉANCE ANATOMIQUE DU JEUDI 28 FÉVRIER 1924

Mal de Pott sous-occipital, par M. et Mme Sorrel.


M. et Mme Sorrel présentent des photographies et les pièces anatomiques
d'un mal de Pott sous-occipital mort subitement ; la mort s'est produite sans
un geste, sans un cri, en quelques secondes, alors que le malade était couché,
immobilisé dans une minerve. L'autopsie a montré extérieurement les signes
normaux classiques du.mal de Pott sous-occipital, avec luxation de l'atlas
sur l'axis et bascule de l'atlas sur l'axis.
Les auteurs rapportent les théories classiques au sujet de la mort subite
au cours du mal de Pott sous-occipital. Ces cas de mort subite sont très rares
si on en juge par la littérature. Le mécanisme clinique de la compression
brusque de la moelle par la luxation, soit de l'occipital sur l'atlas, soit de
l'atlas sur l'axis ne repose pas sur des exemples'très nombreux.
M. et Mme Sorrel montrent également à la société les radiographies d'un
sujet ayant succombé à un mal de Pott thoracique et lombaire. Chez ce
malade, on pouvait porter cliniquement le diagnostic de mal de Pott, mais
il était impossible de faire une localisation exacte. La radiographie
sur le
vivant, de face et de profil, la radiographie de la pièce sèche après la mort
n'ont pas permis de faire un diagnostic de localisation.
Les auteurs rapportent ainsi plusieurs cas cliniques où la radiographie
n 'a pas permis de poser un diagnostic de siège, alors qu'il existait des lésions
osseuses importantes des disques et des corps vertébraux.
M. Sicard est de l'avis de M. Sorrel. Souvent, dans
ces cas, on pense à une
tumeur médullaire, mais on craint un mal de Pott. Faut-il immobiliser le
malade ou lui faire une laminectomie exploratrice?
M. Sorrel croit qu'il y a un inconvénient à faire
une laminectomie explo-
ratrice chez un pottique, car la lésion osseuse tuberculeuse peut évoluer, et
la suppression de l'arc postérieur de quelques vertèbres compromet la sta-
tique ultérieure de la colonne vertébrale du malade. Du reste, il estime
qu une laminectomie exploratrice peut ne pas révéler un mal de Pott qui
existe pourtant; c'est ce qui aurait eu lieu s'il avait opéré le malade dont il
présente les pièces.
Paraplégie par mal de Pott, par M. et Mme Sorrel.
M. et Mme Sorrel présentent deux pièces de paraplégies par mal de Pott,
Dans le premier cas, la paraplégie était due à un abcès intrarachidien
extradural. La paraplégie était survenue trois ou quatre mois après le début
clinique du mal de Pott, la paraplégie s'était installée très vite,en quinze
jours, et avait été complète.
Dans le deuxième cas, il s'agissait d'une compression par pachyméningite.
Le début avait été tardif onze mois après la gibbosité ; pendant 'six mois
les signes de paraplégie avaient été frustes et incomplets.
Les auteurs comparent les pathogénies que les médecins d'une part et les
chirurgiens d'autre part ont données de la paraplégie pottique. Il leur semble
que les médecins croient surtout à la pachyméningite tuberculeuse et les
chirurgiens à l'abcès.
Il leur semble, d'après les malades qu'ils ont suivis àBerck.que l'évolu-
tion de la paraplégie diffère s'il s'agit d'une compression par pachyméningite
ou d'une compression par un abcès.
Dans le premier cas, la paraplégie débute tard après l'installation clinique
du mal de Pott, elle s'installe lentement, longtemps elle ne se manifeste que
par l'exagération des réflexes et le signe de Babinski. En général, une fois
installée, cette paraplégie persiste.
Dans le deuxième cas, le début est précoce, l'installation rapide, la para-
plégie rapidement absolue, et elle régresse ensuite.
Tumeur du sinus caverneux d'origine naso-pharyngée, par M..4. /. Barré
(de Strasbourg). — L'auteur étudie sur une série de coupes la topographie et
le cheminement d'une tumeur qui, après s'être développée dans les cavités
nasales postérieures et le sinus maxillaire correspondant, a envahi les cellules
ethmoïdales postérieures, les sinus ethmoïdal et sphénoïdal, puis la fente
sphénoïdale, le sinus caverneux (le carrefour pétrosphénoïdal de Jacod) et
enfin une petite partie de la fosse cérébrale postérieure.
Cette tumeur (un myxome malin) a procédé par infiltration, en disloquant
et dissociant les lames osseuses. Elle n'a pas suivi la trompe d'Eustache,
comme cela a lieu d'ordinaire. Elle n'a donné lieu à aucun symptôme d'hyper-
tension cranienne. La stase papillaire fit toujours défaut, malgré qu'il y eût
stase orbitaire et circulation collatérale périorbitaire très développée. Le
liquide céphalo-rachidien contenait une forte quantité d'albumine et 80 lym-
phocytes.
Hémisyndrome incomplet de la calotte, par M. Bollack.
M. Bollack présente les photographies d'une lésion de la partie inférieure
de la calotte protubérantielle au niveau de l'eminentia teres qui avait
entraîné une paralysie des vr et VIIe droits et une parésie du VIe gauche, avec
paralysie des mouvements de latéralité vers la gauche.
Troubles sympathiques dans la paraplégie pottique, par M. André-Thomas.
M. A. Tlzomas présente les photographies d'une colonne vertébrale pré-
levée chez une pottique paraplégique. Il insiste sur les troubles sympathiques,
non seulement par lésion des racines, mais aussi par lésion du sympathique
lui-même. Il conseille, pour bien repérer à quelle hauteur du sympathique
siège la lésion, de prélever la colonne vertébrale et de disséquer soigneuse-
ment le sympathique pour lui garder ses rapports normaux.
Présentation des pièces anatomiques, par M. lumentié.
M. lumentié présente les coupes d'une sarcomatose diffuse des méninges
et les photographies d'une tumeur du IVe ventricule, ayant déterminé de
l'hypertension et de l'œdème papillaire.
Une nouvelle méthode de coloration de la cellule nerveuse, par M: Donaggio
(de Modène).
M. Donaggio fait une conférence et présente d'intéressantes projections.
Il compare la cellule nerveuse normale à la cellule pathologique, et montre
l'intérêt d'une méthode de coloration qu'il emploie pour mettre en évidence
les lésions cellulaires très fines.
L. GIROT.

II. — Société médico-psychologique


SÉANCE DU 25 FÉVRIER 1924

Présidence de M. Truelle
De l'établissement d'un carnet médical individuel pour les aliénés, par
M. Dabout. — L'auteur expose les avantages du carnet médical individuel
tel qu'il est constitué actuellement pour les employés du Métropolitain.
Pareille organisation mériterait d'être utilisée en ce qui concerne les aliénés ;
elle permettrait de connaître le passé de certains aliénés dangereux et d'éviter
ainsi leurs méfaits sociaux. Tout livret individuel comporterait un résumé
de l'observation, ainsi que les résultats des examens biologiques, tout cela
devant être rédigé dans chaque asile par le médecin chef de service.
Discussion :

M. H. Colin approuve vivement la proposition de M. Dabout. Il est de


toute nécessité en effet de pouvoir obtenir des renseignements précis sur les
antécédents des aliénés. M. H. Colin donne lecture à ce propos d'une lettre
de M. Bossard à l'occasion d'une discussion sur ce sujet à la Société clinique
de médecine mentale, M. Colin croit que les certificats sont souvent insuf-
fisamment détaillés et que le carnet individuel serait fort utile.
M. A. Marie et M. H. Claude rapportent des cas où des malades dangereux
ont pu circuler impunément, par suite de l'ignorance de leur passé.
M. H. Claude fait remarquer toutefois que si l'organisation du carnet
médical individuel est relativement facile à Paris, par suite de la possibilité
de concentrer les livrets à la préfecture de police, il n'en est pas de même en
province. Il serait nécessaire pour que la mesure fût vraiment efficace, de
créer un fichier central.
M. Toulouse envisage l'application de ce projet aux services ouverts. Pour
ces derniers, semblables mesures se heurtent à la question du secret profes-
sionnel.
M. Vallon estime, en effet, que dans les services ouverts, qui sont, en
somme, des services d'hôpitaux, le médecin est tenu par le secret profes-
sionnel et ne peut communiquer aux experts des renseignements concernant
des malades non internés. D'ailleurs, la création de carnets médicaux indi-
viduels dans toute la France lui paraît assez inopérante, par suite de la dif-
ficulté de connaître les différents établissements où les malades ont été
soignés. Cette mesure ne peut être efficace qu'avec un fichier central.
M. Charpentier fait remarquer qu'il n'est pas question dans le principe
de la méthode de l'appliquer aux services ouverts.
Sur l'invitation du président, l'étude de la mise en pratique des mesures
proposées par M. Dabout, ainsi que des modalités d'exécution,est remise à
la prochaine séance.
H. BARUK.
III. — Société clinique de médecine mentale
SÉANCE DU 18 FÉVRIER 1924
Présidence de M. Toulouse
Actes complexes et coordonnés accomplis au cours de crises épileptiques
d'automatismecérébral, par MM. Toulouse, Marchand et Litvak, Une femme

âgée de trente-huit ans, atteinte d'épilepsie depuis l'âge de trente-trois ans,
présente, outre des crises épileptiques convulsives, des accès d'automatisme
cérébral pouvant durer un quart d'heure et plus, au cours desquels elle
accomplit des actes compliqués,coordonnés, ne différant pas objectivement
de ceux exécutés pendant l'état normal. Pendant les crises la parole est rare,
monosyllabique, mais les réponses sont justes. Amnésie complète portant
sur toute la période de l'accès d'automatisme.
Un cas de diagnostic délicat d'épilepsie, par Mlle Serin. (Service de M. Henri
Colin. Présentation de malade.) — Mme L..., cinquante-sept ans, domes-
tique, divorcée. Admise pour « Dépression psychique, idées mystique?,
tentative d'empoisonnement. » Se montre à l'entrée confuse, sans idée déli-
rante. Le surlendemain éclate un accès hallucinatoire à teinte mystique,
accompagné d'agitation violente, qui cesse brusquement huit jours après.
La malade devenue tout à fait normale ne conserve aucun souvenir de cet
accès.
Elle ne présente pas de trouble du caractère.
Renseignements pris, Mme L... a depuis l'âge de douze ans des crises
épileptiques absolument typiques, se reproduisant tous les mois et dont elle
ne garde aucun souvenir. En avril 1923, la crise habituelle a été remplacée
par un court accès hallucinatoire, également amnésique. Le début des
troubles actuels est survenu trois semaines environ avant l'internement, à la
suite d'un pèlerinage à Lourdes qui avait vivement impressionné la malade.
L'hérédité de cette femme est chargée.
Depuis l'entrée, elle a eu sous les yeux du médium un vertige absolu-
ment typique, avec morsure de la langue, perte des urines, dont elle n'a pas
non plus conservé le souvenir.
Syndrome paralytique sans réactions humorales, par Mlle Serin. (Service
de M. Henri Colin. Présentation de malade.) — Mme P..., marchande,
mariée, quarante-sept ans. Deux fausses couches. Syphilis ancienne traitée.
Depuis deux ans, cette malade présente un affaiblissement intellectuel
progressif, vole de l'argent à son mari, le perd. Elle devient malpropre.
Entrée à Sainte-Anne, elle se montre apathique, puérile, mais ne présente
pas de gros troubles de la mémoire. Elle est gâteuse. Ses troubles neurolo-
giques sont ceux d'une paralytique générale. L'examen du liquide céphalo-
rachidien montre un Guillain faiblement positif, pas de lymphocytose, pas
d'hyperalbuminose.
Reprise par son mari, elle revient deux mois après. Elle avait pu, dans
cet intervalle, l'aider dans son métier de marchand de volailles. Mais celui-ci
ayant été frappé d'hémiplégie, elle devenait incapable de vivre seule au
dehors.
Son état est stationnaire.
Il faut penser à une syphilis cérébrale ou à une paralysie générale.
Un cas de diagnostic délicat d'épilepsie, par M. Desport. (Service de
M. Pactet. Présentation de malade.) — Le malade présenté paraît intéres-
sant en ce sens qu'il est un exemple de la difficulté qu'on peut éprouver,
dans certains cas, à préciser un diagnostic et, par suite, à prendre une déci-
sion suffisamment avertie au sujet de la sortie.
Entré à l'asile de Villejuif le 16 juillet 1923, à l'occasion d'une crise déli-
rante hallucinatoire, il ne présentait plus alors qu'un certain degré d'obtu-
sion intellectuelle. Il pouvait sortir guéri de l'asile après un séjour de huit
semaines. Le 2 octobre, il revenait à l'asile dans les mêmes circonstances
que la première fois; le rétablissement fut encore rapide. En l'absence de
renseignements, il était permis de se demander si l'alcool n'était pas à l'ori-
gine de la perturbation mentale.
Le 24 novembre, le malade est pris brusquement d'excitation au cours de
laquelle il se livre à des actes automatiques et, en l'espace de deux mois, les
mêmes incidents se renouvelèrent à six reprises différentes. Le caractère de
ces nouvelles manifestations le début brusque, l'accomplissement d'actes
automatiques, l'obtusion intellectuelle les accompagnant, la cessation
brusque des accidents, firent considérer ce malade comme épileptique, les
manifestations comitiales relevant de ces actes décrits par Falret sous le
nom de grand mal et de petit mal intellectuel. D'après les renseignements
recueillis auprès de sa mère, le malade avait présenté chez lui quelques accès
d'agitation identiques à ceux qui furent observés à l'asile. Jamais il n'eut
d'accès convulsifs, jamais il n'urina au lit; il n'a pas de cicatrice de morsure
à la langue.
La décision relative à la sortie sera évidemment différente de celle qui
pourrait être prise à l'égard d'un cas d'alcoolisme subaigu amélioré.
Syndrome paralytique sans réactions humorales, par M. Desport. (Service
de M. Pactet. Présentation de malade.) — Malade placé volontairement à
l'asile pour affaiblissement psychique très accusé, troubles physiques, tels
que grande paresse des réflexes pupillaires à la lumière, dysarthrie, etc., et
réaction de Bordet-Wassermann négative dans le sang et dans le liquide
céphalo-rachidien.
Dans le service, on observe un affaiblissement intellectuel global, les
signes physiques précédemment énumérés et, de nouveau, l'absence de la
réaction de Bordet-Wassermann dans le liquide céphalo-rachidien. De plus,
on ne note que o gr. 22 d'albumine, 5 lymphocytes par millimètre et la réac-
tion de Guillain négative.
La maladie a débuté par une grande fatigue en juillet 1922 ; le malade se
plaignait aussi de céphalée. Il n'eut jamais d'ictus. Rétention d'urine en 1921.
Les troubles démentiels et physiques observés, l'absence de réactions
humorales nous autorisent à porter le diagnostic de syndrome paralytique
sans réactions humorales.
Trois cas de délire raisonnant d'invention. (Présentation de documents.) —
M. Hoven (asile de Mons, Belgique) communique les observations de deux
malades inventeurs.
Il s'agit, de ces malades observés si fréquemment au cours de la guerre.
L'un décrit, avec dessins à l'appui, une machine blindée pour attaques, des
appareils de défense contre les avions, un harnachement spécial permettant
aux chevaux de défoncer les fils de fer barbelés, l'autre un changement de
vitesse automatique s'appliquant aux hélices d'avion.
A cette occasion, M. le docteur Auguste Marie présente des documents
et des dessins analogues.
H. COLIN.
IV. — Société de psychiatrie
SÉANCE DU 21 FÉVRIER 1924

Présidence de M. Sémelaigne
Hypomaniaque raisonnante. — MM. Laignel-Lavastine et Vinchon pré-
sentent une malade "qui est arrivée dans le service de la Pitié après s'être
évadée de la colonie belge de Gheel. Son état mental comprend deux élé-
ments 1° De l'excitation psychique dans les domaines verbal, graphique et
:

moteur, qui domine actuellement le tableau clinique ; la mimique mobile, la


recherche du costume, la décoration de la chambre avec des bibelots symbo-
liques sont les manifestations curieuses de cette excitation. 20 Un délire de
revendication qui a entraîné deux compartiments différents a) à Gheel,
:

réclamations, interventions auprès des magistrats, fugues; b) à la Pitié,


excitations purement verbales et graphiques, sans aucune tentative de pas-
sage à l'acte. Il semble bien que dans la phase actuelle, l'élément dominant
soit l'hypomanie, tandis que l'élément revendicateur paraît secondaire.
M. Georges Dumas ne croit pas qu'on puisse admettre ici une dissociation
mentale, comme les auteurs l'ont supposé, parce que chez cette malade les
actes ne concorderaient pas avec les paroles.
M. A. Delmas insiste, à propos de cette observation, sur la fréquence des
associations de constitution, réalisant des psychoses associées.
M. Minkowski pense qu'il s'agit d'une psychose associée dans laquelle
domine l'excitation hypomaniaque.
La psychologie comparée des paralytiques généraux et des schizophrènes, par
MM. E. Minkowski et Tison. — L'affaiblissement intellectuel de la démence
vraie, qui existe chez le paralytique général, se laisse définiraisément comme
perte, avant tout, du jugement et de la mémoire. Au contraire, ces notions
se montrent insuffisantes lorsqu'il s'agit de préciser le processus fondamental
de la démence précoce de Kraepelin, de la discordance de Chaslin ou de la
schizophrénie de Bleuler. Dans ces affections on a incriminé la défaillance
du facteur pragmatique (Bleuler), la perte du contact vital avec la réalité et
le fléchissement de l'élan personnel selon les idées bergsoniennes, un
trouble de pénétration. Ainsi, les facteurs statiques, comme les souvenirs ou
les idées isolées, resteraient intacts, tandis que les facteurs dynamiques, la
pénétration qui transforme l'ensemble de ces facteurs statiques en une con-
tinuité mouvante et vivante, fait défaut.
CerN

1. Les Lipoïdes phosphorés du cerveau, lorsqu'ils sont ingérés, sont résorbés en


nature dans l'intestin, dans la proportion de 95 il. (Salkowski, Franchini)). Ils sont
fixés électivement et sans modification dans le cerveau même (Salkowski : " Est-il
possible d'augmenter la quantité de phosphore du cerveau ?" Bioch. Z, LI, p. 407.)
Il. Il est démontré aujourd'hui que :
La quantité de Lipoïdes phosphorés est diminuée dans le cerveau des malades
atteints de psychopathies, de paralysie générale, démence précoce, épilepsie, neu-
rasthénie, chez les vieillards, dans les convalescences des maladies graves, etc.,
etc., ainsi que dans la moelle des tabétiques... (Carbone et Pighini, Bioch. Z, xivi,
p. 450, et XLIII, p. 304. — Feigl, Bioch. Z, LXXXVÏII, p. 53. — Koch et Mann, " Arch.
of Neurol. a. Psych. 1910. — Peritz, Mott et Barrait, Molt et Halliburton. Fraenkel,
nimitz, Bioch. Z, xxvi, p. 215.)
111. Il résulte de toutes ces recherches qu'aujourd'hui un traitement rationnel
de toutes les affections du système nerveux comporté l'administration du Lipoïde
principal phosphoré du cerveau, indépendamment et à côté des autres traite-
ments, tels aue, par exemple, le traitement spécifique (Giacomo Pighini, Babès, etc..
Dose normale : une injection hypodermique journalière ou 4 à 8 pilules par jour.

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PRIX. — Les prix de séjour et de traitement varient suivant le pavillon, l'appartement et la fJL
nature de l'affectioi-t traitée.
Institut Médico=Pédagogique
pour le Traitement et l'Éducation
DES ENFANTS NERVEUX ET ARRIÉRÉS
des deux Sexes
(Fondée en 1893 par le Dr BOURNEVILLE)
VITifY, près Paris, rue Saint-Aubin, 22
médecin en chef. — G. ALBOUY, directeur pédagogique
Dl G. IMUL-BOAiCOUR,

L'Institut Médico-Pédagogique est destiné :


1° Aux enfants présentant de l'instabilité mentale et sujets à des impulsions
maladives qui les empêchent, quoique possédant un certain développement
de l'intelligence, de se soumettre à la règle des lycées ou des pensions et qui
ont, par conséquent, besoin à la fois d'une méthode d'éducation spéciale et
d'une discipline particulière ;
2° Aux enfants arriérés, faibles d'esprit à tous les degrés ;
3° Enfin aux enfants atteints d'affections nerveuses compliquées ou non
d'accidents convulsifs.
Les enfants de ces diverses catégories forment des groupes toutàfait distincts.
En outre, un pavillon spécial d'observation, récemment construit et appro-
prié à cet usage, est destiné à recevoir les enfants et les adolescents, sur
la nature desquels les médecins veulent être fixés avant de prendre une
décision utile.
Après quelques semaines d'observation, des renseignements précis sur la
mentalité, la moralité et le caractère sont transmis. Le prix de la pension
pendant la période d'observation est de 5oo fr. par mois.
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La Maison de Santé du Château de Suresnes est située à la Porte de Paris
(sortie du Bois de Boulogne), dans un grand parc.
Remise à neuf et embellie depuis la guerre, la maison reçoit, dans des
parties distinctes (château et pavillons dispersés dans la verdure du parc),
des convalescents, neurasthéniques, nerveux, intoxiqués ou
psychopathes.
Château et pavillons réunissent toutes les conditions les meilleures
d'hygiène et de bien-être (chauffage central, eau chaude, électricité, eau
de source), etc.
Les personnes qui y séjournent peuvent y disposer à leur gré d'une
chambre meublée avec luxe, d'un cabinet de toilette, d'un salon, d'une
salle de bains, etc.
Les Médecins de la Maison de Santé et leurs familles prennent leurs
repas avec les pensionnaires qui désirent fréquenter la salle à manger.
La Maison est largement ouverte à Messieurs les Médecins, qui
peuvent ainsi continuer à suivre leurs malades.
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De cette conception se dégage bien la différence entre l'affaiblissement
intellectuel et la dislocation schizophrénique. Chez le paralytique général,
les facteurs statiques souffrent avant tout, le facteur dynamique semble, par
contre, se conserver assez longtemps ; dénué des souvenirs qui se groupent,
chez l'individu normal, autour de lui, il se manifeste d'une façon morbide et
détermine le caractère général des réactions de ces malades, caractère qui
parfois se laisse poursuivre jusqu'à un stade très avancé de l'affection.
M. A. Delmas a pris intérêt à ce travail parce qu'il montre la nécessité
des recherches sur la schizophrénie et les psychoses discordantes, mais se
méfie des fonctions nouvelles et multiples qu'invoquent les auteurs.
M. Georges Dumas constate que ces théories ne sont faites que de com-
paraisons, d'images, de symboles et de métaphores. Cette conception de la
psychiatrie n'est, pour ainsi dire, qu'un reflet des doctrines philosophiques
régnantes. Or, la médecine mentale ne doit pas suivre la philosophie, mais
au contraire, les philosophes devraient utiliser les notions fournies par la
psychiatrie.
M. Hart.enberg regretterait beaucoup de voir la psychiatrie française s'en-
gager dans cette voie philosophique, car cette orientation aurait pour effet
de creuser davantage le fossé entre la médecine mentale et la pathologie
générale à laquelle elle doit se rattacher. Il serait beaucoup plus fructueux
de s'en tenir sur le terrain médical et de chercher la nature et les causes de
la démence précoce.
M. Minkowski ne croit pas qu'il s'agisse uniquement d'une transposition
globale de notions philosophiques en psychopathologie. L'application de ces
notions donne au contraire la possibilité de mieux analyser les faits en
présence desquels on se trouve et de mettre en évidence des particularités
qui échappent d'habitude à l'observateur.
Apparence d'autocritique par conservation d'une rhétorique automatique
après dix ans de démence. — MM. Courbon et Bauer communiquent l'obser-
vation d'une démente précoce, malade depuis douze ans, et dont la rhéto-
rique fit illusion pendant des années, si bien qu'au lieu de l'interner sa
famille, qui expliquait ses extravagances par une simple neurasthénie, alla
jusqu'à lui confier la gestion d'un fonds de commerce dans l'espoir de la dis-
traire en l'occupant. Cette rhétorique fut encore capable, lors de son admis-
sion à l'asile, de tenir en suspens le diagnostic de démence jusqu'à l'arrivée
des renseignements sur sa conduite en liberté.
Cette illusion de validité mentale que peut donner la conversation d'un
dément n'est pas rare et montre la nécessité de distinguer, comme le fait
Courbon, la capacité intellectuelle théorique et la capacité réelle. La pre-
mière n'est qu'une donnée de la mémoire elle suffit à conférer à une con-
:

versation l'apparence de la raison, mais en présence des réalités de l'expé-


rience elle est impuissante. La capacité intellectuelle réelle est une donnée
immédiate du sens critique. C'est la perception directe des rapports des choses
entre elles. La vraie pierre de touche est la vie en liberté avec ses problèmes
incessants d'adaptation au milieu.
P. HARTENBERG.
ANALYSES

DUVERGER et REDSLOB. Pathogénie du signe d'Argyll-Robertson.


(Revue d'oto-neuro-oculistique)n° 8 octobre 1923.)
Les auteurs, sans vouloir envisager la signification ni la valeur séméiolo-
gique du signe d'Argyll-Robertson, reprennent d'un point de vue original la
question de la pathogénie, qui a déjà donné lieu à un grand nombre de
travaux. On considéra successivement comme origine de ce symptôme : une
lésion médullaire cervicale (Reichardt, Uhthoff, Dreyfus) ; une atteinte de l'arti-
culation entre la voie visuelle ascendante et le noyau pupillairedu III (Bumke,
Behr); une altération du noyau pupillaire lui même (Lewinson) ou des fibres
pupillaires; des lésions du ganglion ophtalmique et des nerfs ciliaires déter-
minant secondairement des troubles trophiques de l'iris (Marina, Dupuy-Du-
temps, Lafon).
Les premières de ces.hypothèses ont été démenties par les faits cliniques
ou anatomo-pathologiques. Quant à la dernière, si elle permet de comprendre
le myosis, l'inégalité et les déformations pupillaires, elle n'explique pas la dis-
sociation des réactions pupillaires ni l'apparition de signes d'Argyll-Robertson
sans lésions iriennes au cours de traumatismes craniens, de paralysies du III,
de contusions du globe, etc.
D. et R., reprenant la description clinique du signe d'Argyll-Robertson,en
différencient deux types : l'un qui ne comporte que la dissociation des réac-
tions iriennes, l'autre (syndrome d'Argyll-Robertson complet) qui comprend,
outre l'abolition du réflexe photomoteur joint à la conservation de la contrac-
tion à la vision de près, le myosis, la déformation et l'inégalité pupillaires
et les modifications du tissu irien décrites par Dupuy-Dutemps.
De l'étude physiologique des mouvements iriens, il ressort nettement que
la réaction photomotrice est seule un véritable réflexe, la réaction à la vision
de près n'étant qu'un des éléments d'un mouvement volontaire, c'est-à-dire un
mouvement associé. Normalement déjà il existerait une différence très nette
entre les caractères de ces deux contractions iriennes, la réaction à la con-
vergence étant beaucoup plus tenace et durable que le réflexe photomoteur. Si
la contractilité de l'iris diminue, c'est la réaction la moins forte qui doit dispa-
raître la première: ainsi se constitue le signe d'Argyll-Robertson,qui n'est que
e l'expression de la perte partielle de la contractilité de l'iris rendant plus
évi-
dente la dissociation qui existe à l'état physiologique J et ne représente, pour
les auteurs, qu'un état transitoire au cours d'une évolution qui peut aller de la
mobilité physiologique de l'iris à l'immobilité pathologique.complète.
Dans sa signification la plus générale (dissociation des réactions pupillaires),
le signe d'Argyll-Robertsonpeut être dû aune lésion quelconque de l'appareil
iridomoteur, pourvu que cette lésion soit partielle et incomplète, alors que
le syndrome complet (dissociation des réactions pupillaires jointes aux modifi-
cations de l'iris), d'une valeur plus particulière, se rencontrant surtout chez les
syphilitiques, nécessite une atteinte primitive ou secondaire du neurone
périphérique. S. ScniFF-WERTHEiMER.

VEGA. Sur la pathogénie du tabes dorsalis. (Rivista di patologia nervosa e


mentale, 2 5 août 1923.)
Lorsque le tabes est récent, on constate dans l'espace interarachnoïdien
des lésions inflammatoires légères des racines antérieures et postérieures;
dans la portion radiculaire, infiltration et prolifération inflammatoires aiguës.
Le maximum des lésions se rencontre dans le rameau sensitif, où l'on rencontre
également l'endonévrite. Parfois au niveau de l'origine apparente du nerf, la
myéline a complètement disparu de la partie sensitive. Plus tard l'endothé-
lium de la racine sensitive prolifère au niveau de l'espace interarachnoïdien;
dans les racines les lésions conjonctives existent sur les deux racines dans la
zone radiculaire, mais ces lésions prennent l'allure chronique que l'on sait.
Les cellules des fibres centripètes sont toujours plus altérées que les fibres
centrifuges.
L. WAHL.
JOSEPH IMRE. L'influence du système endocrinien sur la tension intra-
oculaire. (Endocrinology. Vol. VI, n° 2, mars 1922, p. 213.)
L'auteur, reprenant l'hypothèse — déjà exprimée par Hippel, Hertel et
Wessely— d'une relation entre les modifications de la tension intra-oculaire
et les troubles des sécrétions endocrines, lui donne comme base quelques
faits cliniques intéressants. Il a étudié particulièrement deux cas de tumeurs
hypophysaires dans lesquels la tension intra-oculaire, très basse au début,
remonta rapidement à la suite d'un traitement radiothérapique qui enraya la
progression du syndrome hypophysaire. Dans deux cas d'ostéomalacie gra-
vidique la tension fut trouvée notablement abaissée. L'auteur constata de
même, dans trois cas, une hypotension intra-oculaire consécutive à la castra-
tion, alors que, dans la plupart des cas de Basedow étudiés, la tension lui
parut supérieure à la normale.
De ces observations, Imre conclut à la nécessité de mesurer systématique-
ment la tension intra-oculaire dans tous les cas où l'existence de troubles
des sécrétions internes peut être supposée.
S. SCHIFF-WERTHEIMER.
BUSCAINO. Amines toxiques présentes dans la circulation chez les
déments précoces et manquant chez les maniaques et les mélanco-
liques. (RasseglZa di studi psichiatrici, juillet-octobre 192^.)
Nous rappelons que,par le nitrate d'argent à chaud, les urines des déments
précoces de toutes les variétés — et elles seules
— donnent une réaction noire
caractéristique de certaines amines toxiques appartenant au groupe de l'his-
tamine. L'élimination par l'urine de ces toxines est intermittente sans rythme
particulier. Elle n'a pas de rapport avec les périodes fébriles ni avec la tuber-
culose, si fréquente chez les déments précoces, mais paraît liée à la résorp-
tion, par l'intestin grêle d'amines, à noyau imidozolique. Les altérations du
foie favorisent cette résorption. La réaction peut être noire-verdàtre dans la
catatonie, dans l'amyotropisme post-encéphalitique, dans les syndromes Wil-
soniens, dans le parkinsonisme, dans les syndromes à évolution lente du cer-
velet. La démence est donc pov.r B... une maladie acquise par un cerveau
débile sous des influences toxiques dues à la présence dans le sang de l'hista-
mine. L'expérience sur le lapin confirmerait cette manière de voir. Cette réac-
tion, que nous proposons d'appeler réaction de Buscaino, permettrait en cas de
doute de différencier la démence précoce des autres psychoses.
L. WAHL.
LONGHITANO Kystes dermoïdes et cholestéatomes du système nerveux
central. Recherches anatomo-pathologiqueset considérations critiques.
(Rivista italiana di neuropatologia, mai-juin 1923.)
Il ne semble pas que ces tumeurs dérivent de l'endothélium ; il paraît
plus probable qu'elles ont pour origine l'épithélium épendymaire. Cependant,
il faut alors supposer une métaplasie bien complexe pour expliquer leur
morphologie. La structure particulière qu'ont parfois certaines parties de ces
tumeurs rappelle celle de l'épiderme et rend probable leur origine ectoder-
mique. Dans le cas de l'auteur il existait un polymorphisme qui allait d'une
simple assise de cellules de l'épithélium cubique à des kystes polystratifiés à
caractère épidermique et enfin à de véritables cholestéatomes. Cependant, il
semble y avoir là une même entité morphologique à plusieurs périodes de son
développement et formant la transition entre les kystes épidermoïdes et les
cholestéatomes. L. WAHL.

TERNI. Sur la constitution de la substance gélatineuse de la moelle des


oiseaux. Note préliminaire, Académie royale de médecine de Turin, Séance
du 23 mars 1923. (Journal de l'Académie.) Janvier-mars 1923.
Le sinus rhomboïdo-sacré des oiseaux se forme au dépens de la zone
médio-dorsale du tube médullaire de l'embryon et se présente chez l'adulte
comme un « septum posterius » énormément dilaté qui fait hernie à la face
dorsale de la moelle. Chez le pigeon, le moineau, les cellules d'abord petites
ne se différencient pas des autres cellules de la moelle. Au onzième jour, elles
se chargent de glycogène et prolifèrent, en prenant la forme de vésicules.
Plus tard, on trouve à la périphérie une mince zone de protoplasma comprimé
contenant des chondrosomes, là est le noyau qui est petit et sphérique, le
reste de la cellule est formé de glycogène formant un gros bloc de quarante
de diamètre; il s'agit donc là d'un corps sacré glycogénétique entouré d'un
rés-eau capillaire sanguin à larges mailles. L. WAHL.

F. D'ALESSANDRO. Contribution à l'anatomie pathologique de la glande


génitale mâle dans la paralysie générale. (Note e riviste di psichiatria,
décembre 1922).
Dans les maladies parasyphilitiques et surtout dans la P. G. les fonctions
exocrines du testicule sont souvent altérées; il n'y a pas de parallélisme entre la
gravité et la durée de la maladie mentale et ces altérations, mais ce parallé-
lisme existe avec la gravité de la syphilis, soit que celle-ci intervienne direc-
tement sur les éléments nobles de la glande, soit par l'intermédiaire de troubles
circulatoires. Il en résulte la stérilité ou tout au moins une faible vitalité des
produits. Jamais on ne constate la présence de tréponèmes, on est donc porté
à admettre que les descendants des syphilitiques sont contagionnés par l'in-
termédiaire de la mère lorsque la syphilis est encore jeune et que plus tard
cette infection est exceptionnelle. On voit combien ces théories sont éloi-
gnées des anciennes lois de Colles et de Profeta. L. WAHL.

E. BREVETTA. La réaction de Lange en psychiatrie. (Note e rivista di


psichiatria, décembre 1922.)
La réaction de l'or colloïdal a l'avantage de pouvoir être exécutée avec
quelques gouttes de liquide seulement, de liquide céphalo-rachidien. Elle
est plus précise que le B. W. dans les cas de paralysie générale, de tabes
paralytique, de paralysie générale juvénile et sénile, aussi bien que dans les
formes vulgaires; elle est, au contraire, négative toutes les fois que la syphilis
n'est pas en cause; les résultats sont identiques, que l'on pratique la ponction
lombaire ou la ponction cérébrale. Elle permet dans les cas douteux, en parti-
Gulier dans la sclérose en plaques et dans l'abcès du cerveau, de savoir s'il y a
syphilis ou non. L. WAHL.

PFANNER(dc Turin). Sur la valeur diagnostique de la réaction du benjoin


colloïdal dans le liquide céphalo-rachidien. (Rivista dipatologia nervosa
e mentale, 3o septembre 1923.)
La simplicité et la sensibilité de cette réaction la rendent très précieuse
toutes les fois que le liquide céphalo-rachidienne contient ni sang ni composés
xantho-chroniques. Le benjoin de Sumatra doit être préféré aux autres; il
faut cependant tenir compte des différentes phases de la réaction. Elle révèle
les lésions syphilitiques du névraxe qui atteignent les éléments nerveux ou
les vaisseaux. Les causes d'erreur ou de doute font, d'après Pfanner, que cette
méthode n'est pas supérieure aux autres épreuves biologiques employées dans
le même but. L. WAHL.

J. ARMUSSI. Considérations sur les rapports entre la neuro syphilis. la


réaction de Wassermann dans le sérum et dans le liquide cérébro-
spinal. (Rassegna di studi psitriatici, mars-juin 1923.)
L'auteur insiste sur la nécessité de faire dans tous les cas de neuro-syphilis
la réaction de Bordet-Wassermann sur le liquide céphalo-rachidien,qui bien
souvent est véritablement démonstrative des lésions organiques. Cette
recherche est particulièrement importante lorsque les signes psychiques ou
nerveux sont d'une interprétation douteuse. L'auteur admet que la réaction
de Bordet-Wassermann est la meilleure ; en France, on tend à lui préférer celle
du benjoin colloïdal. L. WAHL.

A. ALBERTI. Disparition de l'endémie pellagreuse dans les provinces de


Pesare et d'Urbin. Communication au VIe congrès de la pellagre,
29-30 mai 1922. (Note e riviste di psichiatria, 1922.)
Avant la guerre ces deux provinces comptaient parmi les plus infestées de
pellagre. Depuis que les conditions économiques des travailleurs de la terre
se sont modifiées, notamment par la création de coopératives de production
et la participation aux bénéfices, la maladie a considérablement rétrocédé.
L'auteur n'admet ni la théorie maïdique de Lombroso, ni celle du strepto-
bacille de Tizzoni; il attribue la pellagre à une avitaminose. Il a vu, en effet,
celle-ci se développer chez des prisonniers de guerre qui n'avaient point été
nourris avec du maïs. Pour combattre l'endémie, Alberti préconise la distri-
bution de sel aux pellagreux et à leurs familles, la surveillances des mendiants
et des vagabonds dans les lieux contaminés et enfin la création de chaires
ambulantes d'agriculture.
L. WAHL.

ZALLA. Tuberculose et maladies mentales. (Rivista di patologia nervosa e


mentale, mai, juin 1923.)
Tous les auteurs, depuis longtemps ont signalé l'extrême fréquence de la
tuberculose chez les aliénés (Brouardel). Zalla a établi le p. 100 des morts
par tuberculose dans les différentes formes mentales d'après les statistiques
de la clinique de Florence et est arrivé à cette conclusion que la tuberculose
frappe surtout ceux qui font un long séjour à l'asile,tout particulièrement les
phrénasthéniques, les déments précoces, les hébéphréniques, les cas subaigus
d'alcoolisme. Evidemment l'hygiène toute relative que l'on peut avoir dans
les asiles facilite l'éclosion et le développement de la bacillose, mais il est
certain que le terrain constitutionnel y est pour beaucoup, tout particulière-
ment chez les déments précoces, chez lesquels la tuberculose existe déjà lors
de l'internement. Lewis tout récemment a insisté sur les relations de cause à
effet qui existent entre la tuberculose et la démence précoce et Alexandre
a attribué à la toxine tuberculeuse la cause de cette maladie. De nombreux
cas que j'ai observés paraissent justifier cette manière de voir.
L. WAHL.
REZZA. Delirium tremens avec syndrome de Wernicke. Polioencéphalite
hematique supérieure aiguë et leptoméningite hémorragique. (Rassegna
di studi psichiatrici, 1923.)
L'auteur rapporte un cas de delirium tremens dans lequel existaient un
certain nombre de symptômes oculoplégiques de Wernicke. L'autopsie a
montré une lepto-méningite hémorragique d'une part,et de l'autre un foyer
hématique dans le lobe frontal. Pour Rezza, l'encéphalite aiguë de Wernicke
est un syndrome et non une maladie, elle peut même exister sans véritables
foyers hémorragiques au lieu d'élection. La lepto-méningite hémorragique
est un fait rare. Ce serait pour Rezza une erreur que de vouloir identifier
l'encéphalite aiguë avec l'encéphalite léthargique hémorragique en se fondant
sur l'identité des lésions histologiques. La place de ces deux affections est
encore à déterminer dans le cadre nosologique.
L. WAHL.

JOSEPH PEYRUS. Essai sur la bismuthothérapie dans la neurosyphilis.


(Thèse de Lyon, décembre 1923.)
Envisageant la' thérapeutique actuelle vis-à-vis des syphilis nerveuses,
M. Peyrus, au cours d'un très intéressant travail sur la Bismuthothérapie, met
-en relief, dans diverses observations de neurosyphilis (dont la
plupart ont été
recueillies dans le service de Neurologie de M. Bériel) les heureux résultats
de la médication bismuthée là où mercure et arsenic semblaient devoir
échouer ou avoir épuisé leur effet.
Au cours de son expérimentation, l'auteur s'est exclusivement et prin-
cipalement servi d'un composé organique récent, remarquablement bien
toléré, par voie intramusculaire, même à doses élevées ou rapprochées, et
sans phénomènes réactionnels, l'oléate de bismuth (Oléo-Bi « Roche ») titré
à 5o p. 100 de Bi-mëtal ; puis, accessoirement, d'un tartrobismuthate de
sodium, titré à 35 p. 100 (Tartro-Bi), administré par voie endoveineuse.
L'efficacité du bismuth — en l'espèce de l'oléo-bi — apparaît nettement
établie dans plusieurs des observations de l'auteur, et nous devons admettre
avec M. Peyrus, qui en a minutieusement étudié l'action, que cette dernière
tient principalement à la diflusion lente et profonde du Bi dans les tissus
réalisant c un véritable bain bismuthé », notamment au niveau des centres
nerveux et du liquide céphalo-rachidien.
Des nombreuses observations recueillies jusqu'ici par divers expérimen-
tateurs, aussi bien dans les hôpitaux de Paris, Saint-Louis, Cochin, Hôtel-
Dieu, que dans les hôpitaux de province, Antiquaille, Charité, Nancy,
Strasbourg, il semble que l'oléo-bi soit un produit excessivement com-
mode à administrer, très maniable, présentant une résorption complète en
même temps que lente et progressive du bismuth, sans danger d'accu-
mulation ou de décharges inondant brusquement l'organisme, et dont, par
conséquent, il est facile, par un dosage judicieux, d'éviter toute action
secondaire.
L. PARROT.

SIMONPIÉTRJ. Le Sonéryl. Etude chimique, pharmacologique et cli-


nique. (Thèse de Paris, 1923.)
Introduite dans la thérapeutique par Carrion et Tiffeneau, la butyléthyl-
malonylurée ou acide butyl-éthyl-barbiturique (Sonéryl) est un hypnotique
puissant qui, grâce à ses propriétés sédatives, peut être avantageusement
utilisé.
C'est une poudre blanche microcristalline, légèrement soluble dans l'eau
et devenant très soluble en présence des alcalis minéraux ou organiques.
Le Sonéryl peut s'employer sous diverses formes et suivant les diverses
voies d'introduction suivantes :
Voie buccale : soit en cachets, soit en comprimés titrés à o gr. 10, soit en
solutions, par cuillerées à bouche quand elles sont diluées, ou par gouttes
quand elles sont concentrées.
Voie sous-cutanée oit intraveineuse : on utilise des solutions titrées à o gr. o5
de produit; on peut en injecter un, deux, trois, quatre centimètres cubes,
selon l'effet à réaliser.
Voie rectale : on peut donner le Sonéryl sous la forme de lavements con-
tenant 10 ou 20 centigrammes de produit pour 60 centimètres cubes d'eau ou
sous la forme de suppositoires titrés à o gr. 10.
Cet hypnotique est sans action appréciable sur le cœur, la circulation et
le rein, chez l'homme. Il n'est nullement toxique aux doses thérapeutiques et
n'est pas irritant pour les muqueuses et, en injections, il n'est pas dou-
loureux.
Il ne présente donc pas de contre-indications.
La facilité avec laquelle on peut l'administrer par diverses voies d'intro-
duction permet de l'employer avec succès dans toutes les formes d'insomnie.
a) Dans l'insomnie des nerveux, on a constaté, jointe à son action hypno-
tique, une action sédative très marquée, avec des doses comprises entre
o gr. o5 et o gr. 10 de Sonéryl.
b) Dans l'insomnie des délirants aigus, on a obtenu le calme et la dispari-
tion des phénomènes d'excitation par l'emploi de doses comprises entre
o gr. 10 et o gr. 3o de produit.
L'injection intraveineuse, d'ailleurs exceptionnelle, a fourni, avec des
doses de Sonéryl de o gr. o5 ou o gr. 10, des résultats sédatifs particulière-
ment rapides et efficaces.
c) Dans Vinsomnie des douloureux, l'action hypnotique et sédative est
remarquable. Dans certains cas, deux prises de o gr. 10 chacune, une le
matin, l'autre le soir, assurent des journées m*>ins pénibles et de bonnes
nuits de sommeil.
d) Dans l'insomnie des infectieux (grippe, pneumonie, etc.), on enregistre
avec la butyléthylmalonylurée, les mêmes succès. Le délire, l'excitation sont
rapidement calmés et le sommeil apparaît facilement avec des doses comprises
entre o gr. 10 et o gr. 20 de médicament.
e) Dans l'insomnie des tuberculeux, et celle due aux affections de l'appareil
respiratoire, la butyléthylmalonylurée s'est montrée aussi active.
/) Chez les cardiaques, l'insomnie due à l'angoisse, à la fièvre, cède sous
l'influence du Sonéryl et ceci sans inconvénient pour le cœur; ces malades
éprouvent, de ce fait, un repos bienfaisant.
g) Enfin, la butyléthylmalonylurée possède une action certaine dans
l'épilepsie. L. WAHL.

AVIS
La cinquième réunion d'Etudes biologiques de neuro-psychiatrie aura lieu
le jeudi 27 mars prochain à neuf heures et demie à l'asile Sainte-Anne, à l'am-
phithéâtre de la clinique de la Faculté (service du professeur H. Claude).

Le Gérant : G. DELARUE.
TRAVAUX ORIGINAUX

LA CONSTITUTION SCHIZOÏDE
(ÉTUDE CLINIQUE ET DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL)
PAR
Le professeur Henri CLAUDE
A. BOREL et Gilbert ROBIN

1
C'est Kretschmer qui employa le premier le terme de tempérament schi-
zoïde. Le mot a fait fortune. Le cycloïde, qui s'opposait selon Kretschmer au
schizoïde, est devenu syntone dans la terminologie de Bleuler : « La syntonie
est la faculté de se mettre au diapason de l'ambiance, de pouvoir vibrer à
l'unisson avec celle-ci : elle réalise en même temps l'unité de la personnalité.
La schizoïdie, par contre, est la faculté de s'isoler de l'ambiance, de perdre le
contact avec elle; elle a pour conséquence un fléchissement plus ou moins
grand de la synthèse de la personnalité humaine 2. » La schizoïdie qui, seule,
nous retiendra ici, devenait pour Bleuler le terrain de la schizophrénie, c'est-
à-dire de toute la démence précoce, de la paranoïa, du délire de préjudice
sénile, de l'hystérie, des obsessions, etc.
Par une telle extension il est aisé de comprendre que la schizoïdie de Bleu-
ler répond non à un type clinique défini, mais à une conception générale.
L'individu n'est pas envisagé dans l'ensemble de ses caractères, mais unique-
ment dans son contact avec l'ambiance. C'est ce reproche « du point de vue a
que nous faisons à Bleuler, parce que cette conception est avant tout psy-
chologique et a conduit le psychiatre de Zurich à faire de la schizophrénie la
Maladie mentale par excellence.
Selon nous la schizoïdie a une physionomie clinique beaucoup plus limi-
tée. Nous ne nions pas que la perte de contact avec l'ambiance puisse être
révélée par un complexe affectif, mais le choc moral n'a été le plus souvent
qu'un prétexte à mettre en valeur des tendances profondes latentes. Nous
pensons bien qu'il n'y a pas de limites nettes en psychiatrie et qu'un schizoïde
I. Ernst KRETSCHMER — Korperbau und Charakter — Berlin 192 1. Pour
cet auteur,la constitution,c'est l'ensemble des dispositions individuelles. Le
caractère c'est la possibilité des réactions affectives. Le tempérament, c'est le
caractère,vu à travers la constitution. Nous ne pouvons suivre Kretschmer
dans les développements qu'il donne à la constitution schizoïde, qu'il oppose
constamment à la constitution cycloïde. Notre conception emprunte certains
éléments à celle de Kretschmer, mais s'en distingue par les caractères que
nous exposons dans cette étude et au premier plan desquels nous plaçons
les rêveries et la constitution des mondes imaginaires.
2. MINKOWSKI. Impressions psychiatriques d'un séjour à Zurich. (Annales
Médico-Psyclz.,février 1923.)
sera susceptible de manifester des tendances paranoïaques à titre épisodique et,
vice-versa, qu'un paranoïaque pourra par intervalles présenter des traits de
schizoïdie. Mais nous pensons surtout que,loin d'englober les constitutions
qui ne relèveraient pas dela syntonie, la schizoïdie a une existence clinique à
titre de constitution précise, beaucoup moins étendue que dans la conception
de Bleuler. Il nous semble qu'elle ne saurait être confondue avec aucune des
constitutions classiques en psychiatrie et qu'elle doit avoir sa place à côté
d'elles.

Cette constitution se rencontre fréquemment chez des individus prédis-


posés par une hérédité psycho-pathologique. Dès l'enfance se manifeste de
bonne heure le goût de la solitude, des jeux paisibles, de la rêverie. Mlle B...,
Marie-Élisabeth, était une enfant charmante, bonne, affable, se plaisant à des
jeux simples et peu bruyants. Ses parents n'arrivaient guère à la faire sortir.
Un naturel rêveur lui donna le goût de la vie intérieure. Germaine B.1 pré-
férait la compagnie d'un livre à celle des enfants de son âge. Très jeune, elle
avait manifesté un goût très vif pour la lecture et se plaisait surtout à celle
des romans romanesques,* ceux qui font penser et rêver ». Elle aimait la
solitude, n'avait pas d'amies, fuyait les jeux de son âge. Silencieuse, elle pas-
sait souvent pour orgueilleuse. Le soir, dans l'obscurité, elle faisait de beaux
projets, organisait minutieusement la vie qu'elle aurait voulu mener. D.
2
Rachel était casanière et ne sortait jamais. Ces sujets sont souvent studieux
et montrent dans les examens et dans les concours que leurs facultés intellec-
tuelles peuvent être brillantes.
Quand ces sujets avancent en âge, l'adaptation à la réalité extérieure
est difficile, ou bien si elle se fait normalement elle exige un grand effort de
volonté de la part de l'individu. Le schizoïde ne s'embarque pas volontiers
vers les grandes entreprises matérielles. Elles ne l'intéressent pas. Il peut être
par la force des choses homme d'action : il n'aime pas l'action. La vie
errante qu'il mène parfois peut faire croire à un goût de l'aventure. En réa-
lité l'aventure ne le tente pas et c'est le plus souvent pour fuir un milieu qui
ne satisfait pas à ses tendances innées qu'il donne l'impression de l'insta-
bilité.
En règle générale, la vie pratique est négligée au profit de la vie intérieure.
Le travail de la « pensée autiste » tend à restreindre l'office de la c pensée réa-
liste ». A ce stade simple ne sortant pas des cadres de la psychologie normale,
l'autisme est un phénomène conscient, volontaire. Ce n'est pas encore « l'ex-
cédent maladif » dont parle Bleuler dans la schizophrénie 3. La vie intérieure

i. H. CLAUDE, BOREL et ROBIN. Constitution schizoïde et constitution para-


noïaque. (L'Encéphale, octobre 1923.)
2. Discordance entre l'activité pragmatique et l'activité intellectuelle. État
schizoïde. {Annal, médico-phychol., novembre 1923.)
3. L autisme de Bleuler, comme le fait justement remarquer de Saussure
dans son intéressante étude sur « la Méthode psychoanalytique », n'est pas
l'inconscient de Freud et, selon Bleuler lui-même, t la pensée autistique peut
aussi bien être inconsciente que consciente. Les paroles décousues et sans
lien logique des schizophrènes, comme les rêves, sont des manifestations
conscientes de la pensée autistique. Dans la formation des symptômes névro-
est préférée, par une dilection toute particulière, à l'existence commune. Il
est aisé de comprendre que cette vie intérieure n'est pas une entité vide et
stérile. Elle va se peupler de créations imaginaires. Cela n'a rien d'étonnant
chez des « esprits enclins à l'auto-analyse, à l'introspection avec concentra-
tion de la pensée » (Dupré) 1. Précisément cette concentration de la pensée
réduit au minimum, dans certains cas, le rôle de l'imagination et c'est ce qu'on
peut rencontrer dans « l'activité méditative d'ordre religieux ou métaphysique
avec tendance aux états de monoïdéisme, d'extase, allant jusqu'au ravisse-
ment » (Dupré).
Mais la plupart du temps une vie imaginative, bâtie en général sur un plan
d'embellissement logique et rationnel, isole de plus en plus le schizoïde du
monde extérieur et contribue à lui donner un air rêveur et distrait. Les élé-
ments du passé sont souvent employés dans la construction de ces états de
rêverie. c Le souvenir représente, pour beaucoup d'âmes sensibles, contem.
platives et rêveuses, la forme préférée de l'imagination : imagination du passé,
toute méditative, opposée en son objet à l'imagination de l'avenir qui, au con-
traire, éveille l'espérance et anime l'activité. »
Dupré, qui a écrit ces lignes, marquait à son insu la différence entre le
mythomane, que cette imagination de l'avenir pousse à une activité débordante,
fertile en réactions médico-légales, et le schizoïde, qui ne cherche pas à réaliser
ses conceptions imaginaires et se montre susceptible de vivre normalement, à
moins que son activité pragmatique se ralentissant de plus en plus ne le fasse
verser dans la schizomanie2.
La constitution schizoïde étant compatible avec une existence tout à fait
normale en apparence pourra demander, pour être découverte, une investi-
gation psychologique minutieuse. Comme le dit justement Minkowski : « L'er-
mite qui a fui le monde, mais qui le soir, au seuil de sa hutte, admire le
coucher du soleil ou le chant d'un oiseau, possède bien plus d'éléments de syn-
tonie que l'individu qui, entouré de camarades, promène d'un lieu de plaisir
dans un autre son ennui et son désœuvrement. » Combien d'individus réalisent
dans une existence tout entière occupée à la création artistique les secrètes
tendances d'une constitution schizoïde, au mépris des considérations maté-
rielles les plus élémentaires! Leurs œuvres mettent en évidence la lutte qu'ils
ont engagée entre c le rêve et la vie », le rêve ayant toutes leurs préférences. Les
philosophes aussi, d'après les justes remarques de Dupré, connaissent « cette
sorte d'état de rêverie et de vertige métaphysique où se perd le sens du réel;
l'intelligence en arrive à ne plus distinguer le monde objectif du monde sub-
jectif ». De nombreux hommes de génie furent de constitution schizoïde.
« Lorsqu'Archimède, écrit Nayrac 3, absorbé dans la recherche d'un problème
pendant le sacde Syracuse, se laissa trancher la tête sans un geste de défense,

pathiques, comme dans beaucoup de processus psychiques des schizophrènes,


le travail autistique est tout à fait inconscient. »
i. DUPRÉ. États morbides de l'imagination. (Revue hebdomadaire, i5 oc-
tobre 1921.)
2. H. CLAUDE, BOREL et ROBIN. Démence précoce, schizomanie et schizo-
phrénie. (Encéphale, mars 1924.) 1
3. NAYRAC. Essai sur la démence paranoïde. (These de Lille, décembre
1923.)
le travail poursuivi réalisait chez lui un véritable complexe détournant à son
profit l'affectivité du savant et ne la laissant plus s'orienter vers l'instinct de
conservation. »

La constitution schizoïde demande à être différenciée des autres constitu-


tions classiques en psychiatrie. Le diagnostic avec la constitution mythoma-
niaque, la constitution paranoïaque etaveclapsychasthénienous retiendra sur-
tout. En effet, la constitution perverse et la constitution cyclothymique ne
sauraient être confondues avec la constitution schizoïde. Chacune a des carac-
tères trop spéciaux. Cependant, il faut bien le dire, nous avons observé dans
l'évolution de la schizoïdie et principalement de la schizomanie, des éléments
de périodicité très frappants qui venaient fréquemment modifier la symptoma-
tologie habituelle d'une manière épisodique. Des tendances schizoïdes ont pu
être révélées à la faveur d'une bouffée d'excitation, mais il est rare que leur
évolution marche de pair avec les phases intermittentes et que la guérison de
celles-ci entraîne la disparition des caractères schizoïdes.
i° Constitution mythOl}1aniaque. — Dupré la caractérise par «la tendance
constitutionnelle à l'altération de la vérité, au mensonge, à-la fabulation et à
la simulation sous l'influence de mobiles divers (malignité, vanité, cupidité,
».
lubricité) Non seulement les schizoïdes ne sont pas des menteurs habituels,
et ne sont des menteurs pathologiques à aucun moment de leur vie, mais ce
que montre la clinique, c'est que leurs constructions imaginaires sont bien
différentes de la fabulation des mythomanes. Le roman mythomaniaque,
entre autres facteurs, se révèle un effet de la suggestion étrangère. Les schi-
zoïdes sont les moins suggestibles des individus. Chez les sujets de Dupré, la.
création est extemporanée*; elle se modifie, se complique au hasard de l'inspira-
tion. Chez les nôtres, les éléments du monde imaginaire ont été choisis, accueil-
lis par préférence à d'autres. Ce monde fictif, une fois créé, subit peu de trans-
formations. Il est relativement stable. — Le mythomane ne discerne pas le
réel du fictif, la vérité du mensonge. Il accorde sa croyance au roman ima-
ginaire. «C'est précisément, écrit Dupré cette insuffisance de la perception
même de la vérité, cette impuissance à saisir, à retenir et à rapporter fidèle-
ment les faits objectifs, qui est à la base de la mythomanie physiologique de
l'enfance.» Le schizoïde, lui, est un observateur impartial, il ne déforme pas
la réalité. La personnalité n'est pas transformée. Et surtout il a conscience
de l'irréalité de ses conceptions. Il n'y croit pas. Il n'en est pas dupe. Les
conséquences de ces deux ordres de faits sont considérables : le mythoma-
niaque conforme ses actes à la fabulation. Il ajoute à la vie. Ses mobiles ordi-
naires sont la vanité, la malignité, la perversité, la cupidité. Aussi son activité
débordante peut-elle l'entraîner à des réactions médico-légales telles que faux
témoignages, revendications, vagabondage, etc. Le schizoïde, au contraire,
ne cherche pas à réaliser ses conceptions. Bien plus, c'est pour fuir le monde
extérieur qu'il s'est construit un monde imaginaire dans lequel il se réfugie. Le
mythomane impose à la société les effets de ses mensonges. Le schizoïde ne se
ment qu'à lui-même. Le premier ignore le plus souvent qu'il fabule, le deuxième
sait parfaitement que le monde qu'il s'est créé n'est qu'un monde imaginaire.

i. DUPRÉ. Mythomanie infantile (Encf!phale, io août 1909).


Enfin l'évolution de ces deux types constitutionnels, si elle arrive à une
phase pathologique, suivra des chemins différents le mythomane est désigné
:

pour le délire d'imagination type Dupré, le schizoïde versera dans les états
schizomaniaques et la schizophrénie.
2° Constitution paranoïaque. — Nous avons eu l'occasion de publier dans
1
un mémoire l'observation d'une jeune fille de trente ans dont les idées de
persécution ne pouvaient être rapportées à un délire chronique : la [malade
avait conscience d'être orgueilleuse, se rendait compte qu'elle avait toujours
regardé plus haut qu'elle, elle ne s'était pas isolée de l'ambiance parce que
méfiante, mais était devenue méfiante à force d'avoir perdu contact avec le
monde extérieur. Outre qu'elle avait des craintes plutôt que des idées de per-
sécution et qu'elle ne désignait aucun persécuteur malgré la longue évolution
des troubles, nous faisions remarquer qu'elle avait essayé de réagir par le
refus d'aliments et les tentatives de suicide, ce qui n'est pas le moyen habi-
tuel aux délirants chroniques. Et nous disions : « Le paranoïaque lutte, s'im-
pose à l'ambiance, Germaine se dérobe. Le paranoïaque accepte tel qu'il est
le monde extérieur, Germaine construit à côté un monde imaginaire. Le
paranoïaque adopte une attitude envers les hommes. Germaine les ignore,
essaye de passer à côté d'eux sans les voir et, si elle n'y parvient pas, s'en va.
Le paranoïaque s'étale en maître sur son monde délirant. Germaine se recro-
queville dans son monde imaginaire. Ce sont deux orgueilleux, l'un qui veut
.vaincre la vie hostile, l'autre qui marche à côté. Le premier est un homme
d'action, la deuxième une rêveuse. Le premier étale ses conceptions dans ses
tendances dominatrices, son insolence, sa morgue, ses moyens matériels de
défense, il objective son délire. La deuxième est tout intérieure et ses réac-
tions sont pour la plupart des manifestations anxieuses, brusques, moyen de
défense d'une nature concentrée. »
Nous ne prétendons pas qu'un schizoïde ne puisse manifester épisodique-
ment des tendances paranoïaques, mais, en règle générale, s'il paraît suscep-
tible, orgueilleux et méfiant, ce n'est, à notre avis, que parce qu'il est dédai-
gneux des contingences humaines et enclin à la solitude. Il n'existe pas cet
« antagonisme du moi avec les obstacles extérieurs11 dont parlent Delmas et
Bo11!. Le schizoïde n'essaye pas de briser les obstacles. Il n'a pas «la ten-
dance à transformer et à grossir les faits) caractère, pour Arnaud, essentiel

chez le paranoïaque. Les facultés intellectuelles du schizoïde sont intactes
et ne laissent pas découvrir cette « paralogique circonscrite qui contraste avec
la conservation de la logique formelle » chez les interprétants de Sérieux et
Capgras. Pour ces sortes de sujets, «souvent l'ambiance est transformée;
ils vivent dans un monde imaginaire peuplé de fausses reconnaissances ». Le
schizoïde est toujours bien orienté, il n'a pas de troubles des perceptions.
On pourrait nous objecter qu'il existe une variété résignée de paranoïaques.
Mais quelle hostilité dans la résignation « Le paranoïaque ne guérit pas, il
»,
désarme
!

écrit Tanzi. Encore, comme le font remarquer Sérieux et Capgras,


cela s'estompe-t-il «dans le crépuscule de l'involution ». Même dans les rémis-
sions, le paranoïaque n'arrive pas c jusqu'à la conscience d'un état maladif

i. H. CLAUDE, A. BOREL, G. ROBIN. Constitution schizoïde et Constitution


paranoïaque. (Encéphale, septembre-octobre 1923.)
2. DELMAS et BOLL. La personnalité humaine.
antérieur». Le schizoïde même arrivé au stade nettement pathologique se
rend compte, nous l'avons déjà dit, de son état.
L'évolution suffisait à elle seule à montrer la différence qui sépare schizoïde
et paranoïaque. Alors que l'exagération de l'orgueil, de la méfiance et de la sus-
ceptibilité est le facteur essentiel des délires chroniques de persécution et de
grandeur, l'exagération des traits dominants du schizoïde conduit à la schi-
zomanie, c'est-à-dire à ces états où la discordance entre l'activité pratique et
l'activité intellectuelle a atteint les limites du pathologique.
Ces remarques montrent à quel point nous nous écartons des idées de
Bleuler qui n'hésite pas à rattacher la paranoïa à la schizophrénie. C'est à cause
de l'extension démesurée de son système que certains auteurs — à tort du
reste et malgré Bleuler lui-même — ne font guère de différence entre l'égo-
centrisme, l'hypertrophie du moi du paranoïaque, et l'autisme décrit par
Bleuler. C'est méconnaître la définition même de la pensée autistique, qui est
l'ensemble des tendances et des sentiments conscients ou inconscients en
dehors de toute adaptation à la réalité, par opposition à la pensée e réaliste J,
logique, scientifique, intellectuelle, visant au maximum de valeur pragmatique.
3° Constitution émotive. Psychasthénie. — Le trouble préalable de l'émoti-
vité indiqué par l'un de nous (H. Claude) à l'origine des psychonévroses,
ou la constitution émotive sur laquelle a insisté Dupré, conditionne l'état
de gêne psychique qui, dans les occasions les plus futiles de la vie quotidienne,
se manifeste par de la crainte, de l'inquiétude, de l'appréhension, du scrupule.
Janet a montré comment l'indécision habituelle pouvait aboutir à l'inaptitude
à l'action. Il a décrit une « insuffisance particulière qui ne porte que sur les
fonctions du réel et qui laisse intactes les opérations intellectuelles proprement
dites 1».
Le psychasthénique, selon Janet, manifeste un sentiment d'impuissance
psychologique. Il se sent incapable d'agir, il est mécontent de lui-même,
indécis, irrésolu, sujet à de la lenteur, de la maladresse dans ses actes, à des
crises d'inertie, de rêverie. Il se plaint d'être indifférent, il a besoin de direc-
tion et d'autorité, les opérations mentales ne sont point troublées quand il
s'agit de l'imaginaire ; elles ne présentent du désordre qu'au moment où il
s'agit de les appliquer à la réalité. Les malades gardent plus d'activité pour
les choses qui sont plus éloignées de la réalité matérielle, ils sont plus faci-
lement psychologiques. «Voilà, nous dira-t-on, des traits qui peuvent être
appliqués aux schizoïdes. » En effet, comme chez le psychasthénique, « les
fonctions les plus troublées sont les fonctions qui mettent l'esprit en rapport
avec la réalité, l'attention, la volonté, le sentiment et l'émotion adaptée au
présent. » Mais « cette diminution de la tension psychologique détermine un
malaise mental, un état d'inquiétude, des sentiments d'incomplétude d'autant
plus forts que le sujet a mieux conservé son intelligence t et ce malaise, cette
inquiétude manquent précisément chez le schizoïde. Les obsessions repré-
sentent l'exacerbation des symptômes habituels. Le schizoïde est rarement
obsédé. Point de ces agitations motrices, émotions angoissantes du psycha-
sthénique chez lequel la rêverie et la rumination mentale sont secondaires à
l'impossibilité d'appréhender le réel. Au contraire, la tendance à la vie inté-
rieure et à la rêverie est primitive chez le schizoide. Il n'a pas « la sensation
I. JANET. Les obsessions et la psychasthénie.
de l'absence de réalité psychologique ». Quand il se décide à agir, son action
est efficace, conséquente, ne se perd pas en agitation diffuse comme celle des
malades observés par Janet. Les «éclipses mentales» du psychasthénique
au cours desquelles il «perd ses idées P, n'ont rien à voir avec l'état de fausse
distraction, de rêvasserie du schizoïde. Celui-ci ne se sent ni insuffisant, ni
incapable. Il ignore le doute, l'humiliation. Jamais le psychasthénique,
n'éprouve cl'union intime avec la vie collective et il se sent isolé devant la
cinématographie des événements qui s'écoulent » (Dide et Guiraud). Il en
souffre. Son instabilité affective lui est un perpétuel tourment. Toujours une
idée parasite (obsession) vient mettre un obstacle devant l'action. Le monde
extérieur est à ses yeux un monde idéal dans lequel il voudrait vivre. A cette
réalité le schizoïde préfère la vie intérieure. Pour schématiser à l'excès notre
pensée, disons qu'il n'agit pas parce qu'il ne veut pas agir. Le psychasthé-
nique n'agit pas parce qu'il ne le peut pas. Impuissance d'une part, dilection
de l'autre.
Pour ce qui est de la rêverie du schizoïde, elle est choisie, acceptée par
lui et souvent liée à un complexe affectif qui en fait une dérivation, une
compensation de tendances refoulées. La rêverie des malades de Janet revêt
un -caractère douloureux. Elle leur est imposée sous forme de ruminations
incessantes. Loin de s'isoler dans ce nouveau monde imaginaire, ils font
d'impuissants efforts pour s'en évader 1.

En résumé, l'ensemble des tendances particulières, constitutives de la


personnalité tout entière et parfois en rapport avec une hérédité psycho-
pathologique, ensemble qui porte le nom de constitution schizoïde, ne saurait
être confondu avec aucune des constitutions classiques en psychiatrie. La
physionomie du schizoïde tel que nous l'entendons ne dépend pas, comme
celle de Bleuler, du point de vue auquel on l'envisage. Elle est clinique et con-
serve tous ses caractères de quelque côté qu'on la regarde. Pour Bleuler cette
constitution consiste en une attitude particulière, mais normale, vis-à-vis de
l'ambiance. A nos yeux, tout en faisant remarquer encore une fois que les
diverses constitutions sont souvent associées les unes aux autres, la schizoïdie
ne doit pas être considérée comme une manière d'être accidentelle ou occa-
sionnelle, une réaction plus ou moins momentanée à certains chocs affectifs,
à certains événements. Prise dans ce sens la schizoïdie deviendrait un phé-
nomène non seulement normal, mais général chez les individus. Comme le
dit Nayrac 2 : « Il est de connaissance courante que la poursuite d'une idée en
nous-mêmes arrive à nous abstraire plus ou moins complètement du monde
extérieur. Nous voyons se réaliser là une sorte de dissociation qui n'est pas
morbide. » Pour nous la schizoïdie n'est pas une attitude mais un état

I. Bleuler, dans sa monographie de 1911, Démence précoce oit groupe


des schizophrénies, avait tenu à noter que la « perte du sens de la réalité »
de Janet n'est pas l'autisme à proprement parler. Il écrivait : « Le sens de la
réalité ne manque pas tout entier dans la schizophrénie. Il fait seulement
défaut pour les choses en contradiction avec le complexe. »
2. NAYRAC. Loc. cit.
habituel qui est précisément la constitution schizoïde. En resserrant ainsi une
définition nous visons à éviter d'appliquer cette épithète à tous les individus
et de tomber dans l'exagération de Bleuler. Notre conception vise un groupe
de sujets qui peut-être ne sont pas très nombreux, mais qui ont une présen-
tation clinique objectivement définie. Il serait vraiment trop simple et bien
peu médical d'appeler schizoïdie le fait de se dérober provisoirement devan
la réalité et de prendre l'attitude, en face de la vie, d'une passagère bouderie.
CLINIQUE DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES DE L'INSTITUT ROYAL
D'ÉTUDES SUPÉRIEURES DE FLORENCE DIRIGÉE PAR LE PROFESSEUR R. TANZI

RECHERCHES SUR L'HISTOLOGIE


PATHOLOGIQUE ET LA PATHOGÉNIE
DE LA DÉMENCE PRÉCOCE, DE « L'AMENTIA »
ET DES SYNDROMES EXTRAPYRAMIDAUX
(Avec deux planches hors texte)

PAR
V.-M. BUSCAINO
Assistant et docent

Mes recherches récentes me permettent de pouvoir communiquer de


nouveaux faits sur l'histologie pathologique et la pathogénie de la
démence précoce, de l'amentia (confusion mentale) et de plusieurs
syndromes extrapyramidaux.
Je résume ici les faits principaux, très vivement reconnaissant de
l'hospitalité que la rédaction de cette revue m'a très gracieusement
offerte.
Jusqu'à présent j'ai fait l'étude histologique de dix cas typiques de
démence précoce.
J'ai décrit des lésions, en foyer, des cellules nerveuses (homogénéisa-
tion du noyau, du protoplasma, homogénéisation totale) de préférence
dans les couches I-IV du cortex cerebri.
J'ai trouvé des lésions très nettes des cellules névrogliques : IOaug-
mentation de volume, jusqu'à cinq fois, des noyaux névrogliques ;
2° déformation accentuée, en des endroits bien déterminés du système
nerveux, du contour des noyaux névrogliques, noyaux en forme d'étoiles,
de besace, de biscuit, de clepsydre, etc.) ; 3° « amas » de noyaux
névrogliques.
Mais mon attention a été surtout attirée par les lésions parsemées
dans les voies nerveuses et dans la substance grise extracorticale, en
particulier des ganglions de la base du cerveau.
Ces lésions sont l'expression d'une altération histochimique locale du
tissu nerveux, spécialement de la myéline, et sont caractérisées par la
présence très fréquente d'une substance anormale, en foyers formant des
.grappes, à propriétés histochimiques bien définies.
Très souvent elles ont aussi un rapport très net et étroit avec les
vaisseaux sanguins.
J'ai appelé ces lésions parsemées u plaques à grappe de désintégra-
tion » (zolle di disintegrazine a grappolo).
Mais on trouve en outre dans les faisceaux de fibres nerveuses et
-dans la substance grise extracorticale, d'autres types de lésions par-
semées (2, 16).
Ceci signifie que dans V encéphale des démentsprécoces, et essentielle-
ment dans les voies nerveuses et dans les îones extracorticales (ganglions
de la base, mésencéphale, cervelet), il existe un grand nombre de foyers
particuliers, parsemés de lésions.
Ces lésions disséminées des voies nerveuses et de la substance grise
extracorticale, spécialement du thalamus, sont importantes aussi, selon
moi, parce qu'elles nous expliquent les causes de la symptomatologie
dissociative (Lugaro, Stransky, Bleuler, etc.) de la démence précoce, et
spécialement de la dissociation intellectuo-affective.
Les mécanismes régulateurs de l'expression somatique des émotions
sont localisés de préférence dans les ganglions de la base (ganglions de
la base + mésencéphale = « Zone végéto-émotive ») (1,5).
Or l'altération de la conduction nerveuse, due à l'existence dans les
voies nerveuses des foyers susnommés et l'altération de la fonction due
à la présence d'autres foyers dans la substance grise de la « zone végéto-
émotive » sont très probablement les causes de la « dissociation » du
mécanisme intellectuo-affectif, si caractéristique dans la vie psychique
des déments précoces.
Mes données histopathologiques ont été confirmées en Italie par
Salustri et par Ansalone.
En Suède, tout récemment, Marcus a décrit aussi, dans les ganglions
de la base de trois déments précoces, des lésions parsemées qui sont tout
à fait semblables à celles décrites par moi.
En Russie, Snessareff,avec une méthode particulière pour l'étude de
la névrologie, a trouvé aussi dans les fibres nerveuses, dans des cas de
démence précoce, des « lésions dégénératives à plaques ».
Jusqu'à présent, des « plaques à grappes de désintégration» ont été
trouvées dans tous les vingt cas étudiés : dix par moi, cinq par Salustri,
deux par Ansalone, trois par Marcus.
On a écrit aussi que mes plaques » seraient dues à une mauvaise
(c
fixation (!) (F. H. Lewy), à l'action de la formaline (Biondi), à celle de
l'alcool (Salustri, Ansalone), à celle de... l'acide phosphomolybdique (!)
t).
(Creutzfeld
Il est certain ( 16) qu'elles ne sont pas dues à. une « mauvaise fixation »
ni à la formaline, ni à l'alcool, ni à l'acide phosphomolybdique.
Elles nous révèlent des altérations histochimiques locales du tissu
nerveux.
Elles ont des rapports très étroits avec les vaisseaux sanguins.
On les trouve aussi dans des coupes du système nerveux non traitées
par l'alcool ou par la formaline ou par l'acide phosphomolybdique.
On les trouve distribuées en des endroits symétriques, à droite et à
gauche, (par exemple seulement darns le neostriatum : cas X de ma
collection) ou exclusivement le long de voies nerveuses bien précises,
(cas X), etc.
En ce qui concerne les rapports entre les données histologiques et
les formes morbides, j'ai observé, dans les cas de démence précoce cata-
tonique, une participation très accentuée des centres moteurs extrapy-
ramidaux.
Dans mon dernier cas de démence précoce catatonique, présenté en
novembre 1923 au VIe Congrès de la « Société Italienne de Neuro-
logie », j'ai trouvé, en outre, des lésions systématiques et bilatérales de
la voie N. ruber-N. dentatus.
Des lésions minimes existaient aussi, dans ce même cas, parsemées
bilatéralement dans le lemniscus (bulbe, mésencéphale) et dans la por-
tion des voies afférentes qui, passant le long du segment postérieur du
bras postérieur de la capsule interne, va se distribuer aux ganglions voi-
sins de la base.
Rien dans les voies pyramidales.
Ces données très sérieuses confirment ce que j'avais communiqué
en 1920, c'est-à-dire que les lésions du système moteur extrapyramidal
trouvées dans les cas de démence précoce catatonique nous expliquent
certains symptômes anormaux, musculaires, de ces malades.
Et réellement, des symptômes d'innervation tonique anormale
existent in vita dans les muscles striés 'des déments précoces catato-
niques (18).
C'est pourquoi on peut avec une sûreté suffisante affirmer que les
déments précoces présentent des symptômes « catatoniques » lorsque leur
système extrapyramidal participe activement à la lésion toxique.
Mes données histopathologiques, en outre, et d'autres données biblio-
graphiques permettent de mettre en rapport l'hypertension négativiste
de certains déments précoces avec les lésions du paleostriatum, la cata-
lepsie avec les lésions du noyau dentelé, les stéréotypies, ou du moins
beaucoup de stéréotypies, avec les lésions du néostriatum (18).
Les lésions histopathologiques de l'encéphale des déments précoces
ne sont pas d'origine inflammatoire, mais dégénérative (toxique).
Les « plaques à grappe de désintégration» ont été trouvées également
par moi avec leurs « formes initiales » (type A. B. C.) dans le cas d'amentia
(confusion mentale) étudié par moi (3).
Elles existaient aussi dans un cas de «spasme de torsion » (8).
D'Antona et Vegni les ont décrites, dans le globus pallidus, dans des
cas de Parkinson postencéphalitique.
Sur les causes de leur formation, d'autres recherches faites par moi
jettent de la lumière.
En profitant d'une nouvelle réaction, proposée par moi pour l'étude
des substances basiques à dérivation ammoniacale (amines), j'ai constaté,
dans les urines de déments précoces sans complications somatiques en
voie de développement, la présence d'amines anormales, et spéciale-
ment d'amines avec anneau imidazolique(dérivés, pas encore bien déter-
minés, de l'histamine).
L'histamine est une substance très toxique pour le système nerveux
végétatif.
On ne trouve pas, au contraire, d'amines anormales dans les cas
typiques de manie, de mélancolie, de « psychose maniaco-dépressive».
Des amines anormales se trouvent aussi dans les urines des malades
atteints de syndromes chroniques, spécialement amyostatiques, posten-
céphalitiques ; dans des cas de maladie classique de Parkinson, de syn-
drome à type wilsonien, de syndrome cérébelleux très chronique.
Mais la technique de la réaction permet de distinguer plusieurs
types (io, II) d'amines anormales. Or tous ces types ne se présentent
pas indifféremment dans tous les syndromes susnommés.
Certains sont spécialement fréquents dans l'amentia, y comprise
l'amentia au cours de l'alcoolisme (delirium tremens) et dans la démence
précoce en général (amines à précipité noir-charbon).
D'autres, au contraire, sont spécialement fréquents dans les syn-
dromes amyostatiques susnommés et dans la démence précoce cata-
tonique.
Des recherches ultérieures m'ont permis de noter la présence $ amines
anormales au cours de maladies infectieuses aiguës ou chroniques, chez
des sujets non atteints d'affections du névraxe.
Chez les malades atteints de tuberculose pulmonaire (maladie si
répandue chez les déments précoces), je n'ai pas trouvé les amines qui
sont si fréquentes dans les urines des déments précoces.
De ces données j'ai conclu que l'amentia, la démence précoce et les
syndromes extrapyramidaux post- et non postencéphalitiques sont des
Jormes toxiques du système nerveux dues à la présence dans la circula-
tion d'amines anormales, dérivant très probablement de l'activité de
microrganismesspéciaux, différents de ceux de la tuberculose.
A l'égard de l'origine de ces amines anormales, mes données anatomo-
pathologiques mettent en première ligne l'intestin grêle (13).
Des lésions aiguës ou chroniques du foie (6, 8, i3) (hépatite intersti-
tielle chronique, jusqu'à des degrés avancés de cirrhose) s'accompagnent
de la présence dans la circulation d'amines anormales; également dans
les syndromes chroniques postencéphalitiques (O. Rossi, Buscaino,
Westphal-Sioli, Kleine, T. Rizzo).
Étant donné les faits histopathologiques — plaques à grappe de désin-
tégration — et les faits urologiques — amines anormales spécialement
dérivées de l'histamine —, puisque les amines en général exercent des
actions très vives sur le système nerveux végétatif et puisque d'un autre
côté les symptômes d'innervation végétative lésée sont nombreux chez
les déments précoces et « les plaques » fréquentes dans les centres végéto-
émotifs de ces malades, je considère mes « plaques » comme en rapport
génétique avec la présence d'amines anormales.
Les plaques à grappe de désintégration sont, selon moi, une des
expressions histologiques de l'action des aminés anormales sur le tissu
nerveux.
Et, en effet, chez des lapins traités depuis longtemps (9) par le chlo-
rhydrate d'histamine, on observe dans les urines, par l'épreuve susnom-
mée, des réactions anormales et dans des zones bien précises du système
nerveux, dans le bulbe spécialement, des « plaques à grappe de désinté-
gration » typiques.
En même temps il se forme chez les animaux ainsi traités des lésions
graves des cellules nerveuses — vacuolisation du protoplasma1 — et des
cellules névrogliques, à localisation élective aux ganglions de la base et
au mésencéphale.
la
Des lésions névrogliques du type décritparAlzheimerdans pseudo-
sclérose, et des foyers de réaction conjonctive au début, dans le foie, se
forment aussi chez ces mêmes animaux.
En conclusion, l'amentia (confusion mentale), la démence précoce et
les syndromes extrapyramidaux post- et non postencéphalitiques11 sont
des affections toxiques du système nerveux, dues à la présence dans la
circulation d'amines spéciales anormales, qu'on peut facilement dépister,
par mon épreuve au nitrate d'argent chaud.
Ces amines anormales sont d'origine extracérébrale.
Elles viennent, en première ligne, de l'intestin grêle, où elles se for-
ment très probablement sous l'influence aiguë ou chronique (sepsis lenta)
de microrganismes spéciaux, différents de ceux de la tuberculose.

I. Cette donnée histologique a été fréquemment trouvée par vingt-trois


auteurs différents. Elle a été décrite aussi dans la démence précoce.
2. Je parle des syndromes extrapyramidaux non dus à des phénomènes
organiques locaux (hémorragies, tumeurs, etc.).
BIBLIOGRAPHIE

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Cervello, fac. VI, 1923).
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chemonosfologico semplice per l'individuazione d'am-
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presenti in circolo in dementi precoci, mancanti
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delle intestino tenue in malati con ammine
abnormi nelle orine. ( Riv. di pat. nerv. e ment., fasc. XI-XII, 1923.)
— (14) Ammine tossiche
presenti in circolo in amenti. (Ibid., fasc. IX-X,
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significato nelle sindromi extrapiramidali d'amenza e di demenza precoce.
Comunicaz. al VI Congr. delle Soc. ital. di neurol., Napoli 5-8 XI, 1923.
(In corso di stampa sull' Riv di pat. nerv. e ment. 1924.)
— (16) Nuovi
dati sulla genesi patologica delle zolle di disintegrazione a
grappolo. Reperti in un caso di demenza precoce catatonica. (Ibid.)
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sindromi amiostatiche postencefalitiche. (Ibidem.
Giorn di clin. med., p. I, 1924.)
— (18) Componenti
neurologiche della demenza precoce catatonica, (Ibid.,
In corso di stampa sui Quad. di psichiatr., 1924.)
sistema ner-
d'istologia patologica del
— (19) In dati pi u recenti (1920-1923)
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EXPLICATION DES PLANCHES ET FIGURES


PLANCHE 1

Plaques à grappe dans la confusion mentale


FiG. i (Gross. 713). — «Plaque » initiale très petite dans le centre de la
figure ; un des gros cylindraxes du globus pallidus présente un renfle-
ment olivaire de dégénération (plaque grisâtre, très minutieusement poin-
tillée) à caractères histochimiques identiques à ceux des «plaques à grappe»
volumineuses. (Dans la préparation la « plaque » est en rouge, le cylindraxe
normal en bleu.)
FIG. 2 (Gross. i33). — « Plaques à grappe », taches grisâtres à droite et à
gauche de l'espace périvasculaire (tache blanche avec une ligne oblique
noire section du vaisseau) dans le striatum.
Plaques à grappe dans la démence précoce
FIG. 3 (Gross. 77). — « Plaques à grappe » dans le bras antérieur de la
capsule interne. (Cas Galeffi dém. préc. paran.)
FIG. 4 (Gross. 77). — Une foule de « plaques à grappe » très petites dans le
globus pallidus. (Cas Desii : dém. préc. catat.)
FIG. 5 (Gross. 77). — « Plaques à grappe » dans le globus pallidus et dans
la zone voisine de la capsule interne (portion droite de la fig.). (Cas Desii :
dém. préc. catat.)
PLANCHE II
FIG. 6 (Gross. 77). — « Plaques à grappe » dans le globus pallidus, (Cas
Desii : dém. préc. catat.)
FIG. 7 (Gross. 77). — « Plaques à grappe » dans la substance blanche du
lobe frontal. (Cas Galeffi dém. préc. paran.)

Plaques à grappe dans le spasme de torsion


FIG. 8 (Gross. i3o). — Substance blanche d'une circonvolution. « Plaque
à grappe » vide en apparence.
FIG. 9 (Gross. i3o).
— La même plaque montre, par une autre coloration,
son contenu en substances anormales.
Plaques à grappe expérimentale s
FIG. io et II (Gross. i3o). — Lapin intoxiqué longtemps par la B. imido-
azolyléthilamine ou histamine. « Plaques à grappe » dans le bulbe (fig. 10) t
et dans la zone inférieure du pont (fig. n).

REMARQUES COMMUNES AUX DEUX PLANCHES


FIG. i à 9. — Fixation préalable dans la formaline 10 p. 100, ensuite dans
la solution de Lugaro (alcool absolu, gr. 100, acide nitrique, gr. 5)..
FIG. 10 et 11. — Fixation directe dans la solution de Lugaro. Inclusion à
la paraffine.
FIG. I et 2. — Coloration par la méthode de Mann (Eosine, bleu de mé-
thylène).
FIG. 3 et 9. — Par le bleu de toluidine.
FIG. 4 à S. — Coloration par la solution de Ziveri (solution aqueuse
saturée d'acide picrique, gr. 100; bleu de méthylène, o gr. o5 ; fuschine acide,
o gr. 10).
FIG. S, 10 et 11. — Par la fuchsine acide vert lumière.
H. DELARUE, ÉDITEUR, PARIS
H. DELARUE, EDITEUR. PARIS
LES INFLUENCÉS
SYNDROMES ET PSYCHOSES D'INFLUENCEi
PAR
André CEILLIER

Les sentiments suggérés. — Presque tous les influencés ont plus ou moins
l'impression qu'on agit sur leurs sentiments, leurs tendances, leurs inclinations,
leur humeur. Mme Laf... excitée maniaque, secondairement influencée, est
sujette à des colères très violentes, mais elle estime que c'est quelqu'un qui la
fait mettre en colère malgré elle. Quelquefois elle a de grandes joies, elle voit
la vie tout en rose; elle ne sait pas pourquoi et elle pense que c'est une
« transmission de sentiment ». Mme Rou... s'étonne d'être trop gaie, car elle a
plutôt des sujets de tristesse. On fait prendre à une malade la haine de son
mari et on lui fait souhaiter sa mort. Une érotomane influencée n'a que du
dégoût pour son adorateur, mais celui-ci lui a suggéré de n'avoir pas de dégoût
pour lui : t Je n'admets pas que je l'ai aimé. Il inspirait le dégoût et il a dû aller
jusqu'à me défendre d'avoir le dégoût. Il faut être abruti ou alcoolique pour
influencer une femme comme cela. Il devait avoir assez d'influence sur moi
pour empêcher les pensées hostiles, l'antipathie.» Cette malade est amoureuse
malgré soi, exactement comme si elle avait bu un philtre d'amour. Ce cas
n'est pas unique et j'ai vu plusieurs malades contraintes à subir un amour
qu'elles réprouvaient. A Mme Ass... on fait prendre en grippe sa sœur qu'elle
aime beaucoup. On la pousse à diffamer et pourtant elle n'est pas une mau-
vaise langue... Parfois on suggère à la malade des sentiments de jalousie en
même temps qu'on l'empêche de les tenir cachés Ainsi Mme W... avoue
n'avoir aucune raison d'être jalouse de son mari, mais elle est jalouse malgré
elle. Elle fait des reproches à son mari, qu'elle ne trouve pas mérités et qu'elle
voudrait ne pas lui faire. Elle l'accuse de choses infâmes et va jusqu'à lui dire
qu'il amène des femmes chez lui. Elle sait que ce n'est pas vrai, mais «cette
idée la persécute ».
Je pourrais multiplier à l'infini ces exemples, car il n'est pas un sentiment,
pas une seule inclination, pas un état d'excitation ou de dépression, pas un
trouble de l'humeur qui ne puissent paraître au sujet étrangers à sa personna-
lité, donc suggérés par autrui.
MM. Minkowski et Targowla ont publié tout récemment2 l'observation
d'un malade dont les idées d'influence étaient dues à des interprétations
de cet ordre et je m'associe entièrement à leurs conclusions : « Au fond,

i. Voir le début de l'article. Encéphale n° 3, Mars 1924, page 153 et suivantes.


2. MINKOWSKI et TARGOWLA. Contribution à l'étude des idées d'influence.
(Encéphale 1923, p. 652.)
disent-ils, les idées d'influence semblent, dans notre cas, se rapporter à des
réactions, à des tendances, à des désirs qui, d'après.le malade, sont en contra-
diction avec les idées élevées sur lesquelles il vit et auxquelles il assimile sa
propre personne. Les éléments de l'étage supérieur ne reconnaissent plus les
liens de parenté qui les rattachent à ceux de l'étage inférieur et les repoussent
comme des étrangers. Le malade les traduit par des idées d'influence. »
Ces sentiments suggérés sont très intéressants à étudier chez chaque
malade, car ils indiquentles véritables tendances subconscientes, non réfrénées
par la censure. Ce moyen d'investigation, lorsqu'il existe, me paraît supérieur
à toutes les méthodes proposées par les psychanalystes.
L'AMNÉSIE ALLÉGUÉE. — Assez souvent les influencés mettent sur le compte
d'autrui leur amnésie. Ainsi M. La... affirme qu'un jour où il était entrain
de se rappeler intérieurement un air de musique, on lui a arrêté net la mé-
moire. Mme B... prétend qu'on lui fait oublier tout ce qu'elle vient de faire.
Cette amnésie alléguée est fréquente et relève du même mécanisme interpré-
tatif.
Les actes automatiques. — Extrêmement importants dans les délires d'in-
fluence, ils manquent rarement et contribuent puissamment à créer le senti-
ment d'influence. On peut appeler acte automatique tout acte exécuté en
dehors de la volonté, mais il faut distinguer entre les hallucinations motrices
et diverses variétés d'actes plus ou moins automatiques.
Les HALLUCINATIONSMOTRICES consistent dans la perception de mouvements
imaginaires du corps, partiels ou généraux. Par exemple, sensation de tomber,
de voler, d'être bousculé, secoué dans son lit. Les malades ont quelquefois
l'impression d'exécuter certains mouvements alors qu'ils restent immobiles.
A ce groupe appartiennent les mystiques qui ont l'impression d'une extraordi-
naire légèreté et de s'enlever dans les airs; ce phénomène étant comparable
au « ravissement des mystiques chrétiens. Ainsi Mme Jour..., mystique
1)

influencée, déclare : « J'ai senti comme une grâce, comme si j'avais pu emme-
ner tout le monde au ciel. Je n'étais plus sur terre, quelque chose me trans-
portait en haut. » Mme Ass... « Ils me font sauter, ils me secouent comme un
:

prunier. Il me semblait que je n'avais rien dans le corps et que j'allais m'en-
voler. »
Mais très souvent il y a un commencement d'exécution. Le plus soùvent
même les actes sont réellement accomplis, le malade se sentant poussé à cou-
rir, à marcher, à faire certains gestes (quelquefois obscènes), à toucher cer-
tains objets, à casser, déchirer, donner des gifles ou des coups, etc. « Ces
actes automatiques et irréductibles, dit très justement M. Lévy-Darras, se
rapprochent de l'impulsion par leur automatisme, mais ils ont le caractère
d'irréductibilité qui les en différencie.:!) Ainsi que le fait remarquer M. Lévy-
Darras, je crois qu'il est préférable d'éviter, en général, le terme d'hallucina-
tions motrices. En effet, comme l'a montré le professeur G. Dumas, il n'y a pas
d'images motrices véritables. Il vaut mieux les considérer comme des actes
automatiques, mais il est nécessaire d'établir deux classes d'actes automa-
tiques :

A) Les actes automatiques incoercibles et irréductibles d'emblée.


B) Les actes automatiques simples.
Les premiers supposent une désagrégation plus profonde de la person-
nalité consciente et consistent en ceci que, au moment même de leur exécu-
tion, le sujet considère que ces actes se produisent malgré lui et qu'il n'en
est que l'agent d'exécution. Il a l'impression d'une force supérieure à sa
volonté qui l'oblige à faire certaines choses et souvent même sans qu'il s'en
rende compte sur le moment. Souvent l'acte s'accomplit sans lutte, mécani-
quement, comme si le sujet était un pantin dont certaines personnes tirent
les ficelles.
Les actes automatiques simples n'ont pas ce caractère d'être incoercibles
et irréductibles d'emblée. Ce sont des actes commis dans un moment de dis-
traction, de colère, de maladresse, d'excitation (souvent maniaque) et que le
sujet interprète secondairement comme lui ayant été imposés, mais, au moment
même de leur exécution, il n'a pas l'impression d'une force supérieure à la
sienne. Le mécanisme est uniquement interprétatif. Ces actes plus ou moins
automatiques, interprétés secondairement dans le sens d'une influence, sont,
en pratique, assez frêquents et sont même les seuls dans la variété interpréta-
tive du délire d'influence.
Voici quelques exemples d'actes irréductibles d'emblée : Mlle Chia... (déjà
citée pour ses hallucinations motrices verbales) se plaint d'une force (hercu-
léenne » qui lui fait agir les mâchoires. «Il y en a un, le plus fort de tous,
et je suis obligée de lui dire : « ne me faites pas cela si fort, vous allez me
démantibuler la mâchoire). En même temps, la malade fait des contorsions
effroyables de la bouche en essayant de s'y opposer de toutes ses forces. Une
autre malade que j'ai observée pendant deux ans avait des mouvements ryth-
miques de la tête qui évoluaient pendant un quart d'heure environ et se répé-
taient fréquemment dans la journée. « Ce n'est pas moi qui fais cela, disait-elle,
il y a quelque chose qui n'est pas naturel. On dirait que j'ai un mécanisme
qui me remue l'intestin et puis, quand ça ne le fait plus dans l'intestin, ça le
fait dans la tête. On dirait qu'on me remonte comme un mécanisme, la clef
est dans les reins et ça me fait remuer la tête. »—a Continuellement, dit
Mlle Gui..., je fais des choses et ce n'est pas moi qui les fais.. Ici on n'est pas
maître de soi, on m'a fait allonger par terre... on m'a fait faire plus de
soixante fois le tour du jardin. C'est inouï ce qu'on m'a fait faire Par tous les
!

bouts on m'a prise. On me fait rester en place, on me fait remuer. On m'a fait
faire des gestes de doigts, de mains... on m'a fait prendre des c poses
comme si on me photographiait.., etc. » — «Est-ce que vous faisiez cela parce
»
qu'on vous le disait? — «On me faisait faire cela sans me le dire. J'étais
assise et puis tout à coup je me sentais prendre une pose ou faire quelque
chose comme de me coucher par terre, mais c'était malgré moi. »
Ces actes automatiques et ces phénomènes d'inhibition contribuent à donner
au plus haut point aux malades le sentiment d'être influencés. « Etre hypno-
tisée, dit Mme Mon..., c'est surtout parce qu'on vous fait faire le guignol. On
n'est plus maître de sa volonté. » Chez tous ces malades et chez bien d'autres
qu'il est inutile de citer, l'acte accompli apparaît d'emblée comme imposé par
une volonte étrangère et toute-puissante.
Chez d'autres malades il s'agit d'actes plus ou moins automatiques qui sont
interprétés, après coup, dans le sens d'une influence. Mme R... s'est pince le
doigt dans une porte, c'est sûrement quelqu'un qui le lui a fait faire exprès.
Elle a raté un plat de pâtisserie, c'est qu'on le lui a fait rater M. D... a fait
une chute : on l'a fait tomber. Ses outils lui ont glissé des mains on les lui
:

a arrachés. Un autre se trompe de chemin, c'est qu'on l'a dirigé exprès du


mauvais côté. Ce sont surtoutles maniaques qui interprètent ainsi leur gesti-
culation plus ou moins désordonnée, leurs chants, leurs cris, leurs actes
bizarres (prendre une douche au milieu de la nuit et inonder tout l'appar-
tement, enlever dans un taxi une jeune fille inconnue, se promener ,en che-
mise, etc...).
Le mécanisme interprétatif est quelquefois assez différent. Le malade
.
refuse de se croire l'auteur d'une action quelconque, soit parce qu'elle est
trop parfaite, soit parce qu'elle est absurde ou immorale. On peut dire que
dans ces cas il n'y a plus d'automatisme du tout, mais seulement une inter-
prétation. Une malade, sachant à peine coudre et ayant cousu une robe très
bien faite, croit qu'on l'a dirigée, car d'elle-même elle en aurait été incapable.
Telle autre ayant exécuté un plat dont elle ignorait la recette affirme qu'on
l'a dirigée.
Parfois, c'est l'inverse et les malades invoquent une influence pour excuser
leurs écarts de conduite. Mme Des... explique que, trois jours de suite, elle a
accepté les propositions des passants. Or elle est incapable de se conduire
ainsi, c'est donc qu'elle a été suggestionnée. Un homme en état d'ivresse a
mis la main au collet d'un passant et lui a ordonné de le suivre au commis-
sariat, affirmant être inspecteur de police. Il ne peut s'expliquer qu'il ait
commis ces actes et il l'attribue à une suggestion.
Parfois le sentiment d'influence vient d'un arrêt du pouvoir d'inhibition
volontaire. Le sujet sait que l'acte a bien été accompli par lui, mais il aurait
voulu ne pas commettre cet acte. Il a été obligé de donner une gifle à sa mère ;
c'est lui qui a donné la gifle, c'est lui qui a eu cette idée, mais il ne voulait
pas le faire et on lui a « paralysé la volonté » pour qu'il donne la gifle.
Mlle Da... avait l'idée de se couper les cheveux avec une pince à ongles, mais
elle ne voulait pas le faire. Pourtant elle l'a fait, car on lui a également para-
lysé la volonté.
A côté de tous les actes que nous avons passés en revue il faut citer les
actes par obéissance aux ordres reçus, soit par la parole réelle, soit par les
pseudo-hallucinations auditives. Un dentiste ayant dit à Mme Des... : « N'irez-
vous pas à Nice cet hiver? D, Mme Des... ne peut résister à cette suggestion
verbale et se rend directement à Nice.
Beaucoup plus souvent il s'agit d'hallucinations psychiques impératives.
Deux cas sont à distinguer suivant que le malade obéit passivement ou qu'il
engage la lutte et essaye de se soustraire à l'ordre reçu.
Lorsque l'ordre est agréable, le malade s'y soumet de bonne grâce. Ce sont
des protecteurs qui disent à Mme Enf... : c Ne prenez que du lait, buvez de
l'eau, faites une friction » et à Mme Fag... « Sortez sans chapeàu, ouvrez les
fenêtres, prenez du rhum. » Il n'en est pas toujours ainsi et les malades exé-
cutent parfois docilement des ordres tout à fait dangereux pour eux ou pro-
fondément répugnants. Mme Bi... reste six semaines (?) sans manger par ordre
de Lucifer, pour se purifier. Mme Rob... pendant que je l'examine avale le
contenu d'un encrier, parce qu'on vient de le lui commander. Un autre jour elle
avale son urine. Mme Four.. vole un couvert dont elle n'avait nul besoin.
Mme Gau... se jette de la fenêtre d'un deuxième étage après avoir brûlé
papiers, livres et photos. Dans la cour de la Clinique les pompiers doivent
venir chercher M. Lem... qui, obéissant à un ordre, est monté sur la branche
la plus élevée d'un arbre;, d'où il se balance dangereusement. Enfin Mme Bou...
pour expier un adultère est obligée de se soumettre aux dures épreuves que
lui envoie Dieu, par exemple de se promener toute nue et de manger les
excréments de son mari, ce qu'elle fait, non sans se plaindre de la sévérité des
ordres divins.
Dans d'autres cas le malade lutte, ce qui crée un état obsédant. Parfois il
résiste avec succès, parfois il succombe. J'ai publié l'observation d'une dipso-
mane qui essayait de résister aux ordres qu'elle recevait de boire et qui, après
une phase d'anxiété, était obligée de céder. J'ai également publié le cas d'une
malade à qui une voix intérieure ordonnait le suicide avec un rasoir. L'hallu-
cination impérative se répétait constamment, créant un état obsédant très
pénible et obligeant la malade à quitter son domicile et même à fuir Paris.
On oblige Mme Enf... à voler un petit pain : « Allez donc chercher un petit
pain, allez le voler. C'est si bon, un petit pain! J'essayais de lutter, je disais : je
ne veux pas le faire, non, je ne le ferai pas. J'étais agitée... J'allais et venais
chez moi, ne voulant pas céder et puis brusquement je courais chez le boulan-
ger ou je sautais sur des gens qui avaient un pain. Après avoir mangé le pain,
le remords me prenait et je pleurais. Et tout cela c'était malgré moi. D
Enfin, pour en finir avec les actes des influencés, une fois que le délire est
devenu chronique, lorsque le malade est assuré qu'il est suggestionné, il peut
admettre que tous ses actes, sans exception, sont dirigés et ne dépendent pas
de lui. Partois même il admet que toute sa famille ou même l'humanité entière
sont « actionnés » par les esprits ou par les divinités. Il ne s'agit pas alors
d actes automatiques, ni même d'interprétation pour chaque acte en particu-
lier, mais d'une croyance, d'une foi, d'une attitude mentale qui se sont géné-
ralisées à l'activité tout entière.
En résumé on peut observer chez l'influencé :
1° Des hallucinations motrices ;

20 Des actes automatiques incoercibles et irréductibles d'emblée;


3° Des actes automatiques simples interprétés rétrospectivement
comme dus à
une volonté étrangère;
4° Des actes interprétés comme indépendants de la volonté du sujet, parce
que trop parfaits ou absurdes, immoraux ;
5° Des actes par arrêt de l'inhibition volontaire (paralysie de la volonté);
6° Des actes commandés par une hallucination impérative et entraînant soit
l'obéissance passive, soit un état obsédant ;
70 Tous les actes personnels et même tous les actes d'autrui, par généralisa-
tion de l'idée d'influence.
Malgré leur diversité, tous ces actes ont ceci de commun qu'ils sont exécu-
tés en dehors de la volonté du sujet et qu'ils aboutissent tous à créer le senti-
ment d'une influence.
Troubles cénesthésiques. — La cénesthésie, qui intervient si puissamment
dans la constitution de la personnalité, est souvent troublée dans les délires
d'influence. Les troubles portent moins sur la sensibilité superficielle que sur
la sensibilité organique, viscérale.
On peut cependant voir des phénomènes douloureux, sensation de piqûre,
de pincement, tels que ceux éprouvés par Mme \V..., dont M. Claude a publié
récemment l'observation, sous le nom de : « Une envoûtée sans le savoir ».
Cette malade, qui ignorait tout des phénomènes d'envoûtement, les a éprouvés
et décrits. Elle ressent des piqûres à différents points du corps, ainsi que des
sensations de strangulation et elle croit que sa sœur se pique à un endroit
particulier du corps ou se serre le cou, en concentrant sa pensée sur elle, de
façon à lui transmettre, amplifiée, sa douleur. Cette malade présente, par ail-
leurs, d'autres phénomènes d'influence.
Plus fréquentes sont les sensations viscérales de déplacement, de transfor-
mation, de changement de volume, d'obstruction, qui aboutissent assez sou-
vent à des idées de négation (comme M. Robin en a donné l'année dernière un
exemple chez une démonopathe) et à des idées de possession soit par des ani-
maux (délire zoopathique), soit par des esprits, soit par des démons (possession
démoniaque, démonopathie interne). Mme Couf... a l'impression qu'elle a des
bêtes dans tout le corps, dans l'estomac, dans le ventre, qui la dévorent.
Mlle Chia... est possédée parles esprits :c Ce que j'endure estunmartyre, je sens
la dislocation des membres, des courants d'électrocution. Je sens mon cerveau qui
saigne. On me fait la strangulation du cœur, l'électrocution de toute la tête. Il
me semble qu'on m'enserre tout le globe de l'œil. On serre mon cerveau avec
des lanières, jusqu'à ce qu'il devienne gros comme une cervelle de moineau.
Quand on fera mon autopsie on verra dans quel état sont mes organes. » Les
esprits sont en elle et elle demande à être exorcisée par un prêtre. Mme La...
se sent tirée dans le dos; on la tourmente aux parties, on lui tire les poils, on
lui donne des douleurs dans la tête, les jambes, les mains, l'estomac, on lui
ouvre la vulve, on lui écarte les os. Mme Mi... déclare qu'on lui a retourné
l'aorte plusieurs fois, qu'on lui a ouvert l'estomac au point de lui faire toucher
les reins. Mme K... s'exprime ainsi : « Dans mon corps ça faisait comme un
soufflement... c'était désagréable... c'était quelque chose qui était entré
dans mon corps. On a pris ma bouche, mon corps, mes pensées. On déformait
la tête, elle devenait plus grosse, comme un caillou. Aujourd'hui j'aurai les
jambes d'une personne, demain les jambes d'une autre. On est entré dans mes
membres, etc. » Parfois les troubles cénesthésiques sont interprétés comme
étant dus à des soins : « Il a soigné le ventre, puis la poitrine. Il a fait le net-
toyage des reins, puis du ventre; ça chauffait dur et puis ça faisait froid. Dans
la tête ça faisait comme si on voulait élargir de petits ressorts. Il y avait
comme urr moteur dans la matrice. »
Les hallucinations génitales sont très fréquentes chez les influencées : « Il
faisait des caresses pour me mettre en forme, mais pas jusqu'à la jouissance. »
Une autre sent la cuisse d'un homme, puis des attouchements. Parfois la sen-
sation va jusqu'à l'impression d'un rapport sexuel. Mme D... éprouve la sensa-
tion de coït, qu'elle accepte d'ailleurs, et elle ressentie spasme voluptueux
dont elle constate les traces sur son linge. Les démonopathes se croient livrés
aux démons incubes et succubes. Mme P... et Mme G... sont toutes les deux
violées par le diable, mais la première s'y complaît, alors que la deuxième s'y
oppose par toute une série de moyens de défense. Elle n'écarte jamais les
jambes, mais reste assise, les cuisses liées avec des serviettes. Elle met des
mouchoirs dans le vagin et dans la bouche. Elle ferme portes et fenêtres pour
que le diable n'entre pas.
Toutes les manifestations génitales sont très fréquentes chez les influencés.
En dehors des hallucinations il faut citer les rêves voluptueux, avec parfois au
réveil la sensation d'un corps couché à côté du sien. Il faut mentionner aussi
la fréquence de la masturbation, avec le caractère souvent plus ou moins auto-
matique e* impulsif « On m'oblige à me toucher ; on prend ma main et on me
:
fait me masturber malgré moi. » Les hommes mettent souvent sur le compte
d'une influence leur frigidité, leurs éjaculations précoces ou leurs pertes
séminales.
Beaucoup de troubles cénesthésiques ne sont que l'interprétation de
troubles viscéraux réels (ulcus de l'estomac chez une malade possédée, dou-
leurs intestinales, etc.). D'autres paraissent relever d'une atteinte du sympa-
thique (les sympathoses de M. Laignel-Lavastine, les cénestoopathies de
Dupré).
Tous ces symptômes, que nous avons longuement étudiés, sont les symp-
tômes cardinaux des délires d'influence. Ils traduisent Y automatisme mental. Cet
automatisme mental a été bien décrit par plusieurs auteurs, notamment par
M. de Clérambault qui, dans les nombreux certificats que j'ai eu l'occasion de
lire, les met remarquablement en relief. M. de Clérambault, dans son ensei-
gnement oral à l'Infirmerie spéciale,insiste beaucoup sur tous ces phénomènes.
Tous traduisent en effet une dissociation de la personnalité consciente : le
malade sent sa pensée et son langage qui lui échappent et il croit que ce n'est
pas sa pensée et pas son langage. Les sentiments qu'il éprouve lui sont
envoyés de force. Il n'est pas l'auteur responsable de ses actes, mais seule-
ment un agent d'exécution plus ou moins conscient. Ses fonctions organiques
sont troublées par la bienveillance ou la malveillance d'autrui. Tous ces
troubles s'accompagnent d'un sentiment de malaise et de domination qui
trouve son explication dans l'idée d'influence.
Avant d'étudier celle-ci, je dois dire quelques mots de symptômes acces-
soires qu'on peut observer épisodiquement. Ce sont surtout les interprétations
et les hallucinations sensorielles vraies.
Comme dans la plupart des psychoses on peut voir dans les délires
d'influence des interprétations fausses, mais elles présentent ceci de particulier
et qui les différencie de celles observées dans la psychose hallucinatoire chro-
nique, que, tout au moins dans les formes pures, elles ne marquent pas le
début des troubles mentaux, mais sont secondaires aux phénomènes d'auto-
matisme mental et même aux conceptions délirantes. Suivant la formule de
son délire (protection, persécution, érotomaniaque, mystique, spirite), le
malade interprète les menus faits de l'existence quotidienne. Parfois il peut y
avoir des interprétations rétrospectives ou extension des interprétations à la
famille du malade ou à toute l'humanité, ainsi que nous l'avons déjà noté.
C'est seulement dans des cas tout à fait exceptionnels et surtout dans les cas
qui ne sont pas purs, mais intermédiaires entre la psychose hallucinatoire
chronique et le délire d'influence, que l'on peut voir le début de l'affection
marqué par des interprétations prédominantes.
Les hallucinations sensorielles vraies ne font pas partie de la symptoma-
tologie normale des délires d'influence. M. Chaslin avait pourtant publié avec
1
Alajouanine un cas de délire d'influence avec hallucinations vraies, mais à
i. CHASLIN et ALAJOUANINE. Un cas de délire d'influence obsédant (Journal
de psychologie, 1920, p. 945).
la lecture de cette observation j'ai l'impression que leur malade avait des
idées d'influence beaucoup plus qu'un vrai délire d'influence. Sur le très
grand nombre d'influencés que j'ai observés, je n'ai vu d'hallucinations que
dans les trois éventualités suivantes. Ou bien il s'agissait de malades profon-
dément débiles et incapables d'analyser les phénomènes qu'ils ressentaient:
ou bien il s'agissait de formes mixtes intermédiaires entre la psychose hallu-
cinatoire chronique et le délire d'influence; ou bien d'hallucinations tout à
fait épisodiques. Plusieurs malades qui ,ont de constantes hallucinations
psychiques nous ont dit que quelquefois elles avaient eu l'impression ou même
la certitude d'une sonorité. De tels cas ne doivent pas nous étonner puisque
nous savons, depuis le beau travail de M. Séglas sur l'évolution des halluci-
nations1, qu'on peut passer de l'hallucination vraie à la pseudo-hallucination
et réciproquement.
Il est extrêmement intéressant d'étudier pourquoi l'hallucination psychique
donne seule l'impression d'une désagrégation de la personnalité consciente, alors
que l'hallucination sensorielle ne s'accompagne pas de cette impression.
Toutes deux naissent, au fond, de l'automatisme du malade, mais le caractère
sonore, extérieur, objectif de l'hallucination sensorielle libère le malade du
sentiment d'automatisme. L'halluciné se comporte vis-à-vis de son halluci-
nation exactement comme devantune perception vraie. Le plus souvent même,
devant les injures et les menaces qu'il entend, sa personnalité se resserre.
L'influencé n'a pas, au contraire, l'impression d'une perception, il a la con-
viction qu'on agit directement sur lui, que sa pensée, son langage, ses senti-
ments, ses actes ne dépendent plus de lui, mais lui sont commandés par une
puissance étrangère. Tous les influencés ont très nettement ce sentiment
d'une contrainte qui, pour nous, est le résultat de la désagrégation de leur
personnalité consciente et dont ils trouvent la justification dans l'idée
d'influence.
Le sentiment et l'idée d'influence. —Chez presque tous les influencés le sen-
timent d'influence découle directement des phénomènes précédents. Je crois
qu'il est impossible à un malade ayant des signes bien accusés d'automatisme
mental de ne pas avoir la conviction d'une influence étrangère et de ne pas
invoquer la suggestion, l'hypnotisme, les sciences occultes, l'intervention
divine ou démoniaque. Pourtant un certain nombre de sujets, bien qu'ayant
très nettement le sentiment d'une influence, ne construisent aucun système
délirant et se contentent de constater leur esclavage sans l'expliquer. Le sen-
timent et l'idée d'influence comprennent des sous-variétés, qu'il me suffira
d'énumérer sentiment et idée de perte de la liberté, de protection (souvent
:

amoureuse), de domination, d'influence simple, de présence, de possession.


L'ÉTAT AFFECTIF des malades est variable. Dans quelques cas qui sont les
plus rares, l'état affectif est constamment pénible. Le malade est persécuté par
un ennemi quelconque ou par le démon, on ne lui dit que des choses désa-
gréables, on le menace on l'injurie, on lui fait exécuter des actes absurdes ou
répugnants, on le martyrise physiquement et moralement, enfin il souffre
d'avoir sa pensée prise ou d'être possédé. De tels cas je le répète, sont assez

i. SÉGLAS et BARAT. Note sur l'évolution des hallucinations (Journal de


psychologie, juillet 1913).
rares, car le délire de persécution est une des formes peu fréquentes des délires
d'influence. A l'opposé, il existe des cas où le malade affirme être très heureux.
Il s'agit alors soit de divinités ou d'esprits bienfaisants, soit d'un amoureux,
d'un ami, d'une personne charitable, d'un médecin qui soignent avec dévoue-
ment, encouragent, soutiennent dans la vie. Ainsi Mme Per... parlant de
l'esprit qui l'influence déclare : « Il est très gentil, il m'appelle
:
petite » et
«:

il veut être appelé « ami ». Parfois même cela devient tout à fait plaisant.
L'esprit et moi nous faisons une « revue ». Je ne sais même pas ce que je dis,
il me le souffle. Nous faisons le compère et la commère. On s'amuse beaucoup
ensemble. s Mais elle ajoute : « Pourtant, à la longue, c'est lassant. » Et en
effet c'est ce qui se produit chez presque tous les influencés qui se plaignent
d'être c harcelés » par les voix, de ne plus c s'appartenir )),de ne plus « être
soi », de n'être « jamais seul », etc.
Tout récemment je présentais une malade à la Société médico-psycholo-
gique et je concluais ainsi : f. Nous nous trouvons en présence d'un fait,
d'apparence paradoxale, mais banal dans la psychose d'influence. Tous les
éléments du syndrome sont agréables et pourtant leur réunion et surtout leur
persistance déterminent un état affectif pénible. Les voix intérieures ne disent
jamais d'injures e.t ne font jamais de menaces, mais au contraire font à la
malade des compliments sur son physique, sur sa beauté, sur ses qualités
morales et intellectuelles et même lui disent des paroles d'amour. Ces voix
sont en général gaies et la font rire. De même les « visions » ne sont jamais
terrifiantes ou pénibles, mais représentent des personnes aimées, ou évoquent
des scènes libidineuses auxquelles Mlle G... se complaît. L'odeur c en imagi-
nation » de l'œillet n'est pas non plus pour déplaire. Les actes commandés
consistent surtout en chants et en attitudes théâtrales, en poses plastiques qui
paraissent plutôt un divertissement. Il n'y a qu'à observer la malade quand
elle monologue pour voir que sa physionomie exprime plutôt la gaîté que la
tristesse et la satisfaction que le désespoir « Le plus souvent, dit-elle, la per-
:

sonne qui pense avec moi est gaie... On me dit des choses qui plaisent à
entendre. » Peut-être au début a-t-elle été réellement heureuse. Je le croirais
volontiers et je partage entièrement l'opinion du Dr Borel qui, l'ayant vue
peu de temps après son entrée, observait avec une grande finesse psycholo-
gique « qu'elle pouvait peut-être être considérée comme un état schizoïde, avec
fuite dans la maladie plus agréable que la réalité ». Mais actuellement l'état
affectif de la malade est nettement pénible. Elle se plaint de ne plus être maî-
tresse d'elle-même, de ne plus être libre, d'être continuellement « harcelée ».
« Je suis agacée, dit-elle, d'entendre tout le temps parler ou de tout le temps
causer. Oh! ça me fatigue parce que c'est tout le temps et puis ce n'est pas
intéressant. » Et encore ce cri du coeur : « Ah! c'est affreux! Je ne suis jamais
seule. Il y a toujours quelqu'un qui me parle, ou qui me fait causer, ou qui me
touche... Je voudrais redevenir moi » !

La formation du délire est secondaire aux phénomènes d'automatisme et


au sentiment d'influence. Il peut d'ailleurs y avoir syndrome d'influence sans
idée délirante nettement exprimée. Le plus souvent, après un temps plus ou
moins long, le malade arrive à formuler un système délirant qui est variable
suivant sa situation sociale, sa cu!ture, son caractère, sa constitution et aussi
suivant les phénomènes particuliers qu'il éprouve.
Parfois il arrive à désigner son ou ses influenceurs. Le choix de l'influen-
ceur est souvent en rapport avec des préoccupations érotiques et sexuelles.
C'est un homme qui a fait influence sur la malade, très souvent un médecin,
souvent un prêtre, c'est parfois l'amant ou la maîtresse, le mari ou la femme.
C'est souvent un mort, un amant ou un mari défunt qui conseille, soutient
dans la vie, encourage, dirige les pensées, les actes, les sentiments de sa veuve,
converse avec elle, parfois se montre à elle dans une vision imaginaire : elle le
voit avec les yeux du corps ou même avec les yeux de l'élme, dans ces visions
intellectuelles dont nous avons parlé, elle sent sa présence autour d'elle. Cet
état n'est pas très différent de celui de jeunes veuves, de veuves de guerre
surtout, chez qui est très développé le culte du mort et qui ne prennent jamais
une décision sans le consulter, qui parfois même ébauchent une conversation
mentale avec lui : « Qu'est-ce que tu ferais si tu étais là? Conseille-moi. » Elles
font elles-mêmes les demandes et les réponses, mais elles ne sont dupes
de cette conversation qu'autant qu'elles le veulent bien. Nous verrons qu'il
en est de même chez certaines érotomanes. Certaines pratiques prédisposent
encore aux délires d'influence. De ce nombre citons la prière, l'oraison men-
tale qui est une prière que l'on fait sans adresser une seule parole, enfin, chez
les catholiques, la communion, qui implique la croyance au dogme de la pré-
sence réelle, c'est-à-dire la croyance à une possession. De fait la psychose
d'influence est fréquente chez les prêtres — deux cas, les religieuses — deux
cas — et surtout les dévotes.
Signalons aussi, comme propices à favoriser le développement d'un délire
d'influence, les pratiques du spiritisme. A côté des médiums fraudeurs et des
médiums qui sont de vrais malades, il y a place pour certains sujets prédis-
posés qui arrivent par entraînement à réaliser, avec une bonne foi entière, des
phénomènes de médiumnité tels que l'écriture automatique. Enfin il semble
que certains sujets soient, plus que d'autres, prédisposés — en vertu d'une
constitution spéciale dont on trouverait les éléments dans une certaine débilité
de la volonté, dans une suggestibilité assez grande, dans un besoin de réconfort,
de direction et aussi dans un certain éréthisme de l'imagination reproductrice.

(A suivre.)
COMPTE RENDU OFFICIEL
DE LA
Ve RÉUNION D'ÉTUDES BIOLOGIQUES DE NEURO-PSYCHIATRIE

TENUE A LA CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS '

LE 27 MARS I924

Un cas de mélancolie symptomatique


par M. HENRI CLAUDE
L'observation anatomo-clinique que je vous présente concerne un cas de
mélancolie anxieuse pour laquelle il convient de discuter l'origine encéphali-
tique ou syphilitique. Il s'agit d'une jeune fille de vingt et un ans qui, sans
antécédents héréditaires autres qu'un frère hospitalisé à Ville-Évrard et un
père mort de congestion cérébrale à quarante-sept ans, fut atteinte en
février 922, sans état infectieux antérieur caractérisé, d'un état psychopa-
thique complexe avec idées vagues de persécution, sentiment d'étrangeté,
crises de larmes, céphalée, puis dépression de plus en plus grande avec tris-
tesse, inactivité, insomnie, anxiété, phénomènes hallucinatoires, tentatives
de suicide. Cette jeune fille, hospitalisée à cette époque c'est-à-dire environ
deux ou irois semaines après le début de la maladie, réalise le tableau de la
mélancolie anxieuse avec immobilité, mutisme, refus d'aliments, gémissements
et plaintes continuelles, crises de peur immotivées avec expression d'épou-
vante, opposition; pendant plusieurs mois, la symptomatologie ne varia pas;
l'examen du sang et du liquide céphalo-rachidien fut négatif au point de vue
de la réaction de Wassermann. Une ponction lombaire montra seulement
l'existence d'une lymphocytose légère (dix-sept éléments) de quelques rares
polynucléaires, albumine 0,20, glucose 0,80. Pas de température, mais à deux
reprises des hémorragies intestinalés abondantes. Malgré l'opposition, l'ali-
mentation put être à peu près assurée, soit par sondages, soit à la cuiller avec
lait, œufs, bouillies, farines, etc. Cependant, dans les derniers mois, la faiblesse
était très grande, l'anémie assez notable; la malade paraissait souflrir énormé-
ment, gémissant et poussant des cris continuellement, indifférente à toute autre
sollicitation extérieure. Elle succomba en septembre 1922.
A l'autopsie, on ne constata aucune lésion viscérale importante en dehors
des lésions intestinales; çà et là le gros intestin se faisait remarquer par des
amincissements considérables, au niveau desquels la paroi, au microscope, se
montra constituée par une mince couche musculaire, une mince couche cellu-

I. A l'asile Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, dans le service du professeur


Claude.
leuse et une muqueuse représentée par une couche de glandes aplaties, défor-
mées, totalement différentes de la structure glandulaire des parties voisines.
Ces régions répondaient à des ulcérations anciennes au niveau desquelles la
muqueuse s'était reformée sur un type nouveau; d'ailleurs il existait encore
des ulcérations non cicatrisées et les glandes y paraissaient détruites ou bien
étaient le siège d'un processus inflammatoire en activité résidant au début
dans la sous-muqueuse. L'examen du système nerveux montra au niveau de
la corticalité cérébrale un épaississement méningé diffus des espaces arach-
noïdiens avec çà et là multiplication des éléments conjonctifs et lymphocy-
taires, reliquat d'œdème, et quelques altérations vasculaires : épaississement
" des tuniques et transformation hyaline notamment. Au niveau de la substance
corticale on trouve des altérations cellulaires importantes à peu près sur toutes
les couches, avec neuronophagie très accentuée, çà et là quelques vaisseaux
capillaires un peu épaissis, entourés de quelques lymphocytes mais sans véri-
tables manchons périvasculaires. Au niveau du noyau caudé les coupes
montrent que l'épendyme est conservé, mais au-dessous des éléments cellu-
laires on constate une prolifération cellulaire névroglique et lymphocytaire
très prononcée. Dans la profondeur les éléments cellulaires sont assez bien
conservés, mais il existe çà et là de rares vaisseaux un peu épaissis et
quelques-uns même avec des manchons leucocytaires très marqués. Il en est
de même dans les couches optiques où les cellules ne sont pas détruites et
présentent quelques aspects neuronophagiques. Sur la moelle on remarque
également un épaississement méningé très notable de la pie-mère, surtout
dans la région cervicale et dorsale; les vaisseaux sont également épaissis et
certaines artères, beaucoup plus sclérosées que l'âge de la malade ne le com-
porterait, cbntiennent dans leur tunique externe et en dehors de celle-ci
quelques amas lymphocytaires. On note également des réactions myélitiques
marginales. Les racines, surtout les postérieures, présentent un certain degré de
sclérose avec légère démyénélinisationd'un certain nombre de tubes nerveux,
sans atteinte des cylindraxes. Dans la zone cornu-radiculaire les fibres
paraissent également assez démyénélinisées, mais on ne constate pas de dégé-
nération par la méthode de Pal dans les cordons postérieurs. Un examen plus
complet au point de vue des dégénérations au Marchi n'a malheureusementpu
être fait. Les cellules de la substance grise de la moelle ne sont pas altérées
et dans le bulbe et la protubérance nous n'avons constaté que des altérations
banales, disséminées dans certaines cellules nerveuses,avec neuronophagie.
En somme, il résulte de cet examen que des lésions incontestables ont été
relevées dans la corticalité cérébrale et dans les noyaux gris centraux,ainsi
que dans la moelle. Ces lésions sont-elles la conséquence d'une atteinte des
centres nerveux par le tréponème, en rapport avec l'hérédo-syphilis, ou sont-
elles sous la dépendance d'une infection encéphalitique? Nous ne pouvons
encore nous prononcer d'une façon certaine. Au début, nous avons cru
pouvoir attacher une importance aux antécédents (père mort jeune d'une con-
gestion cérébrale), à l'état de chétivité de la malade, sans autre signe dystro-
phique net d'ailleurs que des tibias incurvés et des douleurs ayant paru d'ori-
gine osseuse et qui avaient été traitées un an et demi auparavant à la
Salpêtrière par des injections probablement mercurielles ou arsenicales. Enfin
les lésions cortico-méningées,quelques altérations vasculaires disséminées,
donnaient bien l'impression d'un processus clinique qui ne pouvait guère être
rattaché qu'à la syphilis.
La connaissance de faits récemment publiés, montrant le rôle important de
l'encéphalite épidémique même dans ses formes larvées, sans manifestations
infectieuses nettes, nous oblige à certaines réserves et nous nous proposons de
faire des études en séries des différentes parties des noyaux striés, du locus
niger et du locus coeruleus ; à noter encore que l'absence de réaction de Bordet-
Wassermann est en faveur de l'origine encéphalitique. Quoi qu'il en soit, ce
cas de mélancolie à évolution subaiguë, avec hémorragie intestinale de nature
mal déterminée, nous a paru digne d'être relevé. Nous indiquerons ultérieure-
ment dans un travail plus complet, avec des figures concernant les examens
histologiques, l'ensemble de nos investigations.

Sur l'anatomie pathologique de la maladie d'Alzheimer


par MM. J. LHERMITTE et J. CUEL
Les constatations anatomiques que nous rapportons brièvement aujour-
d'hui se rapportent à un cas de maladie d'Alzheimer dont l'un de nous avec
M. Nicolas a donné déjà les détails symptomatiques J.
Il s'agissait d'un homme de soixante-trois ans sans tares héréditaires ou
personnelles. Le début de la maladie remontait à l'âge de cinquante-trois ans.
C'est, en effet, à cette époque que le sujet présenta les premières manifes-
tations appréciables de la psychopathie,sous la forme d'amnésie de désorien-
tation surtout spatiale, de boulimie avec conservation de la critique et con-
science de l'état pathologique.
Le malade fut suivi pendant trois ans au cours desquels l'état psychique
et neurologique ne se modifia pas sensiblement. Du point de vue psychique
les manifestations majeures consistaient en une amnésie portant sur les faits
récents, en désorientation temporelle et spatiale avec diminution de la per-
ception de la durée. L'attention se montrait dispersée, l'affectivité émoussée
mais non détruite, l'intelligence, le raisonnement, le jugement, la critique très
affaiblis. Tandis que l'activité volontaire apparaissait à peu près nulle, l'acti-
vité automatique s'affirmait exaltée et incoordonnée. D'humeur très variable,
le malade passait par des périodes d'euphasie et d'agressivité et gardait intacte
la notion de sa personnalité. L'imagination conservée et même exagérée per-
mettait au sujet de se livrer à une perturbation variée.
En face de ces symptômes psychiques, parmi lesquels prédominaient sans
conteste l'amnésie, la désorientation et la fabulation, se développaient une
série de manifestations neurologiques caractéristiquesportant sur les fonctions
du langage et de l'articulation verbale, sur la motricité, la sensibilité,le tonus
musculaire, enfin sur les fonctions sensorielles.
Le langage, en effet, se montrait affecté par des troubles dyslogiques et
dysphasiques, d'une part, ainsi que par des phénomènes d'autoécholalie, un
bredouillement, une scansion rythmée avec logoclonies, d'autre part.
Quant aux troubles moteurs, ils consistaient en une maladresse des mou-

I. J. LHERMITTE et NICOLAS. Sur la maladie d'Alzheimer (Annales médico-


psychologiques, 1923, t. 1, p.,435).
vements élémentaires, mais surtout en apraxie motrice bilatérale. L'hypertonie
musculaire s'affirmait générale, mais surtout accusée aux membres inférieurs et
au tronc, lesquels conservaient dans la position debout ou couchée une attitude
de flexion. Ajoutons que s'il n'existait aucun symptôme en rapport avec
une perturbation de la voie motrice centrale, les réflexes de posture apparais-
saient exaltés et le phénomène de la contraction paradoxale de Westphal fran-
chement positif.
Nous avions insisté, en outre, dans notre précédent travail sur plusieurs
symptômes qui nous avaient semblé dignes d'être soulignés. D'abord les hallu-
cinations sensorielles, surtout visuelles, présentant cette particularité d'être
mobiles et dépouillées de toute tonalité colorée, la conservation des images
mentales, lesquelles présentaient également le même caractère : conservation
de la forme, disparition de l'élément couleur, enfin une série de manifestations
motrices : amnésie, hypertonie, palilalie, brachybasie, attitude en flexion,
contraction paradoxale de Westphal, que nous avions rapportées à une lésion
du système strié.
ETUDE HISTOLOGIQUE. — L'examen macroscopique du cerveau ne révèle
pas d'autre altération qu'une leptoméningite chronique d'intensité moyenne et
à prédominance frontale.
Il n'existe pas de lésions en foyer, pas d'atrophie notable des circonvo-
lutions cérébrales.
Les grosses artères du cerveau sont relativement peu altérées. Athérome
modéré des artères de la base, ne dépassant pas ce qu'on trouve habituellement
à l'autopsie d'un homme de cet âge.
Le cervelet, les pédoncules, la protubérance et le bulbe ne montrent rien de
particulier.
Des fragments sont prélevés en divers points du cortex pour l'étude histo-
logique. On prélève également des fragments au niveau de la couche optique,
du noyau caudé, du vermis cérébelleux supérieur.
Les procédés de coloration suivants ont été employés : hématéine-éosine,
Sudan III et Scharlach, méthodes de Nissl et de Bielschowsky sur bloc et sur
coupe. La technique de MM. Laignel-Lavastine et Tinel, pour la mise en évi-
dence des plaques graisseuses du cortex sénile a également été utilisée pour
l'examen d'un certain nombre de coupes.
Un hémisphère tout entier a été. fixé dans le liquide de Muller. Il est actuel-
lement en cours d'inclusion et sera étudié ultérieurement.
Il n'existe aucune réaction inflammatoire du côté des gaines périvasculaires.
Sur les préparations colorées par la méthode de Nissl (bleu de Unna et
thionine), l'architectonie du cortex apparait à peu près normale, sauf en cer-
tains points du lobe frontal où semble exister un certain bouleversement des
couches cellulaires. Dans ces régions, le nombre et le volume des cellules
apparaissent diminués.
Un assez grand nombre de cellules montrent une excentration nette du
noyau avec une abondante surcharge jaunâtre pigmento-graisseuse.
Disséminées, quelques figures peu abondantes de neuronophagie.
Dam les préparations colorées par le scharlach, on note la présence de
dépôts iipoïdiques nombreux et riches. Presque toutes les cellules contiennent
un certain nombre de gouttelettes colorées en rouge vif. Dans bon nombre
d'entre elles, ces dépôts sont si abondants qu'ils occupent la presque totalité
du corps cellulaire.
Les parois des petits vaisseaux du cortex sont également renforcées, en
maints endroits, de ces mêmes granulations graisseuses.
Les données les plus utiles et les plus intéressantes sont fournies par la
méthode à l'argent de Bielschowsky, qui met en évidence avec une grande
netteté deux espèces d'altérations très spéciales: 1° les plaques séniles; 20 des
figures de dégénération cellulaire particulière, dite d'Alzheimer.
I. LES PLAQUES. — Elles ont la morphologie typique décrite par tous les
auteurs qui se sont occupés de ces formations. Plus ou moins régulièrement
arrondies, on distingue, en leur centre, une masse homogène, nucléiforme,
intensément argentophile. Autour de cette masse centrale, et généralement
séparée d'elle par un espace annulaire libre, s'étend l'aire périphérique de la
plaque qui apparaît formée par une substance granuleuse, plus claire, moins
dense que le noyau, et dans laquelle sont disséminés en plus ou moins grand
nombre des corps ayant l'aspect de fragments de fibres épaisses, sinueuses et
irrégulières, qui, suivant les auteurs, seraient d'origine cylindre-axile, névro-
glique ou cellulaire.
La dimension de ces plaques, dans le cas présent, est extrêmement variable.
Certaines, les plus petites, sont presque punctiformes. Elles ont alors une
structure plus simple que celle des plaques de grande taille et paraissent
manquer de masse nucléaire centrale.
En certains points, dans les régions où elles sont les plus nombreuses, les
plaques sont extrêmement rapprochées les unes des autres. Il semble que
deux ou trois plaques très voisines soient susceptibles, par extension centri-
fuge progressive, de s'unir, et de se confondre même, en une seule plaque
d'étendue considérable.
Il n'existe aucun rapport rigoureux entre les petits vaisseaux du cortex et
les plaques; si un certain nombre de celles-ci se trouve au voisinage direct
d'un vaisseau, c'est par pur hasard et l'ensemble des plaques paraît complè-
tement indépendant du système vasculaire.
La presque totalité des plaques, dans le cas actuel, se trouve localisée dans
la substance grise corticale, sans aucune électivité pour telle eu telle couche
du cortex. En parcourant de très nombreux champs microscopiques, on
trouve, très rarement, une ou deux plaques développées dans la substance
blanche juxta-corticale, mais le fait est exceptionnel. Ces plaques de la sub-
stance blanche sont de très petites dimensions.
La répartition dss plaques est loin d'être régulière. Les régions qui en con-
tiennent le plus sont la corne d'Ammon, le lobe frontal et le lobe occipital
(zone calcarine). Dans une zone déterminée même, la distribution des plaques
est extrêmement variable. On trouve çà et là des sortes de nids où les plaques
sont particulièrement abondantes, denses, serrées les unes contre les autres.
Entre ces nids existent des espaces sans aucune plaque ou n'en contenant
qu'un nombre très restreint.
Suivant Simchowicz il serait possible de distinguer anatomiquement la
maladie d'Alzheimer de la démence sénile simple, par l'étude de la répartition
des plaques.
Dans la démence sénile simple, elles seraient très nombreuses dans le lobe
frontal et rares dans le lobe occipital; dans la maladie d'Alzheimer, la pro-
portion serait inverse et le nombre des plaques serait au maximum dans le
lobe occipital.
Nous croyons que ces numérations sont forcément infidèles et entachées
d'erreur, à cause de l'extrême irrégularité de la répartition des plaques dans
une zone donnée.
Nous avons cependant tenté de très nombreuses numérations dont nous
donnons ci-dessous les moyennes :
Frontal 55 )
Occipital 67 / 5

Lob. paracental f avec ^ c. 3 0b).


40
Corne d'Ammon 60 )
Ces moyennes semblent confirmer les données de Simchowicz, mais leur
valeur nous paraît demeurer douteuse.
Dans les noyaux gris centraux et dans le cervelet nous n'avons trouvé
aucune plaque, alors que plusieurs observateurs en ont rencontré d'assez
abondantes dans les cas qu'ils ont examinés.
II. LES LÉSIONS CELLULAIRES D'ALZHEIMER. — Ces lésions très spéciales
existent en très grande abondance dans le cas actuel. On les trouve à des
stades variés. Au début l'aspect est celui d'un épaississement des neuro-
fibrilles, le corps cellulaire étant très conservé dans sa forme et dans son
volume; plus tard, il est occupé, par une masse onduleuse, en « virgule », en
<<
point d'interrogation t que les premiers observateurs ont considérée comme
résultant de l'agglutination des neurofibrilles de la cellule; au stade ultime,
les limites cellulaires disparaissent, laissant à la place de la cellule un corps
irrégulièrement arrondi, homogène, très vivement coloré par les sels d'argent
et dont la signification demeure incertaine.
Le nombre des lésions d'Alzheimer est, dans les grandes lignes, propor-
tionnel à celui des plaques. Les régions qui en présentent le plus sont aussi
les plus riches en plaques.
Dans notre cas, elles sont particulièrement nombreuses dans la corne
d'Ammon, au niveau du pôle frontal et dans la zone calcarine du pôle occipital.
Dans les régions les plus touchées on rencontre une lésion d'Alzheimer
environ sur trois ou quatre cellules.
III. LES PLAQUES CYTO-GRAISSEUSES. — La méthode de coloration de
MM. Laignel Lavastine et Tinel pour la coloration des plaques graisseuses
séniles nous a permis de mettre en évidence, dans notre cas, un certain
nombre de ces plaques. Elles présentaient la même situation et le même aspect
général que le.s plaques agentophiles. *
Il nous semble, comme aux auteurs mêmes de la méthode, que les deux
sortes de plaques ont une origine commune. Cette méthode colore vraisem-
blablement avec électivité un état transitoire par lequel passent toutes les
plaques au cours de leur évolution.
IV. LES LÉSIONS DU SYSTÈME STRIÉ. — Bien que notre étude sur ce point ne
soit pas achevée, nous tenons à faire remarquer cependant que la méthode
de Bielschowsky nous a montré l'existence d'altérations manifestes dans les
noyaux lenticulaire et caudé. Les principales tiennent dans l'atrophie et la
réduction du nombre des petites et des grandes cellules du striatum, dont un
grand nombre sont réduites à un amas de granulations argentophiles et,
d'autre part, dans la dégénération complète des faisceaux de fibres myéliniques
qui traversent, en convergeant, les noyaux lenticulaire et caudé.

Les constatations que nous avons faites témoignent donc, sans qu'il soit
besoin d'insister, de l'exactitude du diagnostic clinique qui avait été porté.
Il s'agit bien, dans ce fait, d'un exemple de la maladie d'Alzheimer; et la pro-
fondeur des altérations corticales explique suffisammentles troubles psychiques
et neurologiques observés pendant la vie. De plus, l'hypothèse que nous avions
posée de l'existence des altérations du système strié pour rendre compte de
l'hypertonie, de l'exagération des réflexes de posture, de la palilalie et de la
brachybasie a trouvé une confirmation dans nos résultats anatomiques.
Ainsi la maladie d'Alzheimer, dont le droit de cité en psychiatrie ne peut
guère être discuté en raison et de sa physionomie clinique vraiment parti-
culière et de ses traits anatomiques, répond au développement d'un processus
morbide qui, loin de se limiter à l'écorce cérébrale, s'étend à la masse centrale
du cerveau et particulièrement aux corps striés.
L'étude des coupes totales de l'hémisphère gauche m jrdancé par le bichro-
mate nous permettra, sans doute, dans un avenir prochain, de préciser plus
exactement l'étendue de cette localisation pathologique.

Sur l'acide oxalique du liquide céphalo-rachidien. L'oxalorachie,


par MM. J. LHERMITTE et GRENIER.
Parmi les nombreux éléments chimiques du liquide céphalo-rachidien,il en
est un dont on n'a pas tenu compte jusqu'à présent : l'acide oxalique. Depuis
le magistral traité de M. Mestrezat 1 qui apparaît comme la bible chimiatrique
du liquide cérébro-spinal, jusqu'aux monographies les plus récentes2,nous ne
connaissons aucun ouvrage où figure l'acide oxalique. C'est donc en toute jus-
tice, croyons-nous, qu'il faut attribuer l'identification de l'acide oxalique céré-
bro-spinal à M. Rodillon3.
Ce chimiste a montré, en effet, qu'il existait dans le liquide céphalo-rachi-
dien de l'acide oxalique sous deux formes : des cristaux tabulaires, colorés en
bleu par la méthode de la résorcine-acide sulfurique, et des rosaces dont les
réactions histo-chimiques sont identiques aux formations cristallines précé-
dentes.

1. Le liquide céhalo-rachidien. 1 vol. Maloine, 1912.


2. PLAUT, REHM et SCHOTTMÜLLER. Leitfaden jur Untersuchung der Zere-
brospinalflussigkeit. i vol., 1913.
A. LEVINSOHN. Cerebro-spinal Fluid in Health and in Disease. 1 vol.
Londres, 1923.
M. BOYD Physiology and Pathology of the cerebro-spinal Fluid. 1 vol.
New-York, 1910.
3. RODILLON. L'oxalorachie. 1 vol. Maloine, 1923.
Dans la monographie qu'il a consacrée à l'oxalorachie, M. Rodillon donne
différents procédés de dosage, mais ne semble pas avoir effectué de détermina-
tion du taux de l'oxalorachie.
Nous avons pensé qu'il ne serait pas sans intérêt de reprendre l'étude de
cette question dans les différentes affections psychiatriques et neurologiques
et de chercher à préciser s 'il existait un rapport quelconque entre le taux de
l'oxalorachie et la lésion ou le désordre fonctionnel du système nerveux
cen-
tral. Ce sont les résultats de quarante-sept déterminations du taux de l'acide
oxalique céphalo-rachidien que nous désirons rapporter aujourd'hui.
1° TECHNIQUE. — Examen il l'état sec. Une goutte de liquide céphalo-rachi-
dien est déposée sur une lame porte-objet et desséchée à l'étuve examinée
:
sous le microscope, on constate alors l'existence de cristaux tabulaires en
forme d'enveloppes de lettre, de pierres tombales caractéristiques. Dans
antérieur un
cas à ces recherches nous avons pu relever l'existence de corps
rosacés identiques a ceux qu 'a décrits M. Rodillon, mais depuis nous ne
les avons pas retrouvés.
2° DOSAGE. — Nous avons employé la méthode de Kramer et Fisdal recom-
mandée par M. Rodillon, en la modifiant légèrement pour obtenir une plus
grande sensibilité. On prélève 2 centimètres cubes de liquide céphalo-rachi-
dien auxquels on ajoute 1 centimètre cube d'une solution à 10 p. 100 de chlo-
rure de calcium et une goutte de chlorhydrate d'ammoniaque à 3o p. 100. Le
mélange doit être laissé au repos pendant une heure.
On ajoute ensuite 1 centimètre cube d'une solution saturée d'acétate de
soude, puis on laisse encore reposer le liquide pendant une heure. On com-
plète à 6 centimètres cubes, puis on centrifuge. Le précipité est lavé trois fois
à l'eau distillée, puis dissous dans 2 centimètres cubes d'acide sulfurique nor-
mal. Le mélange, tiédi au bain-marié,reçoit alors, goutte à goutte, une solution
demi-centi-normale de permanganate de potasse que réduit l'acide oxalique
mis en liberté. La quantité réduite de Mn 04 K. indique naturellement le taux
de l'acide oxalique.
II. RÉSULTATS. — A. Démence sénile.
I. All 33 milligrammes.
-
1
II. Mill 266
III. Ail

.............. 100
3 oo
(veille—du décès).
IV. Lep
V. Houd
266
83
-

VI. Cout 83 —
VII. Am
VIII. Kays
.....................
A noter que dans les cas II,
100
142


III, VII, la démence s'accompagnait d'hémiplé-'
gie ou de paraplégielacunaire.
B. Paralysie générale.
1. Bis 165 milligrammes.
II. Reyn.. 69

III. Cir
- -
83
233



C. Syphilis cérébrale.

83 milligrammes.
III
Il. Parl
D. Epilepsie.
. . ................... 233
-

i32 milligrammes.
II. Metz
III. Corm - ioo
0
-_
E. Démence précoce.
I. Ramb
II. Mag
F. Psychose polynévritique.
,
..... ............... 166
138
milligrammes.
-
Desv milligrammes.
II. Berth
— ..................... 165
366
33

III. Bauv 133
_
G. Syndrome pseudo-bulbaire.
Brug., avec E
1.
II. Ster ................ 233 milligrammes.
148
III. Frit., avec S
................. 216 -
H. Hémiplégie cérébrale.

I.
II.I.
1V

Excitation maniaque.
,
........ ............. 200 milligrammes.
99 —

I. Laff., avec S.
66 milligrammes.
II. Laluq.,
.
avec tabes

....c-
83
III. Douz. avec S héréditaire
J. Syndromes divers.
.......... 115
-
I. Gris.
— Lésion traumatique du plexus
brachial
103 milligrammes.
il. n.
Gipp. — Aortite
, chronique 66
III. Laf. Psychose périodique 50
IV. Four.
— Confusion mentale 0
V. Gauth.
— Syndrome médiastinal 233
(probablement syphilitique).
VI. Claudel. Syndrome pluriglandulaire.. i83
(Eunuchoïdisme).
VII. Deligne. Abcès du
— cerveau ........
------............. 66
148

jours après.)
(6
CONCLUSIONS.
- Ainsi qu'il ressort de la lecture du tableau ci-dessus,
l'acide
oxalique semble bien être un composant normal du liquide céphalo-rachidien.
A la vérité, dans deux cas nous avons constaté l'absence de cet élément, mais
comme ces déterminations ont été pratiquées au début de nos recherches,
nous sommes enclins à reporter cette anoxalorachie à une erreur de tech.
nique, car dans aucun des dosages ultérieurs nous ne l'avons retrouvée.
D'autre part, nous croyons être en droit de soutenir que le taux de l'oxalo-
rachie n'a aucun rapport avec la teneur du liquide céphalo-rachidien en albu-
mine, en leucocytes ou en sensibilisatrice spécifique.
L'élévation ou l'abaissement du taux de l'acide oxalique céphalo-rachidien
ne parait pas non plus correspondre à une modalité quelconque d'affection
mentale ou nerveuse, puisque, chez des malades présentant le même syndrome
anatomo-clinique, nous avons relevé des chiffres sensiblement différents.
Ce qui apparaît avec netteté, c'est, d'une part, la fixité du taux de l'acide
oxalique chez un même malade dont l'affection est stationnaire et, d'autre
part, l'élévation considérable de l'oxalorachie, soit au cours de l'évolution du
processus, soit à la phase préagonique. Chez deux malades par exemple,
atteintes l'une de paralysie générale typique, l'autre de syphilis cérébrale, les
déterminations de l'oxalorachie ont donné, pour la première, 6g et 83 milli-
grammes et, pour la seconde, 83 milligrammes et III milligrammes.
Au contraire, chez une patiente atteinte de psychose polynévritique en
évolution, nous avons obtenu les chiffres suivants : d'abord 1.65 milligrammes,
puis, à une recherche ultérieure, 366 milligrammes.
Enfin, chez deux malades atteintes, l'une de démence sénile avec hémiplé-
glie, l'autre d'abcès du cerveau, nous avons relevé une élévation très nette
de l'oxalorachie à la phase préagonique. Dans le premier cas, le taux de
l'acide oxalique s'est élevé de ioo à 3oo milligrammes; dans le second, de
66 à 148 milligrammes.
Tels sont, en résumé, les résultat»de nos premières recherches sur l'oxalo-
rachie. Nous nous proposons maintenant d'établir le rapport entre le taux de
l'acide oxalique du sérum sanguin et celui du liquide cérébro-spinal, rapport
qu'il n'est pas interdit de supposer assez constant en cas de perméabilité nor-
male des méninges, puisqu'il est établi que la constitution chimique du
liquide céphalo-rachidien n'est que le reflet de celle du sérum sanguin.

Un test de sincérité dans le sevrage des toxicomanes


par MM. SANTENOISE, CODET et VIDACOVITCH
(avec une double planche hors texte)
Parmi les obstacles au traitement des toxicomanes, il en est un qui se ren-
contre dans presque tous les cas : c'est la mauvaise foi et l'ingéniosité active
du malade; elles empêchent le médecin d'affirmer avec certitude la réduction
réelle du toxique au cours du sevrage. L'étude, systématiquement pratiquée,
du tonus neuro-végétatif chez les sujets de ce genre paraît nous fournir un
moyen de contrôle biologique qui peut être intéressant et utile.
Les toxiques les plus habituels (morphine et les alcaloïdesvoisins, cocaïne)
ont une action inhibitrice sur le vague. Aussi trouve-t-on, chez les intoxiqués,
un réflexe oculo-cardiaque très faible ou nul. Par contre, le réflexe solaire
est ordinairement net et paraît plus marqué que normalement.
TOXICOMANES

DES
VIDACOVITCH)
SEVRAGE

LEet
CODET
DANS
(SANTENOISE,
SINCÉRITÉ

DE
TEST

UN
D'autre part, au cours de la cure de désintoxication on observe, comme
nous l'avons fait, la libération progressive du tonus vagal, objectivée par la
réapparition et l'accentuation du réflexe oculo-cardiaque lors de la diminu-
tion des doses. Ces modifications se font assez rapidement et sont manifestes
dès le lendemain d'une réduction appréciable.
Il nous a été donné, dans trois cas, d'observer des réflexes en apparence
paradoxaux, mais qui se sont trouvés concordants après une enquête révé-
latrice de supercheries telles qu'il s'en produit si souvent.
P..., cocaïnomane, présente, dès le début de l'hospitalisation, un réflexe
oculo-cardiaque faible, à manifestation tardive; le réflexe solaire est très net
(6 février 1924). Au bout de quatre jours de sevrage, le réflexe oculo-car-
diaque se montre intense; il persiste tel jusqu'à une fugue, au retour de
laquelle, malgré la suppression prescrite, le réflexe est minime ou nul (28 et
29 février 1924). Nous apprenons alors que, bien entendu pendant son
absence, le malade s'était rassasié de toxique, mais que, de plus, il avait rap-
porté une provision clandestine, à laquelle il avait adjoint de l'héroïne.
D..., héroïnomane, lors de son entrée a un réflexe oculo-cardiaque
presque nul (29 février 1924); le réflexe solaire existe. Malgré la diminution
notable des doses prescrites, le tonus vagal reste inhibé, comme on peut le
voir,par exemple, sur les graphiques du 8 février 1924. Parla suite, nous avons
eu la preuve qu'il avait une provision secrète avec laquelle il compensait la
réduction du toxique et restait ainsi, à peu près, à son taux habituel. Le
réflexe oculo-cardiaque n'est pas apparu.
C..., morphinomane habitué à une dose quotidienne de 1 gr. 5o, nous four-
nit des faits encore plus démonstratifs. A l'entrée (28 janvier 1924), tandis que
le réflexe solaire est manifeste, le réflexe oculo-cardiaque est nul. La dimi-
nution quotidienne est prescrite et, malgré une réduction importante, le tonus
du vague reparaît très faiblement dans les jours qui suivent (8 et 10 février
1924). Nous connaissons alors l'existence d'une supercherie qui lui permettait
de compenser le sevrage, mais partiellement. Ainsi s'explique le fait que,
réduisant quand même un peu sa dose quotidienne totale, mais moins que
nous le pensions, il ait eu une légère réapparition de son réflexe oculo-car-
diaque... Connaissant ces faits, nous effectuons une réduction authentique le
II février 1924 et dès le lendemain, on constate l'augmentation très nette du
tonus vagal, comme le prouve le tracé du 12 février 1924.
Ainsi les constatations biologiques, après enquête, sont bien restées en
concordance, dans ces trois cas, avec l'absorption réelle des toxiques. De
plus nous avons pu noter le parallélisme des symptômes cliniques de besoin
avec les modifications du réflexe oculo-cardiaque. Ceci semble donc bien
favorable à l'hypothèse d'après laquelle l'appétence du toxicomane pour le
poison révèle un véritable besoin organique d'inhibition. Les signes divers de
la faim toxicomaniaque traduiraient la libération brutale du tonus vagal,
tonus que l'intoxiqué sent bien susceptible d'être réfréné par une nouvelle
prise du poison modérateur du pneumogastrique.
Pour prévenir ou découvrir les supercheries qu'entraîne ce besoin au cours
du sevrage, il nous semble donc intéressant d'étudier les variations du réflexe
oculo-cardiaque comme véritable c:test de sincérité)J.
Action du crataegus sur le tonus vago-sympathique
par MM. SANTENOISE et VIDACOVITCH
(Avec 1 double planche hors texte)

Les anciens connaissaient bien l'action bienfaisante de l'aubépine ou cra-


taegus oxycantha. Dioscoride et Pline la vantaient comme moyen de combattre
les coliques, les flux menstruels trop abondants, etc. 1. Le docteur Bonnejoy
(1695), d'après M. Leclerc,préconisait son emploi contre «les causes de dis-
tension des vaisseaux par impulsion trop grande du sang ». Parmi les mo-
dernes, Jennings (1896) lui trouve une action surtout cardiotonique par
influence sur les centres modérateurs du cœur. Il signale en outre son action
sédative sur le système nerveux, en particulier sur le sympathique et le plexus
solaire. Huchard, A. Robin, Clément, T. F. Reilly, Louis Renon, Ch. Fies-
singer préconisent de même son emploi comme cardiotonique, comme séda-
tif du système sympathique du cœur, comme moyen contre l'angine de poi-
trine, etc. M. Leclerc, qui lui a consacré une longue étude, vante surtout ses
vertus antispasmodiques dans les angoisses, vertiges, bourdonnements
d'oreilles.
C'est Leroy qui a fait en 1841 le premier une analyse chimique de l'aubé-
pine. Il a retiré de l'écorce des tiges de l'aubépine deux substances une très
:
amère et cristallisable, la cratégine, l'autre, oxycanthine, principe amorphe
et moins amer. Récemment, M. Personne a consacré sa thèse à l'étude et à
l'analyse chimique de l'aubépine 2.
Au cours de nos investigations expérimentales sur les agents pharmaco-
dynamiques possédant une action élective inhibitive ou paralysante du système
sympathique, à côté de la caféine et de l'extrait d'ovaire dont les actions sont
signalées par les divers auteurs, il nous est apparu que le crataegus possédait
une propriété paralysante manifeste sur le système sympathique.
Dans tous nos cas, nous avons observé une action nette et manifeste sur
l'excitabilité du plexus solaire. Nous avons toujours obtenu une atténuation,
ou même, avec des doses suffisantes, une disparition complète du réflexe
solaire, pris comme indicateur de l'état du tonus sympathique.
Nous avons alors essayé cette médication sur plusieurs de nos malades
dont les états morbides étaient liés à des sympathicotonies à un degré divers.
Nous avons employé la voie buccale en administrant toujours la teinture de
cratægus, de 20 à 60 gouttes par jour, suivant les malades. Nous n'avons
jamais noté aucun inconvénient ou trouble imputable à la médication.
Au point de vue clinique, nous avons toujours noté parallèlement une atté-
nuation ou disparition des phénomènes imputables à l'état d'hypersympathi-
cotonie.
C'est ainsi que, dans un cas de maladie de Quincke avec algies nettement
sympathiques, nous avons obtenu, avec une dose de 20, puis 40 gouttes par
jour, la suppression complète du réflexe solaire, pourtant très marqué chez la
malade, la disparition d'oedèmes et l'atténuation très marquée des algies.

I. H. L'aubépine. (Courrier médical, avril 1922.)


LECLERC.
2. Thèse de Lyon (1916).
Dans les cas où l'hypersympathicotonie est associée à un degré variable de
vagotonie, les phénomènes sont plus complexes. C'est ainsi que dans un cas
d'anxiété avec obsessions et impulsions — où l'emploi du cratcegus par ail-
leurs nous a été infiniment précieux, nous ayant permis de dissocier les phé-
nomènes morbides liés à une hypertonie des deux systèmes et d'analyser de
cette manière complètement le mécanisme pathogénique des accès — nous
avons assisté à une disparition complète des phénomènes qui paraissent liés
à la sympathicotonie, c'est-à-dire de l'émotivité, des bouffées de chaleur, des
vertiges, des troubles vaso-moteurs divers. Mais parallèlement à la diminution
d'excitabilité sympathique, nous avons vu apparaître une accentuation pro-
gressive de l'état vagotonique avec exagération du R. O. C., modifications
pupillaires, insomnies, etc. S'agit-il dans ces cas d'une libération de l'activité
de l'autre système par inhibition de son antagoniste ou de phénomènes d'exci-
tation due à une action double du médicament r — C'est un problème que
nous n'avons pas encore pu résoudre.
Enfin dans un cas de syndrome épisodique chez un dégénéré,l'emploi du
crataegus nous a permis de faire cette dissociation dans la neurotonie des
deux systèmes et d'arriver, par application d'une médication appropriée agis-
sant sur les deux systèmes à la fois, à une amélioration marquée et à une
atténuation considérable des symptômes morbides.
Il nous semble important d'insister sur l'utilité de cette médication double
adressée aux deux systèmes à la fois dans les cas de leur hypertonie simulta-
née. En associant, dans ces cas, au crataegus la belladone ou le gardénal à
doses variables suivant l'état du tonus parasympathique on arrivera à empê-
cher l'apparition de cette vagotonie.
En résumé, il nous semble que nous possédons dans le cratægm. un
moyen d'action sur le système sympathique et qu'il doit être considéré comme
un inhibiteur et paralysant de ce système.
Il nous a paru intéressant d'insister sur cette propriété du cratægus,qui est
susceptible d'enrichir notre modeste arsenal pharmacologique des inhibiteurs
du sympathique.
La chronaxie chez les asthéniques
par MM. GEORGES BOURGUIGNON et PAUL SCHIFF
A la suite des travaux de l'un de nous 1 sur la chronaxie chez l'homme, le
docteur Toulouse a pensé qu'il y avait intérêt à étudier avec cette méthode
l'excitabilité des muscles dans certains états mentaux et a mis à notre dispo-
sition, pour faire cette étude, un certain nombre de malades du service de
Prophylaxie mentale à l'asile Sainte-Anne. Nous apportons aujourd'hui les
premiers résultats de cette étude, en ce qui concerne l'excitabilité mesurée au
point moteur du muscle.
A la demande du docteur Toulouse, nous avons, pour commencer, limité
nos recherches aux malades présentant un syndrome clinique de psychasthénie,
pour voir dans quelle mesure l'asthénie musculaire et l'inaptitude au travail,

1. Georges BOURGUIGNON. La Chronaxie chef l'homme. Etude de physio-


logie générale (normale et pathologique) des systèmes neuro-musculaires et
sensitifs. 1 vol. Masson, 1923.
dont beaucoup de ces malades se plaignent, ont une base physiologique objec-
tivement décelable.
Nous avons comparé à ce point de vue des malades chez lesquels la fai-
blesse musculaire était le symptôme prédominant avec des malades chez les-
quels les signes psychologiques primaient au contraire de beaucoup l'état
musculaire.

Classiquement l'excitabilité était mesurée par l'intensité du courant con-


tinu nécessaire pour obtenir le seuil de ces contractions : c'était en somme
l'application à l'électro-diagnostic de la loi de Du Bois-Reymond, qui consi-
dérait que le temps de passage du courant n'intervenait pas dans l'excitation.
Les travaux de Hoorweg, puis de Weiss, démontrèrent que, contrairement
à la loi de Du Bois-Reymond, le temps de passage du courant intervient dans
l'excitation et que ce n'est que pour les durées de passage supérieures à une
certaine valeur que l'intensité reste la même, quel que soit le temps de pas-
sage du courant. Pour les durées plus courtes, l'intensité qui donne le seuil
de la contraction varie avec le temps de passage et augmente quand la durée
diminue. La loi qui exprime cette relation entre le temps de passage du cou-
rant de l'intensité nécessaire pour obtenir le seuil de la contraction est la
la loi de Hoorweg-Weiss.
Partant de ces données, L. Lapicque a donné une caractéristique d'exci-
tabilité qui a reçu de lui le nom de « chronaxie » et dont on peut donner la
définition empirique suivante : La « chronaxie » est le temps de passage du
courant nécessaire pour obtenir le seuil de la contraction avec une intensité
double de celle qui donne ce seuil pour une fermeture prolongée de courant con-
tinu, c'est-à-dire double de ce qu'on appelle classiquement le « seuil galvanique ».
La chronaxie est caractéristique de l'excitabilité et largement indépendante des
contingences expérimentales.
L'un de nous a mis au point une technique de mesure de la chronaxie chez
l'homme aussi précise que sur les nerfs et les muscles mis à nu, malgré l'in-
terposition des téguments. C'est par cette méthode que nous avons étudié
l'excitabilité chez douze malades du service de Prophylaxie mentale. Suivant
les cas, nous avons trouvé des chronaxies normales ou des chronaxies
altérées.
Les modifications ont toujours été légères, mais nettes, consistant tantôt
en une augmentation de la chronaxie qui prend une valeur égale à deux à
trois fois la valeur normale, tantôt, et c'est le cas le plus fréquent, en une
diminution de la chronaxie qui prend une valeur égale à un tiers ou à la moitié
de la valeur normale.

Au point de vue clinique, il s'agit, pour dix de ces malades, de sujets


âgés de trente ans en moyenne et qui présentaient un état de dépression avec
incapacité de l'effort physique et mental. Le diagnostic clinique pour ces
malades était celui, un peu imprécis en l'état actuel de nos connaissances, de
psychasthénie. Pour les deux autres cas, il s'agit de cas témoins, pris parmi
des cyclothymiques à la phase dépressive.
Si l'on classe ces cas suivant les catégories cliniques, on remarque que
les sujets à chronaxie anormale forment un ensemble assez homogène et ont
présenté deux sortes de symptômes. Dans un premier groupe, il s'agit d'indi-
vidus entrés dans le service pour un syndrome psychasthénique et chez qui
l'observation prolongée a démontré l'existence de signes cliniques prédominant
surtout dans le domaine musculaire. En apparence, ces sujets seraient des psy-
chasthéniques banaux, dont la maladie a entraîné une incapacité de travail et
qui en sont fort affectés. Mais si l'on analyse leurs troubles, on s'aperçoit que
c'est sur leur faiblesse musculaire qu'ils insistent surtout, sur une impotence
fonctionnelle que rien, dans l'examen neurologique habituel, ne justifie.
Cette impotence est d'apparition progressive; cependant l'élément constitu-
tionnel fait presque toujours défaut. Le syndrome somatique est au premier
plan sensation de fatigue perpétuelle, incapacité de l'effort physique, et les
:

recherches attentives de l'activité cardiaque, respiratoire ou digestive ne


révèlent rien d'assez net pour qu'on puisse lui accorder une valeur pathogé-
nique. Si le terme n'avait pas déjà une autre signification en pathologie, on
voudrait qualifier ces malades asthéniques surtout de myasthéniques Il est à
noter d'ailleurs que, sans être très vigoureux, l'aspect extérieur de ces sujets
n'est pas celui de malades affaiblis corporellement.
Le syndrome psychique au contraire paraît, chez ces individus, secondaire
aux troubles somatique et musculaire : les facultés d'attention, de concen-
tration intellectuelle sont relativement peu touchées; les idées hypocon-
driaques existent à un moindre degré; les signes phobiques et obsessicnnels
sont peu nombreux. Ces malades étaient déprimés parce que leur incapacité
de travail rend leur situation matérielle et morale difficile au point de vue
social, mais la volonté et l'espoir de guérir paraissaient chez eux plus sérieuse
et s exprimait plus facilement que chez les psychasthéniques courants.
Un second groupe de malades à chronaxies anormales réalise bien le
tableau de la psychasthénie classique : terrain constitutionnel, incapacité de
l 'effort, troubles de l'attention, association d'obsessions
et de phobies, idées
hypocondriaques. Mais les deux malades qui, avec des symptômes psychiques
aussi accusés, ont donné des chronaxies anormales, offraient en outre des
symptômes d apparence nettement organique : on pouvait parler chez eux,
avec une certitude entière, de désordres, objectivement décelables, au niveau
du système sympathique. Ils présentaient de l'éreutose, des sensations
anor-
males de chaleur et de froid au sommet du crâne et le long de la colonne
vertébrale, des migraines, des vertiges, des accès tachycardiques, du pseudo-
asthme, tous symptômes variables suivant les moments en intensité et en loca-
lisation, fort souvent vicariants les uns des autres et que rien dans l'examen
somatique ne permettait d'attribuer à une lésion viscérale localisée.

Les malades qui ont eu une chronaxie normale comprennent tout d'abord
les deux cas de cyclothymie qui avaient été pris comme témoins. Ces deux
malades avaient été choisis parce que leur crise dépressive était peu accusée,
que leur symptomatologie au moment de l'examen montrait une excitation
sans agitation, une douleur morale peu démonstrative et que leur état se rap-
prochait extérieurement le plus des cas précédents : plaintes sur leur inca-
pacité de travail, préoccupations hypocondriaques, espoir de guérir.
Enfin nous avons encore eu quatre cas à chronaxie normale chez des sujets
présentant un syndrome psychasthénique plus pur et, si l'on ose dire, plus
psychologique que les premiers. Leur incapacité de l'effort est celle de l'effort
intellectuel. Ils caractérisent nettement cette incapacité par des troubles à
caractère psychologique : troubles de l'attention, de la concentration intellec-
tuelle, de la mémoire, du caractère, de la volonté avec « idées noires » et
taedium vitae. Les troubles somatiques qu'ils énoncent sont presque nuls, ils
accusent tout au plus une sensation de vide cérébral, qu'ils ne définissent pas
dans les termes imagés, plus proprement organiques, des malades précédents.
Il s'agissait dans ces cas de jeunes gens issus de condition ouvrière ou
paysanne, et qui avaient voulu s'élever à une situation comportant peut-être
un effort intellectuel un peu gros pour eux. L'un était un comptable, l'autre
un instituteur, un troisième musicien. Il faut signaler que l'étude du seuil de
leur chronaxie a été entreprise chez deux de ces malades à un moment où leur
affection était déjà en voie de réparation.

Nous devons donc faire la réserve que l'examen chronaxique a peut-être été
pratiqué, dans ces deux derniers cas, trop tardivement pour pouvoir déceler
un trouble musculaire qui aurait existé au fort de l'affection. Il faut insister
également sur le fait que le nombre total des cas examinés est assez réduit.
Nous continuons ces recherches sur un plus grand nombre de malades. En
nous basant sur ces premiers cas, nous arriverions à la conclusion provisoire
qu'il paraît possible de distinguer expérimentalement dans le vaste ensemble
de la psychasthénie :
1° Un groupe de malades à symptômes plus proprement musculaires et où
l'état anormal du muscle joue sans doute un rôle pathogénique important;
20 Un groupe de malades à symptomatologie à la fois psychique et végéta-
tive, groupe où l'on constate également une chronaxie anormale;
30 Un autre groupe, enfin, où la symptomatologie est à prédominance
psychologique et comporte des symptômes musculaires très réduits ou même
absents. Chez les malades de ce troisième groupe, on a trouvé une chronaxie
normale.
Discussion :
M. Toulouse. — Ce travail fait partie d'une série de recherches collectives
entreprises dans le service de Prophylaxie mentale et dont certains résultats
ont été précédemment publiés ici. Pour entreprendre une lutte efficace contre
les états psychopathiques, il importe avant tout d'approfondir nos moyens
objectifs de connaissance sur le fondement biologique de ces affections.
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)

I. SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
— II. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
III. SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE. IV. SOCIÉTÉ DE

PSYCHIATRIE.
I. — Société de neurologie
SÉANCE DU JEUDI 6 MARS 1924

Présidence de M. O. Crouzon
Syndrome myoclonique d'origine syphilitique.
— M. André-Thomas et
Mme Long-Landry présentent une femme de quarante-six ans dont la maladie
a débuté insidieusement en 1922 par un syndrome parkinsonien localisé au
bras droit, mais avec un signe d'Argyll-Robertson et une réaction de Wasser-
mann positive. Quelques mois après, le tableau clinique s'est modifié le :
tremblement étendu à la face, à la langue, les troubles de la parole, l'inertie
psychique, font penser à une paralysie générale. Actuellement, elle présente
surtout des clonies prédominants à la face du côté gauche, de deux rythmes
différents, plus rapides sur la moitié supérieure de la face, plus lentes sur
la moitié inférieure, avec hypertonie. Les clonies s'exagèrent avec les mou-
vements actifs et les excitations périphériques. L'origine syphilitique est
confirmée par l'étude du liquide céphalo-rachidien et le résultat satisfaisant
du traitement.
Quelques documents relatifs au diagnostic des compressions spinales.
MM. /. Babinski et /. ]arkowski relatent plusieurs observations dont chacune —
soulève quelques questions se rapportant au diagnostic des compressions de
la moelle.
Dans l'un de ces cas, il s'agit d'une femme atteinte d'une parésie des
membres inférieurs, avec tous les signes objectifs caractérisant une lésion
de la voie pyramidale, ayant évolué progressivement depuis deux ans. Cette
parésie s'accompagne de douleurs et d'une hypoesthésie qui prédomine à
droite, tandis que l'affaiblissement de la motilité est plus .marqué à gauche.
L'étude topographique de l'anesthésie et des réflexes de défense fournit des
données confirmées par l'épreuve de Sicard-Forestier permettant de localiser
la lésion au niveau du VIlle segment dorsal. On peut se demander si l'image
de la bille de lipiodol, qui, à sa partie inférieure, est en forme de dôme, ne
plaide pas en faveur d'une tumeur juxta-médullaire.
Dans la seconde observation, on a affaire à une paraplégie en flexion
typique, à évolution lente, avec anesthésie. Les troubles de la sensibilité
remontent jusqu'à D vi/D VII; la limite des réflexes de défense est au niveau
de DVIII/DIX. Deux injections intra-arachnoïdiennes de lipiodol, pratiquées
l une en haut, l'autre en bas, confirment la localisation obtenue
par la
clinique. Or, l'examen des fibres révèle dans l'intervalle compris entre la
limite supérieure et la limite inférieure de la lésion spinale la présence d'une
masse accolée à la colonne vertébrale. On pense d'abord à un abcès par con-
gestion, pottique. Mais la ponction ne donne pas de pus. On envisage l'hy-
pothèse d'une tumeur en bissac. On croit qu'il est légitime de tenter une
intervention chirurgicale.
Le troisième fait se rapporte à un malade atteint de paraplégie en exten-
sion, d'évolution lente, avec exagération considérable des réflexes. Les ren-
seignements fournis par le lipiodol concordaient avec ceux fournis par la
clinique. On pouvait localiser la lésion au niveau de D VI/D vil. A l'opération,
on n'a trouvé ni tumeur ni pachyméningite ; mais la moelle paraissait amincie.
Le malade ayant succombé ultérieurement, un examen anatomique a décelé
quelques adhérences méningées, et un foyer de myélite. Aurait-il été pos-
sible d'exclure l'hypothèse d'une compression par tumeur? Les auteurs
attirent l'attention, sans attacher une valeur décisive à ce caractère, sur la
forme de la paraplégie qui, dans ce cas, différait de celle que l'on observe
d'habitude dans les compressions spinales les mouvements spasmodiques
:
spontanés déterminant la triple flexion paraissaient faire défaut et la surré-
flectivité tendineuse l'emportait de beaucoup sur la réflectivité cutanée.
Maladie de Recklinghausen avec dermatolysie. — MM. Laignel-Lavastine
et Froelicher présentent une jeune fille de treize ans dont le pied gauche a
une malformation congénitale caractérisée par une augmentation de volume
de la partie antéro-externe du pied avec aspect flaccide de la peau et hyper-
trophie osseuse visible à la radiographie. Cette malformation, qui rentre
dans le groupe des naevi et qui répond à la dermatolysie des dermatolo-
gistes, s'observe ici comme souvent chez une neuro-fibromateuse. Ici la
maladie de Recklinghausen (molluscums multiples, tumeur royale, taches
pigmentaires, débilité mentale) est héréditaire, le frère ayant la même affec-
tion. De plus, la malade n'a jamais été réglée et a des petits signes d'hypo-
thyroïdie.
A propos du signe de Babinski dans la paralysie infantile spinale.

MM. Souques et Ducroquet montrent une malade qui présente une paralysie
infantile spinale limitée aux muscles de la face postérieure de la jambe et à
ceux de la face plantaire du pied gauche, chez lequel l'excitation de la plante
provoque l'extension de l'orteil. Chez ce malade, les muscles de la région
antéro-externe de la jambe sont donc intacts. La paralysie et l'atrophie, qui
sont très marquées, frappent notamment les interosseux des orteils, l'abduc-
teur, l'adducteur et le court fléchisseur du gros orteil. Il en résulte un pied
bot, dit griffe pied creux. La première phalange du gros orteil ne peut être
fléchie volontairement, ni (si on la fléchit passivement) être maintenue dans
la flexion. L'examen électrique montre une D. R. totale sur les interosseux
des orteils et les fléchisseurs (abducteur, adducteur et court fléchisseur) de la
première phalange du gros orteil.
Dans douze cas de paralysie spinale infantile analogues au cas précédent,
qu'ils ont observés, les auteurs ont constaté quatre fois l'extension de l'orteil.
Pour expliquer l'extension de l'orteil dans la paralysie infantile spinale,
on admet que le foyer poliomyélitique a envahi le faisceau latéral de la
moelle. Il doit en être ainsi dans les cas graves à foyer étendu, et il s'agit là
du signe de Babinski par perturbation de la voie pyramidale. Mais, pour les
cas légers à petit foyer, analogues à ceux qu'ils ont observés, Souques et
Ducroquet font d'expresses réserves. Ils pensent que l'atrophie des fléchis-
seurs de la première phalange du gros orteil peut suffire pour expliquer
l'extension de l'orteil; les fléchisseurs atrophiés ne peuvent répondre (à
l'excitation de la plante) par la flexion de la première phalange, et leur anta-
goniste, c'est-à-dire l'extenseur propre du gros orteil, qui étend normalement
la première phalange, entraîne forcément en se contractant l'extension de
l'orteil.
Spasme professionnel à forme de torticolis spasmodique d'un côté et contrac-
ture unilatérale et permanente des pectoraux de l'autre côté. — M. G. Heuyer
et Mlle Zimmer présentent un malade de cinquante-deux ans qui est atteint
depuis douze ans d'un spasme du sterno-cléido-mastoïdiengauche et d'une
contracture permanente des pectoraux droits, ayant débuté à l'occasion d'un
geste professionnel. Il s'agit d'un spasme professionnel dont les auteurs
admettent la nature organique, par lésion mésocéphalique de nature indé-
terminée. Ils proposent un traitement chirurgical résection du spinal gauche
:

et alcoolisation ou résection des nerfs des pectoraux droits.


M. Meige pense qu'il s'agit d'une lésion mésocéphalique et n'est pas
partisan de l'intervention.
M. Babinski pense au contraire que la section du spinal est sans danger,
elle sera peut-être sans résultat, mais on peut l'essayer.
M. Sicard est de l'avis de M. Meige. Il estime que l'intervention peut
donner dans ces cas des résultats lamentables. Qu'il faut s'attacher à discri-
miner les cas opérables des cas non opérables.
Mal comitial, troubles sensitivo-moteurs, alexie, agraphie et affaiblissement
intellectuel consécutifs à une encéphalite épidémique, par M. A. Litvak.
Sept cas d'intoxication oxycarbonée avec signes cliniques d'atteinte du
névraxe. — MM. Ch. Bourdillon et Edw. Hartmann apportent les observations
de sept malades intoxiqués, à des degrés divers, par l'oxyde de carbone ou
par le gaz d'éclairage.
Chez quatre d'entre eux, ils ont observé des signes nets d'atteinte de la
voie pyramidale signe de Babinski uni—ou bilatéral, réflexe de défense, ces
:
signes existant isolément ou simultanément.
Dans les trois autres cas, le seul signe objectif observé consistait en un
mouvement d'adduction et de rotation interne du pied, avec contraction
isolée du jambier antérieur, après friction énergique de la face interne du
tibia.
Ce signe, sur lequel MM. CI. Vincent et Et. Bernard ont attiré l'attention
en juillet 1922, a une valeur pathologique certaine, car on ne le trouve jamais
à l'état normal, mais son interprétation est délicate.
Faut-il, avec MM. Vincent et Bernard, le considérer comme une manifes-
tation de l'hypertonie consécutive à certaines altérations des noyaux gris
centraux? Les lésions trouvées fréquemment à l'autopsie de sujets morts
d'intoxication oxycarbonée viendraient à l'appui de cette thèse.
Ne faut-il pas plus simplement y voir une modalité atténuée du réflexe
de défense? Les signes pyramidaux constatés dans les quatre premiers cas
pourraient le faire penser.
Le auteurs ne concluent pas.
Les signes rapportés par MM. Bourdillon et Hartmann, bien que ne con-
stituant pas une notion clinique courante au cours de l'intoxication oxycar-
bonée, n'ont rien qui puisse surprendre si l'on s'en rapporte aux données
fournies par l'anatomie pathologique (lésions d'hémorragie ou de ramollis-
sement en différents points du névraxe). La légèreté et la fugacité de ces
signes dans certains cas semblent prouver que cette atteinte du névraxe peut
n'être elle-même que minime et passagère.
Enfin les auteurs signalent que, dans deux cas d'intoxication grave, ils
ont trouvé des liquides céphalo-rachidiens normaux, ne contenant pas de
sang. MM. Legry et J. Lermoyez, dans une série de cas présentés à l'Acadé-
mie de médecine (juillet 1920) avaient trouvé des liquides hémorragiques.
Hémorragie rachidienne tardive chez les opérés de tumeurs médullaires. —
MM. Sicard et Laplane ont observé sur onze cas de tumeurs médullaires
opérées avec succès par M. Robineau deux faits d'hémorragie rachidienne
tardive, survenus après le lever des malades, l'un cinq semaines, l'autre six
semaines, à la suite de l'acte opératoire. En quelques heures s'établit un
syndrome de compression médullaire cérébrale avec algies des membres
inférieurs, céphalée, vomissements et même coma chez l'un des opérés. Le
liquide rachidien se montra sanguinolent et amicrobien. Quoique la guérison
se soit faite complète, en quelques jours, il y a lieu, à cause de la possibilité
de ces accidents à allure alarmante, de conseiller aux opérés de tumeurs
médullaires une extrême prudence dans la reprise de la vie normale.
L. GIROT.

II. — Société médico-psychologique


SÉANCE DU 31 MARS 1924

Présidence de M. Truelle
Perversions sexuelles chez une malade atteinte d'encéphalite épidémique.
— Mlle Serin et M. Reboul-Lachaux présentent une malade de dix-neuf ans
qui, à la suite d'une encéphalite épidémique contractée il y a quatre ans, a
manifesté des troubles multiples du caractère réactions coléreuses, violences
:

à l'égard de sa famille, instabilité, enfin et surtout tendances érotiques très


marquées, provocation à des actes sexuels, etc. A noter un léger degré
d'onirisme avec quelques hallucinations visuelles. Les auteurs insistent tou-
tefois sur ce fait qu'il s'agit plutôt dans ce cas du renforcement, à la suite
de l'encéphalite, d'altérations constitutionnelles du caractère que d'un chan-
gement complet dela personnalité morale dès l'enfance, cette malade avait
un caractère difficile. Ses antécédents héréditaires sont en outre assez
chargés.
Perversions sexuelles chez un malade atteint d'encéphalite épidémique.
— M. Cénac présente également un jeune homme chez lequel on a pu con-
stater à la suite de l'encéphalite épidémique des perversions sexuelles;
exhibitionnisme avec onanisme, ayant entraîné l'arrestation et l'interne-
ment. Actuellement, ce malade présente un syndrome parkinsonien prédo-
minant du côté droit, de la rétropulsion, de la bradypsychie. On note aussi
chez lui quelques antécédents morbides, notamment de l'alcoolisme.
Discussion :

M. Laignel-Lavastine fait ressortir l'existence chez ces deux malades,


antérieurement à l'encéphalite, d'antécédents pathologiques. L'encéphalite
ne ferait dans bien des cas analogues que dévoiler ou amplifier des ano-
malies constitutionnelles du caractère plus ou moins latentes.
M. H. Colin rapporte deux cas de changement complet de la personnalité
morale à la suite de l'encéphalite, sans qu'on puisse déceler dans les anté-
cédents de manifestations pathologiques.
M. Briand a constaté des faits analogues.
M. Truelle insiste sur l'intérêt de déterminer l'influence respective en
pareil cas de l'encéphalite et des éléments constitutionnels et héréditaires.
Auto-mutilation révélatrice d'un état schizoïde, par MM. H. Claude, Borel et
Robin (Présentation du malade). — Il s'agit d'un malade présentant depuis
l'enfance les éléments de l'état schizoïde détachement du monde extérieur,
tendance à la contemplation,à la rêverie, « absence du pouvoir de se réaliser »,
suivant l'expression du malade. A la suite de déceptions amoureuses se sont
développées quelques idées de scrupule et d'indignité qui ont abouti à
l'auto-mutilation le malade s'est sectionné l'index. Les fonctions intellec-
:

tuelles sont intactes, pas d'hallucinations.


M. Dumas fait remarquer que la tendance contemplative, schizoïde, est
extrêmement fréquente chez les jeunes gens. Il est donc assez difficile parfois
de déterminer le point de départ entre le normal et le pathologique.
De l'établissement d'un fichier central et d'un carnet médical individuel pour
les aliénés. — M. Dabout rappelle les conclusions de sa précédente commu-
nication sur la création d'un carnet médical individuel pour les aliénés. Cette
mesure devrait être complétée par la création d'un fichier central, qui serait
constitué de préférence à la préfecture de police.
M. Vallon ne voit pas l'utilité de substituer un carnet individuel aux
dossiers qui existent actuellement dans les asiles.
M. de Clérambault insiste sur la nécessité d'établir des certificats détaillés
à l'entrée et à la sortie des malades.
M. H. Colin estime que le carnet individuel ne devrait porter que les actes
dangereux commis par l'aliéné et non son observation entière. A ce point de
vue le carnet constituerait un progrès, et en tout cas ne peut être considéré
comme l'équivalent du dossier.
H. BARUK.
III. — Société clinique de médecine mentale
SÉANCE DU 17 MARS 1924

Présidence de M. Laignel-Lavastine
Mal comitial caractérisé par des accès nocturnes d'épilepsie convulsive et
par des accès diurnes d'automatisme ambulatoire, par MM. Briand et Mar-
chand. — Il s'agit d'un sujet âgé de dix-neuf ans qui est atteint de mal comitial
depuis l'âge de sept ans. Ses crises nocturnes revêtent la forme classique des
accès convulsifs. Les accidents diurnes sont précédés d'une sensation
d'étouffement, puis le malade marche pendant quelques minutes sans avoir
conscience de ce qu'il fait. Il ne parle pas, il ne comprend pas ce qu'on lui
dit. Sa bouche est crispée, ses membres sont raides et, quand il revient à lui,
il se retrouve dans un endroit inconnu et constate qu'il s'est mordu la langue.
Ce malade a eu plusieurs fois des crises d'automatisme ambulatoire dans*
des lieux très fréquentés ; il a pu dans cet état traverser des rues encombrées;
il a toujours évité les obstacles, jamais on ne l'a arrêté. Ces actes automa-
tiques sont donc complexes, coordonnés et semblent nécessiter un certain
degré de lucidité sans enregistrement des souvenirs.
Préoccupations érotiques chez une persécutée interprétante hallucinée, par
M. Cénac (Service de l'Admission). — L'auteur présente une malade qui
rappelle par certains points les caractéristiques des « érotomanes » décrites
par M. de Clérambault, mais qui en diffère par une évolution atypique, cette
malade ayant pu vivre des années sans que l'élément passionnel et les inter-
prétations délirantes qu'il détermine aient amené chez elle des réactions
vis-à-vis de l'objet. Des hallucinations auditives pénibles,ayant trait à son
triste roman, apparues récemment ont provoqué les faits ayant abouti à l'in-
ternement.
Idées de négation dans un cas d'encéphalite épidémique chronique, par
MM. Roger Dupouy et Paul Schiff et Mme Jeanne Réquin. — Chez un parkin-
sonien postencéphalitique, les auteurs ont noté des caractéristiques psy-
chiques particulières. Ce malade accuse des troubles cénestopathiques
divers, une perversion des sensations somatiques normales de la faim, de la
digestion, et il traduit ces troubles dans le langage employé par les mélan-
coliques qui présentent un délire de négation. Il s'agit d'un délire de néga-
tion très incomplet, sans idées d'énormité, d'immortalité ou de possession.
C'est un ensemble d'idées de négation qui commencent lentement à se systé-
matiser, chez un individu qu'on ne saurait qualifier de mélancolique au sens
strictement psychiatrique du terme. Ce cas permet de saisir la transforma-
tion du trouble cénestopathique en idées de négation; quant à l'origine de
ce trouble cénestopathique,il est sans doute en rapport avec le déséquilibre
sympathique que les diverses épreuves biologiques mettent en évidence
chez ce malade.
Syndrome paralytique très accusé avec syndrome humoral au minimum, par
-
MM. Roger Dupouy et Paul Schiff et Mme /eanne Réquin. Ce malade appar-
tient au groupe de ceux présentés à la dernière séance de la Société clinique
de médecine mentale par M. Desport et par Mlle Serin il s'agit d'un syn-
drome paralytique très accusé, caractérisé par l'affaiblissement des facultés
intellectuelles, l'amnésie, la perte de l'auto-critique, une indifférence pro-
fonde avec des périodes de turbulence, une forte dysarthrie, de l'inégalité
et de l'irrégularité pupillaires avec myosis et Argyll. Cependant, toutes les
réactions humorales et cytologiques sont restées négatives, malgré tous les
contrôles et une réactivation thérapeutique. Seule la réaction du benjoin
colloïdal est légèrement positive (12100 dans la zone paralytique). Le dia-
gnostic différentiel se complique du fait que le malade est, de sa profession,
peintre en bâtiments, qu'il est un alcoolique chronique et qu'il a été trépané
il y a huit ans pour blessure de guerre. Mais il n'a jamais fait d'accidents
saturnins, est retourné au front quelques semaines après son opération ni :

la trépanation, ni l'alcool, ni le plomb ne sauraient expliquer l'Argyll complet


et le résultat de la réaction du benjoin. Un traitement antisyphilitique
-et
intensif a été suivi d'aggravation, ce cas doit s'ajouter à ceux, rares il est
vrai, mais dont l'importance pratique reste entière, des syndromes paraly-
tiques où le diagnostic clinique paraît plus important que les conclusions
du laboratoire.
Un nouveau cas de paralysie générale conjugale, par MM. Marie et Bernadou.
— MM. Marie et Bernadou présentent, en faveur de la conception de la
syphilis neurotrope, un sujet atteint de troubles mentaux à caractères démen-
tiels qu'ils considèrent comme une manifestation de paralysie générale. Les
signes neurologiques et biologiques sont enfaveur de ce diagnostic. La femme
du malade est morte récemment de paralysie générale avérée à l'asile de
Maison-Blanche. L'accident primaire de cette neuro-syphilis conjugale a été
contracté il y a vingt ans par le mari, qui a contaminé sa femme à la même
époque.
En dehors du chancre, l'infection spécifique ne s'est manifestée que par
des accidents neuro-psychiatriques dix-huit ans plus tard chez la femme,
vingt ans plus tard chez le mari.
Tel ce cas de « neurotropisme », ce mot étant pris dans le sens de « viru-
lence atténuée pour les tissus autres que les centres nerveux ».
Perversionsinstinctives et étatschizoïde à allure périodique, par MM. Claude,
Santenoise et Codet. — On peut observer chez un dysharmonique à manifes-
tations cyclothymiques, au cours des phases d'excitation, une série de mani-
festations particulières insociabilité, onanisme, fétichisme, réactions colé-
reuses, éthéromanie. Ces faits s'expliquent par le développement concomitant
d'une activité imaginative intense. Celle-ci provoque un état de rêverie, avec
représentations mentales très vives, surtout de caractère érotique. A ce
moment, le malade devient véritablement schizoïde, cherchant à éviter la
réalité, se complaisant dans un monde imaginaire et cherchant, au besoin,
à le transposer dans le monde réel. Cette interprétation met en lumière le
mécanisme psychologique des troubles de sa conduite et peut, d'une manière
plus générale, expliquer diverses tendances, non pathologiques, à la rêverie,
un certain nombre de manifestationsfétichistes, ainsi que l'origine commune
à de nombreuses toxicomanies. Elle peut rendre service, au point de vue
médico-légal, pour interpréter des faits anormaux, peu compréhensibles, au
premier abord. Enfin, les rapports de ces troubles avec un état d'excitation
intermittente, à côté du déséquilibre vaso-sympathique observé, permettent
d'espérer les bons résultats d'un traitement prophylactique des accès, à
entreprendre dans la période intercalaire.
Confusion mentale onirique avec hallucinationslilliputiennes chez une femme
de soixante-dix-sept ans traitée par les rayons X pour un cancroïde de la région
frontale, par M. G. Naudascher (Présentation de malade). — La malade, qui
a conservé un souvenir très peu précis de son séjour à l'hôpital et à l'asile,
croit avoir été transportée dans une maison infâme où elle a vu de nombreux
petits pantins se livrer devant elle à des orgies révoltantes.
Actuellement, la malade est encore persuadée de la réalité des scènes aux-
quelles elle a assisté, mais elle ne présente plus de troubles intellectuels
bien marqués.
En l'absence de signes susceptibles d'expliquer l'origine de cet épisode
confusionnel et onirique, l'auteur attire l'attention sur le rôle étiologique
important des rayons X atteignant le cerveau au cours d'un traitement pour
un épithélioma de la face et il rappelle, à cette occasion, les troubles vascu-
laires signalés par divers auteurs chez les malades âgés.
H. COLIN.
IV. — Société de psychiatrie
SÉANCE DU 20 MARS 1924

Présidence de M. René Sémelaigne


Puérilisme encéphalitique. — M. Laignel-Lavastine présente une malade
qui lui a été adressée pour diagnostic différentiel entre l'hystérie et la simu-
lation. En réalité, il s'agit d'une femme atteinte d'encéphalite épidémique
et présentant un syndrome de puérilisme mental. Elle se comporte comme
une enfant, imite la voix et les manières d'une petite fille. A l'examen mental,
on constate de gros troubles de l'attention, de la mémoire les souvenirs
:

sont mal évoqués et il existe des lacunes ; c'est ainsi que la malade a oublié
la table de multiplication. En outre, grande suggestibilité qui renforce encore
le caractère infantile de ses réactions. Tous ces troubles augmentent lorsque
survient une poussée fébrile qui élève la température à 38°. La malade a été
traitée par l'uroformine, le cacodylate de soude à hautes doses et l'adrénaline,
indiquée par des défaillances du sympathique.
M. Marcel Briand a vu de curieuses' régressions intellectuelles de ce genre
sous l'influence de l'encéphalite. C'est ainsi que, dernièrement, il a observé
une fille de vingt ans qui présentait la mentalité et l'allure d'une enfant de
douze ans. Il n'est pas douteux que l'étude de l'encéphalite épidémique ne
jette une lumière nouvelle sur quantité de troubles psychiques.
Perversions instinctives consécutives à l'encéphalite épidémique. —
MM. Laignel-Lavastine et Vinchon rapportent l'observation d'une fillette de
quatorze ans qui, depuis une encéphalite épidémique,présente de multiples
perversions du caractère. Elle est mythomane, voleuse, vend les objets de sa
mère. Il existe en plus chez elle un strabisme persistant et un état d'insta-
bilité, d'agitation bruyante qui la fit renvoyer de plusieurs écoles. On ne
constate pas d'affaiblissement intellectuel marqué.
A propos de cette observation, la question se pose de savoir si l'on se
trouve en présence de perversions créées de toutes pièces par l'encéphalite
ou si, au contraire, il s'agit de perversions constitutionnelles qui auraient
été mises en valeur par l'encéphalite et notamment par l'agitation hypoma-
niaque.
Quoi qu'il en soit, la place de cette fillette difficile et insociable serait
dans une colonie d'enfants anormaux.
M. A. Delmas, convaincu par son expérience que dans l'agitation hypo-
maniaque on trouve toujours une hérédité similaire, estime que l'on décou-
vrirait très vraisemblablement chez les parents de cette malade la constitu-
tion cyclothymique.
M. Laignel-Lavastine estime que l'encéphalite, agissant comme infection
cérébrale, est capable de déterminer des troubles du rythme psychique et
de provoquer ainsi la périodicité de l'humeur.
M. A. Delmas reconnaît qu'en effet des causes occasionnelles, comme
l'encéphalite, peuvent influencer le rythme psychique, mais la périodicité ne
s'installe que chez les cyclothymiques prédisposés. Il faut toutefois se garder
de confondre certaines variations affectives consécutives à l'encéphalite avec
les manifestations de la constitution périodique.
M. Marcel Briand rappelle qu'il a déjà présenté plusieurs enfants devenus
pervers à la suite de l'encéphalite. Chez les uns, il y avait une hérédité
lourde; mais chez d'autres, on ne décelait aucune tare et ils s'étaient tou-
jours comportés normalement avant la maladie. Il semble donc que l'encé-
phalite puisse être la cause productrice d'instincts pervers.
M. Maurice de Fleury pense que si l'on fouille dans le passé des malades
atteints de troubles périodiques, on découvre presque toujours des accès
antérieurs.
Problème médico légal d'un toxicomane. — M. Maurice de Fleury soumet
à la Société le problème médico-légal d'un sujet qu'il est chargé d'expertiser.
Cet homme, de famille honorable, de bonne éducation, est actuellement
inculpé d'escroquerie et d'abus de confiance dans les conditions suivantes
ayant déjà présenté dans son passé plusieurs phases d'excitation et de dépres-
sion, il entreprend au Maroc des affaires de terrain, alors qu'il se trouve dans
une phase d'hypomanie. Tout marche bien au début. Mais la dépression sur-
vient et alors cet homme, devenu apathique, aboulique, ne fait plus rien de
bon. Alors pour retrouver son activité, il prend de la cocaïne, et, en effet,
sous l'influence de la drogue, il récupère sa capacité de travail et d'effort.
Mais déjà, à ce moment, il est inculpé pour une première affaire qui aboutit
à un non-lieu. Ayant abandonné la cocaïne, il retombe dans sa dépression,
et, pour la combattre, il reprend de l'alcaloïde. C'est pour des faits commis
alors qu'il se trouvait sous l'influence de la drogue qu'il est de-nouveau
inculpé.
Or, quel est le degré de responsabilité de ce sujet? Il ne s'agit pas d'un
toxicomane vulgaire qui absorbe du poison pour se distraire. Celui-ci a
utilisé la cocaïne comme un médicament, pour combattre une dépression
constitutionnelle dont il n'est évidemment pas responsable. Faut-il lui faire
grief d'être devenu toxicomane et le condamner pour les délits commis pen-
dant qu'il était sous l'influence du poison?
M. Logre, en raison du caractère thérapeutique de cette toxicomanie,
pense qu'on doit accorder à l'inculpé de grosses circonstances atténuantes.
M. Marcel Briand croit aussi qu'on ne peut rendre cet homme responsable
ni de sa dépression, ni de sa toxicomanie, ni de son activité amorale sous
l'influence du toxique. D'ailleurs, l'intelligence des sujets excités est souvent
illusoire. Quand ils réussissent, on leur accorde du talent, même du génie.
Mais quand ils échouent dans leurs projets, ce qui arrive fréquemment, on
s'aperçoit, en les étudiant, que, sous de brillantes apparences, ce sont souvent
des débiles mentaux.
P. HARTENBERG.
ANALYSES

FORGUE et JEANBRAU. Guide pratique de médecine dans les accidents


du travail. 4. édition avec la collaboration de O. Crouzon, pour la partie
neurologique. 1 volume de 840 pages. (Masson, éditeur, Paris, 1924.)
Cette quatrième édition du « Guide » bien connu de Forgue et Jeanbrau
mérite d'être signalée particulièrement à l'attention des neurologistes et des
psychiatres, non seulement en raison de la mise au point de toutes les ques-
tions concernant les accidents du travail, mais encore de la partie traitant
des affections du système nerveux qui était, il faut bien le reconnaître, un peu
réduite dans les éditions précédentes et a été récemment augmentée dans une
proportion notable, grâce à la collaboration particulièrement compétente de
O. Crouzon. On trouvera notamment dans ce volume les méthodes d'examen
des diverses lésions traumatiques des centres nerveux ainsi que l'examen
psychique ; un chapitre est particulièrement consacré aux affections trauma-
tiques du crâne, affections cérébrales, épilepsie traumatique, hémorragies
cérébrales traumatiques. Sont également passées en revue toutes les affections
de la moelle qui peuvent être en rapport avec les accidents du travail. Nous
attirerons également l'attention sur le chapitre consacré aux manifestations
névropathiques névrose traumatique, hystérie, simulation, perturbations
émotives qui jouent un rôle si important dans les accidents du travail.
Ajoutons enfin que les psychopathies traumatiques et les neurasthénies
traumatiques font l'objet de développements intéressants. Nous regretterons
seulement qu'une place ait été encore gardée à la sinistrose qui devrait dis-
paraître du cadre nosographique, étant donné qu'il ne s'agit pas d'une maladie
à proprement parler et que ce terme de sinistrose laisse supposer qu'on en a
fait une affection nettement cataloguée, et justifiant une indemnisation,
alors qu'il ne s'agit que d'un état d'esprit favorisé par la thérapeutique mal
comprise ou par des lenteurs de procédure provoquant l'apparition, à un
degré variable, d'une psychose interprétative sur un terrain prédisposé.
D'ailleurs, quelques lignes sont consacrées à la psychose de revendication,
qui mériterait de plus longs développements.
Le tableau récapitulatif des réductions de capacité ouvrière dans les suites
nerveuses des accidents et les maladies du travail pourra être utile aux pra-
ticiens à condition qu'ils sachent tenir compte des cas spéciaux à chaque
individu et fassent une discrimination entre les troubles d'origine organique
et ceux d'ordre purement névropathique, réductibles dans une large mesure.
Ce livre se termine par une reproduction du guide-barème de 1919 des
indemnités pour pensions de guerre, qui donne des indications intéressantes
pour les membres et les organes des sens mais qui est quelque peu insuffi-
sant pour les maladies nerveuses et mentales, en raison de la désignation
du
I. Les Lipoïdes phosphorés du cerveau, lorsqu'ils sont ingérés, sont résorbés en
nature dans l'intestin, dans la proportion de 95 °/0 (Salkowski, Franchini)). Ils sont
fixés électivement et sans modification dans le cerveau même (Salkoiuski : " Est-il
possible d'augmenter la quantité de phosphore du cerveau?" Bioch. Z, LI, p. 407.)
Il. Il est démontré aujourd'hui que :
La quantité de Lipoïdes phosphorés est diminuée dans le cerveau des malades
atteints de psychopathies, de paralysie générale, démence précoce, épilepsie, neu-
rasthénie, chez les vieillards, dans les convalescences des maladies graves, etc.,
etc., ainsi que dans la moelle des tabétiques... (Carbone et Pighini, Bioch. Z, XLVI,
p. 450, et XLIII, p. 304. — Feigl, Bioch. Z, LXXXVIII, p. 53. — Koch et Mann, " Arch.
of Neurol. a. Psych. ", 1910. — Peritz, Mott et Barrait, Mott et Halliburton, Fraenkel,
Dimitz. Bioch. Z, xxvi, p. 215.)
III. Il résulte de toutes ces recherches qu'aujourd'hui un traitement rationnel
de toutes les affections du système nerveux comporte l'administrationdu Lipoïde
principal phosphoré du cerveau, indépendamment et à côté des autres traite-
ments, tels que, par exemple, le traitement spécifique (Giacomo Pighini, Babès, etc.\.
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DES ENFANTS NERVEUX ET ARRIÉRÉS
des deux Sexes
(Fondée en 1892 par le Dr BOURNEVILLE)
VITR Y, près Paris, rue Saint-Aubin, 22

médecin en chef. — G. ALBOUY, directeur pédagogique


or Il. P.UJL-BO:VCOUR,

L'Institut Médico-Pédagogique est destiné :


i° Aux enfants présentant de l'instabilité mentale et sujets à des impulsions
maladives qui les empêchent, quoique possédant un certain développement
de l'intelligence, de se soumettre à la règle des lycées ou des pensions et qui
ont, par conséquent, besoin à la fois d'une méthode d'éducation spéciale et
d'une discipline particulière ;
2° Aux enfants arriérés, faibles d'esprit à tous les degrés 5

3° Enfin aux enfants atteints d'affections nerveuses compliquées ou non


d'accidents convulsifs.
Les enfants de ces diverses catégories forment des groupes toutàfait distincts
En outre, un pavillon spécial d'observation, récemment construit et appro-
prié à cet usage, est destiné à recevoir les enfants et les adolescents, sur
la nature desquels les médecins veulent être fixés avant de prendre une
décision utile.
Après quelques semaines d'observation, des renseignements précis sur la
mentalité, la moralité et le caractère sont transmis. Le prix de la pension
pendant la période d'observation est de 5oo fr. par mois.
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(sortie du Bois de Boulogne), dans un grand parc.
Remise à neuf et embellie depuis la guerre, la maison reçoit, dans des
parties distinctes (château et pavillons dispersés dans la verdure du parc),
des convalescents, neurasthéniques, nerveux, intoxiqués ou
psychopathes.
Château et pavillons réunissent toutes les conditions les meilleures
d'hygiène et de bien-être (chauffage central, eau chaude, électricité, eau
de source), etc.
Les personnes qui y séjournent peuvent y disposer à leur gré d'une
chambre meublée avec luxe, d'un cabinet de toilette, d'un salon, d'une
salle de bains, etc.
Les Médecins de la Maison de Santé et leurs familles prennent leurs
repas avec les pensionnaires qui désirent fréquenter la salle à manger.
La Maison est largement ouverte à Messieurs les Médecins, qui
peuvent ainsi continuer à suivre leurs malades.
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MÉDECINS DIRECTEURS :

Dr FILLASSIER o. * **> Dr PRUVOST


NOTICE SUR DEMANDE
===== Communications Tramway du Val-d'Or à la Porte Maillot == «
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vague des affections mentales et des limites incertaines dans lesquelles
varie le pourcentage.
Ce nouveau guide des accidents du travail constitue donc plus qu'une
nouvelle édition, mais véritablement un livre nouveau indispensable à tout
médecin s'intéressant aux questions médico-légales d'expertises.
H. CLAUDE.

M. LAIGNEL-LAVASTINE. Pathologie du sympathique, i vol. de


10S0 pages, avec io5 figures. (Paris, lib. Félix Alcan, 1924 )

Voici enfin un livre. Pourquoi? Parce que nous n'avons plus accoutumé
de voir un savant trouver, à l'époque que nous vivons, le temps de se con-
sacrer à une œuvre réellement personnelle, originale et d'une telle envergure.
Ce livre représente, comme l'écrit Laignel-Lavastine, vingt ans de travail.
Aussi ceux qui comme nous ont tenté de résumer très modestement l'état de
nos connaissances en sympathologie, et même d'y apporter quelques contri-
butions expérimentales, ne peuvent-ils que s'incliner devant la maîtrise de
l'auteur de ce traité, qui sera certainement placé sur le même plan que les
célèbres travaux de Vulpian, François Franck, Gaskell, pour ne pas parler
des tout modernes.
On ne nous en voudra pas de renoncer à analyser un tel ouvrage, qui se
fait remarquer surtout par l'analyse critique sévère des faits, et par le noble
souci de montrer, à ceux « qui, depuis la guerre, ont découvert le sympa-
thique dans les travaux anglais et viennois », l'utilité de remettre en évidence
la tradition française. Nous croyons préférable de rapporter les conclusions
de Laignel-Lavastine qu'il présente sous la forme de trois thèses.
I. Thèse anatomique. — Les lésions du sympathique sont conformes aux
lois de la pathologie générale.
II. Thèse physiologique. — Il existe un rapport simple entre le siège ana-
tomique d'une lésion sympathique, irritative ou destructive et le syndrome
sympathique expérimental correspondant.
III. Thèse clinique. — Certaines entités cliniques déjà individualisées
dépendent de troubles du sympathique établis par l'anatomie pathologique
(criterium anatomique) ou par l'expérimentation (criterium physiologique).
Le facteur sympathique, dégagé par l'analyse clinique peut, quelquefois, être
exactement localisé dans l'ortho- ou le parasympathique, mais souvent la
complexité syndromique doit faire conclure modestement à un déséquilibre
holo-sympathique hyper, hypo ou dyssympathique.
Ces conclusions, modestes en effet, qu'on trouvera à la 824. page de ce
traité, constituent la profession de foi qu'on devait attendre d'un esprit sage
et pondéré.
Le livre se termine par un index bibliographique qui comporte 238 pages :
qu'on juge par là de la documentation vraiment colossale de l'ouvrage. Cet
index rendra les plus grands services aux chercheurs qui ne craindront pas
de tenter de compléter les études sur le sympathique dont ce remarquable
traité montre le rôle primordial en pathologie. On peut dire même, à en juger
par les divers chapitres de cet ouvrage dont nous avons déjà eu la primeur
dans toutes les publications médicales de ces derniers mois, qu'il n'y a pas
d'affection dans laquelle on ne puisse « dégager un facteur sympathique ». Il
serait, superflu d'insister dans ces conditions, sur l'intérêt considérable que
la pathologie du sympathique offre aussi bien aux praticiens qu'aux travail-
leurs du laboratoire.
H. CLAUDE.
LANGLEY. Le système nerveux autonome. Sympathique et parasympa-
thique. Traduit de l'anglais par M. Tiffeneau, professeur agrégé à la Fa-
culté de médecine de Paris. i volume, (Vigot frères, éditeurs, 23, rue de
l'École-de-Médecine, Paris).
Le sympathique et le parasympathique, tels qu'ils ont été définis par Lan-
gley, constituent les deux grands appareils nerveux qui se partagent l'innerva-
tion organique au sens de Bichat. L'ensemble de ces deux appareils forme ce
qu'on a longtemps appelé le système nerveux végétatif et, qu'à présent, on
désigne le plus souvent, avec Langley, sous le nom de système nerveux auto-
nome.
C'est à l'étude de cette question de grande actualité que le savant profes-
seur de Cambridge, après trente ans de recherches personnelles, vient de con-
sacrer le présent livre.
Aprés un historique des plus précis concernant l'évolution des idées et de'
la nomenclature, cet ouvrage débute par un exposé général sur l'origine et la
distribution du système autonome et sur la nature de ses fibres nerveuses.
Le chapitre suivant, qui est le plus important, est consacré à l'étude de
l'action spécifique des poisons; il comprend tout d'abord les effets normaux
et les effets anormaux (effets inversés) de l'adrénaline sur le sympathique, et
ceux de la pilocarpine sur le parasympathique; puis la discussion des théories
sur les relations entre les poisons et le système nerveux ; enfin la classification
des nerfs sympathiques et parasympathiques d'après leur action pharmacolo-
gique.
Dans le dernier chapitre se trouvent spécialement étudiés quelques-uns des
principaux tissus innervés par le sympathique : cellules pigmentaires, muscles
striés, capillaires.
Chacun de ces chapitres est accompagné d'une bibliographie importante,
complétée par des notes et des références.
L'exposé magistral du professeur Langley vient à son heure et apporte,
dans cette vaste question du système nerveux autonome, toute la clarté et la
précision nécessaires.
L. PARROT.

E. FONT. Des accidents épileptiques observés au cours de la démence pré-


coce. (Thèse de Montpeliier, 1923.)
L'épilepsie est observable chez les déments précoces, mais très rarement.
En fouillant trois observations de déments précoces présentant des crises
épileptiques l'auteur a constaté : a) un cas de crise unique, d'origine pro-
bablement toxique, comme on peut en trouver au cours de diverses affections
infectieuses; b) un cas précédé à l'origine de convulsions dans l'enfance; c)
une suspicion d'encéphalite léthargique évoluant en catatonie, puis suivie
-d'accidents épileptiques. L'épilepsie observée chez des déments précoces a une
valeur toute relative et demande toujours un complément précis d'étude.
L. WAHL.
BERNHARD LEGEWIE (Fribourg-en-Brisgau.) Contribution à l'étude des
obsessions au cours des psychoses. (Zeitschritt /. die gesamte Neurol.
und Psych. Vol. LXXXII, nos 1-2, 22 septembre 1923, p. 1.)
La présence d'obsessions au cours de psychoses constituées est un
fait qui a été souvent nié, mais d'après les travaux récents de Bonhœffer,
Stocker, etc..., il semble indéniable que la folie intermittente s'accompagne
assez souvent d'épisodes obsessifs. La combinaison de symptômes schizo-
phréniques et d'obsessions est, par contre, beaucoup plus rare, et, dans une
revue critique récente de ce sujet, Pilez n'a pu en recueillir que quatre cas
légitimes. Legewie en rapporte un cinquième. Il s'agit d'un champion
d'échecs, vieil obsédé à phobies et obsessions multiples (arithmomanie, ereu-
those, manie de contrôler la symétrie des fenêtres, des frontons de maisons,
des enseignes, etc...). Cet homme, à l'âge de quarante ans, fait une démence
paranoïde, avec attitude discordante, rires inadaptés, perte des sentiments
familiaux, accès anxieux, interprétations délirantes et hallucinations audi-
tives. Pas de troubles organiques décelables. Exacerbation des obsessions,
auxquelles s'ajoute une folie du toucher, la peur de contaminer tous ceux
qui l'approchent en leur communiquant une gale reconnue imaginaire.
Pour l'auteur, il ne saurait être question d'unir par un lien causal les
deux séries de symptômes, l'obsession et le délire. Il y a coïncidence acci-
dentelle, chez un même individu, d'obsessions anciennes et d'une schizo-
phrénie à invasion récente. Passant en revue les cas analogues publiés, il se
rattache à l'opinion de Pilez pour qui l'obsession tantôt ne fait que coïncider
par hasard avec une psychose, tantôt n'est que le travestissement d'un symp-
tôme initial de la psychose la transformation d'obsessions légitimes en
:

délire schizophrénique n'existe pas.


P. SCHIFF.
H. L. PARKER (de Dublin). Tumeurs cérébrales ayant simulé l'encéphalite
léthargique et ayant envahi les III* et IVe ventricules ainsi que les
noyaux gris centraux. (Journal of nervous et mental Diseases, vol. LVIII.
n° 1, juillet 1923.)
L'auteur rapporte trois cas pour lesquels le tableau clinique fit envisager
le diagnostic d'encéphalite léthargique, alors que l'examen anatomo-
pathologique révéla la présence de tumeurs plus ou moins diffuses envahis-
sant les ln' et IVe ventricules et les noyaux gris centraux.
La première de ces observations concerne un homme de trente-huit ans
qui, pendant l'épidémie d'encéphalite, présenta de la somnolence, une légère
paralysie faciale gauche, une diminution considérable de l'acuité visuelle
avec une décoloration temporale peu marquée de la papille. A l'autopsie on
trouva une énorme tumeur atteignant le IIIE ventricule et le thalamus droit
et gauche.
Le deuxième cas est celui d'un enfant de douze ans, qui, après avoir été
atteint d'une hémiparésie gauche transitoire, présenta, avec des troubles de
la déglutition, une parole monotone, indistincte, un faciès parkinsonien,
des mouvements oculaires incomplets, une choréo-athétose bilatérale. Le
malade mourut subitement l'examen anatomique montra l'existence d'un
gliome s'étendantjusqu'aux couches optiques des deux côtés, jusqu'au noyau
lenticulaire à droite et qui avait donné lieu à une hémorragie ventriculaire.
Dans le troisième cas, si le diagnostic hésita entre une encéphalite épidé-
mique et un syndrome humoral, ce fut cependant cette dernière hypothèse
qui sembla la plus vraisemblable. Elle se trouva vérifiée à l'autopsie.
L'histoire clinique est celle d'un enfant de dix-neuf mois qui, d'abord
atteint de paralysies fugaces des membres droits puis des membres gauches,
d'une parésie faciale gauche, d'un strabisme convergent passager de l'œil
gauche, entra à l'hôpital avec une ptose de la paupière supérieure gauche et
d'une paralysie de la totalité de la musculature extrinsèque de cet œil. L'en-
fant ne marchait pas, tombait en arrière, présentait, avec des signes pyrami.
daux bilatéraux, une ataxie et une dysimétrie considérables des quatre
membres. La tumeur occupait la face inférieure du cerveau, pénétrait, en
repoussant l'épendyme, dans les IIIE et IVE ventricules distendus, avait détruit
les trois pédoncules cérébelleux et une partie de la moitié gauche de la pro-
tubérance.
Dans les trois cas décrits par l'auteur, comme dans un certain nombre
d'autres observations retrouvées dans la littérature et dont Parker fait l'étude
critique, ce qui constitua la difficulté du diagnostic c'est l'absence de syn-
drome d'hypertension intracranienne, l'état intermittent de torpeur des
malades, le caractère fugace des paralysies et surtout des paralysies ocu-
laires, et, enfin l'observation de ces trois cas durant l'épidémie d'encéphalite.
Il semble donc bien que l'on puisse isoler (ainsi que le proposait Wei-
senberg en 1910 déjà) des autres néoplasies cérébrales celles qui atteignent
les np"et IVe ventricules, en envahissant les noyaux gris centraux, et dont le
diagnostic est particulièrement difficile.
S. SCHIFF-VVERTHEIMER.

COEN. Contribution à l'étude de la folie morale. (Rivista sperimentale di


frenatria, i5 août 1923.)
La tuberculose et la syphilis joueraient un grand rôle dans l'étiologie de la
criminalité sous toutes ses formes, même la plus sévère : la folie morale.
Cette dernière présenterait des affinités avec le groupe des schizophrénies. Il
y aurait d'ailleurs entre ces divers états des cas limites très nombreux :
dysharmonies constitutionnelles qui ne répondent pas absolument aux types
dégénératifs des classiques. Coen propose pour ces sujets le nom de « schi-
zoïdes » qui les rapproche des « schizothymiques » de Kretschmer ou encore
celui d'II illicites ». Chez ces « schizoïdes » les sentiments feraient défaut, la
dureté, la méchanceté, l'absence de sentiments affectifs, l'égoïsme, le cynisme
formeraient le fond du caractère. Il existe des faits de moindre criminalité,
dont le type tend à se rapprocher du précédent et forment la transition entre le
fou moral et le dément précoce. Cette façon de concevoir le fou moral de
Pritchard, et non le criminel de Lombroso, est fort intéressante, mais pourquoi
faire intervenir la démence précoce, alors que la folie dégénérative de Magnan
a une compréhension bien plus étendue et qu'il semble bien admis que la
démence précoce n'en soit qu'une modalité? L. WAHL.

Le Gérant : G. DELARUE.
TRAVAUX ORIGINAUX

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LÉSIONS


DU MYXOEDÈME CONGÉNITAL
(IDIOTIE MYXŒDÉMATEUSE DE BOURNEVILLE)
(Avec dix planches hors texte)
PAR
M. G. MARINESCO
Professeur à la Faculté de médecine de Bucarest

Lorsqu'on parcourt les documents histologiques concernant les


lésions des centres nerveux des myxœdémateux, on s'aperçoit qu'ils ne
sont pas nombreux et que les changements décrits par divers auteurs
sont très variables et n'expliquent pas du tout les troubles psychiques et
somatiques si caractéristiques de l'idiotie myxœdémateuse.
Weygandt a observé des lésions dégénératives des cellules nerveuses,
de la lepto-méningite, de l'infiltration péri-vasculaire, mais lui-même
considère ces altérations comme non spécifiques.
F. W. Mott ayant examiné le système nerveux dans trois cas
d'hypothyroïdisme spontané avec troubles psychiques constata la
chromatolyse des cellules pyramidales et de celles de Betz. Certaines
cellules pyramidales sont dépourvues de leurs dendrites principales; le
nucléole est foncé à cause de la coloration intensive, la membrane et la
substance nucléaires sont invisibles. Dans le bulbe, la majorité des
cellules offrent également une chromatolyse nucléaire qui est moins
accusée dans les cellules d'origine dela VIlle paire. Il y a une hyperplasie
de la névroglie surtout dans la couche superficielle du cortex. L'auteur
attribue les troubles observés chez ses malades au changement chroma-
tolytique constaté dans les cellules de l'écorce. Quant à la cause de la
chromatolyse dans les cellules de l'écorce, elle serait sous la dépendance
soit d'un état toxique du sang qui agirait sur l'osmose des cellules ner-
veuses, soit à l'absence, dans le sang, de l'iodothyrine ou bien d'une
substance essentielle pour le métabolisme cellulaire.
Après avoir passé en revue les lésions constatées antérieurement par
1
Weygandt, Mott et Brun dans les centres nerveux d'un crétin myxœdé-

i. F. W. MOTT. Miscroscopic examination of the central nervous system In


mateux, MM. Pierre Marie, Trétiakoff et Stumpfer décrivent1 une lésion
vasculaire dans le cervelet, le noyau lenticulaire, consistant dans une
forte infiltration des vaisseaux et surtout des capillaires, par une
substance amorphe, colorée en noir violet par l'hématéine. Il s'agirait
donc, d'après cette coloration, de fer ou de chaux; or, la réaction de
Perls a montré aux auteurs que c'était presque exclusivement des com-
posés ferriques, car tout, ou presque tout ce dépôt s'est coloré en bleu
intense par cette méthode. Après séjour des coupes dans une solution
concentrée d'acide oxalique, ces granulations n'étaient plus ou à peine
colorables par l'hématoxyline.
Ainsi, la proportion des composés calciques qui auraient pu se
trouver dans ces granulations seraient certainement très faible.
En outre, MM. P. Marie, Tretiakoff et Stumpfer, ayant constaté une
infiltration, par des composés ferriques, des parois des vaisseaux de la
masse blanche du cervelet y compris les olives et les deux noyaux lenti-
culaires, en se basant sur la communication de Marinesco faite à la,
Société de neurologie' et sur les travaux de Spitzer et Jacques Loeb,
Dostre, Floresco, Tonberg et Marinesco3, expliquent la précipitation
des composés ferriques par faute de leur utilisation. Ils se demandent
si ces lésions sont constantes dans le myxœdème ou bien si elles sont
exceptionnelles. Ils se demandent en outre si ces lésions n'expliquent
pas les phénomènes cérébelleux observés dans le myxœdème, et si les
variations considérables dans l'état mental d'un malade à l'autre ne
pourraient être expliquées par l'intensité des lésions vasculaires et leur
localisation suivant le cas.
Nous allons exposer à présent l'histoire anatomo-clinique d'une
petite malade, atteinte d'idiotie myxœdémateuse.type clinique dont nous
devons, comme on le sait, la description à Bourneville. Si, actuellement,
grâce à cet auteur, nous pouvons distinguer très facilement cette espèce
nosographique, nos connaissances sur le substratum anatomo-patholo-
gique de l 'idiotie et sur son mécanisme sont tout à fait incomplètes.
C'est pour essayer de résoudre ces deux problèmes que nous publions
nos recherches sur ce sujet. Donnons tout d'abord un résumé de l'obser-
vation clinique de notre malade.
Ses parents sont bien portants et leur aspect ne diffère en rien de

three cases of spontaneous Hypothyroidism in relation to a type of insanity.


(Proceedings of the Royal Society of medicine, 1915, vol. VIII, p. 58-79 et
The changes in the central nervous system in hypothyroidism. Id., 1917, vol. X,
pp. 5i-59.)
- „
1. Pierre MARIE, C. TRÉTlAKOFF et \L. STUMPFER. tuae anatomopauioio-
,
gique des centres nerveux dans un cas de myxœdème congénital, avec créti-
/'
nisme. RncévhaLe. n° 11,1Q20.
2. G. MARINESCO. Revue neurologique, 1919, n° 1.
3. G. MARINESCO. Etudes histologiques sur les oxydases et les peroxyaases.
C. R. de la Soc. de biologie. Année 1919, p. 258.
celui des personnes normales. On ne trouve dans l'anamnèse ni dans
leur état actuel des signes de syphilis ou d'alcoolisme. La mère a eu
sept enfants, dont le premier est notre malade; trois sont morts de
scarlatine, méningite et pneumonie. Les trois autres vivent et sont bien
conformés physiquement; leur état actuel n'offre rien de particulier.
Notre malade entre dans le service des maladies du système nerveux de
l'hôpital Colentina (Bucarest), offrant l'aspect du myxœdème congénital.
La petite malade, âgée de treize ans,a été allaitée par une nourrice qui
n'était pas syphilitique, mais avait fait des excès d'alcool. Notre malade
n'a pu marcher qu'à l'âge de six ans et son langage a été toujours
très rudimentaire. Ce qui nous frappe tout d'abord chez elle, c'est la
diminution de la taille.
La tête est relativement volumineuse par rapport à la taille. Le front
est bas, étroit et aplati latéralement. La fontanelle antérieure persiste, le
nez est camus, les lèvres épaisses, la bouche paraît grande et entr'ou-
verte. Les dents sont mal implantées. Les dents de lait ne sont pas
repoussées par les dents de remplacement et persistent. Les amygdales
sont grosses. Le cou est court et gros; il y a des pseudo-lipomes dans la
région sus-claviculaire. Par la palpation on ne perçoit pas le corps
thyroïde. Le thorax élargi et volumineux pour la taille ; le ventre proémi-
nent et large comme celui des batraciens. Les membres sont courts,
épais, les extrémités froides et violacées. La malade souffre de froid
pendant l'hiver et cherche le poêle ou bien reste immobile ou couverte
dans son lit. Les téguments sont infiltrés. La peau est pâle et sèche; il
n'y a pas de poils ni aux aisselles ni au pubis. L'appétit est médiocre; la
malade est toujours constipée. Elle ne perd ni l'urine ni les matières
fécales. Par la radiographie on constate une persistance anormale du
cartilage, un retard dans l'apparition des points d'ossification.
Au point de vue intellectuel, c'est une idiote. Elle ne parle jamais
spontanément avec ses camarades de salle, ne connaît pas le nom de
ses parents; elle donne le nom de père à tous les hommes; ne peut
compter que jusqu'à 4. Elle est incapable de faire des acquisitions
nouvelles et toutes les tentatives pour la faire compter jusqu'à dix sont
restées infructueuses. La malade est susceptible d'un certain degré
d'attention et d'affectivité. Son caractère est assez doux, mais elle s'irrite
et pleure facilement. Elle marche d'une façon lente et hésitante.
La température rectale et axillaire toujours inférieure à la normale,
aussi bien pendant l'été que pendant l'hiver. L'examen du sang indique
une légère anémie globulaire. Le rapport de l'hémoglobine est de 0,80
et la valeur globulaire 0.88. La formule leucocytaire est la suivante :
Polynucléaires neutrophiles 64 p. 100.
Éosinophiles 2 —
Basophiles 0,50 —
Lymphocytes
............
Gros mononucléaires 24 —
9,50 —
Le 14 février 1921 on note une diminution des globules rouges qui
descendent de 4400000 à 3900000. Le i5 février 1921 le docteur
J. Jianu pratique, à ma demande, la greffe d'un lobe thyroïdien prélevé
sur un malade de même âge, qu'il introduit sous la peau du ventre de
notre myxœdémateuse.
Quelques jours après cette intervention,on constate déjà une amélio-
ration dans l'état intellectuel de la malade. Elle apprend avec plus
de facilité, elle retient avec plus d'aisance le nom des objets, de sorte
que son vocabulaire a augmenté d'une façon sensible. Ses mouvements
sont plus vifs. L'appétit est meilleur, même la température a augmenté
de quatre divisions de degré. Mais cet état d'amélioration ne se main-
tient pas, le greffon s'est atrophié et, au bout de six semaines, c'est à
peine si on pouvait le sentir sous la peau de l'abdomen.
On n'a pas constaté de changements radiographiques sensibles après
la greffe.
Nous devons ajouter que la malade a contracté plusieurs maladies,
telles que l'érysipèle à répétition, la rougeole, la malaria, et elle est
morte le 21 janvier 1923 à la suite d'une tuberculose généralisée.
A la nécropsie on a trouvé que la glande thyroïde était absente. La
micropolyadénie généralisée à été confirmée par la dissection. Il y avait
tuberculose pulmonaire à forme miliaire et nodulaire avec broncho-
pneumonie des deux poumons. Adénopathie des ganglions lympha-
tiques du hile. Quelques rares nodules tuberculeux sous l'endocarde
du ventricule gauche. Dégénérescence graisseuse du myocarde. Malfor-
mation de l'artère sous-claviculaire gauche. Tuberculose péritonéale
nodulaire; quelques nodules dans le foie. Périsplénite intense avec
hyperplasie folliculaire et présence de petits tubercules. Tuberculose
nodulaire et miliaire des reins. Réduction de la substance médullaire et
celle corticale des surrénales. Atrophie de l'ovaire; utérus infantile.
Hypertrophie des follicules des intestins. La moelle osseuse en voie de
régénérescence. Résistance des cartilages de conjugaison. Méningite
tuberculeuse nodulaire de la dure-mère; méningite tuberculeuse avec
des granulations sur les méninges de la base. Nodules tuberculeux
disséminés dans le cortex et dans le corps strié. Tuberculome dans le
nerf médian.
Le poids du foie est de 135 grammes; la rate a grammes; le rein
gauche 80 grammes; le rein droit 70 grammes, la surrénale gauche
2 gr. 5, les deux 5 grammes. Le poids des deux ovaires est de 3 gr. 5.
Le diamètre longitudinal du pancréas était de 14 X 5 centimètres,
l'épaisseur de 2,5. Utérus : longueur 4 X 1,2, épaisseur o,5.
Nous allons passer à présent à l'étude des lésions histologiques des
centres nerveux pour laquelle nous avons utilisé les méthodes les plus
différentes, telles que la méthode de Nissl, celles de Ramon y Cajal et
de Bielschowsky, la méthode de Weigert-Pal, la méthode de Best pour
la méthode de Grâf pour les oxydases, le Soudan et le bleu
le glycogène,
de Nil pour les lipoïdes.
Comme on l'a vu plus haut, les données que nous possédons sur le
substratum histologique des lésions fines de l'écorce dans l'idiotie
myxœdémateuse sont non seulement restreintes, mais aussi incomplètes.
Les auteurs qui m'ont précédé dans cette voie n'ont pas fait une étude
comparative des diverses régions de l'écorce cérébrale et encore moins
de la cyto-architectonie, de même qu'ils n'ont pas prêté suffisamment
attention à l'arrêt de développement des pyramidales sus-granulaires et
des fibres nerveuses qui se trouvent à ce niveau. D'ailleurs, pour éviter
toute cause d'erreur, nous avons pris la précaution de faire en même
temps des coupes d'un sujet normal du même âge. En faisant des men-
surations micrométriques de toutes les régions, en comparant les types
cellulaires décrits par Brodmann1 et confirmés par nous-même en
mesurant non seulement l'épaisseur de l'écorce au niveau des divers
2
types, mais aussi, à l'exemple de Kaes et de Brodmann, la couche
principale externe et la couche principale interne, et nous avons pu
arriver à la constatation de certains faits passés sous silence par nos
prédécesseurs. Il est vrai que, dans l'appréciation des lésions observées
et surtout dans l'arrêt de développement des fibres des différentes
couches tangentielles, nous avons dû être prudents, car notre malade a eu
une méningite et des tubercules dans le cerveau; aussi nous n'avons
fait appel, dans la mesure du possible, qu'aux régions relativement
intactes. Pour cette raison, nous pensons que les interprétations de nos
observations concordent avec la réalité des faits.
Nous ne pouvons pas insister sur l'architecture de l'écorce cérébrale
chez le sujet normal. Mais des recherches nombreuses m'ont conduit
d'admettre, avec Brodmann, dans l'architectonie de l'écorce cérébrale
du néopallium, le type à six couches. Ce type subit certaines modifica-
tions régionales, parmi lesquelles la présence de dédoublement ou
l'absence d'une couche granulaire constitue un fait important.
Les six couches que nous pouvons constater, d'habitude, dans le
néopallium sont les suivantes :
1° couche zonale; 2° couche granulaire externe qui correspond à
l'étage superficiel plus dense des petites pyramides; 3° couche pyrami-
dale constituée par des cellules distanciées, disposées en séries verti-
cales; 40 couche granulaire interne dans la zone motrice ses cellules

ne constituent pas une couche à part, mais elles sont disséminées dans
les couches voisines; 5° couche ganglionnaire constituée par des grandes
pyramides, formant une couche peu dense; 6° couche des cellules mul-
tiformes constituée par des cellules polymorphes ou fusiformes.

I. P.-K. BRODMANN. Vergleichende Lokalisationslehre der Grosshinzrinde.


Leipzig, Igog.
2. KAES. Die Grosshirnrinde des Menschen, Jena, Fischer, 1907,
Ce type fondamental à six couches peut déjà être formé entre le
sixième et le huitième mois de la vie embryonnaire. De plus, on peut
constater deux phénomènes principaux pendant le septième mois de la
vie intra-interne. D'une part, l'effacemênt de la iv* couche, comme c'est
le cas pour la frontale ascendante, ou bien le dédoublement de cette
couche, ce qui arrive pour la scissure calcarine.
En se basant sur les modifications de l'architectonie cellulaire,
Brodmann a décrit quarante-sept types dans l'écorce cérébrale de
l'homme. Nous avons repris et continué, pendant plusieurs années, ses
recherches et les résultats que nous avons obtenus ont été publiés dans
la Revue générale des sciences, dans l'Encéphale et la Revue neurolo-
gique etc.
Dans l'impossibilité où nous nous trouvons de faire figurer tous les
types de l'écorce cérébrale, nous avons fait représenter seulement deux
types de la région frontale, à savoir, les types 8 et 44. Nous avons
choisi ces types pour la raison qu'ils gardent une marque cellulaire
qui traduit l'arrêt de développement des cellules. En effet, ces deux
types, ainsi que nous l'avons constaté après Brodmann, sont agranulaires
(fig. 2 et 4). Or, dans notre cas, on y voit une IVe couche, c'est-à-dire
une couche granulaire nette. En outre, comme il est facile de le
constater sur les figures (fig. 1 et 3), malgré que la diminution de l'épais-
seur porte sur toute l'écorce cérébrale, elle est quelque peu plus accen-
tuée dans la couche des pyramides sus-granulaires que dans' celle qui
constitue la région infra-granulaire. En ce qui concerne l'aspect cellu-
laire, il est évident qu'au point de vue de l'organisation définitive, les
cellules de l'écorce normale sont mieux développées que celles de la
malade myxoedémateuse. Il y a à ce point de vue un fait que nous
avons constaté, sans pouvoir pour le moment en donner une explica-
tion définitive : c'est que, dans la plupart des régions de. l'écorce on
trouve deux espèces de cellules pyramidales. Les unes d'aspect plus ou
moins vésiculeux et clair et les autres foncées et rétractées, avec des
dendrites principales, et parfois celles de la base,qui n'ont pas le trajet
rectiligne, mais en tire-bouchon. Le noyau de ces dernières cellules est
également foncé. D'autre part, le nucléole est un peu plus gros que
celui des cellules claires (fig. 5). Si le même aspect est l'expression d'un

1. G. MARINESCO et M. GOLDSTEIN. Sur l'architectonie de l'écorce tempo-


rale et son rapport avec l'audition {L'Encéphale, n° 4, 1910).
G. MARINESCO. Note sur la cyto-architectonie des circonvolutions rolan-
diques (C. R. Soc. de Biologie, 1909, vol. I, p. 55).
G. MARINESCO. Rapports des cellules de Betz avec les mouvements volon-
taires (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, n° 4, juillet-août 1910).
G. MARINESCO. Recherches sur la cyto-architectonie de l'écorce cérébrale
(Revue générale des Sciences, nos f9-20, 1910).
G. MARINESCO. Quelques recherches de paliométrie (Revue neurologique,
n* 5, 1911).
développement incomplet de la cellule que nous rencontrons dans
d'autres idioties à arrêt de développement, nous ne savons à quel méca-
nisme précis attribuer la seconde lésion. Faut-il la mettre sur le compte
d'une lésion toxique engendrée par les troubles du métabolisme causés
par l'athyroïdie, ou faut-il, au contraire, la considérer comme due à la
tuberculose qui a entraîné la mort de la malade? Je dois ajouter que je
n'ai pas constaté ce phénomène de rétraction dans un second cas de
myxœdème, dont j'ai pu examiner les pièces grâce à l'obligeance de
M. Pierre Marie.
Le volume des cellules de l'archipallium, tout en étant plus réduit
que celui des cellules du sujet normal n'offre, pas de différences très
considérables. C'est ainsi que la moyenne de 10 grosses cellules de la
corne d'Ammon est de 32 poX 17po chez la malade et de 40 po X 24 po chez
le sujet normal. Ensuite, la moyenne des grosses cellules des nids de
l'hippocampe mesure chez la malade 34 po X 20 po et chez le sujet
normal 38 po X 20 fL.

Pour nous faire une idée plus exacte des variations du volume des
cellules de diverses couches, nous résumons dans le tableau suivant les
dimensions des cellules des types 1, 2, 3, 4, 5, 10, 44 et 46, chez notre
myxœdémateuse, et, à côté, les dimensions chez le sujet normal. Comme
on le voit, dans toutes les couches, les cellules sont diminuées de
volume. Dans les premiers trois types, les cellules sont réduites presque
de moitié; celles de la couche granulaire ont souffert le moins.
Sujet normal. Volume des cellules. Myxœdème.

Couches II



III
IV
V
3o
34
20
48
TYPE
:1. X 14
X
X 12
X 28
23o
1

:1. 18

12
32
p. X
X
X
X
12 ?
14
12
12
— VI 36 X 14 12 X 12

TYPE 2
Couches II 32 fil X 12 P. 18 P.X 10 <x

— III 36 X 3o 3o X io
— IV 18 X 14 16 X 8
V 48 X 32 32 X io

— VI
....... 32 X 12 20 X 12
TYPE 3
Couches II 26 P. X 12 [J 14 P. X 10 tx
—-
III 5o X r8 3o X 22
— IV 18 X 12 16 X 12
V 3o X 20 34 X 12

— VI
....... 32 X 12 22 X 8
TYPE 4
Couches II 18 X 12 16
P. P. p. X 10 P.
Ili 40 X 18 22 X 16
— IV 18 X 12 12 X 8
— v 94 X 36 60 X 26
— VI 3o X 12 22 X 6
TYPE 5
Couches if. 22 nX 16 P. 14 P. X 10 [j.
— III 36 X 18 28 X 20
— IV 12 X 10 12 X 10
— v 52 X 22 32 X 16
— VI 24 X 18 12 x 6

TYPE 10
Couches II 22 (x X 12 P. 18 ^ X 16 u
— III 36 X 20 34 X 12
— IV 18 X 14 14 X 10
— v 34 X 20 3o X 14
— VI 38 X 14 3o X 10
TYPE 44
Couches II 22 p. X 12 P. 16 P. X 10 p.
— III a) 3o X 16 a) 22 x 16

v .....
— IV b) 38 X24 b) 34 X 16
— 48 X 22 28 X 16
- VI 38 X 18 28 X 14
TYPE 46
Couches II 20 P. X 14 P. 20 P. X 9 p.
— III 36 X 26 35 X 16
— IV 24 X 14 21 X 10
- V 36 X 22 3o X 16
— VI
....... 28 X 14 25 X 9
Nous avons représenté en outre, dans les figures 6, 7, 8, 9, 10, i,les 1
dimensions des cellules de la couche granulaire externe (u') et de la
m0 couche, pour montrer, d'une part, la différence de volume et de
structure entre l'état normal et l'état pathologique.
La plupart des anatomistes se sont contentés de donner un chiffre
moyen de l'épaisseur de l'écorce sans porter leur attention sur les varia-
tions régionales qui sont, cependant, considérables. Mais certains
auteurs (Hammaberg, Kæs, Brodmann et Marinesco) ont montré que
l'écorce cérébrale n'a pas la même épaisseur, mais qu'elle varie d'une
région à l'autre, qu'il y a des zones très larges comme il y en a d'autres
très étroites. Pour plus de détails je renvoie le lecteur à mon travail
antérieur1, où la question a été étudiée d'une façon complète. Or la
1. MARINESCO. Quelques recherches de paliométrie. Revue neurologique,
H,DELARUE ÉDITEUR, PARIS
mensuration de l'épaisseur des couches I-III, IV-VI, chez le sujet normal
et chez notre myxœdémateuse, permet de constater que l'épaisseur de
l'écorce est sensiblement diminuée chez la malade. Il n'y a que dans le
type quarante-sept où nous ayons trouvé que les couches IV-VI sont plus
larges que chez le sujet normal. Ceci, à coup sûr, est une particularité
qui n'infirme pas notre proposition en général, que l'épaisseur de
l'écorce cérébrale n'atteint pas les mêmes proportions que chez le sujet
normal. Puis, dans certains types, la diminution de l'épaisseur chez
notre myxœdémateuse porte surtout sur les couches I-III.
Épaisseur des couches
Sujet normal. Myxœdème.
I-III IV-VI I-III
Types 8.... 250 ¡J. (agranulaire) 66 [A
IV-VI
140 a
— 10.... 72 146 [J. 44 70
— 17.... 60 160 36 go
— 18.... 56 105 44 100
— 19.... 60 13o 40 80
— 20.... 88 120 60 88
— 22.... 62 140 60 120
— 44....
45...
66 142 34 140
— 70 145 50 100


....
46
47....
70
70
82
go
70
64
80
120
Dans les noyaux de la base nous ne trouvons pas de modifications
sensibles des fibres et des cellules nerveuses, sauf une diminution de
volume. Mais les coupes du corps strié, traitées par la méthode du bleu
de Turnbull, montrent dans le globus pallidus que l'infiltration des
vaisseaux par le fer est considérable et ne se limite pas au réseau capil-
laire (fig. 12 et 13). Elle intéresse les vaisseaux qui possèdent une
tunique musculaire, et on constate que ce sont les fibres musculaires
longitudinales ou transversales qui contiennent des granulations de fer.
Cette localisation donne aux vaisseaux un aspect tout à fait caracté.
ristique, car la gaine interne et l'externe restent incolores par les
méthodes qui mettent en évidence le fer. Il y a en outre du fer dans les
cellules névrogliques interstitielles et satellites. Le fer, qui se dépose
d'habitude dans la tunique moyenne, existe parfois dans la tunique
externe. Dans la paroi de quelques vaisseaux, on voit des globes énormes
d'aspect concentrique qui prennent la réaction du fer. Les corpuscules
et les boules concentriques ne sont pas constituées exclusivement par
du fer, car la thionine comme l'hématoxyline montrent une quantité
énorme de telles formations dans la paroi des petits vaisseaux et même
à l'intérieur des capillaires, qui sont parfois oblitérés par ces corpus-

n° 5, 1911; voir aussi : G. MARINESCO. Recherches sur la cyto-architectonie


de l'écorce cérébrale. Revue générale des sciences, nOS 19-20, 1910.
cules. Les parois des vésicules et des artérioles sont parsemées par des
formations disposées en chaînes, en amas. Il existe des corpuscules
semblables à la surface des cellules du globus pallidus (fig. 14).
Nous avons pensé, vu les réactions tinctoriales de ces concrétions
qu'il s'agissait de calcium, dans les pièces de myxœdème et dans celles
d'encéphalite. Mais les réactions microchimiques ont démontré que cette
opinion n'est pas justifiée, car l'examen au microscope des coupes
non colorées montre que ces formations ont une teinte foncée, mais
l'acide sulfurique en solution de 3 p. 100 ne donne pas naissance aux
cristaux de gypse caractérisant la présence du calcium. D'autre part, la
méthode de Kossa, qui a une grande valeur pour mettre en évidence le
calcium,est négative. Ensuite, en traitant les coupes de myxœdème par
l'acide oxalique concentré, ces formations pseudo calcaires ne perdent
pas leur colorabilité pour l'hématoxyline, ce qui démontre qu'elles ne
contiennent pas de calcium, tandis que la réaction du fer pratiquée à
l'aide de la méthode de Péris donne des résultats négatifs.
Dans le Locus Niger il y a une infiltration de fer dans les cellules des
parois vasculaires et dans les cellules névrogliques péri-vasculaires,
non seulement dans le corps de la cellule névroglique, mais aussi dans
les prolongements, infiltration occupant tantôt un segment de cellule
névroglique, tantôt une région plus considérable. Les macrophages situés
dans la paroi des vaisseaux contiennent un grand nombre de granula-
tions réunies parfois en des espèces de blocs. L'infiltration est surtout
visible dans la région de la substance réticulée.
Les coupes du cervelet et du corps dentelé, traitées par différentes
méthodes, montrent des changements notables. En effet, il y a tout
d'abord une diminution de volume des cellules de Purkinje si on les
compare avec celles d'un sujet normal du même âge. C'est ainsi, par
exemple, que le diamètre moyen de dix cellules de Purkinje est chez ce
dernier de 69 p., 8 X 46 p., tandis que chez notre malade cette moyenne
n'est que de 5o p., 4 X 23 u, 2. Mais, en dehors de cette réduction de
volume, on trouve encore d'autres changements intéressant leur forme et
leur topographie. C'est ainsi qu'on rencontre assez souvent des cellules
de Purkinje très allongées, ayant la forme d'un rectangle ou bien d'un
cylindre. Puis elles n'ont pas la régularité de topographie normale.
Parfois elles pénètrent dans la couche moléculaire, pouvant être dispo-
sées en deux rangées, d'autres fois on les retrouve à la partie superfi-
cielle de la zone granulaire. Elles paraissent un peu plus rares qu'à
l'état normal. Les ramifications des dendrites sont aussi moins nom-
breuses. Nous n'avons jamais observé des cellules à deux noyaux. La
méthode de Bielschowsky fait voir des modifications intéressantes des
éléments de l'écorce cérébelleux. Les plexus qui enveloppent les cellules
de Purkinje sont moins riches que chez les sujets normaux; les fibres
parallèles de la couche moléculaire sont diminuées d'une façon notable.
Il y a aussi une pauvreté des ramifications dendritiques des cellules de
Purkinje, dont la dendrite principale n'arrive pas au même niveau qu'à
l'état normal ; il n'y a pas de réseau endocellulaire très net.
En utilisant la réaction du fer, on constate dans la substance blanche
du cervelet, et surtout dans le corps dentelé, des vaisseaux capillaires
dont la paroi est infiltrée par des nombreux corpuscules donnant la colo-
ration du bleu de Prusse.
Les cellules radiculaires de l'hypoglosse, comme les cellules radicu-
laires de la moelle, n'acquièrent pas, dans le myxœdème, les mêmes
dimensions qu'à l'état normal. C'est ainsi que pour dix cellules du
noyau de l'hypoglosse nous trouvons chez notre malade la moyenne de
42 (Jo, 2 X 26 (Jo, 2, tandis que, chez le sujet normal, c'était 59 (Jo, 2 X 36 (Jo, 2.
Pour la moelle il y a aussi une réduction de volume, la moyenne des
cellules est de 46 (Jo, 8 X 31 (Jo, 2, tandis que chez le sujet normal elle
était de 58 (Jo, 6 X 3o (Jo, 2. (Fig. 15.)
Les coupes des ganglions spinaux traitées par la méthode de Best
nous permettent de constater la réaction du glycogène dans un tiers à
peu près des cellules nerveuses. (Fig. 16.) Cette substance siège de pré-
férence à la périphérie de la cellule, où elle occupe un segment plus ou
moins grand du cytoplasma. Elle peut envahir aussi presque tout le
corps de la cellule. Il n'y en a pas à l'intérieur du noyau; la dispersion
des granules de glycogène est tantôt fine, tantôt il s'agit de granules
grossières. Des granules de glycogène peuvent exister même dans
l'axone. En dehors de la forme granulaire on constate quelquefois une
infiltration diffuse. Lorsque tout le corps cellulaire est envahi par le
glycogène, la cellule apparaît comme rétractée et le noyau est en état de
pycnose. Toutes les cellules atrophiées ne contiennent pas du glyco-
gène. Parfois la cellule envahie est réduite à un petit bloc irrégulier.
D'habitude le glycogène n'existe pas dans la région pigmentée de la
cellule. Lorsque les granules sont très denses, la masse de glycogène est
constituée par un bloc coloré en rouge d'une façon intensive.
Les cellules satellites n'en contiennent pas d'ordinaire.
Dans la substance grise de la moelle, nous trouvons le glycogène
dans presque toutes les espèces cellulaires : radiculaires, des cordons,
de la colonne de Clarke. Cependant, dans ces dernières, ce n'est que très
rarement qu'il se trouve dans les cellules, mais on le rencontre dans les
espaces intercellulaires, siégant soit à l'intérieur des capillaires, soit
dans les cellules névrogliques et peut-être aussi dans les dendrites. Dans
la substance blanche les granulations se trouvent surtout dans les
cellules de la paroi vasculaire.
Dans le bulbe, la plupart des cellules des noyaux craniens ambigus,
hypoglosse, glossopharyngé, contiennent des granulations de glyco-
gène, qui sont plus abondantes dans les cellules du noyau de l'hypo-
glosse, où elles occupent une partie ou même toute la cellule et se pro-
longent dans les dendrites. (Fig. 17.) Ici, comme dans les cellules de la
moelle et des ganglions spinaux, il s'agit ou bien de granulations ou de
blocs siégeant non seulement dans les dendrites mais aussi dans les
ramifications des capillaires. Nulle part nous n'avons vu des granula-
tions du glycogène à l'intérieur du noyau.
Il est à noter que les cellules des olives comme celles du noyau dor-
sal du vague ne contiennent pas de glycogène, qu'on retrouve en abon-
dance dans les capillaires et les vaisseaux précapillaires siégeant dans
ces noyaux.
Mêmes constatations pour la substance blanche : on n'y voit pas de
glycogène dans les fibres, mais seulement dans les vaisseaux.
Il en est de même pour le cervelet,car ni dans la couche moléculaire,
pas plus dans les cellules de Purkinje et dans les vaisseaux, nous n'en
avons trouvé.
Dans l'écorce cérébrale (lobe frontal), nous n'avons pas trouvé du
glycogène dans les cellules nerveuses. Il est exceptionnel même dans la
paroi des capillaires.

Il était utile de voir comme se comporte le système nerveux central à


l'égard de la méthode des oxydases. D'une façon générale nous pouvons
dire que les cellules nerveuses de l'écorce cérébrale, du bulbe, de la
moelle épinière et des ganglions spinaux contiennent une quantité de
ferments proportionnelle à leur volume. On ne pourrait pas affirmer,
par conséquent, qu'il y a une diminution sensible de la quantité
d'oxydases dans les centres nerveux.
Dans les terminaisons sensitives, notamment dans les corpuscules
tactiles, nous avons constaté une particularité qui mérite d'être relevée,
c'est-à-dire que ces corpuscules ont une structure simplifiée, et on voit
sur la figure 18 que les disques transversaux du cylindraxe sont moins
nombreux et moins compliqués que chez un sujet du même âge.
Les résultats que nous fournit la méthode de Weigert-Pal com-
plètent ceux obtenus par la méthode de Nissl et éclairent la physiologie
pathologique des troubles psychiques dans l'idiotie myxoedémateuse.
Pour nous rendre compte des changements des fibres nerveuses, il faut
tenir compte également de deux régions de l'écorce, la région principale
interne et la région principale externe. Dans la première on trouve,
comme on le sait, les deux stries de Baillarger, les fibres interradiées
et les faisceaux des fibres radiées. Nous passons sous silence les fibres
sous-corticales ou arquées. La région principale externe, la plus impor-
tante, contient les deux systèmes de fibres tangentielles superficielles,
celles de la couche zonale, et la strie plus importante au point de vue
de la fonction psychique, celle de Kaes-Bechterew, et les fibres plus
éparses de la lamelle supra-striée superficielle (Vogt). Or dans le
myxœdème comme dans d'autres idioties, ce sont surtout les fibres d'as-
sociation de la région principale externe qui sont arrêtées dans leur
développement, excepté les fibres tangentielles de la couche molécu-
laire.
En effet,ces fibres tangentielles de la couche zonale sont assez bien
conservées dans presque toutes les régions de l'écorce ; il n'en est pas de
même en ce qui concerne les fibres tangentielles situées au-dessous de
cette couche qui, comme nous le verrons immédiatement, font presque
complètement défaut.
Il y a dans tous les types du néopallium des modifications des fibres
radiées qui constituent des faisceaux moins denses; leur nombre est plus
réduit et n'atteignent pas en hauteur leur niveau normal. Les fibres
interradiées sont assez rares et les stries interne et externe de Baillarger
ne se voient plus. Les fibres supra-radiées, inclusivement la strie de
Kaes-Bechterew, font complètement défaut.
Pour illustrer ces constatations histologiques, nous avons fait repré-
senter dans les figures 19, 20, 21, 22, 23 et 24 des coupes des types 17,2
et 22, traitées par la méthode de Weigert, et, pour montrer les différences
qui existent entre ceux-ci et ceux à l'état normal, nous avons encore
figuré les coupes correspondantes des mêmes types du cas qui nous a
servi comme témoin dans toutes nos recherches sur l'écorce cérébrale.
Ces modifications existent aussi bien dans les centres sensoriels que dans
les centres adjacents. C'est ainsi que dans notre type 17, qui représente
la scissure calcarine, la strie de Vicq d'Azyr est constituée par des fibres
plus clairsemées que chez le témoin, les fibres radiées sont plus basses,
les fibres interradiées ont presque disparu et les fibres supraradiées
font complètement défaut. Par contre, la couche zonale contient encore
un bon nombre de fibres tangentielles, surtout des fibres épaisses. Des
modifications du même ordre se voient dans le type 2 représenté par le
sommet de la pariétale ascendante : fibres radiées plus clairsemées, pas
de stries interradiées. La strie externe de Baillarger et les fibres supra-
radiées manquent complètement.
Ces modifications sont encore plus accusées dans le type 22.
Dans le type 17, celui qui constitue la scissure calcarine, on voit des
changements identiques portant sur la strie de Vicq d'Azyr, dont les
fibres sont plus clairsemées que chez le sujet normal. Les fibres radiées
s'arrêtent dans leur développement et dépassent à peine la strie de Vicq
d'Azyr, tandis que, chez les sujets normaux, elles montent jusqu'à la
couche des petites pyramides.
Les fibres tangentielles au niveau de l'hippocampe sont bien dévelop-
pées. Tous ces changements des fibres radiées, inter-et supra-radiées
dénotent un arrêt considérable du développement. En effet, il résulte
des recherches des divers auteurs, de Hinako plus récemment, que les
fibres radiées atteignent différents niveaux dans les couches de l'écorce
cérébrale, suivant l'âge du sujet. C'est ainsi que, chez l'enfant âgé de
onze mois, elles arrivent jusqu'à la strie externe de Baillarger, c'est-à-
dire jusqu'à la III" couche. Or dans notre cas les fibres radiées n'atteignent
pas ce niveau. D'autre part, la strie de Vicq d'Azyr, qui se myélinise
de bonne heure, puisqu'on la trouve chez le fœtus âgé de six mois,
existe mais plus réduite, tandis que les stries de Baillarger des types 18
et 19 sont plus touchées. D'autre part, la strie de Kaes-Bechtrew, qui
n'apparaît que tardivement, car on ne la retrouve que chez l'enfant de
quatre ans et demi, n'existe à peu près dans aucun territoire de l'écorce
chez notre malade.

Une réduction de volume des éléments parenchymateux s'observe non


seulement dans le système nerveux central et périphérique, mais aussi
dans tous les organes. Des mensurations des îlots de Langerhaus et des
cellules du pancréas, des cellules des zones glomérulaire, fasciculée et
réticulée de la capsule surrénale, des glomérules de Malpighi du rein et
des cellules des tubes contournés, montrent partout une diminution de
volume de ces éléments. Sans doute que le petit volume des organes est
en rapport avec le petit volume des éléments de parenchyme. Nous avons
fait la même constatation pour les muscles. En effet, les fibres muscu-
laires sont, en général, plus réduites que chez le sujet normal de même
âge. En même temps on constate que les noyaux du sarcolemme sont
plus nombreux et leur volume plus réduit. Mais il y a en outre certains
changements des fibres sur lesquels nous allons dire quelques mots. Si
la plupart des fibres sont réduites de volume, on en voit quelques-unes
dont le diamètre est considérable et dépasse deux ou trois fois celui des
autres fibres. Ces fibres hypertrophiées n'ont pas une structure normale.
Leur striation est plus ou moins effacée. Nous ne savons pas si cette
augmentation de volume relève du myxœdème, car notre malade a eu
plusieurs affections pendant la vie et est morte de tuberculose. En dehors
de ces changements des fibres musculaires, il y a encore une lésion spé-
ciale que nous avons constatée surtout dans le biceps et qui parai:
appartenir en propre au myxœdème, car elle a été remarquée également
par Schulz dans un cas congénital de cette maladie. Il s'agit de la pré-
sence à l'intérieur du sarcolemme, d'une masse homogène colorable
par l'hématoxyline et la thionine. Cette masse, siégeant à la périphérie
de la fibre,contient parfois des noyaux du sarcolemme. Sur des sections
transversales, elle occupe une partie de la fibre qu'elle comprime (fig. 25).
Parfois elle est composée par plusieurs fragments. Il s'agit là d'une
dégénérescence spéciale de la fibre musculaire qui n'est pas due à la
mucine, car elle n'offre pas la réaction de celle-ci. Elle ne contient pas
non plus des lipoïdes. Schulz a pu la colorer par la méthode de Weigert
pour la fibrine. Il s'agirait, suivant cet auteur, de sarcoplasma dégénéré.
L'ovaire (fig. 26) offre des modifications importantes et significatives
au point de vue du processus pathologique du myxœdème. Tout d'abord,
la plupart des ovules ont subi un arrêt de développement, ils sont restés
à l'état de follicules primaires. Ces ovules sont entourés d'une simple
couche de cellules plates. Les cellules avec un épithélium cubique sont
plus rares. Encore plus rare est l'épithélium stratifié. Dans ce dernier cas
l'ovule est disparu. Il n'est pas exceptionnel de voir les petits follicules
dépourvus de l'ovocyte, celui-ci n'ayant pas suivi son cycle d'évolution
normale. Dans les régions où le stroma devient fibreux, on voit moins
de follicules et même ces derniers sont atrophiés ou disparus en laissant
parfois à leur place une espèce de nodule résiduel. On voit en outre dans
!e parenchyme de l'ovaire des espèces de corpus luteum spurium.

Les cellules du foie sont normales pour la plupart du temps, mais on


observe dans les cordons cellulaires, de distance en distance, des cellules
qui se font remarquer par leur noyau vésiculeux, augmenté de volume,
sans réseau de chromatine et contenant, dans le centre, un ou plusieurs
globules de volume variable. A ce point de vue il y a plusieurs modalités :
il noyau, contenant à son intérieur un globule central de couleur rouge
carminée, qui devient plus pâle à mesure que le globule augmente de
volume et occupe la plus grande partie du contenu du noyau. Dans ce cas
le réseau de chromatinea disparu pour la plupart du temps,ou bien il est
représenté par quelques granulations rejetées à la périphérie du noyau.
Un autre aspect est celui d'un mélange de granules de glycogène et de
granules de chromatine en nombre variable. A mesure que les granules
de glycogène se multiplient, ils confluent pour former un globule central
et, dans ce cas, les granulations et le réseau de chromatine disparaissent
et l'aspect du noyau est le même que dans le cas précédent. Mais, parfois,
les globules de glycogène sont dispersées dans le contenu nucléaire et
il n'y a pas dans ce cas ni réseau ni corpuscules de chromatine. Une
autre variété très rare mais très caractéristique consiste en une espèce de
système globulaire, c'est-à-dire un corpuscule énorme dans le centre,
avec à sa périphérie de petits globules. Les corpuscules de glycogène
sont homogènes, mais quand ils sont pâles, on peut leur reconnaître
il
une constitution granulaire. En général, n'y a pas de cellules qui con-
tiennent, dans leur protoplasma, du glycogène, mais très rarement on
rencontre de petits îlots périvasculaires contenant de fines granulations
de glycogène dispersées qui remplissent une région plus ou moins grande
du protoplasma. Il est à remarquer que, dans ces cellules, le noyau ne
contient pas d'habitude de glycogène. En somme, les cellules contenant
du glycogène à l'intérieur du noyau sont beaucoup plus nombreuses
que celles dont le protoplasma contient des granulations de glycogène.

Il
Après avoir exposé les lésions que nous avons trouvées dans les
organes et surtout dans le système nerveux de notre malade, nous allons
les analyser de plus près pour fixer leur valeur. Comme on l'a vu, le
changement morphologique essentiel que nous avons rencontré consiste
dans une diminution du volume des cellules nerveuses et de leurs pro-
longements qui est beaucoup plus accusée dans l'écorce cérébrale que
dans les centres de la base ; le bulbe, les cellules radiculaires de la moelle
montrent une réduction moins importante.
Consécutivement à la réduction de volume des cellules susgranulaires
et de leurs ramifications dendritiques, nous constatons une diminution
du nombre des fibres qui forment les diverses espèces de fibres tangen-
tielles. Cette lésion a été constatée, par R. Rondoni et par nous-même,
dans d'autres formes d'idiotie, soit inflammatoires, soit constitutionnelles,
telles que l'idiotie amaurotique et l'idiotie mongolienne.
Les autres particularités qui indiquent un arrêt de développement de
l'écorce cérébrale sont, d'une part, la persistance de la couche granulaire
dans certains types de l'écorce et, d'autre part, la persistance des cellules
de Cajal non seulement au niveau de la circonvolution de l'hippocampe,
mais aussi dans d'autre régions de l'écorce cérébrale. Comme on le sait,
les auteurs classiques : Meynert, Krause, Betz, Bevan Lewis et Clarke
avaient admis que la Ire couche ou zonale est dépourvue de cellules
nerveuses. C'est Cajal et Golgi qui ont établi, pour la première fois,
l'existence de pareilles cellules et le premier de ces auteurs a décrit dans
la i" couche de l'écorce, chez la plupart des mammifères, trois types
cellulaires : cellules polygonales, cellules fusiformes horizontales et
cellules triangulaires. Retzius a soutenu que cette classification de
Cajal ne peut pas s'appliquer aux cellules de la couche zonale du
fœtus humain. Chez ce dernier, les cellules fusiformes sont assez rares
et la structure des éléments de la Ire couche est à peine comparable à
celle de certains mammifères.

Ranke i
Les cellules de Cajal ont fait l'objet d'une étude approfondie de
qui a fait porter ses recherches sur le développement de l'écorce
cérébrale du fœtus humain à partir du commencement du troisième
mois. A mesure que la couche zonale se développe, les cellules de Cajal
augmentent de nombre et de volume et descendent dans la profondeur.
A la fin du quatrième mois, on les retrouve au bord interne de la couche
granulaire externe. Ce qui caractérise, suivant Ranke, l'évolution des
cellules fœtales de Cajal, c'est qu'elles commencent à subir une évolu-
tion régressive, alors que les autres éléments de l'écorce sont à peine
différenciés.
Chez le nouveau-né les cellules de Cajal sont réduites, quelques-unes
seulement offrent un noyau distinct, les autres sont plus ou moins
effacées.

I. RANKE.Beiträge ^ur Kenntnis der normalen und pathologischen Hirn-


rindenbildung. Ziegler's Beiträge. Vol. XLVII, F. i, 1909.
4ÉLIO LÉON
MAROTTE PARIS
H- DELARUE, ÉDITEUR, PARIS
I HÉUO LÉON
MAROTTE, PARIS
H DELARUE, EDITEUR, PARIS
HELIO LÉON MAHOTTE. PA*.S H. DELARUE ÉCITFUR. FAP:S
Pendant le développement post-embryonnaire elles disparaissent
complètement; il n'en reste que des vestiges plus ou moins méconnais-
sables. Cependant Ranke a vu que ces cellules persistent chez l'homme,
au niveau de l'hippocampe, où il a trouvé des éléments qui ressemblent
morphologiquement aux cellules du fœtus âgé de cinq à six mois. Leur
direction est communément horizontale, rarement des prolongements
verticaux descendent en bas. C'est pour ces constatations que Ranke
admet que chez les mammifères, et surtout chez l'homme, il y a, dans
la couche zonale, des éléments de nature nerveuse qui, pendant l'évolu-
tion normale, perdent leur caractère cellulaire, qu'ils gardent dans cer-
tains troubles de développement.
Les recherches que j'ai entreprises autrefois, soit seul, soit en colla-
boration avec M. Th. Mironesco1, ont permis, d'une part, de corriger
certaines de ces affirmations qui nous ont paru inexactes. C'est ainsi
que nous avons pu voir que la couche zonale, chez l'embryon humain,
offre une structure des plus compliquées. Nous pouvons y distinguer
cinq régions différentes et observer que les cellules de Cajal offrent des
modifications importantes pendant l'ontogénie, car à mesure qu'on se
rapproche du terme de la naissance ces cellules deviennent plus espacées,
et certaines souffrent des modifications de leur structure. Bien qu'elles
s.oient plus rares chez l'adulte, nous avons pu remarquer leur présence
non seulement au niveau de l'hippocampe mais aussi dans d'autres
régions de l'écorce. Les constatations que nous venons de faire con-
firment les observations faites antérieurement par nous, mais il nous
semble néanmoins, que, dans notre cas de myxœdème, le nombre de
ces cellules est plus considérable que chez un sujet du même âge.
Brodmann2 a montré que la couche granulaire interne subit des
modifications importantes pendant l'ontogénie. Dans toute une zone qui
entoure complètement à sa partie moyenne tout l'hémisphère, la couche
des grains disparaît peu après la naissance, c'est la zone dite agranulaire.
Or, dans certaines maladies du cerveau où l'évolution est troublée,
l'atrophie des grains ne se produit pas et la zone en question garde ses
six couches.
C'est ainsi que Kolpin3 a vu dans la chorée de Huntington l'exagé-
ration de certaines couches et particulièrement de la couche granulaire
interne. La coupe, dans cette maladie, rappelle par sa richesse en gra-
nule, l'aspect de l'écorce pendant le développement.
Brodmann a pu constater que cette particularité est accentuée dans

1.G. MARINESCO et T. MIRONESCO. Morphologie et évolution des cellules de


Cajal. (JournaL de neurologie, 1910.)
2.K. BRODMANN. Vergleichende Lokalisationslehre der Grosshirnrinde. (1 vol.
Leipzig, 1909.)
3. KÖLPIN. Zur pathologischen Anatomie der Huntingtonschen Chorea.
(Journal für Psychologie und Neurologie, XII, 1908, p. by.
l'écorce occipitale et surtout dans l'écorce calcarine. Cette ressemblance
devient encore plus grande lorsqu'on considère la persistance d'une
couche granulaire interne dans les régions de la frontale ascendante où
il n'y a de couches granulaires internes que pendant l'état fœtal.
Ayant constaté .dans notre cas d'idiotie myxœdémateûse que la
réduction d'épaisseur des couches cellulaires intéresse plus particuliè-
rement les couches des pyramides susgranulaires,nous sommes en droit
de nous demander quel est le rôle des différentes couches de l'écorce
cérébrale. A ce point de vue il faut tenir compte des études de M. F.
W. Mott et de celles de Kappers, de Brodmann,etc. BoltonShand 1, élève
de M. Mott, ayant constaté que la couche des cellules polymorphes se
différencie de bonne heure chez le fœtus et que dans les états démen-
tiels elle est prise en dernier lieu, conclut que la ve couche exerce un
rôle dans les fonctions psychiques inférieures. D'autre part, la couche
des cellules pyramidales sus-granulaires se développe tardivement et
subit des régressions précoces au cours de la démence. Ensuite cette
couche présente des variations sensibles d'épaisseur chez les sujets
normaux. Dans l'amentia congénitale il y a un rapport intime entre son
degré de développement et la capacité mentale du sujet. Enfin, dans les
états démentiels accusés, cette couche subit une régression proportion-
nelle au degré de démence. Pour toutes ces constatations, Bolton Shand
admet que cette couche préside aux fonctions psychiques ou d'associa-
tion. En ce qui concerne les fonctions des cellules isolées de la ire couche,
le même auteur n'est pas loin d'admettre qu'elles possèdent également
des fonctions d'association analogues à celles des pyramides superfi-
cielles. Les études d'ontogénie et de phylogénie poursuivies pendant les
longues années sont en concordance avec les recherches de Mott et de
ses élèves2. En effet, Ariens Kappers, en se basant sur les études
d'anatomie comparée est arrivé à la conclusion que les éléments
spécifiques qui siègent dans chaque couche de l'écorce possèdent, dans
la série animale, les fonctions spécifiques qu'on peut formuler de la
façon suivante. La couche granulaire interne a une fonction de réception,
les couches infra-granulaires sont chargées d'associations intra-régionales
inférieures, tandis que les pyramides supra-granulaires assurent des
associations régionales d'un ordre supérieur. D'ailleurs Ariens Kappers,
entre autres opinions, s'était basé, dans sa classification fonctionnelle,
sur celle de Mott qui a soutenu qu'il y a, dans toute la série animale,
une espèce de parallélisme entre le développement progressif de la

I. Joseph Bolton The histological Basis of Amentia and Dementia


SHAND.
(Archives of neurology, Vol II, igo3). A contribution to the localisation of
cerebral function based on the clinico-pathological study of mental disease
{Brain, juin 1910.)
2. A. F. TREDGOLD. Amentia (Idiocy and Imbecility). (Archives o/ neurology,
Vol XVIII, 1903.)
fonction visuelle, c'est-à-dire de la vision binoculaire, et le développe-
ment de l'écorce visuelle.
Les faits produits par Kappers ont été confirmés par H. Vogt, par
Pietro Rondoni et, ensuite, par Falkenberg. D'ailleurs les pyramides
sousgranulaires sont plus développées chez les mammifères supérieurs
(Mott, Brodmann, Kappers). La conclusion qui se dégage de ces cons-
tatations, c'est que les pyramides susgranulaires qui se développent
tardivement au point de vue de l'onto- et de la phylogénie,possèdentdes
fonctions psychiques supérieures.
Nissl a fourni des preuves expérimentales montrant que les trois
couches inférieures de l'écorce cérébrale sont reliées au système de pro-
jection, ce qui n'est pas le cas pour les couches supérieures. A l'aide
d'un instrument ingénieux il pratiqua chez des lapins nouveau-nés une
section de la couronne rayonnante d'un hémisphère. Chez les animaux
restés en vie, avec une moitié corticale dépourvue de toute voie d'accès
sensorielle et dans laquelle les systèmes centrifuges étaient également
coupés, les cellules des trois couches inférieures disparaissaient com-
plètement dans l'écorce ainsi isolée, tandis que les couches supérieures
présentaient à peine des lésions. C'est donc la couche principale interne de
l'écorce qui est chargée de recevoir les impulsions sensorielles. Ce sont ses
cellules qui émettent des fibres de projection,dont certaines sont destinées
aux mouvements. Brodmann s'est élevé, avec son autorité, contre toute
tentative de localisation, en alléguant surtout que les auteurs anglais
avaient commis une erreur dans l'identification des types.
Il n'admet pas non plus que les pyramides infra-granulaires (ve,
vi" couche) soient préposées à des fonctions de projection et que la
IV. couche, granulaire interne, constituée par des cellules intercalaires,
ait des fonctions de réception et qu'enfin les pyramides supragranulaires
soient destinées à des fonctions supérieures régionales.
Kappers a répondu à Brodmann, en montrant que ce dernier auteur
lui a attribué, d'une part, des opinions qu'il n'a pas exprimées, d'autre
part que, d'accord avec Mott, il a constaté que la couche granulaire
interne, comme lescouches infragranulaires,se développent tout d'abord,
dans la série animale.
Il résulte de ce que nous venons de dire que les fibres supra- et
interradiaires ont subi un notable arrêt de développement dans
l'idiotie myxœdémateuse. Mais il ne faut pas penser que ces lésions
appartiennent en propre à l'idiotie myxœdémateuse. En effet, je les ai
rencontrées également dans d'autres idioties (mongolienne, celle due à
des encéphalites). D'ailleurs Rondoni a affirmé à juste raison, que le
réseau de fibres supraradiaires et la couche des pyramides supragra-
nulaires constituent probablement le substratum de l'activité psychique
supérieure, qui précisément est très altéré dans l'idiotie.
Pietro Rondoni t, ayant examiné le type 4 dans plusieurs cas d'idiotie,
arrive à la conclusion que, dans cet état pathologique, il y a un arrêt de
développement caractérisé par le manque d'évolution des couches pyra-
midales. Il admet, en outre, que ces cellules sont l'origine des voies
longues d'association ou de projection, que les cellules de la couche
granulaire ont des fonctions réceptives et remplissent le rôle de cellules
intercalaires dans le sens de v. Monakow.
Cet auteur confirme,d'autre part, les données de Kaes, à savoir : la
pauvreté en fibres d'association de la couche principale externe qui cor-
respond à la lIe et Ille couches de Meynert. Cette zone, située entre la
couche zonale tangentielle et la limite supérieure de la strie externe de
Baillarger, n'arrive à son développement que tardivement et son
maximum de développement est atteint au moment de l'apparition de la
strie de Kaes-Bechterew. Cette zone est très pauvre en fibres chez l'idiot,
chez lequel il n'y a pas non plus la strie de Kaes-Bechteren, lésion sous
la dépendance des troubles du développement des pyramides sus gra-
nulaires.
Différents auteurs, parmi lesquels on doit citer en première ligne
Alzheimer, ont essayé de distinguer dans la classe Vaste des idioties trois
groupes I, les idioties dues à des foyers inflammatoires aboutissant à la
:

destruction des éléments de l'écorce; II, des idioties dues à des lésions
diffuses de l'écorce; et III, les idioties dépendant d'un trouble de déve-
loppement primitif de l'écorce : aplasie, agénésie.
Sans doute que cette classification rationnelle constitue déjà un progrès
sensible, mais à coup sûr les variétés histopathologiques d'idiotie sont
beaucoup plus nombreuses.
En tout cas l'idiotie myxcedémateuse se rattache à la classe des
maladies dues à un retard dans le développement des cellules nerveuses
de l'écorce et surtout de leurs prolongements. Et nous allons passer à
présent à la cause qui produit, à notre avis, le ralentissement du déve-
loppement des neurones corticaux.
Par contre, l'athyroïdie, comme chez notre malade, a pour consé-
quence de réaliser un ralentissement considérable de la croissance de
tous les tissus et organes et qui a entraîné une diminution de leur capa-
cité fonctionnelle. En effet, il y a une diminution pondérale considé-
rable de tous les organes et une diminution volumétrique de tous les
éléments des viscères et du système nerveux central. Il est vrai que cette
diminution offre une certaine systématisation en rapport avec la succes-
sion du développement des différents centres nerveux, frappant surtout
ceux qui atteignent tardivement leur organisation définitive. Ceci nous
explique le fait que les cellules radiculaires de la moelle et du bulbe ont
été moins éprouvées dans leur évolution, de même que les cellules de
I. Pietro RONDONI. Beiträge zum Studium der Entwickelungs-Krankheiten
des Gehirns (Arch. f. Psych, vol. 45, p. 1004. 1901)).
Betz, tandis que les éléments d'association et surtout les couches des
pyramides susgranulaires du néopallium se sont ressenties plus de
l'absence de sécrétion thyroïdienne. La croissance normale des neurones
et des prolongements est compatible avec un optimum de température,
au voisinage de 37, entretenu par l'activité du corps thyroïde. Or,
l'absence de la glande thyroïde diminue l'intensité des oxydations et,
secondairement, la thermogénèse. Alors, le trouble de la croissance des
organes qui en résulte, l'hypothermie et le ralentissement de la crois-
sance de certains neurones sont secondaires à l'athyroïdie. C'est toujours
le ralentissement, voire même l'arrêt du développement normal qui peut
rendre compte de certains détails histologiques que nous avons décrits,
à savoir : la diminution ou l'absence de certaines fibres d'association
représentées par les fibres tangentielles situées au-dessous de la couche
zonale : la strie de Kaes-Bechterew qui est la plus atteinte, la strie externe
de Baillarger et les ramifications interradiaires. Les fibres radiées ont eu
moins à souffrir, mais elles n'avancent aussi haut qu'à l'état normal, les
faisceaux sont moins compacts et leurs fibres moins nombreuses. Par
contre, les fibres tangentielles qui se trouvent dans l'archipallium sont
mieux conservées.
Les phénomènes biologiques, comme les réactions chimiques, sont
modifiés par la chaleur. Les battements du cœur, les mouvements res-
piratoires, les mouvements des cils vibratiles comme la phagocytose,
ont un coefficient de température.
L'élévation de la température accroît la vitesse des réactions chimi-
ques ; cette augmentation obéit à la loi de Van't Hoff et Arrhenius :

(où V désigne la vitesse, 0 la température, A et G deux constantes).


Aussi voit-on s'exagérer la respiration, les battements du cœur, l'activité
motrice générale à mesure que s'élève le degré thermique.
Les faits expérimentaux et cliniques prouvent que la glande thyroïde
exerce un rôle marquant sur le niveau normal de la température du corps.
L histoire apatomo-clinique du myxœdème
apporte une preuve décisive
en faveur de cette opinion. En effet chez presque tous les myxœdé-
mateux observés par moi, la température rectale descendait en hiver
jusqu'à 35° et même plus bas. D'autre part, les sujets atteints de cette
maladie, qui relève comme on le sait des lésions atrophiques de la
glande thyroïde, se comportent comme des animaux à température
variable. En effet, le myxœdémateux ne peut pas conserver son équilibre
homéotherme alors qu'il est exposé à une température inférieure. Sa
puissance thermogénétique est très restreinte. Les homéothermes, en
général, résistent à de violentes attaques de froid par une augmentation
rapide de leur thermogénèse. Au contraire, le myxœdémateux ne résiste
pas et sa température s'abaisse. C'est précisément cette façon de se com-
porter des myxœdémateux qui nous explique les modifications spéciales
électriques des nerfs et des muscles que nous avons notées pendant l'hiver.
L'intensité de ces troubles dépend de la différence qui existe entre la
température du muscle examiné et celle du milieu ambiant. Ainsi ces
troubles varient d'un jour à l'autre et sont plus accusés aux extrémités
et particulièrement aux mains. Le trait essentiel de ces troubles c'est la
secousse lente au courant galvanique avec inversion ou égalité polaire
au .seuil, avec conservation complète ou presque complète de l'excita-
bilité faradique. En outre, on peut observer la contraction galvano-
tonique, mais évidemment il ne s'agit pas là d'une lésion de dégéné-
rescence, car tous ces phénomènes sont susceptibles de disparaître,
lorsqu'on place les malades dans une atmosphère chaude ou qu'on
plonge leurs mains dans l'eau à 40° pendant quelques minutes. Alors
toutes les modifications disparaissent. D'ailleurs même l'examen pro-
longé des muscles de la main peut faire disparaître la contraction lente.
Nous avons là des preuves indubitables de la différence de la température
sur l'excitabilité des muscles et des nerfs.
L'hypothermie des myxœdémateux pendant la période infantile
retentit sur les échanges nutritifs et diminue l'énergie de croissance nor-
male. Il est probable que cette hypothermie intervient non seulement
dans le développeront normal du neurone, mais également dans le
fonctionnement de celui-ci. Probablement que la vitesse de conductibilité
est diminuée, mais nous n'avons pas des documents à ce sujet, car on
n'a pas encore étudié la chronaxie dans le myxœdème.

III
Pour comprendre le mécanisme physiologique des lésions du
névraxe et des organes que nous avons décrites dans le myxœdème qui
relèvent de l'athyroïdie, il faudrait connaître, d'une façon précise, les
fonctions du corps thyroïde. On a attribué, comme on le sait, à cette
glande des fonctions très différentes1 en apparence, telles que la fonction
morphogénique,la fonction trophique et la fonction catabolique. Mais, en
réalité, sa fonction principale est d'accélérer et de maintenir à un niveau
constant les oxydations et, par conséquent, la température du sujet. Le
contrôle du métabolisme du calcium et d'autres ions pour l'activité des
cellules, les hydrates de carbone, l'influence sur le tonus artériel, etc.,
1. Le lecteur désireux d'être renseigné sur la physiologie et la pathologie
de la thyroïde est prié de consulter :
Professeur Ottorino Rossi. Disfunrione tiroïdea.
C. I. PARHON et M. GOLDSTEIN. Traité d'endocrinologie. Tome Ier. La glande
thyroïde. Jassy, 1923.
PENDE ; Endocrinologia. Milano, 1920.
BIEDL : Innere Sekretion. 2 vol, Berlin-Vienne, 1916.
dérivent de cette fonction primordiale qui est le maintien, à un niveau
constant, des oxydations. On peut dire que les malades, comme les
mammifères privés du corps thyroïde, se comportent, en quelque sorte,
comme les animaux hétérothermes.
L'administration d'une petite quantité de thyroïde aux jeunes ani-
maux favorise leur développement. Schoffer a vu que l'ingestion d'une
faible proportion de tissu thyroïdien détermine tout d'abord une augmen-
tation de l'appétit, spécialement pour les tout petits animaux. On note
une accélération de leur croissance, une rétention en excès de l'azote
dans l'organisme. En même temps le métabolisme azoté est fortement
accru, les excrétions contiennent plus d'azote que celles du sujet normal.
L'azote urinaire surtout est nettement plus élevé. Il en est de même de
l'excrétion du phosphore, de la chaux et de la magnésie. En somme, le
métabolisme est activé. Depuis longtemps on savait qu'au cours de
l'administration de la thyroïde une exagération du procès d'oxydation a
lieu. Les recherches de Magnus Levy avaient montré que, sous l'influence
de l'administration de thyroïde, l'oxygène absorbé est en plus grande
quantité et l'acide carbonique éliminé est consécutivement en plus
grande quantité.
La chaleur, comme le remarque très bien Lefebvre, est l'excitant
essentiel de l'activité protoplasmique. Elle représente en physiologie
une énergie essentielle dont l'influence stimulante permet à la cellule de
dégager toutes les énergies potentielles nécessaires au développement de
sa vie. Mais dans une même cellule coexistent diverses matières fer-
mentescibles (protéiques, graisses, hydrocarbonées), à chacune desquelles
correspond un ferment soluble, dont l'activité elle-même est fonction de
la température. Or chez tous les myxœdémateux congénitaux il y a une
baisse de température atteignant 2° à 2°, 5, suivant la saison. Cet abais-
sement de température retentit sur l'activité des ferments qui se trouvent
dans divers éléments cellulaires. Il diminue non seulement leur activité,
mais aussi leur quantité. Nous avons vu, en effet, que dans notre cas de
myxœdème, comme chez l'animal éthyroïdé, la quantité de ferments
oxydants avait diminué dans les viscères.
Les recherches que nous avons pratiquées il y a déjà quelque temps
sur l'influence de l'ablation du corps thyroïde ont montré que cette
opération retentit, mais d'une façon inégale, sur la cicatrisation des
extrémités des nerfs sectionnés, sur la dégénérescence des fibres ner-
veuses et la formation des colonies de cellules apotrophiques ou sur le
syncytium de Schwann, enfin sur la croissance et la progression des
fibres du bout central. Mais, si la cicatrisation qui se forme à l'extrémité
du nerf sectionné est peu entravée, la dégénérescence des fibres du bout
périphérique est manifestement retardée à la suite de l'ablation du corps
thyroïde. Même les phénomènes de métamorphose des fibres sectionnées
se développent quelquefois plus tard chez les animaux éthyroïdés et
n'atteignent pas l'épanouissement qu'ils ont chez les témoins. La frag-
mentation et la résorption des axones périphériques interrompus met
encore incomparablement plus de temps à s'achever chez l'animal
éthyroïdé. Les recherches de M. Walter,qui a repris ces expériences sur'
une échelle plus étendue concordent avec les nôtres et il faut noter que
cet auteur n'avait pas pris connaissance de nos études antérieures aux
siennes. Les expériences de M. Walter ont été pratiquées sur des lapins
et ses conclusions concernent seulement les fibres à myéline. Basé
sur le rôle trophique des parathyroïdes chez le rat jeune, le travail de
Walter a fait quelques restrictions sur le rôle qu'auraient pu avoir les
parathyroïdes, dans nos expériences pratiquées sur les chiens et les
chats. Néanmoins les propres expériences de Walter lui ont démontré
le rôle qu'exerce la glande thyroïde sur la régénérescence. Même plus,
dans un autre travail récent le même auteur rapporte des observations
de thyroïdectomie chez des tritons (Fr. cristatus et alpestris) chez
lesquels il s'est produit un arrêt de régénérescence des membres amputés
et par cela même il apporte une nouvelle preuve en faveur de notre opi-
nion antérieure.
Des expériences entreprises avec M. J. Minéa1 sur les phénomènes
réactionnels des centres nerveux consécutifs à la section des nerfs, sur
la dégénérescence et la régénérescence, également soumis à l'influence
des variations de température, sont très suggestives et nous permettent,
dans une certaine mesure, d'interpréter le retard dans la croissance des
éléments organiques chez notre myxœdémateuse. C'est ainsi, après avoir
sectionné leur sciatique, que nous avons exposé une série de grenouilles
à 0°, une seconde série à 16° et la troisième à 270.
Le premier groupe ne présente, au bout de vingt-quatre jours, que des
phénomènes tout à fait légers de réaction dans les cellules radiculaires
du nerf sectionné et les phénomènes dégénératifs des fibres du bout
périphérique sont tout à fait insignifiants. La moelle des animaux con-
servés à la température de 16° offre, au bout du même laps de temps,
des lésions consistant essentiellement dans le gonflement du corps
cellulaire, du noyau et du nucléole. L'augmentation du volume porte
surtout sur le diamètre transversal de la cellule et il y a une légère
dislocation du noyau. Il n'y a pas de réunion apparente des bouts
sectionnés, les fibres du segment périphérique sont en voie de régéné-
rescence active et même on en aperçoit quelques-unes de nouvelle for-
mation, venant du bout central.
Tous ces phénomènes sont arrivés au maximum chez la grenouille
gardée à l'étuve à 270, pendant vingt-quatre jours. Même plus, quelques
cellules offrent des phénomènes manifestes de restitution ad integrum

1. G. MARINESCO et J. MINÉA. L'action de la température sur le phénomène


de la réaction à distance des cellules nerveuses de la grenouille. (C. R. Soc.
de Biologie. Séance du 20 mai 1916.)
HÉlI. LÉON MAROTTE. PARU H. DELARUE, ÉDITEUR, PARIS
PANIS

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et, d'autre part, il y a un névrome de régénérescence au niveau du nerf
sectionné, contenant beaucoup de fibres de nouvelle formation et le
bout périphérique est en partie neurotisé par de nombreuses fibres
fines.
La conclusion qui s'impose, à la suite de ces expériences, c'est que la
température accélère, dans une certaine limite, l'action des ferments, soit

i
protéolytiques, soit oxydants.
Legendre et Minot ont étudié l'influence de la température sur la
conservation des cellules nerveuses des ganglions spinaux hors de
l'organisme. A la température du corps, ces auteurs ont constaté qu'elles
se modifient rapidement, sauf quelques-unes qui présentent un début
de réaction consistant en la formation de nouveaux prolongements ; ces
phénomènes sont analogues à ceux observés dans les greffes. A I5-20°,
les cellules réagissent peu et conservent jusqu'au quatrième jour leur
aspect normal. A 00 elles se conservent également, mais, semble-t-il,
moins longtemps et d'une manière moins parfaite.
L'action stimulante de la glande thyroïde sur le développement du
système nerveux a été mise en évidence plus récemment par Champy3.
Cet auteur a constaté que les tétards thyroïdisés de deux à cinq jours
présentent une multiplication mitotique beaucoup plus active des élé-
ments périépendymaires de l'encéphale que chez les témoins. Cette
multiplication ne dure pas jusqu'à la fin et ne s'observe que dans des
zones nettement localisées. C'est surtout dans l'encéphale qu'elle est
évidente. Il eût été d'une grande importance de déterminer dans quelle
région exacte, dans quels noyaux sensitifs ou moteurs elle se localise.
Mais l'auteur n'a pas eu le temps de le faire.
La moelle et les ganglions spinaux ne prolifèrent guère. Enfin nous
devons citer les expériences toutes récentes de Hammett3 qui a pratiqué
la thyroparathyroïdectomie pour voir leur influence sur la croissance
du cerveau et de la moelle épinière des rats albinos âgés de cent à cent cin-
quante jours. Il résume ses constatations de la manière suivante : l'ablation
de la glande thyroïde est suivie d'un retard considérable de la croissance
du cerveau et de la moelle. Ce phénomène est plus accusé chez la femelle
et intéresse plus le cerveau que la moelle. L'ablation de la glande para-
thyroïde n'a qu'une influence minime sur la croissance des centres
nerveux. La cause du retard de la croissance du cerveau par rapport à la
croissance de la moelle épinière dépend, d'après Hammett, de la moindre

1. R. LEGENDRE et H. MINOT. Influence de la température sur la conser-


vation des cellules nerveuses des ganglions spinaux hors de l'organisme.
(C. R. Soc. de Biologie, T. LXIX, p. 618.)
2. CHAMPY. L'action de l'extrait thyroïdien sur la multiplication cellulaire.
(Archives de morphologie, 1922.)
3. FREDERICK S. HAMMETT. Studies of the thyroid Apparatus. (The Journal of
comparative Neurology. Vol. XXXV. N° 4, juin 1923.)
capacité de croissance de ce dernier organe, de la grande quantité de
protéines et la petite quantité de lipoïdes qui se trouvent dans le cerveau
par rapport à la grande quantité de lipoïdes et la petite quantité de
protéines contenus dans la moelle épinière. Il paraît que la formation
et le dépôt des lipoïdes dans les cellules dépend moins de la fonction ana-
bolique de la thyroïde que du matériel actif qui forme le cytoplasma.
La présence du glycogène dans les ganglions, les cellules radicu-
laires, les noyaux bulbaires, les olives etc., mérite de nous arrêter un
instant, car ce phénomène est une éventualité assez rare qui n'a été
mentionnée par personne dans le myxœdème et rarement, exception
faite pour le diabète, dans les diverses affections du système nerveux
central. C'est là une question importante et nous allons indiquer en
quelques mots l'état de nos connaissances actuelles sur la signification
dela présence du glycogène dans le système nerveux.
Neuberth a trouvé du glycogène dans le cerveau et la moelle, dans les
espaces lymphatiques périvasculaires, rarement dans les parois des vais-
seaux. Il se trouve en quantité plus grande dans la moelle, dans la sub-
stance grise et dans la formation réticulée. Dans le cerveau il y en avait
dans la substance blanche. En ce qui concerne le siège du glycogène,
l'auteur pense que les granulations se trouvent, probablement, dans les
cellules névrogliques — dans le corps cellulaire et les prolongements,
et même à l'intérieur du noyau. Dans la moelle, Neuberth a noté sa pré-
sence entre ces cellules épendymaires, plus rarement dans les cellules
mêmes, et, parfois, il oblitère la lumière du canal central.
Casamajor1 a examiné sept cerveaux de sujets atteints de maladies
variables, mais non diabétiques, et il a trouvé dans le premier des gra-
nules de glycogène dans les dendrites et dans le cylindraxe, tandis que
dans le dernier cas, les granulations très fines se trouvaient surtout dans
les espaces périvasculaires et le tissu nerveux paraît parsemé de fines
granulations de glycogène. Cet auteur n'a pas constaté du glycogène
dans le cerveau des animaux qu'il avait intoxiqués avec des substances
variées. Il n'en a pas rencontré non plus chez l'homme intoxiqué par
la morphine et le plomb. Dans quatre cas de délire alcoolique, il y avait
du glycogène dans les cellules nerveuses.
Sur la signification du glycogène,les auteurs ne sont pas d'accord.
Lubarsch a été disposé à admettre qu'il s'agirait d'une infiltration, comme
c'est le cas pour le diabète où il y a hyperglycémie, et où le glycogène du
sang s'infiltrerait dans les éléments nerveux. Neuberth fait intervenir dans
sa genèse un métabolisme qui rappelle celui des tissus embryonnaires,
car le glycogène disparait à mesure que la différenciation des tissus
s'accuse. Or, chez l'adulte, sa présence dans les cellules différenciées est
l'expression d'une simplification du métabolisme résultant de l'altéra-
1. L. CASAMAJOR (New York). Zur Histochemie der Ganglienzellen der
menschlichen Hirnrinde. (Obersteiners Arbeiten, 3o juin 1909.)
tion de la cellule. De son côté, Casamajor pense également que la pré-
sence du glycogène dans les cellules nerveuses est sous la dépendance
d'une altération de leur nutrition.
En résumé, l'athyroïdie détermine une diminution des échanges
nutritifs, consécutive à la diminution ou à la suppression de l'action
stimulante qu'exercent les hormones de la thyroïde sur les oxydations
intracellulaires. Le ralentissement de la nutrition entraîne une dimi-
nution de l'énergie de croissance des organes qui ne suivent plus la tra-
jectoire du développement normal. La croissance des cellules et des
tissus est due à cette action stimulante de la thyroïde qui dirige le
métabolisme des produits hydrocarbonés et des matières grasses. Les
troubles psychiques, comme la diminution fonctionnelle de tous les
organes, relève des troubles du développement apportés dans la structure
normale des cellules qui n'atteignent plus leurs dimensions habituelles.
Le métabolisme des ions est également influencé par la diminution de
l'activité de la thyroïde. Les combustions incomplètes nous expliquent
l'infiltration des tissus et de la peau par la mucine et la présence du
glycogène dans les éléments nerveux. Comme on le voit, ces recherches
sont de nature à orienter la pathogénie du myxœdème dans une voie
toute nouvelle et à en provoquer de nouvelles dans le domaine de la
physiologie pathologique de cette maladie.

EXPLICATION DES PLANCHES ET FIGURES


PLANCHE A
Photographie de l'idiote myxœdémateuse dont l'observation est rapportée
dans ce travail
PLANCHE 1

FIG. 1. — Coupe du type 8 (myxœdème) montrant la présence nette d'une


couche granulaire et la réduction de toute l'épaisseur de l'écorce, surtout de
la couche pyramidale sus-granulaire. A comparer avec la figure 2. Les cellules
pyramidales paraissent en outre moins bien différenciées.
— I, couche zonale ; II, couche granulaire externe ; III, couche pyramidale ;
IV, couche granulaire interne ;V, couche des grosses pyramides et VI, couche
des cellules multiformes. — Oculaire 3. Objectif micrométrique.
FIG. 2. — Coupe de l'écorce normale du même type que la figure précé-
dente et provenant d'une jeune fille du même âge. — Ocul. 3. Obj. microm.
FIG. 3. — Coupe du type 44 (myxœdème) correspondant au pied de la
IIIe frontale. On y voit la présence d'une IVe couche granulaire et la réduction
de la couche pyramidale sus-granulaire, toute l'écorce est réduite d'épais-
seur. — Ocul. 3. Obj. microm.
FIG. 4. — Coupe de l'écorce normale du même type que la figure pré-
cédente et provenant d'une jeune fille du même âge. — Ocul. 3. Obj. microm.
FIG. 5. — Coupe de la couche pyramidale du type 23. On y voit la présence
de deux espèces de cellules. Les unes sont rétractées, fortement colorées, à
PLANCHE II
noyau foncé et membrane peu visible, le nucléole gros, la dendrite princi-
pale est en forme de serpentin ou en tire-bouchon. Les autres cellules sont
claires, à noyaux vésiculeux et à nucléole petit. Objectif 7, oculaire 2.
FIG. 6. — A, cellule pyramidale sus-granulaire du cas de myxœdème, à
comparer avec la cellule B qui représente une cellule normale avec corps
plus volumineux, dendrite principale large et dendrites secondaires. Les
corpuscules de Xissl sont mieux indiqués, a, cellule de la couche granulaire
externe, cas de myxœdème, plus petite que la cellule b, dle l'écorce normale.
— Obj. 7, Ocul. 2.
FIG. 7. — Cellule nerveuse de Betz, de la frontale ascendante, cas de
myxœdème. Les corpuscules de Nissl ne sont pas très bien différenciés. A
comparer avec la figure suivante.— Ocul. 2. Immersion 1/18.
FIG. 8. — Cellule nerveuse de Betz d'une jeune fille du même âge que notre
malade myxœdème. Les corpuscules de Nissl sont bien différenciés. —
Ocul. 3. Imm. t/iS.
PLANCHE III
FIG. 9. — A, B. Cellules pyramidales de la IIIe couche. Type 46, a, b, c.
cellules de la couche, granulaire externe. A comparer avec la figure suivante
qui montre une différence très nette entre le volume et la structure, quant au
Nissl, des mêmes cellules à l'état normal. — Ocul. 2. Imm. 1/18.
FIG. 10. —A, B. Cellules pyramidales de la IIIE couche du type 46, à l'état
normal. Les corpuscules de Nissl sont bien différenciés et le volume des
cellules est plus considérable en ce qui concerne non seulement les pyrami-
dales, mais aussi les cellules de la couche granulaire externe (a, b, c, d). —
Ocul. 2. Imm. 1/18.
FiG. II. — A. Deux cellules pyramidales de la Ine couche, a, deux cellules
de la couche granulaire externe (type 44). Myxœdème. A comparer avec B et b,
qui permettent de constater la différence de volume et de structure entre les
cellules myxœdémateuses et les cellules normales. — Ocul. 2. Imm. 1/18.

PLANCHE IV
FIG. 12. — Présence de globes ferrugineux dans la paroi des vaisseaux
(myxœdème) (g f, g f, g f"). — Ocul. 2. Immersion.
FIG. i3. — Veine dilatée du globus pallidus montrant dans sa paroi des
corpuscules ou des globes colorés en bleu par la méthode de Turnbull. —
Obj. 8. Ocul. 4.
FIG. 14. — Coupe du globus pallidus montrant le dépôt de pseudo-calcium
soit dans la paroi des capillaires (c, c', c"), soit dans le parenchyme nerveux
(p. n.).
FIG. 15. —Cellules radiculaires de la corne antérieure du IER segment
sacré, montrant, en dehors d'une légère diminution de volume, une structure
à peu près normale.
PLANCHE V

FIG. 16. — Coupe d'un ganglion spinal du cas de myxœdème. Dans le


cytoplasme de quelques cellules nerveuses, on voit un certain nombre de
granulations de glycogène. Le noyau de quelques-unes d'entre elles est réduit
de volume et pycnotique. — Ocul. 4. Obj. 4.
FIG. 17. — Coupe du noyau de l'hypoglosse dans le myxœdème pour
montrer les granulations du glycogène dans le protoplasme et les ramifica-
tions des cellules nerveuses; a, cellule dont le cytoplasme et les prolonge-
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HÉLIO LÉON MAROTTE, PARU H. DELARUE ÉDITEUR. PARIS
ments sont infiltrés de glycogène; b, cellule remplie de glycogène et en voie
de destruction.— Ocul. 2. Obj. 6.

PLANCHE VI
FIG. 19. — Coupe de l'écorce cérébrale au niveau du type 17. La strie de
Vicq d'Azyr est moins bien développée que chez le sujet normal (fig. 20), les
fibres radiées n'arrivent pas jusqu'au niveau normal. Les fibres sous-radiées
sont absentes. Conservation relative des fibres tangentielles de la couche
iÕiiale. A comparer avec la figure suivante.
FIG. 20. — Coupe pratiquée au même niveau que la figure précédente.
Elle montre la strie de Vicq d'Azyr bien nette. Les fibres radiées arrivent
-
jusqu'à un niveau supérieur à celui du myxœdème. Présence d'une strie Kaes
Betcherew. Ocul. 2. Objectif 2.

PLANCHE VII
FIG. 21. — Coupe de la pariétale ascendante au niveau du type 2. Myxœ
dème. Diminution defibres inter-radiaires. Absence de fibres supra-radiaires.
(Méthode de Weigert-Pal.)
FIG. 22. — Même région que le cas précédent, sujet normal. Les fibres
inter- et supra-radiées mieux développées que dans la figure précédente.
(Méthode de Weigert-Pal.) — Ocul. 2. Obj. 2.

PLANCHE VIII
FIG. 23. — Coupe de l'écorce cérébrale au niveau du type 22. Les fibres
radiées, assez denses, sont bien développées. Disparition des fibres inter-
radiées. Les stries de Kaes-Betcherew et la strie externe de Baillarger ne sont
pas développées. Ces modifications sont très visibles lorsqu'on compare cette
image avec la figure suivante ; elle permet de constater en outre la différence
d'épaisseur de l'écorce.— Ocul. 2. Obj. 2.
FIG. 24. — En raison de l'épaisseur considérable de l'écorce, on n'a figuré
que les faisceaux de fibres radiés et non pas la substance blanche, comme
dans la figure précédente. Développement normal des fibres inter- et supra-
radiées, qui manquent dans la figure précédente. — Méthode de Weigert-
Pal. Ocul. 2. Obj. 2.
PLANCHE IX
FIG. 18. — Corpuscule tactile du cas de myxœdème, méthode des oxy-
dases, simplification des révolus du cylindraxe, qui, dans la partie préter-
minale contient des ferments-oxydases.— Ocul. 2. Obj. imm.
FIG. 25. — Coupe transversale du biceps (myxœdème) montrant une lésion
spéciale consistant dans l'apparition d'une substance d'apparence homogène
ou grenue, colorée, par l'hématoxyline à la périphérie de la fibre et pouvant
envahir la fibre elle-même. Parfois, cette substance contient des noyaux du
sarcolème. Les fibres a, b, c montrent nettement cette lésion spéciale. —
Ocul. 2. Obj. imm.
FIG. 26. — Coupe de l'ovaire (myxœdème). Quelques follicules sont en
état athrepsique ou par arrêt de développement ont conservé leur structure
primordiale. — Ocul. 2. Obj. 7.
FIG. 27. — Coupe au niveau de l'hippocampe, montrant dans lalre couche
plusieurs cellules de Cajal (c, C). — Ocul. 3. Obj. 4.
LES INFLUENCÉS
SYNDROMES ET PSYCHOSES D'INFLUENCE 1

PAR
André CEILLIER

Formes cliniques suivant la nature du délire. — Délire de protection. C'est


une des formes habituelles du délire d'influence. Il peut s'agir de protection
divine, dans la forme mystique, ou même de protection démoniaque, de pro-
tection spirite, amoureuse (érotomaniaque) ou de protection simple (la seule
que nous étudierons ici). Dans ces cas, la psychose d'influence est presque
toujours très pure. Les troubles cénesthésiques sont très développés et inter-
prétés comme des soins donnés directement. Les hallucinations psychiques
revêtent souvent le caractère d'hallucinations impératives auxquelles le malade
conforme ses actes aveuglément,car il a foi en son protecteur : C'est un chef
(1

qui est en moi et moi je ne suis rien et lui est tout. » Mlle G... pense qu'on a
voulu faire d'elle une artiste ou bien qu'on a voulu la soigner. De même
Mme Enf... et Mme Mu... croient qu'on les soigne à distance. Dans ces
délires de protection, le malade s'abandonne complètement, il se laisse diriger
et conduire; le sentiment d'emprise sur la volonté n'est pas combattu et le
sentiment d'influence est très développé.
DÉLIRE DE PERSÉCUTION. — Cette forme est la moins typique, elle est très
rarement pure. Elle est souvent précédée, comme chez le persécuté vulgaire,
d'une longue phase d'inquiétude, avec interprétations multiples. Les hallu-
cinations sensorielles n'y sont pas exceptionnelles. Les réactions sont souvent
celles des persécutés. Pour ma part, la plupart des persécutés influencés que
j'ai vus m'ont paru être des persécutés type psychose hallucinatoire chronique,
chez qui existaient quelques phénomènes et quelques idées d'influence. La seule
constatation d'hallucinations psychiques ne suffit pas pour étayer un diagnostic
de délire d'influence. L'écho de la pensée, les hallucinations psychiques ne
sont pas exceptionnelles au cours de la psychose hallucinatoire chronique.
Il existe cependant quelques observations où un délire de persécution parait
bien relever du délire d'influence mais, dans ces cas, il s'agit beaucoup moins
du délire d'influence par désagrégation vraie de la personnalité que par inter-
prétation de phénomènes plus ou moins automatiques. En effet, on ne trouve
guère les symptômes les plus importants de la dissociation psychique: les
actes automatiques irréductibles d'emblée, les hallucinations psycho-motrices
verbales, les transformations profondes de la sensibilité. Tout se borne à
l'hallucination psychique et à l'interprétation de certains actes et sentiments.

i. Voir le début de l'article Encéphale n° 3, mars 1924 et n° 4, avril 1924.


Ces malades ont souvent la constitution paranoïaque, qui est, au contraire,
exceptionnelle chez les influencés des autres variétés. La constitution para-
noïaque suppose un égocentrisme marqué et une hypertrophie du sentiment
de la personnalité; or, les influencés présentent précisément les caractères
inverses.
LE DÉLIRE DE PROTECTION ET DE PERSÉCUTION est assez fréquent. Il s'explique
aisément, car, lorsque l'automatisme mental est très développé, il est tout
naturel qu'il se manifeste alternativement par des phénomènes agréables et
pénibles. Le sujet met sur le compte d'une persécution tout ce qui lui est pénible
et sur le compte d'une protection tout ce qui lui parait agréable. Ces délires
aboutissent quelquefois à des systèmes extrêmement compliqués, avec un
nombre souvent considérable d'influenceurs, dont parfois les divinités, les
démons ou les esprits.
— Rien de plus banal que l'érotisme dans les
LA FORME ÉROTOMANIAQUE.
délires d'influence. Il se manifeste de bien des façons, soit par les Il voix inté-
rieures » qui font des déclarations d'amour ou qui disent des obscénités, soit
par les sentiments suggérés, soit par des « visions imaginaires » de scènes
lubriques, soit par des hallucinations génitales ou des impulsions à la mastur-
bation. Qu'il s'agisse de protégés, de persécutés, de mystiques ou de spirites,
presque tous les influencés présentent, plus ou moins épisodiquement, des
symptômes de ce genre, qu'ils mettent naturellement sur le compte de leurs
protecteurs, de leurs persécuteurs, des démons et des esprits. Cela ne saurait
nous surprendre puisque, d'une part, nous savons combien sont fréquentes les
préoccupations sexuelles et que, d'autre part, nous comprenons que ces ten-
dances sexuelles, plus ou moins refoulées, se libèrent grâce à l'automatisme
mental.
Dans un certain nombre de cas (huit observations personnelles) existe la
forme érotomaniaque pure du délire d'influence. Tous ces cas se ressemblent
étrangement. Ils débutent tous par une phase érotomaniaque pure, où f'on
trouve tous les symptômes décrits par M. de Clérambault1. Sur nos huit éro-
tomanes, cinq étaient amoureuses de médecins, deux de prêtres, une d'un
détective. Après la phase érotomaniaque du début, toutes ces malades rece-
vaient des transmissions de pensée de leur prétendu adorateur et avaient avec
lui d'interminables conversations mentales. Chez presque toutes l'adorateur
agissait à distance sur les actes et les tenait ainsi sous une complète domi-
nation dont elles ne tardaient pas à se plaindre, passant par les trois phases
décrites par M. de Clérambault : phases d'espoir, de dépit, de haine. Dans la
plupart de mes cas d'influencées érotomanes il n'y avait pas d'hallucinations
génitales. L'une de mes malades voyait en « imagination » le détective aimé,
en même temps qu'elle avait avec lui des conversations mentales. Une autre
avait, très développé, le sentiment de présence et cherchait partout le médecin
dont elle sentait la présence autour d'elle. L'une de mes malades a présenté
une évolution très curieuse et rarement observée, en ce sens que son éroto-
manie s'est fixée successivement sur plusieurs médecins et que, pour chacun,
elle a eu exactement les mêmes phénomènes, passant chaque fois par les trois

i. Voir les articles de M. de Clérambault dans le Bull. de la Soc. clin, de


méd. ment., 1922.
stades d'espoir, de dépit, de haine et se livrant aux mêmes réactions. La
réaction principale de ces malades est de se rendre chez leur adorateur, parce
que celui-ci leur a dit, dans une transmission de pensée, qu'il les attendait
avec une extrême impatience. Aussi sont-elles toutes très surprises d'avoir été
éconduites. C'est alors qu'apparaît en général le stade de dépit, à moins
qu'elles n'expliquent cette « conduite paradoxale de l'Objet ')(M. de Cléram-
bault) par une suprême délicatesse de sa part (pour ne pas leur nuire).
Nous verrons plus loin, en étudiant l'étiologie des délires d'influence, par
quel mécanisme le sujet passe de l'érotomanie au délire d'influence.
LA VARIÉTÉ SPIRITE du délire d'influence. Les rapports du spiritisme et de
la folie ont été étudiés par un grand nombre d'auteurs 1. A vrai dire les délires
spirites ne constituent pas une entité nosographique et presque tous les cas
doivent être envisagés comme une simple variété du délire d'influence. Le
plus souvent la symptomatologie est extrêmement riche et tous les phéno-
mènes d'automatisme très développés. C'est dans ces cas que se trouvent les
faits les plus typiques d'hallucinations psycho-motrices verbales, d'écriture
mécanique et d'actes automatiques. Très souvent ces délires apparaissent après
des pratiques de spiritisme, mais quelquefois ils naissent spontanément, sans
entraînement préalable. Mlle Chia..., Mme Per..., Mme Ass... ont eu toutes
trois la révélation soudaine de leur pouvoir médiumnique, la première par des
hallucinations psycho-motrices verbales, la seconde par l'écriture mécanique,
la troisième par des transmissions de pensée. Parfois l'état affectif de ces
malades est agréable (au moins partiellement), et le délire aboutit à des idées
de grandeur. Le plus souvent le malade est tiraillé entre les bons et les
mauvais esprits. c Les bons esprits, dit Mme P..., me conseillent bien. Ils me
disent de prendre patience. Ils ne m'envoient que de bonnes pensées. Ils me
défendent. Ils me conseillent le bien, qu'il faut croire en Dieu, qu'il faut
souffrir sur terre et qu'on sera heureux dans l'au-delà. Je me sens protégée, je
sens un apaisement dans le corps. Les mauvais esprits oh c'est épouvantable
! !

Il doit n'y en avoir qu'un, qui s'est presque comme incarné en moi. Je le sens

1. BALLET et DHEUR. Sur un cas de délire de médiumnité. (Ami. méd. psy.,


sept., 1903.) — BALLET et MoNiEp-VjNARD. Délire hallucinatoire avec idées de
persécution consécutif à des phénomènes de médiumnité. (Ann. méd. p::y.,
--
sept.1903.) — BOIRAC. Etude scientifique du spiritisme. (Analyse in Ann. méd.
psy., 1912.) BONNET. Spiritisme et folie. (Bull, de 1.1 Soc. clin, de méd. ment.,
déc. 1909.) CAPGRAS et TERRIEN. Délire spirite et graphorrée paroxystique.
(Ann. méd. psy., 1912.) — DIDE, PEZET et MIRE. Délires systématisés. Forme
psycho-motrice. Variété spirite (Ann. méd. psy., 1020.)— DUHEM. Contribution à
l'étude de la folie chez les spirites. (Th. Paris, 19041. — Dupouy et LE SAVOU-
REUX. Un cas de délire spirite et théosophique chez une cartomancienne (R. N.,
1913, p. 140.) — GRASSET. L'occultisme d'hier et d'aujourd'hui. Montpellier.

JANET(Pierre). Spiritisme. (R. N., 1909.) — JOFFROY. Delires systématises spirites.
(Arch. gen.de méd., 1904 ) — LÉVY-VALENSI. Spiritisme et folie. (Encéph., 1910 )
— LÉvY-VALENS! et GÉNIL-PERRIN. Délire spirite. (Encéph., Ig13.) — MARIE.
-
Folies spirites. (Ann. méd. psy., 1904.) — MARIE. Délires spirites. (Rev. de
psychiatrie, 1904.) RAYMOND. Psychasténie, alcoolisme et pratiques de spi-
ritisme. Phénomène de l'écriture involontaire. (Bull. méd., 1902.) — SÉGLAS.
Leçons cliniques sur les maladies mentales (1895.) VIOLLET. Spiritisme dans
l
ses rapports avec la folie. Blondel, éd. Paris, g08.

en moi, comme si c'était moi. Il m'énerve, il me fait du mal. Il est en moi,
dans mon vrai corps et aussi autour de moi, dans mon ambiance, il ne me
quitte pas. »
Au bout d'un temps plus ou moins long, apparaissent les idées de
grandeur. Mme B... est fière de sa médiumnité et admet qu'on se sert d'elle
pour des faits importants au point de vue national. Mme Ass... éclaire le monde
car les esprits dirigent le monde et parlent par sa bouche. Les révélations
de Mlle Chia... sont appelées à bouleverser le monde et son martyre
sauvera l'humanité. Ces délires spirites aboutissent très fréquemment à des
délires de possession. Enfin il faut signaler leur pouvoir contagieux, l'entou-
rage du malade croyant à la réalité des phénomènes médiumniques et pouvant
même en réaliser quelques-uns.
Tout à fait comparables aux délires spirites sont ceux qui apparaissent
chez les clientes des cartomanciennes. Profondément troublées par la
réalisation de certaines prophéties ou la découverte de faits qu'elles croyaient
ignorés, ces femmes, toujours crédules et souvent débiles, admettent le pou-
voir surnaturel de la cartomancienne et ne tardent pas à ressentir son
influence. Enfin, comme forme particulière, se rapprochant des précédentes,
signalons les délires prophétiques.
Les VARIÉTÉS MYSTIQUE ET DÉMONIAQUE du délire d'influence sont d'obser-
vation courante. Comme signes un peu particuliers aux mystiques, je tiens à
rappeler seulement l'impression d'extraordinaire légèreté qu'éprouvent ces
malades et la fréquence des visions imaginaires, qui manquent rarement et
qui se ressemblent chez tous les sujets. Ce sont des scènes religieuses qui ne
sont que la reproduction d'images de piété ou de statues en plâtre colorié :
Jésus au milieu des apôtres, Dieu avec une grande barbe blanche, le Sacré
Cœur, Jeanne d'Arc en armure, etc... Presque toujours ces visions sont ani-
mées. Les hallucinations impératives sont exécutées passivement, car on ne
discute pas les ordres de Dieu, même quand on doit manger les matières
fécales de son mari (Mme Bou...). Par ailleurs la symptomatologie de ces
mystiques n'offre rien de particulier.
La démonopathie présente deux grandes variétés selon que le démon s'est
ou ne s'est pas introduit dans le corps du malade démo1lopathie interne ou
:
externe1. La première variété s'accompagne de troubles importants de la
cénesthésie et d'hallucinations psycho-motrices verbales qui sont à la base du
sentiment de possession. Parfois les démons prennent la forme de serpents
(délire roopathique). Ainsi Mme Bi... déclare : « Je suis habitée par les ser-
pents, ces serpents ce sont les misérables, les démons. Ils peuvent aussi
s'incarner dans la tête et alors vous n'êtes plus vous. Ils peuvent vous faire
faire quelque chose sans vous en rendre compte. Ils pourraient me faire
faire n'importe quoi. C'est pas moi qui agis, ce sont eux. Quelquefois il y en
a un grand nombre. On les charme par la musique et alors ils s'en vont. Tous
les serpents descendent par le vagin. N'importe quelle musique les fait par-
tir. » Mme Couf..., ancienne religieuse, a également des bêtes dans tout le
corps qui la dévorent. Mme Brot... est une démonopathe externe. Elle dit
qu'elle est possédée parle diable, mais celui-ci n'est pas en elle. Elle le voit

i. PEZET (Charles). La démonomanie. Thèse de Montpellier, 1909.)


(
gambadant autour d'elle ou reposant sa tête sur sa poitrine. En même temps
il lui parle à voix basse, qu'elle seule peut entendre et lui communique de
mauvaises pensées. Il veut faire d'elle une femme de mauvaise vie. Il lui a
ordonné de se jeter à l'eau, de faire de mauvaises communions. Il essaye de
lui donner des sensations génitales voluptueuses, mais elle les repousse. De
même Mme Gi... emploie toute une série de moyens de défense pour que le
diable ne la viole pas. Les démonopathes ont souvent des visions imaginaires
où ils voient le diable sous la forme classique de Méphisto; il fait des gri-
maces ou leur tire la langue. Toutes les démonopathes que j'ai vues m'ont tou-
jours paru très débiles. Tout le monde ne partagera pas l'opinion de M. Mignard
qui soutient qu'il n'est pas plus absurde d'invoquer le diable que la téléphonie
sans fil. Au point de vue purement spéculatif M. Mignard n'a peut-être pas
tort, car la croyance au diable suppose simplement un acte de foi et se place
sur un plan qui n'est aucunement celui de la raison, alors que l'explication
d'une transmission de pensée et d'une conversation mentale par la téléphonie
sans fil, sans d'ailleurs aucun appareil, est scientifiquement absurde. En réalité,
les influencés, qu'ils soient « démonopathes» ou « sans-filistes » ne raisonnent
pas, mais procèdent par affirmation, et je ne discuterai pas la question de
savoir si la foi démoniaque est plus absurde que la foi scientifique (ainsi com-
prise). En pratique, sauf le cas de l'abbé Mai..., tous les démonopathes que j'ai
vus étaient très profondément débiles.
Formes cliniques suivant le degré de l'automatisme et les caractères des
phénomènes pathologiques fondamentaux. On peut distinguer :
Les influencés par interprétation de phénomènes plus ou moins automa-
tiques.
Les influencés par désagrégation vraie de la personnalité consciente.
Les influencés possédés.
Nous ne dirons rien des deux dernières variétés, car la seconde fait l'objet
même de cet article et la troisième est caractérisée par l'adjonction au syn-
drome d'influence de sentiments et d'idées de possession dus à l'intensité
des troubles cénesthésiques et à l'existence d'hallucinations psycho-motrices
verbales.
Dans la variété interprétative du délire d'influence, le malade met sur le
compte d'une influence tous les phénomènes qui lui paraissent anormaux. Il
interprète ainsi ses sentiments, ses idées, ses actes, sa conduite, les malaises
qu'il ressent. On lui envoie de l'amour ou de la haine pour certaines per-
sonnes, on le rend triste ou gai, déprimé ou excité, on le pousse à se mettre
en colère, on lui fait penser des obscénités, par exemple lorsque M. La...
salue une jeune fille, on lui donne envie de dire « putain n, on lui fait faire des
bêtises, par exemple se tromper dans ses calculs, casser un objet ou bien on
le force à aller dans une maison publique, etc... S'il ne va pas à la selle, c'est
parce qu'on le constipe; on trouble ses érections, on lui donne des éructations,
etc... Il est inutile de multiplier davantage ces exemples, tant apparaît claire-
ment le mécanisme, uniquement interprétatif, de ces cas. On ne retrouve pas*
chez ces malades les symptômes cardinaux du délire d'influence habituel, qui
indiquent une vraie dissociation de la personnalité consciente. Mais de telles
interprétations ne peuvent apparaître chez le sujet normal, elles supposent un
trouble préalable. Aussi est-ce surtout dans les états psychasthéniques, dans
les obsessions, dans l'excitation maniaque et dans certaines autres éventua-
lités que l'on voit apparaître des interprétations de cette sorte. Nous les étu-
dierons plus en détails à propos des formes secondaires du délire d'influence.
Mais il était important de montrer, dès maintenant, qu'en se plaçant au point
de vue de la plus ou moins grande intensité des phénomènes d'automatisme,
on peut établir trois classes de délires d'influence.

Formes étiologiques. — On peut distinguer deux grandes variétés de délire


d'influence : celui qui est primitif et celui qui est secondaire à une autre psy-
chopathie.
Délire d'influence primitif ou essentiel. — Psychose d'influence. Ce délire
est celui qui se produit sans cause apparente. C'est celui qu'a magistralement
décrit M. Séglas dans ses leçons cliniques, au chapitre des persécutés pos-

l,
sédés et qui a fait l'objet d'une bonne thèse de mon ami Lévy-Darras. Je
citerai aussi les travaux de Arnaud Voisin2, Falret3. Je n'en étudierai pas
ici la symptomatologie,car je ne ferais que me répéter, cette psychose pré-
sentant les symptômes et les formes cliniques étudiés tout au long de cet
article. Je dirai seulement quelques mots de leur évolution générale et je
discuterai ensuite leur existence en tant qu'entité nosographique, pour la
réfuter.
La psychose d'influence (j'emploie ce terme consacré par l'usage, sans y
attribuer la valeur d'une entité morbide) doit être très exceptionnelle chez
l'enfant, car je n'en ai observé aucun cas. Chez le vieillard,je n'ai obs.ervé que
des idées d'influence éphémères, mais jamais un syndrome véritable. Le plus
souvent elle apparait chez l'adulte jeune, de vingt à trente ans. Ceci est à
noter, car la psychose hallucinatoire chronique paraît avoir plus souvent un
début plus tardif. Cette remarque n'est pas absolue car j'ai vu apparaitre le
syndrome influence chez la femme au moment de la ménopause, mais jamais
après. La psychose d'influence est de beaucoup plus fréquente chez la femme.
Ces deux constatations ne nous étonneront pas, car dans un grand nombre
de cas (ainsi que nous le verrons à la fin de cet article) le syndrome d'influence
paraît avoir pour cause psychologique soit un choc émotif sexuel, soit un
refoulement de tendances sexuelles inassouvies (or ces causes sont plus fré-
quentes chez la femme), et pour cause physiologique, ainsi que l'a indiqué
M. de Clérambault dans une toute récente communication, des troubles endo-
criniens. Je vois aussi une raison de cette prépondérance dans le sexe féminin
dans ce fait que la femme a souvent une personnalité moins « cohésive »,
qu'elle est plus suggestible, plus « influençable » et aussi plus portée aux
inquiétudes religieuses.
L'évolution est infiniment variable, mais le pronostic ne pourra jamais se
fonder sur le seul examen des phénomènes d'influence. Un syndrome peut

1. ARNAUD. Variétés cliniques du délire de persécution. (Aml. Méd. Psy.


1893.)
2. A. VOISIN. Ann. Méd. Psy., 27mars 18Q3.
3. FALRET. Les variétés cliniques du délire des persécutions. [Ann. Méd.
Psy., 1896.)
être très complet et passager, ébauché et définitif. Il faut rechercher l'état
mental sous-jacent au syndrome d'influence et les causes de celui-ci. En
général plus la cause est évidente, plus le choc émotif a été violent, plus le
syndrome s'est constitué rapidement et plus le malade a de chances de guérir.
Bien qu'ayant présenté un syndrome très complet d'influence et même de
possession, Mme Cou..., ancienne religieuse, qui s'accusait de rapports avec
une camarade d'atelier, en punition desquels le diable la possédait, a guéri
rapidement. C'était, par ailleurs, une débile et il est de notion classique que
ces débiles présentent des bouffées passagères de délire. Mme Bou... qui,
par contre, est intelligente a guéri très rapidement de phénomènes d'in-
fluence très intenses (c'est cette malade qui, à la suite d'un adultère exécutait
tous les ordres, même les plus répugnants, que lui envoyait Dieu). Guérissent
aussi les syndromes qui sont secondaires à une affection aiguë (manie, mélan-
colie, alcoolisme, etc...). Lorsqu'au contraire la psychose paraît primitive,
lorsqu'on ne trouve aucun choc émotif ou aucune psychose inductrice, le
pronostic doit être plus réservé. En général la complaisance du malade vis-à-
vis de son délire est un élément fâcheux. Le sentiment d'influence n'étant pas
combattu ou même étant cultivé, la réduction des phénomènes d'automatisme
et des idées délirantes n'a pas de tendance à se faire. Enfin, plus le délire est
systématisé, plus le pronostic devient mauvais.
Quelques malades peuvent délirer toute leur vie sans affaiblissement intel-
lectuel. Lorsque les malades versent dans la démence, c'est généralement
assez rapidement. Je souscris entièrement aux paroles suivantes de M. Truelle1: :
t En comparant chez les malades les âges où avait débuté leur affection
mentale, j'étais arrivé à cette conclusion que, dans l'immense majorité des
cas, c'étaient celles atteintes avant la vingt-cinquième année qui réalisaient au
maximum le syndrome discordant — ou démentiel, comme on voudra —
syndrome grave en tout cas, tandis que les autres, celles restées d'intelligence
active, n'avaient commencé à délirer que beaucoup plus tardivement. On peut
voir là une application particulière d'une loi générale de pathologie : à savoir
qu'un processus morbide, quel qu'il soit, provoque, toutes autres choses égales,
des troubles plus graves lorsqu'il s'attaque à un organisme en voie de forma-
tion. Dès lors on est amené à penser que le processus morbide x, cause de
ces psychoses hallucinatoires ou pseudo-hallucinatoires, aura, pour l'ensemble
de la fonction psychique, des conséquences d'autant plus redoutables et sera
d'autant plus apte à provoquer le syndrome démence précoce, qu'il aura sévi
plus précocement chez les individus. »
En étudiant les rapports des délires d'influence avec la démence précoce,
nous verrons que certains malades peuvent donner l'impression de la démence
catatonique sans être aucunement déments.
En résumé, les délires d'influence secondaires à une affection aiguë ou à
un choc émotif guérissent le plus souvent. En dehors de ces cas, la psychose
d'influence a plutôt une évolution chronique, sans tendance manifeste à la
démence, à moins qu'il ne s'agisse d'un sujet jeune. Dans ce dernier cas, l'évo-
lution démentielle, si elle doit se produire, se fait rapidement.

i. Discussion à la suite d'un article de M. Mignard Sur la nature de la


:

démence survenant au cours de certains délires (à propos de deux cas de délire


d'influence). (Annal. médico-psychol., 29 mars 1921.)
fc.n dehors de la démence il faut signaler l'apparition plus ou moins tardive
d'idées de grandeur et d'idées de négation. Les premières ont déjà été étudiées,
les secondes s'observent surtout dans les cas de possession. Elles
sont la con-
séquence des troubles cénesthésiques et sont à distinguer des idées de néga-
tion dans le syndrome de Cotard, ce qui sera le plus souvent très aisé,
car on
ne trouve ni le ralentissement psychique, ni l'état émotif pénible, ni la fixité
qui sont les caractéristiques des délires mélancoliques.
Y a-t-il une psychose d'influence essentielle ? Je ne crois
pas qu'il y ait de
psychose essentielle, pas plus qu'il n'y a d'épilepsie essentielle. Dans
un pre-
mier stade, qui n'est point encore fini d'ailleurs, la psychiatrie est uniquement
descriptive et s applique à délimiter des types cliniques. Dans deuxième
stade, qui est plus moderne, la psychiatrie s'efforce d'être étiologique un
et de
reconnaître les causes des types cliniques précédemment isolés. Dans
troisième période (à l'aurore de laquelle nous ne sommes une
pas encore), on
pourra peut-être établir une classification. Pour l'instant, j'estime (et l'on
voudra bien excuser ma franchise) que toutes les grandes classifications, dites
i,
synthétiques sont antiscientifiques, parce que sans aucun fondement. Leur
défaut est plus grave encore, car elles sont dangereuses
dogmatique et au point de vue pratique. Au point de au point de vue
vue dogmatique, elles
tendent à faire croire à l'existence d'« entités morbides de maladies
tales », ce qui n'est pas démontré et ce qui paraît même très » « men-
douteux (au moins
dans la totalité des cas). Au point de vue pratique, elles s'opposent à l'analyse
impartiale des troubles mentaux. C'est vraiment faire d'une totale
fantaisie que de construire une synthèse, avant même preuve
l'analyse, et quelle synthèse puisqu'il ne s'agit rien de moins que d'avoir terminé
!
que de ramener
tous les troubles mentaux à deux ou trois maladies Aussi ! !
parti ni pour Magnan qui range ces délires dans les psychoses des ne prendrai-je
dégénérés,
ni pour Kraepelin qui les met dans le tiroir des paranoïdes, ni
autre classificateur. D'ailleurs, dans l'étude qui précède, tout concourt pour aucun
à
montrer qu'il ne s'agit pas d'« une maladie mentale » bien définie dansnous
évolution, puisqu'il y a des cas passagers, d'autres chroniques son
et parmi ceux-ci
certains qui durent toute la vie sans démence, d'autres qui paraissent démen-
tiels presque d'emblée, d'autres qui après des années
versent dans la démence.
(A suivre.)
i. Je ne parle que de celles-ci,'car il va de soi que ces critiques ne
s ' adresser aux classifications purement pratiques, considérées
peuvent
auteurs mêmes (Chaslin, par exemple) comme un essai de par leurs
groupement aussi
c linique que possible, mais très imparfait et nécessairement transitoire.
RECHERCHES SUR LE RYTHME RESPIRATOIRE
DANS CERTAINES MALADIES DU SYSTÈME
NERVEUX
EN PARTICULIER CHEZ LES PSEUDO-BULBAIRES
(Avec six figures dans le texte)

PAR
Mlle G. LÉVY et M. L. VAN BOGAERT

A la suite des recherches de l'un de nous avec M. Pierre Marie sur


les formes respiratoires de l'encéphalite épidémique, nous avons
examiné la respiration de certains malades atteints d'affections chro-
niques du système nerveux, et notre attention a été attirée sur une ano-
malie fréquente de leur courbe respiratoire, qui s'est répétée plusieurs
fois, en particulier chez les pseudo-bulbaires.
Cette anomalie consiste en un aspect ondulant de la courbe, tradui-
sant vraisemblablement une respiration saccadée.
On sait que la respiration normale de l'homme se fait en deux
temps : une inspiration, qui débute brusquement, pour se ralentir un
peu vers la fin. Une expiration qui débute aussi brusquement, mais se
ralentit et se prolonge davantage.
Ainsi rexpiration comprend les deux tiers d'une respiration totale,
tandis que l'inspiration n'en occupe que le tiers.
Aucune pause, à l'état normal, ne vient interrompre ce cycle, ni
aucune irrégularité d'évolution, et la respiration normale se traduit par
la courbe suivante :

dont l'évolution reste sensiblement uniforme, et dans laquelle l'inspi-


ration est marquée par une ligne descendante, rapide et presque verti-
cale, tandis que l expiration constitue une ligne ascendante, suivie d'un
petit plateau.
Or dans les cas pathologiques que nous avons étudiés, il n'en est
plus ainsi, et nous avons observé les modifications suivantes :
i° Tendance à la symétrie morphologique des deux phases respira-
toires1 ; disparition de l'angle brusque du début de l'inspiration, celle-ci
se traduit souvent, en outre, par une chute moins verticale.

2 Aspect ondulé de la courbe. Celle-ci, au lieu de présenter l'aspect



linéaire normal, apparaît presque régulièrement festonné,
et cette ondu-
lation prédomine assez fréquemment à l'expiration.
Ces caractères particuliers de la courbe respiratoire
ne sont accom-
pagnés, dans presque tous les cas, d'aucun trouble du rythme, ni de
modifications importantes delà fréquence des respirations.
L'ensemble de ces modifications ont été observées
par nous chez des
pseudo-bulbaires, où nous les avons rencontrées quatre fois
aussi chez des parkinsoniens séniles ou encéphalitiques sur
sept, et
avec ou sans
tremblement.
Chez trois malades qui présentaient des troubles bulbaires
par sclé-
rose latérale amyotrophique, nous n'avons observé qu'une fois
de respiration légèrement ondulante. un type
C est chez les pseudo-bulbaires d'ailleurs,
que nous avons obtenu les
courbes les plus nettes, et qui se prêtent le mieux à l'analyse.
La dimension et le nombre des ondulations de la
courbe sont en
effet variables.
Tantôt plus fines, et moins nettement individualisées, elles
parfois devenir plus amples, et festonner peuvent
par exemple l'expiration de
trois crochets réguliers et presque constants, ainsi
que nous avons pu
1 enregistrer chez de
une nos pseudo-bulbaires (fig. 2).

La fréquence et la constance de
cette courbe respiratoire particulière
nous a frappés, et paraît mériter l'attention.
D'autres auteurs, d'ailleurs avant
nous, ont déjà constaté ce fait au
cours de recherches analogues.
C'est ainsi que MM. Klippel et Bœteau* obtiennent des tracés de
respiration ondulante, mais irrégulière, dans des cas de paralysie géné-
rale et de mélancolie. Et M. Jacques Parisot', à la suite de ces auteurs,
cherche à isoler le « tremblement respiratoire » du tremblement général
chez certains malades (paralysie générale) sclérose en plaques, paralysie
agitante, tremblement sénile.

Ceci nous amène à envisager la signification de cette anomalie respi-


ratoire : comment donc pouvons-nous interpréter le fait constaté?

L'existence d'ondulations régulières sur le tracé respiratoire semble


bien manifester des contractions saccadées des muscles respiratoires,
en somme, un phénomène de la roue dentée, localisé au niveau de cette
musculature spéciale, et l'on conçoit facilement que des observateurs
aient pu parler de « tremblement respiratoire ».
Mais quelle peut être la pathogénie de ce phénomène?

Il n'est pas, bien entendu, besoin d'éliminer ici des causes pulmo-
naires ou cardio-rénales. Nous n'avons pris nos courbes que sur des
malades indemnes de lésions de cet ordre. Un tracé pris chez un
pseudo-bulbaire emphysémateux nous a d'ailleurs montré une courbe
uniformément symétrique aux deux phases respiratoires, mais non
ondulante.
Peut-il s'agir d'un tremblement transmis?
Nous avons pu constater dans un cas de parkinsonisme avec trem-
blement, et dans un cas de tremblement sénile, l'absence de cette courbe
ondulante.

1. Des troubles de la respiration dans les maladies mentales et en parti-


culier dans la paralysie générale (Soc. de Biologie, 27 février 1892).
2. Étude des mouvements respiratoires chez les malades atteints de divers
tremblements (Congrès des Alienistes et Neurologistes de Nantes, août Ig02).
Par contre, dans un cas de parkinsonisme avec tremblement dans
lequel cette courbe ondulante existait, le nombre des oscillations respi-
ratoires était beaucoup plus faible que celui des oscillations des
membres dans un temps donné.
S'il ne s'agit pas d'un tremblement transmis, peut-il s'agir d'un
tremblement respiratoire indépendant, de cause identique à celle du
tremblement musculaire des membres, ou de cause voisine?

On peut,en effet,concevoir que des phénomènes de rigidité, d'hyper-


tonie musculaire puissent se manifester par cette respiration saccadée.
Le phénomène de la roue dentée auquel nous faisions allusion plus haut
semble bien s'apparenter cliniquement à ces phénomènes respiratoires
et l'on sait qu'un même état d'hypertonie musculaire peut dans certains
cas provoquer du tremblement dans d'autres, de la simple rigidité, ce
qui met en évidence les étroites connexions de ces deux phénomènes
physiologiques, rigidité et tremblement.
1

Cette interprétation, nécessairement imprécise et peu satisfaisante,


permet cependant de comprendre pourquoi l'on retrouve ces mêmes
troubles respiratoires chez des malades en apparence si différents que
des pseudo-bulbaires, des parkinsoniens, des trembleurs
ou des non-
trembleurs, mais qui tous présentent, en réalité, des troubles du tonus
et des lésions extrapyramidales considérables.
Elle permet ainsi de constater une fois de plus cette parenté encore
mystérieuse des états hypertoniques, avec toute une variété de tremble-
ment, dont la pathogénie générale reste, bien entendu, entièrement à
élucider.
Elle permet enfin de comprendre qu'à côté des troubles respiratoires
classiques, d'origine bulbaire, d'autres perturbations respiratoires
peuvent survenir, d'origine nerveuse centrale, mais de localisation
différente.
Nous n'avons, en effet, retrouvé cette respiration ondulante que
dans un cas d'atteinte bulbaire sur trois cas envisagés.
Par contre, l'atteinte fréquente des noyaux gris et du cortex dans les
différentes autres maladies auxquelles nous avons consacré ces recher-
ches ne peut qu'appuyer l'interprétation précédente, confirmée d'autre
part aussi, dans une certaine mesure au moins, par les constatations
analogues faites antérieurement à propos de cas psychiatriques.
CONSIDÉRATIONS
SUR LES NEURO-RÉCIDIVES MERCURIELLES '
PAR

Le Professeur A. AUSTREGESILO
(Rio-de-Janeiro)

La question des neuro-récidives ou neuro-rechutes est de date relati-


vement récente; ce furent les applications du salvarsan et du néo-sal-
varsan qui apportèrent en syphilographie ces difficultés cliniques. Les
cas en ont été postérieurement interprétés et paraissent aujourd'hui
éclaircis. Le système nerveux est,par sa grande sensibilité aux toxiques,
le plus sensible de tous les tissus de l'organisme. Il possède, comme j'ai
déjà eu l'occasion de le dire, une électivité pathogénique biotaxique
pour le tréponème pâle de Schaudinn. Cette électivité est démontrée par
la précocité des phénomènes nerveux fonctionnels et organiques (lym-
phocytose rachidienne) à toutes les périodes de la syphilis, souvent
même à la seconde (Ravaut). Les neuro-récidives s'expliquent par cette
grande sensibilité aux toxiques organiques et par la loi de l'électivité
pathogénique biotaxique.
La question se présente ainsi. Un individu,porteur d'une syphilis en
pleine activité, subit un traitement spécifique quelconque (néo-salvarsan,
mercure, iodure). La cure reste incomplète et,par suite de doses insuffi-
santes ou de délais trop courts, le patient pourra présenter des recrudes-
cences syphilitiques, surtout du côté du système nerveux, auxquelles on
donnera la dénomination de neuro-rechutes ou neuro-récidives. Benario1
a écrit à ce sujet une monographie où il a étudié la question en se
servantde quantité de documents et il semble bien que le problème ait été
plus ou moins éclairci par son travail. Au sujet des neuro-récidives
par traitement salvarsanique, Emery 3 a écrit également un mémoire
intéressant, parfaitement documenté, qui réunit nombre de cas cli-
niques.
La chose n'est, d'ailleurs, pas nouvelle. Déjà l'observation clinique

i. AUSTREGESILO. Clinica neurologica (Discours d'inauguration, Rio, 1918).


2. J. BENARIO. Neuroresfidiven nach Salvarsan und nach Quecksilber-Behand-
lung.
3. J. EMERY. Les neuro-recidives, etc.
de Ricord, Fournieri, Lallemand, avait effleuré le sujet. Dès les premiers
essais du traitement arsenical, suivant la méthode d'Ehrlich, au Brésil,
les professeurs Rabello et Marinho se sont occupés de ces cas.
Le nom de neuro-récidives leur a été donné par Ehrlich et tire son
origine de certaines constatations faites lors du nouveau traitement par
l'arséno-benzol. Au début,les auteurs crurent qu'il s'agissait de l'électi-
vité toxique du système nerveux pour le salvarsan. La doctrine aujour-
d'hui admise semble être celle d'une concentration des tréponèmes qui
résistent à l'action spécifique des médicaments et se concentrent dans
les centres nerveux. Les processus morbides syphilitiques des neuro-
récidives sont d'ailleurs variables : tantôt les lésions sont interstitielles,
tantôt, et plus rarement, elles sont parenchymateuses.
Le présent travail a pour objet d'exposer les résultats de mes obser-
vations cliniques sur ce sujet.
Ayant remarqué que des malades traités tantôt à l'aide du salvarsan,
tantôt à l'aide du mercure, arrivaient assez fréquemment aux consulta-
tions externes de l'hôpital porteurs de lésions nerveuses et en majeure
partie craniennes, J'ai jugé que la question des neuro-récidives mercu-
rielles n'avait pas été étudiée de façon suffisamment complète au point
de vue théorique. L'ouvrage de Benario avait fait passer ces cas dans le
domaine des faits acquis, mais au point de vue nosographique seu-
lement.
Chez certains jeunes hommes, des employés de commerce le plus
souvent, qui ont été traités insuffisamment par des pharmaciens, des
« experts en pharmacie » de leur connaissance ou sur le vu d'annonces
de spécifiques anti-syphilitiques (habituellement par la voie buccale ou
au moyen d'une ou deux séries au plus d'injections mercurielles), j'ai
constaté que les accidents neuro-récidivants étaient précoces. J'ai étudié
plus à fond la chose, et constaté que la vu" paire, ou faciale, est le nerf
cranien qui, bien des fois, me révélait la neuro-récidive mercurielle. J'ai
déjà fait un rapport à ce sujet, lorsque je me suis occupé du traitement
des paralysies faciales2. Les céphalées, les vertiges sont fréquents dans
ces cas, mais de tous les symptômes propres aux rechutes nerveuses
mercurielles, la paralysie faciale m'en a paru le plus fréquent; cette
paralysie est presque toujours unilatérale, quelquefois, mais rarement,
bilatérale. Benario, dans son ouvrage très documenté, a cité également
de ces paralysies, concomitantes ou isolées du facial, en se basant sur
des cas de la littérature médicale comme sur ses propres observations.
Au sujet de la neuro-récidive mercurielle de la vue paire, il cite plusieurs
observations de la Clinique dermatologique de Francfort, d'Oppler, de
Marinesco, d'Oppenheim, de Lommen, de Werther, d'Etienne, de Decker,

I. FOURNIER. Syphilis du cerveau.


2. AUSTREGESILO. Traitement des paralysies faciales (Arquivos Brasileiros
de nellriatria e psiquiatria, Rio, igig).
de Bertarelli, de Desneux, de Dujardin, Keller et Ledermann. Dans tous
ces faits cliniques la paralysie de la VIle paire, isolée ou non, est apparue
après le traitement mercuriel. Dans les statistiques ainsi présentées par
Benario, le facial occupe la* troisième ou quatrième place au point de
vue de la fréquence, l'auditif et l'oculomoteur venant en première ligne.
Ce dernier point ne concorde pas avec ma statistique, probablement
parce que les patients préfèrent consulter des ophtalmologistes quand
ils souffrent de troubles visuels.
Si les neuro-récidives par le salvarsan sont très communes, non
moins fréquentes sont celles qui sont dues au mercure et qu'on consi-
dère classiquement comme des rechutes nerveuses dues à un traitement
défectueux. Cette doctrine prévaut encore aujourd'hui et nous pouvons
ajouter que les neuro-récidives mercurielles peuvent être occasionnées
non seulement par un traitement insuffisant, mais encore par l'existence
d'une lues virulante pour le système nerveux (syphilis à virus nerveux
de Fournier) : une affinité toxique du tréponème pour le système
nerveux et un traitement incomplet se terminent habituellement par des
neuro-récidives.
La localisation particulière sur les nerfs craniens peut s'expliquer
par deux causes : par une fragilité particulière des racines nerveuses en
présence du tréponème (électivité pathogénique biotaxique) ou bien par
des méningites ou méningo-radiculites craniennes. Les tréponèmes
possèdent une telle tendance vers les méninges que les symptômes
secondaires craniens tels que la céphalée et la lymphocytose précoce
du liquide céphalo-rachidien ont pu être rencontrés fréquemment
(Ravaut, Speroni, Sicard et d'autres). C'est là un fait qui nous aide à
comprendre la fréquence des neuro-récidives. Quant à l'atteinte particu-
lière des vie, vu" et vin8 paires, elles sont expliquées par les méningo-
radiculites. Il se forme autour de la partie périphérique des nerfs faciaux,
par exemple, surtout aux points de sortie et aux endroits les plus rappro-
chés des méninges, des infiltrations méningitiques péninerveuses, de
sorte que les exsudats compriment le nerf et l'enflamment en même
temps,produisant des paralysies unilatérales ou doubles qu'on rencontre
au cours des neuro-récidives craniennes.
Il m'a paru que le néo-salvarsan produisait des neuro-récidives, sur-
tout dans le domaine de l'acoustique, et le mercure surtout des neuro-
récidives du facial.
Dans un travail que j'ai publié dans les Arquivos de Neuriatria e
Psiquiatria au sujet du traitement des paralysies faciales périphériques,
j'ai « appelé l'attention sur l'étiologie syphilitique de ce syndrome,
beaucoup plus commune qu'il ne paraît, et sur le fait que nombre de cas
de paralysie a frigore, rhumatismales, etc., doivent être considérées
comme syphilitiques. L'électivité de la syphilis pour les systèmes vascu-
laire et nerveux est telle que, je ne cesse de le répéter, en neurologie le
clinicien doit toujours penser à la syphilis ». Fournier, avec son sens
clinique génial, avait compris dans la parasyphilis (aujourd'hui syphilis
parenchymateuse) divers syndromes et états morbides dont l'étiologie
était absolunient obscure.
A sa suite, nous compterons comme relevant de la syphilis paren-
chymateuse du côté du système nerveux : l'hystéro-neurasthénie,le tabes,
la paralysie générale, la tabo-paralysie, l'épilepsie dite essentielle, cer-
taines atrophies musculaires et diverses perturbations de l'évolution fœ-
tale avec retardement des facultés intellectuelles, l'idiotie, l'hydrocé-
phalie, les méningites des nouveau-nés et des enfants, le tabes et la
paralysie générale juvéniles, etc. Les affinités de la syphilis pour le sys-
tème nerveux sont donc incontestables, au point de vue à la fois de l'étio-
logie et de la pathogénie des affections nerveuses. Les neuro-récidives
sont l'expression de l'électivité du tréponème et de sa toxine pour ce
système. Parfois les lésions neuro-récidivantes sont définitivement des-
tructives parce que le tréponème, au lieu de produire au moyen de sa
toxine des lésions interstitielles, détruit d'abord le parenchyme nerveux :
les lésions sont alors irrémédiables et incurables, même par la médica-
tion spécifique. C'est pourquoi dans les neuro-récidives la guérison sur-
vient habituellement, mais pas toujours.
Tant qu'il y a seulement des lésions d'infiltration, des perturbations
dynamiques, nous pouvons encore obtenir des avantages par une médi-
cation intensive et méthodique antisyphilitique. Mais si la toxine désor-
ganise la cellule ou la fibre nerveuse dans ses éléments nobles, la recons-
truction est impossible parce que les lésions parenchymateuses syphili-
tiques sont incurables. Cette opinion de l'école anglaise est venue rem-
placer la notion de la parasyphilis de Fournier ou de la métasyphilis de
Moebius, elle nous met sur une nouvelle voie pour le traitement prophy-
lactique des lésions nerveuses tardives, considérées autrefois par Fournier
comme étant d'origine et non de nature syphilitiques, à peine les lésions
histo-pathologiques sont-elles différentes dans la syphilis interstitielle et
dans la parenchymateuse.
Les expériences de Noguchi, Levaditi, Marinesco, Marie, Minéa et
Mario Pinheiro démontrent de façon évidente la présence du tréponème
pâle de Schaudinn dans l'écorce cérébrale des paralytiques ordinaires
et prouvent définitivement que la prétendue parasyphilis n'est que la
syphilis elle-même sous un autre aspect histopathologique.
Je me rangerais volontiers à l'opinion de Mott qui admet l'existence
d'une variété de tréponème ayant une affinité élective pour le système
nerveux. Les faits sont parfois si démonstratifs qu'il semble bien qu'il
existe des tréponèmes prédestinés au système nerveux, selon la doctrine
aujourd'hui classique de Fournier sur la syphilis à virus nerveux.
Le problème de la lues nerveuse prend chaque jour plus d'impor-
tance en clinique. Les résultats fournis récemment par l'étude systé-
matique du liquide céphalo-rachidien dans la syphilis nerveuse en
activité indiquent toujours plus impérieusement la nécessité de trouver
une solution à la question du traitement de ces cas. Nous voulons parler
de la méthode des quatre réactions de Nonne, de la méthode des dilu-
tions pour le Wassermann du liquide, telle qu'elle est utilisée dans notre
clinique par Alisses, Vianna et Monset, enfin de toutes les conceptions
anatomo-histologico-cliniquesauxquelles aboutissent les résultats four-
nis par ces méthodes.
Après avoir soigné des neuro-récidives mercurielles,je puis confir-
mer l'opinion des auteurs d'après laquelle le mercure est un bon spéci-
fique des lésions interstitielles de la syphilis nerveuse. Mais il est certain
que le néo-salvarsan a une action curative incomparablement supérieure
à celle de tout autre médicament spécifique. Dans la syphilis parenchy-
mateuse, par contre, presque toujours le mercure agit peu et parfois
même il fait du mal au malade, comme dans la paralysie générale, dans
les lésions papillaires du globe oculaire ou dans les altérations dégéné-
ratives d'origine syphilitique du nerf optique. Cette opinion des auteurs
allemands, chaleureusement défendue au Brésil par le professeur Abren
Fialho, est aussi la mienne.
Pour conclure, je dirai donc que :
1° Le mercure produit des neuro-récidives plus fréquemment qu'il ne
paraît à première vue.
2° Les neuro-récidives dues au salvarsan et au néo-salvarsan sont
plus facilement constatables et sont probablement plus communes que
les premières.
3° Les nerfs craniens sont très fréquemment atteints dans les neuro-
récidives secondaires au traitement par les arséno-benzols ou le mer-
cure.
4° A mon avis personnel, pour ce qui est de ces neuro-récidives, la
huitième paire est plus sensible à l'arséno-benzol et la septième paire au
mercure.
5° Tous les nerfs craniens peuvent être atteints au cours des neuro-
récidives mercurielles.
6° Les neuro-récidives hydrargyriques sont produites par un traite-
ment à doses insuffisantes ou lorsque le traitement est précocement
interrompu.
7° Les perturbations neuro-récidivantes peuvent être d'ordre dyna-
mique (ou toxique) et d'ordre anatomique.
Dans cette dernière hypothèse le crâne est le lieu d'élection et l'on
constate encore ou des névrites ou de véritables méningo-radiculites
craniennes produites par des exsudats péri-neuriques ou péri-radicu-
laires.
8° Il y a des neuro-récidives curables (c'est le cas le plus commun),
d'autres passibles d'amélioration et enfin quelques-unes inguérissables-
Dans ces dernières .les lésions doivent être destructives et porter sur le
parenchyme nerveux lui-même.
9° Le traitement des neuro-récidives doit consister en doses plus
fortes de mercure, au moyen d'un sel ou d'un médicament plus riche
en hydrargyre, ou mieux encore en doses répétées et pas trop fortes de
néo-salvarsan.
L'iodure de soude facilite également la guérison des neuro-récidives
mercurielles, à titre de simple auxiliaire ayant une action très rapide
mais non définitive.
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)

I. SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
— Il. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
III. SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE.

I. — Société de neurologie
SÉANCE DU JEUDI 3 AVRIL 1924

Présidence de M. Crouzon
A propos de la communication de MM. Souques et Ducroquet, par M. L. Ba-
bonneix. — A la dernière séance, M. J. Sicard a mis en doute l'existence,
dans la paralysie infantile, d'un signe de Babinski vrai, lié à des lésions
centrales. On connaît, cependant, un certain nombre de cas où les neurolo-
gistes les plus qualifiés l'ont observé, soit au début, d'une manière tempo-
raire, soit pendant toute la durée de la maladie.
D'ailleurs, si, dans la paralysie infantile, il est toujours lié à une paralysie
du court fléchisseur du gros orteil, comment expliquer qu'il puisse s'associer
à d'autres signes de la série spasmodique trépidation spinale, exagération
d'un ou de plusieurs réflexes tendineux? Comment interpréter les cas où, la
paralysie s'étant localisée aux membres supérieurs, on l'a constaté, de la
manière la plus nette?
Dystrophies osseuses et dermatolysie au cours d'une maladie de Reckling-
hausen, par MM. Michel Regnard et Robert Didier. —Jeune femme de vingt-
six ans atteinte d%ne maladie de Recklinghausen classique avec grosse tache
mélanodermique à la face postérieure de la cuisse gauche; le pied gauche
présente de la dematolysie et la radiographie montre des altérations du
squelette consistant en élargissement du tibia, tassement et aplatissement
du calcanéum et vacuoles osseuses développées dans l'épaisseur de l'astra-
gale et du calcanéum.
Sur une méthode colorimétrique de dosage du sucre dans le liquide céphalo-
rachidien. — M. Mestrezat propose un procédé précis pour le dosage du
sucre dans le liquide céphalo-rachidien. Jusqu'alors, il fallait avoir recours à
un chimiste. L'auteur expose une méthode simple, facilement applicable
en clinique, basée sur la méthode colorimétrique et une échelle colorimé-
trique stable permettant un dosage précis.
Nystagmus du voile associé à un nystagmus oculaire, synchrone à des secousses
myocloniques de la face et des masticateurs, synchrones également. Syndrome
de Foville avec hémiaparesthésie, hémitremblement et hémiasynergie modérée.
Lésions probables de la calotte protubérantielle, par MM. Ch. Foix et P. Hille-
mand. — Observation d'un malade présentant un syndrome complexe dont
les éléments sont les suivants 1° syndrome de Foville avec paralysie des
mouvements vers la droite, hémiparésie gauche, hémitremblement parkin-
soniforme, hémiasynergie légère, le tout à gauche ; 20 secousses rythmiques
myocloniques au niveau des yeux, du voile du palais, du larynx, de la face et
peut-être des muscles masticateurs. Syndrome apparu à la suite d'un ictus,
sans perte de connaissance ; probablement petit ramollissement. Les secousses
de l'œil sont nettement nystagmiques, nystagmus à la fois latéral et rotatoire,
dirigé vers la gauche. Secousses faciales plus légères et prédominant à droite.
Masticateurs probablement touchés. Les réactions vestibulaires ne pro-
voquent guère de changement dans le nystagmus, mais le labyrinthe n'est
pas inexcitable. La réaction vertigineuse est conservée.
Il est difficile en présence du syndrome de Foville de ne pas faire le dia-
gnostic du syndrome de la calotte protubérantielle supérieure. Il est moins
aisé d'interpréter le tremblement parkinsoniformeet les phénomènes de type
cérébelleux associés. Les auteurs pensent que ces derniers peuvent être assez
vraisemblablement rattachés au faisceau central de la calotte. Quant au
nystagmus du voile, les lésions trouvées dans les cas publiés antérieure-
ment vont du tubercule quadrijumeau antérieur (Wilson) jusqu'au bulbe
(Oppenheim). Il s'agit presque toujours d'une tumeur et les tumeurs du cer-
velet sont le plus fréquemment observées. La participation du syndrome de
la face et des deux yeux ne permet guère d'invoquer chez le malade présenté
une altération nucléaire. La bilatéralité du nystagmus oculaire et du nys-
tagmus du voile fait penser à une lésion paramédiane et l'association du
syndrome de Foville rappelle l'attention sur le faisceau longitudinal posté-
rieur. Cette hypothèse cadrerait assez avec les lésions publiées dont la hau-
teur est très différente, mais qui peuvent atteindre ce faisceau, soit directe-
ment, soit par compression.
Sarcome périthélial de la queue de cheval avec xanthochromie du liquide
céphalo-rachidien au-dessus de la tumeur. Localisation par le lipiodol. Ablation
chirurgicale. — MM. Georges Guillain, Th. Alajouanine, P. Mathieu et
I. Bertrand rapportent l'observation d'un malade de dix-neuf ans chez lequel,
en l'espace de trois mois, se développa un syndrome de la queue de cheval
caractérisé par des douleurs violentes, des troubles moteurs dans le territoire
des sciatiques avec modification des réactions électriques, l'abolition des
réflexes achilléens, médio-plantaires et péronéo-fémoraux postérieurs, des
troubles de la sensibilité dans le domaine des racines sacrées, des troubles
sphinctériens et génitaux. L'injection de lipiodol fut très précieuse dans ce
cas pour fixer la hauteur de la compression, l'opération permit de faire l'abla-
tion d'une tumeur siégeant entre L3 et Li au niveau exact de l'arrêt du lipiodol.
A la suite de l'intervention, le malade s'améliora progressivement.
Les auteurs attirent l'attention sur ce fait que la ponction lombaire pra-
tiquée au-dessus de la tumeur montra un liquide céphalo-rachidien xantho-
chromique et hyperalbumineux. Cette constatation faite aussi récemment
par Cushing et Ayer est contraire aux notions classiques qui spécifient que
la xanthochromie et le syndrome de Froin indiquent une compression sus-
jacente. Il est vraisemblable que la xanthoc.hromie constatée au-dessus de
la tumeur n'est pas due, comme dans les cas habituels du syndrome de
Froin, à l'existence d'une cavité close, mais à une transsudation hématique
à la surface supérieure de la tumeur. Cette notion de la xanthochromie pos-
sible du liquide céphalo-rachidien au-dessus d'une tumeur de la queue de
cheval est importante à connaître pour éviter des erreurs de localisation de
la tumeur.
La nature histologique de la tumeur observée chez ce malade est très
spéciale. Il s'agit d'une tumeur conjonctivo-vasculaire, d'un sarcome péri-
thélial, tumeur diffuse très vasculaire et dissociée par de multiples hémor-
ragies interstitielles. Ce périthéliome, par son origine vasculaire, par sa dif-
fusion, par son pouvoir d'infiltration et d'envahissement, est une tumeur
maligne, ne présentant aucune analogie avec le fibro-gliome pédiculé radi-
culaire, cause fréquente de compression médullaire.
Discussion :

M. Sicard L'arrêt du lipiodol ne permet pas d'éliminer un mal de Pott,


il ne signifie pas tumeur.
M. Foix estime qu'il est surtout important de savoir s'il y a la même
dose d'albumine au-dessus et au-dessous de la compression. Il ne croit pas
à la nécessité d'une cavité close pour expliquer le syndrome de Froin, il
croit que l'albumine a simplement tendance à descendre vers les parties
déclives et s'accumule au-dessous de la tumeur.
M. Mestrezat pense que la xanthochromie du liquide céphalo-rachidien
est plutôt un phénomène de stase par défaut de résorption qu'un phénomène
de compression.
M. Clovis Vincent rappelle que la rigidité avec hyperalgie rachidienne
n'est pas toujours symptomatique d'un mal de Pott, mais se voit en cas de
tumeur.
Sur le diagnostic des tumeurs médullaires avec rigidité rachidienne et cru-
rale douloureuse. Des caractères distinctifs de la rigidité rachidienne des tumeurs
et de celle du mal de Pott, par MM. Clovis Vincent et /. Chavany. — L'explo-
ration de la cavité arachnoïdienne par le lipiodol a permis d'isoler un
syndrome révélateur de certaines tumeurs radiculo-médullaires caractérisé
essentiellement par une contracture hyperalgique diffuse du rachis et des
membres inférieurs. Les troubles de la station et de la marche que présentent
ces malades sont dus pour la plus grande part à la raideur et à la douleur ;
la paralysie des membres inférieurs n'existe pas à proprement parler ou n'est
pas importante. C'est, peut-on dire, une pseudo-paraplégie par douleur et
raideur.
Ces formes peuvent être confondues avec des affections diverses, mais
particulièrement avec certains types de mal de Pott dorso-lombaire, sans
paraplégie vraie ou notable. Cependant, en l'absence de renseignements
fournis par la radiographie dont la valeur n'est d'ailleurs pas absolue, on le
sait, la rigidité douloureuse du mal de Pott présente des caractères diffé-
rents de la rigidité rachidienne douloureuse des tumeurs de la moelle.
Dans le mal de Pott, la rigidité est absolue dans la région dorso-lom-
baire. Elle est segmentaire, c'est-à-dire ne porte que sur le segment lom-
baire elle ne retentit pas ou peu à distance; il n'y a pas de raideur de la
nuque ; la contracture des masses postérieures de la cuisse est peu pro-
noncée ; ces masses ne sont pas douloureuses à la pression, à la traction, à
la tension.
Il en est tout autrement de la rigidité douloureuse du rachis et des
membres inférieurs que l'on observe au cours de certaines tumeurs radiculo-
médullaires auxquelles il a été fait allusion plus haut. Pour un segment
considéré de la colonne vertébrale, la région lombaire par exemple, la rigi-
dité n'est pas absolue; il y a une légère mobilisation des apophyses épineuses
les unes par rapport aux autres que peut percevoir le doigt qui s'insinue
entre elles. Elle est diffuse; les masses musculaires sont douloureuses à la
tension et à la pression.
Ces caractères s'expliquent si l'on veut bien se souvenir que le mal de
Pott est une maladie osseuse avant d'être une maladie nerveuse, alors que
les tumeurs radiculo-médullaires sont des maladies nerveuses et non des
maladies osseuses.
Syndrome parkinsonien post-encéphalitique avec crises de rigidité, tétanisa-
tion persistante du trapèze et des muscles de la face, par MM. Clovis Vincent
et /. Chavany. — Homme de trente-sept ans ayant présenté une encépha-
lite typique il y a deux ans. Raideur relativement légère encore, mais variable
dans son intensité d'un moment à l'autre, dans d'étroites limites à la vérité.
Après un long repos à l'hôpital, à l'abri du froid, soumis à un traitement
par l'adrénaline, il paraissait être d'une souplesse presque normale. Soumis
à l'action de l'eau froide, apparaissent de véritables crises de contracture
dans l'intervalle desquelles il reprend une attitude relativement normale.
Les premiers jours, les crises s'installent soudain en l'espace d'un instant,
de l'attitude de l'homme normal il passe ;à l'attitude du parkinsonien le plus
rigide. Parfois, sa crise s'installe d'une façon progressive, on voit la main
prendre peu à peu l'attitude de la main d'accoucheur, en commençant par
les deux derniers doigts; en même temps, tout le corps ou bien s'infléchit
de façon à reproduire l'attitude caractéristique de la maladie de Parkinson,
ou bien il s'étend d'une manière anormale le dos et la nuque rigides sont
rejetés en arrière.
Pendant la crise, les différents segments des membres du corps offrent
une contracture globale qui leur permet de maintenir des attitudes extrême-
ment fatigantes. Ordinairement la crise cesse tout d'un coup spontanément,
le malade pousse un soupir et l'on voit tous les muscles se relâcher, les membres
et le corps reprennent leur attitude normale; parfois, le malade peut la faire
cesser s'il parvient à tousser c'est là une sorte de geste antagoniste efficace
qui a été indiqué par plusieurs parkinsoniens.
Ces crises sont soumises à certaines influences générales qui, d'ordinaire,
augmentent la rigidité du parkinsonien, telles que le froid, la fatigue eu
même simplement le travail musculaire. Les causes déterminantes immé-
diates sont parfois insaisissables parfois, les crises surviennent brusquement
:

sans cause appréciable ; les auteurs les ont vues se produire sous l'influence
d'une faradisation musculaire prolongée ; peut-être l'émotion, la peur d'avoir
la crise ou même peut-être simplement l'idée de l'avoir peuvent-elles la pro-
voquer. Cette dernière notion, rapprochée des attitudes bizarres, singulières ,
presque étonnantes que prend le malade, pourrait donner à penser que ces
crises sont pithiatiques. Sans doute il est toujours difficile d'affirmer qu'une
part pithiatique ne vient pas corser un élément organique ; cependant,
MM. V. et C. croient que ces crises sont pour la plus grande part réellement
d'ordre organique il est d'autres parkinsoniens chez lesquels la contracture
s'établit brusquement dans certaines conditions; certains gestes, on le sait,
sont figés en voie d'excitation. Cet homme présente des attitudes singulières,
persistantes longtemps, quoique incommodes, reproduisant certaines défor-
mations que l'on s'accorde à reconnaître comme organiques, celle de la
tétanie par exemple. Il présente de plus certaines perturbations musculaires
d'ordre physique que la volonté est impuissante à reproduire; c'est ainsi
que le muscle trapèze garde la contraction qu'on a déterminée en le sou-
mettant à un courant tétanisant de moyenne intensité. Un phénomène de
même ordre, mais plus rare, existe chez le malade au niveau des muscles
de la face ceux-ci gardent les déformations ou les plis que détermine
l'électrisation des différentes branches du nerf facial or la volonté est
impuissante à reproduire la plupart de ces déformations.
On peut voir que ces crises, par les attitudes qui les caractérisent, par les
modifications des réactions électriques qui les accompagnent, se rapprochent
de celles de la tétanie.
Torticolis spasmodique. Guérison. — M. Babinski présente deux malades
guéris d'un torticolis spasmodique par résection du spinal.
Discussion
M. Meige estime qu'il y a deux sortes de torticolis certains s'améliorent
:

spontanément, il est inutile d'intervenir. D'autres s'aggravent, et s'étendent


davantage après l'opération. Il lui paraît préférable de ne pas intervenir.
M. Léri préconise la radiothérapie sur les racines cervicales. Ce procédé
est préférable à l'intervention chirurgicale, car il agit sur une plus grande
hauteur, et dépasse le territoire musculaire innervé par le spinal.
M. Babinski se défend d'être toujours interventionniste. Il sait qu'il y a
des cas rebelles à la thérapeutique chirurgicale, qu'il y a parfois des aggra-
vations. Il ne décide d'intervenir qu'après mûre réflexion, et en particulier
dans les cas où l'existence est devenue intolérable. Les deux cas qu'il pré-
sente en ont bénéficié.
A propos du diagnostic des compressions de la moelle, par M. Babinski.

M. Babinski rappelle l'histoire de deux malades.
Le premier se présentait avec des signes de paraplégie spasmodique et
des signes cliniques nets permettant de délimiter le siège d'une compression.
Une radiographie de la colonne vertébrale, avant lipiodol, montrait une
masse devant la colonne vertébrale.
D'autres radiographies furent pratiquées sous le contrôle lipiodolé une
injection de lipiodol haute, une injection de lipiodol basse.
Cette méthode permit de mettre en évidence une compression exactement
au siège que faisait prévoir la clinique.
Après avoir pensé à un'abcès par congestion, on a émis l'hypothèse de
tumeur et une intervention pratiquée, par M. de Martel, a mis en évidence
une tumeur présentant l'aspect d'un abcès pottique, tumeur intra-rachidienne
communicant avec la masse prévertébrale visible sur les radiographies sans
lipiodol. Cette tumeur avait dû se développer aux dépens des vestiges de la
notocorde.
Le deuxième malade présentait un syndrome de Brown-Séquard. La
clinique permettait de diagnostiquer le siège de la compression, mais, à
cause de la concordance des limites des réflexes de défense et des troubles
sensitifs, on pouvait penser qu'il s'agissait d'une tumeur intramédullaire.
Les radiographies,après injection de lipiodol 1° cervical ; 20sous-tumoral,
ont permis de mettre en évidence le contour même de la tumeur sur une
même radiographie.
Le malade n'est pas opéré encore.
L. GIROT.

II. — Société médico-psychologique


SÉANCE DU 28 AVRIL 1924

Présidence de M. Truelle
Sur un cas de paralysie générale incipiens. — MM. H. Claude, Targowla et
Santenoise montrent un malade qui, après une phase d'excitation psychique
cohérente, sans délire ni démence, présenta un redoublement d'excitation
avec vagues idées délirantes, céphalée et vomissements qui purent être rat-
tachés à une hémorragie méningée. La réaction de Bordet-Wassermann était
positive dans le liquide céphalo-rachidien. Traité et considérablement amé-
lioré, le malade allait sortir, mais une nouvelle ponction lombaire révéla
un syndrome humoral paralytique. Ces caractères du liquide céphalo-rachi-
dien, joints à l'action dissociée de la thérapeutique,firent retenir le malade.
On constata ensuite la disparition progressive de haut en bas et asymétrique
des réflexes tendineux, l'éclosion de la dysarthrie, et de troubles oculaires
discrets. Au point de vue mental, euphorie, docilité, légère irritabilité, sans
démence. Ce syndrome qui s'est développé malgré le traitement, la persis-
tance d'un syndrome humoral à peu près immuable, l'excitation psychique
polypragmatique antérieure, la notion de la syphilis dans les antécédents
conduisent les auteurs à poser le diagnostic de paralysie générale et à pré-
ciser les éléments de la période présymptomatique de la maladie de Bayle.
M. Truelle préfère au terme de période présymptomatique, le terme de
période préparalytique des auteurs anciens. On ne peut en effet parler d'une
phase de la maladie dépourvue de tout symptôme clinique. Il relève égale-
ment les contradictions de ce malade comme le signe d'une très légère
déficience intellectuelle.
M. H. Colin insiste sur ce fait qu'il ne faut pas attacher une importance
excessive et exclusive aux signes humoraux. Les signes cliniques conservent
une valeur capitale dans le diagnostic de la paralysie générale.
État de mal épileptique consécutif à la suspension du traitement par le gar-
dénal. — M. Trenel rapporte le cas d'un malade épileptique ancien, et en
traitement dans son service par le gardénal. Ce malade étant parti en per-
mission cessa, malgré les recommandations qu'on lui avait faites, de prendre
son gardénal et mourut à la suite d'un état de mal. M. Trenel insiste à ce
sujet sur la nécessité, lorsqu'on envoie un malade de ce genre en permission,
de lui donner un ordre écrit de continuer son traitement. Il signale en outre
un cas d'état de mal survenu au cours du traitement par le gardénal, état de
mal ayant évolué vers le decubitus acutus et la mort.
M. Marchand insiste également sur l'importance de veiller à la continuité
du traitement par le gardénal, surtout chez les malades de consultation
externe. Il a constaté aussi des cas d'état de mal au cours du traitement par
le gardénal, mais il a l'impression que ces phénomènes sont moins fréquents
avec le gardénal qu'avec le traitement bromuré.
Actes délictueux et pervers à l'occasion d'états intermittents frustes. —
MM. Truelle et Reboul-Lachaux rapportent deux observations de perversions
instinctives au cours d'états intermittents. Ces deux malades présentent des
antécédents héréditaires chargés. Tous deux ont été sujets à des alternatives
d'accès d'excitation et de dépression, assez frustes toutefois. En somme, il
s'agit d'accès maniaques un peu atypiques avec antécédents héréditaires, en
d'autre terme de psychose intermittente sur un fond dégénératif. Les actes
qui sont résultés de cet état ont présenté un certain intérêt médico-légal,
notamment en ce qui concerne la deuxième malade qui a fait un vol dans un
grand magasin. Les auteurs rapprochent des faits de ce genre de certaines
tendances impulsives et de perversions morales consécutives à l'encéphalite
léthargique dont M. Reboul-Lachaux a rapporté un cas à la dernière séance
de la Société médico-psychologique.
M. Targoïola rappelle l'observation d'un malade analogue qu'il a présenté
avec MM. H. Claude et Santenoise.
M. Pactet signale la fréquence de ces manifestations chez les intermit-
tents.
M. H. Claude pose la question de savoir quels sont les rapports qui
existent entre les troubles moraux des dégénérés constitutionnelset les troubles
de même nature consécutifs à l'encéphalite. Il semble bien qu'il y ait lieu de
faire une distinction entre ces deux ordres de perversions, les unes en rap-
port avec la constitution du sujet, les autres paraissant acquises dans un
grand nombre de cas. La conservation fréquente de l'autocritique clans l'en-
céphalite et le regret de l'acte soulignent encore cette différence.
Sur un cas d'obsessions d'origine intellectuelle. — M. et Mme Minkowski
présentent un malade atteint de tics multiples, d'obsessions et surtout de
doute de ses sensations. Le malade est hanté continuellement par le doute
de la solidité des murs de la maison qui l'abrite; il est atteint aussi de la
manie de la symétrie et marche dans la rue à égale distance des deux ran-
gées de maison. Les auteurs font l'analyse psychologique de cet état obses-
sionnel qu'ils rattachent chez ce malade à un souci incessant d'analyse et à
la prédominance excessive dans sa vie psychique des facteurs intellectuels.
H. BARUK.

III. — Société clinique de médecine mentale


SÉANCE DU 14 AVRIL 1924

Présidence de M. Toulouse
Délire interprétatif et traumatisme, par MM. Henri Claude, A. Borel et
Paul Abély. — Il s'agit d'une malade qui présente dès son enfance une double
constitution paranoïaque et imaginative. A la suite d'un traumatisme, occa-
sionné par un accident d'automobile, ces deux constitutions se libérèrent et
s'amplifièrent à la faveur, d'ailleurs, d'une hyperémotivité consécutive à la
commotion et favorisèrent l'éclosion d'un délire à thème interprétatif familial
avec appoint imaginatif. Le polymorphisme actuel de ce délire doit faire
réserver le pronostic.
Paralysies générales stationnaires et prolongées. Rapports du syndrome
clinique et de la formule humorale. — M. P. Carette (Service du docteur
Capgras) présente deux malades entrées dans la paralysie générale il y a cinq
ans. Chez la première, les signes cliniques sont ceux de la forme démentielle
simple, le syndrome humoral, sauf une légère hyperalbuminose, est négatif
et en rapport avec l'arrêt prolongé de l'évolution. Chez la deuxième, la
maladie, quoique modifiée dans son allure, ne s'est pas aggravée et cependant
les altérations du liquide céphalo-rachidien constatées à cinq reprises sont
celles de la syphilis nerveuse en évolution. Comme dans certains de ces cas
atypiques, il y a lieu d'attribuer ce désaccord apparent entre le syndrome
clinique et la formule humorale, à l'existence de foyers inflammatoires déter-
minant les symptômes de localisation constatés dans le cas présent halluci-
nations auditives et cénesthésiques, troubles paréto-ataxiques prédominants
à la face, troubles spasmodiques au niveau des membres inférieurs.
Étude des variations de l'état du système neuro-végétatif chez un obsédé.
(Présentation de malade.) — MM. Claude, Santenoise et Vidacovitch pré-
sentent un obsédé qu'ils ont suivi quotidiennement pendant plusieurs mois
au point de vue clinique, psychologique et biologique.
Ce malade présente des crises d'obsessions-impulsions, c'est un dégénéré
avec stigmates physiques et psychiques.
Schématiquement, les manifestations morbides se sont présentées sous
trois formes
1° Crises anxieuses avec idées obsédantes: dans ce cas, le R. O. C. et le
réflexe solaire sont fortement positifs;
2° État anxieux avec excitation psychique, mais sans crises ; dans ce cas,
on note un état d'hypervagotonie ;
3° État d'hyperémotivité simple dans ce cas, on trouve seulement une
;

hypersympathicotonie.
A côté des variations spontanées des manifestations morbides, on a pu
provoquer d'autres manifestations à la suite d'administration d'agents phar-
maco-dynamiques modificateurs du système nerveux végétatif.
De ces constatations, on peut tirer une double conclusion
1° Certains états obsédants sont étroitement liés à l'hypertonie du vague
et du sympathique ;
2° En diminuant cet éréthisme neuro-végétatif par une médication, par
le gardénal, la belladone et le crataegus, on peut obtenir des améliorations
notables.
Coexistence d'hallucinations sensorielles et psychiques, par MM. D. Sante-
noise, H. Codet et Paul Abély. — Il s'agit d'un malade qui, au cours d'un
état d'excitation avec vagotonie, présente à la fois des hallucinations psy-
chiques et sensorielles.
Le malade les différencie lui-même très nettement, tant par leur origine
« Les unes, dit-il, venant de mon cerveau, les autres de bouches étrangères »,
que par la teinte affective les premières étant encourageantes et favorables,
les deuxièmes agressives.
Les premières apparurent et s'éteignirent lentement et progressivement
en même temps que l'automatisme mental. Les secondes eurent une appari-
tion et une extinction brusques. Enfin le malade, actuellement guéri, réduit
et discute très bien les hallucinations psychiques, il garde au contraire une
foi absolue en l'existence des hallucinations sensorielles.
Ainsi se manifeste ici clairement la différence clinique de ces deux sortes
d'hallucinations
Un cas d'hérédo-syphilis. Maladie de Recklinghausen. (Présentation de
malade.) — Le docteur Marie présente un cas de maladie de Recklinghausen
chez une jeune fille hérédo-syphilitique de vingt-quatre ans (W -f-). Le
membre inférieur gauche est hypertrophié et épaissi avec pigmentation
bronzée. La malade, depuis la puberté, présente un curieux cas d'obsession
zoophilique érotique vis-à-vis d'un cheval auquel elle envoie des lettres
sentimentales curieuses depuis des mois.
H. COLIN.

ANALYSES

Neurologie
SALMON. Le mécanisme des causes des réflexes de défense. (Cervello
II février 1923. Naples.)
Ces réflexes se distinguent des autres réflexes spinaux cutanés et tendi-
neux, ils n'obéissent pas aux mêmes lois et se rencontrent dans la syringo-
mycélie, la maladie de Friedreich, les sections incomplètes de la moelle
dans lesquelles les autres réflexes médullaires sont diminués ou abolis. Les
réflexes de défense sont souvent associés à des exagérations de réactions
vaso-motrices et pilo-motrices, notamment dans la cyanose asphyxique du
nouveau-né. Ces particularités semblent s'expliquer par une lésion du sys-
tème sympathique. Les troubles sympathiques et les réflexes de défense dis-
paraissent ou apparaissent dans les mêmes conditions, ils s'accentuent par
l'ischémie, notamment sur les membres, lorsqu'on y place une bande d'Es-
marck. Lorsque la moelle a été complètement sectionnée, ils existent lorsque
le membre est douloureux et ont un caractère myotonique dans les cas où
l'hyperexcitabilité idio-musculaire et sarcoplasmatiqued'origine sympathique
coexistent. Il est donc probable que le sympathique joue un rôle dans la
genèse de ce réflexe, lorsqu'il est hyperexcité. Ce serait cette origine sympa-
thique qui expliquerait la grande diffusion de ce symptôme, mais est-ce dans
la corne latérale qu'il faut localiser le centre de ce réflexe ou dans les filets
sympathiques qui courent le long des racines postérieures des nerfs ?
L. WAHL

BERGER (IÉNA).Sur la fièvre dite unilatérale. (Zeittt. f. d. ges. Neurol. u.


Psycho Vol. LXXXIV, 22 septembre 1923, p. i36.)
Dans un cas de tumeur cérébrale que l'autopsie a permis de localiser au
tiers supérieur du gyrus prgecentralis gauche, l'auteur avait remarqué des
différences de température entre les deux côtés du corps. Cette différence,
mesurée dans les creux axillaires droit et gauche, comportait jusqu'à un degré
et plus, au profit du côté opposé à la lésion. Berger pense que cette différence
de température entre les deux côtés est due à la paralysie des vaso-constric-
teurs au membre supérieur droit, paralysie vaso-motrice due à l'hémiparésie
droite produite par la tumeur.
Les fièvres unilatérales ont une origine vaso-motrice et ne doivent pas être
confondues avec les fièvres « cérébrales », dont le mécanisme est tout dif-
férent. Elles ont, par contre, une valeur diagnostique de localisation : le cas
de Berger vient confirmer les données expérimentales obtenues chez l'ani-
mal par de nombreux auteurs et permettent d'attribuer la fièvre dimidiée à
un processus localisé dans l'écorce de la région motrice.
P. SCHIFF.
MAGGAUDA. Sur une action spéciale de la pilocarpine dans le cas de
lésion cérébrale. (Rivista sperimentale di freniatria, janvier 1923.)
Tous les sujets dont le faisceau pyramidal est atteint et auxquels on injecte
de la pilocarpine ont, outre les phénomènes classiques, de l'augmentation, de
la spasticité et de l'exagération de la réflectivité du côté malade (patellaire,
achilléen) de l'augmentation du tremblement. Ce tremblement apparut même
dans un cas d'encéphalite léthargique dans lequel jusqu'alors il avait manqué.
La même exagération de la réflectivité a été vue chez des épileptiques unilaté-
raux. Ces faits paraissent analogues à ceux signalés par Déjerine et Froment
chez des blessés de guerre, après immersion des pieds pendant un quart
d'heure dans un pédiluve chaud. Le chlorure d'éthyle le fait cesser (Noica).
Si l'on injecte de l'adrénaline une demi-heure après la pilocarpine, il y a
retard ou disparition du phénomène. Les deux actions diaphorétique et exci-
tatoire paraissent indépendantes l'une de l'autre, car cette dernière paraît de
cause directe et l'autre due à la réflectivité. On a donc là un réactif délicat qui
permet de déceler de légères altérations du faisceau pyramidal.
L. WAHL.

G. FERRUCCIO. Sur une action singulière dela pilocarpine dans les lésions
cérébrales et particulièrementles phénomènes unilatéraux de l'épilepsie.
(Rivista sperimentale di (reniatria, janvier 1923.)
La pilocarpine détermine une exaltation des phénomènes hémilatéraux des
hémiplégiques et dans la paralysie infantile : tremblement parkinsonien, réflexe
tendineux exagérés. Le côté malade présente une sudation moins nette et
des troubles de la sensibilité moins marqués. De même chez les épileptiques
unilatéraux jeunes pendant les accès. Il semblerait donc que, dans les cas
pathologiques, la pilocarpine (Albertoni) aurait une action convulsivante
directe ou indirecte, ce dernier point est difficile à préciser : est-ce une
séquelle avec légère altération du cortex de l'un des hémisphères qui amè-
nerait une légère action convulsivante de la pilocarpine sur le pallium, action
qui n'existe pas normalement? L. WAHL.
AGAGLIA et LEANZA. Quelques constatations sur la pression sanguine
chez les hémiplégiques. (Rivistaltalianadineurologia,psichiatria e d'elet-
troterapia, janvier 1923.)
On sait que l'injection d'adrénaline peut amener une différence de pression
entre les deux côtés chez les hémiplégiques ; ce fait est difficile à interpréter.
Quoi qu'il en soit, l'injection d'adrénaline serait peut-être une épreuve qui
permettrait par ses variations d'apprécier les chances de rétablissement des
fonctions d'un membre paralysé. L. WAHL.

M. MYRTELLE et M. CANAVAU. Hémiplégie sans lésions cérébrales


visibles dans la pneumonie des aliénés. (The American Journal of Psy-
chiatry, juillet 1923, p. 81.)
L'auteur insiste sur les caractères spéciaux et les difficultés de diagnostic
que présentent beaucoup de maladies somatiques chez les aliénés. Ces diffi-
cultés tiennent en partie à l'insuffisance des renseignements obtenus par l'in-
terrogatoire et à l'absence de coopération entre le malade mental et le méde-
cin. C'est ainsi que le diagnostic différentiel dans les services de psychiatrie,
entre la pneumonie et l'hémorragie cérébrale est parfois fort difficile à
trancher l'auteur a constaté de nombreux cas où, malgré une histoire clinique
d'hémorragie cérébrale (ictus, coma, membres retombant lourdement d'un
côté), l'autopsie ne montrait aucune lésion du cerveau, mais permettait de
constater, par contre, un bloc de pneumonie ou des îlots de bronchopneu-
monie. L'examen du pouls qui est ralenti dans l'hémorragie cérébrale, et la
ponction lombaire qui peut montrer parfois en pareil cas un liquide hémor-
ragique constituent les deux éléments principaux du diagnostic. Toutefois,
si l'on étudie les statistiques, on constate que la proportion d'hémorragies -
cérébrales dans les asiles d'aliénés est infiniment plus faible que celle des
pneumonies et bronchopneumonies. Ces dernières affections sont parmi les
plus fréquentes causes de mort.
H. BARUK.
GRAZIANI. Contribution à l'étude de l'artério-sclérose cérébrale. (Thèse
inaugurale. Sao Paulo. Brochure, 1923.)
La genèse de l'artério-sclérose d'après les théories modernes n'est pas,
comme on le croyait autrefois,facteur des régimes alimentaires, mais une con-
séquence des processus endocriniens. Dans l'axe cérébrospinal il y a des
formes cliniques mentales et d'autres liées à des lésions anatomiques. Les
premières sont légères, graves ou démentielles. Chacune d'elles a sa sympto-
matologie, son évolution et son début qui permettent de la reconnaître. Les
types anatomiques sont : a) gliose vasculaire d'Alzheimer; b) l'état vermoulu
de Pierre Marie; c) l'encéphalite sous-corticale chronique de Binswanger;
d) la dégénérescence cérébrale progressive des artério-scléreux ; e) la mortifi-
cation cérébrale sénile.
Toutes ces formes sont fondées sur l'anatomie pathologique et se traduisent
par des tableaux cliniques bien définis. Telle est, dit l'auteur, la justification
de cette classification à première vue anormale. L. WAHL.
FRANCIONI. Sur un cas d'aphasie verbo-motrice par lésion du noyau
lenticulaire gauche. Contribution anatomo clinique. (Rivista sperimen-
tale di freniatria, janvier 1923.)
L'auteur admet que, contrairement à la doctrine de Pierre Marie,l'aphasie
verbo-motrice peut être absolument pure, et, avec Mingazziniri, que le noyau
lenticulaire ne contient pas des voies motrices verbales; dans le cas actuel
l'aphasie avait été complète. L. WAHL.

CATANEO. Les formes dégénératives et régénératives des voies visuelles


e
à la suite des lésions du nerf optique. (Rivista di patologia nervosa men-
tale, mars-avril 1923.)
Dès le début, les lésions histologiques apparaissent dans l'ensemble des
voies optiques depuis la rétine jusqu'aux centres visuels primaires. Dans un
premier stade les fibres, surtout celles du bout cérébral, dégénèrent
à partir de leur extrémité libre, en effet elles ne sont plus en rapport avec
leur centre d'origine et disparaissentsauf quelques fibres centrifuges de direc-
tion inverse à celle des autres fibres du troncon — les fibres du boutrétinien
résistent parce qu'elles ne sont pas séparées de leur centre trophique, la cel-
lule ganglionnaire de la rétine, et plus tard elles se régénèrent en partie, mais
beaucoup d'entre elles ont disparu, ainsi que leur cellule ganglionnaire. Dans
les centres cérébraux apparaissent précocement des anneaux, des plaques,
des boutons qui chez les oiseaux se dirigent du côté opposé à la région sec-
tionnée, tandis que chez les mammifères on en rencontre aussi du côté lésé
surtout dans le corps géniculé externe. Mais peu à peu ces phénomènes
réactionnels disparaîssent et on a la dégénérescence par l'atrophie des fibres
optiques sur tout le trajet depuis le niveau de la section jusqu'aux centres
primaires.
L. WAHL.

AGOSTA. Les troubles généraux et les lésions histologiques diffuses dans


les tumeurs intra-craniennes. Contribution à la pathogénèse et au
diagnostic des tumeurs cérébrales. Rivista sperimentale di freniatria,
janvier IQ23.)
On sait qu'assez fréquemment les tumeurs cérébrales, tout en donnant
naissance à des phénomènes généraux graves ne sont point susceptibles d'être
localisées avec précision. Cependant des connaissances plus approfondies de
pathologie générale peuvent servir à éclairer le problème. Il arrive souvent
que l'on considère comme phénomènes généraux des signes qui sont bel et
bien fonction de la localisation : tout particulièrement dans les cas de tumeur
du corps calleux dans lesquels les phénomènes psychiques sont graves, pré-
coces et quelquefois caractéristiques.
L. WAHL.
H. KOGERER (Vienne). — Encéphalite ayant simulé une tumeur cérébrale
(Zeitychrijt t. d. ges. Neurol. u. Psycho vol. LXXXIV, N°s 1 et 2, 22 sept.
1923, p. 215.)
Il s'agit d'une jeune femme de vingt-neuf ans chez laquelle apparaissent
brusquement des signes d'hypertensionintracranienne céphalées et vomis-
:

sements. Pas de stase papillaire. Examen neurologique négatif; cependant,


à l'époque des règles surtout, phénomènes transitoires d'aphasie. Quatre
mois plus tard, la présence d'une aphasie totale fait décider une intervention.
Le volet est pratiqué dans la région temporale gauche. On note une pression
intracranienne élevée, mais pas de tumeur. La malade reste aphasique. Une
stase papillaire bi-latérale s'installe, en même temps qu'une extrême agitation.
En septembre, on remarque une déviation conjuguée des yeux vers la
gauche. Ceux-ci ébauchent quelques mouvements lorsqu'on éclaire brusque-
ment la malade à gauche, alors que l'éclairage à droite ne paraît pas être
perçu. Réactions pupillaires normales.
A l'examen neurologique, contracture des extrémités droites qui ne font
pas de mouvements actifs, quelques mouvements possibles de la jambe
gauche qui est en contracture également. Le membre supérieur gauche est
normal. Les réflexes tendineux et périostés sont augmentés, pas de clonus.
Le réflexe abdominal est aboli à droite. Les cutanés plantaires se font en
flexion, la sensibilité paraît intacte. La malade succombe un mois plus tard.
A l'examen anatomique le cerveau est un peu œdématié, bien vascula-
risé, sans trace de tumeur. Sous les coupes histologiques, on trouve dans
les deux hémisphères, sans aucune localisation particulière, des modifica-
tions qui consistent surtout en une hyperhémie capillaire considérable. Dis-
persés dans les deux hémisphères cérébraux existent des foyers d'étendue
variable, en rapport avec le système vasculaire, et constitués par un réseau
de vaisseaux plus ou moins gros à parois irrégulières. A d'autres endroits
les vaisseaux sont thrombosés ou en voie d'organisation. L'infiltration,
d'ailleurs, s'étend à la périvasculaire et forme, en certaines places, des
nodules miliaires composés surtout de lymphocytes, de quelques cellules en
fuseau riches en protoplasma que l'auteur considère comme des fibroblastes,
et d'amas pigmentaires. La réaction de la névroglie est très caractéristique
dans tout le cerveau, et surtout dans la substance grise, on voit de grosses
cellules fusiformes qui s'accumulent surtout autour des gros foyers en rap-
port avec les vaisseaux. Il n'y a pas de véritable prolifération de la névroglie,
mais plutôt une réaction secondaire. Par contre, les éléments nerveux eux-
mêmes sont remarquablement peu atteints les fibres nerveuses sont par
endroits interrompues par un gros foyer; dans le voisinage de ceux-ci il
existe parfois un peu de tuméfactiontrouble des cellules, mais il n'y a nulle
part de processus de neuronophagie.
En résumé, dans ce cas qui, du point de vue clinique, se présentait avec
les signes généraux et les symptômes de localisation d'une tumeur cérébrale
de l'hémisphère gauche, l'examen anatomique révèle la présence d'un pro-
cessus d'encéphalite non suppurée, étendu aux deux hémisphères, détermi-
nant des lésions impurtantes de l'appareil vasculaire, des infiltrations
périvasculaires, une réaction secondaire de la névroglie, sans véritable par-
ticipation des éléments nerveux.
Pas plus que la marche clinique de la maladie, les lésions anatomiques
ne pouvaient d'ailleurs, selon l'auteur, permettre dans ce cas le diagnostic
d'encéphalite épidémique les altérations étaient uniformément disséminées
et ne montraient aucune prédominance aux corps striés ni aux noyaux des
nerfs craniens ; d'autre part, ces lésions respectaient la substance nerveuse
proprement dite.
S. SCHIFF-WERTHEIMER.

GEORGE HASSIN. Note sur l'histopathologie comparée de la poliomyélite


antérieure aiguë et de l'encéphalite épidémique. (Archives of Neurology
and Psychiatry. Vol. XI, n° i, janvier 1924, p. 28.)
L'encéphalite épidémique et la poliomyélite épidémique sont des inflam-
mations aiguës qui s'étendent à tout le système nerveux, avec une prédomi-
nance aux noyaux gris centraux dans la première affection, à la moelle
épinière dans la seconde. Dans ces deux maladies, il est des cas où les deux
régions, mésocéphale et moelle, sont également atteintes et le diagnostic
alors devient difficile, au point que Haüptli proposait de confondre en une
seule entité morbide les deux processus. C'est ainsi que Hassin a pu observer
un cas d'encéphalite où l'atteinte médullaire était aussi forte que dans une
paralaysie infantile et un cas de poliomyélite où la protubérance et les
noyaux gris centraux étaient aussi touchés que dans une encéphalite. L'au-
teur montre que, même dans ces deux cas, par une étude histopathologique
précise, on peut mettre en évidence des différences caractéristiques.
Dans les deux cas, on trouve une dégénérescence des cellules ganglion-
naires de la moelle, du bulbe et du mésocéphale; dans les deux cas une
dégénération des fibres nerveuses issues des cornes latérales et des racines
antérieures de la moelle. En outre, il existe dans les deux cas une proliféra-
tion névroglique étendue de la moelle aux noyaux gris et quelquefois au
cervelet et au cortex, une infiltration périvasculaire très accusée, composée
de lymphocytes et de plasmazellen, enfin l'irruption de ces éléments hémato-
gènes dans le canal épendymaire. Ce dernier fait semblerait prouver qu'il y
a une circulation lymphatique, à partir des espaces périvasculaires, non seu-
.
lement vers les espaces sous-arachnoïdiens, mais aussi vers le canal épendy-
maire.
Des différences subsistent néanmoins l'étendue et l'intensité de l'infiltra-
tion périvasculaire sont beaucoup plus accusées dans la poliomyélite que
dans l'encéphalite, mais ce sont surtout les lésions parenchymateuses, beau-
coup plus fortes dans la poliomyélite, qui peuvent servir au diagnostic dif-
férentiel. Le virus de la poliomyélite antérieure aiguë doit être beaucoup
plus toxique que celui de l'encéphalite.
P. SCHIFF.
TAROZZI. Lésions anatomo-histologiques dans un cas de syndrome de Par-
kinson post-encéphalitique. (Rivista sperimentale di freniatria, i5 mai
1923).
Ces lésions consistent essentiellement dans des phénomènes d'atrophie et
de disparition progressive des éléments nerveux, et peuvent être interprétées
comme la conséquence d'actions toxiques les ayant atteint dans la période
aiguë de l'encéphalite. Ces syndromes varient donc beaucoup suivant les
points qu'ils attaquent. Dans le cas de l'auteur, il y avait de la rigidité parkin-
sonienne, et des altérations du locus niger dont les cellules ont totalement
disparu sur place. Au pied des pédoncules, zones de raréfaction et d'altéra-
tion dystrophiques des cellules. Le corps strié présente des lésions peu
nettes. Cà et là, autres lésions très disséminées dans l'axe cérébrospinal.
L. WAHL.

BELLAVITA. Syndrome parkinsonien post-encéphalitique. Contribution


anatomo-pathologique et clinique. (Archivio générale di neurologia, psi-
chiatria e psichanalisi, 3o décembre 1921.)
Altérations évidentes de tout l'encéphale et particulièrement du pont, des
pédoncules cérébraux des noyaux de la base, de la capsule interne, du centre
ovale et du cortex. Le plus atteint est le système pallidal. Remarquons le
contraste entre ce cas, où les altérations histologiques ont été faciles à mettre
en évidence, et les cas de Parkinson vulgaire, où elles restent douteuses ou
floues. Cependant l'auteur, comme Lhermitte, n'identifie pas la vraie paralysie
agitante avec les séquelles de la maladie d'Economo-Netter.
L. WAHL.

WILLIAM G. LENNOX, MARIE F. O. CONNOR et L. H. WRIGHT. Études


sur le métabolisme des composés azotés dans l'épilepsie. (Archives of
Neurology and Psychiatry. Vol. XI, n° l, janvier 1924, p. 54.)
C'est un dogme médical presque unanimement accepté que les troubles
du métabolisme azoté jouent un rôle étiologique dans l'épilepsie et beaucoup
d'auteurs ont rapporté de bons effets obtenus dans le traitement des épilep-
tiques par une alimentation pauvre en purines. Le fait a été parfois contesté,
ainsi par Gerolamo Cuneo (Riv. sperim. di freniat.,31 janvier 1922). Beaucoup
d'études anciennes sur ce sujet sont d'ailleurs à reprendre, les méthodes
employées ayant été reconnues depuis comme imparfaites. Il n'est pas permis
d'assimiler entre eux sans hésitation les accès épileptiques et les accès con-
vulsifs au cours des néphrites ou de l'éclampsie puerpérale.
Les auteurs ont donc entrepris de nouvelles recherches sur la question,
en utilisant les techniques plus récentes de Folin et Wu. Leur article con-
stitue le sixième mémoire d'une série de travaux entrepris avec l'aide finan-
cière du « Comité pour l'étude de l'épilepsie » (New-York) et du « Fonds de
l'École d'Harvard pour l'étude des maladies chroniques ». Ils ont examiné
129 cas d'épilepsie choisis parmi les i 3oo épileptiques du dispensaire neuro-
logique de Boston; la plupart des cas examinés relevaient de l'épilepsie dite
essentielle.
Les auteurs donnent un compte rendu détaillé des chiffres trouvés, avec
courbes à l'appui. Dans chaque série de recherches ils ont effectué des
dosages de contrôle sur des normaux.
La conclusion à laquelle ils arrivent est que, chez les épileptiques, les
chiffres de l'urée sanguine, de l'azote total, des acides aminés, de l'acide
urique et de la créatinémie ne varient que dans des limites normales. Il n'y a
pas d'augmentation des chiffres avec l'âge, et le sang des périodes interca-
laires, comme celui qui est prélevé quelques minutes avant une crise, n'offre,
lui aussi, que des différences minimes et telles qu'on peut les trouver, à des
prises successives, chez tout individu non épileptique.
P. SCHIFF.
BONOLA. La thérapeutique spécifique dans les maladies syphilitiques du
système nerveux. (Rassegna di studi psichiatrici, mars-juin 1923.)
Après de nombreuses expériences et s'appuyant sur les idées théoriques
généralement admises aujourd'hui, l'auteur pense que les neuro-syphilis sont
susceptibles d'un traitement utile et rationnel. Mais il est indispensable que
le diagnostic soit aussi précoce que possible. Il faut donc avoir recours au
plus tôt aux réactions humorales de B.-W. et de Lange etc. Il résulte que
ces principes doivent servir de guide à la prophylaxie et au traitement de ces
localisations spécifiques particulièrement à celui par l'arséno-benzol dont
Bonola examine à fond les indications et les contre-indications, les dangers
et, dans la mesure du possible, le moyen de conjurer ces derniers.
L. WAHL.
Psychiatrie
ALBERT C. BUCKLÈY. Quelles sont les ressources que les diverses sciences
à
peuvent apporter la psychiatrie? (The American lournal of Psychiatry,
octobre 1923, p. 285.)
A l'heure actuelle, la psychiatrie ne peut plus se contenter d'une simple
classification clinique des syndromes. Elle doit pousser plus avant, notam-
ment dans le domaine étiologique et thérapeutique ; pour cela, elle doit
faire appel aux diverses sciences qui ont apporté à la médecine de sérieuses
contributions. L'auteur envisage successivement les rapports de l^psychiatrie
avec la physique qui étudie l'activité cellulaire, la chimie qui étudie les
modifications humorales, la biologie générale qui éclaire certains aspects du
problème de l'hérédité, l'anatomie pathologique qui a permis d'identifier
certains syndromes de localisation cérébrale, d'isoler la paralysie générale,
la physiologie surtout dans son étude des glandes endocrines, enfin la psy-
chologie qui cherche à expliquer le mécanisme de beaucoup de psychoses.
Si l'on envisage d'une façon plus générale les rapports de la psychiatrie et
de ces diverses sciences, on peut, suivant l'auteur, rattacher l'attitude actuelle
des psychiatres à trois conceptions très différentes la première constitue la
théorie organiciste qui considère tous les troubles mentaux comme secon-
daires à des lésions anatomiques ou à des vices de développement du sys-
tème nerveux. La seconde, ou théorie psychogénétiste, considère au contraire
le syndrome mental comme primitif. Les lésions ou les troubles fonctionnels
du névraxe seraient secondaires. Les partisans de cette théorie font jouer un
rôle considérable à l'inconscient, dont les manifestations se traduisent en
grande partie dans le rêve, et au mécanisme du refoulement. La troisième
conception, ou conception psychobiologique, est une conception mixte. Elle
reconnaît qu'un grand nombre de psychoses ne semblent pas reposer sur une
base anatomopathologique, mais qu'elles peuvent être déterminées en partie
par de nombreuses perturbations somatiques (infections, intoxications,
troubles endocriniens, troubles du métabolisme). En somme, les manifesta-
tions mentales et somatiques sont étroitement intriquées, et il est impos-
sible de déterminer lesquelles de ces manifestations sont primitives ou
secondaires.
H. BARUK.
LAUZIER. Contribution à l'étude du métabolisme basal dans les maladies
mentales. (Thèse de Paris, 1923.)
Le métabolisme basal est l'énergie, exprimée en grandes calories, dépensée
par heure et par mètre carré de surface du corps, lorsque le sujet est au repos,
à jeun et en équilibre thermique. C'est la quantité de chaleur minima émise
par l'organisme. L'auteur, après avoir exposé d'une façon claire et concise
le principe et la technique de la méthode, garde cependant une saine et
méfiante critique vis-à-vis de sa précision possible.
Parmi les maladies mentales, il en est quelques-unes où le taux du méta-
bolisme basal demeure dans des limites normales. Les psychoses systémati-
sées, la démence précoce, la paralysie générale dans les stades du début sont
du nombre. Il en est de même de l'épilepsie en dehors des crises et du mon-
golisme.
Le métabolisme est très nettement augmenté dans la maladie de Basedow
et dans les syndromes hyperthyroïdiens. L'accroissement est encore très
accusé chez tous les malades atteints de tremblements ou de mouvements
involontaires, comme les choréiques. On constate enfin une tendance à l'élé-
vation du chiffre du métabolisme chez les alcooliques chroniques et les
mélancoliques anxieux.
Par contre, l'abaissement du taux du métabolisme caractérise le myxœ-
dème. Au cours de son traitement, la détermination en série de la valeur du
métabolisme permet d'administrer la quantité d'extrait thyroïdien appropriée
à chaque cas. Il y a également abaissement de l'échange des gaz dans la
paralysie générale à une période avancée, dans la mélancolie et la démence
sénile. Enfin on trouve un abaissement notable du métabolisme au cours
des manifestations tardives de l'encéphalite épidémique. Des déterminations
successives du métabolisme ont permis à l'auteur de suivre l'évolution de
cette maladie, les effets du traitement et l'action de la scopolamine.
Outre ces diverses constatations, M. Lauzier a pu se rendre compte que
si l'influence des perturbations thyroïdiennes est indéniable sur le taux du
métabolisme, d'autres facteurs physiologiques ne sont pas à dédaigner
tremblements, intensité des troubles vaso-moteurs, pour l'augmentation ;
sécheresse de la peau, diminution de l'activité physique et intellectuelle,
rigidité musculaire, pour l'abaissement.
H. CODET.
J. TIRETTA. Sur la réaction de Moriz Weisz dans les maladies men-
tales et les affections tuberculeuses. (Rivista sperimentale di frenatria,
15 mai 1923).

Il s'agit de la réaction de l'urochromogène ou épreuve du permanganate.


L'auteur ne résout point la question de la signification intime de cette
réaction, question qui relève plutôt du chimiste que du médecin.
Elle existe même dans la tuberculose, même localisée, et a une valeur
diagnostique relative à côté des autres réactions humorales pratiques. Jus-
qu'ici, au point de vue pronostic, sa valeur est plus grande d'autant que l'état
général est plus mauvais. La technique étant des plus simples, cette réaction
paraît devoir être employée par tous les praticiens. Dans les maladies
mentales, elle est presque continuellement négative. Elle n'aurait donc d'im-
portance en neuro-psychiatrie que lorsqu'on soupçonne une tuberculose
latente concomitante.
L. WAHL.

E. GIARLO. Nouvelles études sur la nature des maladies mentales consi-


dérées jusqu'ici comme cryptogénétiques, et en particulier démonstration
de l'existence de psycfioses dues à des toxi infections par le bacille de
Koch. N ote préliminaire. (Rivista sperimentale di frenatria, mai 1923.)
Beaucoup de schizophrénies, d'hébéphrénies, de paranoïas hallucinatoires,
de démences, de manies et de lypémanies paraissent liées à des infections de
nature indéterminée. Un grand nombre d'entre elles, et surtout les confusions
hallucinatoires et les épilepsies, sont en relation avec le bacille de Koch.
L'auteur va jusqu'à dire que la démence précoce, et la psychose maniaco-
dépressive sont destinées à disparaitre du cadre nosologique. Cette notion
de l'origine tuberculeuse de formes coniusionnelles plus ou moins anormales
est fort intéressante et nous avait déjà été signalée par Hamel, lorsque nous
avions l'honneur d'être son adjoint à l'Asile de Rouen.
L. 'vVAHL.

BRAVETTA et BALITESSA. Paralysie progressive atypique et présence


de spirochètes. (Bulletin de la Société medico-chirurgicalede Pavie, séance
du 16 mars 1923.)
Un problème reste encore à résoudre dans la paralysie générale. Pourquoi
des localisations lésionnelles essentiellement diffuses peuvent-elles correspon-
dre à des symptômes évidents de localisation. C'est, disent les auteurs, parce
qu'on ne veut pas admettre que la paralysie générale n'est qu'une forme spé-
ciale de la syphilis cérébrale; c'est une spirochétose diffuse. On y trouve des
spirochètes en nature, reconnaissables dans les diverses zones cérébrales :
frontale en particulier. Dans le cas actuel, il n'y avait qu'un seul hémisphère
contenant des foyers spirochétiques, et on peut expliquer les accès d'épilepsie
Bravais-jacksonienne par des poussées de spirochétose au niveau des zones
motrices, où les auteurs ont constaté la présence du parasite. Les réactions
névrogliques et conjonctivales sont, d'après Valenti, dues à l'irritabilité préalable
causée par le tréponème et une sorte de réaction de défense de l'organisme.
L. WAHL.

GILBERT HORRAX (Boston). Sur la valeur des hallucinations visuelles


comme signe de localisation cérébrale. Leur prédominance dans les
tumeurs du lobe temporal (Communication à la 49' réunion annuelle de
l'Association des neurologistes américains, in: A rchives of Neurology and
Psychiatry. Vol. X, n° 5, novembre 1923, p. 532.)
L'auteur, ayant étudié systématiquement 873 observations de tumeurs
cérébrales, vérifiées à l'opération ou à l'autopsie dans le service de Cushing,
en relève 62 localisées au lobe temporal droit ou gauche. Dans 17 de ces
derniers cas, les malades avaient présenté des hallucinations visuelles
typiques. Dans certains d'entre eux, il s'agissait de simples impressions
lumineuses mal définies; dans d'autres (12 cas sur 17), d'apparition de per-
sonnages, d'objets ou de fleurs.
Horrax tendrait à assimiler, pour la plupart de ces malades, ces halluci-
nations visuelles à des crises épileptiques en effet, elles coïncidaient le plus
souvent avec l'apparition chez le malade de crises comitiales ou d'équi-
valents comitiaux; elles étaient quelquefois précédées d'auras olfactives ou
gustatives. Lorsqu'il existait une hémianopsie, les phénomènes hallucina-
toires étaient projetés dans la moitié aveugle du champ visuel ; lorsque aucun
déficit du champ visuel ne fut démontrable, les hallucinations visuelles
furent cependant localisées du côté opposé à la tumeur. Pour ce qui est du
caractère des hallucinations, elles sont en général de taille petite, rarement
de grande taille, tantôt mobiles et tantôt immobiles ; elles peuvent être dans
certains cas d'apparence grotesque et même terrifiante, au point que les
malades frémissent rien qu'à les rapporter. Dans un des cas de l'auteur, une
épilepsie à forme vertigineuse, le malade présentait au début de sa crise une
association d'hallucinations et de macropsie. En outre, toutes ses sensations
étaient à ce moment exacerbées, en particulier la vision, en sorte que les
couleurs des objets lui apparaissaient plus vives, les fleurs, par exemple, pre-
naient des teintes « extraordinairement belles ». Horrax propose d'appeler
ce phénomène kalopsie.
Il donne ensuite l'analyse clinique détaillée de ses cas et pour chacun les
constatations opératoires ou nécropsiques. Il note qu'il a pu régulièrement
mettre en évidence une lésion située sur le trajet des voies optiques, mais
n'indique pas, lorsqu'une autopsie a eu lieu, qu'une étude spéciale de la zone
visuelle ait été entreprise.
A l'exposé des cas observés, l'auteur joint une étude bibliographique et
critique des théories émises jusqu'alors, touchant la pathogénie des halluci-
nations visuelles liées à des lésions organiques du cerveau. Réfutant la
théorie d'Henschen, qui attribue ces phénomènes à des lésions du lobe
occipital, et celle de Pick et Jolly, qui les rattachent à l'atteinte des voies
optiques elles-mêmes, il en voit l'origine dans le lobe temporal, comme le
croyait déjà Hughlings Jackson. A l'encontre de ce dernier, qui représentait
ces phénomènes hallucinatoires comme une action à distance de l'excitation
des centres cérébraux supérieurs, Horrax en fait la conséquence directe de
l irritation du lobe temporal. Il rappelle à
ce sujet que Kennedy plaçait dans
la région temporo-sphénoïdale une zone où s'emmagasineraient les
sou-
venirs infantiles, ce qui expliquerait la reviviscence de souvenirs incon-
scients au cours des hallucinations.
Une longue discussion a suivi, au 49° Congrès américain de neurologie
la communication de Horrax. Morton Prince (Boston) déclare
que si les
hallucinations sont constatées souvent dans les tumeurs du lobe temporal
ou occipital, elles ne sauraient être une fonction de ces lobes. Un processus
psychologique aussi complexe, un déroulement d'images mobiles et variées
parfois comme un film cinématographique, ne peut être un phénomène de
foyer. C est un processus qui englobe des perceptions, des représentations,
des états subconscients. Il peut être produit à distance
par l'irritation d'un
point quelconque du cerveau, des lésions diverses déclanchant un mécanisme
identique. Kinnier W ilson (Londres) dit qu'il faut distinguer l'hallucination
élémentaire, l'impression lumineuse brute, des hallucinations compliquées.
La première peut se trouver dans des lésions des zones sensorielles ; les
autres sont dues à des lésions de zones d'association, comme la région tem-
porale. Mills (Philadelphie) rappelle qu'au point de vue morphologique les
distinctions sont difficiles à établir dans cette région du cerveau et qu'il con-
viendrait de la nommer temporo-occipitale. Pour conclure, Horrax insiste
sur le fait que les hallucinations systématisées sont considérées par Cushing
et par lui comme relevant d'une lésion temporale, alors que les hallucinations
élémentaires (sensations brutes de luminosité, d'aube lumineuse, scotome
scintillant) seraient dues à des tumeurs du lobe occipital.
S. SCHIFF-WERTHEIMER.

JEAN PIAGET. La pensée symbolique et la pensée de l'enfant. (Archives de


Psychologie, t. XVIII, n° 77, mai 1923, p. 278.)
M. Piaget, chef des travaux à l'Institut Jean-Jacques-Rousseau de Genève,
effectue depuis plusieurs années des recherches sur le langage et le raisonne-
ment chez l'enfant. Le détail de ces investigations forme, nous dit-il, la matière
de deux volumes actuellement sous presse. Dans le présent travail, amplifi-
cation d'un exposé fait au dernier Congrès de Psychanalyse, sont rapportées
les conclusions touchant un point particulier de ces études.
M. Piaget a constaté une analogie frappante entre la pensée infantile d'une
part et la pensée traduite en symboles d'autre part, telle qu'elle apparaît dans
les rêves des sujets normaux ou dans les constructions délirantes des
déments précoces : conformément à la théorie de Bleuler, M. Piaget con-
sidère comme des processus psychologiques semblables l'autisme schizophré-
nique et le symbolisme onirique. L'auteur ne tient pas à montrer les ana-
logies entre l'inconscient de l'adulte et la pensée infantile; il ne s'attarde pas à
démontrer l'idée que l'inconscient de l'adulte est plein de réminiscences infan-
tiles : il considère cette thèse comme un truisme. Ce qu'il tient à établir, c'est
que l'intelligence de l'enfant participe encore de la pensée symbolique con-
sidérée comme le stade initial de la pensée. « La pensée de l'enfant est inter-
médiaire entre la pensée symbolique et la pensée logique. »
Voici en résumé les constatations auxquelles M. Piaget est parvenu en ce
qui concerne l'intelligence des enfants âgés de sept à huit ans en moyenne.
La pensée infantile est une pensée chaotique, inadaptée au réel, une pensée
« non dirigée ». (Bleuler parlait de pensée «
indisciplinée ».)
La pensée infantile n'arrive pas à suivre, par l'introspection, la filiation de
ses propres raisonnements, elle est totalement inconsciente d'elle-même. C'est
une pensée c automatique ».
Elle est amnésique à bref délai, incapable de définition logique, elle est au
plus haut point égocentrique : tous ces caractères sont aussi ceux de la pensée
autiste.
La pensée infantile, d'autre part, si elle ne connaît que le moi, n'arrive
pas à concevoir les barrières de ce moi. Elle se projette au dehors, son moi
remplit l'univers, comme le fait la pensée c narciste » de Freud. Jusque vers
sept, huit ans, et sans doute bien après, l'enfant ignore le phénomène de la
pensée en tant que subjectif.
Enfin, on retrouve dans les illogismes de la pensée infantile les divers
processus psychologiques que Freud a distingués dans le symbolisme oni-
rique : la «condensation », le « déplacement », la «sur-détermination 1),et, en
outre, un phénomène appelé par l'auteur « juxtaposition ». L'enfant peut ainsi
imaginer, au sens propre du mot, des synthèses et des correspondances décon-
certantes entre les choses les plus éloignées. Il est insensible à la contradic-
tion, incapable de choix, incapable de comprendre ni d'examiner les rapports
de causalité.
Pour M. Piaget, cette inaptitude de l'enfant à se hausser jusqu'au raison-
nement logique est parfaitement en accord avec ce que nous connaissons des
démarches premières de la pensée. On sait, dit-il, depuis Baldwin, que la
pensée primitive, loin de s'efforcer à saisir le réel, a d'abord une tendance
ludique, elle poursuit dans les libres jeux de l'imagination une satisfaction
immédiate, étrangère à la recherche de la vérité. C'est aussi la conclusion de
Freud, pour qui la pensée assouvit d'abord les tendances hédoniques (Lust-
prinjip) de l'individu avant de se plier aux exigences du « principe de réalité ».
La pensée infantile comme la pensée symbolique est régie par ce principe du
moindre effort, par un principe « d'économie intellectuelle ». La pensée infan-
tile, comme la pensée onirique ou autiste, témoigne d'un relâchement de la
conscience, d'une faible « tension » psychologique. La pensée logique est au
contraire une pensée complexe et tendue, dominée par la loi de la réalité et
non par celle du plaisir.
Tout en réservant la question de l'origine définitive de ces deux formes de
la pensée, M. Piaget est donc amené à dire que, d'après ses analogies avec la
pensée infantile, « la pensée symbolique n'est pas le contraire, mais un début,
une des formes primitives de la pensée logique. Il n'y a pas de différence de
nature, mais de degré, de complication, entre ces deux manières de penser. »
P. SCHIFF.

HANS WILDERMUTH. Les symptômes schizophréniques chez l'enfant


normal. (Zeitschrift /. d. ges. Neur. a. Psych. Vol. LXXXIV, 22 sep-
tembre 1923, p. 166.)
Comme Piaget, mais de façon moins systématique et coordonnée, YVilder-
muth attire l'attention sur l'analogie de la pensée infantile et de la pensée
schizophrénique. Il s'agit, non pas, comme le disait Mayer-Gross, de ressem-
blances superficielles, mais d'une identité profonde. Les jeux de l'enfant
normal démontrent nettement sa faculté de dissociation, la facilité avec
laquelle il s'abstrait du monde réel, la souplesse avec laquelle il est
capable de quitter le monde forgé par son imagination et retourner dans
le réel, qu'il abandonnera ensuite de nouveau avec la même rapidité. De
même que le dément précoce, l'enfant ne tolère pas la plaisanterie quant à
ce monde imaginaire. Les plaisanteries de l'enfant, comme les railleries du
schizophrène, sont sans contact avec la réalité et trop souvent les adultes,
pour qui le monde intérieur de l'enfant reste fermé, en éprouvent de l'agace-
ment parce qu'ils ne peuvent en découvrir le sens. Les néologismes de l'en-
fant sont forgés d'après des processus identiques à ceux qui donnent nais-
sance aux néologismes des déments précoces. Enfin, on peut retrouver chez
l'enfant normal un certain nombre de signes catatoniques écholalie, écho-
praxie, persévérations, stéréotypies.
Toutes ces attitudes mentales particulières de l'enfant s'atténuent avec
l'âge pour disparaître à la puberté. C'est à ce moment aussi que, pour la
première fois, l'enfant prend conscience de sa personnalité. Avant la puberté,
la pensée non réfléchie par le moi, la personnalité inconsciente domine chez
l'enfant comme elle domine chez le dément précoce. La raison, pense l'au-
teur, en est peut-être que, dans les deux cas, il y a un hypofonctionnement
ou une absence de sécrétion des glandes sexuelles. C'est cette même cause
qui produirait le parallélisme de la symptomatologie psychique chez le
dément et chez l'enfant normal.
P. SCHIFF.

SANGUINETTI. Trauma sexuel, névrose de défense et psycho-analyse.


(Rassegna di studi psichiatrici, juillet-octobre 1923.)
Observation d'une jeune fille élevée d'une façon très austère qui, à vingt
ans, fut victime d'une tentative de viol de la part d'un de ses oncles. Elle n'en
dit rien à sa famille et conserva depuis lors une crainte pathologique d'avoir
été déflorée. Elle vivait très renfermée en elle-même. Un jour, elle alla con-
sulter un mage, accompagnée par une amie. Ce thaumaturge lui dit, après
avoir consulté les cartes, qu'un de ses parents avait cherché à faire d'elle sa
maîtresse et l'avait violentée. La nuit suivante, début d'une psychose à type
hystéro-neurasthénique avec spasmes et tentative de suicide, taedium vitae.
On fut obligé de l'interner.
L. WAHL.

CHARLES E. GIBBS, M. D. Influence de la puberté sur le caractère et la


personnalité, et rapports entre les modifications de ces deux facteurs et
le développement de la démence précoce. (The American 10urnal of
Psy-
chiatry, juillet 1923, p. 121.)
Il est incontestable que l'étude minutieuse des antécédents personnels
des déments précoces montre souvent l'existence chez ces malades d'anomalies
du caractère et de la personnalité. Tantôt il s'agit d'anomalies précoces et
constitutionnelles. Tantôt on constate au moment de la puberté, un brusque
changement dans la manière d'être, et dans les réactions habituelles du sujet.
C'est ainsi que certains sujets, timides dans l'enfance, deviennent agressifs
et antisociaux; d'autres, qui étaient auparavant expansifs, deviennent ren-
fermés et se concentrent sur eux-mêmes. L'étiologie de ces modifications du
tempérament psychique au moment de la puberté est complexe. Il semble
toutefois que les transformations somatiques et biologiques, le développe-
ment des glandes endocrines jouent un rôle important dans ces manifesta-
tions psychiques. Très souvent, ces dernières coïncident en effet avec une
croissance physique très rapide, et avec d'importantes perturbations du
métabolisme. Il importe de souligner du reste que, le plus souvent, cette
brusque transformation de la personnalité du sujet atteint plutôt les éléments
instinctifs et affectifs que la sphère intellectuelle. Quant aux rapports qui
existent entre ces manifestations de la puberté et le développement ultérieur
de la démence précoce, on peut les envisager de deux façons ou bien le
:

brusque changement du caractère constitue la première manifestation de la


psychose ultérieure, ou bien il ne s'agit là que d'une modification de l'état
constitutionnel favorisant l'évolution ultérieure de la démence précoce.
H. BARUK.

DEL GRECO. Le caractère chez les déments paranoïdes. (Il Manicomio,no i,


1923.)
La démence paranoïde isolée par Kraepelincomprend parmi ses symptômes
l'apathie, et la perte de la volonté. Le groupe le plus typique est celui des
impulsifs dont l'aboulie est interrompue par de violents raptus à type passion-
nel autant que la mimique permet d'en juger. Les déments paranoïdes sont
ou des agitateurs rebelles ou des conservateurs enragés, des persécuteurs
ambitieux, des mystiques, des réformateurs ou des revendicateurs sociaux.
Beaucoup de paranoïaques criminels appartiennent à ce groupe; car à côté
de leur délire plus ou moins touffu, on trouve une déficience psychique origi-
nelle qui s'accompagne d'une démence acquise et d'impulsivité réactionnelle.
L'auteur cite le cas d'un des fondateurs du socialisme italien, M..., qui répond
à ce type. Les déments paranoïdes ont une prédominance des instincts sur
les facultés psychiques supérieures qu'explique un arrêt de développement et
qui cause le défaut de maturation de leurs projets. Ils ont aussi une appré-
hension mythique d'un pouvoir extérieur qui les subjugue,d'où leurs réactions
violentes, mais intermittentes, car ils n'ont pas comme les délirants systéma-
tisés l'attention toujours en éveil. L. WAHL.

TAROZZI. Démence très précoce (De Sanctis) Schizophrénieprépubérale.


(Rivista di patelogia nervosa e mentale, août-septembre 1923.)
Le diagnostic de l'imbécillité et de la démence très précoce (idiotie acquise
d'Esquirol) n'est pas toujours facile : il a cependant une grande importance
au point de vue pédagogique. On peut remarquer que la phrénasthénie ou
arriération existe seule dans la première enfance et au début de la seconde,
qu'on ne peut lui assigner un début avec symptômes du côté de la sensi-
bilité ou de la motricité, qu'on n'y trouve point les signes pathognomoniques
de la démence précoce et que cette dernière a une évolution progressive.
L. WAHL.
A. GRIMALDI. L'astasie-abasie dans la démence précoce. Note clinico-
pathologique (Il manicomio, 1923).
L'astasie-abasie se rencontre rarement dans la démence précoce. Elle y
serait due, comme dans l'hystérie, à un état de dissociation cérébrale.
L. WAHL.

LEY. Influence de la fatigue et de l'alcool dans l'intensité de l'illusion des


poids. (Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique, janvier 1923.)
Loi de Flournoy : De deux objets de poids égal et de volume différent,
c'est le plus petit qui semble le plus lourd. Cette illusion est liée à un pro-
cessus d'association et de synthèse,d'ordre supérieur, du développement psy-
chique; les enfants et les imbéciles ne l'ont pas (Demoor). Elle est plus
sensible chez les sujets dont le sens musculaire est plus affiné. L'alcool agit
comme la fatigue dans ses formes les plus graves et la fait disparaître. Cette
discrimination disparaît avant que l'alcool agisse nocivement sur la valeur
éthique du sujet. L'alcool est donc un narcotisant des synthèses psychiques.
C'est pourquoi l'industrie moderne qui cherche à lutter contre tout abaisse-
ment de la production, à diminuer les causes de fatigue chez les ouvriers,doit
pousser à l'abstention de l'alcool. L. WAHL.

BREVETTA et INVERNIZZI. Le cocaïnisme. Observations cliniques expéri-


mentales et anatomo-pathologiques. (Note e riviste di psichiatria, 1922-1923.
Pesaro.)
Cet ouvrage est remarquable par sa documentation pharmacologique et
clinique, mais les auteurs n'ont- pas, à mon avis, suffisamment insisté sur la
distinction des cocaïnisés et des cocaïnomanes. Aussi bien au point de vue
social qu'au point de vue clinique, cette distinction a sa raison d'être. Ces
réserves faites, sachons gré aux auteurs d'avoir étudié les lésions du cocaïnisme
au point de vue expérimental, d'avoir montré les lésions dégénératives qu'il
entraîne. Si ces lésions ne sont pas véritablement pathognomoniques, l'en-
semble du tableau qu'elles présentent forme un complexus caractéristique
qui permet au point de vue médico-légal sinon d'affirmer qu'un sujet est mort
de cocaïnisme, au moins de confirmer les soupçons qu'ont fait naître les cir-
constances révélées par l'enquête.
L. WAHL.
RIZZATI. Contribution à l'étude de l'artère méningée moyenne chez les
criminels. (Rivista sperimentale di frenatria, janvier 1923.)
On sait que le professeur Guffredda-Ruggeri a décrit un certain nombre de
types anormaux de l'artère méningée moyenne. Parmi ceux-ci, on remarque
que lorsqu'il y a asymétrie des rameaux obéliques, on rencontre en même
temps des anomalies craniennes ou faciales. Pour Rizzati il n'y aurait pas chez
les délinquants plus d'anomalies réversives de cette région que chez les
normaux. On ne saurait attacher à ces caractères une importance quelconque
en anthropologie criminelle, au moins dans l'état actuel de la question,et en
tenant compte que, parmi les types dits normaux, on ne saurait évaluer le nombre
des sujets qui, bien que n'étant pas actuellement détenus et même n'ayant
jamais été condamnés, n'en sont pas moins des délinquants habituels.
L. WAHL.

Le .Gérant : G. DELARUE.
TRAVAUX ORIGINAUX

ROLE DU SYSTÈME SYMPATHIQUE


ET DES PERTURBATIONS CIRCULATOIRES
DANS LA COMMOTION SPINALE
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE DES TROUBLES SYMPATHIQUES
(Avec quatre figures dans le texte et quatre planches hors texte.)

FAR
ANDRÉ-THOMAS

Malgré le grand nombre de travaux consacrés à l'étude de la com-


motion spinale, les remarquables descriptions anatomopathologiques
qui en ont été publiées de divers côtés, les interprétations ingénieuses
auxquelles elles ont donné lieu, aucune théorie pathogénique ne paraît
définitivement et solidement établie. La porte reste donc ouverte à de
nouvelles recherches.
Les deux observations suivantes n'apportent peut-être pas des don-
nées très originales en ce qui concerne la commotion spinale, mais,
outre les constatations de processus dégénératifs et hémorragiques
relevés dans l'une et l'autre, l'existence de liens étiologiques assez étroits
entre le traumatisme d'une part, l'hématomyélie et la syringomyélie
d autre part, dans la première de ces observations, on y trouvera quel-
ques faits susceptibles de mettre en discussion l'intervention du système
sympathique ou de désordres circulatoires dans la genèse des accidents,
de justifier la présence ou l'absence de certains réflexes sympathiques.
OBSERVATION I. — Chauv..., âgé de trente-trois ans, blessé le 2 septembre
1917, par une balle entrée au-dessous et en dedans de l'omoplate gauche,
sortie par le creux axiilaire droit; il était alors couché sur l'herbe. La para-
lysie est immédiate.
Observation le 25 octobre 1918. Paralysie complète des membres inférieurs
et de la partie inférieure des muscles de la paroi abdominale (ascension de
l ombilic pendant les eflorts de toux, tendance à l'éventration du
segment
inférieur de l'abdomen, surtout à droite).
Paraplégie flasque. La percussion du tendon rotulien produit une contrac-
tion lente et retardée du quadriceps,dont la nature tendinéo-réflexe est discu-
table, peut-être s'agit-il d'un mouvement de défense. La percussion du tendon
d'Achille provoque une réponse à gauche seulement. Absence de clonus.
Réflexe plantaire : à gauche, flexion des quatre derniers orteils avec adduction
légère du gros orteil; à droite, extension des deux premiers et flexion des
trois derniers. Abolition du réflexe cutané abdominal inférieur, du réflexe
crémastérien.
Mouvements de défense spontanés et provoqués (excitation plantaire,
constriction du pied, du genou, de la jambe) s'épuisant rapidement.
Tonus de l'anus diminué : l'excitation de l'anus provoque des mouvements
d'ascension sans constriction du sphincter (contraction du releveur de l'anus).
La ligne A (limite supérieure de l'anesthésie à la piqûre) passe un peu
au-dessous de l'ombilic à droite, un peu plus au-dessous à gauche.
Une zone d'hypoesthésie de deux travers de doigt surmonte la zone d'anes-.
thésie. Le pincement n'est senti comme pincement qu'à partir de la ligne
d'hypoesthésie et il y est particulièrement douloureux. Le pinceau n'est senti
qu'à partir de la limite supérieure de la zone d'hypoesthésie à gauche et un
peu au-dessus à droite.
La sensibilité articulaire est abolie pour les orteils, les pieds, les genoux,
diminuée pour les hanches (il faut tenir compte des tiraillements exercés sur
la peau pendant la mobilisation). La sensibilité testiculaire est conservée.
Mictions involontaires par jets, constipation. Paraostéopathie du genou
droit. Escarres du sacrum, des ischions.
Œdème des membres inférieurs, de la paroi abdominale, ayant envahi à
plusieurs reprises le thorax, les membres supérieurs, la face.
Décès en janvier 1919.
Appareil pilomoteur et système sympathique. — Tonus pilomoteur en
général fort sur le tronc et sur les membres.
Le refroidissement du thorax produit une très belle réaction sur les mem-
bres supérieurs et sur le tronc, jusque sur les crêtes iliaques, plus faible sur
l'abdomen. (A cause de l'éclairage, les examens ont porté surtout sur le côté
droit.)
Les piqûres appliquées immédiatement au-dessus de la zone d'anesthésie
font apparaître la chair de poule sur les membres inférieurs. Il en est de même
de l'excitation cervicale. Pendant les quintes de toux, la chair de poule appa-
raît également jusque sur les membres inférieurs. Le réflexe est resté limité
presque exclusivement aux cuisses; il n'était pas apparent sur les jambes.
Réflexe spinal : les excitations appliquées sur le membre inférieur (forte
contraction du genou), sur le périnée, produisent un réflexe sur le membre
excité; la limite supérieure est difficile à préciser.
Peau sèche et squameuse sur les membres inférieurs.
AUTOPSIE. — Liquide assez abondant dans la cavité pleurale droite. Hyper-
trophie du ventricule gauche; la grande valve mitrale est épaissie à sa base.
Le foie est augmenté de volume et gras. Les reins sont congestionnés.
Examen anatomique. — A l'ouverture du canal vertébral, on ne remarque
aucune irrégularité.
La face antérieure de la dure-mère adhère légèrement au corps vertébral
au niveau des segments D et DXI.
La moelle n'a pas été atteinte; il n'existe aucune solution de continuité;
les lésions sont peu apparentes à un simple examen macroscopique.
Sur sa face postérieure, quelques adhérences très faciles à rompre,
réunissent les méninges molles et la dure-mère à la hauteur de l'émergence
durale de la 98 racine dorsale droite et au niveau des radicelles supérieures de
la 10e. Lepto-méningite légère au niveau des segments Dx et DXI. Diminution
de consistance de la moitié inférieure du segment Dx, et de la moitié supé-
rieure du segment DXI. Sur la face antérieure, leptoméningite légère depuis
Dvu, jusqu'à Lu, avec adhérences durales.
Examen histologique. — Les lésions atteignent leur maximum au niveau
du segment DXI, principalement dans sa moitié supérieure. Toutes les fibres
de la substance blanche sont dégénérées (état granuleux, corps granuleux) et
les racines antérieures sont atteintes par le même processus à leur passage
dans le cordon antérieur. On ne découvre aucune trace de foyer inflammatoire,
mais une congestion assez intense.
Sur quelques coupes, il existe des hémorragies dans la substance grise et
principalement dans la corne antérieure (pl. I, fig. 2). Sur un certain nombre
de coupes, les cellules des cornes antérieures ont complètement disparu. On
voit encore quelques cellules dans la corne latérale ; les cellules de la colonne
de Clarke sont altérées, gonflées, leur noyau est excentrique; un certain
nombre de cellules de la corne latérale présentent le même aspect (pl. III, fig. 6).
Des deux fascicules qui forment la racine antérieure au-dessous de l'émer-
gence durale, l'un est complètement dégénéré, l'autre est à peu près normal.
Des lésions du même ordre se voient sur le segment Dx et sur quelques
coupes la substance grise est le siège d'hémorragies importantes. Aucune
lésion inflammatoire; vaisseaux dilatés, grosses altérations des fibres ner-
veuses, cylindres-axes hypertrophiés en tire-bouchon, gaines de myéline dila-
tées. La moitié inférieure du segment Dx est plus altérée que la moitié supé-
rieure, la racine antérieure entre la moelle et l'émergence durale n'est que
partiellement dégénérée et contient à peu près la moitié de fibres saines. Sur
les coupes colorées au Nissl, les cellules paraissent encore assez nombreuses
dans la corne antérieure et la corne latérale. A signaler encore dans le cordon
postérieur, un foyer de nécrose qui atteint la périphérie (pl. I, fig. 2).
Aussi bien sur le segment Dx que sur le segment DXI, la réaction névro-
glique est extrêmement légère.
A part les dégénérations secondaires, le segment DIX est normal. Le seg-
ment Dxi est encore altéré, mais beaucoup moins que le segment DXI, les lésions
s'atténuent de haut en bas. Les segments LI et Lu sont normaux.
La chaîne sympathique a été examinée des deux côtés et dans toute son
étendue sur le cadavre. Aucune lésion macroscopique n'a été constatée. Elle a
été prélevée des deux côtés; celle du côté droit a été examinée histologique-
ment depuis le VIlle ganglion dorsal (compris) jusqu'au XlIe ganglion (compris).
Tous ces ganglions ont été coupés en série après coloration en masse par
l'acide osmique et le picrocarmin et inclusion à la paraffine. Malheureuse-
ment les ganglions sympathiques n'ont pas été prélevés tout d'une pièce avec
leurs communicants et les nerfs rachidiens correspondants, de sorte qu'il
n'est pas possible d'affirmer sans réserve que les ganglions étiquetés, VUI, ix,
x, etc., représentent réellement les ganglions sympathiques dont les com-
municants se rendent aux VIlle, ix", xe nerfs ; toutefois, l'erreur commise ne peut
guère être que d'un ganglion. Mais l'embarras dans lequel on peut se trouver
à ce point de vue et en ce qui concerne la lecture des coupes, la reconstitution
de l'orientation du ganglion par rapport au nerf rachidien, lorsque la chaîne a
été prélevée seule, doit faire recommander à ceux qui auraient l'intention de
procéder à une semblable étude de prélever chaque ganglion sympathique
avec son nerf rachidien et ses communicants et de les couper en série, après

inclusion dans un seul bloc. La disposition des filets nerveux qui entrent en
relation avec chaque ganglion est tellement complexe qu'on ne saurait prendre
trop de précaution à cet égard. D'autre part, sur les coupes qui passent par
l'extrémité du ganglion, par exemple, sur la chaîne entre deux ganglions, il
peut être très difficile de reconnaître la chaîne elle-même au milieu des nom-
breux filets nerveux que comprend souvent la coupe. Ce n'est que par l'étude
des coupes sériées qu'il devient possible de reconstituer la chaîne intergan-
glionnaire et encore serait-il peut-être préférable de prendre dans un seul
bloc un fragment de chaîne avec les deux ganglions adjacents'.
Des cinq ganglions débités en coupes sériées, quatre se comportent norma-

lement; seul celui qui a été étiqueté x8 ganglion dorsal présente une lésion
qui atteint d'ailleurs davantage les filets nerveux qui s'en détachent que le
tissu ganglionnaire, sauf en un point très limité.

i. ANDRÉ-THOMAS. Mal de Pott chez une femme âgée de soixante-douze ans.



Lésions du sympathique et du splanchnique, etc. (Soc. de neurologie,
28 février 1924.)
Il s'agit d'une cicatrice fibreuse, dans laquelle courent quelques filets ner-
veux ai-nyéliniques ; elle atteint d'une part le ganglion et se poursuit d'autre part
assez loin, jusque dans un amas de pigment sanguin, reliquat d'un ancien
foyer hémorragique, (fig. c.)
Sur un certain nombre de coupes, le ganglion est pénétré par le tissu cica-
triciel ; un peu plus loin, on y découvre un. petit foyer inflammatoire (amas
nucléaires, vaisseaux à paroi épaissie) (pl. II, fig. 3). Dans le voisinage du foyer
cicatriciel, par conséquent, sur une hauteur beaucoup plus considérable que
celle du foyer inflammatoire, on observe une raréfaction considérable des cel-
lules nerveuses (pl. II, fig. 4); à leur place, il n'existe plus que des capsules
vides avec ou sans prolifération des cellules satellites. Sur les mêmes coupes,
les cellules qui occupent le bord opposé du ganglion sont aussi nombreuses
qu'à l'état normal et ne sont nullement altérées. (Pl. III, fig. 5.)
Les schémas a, b, c, d sont une reproduction aussi exacte que possible des
ganglions vin, ix, x, XI, après lecture de toute la série des coupes : ils sont
destinés à donner une idée de l'arrangement et du trajet des fibres nerveuses
myélinisées et amyéliniques, soit au voisinage du ganglion, soit dans le gan-
glion lui-même. Cette disposition est assez variable d'un ganglion à un gan-
glion voisin, sus-ou sous-jacent. Parmi les fibres à myéline de petit ou de gros
calibre, un grand nombre ne font que traverser le ganglion, et en examinant
la série des coupes, il est facile de les suivre depuis leur entrée dans le gan-
glion jusqu'à la sortie (fig. a). Un certain nombre représentent des fibres
splanchniques. Les grosses fibres à myéline sont représentées par des traits plus
épais.
Les grosses fibres à myéline, comme cela se voit sur le ganglion, restent
parfois groupées sur tout leur parcours, et, en cas de dégénération wallé-
rienne, il serait possible de préciser leur trajet.
Il n'est pas douteux qu'au milieu de ce réseau apparemment inextricable,
les divers ordres de fibres n'affectent une systématisation réelle; mais l'étude
des dégénérations par les méthodes usuelles comporte de grosses difficultés,
parce qu'il existe un fort contingent de fibres amyéliniques dans le ganglion
vertébral et dans les filets qui entrent en rapport avec lui (aussi bien les com-
municants que dans les rameaux efférents). Il n'est pas facile, en présence
d'une dégénération déjà ancienne, d'évaluer le nombre des fibres à myéline
dégénérées dans la constitution des filets nerveux composés de fibres amyé-
liniques. D'autre part, dans les ganglions de la chaine dorsale, tels qu'ils ont
été prélevés, il n'est pas aisé d'établir le contingent des fibres splanchniques,
des fibres centripètes, des fibres du communicant blanc. Aucune méthode
pratique n'est utilisable pour étudier la dégénération des fibres amyéliniques :
peut-être les méthodes d'imprégnation à l'argent fourniraient-elles de meil-
leurs résultats ?
Une dégénération récente des racines antérieures permettrait de suivre les
traces du communicant blanc (fibres centrifuges) au moins sur une assez
longue étendue, mais ces fibres conservent-elles leur myéline sur tout leur
parcours jusqu'à leur destination? Cela paraît douteux ; chez certains animaux
les fibres myéliniques perdent leur gaine avant leur terminaison1. En tout

J. LANGLEY. Le Système nerveux autonome, traduit de l'anglais par Tiffe-


neau. Vigot 1923.
cas, cette étude ne pourrait être poursuivie que s'il s'agit d'une dégénération
récente.
Cette parenthèse sur les difficultés que rencontre l'étude des ganglions
sympathiques étant fermée, revenons à l'étude du xe ganglion dorsal de Ch...
La disparition des cellules dans un secteur assez important de la masse gan-

glionnaire doit être interprétée comme une atrophie rétrograde consécutive à


la lésion du ganglion, à l'interruption des rameaux efférents compris dans la
cicatrice. Le filet nerveux englobé dans la cicatrice peut être considéré assez
vraisemblablement comme un communicant formé normalement d'un faisceau
de fibres myéliniques et d'un faisceau de fibres amyéliniques, mais il peut
l'être également comme un simple filet efférent. Au sujet de la nature, de
l'origine et de la terminaison des autres filets nerveux représentés sur le
schéma, il est plus difficile de se prononcer puisque l'on ne peut suivre le
passage des fibres dégénérées depuis la xe racine antérieure dorsale jusque
dans les divers rameaux qui entrent en relation avec le ganglion. Quelle que
soit la nature du filet englobé dans la cicatrice, le nombre des fibres myélini-
sées est beaucoup moins considérable dans le xe ganglion que dans les autres
ganglions; mais, pour les raisons invoquées plus haut, on ne peut encore en
tirer aucune conclusion ferme.
Ce n'est qu'après avoir étudié les dégénérescences à la suite de lésions
récentes des racines antérieures, des racines postérieures, des ganglions rachi-
diens, des ganglions vertébraux, du splanchnique, qu'on entrera en posses-
sion de documents qui serviront utilement à la compréhension de l'architec-
ture du grand sympathique chez l'homme.
Sur toutes les coupes de la chaîne sympathique, entre les divers ganglions
examinés, la présence des fines fibres à myéline a été constatée.
De ce qui précède, un premier fait doit être retenu, l'existence d'une lésion
du sympathique qui a échappé à un simple examen microscopique. On verra
plus loin les déductions que l'on peut en tirer au point de vue pathogénique.
OBS. II. — Ler..., âgé de vingt-trois ans, blessé, le 31 août 1918, par un
éclat d'obus, entré à 3 centimètres à gauche de l'apophyse épineuse de la
ire vertèbre lombaire.
Paralysie complète flasque des membres inférieurs. Parésie de la paroi
abdominale inférieure. Pieds tombants; griffe des orteils, 1" phalange en
extension, flexion des deux dernières.
Aucun mouvement spontané ni de défense des membres inférieurs. Aboli-
tion des réflexes tendineux et périostés des membres inférieurs, ainsi que des
réflexes cutanés.
Anesthésie complète jusqu'à Dxll comprise, remontant même un peu sur
DXI en avant et surmontée d'une mince bande d'hypoesthésie; en arrière,
l'anesthésie remonte un peu moins haut du côté gauche et respecte, en partie,
le territoire des premières lombaires; en Dxu et Li, on a constaté la présence
d'une zone hyperesthésique, pendant les premiers mois. Abolition de la sen-
sibilité articulaire des genoux et des pieds.
Gros œdème des membres inférieurs. Parastéopathies des deux condyles
du fémur. Escharre sacrée.
Cystotomie. Incontinence des matières.
Sensibilité testiculaire conservée des deux côtés.
Appareil pilomoteur et système sympathique. — Après excitation cervicale,
la chair de poule apparait sur tout le corps; elle est très nette sur le membre
inférieur gauche, moins nette sur le membre inférieur droit à cause de la
sécheresse et de l'état squameux de la peau. Deux secondes entre l'excitation
et la réponse. Dix secondes pour le redressementcomplet des poils. Vingt-cinq
secondes pour le retour à l'état de repos.
Le réflexe spinal manque complètement.
Absence de sudation sur les membres inférieurs. Peau sèche et
squameuse.
Pas d'asymétrie thermique.
Le 28 février 1919 sont apparus des éléments papulovésiculeux très rouges
sur la face interne des deux bras (un ou deux éléments sur le bord postéro-
externe) avec des sensations de brûlure très vives. Éruption et sensations ont
disparu en quelques jours.
Décès le 17 janvier 1920.
Examen anatomique. — Écrasement de la moelle au niveau de l'extrémité

inférieure de LI, L", L"'. Tout le tronçon sous-jacent est aplati latéralement
et la consistance en est très diminuée. Elle est un peu meilleure à partir de la
moitié inférieure de S". Sur toute la hauteur de la lésion, la dure-mère est très
adhérente au côté droit de la moelle.
Les segments DXII, Dx', Dx, D«, DVI« ont une consistance normale.
A partir du segment Dvn, la moelle est augmentée de volume et le même
aspect se poursuit jusqu'au niveau du ive segment cervical. Sur la coupe, la
moelle est occupée par une cavité centrale, bordée elle-même par une paroi
de couleur jaune chamois qui mesure au moins deux ou trois millimètres
d'épaisseur.
Les racines antérieures de la région cervicale et dorsale sont néanmoins
blanches.
Examen histologique. — La moelle peut être considérée comme détruite
au niveau des segments L111 et Liv. Au niveau de Lv et des deux premiers seg-
ments sacrés, la pie-mère est extrêmement épaissie et elle ne contient que des
fragments de tissu médullaire fissuré, crevassé, dans lesquels on retrouve
encore par place quelques très rares fibres à myéline irrégulières, gonflées,
moniliformes. Aucune cellule nerveuse n'est apparente. La trame conjonctivo-
vasculaire de la moelle est épaissie; de nombreux névromes occupent l'étui
piemérien et la méninge elle-même; ils proviennent des racines postérieures.
Les racines antérieures sont très dégénérées.
Sur les coupes passant par les derniers segments sacrés et le filum, la pie-
mère paraît encore épaissie, ainsi que les vaisseaux. La moelle est fragmentée
en blocs,dans lesquels on aperçoit encore quelques rares fibres, mais aucune
cellule nerveuse n'est visible. Les racines antérieures sont dégénérées. Le
sillon antérieur est comblé par du tissu conjonctif, des vaisseaux et de nom-
breux névromes.
Au niveau de L'i, malgré la persistance de quelques rares fibres.à myéline,
dans un ou deux fragments de tissu médullaire, la moelle peut être encore
considérée comme détruite. Épaississement de la pie-mère et des vaisseaux;
racines antérieures et postérieures très dégénérées.
En LI, la moelle reprend sa forme; la substance grise est encore boule-
versée d'un côté (corne antérieure et corne latérale). Les cellules paraissent
moins nombreuses sur une certaine hauteur. Les colonnes de Clarke sont
apparentes, mais dépourvues de fibres à myéline et de cellules.
Les cordons postérieurs sont complètement dégénérés. Dans les cordons
antéro-latéraux, des fibres à myéline très condensées occupent la bordure de
la corne antérieure et de la corne latérale (faisceau fondamental) ainsi que le
cordon antérieur. Elles manquent complètement dans la zone du faisceau
pyramidal croisé et dans la zone marginale latérale. Le canal de l'épendyme
est apparent et envoie en divers sens des boyaux de cellules épendymaires.
Vaisseaux et pie-mère épaissis.
Dégénération très marquée des racines postérieures ; les racines antérieures
sont beaucoup mieux conservées.
Dans les cinq derniers segments dorsaux, de Dxn à DVI» compris, la moelle
se reconstitue. La substance grise présente sa configuration normale, les cel-
lules sont nombreuses dans la corne antérieure, la corne postérieure, la corne
latérale, la colonne de Clarke. Par contre, si dans la colonne de Clarke les
cellules paraissent aussi nombreuses qu'à l'état normal, le réseau myélinique
n'occupe tout d'abord que le bord antérieur de la colonne (DX1I), puis, dans les
étages sus-jacents, il s'étend progressivement en arrière, et au niveau du seg-
ment Dnn; on ne voit plus qu'un petit îlot moins coloré par la méthode de Pal
sur le bord interne de la colonne.
Le canal de l'épendyme envoie toujours quelques prolongements dans la
substance grise centrale.
La substance blanche est très bien colorée (Pal) au niveau du faisceau
fondamental du cordon antérieur; les fibres sont plus clairseméesdans la zone
du faisceau pyramidal croisé, et surtout dans la zone marginale (faisceau de
Gowers, faisceau cérébelleux direct).
Les fibres réapparaissent dans les cordons postérieurs, au niveau des zones
radiculaires moyennes — des zones cornu-commissurales; elles atteignent la
périphérie du faisceau de Burdach au niveau de DIX et surtout au niveau
de DVIII.
Racines antérieures et postérieures normales.
C'est dans la pièce intermédiaire aux segments Dvu et DVIII qu'apparaît une
nouvelle lésion qui remonte jusqu'au segment cervical. (Pl. IV.)
La moelle est creusée dans sa partie centrale d'une cavité entourée d'une
paroi névroglique épaisse, qui lui donne l'aspect d'une moelle syringomyé-
lique. Dans la pièce intermédiaire Dv-Dv", ainsi que dans la partie inférieure
du segment DVII, la cavité est remplie par un épanchement sanguin. Dans les
coupes les plus inférieures, cet épanchement est cloisonné par des tractus
conjonctifs, plus haut, il est complètement libre. A la limite du foyer hémor-
ragique sont disséminés un grand nombre d'amas pigmentaires soit rassem-
blés au pourtour de vaisseaux, soit libres. La paroi névroglique est formée
principalement de tissu fibrillaire; les noyaux sont relativement peu nom-
breux; elle contient dans toute son épaisseur et sur toute sa hauteur un grand
nombre d'amas de pigment sanguin; on en trouve jusqu'à la bordure externe
de la paroi, dont la limite est assez tranchée et même dans le tissu nerveux du
voisinage.
La prolifération névroglique se présente donc, depuis Dv" et Dv™, sous la
forme d'un cylindre qui occupe la partie centrale de la moelle.
Il déborde en arrière sur les cordons postérieurs, il atteint en avant la
commissure antérieure, refoulant en avant la corne antérieure, en dehors la
corne latérale, en arrière et en dehors la corne postérieure. Le canal de
l'épendyme a disparu, mais on trouve à sa place, dans le segment antérieur de
la paroi névroglique, quelques boyaux cellulaires qui ne manifestent pas une
tendance proliférative exagérée.
La cavité centrale, qui est assez régulièrement circulaire dans la moelle
dorsale inférieure et moyenne, s'allonge d'avant en arrière dans la moelle dor-
sale supérieure à partir de Du.
Dans le segment DVII, la corne latérale n'est pas apparente et, sur le bord
latéral du manchon névroglique, on ne rencontre qu'exceptionnellement des
cellules qui puissent être considérées comme appartenant au tractus interme-
dio-lateralis.
Les cellules paraissent moins nombreuses dans la corne antérieure. La
corne postérieure ainsi que la colonne de Clarke manquent ou tout au moins
n'ont pas conservé leur aspect habituel. Le cordon latéral est beaucoup moins
large du côté gauche que du côté droit. Les fibres à myéline y sont plus
clairsemées surtout en arrière, et à ce niveau la substance blanche est tra-
versée par un assez grand nombre de vaisseaux à paroi épaissie. Les racines
antérieures n'ont pas été retrouvées dans les coupes, mais il est vraisemblable
qu elles n étaient pas complètement dégénérées puisque à l'examen macros-
copique toutes les racines antérieures de la région dorsale avaient conservé
un aspect à peu près normal.
En Dvi l'aspect ne se modifie pas beaucoup; cependant la corne antérieure
contient un plus grand nombre de cellules et si la corne latérale est absente,
on découvre des deux côtés quelques cellules situées dans la même région et
qui appartiennent certainement au processus intermediolateralis. La colonne
de Clarke et la corne postérieure ne peuvent être délimitées au pourtour du
manchon névroglique. Les cordons antérolatéraux sont bien colorés (méthode
de Pal). La zone marginale est beaucoup plus pâle dans la zone du faisceau
de Gowers et du faisceau cérébelleux direct. Les racines antérieures sont à
peine dégénérées, les postérieures sont saines. Des fibres assez nombreuses
occupent une région qui correspond vraisemblablement à la partie externe
des cordons postérieurs.
En Dv, le segment antérieur des cornes antérieures est nettement dessiné,
de même que la corne latérale. Le segment postérieur de la corne postérieure
réapparaît. La colonne de Clarke ne se reconnaît pas encore.
Même aspect des cordons antérolatéraux. Les fibres à myéline réappa-
raissent nettement dans les cordons postérieurs (partie postéro-externe).
Racines antérieures et postérieures normales.
En DIV et en DIU l'aspect reste sensiblement le même; les cornes anté-
rieures et latérales sont plus dégagées, les cornes postérieures mieux dessi-
nées, surtout en DIV; les colonnes de Clarke semblent manquer mais quelques
cellules disséminées au milieu de fibres à myéline qui occupent le bord
latéral du manchon névroglique doivent appartenir à cette formation. La pro-
lifération névroglique est limitée en avant par la commissure antérieure. En
On la corne antérieure reprend son aspect normal, mais la corne postérieure
est réduite à sa moitié postérieure, la moitié antérieure est laminée par le
manchon névroglique.
En Di, la cavité se présente sous la forme d'une fente allongée d'avant en
arrière. Le manchon névroglique occupe tout le centre de la moelle; mais les
cornes de la substance grise ont leur aspect normal et elles sont riches en
celiules. Les collatérales réflexes se détachent nettement en bordure du man-
chon névroglique. Le faisceau de Burdach paraît beaucoup plus riche en fibres.
Dans le renflement cervical, la moelle conserve le même aspect. Dans la
partie antérieure de la prolifération névroglique, on voit, comme dans les seg-
ments dorsaux sous-jacents, des boyaux de cellules épendymaires.
En Civ, la paroi névroglique et la cavité se réduisent considérablement.
Les cordons postérieurs ont repris une configuration normale, mais le faisceau
de Goll est complètement dégénéré et le faisceau de Burdach l'est partiel-
lement de chaque côté dans son segment antérieur et médian.
Le manchon névroglique disparaît en C". Jusqu'à sa limite supérieure, il
contient de nombreux amas de pigments sanguins.

L'observation de Ler... doit être considérée comme une rareté en ce


qui concerne l'épanchement sanguin et la réaction névroglique secon-
daire. Sur un nombre assez considérable d'autopsies de traumatismes
graves de la moelle, pratiquées de plusieurs jours à plusieurs semaines,
plusieurs mois et même davantage de survie, nous n avons constaté que
trois fois des cavités spinales. Dans deux de ces cas, la cavité se conti-
nuait sans interruption avec la région traumatisée. Dans le plus typique,
la partie inférieure du segment Dv avait été complètement détruite; la
cavité s'étendait du segment DVI au segment LI. Macroscopiquement, la
moelle présentait tout à fait l'aspect d'une moelle syringomyélique, mais
sur les coupes, c'est la désintégration du tissu nerveux qui dominait; les
lésions vasculaires étaient très accusées, par contre, la réaction névro-
glique était peu prononcée, et on ne trouvait pas trace d'un foyer hémor-
ragique. Dans l'autre cas, la moelle avait été écrasée au niveau des
segments L', L" et de la moitié inférieure de Dxn; dans le tronçon sous-
lésionnel il existait une forte désintégration du tissu nerveux, surtout
marquée dans les cordons postérieurs et les cordons latéraux, mais sur
les coupes la moelle présentait plutôt un aspect fragmenté, fissuré, que
syringomyélique 1.
Dans ces deux cas, les lésions se continuent sans solution de conti-
nuité avec la région traumatisée, et occupent seulement le tronçon sous-
lésionnel; elles ne paraissent pas relever d'un processus hémorragique
et d'ailleurs, histologiquement, elles ne présentent pas les caractères de
la syringomyélie, mais plutôt d'un processus de nécrose et d'œdème. Il
n'est pas rare d'observer des lésions du même ordre au voisinage d'une
destruction grave de la moelle ; mais il est plus exceptionnel de les
observer sur une si grande étendue.
Dans le cas Ler... les lésions sont très différentes ; il n'est pas douteux
que la syringomyélie ne soit secondaire à la formation d'un épanchement
sanguin; mais celui-ci ne s'est pas produit dans le prolongement immé-
diat du foyer de destruction. Il en est séparé par plusieurs segments; il
ne siège pas au-dessous de lui, mais au-dessus, de sorte que l'on éprouve
quelque embarras à établir un lien pathogénique entre le traumatisme
direct de la moelle et l'apparition de l'hématomyélie; on pourrait tout
aussi bien admettre un rapport étiologique entre l'épanchement sanguin
et la chute du blessé, comme cela a déjà été accepté pour un certain
nombre d'observations.
Le mécanisme suivant lequel s'est produite l'hématomyélie reste assez
obscur. Beaucoup d'auteurs se refusent aujourd'hui à admettre que les
accidents décrits sous le nom de commotion soient occasionnés par une
hémorragie; les lésions commotionnellesseraient d'une nature différente
et elles faisaient défaut dans le cas présent. Cependant, il est difficile de
faire intervenir un autre facteur étiologique que celui de la commotion,
mais il faut bien le reconnaître, en raison de la rareté de l'hématomyélie
observée dans ces conditions, il est nécessaire de faire appel à quelque
cause auxiliaire. Il est peu vraisemblable que cet accident puisse être
rangé parmi les hémorragies de sièges divers (rénales, vésicales, intes-
i. ANDRÉ-THOMAS. Le réflexe pilomoteur, pages 58 et 80.
;
tinales) qui ont été plusieurs fois signalées à la suite des blessures de la
moelle d'autre part, il paraît à peu près certain qu'il est contemporain
du traumatisme de la moelle et qu'il ne s'est pas produit plus tard, par
exemple, un an après la blessure, lorsque sont apparus des éléments
papulovésiculeux sur la face interne des deux bras, en même temps que
des sensations de brûlure très vives. Cette discussion démontre une fois
de plus combien les problèmes pathogéniques sont difficiles à résoudre,
même quand il s'agit de phénomènes aussi caractérisés anatomiquement
et histologiquement que le foyer hématomyélique. Les relations étiolo-
giques de l'hématomyélie et de la syringomyélie ont été acceptées à
propos d'un assez grand nombre de cas, et cette observation vient à
l'appui de la théorie invoquée par quelques auteurs qui, à la suite de
Minor, admettent que certaines cavités syringomyéliques (bordées d'une
paroi névroglique) se développent sur un ancien foyer hémorragique. Il
ne faudrait pas en conclure que toutes les syringomyéliesreconnaissent
pareille origine.
Si la présence de pigment sanguin sur toute la hauteur du manchon
névroglique semble établir des liens étroits entre l'épanchement sanguin
et la réaction du tissu névroglique, le nombre relativement faible des
amas pigmentaires comparé à l'intensité de la réaction démontre que la
résorption des premiers se fait avec une assez grande rapidité, c'est pour-
quoi l'absence de tout amas pigmentaire dans les proliférations névro-
gliques qui remontent à plusieurs années ne devrait pas être invoquée
comme un argument contre l'origine hématomyélique de certaines
syringomyélies.
Les lésions observées dans le cas de Ch... sont d'un ordre différent,
elles sont comparables et même semblables à celles qui ont été décrites
par plusieurs auteurs comme les lésions typiques de la commotion spi-
nale; dilatation des gaines de myéline, hypertrophie, déformation et
interruption des cylindres axes, dissociation des éléments nerveux,
réaction névroglique relativement faible, vaisseaux souvent dilatés;
foyers de nécrose, prédominance de ces dégénérations primitives à la
périphérie de la moelle, dans les zones marginales.
Toutefois, ce ne sont pas les seules lésions et dans la substance
grise, même dans la substance blanche, à proximité de la première, on
découvre quelques lacs sanguins. La faible réaction leucocytaire et
névroglique ou même son absence dans leur voisinage laisse au premier
abord quelque doute sur l'époque de leur formation; elle pourrait ne
pas être contemporaine du début des accidents et l'hémorragie se serait
produite peu de temps avant la mort : la stricte limitation des foyers aux
segments spinaux, dans lesquels les autres lésions commotionnelles
atteignent leur maximum d'intensité laisse supposer que les vaisseaux
de cette région sont doués d'une fragilité toute spéciale.
Ces petites hémorragies se sont produites indépendamment des
lésions dégénératives et de nécrose; mais elles reconnaissent sans doute
une même cause, comme on le verra plus loin; en tout cas elles ne se
sont pas produites dans un foyer de myélomalacie, disposition qui a été
déjà signalée plusieurs fois dans des observations analogues.
Si les hémorragies sont relativement rares ou peu abondantes, à la
suite de traumatismes susceptibles de produire une commotion, elles
n'en existent pas moins dans quelques observations. Contrairement à
l'opinion généralement admise, Guillain et Barré 1 ont admis que l'héma-
tomyélie est la lésion dominante dans tous les cas de paraplégie consé-
cutive à une blessure du rachis, sans atteinte de la dure-mère; mais les
auteurs ont examiné des cas graves dans lesquels la mort est survenue
dans un délai de quelques jours à quelques semaines; l'importance de
l'hémorragie était d'autre part très différente d'un cas à l'autre. A côté
du traumatisme interviennent sans doute d'autres facteurs étiologiques.
S'il convient de réserver le terme de commotion spinale au retentis-
sement anatomique et physiologique exercé sur la moelle par un trau-
matisme, sans que la moelle ait été atteinte directement, cette définition
est admise actuellement par l'immense majorité des neurologistes.
Convient-il de faire rentrer dans le chapitre de la commotion les
observations dans lesquelles, la moelle n'ayant pas été atteinte direc-
tement par le projectile, le rachis a subi un traumatisme tel que les
vaisseaux radiculaires ont pu être déchirés ou tiraillés, même à une
certaine distance de la moelle? De tels faits sont peut-être plus proches
de la contusion que de la commotion ou tout au moins intermédiaires
aux uns et aux autres. Dans tous les cas publiés sous le nom de commo-
tion, l'examen du rachis ou des tissus de voisinage a-t-il été poursuivi à
cet égard avec un soin assez minutieux ?
Au cours des examens anatomiques et histologiques de blessures de
la moelle par un projectile sans gros délabrement du squelette, nous
avons été plutôt surpris de ne pas rencontrer davantage de gros foyers
hémorragiques au niveau de la blessure et des foyers d'hématomyélie
dans les segments sus- ou sous-jacents. La plupart des autopsies ont été
pratiquées, il est vrai, plusieurs semaines ou plusieurs mois après la
blessure, ce qui permet d'expliquer à la rigueur l'absence d'un foyer
hémorragique important au niveau de la cicatrice, mais l'absence d'hé-
matomyélie dans le segment sus- ou sous-lésionnel reste inexpliquée, à
moins que l'on n'admette que la rupture des vaisseaux et de l'étui pie-
mérien au niveau de la blessure ne remplisse une condition défavorable
à la formation d'une hématomyélie longitudinale dans la substance
grise centrale.
La pathogénie des lésions dites commotionnelles a donné lieu à de
i. GUILLAIN et BARRÉ. Paraplégies organiques sans lésions de la dure-mère
dans les blessures du rachis par projectiles de guerre. Annales de médecine,
mars-avril 1918.
nombreuses théories; le mécanisme suivant lequel l'ébranlement retentit
sur le tissu nerveux ne s'impose donc pas d'emblée à l'esprit. Agit-il
directement sur les éléments nerveux qui se déplaceraient et se défor-
meraient sous le coup de vibrations, ou bien cette répercussion ne
s'exerce-t-elle pas plutôt indirectement, par l'intermédiaire du liquide
céphalo-rachidien, intervenant soit par l'hypertension brusque qu'il
subit au niveau de la région commotionnée, soit par la transmission du
choc? Il est encore envisagé différemment par Lhermitte; sous le coup
de l'hypertension, le liquide distendrait brusquement les gaines lympha-
tiques des vaisseaux, d'où l'ébranlement et la rupture des fibres ner-
veuses. A l'appui de cette hypothèse, Lhermitte et Roussy invoquent la
prédominance des dégénérations dans la zone marginale, dans lesquelles
s'accumulent les macrophages conjonctifs et névrogliques, la distension
et l'éclatement des parois du canal épendymaire, l'essaimage de cellules.
Cornil1 fait encore intervenir les tiraillements sur les ligaments dentelés
et secondairement les déchirures.
Les mêmes lésions peuvent tout aussi bien être interprétées comme
la conséquence des désordres circulatoires, de l'œdème; d'ailleurs les
mêmes auteurs qui admettent l'action mécanique du liquide céphalo-
rachidien envisagent la possibilité d'une ischémie temporaire (Claude et
Lhermitte) consécutive à des troubles vaso-moteurs.
Cette dernière pathogénie a été aussi plus directement invoquée pour
expliquer les commotions cérébro-médullaires par Logre et Bouttier,
par Mairet et Durante.
La présence de petits foyers de nécrose ou de démyélinisation dis-
tribués dans le territoire d'une artère, tout à fait comparables à ceux que
l'on rencontre couramment dans les artérites infectieuses de moelle,
l'œdème, la dilatation des vaisseaux, les petits infiltrats hémorragiques,
une certaine analogie des lésions, pour ne pas dire de très grandes res-
semblances avec les lésions observées dans les pachyméningites, qui
n'entraînent ni compression ni déformation de la moelle, sont des argu-
ments sérieux en faveur de l'intervention d'une perturbation circula-
toire. On est naturellement tenté d'incriminer des troubles vaso-
moteurs, une répercussion de la commotion sur le système sympathique.
Au cours des nombreuses autopsies que nous avons pratiquées
pendant la guerre, nous avons examiné avec soin sur le cadavre la
chaîne sympathique et, le plus souvent, à un simple examen macrosco-
pique nous n'avons pas observé la moindre atteinte.
Nous avons eu l'occasion de pratiquer un certain nombre d'examens
histologiques de la chaîne et des ganglions vertébraux et nous n'avons
rencontré aucune blessure primitive du sympathique, si ce n'est dans le
cas Ch... La correspondance assez exacte, dans ce cas, du ganglion et
I. CORNIL. Étude anatomopathologique de la commotion médullaire directe,
1921.
des filets nerveux blessés avec les segments spinauxlesplus endommagés,
ne permet-elle pas d'attribuer à la lésion du sympathique une part
importante à la production des altérations de la moelle?
Il ne faut pas accorder à un fait isolé une importance excessive, mais
il doit mettre en garde contre les interprétations trop hâtives, lorsque les
investigations anatomiques sont restées incomplètes; il oriente de
nouveau les investigations et les interprétations pathogéniques vers le
système sympathique et les troubles vasomoteurs ou circulatoires. Ne
peut-on supposer, par exemple, que même en dehors de toute atteinte
immédiate du système sympathique (chaîne, ganglions, communicants)
l'ébranlement ne puisse se transmettre aux vaisseaux du voisinage et
produire une vasoconstriction momentanée, en agissant soit directement
sur la paroi vasculaire, soit indirectement par l'intermédiaire des fibres
sympathiques?
N'est-ce pas en faisant appel à un semblable mécanisme que l'on a
essayé d'interpréter cet état des artères des membres décrit par quelques
auteurs sous le nom de stupeur artérielle, d'inhibition segmentaire des
artères (Vianay, Fioke, Lacoste et Perrier, Barthélemy)?
Il s'agit toujours, dans ces observations, de grosses artères et le pro-
jectile a passé dans leur voisinage immédiat. La contraction de la paroi
artérielle s'est produite par irritation directe soit du sympathique péri-
artériel(Chastenet de Giry), soit de la tunique musculaire. L'ébranlement
produit par la commotion ne peut-il retentir de la même manière sur les
vaisseaux qui irriguent le réseau piemérien, sur les capillaires, d'où
l'ischémie plus ou moins prolongée avec ses conséquences diverses :
œdème, désagrégation et dissociation des éléments nerveux et névro-
gliques, foyers de nécrose, hémorragies, atteinte à la nutrition et la
vitalité des éléments nerveux, etc.
Les lésions commotionnelles sont presque toujours limitées aux
segments spinaux les plus rapprochés de la trajectoire du projectile
mais ce n'est pas une règle absolue : lorsqu'elles sont rencontrées à dis-
tance, il faut tenir compte de l'ébranlement produit par la chute, qui se
fait sentir sur une zone beaucoup plus étendue. Il est à remarquer,
d'ailleurs, que, dans le cas de destruction de la moelle par une blessure
directe, destruction qui est toujours assez étendue en hauteur, les mêmes
lésions peuvent faire défaut ou être très peu accusées dans les segments
sus et sous-lésionnels.
Quelle que soit la théorie proposée, quelques-unes des conditions-
pathogéniques des lésions commotionnelles nous échappent encore
toute blessure susceptible de produire une commotion n'aboutit pas
fatalement aux lésions graves qui ont été précédemment décrites, de
même qu'une chute grave ne donne pas lieu forcément à une hémato-
myélie ni à des dégénérations. Parmi les facteurs qui nous échappent,
quelques-uns sont inhérents aux conditions physiques dans lesquelles est
survenu le traumatisme; Cornil fait intervenir les tiraillements sur les
ligaments dentelés et secondairement les déchirures, il a été fait allusion
plus haut aux tiraillements qui peuvent s'exercer sur les vaisseaux radi-
culaires; mais il n'est pas moins admissible que d'autres proviennent
du sujet lui-même, par exemple une réactivité spéciale, qu'elle soit d'ordre
général (sympathique) ou local (contractilité du tissu musculaire lisse).

Le comportement des réflexes sympathiques chez ces deux blessés


mérite qu'on s'y arrête.
La continuité du réflexe pilomoteur sur toute la surface du corps
(tronc et membre) chez Ler, malgré l'interruption apparente dela colonne
sympathique au niveau du 78 segment — nous disons apparente parce
qu'il n'est pas toujours facile d'apprécier le degré de disparition ou de
conservation des éléments nerveux au milieu des grands boulever-
sements, tels que ceux qui sont réalisés par l'hématomyélie, la syringo-
myélie — n'est nullement surprenante. De nombreuses observations
cliniques, suivies d'examens anatomiques, nous ont appris, conformément
aux résultats des expériences physiologiques, que chaque segment de la
colonne sympathique fournit des fibres préganglionnaires à plusieurs
ganglions vertébraux situés au-dessus et au-dessous de celui qui corres-
pond à ce segment. On aurait pu s'attendre tout au plus à observer un
réflexe plus faible dans la zone radiculaire correspondante; une telle
atténuation n'a pas été enregistrée. Dans le cas de Ler, les cellules de la
colonne sympathique ne paraissaient manquer réellement que dans le
segment Dvn et dans lapièce intermédiaire à Dvu—DVUI. L'interruption de
la colonne sympathique, à la condition qu'elle ne soit pas trop étendue,
n'a pas les mêmes conséquences que la destruction du ganglion ver-
tébral correspondant ou de son communicant, qui se traduit toujours
à cause de la disparition des fibres post-ganglionnaires par l'absence
de réflexe dans un segment radiculaire.
Le réflexe pilomoteur déclenché par l'excitation cervicale descendait
sur la partie inférieure du tronc et sur les membres inférieurs; quelles
sont les voies suivies par les excitations parties des centres supérieurs
pour aboutir aux divers étages de la colonne sympathique? L'excitation
une fois amenée à l'extrémité supérieure de la colonne sympathique se
propage-t-elle ensuite en suivant les étages successifs de la colonne sym-
pathique elle-même, ou certains faisceaux de la moelle?
Dans le cas présent, l'interruption apparente de la colonne sympa-
thique au niveau de Dv" rend peu vraisemblable l'hypothèse d'une
propagation des excitations descendantes le long de la colonne sympa-
thique, de cellule à cellule. La transmission se fait-elle par la substance
grise ou par certains faisceaux de la moelle? La substance grise de la
moelle est elle-même très compromise sur la hauteur de plusieurs
segments; d'autre part, la persistance du réflexe pilomoteur, au cours de
quelques affections de la moelle qui s'attaquent avec une véritable
élection à la substance grise, paraît difficilement explicable, si on fait
jouer le rôle principal ou exclusif à cette formation.
C'est plutôt vers la substance blanche qu'il faut s'orienter. De nom-
breuses observations anatomocliniques permettent de mettre hors de
cause les faisceaux pyramidaux directs et croisés, toute la partie exogène
des cordons postérieurs, les faisceaux cérébelleux direct et de Gowers.
Par exclusion, on arrive ainsi à chercher cette voie descendante dans
le faisceau fondamental du cordon latéral et vraisemblablement dans la
partie la plus voisine de la corne latérale. Toute cette portion de la
substance blanche est formée de fibres d'association qui relient entre eux
les divers étages de la moelle.
Dans cette conjecture on ne peut mettre complètement hors de cause
la substance grise, puisqu'elle contient les cellules cordonales qui
servent d'origine à tout ce système de fibres. Dans un cas de lésion bulbo-
J
spinale examiné récemment avec umeiltiéles foyers morbides descen-
daient jusqu'au vi* segment cervical, le réflexe pilomoteur était beaucoup
moins apparent du côté malade que du côté sain. La lésion était, il est
vrai, trop étendue en hauteur et transversalement, pour qu'on puisse en
tirer des déductions très précises; le faisceau fondamental du cordon
latéral était en tout cas compris dans le foyer morbide.
La généralisation du réflexe pilomoteur sur toute la surface du corps,
y compris les membres inférieurs, chez Chauv.,. est au premier abord
surprenante parce que de graves lésions endommageaient à la fois la
substance grise et la substance blanche. Il faut tenir compte non seule-
ment de l'étendue et de la gravité des lésions, mais encore de leur niveau
et cette considération est particulièrement instructive, à propos de
l'examen du cas Chauv... comme je l'ai déjà fait remarquer ailleurs. Le
segment D1 n'est que partiellement lésé et la moitié supérieure de la
racine antérieure Dz est beaucoup moins atteinte que la moitié infé-
rieure. D'après les résultats de plusieurs observations anatomocliniques
de blessures graves de la moelle, le segment Dx a une importance spé-
ciale, puisque c'est à ce niveau que se trouve l'extrémité supérieure des
centres pilomoteurs des membres inférieurs. Suivant que ce segment est
ou n'est pas détruit, le réflexe passe ou ne passe pas sur les membres
inférieurs. La constatation d'un réflexe sur les membres inférieurs de
Ch... est donc suffisamment expliquée par l'intégrité relative de la
moitié supérieure de DI. Comme le réflexe n'a été observé que sur les
cuisses, on pourrait être tenté d'expliquer sa limitation au segment
proximal du membre inférieur par la très petite portion des centres pilo-
I. ANDRÉ-THOMAS et JUMENTIÉ. Contribution à l'étude des syndromes bulbo-
spinaux (Soc. de neurologie, 22 mars 1923).
moteurs correspondants, qui a été respectée. Cette observation n'est pas
à ce dernier point de vue suffisamment démonstrative parce que, si le
réflexe n'a pas été apparent sur les jambes, il faut peut-être mettre en
cause la sécheresse et les troubles trophiques de la peau, la fragilité des
poils qui se cassaient facilement et un certain degré de kératose
pilaire.
Le réflexe était encore relativement moins apparent à droite sur la
partie sous-ombilicale de l'abdomen; peut-être faut-il en rendre respon-
sable à la fois la lésion du segment Dx et surtout la lésion ganglion-
naire.
On observe généralement, mais pas constamment, un certain parallé-
lisme entre le réflexe pilomoteur et les autres réflexes sympathiques, en
particulier, la sudation. Elle faisait défaut chez ces deux blessés; la peau
des membres inférieurs était constamment sèche et squameuse.
Peut-on en déduirelogiquement que les centres sudoraux des membres
inférieurs avaient été détruits, ou que les fibres qui relient les centres
supérieurs aux centres spinaux de la fonction sudorale avaient été inter-
rompues ? Aucune expérience n'a été faite avec les applications de cha-
leur et divers agents pharmacodynamiques, tels que la pilocarpine : on
ne saurait donc affirmer d'une manière absolue la suppression de toute
réaction sudorale. D'autre part, des recherches antérieures nous ont
permis de localiser dans les V-VI-VIIe segments dorsaux, débordant vrai-
semblablement sur le iv" et le vnr', les centres sudoraux des membres
supérieurs; dans les premiers segments lombaires et les derniers seg-
ments dorsaux, le xe segment dorsal probablement compris, les centres
sudoraux des membres inférieurs.
Si les centres sudoraux des membres inférieurs n'ont été que partiel-
lement détruits chez Ler., ils ne l'ont été que sur une très faible étendue
chez Chauv... On peut admettre à la rigueur que chez Chauv... les fibres
qui relient les centres supérieurs aux centres spinaux ont été en grande
partie interrompues, et que la lésion du x* segment spinal n'a laissé
intacte qu'une portion très restreinte de ces centres, au-dessus de la
lésion; mais le segment sous-lésionnel contient la plus grande partie des
centres sudoraux et malgré cela la sueur spinale faisait défaut'.
Peut-être, faut-il encore faire intervenir des facteurs d'un ordre plus
général. Le blessé Ch... était atteint de néphrite chronique, et à plu-
sieurs reprises l'anasarque avait envahi les quatre membres, tandis que
les urines étaient devenues extrêmement rares. La sudation est une fonc-
tion plus complexe que le réflexe pilomoteur; elle exige, sans doute, la
collaboration d'agents multiples. Le fait que, malgré la présence de
mouvements de défense des membres inférieurs, de réflexes pilomoteurs
spinaux, aucune sudation n'a été constatée sur les membres inférieurs
i. ANDRÉ-THOMAS. Etude de la sueur dans les blessures de la moelle. La
sueur encéphalique et la sueur spinale. (L'Encéphale, 10 avril 1920.)
de Chauv... laisse supposer que l'absence de sueur reconnaît dans le cas
présent une autre origine qu'un simple désordre du système nerveux. A
ce propos, l'observation suivante mérite d'être rappelée : il s'agit d'un
blessé dont la moelle avait été atteinte au niveau des segments DV11l et
DIX; la sueur apparaissait soit dans les parties innervées par le segment
sus-lésionnel (sueur encéphalique), soit dans les parties innervées par le
segment sous-lésionnel (sueur spinale) : ces sueurs à bascule ne sont pas
exceptionnelles. Pendant les derniers jours qui précédèrent la mort, les
urines, qui s'étaient maintenues jusque-là à un taux à peu près normal,
diminuèrent considérablement et s'abaissèrent jusqu'à 5o grammes : la
sueur spinale disparut en même temps que les mouvements de défense
et les réflexes pilomoteurs spinaux1. Par contre, une transpiration abon-
dante couvrait les régions innervées par le segment sus-lésionnel. Le
réflexe pilomoteur et le réflexe sudoral ont subi, il est vrai, le même sort
chez ce blessé ; mais, comme nous le faisions remarquer plus haut, ils ne
se comportent pas toujours de la même manière et dans plusieurs cas
de traumatismes graves de la moelle, la sueur spinale fait défaut par
périodes, et elle s'exagère à d'autres, tandis que le réflexe pilomoteur
spinal conserve la même intensité. La réaction sudorale représente un
phénomène autrement plus complexe que le réflexe pilomoteur.
La sécheresse permanente des téguments des membres inférieurs chez
Ler... suggère des considérations analogues. Dans ce cas toute cause
d'ordre général doit être apparemment exclue, la plus grande partie des
centres sudoraux a été respectée; un trouble dans la conductibilité des
fibres qui unissent les centres sudoraux de la moelle aux centres plus
élevés, reste la seule hypothèse plausible. La lésion n'aurait pas com-
promis au même degré le réflexe pilomoteur et les réactions sudorales.
L'éruption d'éléments papulo-vésiculeux sur la face interne des deux
bras, accompagnée de sensations de brûlure très vives, qui s'est produite
chez Ler... six mois après la blessure, reconnaît-elle une origine sympa-
thique ?
Les rapports des troubles dits trophiques avec les lésions du système
nerveux ont soulevé de nombreuses et vives controverses. A part les
escarres de la région sacrée, des fesses et des talons dont la nature est
très discutée, la présence de troubles trophigues doit être considérée
comme une exception chez les grands paraplégiques; d'ailleurs, par sa
situation, cette éruption ne peut presenter aucune relation pathogénique
avec le traumatisme des segments lombosacrés.
La cavité syringomyélique,qui s'étend sur la hauteur de la plus grande
partie de la moelle dorsale et de la moelle cervicale, doit retenir davan-
tage l'attention, puisque la syringomyélie est l'affection de la moelle au
cours de laquelle on observe le plus souvent des altérations diverses de
1.
Étude de la sueur dans les blessures de la moelle. La sueur encéphali-
tique et la sueur spinale. L'Encéphale, 10 avril 1920.
la peau et les éléments éruptifs constatés chez Ler... ne sont pas sans pré-
senter avec elles quelque analogie.
La distribution des éléments éruptifs sur les membres supérieurs et
leur localisation élective sur le bord interne du bras, est d'autant plus
intéressante que le foyer hématomyélique s'est produit au niveau de
Dv" et de la pièce intermédiaire de DT" et DTIU, c'est-à-dire dans des seg-
ments qui contiennent l'extrémité inférieure des centres sympathiques du
membre supérieur. Les mêmes segments fournissent également des
fibres aux territoires radiculaires correspondants du tronc et cependant
ces territoires sont restés indemnes. *
La lésion syringomyélique remonte d'autre part sur toute la partie
supérieure de la région dorsale et la plus grande partie de la région cer-
vicale; la lésion des nerfs spinaux qui prennent leur origine dans les
premiers segments dorsaux pourrait être incriminée. Les douleurs, qui
ont accompagné l'éruption, ont pu être occasionnées en partie par l'irri-
tation locale, au niveau des téguments, mais par leur intensité et leur
diffusion, elles rappelaient davantage les douleurs radiculaires et ces
douleurs ne sont pas exceptionnelles chez les syringomyéliques. Les
ganglions, rachidiens et les racines correspondantes n'ont malheureuse-
ment pas été examinés.
La pathogénie de ces éléments papulo-vésiculeux, qui rappelaient
parleur aspect, leur distribution et les douleurs concomitantes les érup-
tions discrètes de l'herpès Zoster,reste obscure. N'en est-il pas de même
pour les éruptions diverses qui ont été signalées au cours de la syringo-
myélie? On n'a pu jusqu'ici établir des rapports précis entre l'étendue,
le siège, la gravité des lésions de la moelle, d'une part, la distribution,
la forme, l'intensité des éléments éruptifs, d'autre part.
Si l'on jette un coup d'œil d'ensemble sur ces deux observations, les
précisions d'ordre clinique et anatomique occupent une place très
modeste, par comparaison avec les hypothèses et les incertitudes nom-
breuses que laisse leur interprétation; mais les unes et les autres appar-
tiennent à un domaine encore peu exploré et elles ne seront pas dénuées
d'utilité si elles sollicitent des critiques ou de nouvelles recherches.

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE I

Fig. i hémorragiques occupant la substance grise et la substance


— Foyers
.
blanche du XIe segment dorsal. (Obs. Chauv.)
FIG. 2. — Foyer de nécrose occupant la corne postérieure à peu près au
même niveau, dans le même cas.
PLANCHE II
FIG. 3. — Foyer inflammatoire dans un ganglion sympathique. Nombreux
lymphocytes. Un vaisseau avec une paroi très épaissie.
FIG. 4. — Raréfaction des cellules. Nombreuses capsules vides au voisi-
nage du foyer inflammatoire et de la lésion du rameau communicant.

PLANCHE III
FIG. 5. — Cellules plus nombreuses dans le même ganglion à une certaine
distance du foyer inflammatoire.
FIG. 6. — Cellules de la colonne sympathique au niveau du xie segment
dorsal. Cellules vésiculeuses à noyau excentrique.

PLANCHE IV
Coupes de la moelle dorsale et de la moelle cervicale dans un cas de bles-
sure de la moelle lombaire. Hématomyélie et syringomyélie. (Obs. Ler...)
DE L'ORGANISATION INCONSCIENTE DES SOUVENIRS

PAR
Le professeur Henri CLAUDE
et R. de SAUSSURE

Depuis plus de dix ans, Maeder, de Zurich, a attiré l'attention des psy-
chologues sur la fonction téléologique du rêve. Notre éminent confrère
pense que le travail onirique a pour but de préparer des solutions aux
conflits qui nous occupent, en d'autres termes de mâcher la besogne à
notre activité consciente.
Pour notre part, nous ne saurions partager ce point de vue finaliste.
Cependant, nous sommes prêts à reconnaître que la théorie du psy-
chiatre zurichois repose sur une observation juste et intéressante, à savoir :
que l'organisation inconsciente de nos souvenirs précède souvent la
solution consciente de nos conflits. Nous avons eu l'occasion d'étudier
dans une série de rêves d'une même malade ce travail de l'activité oni-
rique.
Mlle Val... entre dans le service libre de Sainte-Anne (service du pro-
fesseur Henri Claude) en mars 1924, âgée de trente-six ans. Institutrice
de profession, elle vient consulter pour des crises de nature vraisembla-
blement hystérique qui se manifestent de façon irrégulière depuis dix-
sept ans. Ces crises débutèrent en 1907 par un tremblement du bras
droit qui s'est progressivement étendu à tout le corps et qui à l'époque
avait été pris pour de la chorée. Nous avons tout lieu de croire qu'il
s'agissait déjà en 1907 d'une manifestation hystérique, car, au cours
d'un entretien, le 14 avril 1924, le bras de Val... se mit à trembler et par
une énergique contresuggestion nous avons été en mesure d'arrêter ce
phénomène immédiatement.
Val... est née dans le Dauphiné, d'un père alcoolique et d'une mère
saine. Il n'y a pas d'hérédité pathologique à signaler du côté de la mère,
tandis que du côté paternel il y a plusieurs cas d'éthylisme.
Notre malade s'est montrée, dans son enfance, une fillette docile et
affectueuse, assez bien douée et d'un tempérament gai. Jusqu'en 1907,
elle a joui d'unesanté excellente, cependant, soitphysiquement, soit intel-
lectuellement elle se fatiguait très rapidement. A l'âge de quatre ou cinq
ans, elle se mit à se masturber et à se faire masturber par des garçons et
des fillettes de son âge à qui, du reste, elle rendait le même service. Ce
fut surtout avec sa petite soeur que plus tard elle se livra à ces pratiques
onanistes. Au moment de sa première communion, elle comprit que ce
qu'elle faisait était mal, elle en eut de très vifs remords, particulièrement
à l'égard de sa jeune sœur. Cela est important à noter, car c'est ce repen-
tir qui a déterminé sa vocation d'institutrice. Depuis cette époque, tout
son désir a été de pouvoir « éclairer et faire épanouir de jeunes âmes ».
La sollicitude avec laquelle elle entoura sa jeune sœur, âgée de sept ans
de moins qu'elle, développa de façon précoce son instinct maternel. Elle
ne rêvait que d'enfants. Elle prétendait en avoir douze et dans le village
on la plaisantait sur sa nombreuse postérité imaginaire.
Malgré ce désir ardent d'être mère, une série d'événements devaient
la tenir écartée du mariage. Sa mère, malheureuse en ménage, s'était
réfugiée dans les consolations de l'église. Elle avait rêvé de faire de son
fils André un prêtre. Elle l'envoya au séminaire. André était très lié avec
Val... ; tous deux, à cet âge avaient la même nature ardente et mystique.
Notre malade entrevoyait déjà toute une vie de dévouement aux côtés de
son frère. Elle l'aiderait, prendrait à sa charge les soins du ménage et se
dépenserait dans les diverses œuvres de la paroisse. Le rêve était beau,
mais vers 1906, André renonça à sa vocation de prêtre. Cependant, pour
faire plaisir à sa mère, il continua d'aller au séminaire pendant un an,
dans l'espoir de sentir renaître en lui la vocation ecclésiastique.
Sur ces entrefaites, vint s'établir dans le petit village du Dauphiné
qu'habitaient Val... et sa famille, un nouvel abbé, M. X. Celui-ci devint
rapidement un habitué de la maison. La mère de notre malade, un peu
superstitieuse, pensait que c'était un second fils que lui envoyait le bon
Dieu, puisque son propre fils voulait quitter la prêtrise. Elle le reçut à
bras ouverts, si bien qu'après quelques semaines, il embrassait aussi
bien la mère que les sœurs de Val... Celles-ci étaient du reste loin de s'en
plaindre. Deux personnes cependant regardaient l'abbé d'un mauvais
œil, c'étaient André et notre malade. Celle-ci était si profondément atta-
chée à son frère qu'il lui répugnait de voir toute sa famille accueillir un
étranger à sa place. Un sentiment de révolte lui faisait détester cet intrus.
A l'encontre de ses sœurs, elle avait toujours refusé de l'embrasser ou
de se laisser embrasser par lui et cette attitude n'avait fait qu'accroître
son intimité avec son frère.
Les choses en étaient là, lorsqu'un jour elle fit un long pèlerinage à
pied. En rentrant, l'abbé lui dit combien il était peiné de l'attitude hos-
tile qu'elle prenait à son égard et il lui demanda d'accepter un entretien
où il pût s'expliquer franchement avec elle (avril 1907). Revenant d'un
pèlerinage, elle ne voulut pas commettre un acte d'inimitié et accepta.
Dans cette entrevue, l'abbé lui rappela qu'il l'avait vue deux fois avant
qu'il entrât au séminaire. Il lui confia qu'elle lui avait fait une impres-
sion profonde, qu'il l'avait toujours aimée. Il lui demanda de faire son
possible pour abandonner son attitude d'hostilité dont il souffrait tant.
Elle promit, mais ne se sentit nullement attirée vers lui,
Elle quitta son village natal pour passer ses examens et s'occuper de
ses premières élèves, en sorte qu'elle ne le vit que rarement. Elle rentra
chez ses parents, à la fin de décembre 1907, pour ses vacances de Noël.
Le 3o décembre de la même année, au moment où elle écrivait à son
frère, elle fut prise d'un tremblement du bras droit. Elle en rit d'abord,
puis, voyant que cela ne cessait pas, son entourage et elle-même com-
mencèrent de s'inquiéter.
Le tremblement l'obligea à laisser inachevée la lettre qu'elle écrivait;
elle monta alors dans la pièce au-dessus où se trouvaient sa famille et
l'abbé devenu prêtre : là, pour la première fois, elle l'embrassa.
Au cours de décembre 1907, Val... semble avoir transféré inconsciem-
ment sur le prêtre l'affection que jusqu'ici elle portait à son frère. Cette
évolution a dû être douloureuse, puisqu'elle était en désaccord complet
avec l'attitude qu'elle avait adoptée jusqu'ici. Mais, sans nul doute, c'est
dans ce transfert que résida le conflit qui a engendré sa maladie.
Ce tremblement s'étendit à tout le corps, il était accompagné de
secousses brusques. Il disparut pendant les règles de Val... puis revint.
Ces phénomènes s'amendèrent pendant le cours de février pour revenir
en mars et atteindre leur paroxysme en avril 1908. A ce moment, notre
malade était alitée, elle fit plusieurs tentatives de suicide. Quand elle
prenait du chloral, elle devenait méchante, brisait des objets et se mettait
en colère pour des riens. En mai, il y eut une légère amélioration. En
1909, le tremblement disparut progressivement. Pendant sa maladie,
Val... avait souvent vu M. X... En iQt o, elle fit même un petit voyage
avec lui. Des baisers, ils en vinrent aux caresses, des caresses à l'acte
coupable. Il la surprit, elle se révolta, elle fut vaincue. Elle en eut un
grand dégoût, mais X... lui fit tant de promesses qu'ils continuèrent de
se voir, essayant de réaliser un amour purement mystique. Si boulever-
sante que fût pour Val. cette agression brutale, elle ne fut suivie d'aucun
phénomène pathologique.
En décembre 1914, réapparaît le tremblement. Il semble qu'à ce
moment notre malade ait été très affectée par une proposition de
mariage. Elle sentit renaître son instinct maternel et le besoin d'assouvir
ses désirs sexuels éveillés par la scène de 1910. Tout cela la poussait à
quitter X... et, d'autre part, elle se sentait moralement liée à lui qui
attendait qu'elle eût atteint l'àge canonique pour la prendre chez lui.
Elle refusa l'offre, mais le conflit fut assez violent pour faire réappa-
raître ses mouvements involontaires; ceux-ci durèrent de façon inter-
mittente jusqu'en l'été 1915.
En août 1916, l'évêché ayant surpris une lettre du prêtre adressée à
son amie, il interdit à celui-ci de revoir Val... La séparation fut complète
pendant un an et demi. Cependant dans le village, on faisait courir le
bruit qu'elle était enceinte. La séparation, les émotions, tout cela
déclencha à nouveau le tremblement. En novembre 1917, elle revoit X...
1
et elle guérit peu de temps après. Tout va bien jusqu'en 1920. A ce
moment, elle vient habiter le même village que sa sœur aînée, qui est
connue pour son caractère détestable. Celle-ci, jalouse, lui fait des
scènes épouvantables. Les phénomènes pathologiques reviennent une
fois de plus et se poursuivent jusqu'en février 1921, où elle rompt défi-
nitivement avec X... Celui-ci s'était montré incapable de tenir sa pro-
messe d'un amour platonique. Il avait fait diverses propositions à Val...
qui la dégoûtèrent; cependant, elle ne fut pas assez forte pour prendre
seule la décision de rompre. C'est à ce moment qu'elle avait fait la con-
naissance de son amie Isabelle. Celle-ci lui faisait des piqûres que le
médecin lui avait ordonnées. Après avoir échangé quelques confidences,
Isabelle obligea son amie à rompre ses relations avec X...
Elle acquit par là un ascendant remarquable sur notre malade et la
guérit. Il n'y eut plus aucun phénomène pathologique jusqu'en 1923, si
ce n'est une certaine asthénie qui dure surtout depuis 1919. Val... est cer-
tainement épuisée par les longues périodes de tremblement qu'elle a
traversées.
Examinons maintenant quelles furent les préoccupations qui firent
éclater les crises de décembre dernier :
i° En été 1923, notre malade apprend que sa sœur cadette s'est éta-
blie depuis plusieurs mois chez le prêtre. Cette idée provoque chez elle
une certaine jalousie, des désirs et, plus encore, des remords. Elle se
souvient qu'enfant, c'est elle qui a initié sa sœur à la sensualité, cela
réveille ses scrupules. Elle voudrait pouvoir arracher sa sœur à l'in-
fluence de X... et, d'autre part, elle ne veut pas rentrer en relation avec
lui;
20 En été 1923, elle apprend qu'un homme de son village, pour qui
elle avait beaucoup d'estime, a perdu sa femme. Elle sent que si elle
était dans un meilleur état de santé, il y aurait eu là pour elle une possi-
bilité de mariage. Elle en veut au prêtre qui a détruit sa santé et gâché
sa vie;
3° Peu de temps avant ses crises, Isabelle, son seul soutien, lui fait
une scène. Elle lui reproche d'être trop passionnée dans son amitié, trop
sensuelle, trop « embrassante ». Val... se justifie en disant que c'est le
seul moyen pour elle de se satisfaire physiquement, que ce n'est pas elle
qui a créé sa nature ardente et que, d'ailleurs, tant qu'elles n'en arrivent
pas à des actes plus graves, elle ne voit pas le mal qu'il peut y avoir à
cela. Cependant cette ombre dans sa meilleure amitié la tourmente
beaucoup;
41 La mère de Val... voudrait voir sa fille revenir habiter leur maison
natale dans le Dauphiné. Val..., qui habite depuis dix ans avec son amie
Cécile, à qui elle doit beaucoup, ne veut pas l'abandonner. Elle lui fait
son ménage.
Cet ensemble de préoccupations semble avoir engendré les manifes-
tations pathologiques de décembre dernier. Elles s'arrêtèrent instanta-
nément lorsque Isabelle passa sa bague au doigt de notre malade. Val...
vient nous consulter pour que nous prévenions le retour de nouvelles
rechutes et que nous agissions contre son asthénie. Nous avons eu l'oc-
casion de la voir environ vingt-cinq fois. Nous avons pratiqué avec elle
la méthode psychanalytique. Il ne peut être question de rapporter ici le
détail de nos conversations. Ses premiers rêves nous ont placés en face
de son désir de se marier.
A ce propos, elle se souvient que l'incident qui fit éclater ses crises
en décembre dernier était te suivant :
Elle était à l'église, elle vit un prêtre officier, elle crut reconnaître X...
et elle fut prise d'un violent désir de le revoir.
En mars, au contraire, un mois après sa guérison, elle nourrit un
sentiment de haine très vif à l'égard du prêtre. Elle sent qu'il est un
obstacle à son mariage. Le seul homme qu'elle pourrait épouser con-
naît X... Val... ne veut pas lui avouer tout ce qui s'est passé et c'est ce qui
l'éloigné de lui. Aussi, chaque fois qu'elle parle du prêtre, c'est avec
haine et dégoût. Elle est obsédée par l'idée qu'il lui a gâché sa vie.
Nous prions le lecteur d'excuser ce long préambule, mais cette
anamnèse détaillée était nécessaire pour saisir la suite de ce travail.
Nous allons voir que du 22 mars au 10 avril s'opère chez Val... une
transformation tendant à changer le dégoût qu'elle éprouve pour X... en
de l'indifférence. Tant que notre malade nourrissait une haine violente,
elle était sans cesse préoccupée du prêtre, il lui remontait à l'esprit une
foule de souvenirs pénibles. Au contraire, depuis que sa répulsion est
tombée, elle ne pense plus à lui, elle arrive à objectiver ses sentiments.
Ce que nous voudrions faire ressortir ici, ce sont les processus incon-
scients par lesquels elle se détache de tout ce qui concerne le prêtre.
Nous voudrions montrer par une série d'images oniriques de quelle
façon les souvenirs se déforment et s'organisent en vue d'atténuer la
charge affective désagréable qu'ils comportent.
Premier rêve. — « Je me trouve dans un endroit que je ne puis pas
bien préciser. Je crois que c'est à Paris. Ma mère est avec moi. Je reçois
une lettre de ma sœur cadette à laquelle je ne prête pas d'attention. Avec
elle se trouve une lettre du prêtre. Je ne veux pas d'abord la lire, puis,
par hasard, je vois qu'il ne s'agit que de la description de son presby-
tère. La lettre commence par « Ma chère petite fille K. Je ne puis me
souvenir de la fin de la lettre, je garde l'impression que même en rêve
je n'ai pas pu la lire; elle était comme effacée. Sur la lettre se trouvait
encore un dessin. Je reste indifférente à cette lettre, elle ne provoque en
moi ni répulsion, ni désir. Ma mère, au contraire, est tout heureuse
d'avoir des nouvelles du prêtre. »
Les associations que Val... nous donne au sujet de ce rêve sont très
nombreuses. Nous nous contenterons de relever celles qui peuvent nous
intéresser au point de vue de l'organisation inconsciente des souvenirs.
« Dans le rêve, la lettre me parvient sous une
enveloppe écrite par
ma sœur, car je ne n'ouvre plus les missives du prêtre, je ne les lis plus
depuis que j'ai rompu avec lui » (ici la malade nous raconte en détail
toutes les circonstances qui l'ont amenée à ne pas ouvrir la dernière
lettre que le prêtre lui a adressée en réponse à la lettre de rupture qu'elle
avait écrite).
« La missive du prêtre commence par « Ma
chère petite fille », c'est
ainsi qu'il m'écrivait en 1907, avant qu'il y ait eu quoi que ce soit entre
nous. La description du presbytère n'est pas celle du presbytère qu'il
habite, il s'agit d'une maison de mission au Japon. Le dessin qui est
sur la lettre représente également un site japonais. Un missionnaire m'a
montré ces mêmes paysages en igo6. En igo8, je lui ai écrit pour lui
raconter mes sentiments pourX... Il me répondit de rompre immédiate-
ment. Je ne l'ai pas fait. » (Suit la description des circonstances dans
lesquelles elle fit la connaissance de ce missionnaire.)
« En 1919, les premiers temps que je repris la correspondance avec
le prêtre, après l'interdiction de l'évêché, je lisais à mon amie Cécile
toutes les lettres qu'il m'écrivait. Bientôt les derniers paragraphes de nos
missives devinrent trop intimes et je les cachais à mon amie. » (Suit la
description des circonstances dans lesquelles elle renoua la correspon-
dance avec le prêtre.)
De ces quelques associations ressort le désir très net d'éloigner dans
le temps et dans l'espace les souvenirs concernant le prêtre. Il y a une
tentative d'effacer toutes les choses pénibles qu'elle a vécues avec cet
homme. L'en-tête de la lettre (ma chère petite fille) nous reporte à
l'époque où elle était indifférente à X... Le presbytère est transporté au
Japon. Le prêtre lui-même est en partie identifié avec un saint homme.
Enfin, de leur correspondance, le rêve n'évoque que la partie la plus
banale, celle que Val... pouvait lire sans arrière-pensée à son amie; la
partie la plus intime est effacée. De toutes ces années écoulées où Val... a
connu des sentiments d'amour et de haine si violents, le rêve n'évoque
que des incidents insignifiants. Il est comme un filtre qui ne laisse passer
que les événements dépourvus d'affectivité, ceux qui ne sont pas nocifs.
La conclusion même du rêve est intéressante, elle nous montre dans
quel sens l'inconscient de Val... tend à s'organiser. « Je reste indifférente
à cette lettre, elle ne provoque en moi ni répulsion, ni désir. Ma mère,
au contraire, est heureuse d'avoir des nouvelles du prêtre. » Cette der-
nière phrase demanderait un long commentaire, mais elle n'intéresse
pas le but que nous poursuivons.
Deuxième rêve. — « Je me promène sur un chemin, je vois une jeune
femme enlisée jusqu'à la poitrine dans un étang de boue. Je poursuis
mon chemin et je vois un pré rempli de fleurs blanches et de margue-
rites. Je veux les cueillir, lorsque arrive une dame, qui ressemble à la mère
d'Isabelle. Je lui demande la permission de cueillir ces fleurs, elle ne me
répond pas, mais elle ne m'empêche pas de les prendre. »
Associations résumées. — « La jeune femme, ce doit être moi. Je me,
souviens qu'un jour Isabelle m'a dit : Il me semble parfois t'avoir reti-
rée d'un puits dans lequel tu étais enlisée. Les fleurs blanches sont l'em-
blème de la pureté ; je me souviens que, lorsque j'étais enfant, nous allions
en cueillir le dimanche des Rameaux. Les marguerites étaient mes fleurs
préférées. Ah j'étais pure dans ce temps-là! Je me souviens que dans le
!

rêve, il y avait à côté du pré fleuri une petite ferme entourée de bar-
rières. J'aimais la campagne autrefois. Puis, lorsque j'ai rompu avec le
prêtre, je n'aimais plus que la ville, aujourd'hui, je m'attache de nou-
veau à la campagne...
« La mère d'Isabelle est bizarre et sauvage, elle ne veut voir personne.
Ce n'est pas une vie pour mon amie, qui a quarante ans, de vivre aussi
isolée. Je suis la seule personne que cette vieille dame agrée parfois.
C'est pourquoi je pense que, dans mon rêve, elle me laisse cueillir des
fleurs. »
Dans ce rêve, nous voyons les souvenirs pénibles s'enliser et dispa-
raître pour faire place au symbole de la pureté. Le pré de fleurs rappelle
l'enfance heureuse. Faire appel à une époque bénie de sa vie, c'est une
façon d'effacer une période triste. Nous ne nous débarrassons d'un sou-
venir qu'en le remplaçant par un autre qui nous intéresse davantage.
Nous verrons que dans plusieurs rêves, Val... se retrouve au temps de son
adolescence, qui pour elle symbolise la pureté et la joie de vivre. Mais le
pré de fleurs, c'est aussi la campagne rêvée où elle voudrait aller habiter
avec Isabelle et Cécile. Le rêve réalise son désir. Il substitue à l'image
pénible de ses souvenirs (enlisement) une image de pureté et de bonheur.
Par là, il tend à rendre le fond mental de Val... moins morose, moins
déprimé. Il est certain que si de façon continue son inconscient tend à
transformer ses souvenirs pénibles en impressions agréables, l'humeur
générale de la malade doit s'en ressentir. C'est à ce point de vue qu'il
nous paraît particulièrement intéressant d'étudier l'organisation incons-
ciente des souvenirs.
Troisième rêve. — « Je me trouve avec ma mère et Isabelle dans le
Dauphiné. Une de mes élèves apporte à ma mère un tableau à encadrer.
Le centre du tableau représente une ferme; au-dessus se trouve l'image
d'une sainte vierge qui tient par la main une fillette, dont la figure est
laide. Sur le bord du tableau encadrant cette image centrale se trouvent
diverses scènes qui ne sont pas très nettes. J'ai l'impression que même
dans mon rêve, je n'ai pas pris connaissance de ce qu'elles représentaient,
mais je savais qu'elles concernaient le prêtre. Ma mère dit à Isabelle :
Vous vous y connaissez mieux que moi, que pensez-vous de ce tableau P
Isabelle sans répondre prend le tableau, efface les scènes du bord, puis
veut effacer la vierge en disant : « Je ne peux pas la voir sous ces traits-
là. » Je proteste en disant : « Il ne faut pas faire trop de peine à l'élève. »
Isabelle se range à mon avis et le rêve finit ainsi. »
Associations résumées. — Val... interprète d'elle-même le rêvl'tCf. Le
tableau c'est ma vie que ma mère aurait dû encadrer. Elle ne l'a pas fait.
Elle m'a livrée au prêtre par son imprudence, par son aveuglement. Elle
donne le tableau à Isabelle pour qu'elle l'estime; c'est mon désir qu'elle
rende hommage à la valeur morale de mon amie. Isabelle efface de ma
vie tout ce qui y rappelle le prêtre. C'est ce qu'elle a fait en réalité. La
vierge, c'est moi, mon désir d'être vierge, de ne pas avoir été violée, mon
idéal de pureté. Isabelle veut l'effacer, ceci fait allusion au côté sensuel
de mon amitié (voir plus haut). Dans le rêve, elle comprend, elle cède à
mon désir. La petite fille, c'est ma petite sœur que j'aurais voulu pou-
voir protéger par ma pureté depuis ce que je lui ai fait dans mon enfance.
Hélas aujourd'hui elle est chez le prêtre. La maison entourée de bar-
rières, c'est la demeure protégée contre les impuretés, c'est la vie saine
à la campagne. »
Ici le rêve use d'une nouvelle image pour effacer tous les souvenirs
pénibles et rétablir Val... dans la pureté de son adolescence (image de la
vierge). Le souvenir désagréable est refoulé et le rêve se termine par
l'image de l'idéal à atteindre.
Ce rêve est particulièrement intéressant par son caractère synthé-
tique. Il fait allusion à toutes les préoccupations de Val... et, en même
temps, donne une solution à tous ses conflits : sa mère, qui a toujours
témoigné d'une grande incompréhension à l'égard d'Isabelle, rend hom-
mage, dans le rêve, à ses qualités de jugement; les souvenirs concernant
le prêtre sont effacés. Val. a retrouvé sa virginité et conduit sa sœur dans
le chemin de la pureté ; Isabelle se montre indulgente à son'égard ; enfin
toutes ces scènes se passent autour d'une maison de campagne rêvée.
Quatrième rêve. — « Je me trouve avec ma mère lorsque arrive le
prêtre. Il nous dit qu'il va partir pour un couvent de trappistes. Il nous
fait ses adieux. Je sens qu'il y a chez lui un vrai repentir. Je lui donne la
main et le laisse aller. »
Associations résumées. — « Mon oncle m'a invitée en séjour pour
que je puisse être à la campagne; il est prêtre lui-même et habite non
loin de M. X... Je ne veux pas y aller, cela me rappellerait trop de sou-
venirs et puis ce serait me jeter dans la gueule du loup. Si X... n'habi-
tait plus le pays, ce serait autre chose. Il m'est bien devenu indifférent,
mais je ne sais ce qui pourrait se passer si je le revoyais. Je me suis
défaite de tous les objets qu'il m'avait donnés ; je les ai vendus et avec le
produit de la vente j'ai fait dire des messes pour lui. Je voudrais être
sûre que lui aussi s'est repenti. »
Ici l'image du prêtre apparaît dans le rêve, mais c'est un prêtre trans-
formé qui ne provoque plus de répulsion. Elle n'éprouve pas non plus
d'attrait pour lui puisqu'elle le laisse partir. Elle est indifférente et ses
associations nous permettent même de voir son désir qu'il quitte la
contrée. Désormais un couvent séparera pour toujours leurs deux vies.
Telle est la solution qu'elle imagine à son conflit.
Cinquième rêve. — « Je me trouve sur la pelouse devant le presbytère
du prêtre. Une table est posée entre nous. Ma mère, mes deux sœurs et
peut-être d'autres personnes encore sont présentes. Ma sœur cadette va
et vient dans la maison, elle semble parfaitement à son aise. J'en conclus
qu'il -n'y a pas de relations coupables entre elle et le prêtre. Je dis à ma
mère : « Si tu veux continuer à le voir, je ne veux pas être un obstacle
pour toi. Va demeurer chez lui, je n'irai pas t'y voir, mais tu seras
toujours la bienvenue quand tu viendras chez moi. » Là-dessus le prêtre
s'en va. Il embrasse tous les assistants, se penche vers moi pour faire de
même. Je me raidis. Il comprend et part. Puis ma sœur cadette part
à son tour. Elle embrasse tout le monde sauf moi. J'en suis très affectée
et je sens mon bras qui commence à trembler. Je suis alors transportée
dans notre maison natale. J'écris mon journal, tandis que dans la
chambre au-dessus ma famille cause avec le prêtre. »
Il ne peut être question ici d'exposer tout le contenu latent du rêve,
nous ferons seulement remarquer la progression que cette image oni-
rique marque dans l'objectivation des sentiments de Val. à l'égard du
prêtre. Tout en refusant tout compromis avec lui (refus du baiser), elle
cherche à réduire sa rancune et la culpabilité du prêtre au minimum.
La fin du rêve représente une scène souvent vécue. Elle reporte notre
malade au temps où elle était indépendante de sa famille, où elle était
détachée du prêtre et où elle cultivait de belles pensées en rédigeant son
journal intime.
Pour des raisons de clarté d'exposition, nous n'avons considéré que
le développement des sentiments de Val. concernant le prêtre. Mais
nous trouverions une organisation analogue si nous poursuivions les
autres préoccupations de notre malade.
Partout se manifeste cette tendance à l'objectivation et à la désaffec-
tivation des sentiments. Les premiers rêves déforment beaucoup la
réalité au profit du désir, tandis qu'à mesure que Val. devient plus con-
sciente de ses préoccupations, les rêves tendent à adapter le désir au
réel, comme cela a lieu dans l'activité consciente des normaux. Enfin
ces processus de refoulement dont témoignent les images oniriques nous
semblent intéressants au premier chef. Chaque fois que le rêve évoque
un souvenir pénible concernant le prêtre, nous voyons l'image s'obs-
curcir et s'altérer (presbytère du Japon, femme enlisée, scènes du tableau
effacées par Isabelle, fin des lettres illisible, prêtre devenu repentant et
trappiste). Nous aurions pu citer encore ce fragment de rêve où Val.
essaye de dessiner le presbytère, mais celui-ci est situé au sommet d'une
rue. Chaque fois qu'elle veut en entreprendre le dessin, elle s'aperçoit
qu'elle a encore une maison à dessiner qui se trouve placée entre celle
qu'elle vient d'exécuter et le presbytère. Le rêve s'achève avant qu'elle
ait pu atteindre son but.
Un second point important à noter est que le rêve ne se termine
jamais sur l'image refoulée; celle-ci fait toujours place à une image
heureuse rappelant les désirs et les aspirations de Val... Nous faisons
allusion ici au pré fleuri, à l'image de la vierge, à la maison natale, etc.
Les rêves préparent en quelque sorte une atmosphère agréable, heu-
reuse qui aide au malade à sortir de son humeur triste et de ses souve-
nirs pénibles. Ils créent un fond mental qui tend à l'euphorie. Ces pro-
cessus ne se rencontrent probablement pas dans les rêves seulement,
mais aussi dans toute l'activité qui échappe à notre contrôle conscient.
Les images oniriques naturellement ne revêtent cette forme que lorsque

le malade est en voie de guérison.
En résumé, le phénomène sur lequel nous voulions attirer l'attention
est celui-ci : dans l'amélioration progressive d'une névrose, l'effort
volitionnel conscient ne représente qu'une partie du travail de restau-
ration ; au-dessous de cet effort, l'activité inconsciente concourt au
même but avec des processus qui lui sont propres et que nous avons
tenté de mettre au jour dans un cas particulier.
LES INFLUENCÉS
SYNDROMES ET PSYCHOSES D'INFLUENCE'
PAR
André CEILLIER
(Suite et fin)

Les délires d'influence secondaires ou symptomatiques. — Dans un nombre


de cas qui augmente chaque jour, l'analyse permet de reconnaître au-dessous
du syndrome d'influence une psychopathie déterminée ou un état névropa-
thique plus ou moins défini. Je passerai en revue quelques-uns des états qui
• peuvent s'accompagner d'un tel syndrome, sans avoir la prétention d'en
épuiser la liste.
EXCITATION MANIAQUE. — Ce sont MM. Logre et Heuyer qui, les premiers,
ont attiré l'attention sur ces cas 2. Ils ont insisté sur l'importance diagnostique
éventuelle des idées d'influence au cours des états maniaques, où elles ne
sont pas très rares et peuvent en imposer soit pour une psychose systématisée
chronique, soit pour une hébéphrénie. Mais, en particulier dans l'observation
des auteurs, ces idées d'influence ont pour trait distinctif :
1° Leur apparition brusque avec l'excitation maniaque;
2° Leur encadrement par les signes de l'excitation maniaque;
3° Leur allure générale, offrant le caractère expansif, superficiel, variable
et inconsistant, propre aux idées maniaques;
4° Leur contenu, fourni par l'interprétation de l'éréthisme maniaque lui-
même. Le malade se plaint qu'on le fait crier, chantér, danser, dire des calem-
bours, etc. : tel le poète rapportant son exaltation psychique à une inspiration
divine; absence d'hallucinations véritables;
5° Leur disparition ordinaire avec l'état maniaque;
G0 Une disposition constitutionnelle favorisante, paranoiaque et interpré-
tative.
Je partage les opinions de mes amis Logre et Heuyer, à l'exception, toute-
fois, de l'existence d'une constitution paranoiaque à laquelle je me refuse de
croire. Si ces malades ont une constitution, elle me paraît avoir les caractères
inverses de la constitution paranoiaque. Celle-ci suppose, avant tout, une
hypertrophie du sentiment de la personnalité consciente. M. Logre propose
de ranger les délires d'influence sous la rubrique : « Paranoïa introspective. »
L'expression de « paranoïa introspective » ne me semble valable que si l'on
i. Voir le début de l'article : Encéphale n° 3, mars 1924; n* 4, avril 1924 et
n° 5, mai 1924.
2. LOGRE et HEUYER. Idées d'influence au cours de l'excitation maniaque.
(Cong. de Strasb., 1920.)
entend par paranoïa la simple tendance d'un malade à expliquer faussement
les phénomènes qu'il ressent. Dans ce cas M. Logre a raison. Mais ce besoin
d'explication, ce besoin de justification d'un phénomène pathologique n'est-il
pas le plus normal, le plus naturel qu'on puisse imaginer? Devant les phéno-
mènes étranges qu'il éprouve, l'influencé cherche une explication qui satisfasse
au principe de causalité, et comme, précisément, il n'a pas conscience d'être
un malade, comme il ne reconnaît pas l'origine endogène de ses troubles, il
est nécessaire qu'il invoque une cause extérieure, indépendante de lui-même,
telle que l'hypnotisme, le magnétisme, l'influence divine, etc. Mais il me paraît
abusif de donner à cette tendance si naturelle de l'esprit le nom de paranoïa.
La constitution paranoiaque (dont on abuse quelque peu) n'est pas une de
ces constitutions que l'on découvre après coup, « à la loupe », par une analyse
psychologique minutieuse, elle saute aux yeux dès qu'on approche le malade
par son attitude orgueilleuse, hautaine, hostile et s'affirme rapidement au
cours de l'interrogatoire. Telle est mon opinion et surtout celle de M. Séglas
qui me l'a répété bien des fois, pendant les deux années où j'ai eu l'honneur
d'être son interne. Or, on ne retrouve, pour ainsi dire jamais, cette consti-
tution au cours des délires d'influence.
Quoi qu'il en soit, MM. Logre et Heuyer ont eu le grand mérite d'attirer
l'attention sur les délires d'influence d'origine maniaque et de préciser leur
symptomatologie et leur évolution favorable. Ces cas sont fréquents et d'un
diagnostic en général facile. M. Ca... est venu à Paris, au ministère des Affaires
étrangères, poussé par Dieu, pour soumettre à M. Poincaré des inventions
importantes. Dieu lui parle sans arrêt, soit quand il l'interroge, soit sponta-
nément : « Cela ne fait aucun bruit, c'est comme une pensée. Je sais que c'est
Dieu parce qu'il me répond quand je l'interroge et qu'il me dit des choses que
je ne connais pas. Je suis dirigé par Dieu. » C'est bien le Dieu des maniaques :
« un Dieu formidable, épatant, qui ne fait que rigoler tout le temps ».
Mme Gau..., déjà internée plusieurs fois pour excitation maniaque, se
croit sous l'influence du démon qui lui ordonne de brûler papiers, lettres et
photos et de se jeter par la fenêtre, ce qu'elle fait sans hésiter. Elle voit la
sainte Vierge et le diable comme dans un cinéma. Mlle La..., excitée maniaque
à accès fréquents, interprète, comme dus à une influence étrangère, son som-
meil qui est « trop lourd, artificiel, dû à un envoûtement », ses chants, les
idées qui lui traversent la tête, ses troubles de l'humeur et du caractère.

— Les idées d'influence sont exceptionnelles dans la mélan-


MÉLANCOLIE 1.
colie, ce qui s'explique aisément, car le ralentissement des idées ne favorise
pas l'automatisme mental. M. Codet en a pourtant publié un cas récemment.
Il s'agit d'un malade franchement mélancolique qui met sur le compte
d'une influence son irrésolution, son aboulie et les actes inconsidérés qu'il
a commis (vente d'un fonds de commerce, tentative de suicide). Ne se jugeant
aucunement malade, dit M. Codet, il cherche une explication au phénomène
qu'il traduit en propres termes : « Je suis poussé à faire un tas de choses. »
EROTOMANIE 2.
— J'ai donné plus haut, à propros des formes cliniques du
I. CODET. Idées d'influence au cours d'un état mélancolique. (Ann. méd.
psych., mars 1923.)
2. CEILLIER. L'érotomanie et le délire d'influence. (Bull. Soc. cl. méd.
ment., 1922.)
délire d 'influence, la description de la forme érotomaniaque.
Il
par quel mécanisme le malade passe de l'érotomanie simplereste syndrome
à montrer
d'influence. Dans l'érotomanie on trouve, au
comme l'a indiqué M. de Cléram-
' lldee de vigilance et de protection continuelle de l'objet. Or, ces idées
sont très proches de l'idée d'influence. Quant aux conversations indirectes
objet, elles méritent une discussion particulière. avec
Dans l'érotomanie pure, disais-je dans
un précédent article, comme dans
la passion amoureuse, il arrive fréquemment que le sujet
converse menta-
lement avec l'objet (pour employer la terminologie de M. de Clérambault),
de
même qu'il se représente mentalement son visage, son costume,
son parfum.
erotomane ou l'amoureux a, ainsi, avec l'objet de son amour, de longues
conversations dont il fait seul les frais; il pose les questions et donne les
réponses. Mais cette conversation mentale est essentiellement
l auteur n'est dupe qu'autant qu'il le un jeu, dont
veut bien. Chez les influencés, chez
Mme b bag...,les choses se passent autrement. Peut-être,
est-elle livrée au début, Mme Fag...
s au plaisir de la conversation mentale volontaire, consentie,
peut-être s'est-elle, ainsi, éduquée; mais ce qui est certain, c'est qu'aujour-
d'hui, elle affirme de la façon la plus catégorique
distance, que le docteur B... lui parle
a lui envoie des transmissions de pensée. Elle n'admet
pas que cela
vienne d'elle-même et elle s'emporte si on le lui dit. Sa conviction délirante
est telle qu'elle est allée plusieurs fois chez le docteur
se plaindre d'être une
martyre sous sa domination et le supplier de lui rendre sa liberté de
science. Il est curieux de constater que ces transmissions de pensée, parfai-con-
tement agréables par leur contenu, finissent par être intolérables
continuité. Elle souffre d'avoir sa pensée prise continuellement, d'entendre par leur
commenter tous ses faits et gestes, en un mot de ne plus s'appartenir.
Le docteur agit aussi sur ses actes, lui fait
prendre une douche au milieu de la nuit, l'oblige casser sa vaisselle, la force à
à se promener à 10 heures
u soir, etc... L'ordre verbal qu'elle reçoit, alors, ne fait que légitimer l'acte
ou la tendance à l'acte. C'est manifestement la tendance à l'acte qui est primi-
tive. Autrement dit, les choses se passent ainsi la malade, qui
état presque constant d'excitation, éprouve : est dans un
par moments le besoin de casser
des objets, de sortir, de prendre une douche. Elle
tendances sont en elle; elle suppose ne reconnaît pas que ces
que c'est le docteur qui la fait agir et elle
reçoit alors l'ordre verbal, par transmission de pensée.
Ainsi donc, Mme Fag..., après avoir été une érotomane
influencée. pure, est devenue
une Elle possède des idées d'influence qui forment tout un ensemble
bien systématisé et constituent
un délire d'influence. Elle possède l'automa-
tisme du langage intérieur qui se traduit par l'hallucination psychique. Enfin,
dans ses moments d'excitation, elle livre à certains actes dont elle accuse
le docteur d'être l'agent responsable.se
Il m'a paru intéressant de montrer malade qui arrive au délire
d influence par
une
un tout autre procédé que celui qu'on est accoutumé de ren-
contrer. Généralement, c'est la désagrégation de la personnalité et l'automa-
tisme qui sont les phénomènes primitifs..Ici, au contraire, une période éroto-
maniaque a précédé l'automatisme du langage intérieur et l'idée d'influence.
La conversation mentale volontaire, espèce de jeu auquel livrent l'amou-
se
reux et l'érotomane, s'est transformée en conversation mentale involontaire,
automatique, incoercible que subit l'influencé et contre laquelle il proteste.
En un mot, je crois qu'il faut considérer notre malade comme un cas
d'érotomanie dont certains éléments psychopathiques, habituellement intégrés
à la conscience personnelle, sont devenus automatiques et se sont désintégrés
de la personnalité consciente.

LA PSYCHASTHÉNIE1. — Les rapports de la psychasthénie et du délire


d'influence sont du plus grand intérêt aux points de vue théorique et pratique,
parce qu'ils nous montrent le passage d'un état névropathique à un état déli-
rant et parce qu'ils sont loin d'être exceptionnels. Enfin certains cas sont
accessibles à la psychothérapie bien conduite et peuvent guérir.
Les psychasthéniques ont des phénomènes et des sentiments qui lesprédis-
posentau délire d'influence. Chez beaucoup l'aboulie s'accompagne d'un senti-
trent d'automatisme par abaissement, dirait M. Janet, de la tension psychologique.
J'estime que M. Janet a décrit ces malades mieux que personne et l'on.trouve
dans ses ouvrages de nombreuses observations de cas intermédiaires entre l'état
psychasthénique et l'état d'influence. Malheureusement M. Janet, dont l'ouvrage
principal a pourtant paru après les leçons cliniques de M. Séglas, ne parle
jamais des persécutés moteurs, mais toujours de la maladie de Lasègue.
Pourtant il appert que, dans les cas signalés par le savant professeur du
Collège de France, il s'agit de délire d'influence tel que nous l'avons défini.
Ainsi, dit-il : c L'observation de ce malade, R... (obs. I32) âgé de trente-deux
ans, serait intéressante pour nous à bien des points de vue. C'est un des cas
intermédiaires entre le délire du scrupule et le délire de la persécution, qui
peuvent servir à expliquer la genèse de la maladie de Lasègue. Nous étions
disposés à croire ces cas assez rares; en réalité ils sont assez fréquents ».
Ce malade, grand psychasthénique, a évolué vers le délire d'influence avec
des pseudo-hallucinations auditives verbales, des visions imaginaires symbo-
liques, des troubles cénesthésiques.
Parfois même, M. Janet hésite entre les deux diagnostics : « Notre diagnostic
n'est pas ferme à propos de ce pauvre garçon, Je..., âgé de vingt-neuf ans, ou
plutôt sa maladie mentale n'est pas bien caractérisée. Restera-t-il simplement
un psychasthénique avec obsessions scrupuleuses ou deviendra-t-il un délirant
systématique, un persécuté? Pour ie moment il est impossible de le dire avec
netteté, car il présente simplement des sentiments d'automatisme qui existent
au début de l'une et l'autre maladie. — Par moments, dit-il, il me semble que
ce n'est plus moi qui agis. Mes jambes et mes bras marchent tout seuls... Je
sens fort bien la différence, il y a des pensées qui sont à moi et d'autres qui

i. SÉGLAS.L'évolution des obsessions et leur passage au délire. (Congrès


des aliénistes, août 1902.) — SÉGLAS et BARAT. Un cas de délire d'influence.
(Ann. méd. psy., 1913.) — CHASLIN et ALAJOUANINE. Un cas de délire d'influence
obsédant. (Journ. de psychol., 1920.) JANET. Les obsessions et la psychasthénie.
— MIGNARD. De l'obsession émotive au délire d'influence. (Ann. méd. psy.,
-
1913.) — RAYMOND et JANET. Dépersonnalisation et possession chez un psychas
thénique. (Journ. de psychologie, 1904.) CEILLIER. L'obsession et le délire
d'influence. (Bull. Soc. cl. méd. ment., avril 1922.) — CEILLIER. Du besoin de
réconfort au sentiment et au délire d'influence. (Bull. Soc. cl. méd. ment.
iuin 1922.)
ne sont pas à moi. La pensée me vient, je ne sais pas d'où, sans que ce soit
moi qui pense; elle m'est comme inspirée. » (obs. 21.)
Il me paraît incontestable que ces psychasthéniques ont, avant tout, un
trouble de la synthèse mentale, « une tension psychologique », insuffisante avec,
secondairement, sentiment de rêve, d'irréel qu'ils traduisent par un sentiment
de ne pas vivre ou un sentiment d'avoir perdu leur personnalité, de vivre
d'une façon mécanique : « Tout ce que je fais est machinal, cela se fait tout
seul, sans moi. > (Obs. 19). « Il me semble que je ne vis plus que matériel-
lement, que mon âme est séparée de mon corps. »
Il y aurait, peut-être, un rapprochement à faire avec les mélancoliques
négateurs qui ont aussi un trouble de la synthèse mentale, qui nient l'exis-
tence de leur personnalité physique, intellectuelle ou morale et qui peuvent
aussi arriver à l'idée de possession.
Quoi qu'il en soit, chez le psychasthénique, le sentiment et l'idée de domi-
nation succèdent logiquement (et même intuitivement) aux sentiments de déper-
sonnalisation et d'automatisme. « Un degré de plus, dit Janet, dans ce senti-
ment (de domination) et les malades vont dire qu'il y a quelque chose qui
pèse sur eux, qui détermine leurs actes; en un mot, ils vont attribuer à des
volontés étrangères l'action qu'ils ne sentent plus dépendre de leur propre
volonté. » Ce n'est pas toujours l'influence d'une personne, mais parfois la
domination d'un principe moral ou religieux, d'une idée, de la fatalité. »
Nadia : t Il y a une force qui me pousse à faire des serments idiots, c'est le
démon qui me pousse. » Gisèle : « J'ai sans cesse le sentiment d'une puissance
qui m'étreint, le sentiment que je lutte contre quelque chose de supérieur,
c'est cette puissance que j'ai appelée Dieu et que j'ai aussi envie d'appeler le
diable. »
M. Dugas se montre disposé à réunir dans un groupe les sentiments de
dépersonnalisation, de déjà vu, d'apathie, de domination. Ces sentiments
d'étrangetépeuvent, d'après Dugas, se ramener sous quatre formes :
10 Le sujet a le sentiment que la réalité est un rêve ;
20 Il a l'impression d'éloignement, de fuite du monde extérieur;
30 Ce sont les propres actes du sujet qui lui paraissent avec cette couleur
d'étrangeté, d'inattendu; il traduit alors son impression en disant qu'il lui
semble que ce soient les actes d'un aiiii-e ;
40 Enfin survient ce qu'on peut appeler la forme complète de dépersonna-
lisation lorsque le sujet se sent étranger à toutes ses perceptions, actions,
souvenirs pris en bloc.
D'après tout ce qui précède, nous voyons que la psychasthénie prédispose
et souvent conduit au délire d'influence, par relâchement de la synthèse men-
tale et libération de certains phénomènes, qui deviennent ainsi automatiques
et qui, secondairement, sont attribués à une influence étrangère.
Les observations que j'en possède sont nombreuses, mais plutôt que d'en
citer plusieurs, je préfère donner le résumé de deux cas survenus chez deux
psychasthéniques indubitables, mais dont l'évolution a été opposée. Je prends
ces deux malades comme types, parce que, tout en partant du même état
psychasthénique, ils sont arrivés au délire d'influence par deux voies, le
premier par l'automatisme mental, sous forme de mentisme, le deuxième par
une voie plus affective et plus intellectuelle, sous forme de besoin de récon-
fort et de direction.
M. Mon... est atteint de neurasthénie constitutionnelle, aggravée par deux
commotions de guerre et par une grippe. C'est un malade très indécis, sujet
à des doutes, à des scrupules, à des obsessions multiples, avec besoin de véri-
fication, de réconfort, de direction. Sonmentisme est extrêmement développé.
Il ne peut arrêter les mille idées qui lui passent par la tête. Pendant la conva-
lescence de sa grippe, en novembre 1918, il se trouve sur le quai d'une gare, sa
permission en poche, mais il ne sait s'il doit aller à Paris ou non (à ce moment
d'ailleurs il avait des doutes sur la fidélité de sa femme, ce qui explique son
hésitation). Alors une voix intérieure se moque de lui et lui répète : « Ira, ira
pas. » A partir de cet instant il met sur le compte d'une influence tous ses
phénomènes d'automatisme. Les hallucinations psychiques deviennent très
fréquentes, la conversation mentale continue. Il a l'impression d'avoir perdu
sa liberté, d'être dirigé dans ses actes. Tous les phénomènes d'automatisme
mental, très développés à cause de son état psychasthénique, sont inter-
prétés dans le sens d'une influence. L'amélioration, lentement progressive,
de ce malade a été curieuse. Au début, il croyait à la réalité objective des phé-
nomènes qu'il ressentait, à tel point que les médecins qui l'examinèrent alors
le considéraient comme un délirant et portèrent le plus sombre pronostic.
Puis, pendant une longue période, il resta indécis sur le mécanisme de ces
troubles, tantôt croyant à une influence réelle, tantôt reconnaissant leur ori-
gine véritable. Enfin, sous l'influence d'une psychothérapie active, il put
réduire complètement ses idées délirantes, mais il reste un grand psychas-
thénique.
L'observation suivante est des plus intéressantes par le mode de début, par
l'enchaînement rigoureux des symptômes, par la gravité exceptionnelle des
actes impulsifs et enfin par l'évolution qui, contrairement à nos prédictions,
a été des plus graves.
M. B... Marcel, mécanicien, âgé de trente-quatre ans, est entré à l'asile
clinique le 11 février 1923, venant de l'infirmerie spéciale, où M. Heuyer avait
rédigé l'excellent certificat suivant, qui met bien en évidence le sentiment de
domination, d'influence et l'automatisme mental : « Idées de persécution,
d'influence et de jalousie... Interprétations morbides. Craintes d'empoisonne-
ment. Soupçons sur l'infidélité de sa maîtresse (qui est d'ailleurs une fille
soumise). Surtout idées de suggestion. Sa maîtresse lui impose sa volonté.
Prise de la pensée. Hallucinations psychiques. Voix de sa maîtresse qu'il
entend continuellement dans sa tête. Chansons. Hallucinations psycho-
motrices. Ordres et inhibitions. Automatisme mental. Préoccupations inces-
santes de jalousie. Réactions homicides et suicide (coups de rasoir à sa maî-
tresse et à lui-même, coup de poing impulsif donné à sa maîtresse et qui
nécessita ultérieurement l'ablation d'un œil). Plusieurs tentatives de pen-
daison. Réaction dépressive habituelle. Syphilis en g 13. Aucun signe neuro-
1
logique. Réformé pour bronchite suspecte. »
Les faits qui ont motivé le placement d'office sont toute une série d'actes
graves qui se sont échelonnés depuis le mois d'octobre 1922 (coups de rasoir
à sa maîtresse et à lui-même, le 6 octobre, plus tard coup de poing ayant
nécessité l'énucléation de l'œil, disputes continuelles avec voies de fait, enfin
plusieurs tentatives de pendaison, dont l'une au moins est allée jusqu'à la
perte de connaissance). Ces actes sont secondaires à un état psychopathique
particulier, assez voisin de la psychose d'influence, cet état étant lui-même
secondaire à un état psychasthénique constitutionnel, dont on retrouve déjà
les éléments dans l'enfance. Tous les symptômes s'enchaînent donc les uns
aux autres et, pour comprendre les faits les plus récents, il faut connaitre
toute l'histoire psychologique de ce malade.
Hérédité chargée, consanguinité des parents. Psychasthénie manifeste dès
l'enfance avec surtout un besoin maladif de direction, de réconfort. Comme
principaux symptômes, on relève la manie du fétichisme, la manie des pré-
sages, des troubles des perceptions, le sentiment d'incomplétude : il n'arrive pas
au bout de ses actions, de ses idées, il a le sentiment d'une vie incomplète, le
sentiment douloureux d'anesthésie morale, la rumination mentale : il ressasse
indéfiniment les mêmes idées, il ne peut les chasser; le besoin constant d'ana-
lyse et de vérification, un grand nombre de petites manies. Mais surtout ce
qui domine chez ce grand psychasthénique, c'est le besoin d'affection et de
réconfort. Déjà noté dans l'enfance, ce besoin ira en s'accentuant. En 1915, il
prend une maîtresse qui lui devient rapidement indispensable. La vie lui
paraît impossible sans elle. Quand elle n'est pas auprès de lui, il éprouve un
véritable sentiment de détresse, avec angoisse. Cette crainte d'être abandonné
par sa maîtresse devient obsédante. Il est obligé de retourner dans la journée
voir si son amie est encore là, bien qu'il essaye de résister et qu'il emploie les
moyens de défense habituels aux obsédés. Peu à peu, apparaît un sentiment
plus précis de perte de la liberté: « J'avais l'impression d'agir comme un auto-
mate, comme si ma volonté était accaparée », puis le sentiment net d'une
influence. Il reproche à son amie de le « fasciner », de lui commander le cer-
veau. Il se sent dirigé dans sa conduite, puis il entend la voix de sa maitresse
qui lui donne des conseils, qui lui chante des chansons qui résonnent dans sa
tête. En même temps, il la voit dans des e visions imaginaires ». Enfin, ce
sentiment de domination s'intensifie et aboutit à un délire bien systématisé.
Le malade est sujet à des obsessions et à des impulsions, au cours desquelles
il blesse très grièvement son amie et fait plusieurs tentatives graves de sui-
cide. Par la suite cet état, loin de s'amender, s'est accentué, le malade étant
continuellement sous l'influence de son amie, exécutant tous les ordres qu'il
recevait, complètement séparé de la réalité extérieure et tellement impulsif et
dangereux qu'on n'a pu le conserver dans le service du professeur Claude.

L'OBSESSION1. — Les rapports de l'obsession et du délire d'influence


ayant déjà fait l'objet d'un précédent article, je rappellerai simplement mes
conclusions :

« Il y a, entre l'obsession et la forme obsédante du délire d'influence, plus


que des analogies. Elles reconnaissent toutes deux le même processus : l'au-
tomatisme psychologique. Certaines pensées parasitaires s'imposent à l'esprit,
certains actes tendent à se réaliser qui sont contraires à la volonté du malade.
Chez l'obsédé, comme chez l'influencé obsédé, il y a lutte anxieuse et l'évo-
lution se fait par accès plus ou moins espacés. La différence essentielle entre
les deux réside dans la conscience (dans la reconnaissance) que le malade a,
ou n'a pas, du trouble psychopathique et de la nature de ce trouble. L'obsédé
q qu'il étoit, Alvare, devenu possédé, n'était plus qu'un instru-
1. D'obsédé
ment entre les mains du diable, dont celui-ci se servoit pour mettre le désordre
partout. » (Le Diable amoureux. J. CAZOTTE.)
iccuiiuaii maïauc ci tuinpicua, uaii5 une cciiauic uicauic, ic iiicc<ixii5Liic
de sa maladie. Il juge l'idée qui l'obsède mauvaise, absurde, dangereuse,
néfaste, etc., mais en même temps, il reconnaît que cette idée vient de lui-
même et il souffre de ce que cette idée s'impose à lui, malgré les efforts qu'il
fait pour la chasser. L'influencé obsédé souffre également du conflit qui s'en-
gage entre sa volonté et une idée absurde, dangereuse qui s'impose à lui;
mais cette idée ne vient pas de lui; elle lui est imposée par une influence
étrangère. Non seulement l'influencé ne reconnaît pas la nature de sa
maladie, mais il ne se reconnaît pas malade. Il se juge toujours une victime
et, le plus souvent, une victime de l'hypnotisme ou des sciences occultes.
En somme, ce qui distingue principalement l'obsédé de l'illfluencé, c'est la
conscience (la reconnaissance) du trouble psychopathique, que possède le premier
et que ne possède pas le second.
Les rapports sont si étroits entre l'obsession et l'idée d'influence qu'il est
très fréquent de voir des obsédés invoquer une influence étrangère soit à titre
explicatif, pour montrer à leur interlocuteur la nature de leur automatisme,
soit à titre d'hypothèse, lorsque se relâche leur autocritique.
Mme Fa..., professeur de dessin, femme instruite, s'analysant bien et
obsédée par l'idée d'aborder des hommes dans la rue, de « faire la retape »,
me disait : « Il y a des moments où je me demande si ces idées viennent bien
de moi, il m'arrive parfois de me demander si elles ne m'ont pas été suggérées
par quelqu'un pendant mon sommeil, ou peut-être, après m'avoir endormie
dans la journée, avec défense de m'en souvenir. Je sais bien pourtant que cela
n'est pas vrai, que tout vient de moi-même, rien que de moi, mais l'idée qui
m'obsède est si forte et tellement opposée à ma vraie nature qu'il y a des
moments où je serais tentée de croire à un hypnotisme. »
Seule, la reconnaissance de l'état psychopathique préserve cette malade
du délire et la maintient dans l'obsession. »
J'ajouterai seulement que dans les rapports réciproques de l'obsession et
du délire d'influence, il faut distinguer deux cas, suivent que c'est l'obsession
qui conduit à l'influence, par le mécanisme indiqué, ou, au contraire, le délire
d'influence qui engendre un état obsédant, par la voie de l'hallucination impé-
rative, à laquelle le malade résiste. (Voir plus haut.)

DÉMENCE EN GÉNÉRAL et DÉMENCE PRÉCOCE. — Trois cas sont à envisager :


10 Le délire d'influence aboutit à une démence terminale;
2* La démence précoce se manifeste, dès le début, par un syndrome
d'influence ;
3° Le syndrome d'influence simule une démence qui n'existe
pas.
La psychose d'influence aboutit beaucoup plus rarement qu'on ne pourrait
le penser a priori à l'état de démence confirmée. Le délire d'influence devant
être considéré non comme une maladie, mais comme un syndrome, j'estime
que la démence, lorsqu'elle apparaît, doit être rattachée, non à ce syndrome,
mais aux causes profondes de ce syndrome. Lorsque la démence apparait, elle
se manifeste par les mêmes signes que dans la psychose hallucinatoire chro-
nique. Ainsi Mme Ca... présente des troubles de la mémoire, de l'orientation,
de la durée; elle est indifférente à son sort, s'isole de plus en plus du monde
extérieur, se néglige dans sa tenue, en même temps que son délire devient
plus pauvre et plus absurde et qu'apparaissent des néologismes et des phrases
vides de sens.
Dans la DÉMENCE PRÉCOCE, surtout dans les états schirophréniqlles, où l'on
constate une dissociation (Claude, 1910), une ataxie intra-psychique, les idées
d'influence devraient être fréquentes. Or elles m'ont paru plutôt rares. Peut-
être est-ce parce que le sujet se complaît dans son c autisme » ou demeure
indifférent et qu'il ne recherche pas hors de lui la cause de son dérangement
cérébral. Dans quelques cas, le syndrome d'influence est des plus nets.
M. Br..., dix-neuf ans, a l'attitude, les bizarreries, les propos décousus, étran-
ges, la non-adaptation à la réalité du dément précoce au début et présente,
par ailleurs, un syndrome d'influence très complet : les « âmes » lui parlent
sans arrêt « dans la tête P, lui donnent des conseils et des ordres qu'il exé-
cute, le font écrire, sous la dictée, des phrases incohérentes, lui font voir « en
imagination » les bustes de Corneille, Racine, Shakespeare, dirigent toute sa
conduite.
Enfin, il faut savoir que très souvent les influencés donnent l'apparence
d'un état démentiel qui n'existe pas. Ces malades, tout entiers accaparés par
leur automatisme, ne prêtent aucune attention à ce qui se passe autour d'eux,
paraissent « absents, discordants », ne répondent pas quand on les interroge
(parce qu'ils sont en conversation avec leurs voix, ou parce que celles-ci leur
défendent de répondre), sourient et éclatent de rire sans motif c apparent P,
se livrent à des gesticulations bizarres, comme Mlle G..., qui se couche par
terre, prend des c poses », ont des impulsions subites. Parfois même, le syn-
drome catatonique est réalisé au complet. Ainsi, Mme Rob... a de la catalepsie,
elle conserve les attitudes, répète indéfiniment les mêmes gestes, manifeste
une opposition active ou reste dans une attitude figée, dont elle ne sort, par
exemple, que pour avaler subitement le contenu d'un encrier.
Ce qui surprend dans ces cas et ce qui permet de faire le diagnostic, c'est
que, par moments, le malade cesse d'être catatonique; il redevient « lui » et
explique que ce sont des voix qui lui ont ordonné son attitude, ses gestes, son
mutisme, ses impulsions. Lorsque les phénomènes d'influence sont très mar-
qués, le malade est entièrement accaparé par eux et se désintéresse du monde
extérieur.

Dans les CONFUSIONS MENTALES AVEC ONIRISME, dans l'ALCOOLISME, en parti-


culier, on peut voir, épisodiquement, des idées d'influence. M. Ce... interprète
dans le sens d'une influence : 1° ses visions oniriques (on lui envoie ces
visions, on lui fait voir des animaux, des personnes); 28 ses écarts de conduite
(on le fait aller dans une maison close); 3* son agitation et son excitation
intellectuelle (je n'arrête pas de causer; il y aune influence là-dessous. Ils me
font lever la nuit; ils me réveillent, etc.).

Dans la PARALYSIE GÉNÉRALE1, on peut observer le syndrome d'influence,


ainsi que j'en ai publié un cas dès 1914 avec mon regretté ami Paul Borel :
« Ce malade, disions-nous, éprouve le sentiment d'être transformé en auto-

1. Paul BORELet CEILLIER. Paralysie générale ayant débuté par des hallu-
cinations psycho-motrices verbales obsédantes avec tendance au suicide.
(.Encéph., 1914, p. 268.)
mate, en machine, il se sent dominé par une force inconnue qui le fait agir
malgré lui, qui l'a obligé une fois, dit-il, à voler un journal contre son gré. Ce
sentiment d'automatisme augmente et bientôt la parole intérieure semble
échapper à son contrôle, etc. » Obéissant à des hallucinations impératives, ce
malade s'est jeté dans la Seine et une fois, devant nous, s'est précipité la tête
la première à travers les carreaux de la fenêtre.
Je ne crois pas nécessaire d'allonger davantage la liste des psychopathies
qui peuvent se compliquer d'un syndrome d'influence, car elle est illimitée. Je
voudrais cependant montrer en terminant que certains délires d'influence, en
apparence primitifs, ont pour cause un CHOC ÉMOTIF et surtout le REFOULEMENT
DE TENDANCES SEXUELLES INASSOUVIES.
MM. Séglas et Barat, après avoir donné l'observation d'une amoureuse de
prêtre qui fit un délire d'influence, concluent ainsi : « La malade ne fait qu'in-
terpréter, à l'aide de cette formule délirante, des actes et des pensées qui ne
lui semblent point émaner directement d'elle-même. Les raisons pour les-
quelles ces faits de conscience apparaissent à notre malade comme étrangers
à sa personnalité sont, ici, assez claires. Chez notre malade, honnête, pieuse
et scrupuleuse, la passion s'est développée en quelque sorte en parasite, sans
avoir été accueillie et assimilée par la personnalité consciente... Si les actes,
si les pensées inspirés par la passion ne sont pas reconnus comme émanant
de la personnalité du sujet, il faut qu'ils émanent d'une autre personne. C'est
la base du délire d'influence.
L'histoire de notre malade est simplement celle d'une passion amoureuse
développée chez une femme pieuse, honnête et scrupuleuse. La passion a
introduit des éléments étrangers à la vie normale de la malade. En raison de
l'éducation, des habitudes et des principes de la malade, ces éléments n'ont
pu être assimilés par la conscience qu'au prix de troubles profonds. C'est là,
en réalité, un fait courant dans l'histoire des passions. Mais ce qui est spécial
à notre malade, en dehors de l'énergie avec laquelle sont refoulées et en
quelque sorte reniées, les tendances regardées comme immorales et mau-
vaises, c'est, d'une part, le sentiment et le besoin de direction qui préparent
le terrain du délire d'influence, et, surtout, la prédisposition au doute, durant
toute la maladie, et particulièrement durant sa deuxième phase. Par tous ces
points, Mme G... se rapproche beaucoup des malades étudiés par M. Janet
sous le nom de psychasthéniques et son cas n'est d'ailleurs pas sans analogie
avec ceux de ces malades, qui, des syndromes psychasthéniques ordinaires,
des obsessions en particulier passent à des états délirants plus ou moins pro-
longés et durables. »
Dans ce cas de MM. Séglas et Barat la malade, surprise d'une passion que
sa conscience réprouve, croit à une influence. Dans d'autres cas qui sont loin
d'être rares et qui diffèrent du précédent, il s'agit de malades qui ont refoulé
des tendances sexuelles. Mais ces tendances, pour refoulées qu'elles soient,
ne tendent pas moins à se manifester et elles se manifestent, d'une façon
exubérante, en dehors du contrôle de la volonté, d'une manière spontanée,
automatique. Les malades, surprises par ces phénomènes indépendants, que,
non seulement elles n'ont pas voulus, mais qu'elles réprouvent, invoquent une
influence pour les légitimer. Le cas de Mlle Pa... est très démonstratif. Elle
n'a pu se marier malgré l'immense désir qu'elle en avait. A plusieurs reprises,
elle a dû cacher des sentiments d'amour très vifs. Ces refoulements ont créé
chez elle un état de malaise et d 'inquiétude, puis brusquement, à la suite
d'une nouvelle déception amoureuse, toutes les tendances précédemment
refoulées se sont libérées par le rêve, la rêverie, le mentisme, les pseudo-
hallucinations, les hallucinations génitales. En dehors de rêves érotiques, elle
a, à l état de veille, des représentations mentales vives, des t visions imagi-
naires ) de scènes obscènes (coït, fellatio). Elle a des conversations
men-
tales obscènes, dans lesquelles on lui décrit toutes sortes de caresses. Même
elle sent qu'on la « touche Î et elle trouve drôle qu'on puisse faire cela à dis-
tance. Comme tous ces phénomènes sont en opposition avec sa conscience
elle les attribue à une influence étrangère.
En présence de tout délire d'influence, il faut systématiquement rechercher
ce que M. Logre appelle la Psychose inductrice, ce qui est capital pour pou-
voir établir un pronostic. Le pronostic dépendra, en effet, le plus souvent, de
l'affection causale et l'on verra disparaître les idées d'influence, en même
temps, par exemple, que l accès maniaque. Si l'on ne trouve pas à l'origine du
syndrome une psychopathie bien définie, il est de toute nécessité de faire, par
tous les moyens dont on dispose, l'analyse psychologique complète du malade.
Dans bien des cas, on pourra reconnaître l'origine du délire dans un état pas-
sionnel ou émotif qui est en opposition avec le caractère et les principes du
malade, ou dans des tendances sexuelles refoulées par la conscience, par la
c censure » et qui, se libérant par l'automatisme, donnent naissance au senti-
ment d'influence.
L'examen du malade devra se compléter par l'examen physique et l'on
trouvera parfois à la base d 'un délire d'influence ou de possession avec
troubles cénesthésiques une affection organique définie. Dans d'autres cas,
on sera en droit d'incriminer des troubles endocriniens.
Enfin, il peut se faire que nous ne trouvions aucune cause au délire d'in-
fluence, en dehors d'un état constitutionnel particulier. Mais, de ce
que nous
ne voyons pas la cause de ces délires, il ne s'ensuit pas qu'ils ne soient déter-
minés par rien. Je crois qu'avec les progrès des méthodes psychologiques,
médicales et biologiques, les psychoses essentielles deviendront de plus en
II: D
plus rares, jusqu'au jour olt elles n'auront plus qu'un intérêt historique.

Avant de terminer, je tiens à signaler I'INFLUENCE CENTRIFUGE et I'INFLUENCE


ALLÉGUÉE. La première est généralement une conséquence de l'influence subie.
Puisque le malade reçoit des transmissions de pensée, il est capable d'en
envoyer. C'est ainsi que certains malades fixent des rendez-vous par « message
télépathique > ou même tentent d'envoûter les personnes qui les ont envoûtés.
Mme Muz... se croit capable de distribuer le bonheur et elle répète sur un ton
de commandement et avec un rythme saccadé des incantations dans le genre
de celle-ci : « Je désire, Monsieur, que vous et votre dame soyez très heureux
en amour. Je le veux, je le veux, je le veux »
!

L'influence alléguée est surtout intéressante en médecine légale où elle doit


être considérée comme très suspecte de simulation. Le délinquant ou le cri-
minel cherchent à excuser leur acte, en invoquant une influence à laquelle ils
prétendent n'avoir pu se soustraire. M. Dupouy en a publié des cas sous le
nom de « subjugation consciente de la volonté dans l'accomplissement de cer-
tains crimes ou délits1 ». « Dans les trois cas, dit-il, il s'agissait de femmes de
volonté assez débile, bien que d'intelligence suffisamment développée, et
entachées d'hystérie, c'est-à-dite douées d'une plasticité mentale anormale les
rendant accessibles à la suggestion, aussi bien à l'état de veille qu'à l'état de
sommeil provoqué. »
A mon avis, il ne faut pas étendre démesurément le domaine de l'influence
au point de vue pathologique, car toute notre vie est en grande partie dirigée
par des influences (famille, milieu, lectures, éducation, etc.). Il sera loisible au
tribunal ou au jury de tenir compte des mauvaises influences subies par l'in-
culpé; il sera permis au médecin de signaler la suggestibilité anormale, mais,
ainsi que le professe M. Claude, l'expert sortirait de son rôle en affirmant,
dans ces cas d'influence « alléguée », l'irresponsabilité et en invoquant l'ar-
ticle 64 du Code pénal. Seuls doivent être déclarés, en principe, irrespon-
sables les influencés délirants qui répondent au type décrit dans cet article.

I. Annales médico-psychologiques, 1922, vol. II, p. 233.


CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE CLUJ. PROF. Dr URECHIA

QUELQUES CONSIDÉRATIONS
SUR LA MALADIE D'ALZHEIMER
PAR
Le Prof. C.-I. URECHIA et C. DANETZ

En I906, Alzheimer publie le cas d'un malade de cinquante-six


ans avec démence progressive et profonde et symptômes en foyer, à
l'autopsie duquel il avait trouvé de nombreuses plaques séniles et une
altération neurofibrillaire spéciale qui porte aujourd'hui son nom. Dans
les années suivantes Perusini, Bonfiglio, Sarteschi, Bielschowsky, Alz-
heimer, Schnitzler publient de nouveaux cas. Et Kraepelin dans la nou-
velle édition de son traité décrit ce groupe de cas, dans le chapitre de la
démence sénile, sous le nom de maladie d'Alzheimer. De nouveaux cas
ont été publiés ensuite par Bornstein, Barett, Ziveri, Fuller et Klopp,
Fuller, Ciarla, Lafora, Marinesco-Minea, Simchovicz, Vedrani, Gakkel-
busch et Geier, Jansens, Nicolaer, Frey, Piazza, Solomon, Ansalone,
Ladame, Bessière, Lambert, Urechia, Kraepelin, Stertz, Kreutzfeld,
Sala, Redlich, Fressendorf, Lhermitte et Nicolas, Lua, Schuster, Frets.
Quoique les cas publiés jusqu'à présent ne dépassent pas le nombre de
60, la maladie d'Alzheimer constitue aujourd'hui un chapitre classique
de la neuro-psychiatrie. Dans ce chapitre cependant il reste encore
des points obscurs et discutables. La maladie se caractérise par une
démence qui débute assez souvent avant la sénilité et qui progresse pour
arriver finalement à une démence profonde. En même temps que la
démence on peut rencontrer de l'agitation psycho-motrice, des idées
délirantes non systématisées (idées paranoïdes, états dépressifs, fabu-
lation, états anxieux, états confusionnels) et des hallucinations audi-
tives, visuelles, etc. Les symptômes en foyer sont fréquents et con-
sistent en accès d'épilepsie, aphasie, paraphasie, asymbolie, apraxie,.
dysarthrie, logoklonie, anarthrie, cécité visuelle, parésie faciale, ptose
palpébrale, stase oculaire, symptômes bulbaires. Lespupillessont rigides;
l'écriture devient impossible; les malades ont des tremblements et sont
le plus souvent inconscients. Quelquefois on rencontre des symptômes
catatoniques. L'artériosclérose est fréquente, mais loin d'être constante.
La maladie dure quelques années (ne dépasse pas dix ans en général) et
frappe surtout les femmes. Voici un nouveau cas, personnel.
Kir. S..., âgée de quarante-deux ans. Rien d'important dans les antécé-
dents. La maladie a commencé en 1917, à l'âge de trente-sept ans et s'est
manifestée par une amnésie progressive et qui a surtout intéressé la mémoire
de fixation. La démence a vite progressé et en peu de temps la malade arriva
à ne pouvoir plus s'habiller. Elle est internée dans notre clinique le 2 mai 1922.
La malade présente un aspect normal, n'a pas l'air vieilli, est bien nourrie.
Les pupilles sont inégales, mais les réactions sont normales. Dysarthrie.
Le B. W. du sang est négatif. Dans la ponction lombaire les réactions de
Nonne-Apelt, Pandy, Lange, B. W., lymphocytose, sont négatives. La
mémoire rétro et antérograde est profondément altérée; elle ne peut retenir
trois chiffres, ne se rappelle pas le nom de son mari, la date de son mariage,
ne connaît pas le nom des personnes de son entourage, ne connaît pas le jour
et le mois; ne sait où elle se trouve; les calculs les plus simples sont impos-
sibles. Ne manifeste aucun intérêt pour tout ce qui se passe dans son entou-
rage. Apathique. 41 perception est difficile. Répond assez tardivement aux
questions posées et répète plusieurs fois la même réponse quand on lui pose
une autre question. Apraxie démentielle. Le fond de l'œil est normal.
5 septembre. Sitiophobie; alimentation artificielle pendant quelques jours;
bradycardie 62.
16 octobre. Ponction lombaire, avec toutes les réactions négatives.
17 décembre. Deux accès épileptiques pendant la nuit.
22 janvier 1923. Injection intrarachidienne de i5 centimètres cubes
d'oxygène; immédiatement après, la malade accuse de la céphalée; la tem-
pérature monte jusqu'à 38°, 8 ; pouls : 96 ; rigidité généralisée; hyperesthésie
généralisée; myoclonies dans les membres supérieurs et inférieurs ; Babinski
du côté gauche. L'examen radiographique nous montre que l'oxygène a
diffusé surtout à la surface du cerveau.
8 et 14 mars. Injection rachidienne 10 centimètres cubes d'oxygène après
soustraction de 10 centimètres cubes de liquide.
8 mai. Ponction lombaire : Pandy, benjoin, mastic, lymphocytose, Bordet-
Wassermann négatifs. Rigidité prononcé ; au membre inférieur gauche
contracture (en flexion sous un angle de 60°. La dysarthrie est si intense qu'on
ne peut plus rien comprendre de ce qu'elle dit quand elle essaie de parler.
20 mat. Rigidité et contracture en flexion du cou.
28 mai. Hypothermie (36).
Dans les jours suivants, la température oscille entre 35*4 et 36°.
Succombe le 8 juin 1923.
A l'autopsie, on constate un léger épaissement des méninges et quelques
granulations épendymaires. A l'examen microscopique, nous trouvons les
altérations caractéristiques de la maladie d'Alzheimer : des plaques séniles
très abondantes et de très fréquentes altérations neurofibrillaires d'Alzheimer.
Les cellules de Betr, de même que plusieurs pyramidales, ne présentent pas cette
altération neurofibrillaire. En ce qui concerne les noyaux de la base, on
constate que les plaques sont fréquentes tant dan" le strié que dans le globe
pallide. Les plaques cependant ne sont pas aussi volumineuses que dans
l'écorce; elles sont en général beaucoup moindres; la masse amorphe cen-
traie se rencontre rarement, de même que les cylindraxes en régénération ;
la majorité des plaques apparaissent comme de petites tâches jaunes et sont
constituées par des neurofibrilles disposées irrégulièrement et réduites en
partie en granules ou incrustées de granulations argentophiles. Les plaques
sont très nombreuses dans quelques régions, et relativement rares dans
d'autres régions. L'altération neurofibrillaire d'Alzheimer ne se rencontre
qu'exceptionnellement et les neurofibrilles altérées prennent des formes
bizarres. Les granulations argentophiles sont fréquentes dans le tissus.
Dans le corps de Luys, le tuber cinereum, la substance noire et le noyau
dentelé, les plaques et les altérations neurofibrillaires sont absentes. Dans
tous ces noyaux les altérations sont moins intenses que dans le strié et le
globe pallide. Dans la substance noire de Soemmering, de même que dans la
frontale ascendante, nous avons rencontré trois vaisseaux de moyen calibre
avec quelques cellules plasmatiques dans l'adventice. Dans le noyau lenticu-
laire on rencontre de rares amas conglomérés colloïdo-calcaires, situés libre-
ment dans le tissu.

Il s'agit en résumé d'un cas classique de maladie d'Alzheimer, cas


ayant débuté à trente-sept ans.
Vers la fin de la maladie s'est installée une rigidité pallidale qui a pro-
gressé jusqu'à la contracture. La rigidité avait été signalée déjà dans le
premier cas d'Alzheimer ; il n'est pas rare de la rencontrer vers la fin de
la maladie. Depuis l'enrichissement de nos connaissances sur les fonc-
tions pallidales, Stertz a fait remarquer qu'il s'agit dans ces cas d'une
rigidité pallidale. Le contrôle anatomique de la voie extrapyramidale,
que nous venons de faire dans notre cas, nous a montré des altérations
intenses dans le strié et le globe pallide : dans ces deux noyaux, les
altérations étaient plus intenses dans les grandes cellules ; les plaques y
étaient assez nombreuses, moins nombreuses cependant que dans
l'écorce ; elles étaient en général plus petites et présentaient quelques
caractères différentiels, mentionnés dans notre description, caractères
qui tiennent peut-être à la nature histo-chimique un peu différente de
cette région. L'altération neurofibrillaire d'Alzheimer ne se rencontrait
qu'exceptionnellement, tandis que dans l'écorce elle était très fréquente.
Dans les autres noyaux de la voie pallidale : corps de Luys, substance
noire, noyau dentelé, les altérations étaient moindres et les plaques et
l'altération fibrillaire d'Alzheimer étaient absentes. Alors qu'en général
la substance de Soemmering et le corps de Luys présentent, dans la
rigidité pallidale, des altérations tout aussi intenses que le globe pallide,
notre cas est de ceux, fort rares, où les altérations de ces noyaux sont
un peu moindres que celles du globe pallide.
Quoique le néostrié fût aussi très altéré, la malade n'avait présenté
aucun symptôme strié. Comme nous le disions déjà dans des articles
précédents, vis-à-vis d'une lésion concomitante des deux noyaux la
balance symptomatique peut incliner d'un côté ou de l'autre, en suivant
des lois que nous n'avons encore pu découvrir. Quelquefois on a vu la
chorée précéder la rigidité, on n'a pas encore signalé que la chorée ait
suivi la rigidité. Dans notre cas cependant les grandes cellules étaient
plus altérées que les petites ; en admettant donc (ce qui est assez probable
mais encore discutable) que la chorée est due à une lésion des petites
cellules du globe pallide et du strié, notre cas ne ferait que confirmer
les vues de R. Hunt et d'autres auteurs. Quant au point de savoir si
entre les grandes cellules du globe pallide et celles du strié il existe une
similitude morphologique et fonctionnelle absolue, c'est là une question
sur laquelle nous reviendrons.
Comme les plaques étaient moins nombreuses et plus petites dans
le néostratum et le pallidum que dans l'écorce, et comme l'altération
neurofibrillaire d'Alzheimer y était exceptionnelle, il est logique d'ad-
mettre que l'altération de ces noyaux était en grande partie due aux
altérations cellulaires, et que la rigidité ne tenait que secondairement à
la présence de plaques.
Un autre point assez curieux dans notre cas a été le résultat de la
ponction lombaire. Elle a été complètement négative à trois reprises
différentes, pour ne nous montrer que dans le dernier mois de la vie
une albuminose et une lymphocytose intenses, avec les réactions col-
loïdales et de B. W. négatives. La ponction lombaire n'a été que rarement
faite dans la maladie d'Alzheimer (Alzheimer, Nicolaer, Kraepelin,
Urechia, Lua) et a toujours été trouvée négative. Cependant Creutzfeld
communique au congrès de Brème en 1921 un cas où la réaction de
Bordet-Wassermann avait été positive dans le sang et le liquide (0,75)
tandis que les autres réactions du liquide étaient négatives. Dans l'ana-
lyse que nous avons de cette communication, il n'a pas été mentionné si
l'auteur a trouvé à l'autopsie des lésions inflammatoires ou non. La
dissociation entre les réactions albumino-cytologiques et colloïdales
de notre cas est difficile à expliquer. On peut quelquefois trouver une
réaction albumino-cytologique dans l'urémie ou l'azotémie, mais notre
malade n'avait ni albuminurie, ni rétention d'azote. Le contrôle anato-
mique n'a pu non plus nous en donner l'explication. Nous avons
trouvé quelques vaisseaux infiltrés dans la substance noire et un vais-
seau dans la première frontale, mais les infiltrations étaient trop loca-
lisées et discrètes pour expliquer une lymphocytose abondante. Nous
devons cependant rappeler que des infiltrations très limitées et discrètes
ont encore été signalées dans quelques cas de maladie d'Alzheimer.
Piazza a trouvé dans la pie-mère de rares lymphocytes et dans quelques
vaisseaux de la moelle des infiltrations avec lymphocytes et plasmato-
cytes. Schnitzler a trouvé des infiltrations discrètes avec lymphocytes dans
la pie-mère de la région frontale; il n'a pu mettre en évidence que sur
une seule section des cellules plasmatiques (très rares) ; il a trouvé des
formes de transition vers les cellules plasmatiques dans la pie-mère
frontale. Il serait difficile de se prononcer sur la nature et l'origine de
cette infiltration si localisée et si discrète qu'on a rencontrée dans ces
cas, mais elle montre que la classification de la maladie d'Alzheimer
n'est pas si simple. Comme le contrôle anatomique ne peut nous donner
l'explication de la lymphocytose et de l'albuminose chez notre malade,
nous avons cherché quelle est l'influence de l'injection rachidienne
d'oxygène sur la ponction lombaire; nous avons injecté dix centimètres
cubes d'oxygène chez deux autres malades avec réactions négatives, et
trois et cinq jours après, une nouvelle ponction nous montra une lym-
phocytose et albuminose intenses et une légère précipitation colloïdale.
Il résulte de là que les injections rachidiennes d'oxygène sont irritantes
pour les méninges et produisent de la lymphocytose et de l'albuminose
dans le liquide céphalo-rachidien. Les réactions colloïdales restent
négatives ou légèrement positives (courbe avec déviation à droite). Ce
fait explique les réactions positives survenues dans les derniers jours de la
malade, la ponction ayant été faite six jours après l'injection d'oxygène.
Herrmann, dans trois cas, et Curschmann, dans un cas, ont trouvé de
la pléocytose après l'injection d'air dans la cavité rachidienne. Une
réaction albumino-cytologiquese trouve du reste après différentes injec-
tions médicamenteuses. Cette notion présente donc une importance
pratique et jusqu'à un certain point médico-légale, dans le cas par
exemple d'un individu ayant reçu une injection intra-rachidienne
d'oxygène et chez lequel un médecin-expert ferait cinq ou sept jours
après une ponction exploratrice.
Après ces considérations propres à notre cas, nous voudrions entrer
dans des considérations d'un ordre plus général. On envisage en général
cette maladie comme une variété de démence sénile en se basant surtout
sur l'anatomie pathologique qui montre le plus souvent des lésions très
identiques à celles de la démence sénile. Mais comparaison n'est pas
raison.
La maladie se rencontre assez souvent avant la sénilité et sans arté-
riosclérose. Schnitzler décrit un cas de trente-deux ans, âge auquel même
le nom de « présenium », dénomination commode mais aux limites très
confuses et qui constitue un dépôt pour les cas que nous ne saurions
classifier, ne pourrait convenir, Barett cite un cas de trente-cinq ans, notre
cas a trente-sept ans et celui de Bornstein cinquante ans, ceux de Ziveri
trente-cinq et soixante et un ans, celui de Simchovicz cinquante-cinq
ans. Marinescu et Minea ont observé des cas de cinquante-quatre et
cent sept ans, Kraepelin un cas de quarante-huit ans, Bielschowsky
un cas de cinquante-huit ans. Alzheimer a constaté son syndrome
à cinquante-quatre ans, Jansens à cinquante-cinq, Piazza à soixante-
huit, Urechia, Obregia et Popea à cinquante-cinq, Lafora à cinquante-
sept, Perusini à quarante, cinquante et un, soixante, soixante-trois ans,
Creutzfeld à cinquante, Schuster à soixante et un, soixante-sept ans,
Lhermitte et Nicolas à cinquante-quatre, Lua à cinquante et soixante-dix
ans, Fressendorf à quarante-huit et cinquante et un ans. Les plaques
séniles peuvent faire défaut, comme dans le cas de Schnitzler. Les plaques
séniles peuvent se rencontrer du reste de même que l'altération neuro-
fibrillaire d'Alzheimer, soit seules, soit associées chez des vieillards qui
n'ont présenté aucun symptôme psychique (F. H. Lewy). F. H. Lewy ren-
contre dans la maladie de Parkinson, avec ou sans troubles psychiques,
soit des plaques, soit des altérations neurofibrillaires, soit toutes les
deux en même temps. L'altération neurofibrillaire d'Alzheimer a été
rencontrée par Schaffer dans un cas de paralysie spasmodique familiale
chez un individu de 28 ans et qui ne présentait aucun trouble psychique;
ces altérations neurofibrillaires se rencontraient avec prédilection
dans la frontale ascendante et dans la moelle. Les cellules de Betz cepen-
dant résistaient à cette altération. Schuster dans la même maladie, chez
un individu de quarante ans, fait des constatations identiques et soutient
l'origine abiotrophique de cette dégénérescence. Dans le cas de maladie
d'Alzheimer publié par Bielschowsky, on constatait aussi que les
cellules géantes de la frontale ne présentaient pas d'altération neuro-
fibrillaire. Dans notre cas aussi les cellules de Betz n'avaient aucune
altération neurofibrillaire d'Alzheimer, de même que plusieurs grandes
pyramidales. Il ressort donc de ces observations que l'altération neuro-
fibrillaire d'Alzheimer n'est pas spécifique de la sénilité et qu'elle
peut se rencontrer dans des cerveaux qui n'ont présenté aucun symp-
tôme psychique durant la vie, de même que dans des maladies familiales
comme la paralysie spasmodique, ou dans les cerveaux d'individus de
trente-deux, trente-sept, trente-cinq ou quarante et un ans avec démence.
En ce qui concerne les plaques séniles, nous avons vu qu'elles peuvent
se rencontrer exceptionnellementdans des cerveaux séniles sans troubles
psychiques, qu'elles ont manqué dans le cas de Schnitzler, qu'elles ont
été trouvées dans le cerveau d'individus de trente-cinq, trente-sept ou
quarante et un ans.
Toutes les considérations que nous venons de citer, de même que,
et jusqu'à un certain point, le-tableau clinique un peu différent de celui
de la démence sénile, nous font considérer la maladie d'Alzheimer
comme une maladie à part et assez différente de la démence sénile.
Nous ferons en cette occasion la remarque que les injections rachi-
diennes d'oxygène, que nous avons pratiquées du reste chez plusieurs
malades, n'ont produit ici aucune amélioration. Dans le cas présent, et
à cause de la résorption lente de l'oxygène, nous avons observé des
myoclonies, de l'hyperesthésie, un signe de Babinski.
Dans ces derniers temps quelques auteurs ont publié des cas de
maladie d'Alzheimer basés sur le seul aspect clinique. Nous donnons à
notre tour l'observation d'un cas que nous observons en ce moment
avec notre assistant Elekes.
Catherine Am... ne présente rien d'important ni d'anormal dans les
antécédents, sa maladie a commencé à l'âge de quarante ans et s'est
manifestée par de l'amnésie progressive et de l'apathie. A l'examen
somatique, on constate une parésie faciale droite, de l'anisocorie pupil-
laire, une légère rigidité musculaire, une démarche à petits pas; de la
dysarthrie, de l'apraxie idéatoire. Le fond de l'œil est normal. Azote du
sang : 0,40. La ponction lombaire est complètement négative.
La mémoire rétro et antérograde est profondément altérée; la
malade ne peut retenir deux ou trois chiffres ou noms; ne sait ni où
elle se trouve ni depuis combien de temps elle est chez nous; ne sait
plus le nom de son mari; les calculs les plus simples lui sont impos-
sibles; la perception est difficile, elle répond très tard et pas toujours
aux questions posées. Echolalie, persévération dans les* réponses et
paraphasie. Les questions un peu compliquées qu'on lui pose restent
sans réponse et la malade nous fait l'impression de ne pas les com-
prendre. L'écriture est irrégulière et indéchiffrable.
Tous ces symptômes nous font poser dans ce cas le diagnostic de
maladie d'Alzheimer comme très probable.

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SCHUSTER. Considérations sur la maladie d'Alzheimer. (Gyogyasrat, 1919,
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M. LUA. Zur Kasuistik der Alzheimerschen Krankheit. (Zeitschrijt für die
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FRESSENDORF, in Allg. Zeitschrift für die Psychiatrie, 1920, p. 432.
REDLICH. Uber senile Epilepsie, etc. in Allg. Zeitschrift für Psych. p. 76,
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STERTZ. Eigenartige Krankheitsfall des späteren Altes. in Allg. Zeitschr.
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PIAZZA. Contributto allo studio del nosografismo e del seperto istopatolo-
gica della presbiofrenia. Rivista italiana di neuropath., psich. ed eletroterapia,
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SALA. in Folia neurobiologica, 7. 5I2. 1913.
OBREGIA, URECHIA et POPEA. Un caz de boala lui Alzheimer. (Lucrarile
laboratorultiz*si clinicei boalelor mintale. Bucarest, 191Q, p. 43 (en roumain).
F. SCHUSTER. Ein Fall von spastischer Heredodegeneration, kombiniert
mit Gliom. in Deutsche Zeitschr. für Nervenheilk., vol. LXXVII, p. 202, 1923.
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)

I. SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE. — II. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.


III. SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE.— IV. SOCIÉTÉ DE
PSYCHIATRIE.

1. — Société de neurologie
SÉANCE DU JEUDI Ier MAI 1924
Présidence de M. O. Crouson
Un cas de paralysie amyotrophique de la langue. — M. Henri Français
présente un cas de paralysie amyotrophique de la langue paraissant dû à un
très petit foyer de ramollissement bulbaire au niveau des noyaux d'origine
de la XIIe paire. Ce qui fait la caractéristique de ce cas, c'est que la paralysie
de la langue existe à l'exclusion de tout autre symptôme bulbaire et de toute
autre atteinte des nerfs craniens ou des membres.
Difficultés d'interprétation étiologique au cours d'une paraplégie spasmo-
dique avec arrêt du lipiodol intrarachidien. — MM. Souques et E. Terris pré-
sentent un malade atteint de paraplégie spasmodique en extension dont le
début remonte à quatorze ans. A aucun moment de cette évolution lente et
progressive le malade n'a accusé de douleur. Aux signes classiques de para-
plégie spasmodique, il faut ajouter des troubles de la sensibilité douloureuse
et thermique et de la sensibilité profonde remontant jusqu'en Dg. Les réflexes
de défense des membres inférieurs sont provoqués jusqu'à un niveau pas-
sant à 5 centimètres au-dessus de la ligne ombilicale. Une injection intra-
rachidienne de lipiodol faite au niveau de l'intervalle occipito-atloïdien
montre un arrêt total et définitif au niveau de la vins dorsale. Il y a donc
concordance entre l'arrêt du lipiodol et les réflexes de défense. Si le siège
de l'obstacle est donc facile à fixer, il n'en est pas de même de la nature.
La syphilis ne semble pas en cause si on s'en tient aux épreuves sérolo-
giques et thérapeutiques. Rien, ni cliniquement ni radiologiquement, ne
permet de penser à un mal de Pott. Une syringomyélie ou des adhérences
méningées de nature indéterminée auxquelles fait penser un incident de
l'histoire pathologique du malade sont possibles. L'hypothèse d'une tumeur
peut être discutée, mais il n'y a jamais eu de douleurs ni de contractures
des muscles spinaux et l'affection dure depuis plus de quatorze ans. Les
auteurs, dans ces conditions, hésitent à conseiller une opération chirurgicale
à cause des dangers des interventions de ce genre.
Discussion :

A propos de cette communication, la discussion ne s'engage pas sur le


diagnostic, mais bien sur les indications d'une laminectomie exploratrice.
Pour M. Sicard, la laminectomie est sans danger. Sur dix-sept cas, il n'a
observé aucun incident postopératoire malheureux.
M. Cl. Vincent estime que dix-sept cas ne sont pas suffisants pour se faire
une opinion absolue. Il connaît des cas de mort, dus sans doute à des phé-
nomènes de choc, dans les vingt-quatre à trente-six heures après l'opération,
et d'interprétation difficile.
M. T. de Martel fait remarquer que l'usage s'établit de confondre la
chirurgie de la moelle et celle du rachis, que les laminectomies sans ouver-
ture de la dure-mère, les laminectomies avec ouverture de la dure-mère même
lorsqu'elles sont suivies de radicotomies (Forster), ne constituent pas de la
chirurgie de la moelle et ne comportent qu'exceptionnellement un pronostic
grave. Il pense, au contraire, que l'ablation des tumeurs de la moelle com-
porte parfois un pronostic très sérieux, quoi qu'on fasse, et que les tumeurs
antérieures adhérentes et haut situées seront toujours dangereuses à enlever.
Il fait remarquer que les tumeurs dont parle M. Sicard, découvertes souvent
chez des malades simplement atteints d'algies ou de lumbagos, étaient
presque toutes bas situées et postérieures. Pourappuyer ses dires, il rapporte
ses cinq derniers cas avec quatre tumeurs postérieures guéries et une tumeur
antérieure et haut située, morte.
Dystrophie crurovésicofessière par agénésie sacrococcygienne (syndrome de
réduction des vertèbres sacrococcygiennes). — MM. Ch. Foix et P. H illemand
rapportent un nouveau cas d'agénésie sacrococcygienne avec conservation
de la première sacrée et des ailerons. Ils rapprochent ce cas de celui pré-
cédemment présenté par l'un d'eux en collaboration avec MM. Achard et
Mouzon. Chez les deux malades la symptomatologie est identique absence
ou peu de développement des fesses, atrophie des mollets avec intégrité
relative des muscles de la cuisse, incontinence d'urine, abolition des réflexes
achilléens. La palpation et le toucher rectal permettent de constater clini
quement l'absence de la crête sacrée, absence que la radio vient confirmer..
Il s'agit donc d'un syndrome facile à reconnaître, comme le montre la simi-
litude avec des observations déjà publiées.
Un cas de névralgie du maxillaire supérieur à caractère essentiel, par
M. Dutounnentel. — Le malade présentait des signes légers de sinusite
maxillaire. Sa dernière crise était apparue après un coryza. Le sinus maxil-
laire droit était légèrement obscur.
Un traitement médical par des lavages du sinus était resté sans résultat.
Cette névralgie a cédé brusquement à la suite d'une intervention par le
sinus, intervention qui a montré une muqueuse du sinus épaissie, en particu-
lier au niveau du plancher dentaire.
La guérison s'est maintenue depuis deux mois et demi.
M. Sicard pense que n'importe quel traitement guérit momentanément
les névralgies du V. Mais il est persuadé que ce malade souffrira de nouveau
dans quelque temps.
L. GIROT.
II. — Société médico-psychologique
SÉANCE DU 26 MAI 1924

Présidence de M. Truelle
Illusion des sosies et complexe d'Œdipe, par MM. Capgras et Carrette. —
L'illusion des sosies se rencontre dans de nombreux états psychiques. Ce
phénomène tient en partie à la subordination de la réalité au rêve et peut
être rapproché de certaines pseudo-amnésies. Les auteurs présentent une
jeune fille de trente-trois ans, internée à diverses reprises à la Salpêtrière,
puis à Ville-Évrard et à Vaucluse. Cette malade manifeste des troubles du
caractère, s'isole, ne parle à personne, présente certaines préoccupations
hypocondriaques obsédantes, parfois même Quelques attitudes stéréotypées
et une mimique discordante. Toutefois, pas de délire à proprement parler.
Si on l'interroge, tous ses troubles, dit-elle, ont été consécutifs à une réflexion
faite par sa mère, lui recommandant de ne pas plisser son front. De là
sont nés des sentiments hostiles à l'égard de sa mère, et en même temps, on
découvre chez elle des idées d'inceste à l'égard de son père (complexe
d'Œdipe). Toutefois, elle ne croit pas que son père soit son véritable père.
Mais elle pense que c'est un sosie. On note, en outre, un début de délire
d'influence. Pas de signes de démence, mais on décèle chez cette malade un
fond de débilité mentale. Enfin, elle présente au point de vue somatique, des
symptômes basedowiens frustes et en même temps d'insuffisance ovarienne.
Les auteurs estiment qu'il s'agit là d'un cas de « complexe d'Œdipe » se réa-
lisant sous la forme psychasthénique, avec idée obsédante, et dont l'extério-
risation a été facile grâce à l'état de débilité mentale. Quant à l'illusion des
sosies, elle permet de masquer l'idée d'inceste plus ou moins refoulée.
Discussion :
M. Delmas émet des réserves sur la nature de ce syndrome en tant que
complexe d'Œdipe, et sur la valeur que ce complexe pourrait apporter aux
idées de Freud. Ce complexe s'est en effet révélé spontanément, ce qui est
contraire à la psychanalyse. D'autre part, il semble- d'apparition tardive, et
c'est ce qui explique son extériorisation facile.
M. Capgras estime que ce complexe pouvait exister depuis beaucoup
plus longtemps à l'état inconscient ; il se traduisait par la haine de la malade
pour sa mère.
M. Piéron estime qu'il faut distinguer idée inconsciente et idée inavouée.
Il est des idées et des sentiments dont on peut avoir une vague conscience,
longtemps avant qu'ils n'éclatent à la lumière. Il est douteux, d'autre part,
que la censure ait entraîné l'illusion des sosies.
M. Hesnard croit qu'il est difficile, en présence d'un cas semblable, de con-
trôler la méthode de Freud. Celle-ci est en effet à peu près inapplicable
aux débiles. D'autre part, si l'on recherche systématiquement chez les névro-
pathes et les aliénés de semblables complexes, on voit qu'ils sont excessi-
vement fréquents. Ces complexes ne sont pas inconscients, mais refoulés.
M. Charpentier souligne l'opposition entre les données classiques de la
psychanalyse d'après lesquelles la mise au jour du complexe refoulé produit
la guérison, et les résultats de cette observation dans laquelle l'extériorisa-
tion spontanée des complexes n'est pas suivie d'amélioration.
M. Hesnard fait remarquer que la guérison à la suite de la psychanalyse
n'est pas due seulement à la découverte du conflit psychologique refoulé,
mais à la solution de ce conflit.
M. de Clérambault constate à propos de ce cas que la méconnaissance
systématique observée chez ce malade constitue un phénomèned'ordre général
observé chez les mélancoliques, les érotomanes, les persécuteurs fami-
liaux, etc. Ce phénomène présente du reste un pronostic plutôt mauvais.
Catatonie et psychosepériodique. — M. Lautier rapporte l'observation d'une
malade qui a présenté à plusieurs reprises des accès maniaques alternant
avec des périodes de dépression mélancolique: internée à trois reprises, une
première fois à dix-sept ans pour délire mystique, une seconde fois à trente-
sept ans pour accès maniaque précédé de dépression, une troisième fois à
l'asile d'Évreux où l'on porte le diagnostic de psychose périodique, cette
malade présente actuellement, au moment de la ménopause, des phénomènes
catatoniques (paroles incohérentes, discordance, etc.) L'auteur estime qu'il
s'agit d'un accès catatonique remplaçant un accès maniaque. Il insiste sur
ce fait que l'on peut constater chez les périodiques des symptômes catato-
niques indépendamment de tout état démentiel.
Perversions instinctives suites d'encéphalite léthargique. — MM. Capgras
et Carrette présentent deux enfants qui, à la suite de l'encéphalite léthar-
gique, sont atteints de perversions instinctives multiples : le premier a mani-
festé plusieurs crises pithiatiques au cours d'accès coléreux, s'est livré à des
violences à l'égard du personnel hospitalier, et enfin, il a fait une tentative
d'empoisonnement. Ptosis bilatéral. Il est à noter en outre qu'antérieure-
ment à l'encéphalite, cet enfant était un arriéré et présente une hérédité
chargée. Le deuxième malade a contracté l'encéphalite en juin 1922. Depuis
lors, il est instable, sujet à des impulsions au vol et à des accès de dépres-
sion. Il est conscient de son état, est découragé et craint de ne pas guérir.
Les auteurs insistent d'une part sur l'état de découragement de ces deux
malades qui se rendent compte relativement de leur état, d'autre part sur
l'existence antérieurement à l'encéphalite des tares personnelles et hérédi-
taires.
H. BARUK.

III. — Société clinique de médecine mentale


SÉANCE DU 19 MAI 1924
Présidence de M. Toulouse
A propos de deux cas de tabes avec troubles mentaux. — M. Péron insiste
sur les difficultés du diagnostic de la paralysie générale chez les malades
atteints de syphilis évolutive du névraxe : une des malades considérée
comme paralytique générale plusieurs années auparavant apparaît comme
une intermittente qui présente des troubles mentaux transitoires à l'occasion
de poussées méningées ; la deuxième malade, à la suite d'un ictus, a prêté
également à confusion. La valeur des réactions. biologiques si utiles pour
le diagnostic de la paralysie générale permet d'affirmer dans ces cas une
syphilis évolutive dont la forme clinique est surtout à différencier par l'exa-
men objectif.
Traitement de la paralysie par les injections de lacto-protéine et le sulfar-
sénol, par MM. G. Naudascher, C. Chanès et A. Corbier. (Présentation du
malade.) — Dans plusieurs cas de paralysie générale ce traitement paraît
avoir eu une influence très favorable. L'élévation de température est habi-
tuellement assez modérée et les injections sous-cutanées de lait bouilli ou
de solutoprotéine ont été très bien supportées.
L'amélioration a été manifeste surtout chez la malade présentée qui est
actuellement dans un état assez satisfaisant. A son entrée (un an aupara-
vant), elle était dans un état démentiel complet avec inconscience et gâtisme ;
les deux escarres très profondes dont on voit encore les cicatrices témoignent
de la gravité de la situation avant le traitement.
Traitement de la paralysie générale par le sulfarsénol et les pyretogénes,
par MM. P. Guiraud et Sonn. — Ce traitement consiste à associer aux injec-
tions intraveineuses de sulfarsénol des injections sous-cutanées de lait
stérilisé (5 à 10 cc.) ou de soluprotéine de 0,12 à quatre fois 0,48 en tenant
compte pour les injections de pyrétogènès des réactions thermiques et des
susceptibilités individuelles.
Le traitement provoque assez souvent dès le début une réaction ther-
mique irrégulière et prolongée avec amaigrissement et excitation qui est
remplacée par une phase d'embonpoint avec amélioration mentale.
Dix paralytiques généraux ainsi traités et suivis, pendant un an et demi,
ont été tous très améliorés dès la fin de la première série. Un seul est décédé.
Chez quatre paralytiques généraux peu avancés, les troubles mentaux ont
complètement disparu; trois ont récidivé au bout de quatre à huit mois.
État d'excitation continue chez une épileptique, corrélatif du traitement par
le gardénal. — M. /. Cuel (Service du docteur Trénel) présente une malade
de cinquante et un ans, épileptique depuis l'âge de dix-huit ans. Traitée par
le bromure jusqu'en 1923, les crises persistent tout ce temps avec une fré-
quence moyenne de cinq à six par mois et sont assez souvent suivies de
périodes d'agitation de quelques jours, en dehors desquelles la malade
demeure tranquille. En juillet 1923, sur les instances de la famille, le traite-
ment gardénalien est substitué au bromure. Dès le début de son administra-
tion, on assiste à l'éclosion d'un véritable état maniaque continu et violent
qui se prolonge pendant cinq semaines et force à suspendre l'emploi du gar-
dénal. Pas de crises convulsives pendant cette période. En septembre 1923,
reprise du traitement bromuré et retour rapide à l'état antérieur. (Cinq à six
crises par mois.)
Le 16 avril 1924, nouvelle tentative de traitement gardénalien qui déclenche
un état d'excitation maniaque semblable à celui de l'an dernier, persistant
encore actuellement (20 mai), avec les mêmes caractères. Une seule crise
convulsive le surlendemain de la reprise du gardénal.
Un cas d'hystéro-épilepsie à crises séparées. — M.
P. Carrette présente un
jeune homme de dix-sept ans atteint de crises pithiatiques et comitiales, les
unes précédant immédiatement les autres au cours d'un même accès paroxys-
tique. Ce malade est un pervers qui. s'est livré par ailleurs à des actes
d'exhibitionnisme non imputables à l'épilepsie qu'il faut mettre sur le compte
de son déséquilibre mental et dont il est conscient et responsable.
Lésions médullaires et cérébrales de la psychose polynévritique, par
MM. Trénel et Cuel. — Présentation de coupes par la méthode de Nissl.
Lésions cellulaires classiques de la moelle. Lésions cellulaires cérébrales
prédominant dans la couche profonde de l'écorce affectant les cellules
moyennes et petites. Figures de neuronophagie. Dans un des cas, coexistence
d'une petite gomme méningo-cérébrale.
H. COLIN.

IV. — Société de psychiatrie


SÉANCE DU 15 MAI 1924

Présidence de M. Sbnelaigne
Un cas d'apraxie. — MM. Laignel-Lavastine et Pierre-Kahn présentent
une malade atteinte d'hémiplégie droite et d'état démentiel dus vraisembla-
blement à un ictus antérieur. Mais à l'examen on constate en outre de
l'hémianopsie et de l'apraxie du côté gauche. Il est probable que ces derniers
symptômes sont dus à une lésion du lobe pariétal ayant atteint les radiations
de Gratiolet.
M. Pierre-Kahn insiste sur le rôle de l'amnésie qui augmente encore la
gravité apparente des troubles, la malade oubliant presque instantanément
ce qu'on lui demande de faire.
L'émotion « énervement » : ses signes et son importance en clinique. —
M. R. Benon (de Xantes) rappelle les signes de l'énervement, qui succède à
l'idée d'un mal fait par autrui ou par quelque chose (J. Tastevin). Il signale
l'intérêt du signe de la contraction des sourcils ou simplement du signe des
sourcils. Il dit que le tremblement émotionnel est toujours un tremblement
à base d'énervement, que le désespoir est du chagrin compliqué d'énerve-
ment, que l'oméga mélancolique n'est pas un signe de chagrin, mais un
signe d'énervement et qu'il se confond avec le signe des sourcils, et enfin
que la crise d'hystérie est produite par cette même émotion énervement.
M. P. H artenberg, qui a étudié l'énervement dans son livre sur l'hystérie,
considère aussi cet état comme préparant habituellement la crise de nerfs.
Par contre, il ne saurait admettre l'extension exagérée que lui accorde
M. Benon le tremblement, l'angoisse, la contraction des sourcils, etc., sont
des phénomènes appartenant à d'autres réactions émotives.
Au point de vue psychologique, il semble que l'énervement soit le plus
souvent la conséquence d'une contrariété produite par une circonstance
contre laquelle le sujet est désarmé.
La tension nerveuse, ne pouvant se libérer par un acte de défense ou de
révolte, se transforme en impatiences musculaires et en réactions viscérales.
M. Delmas accentue encore les réserves précédentes et ne saurait admettre
que l'on considère l'énervement comme une émotion l'énervement est un
état durable, tandis que l'émotion est un choc passager. L'énervement a pour
base la colère.
M. Pierre-Kahn pense également qu'il faut séparer les impatiences mus-
culaires de l'énervement et des phénomènes de l'angoisse.
Excitation maniaque ou psychose hébéphrénique. — MM. Laignel-Lavastine
et Pierre-Kahn présentent une jeune femme de vingt et un ans, débile intel-
lectuelle, insuffisante thyroïdienne, ancienne bacillaire, portant en outre une
division du voile du palais, et qui entra dans le service en crise d'excitation
avec logorrhée, fièvre, langue saburrale. Cette excitation tomba et fit place
à une autre phase caractérisée surtout par de la dysharmonie, de la mimique,
de la tendance aux attitudes, des alternatives de rires et de larmes. On doit
se demander s'il ne s'agit pas en réalité, non d'accès périodiques chez une
débile, mais d'un début de psychose hébéphrénique développée sur un ter-
rain bacillaire.
M. Delmas pense qu'il faut attendre l'évolution ultérieure de l'affection
pour poser un diagnostic précis.
Métabolisme du nanisme myxœdémateux. — MM. Laignel-Lavastine et
Doptain présentent un garçon de vingt et un ans, ayant la taille d'un enfant
de sept à huit ans, qui entra dans le service avec tout le tableau clinique du
myxœdème facies lunaire, cheveux hirsutes, teint blafard, obnubilation
:

intellectuelle, abaissement du poùls et de la température.


Sous l'influence d'un traitement thyroïdien, tous ces signes se sont atté-
nués la peau devient rose, la verge se développe, la température s'élève,
l'intelligence est plus ouverte. Mais le métabolisme basal qui était de 22 à
l'entrée ne s'est pas modifié. Il y a donc là un contraste entre l'amélioration
de tous les signes de l'insuffisance thyroïdienne et la constance du métabo-
lisme basal.
P. HARTENBERG.

REVUE DES LIVRES

J. MARÉCHAL.

Études sur la psychologie des mystiques, i vol. Bayaert
(Bruges) et Alcan. 1924. 266 p.
Le terme de « mystique » appliqué aux idées, au délire, à l'attitude, au
comportement des aliénés est banalisé par l'image au point qu'il semble que
la définition, la signification de ce mot soient vues sous le même angle par les
psychologues, les psychiatres et les théologiens. Or, rien n'est moins exact et,
en psychiatrie surtout, la qualification de mystique est appliquée à des états
les plus différents et, d'autre part, à des modalités de la vie psychologique
morbide qui ne tiennent, au vrai, ni de près ni de loin à la véritable vie mys-
tique. Aussi n'est-il pas indifférent de chercher à préciser ce qu'on doit
entendre sous le terme de mystique et de déterminer les caractères psycholo-
giques du mysticisme réellement vécu.
L'ouvrage, dont M. Maréchal ne nous donne aujourd'hui que la première
partie, constitue pour cette recherche le guide le plus précieux, puisque l'au-
teur, par sa double qualité de psychologue et de théologien, peut compter
parmi ceux qui, des états mystiques, sont le mieux avertis.
Ainsi que le rappelle M. Maréchal, les observateurs superficiels, pamphlé-
taire à courte vue, médecin grossièrement psychologue, dévot mal éclairé, ont
trop souvent considéré le mysticisme du dehors et aperçu seulement, de cet
état, l'apparence extérieure, les phénomènes somatiques, les bizarreries
pieuses, le gros merveilleux; ils ont manqué de discerner la marque essen-
tielle, fondamentale, de l'état mystique. Les vrais psychologues, eux, ne s'y
sont point trompés. Que l'on en juge. Selon le Père Poulain, auquel nous
devons un ouvrage des plus pénétrants sur « les grâces d'oraison », l'état mys-
tique se différencie de l'état d'oraison ordinaire par ce fait que, dans l'état
mystique, Dieu ne se borne plus à nous aider à penser à lui, mais « nous
donne de cette présence une connaissance intellectuelle expérimentale ». Pour
Boutrpux, l'extase mystique est « un état dans lequel toute communication
étant rompue avec le monde extérieur, l'âme a le sentiment qu'elle commu-
nique avec un objet interne qui est l'être infini, Dieu ».
Tel est aussi le point de vue de W. James : « La conscience d'une illumi-
nation est pour cet auteur la marque essentielle des états mystiques. » D'où
l'on peut conclure, avec M. Maréchal, que le phénomène mystique fondamental
consiste dans « le sentiment direct de la présence de Dieu ou même l'intuition
de Dieu présent ».
Mais entre ce point culminant, spécifiquement mystique, et la connaissance
ordinaire s'intercale une gamme d'états intermédiaires. Ce sont d'abord les
visions sensibles, corporelles qui s'intègrent dans les cadres de la sensation
ou de l'hallucination; puis les visions imaginaires dans lesquelles le mystique
contemple l'image nettement spatialisée d'un objet, d'une personne, d'une
scène naturelle ou symbolique, mais sans croire à la réalité des objets repré-
sentés. Ces pseudo-hallucinations apparaissent donc moins comme des faits
illustrés par la présence réelle » que comme des états où prédominent l'exté-
cc
riorisation spatiale et la localisation d'une représentation interne. La qualifi-
cation de présence irréelleleur conviendrait assez exactement. Du point de vue
psychologique pur, les états auxquels nous faisons allusion sont intéressants
en ce qu'ils mettent en lumière ce fait qu'une localisation spatiale très précise
peut accompagner les représentations les plus maigres et les plus imprécises.
Il semble donc que l'idée ou le concept le plus dépouillés de matière peuvent
être, à tous leurs degrés d'abstraction, associés à une localisation spatiale. Et
cette association est capable, par la suppression de tous les antagonistes, de
se hausser jusqu'à la tyrannie de l'hallucination gauche.
Ceci donne ainsi raison, semble-t-il, à W. James pour lequel existe, dans
notre mécanisme mental, un sens de la réalité présente plus diffus et plus
général que celui qui résulte de nos sensibilités spéciales. La littérature mys-
tique nous offre à la fois des exemples de visions imaginaires analogues aux
pseudo-hallucinationset des cas de « présence sans images J.
Tous ces phénomènes « mystiques inférieurs » rentrent dans le cadre de la
psychologie classique et sont accessibles à sa prise, mais en est-il de même du
fait mystique lui-même? Tel est le problème que discute longuement M. Maré-
chal, Et, en effet, si l'état mystique pur comprend les données hétérogènes à
la science psychologique empirique, dans quelle mesure peut-on lui appliquer
les lois ordinaires?
Selon l'interprétation que les mystiques donnent de leur état, ceux-ci sont
unanimes à considérer l'union mystique proprement dite non pas comme une
grâce dont Dieu les aurait fait bénéficiaires à la faveur d'un concours de cir-
constances par ailleurs naturelles, mais comme le résultat d'une intervention
directe de la divinité laquelle produit au cœur et dans l'esprit du mystique
« un état absolument inaccessible aux seules forces humaines ».
D'où il semble résulter qu'il est impossible de connaître le véritable état
mystique si soi-même on ne l'a pas vécu, d'une part, et que cet état par ses
prétentions métaphysiques et religieuses dépasse la psychologie ordinaire,
dépendant qu'il est de la philosophie et de la théologie.
Il ne nous est pas possible, ici, de suivre l'auteur sur le terrain de la mys-
tique chrétienne, malgré l'intérêt que présente cette étude pour le psycho-
logue; mais qu'il nous soit permis de rapporter les étapes de la vie mystique,
si soigneusement décrites par M. Maréchal. Leur connaissance exacte ne
saurait être tenue pour indifférente au psychiatre qui aura, dans certains cas
exceptionnels, à retrouver les diverses phases évolutives d'un délire à caractère
vraiment « mystique J, amplification caricaturale de l'intuition et de l'illumi-
nation divines.
A l'étage inférieur des manifestations religieuses de la vie personnelle,
nous trouvons le rite et la prière vocale. L'un et l'autre forment l'armature et
le soutien du mouvement interne tendant à un effort vers l'unification psycho-
logique et son absorption dans le divin, terme ultime de la vie mystique. Après
bien des maîtres de la pensée chrétienne, M. Maréchal montre comment s'en-
tre-pénètrent le psychologique et le physiologique dans le développement des
pratiques rituelles et de quelle manière l'esprit coordonne et unifie l'attitude
et les gestes corporels pour s'en faire un soutien.
Mais ces pratiques extérieures, si elles créent une disposition physique
favorable à l'accession du divin n'atteignent pas, dans son intime, la conti-
nuité de la vie psychologique. Il en est autrement de la prière intérieure qui,
se mêlant au jaillissement de notre activité mentale, peut devenir un véritable
principe de vie spirituelle.
Par la concentration de son activité psychique sur l'oraison mentale,
l'orant ou le retraitant réalise cet Einstellung, cette Aufgabe sur lesquels ont
tant insisté les psychologues d'outre-Rhin, laquelle n'est autre, au fond, que
l'adaptation active générale qui réagissant sur toute prière devient, selon le
mot de l'auteur, une « polarisation vers Dieu ».
L'ascèse, l'organisation méthodique, persévérante des tendances inférieures
et des inclinations de la sensibilité, le renoncement au moi, le détachement
complet et définitif des affections terrestres nous conduisent directement à
l'étape supérieure de la vie mystique dont la contemplation sensible, la con-
templation d'imagination, enfin la contemplation intellectuelle forment les
éléments essentiels; cette dernière, par son mouvement intermittent, par sa
nature même, vers l'unification de l'esprit, et donc vers la simplification du
contenu de celui-ci.
Mais cette unification spirituelle se révèle, à l'analyse, de deu; ordres : la
simplification qui appauvrit, la simplification qui enrichit. La première est
l'apanage de la pathologie mentale, la seconde caractérise l'ascension mys-
tique véritable, la communion intime avec le divin.
Simplification appauvrissante, c'est elle qui fait le fond du processus de
l'extase hystérique, des stéréotypies d'attitude et de gestes de la démence
catatonique dont l'auteur rapporte un exemple significatif. Non seulement,
chez le mystilue vrai, nulle discordance entre le monde intérieur et l'expres-
sion mimique et gesticulatoire, mais tout au contraire, accord parfait, unifica-
tion profonde et intime de tous les processus physiologiques et psychologiques
dont l'activité se centre et se reconcentre sur un unique objet : Dieu à l'intime
du moi.
On le voit, la vie mystique véritable ne se rattache en aucune manière aux
états que la psychiatrie décrit sous les étiquettes de « délire mystique i, d'« état
mystique D,d'cc hallucinations mystiques J. Sans doute, ainsi que tout état psy-
chologique, l'illumination, l'éblouissement de la contemplation mystique peut
trouver un pendant en pathologie mentale, mais avant de lui appliquer l'éti-
quette de mystique, encore conviendrait-il, en bonne règle, de retrouver quel-
ques traits similaires entre l'état mystique, simplification enrichissante de
l'esprit, et cette image appauvrie et déformée que nous offre la pathologie.
J. LHERMITTE.
MAURICE DE FLEURY. Les états dépressifs et la neurasthénie. Paris, 1924,
XXV-171 pages. F. Alcan, édit.
L'auteur, dans sa préface, apporte un plaidoyer en faveur de la classifica-
tion clinique proposée par Delmas et Boll dans leur livre sur la Personna-
lité humaine et d'après laquelle il faut opposer les psychoses à base
organique et les psychoses « sans anatomie pathologique », « psychoses con-
stitutionnelles, nettement systématisées, essentiellement psychologiques ».
En se basant sur cette classification, M. de Fleury, au cours d'un premier
chapitre, distingue essentiellement parmi les états neurasthéniques, ceux
qui sont à base organique : c'est la neurasthénie vraie, maladie accidentelle
et non héréditaire, constitutionnelle, de nature toxi-infectieuse, primitive-
ment somatique et secondairement psychique.
A cette maladie relativement rare, et qui seule a droit au nom de neuras-
thénie, s'opposent les divers types de pseudo-neurasthéniques petits inter-
mittents, déprimés constitutionnels, hypocondriaques paranoïaques ou
anxieux. Après avoir énuméré les symptômes de la neurasthénie vraie,
M. de Fleury étudie plus à fond au chapitre du diagnostic et confronte en
un tableau synthétique les différences qui lui permettent de trancher le
diagnostic entre cette neurasthénie vraie et la petite cyclothymie.
Comme cause principale de la neurasthénie, il reconnait le surmenage
intellectuel et physique et surtout les infections, au premier rang desquelles
il range la grippe et l'appendicite chronique, enfin, la diathèse arthritique.
La cause primitive est toxique; elle agit sur le système nerveux central et le
système sympathique : « Tout se passe comme si l'axe cérébro-spinal et le
sympathique envoyaient aux muscles de la vie de relation et de la vie végé-
tative un influx nerveux appauvri. » La conséquence en est l'hypotonie
généralisée, musculaire et glandulaire, qui constitue « l'anatomie patholo-
gique de la neurasthénie vraie ».
Le traitement devra donc être d'abord purement physique, puis physique
et psychothérapique, quand un syndrome mental se sera greffé sur le syn-
drome physique.
P. SCHIFF.
Y. BERTRAND. Les processus de désintégration nerveuse. i vol. Masson,
209 pages. 1923.
Par la complexité de sa structure et par la délicatesse et la fragilité des
éléments qui le constituent, le système nerveux central est plus qu'aucun
autre organe de l'économie prédisposé aux altérations dégénératives, consé-
quence fatale de nombre de facteurs étiologiques, les traumatismes, les
infections, les intoxications, les nécrobioses et aussi, plus simplement,
l'usure naturelle, la sénilité. Aussi, est-il indispensable de préciser, dans une
étude histologique d'un processus quelconque en action sur le système ner-
veux, non seulement les modifications tissulaires en rapport direct avec
l'agent pathogène, mais encore les produits de désintégration qui traduisent
par leur importance et leur extension l'étendue et la profondeur de l'atteinte
des fibres et des cellules nerveuses comme aussi de la trame de soutènement :
la névroglie.
L'exposé parfaitement clair des processus si divers de la désintégration
nerveuse que nous donne M. Y. Bertrand constitue une excellente mise au
point de ce problème, lequel n'est pas tant histologique que biologique. On
y trouvera également les résultats des recherches personnelles de l'auteur.
Après avoir passé en revue les différentes granulations intra-cytoplas-
miques produits de la viciation du métabolisme protéique granulations
:
azurophiles, 'fibrinoïdes, fuchsinophiles, basophiles-métachromatiques,
orthochromatiques et donné les techniques qui permettent de les différencier
Bertrand étudie les infarcissements du tissu nerveux par le calcium, le fer
le glycogène, la cholestérine, les graisses, enfin les pigments ferriques et non
ferriques dont la mélanine est le plus bel exemple.
Tous ces produits de désintégration, qui peuvent être assez aisément
identifiés par l'histo-chimie, sont voués à une élimination progressive par
l'intermédiaire de phogocytes, de cellules vectrices. Celles-ci dérivent d'élé-
ments dont l'origine est diverse. Il est aujourd'hui démontré que la névroglie
est capable de fournir nombre d'éléments doués d'un pouvoir phagocytaire
intense, qu'il s'agisse des éléments fibreux ou des éléments dits protoplas-
miques. Conformément à l'opinion soutenue par Del Rio Hortega, Bertrand
range parmi les éléments mésodermiques les cellules satellites des neurones
et leur attribue un pouvoir phagocytaire élevé.
Quant aux cellules dont la nature conjonctive n'est contestée par aucun
auteur puisque, manifestement,elles dérivent de l'enveloppe vasculaire, elles
se mobilisent, elles aussi, avec une grande rapidité et contribuent pour une
large part à l'élimination des déchets et des produits de désintégration. La
prolifération des gaines vasculaires, phénomène pour ainsi dire constant
au cours des processus de désintégration du système nerveux, est désignée
par l auteur du terme de métaplasie lymphoïde terme assez criticable, car
par métaplasie l'on entend la transformation d'un tissu différencié dans un
autre également différencié, ce qui n'est pas le cas où l'on a affaire à une
simple dédifférenciation typique d'éléments de même lignée, la lignée
lympho-conjonctive.
Quoi qu'il en soit, les cellules vectrices subissent un processus de dégé-
nérescence aussi nombre d'entre elles ont-elles une existence éphémère.
Les produits de désintégration mis en liberté dans les gaines périvasculaires
y sont drainés vers la pie-mère, laquelle réagit enfin contre l'invasion de ces
déchets.
Dans la seconde partie de son ôuvrage, Bertrand étudie au point de
vue
de la désintégration quelques exemples de maladies du système nerveux et
particulièrement les affections traumatiques/les infections spécifiques et non
spécifiques, puis les tumeurs. Ce chapitre apparaît comme le plus personnel,
aussi doit-il retenir notre attention.
En raison de la grande variété des cellules néoplasiques qui forment la
masse des gliomes, Bertrand ne se résout pas à adopter une classification de
ces tumeurs basée sur la morphologie et l'agencement des cellules néo-
plasiques. Ce qui doit guider avant tout, selon l'auteur, c'est la notion
permanente de métaplasie. Sans aller jusqu'à admettre avec quelques histo-
logistes comme Letulle et Nattan-Larier, le gliome parmi les tumeurs con-
jonctives, Bertrand soutient que le gliome est, en réalité, un complexe
conjonctivo-névroglique au sein duquel s'intriguent les éléments conjonctifs
et névrogliques à tel degré que l'identification de leur origine se heurte à
d'inextricables difficultés. Mais Bertrand et son collaborateur Medakovitch
vont plus loin et reconnaissent que non seulement, le stroma tumoral est semé
d'éléments conjonctifs fibroblastes, clasmatocytes et d'éléments hémato-
:

gênes mononucléaires et polynucléaires, mais encore que les cellules ami-


boïdes névrogliques peuvent, par étirement de leur cytoplasme, se trans-
former en fibroblastes ou même en plasmocytes.
Selon des conditions déterminées, le complexe gliomateux pourra donner
ainsi soit un tissu jeune du type lymphomateux ou fibro-sarcomateux, soit
un tissu plus âgé riche en collagène et anciennement connu sous le nom de
fibro-gliome. Tout se passe donc, en dernière analyse, comme si la névroglie
dérivait d'une origine mésodermique.
Bertrand rappelle enfin que le gliome est apte à subir des processus variés
de dégénérescence nécrose caséeuse ou colloïdo-kystique, infarcissement
:

calcaire.
L'ouvrage se termine sur la description des lésions néoplasiques et dégé-
nératives dont sont le siège, au cours de maladies diverses, la moelle épi-
nière, les ganglions rachidiens et les nerfs périphériques.
La description des différents processus morbides du système nerveux,
toujours un peuaride, est heureusement illustrée de nombreuses et excellentes
figures qui faciliteront, surtout pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec
l'anatomie pathologique, la compréhension du texte, lequel sera lu avec
intérêt par grand nombre de neurologistes.
P. S.

ANALYSES

Neurologie
T. BORDA. Coupes transversales sériées du tronc encéphalique. (Méthode
de vVeigert-Pal). i vol. Buenos-Aires, Établissement typographique argen-
tin, I923.
La première partie contient la description très minutieuse des éléments
anatomiques que l'on rencontre dans chacune des coupes. La seconde est
formée de planches trèsbien faites, reproduisant les coupes de l'auteur depuis
la partie moyenne de l'entre-croisement des pyramides, jusqu'au niveau où le
faisceau de Türck ou temporo-frontal du pédoncule cérébral se sépare pour
se continuer avec la partie postérieure de la capsule interne.
L. WAHL.
PATTI. Sur une tumeur rare de la glande pinéale (épiphysome?).
(Rivista italiana di neuropatologia psichiatri ed elettroterapia, juillet-août
1923.)
A l'autopsie d'une femme de trente ans morte de pleuro-pneumonie fibri-
neuse droite, l'auteur trouva une tumeur de l'épiphyse qui ne s'était mani-
festée par aucun symptôme. Cette tumeur présentait la structure normale de
l organe qui lui a donné naissance;
on peut lui donner le nom d'épiphysome.
L. WAHL.

NOVOA SANTOS (de Santiago de Gallice). Note sur la pression et les réac-
tions du liquide céphalo-rachidien dans les cas de syndrome amyosta-
tique postencéphalitique de type parkinsonien. (Revista de neurobiologia,
IV-I. Madrid, 1924.)
L auteur a étudié le liquide céphalo-rachidien il n'a
pas constaté de
trouble de pression constant. Les réactions de Nonne-Appelt, de Boveri
Noguchi et quelquefois de B.-W. n'ont pas montré de pléocytose, ni d'hyper-
albuminose, ni d'augmentation de glucose. Dans un seul cas, le nombre des
lymphocytes était augmenté et dans trois seulement la réaction de Noguchi
a été positive.
L. WAHL.
ZUCCAR1. Méthodes cliniques d'examen et précipitation méthodique des
colloïdes du liquide céphalo-rachidien dans les cérébropathies infan-
tiles, l'épilepsie, la paralysie générale et dans la période tardive de
l encéphalite léthargique. (Rivista sperimentale di freniatria, 31 dé-
cembre 1923.)
Moyens d'étude dosage de l'albuminose par la méthode de Brandberg,
réaction de Nonne-Appelt première phase, de Noguchi, de Pandy, de Boveri,
de \\ eichbrodt, du benjoin colloïdal, du mastic, de B.-W. (sang
et liquide
céphalo-rachidien). 65 observations : 10 cas d'idiotie albumine o,33
:
toutes les autres réactions négatives,o,3 lymphocytes par millimètre cube.
Idiotie mongoloïde (2 cas), même résultat ; 19 imbéciles
ou dégénérés, même
résultat ; ii épileptiques de même; ii paralysies générales albumine 3 à
i p. 100, Nonne-Appelt, Noguchi, Pandy fortement positives, Weitchbrodt et
benjoin positives, mastic III-IV-B.-W. fortement positive, sauf fois dans
une
le sang, lymphocytose 76 à 9 par millimètre cube dans la syphilis cérébrale
albumine o,5o, Nonne-Appelt, Noguchi faiblement positives, Boveri
Pandy positive,Weichtbrodt faiblement positive, benjoin colloïdalmoyenne,
douteux,
mastic I, B.-W. sang très faiblement positive, dans le liquide céphalo-rachi-
dien négatif. Dans les syndromes parkinsoniens post-encéphalitiques (5 cas)
et dans les cas de perversions du caractère postencéphalitiques (4 cas), les
résultats furent négatifs.
L. WAHL.
E. BATES BLOCK et R. H. OPPENHEIMER (Atlanta, U. S. A.). Etude
comparative des pressions intra-rachidienne, sanguine et de la tension
oculaire. (Archives of Neurology and Psychiatry, vol. XI, n° 4, avril 1924,
p. 444.)
Chez 100 sujets les auteurs ont noté concurremment, avec des instruments
de mesure toujours identiques (manomètres de Baumann pour la pression
artérielle, de Fleischer pour le liquide céphalo-rachidien, tonomètre de
Schiôtz pour la tension oculaire), les valeurs des tensions artérielle, cérébro-
spinale et intra-oculaire.
Ces recherches n'ont pas révélé l'existence d'un parallélisme absolu entre
les variations de ces trois ordres de tension, parallélisme qu'aucun fait
clinique d'ailleurs n'aurait permis de prévoir. Ce que les auteurs ont pu en
conclure, c'est qu'à l'élévation ou à l'abaissement particuliers d'une de ces
trois tensions correspond dans une certaine mesure une élévation ou un
abaissement des deux autres. Si, par exemple, on considère tous les cas dans
lesquels la tension oculaire a été égale à 20 ou supérieure à 20 et tous les cas
dans lesquels elle fut égale ou supérieure à 10, on voit que les tensions
céphalo-rachidiennes ou artérielles ont été dans l'ensemble plus élevées dans
les cas du premier groupe que dans ceux du second. Cette apparence de
parallélisme disparaît d'ailleurs dès que l'hyper- ou l'hypotension d'un des
milieux reconnaît une cause purement locale.
S. SCHIFF-WERTHEIMER.

HUDOVERNIG (Budapest). Sur la nature de l'aréflexie pupillaire chez les


encéphalitiques. (Zeitsclz. f. d. ges. Neurol. u. Psycho vol. XC, n° 1-2,
23 avril 1924, page 69.)
L'auteur a eu l'occasion d'observer dans deux cas d'encéphalite épidé-
mique l'évolution progressive d'une immobilité réflexe des pupilles coïncidant
avec l'apparition de la raideur musculaire, du ptyalisme et autres symp-
tômes de la série parkinsonienne.
Le premier de ces cas est celui d'un homme de cinquante et un ans ayant
présenté depuis sa jeunesse des céphalées surtout localisées au côté gauche et,
à intervalles assez espacés, des crises nocturnes avec perte de connaissance,
morsure de la langue et émission d'urine. En mai 1920 il est pris de léthargie
en même temps que de secousses myocloniques pendant cinq jours. Il reste
pendant quelques semaines somnolent et fatigué. En avril 1920 on constate
une légère hypertonie des membres inférieurs. Les pupilles sont rondes, égales,
réagissent bien à la lumière, à l'accommodation et à la convergence.
En avril 1921, malgré un traitement continu d'iode et d'urotropine, le
malade souffre de raideur des membres qui l'empêche de travailler. Les
pupilles sont un peu plus étroites, cependant les réactions pupillaires restent
normales jusqu'en septembre 1921, où le réflexe photomoteur devient pares-
seux. A la fin d'octobre les pupilles sont étroites mais égales, ne réagissent
pas à la lumière, mais se contractent à l'accommodation. Parallèlement
s'établit un tremblement des mains surtout marqué dans l'exécution des mou-
vements volontaires,une hypertonie des muscles péribuccaux créant une
parole irrégulière, explosive. Pour tarir la sécrétion salivaire, on entreprend
un traitement à l'atropine. Les pupilles se dilatent progressivement, et deux
semaines plus tard réagissent Je façon presque normale à la lumière, l'ac-
commodation et la convergence. Cette récupération de la motilité réflexe des
pupilles se maintenait encore en avril 1922.
Il est important de noter qu'à dater de l'épisode encéphalitique le malade
n'a plus présenté de crises nocturnes, que la réaction de Wasserman dans le
sang et le liquide céphalo-rachidien s'est toujours montrée négative, qu'un
essai de traitement antispécifique a échoué.
La deuxième observation est presque superposable à la première, à l'excep-
tion cependant des antécédents personnels beaucoup moins chargés chez le
second malade que chez le premier. Il s'agit d'un homme de trente-quatre ans
qui, le 29 juillet 1922, est trouvé dans un état de stupeur, dont il sort quelques
semaines plus tard. Plus rapidement que chez le précédent malade, le réflexe
photomoteur devientparesseux, en même temps que se constitue un syndrome
parkinsonien des plus nets. Quelques mois plus tard, aréflexie totale des
pupilles à l'excitation lumineuse. L'instillation de pilocarpine, d'éserine, de
cocaïne, d'atropine ou d'adrénaline modifie légèrement les diamètres pupil-
laires sans amener la réapparition de la motilité réflexe de l'iris.
Un an plus tard on prescrit au malade de l'atropine (à raison de trois
pilules de 1/3 de mg. par jour). Au bout de huit jours les pupilles se dilatent
et réagissent normalement.
Il est hors de doute pour l'auteur que l'aréflexie pupillaire constatée dans
les deux cas ci-dessus ne soit imputable à l'encéphalite épidémique, ou
plutôt à ses séquelles. De telles observations sont assez rares, surtout si l'on
élimine les cas décrits par Westphal de « réactions pupillaires variables » chez
des encéphalitiques. H. ne consent pas à ranger ces malades dans ce groupe
et attribue avec certitude la réapparition des réactions pupillaires à l'ab-
orption d'atropine.
Pour donner à cette affirmation une base plus solide, il fit l'étude des
réactions pupillaires chez trente-cinq malades ayarh été atteints d'encépha-
lite épidémique. Ses recherches aboutirent aux résultats suivants : dans
deux cas le réflexe photomoteur réapparut après absorption d'atropine; dans
les cas où la rigidité pupillaire était absolue, l'atropine n'amena aucune
modification; dans deux cas où le réflexe photomoteur était paresseux, l'in-
stillation de pilocarpine ou d'éserine détermina son abolition totale.
L'auteur en conclut que les substances chimiques (pilocarpine, éserine)
qui augmentent le tonus des muscles iriens exagèrent la paresse pupillaire,
alors que l'atropine améliore le réflexe irien. Pour expliquer l'action de
l'atropine sur le réflexe photomoteur, H. se rallie à l'opinion de Westphal
qui rattache la rigidité irienne, comme l'ensemble des modifications du tonus
chez les parkinsoniens post-encéphalitiques,à une lésion du corps strié,
et non à une atteinte nucléaire. On comprend ainsi que l'action prolongée
de l'atropine, en paralysant les terminaisons des nerfs ciliaires courts et en
diminuant le tonus du sphincter irien, puisse permettre la réapparition des
réflexes pupillaires.
S. SCHIFF-WERTHEIMER.
D'ABUNDO. Casuistique clinique, 3e série. (Rivista italiana di neuro-pato-
logia, psichiatria ed elettroterapia, juillet-août 1923.)
Trois cas de myoclonie post-traumatique : io homme de quarante ans. Tic
de la paire cranienne après une peur violente; 2' mêmes accidents chez
XIe
un homme de vingt-sept ans; 311 tic et myoclonie et tic du triceps crural gauche
consécutifs à une blessure par éclat de grenade ; 40 maladie de Parkinson
sans rigidité à la suite d'une grave douleur morale; 5° cas de tremblement
intentionnel post-traumatique chez un enfant de huit ans tombé d'un mur
de deux mètres de hauteur; 6° psychose par encéphalite épidémique, mani-
festation à type tierce de somnolence et de délire ; 70 neurasthénie constitu-
tionnelle avec hypertrichose sacrée. L. WAHL.

D'ABUNDO. Casuistique clinique. (Rivista italiana di neuropatologia, psi-


chiatria e elettroteraPia, 7 octobre 1933.)
io Traumatisme vertébral, tuberculose osseuse, myélite chez une femme
de trente-huit ans ; 2° syndrome ponto-cérébelleux par néoplasme probable
chez un homme de vingt-trois ans ; 3° psychose sensorielle mélancolique par
empoisonnement par le sulfure de carbone chez un homme de trente-deux
ans; 4° atrophie musculaire type Aran-Duchenne chez un sujet, polydactyle
à gauche, de soixante-quatorze ans;50 spondylose rhizomélique chez un
homme de trente-trois ans. L. WAHL.

J. C. VIVALDO. Convulsions de la première enfance. Étiologie hérédo-


syphilitique. Considérations sur leur relation possible avec l'épilepsie
des adolescents. (Revista de crimi12ologia de Buenos-Aires, septembre-
octobre 1923.)
Tout cas de convulsions ou éclampsie de la première enfance doit être
étudié avec soin. S'agit-il d'un accident purement transitoire, d'une mani-
festation de la diathèse spasmophile ou d'une crise d'épilepsie vraie ? Il
existe une relation fréquente entre les crises d'éclampsie de la première
enfance et l'épilepsie des adolescents et des adultes : il faut donc traiter
celle-là avec beaucoup de soin et rechercher si elle n'est pas due à l'hérédo-.
syphilis par les diverses réactions actuellement en usage. L. WAHL.

Psychiatrie
HENRI CLAUDE. La psychanalyse dans la thérapeutique des obsessions
et des impulsions (Paris-Médical, 20 octobre 1923).
Si la psychanalyse de Freud est à la mode aujourd'hui, même parmi les
médecins, on peut dire qu'il s'agit beaucoup plus de controverses théoriques
à propos de la doctrine de Freud que de véritables expériences psychana.
lytiques. Alors que tant de médecins condamnent la méthode sans l'avoir
mise en œuvre, le professeur Claude a voulu se faire sur la question une
opinion personnelle. Il a, dans son service de l'Asile clinique, avec la colla-
boration du docteur Laforgue, appliqué lui-même la méthode en dehors de
toute idée préconçue et entrepris ainsi, semble-t-il, les premières psych-
analyses qui aient été conduites en France d'une façon rigoureusement con-
forme aux données de Freud. Cet article contient, outre un exposé de la thé-
rapeutique psychanalytique, les conclusions fournies par ses résultats per-
sonnels. Laissant pour le moment de côté toute discussion sur les notions
freudiennes des complexes affectifs, du refoulement, de la sublimation,
M. Claude s'attache à caractériser le mécanisme de la thérapeutique et il
insiste particulièrement sur la « névrose de transfert » qui est pour lui la con-
dition essentielle et indispensable du succès. Il montre les divers aspects —
amour ou amitié ou crainte avec sentiment de subordination — que peut
présenter le transfert affectif sur la personne du médecin. Mais M. Claude se
sépare de Freud en ce que la simple mise à jour des complexes lui paraît
insuffisante pour réaliser la guérison ; le travail psychanalytique a surtout
pour effet de rendre le malade plus accessible à la psychothérapie, sugges-
tive ou persuasive, du médecin. La psychanalyse prépare à la psychothérapie.
Au sujet des résultats obtenus par les premiers adeptes de la méthode, le
professeur Claude indique les difficultés de la tâche. « La technique est
délicate, difficile, exige un apprentissage particulier, c'est une méthode qui
absorbe grandement le temps du médecin, qui est donc relativement coûteuse.
Le découragement est fréquent chez les malades et se rencontre parfois
chez le médecin. Enfin les conditions du transfert créent souvent des situa-
tions délicates et exigent de la part du médecin, plus encore que de tout
autre psychothérapeute, des qualités de tact, de réserve et de conscience
professionnelle. Aussi ne peut-on concevoir qu'une pratique thérapeutique
aussi délicate puisse être confiée à des personnalités extra-médicales, non
familiarisées avec le sentiment des responsabilités qu'entraîne cette emprise
sur le psychisme des malades. » M. Claude insiste aussi sur le fait, souvent
oublié ou ignoré, que « certains cas ne se prêtent pas à l'analyse du fait de
leur âge après quarante ans, Freud, en principe, renonce à l'analyse, parce
que les complexes refoulés sont trop insérés dans la personnalité des malades
et que, même après l'analyse, la persuasion n'a guère d'efficacité chez des
sujets d'un certain âge ».
Arrivant à ses propres résultats, M. Claude donne l'observation résumée
de 16 cas, dont 8 avec guérison, 5 avec amélioration et 3 non améliorés. Il
conclut que « la psychanalyse ne constitue pas une thérapeutique absolue et
constamment efficace ni toujours inoffensive ». Il se demande « si, dans bien
des cas, il ne suffirait pas d'emprunter à la psychanalyse certains de ses pro-
cédés d'investigation et de les utiliser pour pénétrer davantage qu'avec
l'analyse psychologique ordinaire dans l'inconscient des individus, de
dégager les conflits provoqués par le refoulement sans attirer trop l'attention
du malade sur une série de précisions relatives à la sexualité, précisions qui
peuvent être plus traumatisantes que le souvenir traumatique à contenu
sexuel et d'origine surtout infantile que Freud place à l'origine des psycho-
névroses ».
Pour M. Claude, en effet, la sexualité est loin d'être à l'origine de tous les
cas de psychonévrose. Les obsédés et les anxieux sont des insuffisants à tous
égards, des dystrophiques, et les épisodes les plus caractéristiques de la
névrose sont en rapport avec des troubles glandulaires ou sympathiques.
M. Claude préconise dans l'étude et la thérapeutique des psychonévroses
une méthode Psycho-biologique qui s'efforce d'analyser parallèlement les
troubles organiques relevant du système neuro-végétatif et les données
psychiques subconscientes. La psychanalyse, en tant que science auxiliaire,
peut donc être fort utile, et M. Claude conclut en rappelant le mot de Pierre
Janet II La psychanalyse a rendu de grands services à l'analyse psycho-
logique. » P. SCHIFF.

Profr HENRI CLAUDE. Sur les divers types de psychoses hallucinatoires


chroniques. (Progrès médical, n° 14, 5 avril 1924, p. 209. — Leçon faite à
la Clinique des maladies mentales de l'asile Sainte-Anne, janvier 1924.)
A propos de quelques malades de son service, M. Claude insiste sur la
nécessité de distinguer au moins deux types dans la psychose hallucinatoire
chronique.
Dans l'un d'eux, il s'agit d'hallucinations vraies et d'idées de persécution
qui, par leur réunion, constituent une maladie autonome et bien caracté-
risée, dont l'auteur fait l'historique depuis les travaux de Lasègue et de
Magnan. Il existe aussi des délirants qui se présentent au premier abord
comme des psychoses hallucinatoires chroniques banales, mais chez lesquels
l'analyse découvre, au lieu d'un début brusque comme dans le syndrome-
type de Magnan, un début insidieux et de date très ancienne et en outre
une systématisation du délire plus apparente que réelle. Les hallucinations
que présentent ces cas se montrent presque entièrement dépourvues de
caractère sensoriel. Ce sont en réalité des hallucinations psychiques ; elles
comportent un mélange d'idées d'influence et d'idées d'interprétation pour
lequel M. Claude propose le nom de syndrome d'action extérieure.
Ce syndrome représente l'objectivation d'un automatisme mental de date
ancienne, qui extériorise, après une longue période de rumination, des idées
délirantes nées dans des conditions variées et en rapport avec la constitution
(dégénérative, paranoïaque, cyclothymique, etc.) du sujet. Le facteur consti-
tutionnel joue en effet un rôle très important dans la coloration du délire.
Au point de vue pronostique, c'est de ce facteur que dépend l'atténuation
possible des symptômes ou au contraire leur fixité et leur aggravation. Alors
qu'un fond paranoïaque rend la guérison très difficile, une base cyclothy-
mique ou le déclenchement du délire par des causes toxi-infectieuses
peuvent faire envisager, même dans de tels cas, l'hypothèse d'une diminu-
tion des troubles et le retour à une vie sociale à peu près normale.
P. SCHIFF.

AVIS
La VIe réunion d'études biologiques de neuro-psychiatrie aura lieu le
26 juin 1924, à neuf heures et demie du matin, à l asile Sainte-Anne, l, rue
Cabanis (amphithéâtre de la clinique).

Les auteurs des communications sont prévenus que leurs manuscrits


doivent être remis à la séance, et que le texte de leur travail ne doit pas
dépasser trois pages d'impression de l'Encéphale.

Le Gérant : G. DELARUE.
COMPTE RENDU OFFICIEL
DE LA
Vie RÉUNION D'ÉTUDES BIOLOGIQUES DE NEURO-PSYCHIATRIE

TENUE A LA CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE PARIS

LE 26 JUIN 1924

SOMMAIRE
Communication de MM. Cestan, Gay et Pérès. — Quelques considérations sur la
valeur décroissante de la cytose du liquide céphalo-rachidien retiré par la ponction
lombaire.
Discussion : MM. Toulouse, Targowla,"'finel, Marchand, Claude.
Communication de MM. Toulouse et Marchand et Mlle Pezé. — Troubles mentaux
symptomatiques de métastases cancéreuses encéphaliques.
Discussion : MM. Claude, Toulouse, Laignel-Lavastine, Marchand.
Communication de MM. Henri Claude, A. Borel et Gilbert Robin. — Un nouveau
procédé d'investigation psychologique : l'éthérisation.
Discussion : MM. Dupouy, Claude.
Communication de MM. A. Marie, P. Poincloux et H. Codet. — Traitement d'un cas
de parkinsonisme post-encéphalitique par injection intra-rachidienne de virus-vaccin
encéphalitique(méthode Levaditi-Poincloux).
Discussion : MM. Guillain, Toulouse, Codet, Claude.
Communication de MM. Henri Claude et René Targowla et Mlle Badonnel. — Note
sur la glycémie morphinique.
Discussion : MM. Toulouse, Targowla.
Communication de MM. J. Tinel et D. Santenoise. — Les variations de l'équilibre
vago-sympathique dans les crises confusionnelles.
Discussion : MM. Toulouse, Tinel.

Quelques considérations sur la valeur décroissante


de la cytose du liquide céphalo-rachidien retiré par la ponction lombaire
par le professeur R. CESTAN et MM. GAY et PÉRÈS (de Toulouse)
Quand on pratique l'examén d'un liquide céphalo-rachidien, on n'a pas
coutume d'indiquer à quel moment de la ponction a été recueilli l'échantillon
et
du liquide examiné, une telle manière de procéder n'est exacte que dans la
mesure où les diverses parties du liquide céphalo-rachidien sont homogène?.
Il y a là une hypothèse implicite que nous avons voulu vérifier, et pour cela
nous avons comparé la cytose de portions du liquide céphalo-rachidien
recueillies aux divers moments de la ponction. Au surplus cette recherche
pourrait, comme on le verra plus tard, offrir un intérêt biologique quant à la
physiologie des espaces sous-arachnoïdiens,physiologie dont nous poursui-
vons l'étude depuis longtemps.
Nos ponctions ont été pratiquées sur des sujets assis, la tête fléchie en avant,
dans l'espace situé entre la IVe et la ve lombaire. Quand c'était nécessaire,
nous réalisions à l'aide d'un mandrin demeuré dans l'aiguille un écoulement
goutte à goutte qui nous permettait de recueillir le liquide céphalo-rachidien,
centimètre cube par centimètre cube dans une série de tubes à hémolyse préa-
lablement gradués et numérotés. La numération était effectuée à la cellule de
Nageotte. Notre examen portait donc d'abord sur les premières gouttes
recueillies qui répondaient à l'étage de la ponction lombaire et ensuite sur
les dernières gouttes qui venaient d'un niveau supérieur; des examens pra-
tiqués sur des gouttes recueillies aux moments intermédiaires permettaient de
réunir ces chiffres extrêmes.
Notre enquête a porté sur quinze individus dont toutes les réactions humo-
rales du liquide céphalo-rachidien étaient normales et qui étaient atteints
d'affections mentales (idées de persécution, débilité, manie, mélancolie).
Le tableau qui suit résume nos résultats :

Monos, Lymph. Monos. Lymph. Monos, Lymph.

02
Monos, Lymph.

ier CM3 0,6 2,7 o,5 3 0,4 o,5


— 1 4 1
,ô 3 o,3 0,7 0,6 1,3
— o,3 1,1 1 1,7 0,4 1,6 o,3 1,7
— 0,8 2,4 1,2 0,4 0,3 1,8 » 1
2E cm3 0,2 1 0,4 2,1 0 2 o,3 0,5
— o,5 2,1 0,6 1,6 o,3 0,4 o,6 0,8
— 0,1 0,8 0,6 1
o,3 1,4 o,5 1,7
— 0,2 0,8 1 0,2 o,3 1,4 » »
5E CM3 0,2 0,6 0,1 1 0 1,5 0,1 0,4
— 0,4 1,7 0,2 0,8 0,2 0,6 0,2 0,6
— 0,1 o,5 o,3 0,8 0,1 o,3 0,1 0,6
— 0,2 0,8 0,8 0,1 0,2 1,3 » »
10e CM3 0,1 0,8 0,1 1 0 0,5 0,1 0,1
— o,3 i,3 » t 0,2 o,3 0,2 0,6
0,1 o,5 » » 0,1 0,2 0,1 o,3
0,6
Rapport du
du IOe

cm3..6
IER et
0,1

3 0,7
53
0,1 0,1

x 4
1 »

4
»


— 32
3

8
3

3,5
32
3 3
48
i,5 2,5

3 1,8
35
3 2

— 2 4 » »

Ainsi, que la numération porte sur les monos ou sur les lymphos, on voit
que le chiffre des éléments décroît rapidement du ier cm3 au 5e cm3 écoulé,
car, d'une manière générale, la différence entre le 5e cm3 et le 10E cm3 est
bien plus faible que celle qui sépare le ier du se cm3.
Le rapport entre ces derniers varie, puisque nos chiffres extrêmes sont
pour les monos 9 et 7,5 et pour les lymphos 3 et 5.
Les voici d'ailleurs en série. A) : monos, 6-5-0-4-9-3-0, 5-3-3-3-4-3-8-2-3.
B) : lymphos, 3-3-4-5-3-3-2, 5-2-2-2-8-5-3, 5-4-1, 8.
On voit également que, pour le même malade, on ne trouve pas le même
rapport quand on étudie comparativement les monos et les lymphos.
Tout parait donc se passer dans le liquide céphalo-rachidien comme si un
phénomène de sédimentation qu'on nous permettra de comparer à celui d'une
sablière accumulait dans les parties déclives le plus grand nombre d'éléments.
Nos examens n'ont pas porté sur des portions du liquide céphalo-rachidien
situées au-dessous de la 111e vertèbre lombaire, mais il est permis de supposer
que des recherches sur la région du filum terminale révèleraient un véritable
cloaque ; de même on peut se demander si, en imposant au sujet ponctionné
des situations autres que la situation verticale, on ne réaliserait pas une
répartition cytologique différente.
Dans le liquide céphalo-rachidien normal le nombre d'éléments est trop
petit pour que la loi se présente avec toute sa netteté, aussi l'avons-nous
recherchée dans des cas de méningites aseptiques provoquées.
Nous avons déterminé ces réactions méningées par l'injection au niveau
du ve espace intervétébral de quelques centimètres cubes d'hémostyl ou de
sérum physiologique.
OBS. I. — D... Marie.
Avant l'injection : albumine: 0,20; lymphos : 2; mononucléaires: o,5.
Benjoin colloïdal et réaction de Wassermann négatifs.
Injection intrarachidienne de 6 cm3 de sérum physiologique ; la malade
reste couchée. Le soir on a : albumine: 3 grammes; 4300 polynucléaires au
xer cm3 et 2 6oo au 5° cm3.

OBS. II. — M. Raymond X...


Avant l'injection : albumine : 0,90; lymphos: 2; mono : 1 Benjoin
colloïdal.
Injection intrarachidienne de 4 cm3 d'hémostyl; reste debout.
Le surlendemain, il a 200 polys au 1er cm3; 280 cm3au 5e cm3 et 200 au
1

15e cm3.

OBS. III. — L... Jean.


Avant l'injection : albumine : 0,20; lymphos : 2. Benjoin colloïdal négatif.
Injection intrarachidienne de 2 cm3 d'hémostyl; reste debout.
Le soir, albumine : 3 gr. ; polys : i 95o au ier cm3 et 1 5oo au 20e cm3;
trois jours après : albumine : 1 gr. 5o; au ier cm3, 4 lymphos et 37 polys, et
au IOe cm3, 8 lymphos et 32 polys.
Mais on pourrait objecter à ces expériences de méningites provoquées par
une injection lombaire de sérum que cette injection a déterminé en somme
une méningite aseptique localisée probablement à la région lombaire ou du
moins ayant son maximum d'intensité à ce niveau et qu'il n'est donc pas sur-
prenant que la ponction lombaire, faite au même niveau que l'injection, ait
ramené d'abord un liquide céphalo-rachidien plus riche en éléments; puis, la
ponction continuant, et amenant enfin la sortie du liquide de la région dor-
sale, ce dernier se montre moins riche en éléments parce que plus éloigné que
le premier de la zone lombaire méningée irritée.
Nous avons donc utilisé une autre technique qui nous permettait d'irriter,
très haut et très loin du siège de la ponction lombaire, les espaces
arachnoïdiens. L'un de nous, en collaboration avec le docteur Riser, a pu
vérifier en effet qu'une injection d'air (pneumorachie) faite avec une certaine
technique dans la région lombaire pouvait rapidement remplir d'air les ventri-
cules latéraux du cerveau (ventriculographie). Or, cette injection d'air stéri-
lisé est légèrement irritante pour les espaces arachnoïdiens et puisque l'air a
balayé rapidement les espaces arachnoïdiens de la région lombaire vers le
cerveau, il s'ensuit qu'il a provoqué une irritation méningée non plus localisée
à la région lombaire, mais généralisée aux espaces arachnoïdiens médullaires.
D'ailleurs, en effet, la réaction de polynucléose provoquée est parfois très
intense : elle a atteint 3oooo polynucléaires chez une malade. Or dans ces cas,
si on ponctionne la malade le lendemain ou plusieurs jours après, on constate
que les premiers centimètres cubes de liquide retirés par la ponction lombaire
sont plus riches en polynucléaires que le 10e ou que le 20e cm3.
Voici quelques exemples :
I. M. Marguerite. Avant l'injection : albumine : o,3o; lymphos : .2,5.
Benjoin colloïdal négatif.,
Injection intrarachidienne de i5 cm3 d'air stérilisé; la malade reste
couchée.

II. G... Hippolyte. Avant l'injection, albumine: o,25; lymphos


monos : 0,1. Benjoin colloïdal négatif.
:
Le soir, albumine : 3 gr. 59 ; 3 900 polys au se cm3 et 3 ioo au 30e cm3.
0,2;
Injection intrarachidienne de 20 cm3 d'air stérilisé; reste couché.
Le lendemain 415 polys au ier cm3 et 378 polys au 30e cm3.
III. C... J.-Baptiste. Avant l'injection, albumine: 9,40; lymphos, 1,5;
monos : o,3. Benjoin colloïdal négatif.
Injection intrarachidienne de 20 cm3 d'air stérilisé; reste couché.
Le lendemain, albumine : 12 gr.; 3 5oo polys au ier cm3, et 2 5oo polys au
206 cm3.
Le quatrième jour, albumine : 1 gr. 20; 210 polys au ier cm3, et i3o polys
au i5° cm3.
IV. P... Urbain. Avant l'injection, albumine : 9,20; lymphos : 1,5. Benjoin
colloïdal négatif.
Injection intrarachidienne de 20 cm3 d'air stérilisé; reste couché.
Le lendemain, albumine : 4 gr.; polys : 83o au ier cm3, et 600 au 20" cm3,
V. M... Louise. Avant l'injection, albumine : o,3o; lymphos 1. Benjoin
colloïdal négatif.
Injection intrarachidienne de 3o cm3 d'air stérilisé; reste couchée.
Le lendemain, albumine : 0,70 ; polys : 1 040 au ier cnr', et 1 020 au 30e cm3.
VI. S... Jean. Avant l'injection,albumine : o,3o ; lymphos : 2,2 ; monos : 1.
Benjoin colloïdal négatif.
Le soir, albumine : 5 gr. ; polys : 10990 au ier cm3 et 7623 au 30e cm3.
VII. V... Henriette. Avant l'injection, albumine: o,3o; lymphos: o,3.
Benjoin colloïdal négatif.
Injection intrarachidienne de 3o cm3 d'air stérilisé; reste couchée.
Le soir, albumine : i5 gr.; 3oooo polys au Ier cm3, et 1800 au 3oe cm3;
deux jours après, 880 polys au ier cm3, et 700 au 20e cm3.
VIII. A... Cécile. Avant l'injection, albumine : 0,20; lymphos, 1. Benjoin
colloïdal négatif.
Injection intrarachidienne de 25 cm3 d'air stérilisé; reste debout.
Six jours après, albumine : 0,40; au ier cm3, 10 lymphos et 16 polys et au
25e cm"i 19 lymphos et 6 polys.
IX. M... Marie. Avant l'injection, albumine : o,3o; lymphos : 1. Benjoin
colloïdal négatif.
Injection intrarachidienne de 25 cma d'air stérilisé; reste debout.
Le lendemain, albumine 0,40; au 1er.::m3, 2,5 lymphos; 7 polys ; i,5 monos
et au 20e cm3, 6 lymphos; 5,5 polys et o,3 monos.
X. C... Jean. Après l'injection, le lendemain, albumine : i,5o; au ier cm3,
185 polys et 6 lymphos, et au 20e cm3, 1,2 polys et 2 lymphos. Reste debout.

De ces recherches il semble donc résulter que chez les sujets normaux et
dans les méningites expérimentales provoquées par une pneumorachie, la
ponction lombaire classique permet de retirer un liquide céphalo-rachidien
dont les premiers centimètres cubes sont plus riches en éléments cellulaires
que le Se cm3, ce qui prouve que le liquide de la région lombaire est plus
riche en éléments que celui de la région dorsale.
Cette notion a un intérêt pratique immédiat, surtout en présence de réac-
tions méningées discrètes que l'on rencontre par exemple dans les vieux tabes.
On a pu discuter l'intensité de la lymphocytose, mais les auteurs s'étaient-ils
placés dans des conditions scientifiques rigoureuses? Nous ne le croyons pas.
Il sera nécessaire en effet que ces auteurs nous indiquent avec soin si leur
numération, effectuée bien entendu avec la cellule de Nageotte, a porté sur
les deux premiers centimètres cubes ou sur l'ensemble brassé des dixpremiers
centimètres cubes retirés par la ponction lombaire au lieu classique. D'autre
part, quelques expériences, que nous rapporterons dans un travail ultérieur,
nous ont montré, surtout dans les méningites pathologiques, que le seul acte
de la ponction lombaire, sans extraction importante de liquide céphalo-
rachidien, peut amener parfois une vive réaction des espaces sous-arachnoï-
diens; il est donc indispensable d'indiquer avec précision s'il s'agit d'une pre-
mière ponction lombaire ou, dans la négative, à quelle époque et quelle
quantité de liquide céphalo-rachidien a soustraite la ponction lombaire pré-
cédente.
Nos recherches présentent en outre un autre intérêt; elles paraissent
confirmer les idées que l'un de nous a déjà exposées à plusieurs reprises avec
M. Riser sur la circulation du liquide céphalo-rachidien.
Dans l'hypothèse classique, il existe une véritable circulation du liquide
céphalo-rachidien, qui, sécrété par les plexus choroïdes, se dirige vers une
sortie extra-méningée, soit voie veineuse par les gaines périvasculaires, soit
voie lymphatique par les gaines neurales, sans que l'on ait pu préciser la
quantité du liquide céphalo-rachidien formé. Mestrezat par exemple admet-
tait que chez l'homme normal le liquide se renouvelle six à sept fois par
vingt-quatre heures. Faut-il donc admettre que, puisque les éléments figurés
vont s'accumuler dans le liquide céphalo-rachidien, ils ont été entraînés par le
sens du courant et que celui-ci se fait donc de haut en bas, des plexus cho-
roïdes. siège certain de la sécrétion du liquide, vers le cul-de-sac médullaire
durai ?
C'est une hypothèse peu vraisemblable; les expériences d'injections de
substances colorantes faites par l'un de nous avec MM. Riser et Laborde ont
montré qu'à l'état normal, il n'y avait pas de vrai courant constatable dans un
sens précis; le liquide céphalo-rachidien se trouve enfermé comme dans un
vase clos avec des oscillations dues aux mouvements circulatoires et respi-
ratoires. On comprend dès lors que dans un pareil liquide, chez les individus
gardant la position verticale et ayant des espaces sous-arachnoïdiens libres,
non cloisonnés par des réactions méningées segmentaires, les éléments cellu-
laires tombent lentement sous l'action de la pesanteur à la partie déclive,
c'est-à-dire dans la région sacro-lombaire.
Ainsi nos petites expériences, si simples en elles-mêmes, d'une part
-
montrent la nécessité d'une technique précise quand on parle de la numération
des éléments cellulaires du liquide céphalo-rachidien retiré par la ponction
lombaire et d'autre part apportent un certain appoint à l'étude de la physio-
logie encore discutée du liquide céphalo-rachidien.
Discussion :
M. Toulouse, en présence des intéressantes recherches du professeur Ces-
tan, demande que, pour avoir dans les diverses cliniques des résultats com-
parables entre eux, on se mette d'accord sur un chiffre minimum de liquide-
céphalo-rachidien à retirer avant d'effectuer une numération leucocytaire. On
pourrait par exemple s'entendre pour ne tenir compte que des numérations
effectuées sur l'ensemble des huit ou dix premiers centimètres cubes retirés.
M. Targowla rappelle que, depuis fort longtemps, les recherches de divers
auteurs avaient montré une prédominance des leucocytes dans les premiers
centimètres cubes de la ponction, mais il semble admis que ces variations leu-
cocytaires sont faibles dans les cas normaux.
M. Tinel : La sédimentation n'explique pas tout; c'est ainsi que le sable-
choroïdien se trouve non pas autour du cône terminal de la moelle, mais sou-
vent dans les gaines radiculaires cervicales ou dorsales. Il y a donc eu arrêt
à un étage supérieur.
M. Marchand a trouvé du sable choroïdien dans les gaines radiculaires,
en deçà mais aussi au delà du ganglion ; l'argument de M. Tinel ne suffit donc
pas à infirmer la réalité d'une sédimentation leucocytaire dans la partie
déclive du canal rachidien.
M. Claude n'est pas certain qu'on puisse affirmer l'étage cérébro-spinal d'où.
provient une fraction donnée du liquide céphalo-rachidien.

Troubles mentaux symptomatiques de métastases


cancéreuses encéphaliques
par MM. E. TOULOUSE, L. MARCHAND et Mlle PEZÉ
Quand un néoplasme encéphalique ne se traduit cliniquement par aucun-
symptôme d'hypertension intracranienne, par aucun signe de localisation,
que seuls des troubles mentaux indiquent la souffrance du cerveau, le dia-
gnostic de la cause est impossible. Le syndrome mental peut consister en un
état de confusion mentale si profond que, si l'on ne possédait aucun rensei-
gnements sur l'évolution aiguë des accidents, on pourrait le confondre avec
un état démentiel. L'observation suivante en est un exemple :
Mme M..., âgée de cinquante-trois ans, est entrée le 16 février 1923 au
Service de Prophylaxie mentale. Elle exerçait la profession de garde-malade
et avait dû interrompre son métier depuis deux mois pour troubles mentaux.
Les antécédents héréditaires et personnels font défaut. La malade est
luxembourgeoise et incapable de donner des renseignements précis. Les amis
qui l'amènent savent seulement qu'elle a eu un cancer du sein dont elle a été
opérée il y a trois ans.
Elle était très travailleuse et appréciée de ses chefs, de caractère plutôt gai
et égal.
Deux mois avant son internement, elle a commencé à présenter des symp-
tômes d'amnésie et de confusion mentale. Un médecin, après analyse du
sang et des urines, avait posé le diagnostic d'azotémie avec état confusionnel
et anxiété.
A son entrée dans le service, la malade présente une amnésie complète
d'évocation et de fixation. Elle est complètement désorientée dans le temps
et l'espace. Elle ne sait plus ni son âge (elle dit avoir soixante-six ans), ni la
date de sa naissance (elle dit être née en 1870). Nous sommes en mai 19,4,
dit-elle, la guerre dure encore. Elle croit qu'elle est là depuis huit jours
et qu'elle est encore dans son appartement. Elle est incapable de résoudre
le plus simple calcul mental.
Elle se plaint de souffrir un peu de la tête, se sent fatiguée. Elle pleure
pendant l'interrogatoire parce qu'elle vient de perdre son père et sa mère
dans l'intervalle de deux mois (fait inexact). Interrogée cinq minutes après sur
la cause de nouvelles larmes, elle répond qu'elle pleure la mort de sa tante
survenue il y a huit jours. Elle ne se souvient plus qu'elle pleurait quelques
instants auparavant la mort de ses parents : « Ma mère est morte il y a deux
ans » dit-elle de nouveau.
Elle est dans un état continu de subanxiété, cherchant à fuir, ne retrouve
pas son lit, ne reconnaît pas les objets qui lui appartiennent. Pas d'onirisme,
pas d'hallucinations. Gâtisme urinaire.
Pas de signes objectifs : les pupilles sont en myosis, mais réagissent à la
lumière. Pas de Babinski, la malade marche correctement. Réflexes ten-
dineux normaux. Pas de troubles de la parole. Pas d'aphasie ni de para-
phasie. Pouls à 60. Tension artérielle Mn 22 Mn 16. Pas de lésions viscérales.
On ne note aucune récidive apparente du cancer du sein.
Langue rôtie, fétidité de l'haleine. État grave, pas d'amaigrissement. En
somme, au point de vue clinique, amnésie, globale, désorientation, anxiété.
La température est de 37 °5.
Examen biologique :
Les réactions de Bordet-Wassermann et de floculation sont négatives dans
le sang et le liquide céphalo-rachidien.
Quantité des urines en vingt-quatre heures i litre 5oo; elle ne ren-
:

ferment ni sucre ni albumine. Urée, 7 gr. 34 p. 100. Urée du sang : o gr. 67


p. 100.
La malade qui s'alimentait suffisamment (régime lacto-végétarien), mais
était de plus en plus confuse et faible,est morte le 25 février dans l'après-midi
sans présenter de coma. Elle a eu, au dernier moment, une crise convulsive
avec vomissement et perte des matières.
Autopsie. — Légère congestion pulmonaire aux deux bases; foie un peu
congestionné; cœur normal; estbmac normal ; reins sclérosés, petits; pas de
métastase viscérale.
Système nerveux : Encéphale. L'hémisphère droit pèse 525 gramm6j le
gauche 55o grammes. Le bulbe et le cervelet réunis, 180 grammes.
Dans l'hémisphère cérébral gauche, au niveau de la convexité, on note la
présence de trois tumeurs grisâtres, de la grosseur d'un petit pois, faisant
hernie sous la pie-mère, situées la première à la partie antérieure de la
deuxième pariétale, la seconde au niveau du pied de la deuxième frontale,
la troisième au pied de la troisième frontale. Sur les coupes transversales on
observe deux autres tumeurs beaucoup plus volumineuses, de couleur éga-
lement grisâtre, l'une de'la grosseur d'une petite noix est localisée en pleine
circonvolution limbique au-dessous du lobule paracentral; l'autre du volume
d'une noisette, à la partie moyenne et dans la profondeur de la deuxième
frontale.
L'hémisphère droit ne contient qu'une seule tumeur, mais celle-ci est très
volumineuse; elle a la grosseur d'un œuf de pigeon, a envahi la voûte de la
corne occipitale du ventricule latéral et se prolonge en arrière dans la subs-
tance blanche du lobe occipital, détruisant une partie des radiations optiques
de Gratiolet.
Examen histologique. L'étude histologique des petites tumeurs montre
qu'elles sont situées dans l'écorce grise et qu'il s'agit de métastases cancé-
reuses; leur développement s'est fait de dedans en dehors. C'est ainsi que, à
la périphérie de certaines métastases, la pie-mère est restée absolument saine,
la partie la plus superficielle de la tumeur n'arrivant pas à son contact. Dans
d'autres, la pie-mère présente une légère infiltration cancéreuse secondaire au
développement de la tumeur de la profondeur à la périphérie.
Ces petites tumeurs présentent le type de l'épithéliome alvéolaire. Elles
sont constituées par des alvéoles renfermant des cellules épithéliales de
formes et de dimensions irrégulières; les unes sont très volumineuses et ren-
ferment plusieurs gros noyaux contenant eux-mêmes plusieurs nucléoles. Elles
sont réparties assez régulièrement. Les alvéoles ont une forme arrondie et
n'atteignent qu'une dimension restreinte. On ne note autour d'eux aucune
charpente conjonctive; les amas de cellules néoplasiques reposent directement
sur le tissu nerveux, tout en restant indépendants.
La tumeur progresse par bourgeonnement. Ce sont d'abord quelques
cellules néoplasiques qui s'infiltrent dans le tissu nerveux; puis, par leur
développement en alvéoles, elles le compriment peu à peu. Sur les coupes
traitées par la méthode de Weigert-Pal, on remarque que les fibres à myéline,
à la périphérie de la tumeur, sont repoussées d'abord, écartées par les forma-
tions néoplasiques. Dans toute cette zone et même assez profondément les
fibres à myéline sont groupées en faisceaux qui entourent en forme de cor-
beilles les alvéoles cancéreux; il semble que le tissu néoplasique oblige le
tissu nerveux à se modeler sur lui. Dès que les alvéoles prennent une certaine
dimension, ils compriment le tissu nerveux et les fibres à myéline dégénèrent.
Plus on examine des régions situées dans la profondeur de la tumeur, plus
on note que les fibres à myéline sont en voie de dégénérescence; elles finissent
même par disparaître.
Autour de ces petites tumeurs on ne constate aucune réaction inflamma-
toire; les cellules nerveuses ne sont altérées que dans le voisinage même du
tissu néoplasique et semblent surtout disparaître sous l'influence de la com-
pression.
Les tumeurs volumineuses présentent exactement les mêmes caractères
histologiques, mais au centre les amas de cellules néoplasiques sont dégé-
nérés, se sont atrophiés, laissant à leur place la trame interstitielle formée de
fibrilles très fines, parsemées çà et là de petites cellules rondes prenant forte-
ment les colorants, de cellules à noyaux allongées et de corps granuleux.
Réactions inflammatoires légères autour des tumeurs.
Pour étudier la trame interstitielle, nous avons traité un certain nombre
de coupes par la méthode de Weigert pour la névroglie. On se rend compte
qu'à la périphérie de la tumeur, les alvéoles cancéreux sont nettement séparés
les uns des autres par des faisceaux compacts de fibrilles névrogliques qui
restent en relation avec la névroglie du tissu nerveux péritumoral. Au centre
de la tumeur, dans les zones où les alvéoles cancéreux sont en voie de dégé-
nérescence, le tissu névroglique est lui aussi en voie de disparition. La trame
interstitielle ne comprend plus qu'un tissu amorphe dans lequel, par places,
on note encore la présence de pinceaux déliés de fibrilles névrogliques, dans
les mailles desquelles se trouvent des cellules rondes, des corps granuleux et
des cellules à noyaux allongés. Ces dernières nous semblent représenter l'en-
dothélium des capillaires du tissu nerveux devenus imperméables sous l'in-
fluence de la compression des alvéoles cancéreux.
La pie-mère par places est le siège d'une infiltration embryonnaire inté-
ressant à la fois l'adventice des vaisseaux et le tissu méningé lui-même. Les
amas de cellules rondes se rencontrèrent dans des régions éloignées des
métastases cancéreuses.
En dehors des noyaux cancéreux, l'écorce cérébrale ne présente que des
lésions cellulaires. Les cellules pyramidales sont en état de chromatolyse
légère sans altération des noyaux. Le réseau d'Exner est bien conservé.
L'examen histologique du bulbe nous a permis de découvrir sur les coupes
passant par le tiers inférieur des olives une petite métastase arrondie ayant
deux millimètres de diamètre et située un peu à gauche du raphé médian,
au-dessous du noyau de l'hypoglosse. La production cancéreuse est bordée en
haut par les cellules de ce noyau, qui ne présentent comme altération qu'une
légère atrophie, même celles qui sont dans le voisinage du tissu néoplasique.
Ce nodule cancéreux présente les mêmes caractères que ceux que nous venons
de décrire dans le cerveau.

Ainsi, une femme, trois ans après avoir été opérée d'un cancer du sein,
est atteinte,à l'âge de cinquante-deux ans, d'amnésie globale, de désorien-
tation et d'anxiété. On ne note chez elle aucun symptôme de localisation, ni
même les signes communs aux tumeurs cérébrales. L'examen du fond d'oeil
qui aurait pu apporter des données intéressantes n'a pu être pratiqué. La
malade est morte neuf jours après son entrée dans le service et son état
s'était aggravé dès son arrivée. A l'autopsie on constate la présence de cinq
noyaux cancéreux métastatiques dans l'hémisphère gauche et un noyau volu-
mineux dans l'hémisphère droit. L'examen histologique décèle également un
petit noyau de la grosseur d'une tête d'épingle au milieu du tiers inférieur du
bulbe situé au-dessous du noyau de l'hypoglosse gauche.
Comment interpréter la pathogénie des troubles mentaux? Il est évident
que plusieurs des métastases cérébrales dont l'une avait le volume d'une
grosse noisette et l'autre celle d'un œuf de pigeon devaient exister depuis
longtemps quand les troubles mentaux ont éclaté. Le développement des
autres petites tumeurs corticales a-t-il joué un rôle? Nous serions tentés d'éli-
miner cette supposition. Dans un cas semblable survenu, il est vrai, chez une
démente précoce peu affaiblie psychiquement, les nombreuses métastases
cérébrales1 se sont développées sans modifier l'état mental et les lésions
cérébrales furent une trouvaille d'autopsie. Nous ferons remarquer que les
petits noyaux cancéreux n'ont déterminé chez notre malade aucune réaction
inflammatoire importante dans leur voisinage même. A la périphérie seule-
ment des deux plus grosses tumeurs, nous avons noté une certaine réaction
inflammatoire.
Doit-on attribuer un rôle important à l'hypertension cérébrale et aux
lésions pie-mériennes diffuses inflammatoires non cancéreuses que nous avons
décrites plus haut? La tension du liquide céphalo-rachidien n'a pas été
mesurée au manomètre de Claude, mais au moment de la ponction lombaire
le liquide s'écoulait goutte à goutte. De plus la malade ne présentait pas cli-
niquement le syndrome si caractéristique de l'hypertension intra-cérébrale.
Nous serions donc enclins à attacher la plus grande importance dans la
pathogénie des troubles mentaux à l'état méningé inflammatoire et diffus et
aux foyers inflammatoires péri-tumoraux. Ces réactions méningées diffuses,
soit dans le voisinage, soit loin des foyers tumoraux, ont été observées bien
souvent; nous sommes encore bien mal renseignés sur leur cause.
Cette observation présente encore un autre intérêt concernant le mode de
développement des noyaux cancéreux dans l'encéphale. Ici les amas de cel-
lules néoplasiques, au lieu de se développer dans le tissu connectif comme
dans le cancer du sein, se creusent des logettes dans le tissu nerveux. Les
cellules nerveuses disparaissent les premières dans les mailles ainsi formées;
les fibres à myéline résistent plus longtemps, mais finissent aussi par dispa-
raître. Le tissu névroglique devient d'abord plus dense et est constitué par
des fibrilles et de nombreux astrocytes; puis les cellules névrogliques hyper-
trophiées s'atrophient et les mailles ne sont plus formées que de fibrilles.
Dans ces zones où les alvéoles cancéreux entrent en voie de dégénérescence,
le tissu névroglique, lui aussi, prend un aspect amorphe, mais même dans ces
zones on note encore la présence de fibrilles névrogliques isolées ou réunies
en petits faisceaux.
Discussion :
M. Claude a vu des métastases cancéreuses disséminées dans les gaines des
nerfs craniens. Il signale que dans le cas de MM. Toulouse et Marchand et
de Mlle Pezé le volume total des métastases est minime, alors qu'on voit des
néoplasmes très volumineux demeurer latents. Ne convient-il pas de faire
jouer dans ce cas un rôle à une lésion rénale, étant donné le taux assez élevé
de l'urée sanguine ?
M. Toulouse. La symptomatologie clinique n'a pas été celle d'une atteinte
urémique. Le rôle principal doit être attribué moins aux métastases néoplas-
tiques proprement dites qu'à la réaction méningée secondaire.
M. Laignel-Lavastine a vu sur les coupes que montre M. Marchand de la
chromatolyse cellulaire indiquant un processus diffus d'intoxication corticale ;
i. Soc. anat. 19 février 1921.
c'est là un phénomène qu'il avait souvent observé avec Vigouroux dans les
tumeurs cérébrales.
M. Marchand signale en outre des infiltrations leucocytaires périvascu-
laires, réactions à distance qu'il constate souvent dans les cas de tumeur
cérébrale, à des endroits fort éloignés du siège de la tumeur.

Un nouveau procédé d'investigation psychologique : l'éthérisation,


par MM. HENRI CLAUDE, A. BOREL et GILBERT ROBIN
On a depuis longtemps insisté sur la difficulté que présente l'examen men-
tal des déments précoces. L'interrogatoire, en effet, qui reste l'épreuve prin-
cipale en psychiatrie, ne donne souvent ici que de médiocres résultats : soit
qu'il ne soit pas possible de fixer l'attention du malade qui ne fait que des
réponses fragmentaires et non adaptées, soit encore qu'il s'agisse de verbigé-
ration incohérente, soit enfin qu'on ait affaire à un mutisme plus ou moins
complet. On est alors réduit pour catégoriser ces sujets à la seule énumération
des symptômes objectifs qu'ils présentent : tels que négativisme, stéréotypies,
tics, grimaces, maniérisme, etc. Et se basant sur l'incohérence des réponses
obtenues, aussi bien d'ailleurs que sur leur comportement habituel, on est
conduit à porter sur eux le diagnostic d'affaiblissement intellectuel, et à les
considérer par conséquent comme des déments au sens propre du mot. Or,
on est souvent frappé en observant plus longuement ces malades, qui se com-
portent effectivement comme des déments, de leur entendre émettre, à de cer-
tains moments, des réflexions particulièrement judicieuses et adaptées, con-
trastant entièrement avec leur état habituel et traduisant ainsi une activité
mentale réelle sous une apparence démentielle.
Depuis longtemps d'ailleurs de nombreux auteurs avaient signalé qu'au
cours des rémissions observées chez les déments précoces, certains sujets, plon-
gés des années dans une inertie et une stupidité absolues, avaient
pu faire le
récit de menus événements dont ils avaient été les témoins pendant cette
période même, montrant par là qu'il existait chez eux, sous un masque d'af-
faiblissement profond, des facultés intellectuelles beaucoup mieux conservées
qu'on n'aurait pu le supposer.
Ces considérations nous paraissent s'adapter tout particulièrement à
une
forme très spéciale de la démence précoce, sur laquelle
nous avons eu l'occa-
sion d insister déjà plusieurs fois : nous voulons parler de la forme schizo-
«
phrénique » (Bleuler) dont nous avons, dans des travaux récents, essayé de
fixer les limites et qui, à notre avis, ne constitue qu'un contingent modique
des cas rangés sous la dénomination générique de démence précoce. Il
est
inutile de redire ici en quoi nous nous séparons à certains égards de Bleuler
à ce sujet. Il importe cependant de rappeler
que les malades auxquels nous
appliquions la dénomination de schizomanes se caractérisaient essentielle-
ment par une constitution spéciale dite schizoïde (Kretschmer) : tendance à
la rêverie, à l 'isolement, au recueillement et qui peut, à l'occasion de chocs
affectifs, aboutir à une perte de contact complète
avec la réalité, le sujet deve-
nant indifférent à l'ambiance, vivant dans son moi profond, dans son « autisme »,
et prenant alors l'apparence entière d'un dément précoce typique, sans pour-
tant que l 'on puisse en aucun cas parler chez lui d'affaiblissement intellec-
tuel, que ses réponses ainsi que son comportement pourraient cependant faire
soupçonner.
Nous nous sommes alors demandé s'il ne serait pas possible de rendre per-
ceptible et pour ainsi dire d'extérioriser cette conservation intellectuelle que
nous attribuons à nos schizomanes, ce qui nous permettrait par Ja même
occasion de les séparer encore plus radicalement des déments précoces vrais
— type Morel — où la
déficience mentale nous paraît évidente.
Nous appuyant sur ce fait que le schizomane essentiellement distrait, ravi
au monde extérieur, se rejette par une sorte de dilection vers un monde ima-
ginaire dans lequel il s'isole, nous avons cherché un procédé qui pût nous
permettre de vaincre la résistance inconsciente offerte par ces malades afin de
pénétrer dans leur psychisme profond. Nous nous sommes adressés à l'éthé-
risation, et mettant à profit l'excitation psychique et l'obnubilation passagère
produites par une anesthésie très peu poussée, nous avons, dans ces condi-
tions nouvelles, pratiqué un nouvel interrogatoire de ces malades. Les résul-
tats que nous avons obtenus ont confirmé notre manière de voir et ont eu
pour principal intérêt de nous donner la preuve en quelque sorte expérimen-
tale que les groupes cliniques que nous proposions répondaient à la réalité
des faits : l'éthérisation des déments précoces vrais (type Morel) est en effet
restée négative, c'est-à-dire que l'affaiblissement intellectuel est demeuré tout
aussi manifeste dans l'anesthésie. Chez les schizomanes, au contraire, les
facultés intellectuelles, en apparence diminuées, en réalité intactes, se sont
révélées normales sous l'éther, et des malades ordinairement muets, mais
privés alors de la résistance psychique qui faisait écran, nous ont livré tout ou
partie de leur vie intérieure.
Nous ne pouvons donner ici les observations détaillées des malades que nous
avons ainsi éthérisés. Ils feront l'objet d'un mémoire spécial que nous publie-
rons ultérieurement. Nous nous contenterons seulement d'exposer brièvement
la méthode que nous avons employée :
Technique. — Après avoir informé les familles de notre intervention s'il y a
lieu, et éviter enfin les causes de refroidissement, nous anesthésions le sujet
avec 15 à 20 centimètres d'éther chimiquement pur, versé dans le masque
d'Ombredanne. La phase d'excitation pré-anesthésique n'étant jamais suffi-
sante pour qu'on puisse obtenir des renseignements suffisants, nous poussons
jusqu'à l'anesthésie complète qui est interrompue aussitôt qu'obtenue. Nous
notons les propos émis par le sujet pendant la phase d'excitation physiolo-
gique qui suit immédiatement la phase de résolution complète, mais nous
cherchons surtout à utiliser la période d'obnubilation passagère précédant
immédiatement le réveil, au cours de laquelle cessent l'inhibition psychique
et les résistances subconscientes ou inconscientes, qui s'opposaient à l'inter-
rogatoire. Nous notons les réactions de l'individu à des mots inducteurs et à
des questions relatives à un choc affectif possible. C'est ainsi qu'une jeune
fille de dix-neuf ans, malade depuis cinq ans à la suite d'une réprimande que lui
aurait faite une institutrice pour laquelle elle avait un vif attachement, sujette
à des impulsions violentes, négativiste et ne répondant pas autre chose que :
« Tu m'énerves » à toutes les
questions, nous donne, à la faveur du relâchement
psychique obtenu par l'éthérisation, des renseignements très nets au sujet du
trauma affectif autrefois ressenti, fournissant le nom de l'institutrice et de ses
cimarades de pension, donnant des réponses pertinentes, se montrant bien
orientée, bref donnant la preuve d'un état de dissociation psychique fixé, avec
polarisation affective sans déchéance intellectuelle profonde, véritable schizo-
phrénie opposée à la démence précoce hébéphréno-catatonique qu'on aurait
diagnostiqué cliniquement et dans laquelle le déficit intellectuel est incontes-
table.
Comme nous arrêtons l'anesthésie dès qu'elle est obtenue, il arrive que le
relâchement psychique n'est pas réalisé du premier coup. Il est utile alors de
faire une nouvelle application du masque, sans qu'il soit le plus souvent indis-
pensable de rajouter de l'anesthésique. On obtient alors la phase optima avec
obnubilation partielle et réduction des résistances psychiques.
Il résulte de nos premières recherches que l'anesthésie fait céder les résis-
tances inconscientes et subconscientes,mais ne semble pas avoir d'action sur
la réticence.
Discussioti
a
:

M. Dupouy, en 1913, dans un cas rebelle d'obsessions, pratiqué avcc.suc-


cès l'éthérisation afin de rendre samalade plus accessible la psychothérapie;
à
il se demande néanmoins s'il n'y a pas un danger à pratiquer une narcose dans
un seul but de recherche.
M. Claude répond que l'éthérisation pratiquée est très légère. Elle a une
valeur diagnostique certaine et lui paraît par conséquent tout aussi licite qu'une
ponction lombaire ou une ponction pleurale.

Traitement d'un cas de parkinsonisme post-encéphalitique par injection


intra-rachidienne de virus-vaccin encéphalitique (méthode Levaditi-
Poincioux par A. MARIE, P. POINCLOUX et H. GODET
,

Nous avons soigné, dans le service libre de M. le professeur Claude, un


homme de trente et un ans, atteint de parkinsonisme post-encéphalitique, en
lui appliquant la méthode d'injections intra-rachidiennes de virus vaccin
encéphalitique fixé 1. Le résultat obtenu nous encourage à en rapporter
l'observation.
Notre sujet avait contracté l'encéphalite épidémique en décembre 1920 ;
l'épisode aigu avait été assez fruste, consistant en un état fébrile pseudo-grip-
pal accompagné de confusion hallucinatoire, d'insomnie diurne et nocturne,
sans phénomène oculaire connu.
La convalescence fut marquée par une modification du caractère, le sujet
devint irrascible, plus égoïste, de sentiments moins délicats. Les facultés
intellectuelles n'étaient en rien altérées, puisque, à cette époque, il fut reçu
second au concours dans une grande école. C'est en 1922 que commença à
apparaître la bradycynésie qui progressa depuis lors, lentement, au point de
réaliser l'état où nous avons vu le sujet au début de mars 1924, à son entrée
dans le service libre de M. le professeur Claude.
Le malade à ce moment est un parkinsonien assez typique. La lenteur
des mouvements est très grande, surtout aux membres supérieurs, la tête est

1. A. MARIE et POINCLOUX. Bull, de VAcad. de Méd. 11. 3. 24. T. 91, p. 11.


Société Méd. des Hop. 11- 4. 24, n° 14. GILBERT etTZANCK, p. 541. DUFOUR,
p. 543, A. MARIE, p. 546, POINCLOUX, p. 545 et 547.
figée, le masque impassible. Le débit de la voix est monotone et, en outre, il
y a du retard dans les réponses, comme si le sujet devait vaincre une résis-
tance à l élocution et que, au bout de dix à quinze secondes, cette résistance
cessât tout à coup. Le malade peut à peine sortir de son lit seul, mai-s ne peut
s habiller ni faire sa toilette sans aide. Les mouvements automatiques de la
marche sont supprimés, mais celle-ci est mieux conservée que les mouvements
isolés. En station debout le phénomène de la rétropulsion se produit très vite.
Le signe de la roue dentée est très net. Il n'y a pas de tremblement. L'intelli-
gence paraît intacte.
Traitement. — Le 7 mars, nous injectons par voie rachidienne à ce malade
1 centimètre cube d'une émulsion au I/20e de virus fixé encéphalitique de
Levaditi. Le liquide céphalo-rachidien recueilli à cette occasion renfermait
7, 7 lymphocytes par millimètre cube ; la glycorachie était de o, 85 ; le B-Was-
sermann était négatif.
Mise à part la réaction encéphalo-rachialgique inhérente à la P. L., on n'ob-
serva aucune modification pendant trois jours. Au bout de ce temps, la tem-
pérature commença à s'élever, atteignant 38° 2 le cinquième jour. Le huitième
jour, la température étant à 38° et la symptomatologie de la réaction méninge-
encéphalique très fruste, nous pratiquons, le 14, une deuxième injection
de 2 centimètres cubes de virus vaccin. Le liquide céphalo-rachidien recueilli
contient alors 171 lymphocytes par millimètre cube, sans aucun polynu-
cléaire. A la suite de cette deuxième injection, la température oscille pen-
dant cinq jours entre 38 et 39° 2. Elle est à 39° 3 le soir du 18 avril. Par une
défervescence rapide, caractéristique, elle revient à la normale le matin du 21,
pour ne plus remonter. Cette chute thermique donnait véritablement l'impres-
sion d'une crise.
Pendant cette période fébrile, on observa une réaction méningée, nette,
avec céphalée, prostration, raideur de la nuque, état nauséeux. Après la défer-
vescence, au sortir de cette véritable maladie vaccinale, le malade était dans
un état bien moins bon qu'avant le traitement, et, si nous n'avions eu déjà la
notion de ces aggravations temporaires, nous aurions pu 'en concevoir des
inquiétudes pour son avenir. Il était dans une torpeur profonde, à peine
répondait-il aux questions, l'articulation de la parole était presque impos-
sible : il fallait plusieurs injonctions pour obtenir une réponse monosyllabique.
L'expression des yeux était hagarde, les mains tremblaient beaucoup. Le
malade souffrait de la tête et était incapable de quitter le lit.
Trois jours après, le 24, la plupart des signes ajoutés par la maladie vacci-
nale sont déjà dissipés. Le 26, le malade est debout, a une sensation d'amé-
lioration. Il marche assez facilement, il peut écrire son nom, lentement certes
mais correctement, en y ajoutant son paraphe, ce dont il n'était plus capable
antérieurement. Il se sent généralement moins raide, la rétropulsion est
atténuée.
Le 29, on constate un progrès plus net encore : le malade peut se lever,
faire sa toilette et se vêtir seul, trois actes qui lui étaient auparavant interdits.
La parole est bien plus rapide, sans retard, et mieux timbrée. Les bras sont moins
figés, il peut les élever tous les deux verticalement au-dessus de sa tête et faire
assez promptement des gestes précis comme la manœuvre de l'index sur le
nez. Il y a encore une certaine hésitation au départ des mouvements. La tête
est moins figée, déjà le sujet peut la tourner d'un quart à gauche, d'un
tiers à
droite. Il éprouve le sentiment d'une amélioration très nette, constatée par
son entourage.
Le 4 avril, nous injectons 1 cm. 5 pour vérifier si l'immunité vaccinale
est obtenue. Aucune réaction appréciable. A ce moment on constate dans
le
liquide céphalo-rachidien : lymphocytes 3, sucre o, 62. Le 11 avril on cons-
tate en outre une amélioration de la mimique.
Le 22 avril, l'assouplissement de la tête est tel que le malade peut regarder
par-dessus chacune de ses épaules. Il se lève d une chaise plus aisément, il
est capable de sauter à pieds joints, marche plus rapidement et se retourne
au commandementsans hésitation. La démarche n'est plus figée et à l'observer
de dos on ne peut plus faire, comme antérieurement, le diagnostic de maladie
de Parkinson.
Le malade quitte l'hôpital le 5 mai, l'amélioration s'étant maintenue, amé-
lioration qu'un traitement rééducateur aurait peut-être été capable d'aug-
menter.
Sans prétendre avoir obtenu un résultat merveilleux, le malade restant un
:
parkinsonien, nous voulons insister sur le point suivant Avant le traitement,
notre malade avait besoin d'un aide pour se vêtir et faire sa toilette; par la
suite, quoique restant parkinsonien, il était exonéré de cette sujétion. Si la
souplesse partielle qui lui a été rendue se maintient, bien mieux si la maladie
est arrêtée dans son évolution normalement implacable, le service rendu
n'aura tout de même pas été nul.
Signalons enfin que, d'une façon générale, dans les autres cas observés, les
améliorations se sont produites lorsque l'injection a été suivie d'une véritable
maladie vaccinale, débutant après incubation de trois ou quatre jours, et se
résolvant par une défervescence franche en deux jours et demi. Au contraire, la
réaction fébrile précoce et passagère et surtout l'absence totale de réaction
représentent les cas où l'amélioration est exceptionnelle.
Discussion :

M. Guillain demande s'il y a eu des cas défavorables, où le vaccin aurait


au contraire paru précipiter la marche de l'affection.
M. Toulouse rappelle les rémissions et les guérisons spontanées, fréquentes
dans l'encéphalite épidémique.
M. Codet n'a eu à traiter que trois cas par le vaccin de Levaditi-Marie.
M. Claude. La gravité du cas cité et l'échec absolu de toute médication
autorisaient l'essai d'un traitement nouveau.

Note sur la glycémie morphinique


par MM. HENRI CLAUDE, RENÉ TARGOWLA et Mlle M. BADONNEL.
L'épreuve de Colrat, la constatation dans certains cas de glycosuries spon-
tanées transitoires ont révélé depuis longtemps l'existence d'un trouble du
métabolisme des hydrates de carbone au cours des maladies mentales. Tou-
tefois l'étude de la glycémie n'a donné, jusqu'à présent, que des résultats
variables et contradictoires et a apporté peu d'éclaircissements sur l'état des
fonctions organiques intervenant dans ce phénomène; de plus la valeur sémio-
logique des chiffres trouvés est à peu près nulle, les écarts avec la normale
étant habituellement très faibles en dehors des causes accidentelles d'hyper-
glycémie associées à la psychopathie.
Nous avons pensé qu'une exploration systématique des variations provo-
quées de la glycémie était susceptible d'offrir plus d'intérêt, et dans deux notes
présentées à la Société de biologie en collaboration avec M. Santenoise, nous
avons exposé les premiers résultats de recherches comparatives, concernant
la glycémie alimentaire1 et la glycémie adrénalinique2. Nous nous proposons
d'indiquer aujourd'hui les constatations que nous avons faites en ce qui con-
cerne les modifications de la teneur en sucre du sang produites par l'injection
sous-cutanée d'un centigramme de morphine.
Les dosages ont été faits par la méthode de Bertrand sur une première
prise de sang pratiquée avant l'injection de morphine et sur un second prélè-
vement fait une heure ou deux heures après l'injection, les malades étant à
jeun depuis douze à quinze heures.
L'hyperglycémiedéterminée par la morphine chez les sujets normaux nous
a paru être comprise entre i5 et 20 centigrammes p. i 000. Celle-ci n'est pas
constante; avec la morphine, comme avec l'adrénaline et le glucose, l'aug-
mentation du sucre sanguin chez nos malades peut être exagérée, faible ou
nulle, et dans certains cas, nous avons observé une chute de la glycémie. Il
nous a semblé cependant que, dans l'ensemble, les écarts étaient moindres
avec cet alcaloïde qu'avec l'adrénaline et le glucose et que la variation persis-
tait plus longtemps.
Nous avions noté chez les obèses (c pré-diabétiques » de Gilbert et Bau-
douin), avec l'hyperglycémie alimentaire observée par ces auteurs, une varia-
tion nulle ou très faible du sucre sanguin sous l'influence de l'adrénaline ;
l'action de la morphine est de même ordre : dans trois cas, nous l'avons trou-
vée deux fois nulle et une fois insignifiante (+ 5 centigrammes p. 1000). Ces
chiffres sont les mêmes que ceux donnés par l'adrénaline.
L'alcoolisme subaigu, la confusion mentale se caractérisent par une hyper-
glycémie morphinique faible ou nulle (o, 5, 8, 93 12, etc. centigrammesp. 1000)
qui s'accroît lorsque l'évolution est favorable (8 et i5; o et 12; 10 et 36, etc) ;
ces résultats sont superposables à ceux que donne l'adrénaline (en particulier,
chez un même sujet nous avons vu une augmentation de o,o5 p. 100 avec la
morphine, de 0,09 avec l'adrénaline; chez un autre, les chiffres trouvés ont été
respectivement + 0,08 et + o,o5. Dans le premier de ces cas, l'hyperglycé-
mie alimentaire était très élevée : + 0,62 p. 1000). D'autre part nous avons
observé chez certains de ces malades une légère chute du taux glycémique à
la suite de l'injection de morphine (— 0,04; 0,08 et — o, i3 p. 1000 dans trois
cas) ; cette modalité réactionnelle,n'a pas été rencontrée dans les mêmes condi-
tions avec l'adrénaline..
Les mélancoliques réagissent habituellement sur le même mode que les

1.H. CLAUDE, R. TARGOWLA et D. SANTENOISE. Sur la glycémie alimentaire.


Comptes rendus des séances de la Société de biologie, séance du 9 février
1924; t. XC, p. 349.
2. H. CLATTDE, D. SANTENOISE et R. TARGOWLA. Parallele entre la glycémie
adrénalinique et la glycémie alimentaire. Comptes rendus des séances de la
Société de biologie, séance du 12 avril 1924; t. XC, p. io3o.
confus, mais avec des écarts moindres, semble-t-il, par rapport à l'hyperglycé-
mie des individus normaux. Dans certains états anxieux, on peut voir au con-
traire une hyperglycémie morphinique exagérée.
Chez les paralytiques généraux, la réaction glycémique à la morphine est
nulle ou insignifiante (comprise entre o et +0,10 pour i ooo dans les faits que
nous avons observés).
Dans la démence précoce hébéphréno-catatonique, l'hyperglycémie réac-
tionnelle est peu marquée à la morphine aussi bien qu'à l'adrénaline et au
glucose.
Quel est le mécanisme de cette réaction biologique? Il est apparemment
complexe et nous n'en tenons pas encore tous les éléments. Le foie paraît y
jouer un rôle essentiel; chez les confus, les mélancoliques, on voit le trouble
de la réaction glycémique évoluer parallèlement aux manifestations de l'insuf-
fisance fonctionnelle du foie. Mais d'autres glandes interviennent encore dans
sa détermination; Stewart et Rogoff ont montré que l'hyperglycémie morphi-
nique ne se produisait pas ou n'apparaissait que lentement chez les animaux
dont les capsules surrénales étaient annihilées fonctionnellement. Dans un cas
de syndrome de Korsakoff, chez un alcoolique tuberculeuxprésentant quelques
signes frustes d'insuffisance surrénale et d'insuffisance hépatique, nous avons
trouvé une glycémie basse non sensiblement modifiée par l'épreuve de la
morphine. L'administration d'adrénaline per os pendant plusieurs jours atté-
nua les signes d'insuffisance surrénale et releva la glycémie à un taux normal,
mais l'injection de morphine ne provoqua aucune réaction. Il semble donc,
compte tenu du mode d'administration, que l'intégrité fonctionnelle du foie
soit nécessaire à la production de l'hyperglycémie morphinique, même lors-
qu'on a pallié à l'insuffisance surrénale. Il n'en reste pas moins que les
troubles endocriniens soient susceptibles d'entraver le phénomène : dans deux
cas d'insuffisance thyroïdienne et dans un syndrome pluriglandulaire nous
n'avons pu provoquer la réaction glycémique à la morphine.
Enfin, un dernier appareil nous paraît intervenir dans le mécanisme des
glycémies provoquées: c'est le système neuro-végétatif; peut-être même com-
mande-t-il tout le phénomène, mais son rôle paraît difficile à préciser. Dans
l'hébéphrénie, ce système est à peu près inexcitable et nous avons vu que toutes
les hyperglycémies provoquées sont de faible intensité; chez les sujets qui pré-
sentent, au contraire, un déséquilibre et des variations de l'excitabilité vago-
sympathique les réactions glycémiques sont également variables, aussi bien
dans leurs sens que dans leur intensité, mais il n'y a pas toujours une corres-
pondance absolue entre ces variations.
Tels sont les trois facteurs, système neuro-végétatif, foie, glandes endo-
crines, qu 'il nous a paru possible de faire intervenir jusqu'à présent dans le
mécanisme de la réaction glycémique à la morphine chez nos sujets. On vuit
que ce mécanisme est encore loin d'être élucidé.
Quoi qu 'il en soit, on peut tirer d'ores et déjà quelques conclusions de ces
premières recherches. Bien que la teneur du sang en glucose ne paraisse pas
sensiblement anormale chez les psychopathes, au moins de façon constante, il
existe un trouble de la régulation des sucres. Ce trouble peut être mis en évi-
dence par la détermination des glycémies provoquées. Sans entrer dans le
détail d'une étude comparative qui fera l'objet d'un travail ultérieur,
nous
remarquerons que l'hyperglycémie morphinique est parfois exagérée (états
anxieux, hypérémotifs), plus souvent faible ou nulle (confusion mentale, alcoo-
lisme, mélancolie, bouffées délirantes, démence précoce, paralysie générale) ;
quelquefois la réaction est inversée (chute de la glycémie).
D'une façon générale, on peut dire que les variations de la glycémie mor-
phinique sont de même sens que celles de la glycémie adrénalinique; mais il
existe quelques exceptions.

Discussion :
M. Toulouse : A-t-on noté des variations de la glycémie en rapport avec
les émotions ?
M. Targow/a : Les variations sont contradictoires, tantôt en plus, tantôt
en moins.

Les variations de l'équilibre vago-sympathique


dans les crises confusionnelles,
par J. TINEL et D. SANTENOISE
L'évolution des réflexes vago-sympathiques au cours des crises confusion-
nelles est en général très caractéristique, et l'observation nous en paraît parti-
culièrement instructive.
Les quelques exemples que nous allons en présenter ici ne sont du reste
qu'une partie d'une importante étude de Santenoise sur l'ensemble des états
confusionnels et des syndromes toxiques ou toxi-infectieux, étude portant sur
plus de soixante-dix cas et actuellement en cours de publication. Nous en
avons détaché quelques faits particulièrement démonstratifs.

I. Voici un premier cas, ayant trait à une jeune fille de dix-sept ans, qui est
entrée dans le service le 8 février 1924 dans un état de stupeur confusionnelle
datant de deux mois; inertie complète, mutisme, immobilité absolue, on est
obligé de la lever, de l'habiller, de la faire manger avec grand'peine du reste ;
cet état s'est installé après une courte phase d'agitation délirante confusion-
nelle, attribuée à une émotion?
En réalité, c'est la deuxième crise, car elle a présenté l'année précédente un
état exactement semblable, survenu dans les mêmes circonstances, et qui a
duré environ quatre mois.
On voit que le premier examen, pratiqué en plein état de stupeur, nous
montre une abolition à peu près complète du réflexe oculo-cardiaque comme
aussi du réflexe solaire.
Mais six semaines après, au moment où s'est produit, assez rapidement du
reste, en quelques jours, une amélioration considérable de son état, au moment
où elle recommence à parler, à s'habiller et à manger seule, nous voyons
réapparaître une ébauche de réflexe solaire et de réflexe oculo-cardiaque.
Puis, à mesure que la guérison s'affirme, les réflexes deviennent de plus en
plus nets, et plusieurs semaines après la guérison nous constatons, avec un
réflexe solaire assez marqué, un réflexe oculo-cardiaque particulièrement
intense. Elle a manifestement recouvré peu à peu son équilibre habituel, et cet
équilibre est celui d'une grande vagotonique.
II. Un second cas se montre à peu près superposable. Il s'agit d'une jeune
fille de dix-huit ans, qui, quinze jours après une violente émotion, a présenté
brusquement pendant quelques jours un état d'agitation délirante avec confu-
sion mentale, puis est tombée dans un état de véritable stupeur confusion-
nelle, à peu près identique au précédent.
A ce moment, abolition complète du réflexe oculo-cardiaque. Mais un mois
après, quand elle sort de sa stupeur, le réflexe oculo-cardiaque réapparait légè-
rement; et lorsqu'elle est complètement guérie, on note un réflexe extrêmement
accusé. Cette seconde malade se révèle aussi comme une grande vagotonique.

III. Une troisième malade va compléter cette série, en nous montrant éga-
lement au cours d'un état confusionnel survenu assez brusquement, en deux
ou trois jours, sans cause connue, un réflexe oculo-cardiaque presque nul,
avec persistance d'un léger réflexe solaire.
Cet état s'améliore rapidement et trois semaines après la malade, à peu près
guérie, nous montre un réflexe solaire assez fort, et un réflexe oculo-cardiaque
très intense.
Mais quelques jours après, reprise brusquement d'une nouvelle crise con-
fusionnelle, elle est ramenée dans le service et montre de nouveau un réflexe
oculo-cardiaque relativement faible, avec persistance d'un réflexe solaire assez
fort, probablement en rapport avec son état d'agitation.
Voici donc trois cas exactement identiques l'un à l'autre, et superposables
du reste à un grand nombre d'autres cas recueillis antérieurement par Sante-
noise.
Ils nous montrent tout d'abord qu'au cours de ces crises confusionnelles le
réflexe oculo-cardiaque disparaît ou s'atténue considérablement. Le réflexe
solaire semble moins souvent supprimé. S'il disparaît lui aussi dans les cas
d'atteinte particulièrement profonde se traduisant parla stupeur, il semble au
contrairepersister assez souvent dans la confusion simple,surtout s'il existe un
certain degré d'agitation, ou s'il persiste dans l'état confusionnel une émoti-
vité plus ou moins grande.
A mesure que l'état confusionnel se dissipe, le réflexe oculo-cardiaque
réapparaît et le malade retrouve son état d'équilibre antérieur.
Tout ce cycle pourrait, dans une certaine mesure, être comparé à celui qui
se retrouve dans un certain nombre de maladies infectieuses ou toxi-infec-
tieuses, avec cette différence qu'il traduit évidemment dans les crises confu-
sionnelles une sidération beaucoup plus profonde et plus élective du système
nerveux végétatif, et particulièrement de l'excitabilité parasympathique bul-
baire que décèle le réflexe oculo-cardiaque.
Mais une autre remarque s'impose également. Lorsque nos trois malades
sont sorties de leur état confusionnel et ont retrouvé leur équilibre végétatif
antérieur, nous avons constaté chez elles un réflexe oculo-cardiaque remar-
quablement intense. Toutes les trois présentent en somme une excitabilité bul.
baire anormale; ce sont de grandes vagotoniques.
Or, il semble bien, d'après les recherches expérimentales de Santenoise et
Garrelon, que cet état vago-tonique provoque ou accompagne une sensibilité
spéciale à toutes les actions toxiques, aussi bien aux intoxications de mode
anaphylastique qu'aux actions toxiques banales. La vagotonie traduit donc
en général une susceptibilité spéciale aux intoxications et particulièrement aux
fixations des toxiques sur les centres nerveux.
L'examen des réflexes végétatifs nous montre en somme chez ces malades
guéris, l'existence d'une véritable prédisposition aux intoxications portant sur
les centres nerveux; elles offrent aux fixations toxiques une réceptivité spéciale
que révèle l'intensité anormale du réflexe oculo-cardiaque.
Une telle constatation n'est pas sans intérêt au point de vue clinique,
puisqu'elle permet de prévoir et de redouter chez ces malades le retour pro-
bable de crises confusionnelles semblables ou d'autres manifestations équiva-
lentes.
On peut en effet remarquer que, sur ces trois malades, l'une a présenté deux
crises à un an d'intervalle, l'autre une rechute au bout de quelques semaines.
Il est à craindre que ces crises ne se renouvellent chez elles, à la moindre
intoxication accidentelle ou à la moindre surchargeauto-toxique.
C'est ainsi que se trouvent vraisemblablement réalisés de véritables états
confusionnels à répétition. Ces cas ne représententpeut-être qu'uneforme con-
fusionnelle de la psychose intermittente ou périodique.
Il est impossible, en effet, de ne pas être frappé par l'analogie des réactions
végétatives observées ici avec celles que présentent les malades atteints d'exci-
tation maniaque ou de dépression mélancolique périodiques. Dans ces cas en
effet, on constate bien, au cours des crises, des variations importantes de
l'équilibre végétatif — tantôt une atténuation ou une suppression du réflexe
oculo-cardiaque comme dans la plupart des états de dépression, — tantôt au
contraire une accentuation du réflexe oculo-cardiaque comme dans quelques
cas d'excitation pure, sans état confusionnel ; ces variations ne dépendent
peut-être que des différents centres nerveux atteints par l'intoxication pério-
dique. Mais, ce qui est plus caractéristique, c'est de constater en général, pen-
dant les périodes intercalaires, surtout dans les formes à crises rapprochées,
la même hypervagotoniesignificative d'une hypersensibilité aux toxiques.

Ces diverses manifestations confusionnelles, maniaques, anxieuses ou


dépressives, dont certains cas cliniques nous montrent parfois l'alternance ou
l'association possibles, ne sont peut-être en réalité que les différentes formes
d'un même processus pathogénique.

Un autre rapprochement nous parait encore légitime entre ces crises con-
fusionnelles à répétition et certains syndromes se présentant avec les allures
de la démence précoce.
Voici les graphiques d'une jeune malade hospitalisée depuis deux ans dans
le service de la clinique avec le diagnostic de démence précoce probable.

Après être restée pendant dix-huit mois dans un état d'agitation et de stu-
peur alternées, avec idées délirantes, négativisme, refus d'alimentation ou
mutisme, cette malade présente depuis quelques semaines une rémission très
accusée : elle est calme, elle parle, elle s'habille, elle répond convenablement
aux interrogatoires, ne délire plus, commence à faire quelques travaux de cou-
ture et de broderie. Or, en explorant l'autre jour ses réflexes, nous avons eu la
surprise de constater chez elle un état d'hypervagotonie qui contraste avec la
vagotonie modérée enregistrée il y a dix-huit mois par Schiff, en plein état de
stupeur et de catatonie.
On peut vraiment se demander s'il ne s'agit pas d'un fait du même ordre
que les précédents, quoiqu'à évolution beaucoup plus prolongée.
Nous savons très bien que par la répétition des crises confusionnelles on
peut voir s'établir un état permanent d'affaiblissement intellectuel, de puéri-
lisme et de rêvasserie délirante, qui traduisent sans doute la déchéance des
cellules nerveuses profondément et itérativement intoxiquées; c'est le tableau
classique de la démence post-confusionnelle de Régis, qui n'est pas sans ana-
logie avec certaines formes de la démence précoce.
On peut de même supposer que certains cas évoluant sous le masque de la
démence précoce ne sont en réalité que des crises confusionnelles à répétition
ou même subintrantes, analogues à celles que nous avons évoquées tout à
l'heure, constituées par les mêmes processus de fixation auto-toxique et de
réceptivité spéciale hypervagotonique, laissant à chaque reprise un certain
déficit cellulaire, et aboutissant ainsi à un véritable état démentiel.

Tels sont les différents problèmes que nous a paru poser l'étude biologique
de ces crises confusionnelles, et particulièrement l'évolution si caractéristique
des réflexes vago-sympathiques.
Discussion :
M. Toulouse. Je demanderai également à M. Tinel s'il
a pu observer chez ses
malades un rapport entre la faculté d'émotion, la réceptivité émotive d'une
part, et le tonus nerveux végétatif d'autre part. -
M. Tinel. Tout se passe comme si la /agotonie augmentait la susceptibi-
lité aux toxiques et comme si les émotions également favorisaient l'intoxi-
cation.
REVUE GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIQUE ET CRITIQUE

QUELQUES TRAVAUX RÉCENTS


SUR LES
LÉSIONS DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL

DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE


PAR
Paul SCHIFF

Les nombreux travaux d'ordre psychologique auxquels donne lieu


actuellement l'étude de la démence précoce ne doivent pas faire oublier
que, depuis fort longtemps, les psychiatres de tous les pays essayent
de déterminer quelles lésions anatomiques, du système nerveux central
en particulier, sont à la base de cette affection. Nous allons exposer
brièvement quelques travaux entrepris récemment sur cette question
par divers histologistes. Nous dirons d'emblée que si les auteurs sont
souvent d'accord dans la description des images qu'ils constatent au
microscope, l'interprétation qu'ils en donnent est variable. Le problème
de la démence précoce ne semble résolu, à l'heure présente, ni par la
seule analyse clinique, ni par la recherche anatomo-clinique : tel nous
semble être l'état actuel de la question.
Il pourra paraître surprenant que, d'un article comme celui de
B. Klarfeld, ou du travail de Josephy, ou des recherches que Buscaino
résumait récemment dans l'Encéphale, on ne retire qu'une opinion aussi
négative. Tous ces auteurs se montrent en effet assez affirmatifs dans
leurs conclusions. Un exposé de leurs idées, néanmoins, montrera les
différences qui les séparent; on en appréciera davantage l'importance
quand nous aurons rapporté, à la fin de cette revue critique, les « consi-
dérations préliminaires » du docteur Charles B. Dunlap, de New-York,
sur quelques sources d'erreur dans l'étude histologique de la démence
précoce.

Klarfeld, chef du laboratoire d'anatomie pathologique à la clinique


psychiatrique de Leipzig, se défend d'apporter des données
person-
nelles. Il passe en 'revue les résultats obtenus jusqu'à aujourd'hui
par
les différents auteurs. Il montre justement que l'anatomie pathologique
de la démence précoce a trois questions principales à résoudre
:
I. Y a-t-il, dans tous les cas de démence précoce, des modifications
cérébrales pouvant être considérées comme une base anatomique de
cette affection?
II. Ces lésions sont-elles assez caractéristiques pour permettre un
diagnostic anatomique de la démence précoce?
III. Ces lésions sont-elles primitivement cérébrales ou bien secon-
daires à une affection somatique extra-cérébrale?
Klarfeld résout la question n° t par l'affirmative : il y a, dans tous
les cas de démence précoce caractérisée, des lésions anatomiques; ceci
paraît incontestable depuis les travaux d'Alzheimer, Lhermitte, Wal-
ther, Zimmermann, mais on peut dire que ces lésions sont seulement
d'ordre microscopique. Les lésions macroscopiques sont des lésions
surajoutées qu'on ne trouve, en pratique, que chez les vieux piliers
d'asile.
Le caractère des lésions constatées par les auteurs précités permet
à Klarfeld de répondre de la façon suivante à la question n°
2. Les alté-
rations anatomiques causées parla démence précoce sont exclusivement
ectodermiques et exclusivement dégénératives. Les cas où l'on trouve
des lésions inflammatoires ne relèvent pas de la démence précoce
: « on
peut exclure la démence précoce si l'on trouve à l'autopsie des lésions
vasculaires ». Le tissu ectodermique est touché à la fois dans son élé-
ment noble et dans l'élément névroglique. Les lésions névrogliques con-
sisteraient en proliférations nodulaires, signalées par Alzheimer dès
1897, avec transformation amiboïde de ces cellules, ou bien, au con-
traire, en altérations régressives : syncitium plus grossier, augmentation
du nombre des noyaux ou hyperlobulation de ces noyaux. Les lésions
des fibres nerveuses sont peu importantes, elles comportent surtout de
la raréfaction ; celles des cellules nerveuses sont très importantes, mais
Klarfeld insiste sur le fait qu'elles n'ont rien de pathognomonique :
suivant les cas on aura la prédominance d'une atrophie cellulaire, d'une
sclérose, d'une dégénérescence graisseuse avec vacuolisation ou même
d'une lyse cellulaire complète. Cette dernière lésion s'étend souvent à
toute une couche de cellules, mais les tentatives faites pour localiser ces
altérations cellulaires à une couche corticale déterminée ou à un lobe
particulier n'auraient, selon Klarfeld, pas abouti. Il montre comment
les auteurs ont incriminé l'atteinte élective tantôt des couches II et III,
tantôt des couches III et V de Brodmann, mais pour lui il n'y a là rien
de caractéristique, certains cerveaux de séniles montrent les mêmes
aspects et l'on peut conclure que la démence précoce touche toute la
région supérieure et moyenne de la corticalité, sans qu'on puisse parler
de localisation systématisée.
Klarfeld, en réponse à la question n° 3, considère toutes ces alté-
rations comme témoignant d'un processus dégénératif et proprement
cérébrogène : la démence précoce est une maladie endogène, qui ne
peut être produite par une maladie exogène comme la tuberculose.
Les altérations endocrines trouvées par Mott sont secondaires; elles
sont l'effet et non la cause du processus dégénératif, qui touche à la fois
le cerveau et les glandes sexuelles.
Toutes ces lésions ci-dessus décrites sont « très probablement en
rapport avec la démence précoce », néanmoins elles sont peu patho-
gnomoniques, et Klarfeld déclare qu'à l'heure actuelle le diagnostic
anatomique de la démence précoce est impossible. Seul un diagnostic
de probabilité pourra être posé d'après le faisceau des constatations
suivantes : lacunes cellulaires (la sénilité étant exclue) lésions névro-
gliques, consistant surtout en proliférations amiboïdes—d'Alzheimer

raréfaction des fibres nerveuses.

La mise au point de Klarfeld indique bien les difficultés du pro-


blème et, en comparant les divers travaux, il arrive à montrer que les
altérations trouvées dans les cerveaux des déments précoces sont nom-
breuses. Elles sont en soi peu caractéristiques, mais leur réunion leur
donne quelque importance. Il serait néanmoins prématuré de conclure
qu 'on connaît dès aujourd'hui le substratum anatomique de cette affec-
tion au même titre que celui de la paralysie générale. A lire l'intro-
duction que Josephy (de la clinique de Weygandtà l'asile de Friedrichs-
berg, près de Hambourg) donne à son travail intitulé Contributions
«
à l'histopathologie de la démence précoce
», on aurait pu croire que
lui aussi insisterait sur la précarité de nos connaissances actuelles dans
cette question. Une des premières difficultés dela tâche, dit-il, réside
dans le fait que, selon le témoignage même de Bleuler, la schizophrénie
ne constitue pas une maladie, mais un groupe de maladies. Une autre
difficulté, déjà mise en relief par Alzheimer, consiste en l'impossibilité
de trouver des signes histologiques concordants chez des malades
atteints d'une affection prolongée et qui arrivent à l'autopsie à des
stades très divers de cette maladie.
Malgré ces objections graves, et qu'il met lui-même en évidence,
Josephy, après avoir repris la question d'un point de vue personnel, en
arrive pourtant à la fin de son article à des affirmations fort catégoriques.
Son travail est basé uniquement sur des cas qu'il a observés lui-même.
Il a étudié en coupes sériées minutieuses quarante-cinq cerveaux
apparte-
nant à des déments précoces de types cliniques divers. Deux de ces cer-
veaux, qu'il étudie en premier lieu, se rapportent à des cas décédés par
cause accidentelle après une évolution relativement courte. Pour les
cerveaux des cas chroniques qu'il a examinés, Josephy a éliminé, en ce
qui concerne ses conclusions, tous ceux qui avaient appartenu à des
individus morts très âgés et tous ceux chez lesquels l'affection terminale
pouvait avoir déterminé dans l'encéphale des altérations secondaires
assez importantes. En outre, l'auteur étudie de préférence les cas où la
mort était due à la tuberculose, parce qu'il a préparé, pour un examen
comparatif, des cerveaux de tuberculeux pulmonaires n'ayant pas pré-
senté de troubles mentaux.
Ce qui fait l'intérêt particulier de l'article de Josephy, c'est qu'il est
d'ordre anatomo-clinique. Les cas ont été groupés suivant les symp-
tômes cliniques et l'évolution de l'affection. Chaque étude micro-
scopique est précédée d'une anamnèse brève, mais précise. Nous ne
pouvons rapporter tous les détails des constatations faites par l'auteur,
mais, étant donné l'importance de son travail, la façon minutieuse dont
il est conduit, il nous parait intéressant d'en analyser très sommairement
les cas les plus caractéristiques. Ce seront, suivant la division adoptée
par l'auteur :
Ses deux cas « simples » (non chroniques),
Un cas chronique sans lacunes cellulaires,
Un cas chronique avec lacunes cellulaires,
Un cas avec lésions des noyaux centraux,
Un cas ayant présenté des accès épileptiformes pendant la vie.

Cas non chroniques. — Le premier des cas « simples 1 de l'auteur est


celui d'un instituteur de trente-deux ans, à l'hérédité chargée, qui à l'âge de
vingt-sept ans se montra peu à peu discordant, bizarre, instable, dut être
interné au bout de quelques mois. Il présenta à l'asile des hallucinations, du
« barrage », dialoguait avec lui-même, faisait des grimaces. Peu à peu s'ins-
tallèrent de la catatonie, du gâtisme avec barbouillage, du négativisme, du
refus de nourriture. Mort subite, après cinq ans de séjour à l'asile, par
œdème aigu de la glotte au cours d'un vomissement pendant le gavage.
Le cerveau de ce malade présentait, à la coloration au bleu de toluidine,
des altérations portant sur les cellules pyramidales de toute l'écorce cérébrale,
sur la névroglie, sur les noyaux gris centraux.
Le lobe pariétal présente un foyer de déficit cellulaire mais, à part cela,
l'architectonie corticale est partout intacre.
Les altérations des cellules pyramidales de l'écorce consistent en une
dégénérescence graisseuse d'un grand nombre de ces cellules, où elle se pré-
sente avec une disposition alvéolaire (c wabige Verfettung »). Cette dégénéres-
cence prédomine de beaucoup dans la corne d'Ammon, mais est très impor-
tante aussi dans la couche granulaire et dans la couche moléculaire de
l'écorce frontale. A ce niveau la dégénérescence s'accuse au point d'amener
très souvent les premiers stades de la cytolyse : incolorabilité des granulations
de Nissl, hypercolorabilité du noyau, accentuation de la coloration des den-
trites, etc. i
Dans les lobes temporaux et pariétaux, également et à un moindre degré
encore dans les lobes occipitaux, l'atteinte des cellules pyramidales se borne
à la dégénérescense graisseuse. Celle-ci est rendue plus visible par la méthode
au Soudan qui montre une accentuation telle de la transformation graisseuse
qu'elle donne à elle seule, dans la corne d'Ammon, l'image de l'architectonie
tout entière, en montrant une forte prédominance dans les couches III et V
de Brodmann.
La dégénérescence graisseuse atteint nettement le striatum, également,
quoique à un moindre degré, le thalamus et pas du tout le pallidum. Dans les
régions inférieures à la protubérance, ces altérations sont quasi nulles.
Les altérations de la névroglie sont importantes et étendues. Il y a une
prolifération avec dégénérescence dans les couches corticales plus profondes.
L'importance de ces altérations y marche de pair avec celles des cellules
pyramidales, et c'est dans la corne d'Ammon qu'elles sont le plus accusées,
consistant en hypercolorabilité du protoplasma, coloration des noyaux,
noyaux hyperplasiques, augmentation du nombre des cellules névrogliques.
Parfois, mais rarement, apparition de nombreuses cellules monstres polynu-
cléées. Les altérations vasculaires par contre sont insignifiantes (gonflement
léger des cellules endothéliales et capillaires).

Le deuxième cas « non compliqué î de l'auteur se rapporte à une femme de


quarante et un ans, à l'hérédité chargée, dont la psychose a commencé à l'âge
de trente-sept ans. Dépression, auto-accusation, idées délirantes de persécu-
tion, hallucinations probables, démence progressive, désintéressement du
monde extérieur, mort par suicide. Durée de l'affection au point de vue cli-
nique : quatre ans. Formolage du cerveau in situ peu après la mort. Autopsie
dix-huit heures après la mort — du cerveau seulement. Dans ce cas, les coupes
microscopiques montrent très nettement un remaniement profond de la stra-
tigraphie cérébrale. La couche III, et, à un plus faible degré la couche V de
Brodmann, montrent une diminution considérable, disséminée, des cellules
pyramidales, diminution qui, à certains endroits, crée des zones de désinté-
gration véritable. Ces altérations prédominent dans le lobe frontal. Elles
existent également dans les lobes pariétaux et temporaux, elles sont très
faibles dans les lobes occipitaux. Ces altérations ne sont pas en rapport avec
des territoires vasculaires.
A l'examen des cellules pyramidales on se rend compte qu'il s'agit d'un
processus de cyto-sclérose : cellules amincies, prenant fortement les colorants
avec extrémités cylindraxiles en tire-bouchon. A côté de la sclérose on trouve
aussi les signes d'une dégénérescence graisseuse.
Josephy pense que ce deuxième cas présente un stade plus avancé que le
précédent et que la sclérose des cellules pyramidales est l'aboutissant de la
dégénération graisseuse; il base cette affirmation sur la présence des stades
hybrides entre la sclérose et la dégénération graisseuse.
Les altérations névrogliques dans ce cas sont beaucoup moins marquées
que dans le cas précédent.
Cas chroniques sans lacunes cellulaires. — Comme exemple d'un cas se rap-
portant à cette catégorie, citons celui d'une femme morte à l'âge de quarante-six
ans, après un séjour de seize années à l'asile. Hallucinations visuelles et audi-
lives continuelles. Cénestopathies. Excitation au début, puis démence pro-
gressive. Décès par tuberculose. Diagnostic clinique : démence paranoïde
grave au sens de Kraepelin, avec dislocation profonde de la personnalité.
A l'autopsie on constate les altérations suivantes : dégénérescence et sclé-
rose des cellules pyramidales, avec rcnflement en massue du prolongement
cylindraxile, quelques troubles de l'architectonie corticale. Dégénérescence
gliomateuse d'une intensité moyenne avec hypercolorabilité du plasma et
augmentation du volume des noyaux. Cette hyperplasie gliomateuse est surtout
accusée dans la dernière couche de Brodmann où les cellules gliales à gros
noyaux vésiculeux et à dentrites multiples sont réunies en aires très délimitées.
Le plus grand nombre de ces foyers de prolifération névroglique a été trouvé
dans le lobe de l'hippocampe.
Ce cas montre, en outre, une dégénérescence graisseuse des cellules gan-
glionnaires (cellules type Golgi i et ii des auteurs français et anglo-saxons)
dans le striatum, le thalamus et le noyau amygdalien. A ce niveau existent
également des altérations névrogliques. Dans le bulbe l'hyperplasie névro-
glique atteint également, et de façon élective, à l'exclusion des autres forma-
tions nucléaires, le noyau d'origine des fibres sensibles du trijumeau et l'olive
bulbaire.
Cas chroniques avec lacunes cellulaires. — Femme de vingt-deux ans,
arrivée à l'asile, à l'âge de seize ans, dans un état d'anxiété à base de persé-
cutions et d'hallucinations. Mort par tuberculose, à un stade de démence
profonde.
Les lésions cyto-architectoniques de ce cas sont profondes dans les lobes
frontaux et pariétaux, au niveau de la me couche de Brodmann, et à un
moindre degré dans la ve couche. Ces lésions consistent surtout en un appau-
vrissement, et dans la ve couche en une cytolyse disséminée des cellules
pyramidales. Ces plages de déficit cellulaire ne sont pas en relation avec les
vaisseaux. Elles sont limitées à certaines zones bien circonscrites. Les lésions
de dégénérescence graisseuse des cellules pyramidales sont par contre dif-
fuses, et aboutissent parfois à des lésions de sclérose.
Les lésions névrogliques sont identiques à celles décrites précédemment.
Elles sont répandues de façon diffuse dans l'écorce et l'on trouve également
une prolifération de cellules gliales plasmatiformes dans le striatum et le
thalamus.
Cas avec lésions très accusées dans les noyaux centraux. — Dans un cha-
pitre spécial, Josephy étudie un cas avec lésions particulièrement marquées
dans le pallidum. Il s'agit d'une démence précoce catatonique, avec halluci-
nations, persécution, barrage, mouvements involontaires par saccades, flexi-
bilité cireuse, maniérisme, mutisme, visage figé.
A l'autopsie : troubles de l'architectonie corticale par diminution de la
couche cellulaire n° III de Brodmann; amincissement diffus avec sclérose,
dégénérescence graisseuse, transformation sacciforme de la portion initiale
du cylindre-axe et autres lésions déjà décrites. Ce qui est nouveau dans ce
cas, ce sont des dépôts très nombreux de concrétions pseudo-calcaires de
' Spatz. Ces concrétions prédominent tout le long des vaisseaux, surtout de
capillaires. Elles se trouvent également dans le parenchyme. La substance
pallidale elle-même présente une diminution du nombre des cellules, avec
dépôts pigmentaires, diminution cellulaire très accusée et très supérieure à
celle des autres cas.
Cas ayant présenté des accès épileptiformes pendant la vie. — L'auteur
passe ensuite à un examen histologique de deux cas de démence précoce, qui
présentèrent durant la vie des accès épileptiformes. Il remarque d'emblée
qu'il ne saurait y avoir une histo-pathologie spéciale de ces cas, mais seule-
ment des trouvailles microscopiques, variables d'un malade à l'autre. Les cas
qu'on puisse, au point de vue clinique, ranger avec certitude dans cette caté-
gorie sont d'ailleurs assez rares.
L'auteur insiste sur la présence dans cette forme spéciale de l'affection de
cellules névrogliques en mitose, avec noyau polymorphe difficilement colo-
rable et protoplasma pseudopodique, et qu'il veut assimiler complètement aux
« cellules névrogliques atypiques s d'Alzheirner. Si la présence de ces cellules
n'a rien de pathognomonique (on les a rencontrées aussi dans la pseudo-sclé-
rose et dans la maladie de Wilson), l'auteur serait pourtant disposé à les
considérer comme l'expression d'un processus suraigu qui a atteint de façon
diffuse le système nerveux central tout entier et de façon élective les zones de
moindre résistance, de « pathoclise » élective (Cécile et Oscar Vogt), c'est-
à-dire la couche III de Brodmann et la zone frontière cortico-médullaire.
Il semble que Josephy soit disposé à considérer les cas de démence précoce
avec attaques épileptiformes comme relevant d'un processus pathogène un
peu différent de celui qui produit la démence précoce ordinaire. Ce serait un
processus capable de créer à lui seul les lésions ordinaires de la démence
précoce et, d'autre part, des lésions particulières de neuronophagie, dues aux
cellules névrogliques en mitose.

L'étude comparative de ces cas et de ceux dont nous ne pouvons don-


ner l'analyse amène Josephy à des conclusions assez précises touchant le
substratum anatomique de la démence précoce. Ces conclusions nous
paraissent devoir être rapportées avec quelque détail :
A. LÉSIONS DES CELLULES PYRAMIDALES DE L'ÉCORCE. — Une vue d'en-
semble sur les lésions corticales de ces cas montre que les lésions les
plus fréquentes des cellules pyramidales sont :
1° La dégénérescence graisseuse qui dépasse de beaucoup ce qu'on
trouve dans les cas témoins, d'une part, et qui, d'autre part, existe aussi
dans des cas où il n'y a pas de processus chronique. L'intensité de cette
dégénérescence, en effet, est en rapport : 1° avec la longueur et 20 avec
l'intensité de l'affection. Elle se caractérise par l'amoncellement dans le
protoplasma de gouttelettes graisseuses et comporte souvent un prolon-
gement en une massue graisseuse du protoplasma juxta-cylindraxique,
cette massue pouvant être considérée comme caractéristique des cas de
démence précoce prolongée.
Cette dégénérescence graisseuse se localise surtout dans les m" et
v. couches de Brodmann des lobes frontaux et elle a tendance à former
des îlots dégénératifs disséminés dans du tissu resté sain. Dans les cas
chroniques, elle touche également la corne d'Ammon, laquelle repré-
sente un lien de moindre résistance de tous les cerveaux en général.
2° Les processus de sclérose constituent une altération sur le rôle
pathogénique de laquelle on peut être encore plus affirmatif que pour la
dégénérescence graisseuse. On la rencontre, en effet, presque exclusive-
ment dans la démence précoce, chez les sujets les plus jeunes comme
chez ceux où la mort est survenue de façon accidentelle.
Cette sclérose consiste en un amincissement et hypercolorabilité des
cellules, dont les prolongements cylindraxiles prennent une forme tire-
bouchonnée.
Au point de vue de la localisation : prédominance aux lobes frontaux
et, dans ceux-ci, prédominance à la m' et surtout à la v6 couches;
3° Les déficits cellulaires dans la couche des cellules ganglionnaires
existent dans plus de la moitié des cas. Ils consistent en lacunes bien
limitées et en clairières mal circonscrites. Ces dernières sont difficiles à
mettre en évidence, c'est à leur niveau qu'existent les altérations archi-
tectoniques dont nous avons parlé.
Au point de vue de la localisation, ces lacunes cellulaires sont essen-
tiellement laminaires, localisées surtout à la couche III de Brodmann,
avec moins d'intensité à la v', quelquefois à la couche vi, tandis que les
couches II ou iv, zones à petites cellules, demeurent indemnes. Au point
de vue topographique, la localisation de ces lacunes est nettement pré-
dominante dans les lobes frontaux.
Josephy attache une grande importance à cette localisation en hau-
teur des aires de désintégration cellulaire. Il y voit la preuve que,
contrairement à l'opinion de Spielmeyer et en accord avec la théorie des
Vogt, il existe bien des affections cérébrales à prédominance laminaire.
Les lésions qu'il a constatées dans la démence précoce sont la démons-
tration qu'il existe réellement une patho-architectonie cérébrale et,
autant que l'intégrité de certaines couches, la « pathoclise » de certaines
autres ouvre des voies nouvelles à l'étude génétique des affections
cérébrales.
Pour Josephy, ces lacunes cellulaires sont indépendantes de la vas-
cularisation et de l'hyperplasie gliale; prédominantes à la in* couche de
Brodmann, elles sont en relation directe avec les altérations cellulaires
constatées dans cette couche, c'est-à-dire la dégénérescencegraisseuse et
la sclérose cellulaires citées plus haut. Elles constituent l'aboutissant
histologique du processus.
Josephy serait tenté de donner à ces lacunes de désintégration cellu-
laire une valeur de diagnostic différentiel. Il se demande si l'on ne serait
pas autorisé à distinguer, dès maintenant, dans la démence précoce deux
grands groupes : l'un comportant des troubles de l'architectonie corti-
cale, c'est-à-dire des plages de désintégration cellulaire, et d'autres dans
lesquels manqueraient ces lacunes de désintégration. Il serait également
tenté de mettre en rapport ces lacunes de désintégration avec le pro-
nostic de l'affection et non pas avec sa durée ni même avec l'intensité
des symptômes cliniques à un moment donné. Il lui semble que, dans les
cas où l'on trouve des aires de désintégration, il s'agisse d'affections
chroniques à évolution irrémédiablement progressive quoique souvent
relativement silencieuse, tandis que, au contraire, les cas sans désinté-
gration seraient ceux qui, après avoir présenté des symptômes cliniques
violents, entrent dans la voie d'une amélioration relative. L'un des cas
« simples » de l'auteur, cas qui n'avait pas présenté ces lacunes de désin-
tégration, était en période de rémission quand une mort accidentelle a
permis de faire l'autopsie du cerveau.
B. Lésions de la névroglie. — Elles consistent essentiellement en une
prolifération névroglique de la région la plus superficielle de l'écorce.
Pour Josephy, cette prolifération est en relation directe avec les lésions
des cellules pyramidales. Ces proliférations existent aussi bien dans
l'écorce que dans la substance blanche, au niveau des lobes temporaux
et pariétaux, quelquefois dans les lobes frontaux. Elles se présentent
sous forme de cellules hypertrophiéesà protoplasma surabondant, à pro-
longements multiples avec un noyau peu colorable, excentrique et vési-
culeux, aux nucléoles très apparents. Ces lésions sont identiques à celles
constatées en 1919 par Walther. On les constate surtout dans les formes
prolongées avec hallucinations et allure cyclothymique.
L'auteur pense que ces lésions ne sont pas assez accusées pour per-
mettre à elles seules le diagnostic histologique de la démence précoce
ni pour permettre d'isoler un groupe spécial dans cette affection; il ne
les considère pas comme la lésion essentielle de la maladie.
Cette lésion essentielle est constituée pour lui par les lacunes cellu-
laires dans les couches des cellules pyramidales.
C. Lésions des noyaux centraux.
— Il est certain que les cas chro-
niques présentent également des altérations dans les noyaux centraux,
dans la protubérance et dans le bulbe : dépôts de graisses dans le stria-
tum, proliférations névrogliques dans les noyaux de la protubérance et
du bulbe (noyaux du trijumeau et olives bulbaires).
Dans un cas il existait dans le pallidum des troubles caractéristiques
et des concrétions pseudo-calcaires qui dépassent en tout cas de beau-
coup le degré de transformation analogue qu'on peut rencontrer dans
des cerveaux normaux. L'auteur pense que les lésions pallidales ont la
même origine que les lésions corticales et que l'allure plus fortement
catatonique de ce malade est due à cette accentuation des lésions sous-
corticales. Les symptômes moteurs du type kinétique seraient dus aux
lésions localisées au pallidum et il s'agirait d'une démence précoce avec
parkinsonisme,comme le pensaient Boestrem et Alzheimer. On peut se
demander dans ces conditions si, dans la démence précoce, il faut faire
jouer un rôle psychogène aux lésions sous-corticales. L'auteur, à ce
propos, rappelle les travaux qui voudraient expliquer par une défaillance
de ^automatisme moteur la retraite hors de la vie réelle effectuée par ces
malades : toute leur attention serait absorbée par l'accomplissement des
actes normalement automatiques.
Josephy pense que rien, dans ses propres recherches, ne vient con-
firmer ces hypothèses. Ce qui fait la psychose, c'est la lésion corticale.
La composante sous-corticale tient sous sa dépendance les symptômes
organiques, l'aspect neurologique du malade. D'ailleurs, étant donné les
relations des noyaux centraux avec l'écorce, il faut admettre que la
lésion corticale joue également un rôle dans la pathogénie des états
catatoniques et akinétiques de la démence précoce. Mais, puisque les
tumeurs de la base ne s'accompagnent jamais de troubles schizophré-
niques, il faut admettre en définitive que l'essentiel du processus patho-
logique qui donne naissance à la démence précoce se passe dans l'écorce.
Tout au plus peut-on penser avec Bickel que les voies cortico-thala-
miques et cortico-striées étant coupées dans la démence précoce, on
trouve dans cette dernière maladie une libération des centres sous-cor-
ticaux et que les troubles moteurs y sont dus non à un dysfonctionne-
ment, mais à un fonctionnement autonome de ces centres.
D. Autres lésions. — Quelques points secondaires ont encore été exa-
minés par l'auteur. Il n'a pu confirmer les lésions des plexus choroïdes
trouvées par Monakow, les dépôts lipoïdiques de Buscaino, les lésions
des glandes génitales affirmées par Mott.
Les considérationsanatomiques que comporte cette étude ne sauraiert,
dit Josephy, être définitives et, tout d'abord, parce qu'il n'a pu entre-
prendre à lui seul d'étudier à fond les troubles de l'architectonie corti-
cale dans cette affection, troubles dont la valeur lui paraît très grande.
Néanmoins, il arrive à quelques résultats dont les plus importants lui
paraissent être ceux-ci :
10 On trouve régulièrement dans les cerveaux des malades atteints de
l'affection nommée démence précoce des lésions anatomiques dont, pour
la première fois, serait apportée une étude basée sur des recherches com-
paratives faites dans un nombre important de cas.
2° On peut en conclure que, chez les déments précoces, ce n'est pas
seulement la « », mais aussi le cerveau qui est atteint, et cette con-
ception est en contradiction directe avec celle qui a de plus en plus
cours aujourd'hui, d'après laquelle on ne trouverait dans la démence
précoce qu'une exaltation de certains phénomènes psychiques qui se
rencontrent aussi chez les normaux.
3" Le processus anatomique de la démence précoce semble survenir
chez des individus dont le cerveau pourrait être considéré comme
dépourvu de lésions préexistantes. On n'y rencontre pas de troubles du
développement ni de lésions hérédo-dégénératives.
4° Le processus morbide est essentiellement cellulaire et se porte
plus particulièrement sur les cellules pyramidales. Ces cellules peuvent
présenter trois espèces de réactions : la dégénérescence graisseuse, la
sclérose, la cytolyse, tous processus qui se localisent électivement à
certaines couches de l'écorce.
50 On ne saurait, à l'heure actuelle, établir une formule anatomique
unique s'adaptant à tous les cas de démence précoce, mais la localisa-
tion d'une part et le caractère d'autre part de ces altérations ne sont pas
identiques dans tous les cas et permettent d'entrevoir une classification
anatomique des différents formes de la démence précoce. Il reste bien
entendu néanmoins que l'évolution clinique différemment prolongée des
cas fait que l'anatomiste ne peut jamais être certain d'avoir groupé
ensemble des cerveaux sur lesquels le processus pathologique aura agi
pendant un laps de temps identique.
Peut-on, se demande enfin Josephy, à partir des constatations ana-
tomiques, s'élever jusqu'à des considérations d'ordre pathogénique et
êtiologique ? Pour ce qui est de savoir si les lésions histologiques
constatées suffisent à donner une explication des phénomènes démen-
tiels, Josephy conclut que ces lésions réalisent en tout cas la condition
nécessaire à l'apparition de la psychose. Les altérations sont quelque-
fois assez minimes pour une zone donnée, mais il faut considérer qu'il
s'agit de lésions très diffuses et dont l'ensemble constitue une atteinte
sérieuse du tissu cérébral. Dans l'appréciation de leur rôle étiologique,
il faut tenir compte du fait que les corrélations fonctionnelles de l'écorce
sont nécessairement différentes quand il s'agit non pas d'une lésion en
foyer, d'une suppression massive, mais d'une désintégration microsco-
pique diffuse ; les suppléances fonctionnelles peuvent jouer plus faci-
ment dans une affection de cet ordre.
Le moment n'est pas encore venu de bâtir une anatomo-pathologie
définitive de la démence précoce et de faire un diagnostic au micros-
cope. Néanmoins il y a toute raison de penser qu'ici aussi on arri-
vera à découvrir ce qui doit être, à l'heure actuelle, l'objectif principal
de la psychiatrie : le ,\ubstratum organique de la psychose.
Les critiques quit ont été faites à une telle conception ne sont guère
valables. On a invoqué les rémissions, les guérisons, le polymorphisme
symptomatique de la démence précoce. Mais, dit Josephy, il en existe
également dans une maladie à base sûrement organique comme la para-
lysie générale. L'arrêt du processus pathologique et la récupération
fonctionnelle par suppléance peuvent expliquer les cas de guérison.
L'élément constitutionnel, enfin, peut expliquer la variabilité des
formes cliniques et l'on est autorisé à admettre qu'un même processus
aboutit à la démence précoce simple de Kraepelin, s'il se développe dans
un cerveau sans caractéristiques héréditaires, que l'interférence d'une
constitution schizoïde, cyclothymique ou autre peut donner à la maladie
la forme hébéphrénique, paranoïde, etc...
C'est là d'ailleurs une question qui touche au problème de l'étiologie
de la démence précoce et il faut reconnaître que si l'anatomie patholo-
gique est capable d'éclairer quelque peu la pathogénie de cette affec-
tion, elle ne fournit aucun renseignement au point de vue de son étio-
logie.

Telle est, résumée de notre mieux, l'étude de Josephy. Son article


constitue en réalité une véritable monographie, forte de plus de cent
pages, abondamment illustrée par des microphotographieset qui repré-
sente un labeur considérable dont on souhaiterait pouvoir admettre sans
réserves les conclusions. On ne peut s'empêcher cependant de faire à
son sujet quelques remarques.
Nous noterons tout d'abord que son travail, pas plus que la revue
d'ensemble de Klarfeld, n'apporte rien d'essentiellement-nouveau, mais
-donne surtout des précisions sur des points déjà mis en évidence par
d'autres auteurs. Klarfeld, en insistant sur le fait que la démence pré-
coce est avant tout causée par des lésions ectodermiques et non inflam-
matoires, rappelle que Klippel et Lhermitte furent les premiers à qua-
lifier la démence précoce de démence neuro-épithéliale. Dans une série
de travaux, en effet, publiés de 1904 à 1909 en collaboration avec
M. Klippel, J. Lhermitte avait noté, à l'autopsie de divers déments
précoces, des altérations anatomiques profondes. Il avait trouvé un
amincissement macroscopique de la corticalité et au microscope une
atrophie des éléments cellulaires dans les couches III, V et VI. A ce
niveau les prolongements protoplasmiques sont abrasés et flous, les
granulations cellulaires changent de colorabilité, les noyaux sont altérés,
la cellule porte une surcharge de grains lipochromiques : toutes ces
lésions cellulaires sont nettes surtout aux deux extrémités du cerveau, à
la région frontale et à la région occipito-temporale. Les altérations
névrogliques forment « le second caractère positif de la démence pré-
coce »; ces altérations consistent surtout dans la multiplication des
cellules satellites des neurones corticaux et aussi en prolifération de
cellules névrogliques à large noyau.
Lhermitte décrivait en outre des lésions médullaires et thalamo-
striées et il accordait à ces dernières lésions une place bien plus large
que ne font les auteurs allemands. Il est intéressant de confronter
aujourd'hui les résultats auxquels il était arrivé avec les constatations
énoncées plus récemment par Buscaino. On trouvera dans un des der-
niers numéros de ce journal (Encephale, avril 1924, p. 217) un article
où l'auteur italien a résumé l'ensemble de ses recherches sur l'anatomie
et la physiologie pathologiques de la démence précoce. Sur certains
points ses conclusions sont superposables à celles des auteurs allemands-
Sur d'autres, et en particulier sur l'importance des altérations que pré-
sentent les noyaux dela base, son opinion est catégoriquement différente.
Buscaino décrit lui aussi des lésions des cellules nerveuses du cortex
et des lésions névrogliques. Dans les cellules nerveuses il constate une
homogénéisation globale de la substance protoplasmique et du noyau :
c'est en somme, en d'autres termes, le phénomène que Walther, Klarfeld
et Josephy décrivent sous le nom de sclérose des cellules pyramidales.
Les lésions des cellules névrogliques consistent en une hyperplasie et
une fragmentation nucléaires : c'est là exactement la lésion telle que
Klarfeld la résume.
Certaines constatations de Buscaino, au contraire, ne cadrent pas
avec les données des auteurs allemands : les altérations corticales se pré-
senteraient non de façon diffuse mais en foyers limités. Les fibres ner-
veuses, particulièrement celles de la voie extrapyramidale, seraient
interrompues par des plaques racémeuses de désintégration (« zolle di
disintegrazione a grappolo »). Ces plaques interrompraient les voies ner-
veuses réunissant la corticalité et les noyaux gris centraux; elles seraient
aussi la cause de cette dissociation entre l'affectivité et l'intelligence qui
caractérise, au point de vue clinique, la démence précoce. En outre, ces
« plaques à grappe » auraient des rapports étroits avec les vaisseaux san-
guins ; elles seraientd'origine toxi-infectieuse,dues à des produits animés
d'origine alimentaire et pourraient être reproduites expérimentalement
chez l'animal par des injections d'histamine. Nous avons vu que, pour
les auteurs allemands, les lésions anatomiques de la démence précoce
sont au contraire indépendantes des vaisseaux et ont un caractère nette-
ment dégénératif; les altérations des fibres proprement nerveuses seraient
trop minimes pour entrer en ligne de compte. L'existence même des
« plaques à grappe » de Buscaino a été niée par F. H. Lewy et par Jose-
phy, qui les considèrent comme des artefacts, mais l'auteur déclare les
avoir retrouvées avec tous les modes de coloration et de préparation.
C'est surtout dans son appréciation des lésions thalamo-striées que
Buscaino diffère de Klarfeld et de Josephy. Pour lui ce n'est pas au
niveau de la corticalité, mais dans les noyaux gris centraux que résident
les lésions essentielles de la démence précoce. Il a retrouvé en abon-
dance, à ce niveau, ses plaques racémeuses de désintégration. Nous
n'avons pas qualité pour émettre un jugement sur la valeur de ces
plaques. Nous constaterons seulement que la présence de lésions tha-
lamo-striées dans la démence précoce et l'importance à leur attribuer
semble être une question qui, au cours de ces dernières années, a parti-
culièrement retenu l'attention des cliniciens. Plusieurs d'entre eux, se
basant sur la ressemblance de certaines démences précoces avec l'encé-
phalite épidémique chronique, sont disposés à admettre, par analogie,
l'existence de lésions des noyauxcentraux également dans la première de
ces deux affections. Nous citerons, parmi les auteurs français qui ont
récemment traité cette question, MM. Marie et Bernadou, MM. Guiraud
et Daussy;nous renvoyons,pour un aperçu d'ensemble, àla thèse récente
de Padeano. Les constatations des anatomo-pathologistes viennent-elles
à l'appui des théories cliniques? Il semble bien que tous les auteurs
depuis Lhermitte jusqu'à Josephy aient trouvé, avec plus ou moins de
fréquence et d'intensité, des lésions thalamo-striées dans le cerveau des
déments précoces et Josephy, qui ne s'y arrête guère, note pourtant de
telles altérations dans beaucoup de ses cas chroniques. Mais les auteurs
diffèrent entre eux dès qu'il s'agit d'apprécier le caractère et surtout la
valeur de ces lésions.

La difficulté qu'éprouvent les auteurs à se mettre d'accord sur le con-


cept même de la démence précoce explique sans doute, pour une partie,
leurs contradictions. Si nous essayons de grouper en une vue d'ensemble
les résultats que nous venons de rapporter, nous verrons que les diver-
gences sont sérieuses sur bien des points.
Les lésions de la démence précoce consisteraient en un processus
pathologique touchant à la fois les cellules nerveuses et les cellules
névrogliques du cortex (Klippel et Lhermitte, Buscaino, Klarfeld,
Josephy).
Les lésions des cellules nerveuses sont caractéristiques pour Josephy,
elles ne le sont pas pour Klarfeld. Lhermitte insiste surtout sur
l'atrophie et la surcharge lipochromique des cellules nerveuses ; plus que
la dégénérescence graisseuse, c'est la sclérose (protoplasma surcolorable
et cylindres-axesen tire-bouchon) qui paraît importante à Josephy, mais
cet auteur, ainsi que Klarfeld, insiste également beaucoup sur les lacunes
cellulaires.
Les fibres nerveuses seraient intactes (Klippel et Lhermitte, Josephy),
altérées au contraire selon Buscaïno.
Les lésions névrogliques sont décrites de la même façon par tous les
auteurs que nous avons mentionnés. Pour Klarfeld, elles sont aussi
typiques de l'affection que les lésions des cellules pyramidales; pour
Josephy, les lésions des cellules pyramidales sont primitives et seules
pathognomoniques.
Les fibres névrogliques sont souvent touchées (Klarfeld), le plus sou-
vent intactes (Josephy).
Les auteurs allemands considèrent la démence précoce comme une
maladie dégénérative, ils ne trouvent pas de rapports entre les lésions et
les vaisseaux. Buscaino au contraire fait de la maladie une toxi-infection
avec localisation élective au cerveau.
Ces lésions corticales sont diffuses selon les auteurs allemands, loca-
lisées en petits foyers, selon Buscaino. Pour Josephy, il est possible
d'établir des localisations au point de vue topographique (lobe frontal
surtout) et au point de vue stratigraphique (couches III et v de Brod-
mann) ; Lhermitte avait noté la prédominance aux pôles frontal et occi-
pital et d'autre part dans les couches m, v et vi. Pour Klarfeld, au con-
traire, il est illusoire de vouloir, dès à présent, localiser la lésion de la
démence précoce dans des couches précises.
Les lesions médullaires, importantes selon Lhermilte, sont nulles
pour Klarfeld et pour Josephy, qui n'ont pas vérifié non plus l'atrophie
cérébelleuse constatée par cet auteur.
Les altérations s'étendent aux noyaux centraux selon le témoignage
concordant de Lhermitte, de Josephy, de Buscaino : ces lésions thalamo-
striées, importantes selon Lhermitte, sont capitales pour Buscaino.
Pour Josephy, la lésion essentielle, au point de vue de la psychose,
réside dans la corticalité : les troubles moteurs sont sous la dépendance
de la lésion striée, mais ne retentissent pas secondairement sur la psy-
chose.
Dans leur ensemble, ces lésions seraient trop peu patllOgnonumiques
pour permettre à elles seules un diagnostic anatomique de la démence
précoce, dit Klarfeld. Ce n'est pas tout à fait l'avis de Josephy, qui
entrevoit non seulement un tableau histologique propre à l'affection,
mais même des variétés de lésions suivant que la maladie a eu une évo-
lution brève ou bien qu'elle a duré fort longtemps, les cas chroniques à
leur tour différant entre eux au point de vue histologique suivant qu'ils
ont été progressifs ou stationnaires.

En somme on voit que l'accord semble n'exister guère que sur la


concomitance, dans la démence précoce, de lésions névrogliques et d'al-
térations atrophiques des cellules pyramidales du cortex. La description
détaillée, par exemple, que Josephy donne de ces dernières cadre bien
avec les constatations plus résumées de Walther, de Klarfeld, de Bus-
caino, de Lhermitte. Ce serait là, à lui seul, un fait très important, s'il
pouvait être admis sans conteste, mais des travaux récents jettent des
doutes sérieux sur sa légitimité. Un article du docteur Charles Dunlap,
professeur de pathologie nerveuse à l'Institut psychiatrique de Ward's
Island à New-York, nous contraint à quelque scepticisme sur la valeur
de tous les résultats que nous venons d'exposer.
Dans une communication à la soixante-dix-neuvième réunion
annuelle de la Société américaine de psychiatrie (Detroit, Michigan,
juin 192?), il rapporte qu'il s'est astreint, dans l'étude du cerveau des
déments précoces, à des règles strictes : diagnostic clinique indiscutable
— cas âgés de moins de quarante ans et décédés par suicide ou accident —
autopsies faites immédiatement après la mort. En quatre ans il n'a pu
réunir que huit cerveaux satisfaisant à ces conditions. Il a entrepris paral-
lèlement I étude de cerveaux de contrôle choisis dans le matériel médico-
légal d'un hôpital new-yorkais et prélevés sur des individus décédés de
mort violente. Les divers fragments des cerveaux témoins et des cer-
veaux de déments précoces furent fixés, montés et colorés tous ensemble
dans les mêmes fixateurs et les mêmes colorants, par les mêmes tech-
niciens.
Les conclusions de Dunlap sont absolument négatives quant à la
possibilité même d'établir une histologie pathologique dela démence
précoce. Les cellules nerveuses pyramidales montraient de l'atrophie
et de l'hypercolorabilité aussi souvent dans les cas témoins que chez
les déments. Dunlap est pareillement sceptique isur tous les autres
caractères distinctifs que les auteurs ont notés dans la démence précoce :
il n'a retrouvé, dans des coupes d'inclusion récente, ni les surcharges
lipoïdiques, ni les déficits cellulaires, ni l'hyperplasie névroglique
décrites par les auteurs allemands ou anglo-saxons. Certains des cas
témoins présentaient des variations supérieures à ceux des cerveaux des
déments précoces les plus caractérisés. De même des numérations cellu-
laires comparatives, faites à des niveaux divers, n'ont pas montré une
diminution du nombre des éléments cellulaires chez les déments pré-
coces. Pour Dunlap les résultats proclamés parles divers auteurs, quand
ils ne sont pas dus à des artefacts (fixations ou colorations trop prolon-
gées par exemple) ou à une étude insuffisante de cas témoins, doivent
être considérés comme l'expression d'altérations inconstantes, secon-
daires à des causes diverses, où la démence précoce n'a rien à voir. « Les
variations cellulaires que nous avons constatées ne semblent pas devoir
être rapportées ni comme cause ni comme effet, à l'affection dénommée
démence précoce... Notre étude, portant sur des cas soigneusement
choisis pour une étude objective, n'a rien montré qui permît même
de soupçonner l'existence d'une maladie organique du cerveau comme
base de cette psychose. »
Le travail de Dunlap est illustré par de belles planches microphoto-
graphiques et, autant qu'on puisse en juger d'après des reproductions,
il semble bien, en effet, qu'une des lésions sur laquelle Josephy, en par-
ticulier, insiste le plus, celle de la sclérose cellulaire avec cylindres-axes
spirales «en tire-bouchon », se retrouve presque identique dans la coupe
d'un de ses cerveaux témoins (planche XVIII).
Un autre fait nous montrera la prudence avec laquelle de telles images
doivent être interprétées. Ces mêmes cellules pyramidales à cylindres-
axes en tire-bouchon, presque pathognomoniques de la démence
précoce selon Josephy, mais qu'on trouve aussi dans les cerveaux « nor-
maux » selQn Dunlap, ont été vues également par Marinesco dans
l'idiotie myxœdémateuse. En se reportant à la page 270 du N° 5 de
l'Encéphale de 1924, et à la fig. 5 de la planche II, on y verra la descrip-
tion et la représentation d'une lésion exactement superposable à celle de
Josephy : « 11 y a, dit M. Marinesco, dans le cerveau de notre idiote
myxœdémateuse un fait que nous avons constaté, sans pouvoir, pour le
moment, en donner une explication définitive, c'est que, dans la plupart
des régions de l'écorce, on trouve deux espèces de cellules pyramidales.
Les unes d'aspect plus ou moins vésiculeux et clair et les autres foncées
et rétractées, avec des dendrites principales et parfois celles de la base
qui n'ont pas le trajet rectiligne, mais en tire-bouchon. Le noyau de ces
dernières cellules est également foncé. D'autre part, le nucléole est un
peu plus gros que celui des cellules claires... » « Cellules vésiculeuses »,
« dendrites en
tire-bouchon », « nucléoles agrandis », ce sont là les termes
mêmes employés par Josephy et la même image microscopique avait été-
trouvée autrefois par Toulouse et Marchand dans le cerveau du berger
assassin Vacher, guillotiné en 1898. Notons enfin que, pour Spielmeyer,
la cellule avec cylindre-axe en spirale est l'aboutissant d'une lésion assez
fréquente, l' « atrophie cellulaire chronique de Nissl ».
C'est à titre documentaire que nous avons exposé en détail les con-
clusions de Josephy. Mais si l'on se reporte au manuel de Spielmeyer
sur l'histologie du système nerveux, on verra que d'autres lésions sur
lesquelles Josephy insiste, comme les déficits cellulaires et les proliféra-
tions gliales,ont été notées dans des affections mentales et nerveuses très
diverses. L'association entre elles de ces différentes lésions, contraire-
ment à l'opinion de Klarfeld, ne paraît pas non plus avoir rien de carac-
téristique. Ainsi l'étude histologique de la démence précoce ne permet
pas encore d'affirmer qu'une image donnée est celle d'une lésion patho-
gnomonique; selon Dunlap, elle ne permettrait même pas de dire que
cette image représente véritablement une lésion. C'est pourquoi, après
avoir envisagé l'ensemble de ces faits, nous sommes-nous permis de
dire, au début de ce travail, que le problème anatomo-pathologique de
la démence précoce ne semble pas encore résolu à l'heure actuelle.

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ges. Neuro!, LI. Psychiatrie, vol. XXX, 1916, p. 354.)
DOCUMENTS CLINIQUES

CINQ CAS DE MALADIE DE FRIEDREICH


(Avec quatre planches hors texte)

PAR
B. CONOS
(de Constantinople)

J'ai été à même d'observer dernièrement, dans l'espace de quelques


semaines, cinq cas de maladie de Friedreich que je crois intéressants et
dont voici les observations :
Famille B... Père et mère robustes et bien portants, n'offrant rien de
particulier dans les antécédents personnels; mais grand-père maternel
alcoolique, mort dans un asile d'aliénés; oncle maternel alcoolique
aussi, a six enfants bien portants et en a perdu six autres en bas âge.
M. et Mme B... ont eu neuf enfants et deux fausses-couches, dont
une gémellaire. Leur premier enfant, âgé de vingt-huit ans, très robuste,
exerce le métier de cordonnier. Le deuxième enfant, bien portant jusqu'à
dix ans, est tombé malade, nous dit-on, à la suite de la morsure d'un
chien. Il marchait « comme sa sœur malade », dit le père, et il est mort
à l'âge de dix-huit à vingt ans, d'appendicite foudroyante. Le troisième
enfant, né à sept mois, mort. Le quatrième enfant, bien portant. Le cin-
quième enfant, P..., est notre malade de l'observation II. Le sixième
enfant est mort en bas âge. Le septième enfant, Mlle Z..., est la malade
de l'observation I. Les huitième et neuvième enfants, deux filles âgées
respectivement de quinze et treize ans, sont saines; cependant la plus
jeune souffre d'accès d'asthme.
OBSERVATION I.
— Mlle Z. B..., âgée de dix-sept ans. Jusqu'à il y a un an,
elle allait à l'école, mais depuis elle a dû cesser, car elle ne pouvait plus bien
marcher.
A l'examen. — Mouvements nystagmiformes aux excursions latérales des
globes oculaires. Fond des yeux normal. Hypermétropie et astigmatisme,
d'où réduction de l'acuité visuelle à 1/4 pour O. D. et 1/2 pour O. G.
Parole saccadée. Si la malade parle beaucoup, la respiration lui manque.
Ataxie nette aux membres supérieurs; l'épreuve de l'index est mal faite,
l'adiadococinésie est moins marquée. Réflexes tendineux (aux membres supé-
rieurs, rotuliens, achilléens) abolis, réflexe plantaire en Babinski des deux
côtés, réflexes abdominaux inférieur et moyen abolis, supérieur faible.
Dans la station debout, on ne remarque pas de déformation des pieds,
sauf un léger aplatissement de la plante gauche. Mais dans la position couchée
on constate que le pied droit surtout est plus creux, il a une tendance à l'équi-
nisme, le gros orteil paraît plus étendu que normalement.
Pas d'atrophie, force musculaire très bien conservée, aussi bien aux
membres supérieurs qu'aux membres inférieurs. Pour se maintenir debout,
le malade doit écarter les jambes (planche i, fig. i). Romberg manifeste.
Démarche franchement cérébelleuse, tenant un peu de l'allure tabétique, et
qui se fait également les jambes très écartées. Ataxie et titubation. La jambe
droite traîne un peu en marchant et elle décrit un demi-tour en avançant.
La sensibilité est très touchée. Pour ce qui est de la sensibilité subjective,
la malade se plaint qu'elle sent la jambe droite toujours froide. Quant à la
sensibilité objective, le tact paraît diminué aux extrémités inférieures et cette
diminution devient moins manifeste au fur et à mesure qu'on s'approche de la
racine des membres; de sorte qu'à quelques travers de doigt au-dessus du
genou la sensibilité au toucher est normale. La sensibilité thermique parait
relativement la mieux conservée. La sensibilité douloureuse est plus atteinte
que les autres; aux extrémités, ainsi que sur le tiers inférieur de la jambe, la
piqûre de l'épingle est perçue comme un simple contact. Au-dessus des genoux,
la piqûre est sentie comme telle.
La sensibilité musculaire et la sensibilité articulaire paraissent conservées,
quoique souvent la perception de l'attitude des orteils donne lieu à des
erreurs.
La colonne vertébrale présente une grosse scoliose, à convexité droite
(planche n, fig. 2).
OBSERVATION II. — Pétro B..., âgé de vingt et un ans. Jusqu'à dix ans très
bien portant, il marchait, courait, sautait comme tous les enfants de son âge.
Après dix ans il a ressenti une gêne dans la marche, qui s'accentua progres-
sivement jusqu'à l'impotence complète qui l'a condamné au lit depuis six ans.
Il chancelait en marchant et les parents attribuaient au début cette anomalie
de la démarche à l'embonpoint de l'enfant.
Actuellement, grand de taille, mais de nutrition pas très satisfaisante.
Conformation du crâne normale, mais l'intelligence ne paraît pas norma-
lement développée, la perception surtout est lente. Nystagmus horizontal
spontané, n'augmentant pas dans les excursions extrêmes des globes oculaires.
Pupilles égales, vision bonne, pas de ptosis. Pas d'asymétrie du visage.
Parole gutturale, empâtée et saccadée.
Réflexes tendineux abolis, aussi bien aux membres supérieurs qu'aux
membres inférieurs. Babinski bilatéral. Léger équinisme, mais pas de pieds
creux. La sensibilité superficielle à tous les modes, surtout la sensibilité tac-
tile et la sensibilité douloureuse, sont très touchées, mais les réponses du
malade pendant l'exploration de la sensibilité ne sont pas assez fixes ni assez
nettes pour permettre des conclusions définitives et certaines. A trois ou
quatre travers de doigt au-dessus du genou, la sensibilité paraît conservée. La
sensibilité profonde paraît moins touchée ; cependant, aux extrémités des
membres inférieurs, le malade ne sent pas bien la pression. Il ne faut pas non
plus préciser l'attitude des orteils. Aux membres inférieurs, il y a des troubles
vaso-moteurs manifestes : les jambes sont froides et légèrement violacées.
Le malade est totalement paraplégique, il peut seulement fléchir les orteils,
mais l'extension en est impossible. Cependant, si l'on amène les jambes en
flexion passive dans l'articulation du genou, alors le malade peut les étendre.
Mais la flexion réflexe des jambes est facilement et vivement réalisée pendant
la recherche du réflexe plantaire.
Les mouvements des bras sont tous possibles et ils sont exécutés avec beau-
coup de force, de sorte que les divers segments offrent une résistance qu'on ne peut
pas vaincre facilement. La force musculaire est considérable, mais le malade
ne peut pas tenir longtemps les bras en position horizontale dans l'attitude du
serment, agités qu'ils sont par de larges oscillations. L'extension volitionnelle
des doigts n'est pas complète; la première phalange est en hyperextension,
tandis que la seconde et la troisième sont étendues avec peine, et a con-
dition seulement que le poignet soit légèrement fléchi. Les doigts sont plutôt
écartés, l'adduction étant très faible et pour quelques doigts impossible. L'op-
position du pouce aux autres doigts est également impossible. Les masses
musculaires sont amoindries de façon générale aux membres inférieurs, à la
cuisse et à la jambe, mais la réaction électrique n'a pas été recherchée.
Ataxie très intense des membres supérieurs à toutes les épreuves classiques
ad hoc. L'adiadococinésie aussi est très manifeste dans les mouvements suc-
cessifs de pronation et de supination de la main, dans le mouvement de
l'émiettement, etc... Le malade ne peut pas s'asseoir sans appui, son corps
ressemble à un sac vide ou à un chiffon impossible à dresser. Si l'on essaie
de le laisser seul sans aucun soutien dans la position assise, il s'affaisse
immédiatement du côté le plus déclive, indifféremment en avant, en arrière,
de côté, et il ne peut effectuer aucun effort pour se relever.
Il y a une déformation considérable de la colonne vertébrale, du rachis et
du ventre. La colonne vertébrale fait une grande courbe à droite, le tronc est
fortement fléchi à gauche, tandis que la tête, pour contre-balancer, est penchée
à droite (planche i, fig. 3A et 3B). La tête n'est pas solidement fixée sur les
épaules, le cou a l'air d'une tige trop faible qui aurait de la peine à redresser
un fruit trop volumineux.
Les sphincters fonctionnent normalement.

OBSERVATION III. — M. P..., fillette âgée de onze ans. La mère a eu trois


fausses couches avec enfants morts et macérés. Une sœur malade, âgée de
vingt-cinq ans environ, a le nez écrasé et la voix nasillarde.
Née à terme, nourrie au sein, elle a parlé et marché normalement. Bien
portante jusqu'à il y a trois ans. Depuis, on a remarqué qu'elle traînait ses
pieds avec plus de peine de jour en jour, de sorte que finalement la marche
est devenue impossible, l'enfant se tenant sur le bout de ses orteils.
Elle n'a jamais souffert d'une maladie quelconque ou de douleurs.
A l'exaiiien : Pas de nystagmus, rien aux pupilles. L'examen du fond de
l'œil a montré une hyperhémie des papilles, sans stase ni dilatation veineuse.
Parole normale. Pas d'ataxie statique, mais ataxie manifeste à l'épreuve de
l'index. Adiadococinésie typique. La station debout est impossible sans
appui, la marche, à condition que la petite malade soit solidement soutenue,
s'effectue, mais elle est digitigrade (planche i, fig. 4). Extrémités inférieures en
Friedreich tout à fait classiques : pieds !creux en équinisme prononcé, les
orteils en extension forcée, surtout la première phalange du gros orteil
(planche lIT, fig. 5).
Réflexes tendineux rotuliens et achilléens très exagérés, clonus légitime
bilatéral, Babinski classique des deux côtés.
Wassermann très positif.

Famille P... Père toujours bien portant et sobre, est mort d'accident
il y a quelques mois. Mère bien portante également, mais d'intelligence
au-dessous de la moyenne.
Chez les arrière-parents paternels on ne trouve rien de particulier.
Par contre, du côté maternel, grand'mère faible d'esprit, une tante sourde-
muette, un oncle a l'oreille dure et par moment il devient complètement
sourd.
Le frère aîné de nos deux malades ne présente rien d'anormal. Pol
est le second enfant de la famille. Le troisième enfant, une fillette, est
morte en bas âge, sans qu'on ait remarqué chez elle rien de particulier.
Mary est la quatrième enfant. Un cinquième enfant est mort âgé de
quelques mois. Depuis deux mois il y a un sixième enfant.

OBS. IV. — Pol P... âgé de huit ans. Il a parlé tard et a marché à cinq
ans, mais très mal; il tombait souvent en marchant et ses genoux et jambes
étaient constamment couverts de plaies à la suite de chutes fréquentes.
L'intelligence de l'enfant laisse aussi à désirer, remarque la mère, on est
obligé de lui répéter plusieurs fois une chose pour la lui faire comprendre.
A l'examen objectif, on constate ce qui suit : enfant de taille normale,
d'une physionomie expressive et intelligente (planche m, fig. 6), pourtant son
état intellectuel est loin d'être normalement développé. Ainsi, par exemple,
Pol ne sait même pas compter jusqu'à io. Après 4, il dit toujours 6, et
après 10, il ne sait que répondre; en réfléchissant un peu, il dit que c'est i4.
Il ne sait pas les jours de la semaine, et encore moins les mois. Il reconnaît
cependant les couleurs, le blanc, le rouge, le noir et le bleu. Il distingue le
jour de la nuit, mais il ne peut pas expliquer pourquoi il fait jour. La
mémoire est bonne, il a bien reconnu le médecin quelques jours après la
première visite. Son séjour à l'hôpital, pendant un mois environ, ne lui a point
été pénible, il n'a jamais réclamé sa mère. Par contre, il n'est pas indifférent
à l'argent, il en réclame et manifeste son contentement si on lui en donne.
Couché, il est tranquille et ses membres ainsi que sa tête restent en repos.
Assis, il ne peut pas rester un instant immobile, les traits du visage, la tête, le
tronc, les bras sont le siège de mouvements désordonnés. S'il essaie de parler
ou bien s'il veut prendre un objet, tout le système moteur se met en branle,
des mouvements désordonnés de plus en plus larges se déchaînent, en complet
désaccord avec le but proposé.
Dans la station debout on remarque une incertitude manifeste, l'enfant
ne peut pas rester longtemps debout sans appui, il tombe. Le corps entiçr est
agité par des mouvements désordonnés et penche légèrement à gauche.
L'épaule gauche est plus basse que l'épaule droite. La colonne vertébrale
fait une courbure exagérée à convexité droite. Mais ceci constitue pour le-
moment une déformation qui se corrige parfaitement avec la correction de
l'attitude de l'enfant. Quelquefois, le malade présente une légère lordose avec
ventre proéminent. Les pieds ne reposant pas tranquillement sur le sol, les
orteils sont toujours agités par de petits mouvementsd'extension et de flexion.
La démarche est incertaine, le corps du petit malade est porté tantôt à
droite, tantôt à gauche, les jambes de même ne peuvent pas suivre une ligne
droite, elles festonnent, le petit malade a une démarche « tabéto-cérébelleuse J.
Pupilles égales, réagissent bien à la lumière et à l'accommodation. Mou-
vements des globes oculaires normaux. Par la rotation du malade autour de
son axe, on perçoit quelques mouvements nystagmiformes aux excursions
latérales extrêmes des globes oculaires. Fond des yeux normal.
Rien de particulier du côté des muscles du visage, sinon qu'ils sont souvent
agités par de petits mouvements ataxiques. Rien à noter à la langue, aux dents,
à la voûte palatine. Perlèche des angles labiaux.
Parole lente, quelques syllabes sont supprimées, ou, plus souvent, mal
prononcées.
Les bras ne peuvent pas garder l'immobilité dans l'attitude du serment,
tandis que les doigts esquissent quelques mouvements athétosiques. L'épreuve
de l'index au nez n'est pas possible. L'ataxie est surtout marquée à la main
gauche. Il y a une adiadococinésie classique pour les mouvements successifs
des marionnettes, de l'émiettement et des mouvements de flexion et d'exten-
sion du poignet. La préhension des objets est tout à fait maladroite; la main
hésite un moment au-dessus de l'objet en question, elle plane quelques
instants, l'index et le pouce sont démesurément écartés, l'index fait quelques
mouvements de flexion de la phalangine et de la phalangette, finalement la
main parvient à emporter l'objet, mais l'autre main doit vite venir en aide,
autrement l'objet peut s'échapper, surtout si l'enfant doit ramasser par terre
successivement deux menus objets, deux pièces de deux sous, par exemple. Il
est alors obligé de débarrasser sa main de la première pour saisir la seconde.
La force musculaire est diminuée aux membres inférieurs, on remarque
surtout à droite une ébauche de pied bot, une tendance à la plante creuse et
à l'extension permanente du gros orteil. Pas trace d'atrophie. Les jambes
étendues en l'air ne peuvent rester immobiles, pas même un instant elles
présentent des oscillations dans toutes les directions. L'épreuve du talon au
genou révèle une ataxie manifeste. 11 n'y a pas de décomposition des mouve-
ments en mouvements plus simples. Réflexes tendineux du genou et du
tendon d'Achille diminués. Réflexe plantaire normal des deux côtés. Rien aux
sphincters.
La sensibilité subjective n'attire pas l'attention du petit malade. Quant à
la sensibilité objective, elle ne parait pas altérée; d'ailleurs, son exploration
est difficile à cause de l'âge et de l'état mental du sujet.
Le Wassermann du sang, fait à deux reprises et par deux opérateurs
différents, a été trouvé franchement négatif.
Rien dans les urines.
OBS. V. — Mlle M. P..., âgée de quatre ans, sœur du malade précédent,
née à terme, a marché à trois ans.
Les symptômes décrits chez son frère existent chez elle aussi, mais à des
degrés différents, quelques-uns plus marqués, d'autres plus légers. Rien aux
yeux. Parole très défectueuse, mais rien de caractéristique. L'ataxie des
membres supérieurs est plus intense que chez son frère. L'adiadococinésie est
très marquée. La préhension des objets très difficile, plus défectueuse que
chez Pol. Station debout très incertaine, elle ne pourrait, d'ailleurs, pas se
prolonger pendant deux minutes sans appui. Démarche tabéto-cérébelleuse,
mais moins ataxique que chez son frère.
Réflexes tendineux faibles. Pas de Babinski. Aucune déformation de sque-
lette. Liquide céphalo-rachidien normal. Le Wassermann dans le sang et le
liquide céphalo-rachidien sont négatifs (planche iir, fige 7).

Les cas ci-dessus sont plus ou moins classiques. Cependant, ils


présentent quelques points intéressants que je mentionne rapidement.
D'abord, quant à l'étiologie de la maladie de Friedreich, dans les
trois premières observations on trouve les deux facteurs de dégéné-
rescence, les plus importants : la syphilis héréditaire (pour le cas III) et
l'alcoolisme du grand-père (pour les cas 1 et II). Les cas publiés de
maladie de Friedreich d'origine syphilitique ne sont plus très rares
actuellement. Il n'y a pas longtemps, Urechia et Mihalescu en ont relaté
une observation. Mais il faut remarquer que, dans ces cas, la syphilis
agit comme cause dégénérative, prédisposant à la dystrophie et à la fra-
gilité de la moelle épinière, et non pas comme agent nocif direct.
Le traitement spécifique ne pourrait pas, par conséquent, donner les
résultats que nous obtenons habituellement dans les lésions directement
syphilitiques.
Les réflexes tendineux sont abolis dans la maladie de Friedreich clas-
sique; cependant on en connaît déjà des cas où les réflexes étaient non
seulement conservés, mais même exagérés.
Cette exagération des réflexes chez un malade qui, pour le reste,
réalise le tableau typique de la maladie de Friedreich, constitue une
forme de transition entre le syndrome de l'hérédo-ataxie cérébelleuse de
Pierre-Marie et le syndrome de Friedreich classique. Elle milite en
faveur de la doctrine uniciste de mon regretté maître le professeur Ray-
mond, doctrine qu'il a professée dans ses leçons magistrales du vendredi
et qu'il a exposée dans son œuvre presque posthume Études de patho-
logie nerveuse. D'après cette théorie, qui d'ailleurs est admise aujour-
d'hui par la majorité des neurologistes, l'hérédo-ataxie cérébelleuse de
Pierre-Marie et la maladie de Friedreich ne constituent pas deux entités
morbides distinctes, mais deux types séparés à localisation différentes
du grand groupe des affections cérébello-ataxiques hérédo-familiales, de
la subdivision des affections de l'appareil de l'équilibre et du tonus, où
l'on peut distinguer 5 types divers :
1° Type spinal (maladie de Friedreich);
2° Type cérébelleux (hérédo-ataxie cérébelleuse de Pierre-Marie) ;
3° Type bulbaire;
41 Type bulbo-protubérantiel;
5° Type généralisé.
Il y a environ dix-huit mois, j'ai eu l'occasion de présenter à la
Société impériale de médecine1 une jeune malade atteinte d'une affection
cérébello-ataxique hérédo-familiale, intermédiaire entre la maladie de
Friedreich et l'hérédo-ataxie cérébelleuse de Pierre-Marie. Pour ce qui
est des cas que je viens de résumer, je note que les deux B. (obs. 1 et II)
ont les réflexes abolis; les deux P. diminués (obs. IV et V) et la petite M.
(obs. III) exagérés avec clonus.
D'après certains auteurs, l'âge du début de la maladie aurait une
valeur diagnostique différentielle. Or, dans un travail récent, publié en
collaboration avec le docteur Mezbourian dans le journal latriki
d'Athènes (n° de septembre-octobre 1923), je rapporte l'histoire d'une
troisième famille hérédo-ataxique cérébelleuse. Dans l'observation II
de ce nouveau travail, l'affection a débuté à l'âge de huit ans, à un âge
où à peine commence la maladie de Friedreich; par conséquent, cette
observation s'ajoute à tant d'autres (Sanger-Brown, etc...) pour diminuer
la valeur différentielle qu'aurait l'âge du début de la maladie pour le
diagnostic entre le syndrome Friedreich et le syndrome Pierre-Marie.
Contre la doctrine de deux maladies distinctes milite également la pré-
sence, chez la malade de l'observation III de ce nouveau travail, d'une
forte scoliose (voir planche iv, fig. 8) considérée comme l'apanage de la
maladie de Friedreich. Cette scoliose est intéressante en elle-même par
sa localisation et par son intensité.
Au point de vue de la physiologie pathologique, il n'y a rien d'éton-
nant à ce que les réflexes tendineux présentent aussi toute la gamme des
variétés, étant donné que la maladie de Friedreich est une sclérose com-
binée, les réflexes seront forcément abolis (ou diminués) ou exagérés
selon qu'il y a prédominance des lésions dans les faisceaux postérieurs
ou latéraux.
Mais le travail synthétique du professeur Raymond ne s'arrêtait pas
à ce point de la question qui est simplement un détail du grand pro-
blème des maladies héréditaires et familiales. La cause suprême, en
général insaisissable, qui provoque la prédisposition aux maladies héré-
ditaires, n'intéresse pas nécessairement le même organe, ni le même
système chez tous les malades d'une famille; elle peut frapper de fragi-
lité ou de dystrophie tantôt celui-ci, tantôt un autre parmi les divers
systèmes anatomo-fonctionnelsde l'organisme. En effet, et pas très rare-
ment, on rencontre dans la même famille au cours de plusieurs généra-
tions, plus d'une maladie familiale.

I. in Galette médicale d'Orient, 1922, p. 24I.


Il y a plusieurs années, j'avais présenté à la Société un jeune homme
atteint de myopathie primitive, type intermédiaire entre un Môbius et
un Zimmerlin, dont la grand'mère et l'oncle paternels avaient du ptosis
congénital.
Une tante maternelle des deux petits malades des observations IV et
et V est sourde-muette et un oncle du même côté a l'oreille dure.
D'autre part,les diverses formes hybrides, qui sont assez fréquentes,
les formes atypiques des maladies familiales, dont pas mal de cas sont
connus dans la littérature, servent d'échelons de transition entre les
diverses maladies familiales. Le professeur Raymond admettait et la

plupart des spécialistes avec lui — que le fossé, qui séparait jadis les
affections myopathiques des affections myélopathiques, était comblé par
certains types mixtes et surtout par l'amyotrophie du type Werdnig-
Hoffmann. Il faisait entrevoir que non seulement entre les diverses
maladies familiales du même groupe (pr. exp. entre les diverses myo-
pathies, entre les affections de l'appareil de l'équilibre et du tonus, entre
les diverses paralysies familiales, etc...), mais entre les maladies fami-
liales en général, il y a une parenté étroite, un lien commun, des formes
hybrides de transition. Les cas que j'ai cités dans le travail récent dont
je parle plus haut et qui a paru dans l'Iatriki d'Athènes, en sont un
nouvel exemple. La famille en question présentait une association de
l'hérédo-ataxie cérébelleuse et du daltonisme, c'est-à-dire de deux mala-
dies familiales distinctes, ce qui fait penser que la tare héréditaire, qui
est la cause génératrice de la maladie familiale, n'a pas d'action spéci-
fique pour produire d'une manière élective telle affection familiale plutôt
que telle autre. D'ailleurs, dans la famille P..., on voit que la méïopragie
nerveuse se manifeste chez quelques membres par des manifestations
purement psychiques (ainsi, chez le grand-père du malade de l'obser-
vation III) et chez les autres par une maladie organique du système
nerveux.
L'association du daltonisme et de l'hérédo-ataxie cérébelleuse n'a
pas été signalée jusqu'à présent, que nous sachions. (Le malade de la
3e observation publiée dans le journal athénien ne présente pas cette
complication, car le daltonisme ne suit pas nécessairement les mêmes
règles de transmission héréditaire que l'hérédo-ataxie cérébelleuse.)
Les maladies familiales doivent donc être considérées non comme de
véritables maladies, mais comme « des variétés anormales du dévelop-
pement et de l'évolution de l'appareil nerveux ». Elles se rapprochent
les unes des autres. L'hérédité morbide peut créer, chez un même indi-
vidu ou chez des individus appartenant à une même famille, des types
pathologiques très variés : il est souvent possible, cependant, de retrou-
ver les liens de parenté qui unissent entre elles ces diverses affections.
REVUE DES CONGRÈS

COMPTE RENDU
DE LA
V RÉUNION NEUROLOGIQUE INTERNATIONALE ANNUELLE

Séances du vendredi 3o et du samedi 3i mai /924.


Président M. O. CROUZON.

A) Résumé du Rapport sur la sclérose en plaques,


par le professeur O. VERAGUTH (de Zurich).
Après un bref rappel historique de la question, l'auteur envisage tout
d'abord le diagnostic de la'sclérose en plaques, puis sa pathogénie, il aborde
enfin quelques points relatifs à la physiopathologie et à la thérapeutique de
cette affection.

La fréquence de la sclérose en plaques est variable, cela tient à la


facilité plus ou moins grande avec laquelle les médecins en portent le
diagnostic.
Il ne s'attache pas au diagnostic de la « forme classique » décrite par
Charcot, mais la triade classique est assez rare (10 p. 100 sur une statistique
de i5o cas).
Quant à la forme dite aiguë, seule l'évolution ultérieure permet de dire
si on est en présence d'une sclérose en plaques ou d'une encéphalomyélite
disséminée d'autre nature. Il est absolument impossible de porter le dia-
gnostic après un seul examen clinique.
On pourrait confondre la sclérose en plaques avec l'intoxication par le
manganèse, avec l'hystérie. Mais ce ne sont pas là des difficultés.
Importance des FORMES qui restent longtemps mono- ou oligo-sympto-
matiques. L'auteur attache dans ce cas une grande valeur à l'examen ocu-
laire pâleur atrophique du secteur temporal de la papille, scotomes,
:

diplopies, ophtalmoplégies.
Il semble qu'il n'y ait guère de maladies du système nerveux, que la
sclérose en plaques ne puisse simuler l'épilepsie essentielle, la maladie
de Parkinson, l'hémiplégie banale, les états lacunaires, l'aplasie axiale
extracorticale ou la maladie de Pelizaïs-Meisbacher, la pseudosclérose pro-
gressive de Wilson, les tumeurs cérébrales ou cérébelleuses, les atrophies
cérébelleuses, l'hérédoataxie et la maladie de Friedreich.
Enfin il existe des formes spinales de la sclérose en plaques qu'on
pourrait confondre avec la syringomyélie, une tumeur du cône terminal ou
de la queue de cheval, certaines myélites syphilitiques (d'autant plus qu'un
sujet peut avoir eu antérieurement la syphilis et être atteint de sclérose en
plaques).
L'auteur rappelle que, jadis, on a rangé certainement dans la paralysie-
spinale spastique des cas qui étaient soit de la syphilis médullaire, soit
:

des tumeurs médullaires, soit des cas de sclérose en plaques.


« En résumé, si nous faisons abstraction de la forme classique
de Charcot,.
nous voyons la sclérose en plaques dans ses variétés si nombreuses simuler
les maladies les plus diverses, et conduire ainsi à de nombreuses erreurs
de diagnostic. Il existe cependant quelques critères relativement sûrs, qui
sont la multiplicité des foyers symptomatologiques, l'évolution par-
:

poussées coupées de rémissions,l'absence de réflexes abdominaux, la dysmé-


trie et l'atrophie du nerf optique... Ils (ces symptômes) s'associent de façon
très variable et peuvent manquer parfois. Aussi reste-t-il de nombreux cas-
encore pour lesquels nous ne pouvons que regretter l'absence de signe
spécifique permettant de dépister la sclérose en plaques au début. »

La pathogénie reste obscure. Certains auteurs considèrent la gliose-


endogène comme le phénomène primitif d'autres voient dans la gliose
:

un phénomène inflammatoire. Pour certains le fait primitif est la d-émyéli-


nisation. Les altérations vasculaires sont les premières en date p'our
certains. En réalité, la fréquence de la sclérose en plaques plaide en faveur
de son origine infectieuse, quoiqu'on ne connaisse pas de façon certaine
de transmission de la maladie d'un individu à l'autre. Peut-être d'ailleurs
cette transmission se fait-elle par un hôte intermédiaire 2 L'auteur n'a.
jamais pu mettre en évidence de spirillose.

Le problème de la physiopathologie de la sclérose en plaques est


dominé par l'absence de rapport entre les signes cliniques et les lésions
anatomiques. Certaines parties encore intactes du parenchyme nerveux
doivent suffire à conserver la fonction.
Quant aux poussées évolutives, le caractère passager, transitoire de cer-
tains troubles, les périodes de rémission, il est difficile de les expliquer
par des arguments topographiques. L'auteur rappelle la théorie de von
Monakow de la « diaschisis », d'après laquelle les neurones lésés exerceraient
à distance une action plus ou moins passagère sur des neurones éloignés et
anatomiquement intacts, présentant avec les neurones lésés des unités
fonctionnelles.
+
La thérapeutique est insuffisante et inefficace, que ce soit le calomel, la
ffbrolysine, le salvarsan ou néosalvarsan.
L'auteur ne croit pas à l'influence fâcheuse de la grossesse sur l'évolution
de la sclérose en plaques. Il rappelle que ces sujets supportent fort mal
les interventions chirurgicales, et même les ponctions lombaires.
Il espère qu'on arrivera un jour à trouver la cause de cette maladie, et
son remède, mais il faut avouer qu'aujourd'hui nous sommes encore « hon-
teux de l'insuffisance de nos moyens thérapeutiques ».
B) Résumé du Rapport sur la sclérose en plaques,
par GEORGES GUILLAIN.
L'auteur n'insiste que sur les faits insuffisamment décrits jusqu'alors, et
sur les problèmes nouveaux de diagnostic et de pathogénie qui se sont
posés durant ces dernières années.
ÉTUDE CLINIQUE.
Début. — Souvent très difficile à préciser ; il est souvent marqué par la
fatigabilité anormale dans la marche, véritable claudication intermittente
médullaire ; légère incoordination ; engourdissements,fourmillements des
extrémités, amaurose ou diplopie subites et transitoires, ataxie discrète
des membres supérieurs. Les débuts brusques sont plus apparents que
réels.
ANALYSE DES SYMPTOMES.
Les troubles moteurs. — Se traduisent par des phénomènes de déficit
moteur, par des modifications du tonus, par des perturbations de la coor-
dination. Très souvent, en effet, la force n'est pas touchée, le malade est
hypertonique. Plus tard on peut observer tous les degrés de la paraplégie
spasmodique. La contracture intense est peu fréquente.
L'auteur insiste sur la rareté du grand tremblement intentionnel, mais
sur la fréquence au contraire d'un tremblement léger et discret.
L'adiadococinésie est plus fréquente que la dysmétrie et l'asynergie.
La parole scandée est relativement peu fréquente.
LES TROUBLES DES RÉFLEXES.
Les réflexes tendineux et périostés sont presque toujours exagérés très tôt.
Très souvent aussi, ces réflexes sont diffusés. L'auteur a décrit avec Th. Ala-
jouanine le réflexe médio-pubien ; dans 5o p. 100 des cas de sclérose en
plaques la réponse supérieure, abdominale, de ce réflexe persistait, tandis
que les réflexes cutanés abdominaux avaient disparu.
Réflexe cutané Plantaire. — Presque toujours le signe de Babinski est
positif.
Réflexes cutanés abdominaux sont en général abolis. '
Réflexes d'automatisme médullaires existent parfois, mais en général moins
forts que dans les compressions médullaires.
Réflexes du voile du palais.
— Marquézy a constaté dix-neuf fois sur
vingt-quatre malades examinés l'abolition des réflexes du voile du palais.
TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ.
L'auteur insiste sur l'importance, au début, des paresthésies, des engour-
dissements, des fourmillements. Il croit les gros troubles sensitifs rares,
mais il insiste sur l'abolition fréquente de la sensibilité osseuse vibratoire
au niveau des membres inférieurs.
L'astéréognosie ne lui a pas paru fréquente.
TROUBLES URINAIRES ET GÉNITAUX.
Peuvent se voir.
LES TROUBLES OCULAIRES sont très importants.
Diplopie transitoire, amblyopie transitoire, nystagmus sont fréquents. Par
contre, les paralysies associées ont paru exceptionnelles à Lagrange et Mar-
quézy.
Très souvent, la pupille tient mal la contraction lumineuse. Lagrange et
Marquézy ont trouvé l'atrophie papillaire sous une forme segmentaire, par-
tielle, c'est l'altération la plus constante de la papille dans la sclérose en
plaques.
Quelquefois également, sans altération du fond de l'œil, on voit survenir
une baisse progressive de l'acuité visuelle pouvant aller jusqu'à l'amaurose.
Chez certains on peut mettre en évidence un scotome central pour les
couleurs, ou un rétrécissement périphérique du champ visuel pour le blanc
et les couleurs.
TROUBLES DE L'APPAREIL COCHLÉAIRE ET VESTIBULAIRE.
Truffert, qui a examiné les maladies de la Salpêtrière, a toujours trouvé
le cochléaire intact.
Le vertige est un signe précoce, reparaissant à chaque poussée évolutive,
il ne s'accompagne ni de bourdonnement, ni de sifflement d'oreilles, ni de
nausées, ni de vomissements. Chez la plupart des malades, le nystagmus spon-
tané existe sans vertiges.
Marquézy a retrouvé le nystagmus dans 70 p. 100 des cas.
Des constatations de Marquézy il résulte que l'atteinte du système vesti-
bulaire est fréquente dans la sclérose en plaques. Pour M. Barré, les troubles
labyrinthiques constituent même la dominante de la sclérose en plaques.
Toutefois, étant donné la diffusion des lésions de la sclérose en plaques
dans la calotte pédonculo-protubérantielle et bulbaire et sur les conducteurs
cérébelleux, il est difficile de faire abstraction de ces lésions pour interpréter,
dans une certaine mesure, la physiologie pathologique des symptômes de la
sclérose en plaques.
Troubles mentaux. — D'après M. G. Guillain, ils restent au second plan.
« Le développement de plaques de sclérose dans le cerveau n'amène le déve-
loppement d'aucune des psychoses connues. »
Les troubles sympathiques semblent peu importants.
ÉTUDE SUR LE LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN. VALEUR DES RÉACTIONS
COL-
LOIDALES.
L'hypertension reste en général, discrète.
La lymphocytose paraît en général manquer. D'ordinaire, il n'y a pas
d'augmentation de l'albumine ni des globulines. La réaction de Wassermann
est toujours négative. Quant à la réaction du benjoin colloïdal, elle est très
souvent positive ou subpositive (00100 ou 01200, ou 01100). On note en plus
la fréquence de propagation de la courbe de précipitation vers la droite. La
précipitation dans les tubes IX et x prend une réelle valeur quand la réac-
tion est négative dans les cinq premiers tubes.
FORMES CLINIQUES.
L'auteur distingue :

1°Une forme commune, avec dysmétrie légère, signes pyramidaux,


quelques secousses nystagmiformes, sans parole scandée, sans tremblement
intentionnel.
2° Une forme classique, décrite par Charcot, beaucoup plus rare, à peine
10 à 12 p. 100 des cas.
3° Une forme à début oculaire, fréquente, marquée par une névrite rétro-
bulbaire qui ne fait pas sa preuve et qu'on pourrait avoir tendance à mettre
sur le compte d'une lésion sinusienne, si on ne pratiquait pas un examen
neurologique minutieux et un examen du liquide céphalo-rachidien.
4° Une forme Paraplégique pure qui a toutes les apparences de la para-
plégie spastique d'Erb.
ÉVOLUTION.
L'évolution se fait par poussées successives. Il est intéressant de noter
surtout la mort au milieu d'un syndrome de myélite aiguë (Claude et Ala-
jouanine, Guillain et Marquézy). Enfin à la période terminale, la contrac-
ture en flexion peut s'installer peu à peu.
CONSIDÉRATIONS ANATOMO-PATHOLOGIQUES.
Les plaques de sclérose se divisent en plaques anciennes et plaques
récentes. Dans les plaques récentes, on retrouve tous les processus de la
désintégration nerveuse si bien décrits par Ivan Bertrand.
Mais il existe aussi et surtout des lésions du névraxe en dehors des Plaques
de sclérose, lésions mises en évidence grâce à l'emploi techniques des histo-
logiques fines. En particulier,le cylindraxe prend par endroit l'aspect d'un
fuseau volumineux, distendu par l'œdème, les neuro-fibrilles conservant leur
position centrale, mais se colorant mal. Les altérations de la gaine de myé-
line sont très accentuées. Les vaisseaux présentent des vascularites plasmo-
lymphocytaires et une infiltration périvasculaire par des corps granuleux,
mais cet aspect montre que les vaisseaux ne jouent alors qu'un rôle d'élimi-
nation, il ne faut pas se baser sur cet aspect pour conclure à l'origine
syphilitique de la sclérose en plaques.
ÉTIOLOGIE.
En règle générale, la sclérose en plaques est une maladie de jeunes sujets,
mais on peut citer quelques cas au-dessus de quarante ans et quelques cas
chez des enfants. Il faut hésiter avant de poser un diagnostic de sclérose en
plaques en dehors de l'âge adulte. Après avoir discuté les différents facteurs
invoqués pour expliquer le développement de la sclérose en plaques,
G. Guillain envisage surtout l'origine infectieuse, soutenue par P. Marie dès
1884. L'auteur n'a pas retrouvé dans les antécédents de ses malades de
maladie infectieuse très nette, aussi ne croit-il pas qu'elle soit créée par des
microbes variés de maladies diverses ; il est convaincu qu'il s'agit d'une
maladie infectieuse spécifique, aussi spécifique dans son étiologie que la
rage, l'encéphalite épidémique ou la syphilis. G. Guillain considère que la
sclérose en plaques n'a aucun rapport avec la syphilis, tout en admettant
qu'il puisse y avoir des syphilis diffuses du névraxe réalisant des « plaques
de sclérose syphilitique ».
Il ne croit pas non plus que l'encéphalite épidémique ait pu amener
ultérieurement une sclérose en plaques.
Quant à l'ataxie aiguë, quoique G. Guillain lui-même ait jadis émis l'hy-
pothèse que cette affection pouvait être l'origine d'une sclérose en plaques
tardive, il n'y croit pas.
LE SPIROCHÈTE DE LA SCLÉROSE EN PLAQUES.
L'auteur expose d'abord les observations cliniques et expérimentales
positives (W. E. Bullock, Ph.Kuhn et G. Steiner, A. Simons, G. Marinesco,
Kalheilah, W. E. Gye, Adams, A. Pettit, Stephanopoulo, Sicard, Paraf et
Lermoyez, Schlosmann, Jensen et Schrœder, Jaclow et Rud, etc., etc.).
Puis il rapporte les observations cliniques et expérimentales négatives,
elles sont nombreuses. Lui-même, avec Léchelle, n'a pas pu mettre en évi-
dence de spirochète. Enfin à la clinique de la Salpêtrière, les recherches du
spirochète dans le liquide céphalo-rachidien, ou sur les pièces sont toujours
restées négatives. Marquézy, l'année dernière, a inoculé à des lapins et à un
singe le liquide céphalo-rachidien de neuf malades en poussée évolutive
sans mettre en évidence le spirochète.
Mais les expériences négative n'ont pas la. valeur des expériences posi-
tives et l'on ne peut s'appuyer sur elles pour rejeter les faits positifs. Il
faut persister dans cette voie de recherches biologiques. Il est certain que
dans un temps plus ou moins lointain on trouvera ce virus de la sclérose en
plaques, car il est certain qu'il existe.

Discussion :

Communications. — Présentations de malades, présentations de pièces,


projections.
io L'âge et le début de la sclérose en plaques. — M. Souques confirme que
le début se fait en général entre vingt à trente ans. Dans 73 p. 100 des cas il
est lent, insidieux, treize fois par des troubles des membres supérieurs,
trente-huit fois par des troubles des membres inférieurs, deux fois par des
troubles urinaires, deux fois par de l'hémiparésie, deux fois par une névral-
gie faciale, deux fois par des troubles de la parole, deux fois par des vomis-
sements, douze fois par des vertiges. Le début est brusque dans 17 p. 100
des cas, et souvent par des troubles oculaires ; certains cas sont si brusques
que le malade leur assigne une date et une heure précises. Enfin, dans cinq
cas M. Souques a noté, dans les jours qui ont- précédé l'installation de la
maladie, une infection, parfois une grossesse, un accouchement.
20 Les troubles de la sensibilité paraissent avoir pour certains une impor-
tance assez considérable. Le professeur Jean Piltz (de Cracovie) insiste sur
l'importance des troubles sensitifs initiaux, paresthésies, engourdissements,
fourmillements, mais aussi sur les troubles sensitifs objectifs qui, à cause
de la dissémination des lésions, peuvent revêtir le type cérébral, médullaire
ou queue de cheval. On peut observer le type névritique et le type syringo-
myélique. L'hypoesthésie et l'anesthésieprédominent en général aux orteils,
aux pieds, à la moitié inférieure des jambes. Ces troubles demandent à
être recherchés, ils peuvent être passagers.
André-Thomas a vu des malades comme ceux de Piltz. Les troubles sen-
sitifs sont variables, polymorphes, portent plus souvent sur la sensibilité
articulaire.
M. Roger signale la fréquence des crampes, et il a vu deux malades peu
touchés dans leur motricité surtout gênés par l'ostériognosie.
M. ]arkoïusky estime qu'il peut exister des troubles sensitifs, mais que
d'ordinaire ils restent discrets, il ne veut pas leur attribuer une importance
trop considérable.
M. I.-A. Barré estime qu'une fois sur cinq ou six cas, des douleurs
existent au début de la sclérose en plaques ; elles sont localisées aux membres
inférieurs en général, ce sont, ou des douleurs à type fulgurant, ou des
sensations de constriction pénible ou des tiraillements. Dans un cas à
marche aiguë suivie d'autopsie, les cordons latéraux étaient très fortement
lésés, tandis que les nerfs paraissaient intacts. Peut-être les douleurs de la
sclérose en plaques sont-elles des douleurs cordonales.
Lestroubles mentaux. — M. André-Thomas rappelle le caractère niais, la
puérilité fréquente chez ses malades, il n'a pas lui-même observé de troubles
mentaux graves, mais il se demande si les aliénistes ne voient pas dans les
asiles des formes de sclérose en plaques avec gros troubles mentaux.
M. Claude n'a jamais vu de sclérose en plaques placées à Sainte-Anne
pour troubles mentaux. Dans la pratique, on voit des malades qu'on suit
depuis longtemps, modifier leur humeur, devenir euphoriques, indifférents,
instables, présenter quelques troubles du jugement, maistoutceci n'est pas
grave. Leur niveau intellectuel est un peu abaissé. En somme, il s'agit de
troubles peu marqués, sans caractère spécial, et d'ordinaire le diagnostic
avec la paralysie générale ne se pose pas.
M. Lhennitte. L'attention de ces malades se fatigue vite. Ils présentent
surtout des troubles du caractère, et parfois un état mental rappelant le syn-
drome de Korsakoff.Ils présentent aussi des troubles certainement en rapport
avec leurs lésions organiques des pleurs et du rire spasmodique, déclenché
à l'occasion d'émotions qui ne sont ni tristes, ni joyeuses. Cela tient sans
doute à des lésions du corps calleux, du corps strié et de l'écorce.
M. A. Souques présente une malade qui rit perpétuellement, même à l'oc-
casion de choses tristes (mort de son frère), cependant elle n'a aucun trou-
ble de la raison, elle a même peur qu'on ne la prenne pour une folle.
M. Dide pense qu'il existe parfois des troubles mentaux.
M. Targowla cite une sclérose en plaques dont les troubles mentaux rap-
pelaient ceux d'une paralysie générale.
4° L'abolition des réflexes cutanés abdominaux, pour Monrad-Krohn (Nor-
vège) est peut-être moins fréquente qu'on ne le dit. Mais l'inégalité de
réponse d'un côté à l'autre de l'abdomen, la persistance des réflexes d'un
côté, leur abolition de l'autre, sont fréquemment observées.
Souques les trouve abolis dans 85 p. ioo des cas.
5° Les troubles vestibulaires dans la sclérose en plaques. — /. A. Barré et
Reys, qui ont repris l'étude clinique et instrumentale de ces troubles sur
cinquante malades, les ont trouvés dans 96 p. 100 des cas.
Les vertiges vrais existaient dans 56 p. 100 des cas, très souvent comme
manifestation initiale. La titubation, sans élément cérébelleux, mais avec
troubles vestibulaires objectifs, fut notée dans 76 p. 100 des cas. La diplopie
dans 22 p. 100, le nystagmus dans 80 p. 100 des cas. Les auteurs insistent
sur la fréquence et sur la valeur du nystagmus de convergence méconnu
ou nié par les classiques.
Epreuves instrumentales E. calorique, seuils normaux dans 60 p. 100
des cas, hyperexcitabilité onze fois, hypoexcitabilité neuf fois. E. voltaï-
que pour le nystagmus et la déviation de la tête, seuils normaux dans
5o p. 100 des cas, abaissement dans 25 p. 100 et anormalement élevés dans
25 p. ioo. E. rotatoire peu utile.
Ces troubles, plus finement constatés par la clinique que par les épreu-
ves instrumentales, pourtant très utiles, établissent l'importance considé-
rable des lésions de l'appareil vestibulaire dans la sclérose en plaques. Ils
sont beaucoup plus fréquents que les troubles cérébelleux. Associé à quel-
ques troubles pyramidaux, ils suffisent à constituer le type clinique de la
sclérose en plaques banale.
6° Les troubles oculaires. — Lagrange expose les faits qu'il a constatés à
la Salpêtrière dans le service de M. G. Guillain sur un grand nombre de
malades : le nystagmus, rencontré dans 60 p. 100 des cas garde toute sa
valeur clinique. Jamais, sur cinquante-cinq cas, il n'a trouvé le signe d'Argyll
Robertson, le myosis est un signe sans valeur. Par contre l'hippus se rencon-
tre dans 33 p. 100 des cas. Quant aux paralysies, dans 17 p. 100 des cas, il a
rencontré des diplopies fugaces, difficiles à mettre en évidence, et dans
3 p. 100 des paralysies isolées, mais jamais il n'a eu l'occasion d'observer
de paralysies associées véritables.
Dans 5o p. 100 des cas on trouve des troubles sensoriels, un scotome
central pour le blanc ou les couleurs, ou un rétrécissement concentrique du
champ visuel pour les couleurs. Très souvent la papille est blanche dans
son segment temporal, ou dans des parcelles du segment temporal.
Le diagnostic qui se pose souvent est celui des névrites rétro-bulbaires
aiguës, qu'on aurait peut-être trop tendance à mettre sur le compt'e d'une
infection latente des sinus, et qui relèvent souvent de la sclérose en
plaques.
Pour Welter, il existe de véritables formes cliniques oculaires. Il con-
firme la rareté des paralysies oculo-motrices isolées, mais, selon lui, les
paralysies des mouvements associés des yeux sont très fréquentes. Il ne
s'agit d'ailleurs pas de paralysies complètes du regard, mais plutôt de fati-
gabilité rapide des mouvements oculaires, qui coexistent souvent avec les
secousses nystagmiformes. Le nystagmus est un trouble tonique des mou-
vements de latéralité qui n'a rien de commun avec les secousses inégales,
irrégulières, s'accentuant au bout de quelque temps, et qui portent surtout
sur le moteur oculaire externe.
L'hippus lui semble banal, non pathologique, fréquent chez les névro-
pathes et les fatigués.
Quant aux altérations du nerf optique, dans la majorité des vérifications
anatomiques, c'est dans la partie antérieure que siégeaient les plaques de
sclérose.
En présence de lésions oculaires de ce genre, songer à la sclérose en
plaques, bien étudier ses malades, s'ils présentent un autre symptôme de
sclérose en plaques, le diagnostic s'impose. Dans quelques cas, la névrite
optique existe seule, quel diagnostic poser? Dans certaines névrites rétro-
bulbaires aiguës fébriles, l'origine sinusienne est probable.
¡.-A. Barré est d'accord avec M. Guillain sur la plupart des points, mai?,
avec Parinaud et Uthoff, il considère les troubles des mouvements associés
des yeux comme fréquents dans la sclérose en plaques.
Ils peuvent être légers, porter sur la convergence, sujjes mouvements de
latéralité ou sur les mouvements verticaux, être isolés ou associés entre eux
et à des parésies variées des nerfs oculaires, mais ils étaient présents chez
une dizaine d'un premier groupe de quarante malades spécialement étudiés
à ce point de vue par le professeur Duverger et lui-même. Ils sont donc loin
d'être exceptionnels.
Ils peuvent être transitoires et durer seulement quelques semaines pour
reparaître dans la suite. Leur variabilité d'un jour à l'autre porte à penser
que l'élément spasme ou la contracture réflexe doit jouer un rôle important
dans leur pathogénie.
Sept malades seulement dans la série de quarante ne présentaient aucun
des troubles oculaires ordinaires (pâleur papillaire, scotome central, troubles
des mouvements associés, etc.).
Bollack insiste sur la névrite rétro-bulbaire, signe précoce. Il présente
une malade qui eut, il y a trois ans, une névrite optique aiguë. Baisse subite
de la vision, douleurs périorbitaires. Scotome central névrite optique avec
:

papillite. Pas de syphilis, rien au sinus. Une amélioration progressive se


produisit en deux mois, le scotome disparut, la vision revint, le fond d'œil
redevint normal, sauf une légère décoloration de la papille. L'année sui-
vante, la décoloration de la papille était totale, et la vision normale. Ce n'est
qu'au bout de trois ans que les réflexes se sont exagérés, que les réflexes
abdominaux se sont abolis. On n'a pas pu faire de ponction lombaire.
L'auteur insiste sur le fait que la névrite est plutôt maculaire, que les
troubles d'allure aiguë peuvent régresser spontanément, être fugaces ; que la
décoloration de la papille peut concorder avec une conservation parfaite de
la vision.
7° Le liquide céphalo-rachidien. — Dans les cas que MM. J.-A. Barré et
Reys (de Strasbourg) ont observés, la pression du liquide céphalo-rachidien
a été très souvent au-dessus de ce qui est considéré comme normal par
M. Claude (dans trente-six cas, la pression dépassait 3o centimètres en posi-
tion verticale) et par eux-mêmes (dans neuf cas, elle excédait 5o centimètres).
Il y a là un fait nouveau qui appelle d'autres recherches. Dans tous les cas,
les autres éléments du syndrome d'hypertension faisaient défaut.
H. Claude croit que les chiffres normaux de pression du liquide céphalo-
rachidien sont ceux qu'il a indiqués, mais il insiste sur la nécessité de faire
la ponction lombaire, le malade étant couché, la pression normale est aux
environs de 12. Dans la position assise, le chiffre normal entre 20 et 3o peut,
en effet, passer à 35 ou 40.
Froment (Lyon) est de l'avis de Claude, il fait toujours des ponctions
lombaires en position horizontale et n'a jamais trouvé de pression élevée.
MM. /.-A. Barré et L. Reys (de Strasbourg), se basant sur une série de
soixante-dix cas, arrivent aux conclusions suivantes le liquide céphalo-
rachidien était modifié dans 60 p. ioo des cas; il y avait hyperalbuminose,
variant de o,3o à 0,80 dans 31 p. 100 des cas; hyperlymphocytoseallant de 4
à i5 éléments dans 42 p. 100 des cas. La réaction de Bordet-Wassermann fut
positive chez trois de ces malades qui étaient en même temps syphilitiques.
La réaction du benjoin colloïdal de Guillain était souvent positive quand
le Bordet-Wassermann était négatif; cette discordance entre les deux réac-
tions paraît fréquente dans la sclérose en plaques et peut constituer un signe
utile, mais les auteurs l'ont trouvée aussi dans quelques cas de tumeur du
cerveau où le liquide céphalo-rachidien contenait de 0,40 à 0,60 d'albumine.
Souques et de Massary présentent une étude du liquide céphalo-rachidien
dans trente cas de sclérose en plaques.
La pression du liquide était parfois augmentée, mais n'a pas dépassé 60
(assis).
Dans la majorité des cas, la lymphocytose manquait ou était légère; dans
cinq cas, elle fut notable au-dessus de 25 éléments par millimètre cube, mais,
dans ce cas, il ne s'agissait pas d'une première ponction.
L'albuminose, dans la majorité des cas, reste autour de o gr. 25. Le sucre
oscille entre 0,57 à 0,95.
La réaction de Pandy, la réaction de Bordet-Wassermann ont toujours été
négatives.
Quant à la réaction du benjoin colloïdal, elle a toujours été trouvée posi-
tive ou subpositive. Les auteurs insistent sur la nécessité d'employer la
méthode à seize tubes.
Froment a toujours trouvé le Wassermann négatif et la réaction du ben-
join colloïdal nettement positive.
W immer trouve, en général, la lymphocytose normale, très rarement
autour de 8 ou I3 et, dans ces cas, il s'agissait de formes douloureuses.
Laplane et Haguenau présentent également une statistique de résultats de
ponctions lombaires dans la sclérose en plaques avec Wassermann négatif et
réaction au benjoin positive.
Mestrezat a pratiqué l'examen chimique du liquide céphalo-rachidien de
sclérose en plaques. Il a dosé l'albumine, les chlorures, le sucre et si, en
général, il y a hyperglychorachie, il signale que, dans un cas, il trouva de
l'hypoglychorachie, ce qui ne se voit que dans les cas où il y a du sang, ou
une lymphocytose abondante dans le liquide — ce qui n'était pas le cas
on ne pourrait alors expliquer cette hypoglychorachie que par la présence
d'un microbe ou d'une infestation. L'auteur insiste sur la nécessité de ne
pratiquer d'expériences sur les animaux qu'avec des liquides normaux chi-
miquement.
Plusieurs auteurs, et parmi eux Cornil et Étienne, signalent l'influence
fâcheuse de la ponction lombaire sur l'évolution de la sclérose en plaques.
8° Le diagnostic. — Diagnostic de la sclérose en plaques et des tumeurs
de l'angle pontocérébelleux, par J.-A. Bàrré. Dans certains cas de sclérose en
plaques à formebulbo-protubérantielleet à prédominance unilatérale, l erreur
avec une tumeur de l'angle ponto-cérébelleuxpeut être faite, et Barany avoue
l'avoir commise autrefois.
En l'absence du syndrome d'hypertension cranienne, qui peut manquer
quelquefois dans la tumeur de l'acoustique, l'atteinte unilatérale du
cochléaire est ordinaire dans celle-ci, assez rare dans la sclérose en plaques;
de plus, il existe dans la tumeur de l'acoustique une altération spéciale des
réactions vestibulaires que les Américains ont mise en évidence et que l'au-
teur a retrouvée plusieurs fois.
Diagnostic de la sclérose en Plaques avec les compressions médullaires
Long (de Genève) en rapporte un cas. On avait beaucoup discuté le diagnostic
de sclérose en plaques, qu'on avait rejeté à cause de la faiblesse des réflexes
radiaux et cubito-pronateurs contrastant avec la vivacité des réflexes
olécraniens. La malade était paraplégique, avait des douleurs dans les
membres inférieurs, son affection évoluait sans rémission. Or il s'agissait
d'une sclérose en plaques.
Pour Claude, au début, contre le diagnostic de compression, on peut
invoquer la fatigabilité, l'ataxie discrète, l'hypertonie, la discrétion des
troubles sensitifs, la variabilité des réflexes.
Clovis Vincent discute les éléments de ce diagnostic et fait remarquer
que, dans la majorité des cas, quand un malade paraplégique présente des
troubles nets de la sensibilité thermique, il n'est pas atteint de sclérose en
plaques.
L. Girot et Ivan Bertrand, par contre, rapportent l'histoire clinique, l'ob-
servation anatomique et la photographie de coupes médullaires, d'une sclé-
rose en plaques, ayant d'abord simulé une paraplégie d'Erb, puis une tumeur
intramédullaire à cause de gros troubles sensitifs portant surtout sur le
chaud et le froid. A l'autopsie, aux lésions habituelles de sclérose en
plaques s'ajoutait une dilatation syringomyélique de la moelle lombaire.
Diagnostic avec les paraplégies spasmodiques syphilitiques, forme paraplé-
gique pure de la sclérose en plaques, par I.-A. Barré.
— L'auteur pense,
comme M. Guillain, que la paraplégie spastique est souvent due à la sclé-
rose en plaques, mais, dans les cas qu'il a eu l'occasion d'étudier com-
plètement, il a toujours trouvé un syndrome labyrinthique associé aux
troubles paraplégiques et dont les sujets ne se plaignaient nullement. Assez
fréquemment aussi, il existe quelques menus troubles sensitivo-moteurs
aux membres supérieurs qui demandent à être recherchés.
L'auteur a publié, en février 1924, à Strasbourg, un travail sur les troubles
pyramidaux à prédominance crurale dans certaines lésions protubérantielles
ou bulbaires; il pense que certains cas de sclérose en plaques à forme para-
plégique peuvent être dus à des lésions bulbaires.
A.-Thomas est également d'avis que certaines formes rappellent la para-
plégie d'Erb, d'autres finissent même par prendre l'attitude de paraplégie en
flexion.
Dans quelques cas même, une certaine douleur du rachis a pu faire pen-
ser à un mal de Pott.
Cornil et Bonnet ont vu des formes à début urinaire.
André-Thomas signale des formes à début cérébelleux, il présente un film
de cérébelleux typique qui a évolué et a fini par devenir une sclérose
en
plaques.
90 L 'étiologie. propos de l'étiologie de la sclérose en plaques, par
A
J.-A. Barré. Parmi les causes qui peuvent favoriser le développement
des accidents d'origine infectieuse de la sclérose en plaques, l'auteur a noté,
en dépouillant soixante-douze observations, des accidents immédiats ou
éloignés, infectieux ou non infectieux.
Accidents immédiats Typhoïde (trois cas), grippe (?) huit cas, pneumonie
:

un cas, accouchement deux cas, traumatisme un cas, émotion forte cinq cas.
Accidents éloignés anémie (?) un cas, intoxication par le gaz un cas,
alcoolique un cas, traumatisme deux cas, diverses maladies infectieuses
chroniques six cas.
Dans quarante des soixante-douze cas, il n'a été noté aucun antécédent
pathologique. Des exemples en quelque sorte expérimentaux établissent le
rôle du froid et des émotions sur certaines pousséesévolutives de la sclérose
en plaques et comportent des déductions pratiques.
Schrœder (de Copenhague) rappelle ses recherches, a mis en évidence
des spirochètes, mais ne peut donner une preuve absolue de leur spécificité.
Wimmer discute les rapports de la sclérose en plaques avec l'encéphalite
léthargique.
André-Thomas n'a jamais vu de cas nettement en rapport avec une
maladie infectieuse.
Quant à la syphilis, il discute ses rapports avec la sclérose en plaques et
conclut que la majorité des arguments actuels sont contre l'origine syphili.
tique de la sclérose en plaques, mais que ce n'est pas scientifiquement
établi.
H. Claude rappelle la notion de l'infection. Il a vu des cas en relation
avec une angine, une infection purpérale, mais il ne peut dire s'il s'agit de
la cause ou simplement d'une infection favorisante. Il hésite à propos de
l'origine syphilitique de la sclérose en plaques.
Poussep cite le cas d'une malade atteinte de crises gastriques qui avait
une sclérose en plaques.
10° La contagion. — A. Léri cite l'histoire d'une famille ayant présenté
trois cas de sclérose en plaques. Pour l'auteur, il ne s'agissait pas de forme
familiale de la maladie, mais plutôt de contagion, car la mère fut atteinte
la dernière, longtemps après ses filles.
11° Le traitement. — Reste indéterminé.
Ch. Foix a essayé le sérum de malades stabilisés, contre les poussées
évolutives, les résultats n'ont rien de spécifique.
Pour J.-A. Barré, les traitements mis en œuvre jusqu'à maintenant ont
une action médiocre et difficile à interpréter. En l'absence de traitement
spécifique, il administre de l'uroformine au début et pendant longtemps ;
l'emploi du cacodylate de soude a peut-être été utile, mais n'a guère modifié
l'état des réflexes tendineux ; les vasodilatateurs (nitrite de soude, pilocar-
pine, etc.) ont paru avoir une certaine action ainsi que les phosphates. Des
essais de protéinothérapie et l'emploi de vaccin polymicrobien ont semblé
plutôt nuisibles.
Les troubles de la vue, qui prennent parfois une allure alarmante, méritent
d'être traités par le curettage des sinus sphénoïdaux ; cette opération
sans danger agit souvent utilement sur ces troubles de la vue qui ne recon-
naissent peut-être pas pour cause une sinusite.
12° L'expérimentation. — G. Guillain et Marquézy rapportent le résultat
des observations qu'ils ont recueillies à la Salpêtrière et à l'institut Pasteur.
Dans aucun cas ils n'ont pu réaliser de passage d'animal à animal, ni mettre
en évidence de spirochètes.
i3° L'anatomie pathologique. — G. Guillain et I. Bertrand présentent une
série de projections, et mettent en évidence l'importance des lésions fines
sous-lésionnelles, décelables par des techniques spéciales, la méthode VI
d'Alzheimer à la fuschine vert-Lumière.
Sézary et Jumentié rapportent l'observation clinique d'une sclérose en
plaques terminée par myélite aiguë de type paralysie ascendante, qui simula
d'abord la syphilis, et ils en présentent les pièces anatomiques.
Long (de Genève) insiste sur la réduction de volume de la moelle dans
certains cas de sclérose en plaques.
Lhermitte fait remarquer que la sclérose en plaques est une encéphalo-
myélite à foyers disséminés. Il insiste sur l'importance des altérations péri-
vasculaires, sur l'altération des nerfs rachidiens et des nerfs craniens,
olfactif, optique, acoustique et vestibulaire, c'est-à-dire des nerfs qui sont
de même structure, et qui sont d'origine cérébrale. Il souligne également
la fréquence des lésions viscérales (cœur, rein, foie).
André-Thomas croit que la dégénération est plutôt cylindraxile que
périaxile. Il a vu des lésions cylindraxiles sans que les vaisseaux soient
touchés encore, d'autres fois il a vu les vaisseaux très atteints. Il croit que
les fibrilles de régénération sont une vue de l'esprit. Quant aux réactions
névrogliques, elles sont très variables d'un cas à l'autre.
L. GIROT.
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)
I. SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE.
— II. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
III. SOCIÉTÉ CLINIQUE DE MÉDECINE MENTALE.— IV. SOCIÉTÉ-DE
PSYCHIATRIE.
I. — Société de neurologie
SÉANCE DU 5 JUIN 1924
Présidence de M. O. Crouzon
Syndrome des noyaux de la base et des voies extra-pyramidales. Troubles psy-
chomoteurs atypiques, par MM. H. Claude et H. Codet. — Une malade présen-
tant un aspect parkinsonien, prédominant à droite, avec visage figé, hyper-
tonie, a, en outre, de l'écholalie, de l'échopraxie, de la persévération dans les
paroles et dans les actes, ainsi que du rire et du pleurer spasmodiques. On
ne constate pas de signes d'atteinte pyramidale. Pas de syphilis ; il est impos-
sible d'affirmer l'existence d'une encéphalite léthargique. Son aspect, la len-
teur de l'élocution et du mouvement, joints à des réactions affectives un peu
vives, peuvent en imposer pour un état démentiel ; ce dernier, s'il existe, est,
en tout cas, beaucoup moins accentué qu'il ne le paraît. Il est intéressant
de constater combien la symptomatologie des noyaux de la base peut simuler
un déficit des fonctions intellectuelles, alors que leur atteinte est minime et
que, en fait, le mode d'expression de ces fonctions est troublé dans son
mécanisme.
Discussion :
M. Clovis Vincent. — Actuellement, un certain nombre de neurologistes
tendent à admettre que le syndrome parkinsonien est dû à une altération du
corps strié. S'il en est ainsi, il conviendrait de préciser la nature de l'alté-
ration qui détermine ce syndrome, car évidemment, toutes les lésions du
noyau caudé et du noyau lenticulaire ne donnent pas de syndrome parkin-
sonien. M. Vincent a eu l'occasion d'observer récemment un cas de ramol-
lissement, atteignant la plus grande partie de la tête du noyau caudé et le
putamen, qui ne présentait aucun des symptômes qu'on tend habituellement
à rapporter au corps strié aucun mouvement involontaire choréique ou
athétosique, aucune raideur. Les détails de l'observation seront donnés
ultérieurement.
Les réflexes cutanés palmaires. — M. Juster étudie le réflexe cutané hypo-
thénarien, le réflexe palmo-mentonnieret le réflexe cutané palmaire. Le réflexe
cutané hypothénarien consiste dans la flexion et l'adduction du pouce (réflexe
du pouce), l'adduction de l'index et l'extension des deuxième et troisième
phalanges des IIe, Ille, IVe et ve doigts, avec parfois flexion de la main sur
l'avant-bras, de l'avant-bras sur le bras et de retrait du bras, lorsqu'on excite
par un objet mousse ou par le pincement la région hypothénarienne de la
main tenue étendue sur l'avant-bras. Ces phénomènes ne s'observent chez
l'adulte qu'en cas de lésion du faisceau pyramidal. L'auteur analyse les deux
-phases de ce réflexe réponse locale des doigts et réponse à distance (phé-
:

nomène du triple retrait qu'il est possible de produire par la pression du carpe
.au niveau des articulations métacarpo-phalangiennes). Il montre les ana-
logies qui existent entre le réflexe cutané hypothénarien et les phénomènes
produits au membre inférieur par l'excitation cutanée plantaire ou le pince-
ment du dos du pied chez les malades atteints de lésion du faisceau pyra-
midal (réflexe de défense ou d'automatisme médullaire).
Le réflexe palmo-.mentonnier, étudié par Marinesco et Radovici, présente
-un grand intérêt sémiologique et physio-pathologiqueque les recherches de
M. Juster confirment. Il insiste sur l'avantage de l'emploi d'un objet mousse
à la place de l'épingle pour la recherche de ce réflexe et des réflexes cutanés.
Le réflexe cutané classique, qui consisterait dans la flexion des doigts
-après excitation palmaire, ne semble pas, d'après l'auteur, devoir être consi-
déré comme un réflexe.
M. Juster insiste enfin sur la valeur sémiologique du réflexe du pouce,
-du réflexe cutané hypothénarien et du réflexe palmo-mentonnier.

Sur les tumeurs cérébrales. — M. Christiansen (de Copenhague) fait un


rapport sur les tumeurs cérébrales qu'il a observées ces dernières années. Il
insiste sur certains cas où la leucocytose polynucléaire du liquide céphalo-
rachidien était très abondante, et due à une communication avec la cavité
naso-pharyngienne.
M. Poussep présente les pièces de diverses tumeurs cérébrales. Il insiste
sur un signe d'abduction du petit orteil par friction de la plante du pied.
Discussion
A ce propos, M. Babinski demande si ce phénomène ne se rapproche pas
du phénomène de l'abduction des orteils qu'on observe dans les perturba-
tions des voies pyramidales.
Mais pour M. Poussep, ce phénomène est différent, car, seul, le petit orteil
bouge, les autres restant immobiles.
Au sujet de la communication de M. Poussep, sur le diagnostic entre cer-
taines formes d'encéphalite épidémique et certaines tumeurs du cerveau,
M. Clovis Vincent est d'avis que certaines tumeurs du cerveau peuvent donner
l'impression, à une période voisine de leur début, d'une encéphalite épidé-
mique, parce que, outre la céphalée dont se plaint le malade, elles se mani-
festent par de la raideur à type parkinsonien, des myoclonies. L'erreur sera
évitée par un examen systématique du fond de l'œil il n'y a pas de stase
papillaire dans l'encéphalite épidémique; elle sera possible pendant long-
temps quand la stase manque. Notre regretté collègue Bouttier a posé le
premier la question devant la Société de neurologie, au mois de juin 1923.
Sur le diagnostic des compressions de la moelle. Pseudo-paraplégie par rai-
deur et douleur avec exagération des réflexes de défense et arrêt du lipiodol, par
MM. Clovis Vincent et Jean Darquier. — Il s'agit d'une malade qui présente
depuis un an des troubles de la marche d'aspect spasmodique; les réflexes
rotuliens et achilléens sont vifs ; le réflexe cutané plantaire se fait en exten-
sion des deux côtés ; pas de troubles sensitifs ; pas de troubles sphinctériens.
La malade ne présente aucun stigmate clinique ou humoral de syphilis. Rien
n'autorise à la considérer comme atteinte de sclérose en plaques. Ces phéno-
mènes sont vraisemblablement sous la dépendance d'une compression de la
moelle.
Une observation précise montre que les troubles de la marche ne sont
pas d'ordre paralytique ils sont liés à la raideur et à la douleur. Il existe
un certain nombre de phénomènes dont l'association est presque caractéris-
tique de certaines néo-formations compressives. Cette malade souffre d'un
double point de côté droit et gauche qu'elle situe au niveau de la deuxième
côte. Elle présente des mouvements involontaires très douloureux des
membres inférieurs et de la paroi abdominale antérieure. Les réflexes de
défense sont extrêmement vifs. La colonne vertébrale présente une raideur
diffuse qui s'étend aux membres inférieurs. Le liquide céphalo-rachidien
montre une augmentation du taux de l'albumine sans réaction cellulaire.
Le lipiodol injecté dans la cavité arachnoïdienne par la méthode de Sicard
reste suspendu au niveau de la VIle vertèbre dorsale.
Les caractères de la raideur, l'absence de lésion osseuse visible sur les
clichés radiographiques, tendent à faire penser qu'il ne s'agit pas d'un mal
de Pott. On serait alors amené à admettre l'existence d'une néo-formation
comprimant la moelle et justiciable de la chirurgie.
Myélopathie cervicale syphilitique à forme amyotrophique, par MM. Monier-
Vinard et Schniette. — Le malade présente depuis deux ans une atrophie
musculaire témoignant d'une lésion bilatérale des cornes antérieures de C3
à C8. Cette lésion n'est pas exactement répartie sur tous les segments médul-
laires, car, tandis que le trapèze, le biceps, le brachial antérieur, les exten-
seurs et fléchisseurs des doigts sont gravement atteints, par contre, les
muscles triceps sont normaux.
Cette poliomyélite,antérieure ne s'accompagne d'aucun autre trouble
objectif dans les autres segments du carps. La syphilis était méconnue du
malade et le diagnostic en fut fait par la réaction de Wassermann positive
dans le sang et le liquide céphalo-rachidien, qui montrait en outre une légère
albuminose avec leucocytose discrète.
Spasme myoclonique rythmique péribuccal. — MM. Foix et Hillemand rap-
portent l'observation d'une malade de soixante et onze ans, atteinte depuis
1919 d'un syndrome parkinsonien sans tremblement, avec signe de Babinski
à droite. Cette malade accusait des douleurs rhumatismales survenues sans
cesse, dans sa jeunesse, sans rapport, semblait-il, avec sa maladie deParkinson.
Mais elle présentait un spasme myoclonique glosso-péribuccal rythmé à 60 à
la minute. On ne trouvait pas de trace d'encéphalite épidémique. Il s'agit
d'une localisation sur un territoire périphérique déterminé, puisque le facial
et l'hypoglosse y participent. Dans le domaine du facial, seule la partie péri-
buccale est intéressée; dans le domaine de l'hypoglosse, le spasme myoclo-
nique ne frappe que les muslces de la langue. Il s'agit de l'atteinte d'un
système fonctionnel et non de l'atteinte d'un groupement nucléaire. Ce fait
est à rapprocher des paralysies associées et du nystagmus du voile associé
souvent à du nystagmus oculo-facial(que les auteurs ont récemment rapporté).
Il s'agit vraisemblablement, soit d'une lésion nucléaire très localisée frap-
pant un centre, soit un faisceau d'association sous-cortical.
Maladie familiale atypique et syphilis héréditaire.
— MM. Georges Guillain,
Th. Alajouanine et R. Huguenin présentent une jeune fille qui, dès l'âge de
trois ans, a ressenti de la gêne à la marche, due partie à une déformation
progressive des pieds, partie à une impotence des membres inférieurs, gêne
qui s'est accrue, il y a quelques années, à l'occasion d'un épisode grippal et
s'est alors accompagnée d'atteinte des membres supérieurs. Actuellement, il
existe des pieds bots en varus équin, ayant nécessité une ténotomie, une
paraplégie spasmodique avec signe de Babinski bilatéral et troubles sphinc-
tériens ; une scoliose dorsale, des signes cérébelleux,surtout nets aux membres
supérieurs et à droite ; enfin, la langue est en voie d'atrophie avec tremble-
ment fibrillaire. D'autres muscles, trapèze, triceps surral, sont atrophiés, en
voie de dégénérescence. Cet ensemble qui, par son début précoce, son allure
générale rappelle une maladie familiale atypique semble, d'après certains
caractères de dissémination topographique, d'après certains caractères évo-
lutifs, eiî"particulier la poussée évolutive récente, enfin surtout d'après cer-
tains stigmates (papille floue avec taches pigmentaires rétiniennes, modifica-
tion de l'albumine et des réactions colloïdales du liquide céphalo-rachidien)
auxquels s'ajoutent la notion de fausse couche dans les antécédents maternels,
permettre de suspecter et de considérer comme probable, à la base de ce syn-
drome rappelant une maladie familiale atypique, la syphilis héréditaire,
d 'où découlent des indications thérapeutiques importantes. Les auteurs font
remarquer que la description des maladies familiales, faite à une époque où
n'était encore pratiquée aucune investigation du liquide céphalo-rachidien,
pourrait peut-être bénéficier au point de vue étiologique et thérapeutique
des données biologiques actuelles.
La radiothérapie pénétrante des tumeurs cérébrales. M. Roussy et
Mlle G. Lévy. —
Leur rapport extrêmement documenté, riche de faits con-
trôlés anatomiquement, n'est pas extrêmement encourageant. M. Roussy
expose surtout des échecs de cette thérapeutique.
A ce propos, M. Bremer (Belgique) nous encourage cependant à continuer
dans cette .voie. Dans des cas moins avancés, peut-être obtiendra-t-on
un
résultat. Il rapporte l'histoire clinique d'un malade dont la tumeur rétro-
a
cédé deux fois après un traitement massif, 16000 R. par séries étalées
sur
dix jours.
L. GIROT.
II. — Société médico-psychologique
SÉANCE DU 3o JUIN 1924

Présidence de M. Truelle
Un paralytique général aiguilleur dans une compagnie de chemin de fer.
M. Pactet présente un malade atteint d'une paralysie générale manifeste
et
qui n'en a pas moins rempli jusqu'à ces temps derniers les délicates fonc-
tions d'aiguilleur dans une compagnie de chemin de fer. C'est presque par
hasard, au cours d 'un voyage à Paris, que ce malade a été trouvé errant
sur
la voie publique et conduit à l'Infirmerie spéciale, puis à Sainte-Anne.
M. Pactet rappelle à ce sujet qu'il a attiré à plusieurs reprises l'attention sur
la question de l'aliénation mentale chez les employés de chemin de fer :
en 1911, dans une note au ministre des Travaux publics, et en 1914, devant la
Société clinique de médecine mentale. Il a pu rassembler de 1902 à 1910 plus
de quarante cas d'aliénation mentale chez des employés de chemin de fer.
Il estime que les compagnies devraient faire procéder à des visites pério-
diques des machinistes au point de vue psychiatrique.
M. Briand rapporte des cas analogues d'aliénation mentale chez des
machinistes et des conducteurs d'automobiles. Il estime qu'il y aurait lieu à
ce sujet de s'entourer de plus de garanties dans la délivrance des permis de
conduire.
M. H. Colin raconte l'histoire d'un malade qui, bien que réformé pour
épilepsie, n'en fut pas moins employé dans une compagnie de chemin de
fer.
M. de Clérambault propose à la Société d'émettre à ce sujet un vœu qui
serait transmis d'une part à la presse médicale, d'autre part aux différents
quotidiens.
M. Trénel estime qu'il y a lieu de réunir les nombreuses observations
recueillies sur ce sujet, afin de prendre une décision. Il signale que ces
mesures de sécurité devraient s'appliquer aussi aux transports maritimes.
M. Dupouy insiste sur les difficultés qui s'offrent au médecin, lorsqu'il est
consulté par un employé de chemin de fer atteint de troubles mentaux. S'il
prévient en effet le médecin de la compagnie, il peut être attaqué pour vio-
lation du secret professionnel. Il y aurait lieu qu'un psychiatre soit choisi
dans le personnel médical des compagnies.
M. Legrain souligne l'importance de l'alcoolisme dans la genèse d'ac-
cidents dans les transports.
M. H. Claude insiste sur la nécessité de rassembler tous les cas de ce
genre, et sur l'utilité de soumettre à un examen médical les conducteurs
ayant déjà provoqué plusieurs accidents.
Sur la proposition de M. Truelle, président, il est décidé de constituer
une commission sous la direction de M. Pactet, chargée de prendre une
décision sur ce sujet.
Documents iconographiques d'un inventeur délirant, par MM. Claude, Roger
Dupouy, D. Santenoise et G. Robin. (Présentation du malade). — Il s'agit
d'un malade, qui, malgré une instabilité marquée et un déséquilibre constitu-
tionnel, a pu remplir des fonctions sociales actives jusqu'à lafin de la guerre.
Après une longue captivité en Allemagne, marquée par douze tentatives
d'évasion, le malade commence, lors de son retour en France, à manifester
des idées d'orgueil, de l'irritabilité, et une instabilité des plus accentuées.
Après de multiples péripéties, il finit par être interné. Ce malade présente
des idées délirantes polymorphes il a un plan de réformes économiques
et politiques qu'il appelle le plan « bleu horizon » ; suppression de l'argent,
organisation du travail permettant le repos complet à partir de vingt-huit
ans, projet de polygamie, restaurant automatique, etc. Cependant, ces
diverses idées sont incohérentes et souvent absurdes. De plus, il existe une
discordance entre lamultiplicité des projets énoncés parle malade et l'absence
complète de la moindre tentative de réalisation pratique. Il semble donc, en
raison de l'existence du caractère relativement démentiel de ce délire, qu'il
y ait lieu de ranger ce cas dans le groupe des démences paranoïdes.
Les auteurs présentent de nombreux documents iconographiques.
Alimentation artificielle par voie nasale sans sonde, par MM. Trénel et
Cuel. — Dans certains cas où l'alimentation par la sonde est très difficile
(hyperesthésie nasale), ou chez certains malades cachectiques ou apoplec-
tiques, on peut utiliser la voie nasale directement. Il suffit de verser goutte
à goutte du lait dans la narine. Ce procédé est lent, mais peut, dans une cer-
taine mesure, permettre de remplacer la sonde.
M. Trénel rappelle à ce sujet qu'il a rapporté à la dernière séance de la
Société de médecine légale un cas de mort subite à la suite de l'introduc-
tion de la sonde.
M. Arnault demande si cette méthode permet d'introduire des quantités
suffisantes de liquide;
M. Mignard souligne l'intérêt de ce procédé.
Psychose tabétique par interprétation de symptômes somatiques dus à un
tabès. — MM. Roubinovitch, E. Minkowski et Ch. Monestier rapportent
l'observation d'un malade de cinquante ans, ayant présenté un tabès carac-
térisé d'abord par de la cécité, puis par des troubles ataxiques de la marche.
Quatorze ans après le début de la maladie apparaissent des troubles men-
taux, caractérisés au début par de l'excitation maniaque avec euphorie,
loquacité, logorrhée, idées de satisfaction, sans aucun signe de déficience
intellectuelle, puis aboutissant plus tard à un délire systématisé dont les
éléments proviennent de l'interprétation des différents troubles somatiques
dus au tabès l'ataxie et l'incoordination sont interprétées comme dues à une
:

action à distance, les souillures du lit, conséquence des troubles sphincté-


riens, sont dus à des pulvérisations de salpêtre, etc... On note en outre des
troubles psycho-sensoriels. Les auteurs insistent sur les différences qui
séparent ce délire du délire classique d'interprétation, notamment sur l'exis-
tence de troubles psycho-sensoriels et sur l'origine uniquement somatique
-des idées délirantes. Ils soulignent en outre la remarquable conservation des
fonctions intellectuelles, ce qui permet d'éliminer complètement l'hypothèse
d'une paralysie générale.
M. Dupouy signale la fréquence relative d'idées délirantes chez les tabé-
tiques amamotiques. C'est surtout l'impuissance génitale qui est à la base
d'un grand nombre d'idées délirantes des tabétiques, notamment des idées
<le persécution et de jalousie.

Un délire d'interprétation. — M. Cénac présente une malade de trente-six


ans atteinte d'un délire d'interprétation très complexe et très riche. Les
troubles cénesthésiques sont interprétés comme des tentatives d'empoison-
nement ; la malade reconnaît en outre dans de nombreux articles de journaux
des allusions désobligeantes à son égard ; toute une série de coïncidences
sert de point de départ à une construction délirante dont la trame est
extrêmement ténue et compliquée; la malade se trouvant parfois obligée de
faire appel à un symbolisme naïf pour justifier ses rapprochements. En
somme, il s'agit d'une malade de tempérament paranoïaque, successivement
jalouse et persécutée.
M. Truelle remarque qu'il existe deux points à signaler chez cette malade :
d'une part l'existence d'un délire d'interprétation classique, d'autre part
l'existence de périodes de revendications processives.
H. BARUK.

III. — Société clinique de médecine mentale


SÉANCE DU LUNDI 16 JUIN 1924

Présidence de M. Toulouse
Désagrégation de la personnalité au cours d'un délire d'influence chez une
dégénérée. — MM. Montassut et Cénac présentent une malade à hérédité
chargée, atteinte depuis plusieurs années d'un délire d'influence. Les hallu-
cinations auditives et visuelles sont discutables, il s'agirait surtout d'auto-
représentations aperceptives. Les troubles sensoriels et psycho-moteurs sont
prédominants, ils commandent le thème délirant qui traduit la désagréga-
tion de la personnalité et les troubles de l'automatisme. Il s'agit ici d'un
délire de possession amoureuse et de protection. Le léger déficit du fond
mental et les réactions affectives paradoxales militent en faveur d'une évo-
lution grave.
Tabès avec idées délirantes de négation. — MM. Cénac et Péron présentent
une malade de quarante-sept ans qui montre, au cours d'un tabès nettement
caractérisé, des idées de négation : elles se sont développées en quelques
semaines au milieu d'un tableau d'agitation anxieuse dramatique. S'agit-il
d'un début de paralysie générale chez une tabétique? On sait la fréquence
de ce syndrome mental à la phase initiale de la paralysie générale. Ne
s'agit-il pas plutôt d'un délire hypocondriaque conditionné par le fond orga-
nique de syphilis nerveuse ? L'absence d'affaiblissementintellectuel, malgré
l'absurdité des idées délirantes, paraît un argument en faveur de cette
deuxième hypothèse.
Syphilis générale. Paràlysie générale ou folie intermittente.
— M. P. Car-
rette montre un malade âgé de quarante-trois ans qui a contracté la syphilis
à dix-huit ans et présenté depuis 1918 cinq accès d'excitation maniaque
évoluant en quelques mois, accompagnées d'euphorie, de délire de richesse
et de grandeur. Au cours des deux premiers accès, des signes somatiques de
paralysie générale pouvaient être mis en évidence; les réactions humorales
étaient positives ; les derniers accès affectaient la forme d'un état confu-
sionnel avec onirisme hallucinatoire. La formule humorale est devenue
négative après les accès, soit spontanément, soit après une médication anti-
syphilitique. Pendant les rémissions, le malade peut reprendre ses occupa-
tions antérieures et actuellement, il ne présente pas d'affaiblissementnotable
des facultés intellectuelles.
Il s'agit, très vraisemblablement, d'une psychose intermittente chez un
syphilitique. En tout cas, on peut supposer que les accidents aigus sont
susceptibles d'être améliorés par un traitement spécifique énergique.
Un cas de tumeur cérébrale avec hémiparésie droite et troubles de l'équi-
libre. (Présentation de pièces, de préparations histologiques et de micropho-
tographies en couleurs), par M. G. Naudascher. — Le diagnostic de tumeur
cérébrale avait été porté au moment de l'entrée du malade dans le service et
la constatation d'une hémiparésie droite avait fait présumer une localisation
dans l'hémisphère gauche.
A l'autopsie, on reconnaît que cette volumineuse tumeur, atteignant la
grosseur d'une petite orange, s'est développée dans le ventricule latéral
droit, elle est nettement limitée par une capsule fibreuse et elle a déprimé
peu à peu la substance cérébrale sans l'envahir. L'hémisphère droit est
déformé et augmenté de volume, le bulbe dévié vers la gauche présente une
atrophie de la moitié gauche.
A l'examen histologique, cette tumeur est un méningoblastomeangioma-
teux caractérisé par une élaboration abondante du tissu collagène et une
vascularisation très importante susceptible d'expliquer certaines particula-
rités de l'évolution de cette tumeur.
L'atrophie complète du noyau prépyramidal gauche que l'on observe à
divers étages du bulbe et jusqu'au niveau de la protubérance est sans doute
en rapport avec les troubles de l'équilibre constatés chez le malade.
H. COLIN.

IV. — Société de psychiatrie


SÉANCE DU 19 JUIN 1924

Présidence de M. Sémelaigne
L'émotion « anxiété » et l'émotion « chagrin ». — M. R. Benon (de Nantes)
rappelle les signes de l'anxiété dont l'élément fondamental est le serrement
épigastrique, dont les degrés sont l'inquiétude, l'anxiété et l'angoisse, et qui
a pour variétés la peur et la frayeur. L'hyperthymie mélancolique simple et
l'hyperthymie mélancolique anxieuse doivent être distinguées de l'hyperthy-
mie anxieuse pure, motivée et primitive, simple ou délirante. Dans ce der-
nier cas, il n'existe jamais de regrets, jamais d'idées de culpabilité, qui sont
la base de la mélancolie vraie.
Le chagrin est déterminé par l'idée d'un mal passé avec, pour élément
affectif essentiel, le serrement épigastrique compliqué d'énervement, c'est
le désespoir ; compliqué d'asthénie, c'est la tristesse. Une jeune malade, non
démente précoce, a présenté successivement un syndrome mélancolique, un
syndrome asthénique, un syndrome délirant de persécution il est probable
:

que.dans ces trois phases psycho-cliniques ont dû être très différentes les
réactions vago-sympathiques et les sécrétions internes.
M. Pierre-Kahn insiste sur l'intérêt de distinguer la mélancolie de
l'anxiété. Dans la cyclothymie vraie, il semble que l'inquiétude fasse défaut
et que la dépression domine tout le tableau clinique. Dans l'anxiété, l'in-
quiétude est le signe d'une origine infectieuse, quels que soient les symp-
tômes qui l'accompagnent. Au début de la fièvre typhoïde et de la fièvre
puerpérale, M. Kahn a toujours observé de l'inquiétude.
M. de Fleury estime que l'inquiétude est l'expression de la constitution
émotive, acquise ou héréditaire. Les anxiétés périodiques sont dues à l'asso-
ciation de la cyclothymie et de l'anxiété constitutionnelle. Il y a rarement
de la dépression pure sans inquiétude.
M. G. Dumas admet que ceux qui réagissent par l'émotion anxieuse sont
évidemment des prédisposés. Dans la mélancolie pure, l'inquiétude peut être
réduite au minimum. Dans les délires, l'inquiétude a souvent pour cause la
désorientation dans l'espace.
M. Arnaud ne pense pas qu'on puisse être un mélancolique vrai sans être
inquiet.
M. Cornélius a observé que certaines intoxications avec troubles des
fonctions hépatiques produisent plus facilement de l'anxiété.
M. Laignel-Lavastine croit également qu'il faille invoquer dans certains
cas 1# spécificité de l'infection comme facteur d'anxiété. Il convient de dis-
tinguer l'hyperémotif qui est surtout un excité du grand sympathique et
l'anxieux vrai, excité de vague. Mais souvent, chez un grand nombre de
mélancoliques, on observe l'hyperexcitabilité des deux systèmes.
M. Pierre Janet fait observer qu'il jy a des phobiques avec palpitations
et excitation du sympathique qui sont cependant des anxieux. Ceci prouve
que le même état psychologique peut être déterminé par des mécanismes
différents. En réalité, les anxiétés sont des réactions, soit au monde exté-
rieur, soit aux états physiologiques. Quand il n'y a pas de réaction, l'indi-
vidu a le sentiment du vide.
M. M. de Fleury estime aussi qu'il est bien difficile de rapprocher les
troubles du sympathique et des systèmes associés des diverses manifestations
émotives.
M. Laignel-Lavastine ne méconnaît pas cette difficulté, mais pense qu'il
faut chercher cependant à la résoudre avec beaucoup de prudence en pous-
sant le plus loin possible l'analyse simultanée des phénomènes biologiques
et des phénomènes psychologiques.
P. HARTENBERG.

ANALYSES

LUGARO. Sur le mécanisme des actions nerveuses. (Rivista di patologia


nervosae mentale, Ier avril 1924.)
Lugaro, après avoir étudié les travaux de physiologie les plus récents, et
en particulier les expériences d'induction de Lœwy, de Dun et de Jendrassik
etc., confirmant la notion aujourd'hui bien établie de l'opposition des fonc-
tions vagotoniques et sympathicotoniques, cherche à pénétrer plus avant dans
l'intimité même de la fonction nerveuse. Il explique l'antagonisme du pneu-
mogastrique et du sympathique parles différences des propriétés des K-ions
et des Ca-ions; l'un monovalent, et l'autre bivalent. Ce serait aussi des consi-
dérations de chimie physique qui permettraient d'expliquer la transmission
de ce qu'on appelait autrefois l'influx nerveux d'un neurone à l'autre; l'extré-
mité axonique ayant toujours une charge positive, là s'accumuleraient les
cathions qui agiraient par polarisation des organes voisins d'où les divers
phénomènes de réaction, les terminaisons protoplasmiques étant toujours
négatives. L. WAHL.
DAVIS. La sensibilité profonde de la face. (Arch. of Neurol. and Psy-
chiatr. Volume IX, n*3, Mars 1923, p. 283-3o5.)
La sensibilité profonde (douleur à la pression) persiste à la face après la
section du trijumeau et l'ablation du ganglion de Gasser, alors que toute sen-
sibilité superficielle cutanée est disparue.
Des fibres apparentes qui transmettent la sensation douloureuse à la pres-
sion existent en effet dans le tronc du nerf facial.
Les cellules d'origine de ces fibres existent dans le ganglion géniculé et
ce sont leurs prolongements internes qui passent dans le nerf intermédiaire.
Le nerf facial est par conséquent un nerf mixte chez l'homme et il con-
tient l'un des éléments de la sensibilité générale viscérale. L. CopNiL.

G. LAFORA. Les myoclonies et les corps amylacés dans les cellules ner-
veuses. Priorité de leur découverte. (Archivos de neurobiologia, IV-I.
Madrid, 1924.)
L'auteur (et ses travaux ont été confirmés depuis) avait décrit naguère à
l'intérieur des cellules nerveuses des sphérules dont les réactions histo-chi-
miques varient de celles des substances amylacées à celles des substances
hyalines et dont l'origine est probablement due à un métabolisme particulier
du protoplasma de ces cellules. On les trouve tantôt dans une région cir-
conscrite du névraxe, tantôt dans l'ensemble du système encéphalo^-rachi-
dien. Il semble que le syndrome myoclonique puisse être fonction de la
présence de ces corpuscules dans les voies strio-rubo-cérébelleuses ou
thalamo-rubo-cérébelleuses,ces corpuscules ne sauraient être un produit
causé par la fatigue due aux contractions myocloniques.
L. WAHL.
W.-G. SPILLER. La stase papillaire dans l'encéphalite épidémique. (Joui-
nal of Amer. Med. Assac., n° 3o juin 1923; p. 1843.)
Il est des cas où le diagnostic d'encéphalite épidémique présente une
singulière difficulté, ce sont ceux où les symptômes rappellent ceux des syn-
dromes d'hypertension intracranienne. Dans deux observations rapportées par
l'auteur, où les malades, âgés respectivement de seize et de dix-sept ans, pré-
sentaient une stase papillaire typique, l'évolution et l'examen clinique attentif
permirent cependant d'éliminer l'origine néoplasique de ce symptôme pour
le rattacher à l'encéphalite épidémique. L. CORNIL.

M. NID A. Contribution à l'étude des phénomènes visuels d'excitation.


(Thèse de Paris, 1924.)
Les phénomènes visuels d'excitation du cortex occipital que l'on observe
à la suite de traumatismes, surtout de blessures de guerre, de lésions ménin-
gées ou de tumeurs occipitales, se traduisent par deux variétés de symptômes
visuels transitoires : des hallucinations visuelles, et des sensations visuelles
anormales.
Ces phénomènes transitoires, dont le principal caractère réside dans le
siège hémiopique, offrent, principalement lorsqu'ils se superposent à des symp-
tômes visuels permanents comme l'hémianopsie homonyme partielle ou
totale, une importance capitale pour la localisation de la lésion intra-cranienne
qui les provoque.
Les hallucinations visuelles hémiopiques sont remarquables par l'unifor-
mité et la précision avec laquelle elles se répètent chez un même malade et ne
s'accompagnent généralement d'aucune idée délirante. Elle semblent persister
les yeux fermés.
Les sensations visuelles anormales, qui se rapprochent de la migraine
ophtalmique par la durée de leurs accès, en diffèrent par l'absence habituelle
d'hémicranie.
L. GIROT.

S. GALANT (Moscou). Le problème des hallucinations et l'algohalluci-


nose. (Archiv. f. Psychiatrie. Vol. LXX, n° 2, 1.924, p. 187.)
L'auteur a publié en 1920 (Hirschwald, édit., Berlin) un livre intitulé
(t l'Algohallucinose ». Il donne dans cet article une défense de sa conception,
qui apporterait selon lui la vraie solution au problème des hallucinations,
problème que, jusqu'ici, tous les psychiatres auraient pris plaisir à
embrouiller.
Les critères d'une hallucination sont, pour Galant, d'une part leur appa-
rition brusque et involontaire, d'autre part leur caractère profondément
afflictif (d'où le titre de son livre). On voit que Galant restreint beaucoup
le domaine de l'hallucination. Quant à leur origine, les hallucinations
seraient le résultat de tendances sexuelles refoulées, elles sont afflictives
parce qu'elles constituent « le pire des paradoxes, un désir qu'on ne désire
point », elles constituent « la réalisation algolagnique d'un désir sexuel ».
Pour la démonstration de cette théorie, l'auteur renvoie à l'ouvrage
précité. Quant au présent article, il est écrit, même dans sa partie historique,
dans une forme polémique un peu inattendue.
P. SCHIFF.

BUSCAINO. Amines toxiques présentes dans la circulation chez les confus.


(Rivista di patologia nervosa e mentale, 31 décembre 1923.)
Nous avons déjà entretenu à plusieurs reprises nos lecteurs de cette réac-
tion noire (réaction de Buscaino) que présentent les urines des déments
précoces en présence d'Az03Ag à chaud et qui est caractéristique des amines
imido-azoliques. Elle existe aussi chez les confus et y procède par périodes
plus ou moins longues selon la gravité dela maladie; elle n'est pas en rela-
tion avec la fièvre et se supprime à la guérison ; les amines se forment vrai-
semblablement dans l'intestin, l'insuffisance hépatique facilite leur forma-
tion. Dans certains, la réaction est noire marron. Cette nouvelle remarque
vient donc à l'appui de l'opinion de Régis et de son école pour qui la démence
précoce ne serait que la forme incurable de la confusion.
L. WAHL.

Le Gérant : G. DELARUE.
TRAVAUX ORIGINAUX

CONSIDÉRATIONS
SUR LE
SYMPTOME DES « RÉPONSES A COTE »

ET SES RAPPORTS AVEC LES COMPLEXES AFFECTIFS


PAR

Henri CLAUDE et Gilbert ROBIN

Le mécanisme psychologique du symptôme des « réponses à côté » (Vor-


beireden des Allemands) n'a jamais été clairement élucidé parce que ce symp-
tôme, loin d'être pathognomonique, se rencontre dans des affections mentales
fort diverses. On sait que le syndrome auquel Ganser a donné son nom ne
relevait aux yeux de son auteur que de l'hystérie et c'est quand l'hystérie,
perdant de son prestige, vit son domaine se restreindre que ce syndrome fut
décrit dans la démence précoce où les manifestations hystériformes ne sont
pas rares, surtout dans la période de début. Cependant il est exceptionnel de
trouver le syndrome de Ganser au complet, c'est-à-dire formé d'état crépus-
culaire, d'amnésie, de stigmates hystériques, de réponses absurdes. Ce dernier
symptôme se rencontre le plus souvent isolé en clinique et c'est ce qui a
lieu dans le cas que nous avons l'intention de produire. Même isolé, il ne
laisse pas d'être embarrassant pour qui veut l'analyser. Nous voudrions mon-
trer qu'une explication univoque de ce symptôme risque d'être erronée parce
que trop systématique et échappant à la variabilité des faits. Il nous a paru
qu'il était, comme bien des auteurs l'ont déclaré, une forme de négativisme,
mais d'un négativisme spécial compliqué d'éléments divers. Nos recherches
ont tendu à établir que lorsque le diagnostic de la psychose à laquelle se
rattache lé symptôme des réponses à côté a été posé, on ne doit pas s'en
tenir à ces résultats et il est utile d'entreprendre d'autres investigations. Car-
la psychose révélée par le symptôme de Ganser ne paraît être le plus souvent
qu'un élément d'un état plus profond qui peut être éclairé par l'analyse psy-
chologique. Le symptôme de Ganser donne souvent à juste raison l'impres-
sion de révéler une certaine dissociation intellectuelle, mais cette dernière
n'est que l'expression d'un trouble affectif, émotionnel. C'est dans l'explora-
tion du moi conscient et inconscient, dans la recherche de chocs émotifs
plus ou moins répétés, qu'on pourra arriver à supposer que ce symptôme,
d'allure bizarre et déconcertante, traduit souvent l'existence d'une affection
psychogène, où dominent les troubles des réactions émotionnelles. Après
avoir rapporté l'observation de notre malade et groupé par genres les réponses.
à côté que nous avons obtenues, nous exposerons les réflexions qu'elle
nous a
suggérées.

Mme Marie-Louise F..., âgée de trente-trois ans, est entrée à l'asile Sainte-
Anne le 10 avril 1924.
D'après des amies qui ont fourni des renseignements à son sujet, Marie-
Louise F... aurait été normale jusqu'à l'apparition des manifestations qui l'ont
fait interner. On ne sait pas exactement pour quelles raisons elle divorça, il y
a quelques années, au bout de vingt-quatre mois de mariage. Toujours est-il
qu'elle a la charge d'un fils actuellement âgé de six ans. Il semble que ce
divorce l'ait beaucoup affectée, qu'elle ne s'en soit jamais remise et la ren-
contre fortuite de son mari,en décembre I923, l'avait fortement émue. Elle
pensait souvent à lui et, d'après une amie, elle n'aurait pas cessé de l'aimer.
Elle vivait seule à l'hôtel, à Paris. Elle occupait une assez importante
situation dans une grande maison d'exportation. Dans ses rapports avec ses
amies, elle était sombre, peu communicative, vive d'humeur, peu sensible,
peu affectueuse, manifestant dans ses propos des tendances érotiques.
Elle avait un amant, M. L..., employé de banque, âgé de vingt-trois ans.
Elle refusa en raison de la différence d'âge (elle a dix ans déplus que lui), les
propositions de mariage qu'il lui fit. Il avait alors acheté un revolver dont il
l'avait menacée un jour qu'elle se trouvait au café avec une de ses amies. Elle
eut, paraît-il, une vive frayeur, le sang lui monta à la tête (au moment de cet
événement, elle avait ses règles). Depuis cette époque, elle était devenue
bizarre, se plaignait souvent de souffrir de la tête.
De plus le patron de l'hôtel où elle logeait la demanda aussi en mariage.
Elle refusa également. Toutes ces sollicitations la laissaient perplexe et
inquiète.
Le 29 mars, au matin, de bonne heure, elle se rendit chez une amie dans
une mise négligée. Elle parlait peu, elle paraissait très fatiguée. Elle disait
qu'il fallait aller chercher chez une autre de ses amies un fils imaginaire. Elle
se rendit dans la loge d'une concierge qu'elle ne connaissait pas, refusant de
la quitter sous prétexte qu'elle avait versé un denier à Dieu de 200 francs. Elle
voulait téléphoner d'une part à M. Poincaré, car il allait se passer de graves
événements politiques, et d'autre part à un de ses cousins habitant Grenoble.
Elle parlait aussi de reprendre la vie commune avec son mari. Elle gémissait
sur le sort de son enfant. La nuit qui suivit fut très agitée. Marie-Louise F...
crachait à la tête de son amie, l'insultait. Elle se déroba à sa surveillance,
marcha dans la rue d'un air égaré, se précipita dans un autobus, essaya à
grands cris d'en descendre alors qu'il était en marche, c'est dans ces condi-
tions qu'elle fut arrêtée et conduite à l'infirmerie du Dépôt.
On constata un état dépressif et peut-être confusionnel, de fausses recon-
naissances, des réactions de méfiance et de peur, le refus d'aliments, le refus
de signer son nom, de la résistance à l'examen physique. Elle était anxieuse
par intervalles.
Pendant les cinq premiers jours de son internement à Sainte-Anne elle a
observé un mutisme complet. Elle paraissait se rendre compte de ce qui se
passait autour d'elle et s'y intéresser. Elle faisait attention à ce qu'on écrivait
devant elle, inspectait le bureau; elle se reculait quand on voulait s'approcher
d'elle, résistait quand on voulait l'examiner, présentait un menu tremblement
des doigts d'apparence émotif et sa physionomie animée de contractions tra-
duisait une certaine anxiété. Son aspect éveillé à d'autres moments ne donnait
pas l'impression de se rapporter à un état de confusion.
Du reste, à ce moment, nous avons essayé un procédé qui nous donne
d'excellents résultats et qui dans ce cas a confirmé nos prévisions l'éthérisa-
:
tion. Elle refusait de se laisser endormir en déclarant : « Ne cherchez pas à
comprendre, vous ne saurez rien. » Dans la phase de relâchement psychique
qui suivit une très brève anesthésie, elle nous donna son adresse, le nom de
son mari, la date de son mariage, mais retomba bientôt après dans le mutisme.
Vers le 6-7 avril, elle commença à s'exciter, criant, chantant, faisant des
plaisanteries, ne répondant pas directement aux questions, désorientée dans
le temps et l'espace et constatant : « J'ai la tête un peu perdue B, semblant
incapable d'effort mental, d'attention, l'air euphorique et cependant anxieuse
par moments, difficile à alimenter, donnant l'impression de la réticence, bref
réalisant un état qui se rapprochait de l'hypomanie avec certains caractères
atypiques.
Ce qui s'affirma de plus en plus dans les jours qui suivirent, c'est la ten-
dance à répondre ironiquement, comme si elle voulait éluder la question,
l'air hostile, fermé, souvent de mauvaise humeur, indifférente à d'autres
moments, les réponses ironiques étant tantôt adaptées, tantôt franchement à
côté.
Voici des exemples de réponses franchement maniaques, faites sur un ton
de plaisanterie, de moquerie.
Q. — Quelle date sommes-nous?
R. — Le 9 ou le 11.
Q. — Lequel des deux?
R- — Entre les deux mon cœur ne balance pas.
Q- — Vous ne voulez pas me dire où vous êtes ?
R. — A l'asile d'aliénés. En service libre ?
Q. — Non.
R. — Ah! en service commandé, ô commandeur.
Q- — Depuis combien de temps êtes-vous à l'asile?
R. — Je ne compte pas en dormant. Depuis deux mois.
Q. — Êtes-vous malade ?
R. — Jugez à propos.
Q. — Êtes-vous contente ?
R. Mes joies sont comme mes peines concentrées. C'est
: pas du lait
condensé.
Q. — Pourquoi êtes-vous si contente ?
R. Dame! puisque je suis à Sainte-Anne, c'est de voir les miens.
Q. — Mais vous n'avez pas de famille à Sainte-Anne?
R. — Si, si, c'est la grande communauté.
Q- — Vous vous alimentez insuffisamment.
R. — Je ne mange pas? Vous croyez? Tiens! Tiens
Q. — Avez-vous des ennuis?
R- — Oui, la réverbération du soleil. Ce n'est pas un bec de
gaz. Les becs
Auer, je sais m'en servir.
Q. — Vous êtes allée à l'école jusqu'à quel âge?
R. — Je faisais l'école buissonnière.
Q. — Vous avez le certificat d'études t
R. — Je n'ai besoin de rien.
Q. — Depuis quand êtes-vous divorcée?
R — La date, c'est insignifiant. Et puis quoi? Vous voulez m'épouser?
Q. — En faveur de qui fut le divorce?
R. — Le divorce n'est jamais en faveur d'une femme.
Q. — Alors vous aviez les torts?
R. •—
Pardi! Je battais mon mari. Erreur ne fait pas compte.
Q. — Pourquoi ne me répondez-vous pas exactement ?
'R. — Vous me donnez le trac.
Q. — Il est difficile de converser avec vous.
R. — Ah! nous sommes au Conservatoire. J'aime mieux l'Observatoire.
Q. — Où habitez-vous ?
R. — (Réponse fausse et manifestement ironique). Dans les baraques Vil-
grain !

Q. — Comment allez-vous? Bien?


R. — Si vous me le dites, je le crois.
Q. — Comment s'appelle cette maison!
R. — Sainte-Anne. Mettons Saint-Charles pour changer de nom.
Q. — Êtes-vous contente d'être à l'asile ?
R. — (Désinvolte.) Très, très !
Q. — Qui soigne-t-on ?
R. — Des folles.
Q. — Etes-vous folle?
R. — Absolument.
Q. — Où êtes-vous née ?
R. — Je n'y étais pas. Je ne peux pas le savoir.
Q. — Vous savez lire et écrire?
R. — (Irritée.) Sans blague? Vous voulez que je vous lance l'encrier à la
tête ?
Q. — Vous lisez les journaux?
R. — N'importe quoi m'intéresse.
Q. — On m'a dit que vous aimiez quelqu'un. Quel est-il?
R. — Un imbécile. Un médecin, je crois. (Elle nomme l'un de nous.)
Q. — Ne vous a-t-on pas menacée d'un revolver?
R. — On a tiré loyalement. C'est moi qui ai tiré le cordon.
Q. — Mais ce jeune homme au revolver?
R. — S il l'avait à la main, il ne l'avait pas aux pieds.
On peut se rendre compte qu'il s'agit là de propos par assonance, de
réponses moqueuses du type maniaque qui semblent vouloir masquer par leur
ironie une réticence bien arrêtée. Nous avons du reste noté des réponses
encore plus réticentes, mais souvent les réponses sont tellement à côté que la
réticence n'apparaît pas toujours nettement ou se montre insuffisante à expli-
quer la nature du trouble paralogique.
Q. — Que faisait votre mari ?
R. — Ah quand je me suis mariée, il a fait un beau lot, celui-là!
!

Q. — Mais que faisait-il?


R. — Il sortait de la fièvre typhoïde.
Q. — Mais enfin, son métier?
R. — Le vôtre, avec plus de brutalité : rendre les morts à leur famille.
Q. — Comment gagnait-il sa vie ?
R. — Avec le bureau de poste que ses parents lui avaient cédé.
Q. — Comment ça va?
R. — Vous avez votre bouton de manchette.
Q. — Où êtes-vous ?
R. — Le chapeau que vous voudrez.
Q. — Je vous demande où vous êtes ?
R. — Il est solide votre sous-main?... Vous êtes un ancien écrivain?
C'est maligne ou malin, votre nom?
Q. — Pourquoi avez-vous divorcé ?
R. — Qui voit ses veines voit ses peines... Vous voulez m'épouser? Vous
êtes long à répondre.
Q. — Enfin, pourquoi ce divorce?
R. — Parce que je n'aime pas enterrer les gens. Il fallait bien pour me
rendre libre.
Q. — De quel pays était votre mari ?
R. — Si vous confondez Chauny et Gauny, impossible de connaître les
départements.
Q. — Vous n'êtes certainement pas heureuse?
R. — Ça n'a pas d'importance.
Q. — Vous avez souffert d'être séparée de votre mari?
R. — (Pour éluder la question.) Vous souffrez, vous?
Q. — N'y a-t-il pas quelqu'un qui voulait vous épouser?
R. — S'il s'en sent le courage, celui-là Vous connaissez un célibataire?
!

Q. — Je ne vous comprends pas toujours très bien.


R. — Moi non plus. Si j'avais ma tête, je ne serais pas là.
Q. — Où êtes-vous née ?
R. — Vous l'avez relevé sur les grands boulevards?
Q. — Votre âge ?
R. — Pas assez pour faire la muette.
Q. — Pourquoi ne pas dire votre âge ?
R. — Je ne l'ai pas encore. Je ne l'aurai complet qu'au 24 septembre.
Q. — Où êtes-vous allée à l'école ?
R. — Nulle part. C'est saint Joseph qui m'a envoyée à l'école. Il a signé
pour moi.
Q. — Où avez-vous été élevée ?
R- — Un peu partout... Je me rends compte quand je ne parle pas norma-
lement... Vous avez connu Mlle Alexandrine? J'ai travaillé au restaurant avec
les brebis galeuses. Fille de salle? Je n'en étais pas capable. C'est trop pour
moi.
Q. — Vous viviez en bonne intelligence avec votre mari?
R. — Ça va, à la 26e compagnie.
Q. — N'avez-vous pas un cousin?
R. — Oui, Georges G..., prince des abrutis.
Q. — Quel est son métier?
R. — Laisse fortune pour chercher cœur.
Q. — Quel métier faisiez-vous exactement?
R. — Je signais pour ceux qui ne savent plus écrire.
Q. — Vous semblez avoir des ennuis?
R. — Le jour où vous serez sorti du pétrin vous me le ferez savoir.
Q. — Pourquoi ne pas répondre clairement?
R. — Je ne m'appelle pas Philomène, fais donc attention.
Enfin voici des réponses paraissant nettement absurdes ainsi que des
propos émis dans le vague et des soliloques que nous avons rele^s, la malade
paraissant tantôt distraite, ravie du monde extérieur, tantôt hyperesthésiée à
tout ce qui se passe autour d'elle.
... « Alors, vous êtes du Nord, ce n'est pas du côté de Grenoble. Tout le
monde a des ennemis, moi je n'en ai aucun. Mon grand ennemi je l'appelais
Sultan.. Oh! vous avez une belle bibliothèque... Vous êtes bien de chez vous.
Ce ne sont pas vos voisins qui ont des poules, c'est vous. Moi je suis une poule
pour sauver la République. Ça ne compte plus. C'est dans un sac de chiffon-
niers. C'est marqué au Consulat de chaque combattant. Un chapeau noir ne
veut pas dire qu'il n'y a pas de tête. Une clef. Ce n'est pas une moule qui a
inventé cela.
— Vous ne savez pas l'histoire d'Alexandre Dumas. Il a bien inventé la
chandelle.
— Je regarde s'il y a une feuille verte.
— Si vous ne me payez pas, je ne marche pas. Si vous voulez signer un
engagement.
Q. — Lisez-vous le journal?
R. — Pour l'Égypte, oui, vous voulez y retourner. Vous n'avez pas un roi
qui dirige chez vous?
— On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre, je dis une fine-mouche.
Vous avez des fruits?
Q. — Vous portez-vous bien?
R. — Si vous en doutez, écrivez : sol... si Mme Millerand tient la chan-
delle, Mme de Don était nommée reine des poltrons, alors elle ne pouvait pas
signer. »
Par contre, quand on sollicite énergiquement l'attention de la malade, il
arrive par intervalles qu'elle fournisse des réponses normales. Elle est suscep-
tible de donner exactement la date et le nom de l'établissement où elle se
trouve, son âge. On apprend qu'elle a été orpheline de bonne heure, qu'elle
s'est mariée le 26 décembre 1918 à l'âge de vingt-huit ans, « très en retard »,
ajoute-t-elle, qu'elle a un enfant de six ans, qu'elle est à Paris depuis juillet
1920, qu'elle travaille rue d'Amsterdam chez un certain M. L...,gros négociant,
qu'elle pourrait gagner 1 5oo francs par mois, mais qu'elle n'en gagnait que
900. Si on lui demande qui s'occupe de son fils :
— Mes beaux-parents, répond-elle... ou l'Assistance publique, traduisant
par là non le désir de tromper l'interlocuteur mais une crainte au sujet du sort
de son enfant.

Analysons donc la nature des troubles paralogiques et l'affection mentale


dont ils seraient révélateurs.
Par ce groupement de réponses, nous pouvons nous faire une idée des
éléments complexes qui entrent en ligne de compte quand on veut analyser les
propos de la malade.
Il y eut, après une courte période de mutisme, une phase d'excitation psy-
chique avec propos euphoriques, avec associations d'idées d'ordre inférieur,
par assonances, sans qu'elles aient été purement automatiques et sans qu'elles
aient jamais suivi l'expression plus que l'idée.
Il n'y eut jamais logorrhée à proprement parler. On ne peut même pas
parler de bavardage. Les réponses tout en n'étant que rarement adaptées aux
questions n'ont jamais perdu en quelque sorte le contact avec elles. Un vague
rapprochement unissait presque toujours les unes aux autres. La moquerie et
l'ironie n'ont jamais fait défaut, traduisant par là un certain parti pris de réti-
cence spéciale.
Le premier groupe des réponses que nous avons notées s'apparente nette-
ment au type hypomaniaque.
Dans le deuxième groupe, nous sommes en présence d'une réticence beau-
coup plus apparente,- beaucoup plus franche : les réponses et l'attitude de la
malade montrent que l'interrogation a été comprise et que Marie-Louise F... n'a
pas voulu répondre directement. Certes, la nature de cette réticence ne nous
paraît pas tenir dans la seule volonté de ne pas répondre. Il nous semble que
des éléments de défense instinctive, d'affectivité inconsciente chargée d'un
lourd potentiel sous l'influence du trauma récent, doivent s'ajouter, pour
l'expliquer, aux éléments volitionnels, lesquels sont ici, du reste, prépon-
dérants
.
Les propos du troisième groupe peuvent faire penser à des propos
maniaques, mais leur incohérence sans excitation psychique au moment où
nous les avons relevés, dépasse ce qu'on a accoutumé de constater en pareil
cas. Sans doute, ils se déroulent à la merci d'un incident, d'une remarque, ils
sont sans doute remplis de souvenirs, mais l'absurdité incohérente paraît pou-
voir être rattachée, d'une part, aux éléments inconscients de la réticence,
d'autre part et surtout à une dissociation psychique légère qui serait, dans
l'espèce, de nature affective.
Cette dissociation psychique a, du reste, un caractère spécial. Nous avons
vu que la malade est capable de fournir à certains moments des réponses per-
tinentes, qu'elle n'a rien perdu de ses souvenirs, qu'elle donne des renseigne-
ments cohérents et exacts sur son passé et ses préoccupations présentes. La
dissociation serait plutôt la conséquence des troubles de l'attention tels que la
malade serait tout entière tournée vers son « autisme » bouleversé par un
complexe récent.
En résumé, les troubles paralogiques consistent surtout en réponses à côté,
presque toujours sur le mode ironique, et les éléments d'hypomanie, de réti-
cence, de dissociation psychique semblent s'être plus ou moins combinés pour
les produire. On peut affirmer au moins que la malade présente le symptôme
de Ganser, c'est-à-dire le symptôme des réponses à côté. Les quatre modalités
du syndrome de Ganser ne sont pas ici réalisées. Quant au symptôme des
réponses à côté, nous pensons comme Deny' que c'est « une forme larvée de
mutisme » qui peut se ranger parmi les phénomènes de négativisme. On sait.
1. DUPRÉ et GELMA. Syndrome de Ganser chez un hébéphrénique.
(L'Encéphale, 17 mars 1910. Discussion.)
qu'il a surtout été décrit par les Allemands chez les hystériques et les déments
précoces. Reste à savoir si l'un de ces diagnostics convient pour notre malade.
Il est intéressant, après avoir montré de quels éléments disparates peut être
constitué le symptôme des réponses à côté, s'il est susceptible d'attirer l'atten-
tion sur une psychose de nature spéciale dans laquelle les complexes affectifs
joueraient un rôle important.

A quelle affection avons-nous affaire? Il est vraisemblable que la malade a


traversé, au moment des accidents aigus qui ont motivé l'internement, une
période de confusion ou d'égarement à laquelle le choc affectif ne semble pas
avoir été étranger. A l'heure actuelle, quand on arrive à vaincre la dispersion
de l'attention et une certaine fatigabilité, on obtient des réponses normales. Il
existe, sinon de la confusion, des éléments d'égarement qui, quoique ne nous
paraissant pas tout expliquer, n'ont pas lieu d'étonner, d'autant plus que cer-
tains auteurs, dont Etchepare 1, expliquent le syndrome de Ganser par la
confusion mentale constatée chez leurs malades.
L'excitation psychique a été épisodique. Elle ne constitue vraisembla-
blement pas le fond de la psychose. Si la malade est irritable comme bien des
maniaques, elle est loin d'avoir comme eux ce fond d'optimisme qui laisse
libre cours à l'euphorie. Les impressions tristes ne sont pas écartées, au
contraire. Un état pénible est à la base du trouble mental de Marie-Louise F...
Elle est souvent anxieuse. L'ironie de ses réponses ne traduit qu'une joie appa-
rente, qui est encore une forme de la réticence. Le jugement ici n'est pus
troublé, comme l'est celui d'un maniaque, par le kaléidoscope des idées. La
fuite des idées du maniaque s'oppose à une sorte de concentration doulou-
reuse chez notre malade. Les associations sont loin d'être purement automa-
tiques. Lorsqu'elles sont décousues,elles ne témoignent pas d'une incohérence
pire que celle du maniaque, qui est plus apparenteque réelle. L'attention parait
dispersée, et elle est en réalité concentrée sur le moi intérieur. La sphère
affective, loin de porter sur les instincts les plus bas, paraît au contraire doulou-
reusement intéressée. La malade souffre d'être séparée de son enfant, d'avoir
divorcé. Nous avons en apparence l'esquisse d'un tableau hypomaniaque. En
réalité, un pénible état anxieux est à la base de ces manifestations quitraduisent
un trouble dans l'expression générale des émotions.
Nous avons déjà signalé que la pathogénie du symptôme de Ganser est
aujourd'hui reconnue multiple, mais qu'en Allemagne, comme le fait remarquer
d'Hollander 2, « Ganser lui-même, et après lui d'autres auteurs, en faisaient
un signe pathognomonique de l'hystérie et que d'autres admettaient sa nature
négativiste et la faisaient rentrer dans le cadre de la démence précoce ». Il
importe donc de discuter ces diagnostics :
Malgré l'irritabilité, l'instabilité motrice et psychique, les rires par inter-
valles alternant avec des phases d'anxiété, l'incohérence des propos et l'exci-
tation psychique épisodique, le diagnostic de démence précoce classique nous

1. ETCHEPARE. Hystérie et syndrome de Ganser. (Archives de Psych. de


Buenos-Ayres, mai 1909.)
2. D HoLLANDER. byndrome de Ganser et délire d interprétation. (L En-
céphale, Ig09, n° 2.)
parait se heurter à plusieurs objections éclosion tardive des accidents
:

à trente-trois ans, début brusque après un choc affectif, sans phase prépara-
toire plus ou moins fruste d'invasion, réticence bien concertée montrant une
ténacité, une volonté appliquées sans défaillance, orientation parfaite, absence
de déficit intellectuel, évocation précise et cohérente par intervalles des faits
qui se sont déroulés, discordance plus apparente que réelle et en rapport avec
la réticence, rires motivés par l'ironie, anxiété douloureuse à base de préoccu-
pations fondées. De plus l'incohérence que nous avons constatée quelquefois
est souvent sous la dépendance des troubles de l'attention, la malade semblant
rêveuse, distraite à certains moments, comme si elle était tournée vers son
autisme.
Sans doute le comportement de Marie-Louise F..., fait penser à la D. P.,
.

mais nous n'appliquons ce diagnostic qu'aux formes d'affaiblissement intellec-


tuel décrites par Morel, à l'hébéphrénie et à certaines formes paranoïdes,
réservant le terme de schizomanie pour des états d'intériorisation et de rêverie,
avec dissociation entre l'activité intellectuelle et l'activité pratique, l'autisme
ayant concentré toute l'activité psychique du sujet.
Cependant, il est évident que le symptôme des réponses absurdes apparaît
bien ici comme une forme d'opposition, de négativisme, traduisant, selon
l'expression de Chaslin, « un sentiment de protection, de défense contre
l'intrusion étrangère dans la personnalité du malade ou de l'anormal, intru-
sion qui est désagréable pour différentes raisons ».
Et on sait que le D. P. est souvent négativiste : il « aime la paix » et la
défend comme il peut, par la parole, par les actes aussi bien que par le
mutisme et les attitudes. Mais l'hystérique peut présenter aussi une opposition
comparable : « Il a, écrit Chaslin, des secrets sentimentaux, se tient sur la
réserve défensive quand on veut pénétrer dans son for intérieur et s'échappe
souvent par des mensonges, des paroles évasives, à côté ou à tort et à travers D,
d'où symptôme de Ganser. C'est ce qui fait aussi que l'hystérique a l'air beaucoup
plus distrait que confus. Notre malade également est certainement plus distraite
au monde extérieur, plus tournée vers un centre de préoccupations intérieures
qu'elle n'est confuse. Nous disions plus haut que le symptôme de Ganser de
Marie-Louise F... s'expliquait en partie par la réticence, mais en partie seule-
ment,et que des éléments inconscients ou de dissociation psychique intervenaient
dans sa production. Il semble que cette sorte de négativisme complexe puisse
1
recevoir quelques clartés des conceptions que l'un de nous a si souvent émises
à
au sujet de l'hystérie,au Congrès de Genève-Lausanne (août Ig07)' la Réu-
nion neuro-psychiatrique de mai 1908, dans le « Traité des maladies du système
nerveux ». En effet l'hystérie « tire son caractère propre de la faculté qu'acquiert
le sujet d'isoler, d'une façon consciente ou inconsciente, certaines perceptions
ou certaines conceptions et de leur laisser prendre pendant un temps plus ou
moins long, en dehors de l'activité psychique supérieure, une importance telle
qu'elles exercent une influence dynamogénique sur certaines fonctions et cela
aux dépens d'autres perceptions ou conceptions laissées dans l'ombre ». Au
point de vue mental le symptôme de Ganser a réalisé le désir de fuir un état
affectif désagréable, en se servant d'un refuge maniaque conventionnel. Les
représentations mentales à caractère pénible ont absorbé un champ de la

1. Henri CLAUDE. Traité des Maladies du système nerveux, tome II.


conscience et se sont fait un domaine à part, à l'abri, grâce à cette capacité
«
de fixer » que possède cette forme de psychisme, de la même manière qu'un
membre peut se fixer en position vicieuse grâce à la désagrégation de la
synthèse mentale.
Est-ce à dire que notre malade soit une hystérique? Nous ne croyons
pas
qu'elle soit uniquement une hystérique. Le déséquilibre psychique n'a
pas
chez elle cette psycho-plasticitéqui rend les malades sensibles à la suggestion
et à la persuasion. Mais le symptôme de Ganser est l'artifice dont s'est servi
inconsciemment la malade pour réagir à un choc affectif. Suivant un méca-
nisme analogue à celui de l'hystérie, ce mécanisme donne la clef des réponses
absurdes, mais n'explique pas la psychose sous-jacente. Cependant les
conceptions défendues par l'un de nous, relativement à l'hystérie, se trouvent
encore vérifiées du fait que l'émotion ne nous paraît pas étrangère aux acci-
dents névropathiques. Admettant que le trouble de l'émotivité était souvent
préalable chez l'individu, ce qui revenait à exprimer la même opinion que
Dupré sur la constitution émotive, l'un de nous (H. Claude) a toujours
insisté d'autre part sur le fait que ce trouble pouvait être acquis, secondaire à
l'éducation, au genre de vie, à de mauvaises conditions physiques, à des chocs
affectifs, et il ajoutait : « L'émotion ne crée pas l'hystérie, mais peut
provoquer
la manifestation hystérique chez un sujet dont l'émotivité était préalablement
troublée. »
Or appliquons aux faits ces idées : que s'est-il passé chez notre malades-
Un divorce qui l'avait bouleversée, lui imposant la responsabilité d'un fils à
élever. On se souvient qu'elle n'a jamais cessé d'aimer son mari. Sur cet
organisme déjà ébranlé, la complication d'une liaison nouvelle mit Marie-
Louise F... à la merci d'un choc moral intense : la demande en mariage du
patron de l'hôtel où elle habitait, une autre dèmande en mariage dela part de
son amant de dix ans plus jeune qu'elle, la menace qu'il fit de la tuer avec un
revolver qu'il avait acheté parce qu'elle avait refusé, furent autant d'émotions
successives, ne créant certes pas l'hystérie, mais donnant lieu à des manifes-
tations du type hystérique, avant tout caractérisées par un trouble dans
l expression des émotions. Il semble dans
ces cas que l'émotion pour ainsi
dire ne se soit pas assimilée à l'organisme, qu'elle n'a pas fait sa place
normale dans l'individu, qu'elle continue d'agir pour son propre compte,
émotion prolongée se manifestant alors par des réactions discordantes
:
réponses ironiques simulant la gaieté, l'insouciance, rires, désinvolture
contrastant avec un psychisme concentré, pénible, à paroxysmes anxieux. En
effet, quand par une psychothérapie patiente, on arrive à vaincre la résistance
de la malade pour un temps assez bref, elle nous confie qu'elle souffre,
qu'elle a eu de gros soucis, que son mari avait deux ménages : « Vous croyez
que je pouvais l'aimer, ajoute-t-elle. Vous aimez un foyer, ça ne vous
ennuierait pas qu'il soit brisé : c'est cela ma peine. Vous croyez qu'il n'y a
pas de quoi! .« Elle parle de son enfant avec une affection intense, s'inquié-
tant s'il est bien soigné, craignant pour sa vie, formant même à ce sujet
quelques conceptions délirantes qui expliquent à notre avis l'état anxieux.
Enfin nous avons pratiqué l'éthérisation qui nous permet dans certains cas de
venir à bout de certaines inhibitions ou résistances inconscientes. A la faveur
du relâchement psychique que nous avons obtenu, la malade nous a répondu
avec précision sur son passé, ses chocs affectifs. Et il semble bien, pour
conclure, que nous soyons en présence d'un état psychogène, d'une forme
spéciale et fréquente sur-laquelle les auteurs n'ont pas encore insisté, de
psychose émotive ou hystéro-émotive 1. Les divers éléments de la sémiologie
psychiatrique se mêlent sous formes confusionnelle, maniaque, anxieuse qui
traduisent le trouble profond des réactions émotionnelles, comme témoigne "

surtout le symptôme de Ganser, qui est ici le signe le plus apparent, le plus
caractéristique.
Cette conception marche-t-elle forcément de pair, comme on s'y pourrait
attendre, avec un pronostic favorable ? N ous pensons que cet état se terminera
par la guérison, mais nous sommes loin de l'affirmer et c'est ce qui fait
l'intérêt de cette observation, sinon nous aurions pu attendre avant d'émettre,
lors du diagnostic, une opinion qui est encore hypothétique puisque l'évolu-
tion ne nous a pas suffisamment éclairés. Craignons, en effet, que cette
« capacité de fixer » les représentations pénibles dans un chc.mp isolé de la
conscience qu'a notre malade ne l'entraine pas à se détourner de plus en plus
du monde extérieur pour vivre d'une vie intérieure, habitée par les complexes
plus ou moins transformés, intégrés peu à peu dans un monde imaginaire
possible. Déjà nous l'avons vue rêveuse, distraite, son attention est difficile à
capter. Le syndrome de Ganser est ici un essai de lutte contre l'ambiance, il
fait écran à l'égard des représentations mentales qui apparaîtraient en trop
vive lumière : la malade ne veut rien livrer de son noyau profond, le conflit
de ce noyau et des sollicitations extérieures aboutit à ces réponses complexes
que nous avons traduites. Il se pourrait que la malade, de plus en plus tournée
vers son autisme, verse dans cet état que nous avons appelé l'état schizoma-
niaque, la personnalité étant dissociée entre l'activité pratique absolument
négligée et l'activité intellectuelle vivant pour son propre compte. C'est l'évo-
lution que nous envisageons si la guérison, sur laquelle nous comptons, ne
doit pas arriver.
Cette analyse aura montré la complexité non seulement du syndrome de
Ganser, mais même du symptôme de Ganser à lui seul. Dans le cas que nous
avons observé il s'est produit à la faveur d'un léger état de confusion, ou pour
le moins d'égarement, lequel psychogène à l'origine, a entretenu, par des phé-
nomènes toxi-infectieux secondaires, l'inhibition psychique. Cet état de
confusion n'était au reste que la manifestation clinique de la dissociation
psychique produite sous l'influence de chocs émotifs répétés. Cette vie affective
intense habite un champ de la conscience rétréci, dans lequel nous essayons en
vain de pénétrer : d'où cette apparence d'opposition, de négativisme qui, après
s'être manifestée par du mutisme, laisse filtrer, pourrait-on dire malgré la
malade, des réponses qui ont un lien avec les questions posées et qui ont ce
lien précisément parce que le psychisme est trop chargé d'affectivité pour ne
pas laisser passer de réponses en rapport avec le trouble affectif. Les moda-
lités du symptôme de Ganser montrent les moyens de lutte qu'emploie une
malade ébranlée par des secousses émotives, qui n'a pas par conséquent ses
moyens habituels et qui réagit avec les armes que lui fournit son inconscient
ou son subconscient: excitation maniaque, avec ironie, plaisanteries; désin-
volture, irritabilité, colères, mutisme, etc. ; d'autre part, réponses normales

i. H. CLAUDE, DIDE et LEJONNE. Psychoses hystéro-émotives de guerre.


Paris Médical, 2 sept. 1916.
quand l'interrogatoire ne touche pas à des points sensibles pour la malade,
enfin parfois réticence très nette, absolument volontaire et consciente. Ces
aperçus suffisent à montrer l'intérêt clinique et psychologique du symptôme
des réponses à côté, en dehors bien entendu de la simulation que nous avons
laissée de côté. Mais le fait qu'il soit un moyen de simulation souvent employé
explique qu'il puisse être aussi un moyeu de dissimulation. En effet, s'il est
possible qu'il ne traduise parfois qu'un état de confusion mentale ou d'excita-
tion psychique, qu'il ne soit alors, selon les termes de Dupré, qu'une «tournure
d'esprit personnelle », il est surtout un phénomène d'opposition, de négati-
visme, et, en admettant qu'il soit quelquefois composé de réponses nettement
absurdes dans des cas de démence précoce vraie ou de schizophrénie avancée,
il représente un moyen de défense du psychisme et un moyen de défense singu-
lièrement plus riche pour l'observateur que le mutisme. Il peut, dans une cer-
taine mesure, être comparé au puérilisme, qui est le plus souvent un état de
régression dans la démence et la confusion mentale par exemple, mais qui peut
être interprété comme un moyen de défense inconscient du psychisme ainsi que
nous le montrerons dans un travail ultérieur. Comme la plupart des auteurs
qui nous ont précédés, nous pensons que le symptôme des réponses à côté n'a
pas de valeur pathognomonique, mais nous croyons que souvent, après avoir
recherché en vain la psychose classique dont il pourrait être révélateur, nous
trouverons la clef des phénomènes dans un trouble préalable de l'émotivité et
de l'affectivité et nous nous orienterons vers la recherche d'un complexe
affectif que peut-être nous aurons la chance de résoudre.
L'UNIVERSITÉ ET DE LA CLINIQUE
LABORATOIRE PSYCHIATRIQUE DE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES DE COPENHAGUE
(MÉDECIN EN CHEF PROF. A. WIMMER)
*.

UN CAS DE RAMOLLISSEMENT CÉRÉBRAL


A FOYERS MULTIPLES
DANS LA MALADIE DE VAQUEZ
(POLYCYTHÉMIE MÉGALOSPLÉNIQUE)
(iAvec 2 planches hors texte)

PAR
K. WINTHER

La maladie du sang, connue sous le nom de polycythémie mégalo-


splénique, appartient aux maladies assez rares. Comme on le sait, elle a
d'abord été décrite par Vaquez (1892); plus tard, les noms deTürck ( 1902),
et d'Osier (1903) ont été aussi attachés à cette maladie. Pour
l'instant,
on peut considérer le tableau nosologique de la
polycythémie mégalo-
splénique comme assez bien circonscrit; au point de vue étiologique
il
pourtant,
définitive.
y a encore plusieurs problèmes qui attendent leur
solution

Quant aux symptômes, les plus habituels sont : la coloration rouge-


cerise de la peau et des muqueuses, des douleurs dans la région de la
rate, de fréquentes hémorragies des muqueuses, etc. ; dans le sang :
augmentation du nombre des érythrocytes par millimètre cube et du
pourcentage de l'hémoglobine. Le système nerveux présente aussi des
symptômes extrêmement fréquents; très souvent même ce sont les
troubles nerveux qui amènent le malade chez le médecin, car ils sont
sensibles des le commencement de la maladie; il s agit généralement de
maux de tête, de lassitude, de vertiges, de sorte que l'état est fréquem-
pfus, on a vu des
ment considéré comme une neurasthénie simple. De
attaques ménièriformes (Vaquez), de l'érythromélalgie,du scotome scin-
tillant, de la diplopie, et même dela névrite optique. Les éblouissements
d'hémiplégie ou de mono-
ne sont pas rares, de même que les attaques
plégie, d'aphasie, d'hémianopsie ou d'autres troubles centraux, qui se
présentent le plus souvent sous forme d accès apoplectiques , le trouble
moteur ou sensoriel disparaît Darfois très vite sans laisser de dommages,
mais généralement il dure assez longtemps, comme dans les cas où un
trouble de cette espèce se développe peu à peu. Christian, qui a trouvé
des symptômes nerveux plus ou moins graves dans huit cas sur dix,
avait parmi ces huit cas deux cas pour lesquels le diagnostic avait
d'abord été : tumeur cérébrale, et une craniotomie avait été faite, basée
sur ce diagnostic.
Bien que des phénomènes nerveux soient ainsi très fréquents dans la
maladie de Vaquez, les neurologistes ne lui ont témoigné que peu d'in-
térêt ; il y a des manuels de neurologie où la polycythémie mégalosplé-
nique est tout simplement citée pour ce fait, qu'elle ne provoquerait pas
d'hémorragies cérébrales (ce qui du reste n'est pas le cas !).
Les altérations pathologiques constatées dans les organes des sujets
morts de la maladie de Vaquez sont, comme on sait, les suivantes :
dans la rate, qui est généralement agrandie, on voit parfois un élargis-
sement des follicules (corpuscules de Malpighi) et une augmentation de
leur nombre, mais surtout une hyperplasiede la pulpe, des infarctus etc.
Rendu et Widal ont trouvé (1892) dans trois cas une tuberculose de la
rate, mais les écrivains plus récents n'ont pas pu confirmer les obser-
vations de Rendu et Widal. La moelle osseuse est rouge, hyperplasique,
et l'on constate une hyperproduction des éléments érythroblastiques ; on
a vu aussi une métaplasie myéloïde. Dans les cas, où il y a eu des
troubles cérébraux amenant la mort,- on a constaté le plus souvent des
hémorragies du cerveau; quelquefois on a vu un ramollissement du
cerveau (Hutchison et Miller, Goldstein, H. C. Cristian); dans lecas de
Hutchison et Miller (homme âgé de quarante-cinq ans) il y avait plu-
sieurs petits ramollissements cérébraux disséminés dans le cerveau, et les
auteurs les expliquent comme provenant d'une nécrose thrombosique,
causée par la stagnation du sang. H. C. Christian a trouvé chez deux
malades une thrombose des artères cérébrales et des ramollissements,
ainsi que des thromboses dans divers autres organes ; dans un troisième
de ses cas il y avait, comme dans un cas de Goldstein, des ramollisse-
ments, sans que l'on pût constater de thrombose ni d'autres altérations
des vaisseaux ; dans les comptes rendus cités on ne voit pas exactement
si les cerveaux en question ont été soumis à un examen histologique
plus approfondi. Dans les cas particuliers d'hémiparésie, de monoplégie
et d'aphasie passagères, cités plus haut, on n'a pu, d'après les comptes
rendus existants, trouver dans le cerv-eau qu'un état congestif et un peu
d'oedème des méninges, mais pas d'hémorragies ni de ramollissements.
Senator, qui a vu un cas avec une parésie passagère du côté droit du
visage et du bras droit, avec de l'aphasie, l'explique par une hémor-
ragie cérébrale (pas d'autopsie). Hess-Thaysen a donné une autre expli-
cation de ces phénomènes passagers, en supposant que l' « ataxie vaso-
motrice », constatée par lui dans un cas de maladie de Vaquez à
l'examen du sang du malade, prélevé dans différents territoires cutanés
et à différentes époques, joue aussi un rôle au niveau des organes, spé-
cialement dans le cerveau, où elle amène ces symptômes passagers et
accidentels (voir plus loin). D'autres symptômes nerveux (la céphalalgie,
les vertiges, etc.) ont été expliqués dans les derniers temps par la consta-
tation d'une augmentation considérable de la pression du liquide
céphalo-rachidien (jusqu'à 570 millimètres d'eau), et on a réussi à dimi-
nuer ces symptômes par la ponction lombaire.
Afin de revenir aux constatations anatomo-pathologiques de cette
maladie, disons qu'on trouve dans les autres organes un état congestif,
parfois des infarctus et des thromboses vasculaires.
Une question encore ouverte est celle de la cause de la maladie. Le
point essentiel dans la polycythémie, est Thyperfonctionnementde l'ap-
pareil érythropoiétique ; l'opinion de Rendu et Widal tend à admettre
une affection primaire de la fonction hémolytique de la rate ; d'autres
cherchent surtout la cause de l'hyperfonction de l'appareil érythropoié-
tique dans des troubles de l'action réciproque entre les diverses glandes
endocrines (Thaysen, Gutzeit, Engelking, etc.) en s'appuyant sur l'ob-
servation assez fréquente de troubles endocriniens dans cette maladie et
sur l'influence exercée par ces glandes sur la composition du sang.
L'hérédité doit jouer aussi un certain rôle, car plusieurs cas ont été
constatés dans la même famille (Engelking : chez sept membres d'une
même famille) ; et enfin on a prétendu que des facteurs exogènes peuvent
avoir leur importance dans l'apparition de la maladie.
La maladie de Vaquez étant rare, il me semble justifié de publier un
cas de cette affection, d'autant plus que le malade dont il s'agit présen-
tait des phénomènes neurologiques intéressants et une affection orga-
nique du cerveau que nous avons examinée à fond histologiquement ;
nous n'avons pu trouver dans la littérature des cas de maladie de
Vaquez, dans lesquels les constatations anatomo-pathologiques du sys-
tème nerveux aient été décrites plus exactement.
G. Col..., homme âgé de quarante-neuf ans; non gaucher.
Il n'y a pas de cas semblables dans la famille. Les parents ont raconté
qu'il a eu dans son enfance une maladie, « que seuls les vieux marins ont
quelquefois », mais on n'a pas pu obtenir des renseignements plus précis pour
savoir de quelle maladie il s'agissait.
En IgI8 le malade a souffert pendant quelques mois de douleurs abdomi-
nales, sans qu'on pût en constater la cause. Les maladies vénériennes et l'abus
d'alcool semblent hors de question d'après les dires du malade.
Pendant les derniers dix ans (la famille prétend même pendant environ
vingt ans), son visage a eu une coloration bleuâtre. Il n'était sujet ni à des
maux de tête, ni à des vertiges. Au cours des derniers dix-huit moi?, sa
mémoire s'est affaiblie; à partir du printemps de 1922, il a été hébété, indolent
et maladroit. Pas d'autres symptômes.
Le 2 mai il a été amené à l'Hôpital de la Marine, où l'on a fait les mêmes
constatations que nous avons notées plus tard à notre Clinique des maladies
nerveuses et mentales : visage d'un rouge foncé, presque couleur cerise, les
muqueuses bleuâtres, les lèvres tuméfiées. La rate est augmentée de volume,
si bien qu'elle dépassait la côte inférieure de trois doigts : le foie était aussi
augmenté de volume. L'examen du sang a montré : hémoglobine 130 p. 100
(Sahli).
Nombre des érythrocytes par millimètre cube : 9,4 millions;
Nombre de globules blancs par millimètre cube : 1) 400.
La coagulation du sang se faisait très lentement.
Pression du sang : 120 millimètres cubes Hg (Riva-Rocci).
Urine : 1/4 p. 100 d'albumine, pas d'autres éléments anormaux.
A l'ophtalmoscope, on a trouvé les veines gonflées et d'une couleur vio-
lette. A part cela, aucune autre anomalie.
Les os des membres ont été soumis à un traitement aux rayons X.
Le 3 juin 1922, il est sorti de l'Hôpital et a essayé de travailler, mais il
est devenu de plus en plus hébété et a été ramené à l'Hôpital de la Marine le
23 juin; il y est resté un mois; l'examen a donné le même résultat. Pas de
traitement.
Au commencement d'octobre, il s'est manifesté un trouble de laparole, il
et
radotait » et il comprenait lentement. On devait l'aider en tout. Puis, il a
commencé à devenir inquiet, désorienté, le cerveau s'obscurcissait et il fut
alors amené à la Clinique des maladies nerveuses et mentales, le 27 octobre
1922.
Le jour de son arrivée, il était tranquille. Il comprenait les mots qu'on lui
adressait et répondit correctement à quelques questions, par exemple à celles
qui concernaient son nom, son adresse, le lieu et l'entourage, mais il répondit
de travers à d'autres questions, et plusieurs réponses sont très frappantes, par
exemple celles-ci :
Depuis combien de temps êtes-vous ici ? Il répondit : « Depuis six à sept
ans ; j'ai été appelé une fois. »
Quel jour de la semaine sommes-nous? « Je suppose que c'est la trente-
troisième semaine ou quelque chose comme ça. »
Dans quel mois sommes-nous ? « Dans le dixième mois. »
Comment s'appelle-t-il ? « Ah, à vrai dire, c'est le sixième mois. »
En quelle année sommes-nous? « Mais oui, c'est comme j'ai dit, c'est le
sixième mois. >
Mais de quelle année? « Oui, oui, c'est le dixième. »
Où étiez-vous hier?« A Vamdrup. » (Ce lui était faux.)
Sa parole est un peu embarrassée, traînante, molle et elle rappelle le parler
d'un homme ivre.
L'examen du sang montre le tableau typique de la polycythémie mégalo-
,splénique cité plus haut.
Nombre de globules rouges : 10,3 millions par millimètre cube.
Nombre de globules blancs : 8750 millions par millimètre cube.
Le pour cent d'hémoglobine : 125 (Sahli).
La pression du sang : 125 millimètre Hg.
Le pouls : 80 par minute.
L'examen microscopique du sang (Leishman) montre des globules rouges
normaux, pas de normoblastes, pas de formes anormales des globules blancs.
Urine : 3/4 p. 100 d'albumine; une faible réaction d'urobiline.
Les pupilles sont égales et réagissent normalement.
Extrémités : Rien de spécial ; les réflexes tendineux sont vifs ; pas de
signe de Babinski. Les réflexes abdominaux et crémastériens sont vifs. Le
cœur normal.
Aux poumons : Des râles humides aux sommets.
Dans les deux semaines suivantes, il était souvent agité et avait parfois les
idées troubles. Dans une certaine mesure on peut dire qu'il était dément,
mais il pouvait pourtant effectuer les petits problèmes' d'arithmétique qu'on
lui donnait, juste et vite, et il avait un certain sentiment du lieu où il se trou-
vait et des jours. Une recherche plus détaillée de ses notions échouait à cause
du trouble de sa parole.
La plupart du temps le malade donnait l'impression qu'il comprenait les
paroles qu'on lui adressait, mais ses réponses étaient presque toujours, comme
lors de son arrivée, fausses et paraphasiques ; ainsi le 3o octobre, il répond
à la question Dans quel mois sommes-nous? « Le mois de jeudi. » Au renou-
:

vellement de la question : « Mais oui, c'est ma fille, elle vit au mois de jeudi. »
En quelle année sommes-nous? « Quelle année, mais oui, c'est mercredi ou
jeudi ; cette fille-là, elle est là?» » Puis, quand on lui présente un pinceau en
lui demandant ce que c'est, il dit : « Oui, je suppose que c'est jeudi. » On lui
présente alors une montre qu'il ne peut nommer; par contre, il reconnaît un
couteau et un porte-monnaie, et alors il nomme aussi exactement le pinceau.
:
heures et demie » (l'heure que marquait la montre).
?
Quand on lui redemande En quelle année vivons-nous « Oui, il est dix

Il y avait, on le voit, une paraphasie prononcée et une tendance à l'intoxi-


cation par le mot. Celle-ci était si durable que, lorsqu'une semaine plus tard
(le 5 novembre), on posa au malade la même question sur le nom du mois, il
répondit de nouveau « Jeudi. »
:
,
Ses réponses étaient parfois tout à fait bizarres, ce qui se montrait surtout
quand on l'examinait pour l'apraxie; quand, par exemple on examinait le
sens de la localisation au bras gauche, il s'écriait spontanément : « C'est à la
main gauche avec les dents » Puis quand on le pria de nommer plusieurs
!

choses qu 'on lui montrait, il répondit de travers. Par exemple, en voyant une
montre : « C'est à la main gauche avec la montre. »
En voyantune chaîne de montre : « C'est à la main droite avec la montre. »
Un couteau : « C'est à la main droite avec la montre. » Un porte-monnaie
:
c C est à la main droite la
avec montre gauche. » Quand alors on exprime de
l 'étonnement, il dit de lui-même : C'est
« un porte-monnaie. »
A l examen de la motilité on ne trouvait en tout
cas, au commencement,
aucune parésie appréciable des membres.
Il remuait comme on le lui commandait le bras droit et la jambe droite
naturellement, bien qu'un peu lentement, sans ataxie ; il n'y avait non plus
d 'apraxie. Si par contre on lui demandait de mouvoir le bras et la jambe
gauches, il se servait constamment des membres de droite au lieu de
ceux de
gauche et continuait malgré les ordres répétés à se servir de ceux de droite.,
C était seulement quand on lui tenait le bras droit qu'on pouvait lui faire
mou-
voir le bras gauche, et alors, c'était un mouvement mal hésitant et très assuré,
et souvent le bras restait dressé en l'air, en attitude cataleptique. Spontané-
ment le bras gauche ne remuait que très peu.
Dans la recherche de l'apraxie (5 et 6 novembre) il montra la même ten-
dance à se servir de la main droite au lieu de la gauche. Quand on le prie de
fermer le poing gauche, il ferme le droit; quand on retient celui-ci et lui
ordonne énergiquement de serrer le gauche, il le ferme lentement et d'un mou-
vement mal assuré en disant : « C'est ce côté-ci » Quand on lui dit de faire
!

claquer les doigts de la main gauche, il le fait avec la main droite ; quand on
retient celle-ci et réitère plusieurs fois le commandement, il exécute avec les
doigts de la main gauche un mouvement hésitant et mal assuré, ressemblant
de très loin à ce qu'on lui demande ; puis il le fait de nouveau avec la main
droite, et quand on proteste, il dit : « C'est à la langue en islandais. » Il ne
peut non plus menacer de la main gauche, il étend la main droite. Quand on
lui ordonne de faire le salut militaire de la main gauche, il dirige la main
droite vers le côté gauche du front ; quand on retient la main droite et répète
instamment le commandement, il dirige lentement et en hésitant la main
gauche vers la tempe gauche ; dans les minutes qui suivent il continue à faire
ce mouvement plusieurs fois. Il ne peut exécuter que très mal le mouvement
de frapper à une porte et d'enflammer une allumette. Devant imiter un mou-
vement menaçant de la main gauche il le fait à la fin, mais en disant : t C'est
la droite. »
Il ne réussit non plus à faire des actes un peu plus compliqués, par
exemple de placer comme on le lui ordonne deux différents objets.
Si on lui demande de remuer la jambe gauche, il remue d'abord la droite,
et puis, après des ordres répétées, la gauche, tandis qu'il dit : « Ça doit être la
main droite. Ï
Les mouvements avec la jambe droite sont faits exactement selon les
ordres.
La sensibilité douloureuse est diminuée au niveau du bras gauche, et les
piqûres qui y sont faites, il dit qu'il les sent à la main et au bras droits, tandis
que par contre il dit sentir à gauche un frôlement du bras droit.
A l'examen répété des réflexes au niveau des membres, on constatait les
réflexes tendineux au bras droit exagérés et le signe de Babinski au pied droit,
mais, par contre, aucune parésie appréciable. De plus, une parésie centrale du
côté gauche du visage se manifestait. Il n'y avait pas de parésie des muscles
oculaires, non plus de parésie de l'hypoglosse.
Le malade devenait de plus en plus hébété et malpropre. La parole se
montrait de plus en plus mal articulée ; il n'y avait pas de logoclonie. Le i3
novembre 1922 : Collapsus soudain, puis coma et mort dans la nuit.
Autopsie six heures et demie post mortem. (Prosecteur : M. le docteur
L. Melchior) :
La plupart des organes étaient très congestionnés. Dans les reins : stase,
mais pas d'autres altérations. Dans le joie : de même, stase et dans le vésicule
biliaire deux calculs gros comme des noisettes. Dans les deux poumons : d'an-
ciennes lésions tuberculeuses, et en plusieurs points, des signes de tuberculose
..aiguë miliaire. La coloration élective montre des bacilles de Koch.
La moelle osseuse (de la partie supérieure du fémur) se montre rouge et
hypérémique. A l'examen microscopique des coupes, colorées d'après la
méthode de van Gieson-Hansen, la moelle se montre très riche en vaisseaux
et remplie d'un tissu de petites cellules contenant un grand nombre de cellules
géantes ; le tout faisant presque l'effet d'une tumeur. A la coloration d'après
la méthode d'Ellermann 1, on voit pourtant qu'il s'agit d'une forte hyperplasie
de la moelle osseuse, contenant de très nombreux normoblastes,
mégalo-
blastes, mégacaryocytes et plusieurs mitoses ; il n'y
a par contre pas de tissu
de tumeur et par de transformation myéloïde. La rate
est augmentée de
volume, d'une consistance normale; les coupes montrent plusieurs petits
nodules d'un gris jaunâtre, ayant jusqu'à i centimètre de diamètre,
blant à des tubercules ou à des lymphomes ; le microscope ressem-
révèle aucun
signe de tuberculose; par contre, il y a une congestion très ne prononcée, sur-
tout dans le stroma ; en outre, il y a une augmentation de volume des corpus-
cules de Malpighi, qui contiennent les cellules habituelles,
et pas de lyCn-
phomes ; pas de bacilles de Koch.
.Le cerveau : les méninges et les vaisseaux de la base
sont normaux. La
coupe montre une très grande hypérémie avec plusieurs points congestifs,
mais il n'y a pas d'hémorragie. Disséminées dans tout le
dans le cervelet, se trouvent de nombreuses lésions cerveau, mais moins
en foyer, de la grosseur
d une tête d épingle à celle d'une noix, les plus petites grisâtres,
les plus
grosses plus claires au centre (voir fig. i). La plus grosse de toutes, qui a la
grosseur d une noix, se trouve dans le lobe pariétal inférieur gauche et
siste en un ramollissement typique; il s'étend jusqu'à l'écorce cérébrale con-
pénétrer, descend dans la profondeur de la couronne sans y
rayonnante vers le corps
strié, et atteint par une ramification le corps calleux. Les
situés aussi dans la substance médullaire, la plupart justement autres foyers sont
l'écorce,
quelques-uns pourtant plus profondément dans le claustrum sous
le putamen gauche. et un seul dans
Microscopie (coloration faite d'après les méthodes Suivantes hématoxyline-
éosine ; pyronine-vert de méthyle ; méthode de Weigert (pour: la coloration
des fibres élastiques) et de van Gieson-Hansen coloration de Scharlach-Rot
;
méthode de Spielmeyer (pour les gaînes myéliniques). Une grande dilatation -

avec encombrement des vaisseaux, surtout des petits vaisseaux et des capil-
laires. Quelques capillaires sont tordus et forment trois
lations, d'autres sont dilatés en forme de ou quatre ondu-
sac. D'une manière générale, leur
grosseur varie d'une façon frappante, souvent par transitions brusques. Dans
petits foyers (voir fig. 2) il y a dégénération des céllules ganglionnaires
- les dégénération
et commençante des gaines myéliniques, apparition de corps
granuleux et, au bord des foyers, il y a un début de réaction gliale. Dans
es foyers un peu plus grands, la nécrose prédomine davantage,
on trouve
a plusieurs grandes cellules névrogliques avec un protoplasme abondant
homogène et un noyau
- parfois deux ou trois
- grand, clair, irrégulier,
périphérique, avec un nucléole (voir fig. 3) quelques-unes des
;
et

cellules
contiennent des produits de déchets. Quelques vaisseaux sont remplis de
cylindres compacts de globules rouges, qui peuvent même avoir
tout à fait homogène; dans d'autres vaisseaux il y a de petites thromboses,un aspect
plusieurs endroits on voit des hémorragies tissu' et à
par diacédèse dans le ces
altérations vasculaires se trouvent surtout au milieu des foyers, mais
parfois le
tissu environnant est intact. Dans les foyers et surtout dans leur périphérie,
il y a plusieurs vaisseaux qui sont entourés de cellules de diverses
sortes ; il
professeur ELLERMANN a bien-voulu reviser
mes préparations et
m , a aidé a les interpréter.
y a surtout en grand nombre des cellules à grains graisseux, qui entourent
les vaisseaux d'une couche épaisse et remplissent les gaines périvasculaires,
mais en outre il y a une prolifération des petites cellules gliales périvascu-
laires et des cellules adventitielles mésodermiques, dont quelques-unes
se transforment ensuite en cellules migratrices ; enfin dans l'espace adven-
titiel de quelques petits vaisseaux on trouve plusieurs cellules, probablement
des éléments sanguins et spécialement des lymphocytes; en quelques points
l'infiltration par ces cellules est si considérable, et, d'autre part, le nombre
des cellules à détritus si diminué, qu'il en résulte des aspects analogues aux
infiltrations inflammatoires (voir fig. 4) ; cependant le tissu autour de ces
vaisseaux n'est pas le siège d'une réaction inflammatoire, et les cellules ne
dépassent pas en apparence les limites des espaces adventitiels ou en tout cas
ne le dépassent que très peu. Parmi les autres cellules présentes il faut
nommer une certaine quantité de « Stabzellen» (gliogènes et mésodermiques),
mais on ne trouve nulle part des « Plasmazellen i. Il n'y a pas d'altérations
hyaliniques des vaisseaux, et en somme, aucun signe d'artériosclérose. Les
coupes colorées d'après Ziehl-Nielsen ne montrent pas de bacilles de Koch ni
dans les foyers ni ailleurs. Dans les préparations des gaines myéliniques, les
éléments dégénérés se dessinent distinctement partout dans la substance
myélinique; en quelques endroits la dégénération a progressé jusqu'à l'éta-
blissement de « Lückenfelde » et de ramollissements. En dehors des foyers, il
y a aussi des cellules ganglionnaires dégénérées en plusieurs endroits (alté-
rations du noyau, chromatolyse centrale, dissolution de la cellule), et dans
les couches plus profondes de l'écorce, il y a une prolifération des cellules
gliales.
Conclusions. — Un homme, âgé de quarante-neufans, dont le visage
a pendant dix ou peut-être vingt ans, eu une coloration cyanotique, se
présente, atteint de polycythémie mégalosplénique. Dans l'espace d'un
an et demi, il devient peu à peu dément; quelques mois avant sa mort, il
présente des troubles d'ordre aphasique et apractique d'une nature sin-
gulière, des signes d'hémiplégie légère du côté droit et une hébétude pro-
gressive. Décès par suite de tuberculose pulmonaire. L'autopsie montre :
Un état congestif de tous les organes, la rate augmentée de volume,
avec augmentation des follicules et stroma bourré de vaisseaux, la
moelle osseuse rouge, hyperplasique avec des signes de forte érytro-
poièse; dans le cerveau, il y a de nombreux petits foyers de nécrose et
de ramollissement, dont quelques-uns sont même assez grands, sur-
tout dans le 11e lobe pariétal gauche ; dans les foyers et autour d'eux, il y
a une prolifération de cellules gliales et des amas périvasculaires de cel-
lules qui ressemblent en partie à des foyers d'infiltration inflammatoire.
Le tableau clinique de la maladie, la polycythémie mégalosplénique,
était très prononcé. Ce qui est singulièrementfrappant, c'est l'évolution
prolongée de la maladie (Osier a, il est vrai, vu un cas d'une durée de
vingt ans), sans aucun symptôme subjectif, jusqu'à un an et demi avant
la mort, époque à laquelle on remarqua alors une fatigue et une faiblesse
de la mémoire et plus tard les troubles plus sérieux cités auparavant.
Nous devons peut-être pourtant ajouter aussi que le patient a souffert
pendant quelques mois de douleurs abdominales, quatre ans avant d'être
examiné pour sa maladie.
Un trait remarquable du tableau clinique est constitué parles phéno-
mènes d'ordres apractique et aphasique dont le malade souffrait. L'apra-
xie, localisée surtout au bras gauche, se montrait avant tout en ce que le
bras ne pouvait presque pas se mouvoir spontanément, bien qu'il n'y
eût pas de parésie ou d'ataxie (akinésie); en outre, en ce que, appelé à
mouvoir le bras gauche, il s'obstinait à se servir du bras droit. Il sem-
blait qu'il eût perdu toute conscience de son bras gauche. L'état cata-
leptique qu'on pouvait faire apparaître dans ce bras, et qui se produisait
aussi à l'occasion des rares mouvements actifs du bras, pouvait peut-être
être considéré comme un résultat secondaire du trouble cérébral, qui
rappelle beaucoup l'inconscience d'un membre parétique que l'on trouve
chez les vieilles gens qui souffrent d'hémiplégie, et surtout dans les cas
où cette inconscience n'est pas accompagnée d'une parésie appréciable.
Il semble que nous ayons à faire ici à une paralysie psychique vraie.
(Seelenlàhmung). Cette dernière anomalie -de la motricité, qui peut
s'accompagner de catalepsie, doit certainement être considérée comme
une forme d'apraxie.
On ne pouvait constater avec certitude si le patient était en proie à
une cécité psychique, mais cela ne semble pas probable. Les différentes
épreuves tentées au sujet de l'apraxie ont démontré que les mouvements
un peu compliqués comme les mouvements les plus simples étaient
indécis et plus ou moins imparfaits; les essais les plus compliqués étaient
aussi les plus mal exécutés.
Il est donc difficile de ranger l'apraxie présente parmi les formes
connues ; ce n'est pas l'apraxie motrice pure, ni l'apraxie idéatoire pure;
c'est plutôt une sorte de combinaison de ces deux formes ; la paralysie
psychique existante a cependant sans doute joué un rôle dans la forma-
tion de l'apraxie spéciale de ce cas, car il va sans dire que la diminution
de l'innervation pour l'exécution de certains actes, causée par la para-
lysie psychique, doit amener une aggravation de l'apraxie proprement
dite déjà existante ; c'est certainement là qu'il nous faut chercher la cause
du tableau extraordinaire que présente l'apraxie de notre malade.
On sait que la paralysie psychique ne se trouve pas toujours dans
l'apraxie, c'est au contraire un phénomène rare, parfois même l'initia-
tive du mouvement d'un membre apractique se trouve augmentée,
comme dans le cas connu de Liepmann où le bras apractique était jus-
tement le plus employé.
L'apraxie de notre malade était en outre accompagnée d'une persé-
vération spontanée des mouvements et d'une disposition à confondre les
mouvements qu'il était appelé à exécuter. La preuve que ces troubles
n'étaient pas causés par la mauvaise compréhension des actes comman-
dés est fournie par ce fait qu'en général il accomplissait les tests de
l'apraxie tout à fait correctement avec le bras droit. — La jambe gauche
démontrait une paralysie psychique de même espèce qu'au niveau du bras.
D'après la connaissance des troubles apractiques et leur localisation,
une dyspraxie du bras et de la main gauches doit être rapportée à une
lésion de l'hémisphère cérébral gauche ou au corps calleux avec ses
fibres commissurales ; dans ce cas, il y a le plus souvent en même temps
une hémiplégie droite (apraxie sympathique). Chez notre malade l'idée
d'une lésion en foyer (ou de la prédominance locale d'un processus cé-
rébral étendu) dans l'hémisphère gauche se présentait d'elle-même, et
cette supposition était justifiée aussi par les légers signes d'hémiplégie
droite (réflexes tendineux exagérés, signe de Babinski).
L'autopsie montra qu'en réalité il existait une grande lésion en foyer
de l'hémisphère gauche, dans le lobe pariétal, située de telle sorte qu'on
devait supposer une interruption de connexion avec l'hémisphère droit ;
ceci était probablement la cause de son apraxie, sans qu'on pût pourtant
faire abstraction du rôle joué par l'affection cérébrale diffuse.
L'aphasie présentée par notre malade était surtout caractérisée par
un haut degré de paraphasie, et par une intoxication par le mot ; il sem-
blait comprendre assez bien ce qu'on lui disait. La forme d'aphasie dans
laquelle ce trouble doit être rangé est plutôt l'aphasie transcorticale
(sensorielle) ; son établissement est expliqué suffisamment par le large
processus cérébral diffus, et surtout par le grand ramollissement de
l'hémisphère gauche.
Tout le tableau clinique de notre malade indiquait qu'il existait d'une
manière prononcée une affection diffuse du cerveau avec un foyer maxi-
mum dans l'hémisphère gauche. Quant à la nature de ce processus
pathologique, on avait supposé qu'il s'agissait d'une (c encephalopathia
dyshaemica », d'une espèce très intense, sans qu'on osât pourtant d'avance
se déclarer pour des altérations anatomo-pathologiques précises (procès
de dégénération diffuse, nécroses, hémorragies ou autres).
Nous avons déjà mentionné comment l'autopsie justifia cette suppo-
sition, en ce qu'il y avait réellement un processus diffusé à tout le cer-
veau, avec un foyer plus grand dans l'hémisphère gauche, et nous avons
dit comment l'apraxie et l'aphasie, en tout cas partiellement, y trouvent
leur explication. Les nombreuses nécroses disséminées partout dans la
substance cérébrale expliquent pleinement la démence, etc.
Il reste à faire mention de la nature du processus pathologique. Il
s'agit ici de nombreuses nécroses et de ramollissements, distribués égale-
ment dans la substance cérébrale, spécialement dans la substance blan-
che, et peut-être d'une manière plus prononcée dans la partie postérieure
du cerveau. Histologiquement les nécroses se manifestaient de la façon
ordinaire par une dégénération des gaines myéliniques et des cellules gan-
glionnaires, avec réaction gliale et existence de nombreuses cellules à
détritus.
Il y a lieu de s'arrêter ici à quelques détails.
En ce qui concerne l'apparition des foyers de nécrose, il semble qu'il
faille les expliquer comme une suite des altérations des capillaires et
des petits vaisseaux : la forte dilatation des petits vaisseaux cérébrauxetdes
capillaires comblés de sang a amené peu à peu dans certains endroits du
cerveau une stagnation du sang, stase capillaire, de sorte que les globu-
les sanguins sont pressés en une masse compacte en absorbant le plasme;
la paroi des vaisseaux souffre et il en résulte des hémorragies par diapé-
dèse et thrombose capillaire, qui s'étendent plus loin; la conséquence
immédiate est que la nutrition du tissu cérébral devient insuffisante et
que se produisent : 1°) la nécrose, la dégénération des cellules ganglion-
naires et des gaines myéliniques, 2°) une prolifération cicatricielle de la
névroglie avec l'apparition de grandes cellules gliales protoplasmiques
dans le foyer et autour de celui-ci, 3°) des infiltrations « inflammatoires »
autour de la périphérie des vaisseaux, de la même espèce que celles que
l'on connaît dans d'autres processus destructifs du cerveau.
Une circonstance qui a probablement contribué à l'établissement de
la stase capillaire, c'est l'altération à laquelle sont sujets quelques capil-
laires et les petits vaisseaux, et qui consiste en une transition très brus-
que entre les points à lumière normale et les points à lumière très consi-
dérablement dilatée de sorte qu'il se forme une dilatation complètement
en forme de sac; on doit supposer qu'une telle variation de lumière, cor-
respondant aux expériences cliniques mentionnéesplus haut (entre autres
celles de Hess-Thaysen), peut donner lieu à une stase capillaire, surtout
combinée avec la congestion des vaisseaux et avec la viscosité du sang
toujours augmentée dans cette maladie, à moins que cette variation vas-
culaire ne soit tout à fait passagère.
Les infiltrations lymphocytaires, observées dans notre cas autour de
quelques vaisseaux, et tout à fait analogues à des infiltrations inflamma-
toires, exigent aussi une description plus détaillée. Qu'il s'agisse d'une
inflammation proprement dite, d'une encéphalite, rien, à part cela, ne
porte à le croire ni histologiquement ni cliniquement ; les infiltrations
se localisent dans les espaces adventitiels des vaisseaux, le tissu envi-
ronnant n'est pas toujours lésé, il n'y a pas de cellules plasmatiques, et
en somme aucun signe d'inflammation aiguë ; cliniquement non plus il
n'y avait aucun signe d'encéphalite, spécialement pas d'encéphalite épi-
démique, qui, comme on le sait, provoque souvent des syndromes très
singuliers : pas de symptômes oculaires, pas de léthargie, et le cours de
la maladie a progressé très lentement pendant un an et demi sans phases
aiguës. Aussi, il semble juste de considérer ces infiltrations comme
une conséquence des processus de destruction, et d'un effet irritatif
(« toxique ») provenant de ceux-ci, conformément à ce qu'on connaît des
autres processus destructifs au niveau du cerveau, et que Spielmeyer a
nommés « inflammation symptomatique ».
Il est encore une circonstance qu'il me fautmentionner. Etant donné
les altérations vasculaires peu étendues trouvées dans le cas présent, les
thromboses étaient peu nombreuses et n'étaient décelables que micros-
copiquement. Il y a peut-être lieu d'examiner,'"Vil n'existe pas d'autres
causes pouvant provoquer la destruction du tissu; on pourrait penser
qu'une altération de la composition du sang avec accumulation de sub-
stances nuisibles par stagnation ou de substances nuisibles d'une autre
origine peut jouer un certain rôle et, comme la cause proprement dite
de la polycythémie mégalosplénique n'est pas encore tout à fait élucidée,
il y a peut-être place pour l'hypothèse d'une intoxication par des sub-
stances toxiques d'une origine quelconque, probablement des substances
entéro-toxiques. Dans le cas cité ici, pourtant, il faut sans doute attribuer
la cause principale des lésions encéphaliques à la stase et aux throm-
boses capillaires.
Il s'agit, dans le cas présent, de la polycythémie mégalosplénique
(maladie de Vaquez), compliquée de ramollissements cérébraux. Nous
avons cité plus haut des observations de cette maladie, avec les mêmes
complications, décrites par Hutchison et Miller, Goldstein et H. C.
Christian. Notre cas se rattache à ceux-ci; par l'examen histologique
plus approfondi, il donne un tableau plus clair de ces processus de ramol-
lissement et apporte une contribution à l'étude de leur origine. Les
examens aboutissent à la confirmation de l'opinion des auteurs cités,
qui attribuent la cause des ramollissements cérébraux de cette maladie
à une nécrose thrombosique par congestion.
Le but de ce compte rendu n'a pas été seulement de présenter des
faits histologiques et un curieux tableau clinique, mais aussi d'attirer
l'attention sur la grande fréquence de symptômes nerveux dans la
maladie de Vaquez.
M. le professeur docteur A. Wimmer voudra bien agréer ici mes
meilleurs remerciements pour l'emploi de l'observation et pour les
encouragements qu'il m'a donnés au cours de ce travail.

LITTÉRATURE

BIE. Hospitalstidende, n° 20-21 (en danois).


H. A. CHRISTIAN. Amer. Journal of medic. Scien. vol. CLIV, 1917.
ELLERMANN. Hospitalstidende, nO 3i, 1919 (en danois).
GAISBOECK. Klin. Wochenschr., n* i5, 1923.
GOLDSTEIN. Med. Klinik 1910, 1492 (cit. H. C. Christian).
GUTZEIT. Deutsch. Archiv. f. klin. Medir. vol. CXLI, 1922.
HUTCHISON et MILLER. The Lancet, I, 1906, p. 744.
LUTEMBACHER. UErythrémie (Maladie de Vaquer); Monographie. Paris,
1917 (Masson et 0').
OSLER. The Lancet, I, 1908, p. 143.
RENDU et WIDAL. Bull. Soc. med. des höp., Paris, 1899, 528.
SENATOR. Zeitschr. f. klin. Medir. vol. LX, 1907, 357.
THAYSEN. Vffeskrzft fort Laeger, n°, 15, 1920 (en danois).
VAQUEZ. Compte rendu Soc. de Biol., Paris 1892, XLIV, 384.
— Bull. Soc. méd. des hôp., Paris, 1899, 579-
— et LUTEMBACHER. Bull. Soc. méd. des hôp., Paris, 1913, 7 mars.
DOCUMENTS CLINIQUES

PSEUDO-CORRECTION AUTOMATIQUE
DU PTOSIS ET DU STRABISME EXTERNE
DANS LES LÉSIONS NUCLÉAIRES DU MOTEUR
OCULAIRE COMMUN
(Avec une planche hors texte)

PAR
D. PAULIAN
Médecin en chef du service neurologique de l'hôpital central de Bucarest,
docent de clinique et de pathologie nerveuses.

A la séance du 7 décembre 1922, de la Société de neurologie de


Paris (Revue neurologique, 1922, p. 1 5 12), j'ai communiqué un « méca-
nisme curieux de correction du ptosis et du strabisme externe ».
Mon premier malade (fig. 1), âgé de quarante-sept ans, atteint depuis
plusieurs années d'une syphilis nerveuse, outre la lésion ci-dessus men-
tionnée, était encore porteur d'une hémiatrophie linguale droite. Il exis-
tait une légère diminution de la sensibilité au diapason du maxillaire
inférieur, le sens du goût était légèrement émoussé du côté droit de la
langue. Il niait la syphilis, mais avouait qu'en 1915, à la suite d'une con-
trariété, il eut des vertiges, céphalées et fourmillements dans les membres
inférieurs. Deux jours après, apparurent des douleurs et des picotements
dans l'œil droit. La paupière droite est tombée et l'œil a dévié vers la
droite. Tous les traitements essayés n'ont donné aucun résultat, les seules
céphalées cessèrent à la suite du traitement spécifique.
L'analyse du liquide céphalo-rachidien fut trouvée positive au point
de vue de la réaction de Wassermann. Les réflexes tendineux étaient
diminués, surtout du côté droit, mais il n'y avait aucun trouble de la
sensibilité. Ce qu'il y a de plus intéressant chez ce malade, c'est un
mécanisme curieux de correction des troubles de la vue :
A l'examen oculaire, pratiqué par M. Rasvan, on constata : œil droit,
paupière droite tombée et entr'ouverte de 1 à 2 centimètres. Le globe
oculaire dévié en dehors et en bas. Quand le malade couvre de sa main
Vœil gauche, on s'aperçoit tout à coup que la paupière droite se relève et
le globe oculaire revient sur la ligne médiane (fig. 2). L'œil gauche a
exécuté pendant ce temps un léger mouvement en dehors.
En fermant l'œil gauche et en disant à notre malade de porter l'œil
droit dans différentes directions, on observe que, du côté interne, les
mouvements sont très limités. Œil gauche : tous mouvements conservés,
sauf l'adduction qui est un peu réduite.
Aspect général binoculaire : quand le malade regarde à l'infini, on
observe que l'œil gauche est légèrement dévié en dehors, il n'a pas une
position complète de repos. Le malade présente une inégalité pupillaire
(dr > g) et l'abolition des réactions à la lumière et à l'accommodation
des deux côtés.
Depuis lors nous avons vu plusieurs cas semblables. Nos derniers
cas étaient d'anciens tabétiques, et tous présentaient les mêmes troubles
et le même mécanisme de correction.
J'ai reçu dernièrement dans mon service le malade P..., âgé de trente-
neuf ans, ancien tabétique, présentant un ptosis permanent et un stra-
bisme externe droit avec rigidité pupillaire (Argyll-Robertson). Il exis-
tait chez ce malade le même mécanisme de correction (fig. 4.).
C'est donc un fait d'observation que le trouble se rencontre plus fré-
quemment à droite, chez d'anciens spécifiques et surtout au cours du
tabès.
Les réactions humorales et les phénomènes oculo-pupillaires, ainsi
que l'hémiatrophie linguale chez notre premier malade, la disparition
chez celui-ci des céphalées à la suite du traitement spécifique, indiquent
qu'il existe des lésions — croyons-nous — nucléaires.
Ceci aurait une grande importance, surtout au point de vue du
diagnostic différentiel. Dans des lésions extra-cérébrales, en effet, lésions
méningées et surtout tumeurs et processus ostéopériostiques de la base
du crâne, qui engendrent les mêmes troubles objectifs, cette correction
ne se fait plus.
De même, au point de vue thérapeutique, nous croyons qu'on peut
con-server quelque espoir de restitution, tant que cette correction auto-
matique est possible. Dans les lésions définitives, le traitement, quoique
intensif, ne produit pas grand'chose.
Lemécanisme de cette curieuse correction, qui consiste dans le relève-
ment de la paupière droite et la disparition du strabisme par l'occlusion
de l'œil gauche, nous fait penser à l'existence de fibres communes aux
noyaux du moteur oculaire commun et du moteur oculaire externe.
Ces fibres croisées expliqueraient l'excitation d'un nerf paralysé par
l'action de l'autre qui est intact. On pourrait supposer encore le rôle d'un
effort, poussé au maximum, de la part des nerfs en action, en admettant
que pour la physiologie usuelle nous n'ayons jamais besoin d'un influé
nerveux porté au maximum. Ce sont là de simples présomptions physio-
pathologiques et nous attendons depuis longtemps une autre explication
possible du phénomène. La fausse correction automatique doit être
inscrite définitivement, semble-t-il, parmi les symptômes des lésions
nucléaires du moteur oculaire commun et comme symptôme oculaire du
tabès et surtout du tabès supérieur.

EXPLICATION DES FIGURES DE LA PLANCHE I

—Ptosis et strabisme externe à droite, hémiatrophielinguale droite.


FIG. I.
FIG. 2. — Correction automatique par l'occlusion de l'œil opposé
(gauche).
FIG. 3. — Le malade P..., atteint de tabes avec paralysie complète du
mot. oc. com. droit.
FiG. 4. — Correction automatique.
REVUE CRITIQUE

LA
VALEUR SCIENTIFIQUE DE LA PSYCHANALYSE
PAR
R. de SAUSSURE1

On comprend sous le nom de psychanalyse : 10 une méthode qui


doit être envisagée, soit au point de vue thérapeutique, soit au point de
vue scientifique ; 2° un ensemble d'observations faites en se servant de
cette méthode; 3° un ensemble de doctrines qui représentent l'interpré-
tation systématique des résultats acquis par la pratique psychanalytique.
Dans notre exposé, il ne peut être question d'examiner toute la pensée
de Freud, nous nous contenterons d'envisager la valeur scientifique de
sa méthode.
Dans tous les pays, les critiques adressées à la psychanalyse ont été
très vives, si en France elles ont été plus violentes encore qu'ailleurs,
cela provient avant tout de ce fait que, de l'œuvre de Freud, n'ont été
traduites que les doctrines et non les ouvrages concernant la méthode.
Plusieurs savants français ont voulu vérifier les assertions du psy-
chiatre viennois en se servant d'autres techniques que la sienne; ils
ont abouti à des résultats différents et en ont conclu que la doctrine
freudienne était erronée. Il en a été de même en histologie où quelques
hommes du métier ont longuement discuté sur l'existence ou la non-
existence de certains phénomènes. Leurs discussions n'ont pris fin qu'à
partir du moment où ils se sont servis de la même technique de colora-
tion. Si l'on veut pouvoir comparer les résultats, il importe en psychopa-
thologie aussi d'employer les mêmes méthodes. Les psychiatres fran-
çais. qui ont essayé d'appliquer la technique freudienne, se sont aperçus
que la psychanalyse, loin d'être une science négligeable, représentait un
champ d'études fort intéressant2.
Pour bien comprendre la valeur de la psychanalyse, il importe de la

i. Conférence donnée à la Clinique de Sainte-Anne, le 29 avril 1924.


(Service de M. le Professeur H. CLAUDE.)
2. Voir : Prof. Henri CLAUDE. La psychanalyse dans la thérapeutique des
obsessions et des impulsions. (Paris Médical, 20 décembre 1923) LAFORGUE
;

et ALLENDY. La Psychanalyse et les Névroses. Pavot, 1924.


situer dans l'ensemble des méthodes d'investigation psychiatrique.
Celles-ci peuvent être divisées en deux groupes : celles qui ont recours
à l'interrogation et celles qui s'adressent à l'observation.
L'interrogatoire a l'avantage d'être rapide et précis, mais le médecin
qui l'emploie sait généralement à l'avance ce qu'il veut demander au
malade; il se conforme à un schéma et par suite, il est tenté de vérifier
des faits connus, au lieu de se lancer dans des recherches originales. De
plus on risque parfois, à force de poser des questions dans un même sens,
de suggérer des réponses au malade. La méthode d'observation a cet
avantage de pousser le médecin à voir le patient tel qu'il est, sans parti
pris. Elle conduit souvent à des points de vue nouveaux et originaux.
Cependant elle présente un inconvénient, celui de faire perdre du temps
au praticien. Le sujet ne cause pas toujours et il entraîne son interlo-
cuteur dans des digressions inutiles et interminables. Pour ces raisons,
les psychiatres emploient en général avec un même malade, alternative-
ment l'observation et l'interrogatoire.
L'investigation psychanalytique représente une variété de la méthode
d'observation.
Après avoir placé votre sujet en décubitus dorsal sur un divan et
vous être assis derrière lui, vous lui demandez de raconter tout ce qui
lui passe par la tête. Qu'il s'agisse de faits qui lui paraissent insigni-
fiants, qu'il s'agisse d'allusions personnelles ou qu'enfin ce soient des
pensées honteuses ou révoltantes qui lui viennent à l'esprit, il faut que
votre sujet vous fasse part de tout avec une sincérité absolue. Vous pour-
suivez ces entretiens chaque jour pendant une heure de temps. Tel est
l'essentiel de la technique freudienne i.
Cette méthode ne peut naturellement pas être appliquée à tous les
malades. Outre qu'elle exige beaucoup de temps, elle réclame du psy-
chanalysé un certain degré de culture qui le mette à même de faire ce
travail constant d'introspection, lequel est à la base de notre technique.
Elle demande d'autre part du patient une intégrité complète de l'intel-
ligence. Elle s'adresse donc avant tout aux obsédés, aux phobiques,
aux impulsifs, à certains tiqueurs et à ce groupe de schizomanes que le
professeur Claude et ses élèves Borel et Robin ont récemment mis en
lumière.
Le but des méthodes psychiatriques est de nous renseigner sur les
symptômes que présentent les malades ; au contraire, lorsqu'on applique
la psychanalyse, on connaît déjà les symptômes dont ils sont affligés; ce
qu'on cherche, ce sont les mécanismes qui ont présidé à la formation
des manifestations pathologiques. C'est dire que l'objet d'investigation
de la psychanalyse est différent de celui de la psychiatrie classique;

i. J'ai exposé ailleurs le détail de cette méthode. Voir : La Technique


psychanalytique dans le T. I. du « Recueil de travaux français sur la psycha-
nalyse ». Paris, Payot, 1924. (Doit paraître prochainement.)
néanmoins la méthode freudienne reste une méthode psychiatrique en
ce sens qu'elle étudie aussi les phénomènes de la pathologie mentale.
J'espère avoir mis en relief, par ce qui précède, ce fait que la psychana-
lyse jusqu'ici ne présente rien de ce caractère rébarbatif que lui prêtent
certains critiques. Elle est une méthode d'observation tout comme une
autre.
Il nous reste maintenant à préciser l'objet des études psychanaly-
tiques. Nous diviserons ce sujet en trois paragraphes, à savoir : 1° Les
tendances et les événements refoulés ; 2° L'interdépendance des préoc-
cupations ; 3° Les modes d'expression de la pensée inconsciente.
i° Les tendances et les événements refoulés.
Nous ne parlerons pas ici des tendances inconscientes de notre être,
cela nous entraînerait dans l'exposé d'une grande partie des doctrines
freudiennes. Examinons plutôt ce que l'on entend par un événement
refoulé. En voici un exemple :
Charlotte est une malade de l'Asile de Cery (Lausanne). Elle dort
mal, s'alimente mal, et présente une paraplégie de nature vraisemblable-
ment hystérique. Depuis plusieurs mois qu'elle est souffrante, aucune
médication ne l'a soulagée. Elle croit voir des cordes, elle est obsédée
par l'idée du suicide. Dès qu'on veut lui parler, tout se brouille dans son
esprit, elle devient incohérente. Chaque soir, elle réclame qu'on enlève
de sa chambre sa serviette de toilette. Un matin, j'entre chez elle et je
lui demande brusquement à quoi lui fait penser cette serviette. Par cette
question rapide et inattendue, je suis arrivé à lui faire retrouver un évé-
nement qui depuis plusieurs mois la tourmentait, sans que jamais elle
fût arrivée à l'évoquer par elle-même. L'incident que voici était à la base
de ses obsessions : elle avait été appelée peu de temps avant le début de
sa maladie, au milieu de la nuit, par une de ses amies. Celle-ci lui raconta
qu'elle s'était disputée avec son mari, que celui-ci s'était enfermé dans
sa salle de bain et qu'il refusait de répondre. On força la porte et notre
malade vit que le mari de son amie s'était pendu avec son linge de bain.
Elle fut très émue, put cependant réconforter la veuve, mais quelques
jours plus tard, cette scène s'effaça de sa mémoire et l'état obsessionnel
débuta. Pendant tout le cours de sa maladie, Charlotte, quoique tour-
mentée par cet événement, avait été incapable de l'évoquer '.
En Allemagne, le Dr Deutsch a essayé de vérifier ces faits expéri-
mentalement. Il hypnotise M. X... et sous hypnose lui suggère une
scène terrifiante, par exemple qu'il est poursuivi dans un bois par des
brigands. Le sujet, devenu très suggestible par l'état de sommeil provo-
qué, croit à la réalité de la poursuite et devient anxieux. Deutsch, avant
de le réveiller, lui dit que chaque fois qu'il tirera son mouchoir de sa

i. Ces refoulements sont assez fréquents. Dans la littérature psychanaly-


tique française on en trouvera un bel exemple cité par NAVILLE. Voir : Revue
méd. de Suisse Romande, janvier 1919.
poche, M. X... entrera dans le même état d'angoisse qu'il vient d'éprou-
ver. Il réveille son patient et après une heure fait le geste convenu, X...
devient anxieux. Notre médecin lui demande pourquoi il pâlit et a l'air
si effrayé, mais le sujet ne peut fournir aucune explication. Deutsch
s informe alors auprès de lui pour savoir s'il n'a pas été poursuivi une
fois par des brigands dans un bois. X... nie toute aventure de
ce genre.
Notre confrère entreprend sur lui une psychanalyse. Par cette méthode
enfin, le patient arrive peu à peu à reconstituer par bribes l'événement
suggéré. Par la suite, Deutsch eut beau tirer son mouchoir de sa poche,
X... ne devint plus anxieux.
Cette expérience est intéressante à deux points de vue : r elle nous
montre qu'il peut y avoir une imperméabilité complète entre notre cons-
cient et notre inconscient1; 2° elle nous apprend que la psychanalyse
est capable de vaincre cette imperméabilité.
Passons maintenant au second objet des investigations freudiennes, à
savoir :
2° L'interdépendance des préoccupations d'un malade.
Le psychiatre cherche les symptômes d'un malade comme le gram-
mairien cherche les substantifs ou les verbes d'une phrase. Le but de la
psychanalyse est celui de la syntaxe. Elle cherche quelle est la valeur
réciproque des tendances et des souvenirs. Prenons un exemple. Pros-
per est un obsédé ; quand nous l'interrogeons sur ses préoccupations, il
nous répond volontiers qu'il est ennuyé d'avoir rompu ses fiançailles
trois ans auparavant, que toute dépense est pour lui l'objet d'intermi-
nables inquiétudes, que le cours du change l'affecte énormément et qu'en-
fin il ressent à l'égard de son frère cadet une vive jalousie. Celui-ci,
en
effet, a repris la forge de leur père, parcerque Prosper étaittrop faiblemus-
culairementpour ce genre de travail. Aux yeux de notre malade aucun lien
ne réunit ces diverses préoccupations. Je lui demande un jour pourquoi
il se fait tant de soucis d'argent alors qu'il appartient à une famille aisée
de paysans. Prosper est incapable de répondre. Cependant, après un
long temps de silence, le souvenir suivant lui vient à l'esprit : « Quand
nous étions enfants, nous nous amusions parfois à jouer la messe. C'était
toujours moi qui représentais le curé. » Ce jeu lui en rappelle un autre :
il s'amusait souvent avec son frère sur la meule ; il faisait le mécanicien
tandis que son cadet faisait le cheval.
Je fus frappé par le fait que, dans ces deux souvenirs qui succédaient
à ma question, Prosper jouait un rôle intellectuel vis-à-vis de son frère.
Je lui demandai alors si ses préoccupations d'argent ne venaient pas du

1. Nous employons ici le terme inconscient dans un sens tout à fait prag-
matique. Nous entendons par ce mot désigner l'ensemble des représentations
que l'individu est incapable d'évoquer à volonté. A ce sujet nous adoptons
tout à fait la manière de voir de Bernard Hart. Voir son ouvrage : The Psy-
chology of Insanity. Cambridge University Press, 1912.
désir de compenser intellectuellement la force physique qu'il jalousait
chez son cadet. Il me répondit que c'était probablement le cas mais
qu'il n'y avait jamais pensé. En même temps, il me raconta une foule de
circonstances dans lesquelles il essaya de supplanter son frère par l'in-
telligence. Mais, du même coup, je pus découvrir quel était le lien qui
unissait les différentes préoccupations dont il m'avait fait part. S'il avait
rompu ses fiançailles, c'était uniquement dans l'espoir chimérique
d'épouser une jeune fille plus riche qui puisse le rendre plus indépen-
dant de son cadet. S'il ne voulait pas dépenser, c'est qu'il entendait par
ses économies apporter à la famille autant d'argent que son frère en pro-
curait par le travail de ses bras. Dans toute sa vie, le besoin inconscient
de compenser la force virile de son cadet a été le mobile de ses actes. La
recherche de cette genèse des préoccupations peut avoir une grande
valeur au point de vue thérapeutique, car elle montre au malade où il
doit faire porter son effort pour se débarrasser de ses inquiétudes.
3° Les modes d'expression de la pensée inconsciente.
a) Les souvenirs écrans. — Il arrive souvent qu'à la suite d'une ques-
tion restée sans réponse ou après l'exposé de préoccupations tout à fait
récentes, surgisse dans l'esprit du malade un souvenir d'enfance. Ces
réminiscences expriment généralement sous une forme concrète, sym-
bolique, des inquiétudes qui ont tourmenté l'analysé depuis de nom-
breuses années. Les souvenirs de Prosper que j'ai rapportés plus haut
sont typiques à cet égard. Le sujet ne se rend généralement pas compte
lui-même que ces scènes d'enfance représentent la cristallisation d'un
conflit1.
b) La causalité.
— Lorsqu'un individu vous fait le récit de sa vie,
l'exposé de ses inquiétudes, il liejes épisodes qu'il vous narre par des
idées de causalité. Il fait dépendre tel fait de tel autre et ainsi de suite.
Au contraire, lorsque l'analysé est débarrassé du souci d'exposer logi-
quement ce qu'il pense et qu'il cherche à causer au gré de sa fantaisie
inconsciente, il ne lie plus par des rapports de dépendances les faits
qu'il cite.
Dans ces circonstances, la causalité s'exprime ordinairement par la
juxtaposition. Ainsi chez Prosper, j'ai fait naître la curiosité de savoir
pourquoi il avait des soucis d'argent. Le souvenir, qui a succédé à ma
question, nous donne la clef de cette énigme, mais notre malade n'en a
pas pris conscience par lui-même.
Il importe que le médecin prête une grande attention aux faits et aux
préoccupations que le malade juxtapose. Quoique l'analysé ne s'en aper-
çoive pas, ils sont souvent liés par des rapports de cause à effet.
c) Le rêve. — Le rêve est par excellence le langage de l'inconscient.
Il faudrait de longs développements pour exposer les divers modes d'ex-

i. J'ai publié d'autres c'a de souvenirs-écrans voir : SAUSSURE. La méthode


psychanalytique Paris, Payot, IQ22 p. 93.
pression qu'il emploie. Nous ne donnerons ici que quelques exemples
pour faire saisir les difficultés auxquelles on se heurte dans cette étude.
Tout d'abord, au point de vue technique, lorsqu'un malade vous
apporte un rêve, demandez-lui de le raconter d'un bout à l'autre, ensuite
vous le priez de répéter la première scène de l'image onirique etde donner
toutes les idées qu'elle lui suggère. Vous continuez ainsi pour la seconde
et la troisième scène jusqu'à ce que vous ayez obtenu toutes les asso-
ciations qui se rattachent au rêve.
Pour pouvoir saisir le sens du langage onirique, il importe de quitter
complètement le plan logique, rationnel de notre pensée. L'activité
inconsciente s'exprime de façon symbolique, synthétique, souvent même
syncrétique. On ne peut s'attendre à y trouver la clarté, les distinctions,
l'ordre qui règnent dans notre pensée réfléchie. Pour comprendre les
modes d'expression du rêve, il nous est précieux d'avoir recours à la
logique comparéeôll.
Voici un exemple : Val, une de nos malades, raconte ce rêve : « Ma
tante me dit : Tu dois avoir un ver solitaire, prends de la fougère mâle. »
Pendant toute la séance qui suit le récit de cette image onirique, Val
nous expose combien il lui est dur, à l'âge de trente-six ans, de se sentir
seule. Une aventure sentimentale, aujourd'hui rompue, l'avait tenue
écartée du mariage. Elle se révolte contre l'homme qui n'a pas tenu sa
promesse, se désespère à l'idée qu'il est trop tard pour elle de se marier,
qu'elle ne trouvera plus d'occasion. Puis elle me confie qu'un médecin
lui a conseillé de se marier. « C'est pour vous le seul moyen de guérir »,
a-t-il dit. Bref, toutes les préoccupations de Val tournent autour de sa
solitude d'une part (ver solitaire), autour de son envie de convoler en
justes noces d'autre part (fougère mâle). Faut-il voir dans ce rêve un
reflet des inquiétudes de la malade? Ce serait un jeu de mots absurde
pour notre bon sens et d'emblée nous sommes tentés de repousser cette
interprétation. Mais si nous quittons le plan logique de notre activité
intellectuelle pour nous reporter aux modes d'expression des pensées
inférieures, nous voyons que le raisonnement par assonnance verbale y
joue un rôle si considérable que l'interprétation, que nous repoussions
tout à l'heure, nous paraît maintenant possible. Piaget (op. cit.) nous
rapporte plusieurs cas de raisonnements de ce genre chez les enfants.
Sérieux3 et Guiraud 3 citent des faits analogues chez les aliénés. J'ai

i. Sur la logique de l'enfant voir : PIAGET. Le langage et la pensée de l'en-


fant. Nestlé et Delachaux, Neuchâtel, 1924. 2 vol. LUQUET : Les dessins d'un
enfant. Paris, Alcan 1908. Le Journal de Psychologie 1924(Paris Alcan) dont le
fascicule 1 est consacré à la psychologie de l'enfant. Sur la logique comparée,
voir les ouvrages de LÉVI-BRUHL et MASSON-OURSEL : La Philosophie comparée.
Alcan, 1924.
2. SéRIEUX et CAPGRAS. Les Folies raisonnantes- Paris, Alcan, 1909, p. 22,
34, 43 etc.
3. GUIRAUD. Ann. Mèd.-Psychol. 1921.
publié1 le cas d'un paranoïde qui se croyait pris dans un réseau de fils
dont il ne pouvait s'échapper et qui interprétait une oppression pecto-
rale par des montagnes qui lui tombaient dessus. Lorsqu'on lui disait
qu'il se faisait des illusions, il répondait : « Non, la Bible parle déjà de
Philémon, c'est donc bien une preuve que nous serons persécutés pa f
des fils et des monts. » Le folk-lore, qui représente une autre forme de

i
pensée primitive, use souvent du raisonnement par assonnance verbale.
C'est ainsi que, dans la croyance populaire, saint Mamès donne du lait
aux nourrices ; saint Mein de Gaël guérit la gale des mains. Le folklore
chinois est extrêmement riche en superstitions de ce genre.
Ainsi donc, dans les différentes formes de la pensée primitive, la liai-
son de deux mots semblables acquiert souvent la valeur d'un principe
de causalité. Cette constatation — si elle ne suffit pas à emporter notre
conviction que, dans le cas particulier de Val, le rêve du ver solitaire
à
était vraiment une allusion ses préoccupations — nous oblige du moins
à poser la question d'un rapport possible.
Les médecins qui ont une certaine pratique de la psychanalyse sont
plus enclins à accepter ces interprétations, car leur opinion n'est pas
fondée sur un exemple, mais sur un grand nombre de cas où le rêve
extériorisait les sentiments du malade sous la forme d'un jeu de mots.
Pour montrer tout l'intérêt que les études psychanalytiquesont donné
à la question du rêve, il faudrait faire pour le symbolisme, la conden-
sation et les autres modes d'expression onirique une démonstration
analogue à celle que nous venons de tenter pour les raisonnements
par assonnance verbale, mais cela nous entraînerait trop loin. Il nous
suffit d'avoir indiqué qu'il y a là un problème que la science ne saurait
négliger.
d) Le symptôme morbide.
— Comme le rêve, le symptôme morbide
est souvent l'expression symbolique d'un désir. Il est une tentative d'adap-
tation manquée, où la réalité a été déformée au profit des désirs du
malade. Flournoy a publié le cas d'une femme atteinte d'un parkinso-
nisme hystérique 3. Cette malade guérit le jour où elle se rendit compte
des faits suivants : Près de chez elle habitait une femme atteinte de
paralysie agitante ; depuis qu'elle était tombée malade, son mari était
devenu beaucoup plus prévenant et affectueux à son égard. La malade de
Flournoy trouvait que son ami n'était pas assez empressé auprès d'elle et
tint inconsciemment ce raisonnement. « Si, à mon tour, je tombe dans
l'état de ma voisine, mon ami se rapprochera de moi. » Certes le remède

1. SAUSSURE. Les raisonnements par assonnance verbale. (Ann. Méd. Psy-


chol. déc. 1923.)
2. Cf. HARAUCOURT. Histoire de France expliquée au musée Cluny. Paris.
Larousse 1922, p. 64.
3. Voir H. FLOURNOY. Archives de Psychologie, t. XVII, p. 208,
1919.
(Genève : Kundig.)
était pire que le mal, l'adaptation manquée, mais le symptôme n'en repré-
sentait pas moins l'expression symbolique d'un désir1.
Pour être complet, il faudrait étudier bien d'autres formes d'expres-
sion de l'activité inconsciente, ainsi les oublis, les lapsus, les mythes, les
superstitions, certaines œuvres d'art, etc.

CONCLUSIONS
La psychanalyse est une méthode scientifique irréprochable tant
qu'elle aborde les préoccupations conscientes du malade, car jusque-là,
elle ne fait qu'enregistrer des faits. Mais si elle se borne à explorer la
partie consciente du sujet, la technique freudienne reste inefficace au point
de vue thérapeutique, parce qu'alors elle n'atteint pas le fond des con-
flits. Ce sont des raisons pratiques qui l'ont conduite à pousser plus loin
ses investigations* Grâce à cela elle a mis en lumière des phénomènes
tels que le refoulement, la condensation, la symbolisation, la déforma-
tion inconsciente des faits au profit du désir, les souvenirs écrans, etc.
Ces constatations restent désormais acquises à la science.
Au point de vue scientifique, on pourra reprocher à la psychanalyse
d'être une méthode qui travaille toujours sur l'individuel, sur le cas
particulier. Il n'y a pas d'universalisme dans la signification des sym-
boles et, partant, pas de critère objectif et certain pour définir le sens
exact de chaque symbole dans chaque cas particulier. Cette difficulté, si
grande soit-elle, tient plus à l'objet de notre science qu'à la technique
elle-même.
Freud a découvert un champ d'étude intéressant et fécond. Si son
exploration est hérissée de difficultés, on ne saurait en rendre respon-
sable le psychiatre viennois. Sa méthode peut avoir des imperfections,
elle n'en reste pas moins la meilleure que nous possédions jusqu'ici pour
entreprendre l'étude des phénomènes inconscients.
Au reste, les mêmes objections se présentent dans d'autres disciplines.
En histoire, par exemple, si vous cherchez à dégager quels ont été les
principaux facteurs qui ont engendré le régime féodal au moyen âge,
vous constaterez que, d'une part, la royauté s'affaiblissait et que, d'autre
part, l'unité ethnique et linguistique n'existait pas encore en France. Les
différentes peuplades de la nation ne s'étaient pas encore fondues dans
un tout. Si vous n'étudiez que la genèse du régime féodal en France,
vous pouvez douter de la valeur des causes explicatives que vous mettez
en avant, mais si vous cherchez l'origine du régime féodal dans un autre
pays et que vous constatiez que les mêmes causes ont présidé à la genèse
de ce régime, votre certitude s'accroit. C'est ainsi qu'en Chine, où les

i. Pour d'autres exemples publiés en langue française voir LAFORGUE et


ALLENDY : op. cit., et ODIER : Sur un cas- de paralysie hystérique. (Arch. de
Pycholo-yie 1914, p. 158 et suiv.)
races sont peu mêlées et les langues diverses, le régime républicain, qui
a affaibli le pouvoir central, a fait naître une vraie féodalité républicaine.
Chaque province s'est donné une constitution autonome, tout en res-
tant une partie de l'État chinois. En psychanalyse aussi, vous pouvez
douter de la signification de tel rêve particulier, mais quand vous en
examinez un grand nombre, vous finissez par être convaincu de la
valeur symbolique des images oniriques. Comme l'a fait remarquer
Flournoy1, lorsqu'un individu trouve en un endroit un silex taillé, il se
demande s'il y a eu là une station préhistorique, mais il ne peut tirer
aucune conclusion de cette seule pierre. Si, au contraire, il trouve sur
un même emplacement un grand nombre de silex taillés, sa conviction
sera faite.
En résumé, nous pouvons dire que la psychanalyse est une méthode
qui, au point de vue scientifique, est loin d'être parfaite et à l'abri de
certaines critiques justifiées, mais qui n'en est pas moins la meilleure
que nouspossédions pour explorer l'inconscient. Elle nous a déjà donné
de nombreux résultats auxquels d'autres procédés d'investigationn'étaient
pas arrivés. Il serait injuste de vouloir d'emblée la rejeter, il serait plus
désirable de chercher à la perfectionner.

I. FLOURNOY. La Psychanalyse, les médecins et le public. Paris 1924. p. 24.


REVUE DES CONGRÈS

CONGRÈS
DES
ALIÉNISTES ET NEUROLOGISTES
DE FRANCE
ET DES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
(XXVIII* session, Bruxelles, août 1924)

I. — RAPPORT IJH: PSYCHIATRIE


Une des formes de l'enfance anormale La débilité mentale. Limites et
évolution; formes et complications, par MM. Th. SIMON (de Paris) et
G. VERMEYLEN (de Gheel).
Les auteurs étudient dans ce rapport la débilité mentale, en compre-
nant dans cette étude tous les degrés de l'arriération, mais en excluant
du sujet les troubles du caractère. D'autre part ils se sont placés exclu-
sivement sur le terrain clinique, laissant de côté l'anatomie patholo-
gique, et limitant leur exposé aux limites, à l'évolution, aux formes cli-
niques, et aux complications de la débilité mentale.
a) LIMITES. — La première difficulté consiste à déterminer les limites
de la débilité mentale : la limite inférieure est la moins délicate à fixer
si l'on se rapporte aux définitions données par Binet et Simon de
l'idiotie et de l'imbécillité; la première comprenant tous les cas dont le
niveau d'intelligence ne dépasse pas celui d'un enfant de deux ans; la
deuxième correspondant à un niveau d'intelligence ne dépassant pas
celui d'un enfant de sept ans. La limite inférieure de la débilité mentale
répond donc au niveau d'un enfant de sept ans. Par contre la limite
supérieure est beaucoup moins nette. D'une façon générale on peut
considérer comme arriérés les sujets dont le niveau est inférieur à celui
d'un enfant de dix ans. Mais cette règle ne s'applique qu'aux adultes.
Pour les enfants, on ne peut se baser sur des données aussi fixes. Il faut
alors déterminer quelle est la limite du retard intellectuel permettant
de conclure à la débilité mentale. On peut encore, comme font les
auteurs étrangers, avoir recours au « quotient d'intelligence », c'est-à-dire
au quotient de l'âge intellectuel par l'âge réel du sujet.
Les auteurs ont essayé de déterminer la valeur minima du retard
intellectuel correspondant à la débilité mentale, en partant de deux
méthodes : la première consiste à examiner un grand nombre d'enfants
normaux et à fixer non seulement le niveau moyen par âge, mais encore
les variations limites de ce niveau normal. La deuxième méthode con-
siste à examiner un grand nombre d'enfants placés dans des établisse-
ments spéciaux d'arriérés et à déceler l'écart minimum qu'on trouve
dans ces cas avec les niveaux moyens de chaque âge. Les résultats du
reste copcordants de ces deux méthodes sont les suivants : peuvent
être considérés comme arriérés des enfants de cinq, six, sept ans ayant
un retard atteignant un peu moins d'un an ; des enfants de huit, neuf ans
ayant un retard d'un an; des enfants de dix, onze ans ayant un retard de
deux ans; des enfants de douze ans ayant un retard de trois ans; des
enfants de quatorze, quinze ans ayant un retard de cinq à six ans.
b) ÉVOLUTION DE LA DÉBILITÉ MENTALE. — Il est de toute première
importance de connaître les éléments du pronostic de la débilité men-
tale, et de pouvoir déterminer non seulement les chances de progrès,
mais encore l'étendue des progrès que l'on est en droit d'espérer d'un
arriéré. Des multiples enquêtes des rapporteurs il ressort que ces fac-
teurs pronostics sont déterminés surtout par deux éléments : l'âge du
sujet et son quotient d'intelligence. Pour les sujets jeunes, autrement dit
pour les enfants de cinq à douze ans, les chances de progrès sont d'au-
tant plus grandes que leur quotient est plus élevé. Pour les sujets de
plus de douze ans, les chances s'accroissent tant que le quotient ne
dépasse pas un certain niveau qui est situé autour de 0,7. Quant à la
question de l'étendue du progrès, l'avance est à peu près la même pour
les quotients de 0,1 à o,5 quel que soit l'âge des sujets. Au-dessus de
0,6 de quotient, l'avance est beaucoup plus marquée chez les jeunes.
Enfin ces éléments de pronostic dépendent aussi en grande partie de
facteurs organiques : les scléroses cérébrales, l'hémiplégie, l'hydrocé-
phalie, etc., assombrissent le pronostic.
c) FORMES CLINIQUES. — En dehors des éléments quantitatifs que l'on
vient d'étudier, il faut tenir compte des signes qualitatifs qui condi-
tionnent les formes cliniques. Un certain nombre de débiles se montrent
bien équilibrés dans toutes leurs activités psychiques et ont une courbe
mentale se rapprochant de l'horizontale : Ce sont les « débiles pon-
dérés » ou encore les « débiles harmoniques ». Ces sujets qui ne pré-
sentent pas d'anomalie saillante de l'intelligence ou du caractère, sont
les plus éducables, et constituent la forme clinique la plus favorable. —
D'autres présentent au contraire en plus de leur déficience globale un
déséquilibre électif. Celui-ci peut porter sur les fonctions intellectuelles
supérieures jugement, raisonnement). Il s'agit alors des sots véritables
esprits faux, vaniteux, et dépourvus d'auto-critique parmi lesquels il
faut distinguer le « débile satisfait », le « débile vaniteux », le « débile
facétieux », tous en général peu éducables. D'autres fois le trouble porte
sur l'activité générale : il s'agit des instables dont l'activité est dispersée
et improductive en raison des troubles de l'attention. De ces instables il
faut rapprocher les débiles puérils qui conservent la versatilité, la spon-
tanéité, et l'absence d'inhibition de l'enfance. Enfin le trouble peut por-
ter électivement sur l'affectivité ; il s'agit alors des débiles émotifs.
d) COMPLICATIONS. — Les principales sont : l'épilepsie qui est surtout
fréquente chez les arriérés profonds, et dont l'association est très
fâcheuse. Ce sont ensuite les troubles de l'activité. La turbulence peut
atteindre une intensité exagérée. Plus souvent l'apathie, l'absence d'in-
térêt, l'indifférence prédominante, ces caractères étant particulièrement
accentués chez les myxoedémateux, les mongoles, les hydrocéphales.
Enfin deux questions importantes sont à envisager : ce sont les rap-
ports de la débilité d'une part avec la délinquence, d'autre part avec la
folie. Les débiles constituent une forte proportion des jeunes délin-
quants. A ce point de vue, la période pubérale amène un accroissement
des plus net de la délinquence chez les débiles, et cet accroissement
atteint son maximum à l'âge de quatorze ans. D'autres conditions adju-
vantes doivent du reste entrer en ligne de compte, et au premier chef les
conditions de milieu familial et social. Enfin les « instables » constituent
le groupe le plus important parmi les débiles délinquants. Quant aux
psychoses, elles surviennent assez rarement au cours de l'évolution de la
débilité mentale. Bien qu'un nombre assez élevé de malades vésaniques
présentent de la débilité mentale, il ne s'agit en général que d'une débi-
lité limitée, peu accentuée, et ne jouant qu'un rôle prédisposant dans
l'éclosion des troubles psychopathiques.

Discussion :

M. Hesnard. L'étude de la débilité mentale au simple point de vue quan-


titatif, métrique, reste malgré tout un peu artificielle. D'autre part un des
côtés les plus importants de la question répond aux troubles du caractère
et de l'affecti),ité qui peuvent atténuer ou aggraver l'insuffisance intellectuelle.
L'auteur insiste également sur quelques types de débiles : le débile maniéré,
le débile moteur (Dupré), le bradypsychique constitutionnel. Quant aux rap-
ports de la débilité mentale et de la folie, si trop souvent on fait le diagnostic
de débilité sous-jacente à une psychose, il n'en reste pas moins vrai qu'il faut
considérer non seulement la débilité intellectuelle, mais encore la débilité
affective qui joue un rôle important dans les troubles d'adaptation.
M. Porot (d'Alger) confirme les divisions cliniques de débiles proposées
par les rapporteurs. Il insiste sur la plasticité mimique de certains débiles; qui
va parfois jusqu'au maniérisme et prend souvent l'aspect du puérilisme mental.
Il rappelle à ce propos ce qu'il a dit avec M. Hesnard du puérilisme mental,
à savoir qu'il s'agit presque toujours d'un phénomène d'éducation pithia-
tique. Chez certains débiles indigènes, il a pu observer le phénomène de
Yéchomimisrne ou des attitudes de pithiatisme étranges et caricaturales. Ce
maniérisme grotesque des débiles fait penser parfois a la simulation. Ce n'est
qu'une des formes de la sursimulation.
Il insiste sur les petits stigmates neurologiques (syndrome d'insuffisance
motrice de Dupré) l'auteur a observé des états d'astasie, des démarches
;
pseudo-cérébelleuses, du tremblement, nystagmus, mouvements choréiques
de la face.
Il insiste sur !a relativité de la notion de débilité mentale suivant les races
envisagées (nécessité de prendre en considération le coefficient ethnique, par
exemple chez l'indigène musulman) et sur la fréquence des épisodes psycho-
pathiques chez le débile (bouffées délirantes, états maniaques ou dépressifs),
tandis que les véritables vésanies sont rares. A l'appui de l'influence du
milieu sur la délinquence du débile, il montre que parmi les délinquants des
bataillons d'Afrique, plus de la moitié sont des enfants naturels, pupilles de
l'Assistance publique, livrés aux hasards des placements, sans tutelle fami-
liale.
M. Courbon insiste sur un type de débile qu'il appelle le « débile rou-
blard », qui exploite ses infirmités pour en tirer des avantages. Ce type est
fréquent au régiment. Ce debile fait appel à l'ironie et à la pitié des autres,
mais manifeste sa déficience intellectuelle par le manque d'opportunité de ses
interventions.
M. Casanova insiste sur les modalités de la débilité mentale chez les indi-
gènes. On observe souvent chez eux un arrêt de leur développement intellec-
tuel à la suite de surmenage scolaire, et à la suite du bouleversement par
l'éducation de toutes leurs notions et de leurs habitudes d'esprit ancestrales.
Il y a là une véritable « débilité mentale » acquise. Aussi y aurait-il lieu d'étu-
dier la pédagogie aux colonies.
M. Boncour attribue une importance capitale aux troubles du caractère.
Dans un rapport qu'il a publié sur l'avenir des anormaux après leur sortie, il
a constaté 20 p 100 de déchet chez les débiles simples, et 45 p. 100 chez les
débiles avec troubles du caractère. Ce sont ces derniers qui sont à la base de
la delinquence. Enfin, il estime que le pronostic des instables est moins sévère
que ne le disent les rapporteurs. Il faut avec Bourneville distinguer les ins-
tables bien intentionnés, et les instables rebelles, indisciplinés.
M. Decroly (de Bruxelles) défend l'utilité de la méthode quantitative, et
des tests. Cette méthode est en effet indispensable pour dépister les anormaux
dans les écoles. D'autre part elle complète l'observation clinique. Enfin il
insiste sur l'influence des troubles de la parole qui peuvent simuler la
débilité.
M. Boulanger estime également que la méthode des tests est indispensable.
A ce sujet, il fait remarquer que certains individus présentent par rapport aux
tests un type « lacunaire » ; ce type serait fréquent chez les épileptiques, et
parfois chez les déments précoces au début.
M. Marre insiste sur la grosse mortalité des anormaux profonds (idiotie,
imbécillité), sur la rareté de l'aliénation chez les débiles, sur la nécessité de
séparer les anormaux simples des anormaux profonds, enfin sur le rôle de
l'alcoolisme chez les ascendants.
M. Ley est d'accord avec les auteurs précédents sur l'utilité des tests. Tou-
tefois il n'est pas absolument exact d'assimiler un débile à un enfant normal
arrêté à un stade antérieur du développement psychique.
M. Wiin?izei- souligne la valeur objective de la méthode des tests. Toute-
fois il faut y ajouter l'étude de l'affectivité.
MM. Simon et Vermeylen, rapporteurs, répondent aux argumentateurs. Ils
montrent que leur sujet était limité de par son titre, et ne comprenait pas
l'étude des troubles du caractère. Ils estiment que la détermination du niveau
de l'intelligence peut permettre dans une certaine mesure de poser un pro-
nostic. Ils pensent qu'il ne faut pas opposer les tests à la clinique, mais les
associer, la clinique étant indispensable pour apprécier les tests et tenir
compte des troubles de la parole. Quant aux arrêts brusques d'enfants qui
promettaient beaucoup, il est difficile de les prévoir. En ce qui concerne les
formes cliniques, il est encore malaisé de dégager des formes cliniques très
systématiques. Les troubles du caractère sont certainement très importants,
aussi est-il bon de faire usage de la « courbe mentale » qui les objective. Enfin
les signes neurologiques doivent évidemment être soigneusement notés.

Il. — RAPPORT DE NEUROLOGIE.


Comment étudier les troubles du langage? par M.-J. FROMENT (de Lyon).
Au milieu du conflit d'affirmations contradictoires des points de vue
opposés et inconciliables, il n'est pas toujours aisé de déterminer, qu'il
s'agisse des données anatomiques, des données psycho-physiologiques,
voire même des données cliniques, quelles sont celles qui peuvent, en
toute sécurité, être considérées comme certaines. Aussi convient-il de
reprendre méthodiquement l'œuvre de revision commencée par P. Marie
et de l'étendre à tous les problèmes qu'embrasse la question des troubles
du langage. Mais quels sont ceux de ces problèmes dont la solution
s'impose d'abord ? Avant d'adopter l'une des conceptions, voire même
l'une des classifications des troubles du langage qui ont été proposées,
avant de jeter les bases des conceptions et des classifications nouvelles,
on doit s'attacher d'abord à l'analyse clinique et phonétique des princi-
paux troubles du langage afin d'établir objectivement en quoi ils
consistent. C'est parce que l'on ne s'est pas suffisammentattaché à cette
analyse phonétique méticuleuse et systématique, parce qu'à cet égard on
a beaucoup plus supposé que démontré, que l'on s'est exposé aux
contradictions récentes.
Problèmes anatomo-pathologiques. — On ne doit demander en
aucun cas aux recherches anatomo-pathologiques la justification et la
vérification des conceptions émises. Quand bien même il serait définiti-
vement démontré que l'aphasie motrice est sous la dépendance d'une
atteinte de la région lenticulaire, il n'en résulterait pas que la conception
de l'anarthrie a fait ses preuves; seule une analyse clinique rigoureuse
est susceptible de nous apprendre ce qui empêche l'aphasique dit moteur
de parler.
L'anatomie pathologique n'est pas susceptible, en l'état actuel de nos
connaissances, d'étayer une étude et une classification rigoureuse des
troubles du langage. Trop de points demeurent incertains. Quels
renseignements demander à la méthode anatomo-clinique quand la
nature exacte d'un trouble tel que l'aphasie dite motrice n'aura pas été
définitivement élucidé, tant que l'on aura pas établi, sans discussion
possible, s'il tient à une perturbation de la coordination articulaire, de
la mémoire verbale ou de l'intelligence? Les constatations anatomiques
sont de toute évidence impuissantes à trancher le débat et leur interpré-
tation inévitablement hypothétique reste sujette à conteste.
Il paraît difficile de voir dans le quadrilatère de P. Marie autre
chose qu'une localisation d'attente. En effet, il est toute une série
d'affections qui, atteignant le quadrilatère gauche dans l'une de ses
parties, ne réalise nullement le syndrome aphasie motrice pure dite
anarthrie, non plus que le syndrome aphasie motrice type Broca. Il en
est ainsi des ramollissements multiples observés chez le pseudo-bulbaire
dont les troubles de !a parole du type dysarthrique n'ont en réalité
aucun rapport avec les précédents. Il en est de même de toute une série
d'atlections du corps strié récemment étudiées par Wilson, Oppenheim,
O. et C. Vogt dans lesquelles les troubles de la parole, facteurs de
l'hvpertonie, ont encore un autre aspect. Il resterait donc à spécifier
quelles sont les parties du quadrilatère dont l'atteinte est susceptible de
réaliser le syndrome aphasie motrice.
Psycho-phrsiologie du langage. — L'articulation et l'écriture sont
des actes qui échappent à toute direction, à toute coordination consciente
et que nous exécutons machinalement, aveuglément, sans les connaître.
Seuls les procédés d'inscription utilisés en phonétique ont pu montrer
en quoi consistaient l'articulation des quarante-quatre sons fondamentaux
ou phonèmes qui sont utilisés dans la langue française et qui repré-
sentent les quarante-quatre notes du clavier articulaire. La mémoire
motrice est une mémoire inconsciente et pourrait-on dire organique qui
tient sous sa dépendance des habitudes articulaires et des habitudes
graphiques, mais ne nous en donne d'aucune manière l'image. Les
prétendues images motrices articulaires et graphiques ne correspondant
à aucune réalité, ce sont de simples vues de l'esprit que ne légitiment ni
l'étude de l'homme normal, ni celle de l'aphasique et de l'halluciné.
On ne peut nier, par contre, la réalité des images auditives et visuelles
verbales qui sont bien de véritables images mentales; c'est sur elles
seules que repose la notion du mot. L'évocation des images auditives
verbales suffit à déclencher comme un réflexe les habitudes articu-
laires correspondantes aux phonèmes qui entrent dans la constitution
desdits mots. L'évocation des images visuelles verbales met en jeu et
dirige les habitudes graphiques qui y ont été associées.
Le langage intérieur est, chez tout individu, constitué par les images
auditives verbales avec ou sans accompagnement moteur (articulation
ébauchée), avec ou sans évocation concomitante des images visuelles
verbales. D'intensité habituellement faible, il acquiert parfois même à
l'état normal, une plus grande sonorité et prend le timbre des voix
connues.
Dysarthries. — C'est en se fondant sur l'étude des dysarthries
proprement dites (paralysie glosso-labio-laryngée, paralysie pseudo-
bulbaire, sclérose en plaques, syndrome cérébelleux) qu'il faut d'abord
chercher à préciser quels sont les caractères phonétiques des troubles
avérés du mécanisme articulaire. Mais il ne faut en aucun cas prendre
pour type de dysarthrie les troubles de la parole du P. G., qui
comportent l'association à une dysarthrie des troubles de la mémoire
verbale.
Le test des mots d'épreuve n'est pas un critère susceptible d'établir
l'existence d'un trouble du mécanisme articulaire. La formule phoné-
tique, par contre, en est pathognomonique. Ce sont, pour un cas donné,
toujours les mêmes phonèmes qui sont indistincts et ils le sont dans des
conditions bien définies les troubles répondent à une véritable constante
:

qui trouve sa raison d'être dans les données et les lois de la phonétique.
Aphasies. — Les troubles de la parole qui caractérisent l'aphasie
type Broca et l'aphasie motrice pure (anarthrie de P. Marie) ne sont au
contraire que paradoxes au point de vue phonétique. Le même phonème
aisément et correctement prononcé dans un mot, ne peut plus être
prononcé s'il s'agit d'un autre mot, ni même à l'état isolé. Mais par
un pointage méthodique après inventaire de tous les mots qui
échappent encore au malade, on peut montrer qu'aucun phonème ne
manque réellement à l'appel, qu'aucun procédé articulaire n'est vraiment
perdu. Il ne peut être ici question, ni de trouble de la coordination
articulaire, dite anarthrie, ni de perte du souvenir des mouvements arti-
culaires ; la formule phonétique de l'aphasie motrice type Broca,
comme celle de l'aphasie motrice pure, n'autorise aucune de ces deux
hypothèses.
La conception qui paraît le mieux rendre compte de toutes les parti-
cularités, de tous les paradoxes de l'aphasie est la suivante. Qu'il s'agisse
d'aphasie d'expression dite motrice ou d'aphasie de compréhension dite
sensorielle, c'est toujours le souvenir auditif et visuel du mot qui est
en cause. Mais tandis que dans l'aphasie dite sensorielle il y a amnésie
avec troubles de la reconnaissance, dans l'aphasie d'expression dite
motrice le trouble ne se porte à peu près que sur l'évocation. L'impos-
sibilité d'évoquer l'image visuelle verbale engendre l'agraphie et l'impos-
sibilité d'évoquer l'image auditive verbale, l'incapacité de parler dite
aphasie motrice. Entre l'aphasie motrice type Broca, d'une part, et
d'autre part, l'aphasie amnésique et l'amnésie de l'homme normal, il
n'y a que des différences de degré c'est toujours parce que le mot ne
:

résonne plus dans la tête que la prononciation en est impossible. S'il ne


suffit plus à un aphasique moteur d'entendre souffler le mot rebelle pour
que la prononciation en redevienne possible, c'est parce que le trouble
de la mémoire verbale étant beaucoup plus marqué les sons entendus
sont de nouveau aussitôt oubliés.
Dans l'aphasie motrice pure, dite anarthrie, la notion du mot n'est
pas indemne, il y a amnésie verbale, partielle et dissociée. L'image
visuelle verbale peut être évoquée, ce qui permet au malade d'écrire et
de passer avec succès l'épreuve de Proust-Lichtheim-Déjerine. Mais,par
contre, le trouble de l'évocation de l'image auditive verbale subsiste et
c'est ce qui empêche le malade de parler.
La possibilité de rééduquer les aphasiques dits moteurs sans aucune
démonstration articulaire en ne s'adressant qu'à leur oreille et, en
s'efforçant simplement de fixer et de mordancer les sons rebelles, est la
vérification, pourrait-on dire expérimentale, de cette manière devoir.
Aux troubles de la mémoire verbale s'ajoute un déficit intellectuel
léger, assez particulier mais indiscutable, qui en accentue les effets.
Dysphasies. — Quels que soient les phénomènes sur lesquels
achoppe le bègue, il s'agit d'une difficulté d'émission plus ou moins
facile à vaincre et non d'une émission indistincte. La formule phoné-
tique diffère très notablement de celle des dysarthries. il s'agit seule-
ment, en effet, chez le bègue d'un spasme provoqué par l'émotion qui
vient s'opposer au fonctionnement par ailleurs normal du mécanisme arti-
culaire. C'est surtout lorsque les phonèmes incriminés sont bien en vue,
en tête du mot ou de la phrase, que le bègue achoppe et y reste comme
accroché.
Le dysphasique, de par les troubles moteurs qui s'y associent, de
par l'influence de l'émotion sur le déclenchement du spasme, s'appa-
rentent aux syndromes striés (H. Meige, Babinski, de Massary et
Rachet). Mais on doit se demander, si, à côté de la dysphasie du type
strié, on ne doit pas maintenir l'existence d'une dysphasie névropa-
thique du type anxieux avec obsession articulaire et phobie de certains
sons.
Hallucinations verbales. — L'hallucination verbale n'est pas une
perception sans.objet, elle n'est que le résultat d'une dissociation ou
dislocation du langage intérieur.
La partie reniée par l'halluciné a même texture que le reste du
langage intérieur qui, chez tout individu, est habituellement auditivo-
moteur. La trame demeure sensiblement la même quel que soit le type
d'hallucination considéré : n'arrive-t-il pas indifféremment à tel ou tel
type d'halluciné de marmotter ou de parler son hallucination? Mais le
malade ne voit le plus souvent que l'un des aspects, l'une des faces de
ce langage, celle qui le frappe ou l'impressionne le plus. C'est ce qui a
conduit à décrire avec l'intéressé les pseudo-hallucinations verbales, s'il
s'agit de langage intérieur de faible sonorité, tel que celui qui constitue
la trame habituelle de notre pensée, et qu'il s'agit de formes vives dudit
langage, les hallucinations auditives, auditivo-motrices, verbo-motrices
ou visuelles.
La partie de son langage intérieur que renie le sujet dit halluciné
n'acquiert une certaine vivacité qu'en raison de l'état de rêve dans
lequel vit le malade et en raison du fait que ce derniery concentre toute
son attention sans permettre l'entrée en jeu du mécanisme réducteur
constitué par ses perceptions.
Quant aux raisons mêmes de cette dissociation, de l'extériorisation
spatiale ou psychique de la partie reniée, de la forme, que semblent
revêtir les hallucinations, elles doivent être recherchées dans la teneur
du délire concomittant.
Discussion :
M. Anglade fait observer que cette question de l'aphasie a été obscurcie
pour plusieurs raisons : tout d'abord l'aphasie de Wernicke a été au début
mal délimitée, et les questions qu'elle soulève et qui sont à la fois du ressort
du neurologiste et du psychiatre ont été étudiées analytiquement mais pas
synthétiquement. En outre, on s'est borné au point de vue anatomique à des
localisations grossières, et on ne possède pas encore assez de documents à la
fois cliniques et anatomiques très complets. Toutefois c'est dans cette vieille
méthode anatomo-clinique qu'il faut persévérer; il faut avant tout observer
des faits, avant de construire des doctrines. Enfin il souligne la différence
capitale qui sépare l'anarthrie de la dysarthrie. Quant à la question des hallu-
cinations, il estime comme M. Froment que leur caractère capital consiste
dans le fait d'entendre sa propre pensée intérieure, beaucoup plus que dans
leur appoint sensoriel.
M. Vandervloet (d'Anvers) s'élève vivement contre l'idée de la suprématie
dela méthode psycho-physiologique. Les phénomènes psychiques comportent
un côté organique qui est seul susceptible de comporter une étude précise. La
méthode anatomo-clinique a fait ses preuves. — On ne peut d'autre part faire
table rase des images motrices. Enfin, on ne peut attribuer l'apraxie unique-
ment à un trouble de la mémoire. Cette conception en effet ne peut s'appliquer
à l'apraxie motrice, et encore moins à l'apraxie unilatérale.
M. Hesnard estime qu'il n'y a pas lieu de substituer les images sensorielles
aux images motrices. La conception des images » doit du reste être aban-
CI.

donnée actuellement en psychologie, et être remplacée par la notion du dyna-


misme. Le langage est du reste une fonction synthétique, purement motrice,
et la parole est l'écho moteur de l'apport sensoriel. Quant aux hallucinations,
il estime, comme le rapporteur, que l'hallucination ne se différencie du langage
intérieur normal que par son caractère étranger à la conscience du sujet, et
par l'émotion spéciale qui en dérive.
M. Piéron insiste avec le rapporteur sur la nécessité d'une analyse clinique
et psycho-physiologique minutieuse. Il estime que la conception des images
motrices est surannée et doit être abandonnée. Il reconnaît que bien des
mécanismes moteurs sont déclenchés par des images auditives et visuelles.
Chez un certain nombre de sujets les images visuelles sont nécessaires pour
permettre l'écriture. Toutefois il existe des cas d'agraphie indépendants de
toute cécité verbale, et dans lesquelles l'automatisme moteur ne peut se
déclencher malgré la persistance des images visuelles.
M. Hartenberg est d'accord avec le rapporteur pour nier l'existence
d'images motrices. Ce qu'on appelait de ce nom correspond à des impressions
kinesthésiques et sont donc postérieures à l'articulation du mot. En réalité, à la
conception des images motrices, il faut substituer celles des centres dyna-
miques du langage (centres corticaux, sous-corticaux, et enfin centres intermé-
diaires aux deux autres et coordinateurs). De même il n'existe pas davantage
d'images sensorielles, mais des centres de réception, d'évocation et de coor-
dination de cette évocation. Telle est la conception dynamique moderne. Par-
tant de ces données on doit distinguer trois types d'aphasie : il, L'aphasie
d'évocation (aphasie amnésique); 20 l'aphasie d'identification (aphasie agno-
sique) ; 3° l'aphasie d'articulation (aphasie motrice).
M. Meige rappelle les études qu'il a faites en ce qui concerne les (l dyspha-
sies ». Il s'agit avant tout de l'étude du bégaiement. Ce trouble ne constitue
pas le plus souvent un simple trouble local de la parole, mais fait souvent
partie d'un syndrome verbo-moteur généralisé. Il semble bien démontré que
tout au moins les cas très accentués relèvent d'une lésion des noyaux gris centraux.
— A l'opposé de ces
dysphasies existent des troubles portant uniquement sur
la prononciation, troubles curables, et probablement inorganiques. C'est pour
ces derniers que M. Meige a proposé le nom de « dystomies ». En somme,
entre les centres corticaux et les centres inférieurs en rapport avec les nerfs
moteurs, il y a lieu de faire une place à des centres intermédiaires constitués
surtout par les noyaux gris centraux.
M. Quercy ne croit pas que les images auditives et visuelles jouent un rôle
dans le langage. La preuve en est dans l'importance des associations verbales
dans l'évocation des mots. Après une série d'arguments de fait et de raisonne-
ment, M. Quercy conclut ainsi :
1° Les images auditives et visuelles ne jouent qu'un rôle contingent dans
l'histoire du langage courant, du langage réfléchi, de l'aphasie sensorielle ou
motrice et de la rééducation des aphasiques ;
2° Il y a des images verbales motrices, très riches, très précises et très com-
plètes ;
3° Les images motrices n'ont pas un rôle plus important que les images
auditives et visuelles dans l'histoire du langage;
4° Jusqu'ici on a remplacé les images insuffisantes par des mots plus que
par des réalités.
M. Courbon distingue deux groupes d'individus : ceux chez lesquels la
pensée s'accompagne de représentations auditives ou visuelles, et d'autre part
ceux qui pensent d'une façon abstraite et ne s'entendent pas penser. Cette des-
truction se manifeste également dans le domaine pathologique. Ainsi parmi les
délirants, les uns présentent des images représentatives d'hallucination ver-
bale, les autres sans imagination représentative perçoivent la voix de la con-
science. — Il y a lieu en outre d'insister sur le rôle des obstacles physiques à
la perception de la réalité extérieure (maladies de l'oreille).
M. Brissot estime qu'il y a lieu de préciser l'état intellectuel au cours des
troubles du langage. Il rappelle le cas classique de l'aphasique de Déjerine qui,
suivi pendant plus de trente ans, n'a jamais présenté d'affaiblissement intel-
lectuel, et cependant n'a jamais pu être rééduqué. Il pense que la conception
de P. Marie attribue une importance exagérée à la déficience intellectuelle. Il
insiste par contre sur l'existence chez les aphasiques de troubles de l'émotivité,
du caractère, sur l'instabilité psychique qui expliquent la difficulté de la réé-
ducation.
M. D'Hollandei- croit que l'on peut faire un parallèle entre l'aphasie et
l'apraxie. Lippmann comparaît l'aphasique moteur à un apraxique. Toutefois
il n'a jamais dit que l'apraxie était due à la perte des images motrices.

III. — RAPPORT D'ASSISTANCE


L'adaptation du malade mental à son milieu (spécialement au point
de vue de l'assistance familiale), par le docteur F. SANO (de Gheel).
L'auteur rappelle tout d'abord les mesures de répression et de vio-
lence appliquées autrefois aux aliénés. De grands progrès ont heureu-
sement été réalisés dans cet ordre d'idées depuis l'époque où Pinel
délivrait les aliénés de leurs chaînes de fer. Toutefois, il reste encore à
introduire plus de bonté et de douceur dans le traitement des malades
d'asile. D'ailleurs, l'évolution récente des idées a montré l'insuffisance
de l'asile, ainsi que la nécessité de traiter beaucoup plus tôt le malade
mental et de se préoccuper d'une réadaptation progressive et mesurée
au milieu social.
Comment se traduit l'adaptation du malade à son milieu? Tout
d'abord par un certain nombre de constatations objectives : maintien du
poids normal du malade, d'habitudes régulières, d'occupations plus ou
moins conséquentes; enfin cette adaptation se traduit par l'absence du
désir de changer de condition.
Le premier résultat à rechercher consiste à réadapter de la sorte le
malade au milieu de la colonie familiale. Certains malades ne dépassent
pas ce stade, et ne peuvent quitter le milieu qui les protège. D'autres
sont ultérieurement susceptibles de rentrer complètement dans la
société et d'y reprendre leur place comme avant leur maladie.
L'ensemble de cette adaptation comporte du reste des éléments bio-
chimiques, psychiques et sociaux. Parmi les premiers, la question du
régime est de première importance. Suivant les cas, il faudra faire appel
à un régime reconstituant, ou tout au moins au début à une cure de
désintoxication. En outre, le choix de la contrée où le convalescent doit
habiter est capital. Malgré l'action stimulante du chlorure de sodium et
des climats marins, la campagne est en général le milieu de choix, et il
vaut mieux choisir des contrées peu peuplées, et relativement pauvres,
offrant un air pur, et souvent un genre de vie extrêmement simple, et
relativement primitif.
L'adaptation psychique doit être favorisée avec grand soin; aucun
détail n'est superflu : les premières impressions du malade à son arrivée
à la colonie familiale sont importantes pour l'avenir; aussi doit-on soi-
gner particulièrement les détails de l'admission.
Parmi les grands besoins psychiques de ces malades, les sentiments
affectifs restent au premier plan et"doivent être le point de départ d'une
thérapeutique morale. Besoin d'amour, besoin de protection, besoin
d'idéalisme, tels sont les éléments affectifs les plus importants. Le besoin
d'idéalisme est une tendance favorable, et qui doit être aidée par tous les
moyens. Les idées religieuses peuvent être très utiles au rétablissement
de l'équilibre et de la synthèse morale.
L'adaptation sociale est plus facile à développer qu'on ne le croit
communément. Tout d'abord beaucoup de malades mentaux, de demi-
fous continuent à vivre de la vie courante, et à exercer leur profession
habituelle. La colonie familiale facilite remarquablement cette adapta-
tion sociale : un certain nombre de malades peuvent travailler chez leur
nourricier et peuvent entreprendre des occupations régulières.
D'autres aident aux travaux sédentaires ou agricoles. Même ceux qui
ne peuvent travailler arrivent souvent à s'intéresser au milieu familial
qui les assiste. L'adaptation sociale est beaucoup plus difficile en milieu
d'asile, mais elle y est cependant possible. D'une façon générale, les
statistiques de la colonie de Gheel montrent, parmi les malades évacués
des asiles, une proportion très importante de malades réadaptables, et
qui arrivent à vivre dans des conditions satisfaisantes dans le milieu de
la colonie familiale. L'auteur rend également hommage à la colonie
française de Dun-sur-Aron.
Les résultats obtenus sont réconfortants et doivent nous inciter à ne
plus considérer l'aliénation mentale comme durable et définitive. Une
gamme insensible conduit du normal à l'anormal, et l'adaptation à un
milieu nouveau permet de refaire la personnalité et d'atteindre un
nouvel équilibre. ,
Discussion
M. A. Marie rappelle les origines de la colonie de Dun-sur-Aron qu'il
a créée. L'organisation de Gheel a, du reste, servi de modèle aux autres orga-
nisations de ce genre. Il insiste sur les dangers psychiques de l'internement
prolongé.
M. Vervaeck estime qu'il existe encore des aliénés dangereux qui néces-
sitent la prise de mesure de défenses sociales. Il rappelle que la transforma-
tion du régime pénitentiaire en Belgique s'est inspirée d'idées généreuses.
M. Courbon croit qu'il y a lieu de définir quelques termes relatifs à cette
question : par adaptation, il faut entendre un état affectif de satisfaction con-
scient ou inconscient; le milieu désigne plusieurs variétés de collectivités
:
l'asile, les annexes de l'asile, services généraux, fermes, etc., et enfin la colonie
familiale. Il y a lieu enfin de déterminer les conditions qui rendent un malade
adaptable. Enfin quelle est la valeur de l'adaptation? Est-elle un signe de
chronicité ou de guérison?
M. Crocq estime que l'idéalisme ne doit pas faire oublier qu'il existe des
aliénés dangereux. 4
M. Van der Sheer défend l'utilité de l'examen humoral, de la prise de sang
et de la ponction lombaire qui ne doivent pas être considérés comme des
mesures vexatoires. Il croit que la colonie familiale devrait être établie à côté
de l'asile.
M. Répond pense qu'il y a lieu de déterminer le genre de malades suscep-
tibles de bénéficier du traitement familial. Les schizophrènes paraissent
devoir particulièrement bénéficier de ce mode de traitement. L'auteur rap-
pelle l'organisation du placement familial en Suisse,notamment dans le can-
ton de Zurich, où les résultats sont remarquables. Les malades sont répartis
dans tout un canton par « îlots », ce qui est en rapport avec l'organisation
rurale du pays.
M. Christin rappelle l'oeuvre faite en Suisse dans le canton de Vaux, et dans
le canton de Genève.
M. Decroly- étudie la question du placement familial appliqué aux enfants
anormaux. Le problème du choix du milieu familial est particulièrement
important pour l'enfant.
M. Vermeylen rappelle qu'à Gheel on a pu améliorer et réadapter complè-
tement des enfants, mais ils doivent être soumis à une surveillance attentive.
M. Sano,rapporteur, répond aux argumentations. Il estime que les co'nfrères
suisses, en dispersant les malades sur une étendue considérable, font plus du
reclassement social que du traitement psychiatrique, les malades se sentant
ainsi comme soustraits à l'influence médicale. Quant aux convalescents, l'as-
sistance familiale comme celle de Gheel basée en grande partie sur l'attache-
ment du malade à son nourricier, leur convient assez peu, le convalescent res-
tant placé trop peu de temps.
Quant à l'utilisation des mesures de défense sociale, l'auteur estime qu'elles
doivent rester exceptionnelles, et que les modes de contention ne doivent
s'appliquer qu'aux aliénés criminels ayant accompli des attentats répétés et
graves.
L'auteur est d'accord avec la plupart des argumentations sur la nécessité
des services ouverts; enfin il répond à M. Courbon qu'il est difficile de for-
muler d'avance un pronostic et de savoir si un placement familial doit ou non
réussir. Il est également difficile de déterminer la catégorie de malades sus-
ceptibles d'être améliorés par la colonie.

COMMUNICATIONS

I. Communications ayant trait aux troubles du langage


1° Le test des mots d'épreuve autorise-t-il un diagnostic de dysarthrie?
par FROMENT et RAVAULT
Les auteurs montrent que le test des mots d'épreuve n'est pas un critère
susceptible d'établir l'existence d'un trouble du mécanisme articulaire. Le
bredouillement des dits mots dans la paralysie générale, ainsi qu'en témoigne
leur mode d'altération (interpellation, omission de syllabes), ainsi que les
erreurs commises dans l'écriture sous dictée de ces mêmes mots tient à un
trouble de la mémoire verbale, et de l'attention associées à la dysarthrie,
qui ici n'est pas pure. D'ailleurs le dysarthrique proprement dit (qu'il s'agisse
de paralysie glosso-labio-laryngée, de paralysie pseudo-bulbaire, de sclé-
rose en plaques, non seulement ne bouleverse pas ainsi l'architecture de
ces mots, mais en les prononçant n'articule pas plus mal que dans la parole
courante ; c'est plutôt le contraire que l'on observe, car il s'applique. Les
erreurs commises par l'aphasique moteur dans les cas de troubles discrets
rappellent au contraire celles du paralytique général. Il n'est pas légitime d'en
conclure que les troubles de la parole de l'aphasique moteur tiennent à un
trouble de la coordination articulaire dénommé anarthrie, puisque l'on n'observe
rien de pareil dans les dysarthries pures. En réalité, le test en question met
plus à l'épreuve la mémoire verbale que le mécanisme articulaire. La nature
des mots choisis dans les diverses langues qui tous présentent une succession
de syllabes assez semblables entre elles pour inciter à la confusion, confirme
cette manière de voir. Il s'agit donc là d'un test de valeur nulle toutes les fois
que l'on cherche à juger de l'intégrité ou de l'altération du mécanisme articu-
laire. Il faut renoncer à lui demander la justification d'une dysarthrie ou de
la prétendue anarthrie. Même dans le diagnostic de la paralysie générale, il
n'a pas une réelle valeur, car il risque de faire prendre pour une méningo-
encéphalite diffuse une aphasie survenant chez un syphilitique.

2° L'épreuve de Lichtheim-Déjerine et la prétendue intégrité du souvenir


des mots dans l'aphasie motrice pure, dite anarthrie par FROMENT et
SEDAILLIAN (de Lyon).
Les auteurs montrent que la possibilité d'indiquer exactement le nombre
de syllabes et de lettres d'un mot n'implique nullement chez l'aphasique-
moteur pur l'intégrité de la notion du mot, puisque l'homme normal le peut
parfois au moment même où un nom propre lui échappe. Pour passer avec
succès cette épreuve, l'aphasique moteur pur met à contribution son souvenir
visuel verbal. D'ailleurs la possibilité d'écrire le mot sans erreur permet d'af-
firmer l'intégrité du souvenir usuel verbal. Mais le test ne peut nous renseigner
sur l'autre constituante de la notion du mot, le souvenir de la succession des
sons qui caractérise ce mot. Rien ne prouve qu'il soit lui aussi indemne. Bien
au contraire, on peut souvent se rendre compte que l'aphasique moteur n'en-
tend pas ce mot dans sa tête aussi distinctement qu'il le voit. Au moment même
où il voit certainement le mot, puisqu'il l'écrit sans erreur, il peut en entendre
résonner un autre dans sa tête au lieu et place de celui dont il cherche en vain
la résonnance. Cette constatation est de première importance, car la repré-
sentation de la succession des sons qui constituent les mots est le primum
movens de la parole. Il n'y a pas, dans l'aphasie motrice pure, intégrité du sou-
venir des mots, mais bien amnésie verbale partielle et dissociée. Aussi voit-on
tous les intermédiaires entre cette variété d'aphasie motrice et l'aphasie type
Broca.

3° Caractères distinctifs et formules phonétiques des dysarthries, des,


dysphasies, et des aphasies motrices, par MM. FROMENT et P. RA-
VAULT (de Lyon).
MM. Froment et P. Ravault (de Lyon) montrent que la détermination de
la formule phonétique d'un trouble de la parole est le seul critère objectif per-
mettant de reconnaître s'il s'agit d'un trouble de la mémoire verbale, ou du
mécanisme articulaire. L'analyse doit porter sur la manière dont sont pro-
noncés les 44 sons élémentaires, ou phonèmes, qui constituent les 44 notes
du clavier articulaire. Dans les dysarthries ce sont toujours les mêmes pho-
nèmes qui sont indistincts, et ceci dans des conditions bien définies (débit
rapide, articulation peu appuyée, voisinage de tel ou tel autre phonème).
Dans les dysphasies (bégaiement), on observe encore des achoppements pro-
tant sur tels ou tels phonèmes, mais il s'agit de difficulté d'émission, et non
d'une émission indistincte. De plus ceux-ci ne sont difficilement émis que
lorsqu'ils sont bien en vue, ce qui est phonétiquement paradoxal. Dans l'apha-
sie motrice pure ou type Broca l'émission de certains phonèmes peut paraître
impossible. Mais le pointage méthodique après inventaire de tous les mots ou
locutions qui ont été prononcés par le malade, avant toute rééducation, permet
souvent de retrouver la totalité des procédés articulaires. Le trouble de la
parole est ici encore plus paradoxal que dans le bégaiement. La formule phoné-
tique des aphasies motrices n'autorise ni l'hypothèse de l'anarthrie, ni l'hypo-
thèse classique de l'oubli des procédés articulaires. Elle incite à penser qu'il
s'agit d'un trouble indirect de l'articulation par trouble de l'évocation des sons
qui caractérisent le mot : ce trouble rappelle à un degré beaucoup plus accusé
ce qui se passe dans l'amnésie verbale de l'homme normal, et dans l'aphasie
amnésique.

4° Un cas d'aphasie de Wernicke, et un cas d'aphasie motrice tous deux


suivis d'autopsie, par M. R. LEY (de Bruxelles)
M. R. Ley (de Bruxelles) rapporte l'observation de deux cas d'aphasie : le
premier était caractérisé par l'existence d'une surdité verbale, d'une agraphie
transitoire, de paraphasie sans logorrhée ni jargonaphasie. L'autopsie a montré
un foyer de ramollissement dans l'hémisphère gauche localisé à l'opercule
pariétal, et aux circonvolutions pariétales immédiatement au-dessus de la scis-
sure de Sylvius. Le deuxième cas était caractérisé par des signes d'aphasie
motrice apparus à la suite de plusieurs ictus, et s'accompagnant d'une grosse
diminution psychique. A l'autopsie, foyer de ramollissement au niveau du
pied de la parietale ascendante, atrophie générale du cerveau, intégrité de la
circonvolution de Broca, et du quadrilatère de P. Marie.
A l'occasion de ces diverses communications sur les troubles du langage,
M. le docteur Froment rapporteur résume les points principaux des discus-
sions consacrées à ce sujet. Il souligne l'intérêt d'une étude psycho-physiolo-
gique détaillée de cette question, et montre l'utilité des études de phonétique.
Il maintient sa conception relative au rôle respectif des images sensorielles
.dans les fonctions du langage.

II. — AUTRES COMMUNICATIONS


I°Questions neurologiques précises à propos de « Matière et Mémoire »
de Bergson, par M. QUERCY
On peut extraire de « Matière et Mémoire » des questions précises; en voici
deux : a) Bergson ne conteste pas l'existence de centres perceptifs ni même
de centres imaginatifs. Ceci posé, la doctrine exposéepage 137-141 de« Matière
et Mémoire » conduit à soutenir, dans le langage neurologique actuel, qu'il
existe des fibres nées dans les centres imaginatifs et terminées dans les centres
perceptifs correspondants. Il existerait, par exemple, une voie née dans une
région telle que le pli courbe et terminée dans le cuneus. Des classiques tels,
que Déjerine (« Centres nerveux ») et Cajal ne décrivent pas cette voie. b) D'après
la doctrine bergsonienne sus-visée « l'actualisation » des images exige, outre
l'activité des centres imaginatifs, l'intervention des centres perceptifs, du
cuneus par exemple. Dès lors, la destruction des deux régions calcariniennes.
rend impossibles les images, les hallucinations, et les rêves visuels. Les obser-
vations d'hallucinations et de rêves visuels dans l'hémianopsie et la cécité-
corticales semblent contraires à cette thèse. On pourrait poursuivre cet exa-
men et soumettre ainsi le bergsonisme à une critique positive.

2° Lésions des centres nerveux dans le parkinsonisme postencéphalitique


Le professeur H. Donaggio (de Modène) a étudié les lésions des centres.
nerveux dans trois cas de parkinsonisme postencéphalitique. Dans les trois-
cas, il a constaté des lésions indubitables du locus niger. Ces lésions semblent
constantes et capitales dans cette maladie, quoique parfois moins profondes
qu'on ne l'a dit (persistance des fibrilles du locus niger en de nombreux
- points). Quant aux ganglions de la base., il n'a pour ainsi dire pas trouvé de
lésions. Il en est de même des noyaux rouges qui ne présentaient pas de modi-
fication, pas plus du reste que le cervelet. Par contre, dans les trois cas, l'au-
teur a trouvé des lésions profondes de l'écorce cérébrale de la région préfron-
tale et de la zone motrice (formations corpusculaires globuleuses, plaques
d'hypercoloration, surtout lésions profondes des cellules nerveuses), pas de
dégénérescence du système pallidal.
M. Anglade confirme tout à fait les résultats du professeur Donaggio. La
lésion du locus niger paraît indubitable et constante en pareil cas, Les lésions
pallidales sont des plus inconstantes. Par contre, M. Anglade a trouvé plu-
sieurs fois des lésions du noyau rouge, de la protubérance et du cervelet
(noyau dentelé).
M. Wimmer a fait également les mêmes constatations, mais a rencontré
des lésions du globus pallidus.

3° La contagion de l'encéphalite épidémique à sa phase parkinsonienne


MM. Georges Guillain, Th. Alajouanine et Celisse attirent l'attention sur ce
fait que l'encéphalite doit être considérée comme contagieuse non seulement
durant sa première période aiguë, mais encore à sa phase parkinsonienne le :

syndrome parkinsonien est d'ailleursune conséquence de lésions évolutives et


non de lésions anciennes. Les auteurs ont observé à la Salpêtrière le cas sug-
gestif d'un jeune homme confiné au lit par une poliomyélite ancienne de l'en-
fance qui, se trouvant dans une salle entre deux parkinsoniens postencéphali-
tiques, fut atteint d'une encéphalite épidémiqueléthargique typique. Ce malade
était en contact constant avec les deux parkinsoniens. Il ne fait pas de doute
que la contagion s'est faite par ces contacts, et il paraît vraisemblable que le
virus de l'encéphalite peut exister dans la salivation exagérée des parkinso-
niens. Ces constatations ont une importance pratique. Il apparaît désirable
que les parkinsoniens postencéphalitiques soient isolés des autres malades
dans les salles d'hôpital; cette notion de la contagion du parkinsonisme post-
encéphalitique doit aussi être connue des familles pour que soient prises les
mesures indispensables de prophylaxie et de désinfection, mesures qui, actuel-
lement, ne paraissent jamais appliquées.
M. Froment insiste sur la nécessité de traiter très longtemps les encéphali-
tiques notamment par l'urotropine.
M. Laruelle rappelle que l'on peut faire cesser la sialorrhée des parkinso-
niens postencéphalitiques par la radiumthérapie des glandes salivaires.

4° Névrites ascendantes traumatiques pluritronculaires


M. O. Croûton rapporte l'observation d'un homme qui, après blessure de
la main gauche, a fait ensuite une névrite du cubital et du radial. Il s'agit de
névrite pluritronculaire traumatique. L'auteur rappelle qu'il a inspiré en 1922
la thèse de M. Balayer sur ce sujet et qu'il a recueilli un certain nombre de
cas analogues. Il insiste sur l'importance médico-légale de ces faits dans les
accidents du travail.
M. Froment souligne l'importance de l'examen électrique qui permet de
différencier les cas de ce genre des troubles physiopathiques.
M. Guillain fait remarquer qu'il peut exister cependant des névrites légères
sans réaction de dégénérescence.

5° Radiothérapie profonde et tumeurs cérébrales. A propos d'un cas


de néoplasme du ventricule latéral droit
MM. Jumentié et Olivier rapportent l'observation d'un malade qui présenta
des signes d'hypertensionintracranienne et de néoplasie cérébrale très marqués
(torpeur, stase papillaire, etc...), puis des crises convulsives très fréquentes
(120 à i5o par mois) à type jacksonien gauche. Tous les médicaments anti-
convulsifs ayant échoué, on essaya la radiothérapie profonde (7 applications
à 10 jours de distance sur la région rolandique). Les crises convulsives dimi-
nuèrent très rapidement et disparurent pendant quinze mois. Toutefois, la
prostration et l'affaiblissement allèrent en s'accentuant, et le malade succomba.
A l'autopsie, on trouva le ventricule latéral droit rempli par une tumeur de
type névroglique et qui était un gliome.
M. Brissot a observé un cas analogue.
M. Bremer (de Bruxelles) apporte les résultats de son expérience dans l'ap-
plication de la radiothérapie aux tumeurs cérébrales. Il rappelle que les
gliomes sont radiosensibles, et a constaté à plusieurs reprises des améliora-
tions très nettes à la suite de ce traitement.
M. Gaudllcheau a également appliqué plusieurs fois cette thérapeutique. Il
insiste sur la nécessité de graduer les doses'et de ne pas faire d'emblée une
dose trop considérable, ce qui expose à des accidents méningitiques.

6° L'activité des annexes psychiatriques des prisons


M. Vervaeck (de Bruxelles) rappelle les grandes lignes de la réforme du
système pénitentiaire belge. L'organisation d'annexes psychiatriques dans les
prisons se justifie par la nécessité de pouvoir observer dans de bonnes condi-
tions scientifiques certains détenus atteints de troubles nerveux ou psychiques.
L'annexe psychiatrique se compose d'une grande salle d'observation, com-
plétée par quelques cellules d'isolement. Le quartier d'observation psychia-
trique comprend également un préau jardin, une salle d'hydrothérapie. Le
service médical est assuré par un médecin aliéniste de carrière, disposant
d'infirmiers ayant reçu une formation psychiatrique. Depuis trois ans et demi,
608 détenus ont été observés dans les annexes psychiatriques pénitentiaires
belges. Parmi eux dominent les psychopathes constitutionnels (40 p. 100). Le
groupe des névroses et de l'épilepsie compte 21 p. 100 des cas. (Grande
fréquence d'hystéro-épilepsie.) Les vrais malades mentaux ne représentent
qu'une proportion de 17 p. 100. Une proportion de 54 p. 100 représente les
prévenus observés et reconnus sains d'esprit. Enfin une trentaine de détenus
ont séjourné à l'annexe à la suite de tentative de suicide.

Traitement local de la crise de migraine par M. SICARD


70

Après avoir étudié les traitements humoraux de 'la maladie migraineuse


peptonothérapie, auto-hémothérapie ou auto-hémosérothérapie, injections
intra-veineuses de carbonate ou de salicylate de soude, et montré que ces
thérapeutiques anticolloïdoclasiques susceptibles d'améliorer remarquable-
ment la diathèse migraineuse, ne permettent pas cependant, dans la plupart
des cas, d'obtenir la guérison définitive, l'auteur préconise d'agir directement
sur le sympathique des territoires vasculaires temporo ou sus-orbitaires,
puisque le rôle local du système végétatif est prépondérant au cours de l'accès
migraineux. En dehors de l'action chirurgicale de sympathectomie péri-arté-
rielle temporale, ou de la ligature artérielle temporale, il est un procédé
simple, indolore, et sans danger qui consiste à pratiquer localement au
niveau de la région temporale ou sus-orbitaire une injection de o gr. 25 de
caféïne bientôt suivie en un point voisin d'une autre injection d'adrénaline au
millième (1/4 de milligr. environ). Il a vu dans ces conditions l'accès violent
de migraine céder rapidement. Cette pratique peut être renouvelée dans la
journée ou les jours suivants. Ainsi la thérapeutique doit-elle chercher par
là à s'adapter aux conceptions pathogéniques modernes.
M. Hartenberg rappelle qu'il a insisté de longue date sur le côté sympa-
thique de la migraine.

8°La syphilis neurotrope (projections), par MM. LEVADITI et MARIE


Le docteur Marie expose la conception générale de neurotropisme des
virus. Il récapitule les recherches expérimentales poursuivies depuis 1906 à
Pasteur dans ce sens : les inoculations aux animaux (lapins, singes) de virus
neurotrope et dermotrope, les expériences d'immunité croisée et de non
immunité croisée, et de non-immunité au virus de la paralysie générale malgré
l'immunité dermique. Il termine en rattachant ce dualisme des virus à la
nécessité d'une thérapie spéciale du virus de la paralysie générale par les
antisyphilitiques associés à des procédés pyrétogènes pour atteindre le virus
dans les centres nerveux.
M. Anglade estime que les paralytiques généraux ont souvent présenté
une syphilis discrète, souvent méconnue. Le spirochète va-t-il blesser directe-
ment la cellule nerveuse, comme le croit Manouélian, ou bien atteint-il celle-
ci par l'intermédiaire de la voie vasculaire ?
M. Crocq est partisan de la théorie neurotropique des virus et rapporte
des cas de transmission de syphilis neurotrope.

90 Nouvelles recherches sur l'anatomie des couches optiques


(avec projections), par MM. D'HOLLANDER et de GREEF (de Louvain)
Comme suite aux recherches du professeur d'Hollander sur les voies cor-
tico-thalamiques, les auteurs ont essayé par voie expérimentale de rechercher
l'origine réelle dans l'écorce cérébrale des diverses voies cortico-thalamiques.
Ils ont pratiqué chez le lapin des lésions circonscrites, limitées exactement à
diverses aires cyto-architectoniques du cortex. Voici les conclusions prélimi-
minaires de leurs travaux. L'on peut considérer comme connues : io l'origine
des voies cortico-thalamiques antérieures, médiales et ventrales ; elles naissent
de l'area frontalis; 2° l'origine des voies cortico-thalamiques latérales, géni-
culées externes, prétectales superficielles(cortico-pédonculo-opto postérieure),
tectales antérieures superficielles (cortico-pédonculo-opto tectale antérieure);
celles-ci naissent dans l'area occipitalis. Sur la voie cortico-thalamique
postérieure profonde, c'est-à-dire la grande voie prétectipète, les données ne
permettent pas pour le moment de conclusions fermes. Ces faits laissent
entrevoir la possibilité de localisations par fonctions dans le thalamus; ils
contribuent à nous éclairer sur la valeur biologique des aires histologiques
dans l'écorce cérébrale.

10° Représentation graphique de l'état mental des psychopathes,


par le professeur P. CROCQ.
En février 1914, Gilbert Ballet et Génil-Perrin ont proposé de représenter
graphiquement l'état mental des déments sur un tableau; des colonnes des-
tinées à l'orientation, à l'attention, à la mémoire, à l'association des idées, à
l'affectivité, et à l'activité, devaient être plus ou moins hachurées suivant leur
état de conservation. Depuis mai 1924, M. Crocq se sert d'un shéma plus
complet. Il ajoute aux colonnes de G. Ballet des divisions destinées au sens
moral, ainsi qu'aux perversions intellectuelles : excitations, dépression (avec
ou sans délire), persécution, incohérence, confusion, impulsions, hallucina-
tions. Un espace est réservé aux indications supplémentaires telles que nature
des idées délirantes, réactions sérologiques, antécédents héréditaires ou per-
sonnels, évolution antérieure, etc... Chaque malade ayant sa fiche, il est aisé
de comparer les différences d'état mental. Cette méthode présente également
un intérêt pour l'enseignement de la psychiatrie. L'auteur fait passer un grand
nombre de projections concernant la manie aiguë, les psychoses alcooliques,
la mélancolie, les délires systématisés, les interprétateurs, la confusion men-
tale, la démence précoce, la paralysie générale, etc.

II° Les algies d'origine vertébrale


M. Laruelle (de Bruxelles) rapporte un certain nombre de cas de viscéralgies
(syndrome angineux cardio-aortique, syndrome solaire, syndrome pylorique,
syndrome entéralgique, rénal, ovarialgique), dans lesquels l'examen viscéral
restait absolument négatif, tandis que la radiographie montrait une altération
de la colonne vertébrale dans la région correspondante. L'auteur insiste sur
la nécessité de cet examen radiologique vertébral dans les cas de douleurs
abdominales, de viscéralgies qui ne s'expliquent pas par l'examen organique,
neurologique et humoral.
M. de Massary estime que l'appréciation radiologique de ces altérations
vertébrales est souvent délicate, et qu'il y a lieu au préalable de bien déter-
miner l'aspect normal.
M. H. Roger (de Marseille) insiste sur la nécessité d'examens radiogra-
phiques en série.

Tumeur de la région hypophysaire avec syndrome parkinsonien


12°

MM. L. Van Bogaert et R. Nyssen présentent l'étude clinique d'un cas de


tumeur de la région hypophysaire, à la suite de laquelle s'est développé un syn-
drome parkinsonien tardif. Ils insistent sur certains signes cliniques observés
chez ce malade et qui montrent que le syndrome infundibulairepeut s'observer
dans sa forme dissociée même au cours du syndrome adiposogénital. Dans ce
cas, la polyurie et la glycosurie ont fait défaut. L'étude expérimentale du
malade montrait une élévation du seuil de tolérance des hydrates de carbone.
Ce malade présentait en outre un syndrome thalamique caractérisé par de
l'hyperalgésie et des crises de douleurs de type central. Les auteurs insistent
également sur l'intérêt que présente au point de vue de la physiopathologie
du tonus, le développement d'un syndrome extra-pyramidal comme le syndrome
parkinsonien au cours d'une tumeur basale. Les signes cliniques observés
tout en ne permettant aucune localisation exclusive sont en faveur d'une loca-
lisation plutôt sous-optique que nigérienne, localisation atteignant les centres
toniques et réalisant le tableau parkinsonien. Il faut noter enfin l'absence de
papille de stase jusqu'à une période avancée, l'absence de modifications carac-
téristiques du liquide céphalo-rachidien et l'absence de troubles psychiques.
M. Orrechowski (de Varsovie) rapporte un cas analogue de syndrome
adiposo-génital avec syndrome parkinsonien. Il insiste sur l'inopérabilité de
ces tumeurs de l'hypophyse, qui ne peuvent être traitées que par la radiothé-
rapie.
i3° Syphilis et troubles mentaux
M. Hoven (de Mons) a recherché la réaction de Wassermann sur 737 malades
aliénés. Il a trouvé un Wassermann positif chez 13 5 malades, soit 17,83 p. 100.
En décomposant les cas de paralysie générale et de syphilis cérébrale (5 cas),
cette proportion s'abaisse à 13,24 p. 100.
Parmi ces cas, il faut signaler notamment une proportion de 16 p. 100 de
démence artérielle et sénile et de i5 p. 100 de démence précoce.

14° Sur les troubles des réactions électriques des muscles et des nerfs
pendant la convalescence du tétanos
M. Gauducheau (de Nantes) a étudié les réactions électriques des muscles
et des nerfs sur deux nouveaux sujets convalescents de tétanos. Il a retrouvé
à des degrés variables, mais toujours (surtout dans les cas anciens) avec pré-
dominance sur les groupes musculaires voisins de la plaie centrale, la plupart
des troubles électriques précédemment notés par lui. Ils consistent principale-
ment en une hyperexcitabilité particulière caractérisée par un abaissement des
seuils de fermeture, dans la tétanisation du muscle par un courant galvanique
faible et lentement croissant, tétanisation apparaissant d'emblée ou à la suite
d'une période de clonus. En portant l'excitation sur les nerfs, apparition de
la réaction neurotonique ou de secousses polycinétiques du muscle à la suite
d'une seule excitation du tronc nerveux dont il dépend.

150 Recherches et considérations sur la physiologie du cervelet,


par M. BREMER (de Bruxelles)
L'auteur rappelle d'abord les différentes opinions des physiologistes en ce
qui concerne l'action du cervelet sur le tonus et l'excitabilité de l'écorce céré-
belleuse. Il est classique de signaler l'hypotonie musculaire consécutive à
l'ablation du cervelet. D'autre part, certains auteurs, notamment Horsley, nient
l'excitabilité de l'écorce cérébelleuse. M. Bremer a repris expérimentalement
l'étude de cette question. Il a constaté qu'il suffit de courants faibles appliqués
sur l'écorce cérébelleuse pour faire relâcher la rigidité des muscles exten-
seurs, et uniquement de ces groupes extenseurs. Cette action est bien réelle-
ment due à l'excitation du cortex cérébelleux, mais elle ne peut être obtenue
que par l'excitation d'une zone très réduite localisée à la portion du vermis
qui correspond à la zone de réception des fibres spino-cérébelleuses. En outre,
les effets de l'excitation de cette zone cessent de se produire quand la trans-
section a éliminé le noyau rouge. Il y a donc dans le vermis un mécanisme
régulateur du tonus des extenseurs. On peut se demander en partant de ces
expériences, si la rigidité décérébrée ne serait pas due à l'abolition de l'influence
cérébelleuse par suite de la destruction du noyau rouge et des certaines voies
efférentes cérébelleuses.

16° Sur les anomalies congénitales du cervelet


M. Beyermann (de Santpoort, Hollande) étudie les anomalies congénitales
du cervelet et les atrophies cérébelleuses., Il insiste sur ce fait que les locali-
sations cérébelleuses sont encore imparfaites.

170 Aphasie et diabète traumatique


MM. H. Roger et Reboul-Lachaux rapportent l'observation d'un malade qui,
à la suite d'un traumatisme cranien a fait une aphasie (surdité verbale et
aphasie motrice) accompagnée de glycosurie et de polydipsie, puis plus tardive-
ment d'épilepsie bravais-jacksonienne. Ce malade présente en outre des signes
d'artériosclérose et hypertension artérielle. Les auteurs insistent sur ce fait
qu'il ne peut s'agir en pareil cas d'aphasie traumatique pure, et que le trauma-
tisme a joué le rôle de cause occasionnelle, favorisant les lésions consécutives
à l'artériosclérose cérébrale.
18° Lésion de narcothérapie
* M. Livet rapporte une observation de mélancolie durant plusieurs mois
guérie à la suite d'une tentative d'empoisonnement par le gardénal. Il a con-
staté les effets favorables sur certaines psychoses de médicaments narcotiques
à la limite de la toxicité. Il utilise également dans les mêmes cas le cannabis
indica.

I L'influence de la loi de 1919 prohibant en Belgique la vente de l'alcool


a"
au détail dans les cabarets sur la diminution des psychoses alcoo-
liques
M. Boulanger (de Waterloo) a constaté depuis l'application de cette loi
une grosse diminution des psychoses alcooliques (i5 p. 100 avant la guerre et
maintenant 5,i p. 100), à noter que depuis la guerre, il y a actuellement une
plus grande proportion de femmes que d'hommes atteints de psychoses alcoo-
liques (1/3 en moins de ces derniers). Il insiste sur l'importance de la diminu-
tion de la consommation des boissons distillées dans les cafés (cette consom-
mation étant tombée à 5o p. 100 du chiffre d'avant-guerre).
M. Wenger (de Luxembourg) exprime le vœu qu'une loi analogue soit
adoptée au Luxembourg.

20° Syndrome bulbaire régressif chez l'enfant,


par les docteurs L. Van BOGAERT et R. NYSSEN
Les cas de quadriplégie avec syndrome bulbaire vrai régressif sont rares.
Il s'agit d'un malade de quatorze ans et demi qui, six semaines après une
pleurésie, présenta une quadriplégie avec déficit fonctionnel bulbo-protubé-
rantiel. L'affection atteint en quelques jours les quatre membres ainsi que les
organes innervés par le territoire bulbaire. Depuis trois ans, ces troubles ont
régressé constamment, avec disparition p!us ou moins complète de la sia-
lorrhée, des troubles de la déglutition et de la phonation, des troubles car-
diaques, ainsi que des troubles de la marche. Foix et Bouttier ont décrit des
cas analogues d'origine syphilitique. Ici, cette étiologie paraît improbable,
tandis que l'existence de la pleurésie, l'examen clinique, radiologique des
poumons et l'examen humoral indiquent une imprégnation tuberculeuse.

Urée sanguine constante d'Ambard,


21°
et régime hypo-azoté chez les épileptiques
Hartenberg (de Paris), afin de contrôler l'opinion encore admise par
M.
certains auteurs que l'épilepsie pourraît être due à une intoxication, sinon
identique, du moins analogue à celle de l'urémie, a soumis une série de
malades à la triple épreuve du dosage de l'urée sanguine, de la constante
d'Ambard et du régime hypo-azoté. Les résultats ont été nettement négatifs.
Dans les deux premières épreuves, chiffres normaux. Le régime hypo-azoté
extrêmement sévère, dans la majorité des cas, n'a pas amélioré les malades
et a même provoqué chez certains une aggravation ; celle-ci peut s'expliquer
par l'affaiblissement dû au régime et par le surmenage du tube digestif par
une alimentation trop copieuse et trop féculente. Les quelques améliorations
obtenues s'expliquent par la suppression des putréfactions intestinales, et non
par celle des protéines. On peut conclure que l'épilepsie ne paraît pas due à
une intoxication par les produits de désassimilation>'des protéines dont l'urée
serait la cause ou le témoin.

22° Fétichisme et réflexes conditionnels


M. Laignel-Lavastine rappelle les éléments principaux du fétichisme. Il se
produit en pareil cas un réflexe conditionnel déclenché par un autre excitant
que l'excitant spécinque.mais se déroulant de façon identique. Un tel réflexe
est analogue à celui de l'expérience célèbre de Pawlov (sécrétion de suc gas-
trique à la suite d'excitations psychiques les plus variées). En somme, le
fétichisme constitue l'expression spécialisée à la sphère sexuelle des réflexes
conditionnels.
M. Piéron ne croit pas que les réflexes conditionnels suffisent à expliquer
le fétichisme en entier.
M. Hesnard rappelle que les psychanalystesn'ont jamais refusé d'assimiler
les phénomènes sexuels à des sortes de réflexes. Cette assimilation est toute-
fois un peu artificielle; car en psychologie sexuelle l'image est un élément
capital.
M. Minkowski estime qu'en dehors du mécanisme de substitution, il faut
faire une large place dans ces cas à la sexualité infantile.

Sur un cas de sadisme


2 3°

MM. Perrens et Desport présentent l'observation d'une malade de vingt et


un ans, internée à l'asile de Château-Picon, atteinte d'asynergie cérébelleuse
et d'épilepsie, mais internée pour des obsessions impulsives nombreuses : tics-
de salutation, besoin de toucher les objets qui sont à sa portée, de s'exhiber,
de prononcer des paroles grossières, de tirer les cheveux de ses compagnes.
Or cette malade se livre à l'onanisme, et ne peut éprouver de plaisir sexuel
qu'en évoquant volontairement trois images : celle de nouveau-nés dans une
couveuse, celle d'une idiote dont elle touche les parties génitales, celle de ces
deux mots : maladie mentale. L'analyse minutieuse révèle que dans l'exécu-
tion de ses gestes d'exhibitionnisme, la malade ne fait que se substituer à
l'idiote de ses rêveries érotiques et que d'autre part son besoin de tirer les
cheveux de ses voisines n'est qu'une substitution nouvelle à son désir réprimé
de prendre contact avec leurs parties génitales.

240 Considérations psychiatriques sur le projet d'une loi nouvelle


pour le Danemark
M. Wimnzer (de Copenhague) expose les différentes parties d'un projet'
d'une loi nouvelle pour le Danemark en ce qui concerne le régime péniten-
tiaire. Il discute les différents problèmes psychiatriques posés par ce projet.
M. Vervaeck fait remarquer à ce sujet qu'on peut distinguer trois ordres
de sentences : des sentences pénales répressives, des sentences d'élimination
sociale, des sentences d'ordre thérapeutique.

L'activité de la Ligue d'hygiène mentale en Belgique,


2 5°
par M. de CRAENE (de Bruxelles)
Après la création des ligues américaines et française, une ligue analogue
d'hygiène mentale s'est fondée en Belgique, il y a deux ans et demi. Elle a
notamment pour but de combattre les grands facteurs étiologiques des maladies
mentales(alcoolisme,syphilis, etc...) et elle se propose principalementde grouper
et d'aider tout d'abord les organisations existantes. Cette ligue a reçu de nom-
breuses adhésions, et l'appui des pouvoirs publics. Elle a constitué une série
de sections (section industrielle, du milieu militaire, section d'étude des toxi-
comanies, dépistage précoce des enfants anormaux, section pédagogique, etc...)

26° Contributions à la psychogénèse des psychoses délirantes chroniques


M.Hesnard (de Bordeaux) rapporte deux cas de psychose délirante au
début, dans lesquels l'analyse affective qu'il a pratiquée suivant les directives
de la psychanalyse (appliquée dans un large esprit à la clinique) démontre
l'origine de l'automatisme vésanique dans l'affectivité inconsciente, ainsi que
la valeur symbolique de tous les détails du délire. De ces deux cas, l'un est
celui d'un délirant paranoïde dont l'ambivalence et le monde imaginaire se
sont développés au cours d'une conversion morale chez un pervers constitu-
tionnellement tiraillé entre un sens moral sévère et une attirance impulsive
pour le vice. Ses idées d'influence ne sont que des tendances choquantes
irrésistibles, qu'il refuse désormais de considérer comme siennes et qu'il attri-
bue à autrui.
L'autre cas est celui d'une hallucinée de la ménopause dont les voix en
apparence indifférentes proclament en réalité les très anciennes misères intimes
de pauvre épave sociale, et dont les persécutions génitales ne sont que des
besoins sexuels dégoûtants, qu'elle réprouve en les considérant comme émanant
de personnes étrangères.
La construction d'une réalité étrangère au Moi, et l'attribution à autrui
sous la forme d'un automatisme, noyau de la poussée délirante (de Cléram-
bault) apparaissent comme la conséquence d'un refus par l'individu d'une
portion de sa vie affective. Mais l'auteur se sépare des psychanalystes en sup-
posant à l'origine de la poussée affective morbide non plus de simples ten-
dances refoulées, mais des forces affectives tératologiques de néoformations
en soi irréalisables, et de nature primitivement organique.
M. Minkowski insiste sur l'absence de divergences entre la psychologie
nouvelle et l'analyse clinique classique et sur la valeur pratique de la psycha-
nalyse ainsi comprise.

2tJ L'organisation d'une section pour enfants anormaux à la Colonie


de Gheel
M. Vermeylen (de Gheel) détaille l'organisation de cette section. Il s'agit
d'un placement d'enfants susceptibles pour la plupart d'amélioration. Sur
274 enfants passés dans cette section, 122 dépendent du juge des enfants. Il
faut noter que 95 enfants sont âgés de plus de seize ans, et qu'il existe une
proportion de 82 p. 100 de sujets de plus de quatorze ans. Aussi y aurait-il
intérêt à recevoir les enfants plus jeunes. Enfin l'éducation professionnelle est
largement organisée.

28° L'orientation professionnelle chez les débiles mentaux, par


M. ALEXANDRE (de Bruxelles)
L'étude de l'adulte débile mental est un élément important : souvent on
découvre parmi les adultes des sujets dont la vie sociale et professionnelle ne
présente pas les tares que pouvait faire prévoir leur niveau mental inférieur.
11 y a un élément caractéristique dont il faut tenir compte surtout
pour fixer
les méthodes éducatives. Actuellement le maître se base beaucoup plus sur
l'affectivité et le caractère de leurs élèves malades que sur leur niveau intellec-
tuel. On ne peut espérer élever beaucoup le niveau mental de nombreux
sujets, mais on peut agir sur leur caractère et les amener à comprendre leurs
insuffisances. Pour cela l'orientation professionnelle doit être basée sur le
principe de l'utilisation éducatrice. Il importe de choisir le métier qui obli-
gera le malade à développer le mieux ses possibilités.

2g0 Guérison tardive d'un état pseudo-démentiel après plus de quinze ans
MM. Arnaud, Sollier et Vignaud rapportent une observation relative à une
psychose mélancolique ayant duré pendant quinze années sans rémission chez
une femme de quarante-cinq ans à la ménopause, et dans des conditions qui
faisaient redouter une terminaison démentielle. Les symptômes, comme la
durée exceptionnelle de la maladie, ont été trompeurs relativement au pro-
nostic. La guérison s'est maintenue pendant quinze ans. Une récidive avec
symptômes aussi graves que lors du premier accès s'est produite alors, rapide,
et suivie de la mort à l'âge de soixante-seize ans par bronchopneumonie. Ce
cas est une nouvelle preuve de la prudence qu'il faut apporter dans le dia-
gnostic d'incurabilité. 1

3o° Note sur l'expérience faite en Belgique du traitement de la paralysie


générale par l'inoculation de la malaria tierce
M. Ley Hug (de Bruxelles) a pratiqué à plusieurs reprises :chez les para-
lytiques généraux l'inoculation de la malaria tierce. Après quelques jours d'in-
tervalle, il leur applique le traitement par la quinine, puis ultérieurement le
traitement spécifique. Il a constaté à plusieurs reprises des résultats remar-
quables. Il semble du reste que, après cette inoculation, le traitement spécifique
agisse beaucoup mieux.
M. Dardenne a pratiqué l'inoculation malarique sur trente-sept malades
parmi lesquels quatre ont déjà repris leurs occupations sociales et vingt et un
autres sont améliorés.
M. Donaggio a observé également des améliorations par le traitement
malarique, même sans recourir ultérieurement à l'arsénobenzol.
M. de Massary insiste sur la variabilité du liquide céphalo-rachidienchez
les paralysies générales, et sur les erreurs qui peuvent en résulter.
M. Molin de Teyssieu a constaté aussi des améliorations.
M. Anglade établit un parallèle entre le traitement malarique et le traite-
ment tuberculinique.
M. Van der Sheer a injecté quarante et un cas de paralysies générales avec
des améliorations marquées.

3i° L'action anti-névralgique des médicaments d'ordre végétatif


M. Oriechowski (de Varsovie) étudie à cet effet un certain nombre de médi-
caments d'ordre végétatif et notamment la pilocarpine. Il a utilisé ce médica-
ment en injections sous-cutanées à la dose de un demi à un centigramme
dans des névrites, des causalgies, les crises gastriques du tabes, avec des
résultats remarquables. Il l'a utilisé également,mais avec un succès moins
marqué dans la claudication intermittente, et les douleurs des syringo-myéli-
tiques. Dans tous ces cas non seulement la pilocarpine a une action contre la
crise douloureuse, mais encore elle peut conduire à des guérisons durables.
Enfin son action anti-névralgique est élective, et indépendante de ses autres
propriétés.
M. Molin de Teyssieu a essayé l'adrénaline en injections sous-cutanéesdans
les crises gastriques du tabes, et dans certaines céphalies de cause inconnue.

32°Mesures bio-physiques de la fatigue musculaire


M. Livet a utilisé plusieurs procédés à cet effet : 1° utilisation de deux
poids égaux mais de vibrations atomiques différentes ; 20 le dynamomètre de
Charles Henry qui permet de constater un parallélisme entre la courbe de
l'effort physique et celle de l'effort psychique ; 30 le pont de Kohlbranck, 40 la
résistance globulaire à l'hémolyse. Cette dernière courbe est parallèle à la
courbe de fatigue musculaire, et peut se relever par l'action d'agents modifi-
cateurs du rayonnement cutané (rayons1 ultra-violets).

33° Traitement du
goitre exophtalmique par les rayons à basse fréquence
MM. Bonnet-Lemaire, Roger et Livet ont traité avec succès des cas très
accusés de maladie de Basedow par l'actinothérapie modifiée par l'intervention
du phénomène de Wokes, réduisant les vibrations trop pénétrantes à des lon-
gueurs d'ondes plus grandes et mieux utilisables en physiologie conjointe-
ment aux rayons ultra-violets. '
M. Hartenberg insiste sur l'efficacité et l'importance des médications diri-
gées contre l'hyperthyroïdie qui trouvent leurs indications pon seulement
dans la maladie de Basedow, mais encore dans bien des états névropathiques
et psychopathiques.

34° La leucopyrétothérapie associée au bismuth dans le traitement de la


paralysie générale et du tabes
MM. A. Marie et V. Kohen présentent au Congrès le cas d'un paralytique
général en rémission typique traité à l'asile Sainte-Anne par des injections de
bismuth associé à la tuberculine à doses croissantes ; ils apportent leur statis-
tique qui montre que depuis huit mois, sur quarante-troisparalytiques généraux
soumis à la pyrétothérapie associée au bismuth, vingt-cinq sont entrés en
rémission plus ou moins nette. Plusieurs cas de tabes et de syphilis localisée
du névraxe soumis à la même médication ont fourni les meilleurs résultats.

Le prochain Congrès (1925) aura lieu à Paris.


Le Congrès de l'année 1926 aura lieu à Genève (sur l'invitation de la
Société suisse de psychiatrie). La question de la schizophrénie sera à l'ordre
du jour.
H. BARUK.

REVUE DES LIVRES

H. ROUVIÈRE. Anatomie humaine descriptive et topographique.


Deux forts volumes. Paris, Masson et Cie, 1924.
Comme l'indique l'auteur dans son avant-propos, ce traité d'anatomie est
conçu sur un plan tout à fait nouveau. Il s'agit surtout d'une anatomie régio-
nale : chacune des parties du corps, en effet, fait l'objet d'une description au
point de vue topographique général et au point de vue analytique.
Le lecteur acquiert ainsi plus facilement la notion de l'intérêt qui s'attache
à connaître chacun des différents systèmes : osseux, musculaire, vasculaire,
nerveux, etc., par ce fait que chacune des parties constituantes est mise en
valeur par rapport à l'ensemble.
Une quantité considérable de figures, toutes originales, ayant un caractère
véritablement artistique, quand il ne s'agit pas de schémas très clairs quoique
très voisins de la réalité, complètent très avantageusement cet ouvrage, qui est
véritablement d'une lecture attachante et rompt avec la monotonie ou l'aridité
de la plupart des traités d'anatomie.
Nous signalerons particulièrement à l'attention des neurologistes et des
psychiatres une partie réservée au système nerveux central, qui constitue une
mise au point tout à fait moderne des connaissances actuelles sur le dévelop -
pement et la structure des centres nerveux. Ici également un grand nombre
defigures très démonstratives, permettentde prendre connaissance des parties
les plus compliquées des différentes régions du cerveau. Les relations des
fibres nerveuses avec les noyaux sont l'objet de descriptions particulièrement
soignées; nous indiquerons surtout le chapitre consacré aux voies de conduc-
et
tion de la sensibilité, de la motilité aux voies d'association.
Ce traité d'anatomie s'est donc heureusement inspiré des connaissances
nouvelles apportées par les travaux des neurologistes et la clarté des descrip-
tions complétées par des figures demi-schématiques met à la portée des étu-
diants ou des médecins l'anatomie d'une partie de l'organisme qui est restée
jusqu'à présent un peu trop ignorée. Au point de vue général, comme au point
de vue spécial qui concerne les lecteurs de ce journal, nous insistons sur le
gros intérêt que présente la lecture de cet ouvrage d'un caractère si personnel.
H. C.

MUSKENS. Épilepsie. Pathogénie et traitement, i volume de 480 pages.


Amsterdam, Van Rossen, 1924.
Ce traité très important de l'épilepsie est malheureusement encore publié
uniquement en langue hollandaise et peu accessible aux lecteurs français.
Toutefois, certains tableaux, certains schémas, certaines statistiques per-
mettent de se rendre compte de l'importance du livre. Nous nous faisons un
-
plaisir de le signaler, avec l'espoir qu'il sera bientôt traduit en langue française
et mis à la portée des neurologistes et psychiatres de notre pays.
H. C.

ANALYSES

A. Neurologie
D'ANTONA. Sur le ramollissement de la moelle épinière par thrombose.
(Rivista di patologia nervosa e mentale, 29 février 1924.)
Chez un jeune soldat de dix-huit ans le début brusque de cette affection
est plus fréquent qu'on ne le croit généralement; elleest souvent confondue
avec la myélite aiguë. Dans ce cas il s'agit le plus souvent de ramollissement
ischémique dont la cause est difficile à établir, cependant on peut les distin-
guer : dans la thrombose,début très brusque sans modification de l'étatgénéral
lié à un processus infectieux; absence de phénomènes irritatifs radicu-
laires ou méningitiques, tout particulièrement de dissociation syringomyé-
lique de la sensibilité. L. WAHL.

FOZZARI. Tissu conjonctif et vaisseaux sanguins dans les ganglions sym-


pathiques de l'homme; leurs modifications en rapport avec l'âge.
(Rivista di -patologia nervosa e mentale, 31 décembre 1923.)
L'évolution du tissu collagène réticulaire s'observe dans les ganglions
sympathiques ; pour Luna, elle dépend directement des vaisseaux sinusoïdaux
et des fins capillaires qui restent en contact immédiat avec les éléments
nobles de l'organe. Chez le nouveau-né la capsule périvasculaire est très
fine et s'épaissit avec l'âge en strates concentriques. Pour Fozzari, ces strates
sont de nature réticulaire et peuvent aller jusqu'à une hyperplasie considé-
rable des fibres collagènes de l'adventice. Cette disposition serait pour Foz-
zari normale et non pathologique; elle serait due à la sénescence graduelle
des cellules elles-mêmes.
L. WAHL.
RAMSAY HUNT. Les composants statiques et cinétiques du système
nerveux afférent, leurs fonctions et leur symptomatologie (Rivista di
patologia nervosa e mentale, ier avril 192.4.)
L'histologie, la physiologie, la biologie confirmeraientles vues de l'auteur:
le système nerveux du mouvement comme celui de la sensation peut être
con-
sidéré comme formé de composants dont chacun a un substratum différent et
des relations particulières avec les forces physiques ambiantes. Le
mouve-
ment détermine une position de repos sur laquelle agissent seulement la gra-
vité et la pression atmosphérique. Pendant l'activité, il y a coopération har-
monique entre les deux processus ; elle s'exerce tant par le système cérébro-
spinal que par le sympathique : la fibre musculaire elle-même a cette dualité
de fonction (structure fibrillaire d'une part, sarcoplasma de l'autre) ; dans le
sys.
tème sympathique les fibres de la motilité sont soustraites à la volonté; dans le
système cérébro-spinal les diverses fonctions archéocinétiques, paléo-ciné-
tiques et néocinétiques montrent les variétés du mouvement. Le principal
centre du système statique est pour Ramsay Hunt le cervelet qui préside à la
régulation des synergies posturales; il a bien entendu des connexions avec le
cerveau organe des positions; les fibres statiques sont amyéliniques; les ciné-
tiques ont de la myéline. Évidemment c'est un schéma que Ramsay Hunt a
voulu faire, mais il cadre d'après lui avec tous les faits actuellement connus.
L. WAHL.

MARIE NICOLESCO. Contribution à l'étude des syndromes douloureux


par atteinte des relais cellulaires de la sensibilité. (Thèse de Paris, 1924.)
Document précieux dont on sent la solide base anatomique, cette thèse,
faite dans le service et sous la direction du professeur agrégé Foix, est plus
qu'une mise au point : il s'agit d'un des meilleurs travaux originaux de neu-
rologie de cette année.
Madame Nicolesco rappelle tout d'abord que :
L'atteinte des relais cellulaires de la sensibilité provoque des phénomènes
douloureux qui s'opposent par leur importance à l'indolence des faisceaux
blancs de la conduction sensitive à l'intérieur du système nerveux central
(exception faite de la partie intra-médullaire des racines postérieures). Ces
phénomènes douloureux se retrouvent à tous les étages : ganglion rachidien,
corne postérieure de la moelle, noyaux sensitifs bulbo-protubérantiels, tha-
lamus. Ils manquent habituellement dans les cas d'atteinte du neurone cor-
tical.
Ces syndromes douloureux présentent un type spécial (douleur d'origine
cellulaire) qu'il est facile de reconnaître et dont la douleur thalamique et la
douleur zonateuse constituent les deux aspects les plus fréquents et les plus
caractéristiques. Il s'agit de douleur continue, diffuse, brûlante, contusive,
tenace, avec exacerbations lentement progressives et dégressives, rebelle à
tout traitement. Elle peut s'accompagner de troubles vaso-moteurs. A l'appui
de sa description, N... relate un certain nombre d'observations anatomo-
cliniques.
Le diagnostic de ces syndromes douloureux est aisé d'après ces caractères.
Il présente cependant quelques difficultés avec les douleurs causalgiques.
Quant à la nature intime de ces syndromes-douloureux, le fait que la
lésion des faisceaux blancs sensitifs à l'intérieur du névraxe ne provoque pas
de douleurs (exception faite pour les racines postérieures intra-médullaires)
impose l'idée qu'ils sont dus à l'atteinte même des cellules sensitives. Si, par
certains de ses caractères, l'aspect même de la douleur rappelle les sympa-
thalgies, il est difficile, dans l'ignorance où l'on est de l'aspect et de l'impor-
tance des cellules sensitives végétatives dans les centres de la sensibilité, de
savoir si leur part est prépondérante dans la pathogénie de la douleur. D'au-
tant qu'il est aussi vraisemblable de penser que, dans les cas envisagés, les
manifestations sympathiques sont d'ordre purement réactionnel ou réflexe.
Comme on le voit, ce travail justifie amplement notre affirmation du début
de cette trop courte analyse. Et voici le meilleur éloge qu'on en puisse faire :
c'est un document que tout neurologiste doit avoir lu en entier.
L. CORNIL.
ROBERT à
MARQUÉZY. Contribution l'étude clinique, biologique, étiologique
et expérimentale de la sclérose en plaques. ( Thèse de Paris, 1924.)
Après avoir étudié quarante-quatre cas de sclérose en plaques, l'auteur
pense qu'on doit considérablement étendre les limites de cette maladie. La
forme classique, avec signes au complet, est assez rare (i3 p. 100). Les formes
frustes sont beaucoup plus fréquentes, il convientd'analyser les symptômes qui
permettent de poser un diagnostic précoce.
Après avoir envisagé les troubles moteurs, l'importance de l'hypertonie, de
la paraplégie spasmodique, de la démarche souvent légèrement ébrieuse, la
fréquence des troubles très discrets de la parole, l'auteur insiste sur certains
troubles sensitifs, qu'il serait important de dépister à la période initiale : les
paresthésies à type de fourmillements, et les modifications de la sensibilité
osseuse.
Il fait remarquer ensuite l'abolition fréquente des réflexes cutanés abdo-
minaux et l'abolition du réflexe du voile du palais. Mais il souligne tout par-
ticulièrement l'importance des troubles oculaires, l'hippus fréquent, et la
décoloration partielle de la papille, accompagnée souvent d'amblyopie, et
même de scotome central pour les couleurs ou de rétrécissement du champ
visuel. Ce syndrome subjectif peut d'ailleurs exister sans lésion apparente du
fond de l'œil. Ces faits rentrent dans le cadre de la névrite rétro-bulbaire
aiguë.
Il envisage ensuite les troubles vestibulaires et la fréquence d'une hyper-
excitabilité vestibulaire légère.
Le début de la sclérose en plaques peut se faire par n'importe lequel de
ces troubles, certaines formes ont un début sensitif, d'autres un début ocu-
laire, et Marquézy croit que la sclérose en plaques constitue une des causes
relativement fréquentes de la névrite rétro-bulbaire aiguë de cause inconnue.
Il insiste sur la mort au cours d'une poussée évolutive réalisant un syn-
drome de myélite aiguë. Quelquefois sur la mort après une phase de para-
plégie en flexion.
L'étude du liquide céphalo-rachidien est extrêmement importante. Alors
que la cytologie et l'albuminose sont habituellement normales, la réaction de
B.-W. et la réaction du benjoin colloïdal sont souvent dissociées (B.-W. négatif,
benjoin subpositif). La courbe du benjoin est fréquemment prolongée vers la
droite.
L'auteur envisage l'étiologie de la sclérose en plaques. Il rappelle qu'on
l'a considérée comme une séquelle de maladie infectieuse aiguë. Il ne croit
pas à l'étiologie syphilitique de cette affection. Mais, quoique ses expériences
personnelles ne lui aient jamais montré de spirochète, il pense que la sclé-
rose en plaques est une maladie absolumentindépendante et autonome, dont
l'étiologie appelle encore d'autres recherches et ne peut encore être fixée de
façon certaine.
L. GIROT.

EDWARD HARTMANN. La neurotomie rétro-gassérienne. Les conséquences


physiologiques et pathologiques. (Thèse de Paris, 1924.)
Dans ce travail, très documenté, l'auteur distingue quatre types de kéra-
tites post-opératoires :
i° Des kératites qui relèvent d'une lésion du ganglion de Gasser;
2* Des kératites lagophtalmiques par inocclusion palpébrale;
3° Des kératites traumatiques par anesthésiecornéenne ;
40 Des kératites trophiques, sans lésion du ganglion de Gasser.
Quoique ces kératites post-opératoires soient fréquentes, elles ne sont pas
très graves en général, leur gravité dépend : de la section des gilets du VI[
destinés à l'orbiculaire, de l'arrachement de la racine du V au lieu de sa sec-
tion, de la lésion du ganglion de Gasser, de l'état septique du sac conjonc-
tival, des troubles de l'occlusion palpébrale, des traumatismes éventuels de la
cornée.
Envisageant la neurotomie rétro-gassérienne comme une expérience de
physiologie faite chez l'homme, l'auteur en étudie les conséquences au niveau
de l'hémiface anesthésiée, dès la section de la racine, et au cours de la première
semaine après l'intervention.
A ce propos il pense que les fibres de la sensibilité profonde de la face ne
passent pas par le trijumeau, mais par le facial, que la voie centripète des
réflexes cornéen et oeulo-cardiaque passe par la racine du V, et qu'il n'existe
pas dans le trijumeau de fibres du système nerveux organo-végétatif.
L'auteur insiste sur l'importance de l'état local du système nerveux organo-
végétatif et sur le rôle que peut jouer une modification de l'équilibre périphé-
rique des deux constituants de ce système.
Ce travail, très important, est fondé sur soixante-six observations, parfai
tement résumées, dont quarante-sept concernent des opérés de M. le docteur
Robineau.
L. GIROT.
B. Psychiatrie
E. AGUGLIA et D'ABUNDO. Tentatives de traitement par injection de
malaria tierce dans la paralysie générale, les syndromes parkinsoniens,
l'épilepsie et la démence précoce. (Rivista italiana di neuropatologia,psi-
chiatria ed elettroteraPia, novembre-décembre, 1923.)
Technique de Wagner von Jauregg injection hypodermique de 2-4 centi-
mètres cubes de sang prélevé au moment de l'acmé d'un accès fébrile dans
la veine d'un sujet atteint de fièvre tierce. L'incubation est de huit-quinze
jours. Au bout de dix-huit jours, si la fièvre ne se produit pas, l'épreuve est
négative. Après 10-12 accès, traitement quinique. Deux fois, les auteurs
ont observé, chez des paralytiques généraux, des accidents bulbaires assez
sérieux, un succès complet, un cas de disparition des troubles psychiques
seuls, deux améliorations. Le succès serait, disent les auteurs, plus complet
dans les cas observés dès le début que ceux observés dans les asiles. Dans le
Parkinson, deux améliorations, un état stationnaire, un échec. Chez quatre
épileptiques la fièvre disparue, les accès reparurent ; dans la démence précoce,
rémission. En somme, sauf dans l'épilepsie, ce traitement s'est montré utile.
L. WAHL.
G. LAFORA. Investigations expérimentales récentes sur la syphilis neuro-
trope et le problème de la paralysie générale. (Revista de neurobiologia,
IV-I. Madrid, 1924.)
L'auteur préconise au point de vue thérapeutique les injections bismu-
thiques intra-rachidiennes à faibles doses dès le début de la maladie à la
rigueur on peut employer les voies veineuses, intra-musculaires. On obtient
ainsi des rémissions assez complètes pour amener la sédation des troubles
psychiques et somatiques qui ne se traduisent plus que par quelques absences
momentanées et une insignifiante augmentation des lymphocytes dans le
liquide céphalo-rachidien.
L. WAHL.
J. WALKER. La réaction de l'urine dans cent vingt cas de désordres
mentaux. (The Journal of Mental Science, juillet 1923.)
On peut se servir de deux méthodes pour déterminer quelle est la réac-
tion d'un liquide. La première consiste à doser l'acidité ou l'alcalinité grâce
à une solution titrée appropriée et à un réactif colorant indicateur. La seconde
consiste à déterminer quelle est la concentration en ion-hydrogène du
liquide. L'auteur a employé cette dernière méthode. Les déterminations
colorimétriques furent pratiquées sur des échantillons d'urine aussitôt leur
émission, trois fois par jour, et les résultats obtenus ont montré que dans
les divers cas de troubles mentaux examinés la réaction urinaire s'est main-
tenue dans les limites physiologiques.
Les déments précoces présentèrent cependant un degré plus élevé d'aci-
dité. Dans les cas examinés, il ne paraît donc pas y avoir une diminution
des réserves alcalines du sang et des tissus, et par conséquent pas d'état
d'acidité.
LAUZIER.

J. WALKER. L'importance de l'urée dans la démence précoce. ( The Journal


of Mental Science, juillet 1923.)
L'auteur a étudié le taux de l'urée contenue dans les urines de vingt-huit
déments précoces. Il a pris soin d'éliminer tous ceux qui pouvaient être
atteints de troubles rénaux. Il s'est servi des tests de Maclean, publiés dans
le Lancet de juin 1920. Trois heures et demie après une légère collation, le
patient vide sa vessie et boit une solution contenant i5 grammes d'urée. A
la fin de l'heure suivante, puis de l'autre, on recueille les urines, dont on
mesure le volume et le taux de la concentration en urée par la méthode de
l'hypobromite. Chez les sujets normaux, le pourcentage de l'urée considéré
comme compatible avec une activité rénale normale est de 2. Or, parmi
les cas de démence précoce examinés, 57 p. 100 présentèrent un pourcentage
moindre. Également l'analyse des urines émises en vingt-quatre heures par
les sujets soumis à un même régime : un litre de lait, dèux œufs, pain et
beurre, montre que dans 85 p. 100 des cas, l'excrétion journalière totale de
l urée fut d'environ i5 grammes
au lieu de la moyenne qui varie de 25 à
40 grammes. Quant à la quantité d'ammoniaque exprimée en azote, qui varie
chez les sujets normaux de o gr. 5 à o gr. 6, elle fut dans 74 p.
100 des cas
de plus de o gr. 6.
Il ressort des recherches de l'auteur que la diminution du taux de l'urée
excrétée est due en grande partie à l'abaissement de la pression artérielle.
Quant au rapport anormal qui existe entre l'azote de l'urée et l'azote ammo-
niacal, il ne paraît pas être dû à un état d'acidité des tissus, mais il est plutôt
la conséquence de la diminution des processus métaboliques.
LAUZIER.
LANFRANCO, CIAMPI et A. AMEGHINO. Le cycle de l'histamine dans la
pathogénie de la démence précoce. (Revue de criminologie, etc., de
Buenos-Aires, janvier-février 1924.)
L'intoxication par l'histamine serait pour certains auteurs leprinium movens
de la démence précoce. C'est Bayard Holmes (1912) qui a signalé la formation
de l'histamine dans l'intestin grêle de ces malades. Cette amine causerait une
stase avec obstruction spasmodique du côlon et des fermentations anormales ;
mais cette obstruction par l'anneau de Cannon n'est pas constante; de plus,
il faudrait démontrer que l'histamine n'existe que chez les déments précoces
et non chez d'autres malades, rien ne le prouve actuellement; l'histamine pro-
duirait des lésions analogues à celles de l'ergotisme : chute de la pression
sanguine, œdèmes, refroidissement des extrémités; c'est elle qui donnerait le
ptyalisme que l'on rencontre de temps à l'autre dans cette psychose, l'odeur
acétonique de l'haleine et de la transpiration ainsi que l'urine huileuse, tout
cela est bien loin d'être constant et est bien obscur. Le seul fait vraiment
intéressant est que l'entéroclyse bien faite améliore parfois la démence précoce,
Buscaino met sur le compte de l'histamine les lésions du cortex, de la névroglie,
des différents noyaux de l'encéphale du foie, de l'intestin qu'il a constatées
chez ces malades. Les lésions reproduites expérimentalement chez le lapin
ne sont pas rigoureusement semblables à celles de l'homme et 5o p. 100 des
déments précoces ne présentent pas la réaction de Buscaino. Donc nécessité
de nouvelles recherches.
L. WAHL.
SIERRA. La mémoire dans la démence précoce. (Revista de criminologia
de Buenos-Aires, novembre-décembre 1923.)
Les vues de l'auteur sont originales, partant contestables. Pour lui, les
méthodes des tests et autres ne nous renseignent pas exactement : les
déments précoces auraient des lacunes de la mémoire et peut-être y aurait-il
chez eux hégémonie d'un type particulier il semble que l'amnésie rétro-
grade soit très fréquemment en relation avec la perte des notions de lieu et
de temps.
L. WAHL.
WEISS (Trieste). Sur quelques concepts psychologiques fondamentaux
de psycho-analyse. (Archivio générale di lleurologia psichiatria e psicoana-
lisi, 1923-24, 1-11.)
Un phénomène X unit l'activité consciente aux éléments des états oubliés
susceptibles de reviviscence complète ; c'est par conséquent l'élément primor-
dial de l'enchaînement et de l'association des idées. Il agit dans le rêve, la
suggestion. Un « quid s fournira une clefentre les divers symptômes morbides
et les autres complexes idéo-affectifs. Toute la technique psycho-analytique
n'a qu'un but : amener l'inconscient dans le domaine du conscient et écarter
les obstacles à cette réalisation, en particulier par la répétition et aussi par
les faits de transfert, translation, transmission favorisés par la < sympathie ».
Tout enseignement en dérive, aussi bien que toute manifestation de l'ins-
tinct ; mais il y a aussi des phénomènes inhibiteurs. La préconscience est l'acti-
vité psychique qui a atteint la conscience et que certains obstacles soustraient
à l'introspection. Donc deux phases dans ces phénomènes : l'inconscience
proprement dite et le préconscient (isisthémie). L'inconscient ne peut s'ac-
compagner ni de doute ni des différents degrés de la certitude. La rémotion
est une sorte de résistance inconsciente à la réalisation d'un acte inconscient;
elle appartient donc au groupe du préconscient. L'inconscient n'est pas situé
dans le temps, sa réalité n'est que celle du rêve ; le préconscient ne s'accom-
pagne d'action que dans le somnambulisme ; le fakirisme est l'action de la
volonté consciente sur des phénomènes habituellement inconscients. Aujour-
d'hui certains psycho-analystes admettent que l'instinct du moi prime le (pan)
sexualisme. La foule réalise le système inconscient de Freud. Dans les psy-
choses (Lugare) il y a des rémotions ou, si l'on préfère, des dissociations :
prédominance de l'inconscient sur le conscient avec perte de l'auto-critique
et de l'inhibition. La critique de ces idées a été faite ici bien des fois, notam-
ment par Claude et par Hesnard; je ne la referai pas, mais je rappellerai qu'à
côté de faits bien observés et de déductions inattaquables, la théorie freudienne
de la psycho-analyse de plus en plus extensive contient bien des illusions et
même des chimères, qu'elle est une « exégèse » qui comme les autres, ne peut
qu'être influencée par le psychisme de l'exégète lui-même.
L. WAHL.
LEVI-BIANCHINI. Défense de la psycho-analyse. (Archivio generale de
neurologia, psichiatria e psico-analisi, 1923-1924, fasc. I-II.)
La psycho-analyse rencontre en Italie plus d'indifférents et d'adversaires
que de partisans. Au congrès de la Société fréniatrique de 1923, Modena ne
pense pas que les méthodes récentes justifient un bouleversement des moyens
d'étude des psycho-névroses, pas même la doctrine du pansexualisme qu'il
désigne sans la nommer. Levi-Bianchini prend la défense de la doctrine de
Freud. Pour lui, c'est une psychologie dynamique nouvelle qui prend position
en face de l'associationisme classique. Le rôle que le psychologue de Wien
lui attribue s'étend non seulement à la psychiatrie, mais à l'ethnologie, la
sociologie, à l'histoire des religions, à l'art, à la mystique, à la pédagogie et à
la pédologie. C'est une exégèse profonde. Il expose le conflit dynamique du
psychisme inconscient, des traumas qu'il a à supporter, des complexes qui
servent de base, les « rémotions » qu'il lui oppose. Cette théorie explique, sui-
vant Levi-Bianchini, la psychasthénie de Janet, la paranoïa rwdimentaire de
Morselli, l'idée coaptée de Bianchini, la névrose d'angoisse. Mais, pour en
tirer parti, il faut l'étudier avec soin et pendant un temps suffisant; tout par-
ticulièrement connaître l'instinct, ses modifications, son évolution sentimen-
* tale et ne pas oublier, comme l'a dit Pfister, que l'âme humaine est un
palimpseste dont il faut déchiffrer le texte primitif.
L. WAHL.

LEVI-BIANCHINI. Valeur et aspect sociaux de la psychoanalyse.


(Archivio generale di neurologia, psichiatria e neuroanalisi I, II, 1923-24.
Article polémique très violent notamment à l'adresse de Kraepelin. La
psycho-analyse est la recherche analytique et doctrinale des mécanismes fon-
damentaux et des constructions originelles dont sont formées les activités
psychiques humaines. L'association des idées prend le nom plutôt scolas-
tique de « processus praxiques symbolo-moteurs ». La psycho-analyse veut
pénétrer l'ensemble des sciences noologiques ; c'est une doctrine dynamique de
l'entendement humain,dont les parties historiquement les plus anciennes sont
devenues le domaine propre de l'inconscient. Celui-ci est le « biotropisme positif
de l'âme comme la chimiotaxie est celui du corps ». L'instinct est le sens téléo-
logique et conservateur; il aboutit à l' « hédonisme ». Le « Lui i est distinct
du Moi et est avec lui en conflit permanent. Le « Lui > serait dans la langue
de l'école le substratum de l'inconscient; le Moi étant la res cogitans de Des-
cartes. Au c Lui » se rattacherait par exemple l'extase de sainte Thérèse. Quoi
qu'il en soit, nous sommes en présence d'une doctrine essentiellement
déterministe,puisque l'emprise de l'inconscient dominerait la scène malgré les
« rémotions » ; la phylogénèse des instincts nous
rattache au sauvage, aux
races et aux civilisations disparues. La psycho-analyse est la chimie physique
et la mécanique appliquées à l'âme humaine. L'instinct le plus archaïque est la
sexualité d'où son rôle de primum moyens ; comparer la libido telle que l'en-
tend Freud et l'Eros éternel de Platon. Je ne reviens pas sur la libido prépu-
bère. Comme conclusion : le Freudisme est un progrès dans l'étude des rap-
ports de l'inconscient et du conscient, mais, pour nous, son utilité pratique
restera des plus restreintes. L. WAHL.

Le Gérant : G. DELARUE.
TRAVAUX ORIGINAUX

LE MÉCANISME DE L'ÉMOTION RETARDÉE


CHEZ L'HYSTÉRIQUE
PAR
Le Professeur Henri CLAUDE et le Dr R. de SAUSSURE

Au point de vue pratique, il importe de distinguer deux cas de retard


de l'émotion :
i° Les cas où l'individu se trouve dans un grand péril (guerre, catas-
trophe, etc.) et où pour sauver sa vie, il garde toute sa lucidité jusqu'à
ce qu'il soit hors de danger. Une fois à l'abri, l'effet de l'émotion se fait
sentir et les accidents hystériques apparaissent.
2° Les cas où le sujet, ne se trouvant pas dans une situation dange-
reuse, semble rester indifférent à un événement, puis quelques heures
plus tard, manifeste une violente émotion. Janet et Binetsont, croyons-

i
nous, les premiers auteurs qui ont attiré l'attention sur ce phénomène
qui fut décrit plus tard par Baelz sous le terme de paralysie de
l'émotion, puis enfin par Jung2.
Dans les deux cas, les malades souffrent de réminiscences3. C'est ce
fait que nous voudrions étudier à la lumière d'un livre récent et fort
instructif dû à la plume d'un psychologue belge, M. Varendonck4.
Cet auteur distingue deux mémoires différentes : la mémoire duplica-
tive et la mémoire synthétique. La première fonctionne le plus souvent
automatiquement, sans que notre volonté intervienne et elle est caracté-
risée par le fait qu'elle reproduit intégralement des portions de notre
vie. Elle n'est pas seulement une réminiscence, mais une réviviscence
complète aussi bien affective qu'intellectuelle. Cette mémoire plus pri-
mitive est comme une chaîne de réflexes, c'est elle qui semble guider les
animaux dans un grand nombre d'actions5.
La mémoire synthétique, au contraire, opère des simplifications dans

i. V. BAELZ. Allg. Zschr. f. Psychiatr. T. LVIII, p. 717.


2. V. JUNG. Psychologie der De-mentia Precox. Halle, 1907.
3. Le terme est de Freud. Voir BREUER et FREUD, Études sur l'hystérie.
(Vienne, Deuticke, 1895).
4. V. VARENDONCK. L'évolution des facultés conscientes. Paris, Alcan, 1921.
5. V. HACHET-SOUPLET : La Genèse des Instincts, Paris, Flammarion.
notre expérience passée et se contente de retenir ce qui pour l'action peut
nous être utile. Elle est sous la dépendance de notre volonté; c'est à elle
que nous recourons le plus souvent.
Nous avons dit avec Freud que l'accident hystérique était dû à
une réminiscence. Nous pouvons maintenant préciser le fait et constater
qu'il est le réveil d'une portion de notre mémoire duplicative. Donnons
un exemple :
Éliane est une jeune fille de vingt et un ans. Intelligente, elle a fait
de bonnes études secondaires et elle s'apprêtait à suivre des cours à la
Sorbonne, lorsqu'elle tomba malade.
Antécédents héréditaires. — Une tante nerveuse a fait une dépres-
sion à la suite d'un deuil, un père de tempérament cycloïde (Kretsch-
mer); la mère et la grand'mère maternelle sont renfermées et distantes;
ce sont des natures très sérieuses et soucieuses, avec un sentiment du
devoir très accusé.
Antécédentspersonnels. — Rougeole, scarlatine et coqueluche avant
la dixième année. Grippe compliquée de broncho-pneumonie en 1918.
Fréquentes bronchites jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Grippe infectieuse
en 1920 avec délire et état général inquiétant. Cette maladie n'a pas laissé
de séquelles.
Comme enfant, Éliane se montre assez docile à la maison, un peu
indisciplinée en classe, où elle a l'impression d'être incomprise et jugée
trop sévèrement. Par la suite, elle devient craintive à l'égard de ses
parents, qui souvent la grondaient et se fâchaient de ce qu'elle apportât
de mauvais bulletins de l'école. Pendant plusieurs années, elle retire sa
confiance à ses parents, elle évite d'être avec eux. Elle se fait des amies
en classe qui seules jouissent de son intimité.
Il n'y a rien de pathologique à signaler dans son comportement, si ce
n'est une timidité excessive à l'égard de certains de ses professeurs.
Lorsque ces maîtres l'interrogent, elle reste interdite, incapable de
répondre, il se fait comme un vide dans son esprit, alors que, si on lui
pose par écrit les mêmes questions, elle y répond avec facilité.
Entrée à la Sorbonne, elle se trouve dépaysée et sans amies.
Elle souffre du fossé qu'elle a creusé entre elle et ses parents.
Elle se replie sur elle-même, devient légèrement déprimée et de plus
en plus timide.
Un des premiers jours où elle se rend à la Sorbonne (novembre
1922), elle sent un besoin violent d'uriner. Après avoir hésité assez long-
temps, elle se décide à quitter le cours, mais arrivée devant la porte des
water-closets, elle lit sur un écriteau « fermé jusqu'à 10 heures ». Très
contrariée, elle se résout à prendre le tramway et à rentrer chez elle.
Pendant tout le trajet qui dura près d'une demi-heure, elle eut grand'-
peur de faire dans ses culottes et elle se répétait sans cesse : « Je n 'arri-
verai pas à temps. » De retour chez elle, elle raconta sa mésaventure avec
colère à ses parents.
Quelques jours après, au même cours, elle ressent le même besoin.
Aussitôt, sans qu'elle puisse être maîtresse d'elle-même, se déroule
automatiquement dans sa pensée toute la scène de son précédent retour.
Elle est saisie d'une grande angoisse : palpitations, sentiment d'oppres-
sion, sueurs froides, etc. Enfin elle est obligée de quitter le cours. La
même scène se renouvelle presque chaque jour. Bientôt ce n'est plus
seulement le besoin d'uriner qui déclanche l'émotion, mais c'est le seul
fait de se trouver à la Sorbonne. Puis le seul fait d'être dans la rue ou
chez elle en présence d'un étranger active automatiquement la mémoire
duplicative; elle devient comme absente, change d'expression, et revit
intensément son premier trajet de la Sorbonne à sa demeure. L'angoisse
ne cède qu'au moment où elle peut entrer dans un cabinet.
Au bout de trois semaines Éliane est obligée de vivre seule avec ses
parents et de ne plus quitter l'appartement. Elle se déprime rapidement,
devient irritable, ne s'intéresse plus à rien et ne travaille plus. Cette
dépression est accentuée du fait qu'elle souffre d'un sentiment d'infério-
rité très prononcé sur lequel nous aurons à revenir plus tard.
Éliane resta dans cet état dix-huit mois. Toutefois, en mars der-
nier, elle présenta une légère amélioration. Elle s'engagea dans un bureau
et renonça à ses études. Cependant, le directeur lui ayant proposé un
nouveau poste mieux rétribué, l'idée de s'adapter à un poste nouveau
déclancha une rechute et, en mai 1924, tous les symptômes antérieurs,
qui n'avaient du reste que partiellement disparu, réapparurent. Éliane
sombra dans une nouvelle période de dépression. C'est à partir de ce
moment que nous l'avons vue.
Au cours de ces dix-huit mois, elle n'a pas eu d'autres traitements
que des douches, des calmants, un peu de suggestion ; ou bien encore,
les médecins ont opposé leur mépris aux symptômes de la malade.
Toute cette thérapeutique est restée sans résultat. Nous l'avons soignée
d'abord par la méthode psychanalytique, puis, voyant que nous n'aurions
pas le temps d'achever la cure, nous avons consolidé les premiers résul-
tats acquis par de la suggestion et de la persuasion.
La malade qui s'analyse très bien nous dit que chaque fois qu'elle a
de l'angoisse, elle revoit et revit entièrement la scène de la Sorbonne, qui
envahit son esprit à tel point qu'elle ne peut penser en même temps à
autre chose.
Signalons un fait intéressant : pendant les quinze premières heures
que nous avons vu la malade, celle-ci n'a pas fait allusion à l'incident
du cabinet fermé ; cependant, à plusieurs reprises, je lui avais demandé
si elle se souvenait de la manière dont la maladie avait débuté. Jamais
elle ne reparlait de sa mésaventure. Elle ne l'avait confiée à aucun autre
médecin. Elle-même n'y pensait que lorsque sa mémoire duplicative
fonctionnait de façon tout à fait automatique. On ne peut pas dire
qu'elle avait refoulé la scène, car elle en était consciente ; mais elle ne
pouvait pas l'évoquer sans la revivre et pendant qu'elle la vivait, elle
était incapable de la raconter.
Un second fait intéressant à noter, c'est que, le jour où elle nous fit
part de cet événement, elle le fit sans aucune émotion et avec l'air le plus
détaché, comme si cela ne jouait plus aucun rôle dans sa vie. Cette- indif-
férence ne fut qu'apparente. Sept heures plus tard, Éliane venait tout en
larmes auprès de sa mère lui raconter l'origine de sa maladie et lui
demander pardon d'avoir, depuis des années, pris à son égard une atti-
tude aussi méfiante.
Le lendemain, Éliane nous fit part de ce qui s'était passé la veille.
Elle en était tout heureuse et dès lors un grand mieux s'installa chez
elle. Ce jour-là, nous lui expliquâmes le mécanisme de la mémoire
duplicative et nous lui fimes remarquer le retard qu'il y avait eu dans
l'émotion déclanchée par le récit qu'elle nous avait fait la veille au sujet
de sa mésaventure à la Sorbonne. Sur ce, elle nous dit que toujours elle
réagissait très tardivement à ses émotions et ceci depuis qu'elle allait à
l'école. « Je n'ai jamais attiré la sympathie de mes maîtresses de classe,
raconte-t-elle. L'une d'elles disait à ma mère : votre fille a une tête à
gifles. Elles m'ont fait beaucoup d'observations que je sentais injustifiées
et comme je ne pouvais pas répondre sur un pied d'égalité, je me suis
habituée àtout accepter avec un sourire d'indifférence. Cependant, dès
que je suis de nouveau seule, je repense à ces paroles, j'en exagère la
portée et j'en éprouve toute l'amertume. A ce moment seulement, je
suis capable de ressentir de l'émotion et de pleurer. C'est ainsi que je me
suis complètement renfermée en moi. J'oppose toujours à autrui un
masque, une personnalité d'emprunt qui n'est qu'un écran pour que les
émotions ne m'atteignent pas de suite. »
Cette tendance a rendu Éliane très caustique. Ce n'est que dernière-
ment qu'elle a pris conscience de ces mécanismes. Jusqu'ici elle sentait
seulement que, derrière son rire, il n'y avait pas la même joie que der-
rière le rire de ses camarades. Elle avait l'impression d'être autrement
constituée que ses amies. Pour cette raison, elle se mit à douter d'elle-
même. Elle se montrait gaie chez elle, mais cette gaieté était factice,
elle appartenait à ce personnage d'emprunt qu'elle interposait toujours
entre son entourage et elle-même. Ses camarades disaient : « S'il y en a
qui n'engendre mélancolie, c'est bien Éliane. » Elle passait pour
une pas
n'avoir pas de cœur et se moquer de tout. Au fond d'elle-même, toutes
ces remarques la blessaient terriblement, mais elle ne songeait pas à les
démentir.
C'est ici l'endroit de conter l'influence qu'exerça sur Eliane une de
ses amies d'enfance que nous appellerons Gertrude. Aucun goût com-
mun n'unissait ces deux jeunes filles, mais elles étaient contemporaines
et leurs parents étaient liés d'amitié. Éliane avait besoin de Gertude parce
que celle-ci avait beaucoup d'assurance dans la vie et Gertrude avait
besoin d'Eliane, car il lui fallait un souffre-douleur. Depuis son plus jeune
âge, Gertrude s'était amusée à critiquer les moindres travers de son
amie. Tout lui était prétexte à rabaisser Éliane, qui en fait lui était très
supérieure. Celle-ci, qui par une disposition que nous avons analysée
plus haut, souffrait déjà d'un sentiment d'infériorité, finit par croire que
ce que son amie lui disait était exact. Les remarques de Gertrude pro-
voquaient chez elle, en même temps qu'un sentiment de révolte, une con-
viction plus grande de son infériorité. Si nous insistons sur ces faits,
c'est qu'ils expliquent en grande partie la suggestibilité de l'hystérique.
L'un de nous écrivait1 :
« Le mécanisme des accidents de l'hystérie traditionnelle, élimi-
nation faite de la supercherie et de la mythomanie, se réduit, selon nous,
à une perturbation de l'émotivité, laquelle peut favoriser l'hétéro- ou
l'autosuggestion. » — En effet, la suggestibilité de l'hystérique n'est pas
illimitée, elle se fait toujours dans une certaine direction2.
Chez Éliane, le fait de sentir qu'elle n'était pas comme les autres la
prédisposait à accepter toutes les suggestions qui pouvaient la renforcer
dans son sentiment d'infériorité. Les remarques de Gertrude arrivaient
dans un bon terrain pour la conduire à la dépression.
En été 1922, Éliane fit un long séjour chez son amie. Celle-ci lui
répéta aussi souvent que possible : « Tu es ridicule de vouloir faire des
études. Jamais tu ne pourras y arriver. Il ne faut pas croire que tu es
une fille intelligente, tu es une petite bégueule, etc. »
Un des moyens que Gertrude avait de marquer sa supériorité sur
Eliane était de faire devant elle et devant témoin une allusion aux ques-
tions sexuelles. Notre malade qui n'avait jamais parlé de ces problèmes
avec ses parents, se sentait mal à l'aise d'en parler devant des gens plus
âgés qu'elle et par timidité rougissait. Gertrude se faisait alors un malin
plaisir de se moquer de son amie et de taire remarquer ses couleurs
écarlates à tout le monde.
Le séjour qu'Éliane fit chez sa camarade fut si désagréable qu'elle se
vit obligée de l'écourter. Lorsque, peu de temps après, elle commença à
fréquenter les cours de la Sorbonne, elle était hantée par les paroles de
son amie et s'imaginait être incapable de faire des études. Lorsque lui
arriva sa mésaventure, dès les premières fois qu'elle fut obligée de quit-

1. Henri CLAUDE. Les maladies nerveuses, Paris, Baillière, 1922, t. Il,


p. Soq.
2. Le médecin peut, sous hypnose ou par une action traumatisante, telle
qu'un courant électrique, créer chez les hystériques les accidents qui lui
plaisent, mais ces mêmes malades, livrés à eux-mêmes, ne présentent que
cer-
taines directions de suggestibilité, lesquelles sont créées par les émotions
qu'ils ont vécues au préalable.
ter les cours en raison de son angoisse, Gertrude lui répéta : « Tu vois.
bien que tu ne peux pas faire d'études. »
L'émotion vive de la Sorbonne n'aurait peut-être pas suffi à déclan-
cher le symptôme de notre malade, si des émotions antérieures n'avaient
pas créé des voies de suggestibilité dans cette direction.
Revenons maintenant au problème que.nous avions posé au début de
cet article.
Chez des soldats ou chez des sinistrés, le retard de l'émotion est dû à
ce que le danger fait réagir l'individu instinctivement, sans qu'il prenne
conscience intellectuellement de la situation; mais le moment critique
passé, la mémoire duplicative se met à fonctionner. Cette portion de vie
n'ayant pas été vécue intellectuellement par l'individu, elle échappe aux
simplifications de la mémoire synthétique et elle fait irruption dans le
sujet, sans que celui-ci puisse en corriger les effets. Le retard de l'émo-
tion ou tout au moins de l'apparition du symptôme pathologique est dû,
dans ce cas, au fait que tant que l'individu vit la scène dangereuse, il pense
au futur et ne laisse pas fonctionner la mémoire duplicative.
Chez d'autres hystériques, comme chez Éliane, par exemple, le retard
de l'émotion est dû au fait que l'individu interpose, entre sa personnalité
et les gens qui l'entourent, une personnalité écran, inaccessible aux émo-
tions. L'explosion affective ne se fait que plus tard lorsque le sujet revit
la scène. Le malade prend l'habitude inconsciemment de ne pas se lais-
ser aller à ses sentiments devant autrui. Dans la solitude, il laisse libre
cours à ses états affectifs, il en cultive certains, en élimine d'autres. Le
fait d'entretenir avec prédilection certains sentiments, prépare des voies à
l'auto ou à l'hétéro-suggestion. Le moindre choc suffit alors à déclan-
cher l'accident hystérique.
TRAVAIL DE LA CLINIQUE DES MALADIES NERVEUSES DE LA FACULTÉ
DE MÉDECINE D'ODESSA

DE L'HYPERTONIE DANS LES LÉSIONS


DU
SYSTÈME PYRAMIDAL ET EXTRAPYRAMIDAL

(Avec dix schémas dans le texte)

PAR
V.-P. KOUSNETZOV

L'état du tonus musculaire dans les lésions du système pyramidal,


comme dans les lésions du système extrapyramidal peut être considéré
comme un état d'hypertonie.
Cependant les constatations cliniques dans les deux cas diffèrent con-
sidérablement. Dans l'hémiplégie par exemple, le tonus musculaire,
ordinairement exagéré au repos, augmente brusquement pendant les
mouvements. Au contraire, dans les maladies de Parkinson, de Wilson,
et dans l'encéphalite épidémique, le tonus musculaire reste dans le même
état au repos comme pendant les mouvements, et même, parfois, diminue
au cours de ces derniers.
L'hypertonie d'origine pyramidale s'accompagne ordinairement de
l'affaiblissement de la force musculaire. Dans la maladie de Parkinson
il existe une dissociation spéciale : la force du mouvement volontaire est
affaiblie, tandis que la force du maintien des attitudes est conservée.
Enfin, il faut signaler que, dans les lésions du système pyramidal, les
mouvements volontaires ainsi que les mouvements appris sont également
compromis. Dans les lésions extrapyramidales le trouble s'étend presque
exclusivement aux mouvements volontaires : il est très difficile pour ces
malades de commencer et d'arrêter un mouvement volontaire, tandis que
le mouvement appris se développe facilement. Voilà pourquoi on con-
state chez ces malades des phénomènes de propulsion.
Les causes de ces différences dans les manifestations de l'hypertonie
au cours des lésions de ces deux systèmes doivent être expliquées.
On peut admettre que l'augmentation de l'excitabilité du tonus mus-
culaire dans les lésions du premier type est liée à l'augmentation géné-
rale de l'excitabilité réflexe. Tandis que dans le second groupe, cette
dernière n'est d'habitude pas modifiée, à la suite de quoi le tonus
musculaire reste lui aussi peu excitable.
La différence entre la force musculaire active et la force posturale
dans la maladie de Parkinson peut être expliquée de la façon sui-
vante :
L'activité tonique du système nerveux peut être définie le maintien
d'une quelconque partie du corps dans la dernière position dans la-
quelle cette partie était amenée par un mouvement. Sherrington la
nomme « postural activity ». Il est donc naturel que dans l'hyper-
tonie la force de maintien soit conservée; cependant, la question se
pose de savoir pourquoi ce phénomène n'existe pas chez les malades
à lésion du système pyramidal. En outre, il faudrait expliquer dans les
deux cas le mécanisme de l'hypertonie, les phénomènes de catalepsie
chez les Parkinsoniens, etc... Pour être résolues ces questions deman-
dent l'étude exacte des phénomènes.

Il est désirable surtout d'appliquer la méthode physiologique à l'étude


de la contraction musculaire. Cette méthode consiste chez les animaux
en la libération d'une des insertions musculaires qui, par l'intermé-
diaire d'un fil, est réunie à l'appareil graphique du kymographe. De
cette façon, on obtient une inscription directe des modifications de
la longueur du muscle.
Chez l'homme, on ne peut utiliser dans ce but qu'un seul muscle, le
quadriceps crural. Ce muscle est lié par son tendon à la rotule. Quand
la jambe est étendue, la rotule présente une mobilité suffisante pour être
utilisée à l'égal du bout libre du quadriceps.
Pour réunir la rotule à l'appareil graphique du kymographe, j'ai
construit un appareil représenté sur la figure i. Cet appareil est composé
de crochets en bois A-A mobiles sur la planche B. Les échancrures des
crochets sont faites de manière que leur face antérieure soit plus large
que la postérieure. L'appareil sert à saisir la rotule de côté, dans la posi-
tion couchée. Les crochets peuvent s'écarter jusqu'à saisir solidement
par leur échancrure la partie supé-rieure de la rotule, sans glisser sur sa
partie moyenne plus large. L'appareil étant placé de cette manière, on
fixe un fil à son extrémité. Le fil parallèle à la jambe gagne une poulie
qui se trouve placée sur le pied du sujet à examiner. Ce fil est tendu par
un poids, et se réunit à l'appareil graphique du kymographe. De cette
façon on aboutit à des conditions qui se rapprochent de celles d'une
expérience physiologique : le muscle est tendu par un poids convenable
et les modifications de la longueur du muscle peuvent être inscrites
directement. En employant simultanément
deux dispositifs, on peut inscrire en même
temps sur une seule bande de papier, les
courbes provenant de la cuisse gauche et
droite. Pour éviter l'influence du déplace-
ment longitudinal du corps, j'ai compliqué
le dispositif en utilisant le système de trois
poulies au lieu d'une seule, avec le fixage d'un
bout du fil aux condyles du fémur. Dans ce
cas, on n'enregistre que les modifications de
la distance entre les condyles du fémur et la
rotule. Voici les résultats de mes expériences,
encore peu nombreuses.
La courbe d'une contraction isolée du
muscle normal se compose d'une ascension
rapide et d'une descente brusque, avec un ra-
lentissement à la fin. Ce ralentissement peut
être attribué à la composante tonique de la
contraction.
Il est naturel de se poser la question sui-
vante : dans quelle mesure le ralentissement
du relâchement musculaire dépend-il du
tonus musculaire? L'expérience se fait de la
façon suivante :
La personne à examiner est couchée
sur une table, les jambes étendues et immo-
biles. On lui ordonne de contracter le qua-
driceps et de le relâcher aussitôt, ou bien
d'étendre et de relâcher la jambe. La con-
traction des muscles quadriceps des per-
sonnes normales, enregistrée à l'aide de mon appareil, donnait le type de
courbe ordinaire, type ci-dessus indiqué. On obtenait un autre résultat
en cas d'atonie tabétique. Sur la courbe, on n'enregistrait absolument
aucun ralentissement à la fin du relâchement; il n'y avait d'inscrites
que la ligne ascensionnelle et la ligne de descente, avec une brusque
transition dans la ligne horizontale.
La figure 2 représente la courbe de la contraction volontaire des
quadriceps chez un hémiplégique droit, avec aphasie de Broca. La
courbe doit se lire de gauche à droite. La descente de la courbe cor-
respond au raccourcissement du muscle et non, comme d'ordinaire,
à son allongement. Comme on le voit sur la courbe, le stade du ralen-
tissement du relâchement, indiqué par une flèche, est plus marqué
sur la jambe droite que sur la gauche. Ce type de la courbe a
été trouvé chez tous les hémiplégiques, y compris ceux chez lesquels,
par la méthode des mouvements passifs, on notait de l'atonie et
indifféremment si ces mouvements étaient des contractions volontaires
réflexes ou bien des excitations par le courant.

En cas d'hypertonie d'origine extrapyramidale (maladie de Parkin-


son, encéphalite épidémique) la courbe de la contraction présentait un
tout autre caractère. Ici, dans tous les cas, au cours de la contraction
volontaire se manifestait la plasticité du tonus dans le sens de Sherring-
ton : le muscle contracté maintenait son nouvel état de raccourcisse-
ment. Cela arrivait rarement pendant les contractions réflexes, et encore
plus rarement pendant les contractions provoquées par l'excitation du
courant galvanique. C'est-à-dire que nous avons ici la manifestation du
fait qu'en cas d'hypertonie du type extrapyramidal, ce sont surtout les
mouvements volontaires qui sont affectés.
La figure 3 représente la courbe de la contraction volontaire des
muscles quadriceps, courbe enregistrée dans un cas de maladie de Par-
kinson très avancée. A la marque « a », a été donné l'ordre de contracter
droit.
et de relâcher le muscle gauche; à la marque « b », le muscle
Comme on voit sur la courbe supérieure (jambe droite), à la marque « b »
le muscle s'est rapidement contracté, a maintenu son nouvel état en
s'allongeant ensuite lentement. Au point « a » le muscle gauche donne
raccourcisse-
une rapide contraction, puis reste dans son nouvel état de
ment. Au point « b » ce même muscle gauche manifeste un rapide
allon-
droit.
gement, en rapport avec la contraction simultanée du quadriceps
Sur ce dernier fait, il nous faut nous arrêter un peu plus longtemps.

de l'excitation de la plante du même pied, sous l'influence d'un coup


frappé sur le tendon rotulien, ou sous l'influence de la contraction vo-
lontaire des fléchisseurs de la jambe, etc... En général, la recherche de
n'importe quels réflexes, surtout sur la même jambe, amenait la dispa-
rition rapide de ces phénomènes de plasticité du tonus.
Ces réflexes étaient naturellement provoqués par une très faible exci-
tation afin d'éviter les mouvements du membre. Les malades ne pou-
vaient, d'ailleurs, qu'à grand'peine relâcher volontairement leurs
muscles. La figure 4 représente la courbe de la contraction volontaire
des quadriceps chez un malade atteint d'encéphalite épidémique chro-
nique avec phénomènes de flexibilitas cerea. Après la contraction
le muscle restait raccourci. Un certain temps après le premier ordre,
on se mit à donner au malade des ordres répétés de relâcher le muscle,
après quoi le muscle, avec quelque lenteur et par ressauts, diminua
jusqu'à son niveau précédent. Chaque ressaut de la courbe corres-
pondait à l'ordre de relâcher le muscle. A la contraction des quadri-
ceps droits (courbe supérieure), les ordres répétés de relâchement
étaient donnés surtout après la contraction (b). Le résultat fut le même
que dans le premier cas, et en outre, la contraction de ce muscle
droit avait lieu avec effort et par ressauts (C).
Ordinairement, cet état de raccourcissement du muscle à la suite
d'une contraction persiste un temps indéfini. Dans un seul cas d'encé-

phalite épidémique chronique, il cessa de lui-même et sans influence


extérieure. Chez ce malade,pendant la période d'expérience,on n'obser-
vait de phénomènes d'hypertonie extrapyramidale, que du côté droit du
corps seulement; du côté gauche, on ne notait aucun phénomène patho-
logique. C'est pourquoi les phénomènes de plasticité ne se manifestèrent
que du côté droit. La courbe de la contraction volontaire, enregistrée
chez ce malade,est représentée sur la figure 5. Au point «a » la contrac-
tion du quadriceps droit n'est pas suivie du relâchement du muscle. Ce
n'est qu'au bout d'un certain temps (généralement 21" à 38") que le
muscle s'allonge brusquement jusqu'à son niveau précédent (c).
La courbe de la contraction du quadriceps gauche (a b ») est du type
ordinaire. L'explication du phénomène ci-dessus décrit doit être cher-
chée, semble-t-il, dans les contractions involontaires des muscles de la
jambe droite, qui sont observées chez ce malade. Ces contractions ryth-
miques du quadriceps droit nous sont démontrées par la courbe, fig. 6,
prise à l'état de repos du malade. Il faut noter que le changement de
longueur du muscle, mar-
qué par les lettres « a!»,
s'observait plus souventque
les oscillations du type «b».
Il faut noter que les oscil-
lations « a » consistaient en
un brusque relâchement du
muscle suivi d'un raccour-
cissement lent. Ainsi donc
la contraction musculaire
dans l'hypertonie extrapy-
ramidale présente cette par-
ticularité de l'apparition de
la plasticité du tonus. Chez
les hémiplégiques, au con-
traire, on n'observe généra-
lement pas ce phénomène.
L'explication de cette
différence est la suivante.
Les phénomènes dela plas-
ticité du tonus disparaissent
facilement sous l'influence
de différents facteurs. Chez
les personnes saines, le rap-
port de la force du tonus
et des autres réflexes, est
tel que ces derniers exer-
cent une certaine influence
sur la plasticité du tonus,
influence qui empêche cette
plasticité du tonus de se
manifesterfacilement. Chez
les hémiplégiques, on ob-
serve l'hypertonie et l'exa-
gération des réflexes : de
sorte que chez eux la cor-
rélation entre le tonus et
les réflexes reste la même
que chez les personnes
saines.
Dans les cas de lésions
extrapyramidales la corré-
lation sus-indiquée change
brusquement. Chez ces malades le tonus musculaire est exagéré,
il y a de l'hypertonie alors que les autres réflexes ne sont généralement
pas changés. C'est pourquoi les manifestations du tonus (plasticité) chez
ces malades, paraissent plus évidentes que chez les personnes saines.
En même temps, l'influence des autres réflexes n'est pas augmentée de

façon anormale, et ceci constitue également l'explication des phéno-


mènes de catalepsie.
Le fait que chez les malades à lésion extrapyramidale ce sont surtout
les mouvements volontaires qui sont affectés, est sans doute dû à ce que
la coordination entre le système tonique et les centres supérieurs de la
volonté est troublée chez eux. La plasticité du tonus se manifeste chez
ces malades principalement dans les contractions volontaires et l'on est
en droit d'attribuer à ce phénomène la cause suivante : les impulsions
volontaires dans ces cas agissent sur le tonus dans le sens d'une mani-
festation régulière et bien coordonnée avec la contraction.
Dans les lésions extrapyramidales, en effet, si la contraction volon-
taire n'est pas liée avec une contraction tonique, la force développée
serait peu considérable. Car, d'après les données physiologiques, la
contraction dynamique est beaucoup plus faible que la contraction
tonique. On peut donc admettre de façon générale que la force de la
contraction musculaire dépend de son composant tonique; la bradyki-
nésie peut être expliquée de la même façon. D'autre part la tendance à
la conservation des attitudes dépend des mêmes causes, car la contrac-
tion volontaire ne peut vaincre qu'imparfaitement l'inertie du corps et
de ses membres.
La plasticité du tonus se manifeste non seulement dans la maladie de
Parkinson et les encéphalites épidémiques, elle s'observe aussi dans les
cas de sclérose en plaques et d'hémiplégie. Par exemple, la figure 7
représente la courbe de la contraction volontaire dans une hémiplégie
droite avec aphasie de Broca, et un léger syndrome thalamique. Sur la
jambe droite (D) la plasticité n'est évidemment pas marquée, à cause
de l'exagération très prononcée des réflexes observés dans ce cas sur la
jambe gauche (G). Par contre, la plasticité est évidente. Au point « C »
une légère excitation a été produite sur la plante du pied gauche, exci-
tation qui a provoqué la disparition des phénomènes de plasticité.
Ces faits me sem-
blent présenter un inté-
rêt considérable. Puis-
que l'hypertonie dans
la maladie de Parkin-
son et dans les encé-
phalites épidémiques
dépend apparemment
des lésions des grands
noyaux de la base du
cerveau, et puisque
dans les cas ci-dessus
rapportés on observait
aussi les symptômes de
ces lésions, ne pourrait-
on pas supposer que les
symptômes de plasti-
cité sont l'indice d'une lésion des grands noyaux de la base du cerveau ?

Outre le caractère de la contraction musculaire, j'ai pu examiner, à


l'aide de mon appareil, les réflexes toniques du cou et du labyrinthe.
Les réflexes du cou sontles suivants : en abaissant la tête vers l'épaule,
ou en tournant le cou sur son axe longitudinal, le tonus des extenseurs
des membres du côté vers lequel le mouvement a été dirigé augmente, et
en même temps les extenseurs des extrémités du côté opposé deviennent
flasques. Le réflexe du cou des personnes saines n'a pas été enregistré.
Chez les hémiplégiques, il a été enregistré dans tous les cas.
La figure 8 représente la courbe du réflexe tonique du cou, lors de
l'abaissement de la tête vers l'épaule dans les cas d'une hémiplégie
droite.
Ce qui est caractéristique, c'est que du côté de l'hémiplégie (D) l'ef-
fet du réflexe est plus prononcé. Il faut noter que les réflexes du cou
ont été enregistrés aussi dans les cas où, du côté de l'hémiplégie, on a
constaté de l'atonie musculaire. La courbe de la figure 8 a justement été
prise sur un tel malade. Quant aux réflexes du cou dans les lésions extra-
pyramidales, ils ont été observés beaucoup plus rarement dans ces affec-
tions (moins de 3o p. 100). En outre, ils n'ont été trouvés que dans des
cas comportant de l'exagération générale des réflexes, avec Babinski,
positif ou non.
Le caractère des réflexes cervicaux dans les cas d'hypertonie extra-
pyramidale était tout autre que dans l'hémiplégie. La courbe s'enregis-
trait moins nettement que chez les hémiplégiques. Dans la moitié des
cas, le réflexe était du type inverse, c'est-à-dire qu'on observait l'aug-
mentation du tonus mus-
culaire non pas du côté
vers lequel on abaissait
la tête, mais du côté op-
posé.
Tout ce que je viens:de
dire se rapporte aussi aux
cas où il n'y a pas de sym-
ptômes de Parkinson, ou
d'encéphalite épidémique,
mais où l'on observe le
phénomène de plasticité.
La figure 9 représente la
courbe du réflexe tonique du cou, à la torsion du cou, chez le
même hémiplégique gauche où avait été enregistré le symptôme de la
plasticité : comme l'on voit sur la courbe, après la torsion du cou du
côté droit « a » le tonus du muscle droit « D » est affaibli et celui du
gauche « G » augmenté.
J'ai étudié également le réflexe tonique du labyrinthe, non avec des
excitations naturelles, comme l'a fait Magnus (changement de la posi-
tion de la tête par rapport à l'espace) mais avec des excitations artificielles
(température ou courant galvanique). Dans le premier cas, l'effet réflexe
consiste en la modification parallèle du tonus des extenseurs aux deux
extrémités. Dans les excitations artificielles, le tonus augmente du côté
opposé du labyrinthe excité et s'affaiblit du même côté. Les réflexes
labyrinthiques provoqués par des excitations artificielles ont été obser-
vés par moi presque exclusivement chez les hémiplégiques droits, et
seulement à la suite d'excitations labyrinthiques portant sur le côté
opposé à l'hémiplégie.
La figure 10 représente la courbe d'un pareil réflexe consécutif à l'ex-
citation du labyrinthe gauche par injection d'eau à 42° dans l'oreille
gauche. Comme on voit sur la courbe un certain temps après le début

de l'excitation « a », le tonus du muscle droit « D » augmente brusque-


ment et le tonus gauche « G » s'affaiblit. Quelque temps après la cessa-
tion de l'injection d'eau (b) la courbe revient à son niveau antérieur.
De cette manière, les réflexes toniques du cou ont été enregistrés de la
façon décrite et se sont montrés être la règle chez les hémiplégiques,
tandis que dans l'hypertonie extrapyramidale, je les ai observés beau-
coup plus rarement. Encore ne survenaient-ils que dans les cas où il y
avait de l'exagération de l'excitabilité réflexe générale.
Les réflexes du couse présentent donc comme une réaction aux mou-
vements du cou : c'est là un fait qui peut être rattaché au phénomène
que nous mettons en relief, à savoir la capacité de l'hypertonie pyrami-
dale de s'augmenter avec le mouvement. On peut supposer que cette
particularité dépend de l'exagération des réflexes toniques, exagération
causée par le mouvement. L'hypertonie du type extrapyramidal n'aug-
mente pas avec les mouvements, parce que chez ces malades les réflexes
toniques aux excitations motrices ne sont pas augmentés. Mais dans ces
cas, il y a ce que Sherrington appelle la « decerebrated rigidity », ou
réflexe de la station debout. Les faits que j'ai cités ne donnent sûrement
pas une explication complète des questions posées au début de ce tra-
vail, et il faudrait faire un grand nombre d'expériences tant sur les ani-
maux que sur l'homme. Il me paraît, néanmoins, que la méthode dont
je me suis servi permet d'appliquer à l'homme avec une précision suffi-
sante plusieurs données de la physiologie.
L'application plus large des données physiologiques à la clinique
neurologique doit constituer la tendance de la neurologie à l'heure
actuelle.

BIBLIOGRAPHIE

x. A. DYLETT. Sur certaines particularités de la force musculaire dans la


maladie de Parkinson. (Encéphale, 1909, 2me semestre.)
2. J. W. ZANGELAAN. On muscle tonus. (Brain, Ig15, vol. XXXVIII.)
3. R. MAGNUS et Van de Kleijn. Die Abhängigkeit des Tonus, etc... (Pflü-
gers Arch. 1912, vol. CXLVI et suivants.)
4. J. PARNAS. Die Energie der glatten Muskeln. (Pflügers Archiv. 1910,
vol. CXXXI.)
5. C. S. SHERRINGTON. Postural Activity of Muscle and Nerve. (Brain 1915,
vol. XXXVIII, etc.)
CONCEPTION NEUROLOGIQUE
DU SYNDROME CATATONIQUE
PAR
P. GUIRAUD

La fréquence des symptômes de la série catatonique dans l'E. E. a remis à


l'ordre du jour l'étude de la catatonie, assez négligée jusqu'à ces derniers
temps même au point de vue de la description clinique. Depuis que Kraepelin
avait englobé la catatonie dans la démence précoce, expliquant ses manifesta-
tions par un « trouble de la volonté », on se contentait de cette pathogénie
presque verbale en se bornant à signaler comme curiosités les symptômes
catatoniques dans les autres affections mentales telles que la confusion ou la
paralysie générale. Ce point de vue psychologique conduit même beaucoup
d'auteurs à négliger dans la démence précoce les symptômes évidents vaso-
moteurs ou trophiques (pseudo-œdème de Dide, cyanose des extrémités, con-
tractures avec rétraction définitive de Cullerre) ou à les estimer accessoires et
résultant de l'immobilité des malades.
Les premiers observateurs au contraire étudiant les symptômes sans théorie
préconçue avaient bien vu le côté neurologique du sujet. En 1874, quand
Kahlbaum parla le premier de la catatonie qu'il décrivait comme entité mor-
bide, il considérait comme symptômes essentiels à côté des signes psychiques
des phénomènes nerveux d'ordre spasmodique. Les termes employés par Kahl-
baum, « Spannungsirresein, Krampf », etc., ne laissent aucun doute à ce sujet
comme l'ont rappelé récemment Courbon et Bauerl. Un peu plus tard Roller2
exprima l'idée que les troubles moteurs sont déterminés par une action de la
zone sous-corticale sur l'écorce, qu'ils sont « imposés physiologiquement J.
Les variétés des phénomènes moteurs (catalepsie, spasme) sont pour lui sous
la dépendance d'une hypertonie plus ou moins accentuée des antagonistes.
Lehmann3 admit une intervention des noyaux gris dans les troubles catato-
niques et les compara aux mouvements involontaires de l'athétose et de la
chorée que déjà à cette époque Oppenheim localisait dans les ganglions cen-
traux. Ostermayer pour caractériser la catatonie énumérait des signes pure-
ment neurologiques exagération des réflexes, de la contraction idio-muscu-
:

laire, diminution de l'excitabilité musculaire galvanique.


On trouvera de plus amples détails sur l'ensemble de ces travaux dans l'im-
portant rapport de Claus 1.
1. COURBON et BAUER. SOC. méd.-psychologique, 28 janvier 1924.
2. ROLLER. Motorische Störungen bei einfachen Psychosen. (Al/g. Zeit. f.
Psych. 1884, Vol 42.)
3. LEHMANN. Zur Pathol. der katatonen Sympt. (Al/g. Zeit. f. Psych., 1898,
Vol. 55.)
4. CLAUS. Congrès de Bruxelles, 1902.
Depuis cette époque, et surtout récemment, les recherches sur la physio-
pathologie des noyaux gris centraux se multiplient, recherches expérimentales
ou études anatomo-pathologiquesde l'E. E. et des maladies de Wilson, des
Vogt, etc. Il est opportun d'en utiliser le résultat pour reprendre la conception
neurologique primitive de la catatonie.
TONUS DE POSTURE ET CENTRES MOTEURS SOUS-CORTICAUX.
— Par suite du
manque de concordance des recherches contemporaines,il est prématuré de
vouloir en faire un exposé définitif, on peut cependant en rappeler les acquisi-
tions généralement admises.
Le premier point important est ce que Piéron 1 appelle la « dualité fonc-
tionnelle des muscles ». Les muscles présentent à des degrés inégaux deux
modes de contraction que l'analyse peut dissocier : la contraction clonique,
habituellement volontaire, qui est rapidement consécutive à l'excitation
intense, brève, et la contraction tonique qui s'établit après un temps perdu
appréciable et se prolonge longtemps. La première s'effectue par les myofi-
brilles et utilise des hydrates de carbone avec développement important de
chaleur. La contraction tonique agirait sur le sarcoplasme (Botazzi) et utili-
serait comme substratum chimique des albuminoïdes, avec production de créa-
tinine et imperceptible dégagement de chaleur.
Ces deux modes de contraction musculaire fonctionnent solidairement
dans la vie de relation, comme le fait remarquer Ramsay Hunt2. Tout mouve-
ment comprend une activité clonique volontaire et une attitude posturale
tonique involontaire et extrapyramidale qui suit le mouvement comme une
ombre. A chacun de nos mouvements actifs correspond un automatisme
postural qui, de façon constante, règle et maintient l'attitude par rapport aux
mouvements. Même à l'état normal l'existence de l'automatisme postural peut
être démontrée. Si chez un sujet sain on porte le pied en flexion dorsale et en
rotation interne comme si on voulait relâcher les insertions du jambier anté-
rieur, il se produit au contraire une contraction de ce muscle dont le tendon
se dessine nettement sous la peau et maintient ainsi le pied dans la nouvelle
attitude passivement provoquée 3. Tel est le réflexe normal de posture qu'on
peut mettre en évidence par des graphiques. Dans certains états pathologiques
il peut être exagéré, phénomène connu depuis longtemps sous le nom de
contraction paradoxale de Westphal.
A côté de la dualité fonctionnelle des muscles, une nouvelle notion tend à
être généralement admise, c'est la superposition de systèmes moteurs dans
l'axe nerveux, systèmes qui probablement se sont développés au cours de
l'évolution phylogénique. Les deux seuls qui nous intéressent sont ceux des
ganglions centraux et de l'écorce le paléomoteur et le néomoteur. Le système
:

paléomoteur serait le centre des mouvements associés automatiques; le néo-


moteur serait destiné aux mouvements volontaires isolés, précis, souvent asy-
métriques. On peut décrire (R. Hunt) dans les deux systèmes un appareil kiné-
tique et un appareil postural dont les lésions provoquent de nombreux
troubles moteurs. Cette conception schématique n'est pas admise sans discus-

I. PIÉRON. Revue neurologique, 1920, p. 986.


2. RAMSAY HUNT. L'Encéphale, 1922, p. 876.
3. Ch. Foix et THÉVENARD. Les réflexes de posture. (Rev. neur 1923,
P- 149 .)
1, au
sion moins quant aux fonctions des divers noyaux, de même que les
hypothèses explicatives par déficit ou excitation. Peu nous importe pour le
sujet. Nous pouvons dire que l'expérience clinique démontre que seulement
dans les maladies à atteinte prédominante dans les noyaux gris et sous-optiques,
on observe sans lésion de la voie pyramidale une série de troubles moteurs
d'ordre spécial qui sont en résumé :
10 La perte de l'harmonie des mouvements d'ensemble (auteurs anglo-
américains, Souques, etc.).
20 Une hypertonie posturale particulière. L'argumentation de Verger et
Hesnard2 tendant à la nier dans le syndrome moteur encéphalitique nous
parait peu solide et se base sur une conception trop étroite du terme hyper-
tonie. La différence qu'ils signalent avec l'hypertonie par lésion pyramidale
est une notion banale admise par tous. Le fait que les encéphalitiques ne
sentent pas leur raideur musculaire est fort intéressant et nous essayerons de
l'expliquer; mais il est sans valeur contre la constatation objective de l'hyper-
tonie par le simple examen clinique et par les graphiques 8. L'exagération de
certaines réactions ou aptitudes réflexes, la lenteur de décontraction que
Hesnard veut substituer à la notion d'hypertonie ne sont pas autre chose que
l'exagération du tonus de posture des Anglo-américains. Enfin le tonus
postural n'est nullement un état invariable et permanent. Cette particularité
s'applique exclusivement au tonus de repos4.
3° Des troubles de l'expression mimique consistant en facies figé impas-
sible avec quelquefois transitoirement une expression exagérée (rire ou
pleurer).
4° Des mouvements anormaux involontaires à type choréique, athétosique,
myoclonique ou trépidant parkinsonien.
5° Une tendance à la répétition automatique et souvent accélérée de cer-
tains actes (paroles, mouvements) : palilalie de Souques, tachyphémie stéréo-
typée de Claude, impossibilité pour le parkinsonien de s'arrêter quand il
est lancé. Les malades conscients expliquent bien que ces phénomènes sont
involontaires, attirent peu leur attention et sont presque irrésistibles: c Je ne
sais pourquoi je fais cela, ça me pousse. »
— « Avez-vous besoin de répéter les
phrases ?» — Je dois réfléchir pour ne pas répéter, alors je ne répète pas, je ne
répète pas, je ne répète pas°. » Cette tendance aux mouvements fréquentatifs
doit être rapprochée du fait que beaucoup d'actes moteurs d'ordre inférieur
sont des mouvements à répétition (fréquentatifs), tels par exemple la marche,
la mastication, certains cris. Oppenheim et Cécile Vogt supposent que le seg-
ment antérieur du putamen est un organe régulateur et inhibiteur du langage
de la mastication et de la déglutition. Une lésion à ce niveau ne freine plus
l'automatisme à répétition.
6° Des troubles inconstants d'ordre vaso-moteur, sécrétoire ou trophique

1. ANGLADE. Congrès de Quimper 1922. (Rapport sur les lésions du système


nerveux dans l'agitation motrice et la rigidité musculaire.)
2. VERGER et HESNARD. Encéphale, 1922, p. 409.
3. CLAUDE et MOURGUE. Rev. neur., 1921, p. 655.
— CI. VINCENT et HAGUE-
NAU. Rev. neur., 1921, p. 704.
4. H. PIÉRON. Rev. neur., 1920, p. 986.
5. W. STERLING. Rev. neur., 1924, p. 208.
associés aux troubles moteurs. Dans son rapport sur les signes des syndromes
parkinsoniens, Souques les décrit en détail : sensation de chaleur, de froid,
sialorrhée et surtout < l'œdème survenant à un ou aux deux membres infé-
rieurs, sans cause connue, sans lésion notamment du cœur et des reins, sans
phlébite, sans cachexie. Cet oedème blanc assez dur persiste quelques
semaines ou quelques mois, puis disparaît comme il était venu sans raison
apparente ». Récemment encore Barré et Reys1 ont insisté sur les œdèmes et
les troubles vaso-moteurs post-encéphalitiques. G. Stieffler2 a signalé deux cas
de séborrhée localisée à la face, développée parallèlement à un syndrome strié
évident dans l'E. L. Le même symptôme se retrouve chez un encéphalitique
de W. Sterling3.
ANALYTIQUE DU SYNDROME CATATONIQUE. — En clinique, ces divers
ÉTUDE
symptômes des noyaux centraux ou de la région sous-optique apparaissent
sous forme de syndromes actuellement à l'étude : maladie de Wilson, de
Cécile Vogt, chorées aiguës ou chroniques, athétose double, maladie de Par-
kinson présénile, syndrome moteur post-encéphalitique. Nous nous demandons
si le syndrome catatonique ne doit pas entrer dans ce groupe.
Il est superflu de rappeler que la catatonie est un syndrome assez étendu et
non pas seulement la conservation des attitudes imposées ou catalepsie. Nous
pouvons en grouper les manifestations de la façon suivante : hypertonie
spontanée, conservation des attitudes spontanées ou imposées, barrage
moteur et négativisme, répétitions ou stéréotypies motrices ; écholalie et écho-
praxie, obéissance passive, maniérisme, trouble de l'expression mimique,
troubles vaso-moteurs et trophiques. Tous ces éléments nous semblent pouvoir
s'expliquer par les six symptômes cardinaux résultant des lésions des noyaux
gris.
D'abord l'exagération du tonus de posture,ou des réflexes posturaux si l'on
préfère, s'observe avec évidence dans la stéréotypie d'attitude et la catalepsie.
Le phénomène du jambier antérieur décrit par Foix et Thévenard est chez les
démences précoces catatoniques d'une pureté typique comme l'ont déjà signalé
ces auteurs. Le signe de Maillard est du même ordre. On sait que parfois
quand on recherche le réflexe rotulien chez les catatoniques, l'extension de la
jambe persiste. La nouvelle attitude est la conséquence non d'un mouvement
passif imposé à l'articulation, mais d'un mouvement réflexe par excitation du
tendon, le résultat est le même : une contraction tonique réflexe intervient
pour la maintenir. Les deux manières de voir, psychologique ou neurologique,
pour l'explication de la catalepsie et de la stéréotypie akinésique s'opposent
avec netteté. Le malade a-t-il la volonté ou plutôt la docilité volontaire de con-
server l'attitude provoquée et agit-il par sa frontale ascendante et son faisceau
pyramidal? Ou bien s'agit-il de réflexes involontaires et extra-pyramidaux ? Or
nous savons depuis les travaux de Sherrington sur la rigidité décérébrée qu'on
observe après suppression de l'écorce et du thalamus des réflexes maintenant
les attitudes passivement imposées. Nous avons donc autant de raisons
d'admettre une action réflexe pour la conservation des attitudes que pour le
€ réflexe rotulien ». Ces deux phénomènes se produisent d'autant mieux que

i. BARRÉ et Bas-Rhin, 24 mars 1923.


REYS. Soc. médecine du
2. G. STIEFFLER. Zeit. f. die ges. Neurol. u. Psych., 3o décembre 1921.
3. W. STERLING. Rev. neur., 1924, p. 206.
le sujet y est moins attentif; on sait d'avance quels muscles vont se contracter,
l'expérience sur les animaux démontre que la voie pyramidale n'intervient pas.
Puisqu'elle n'est pas volontaire,la conservation des attitudes est hypertonique
pour la raison évidente que les membres soulevés retomberaient comme chez
l'individu normal s'ils n'étaient soutenus par une contraction musculaire
dépassant le tonus habituel.
Dans le barrage moteur ou le négativisme, un acte commandé ou voulu
spontanément n'est pas exécuté, ou présente un déclenchement très retardé.
Il peut être interrompu en cours d'exécution avec conservation de l'attitude,
il peut être troublé par l'apparition de contractions musculaires antagonistes.
L'acte de tendre la main par exemple s'effectuera par phases successives
d'avancement et de retrait. Dans ces symptômes la difficulté de départ, l'ar-
rêt, le retour à une posture primitive et même la contraction raidissant subi-
tement un membre qu'on veut mobiliser apparaissent comme une lutte entre un
automatisme postural très exagéré et une activité volontaire kinétique presque
toujours impuissante à le dominer.
La constatation de la palilalie, du piétinement de l'impossibilité de s'arrê
ter, en un mot la tendance aux mouvements fréquentatifs dans les lésions des
noyaux centraux permet d'expliquer les stéréotypies verbales et motrices. Le
terme de persévération parfois employé s'applique mal aux phénomènes de
cet ordre, la persévération étant la tendance à répéter un mot non pas rythmi-
quement et sans raison, mais en le substituant à un mot qu'on ne peut pas
évoquer (démence sénile). Il reste t>ien entendu que nous parlons ici des sté-
réotypies motrices et verbales nettement catatoniques et non de celles qui
sont provoquées par la persistance d'une idée ou d'un état affectif comme
chez les mélancoliques et certains délirants. Il est intéressant de remarquer
que la palilalie encéphalitique alterne avec le mutisme (Babinski ; Jarkowski
et Richet ; Sterling). Ce dernier auteur a observé le mutisme au cours de phé-
nomènes catatoniques transitoires et il le considère comme un symptôme
entrant dans le syndrome amyostatique. Il est superflu de remarquer combien
les alternatives de stéréotypies verbales et de mutisme sont fréquentes dans
la démence précoce.
Le maniérisme peut aussi bien que la catalepsie et les stéréotypies s'explt.
quer neurologiquement. Le maniérisme des catatoniques est différent de celui
des débiles et des maniaques. Chez ces derniers il résulte de la recherche
maladroite de la distinction ou de l'outrance des modes d'expression (théâ-
tralisme). Chez le catatonique typique, au contraire, on n'observe pas la ten-
dance à la recherche, le mouvement paraît maniéré à cause des interruptions,
des répétitions stéréotypées de fragments d'actes, des éléments moteurs para-
sites, déformant l'exécution, de l'hypertonie transitoire. Là encore nous retrou-
vons le trouble du mouvement par la tendance au maintien des postures suc-
cessives, le caractère fréquentatif des éléments d'actes et de plus l'hypertonie
variable de certains groupes musculaires. A cet égard il suffit d'observer un
athétosique tendant la main pour se rendre compte que, comme le catatonique,
il ressemble à c quelqu'un qui fait des manières ». Enfin les mouvements
superflus, parasites déformant l'acte peuvent être rapprochés de certaines
manifestations choréo-athétosiques du syndrome des noyaux gris centraux.
Les troubles de l'expression physionomique : facies figé, expressions para-
doxales en désaccord avec l'idée exprimée ou le sentiment éprouvé, sourire
stéréotypé, rire explosif, entrent sans difficulté dans le syndrome des noyaux
gris. L'atteinte de la mimique (état moteur habituellement réflexe et incons-
cient) est classique chez les pseudo-bulbaires et les encéphalitiques. Les
physiologistes ont localisé depuis longtemps l'expression mimique réflexe dans
le corps strié.
Nous croyons même que l'écholalie, l'échopraxie, l'échomimie catatoniques
peuvent résulter de l'atteinte des noyaux centraux. Il n'est pas impossible que
la tendance à l'imitation, phénomène très important pour le développement
individuel de l'homme et des animaux soit sous la dépendance régulatrice du
système paléomoteur.
Enfin un des arguments importants de l'origine sous-corticale du syndrome
catatonique nous paraît ètre la coexistence fréquente des troubles moteurs et
des troubles vaso-moteurs trophiques sécrétoires dans la démence précoce
catatonique. Nous ne pouvons admettre qu'ils résultent de l'immobilité des
malades. Dans les quartiers de chroniques, également immobiles, et chauffés
dela même façon, seuls quelques catatoniques présentent ces troubles. Dès
le début des contractures qui peuvent devenir définitives, l'oscillométrie indique
un déficit circulatoire important. Les visages luisants par hypersécrétion séba-
cée ne se voient guère que dans la démence précoce et l'encéphalite léthar-
gique.
Cette analyse rapide montre que, au moins pour son aspect moteur, le
syndrome catatonique pourrait prendre place à côté d'autres déjà nombreux
attribués à une atteinte des noyaux gris. Dans cette série le type le plus voisin
est le syndrome moteur post-encéphalitique appelé « parkinsonisme encépha-
litique t, quoique, comme l'ont fait remarquer Verger et Hesnard1, il diffère
sensiblement de la maladie de Parkinson. Alors que dans la maladie de Parkin-
son traditionnelle domine la « soudure » constante et uniforme, dans l'encépha-
lite on remarque des troubles moteurs plus complexes que les auteurs précités
classent de la façon suivante perte de l'initiative motrice, difficulté de départ,
:
interruption d'un acte commencé, lenteur uniforme et, de plus : facies figé,
hypertonie pouvant se relâcher, attitudes spontanées anormales, bizarres, mal
commodes, répugnance à l'effort. Presque tous ces caractères pourraient s'ap-
pliquer à l'état catatonique.
Le syndrome catatonique et ceux du même groupe échangent souvent
certains éléments.
Nous avons signalé avec Dide et Lafage2 dans les démences précoces
anciennes la présence d'attitudes parkinsoniennes typiques avec soudure
modérée et perte des mouvements automatiques associés. D'autres auteurs
(communication encore inédite) nous ont dit avoir observé un tremblement
parkinsonien typique à la fin d'une démence catatonique légitime. Avec
Daussy 3 nous avons montré que tous les symptômes de la série catatonique y
compris l'écholalie et l'échropraxie pouvaient se rencontrer en dehors de
la démence précoce dans les atteintes des noyaux gris centraux, particulière-
ment dans l'encéphalite léthargique. Ces symptômes évoluent parallèlement
avec les autres troubles moteurs extrapyramidaux.

I. VERGER et HESNARD. Rev. Neur. 1921, p. 633.


2. DIDE et GUIRAUD ; LAFAGE. Rev. Neur. 1921, p. 692.
3. GUIRAUD et DAUSSY. Ann. Med. Psych1924, p. 130.
Pour compléter l'argumentation il resterait à faire une revue générale des
lésions histologiques des noyaux centraux et sous-optiques dans la démence
précoce avec catatonie. Ce chapitre d'actualité est malheureusement à peine
ébauché à cause de la difficulté des recherches. Il sera repris plus tard.
L'ÉLÉMENT MENTAL DANS LE SYNDROME CATATONIQUE. — La raison capitale
qui a fait rechercher une explication psychologique des manifestations cata-
toniques est qu'elles coexistent à peu près toujours avec des troubles men-
taux évidents, alors que, au contraire, les autres syndromes de la série des
noyaux gris, s'ils ne laissent pas le psychisme absolument normal, l'atteignent
moins.
Les acquisitions nouvelles cliniques et physiologiques laissant peu de doute
sur l'élément neurologique de la catatonie, la tendance de certains auteurs
contemporains est d'admettre une double intervention pour expliquer le syn-
drome catatonique qui résulterait : 1° de troubles moteurs à type extrapyra-
midal; 2° de troubles mentaux particuliers : indifférence, inattention, docilité,
permettant la manifestation prolongée des troubles moteurs.
Foix et Thévenard1 écrivent : « Est-ce à dire que la catatonie n'est qu'un
des aspects des réflexes de posture poussés à l'extrême ou que les réflexes de
posture ne sont que le seuil de l'état catatonique? Nous ne le pensons pas...
Mais pour qu'il y ait catatonie au sens propre du mot, il faut en outre un fac-
teur mental approprié qui permette au malade d'oublier ses membres dans
la position où on les lui a mis... » Pour soutenir cette explication dualiste
Foix et Thévenard insistent sur le parallélisme des périodes de torpeur et des
attitudes cataleptiques dans l'encéphalite. C'est en somme la perfection exces-
sive et prolongée des réflexes posturaux qui les gêne pour s'en tenir à un
simple mécanisme neurologique. Néanmoins la question est bien posée. Si
les catatoniques n'avaient pas de troubles mentaux, pourquoi ne rectifieraient-
ils pas les attitudes imposées?
Le rôle de l'aliéniste est précisément d'essayer l'analyse de cet état mental
spécial et de se demander s'il ne provient pas précisément de la même cause
que les troubles moteurs. Logre 2, le premier à notre connaissance, a vu l'in-
térêt du problème. Il écrit : « Ce qu'il y a de plus remarquable à notre avis
dans l'encéphalite léthargique, c'est en quelque sorte l'infiltration, l'invasion
étendue et profonde du trouble moteur dans le domaine psychique. » Et
dans une autre communication : « dans l'encéphalite léthargique le cerveau
moteur par irritation lésionnelle exalte son automatisme et peut imposer au
cerveau psychique obnubilé son agitation anidéative et stéréotypée. Il y a là
une sorte de blocage du cerveau psychique exclu et comme dépossédé au profit
du cerveau moteur ». Bernadou3 a exposé la même idée et parle dans le
même sens de troubles de la psychomotricité centripète dans l'encéphalite
léthargique et la démence précoce.
L'essentiel est d'expliquer comment et dans quelle mesure le psychisme
peut être modifié, non pas à notre avis par le trouble moteur, mais par une
lésion des noyaux gris provoquant à la fois d'une part l'hypertonie posturale
et ses corollaires et d'autre part un déficit psychique. La plupart des théories
i. Foix et THÉVENARD. Rev. Neur. IQ23, p. 461.
2. LOGRE. SOC. de Psych. 17 juin [920.
3. BERNADOU. La psychomotricité pathologique. (Thèse de Paris, 1922.)
contemporaines ne tiennent compte que des actions centrifuges pour l'expli-
cation des syndromes extrapyramidaux. Signalons cependant un travail de
Mann (1921) cité par F. Flatau1 qui cherche à expliquer les troubles moteurs
extrapyramidaux par un déficit des impressions kinesthésiques qui gagnent
l'écorce. Il s'agirait pour lui d'une sorte d'ataxie due à une lésion sur le trajet
de la voie cérébello-rubro-thalamo-corticale. Le corps strié agirait comme un
organe régulateur de cette voie. Peu nous importe cette explication pour les
troubles moteurs ; il faut en retenir que dans les lésions des noyaux gris la
voie corticipète peut être atteinte surtout dans le secteur thalamo-cortical.
Si l'apport à l'écorce des excitations kinesthésiques est troublé ou aboli,
quelles seront les conséquences psychologiques? On sait que la destruction
de la pariétale ascendante provoque l'anesthésie corticale. Par suite de l'ab-
sence de l'excitation physiologique centripète constante, la région anesthé-
siée (un membre par exemple) paraît oubliée, inconnue, portée comme un
corps étranger. C'est la paralysie psychique de Bruns, confirmée par les
expériences de Minkowski sur le singe et de Dusser de Barenne 2. Selon l'ex-
pression de Piéron : « Rien ne donne occasion à la pensée de se souvenir qu'il
existe un membre utilisable. »
Que la lésion porte sur la pariétale ascendante elle-même ou plus bas sur
le trajet des voies kinesthésiques ascendantes, le résultat est le même. En effet,
des phénomènes identiques à la paralysie psychique s'observent à la suite de
lésions de la région rétro-lenticulaire de la capsule interne par où passent les
voies kinesthésiquescorticipètes après leur relais thalamique. C'est l'anosognosie
de Babinski3. Les malades de cette catégorie présentent habituellement une
hémiplégie gauche qu'ils ignorent totalement et refusent d'admettre même
quand on leur en affirme l'existence. Voici comment Barré 4 décrit cette néga-
tion : « Si on met la main gauche du malade dans son champ visuel conservé,
il dit qu'il voit des doigts, une main ; si on lui demande à qui appartient cette
main il répond invariablement « à vous ». Le malade a été examiné au point
de vue mental par Pfersdorff qui confirma « que le trouble intellectuel n'exis-
tait réellement qu'en ce qui avait trait au membre supérieur ». Barré remarque
que pour les membres le sens musculaire est la vraie base de la conscience.
Si maintenant nous considérons non plus une lésion en foyer interrompant
un faisceau nerveux mais une affection à atteinte cellulaire par îlots telle que
l'encéphalite et probablement la démence précoce, nous pouvons admettre des
lésions dans certains noyaux thalamiques origine du dernier chaînon (tha-
lamo-cortical) de la voie kinesthésique. L'anosognosie ou mieux l'akinéso-
gnosie s'étendra d'une façon plus ou moins complète au système moteur tout
entier. Tous les muscles seront oubliés, inconnus, portés comme des corps
étrangers. Ils seront inexistants pour le psychisme. Si une exagération du
tonus de posture et ses corollaires moteurs coïncident avec cette akinéso-
gnosie ou plutôt cette dyskinésognosie, ils ne seront nullement rectifiés par
l'activité motrice pyramidale encore possible mais inutilisée.

I. E. FLATAU. Uber die Extrapyramidalen Bewegungskomplexe. (Archiv.


suisses de Neurol. et de Psychiatrie, 1923, p. 241.)
2. Voir H. PIÉRON. Le cerveau et la pensée, p. dl.
3. Voir WEIGNEL. Thèse de Strasbourg, 102 2.
4. BARRÉ et KAISER. Rev. Neur. 1924, p. 5oo.
luand l'hypertonie existe seule sans atteinte des voies centripètes comme
dans la maladie de Parkinson ou chez certains encéphalitiques,le malade s'en
rend parfaitement compte. Quand il y a coexistence de deux troubles, les
malades ne sentent pas leurhypertonie comme le sujet dont Verger et Hesnard
rapportent l'exemple. Alors l'hypertonie posturale apparaît à son maximum,
sans rectification volontaire. Ainsi peut être expliqué le parallélisme du
trouble mental et de la catalepsie signalé par Foix et Thévenard et qui corres-
pond bien à l'observation clinique.
D'autre part, dans l'exercice de l'activité motrice volontaire, rendue diffi-
cile à la fois par l'hypertonie posturale et par le défaut de renseignements
centripètes, apparaîtront des phénomènes comparables à l'ataxie, dés reprises
de mouvements représentés sur les graphiques par des escaliers, et enfin la
lenteur et l'interruption d'actes commencés qu'on peut amender en stimulant
le malade.
Ces considérations nous paraissent résoudre de façon satisfaisante la ques-
tion posée : pourquoi les catatoniques ne rectifient-ils pas les attitudes impo-
sées et les stéréotypies ? Pourquoi sont-ils négativistes ? Il ne s'agit pas d'un
trouble mental primitif et inexplicable. Il ne s'agit pas même à notre avis d'une
atteinte corticale. La théorie actuellement classique doit être inversée. Que
peut être un psychisme dans lequel l'élémenfkinesthésique est déficient ou
très atténué! Le même point de vue peut être appliqué aux impressions cénes-
thésiques qui, elles aussi, soit directement soit indirectement, interviennent de
façon si active dans la stimulation de notre pensée. Nous estimons que la
cause essentielle de l'indifférence de la dépersonnalisation somatique et psy-
chique du dément précoce tient au défaut ou au trouble de l'apport kinesthé-
sique et cénesthésique. Cela nous ramène à la conception que nous avons sou-
tenue avec Dide dès 1921.
SARCOME DE LA BASE DU CERVEAU
(Avec une planche hors texte)

PAR
le Professeur OBREGIA et D. PAULIAN
(de Bucarest)

Nous signalons le cas que nous publions non seulement au point de


vue de l'intérêt anatomo-pathologique, mais surtout au point de vue
physio-pathologique. L'évolution clinique, lente et torpide, l'hyper-
somnie, comme aussi la catatonie et la glycorachie nous font attirer
l'attention sur les phénomènes ci-dessus dans leurs rapports avec les
régions de la base du cerveau.

Le 2 février 1923 entre dans notre service la malade El, Gh..., âgée
de vingt-deux ans, dans un état de somnolence et accusant une céphalée
intense. Pourtant, elle ne se plaint pas, aucun gémissement, aucune
lamentation.
Pas d'enfants, pas de fausses couches, rien de notable dans ses anté-
cédents personnels. Elle aurait souffert dans l'enfance d'une rougeole et
d'une pneumonie.-La maladie a débuté au mois de décembre 1923 par
une courbature générale avec asthénie, céphalalgie, vertiges et vomisse-
ments.
Sa famille la fit interner. Dans le service elle garda le lit, dans une
attitude presque immobile, couchée sur le côté gauche, le faciès sans
expression, avec une tendance au sommeil et des yeux presque fermés.
Si l'on n'avait eu des renseignements sur la céphalalgie et les vomis-
sements antérieurs, on aurait pu croire à une encéphalite léthargique en
évolution.
Les globes oculaires présentent de légers mouvements nystagmi-
formes latéraux, les pupilles sont égales, leur réaction à la lumière est
normale, celle à l'accommodation très ralentie. Leur excursion est plus
limitée à droite.
Aucune asymétrie faciale. Trismus léger et ébauche de raideur dela
nuque. Presque aphone, elle pouvait, à voix basse, nous raconter les
diverses étapes de sa maladie et, malgré la céphalée, elle n'émettait
aucun gémissement.
Dans la station verticale, elle ne peut rester que soutenue (fig. i), la
tête penchée vers l'épaule gauche, les paupières tombantes, le regard
tourné à gauche, les bras accolés au tronc, les avant-bras fléchis, les
mains dans l'attitude du Parkinson, présentant de fins tremblements au
niveau des doigts. Aux membres inférieurs, dans la même attitude, on
observe une extension forcée et permanente du gros orteil gauche moins
évidente à droite et qui rappelle les attitudes de catatonie et de suggesti-
bilité motrice décrites dans la démence précoce. (V. Régis, Précis de
psychiatrie, Se édition, p. 393 et 394, fig. 32 et 33.) La malade pré-
sente aussi une catatonie des membres supérieurs (fig. 2). Aucun trouble
du côté des réflexes tendineux et cutanés, sauf une contraction tonique de
flexion des orteils, à la suite de l'excitation plantaire. Les extrémités sont
cyanosées. Pendant la marche, la malade titube, elle a tendance à tomber
plutôt à gauche.
Pouls 108 par minute, respiration 18, lente et très superficielle.
Tremblements fins de la langue. Des mouvements myocloniques appa-
raissent parfois dans les membres supérieurs.
Aucun délire, pas d'hallucinations, pas de fièvre. Troubles légers de
la déglutition; il y a eu au début des vomissements.
La tension au manomètre de Claude est à 100, il s'agit donc d'une
hypertension cranienne. L'examen du liquide céphalo-rachidien, pra-
tiqué par M. le professeur Mezincesco: Réaction de Bordet-Wassermann
négative, réaction de Pandy légèrement positive et de Nonne-Appelt
négative. Deux lymphocytespar millimètre cube à la cellule de Nageotte.
Il existe une glycorachie évidente de 0,76 p. too (par le procédé du
ferro-cyanure et titrage au permanganate de potassium. Dans l'après-
midi du 3 février, notre malade tombé dans le coma et succombe une
heure après.
A la nécropsie : Méninges hyperémiées sans adhérences. A la base du
cerveau, sous l'hémisphère droit, on aperçoit une masse irrégulière,
noirâtre et couverte de sang. Cette masse, à surface mamelonnée, occupe
la région optopédonculaire et hypophysaire, pénétrant jusque dans l'es-
pace sylvien et, en avant, dans le lobe orbitaire droit.
En arrière, elle couvre le pédoncule cérébral et la face externe de la
protubérance. A la section (coupe de Pîtres) (fig. 3), on aperçoit la dila-
tation du ventricule latéral droit qui est rempli de sang et, en bas, le
noyau thalamique, la capsule interne, ainsi que la région sous-jacente
occupée par une tumeur grise, consistante, qui continue la zone de
nécrose d.e la base du cerveau. La néoformation s'étend aussi dans la
région sous-thalamique du côté opposé. L'hypophyse est intacte.
L'examen histologique nous a montré qu'il s'agit d'un sarcome globo-
cellulaire, dont l'origine pourrait être dans les méninges ou plutôt les
plexus choroïdes. Cela cadre assez bien avec l'hypertension cranienne.
L'aspect de la malade ressemblait beaucoup à celui de l'encéphalite
léthargique par les symptômes suivants : somnolence, abolition du
réflexe à l'accommodation, nystagmus, catatonie, tremblements, myoclo-
nies, attitude de Parkinson, adiadococinésie, rigidité et surtout glyco-
rachie. Seule l'hypertension, les vomissements antérieurs, la titubation
et la tendance à tomber à gauche, nous ont fait douter et supposer l'exis-
tence d'une tumeur cérébrale. Nous insistons surtout sur la céphalée
intense que la malade accusait, mais sans crier ou gémir.
Au point de vue de la physiologie pathologique, nous attirons l'atten-
tion sur la localisation de la tumeur et la production de phénomènes
parkinsoïdes de glycorachie, de somnolence et surtout de catatonie. Ce
dernier phénomène se trouvant aussi dans la démence précoce, l'état
taciturne et surtout l'apathie que notre malade présentait, ne recon-
naîtraient-ils pas une localisation identique? En effet, l'encéphalite épi-
démique nous en a fait connaître les centres probables : noyau de la
base, zones sous-thalamique et pédonculaire.

EXPLICATION DES GRAVURES DE LA PLANCHE I

FIG. I. — La malade El. Gh., dans la position verticale, présente en


dehors de l'inclination latérale, une extension permanente du gros orteil
gauche.
FIG. 2. — La même malade présentant la catatonie des membres supérieurs.
FIG. 3. — Coupe transversale du cerveau (Pitres). Tumeur détruisant la
base et les régions sous-thalamiques et pédonculaires, s'infiltrant plus à
droite; dilatation du ventricule latéral droit; hémorragies secondaires.
FIG. 4. — Coupe microscopique — coloration au Van Gieson — (dessin).
Sarcome globocellulaire.
REVUE CRITIQUE

LA DÉMENCE SÉNILE
ET SES FORMES ANATOMO-CLINIQUES
PAR
J. LHERMITTE et NICOLAS

Il n'est guère en psychiatrie de sujet plus rebattu, plus ressassé que


celui de la démence sénile; il semble, en vérité, que depuis longtemps
tout ait été dit et qu'il soit bien tard pour se livrer à une exploration
nouvelle du domaine de la sénilité psychique. Depuis Esquirol, Par-
chappe, Marie, n'a-t-on pas, et souvent excellemment, mis en évidence
non seulement les caractères fonciers de la démence du vieillard mais
encore les lésions du cerveau qui conditionnent la déchéance progressive
et définitive des facultés psychiques? Rien n'est plus exact. Toutefois,
il s'en faut et de beaucoup que, d'une affection aussi grossièrement orga-
nique que l'est la démence sénile, nous tenions à l'heure actuelle la solu-
tion des problèmes que la clinique nous propose journellement et sur
lesquels s'aiguise notre curiosité scientifique.
Certes, établir chez un sujet âgé la réalité de la déchéance des fonc-
tions intellectuelles et appliquer le diagnostic de démence sénile appa-
raît à juste titre comme un exercice qui ne se heurte guère à de grandes
difficultés. Mais le psychiatre d'aujourd'hui ne peut s'en tenir à l'éti-
quette trop fruste et trop usagée de démence sénile, il exige des précisions
plus grandes et s'efforce, en face d'un vieillard atteint de démence, de
déterminer l'intensité, l'étendue et la qualité des lésions encéphaliques,
base fondamentale de tout état de déchéance psychique. En effet, grâce
à l'effort laborieusement poursuivi tant en France qu'à l'étranger, on a
acquis cette notion capitale que, au vrai, il n'existe pas une démence
sénile mais des démences séniles, chacune à double physionomie cli-
nique et anatomique. Évidemment, nous sommes encore très éloignés
de l'époque où il sera permis de poser, dans un cas de démence sénile
donné, en face des traits sémiologiques les caractères anatomo-patholo-
giques; mais il serait injuste, d'autre part, de méconnaître le grand
intérêt des apportsanatomo-cliniques grâce auxquels aujourd'hui il nous
est possible de pénétrer beaucoup plus avant que nos devanciers dans le
mystère des connexions par lesquelles se relient la désorganisation mor-
bide du cerveau et la désagrégation des fonctions les plus élevées de
l'esprit.
Mais si, à l'heure actuelle, il n'est pas de psychiatre qui mette en
doute le parallélisme étroit qui relie le déficit des fonctions mentales et
le processus destructif du cerveau psychique, l'accord n'est pas encore
établi sur les groupements anatomo-cliniques qui forment la base même
de la démence sénile envisagée sous l'angle le plus élargi.
Les anciens auteurs français, qui n'avaient point méconnu les rela-
tions directes de la déchéance du vieillard avec les altérations encépha-
liques, Esquirol, Parchappe t,Marie \!
surtout avaient été frappés par l'in-
tensité et la constance des lésions vasculaires. Et ils n'avaient pas hésité
à reporter aux modifications du réseau vasculaire de l'écorce cérébrale :
l'athéromasie, la dégénérescence graisseuse, la sclérose artériolo-capil-
laire, le principe du processus dont l'aboutissement est, au point de vue
clinique, la démence et au point de vue anatomique, l'atrophie corticale.
C'est encore à cette idée générale de la prééminence et de la précession
des modifications du réseau vasculaire nourricier sur les altérations
« parenchymateuses » que se rallient un certain nombre d'auteurs parmi
lesquels Campbell3 (1894), Noetzli4, Dupré5. Klippel et Lhermitte6
(1905) puis H. Claude et Lhermitte7 en se basant sur une étude compara-
tive des lésions cérébrales etl'intensité de la désagrégation psychique ont
défendu une thèse exactement opposée. Ici la démence du vieillard n'est
plus considérée comme une affection au sens étroit du terme, c'est-à-dire
ayant une même évolution, un même groupement symptomatique, une
même base lésionnelle, une identique pathogénie. En réalité, selon
Klippel et Lhermitte, la démence sénile doit être scindée à l'exemple
des démences de l'adolescent ou de l'adulte, en deux groupes fondamen-
taux : l'un, dans lequel l'affaiblissement progressif et définitif des facultés
est lié à un processus encéphalique qui met en branle, tout ensemble,
l'appareil vasculo-conjonctif et les éléments du tissu ectodermique (la
névroglie et les éléments proprement nerveux), l'autre plus personnel et

I. PARCHAPPE. Des altérations de l'encéphale dans l'aliénation mentale 1838,


p. io5.
2. MARIE. Recherches cliniques et anatomatiques sur la démence sénile
(Garette méd. de Paris 1863, p. 433).
3. CAMPBELL. The morbid changes in the cerebo-spinal nervous system of
the aged insane. (Journ. of mental science, 1894.)
4. NOETZLI. Uber Dementia Senilis. (Mitteilung. aus Lleis und Mer Institut
der Schweiz, vol. III, f. 4.)
5. DUPRÉ. Démences organiques in Traité de Pathologie mentale de Ballet.
6. KLIPPEL et LHERMITTE. Les démences. Anatomie pathologique et patho-
génie. (Revue de Psychiatrie, 1905, p. 184.)
7. Henri CLAUDE et J. LHERMITTE. De certains états psychopathiques des
vieillards liés à la sclérose et à l'atrophie de cortex cérébral. (L'Encéphale, n° 9,
1910.)
plus intéressant au point de vue pathogénique général, dans lequel
l'adultération morbide se limite au seul tissu ectodermique sans déter-
miner aucune réaction appréciable tant de l'appareil méningé que du
réseau vasculaire. C'est à ce dernier groupe que Klippel et Lhermitte ont
appliqué la dénomination de démences séniles pures.
Alzheimer1, Kraepelin2, Spielmeyer3, qui, eux aussi, ont recherché
parallèlement à l'observation clinique les modifications anatomiques de
l'encéphale des déments séniles, ont abouti à même vue générale. Et cha-
cun de ces auteurs décrit, à côté des démences vasculaires séniles, des
démences dont l'origine organique remonte à une altération progressive
limitée aux éléments ectodermiques. Plus récemment Selgersma* et
R. Ley5, dans un rapport très documenté, se sont également ralliés à la
thèse que M. Klippel et l'un de nous avaient défendue; et Régis6, dans
la dernière édition de son Précis, écrivait : « La plupart des auteurs avec
Claude etLhermitte(1910), Southard, Muratow, distinguentles démences
séniles suivant que les altérations corticales diffuses, substratum anato-
mique fondamental de la démence sont conditionnées par les alterations
circulaires ou évoluent indépendamment de celles-ci. »
Certes, cela ne veut pas dire que, dans la réalité, les choses se pré-
sentent aussi simplement et qu'il n'existe aucun point de pénétration
entre les deux groupes de démences dont nous venons de rappeler les
caractères fonciers. Il existe, à n'en pas douter, des formes hybrides de
démence sénile, dans lesquelles s'associent et se superposent, d'une part,
à la symptomatologie diffuse de l'affaiblissement psychique des manifes-
tations en rapport avec des troubles limités et, d'autre part, des lésions
vasculaires et des altérations primitivement parenchymateuses. Dans
certains cas même on peut suivre cliniquement le passage de la démence
sénile pure à la démence vasculaire (Truelle).
Mais, ainsi que ce préambule le laisse deviner, « la démence sénile
pure » de Klippel et Lhermitte ne peut plus aujourd'hui être considérée
comme une entité pathologique. Toutes les recherches anatomo-cliniques
effectuées depuis quinze ans ont montré que cette démence sénile pure
s'avérait constituée par différents types assez différents les uns des
autres, tant par leur expression anatomique que par leur physionomie
clinique. Ce sont précisément ces diverses formes de démence du vieil-

i. ALZHKIMER. Neuere Arbeiten über die Dementia senilis und die athero-
matöse-Gefässerkankung-basierenden Gehirnkrankheiten. (Monats. f. Psych.
und Neurolog. 1898, p. 101.)
2. KRAEPELIN. Lehrbuch der Psychiatrie, Se edit.
3. SPIELMEYER. Handbuch der Psychiatrie (Aschaffenburg), 1912, Spezielle
Theil. Abteil. 5 p. 141.)
4. JELGERSMA, cité par R. Ley.
5. R. LEY. Rapport sur le cerveau sénile. (Journal de Neurologie, not 6,
7, R,
1912.)
0. E. RÉGIS. Précis de Psychiatrie, 5e édit., p. 55o.
lard dont nous voudrions tenter de donner ici les caractères les plus
saillants, convaincus que cette recherche ne peut être sans intérêt aussi
bien pour la pratique psychiatrique particulière que pour les investiga-
tions de l'avenir.
CHAPITRE Ier
La Démence sénile pure. — Étude clinique
1° LA SÉNESCENCE PSYCHIQUE, PHASE PRÉMONITOIRE DE LA DÉMENCE.

Tout de même que la plupart des maladies particulières au vieillard, l'état de
démence ne s'installe pas d'emblée, mais apparaît précédée par un stade d'une
durée plus ou moins longue, pendant lequel les symptomes se montrent ébau-
chés, frustes, mais déjà reconnaissables pour un observateur averti. Entre la
sénescence physiologique et la sénilité pathologique à laquelle on l'oppose
très justement, se laissent reconnaître de nombreux points de passage, la pre-
mière n'étant bien souvent que le prélude de celle-ci.
Sans vouloir reprendre la description de la sénescence psychique trop
souvent faite tant par les physiologistes que par les psychologues ou les litté-
rateurs, il nous paraît nécessaire d'en rappeler au moins les traits essentiels,
pour montrer comment déjà, sous cette sénescence de l'esprit, perce la désa-
grégation des grandes fonctions intellectuelles, fondement de la démence.
La sénescence physiologique se marque d'abord par le fléchissement de la
mémoire, laquelle, si elle conserve assez exactement tout le matériel des vieux
souvenirs, est incapable de fixer profondément les événements récents. Ceux-
ci sont retenus,mais pendant un temps très court; les souvenirs ont perdu
leur adhérence. De plus, la faculté d'évoquer rapidement les anciens souvenirs
1,
s'émousse; ils ont perdu, suivant l'expression de Ziehen leur liquidité. L'es-
tompage et l'obscurcissement rapide des souvenirs récents contraste avec
l'éclat et la vivacité des réminiscences d'autrefois. Aussi le vieillard se remé-
more-t-il les souvenirs de sa vie passée avec une particulière complaisance
tandis qu'il se désintéresse de l'actualité. Il devient ainsi très vite le laudator
temporis acti et ses réminiscence tournent au rabâchage. Parallèlement au
fléchissement de la fonction mnésique, se poursuit l'épuisement de l'imagina-
tion créatrice si finement relevé sur lui-même par J.-J. Rousseau. « Mon ima-
gination, dit le promeneur solitaire, déjà moins vive, ne s'enflamme plus comme
autrefois... il y a plus de réminiscence que de création dans ce qu'elle produit
désormais. »
A cette prééminence de l'automatisme sur l'activité réfléchie et vraiment
créatrice s'associent et la restriction de l'association des idées et l'affaiblisse-
ment de l'attention volontaire et aussi la diminution de l'éclat et de la netteté
des perceptions. « Mon âme, morte à tous les grands mouvements, ne peut
plus s'affecter que par des objets sensibles, je n'ai plus que des sensations, dit
J.-J. Rousseau vieillissant, et ce n'est plus que par elles que la peine ou le
plaisir peuvent m'atteindre ici-bas. » Le jugement cependant demeure correct
et la lucidité intacte, de même que se montre très précise la conscience de
l'état morbide. Et c'estune tristesse, ajoutée à bien d'autres, que celle qu'éprouve
le vieillard de se voir privé de l'activité intellectuelle dont il avait joui jusque-
là, et de constater la réduction progressive et implacable d'un contenu spirituel
I. ZIEHEN. Traité international de Psychiatrie, vol. II, p. 281.
si laborieusement acquis. Il convient d'ajouter comme correctif que, assez
souvent, la compréhension fine, l'intelligence des mots d'esprit s'amoindrissent
de même que la faculté de calcul et la puissance du raisonnement. Si l'on
ajoute à ces traits des perturbations du caractère, de l'affectivité, on aura, dans
ses lignes générales, le tableau du sénescent psychique. La sensibilité morale
de l'homme âgé apparaît, en effet, aussi fréquemment et souvent aussi préco-
cement lésée que la mémoire et l'imagination. Malgré la conservation et même
l'exaltation de l'émotivité pour tout ce qui se rapporte au passé et contrastant
avec la sensiblerie puérile et même un peu niaise que l'on connait, le vieillard
sénescent demeure assez indifférent aux préoccupations et aux angoisses qui
ne le touchent pas directement. Et les proches s'inquiètent de voir le caractère
de leur aïeul si étrangement changé. Égoïste, avare, méfiant, concentré sur la
sensation présente, même par ses instincts, tel se montre trop souvent l'homme
avancé en âge au stade prémonitoire de la démence sénile simple. A de pareils
caractères, un observateur perspicace ne saurait se tromper et, dans la majo-
rité des cas, il est légitime de prédire à bref délai l'approche de l'effondrement
des facultés. Celui-ci n'est au vrai que l'accentuation des phénomènes que
nous venons de rapporter.

2° LA SÉNILITÉ PSYCHIQUE. LA DÉMENCE SÉNILE SIMPLE.


— Ainsi que
nous l'avons vu, la déchéance progressive et définitive des facultés peut
être précédée par une phase de sénescence, de prédécadence psychique,
mais celle-ci peut manquer et ainsi la démence apparaître assez brusque-
ment chez un sujet qui, jusque-là, avait conservé l'éclat de son activité
supérieure. Il est même des cas, qui ne sont pas rares, où la démence
frappe le malade à un âge relativement jeune, en tout cas éloigné de
l'époque de la sénescence normale. Ce senium præeox, dont l'étiologie
est encore incertaine, affecte surtout les sujets dont l'hérédité psychopa-
thiqu e est chargée; et bien souvent cette senilité psychique prématurée
est le lot des descendants des déments séniles. Il y a là une notion essen-
tielle, la plus sûre que nous ayons, dans l'étiologie de la démence du
vieillard.
La sénilité psychique, à l'exemple de la sénescence, suit une marche
invariable, frappant d'abord le plus fragile, le plus récemment acquis
pour s'attaquer au plus stable, depuis les fonctions puissamment enra-
cinées par l habitude jusqu'à l'automatisme. idées, images, souvenirs
disparaissent dans l'ordre inverse de leur apparition chronologique, tandis
que, pendant longtemps, le jeu de l'automatisme psychique persiste assez
intact pour marquer l'effondrement de l'architecture délicate de l'esprit.
Par son attitude, par sa mimique faciale et gesticulatoire, le vieillard
déchu se présente sous une apparence trompeuse; certains malades pro-
fondément ruinés conservent ainsi une activité et une adaptation mon-
daine, surprenante, pour qui s'est avisé d'interroger leurs fonctions
intellectuelles et morales. A cette période, en effet, il n'est pas de proces-
sus psychique dont le trouble ne vienne accuser l'état démentiel. C'est
dire que les facultés de jugement, de comparaison, de raisonnement,
de critique apparaissent émoussées, que les processus associatifs se
montrent réduits et de plus en plus pauvres, que le jeu automatique de
l'imagination se limite à la reproduction stéréotypée des représentations
les plus anciennes et les plus habituelles que toute création spirituelle
est définitivement et complètement abolie. Perverti dans son jugement,
affaibli dans sa critique, le vieillard devient, se montre d'une crédibilité,
d'une suggestibilité souvent frappantes alternant, par un contraste en
apparence paradoxal, avec des périodes de méfiance, de suspicion à l'égard
de l'entourage, d'appréhension purement imaginative, calmées bientôt
par l'anéantissement de la mémoire. Celui-ci, par ses progrès inces-
sants, aboutit à la désagrégation chaotique de la trame des souvenirs.
Tout devient imprécis, incertain dans l'esprit du dément, désorienté
aussi bien dans le temps que dans l'espace et privé le plus souvent du
sens de la durée. Parfois, un courant d'idées, de tendances, persiste au
milieu de ce désert mais d'une désespérante monotonie. L'esprit a perdu
toute souplesse, il adhère pesamment à la même idée, dont il ne peut se
détacher pour prendre une autre démarche commandée par la critique
en une association idéative nouvelle. Cette « viscosité mentale » est une
des raisons de l'entêtement obstiné du vieillard misonéiste.
Les processus affectifs et volontaires suivent, dans l'ensemble, la
même courbe descendante que les processus proprement intellectuels :
l'idée n'est plus génératrice d'émotion; seule la sensation présente
demeure capable de provoquer quelque réaction de la sphère affective.
Dépourvus du frein moral qui les assujétit, les instincts primitifs repa-
raissent avec une particulière acuité et tout spécialement l'instinct géni-
tal. L'érotismedes déments séniles, sur lequel il n'est guère de psychiatre
qui n'ait insisté et dont nous avons recueilli personnellement maints
exemples significatifs, se manifeste soit sous une forme purement idéa-
tive et se traduit par des discours impudiques, semés de vantardises
sexuelles puériles ou absurdes, soit par des actes : attentats à la pudeur,
exhibitionnisme, tentative de viol, masturbation cynique qui justifient
l'étiquette de la forme médico-légale de la démence sénile, dont certains
auteurs l'ont revêtue.
Le dément sénile est, en général, un malade calme et tranquille,
docile aux injonctions ; cependant il importe de ne pas oublier que, fré-
quemment, le sommeil est troublé soit par des rêves ou des rêvasseries
morbides et confuses, dont l'éclosion est favorisée par la désorientation
psychique, soit par une anxiété diffuse avec angoisse caractérisée par un
état neurotonique accusé, soit enfin par une agitation, une turbulence
désordonnée dont le chaos, l'incohérence traduit la profonde désorgani-
sation de la synthèse psychique.
Telle est, réduite à ses traits les plus significatifs, la démence sénile
simple; mais bien souvent, le tableau clinique de l'affaiblissement sénile
se charge de touches morbides qui appartiennent à d'autres syndromes.
Ainsi se créent des formes démentielles compliquées soit de confusion
surtout nocturne avec confabulation et parfois hallucinations, soit surtout
d'idées pathologiques variées qui ont permis de décrire des formes déli-
rantes de la démence sénile pure.
Nous avons déjà parlé de certaines tendances morbides des déments
séniles, de leur propension à l'égoïsme, à la jalousie, à la susceptibilité,
au soupçon, à la méfiance; exacerbées, ces tendances aboutissent aux
variétés de délire que l'on connaît et dont les principales tiennent
dans les délires de préjudice, de persécution, de grandeur, d'influence
(Ziehen),de ruine,d'auto-accusation ; parfois des idées hypocondriaques
aboutissent à un délire de transformation corporelle ou de négation
incomplet (ébauche du syndrome de- Cotard d'après Kraepelin). Mais,
qu'il s'agisse de telle variété qu'on imagine, les caractères fonciers du
délire demeurent identiques. Jamais, en raison de l'affaiblissement du
raisonnement, des facultés syllogistiques, les idées délirantes ne présen-
tent une systématisation comparable à celle que l'on sait être à la base
de la paranoïa par exemple ou de la psychose hallucinatoire chronique ;
toutes les conceptions délirantes du dément sénile frappent par leur
puérilité, leur absurdité ; non seulement le malade ne les systématise
guère, mais il se montre incapable de les justifier et de les défendre contre
la critique.
OBS. — George, âgé de soixante-douze ans, présente depuis son admission
à l'hospice P. Brousse, en 1918, les symptômes de la démence sénile pure pro-
gressive. Cependant, la déchéance psychique n'est pas absolue et le malade
qui a conservé de nombreux souvenirs d'autrefois, demeure capable de
répondre correctement aux questions simples; l'orientation dans le temps et
l'espace est conservée. Le jugement de raisonnement, l'association des idées
apparaissent très réduits ainsi que la critique et la conscience de l'état patho-
logique, et c'est précisément à la faveur de ce fléchissement des qualités cri-
tiques qu'a pu se développer un délire mal systématisé à teinte mégaloma-
niaque caractéristique de la démence sénile. Depuis quelque six mois G...
s'imagine être le petit-fils du roi d'Angleterre en raison de la similitude de
leurs noms : tous deux en effet, dit-il, ne s'appellent-ils pas George. Et cela suf-
fit pour que notre malade fasse écrire de nombreuseslettres, car il est illettré,
destinées à se rappeler au souvenir de George d'Angleterre. Si on lui objecte
que, étant donné son âge avancé (soixante-douze ans), le roi, son grand-père,
doit avoir dépassé les limites de la vie humaine, cela ne l'émeut pas : « Nous
avons à peu près le même àge», répond-il. Cette idée de filiation royale lui
est venue, nous dit-il, spontanément par une « intuitions qu'il ne s'explique
pas. « Cela est parce que cela est. » Bien que G... ne s'inquiète pas outre
mesure de ne pas recevoir de réponse aux lettres qu'il expédie, cependant ce
silence commence à l'émouvoir et il en vient à se demander si le gouverne-
ment anglais n'intercepte pas ses lettres pour l'empêcher d'hériter. Il ne
semble pas qu'un élément hallucinatoire ait commandé la genèse du délire,
mais récemment G... nous a dit qu'une « voix naturelle lui a corné à l'oreille le
nom de Dieu alors qu'il était parfaitement éveillé ». Il y aurait ainsi dans le
déterminisme du délire de notre sujet un triple élément pathogénique, halluci-
natoire, interprétatif et surtout imaginatif.
Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, ce que nous désirions souligner, c'est la puéri-
lité, l'inconsistance du concept délirant, lequel ne résiste pas à la critique et
que le malade est incapable de justifier.

L'évolution de la démence sénile est essentiellement progressive, par-


fois traversée d'aggravations brusques ou d'épisodes confusionnels très
fréquemment, ainsi que nous l'avons observé, soit à une infection dis-
crète d'origine digestive et surtout respiratoire, soit à l'intoxication
urémique attestée par le taux élevé de l'urée sanguine et le chiffre de la
constante d'Ambard.
A la période terminale, les idées délirantes s'effritent et s'effacent, le
langage devient de plus en plus incohérent, décousu, fait de mots sans
suite et sans signification. Malgré ce désordre verbal, certains malades
demeurent prolixes, poursuivant sans relâche un rabâchage incompré-
hensible ou scandant une interminable litanie, tandis que d'autres
deviennent avares de mots et se confinent dans un mutisme obstiné.
L'étude du langage chez le dément sénile, trop souvent négligée est du
plus grand intérêt en raison de la confusion qui peut s'établir entre la
verbigération incohérente de la démence et la paraphasie ou la jargona-
phasie liée à une lésion limitée de la zone du langage, lésion qui, nous
le montrerons, apparaît assez particulière dans certaine variété de
démence sénile.
Le type de démence que nous avons en vue ne s'accompagne, dans la
règle, d'aucun symptôme somatique en dehors de ceux qui sont les
témoins de la sénilité du système nerveux. Il est même remarquable de
constater combien les déments séniles simples sont épargnés par les pro-
cessus artériopathiquesd'une si grande banalité dans l'âge avancé et qui
aboutissent à l'hémorragie ou au ramollissement du cerveau. Par l'ai-
sance de la démarche, la mobilité de la mimique de la face et des
membres, l'intégrité de la déglutition, le dément sénile contraste d'une
manière frappante avec ces vieillards qui peuplent les hospices à la phy-
sionomie hébétée ou totalement inexpressive, à la bouche entr'ouverte,
aux gestes lents et incertains, dont la parole traînante et hésitante semble
traduire une idéation ralentie et que nous savons maintenant être atteints
de dégénération atrophique ou vasculaire du système strié. Parfois,
cependant, la démence sénile simple s'accompagne de symptômes dits
« organiques » : paraparésie, paraplégie avec rétractions par myo-
sclérose progressive (Lhermitte), amyotrophie diffuse par molicence
sénile entre autres. Nous voudrions rappeler ici deux phénomènes qui
ne sont pas exceptionnels et qui présentent un certain intérêt : la conser-
vation des attitudes imposées (catalepsie) et la dysarthrie. Contraire-
ment à de nombreux auteurs et particulièrement à O. Foerster, la cata-
lepsie nous semble être en rapport, non pas avec l'altération du système
strié, mais conditionnée par la désagrégation des fonctions psychiques.
Nous l'avons observée, en effet, dans des cas de démence sénile pure et
si, dans de très nombreux faits que nous avons recueillis, la flexibilitas
cerex des quatre membres" s'associait à un syndrome strié, celui-ci se
compliquait d'affaiblissement démentiel'.
Ainsi que H. Claude et Lhermitte y ont insisté, il convient de tenir
un grand compte dans le déterminisme des éléments syndromatiques de
la démence sénile des intoxications endogènes si fréquentes chez le
vieillard, dont les émonctoires sont toujours plus ou moins profon-
dément adultérés. Et tel ou tel symptôme que l'on attribue au progrès
de l'évolution démentielle apparaît, en réalité, la conséquence de l'auto-
intoxication hépatique et surtout rénale. En voici un exemple succinct.
OBS. — Il s'agit d'un homme âgé de soixante-quatorze ans hospitalisé
pour sénilité depuis 1916. Actuellement, J. San... est confiné au lit, indifférent
à tout, complètement dément et gâteux. Amnésie diffuse portant aussi bien
sur les faits anciens que sur les récents, désorientation temporelle et spatiale,
incohérence du langage, propos orduriers, incapacité de la moindre opération
intellectuelle, perte absolue de la critique et de la conscience de l'état mor-
bide; aucun symptôme ne fait défaut qui traduit la déchéance démentielle.
Aucun signe dit « organique s; jamais le malade n'a présenté ni ictus, ni
paralysie passagère. Deux phénomènes retiennent l'attention par leur
intensité : la catalepsie généralisée et la dysarthrie. Aussi bien aux mem-
bres supérieurs qu'aux jambes, les attitudes imposées passivement sont
gardées indéfiniment par le malade. Quant à la dysarthrie, elle consiste dans
la répétition de certaines syllabes et un bredouillement qui n'est pas sans
analogie avec celui de la paralysie générale. De temps à autre, le sujet pré-
sente des périodes d'agitation avec turbulence désordonnéependant lesquelles
l'état confusionnel redouble d'acuité.
En raison des paroxysmes d'agitation, de l'intensité des phénomènes cata-
leptiques, de la dysarthrie, nous étions amenés à rechercher l'existence d'une
toxémie surajoutée au processus atrophique cortical; et nous y étions d'ail-
leurs conduits par la constatation d'un bruit de galop gauche avec hyper-
tension artérielle (T. MX = 23 T. MN — 10 Vaquez-Loubry). Or, dans ce fait
qui doit être rapproché d'une observation anatomo-clinique de H. Claude et
J. Lhermitte2, le taux de l'azotémie s'élevait à o gr. 93il, chiffre considérable
pour un vieillard dont l'alimentation est restreinte.

1. J. LHERMITTE. Les syndromes anatomo-clinique du corps strié chez le


vieillard. (Revue neurologique, 1022.)
2. H. CLAUDE et LHERMITTE. De certains états psychopathiques des vieil-
lards. (L'Encéphale, 1920, n° 9, p. 29.)
3. De très nombreux exemples d'urémie clinique recueillis dans notre ser-
vice de l'hospice Paul Brousse, la plupart avec constatation anatomique,
nous ont montré que, contrairement à l'adulte, le taux de l'urée sanguine au
cours de l'intoxication urémique ne dépassait que rarement 1 gramme et
souvent même ne l'atteignait pas. C'est là un nouvel argument en faveur de
Nous nous croyons donc autorisés à supposer que, dans les faits de ce
genre, où la démence Se complique d'agitation psycho-motrice, où la cata-
lepsie est intense, enfin où la dysarthrie affecte un type très différent de celle
des pseudo-bulbaires, c'est à l'intoxication d'origine rénale et peut-être
hépato-rénale qu'il convient de rattacher ces phénomènes surajoutés. Et cette
constatation n'est pas sans intérêt pratique puisqu'elle commande une théra-
peutique dirigée contre cette auto-intoxication.
Une interprétation analogue s'applique aux cas où la démence se complique
par des hallucinations visuelles ou. auditives ou apparaît précédée par un
délire hallucinatoire.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE. — De même que l'on s'efforcerait en vain de


trouver une frontière entre la sénescence psychique physiologique et la séni-
lité démentielle, il serait parfaitement illusoire de s'évertuer à découvrir des
différences foncières entre les modifications imprimées par l'âge et les lésions
qui nous apparaissent comme le fondement anatomique de la déchéance
psychique. Ce que nous ont montré nos recherches déjà anciennes, c'est que
l'atrophie diffuse de l'écorce cérébrale du vieillard dément s'avère indépen-
dante des altérations grossières du réseau nourricier. Les modifications
régressives du cerveau portent sur les cellules et leurs expansions : elles
entraînent ou non la prolifération réactionnelle de la trame névroglique de
soutien, mais tout ce travail pathologique s'accomplit sans être influencé par
des modifications antécédentes de l'appareil vasculaire, contrairement à ce que
pensaient les anciens anatomistes. Il nous paraît évident aujourd'hui que la
lésion si souvent mentionnée depuis les travaux de Marie et de Laborde : la
dégénérescence graisseuse des capillaires cérébraux, non seulement n'est pas
la cause des modifications corticales, mais la conséquence et la marque de
l'élimination des nombreux déchets accumulés par la désintégration des
cellules nerveuses. L'altération fondamentale des éléments nerveux tient, en
effet, dans la dégénérescence granulo-pigmentaire et lipoïdique, la réduction
du réseau neurofibriilaire et des expansions neuroniques. Comme corollaire,
on observe généralement la multiplication des cellules satellites de la micro-
glie, la prolifération des cellules névrogliques à courtes expansions proto-
plasmiques, lesquelles apparaissent bourrées de granulations lipoïdes captées
aux cellules nerveuses dégénérées. Ainsi qu'il en est au cours de tous les pro-
cessus destructifs du système nerveux, les produits de transformation des
déchets lipoïdes sont finalement déversés dans les gaines périvasculaires dont
l'engorgement témoigne de l'intensité du processus.
La trame névroglique fibrillaire s'hyperplasie dans les deux zones où
normalement elle est le plus dense : la couche des cellules polymorphes
(vie couche) et la région sous-piale, — assez souvent aussi les vaisseaux
s'entourent d'une gaine fibrillaire gliale ainsi qu'y a insisté Alzheimer1, mais
c'est là un phénomène assez banal dans la sénilité et nullement caractéristique
d'une modalité de démence.
l'origine non uréique de l'intoxication rénale et l'indication d'une déficience
du foie incapable de transformer l'azote en urée.
r. ALZHEIMER. Uber eigenartige Krankheitsfälle des späteren Alters, 1911.
Les lésions essentiellement régressives et dégénératives des éléments ner-
veux et névrogliques (tissu ectodermique ou neuro-éiïthélial de Renaut) de
la démence sénile pure se montrent essentiellement diffuses et bien qu'elles
prédominent incontestablement sur certaines régions : les lobes frontaux
et temporo-sphénoïJaux, la corne d'Ammon, du moins elles ne se limitent
jamais à certaines des unités topistiques que nous ont fait connaître les
recherches si fécondes de Brodmann, C. et O. Vogt, Campbell.
Mais si ces lésions sont mal limitées en surface, est-ce à dire que, en pro-
fondeur, elles atteignent indifféremment les différents plans statigraphiquesdu
cortex? Ce problème, peu d'histopathologistes se le sont posé; aussi man-
quons-nous de documents précis pour entrevoir la solution à lui donner. Dans
un cas de Bielschowsky rapporté brièvement par C. et O. Vogt', il semble
que, au moins dans certains territoires, les altérations apparaissaient surtout
profondes au niveau de la lIe couche corticale; dans un autre fait de C. et
O. Vogt, le lobule pariétal inférieur était marqué par des lésions surtout pro-
fondes dans la me couche. La vulnérabilité de l'écorce parait ainsi être assez
variable suivant les cas, mais comme les exemplesprécédents ne se rapportent
pas aux mêmes territoires corticaux, il serait prématuré de tirer de ces faits
une indication générale. La seule conclusion à déduire est la nécessité de pra-
tiquer, dans la démence sénile comme dans les autres variétés de psycho-
pathies, une étude comparée systématique des différentes unités topistiques
corticales de manière à préciser leur vulnérabilité, ou suivant le mot de
C. et 0. Vogt, leur sensibilité pathoclinienne.
En résumé, le processus histologique de la démence sénile pure, accentua-
tion simple de la sénilité cérébrale,se réduit à la régression et à la dégénéres-
cence des neurones corticaux indépendantes des modifications parallèles
possibles de l'appareil vasculaire. Cependant, ce n'est pas à dire que ces
altérations fondamentales et constantes ne peuvent fréquemment se compli-
quer d'autres modifications structurales intéressantes, telles les « plaques
séniles d de Redlioh-Fischer et les plaques corticales décrites plus récemment
par Laignel-Lavastine et J. Tine12.
Nous reviendrons sur la première de ces altérations à propos del'anatomie
pathologique de la presbyophrénie et de la maladie d'Alzheimer et nous
retiendrons seulement ici les plaques corticales de Laignel-Lavastineet Tinel,
car, selon ces auteurs, elles ne font jamais défaut sur le cerveau des déments
séniles purs.
Il s'agit ici de zones découpées en cartes de géographie ou en feuilles de
fougère siégeant en plein territoire cortical; dans certains cas (8 fois sur 12)
la substance corticale en est littéralement farcie. Leurs zones de prédilection
apparaissent identiques à celles des plaques de Redlich-Fischer : la corne
d'Ammon, le lobe préfrontal, la région calcarine (area siriata). Ces plaques
corticales sont mises en évidence par de nombreux procédés tinctoriaux et
plus particulièrement par ceux dont le premier temps consiste former des
-<t

savons insolubles au niveau des régions atteintes. C'est que,en effet, la plaque

1. C. et O. VOGT. Erkrankungen der Grosshirnrinde. (Journal f. Psychol.


und Neurologie, vol. XXVIII, 1022 )
2. LAIGNEL-LAVASTINE et TINEL. SOC. de Biologie, 1921, 12 novembre et Soc.
de Psychiatrie. Séance du 17 novembre 1921.
est formée par un dépôt abondant de substances lipoïdes, se présentant
comme des amas de cristaux biréfringents offrant tous les caractères des acides
gras. Fait extrêmement curieux, le tissu dans lequel s'effectue ce dépôt lipoï-
dique ne laisse reconnaitre aucune modification structurale. Quel rapport
présentent ces altérations avec les plaques sénilesde Redlich-Fischer? Tel est
le problème que se sont posé Laignel-Lavastine et Tinel. Selon ces auteurs,
les plaques corticales lipoïdiques ne seraient que le premier stade de l'évolu-
tion des « plaques séniles ». Cette interprétation, que Laignel-Lavastine et
Tinel ne donnent d'ailleurs que comme une impression, nç nous semble pas
irréfutable. En effet, aucun des histologistes qui ont étudié la formation des
plaques de Redlich-Fischer n'a pu mettre en évidence des cristaux d'acides
gras dans leur intérieur, ce qui devrait être facile si la plaque sénile de
Redlich trouvait son origine dans le dépôt lipoïdique. On sait, en effet, que la
lésion de Redlich-Fischer se présente souvent sur un même cerveau sous
toutes ses formes évolutives et que, à côté des plaques parfaitement dévelop-
pées, il en est qui demeurent au stade de début. De plus, si la supposition de
Laignel-Lavastine et Tinel était exacte, les deux lésions que nous avons rap-
pelées devraient fréquemment sinon toujours coexister. Or, il n'en est rien, et
Laignel-Lavastine et Tinel reconnaissent que, sur un total de douze cas, dans
cinq faits seuls existaient les dépôts lipoïdiques à l'exclusion des plaques
séniles.
En dehors de ces dépôts d'acides gras produits de la désintégration lipoï-
dique des cellules du cortex, on peut rencontrer aussi des amas de substances-
déchets non encore caractérisés au point de vue chimique. Il s'agit ici d'amas
de grosses gouttelettes constituant par leur groupement de larges masses
mûriformes dont la caractéristique histochimique est de se colorer métachro-
matiquement par les bleus d'aniline. Après Bonfiglio, nous avons mis en évi-
dence cette altération dans les régions immédiatement sous-corticales de
l'encéphale des déments séniles et nous pensons qu'il s'agit, dans ce fait, de
dépôts de matière destinée à être transformée et éliminée et résultant du pro-
cessus destructif origine de la démence.
(A suivre.)
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)
I. SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE. — II. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
III. SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE.

I. — Société de neurologie
SÉANCE DU 6 NOVEMBRE 1924
Présidence de M. O. Crouzon
Un cas d'hémisyndrome cérébelleux avec tremblement du type de la sclérose
en plaques et mouvements athétosiques. Lésion probable de la région supérieure
du noyau rouge (rubro-thalamique), par M. Gustave Roussy, Mlle Gabrielle
Lévy et M. François Bertillon. — Il s'agit d'un hémisyndrome cérébelleux
droit, survenu à la suite d'un ictus, chez une femme de soixante et onze ans.
Ces troubles cérébelleux consistent en dysmétrie, adiadococinésie, hypo-
tonie, tremblement du type de la sclérose en plaques.
Ils s'accompagnent de mouvements athétosiques des doigts et des orteils
du même côté, avec attitude anormale de la main.
Il n'existe que des troubles sensitifs et pyramidaux à peine esquissés,
homolatéraux ; il n'existe pas de signes de lésions dans le territoire de la
IIIe paire.
Les auteurs concluent de l'étude des observations antérieures de lésion
de la région sous-optique, et de l'étude analytique de ce cas, que celui-ci
doit être rangé vraisemblablement parmi les cas de 'syndrome supéro-externe
du noyau rouge, par atteinte de la voie rubro-thalamique, décrit récemment
par MM. Chiray, Foix et Nicolesco. Ils signalent quelques déductions à en
tirer au point de vue de la pathogénie des mouvements athétosiques.
M. Foix croit exact le diagnostic de localisation lésion de la région
supérieure du noyau rouge. Il rappelle que des mouvements choréo-athéto-
siques ont été décrits dans les lésions du pédoncule cérébelleux supérieur.
Vertèbre d'ivoire et paraplégie par compression dans un cas de cancer du
sein. — MM. Souques, Latourcade et Terris présentent une malade atteinte
de cancer du sein et,depuis un an, de paraplégie par compression. L'examen
radiographique du rachis décèle chez cette malade, au niveau de la VIe ver-
tèbre dorsale, là où précisément les symptômes cliniques et l'arrêt du lipiodol
placent le siège de la compression spinale, une image singulière de cette ver-
tèbre qui est normale de volume et de forme, mais qui, par une couleur
toute blanche sur le négatif, et par suite noire sur le positif, paraissant uni-
formément étendue à tout le corps vertébral, comme s'il s'agissait d'une ver-
tèbre d'ivoire, contraste étrangement avec la couleur normale des autres ver-
tèbres.
Les clichés et les épreuves radiographiques ont été soumises à l'examen
de plusieurs radiologistes qui ont déclaré n'avoir jamais rien vu de semblable.
Les auteurs admettent que cette altération vertébrale a déterminé une
pachyméningite et des adhérences méningées qui ont fermé le sac arachnoï-
dien et comprimé la moelle. Quant à la nature et à la cause de cette altéra-
tion, ils discutent diverses hypothèses, à savoir la possibilité d'un cancer
secondaire de la vertèbre, d'une lésion syphilitique, d'une lésion tubercu-
leuse, etc.
Sans l'affirmer catégoriquement, ils inclinent vers l'idée d'une métastase
cancéreuse.
Ils déclarent en terminant qu'il ne s'agit pas là de l'affection osseuse
décrite à l'étranger sous le nom d'os de marbre, et dont il a été publié quelques
exemples.
M. Sicard a vu un cas, avec examen radiologique exactement semblable
à celui de M. Souques. Il s'agissait bien d'une métastase vertébrale d'un
cancer, avec arrêt du lipiodol à ce niveau.
Alexie pure, reliquat d'agnosie visuelle. — MM. Faure-Beaulieu et E. Jac-
quet présentent une femme de soixante ans, hémianopsique droite et alexique
>

depuis un ictus survenu il y a trois ans. En tant que symptôme aphasique,


l'alexie est rigoureusement .pure, et l'a toujours été, à part, tout au début,
un trouble passager de la dénomination des objets. Avant de devenir ainsi
monosymptomatique, elle a fait partie d'un syndrome complet et durable
d'agnosie visuelle au milieu duquel elle était noyée, et dont elle s'est dégagée
à mesure qu'il régressait. Pendant plusieurs mois, la malade avait peine à
reconnaître les rues de son quartier, les maisons de sa rue, les objets les
plus usuels, et il en résultait un degré marqué d'apraxie idéatoire. Après
disparition de ces troubles diffus, l'agnosie visuelle est demeurée « spécia-
lisée pour le langage», suivant l'expression de Pierre Marie. Ce cas est inté-
ressant parce qu'il contribue à montrer que, contrairement à la conception
courante, l'alexie pure peut être plutôt du domaine de l'agnosie que de
l'aphasie éventualité qui se retrouve, si l'on cherche bien, dans plusieurs
cas analogues, comme dans ceux de Brissaud, de M. Souques, et dans le cas
récent de MM. Crouzon et Valence. Anatomiquement, il rentre dans les syn-
dromes de l'artère cérébrale postérieure, étudiés par MM. Foix et Masson.
Discussion :
M. Foix trouve le cas de M. Faure-Beaulieu remarquable, car il a pu
saisir l'agnosie avec l'alexie.
Lui-même a suivi un cas semblable. Au début, le malade était incapable
de reconnaître le moindre son familier (craquement d'une allumette, claque-
ment de fouet, choc d'un verre, etc.) Dans la suite, ce malade alexique avait
perdu la reconnaissance des airs musicaux. La part de l'agnosie est indubi-
table dans l'aphasie.
En tout cas, il s'agit ici d'un syndrome de la cérébrale postérieure.
Cordotomie latérale antérieure, inter-radiculoligamentaire dentelé, pour
algies incurables. — MM. Sicard et Robineau rapportent une statistique de
onze cas de section du cordon latéral antérieur de la moelle. L'opération
s'adresse surtout aux algies incurables des cancéreux. Elle ne paraît pas
dangereuse et donne, quand elle estfbien exécutée, des résultats remarquables.
Le siège électif de la cordotomie latérale est au niveau du ve segment médul-
laire. L'incision se fait transversale, entre la racine antérieure et le ligament
dentelé. Elle intéressera, suivant la topographie des algies, un côté ou les
deux côtés de l'étage médullaire. Elle doit respecter le faisceau pyramidal
croisé et détruire au contraire les fibres du faisceau de Gowers et du faisceau
restant latéral, c'est-à-dire les cordons de passage de la sensibilité doulou-
reuse, en ligne croisée. Les auteurs, à propos de ces médullotomies,
reprennent l'étude de la physiologie topographique des fibres sensitives de .
la moelle.
Sur un cas de tumeur intra-rachidienne de la région dorsale. — MM. Georges
Guillain, Th. Alajouanine, Petit-Dutaillis et Périsson présentent un sujet
de vingt-cinq ans, opéré avec succès d'une tumeur intra-rachidienne (en D11)
gliome périphérique d'une racine. Le malade s'était présenté comme une
paraplégie spasmodique progressive, avec douleurs d'apparition tardive,
mais sans réflexes de défense, sans signe de localisation. La ponction rachi-
chidienne montra un liquide xanthochromique avec coagulation, tant à la
région lombaire, qu'au niveau de D7. Le lipiodol injecté alors tombait sans
s'accrocher. Deux mois après, une nouvelle épreuve du lipiodol donnait un
arrêt complet en D11, et, à ce moment, les ponctions rachidiennes étagées
montraient un liquide xanthochromique au-dessus de la compression, un
liquide clair au-dessous.
Les auteurs soulignent l'intérêt de l'évolution démontrée par l'épreuve du
lipiodol. Elle présente deux phases io avant le cloisonnement, avec le
liquide xanthochromique au-dessus et au-dessous de la tumeur; 2° après le
cloisonnement où le liquide n'est plus jaune qu'au-dessus de la tumeur.
Une seule épreuve de lipiodol au début d'une compression ne permet pas
d'éliminer ce diagnostic, que laxanthochromien'indique pas toujours (tumeur
au-dessus de la ponction). Enfin, dans ce cas, rétrospectivement un signe de
localisation prit de la valeur, la dissociation du réflexe médio-pubien (aboli
dans sa réponse abdominale, qui correspond à la moelle dorsale basse).
Spasme rythmique vélo-pharyngo-laryngé(nystagmus du voile). — MM. Ch.
Foix et P. Hillemand présentent une lacunaire avec pleurer et rire spasmo-
diques, démarche hésitante, réflexes vifs, grosse dysarthrie. Chez cette malade
existe un spasme rythmique vélo-pharyngo-laryngé à prédominance gauche
qui ne s'accompagne d'aucun signe de localisation. Ce spasme, dont le rythme
est de i5o à la minute, est donc plus fréquent que le nystagmus du voile
habituel. Il s'en rapproche cependant par son caractère myoclonique.
Troubles sensitifs dissociés à topographie radiculaire dans un cas de lésion
protubérantielle probable. — MM. Foix et Hillemand rapportent un cas d'in-
terprétation difficile et rappellent un cas antérieur de MM. Faure-Beaulieu
et Bouttier.
A la suite d'un ictus, une malade fait une hémiplégie légère avec paralysie
faciale définitive et diplopie. Syndrome de Millard Gubler. Cependant,
l'hémiplégie est légère et il ne subsiste à l'heure actuelle que peu de signes
organiques. Il existe en outre une anesthésie dissociée à topographie radi-
culaire atteignant la face et la région cervicobrachiale. Rien n'indique une
lésion localisée. Ce fait et le cas précédent de MM. Faure-Beaulieu et Bouttier
semblent indiquer que les régions de l'axe encéphalique peuvent donner des
troubles sensitifs à topographie radiculaire.
Tumeur de la région infundibulo-hypophysaire considérablement améliorée
par le traitement radiothérapique. — MM. Foix et Hillemand et Mme Schiff.
Wertheimer présentent une malade atteinte de tumeur de la région infundi-
bulohypophysaire. Cette malade, frappée de cécité presque complète, pré-
sentait un certain degré de syndrome adiposo-génital. Deux ans après la
fin d'un traitement radiothérapique intense, les signes de la vue se sont
amendés. Actuellement, il existe une hémianopsie bitemporale avec une
acuité visuelle de I/roe pour le champ nasal de l'œil gauche et perception
lumineuse pour le champ nasal de l'œil droit.
Caractères du signe de Babinski dans un cas de poliomyélite. — M. Auguste
Tournay rappelle que, lors d'une séance antérieure (6 mars 1924), une discus-
sion fut engagée, par les interventions de M. Souques et de M. Sicard, ten-
dant à soumettre à revision la présence du signe de Babinski dans la paralysie
spinale infantile l'extension de l'orteil pouvant provenir, en pareil cas, de
la prépondérance du groupe des extenseurs plus ou moins épargné par rap-
port au groupe des fléchisseurs plus atteint.
Puis il relate l'observation d'un jeune homme qui, il y a trois ans, à l'âge
de seize ans et demi, fut atteint de poliomyélite intéressant surtout les
extrémités des deux membres inférieurs et évoluant graduellement vers la
restauration. Chez ce malade, il reste une certaine diminution des muscles
plantaires, mais les mouvements volontaires de flexion des orteils et en par-
ticulier de la première phalange du gros orteil sont possible^ et l'électrisation
localisée, avec des réactions à peu près normales, détermine cette flexion.
Or, au pied droit, l'excitation de la plante provoque au côté interne de la
flexion du gros orteil, à la partie moyenne de l'extension et au côté externe
de l'extension avec abduction du petit orteil. Il est donc établi dans ce cas
que non seulement la flexion reste possible, mais que, dans le champ qui
lui est réservé, la flexion réflexe s'effectue encore. On est donc bien en
présence d'un signe de Babinski véritable.
A noter que, pendant la première année de la maladie, les deux réflexes
plantaires s'opéraient en flexion ; le signe de Babinski n'est sans doute apparu
aussi tardivement, là où il devait apparaître, que par suite de la prédomi-
nance initiale, dans ce cas, de l'atteinte des extenseurs.
Sur le diagnostic des compressions de la moelle. Mal de Pott à forme de
tumeur intra-rachidienne sans aspects radiologiques anormaux des vertèbres.
Sur l'évolution de la tuberculose vertébrale après laminectomie, par MM. Clovis
Vincent et lean Darquier. — Il s'agit d'une malade présentant un syndrome
de compression médullaire chez laquelle il a été impossible de décider avant
intervention s'il s'agissait d'une tumeur rachidienne proprement dite ou d'un
mal de Pott. La compression se manifestait par des douleurs en ceinture
au-dessus de l'ombilic, des mouvements involontaires des membres inférieurs
extrêmement douloureux, des troubles de la marche, de l'exagération des
réflexes tendineux, par le signe de Babinski des deux côtés, par l'exaltation
considérable des réflexes de défense, par de légers troubles sensitifs remontant
jusqu'à un plan passant à trois travers de doigts au-dessus de l'ombilic.
Hyperalbuminose faible. Lipiodol arrêté au niveau de la VIle vertèbre dor-
sale. La raideur dorsale était peu manifeste, sans grand retentissement à
distance, sans grande douleur. Sur des radiographies, aucune modification
caractéristique des corps vertébraux et des disques correspondants.
Opération. — Gomme tuberculeuse non ouverte, saillante dans le canal,
agissant sur la moelle comme une tumeur. Pas d'adhérence, pas de pachy-
méningite. Ablation. Amélioration considérable pendant un mois, puis
retour des douleurs et des troubles de la motilité. Mort avec un syndrome
de section complète de la moelle. L'autopsie montra au niveau des VIle,
VIlle, IXE vertèbres dorsales plusieurs tubercules crus conglomérés. L'une des
masses tuberculeuses seule affleurait à la surface de l'un des corps vertébraux
dans le canal rachidien. Des radiographies diverses de la colonne vertébrale
ne montrèrent aucune modification de l'aspect des corps vertébraux ou des
disques pouvant faire affirmer le mal de Pott.
Conclusions. — Certaines tuberculoses vertébrales déjà avancées, mais
encore centrales, peuvent ne donner lieu à aucune modification de l'aspect
radiologique des corps vertébraux et des disques inter-vertébraux adjacents.
Certaines tuberculoses vertébrales peuvent comprimer la moelle, non par
l'intermédiaire d'une pachyméningite ou d'un abcès ossifluent, mais par l'in.
termédiaire d'une gomme tuberculeuse fermée encore recouverte du surtout
ligamenteux vertébral ; elles agissent alors à la façon d'une véritable tumeur.
La laminectomie, comme de Martel et l'un des auteurs l'ont soutenu à
diverses reprises, aggrave le pronostic du mal de Pott; elle peut être suivie
de dissémination locale ou générale.
Dernière remarque. — Chez cette malade, on pouvait déterminer des
réflexes de défense par excitation d'un point du corps situé très au-dessus du
niveau de la lésion. Un examen non attentif aurait donc pu faire projeter la
lésion trop haut, si on ne s'était rendu compte que ces réflexes avaient des
caractères particuliers permettant de les différencier des réflexes de défense
classiques.
L. GIROT.
II. — Société médico-psychologique
SÉANCE DU 27 OCTOBRE 1924
Présidence de M. Truelle
Un cas de « syndrome des sosies » chez une délirante hallucinée par inter-
prétation des troubles psycho-sensoriels, par MM. R. Dupouy et M. Montas-
sut. — Les auteurs apportent une contribution intéressante à l'étude du
« syndrome des sosies ». Il s'agit d'une malade atteinte d'une psychose hal-
lucinatoire chronique en voie de systématisation délirante. Le « syndrome
des sosies » permet au sujet d'interpréter et de confirmer à la faveur d'un
processus idéo-affectif les troubles apportés par la maladie. Il apparaît ici
comme le noyau d'un système délirant de défense et motive jusqu'à ce jour
l'absence de réactions antisociales.
M. Capgras, qui a examiné plusieurs fois cette malade, fait ressortir qu'elle
ne fait qu'imaginer ses sosies, mais qu'elle ne les voit pas. Sa conviction est
même incertaine, et par là elle diffère des malades présentés à la Société par
M. Capgras et Reboul-Lachaux.
Traitement des états anxieux par le gardénal à doses réfractées, par
MM. R. Dupouy et M. Montassut. — Les auteurs signalent une nouvelle théra-
peutique des états anxieux par le gardénal à doses réfractées. La médication
consiste à donner pendant la veille un comprimé de un centigramme toutes
les heures. Les résultats, particulièrement nets chez les anxieux et les émotifs
lucides, se traduisent par la sédation des paroxysmes émotionnels, l'absence
de l'inhibition médicamenteuse et une sensation de mieux être accusée par
les malades eux-mêmes. Les avantages de cette thérapeutique, très supé-
rieure à la médication habituelle, résident dans la plus grande efficacité et
la diminution notable des accidents de gardénalisme — la dose quotidienne
ne dépassant guère o,i5 centigrammes.
M. Séglas a employé le gardénal sous cette forme avec des résultats
excellents chez les émotifs anxieux, avec des résultats moins bons dans un
cas de mélancolie.
M. Dupouy pense que les résultats sont moins bons chez les mélanco-
liques, parce qu'ils s'opposent à la thérapeutique et refusent souvent de
prendre le médicament.
M. Laignel-Lavastine fait ressortir l'action élective du gardénal sur le
pneumogastrique, et préconise le gardénal dans les petites anxiétés vagoto-
niques.
Délire de revendication et d'interprétation associés. — MM. Trénel et Wil-
liam rapportent l'observation d'une malade qui, après avoir été infirmière
pendant la guerre et réformée sans pension, présenta un délire de revendi-
cation, mais sans aucune réaction. Puis, se développa secondairement un
délire d'interprétation, avec idées de persécution et quelques idées de gran-
deur (allusions à sa naissance, à son origine aristocratique, pense être de la
famille de Bonaparte, etc.). Les auteurs insistent sur la combinaison de ces
deux variétés de délires de revendication et d'interprétation qui ont été
séparés par M. Capgras.
M. Capgras souligne l'intérêt de cette malade, qu'il rapproche d'une
malade célèbre internée dans de nombreux asiles et finalement à l'asile
d'Orléans, d'où elle parvint à être libérée. Elle écrivit ensuite son histoire
dans un livre où elle découvre son délire, qui avait été dissimulé jusque-là
par ses réticences.
M. Wallon signale à propos de ces délires de revendication la difficulté
de faire le partage entre le pathologique et le normal.
M. Arnaud insiste dans le même sens.
M. Mignard estime qu'il y a surtout en pareil cas un délire du jugement
de valeur.
M. Piéron distingue la revendication délirante dans son fond et la reven-
dication délirante dans sa forme.
H. BARUK.
III. — Société de psychiatrie
SÉANCE DU 16 OCTOBRE 1924

Présidence de M. René Sémelaigne


L'extrait hypophysaire chez les anxieux, par M. Tinel. — Il existe un cer-
tain nombre d'anxieux à réactions fortement vagotoniques chez lesquels
l'adrénaline provoque une sédation remarquable de l'anxiété, et l'auteur en
rappelle quelques observations démonstratives apportées pendant l'année
dernière à la Société de psychiatrie.
Inversement il existe une autre catégorie d'anxieux, réfractaires à l'adré-
naline et qu'améliore d'une façon remarquable le traitement hypophysaire.
L'auteur en rapporte entre autres une observation longuement et minutieu-
sement suivie concernant un cas d'obsession et délire du toucher avec vio-
lentes réactions anxieuses du type émotionnel. On observait chez cette malade
un état permanent de sympathicotonie très prononcée, avec un fort réflexe
solaire et réflexe oculo-cardiaque à peu près nul.
Sous l'influence de fortes doses d'extrait hypophysaire, on a constaté une
sédation remarquable des réactions anxieuses, sans atténuation sensible du
reste de l'état obsessionnel. Cette sédation s'est accusée à mesure que réap-
paraissait et s'accentuait le réflexe oculo-cardiaque, sous l'influence de l'ex.
trait hypophysaire, qui se montre ainsi un excitant manifeste du parasym-
pathique.
A plusieurs reprises le traitement hypophysaire a été suspendu à l'insu
même de la malade et chaque fois l'anxiété s'est régulièrement accentuée,
en même temps que le réflexe oculo-cardiaque diminuait d'intensité.
Une action semblable a été enregistrée avec l'insuline, qui accentue de
même le réflexe oculo-cardiaque et provoque la même sédation de l'anxiété.
Il semble donc exister cieux types très différents d'anxiétés, quelquefois il
est vrai réunies et combinées chez le même sujet. L'anxiété vagotonique,
avec réflexe oculo-cardiaque très accentué, que calme l'adrénaline et qu'ac-
centue l'hypophyse; l'anxiété sympathicotonique qui s'accompagne du reste
de toutes les réactions caractéristiques de l'émotion; elle est soulagée par
l'excitation parasympathique que réalise l'extrait hypophysaire ou l'insuline
et accentuée au contraire par l'adrénaline.
M. Maurice de Fleury s'étonne que M. Tinel fasse une distinction aussi
nette entre l'émotivité et l'anxiété. L'anxiété n'est-elle pas, en effet, une
forme intensive de l'émotivité? Ne trouve-t-on pas chez les anxieux un passé
d'hyper-émotivité? La variabilité du pouls, caractéristique dela constitution
émotive, n'est-elle pas fréquente chez les anxieux?
M. Dehnas reconnaît que quelquefois, les anxieux paraissent inémotifs
mais c'est qu'alors l'anxiété a pour ainsi dire accaparé toute leur capacité
d'affectivité, au point qu'ils semblent indifférents pour tout le reste. Mais
en réalité, on trouve chez les malades, sauf exception rare, l'association des
trois grandes formes d'émotivité: tristesse, anxiété, énervement.
M. Laignel-Lavastine pense, au contraire, qu'il ne faut pas confondre
anxiété et émotivité, bien qu'on puisse les rencontrer ensemble chez un
même sujet.
M. Hartenberg, dans ses recherches personnelles sur l'action des médica-
ments opothérapiques chez les anxieux, n'a pu, pas plus que M. Tinel,
dégager des règles et des lois. Ces résultats contradictoires n'ont rien
d'étonnant si l'on se souvient que l'anxiété, au sens psychologique, n'est
qu'une sensation interne qui peut être produite par des conditions sans doute
multiples et relever de causes très diverses. Il ne faut pas confondre notam-
ment un accès d'angoisse normal, comme celui de la peur, et l'anxiété chro-
nique des obsédés.
M. Arnaud, à propos de cette discussion, rappelle son opinion personnelle,
contraire à l'opinion classique, que l'obsession n'est pas conditionnée par
l'anxiété.
M. Tinel répond à ses contradicteurs qu'il existe des anxieux inémotifs
quant au reste. Le pouls chez eux ne présente aucune variabilité anormale.
On ne trouve pas dans leur passé d'épisodes émotifs antérieurs. Du reste,
ces
points de vue s.ont secondaires dans son travail. Il a voulu surtout montrer
les relations si changeantes entre l'anxiété et les phénomènes neuro-végétatifs
et l'influence, diverse selon les malades, des médicaments. La seule conclu-
sion un peu nette qui se dégage de ses expériences, c'est que si le réflexe
oculo-cardiaque est très marqué, le malade est soulagé par l'adrénaline et
aggravé par l'hypophyse, tandis qu'au contraire, l'hypophyse soulage le
malade dont le réflexe solaire est accentué, tandis que l'adrénaline l'aggrave.
Opothérapie hypophysaire dans la dépression mélancolique. MM. Laignel-

Lavastine et Coulemel ont employé avec succès, depuis 1919, l'opothérapie
hypophysaire chez certaines mélancoliques. L'observation princeps con-
cernait une jeune femme de trente-huit ans;-.qui fit d'abord un accès de dépres-
sion avec entéro-colite-muco-membraneusequi guérit complètement. Un an
plus tard une nouvelle dépression, beaucoup plus accentuée, s'accompagnant
d'hypotension artérielle descendant jusqu'à 7/4, de mélanodermieavec mau-
vais état général, fut traitée par l'injection d'extrait du lobe postérieur
d'hypophyse avec plein succès, alors que l'extrait surrénal n'avait produit
qu'un mieux très relatif et passager.
Cette observation clinique est à rapprocher des expériences d'Hallion,
qui démontrèrent que l'opothérapie hypophysaire chez le lapin déterminait
des réactions thyroïdiennes et surrénales. Elle doit être rapprochée aussi de
constatations anatomiques faites à Laënnec chez des phtisiques traités par
des injections du lobe postérieur d'hypophyse et où l'on trouva à l'autopsie
une raréfaction considérable de la colloïde thyroïdienne et une grosse hyper-
plasie de la cortico-surrénale.
On peut donc se demander si l'opothérapie hypophysaire n'agit pas en
partie par les modifications qu'elle détermine dans la thyroïde et les surré
nales. De fait, chez de nombreuses mélancoliques, en général hypotendues,
tantôt simples déprimées, tantôt avec réactions anxieuses tachycardiques
sur un fond de dépression, l'opothérapie hypophysaire, sous forme d'injec-
tions sous-cutanées d'extrait de lobe postérieur chaque jour pendant une
semaine, a entraîné une amélioration clinique telle que les malades ou leur
entourage redemandaient une nouvelle série. Certes on sait que la mélan-
colie se termine d'elle-même, mais, dans les cas traités, il a existé un rapport
trop constant entre les injections et l'amélioration pour ne pas établir entre
les deux une relation de cause à effet au moins indirecte.
M. Maurice de Fleury se demande s'il ne s'agirait pas, dans le cas primitif
rapporté par les auteurs, plutôt que d'une mélancolique véritable, d'une
addisonienne avec dépression par insuffisance surrénale.
M. Tinel insiste encore sur les résultats discordants que donne l'opothé-
rapie hypophysaire sur la pression artérielle tantôt hyper-, tantôt hypoten-
sion. Il est possible que les extraits contiennent des substances différentes
agissant différemment, et d'une façon élective, chez divers individus. Il faut
tenir compte aussi des influences sur les autres glandes, la thyroïde et la
surrénale en particulier. Enfin l'action est encore différente selon que le
médicament est pris par la bouche ouj.njecté dans ce dernier cas, il se sura-
:
joute un léger choc protéique qui peut jouer un rôle dans les effets appa-
rents.
M. Delmas pense que, pour obtenir quelque clarté, il serait nécessaire
de préciser d'abord les formes de mélancolie — dépressive, anxieuse, con-
centrée, etc. — et ensuite de confronter avec le type clinique les résultats
thérapeutiques obtenus.
M. Laignel-Lavastine estime qu'à côté de la méthode « horizontale » qui
consiste à décrire simplement la surface des aspects cliniques, il faut chercher
par la méthode « verticale » les phénomènes plus profonds qui les condi-
tionnent. Toutes les expériences actuelles d'endocrinologie visent à préciser
les relations psycho-sympathiques possibles sans prétendre fournir une solu-
tion complète du problème. Les observations qu'il rapporte semblent
montrer que certains cas de dépression mélancolique peuvent être influencés
favorablement par un traitement hypophysaire c'est tout ce qu'on en peut
conclure actuellement. "
P. HARTENBERG.
REVUE DES LIVRES

Professeur A. STRÛMPELL. Précis d'examen et de diagnostic des princi-


pales maladies nerveuses. (Leitfaden für die Untersuchung und Diagnostik
der wichtigsten Nervellkrankheitell.) vol.de 151 p. Vogel-Leipzig, 1924,
1

6 mk.

Cet intéressant petit manuel est destiné aux étudiants et aux praticiens à
qui il fait connaître ce qu'il est indispensable à un médecin de savoir en neu-
rologie. Il est divisé en trois parties : la recherche des troubles nerveux, le
diagnostic général des maladies, notamment le diagnostic topographique,
enfin le diagnostic spécial des diverses maladies organiques ou fonctionnelles,
les plus communément observées. On ne trouve ici ni bibliographie, ni dis-
cussion théorique, ni pathogénie ou anatomie pathologique, d'une lecture un
peu aride pour les médecins non spécialisés. C'est un guide que le professeur
Strumpell, fort de sa grande expérience, offre à ses lecteurs pour leur permettre
de s'y reconnaître dans cette clinique neurologique trouvée parfois si compli-
quée et qui est pourtant la clinique la plus rationnelle et la plus précise.
Henri CLAUDE.

PAUL SCHILDER. Psychologie médicale à l'usage des médecins et des


psychologues. (Medi^inische Psychologie für Arrte und Psychologen.)
(Berlin, Julius Springer édit., 1924, 1 vol. de 355 p.)
Ce livre ne se prête pas à l'analyse en raison du nombre considérable de
questions qui y sont traitées. Il nous suffira d'indiquer les principaux cha-
pitres pour signaler aux psychiatres le haut intérêt de cet ouvrage dans lequel
l'auteur a cherché autant que possible à confronter les résultats de l'investi-
gation médicale et de la psychologie. Un premier chapitre est consacré à l'étude
des perceptions et notamment des perceptions visuelles et auditives, qui sont
étudiées au point de vue anatomo-physiologique, comme au point .de vue
psychopathologique. Un second chapitre traite des différents modes de l'acti-
vité et du langage; à signaler les parties traitant de l'apraxie et de l'aphasie.
Puis sont étudiés successivement la mémoire, l'instinct vital, la volonté, les
incidents de la vie de relation. Dans ce chapitre sont passés en revue les sujets
à l'ordre du jour des traumas affectifs, et des conceptions de Freud, l'hypnose,
la structure corporelle et le caractère de Kretschmer. Enfin les deux derniers
chapitres traitent du moi et de la personnalité, des affekts et des expériences
sexuelles précoces et l'on y voit dans un singulier mélange des études sur
l'amour et l'érotisme, la structure sociale, l'anxiété et les psycho-névroses
affectives, la psychologie des religions et de l'esthétique.
H. CLATJDF.
JENS. CHR. SMITH. Psychoses atypiques avec hérédité hétérogène. (Aty-
pische Psykoser og Heterolog Belastning. — Levin et Munkogoord.
Copenhague, 1924.)
Ce très important ouvrage de 333 pages contient des observations et sta-
tistiques du plus haut intérêt concernant les hérédités psychopathiques. L'au-
teur a donné en allemand et en anglais un résumé de ce livre écrit en danois.
Il expose les résultats de ses investigations sur les effets de la coexistence de
conditions hétérogènes pour les maladies mentales, spécialement en ce qui
concerne les psychoses endogènes atypiques (Kahn, Hoffmann, Kretschmer).
L'étude est divisée en deux parties. La première partie expose l'histoire de
dix familles avec des conditions hétérogènes convergentes. La seconde partie
a trait à l'observation de neuf familles.
Dans chacune de ces familles, un enfant issu d'un père ou d'une mère
atteints de psychose maniaque dépressive a présenté un état schizophrénique.
Dans la première partie, la première génération filiale, on compte vingt enfants
atteints d'aliénation mentale sur environ soixante. A la seconde génération
dix-sept aliénés sont relevés. Le résultat de l'étude de l'auteur peut être résumé
ainsi : Quand plusieurs conditions hétérogènes sont réunies par les deux
parents, des psychoses nombreuses apparaissent dans la descendance. Dans
à peu près la moitié des psychoses-on note des symptômes d'ordre maniaco-
dépressif ou des symptômes de la série schizophrénique. Dans l'autre moitié, il
y a des manifestations mixtes — « Urstempsychosen»,attaques maniaco-dépres-
sives, se terminant par un état schizophrénique. — Les psychoses chroniques
dans lesquelles les crises surviennent sur le type d'états maniaco-dépressifsou
dans lesquelles le caractère schizophrénique n'apparaît parfois qu'après vingt
ans. Nous trouvons aussi des psychoses intermittentes dans lesquelles le
tableau clinique d'un seul groupe demeure sans changement, mais il est pos-
sible de voir des cas dans lesquels une crise a le caractère schizophrénique,
tandis que la suivante a la symptomatologie de la maniaque dépressive. En
dernier lieu il y a aussi des cas où les caractères de l'épilepsie font leur appa-
rition : irascibilité extraordinaire, ou affaiblissement intellectuel marqué.
La dysrégulation sur le type Hasselbach-Bisgaard s'est rencontrée deux fois
dans les états épileptiques.
Dans la descendance des individus sains de ces familles, qui ont des frères
ou sœurs atteints de psychoses atypiques, peuvent survenir des psychoses à
formes combinées.
S'appuyant sur ce fait qu'un état maniaco-dépressifcompliqué d'une ascen-
dance schizophrénique a plus de chance de provoquer dans la descendance la
multiplicité des cas de schizophrénie que l'union de la schizophrénie avec une
ascendance saine, l'auteur estime que la maniaque-dépressive et la schizo-
phrénie n'existent peut-être pas complètement indépendantes l'une de l'autre.
H. CLAUDE.
%

G. BOURGUIGNON. La Chronaxie chez l'homme. Etude de physiologie


générale (normale et pathologique) des systèmes neuro-musculaires et sensi-
tifs. Paris, Masson, édit., 1923. Volume de 417 pages.)
On ne saurait trop attirer l'attention sur la grande portée doctrinale et
pratique de l'important travail de M. Bourguignon, dont les principaux résul-
tats sont, d'ailleurs, connus de beaucoup de neurologistes. Ceux-ci, nous le
résumerons plus loin, d'après l'auteur lui-même, mais auparavant, qu'il nous
soit permis de souligner deux points qui ont particulièrement attiré notre
attention. Le neurologiste anglais F. M. R. Walshe écrivait récemment que
l'étude des maladies du système nerveux ne saurait entrer dans une voie scien-
tifique que du jour où on tiendrait davantage compte des données de la
physiologie expérimentale. Or, à ce point de vue, nous ne connaissons pas de
travaux qui réalise de façon plus complète ce vœu. Bourguignon a en effet,
montré que la mesure de la chronaxie sur un sujet entier, à travers les tégu-
ments peut se faire avec les mêmes précisions que sur les organes isolés, et
le professeur Lapicque, comme nous l'apprenons dans la préface, s'est incliné
devant la précision et la rigueur de ses expériences.
En second lieu, les travaux sur la chronaxie, en appelant l'attention sur les
systèmes neuro-musculaires et, en dernière analyse, sur les phénomènes
synoptiques, paraissent bien inaugurer, en France du moins, une ère nou-
velle, en détournant l'attention de la considération exclusive de la morpho-
logie cellulaire et de son anatomie pathologique. C'était là l'opinion qui nous
fut maintes fois exprimée par le regretté professeur Morat (de Lyon). Enfin il
ne faut pas oublier que la donnée numérique, introduite par la notion de
chronaxie, et la possibilité de l'établissement de l'évolution d'un phénomène
sous forme numérique et sous forme graphique est une .acquisition méthodo-
logique d'une grande valeur en médecine (Bouchard).
Voici maintenant quelques-unes des acquisitions les plus intéressantes pour
la neurologie, qu'on peut relever dans ce livre :
1° La loi de l'isochronisme du nerf moteur et du muscle est démontrée par
la pathologie humaine, comme par les expériences avec la strychnine ou le
mercure. L'étude de la régénération après section et suture des nerfs montre
que le retour des mouvements volontaires est contemporain du retour de
l'excitabilité par le nerf, conditionné lui-même par le retour de l'isochronisme
du nerf et du muscle.
2° La chronaxie classe les muscles de l'homme et leurs nerfs moteurs
suivant leurs fonctions, en sorte que les nerfs synergiques d'un même mouve-
ment ont une même chronaxie; dans une même fonction, la chronaxie des
muscles distaux est plus grande que celle des muscles proximaux. La patho-
logie, en détruisant dans certains cas des isochronismes normaux, et en en
produisant d'anormaux, fait disparaître des synergies normales et en fait appa-
raître d'anormales.
3° L'attitude des membres au repos est en relation avec le rapport de la
chronaxie des muscles antérieurs à celle des muscles postérieurs. Il en est Je
même en pathologie, et au cours du développement chez le nouveau-né. Il y
a donc une relation à préciser entre le tonus et la chronaxie.
4° Les nerfs de sensibilité générale ont la même chronaxie que les nerfs
moteurs et les muscles de la même région. La chronaxie groupe donc tout le
système nerveux périphérique en systèmes sensitivo-moteurs, caractérisés par
la même chronaxie, qui est elle-même sous la dépendance des fonctions des
muscles du système. Les fonctions musculaires paraissent donc être le centre
d'organisation de. tout le système sensitivo-moteur périphérique. La constitu-
tion de ces groupes sensitivo-moteurs par la chronaxie rend compte en partie
des réflexes, au moins de certains d'entre eux.
5° Les nerfs sensoriels ont une chronaxie plus grande que les systèmes
-sensitivo-moteurs.
6° En pathologie, on peut classer les modifications de la chronaxie en
-deux groupes :
a) Celles qui dépendent des lésions ou troubles fonctionnels du nerf moteur
et du muscle.
b) Celles qui dépendent de lésions ou de troubles fonctionnels sur des
neurones en rapport fonctionnel avec le neurone moteur périphérique.
io Toute lésion d'un neurone quelconque peut retentir sur la chronaxie
des neurones moteurs périphériques avec lesquels il est fonctionnellement
associé.
2° Les répercussions s'observent non seulement dans les lésions en acti-
vité, mais aussi dans les troubles fonctionnels, comme peuvent en produire
les troubles circulatoires (expériences de compression).
3° Les atrophies réflexes sont un cas particulier de cette loi générale,
qu'on peut appeler la c loi des répercussions ».
On devrait donc étendre, en pathologie, le sens du terme « réflexe » et dési-
gner sous ce nom toutes les répercussions; que leur point de départ soit dans
le neurone sensitif périphérique ou dans les neurones moteurs centraux.
7° Les répercussions montrent le lien étroit qui unit toutes les parties com-
posant une région, depuis l'os jusqu'à la peau; une région forme un tout
physiologique caractérisé par le même temps physiologique.
8° a) Dans les mouvements de nature dite extra-pyramidale, la chronaxie
motrice périphérique reste normale; b) Dans le cas de contraction ou de rigi-
dité musculaire, le rapport de la chronaxie des muscles contracturés aux
muscles non-contracturés est plus grand que normalement.
go La chronaxie permet de dresser des courbes d'évolution très précises
des maladies ou blessures neuro-musculaires.
10° Tout le fonctionnement général du système nerveux paraît reposer, *

tant à l'état normal qu'àl'état pathologique, sur l'équilibre des chronaxies.


La première partie de ce beau livre, qui fait le plus grand honneur au
Laboratoire de physiologie de la Sorbonne, où il a été primitivement conçu,
et qui non seulement confirme, mais étend, de façon originale, les travaux de
Lapicque, est uniquement consacrée, après un bref exposé des lois d'excitation
et de la chronaxie, à l'exposé critique des techniques.
R. MOURGOE.

Ch. de MONTET et H. BERSOT. Psychologie et Développement, de l'en-


fance à la vieillesse. Essai de recherches collectives. (Ernest Bircher, édi-
teur, Berne.)
Les auteurs apportent dans cet ouvrage les résultats que leur a fournis une
vaste enquête sur le sujet: « Quel est le rôle de l'argent dans la vie? » Ils se
sont adressés aux petits enfants, aux adolescents, aux adultes, aux vieillards...
et, par la collation de ces quelques milliers d'observations, ils montrent com-
ment, au fur et à mesure que l'âge avance, la conception que l'individu se
fait de l'argent se modifie et évolue. De la conception la plus simpliste et la
plus primitive jusqu'à la conception la plus développée, tous les intermédiaires
•se rencontrent, et en parvenant à une vue d'ensemble de ces stades de déve-
loppement de l'esprit, les auteurs établissent les caractères et les lois de l'évo-
lution de la pensée humaine.
Mais ce livre poursuit en même temps un autre but, car les auteurs, en
bonne logique, ont englobé dans leurs recherches l'évolution de la mentalité
de l'observateur lui-même. Cette œuvre représente donc une contribution
importante à la critique de la connaissance, en révélant au chercheur le rôle
de sa propre psychologie, de ses propres partis pris dans les constatations
qu'il fait et en lui exposant l'effort accompli par les auteurs, en vue de se
libérer de la subjectivité.
R. MOURGUE.
ALEXANDER, MARBURG et BRUNNER. Traité de Neuro-Otologie,
Tome 1: vol. i, pp. i à v et i à 699, vol. 2, pp. i à xiv et 700 à 1186.
(Urban et Schwarzenberg éditeurs, Berlin et Vienne, 1924.)
Il s'agit d'un ouvrage considérable, dont le premier tome seul est paru,
soit deux volumes formant un total de près de 1 200 pages. Sous la direction
des trois médecins viennois, une quarantaine de spécialistes autrichiens,
allemands et hollandais étudient l'anatomie et la physiologie nerveuses de
l'oreille et traitent tour à tour tous les chapitres de la pathologie qui peuvent
avoir un rapport avec la neuro-otologie.
Un tel programme est fort vaste, et c'est ainsi qu'on trouve, à la partie
physiologie, tout un chapitre de psychologie musicale, que le livre contient
une étude approfondie et indépendante de la psychologie du cervelet, que les
pages consacrées à l'anatomie pathologique contiennent un chapitre con-
sacré aux aspects pseudo-pathologiques des préparations histologiques, etc...
Dans la partie clinique on annonce, à côté des chapitres classiques, des études
sur la participation du système neuro-végétatif aux maladies de l'oreille, sur
les affections nerveuses de voisinage (territoire du V et du VII) sur l'atteinte
des appareils cochléaire et vestibulaire dans les syndromes dystoniques. Parmi
les névroses, seront étudiées la migraine, l'épilepsie, les névroses otogènes,
l'hystérie, le tic de Salaam, les troubles endocriniens d'origine ou à partici-
pation otique. Les réflexes toniques de la tête seront analysés par Magnus et
de Kleijn.
L'ouvrage renferme une bonne et abondante iconographie, une riche
bibliographie. Les auteurs préparent un «Traité de Neuro-Rhinologie » et un
«
Traité de Neuro-Laryngologie. »
P. SCHIFF.

ANALYSES

A. Neurologie
DOMINGO SAN CHEZ y SAN CHEZ. L'Histolyse dans les centres nerveux
des insectes ( Travaux du Laboratoire de recherches biologiques de V Univer-
sité de Madrid; tome XXI, n° 3-4, décembre 1923, p, 384.)
Bien que, en apparence, assez éloigné des préoccupations qui obsèdent les
histo-pathologistes du système nerveux de l'homme et qui sont relatives au
processus si complexe de la désintégration des éléments cérébraux-spinaux,
M. Sanchez y Sanchez se rattache cependant à la lignée des Nissl, des
Nageotte, des Alzheimer parla méthode d'observation analytique méticuleuse
des faits histologiques.
Sans doute le présent mémoire, d'une réelle portée générale, apparaît un
peu en marge du cadre de la neurologie classique, mais, par les idées biolo-
giques qui s'en dégagent, il est riche d'enseignements.
Encore que, pendant longtemps, l'opinion ait prévalu que, à travers les
différentes transformations des insectes, l'histolyse ne se réalisait pas, non
plus d'ailleurs que l'histogénèse, puisqu'on supposait que les organes adultes
devaient être comme condensés en miniature dans les organes larvaires, on
voit aujourd'hui que l'histolyse est un phénomène constant ainsi que son
corollaire : l'histogénèse du tissu nerveux. Grâce à l'histolyse, les éléments
nerveux inutiles aux besoins du nouvel organisme disparaissent, et, par le
processus histogénétique, se construisent de nouveaux centres percepteurs et
associatifs qui permettront à de nouvelles fonctions de s'accomplir.
Par quelles modifications tissulaires s'effectuent les modifications métamor-
phiques? Tel est le problème, auquel principalement s'attache rauteur. Chez
les chenilles de Pieris recueillies pendant la phase de suspension, on constate
que certains territoires des ganglions céphaliques sont pauvres en cellules et
même sont parsemés de plages décolorées ou complètement vides de tout
élément figuré. L'observation attentive montre que, dans certains de ces
interstices, apparaissent les granulations cosméphiles ou des corps granuleux
plus complexes. Et, comme l'on peut s'assurer de tous les degrés de transi-
tion entre les plages où le tissu nerveux se montre décoloré et les interstices
que nous venons de rappeler, il semble bien que l'on soit en droit d'admettre
qu'il s'agit ici d'un processus histolytique continu.
Ce processus, d'ailleurs, correspond exactement à celui que l'on a déjà
observé dans d'autres tissus et en particulier dans les épithéliums, les muscles,
l'appareil digestif et le système glandulaire.
Comment se réalise cette histolyse, quels en sont les agents provocateurs?
En l'état actuel, il n'est pas possible de répondre à toutes les questions que
pose ce problème. Et M. Sanchez y Sanchez se limite à préciser les variétés
d'éléments cellulaires qui, en vertu de leur propriété phagocytaire, s'attaquent
aux cellules histolysées et destinées, par conséquent, à être résorbées.
La première variété cellulaire consiste en des corps granuleux, leucocytes
doués d'une grande activité phagocytaire et que l'on pourrait désigner par le
terme de macroneuro-phagocytes. Après s'être littéralement gorgés des débris
des cellules nerveuses lysées, ces phagocytes subissent, eux aussi, un proces-
sus de désintégration par lequel leur protoplasme éclate et s'effrite, mettant
en liberté dans les interstices tissulaires les granulations de leur cytoplasma.
A côté de ces phagocytes, il en existe d'autres qui ne répondent pas à la
même origine, cellules polyédriques, de contenu pâle très différent, on le voit,
des éléments précédents. Celles-ci semblent dériver des cellules fixes du tissu
nerveux et n'être autres, en réalité, que des éléments névrogliques mobilisés
en vue d'une fonction phagocytaire.
Enfin, outre les corps granuleux et les phagocytes névrogliques,d'autres
éléments interviennent encore dans le processus histolytique : les leucocytes
granuleux polynucléaires. Tous ces éléments de morphologie différente pré-
sentent un caractère commun : la possibilité d'entrer en action pour englober
les débris abandonnés par les cellules nerveuses vouées à la dissolution par
les nécessités de la métamorphose.
On ne peut qu'être frappé par la ressemblance si étrangement frappante
entre le processus histolytique des centres nerveux des insectes en métamor-
phose et le processus que nous voyons si souvent se dérouler dans les centres
nerveux privés de leur apport nutritif.
Aussi bien dans le premier que dans le second cas, à la dissolution des
cellules nerveuses fait suite l'inmigration, au sein des territoires dégénérés,
des leucocytes polynucléaires, des corps granuleux ainsi que la réaction sou-
vent très vive des cellules névrogliques engluées dans le syncytium de Held.
Le processus histolytique apparaît donc régi par une grande loi biologique,
laquelle s'applique aux invertébrés comme aux mammifères les plus évolués'
J. LHERMITTE.

JOSÉ MARIA DE VILLAVERDE. Les connexions commissurales des


régions postérieures du cerveau du lapin. (Travaux du Laboratoire de
recherches biologiques de l'Université de Madrid, publiés par Ramôny Cojal
Fasc. l-II, juin 1924, page 99.'"
Il s'agit d'une étude expérimentale destinée à préciser chez le lapin, les
principales connexions commissurales de la région cérébrale postérieure.
Après trépanation préalable, l'auteur a détruit, en un point différent pour
chaque animal, la zone postérieure d'un des hémisphères cérébraux. Quinze
jours après l'intervention, le lapin est sacrifié. Les coupes sont colorées par la
méthode de Marchi. Pour localiser les coupes, de Villaverde les rapproche des
planches de l'atlas de Winkler, pour en étudier les détails cyto-architectoniques
il se rallie à la nomenclature de Brodman.
La situation des lésions, différente suivant les cas, ne permet évidemment
pas de grouper exactement les résultats obtenus. Les expériences ont permis
cependant de reconnaître l'existence dans la zone postérieure d'un système
commissural des plus complexes. Dans la partie de l'écorce rétrospléniale,
les fibres dégénérées sont surtout visibles dans l'aire 29 d de Brodman.
Elles viennent de la substance blanche sous-jacente, rayonnent en éventail,
traversent la lame infrastriée et la strie interne de Baillarger et se rendent à
la strie externe de Baillarger, où elles paraissent s'accumuler et changer de
direction. Très peu d'entre elles arrivent jusqu'aux régions superficielles de
l'écorce. L'aspect de l'hémisphère non directement lésé permet de se rendre
compte que les fibres commissurales de cette région sont à la fois directes et
croisées. A l'encontre de l'affirmation de Valkenburg, l'auteur estime, ainsi
que le fait d'ailleurs Ramon y Cajal, que l'aire striée de Brodman (aire 17)
contient des fibres commissurales situées dans la moitié profonde de l'écorce,
mais dont on ne peut préciser si elles sont directes ou croisées. Entre
l'aire 29 d et l'aire striée, l'aire 18 contient de nombreuses fibres cal-
leuses, en majeure partie croisées, mais dont le trajet n'a pu être suivi avec
exactitude.
Ces constatations fort intéressantes demandent, selon l'avis de l'auteur, à
être vérifiées par des expériences ultérieures.
S. SCHIFF-WERTHEIMER.
ROGERS. Les relations entre les lésions du tronc cérébral, l'élimination
d'eau et la température corporelle. (Amer. Jour. of Psyc/ziatry,oct. 1923,
p. 284.)
L'A. a constaté, après destruction de la couche optique chez le pigeon,
l'hypophyse étant soigneusement respectée, qu'il apparaît de la polyurie,
avec perte de poids immédiate consécutive, et l'on observe la suppression du
mécanisme régulateur de la température du corps. L. CORNIL.

D. O. RIDDEL et R. M. STEWART. Les variations de pression du liquide


céphalo-rachidien. (Communication à la section Nord-et-Centre de l'Associa-
tion Médico-psychologique de Grande-Bretagne et d'Irlande, octobre 1923,
in The Journal of Alelltal Science. Vol. LXX, avril 1924, p. 224.)
Après quelques considérations théoriques sur la circulation du liquide
céphalo-rachidien, les auteurs apportent les résultats de leurs recherches
personnelles touchant la pression de ce liquide au cours de diverses maladies
mentales. Ils effectuent la ponction lombaire en position couchée et leurs
mesures sont faites au moyen du manomètre à eau de Eve. Riddel et Stewart
insistent sur le fait que, même si le patient reste tranquille durant la recherche,
la seule douleur de la piqûre suffirait à donner un chiffre dont l'élévation est
purement factice. C'est ainsi que, dans un cas, ils auraient obtenu une pres-
sion initiale de 520 millimètres qui serait tombée immédiatement après à
155 millimètres.
Les auteurs déclarent se rallier à l'opinion de Pfaun(-Iler et considérer
comme normal le chiffre de 100 à 155 millimètre d'eau en position couchée,
tête non fléchie. Dans les différentes affections psychiatriques, les chiffres
trouvés ont été les suivants :
«
Imbéciles en bonne santé physique
Démence précoce catatonique
D
.... 100 à i5o mm. d'eau.
170 à 1S0 —
Idiotie avec lésions cérébrales importantes.. 2-;0 »
Paralysie générale 3oo »
Paralysie générale cachectique 100 ou au-dessous
Syphilis cérébrale chiffres fortement augmentés
Épilepsie — —
Démence d'origine organique, avec lésions
cérébrales importantes — —
Psychose maniaque dépressive à la phase
mélancolique ................. chiffres faiblement augmentés
Dans une seconde partie de leur travail, les auteurs ont contrôlé chez des
paralytiques généraux les travaux de Weed et l'lac Kibben sur l'hypotension
rachidienne observée à la suite d'injections salines hypertoniques. Une ponc-
tion lombaire est pratiquée, et l'aiguille, munie de son manomètre, laissée en
place pendant trois heures après que toutes précautions aient été prises pour
éviter un écoulement du liquide. Riddel et Stewart procèdent à une perfusion
intraveineuse 5o cm3 de sérum à 3o p. 100 de NaCl immédiatement après la
première lecture et ils lisent ensuite, de 5 minutes en 5 minutes, les chiffres de
la pression intra-rachidienne. Ils observent ainsi une chute de pression de
100 millimètres dans la paralysie générale au début, alors que dans la paraly-
sie générale avancée les variations de pression sont très faibles.
Les auteurs concluent que la pratique des purgations salines chez les
aliénés leur est favorable non seulement par l'action sur la stase intestinale,
mais aussi par l'hypotension rachidienne et la décompression cérébrale
qu'elle entraîne. P. SCHIFF.

MAXWELL E. MACDONALD et STANLEY COBB. Modifications de la pression


intracranienne pendant les convulsionsexpérimentales. (The Journal of
Neurology and Psychopathology, novembre 1923, p. 228-235.)
En pratiquant des injections intraveineuses de thuyone (principal actif de
l'absinthe), les auteurs ont provoqué chez l'animal des convulsions épilepti-
formes, et en étudiant les modifications de la pression du liquide céphalo-
rachidien, ils ont constaté une légère chute précédant le début de l'attaque,
puis une élévation durant la crise. Coïncidant avec la chute, il y a pâleur et
rétraction du cortex, suivie par de la congestion marquée et de la turgescence.
La courbe de la pression du liquide céphalo-rachidien suit en général celle
des pressions artérielle et veineuse périphériques.
Trois cas cliniques inédits dus à Mella, Mixter, Solomon sont rapportés
par les auteurs et viennent confirmer la similitude des précédentes constata-
tions au cours de la crise épileptique chez l'homme.
Lucien CORNIL.

OBARRIO. Idiotie amaurotique familiale. (Clinica Psichopedagogica, Bue-


nos-Aires, octobre 1913, n° 3.)
L'auteur rapporte avec détails l'observation clinique d'un cas d'idiotie
amaurotique familiale. Il s'agit d'un enfant né à terme, et qui fut examiné la
première fois à l'âge de neuf mois. A cet âge, l'enfant n'était pas capable de
reconnaître sa mère, alors que les enfants normaux présentent des manifesta-
tions d'affectivité pour la personne qui les allaite dès l'âge de trois mois envi-
ron. En outre l'impossibilité d'attirer l'attention, une hypotonie musculaire
généralisée confirmèrent le diagnostic d'idiotie. L'examen du fond de l'oeil
révélait la présence d'une opacité blanc bleuâtre avec au centre une tache
arrondie de teinte rouge foncée correspondant à la macula. En somme, le dia-
gnostic d'idiotie amaurotique familiale s'imposait, malgré l'état de bonne
santé d'un frère aîné. Le pronostic fatal^ie l'affection fut confirmé, car le petit
malade mourut à l'âge de dix-sept mois.
LAUZIER.

B. Psychiatrie
MENDICINI et SCALA. Étude bio-chimique sur la mélancolie. (Rivista
sperimentale di freniatria, 3l décembre 1923.)
Les auteurs ont constaté dans tous les tissus une concentration de l'ion-
hydrogène supérieure à la normale. Cette concentration amène une rétention
anormale de NaCl. A toute rétention anormale de NaCl ou de tout autre
sel analogue répond une libération d'HCL qui se dissocie. L'élimination
de l'acide phosphorique et des phosphates par les urines rend libres des
ions-H. Cette élimination peut servir de mesure au trouble du métabolisme
minéral et de l'élimination des réserves alcalines de l'organisme, par consé-
quent de l'acidité anormale du milieu intérieur. Il s'agit donc ici d'une
théorie chimique de la mélancolie et de la psychose maniaco-dépressive
qui rappelle celle de Régis et Chevalier-Lavaure,mais qui bénéficie de tous
les travaux modernes sur la physique moléculaire et la chimie biologique.
L. WAHL.

GEORGE W. HENRY. Quelques études radiologiques sur l'état du tractus


gastro-intestinal dans ses rapports avec les troubles mentaux. (The Arne-
rican Journal of Psychiatry, avril 1924, p. 680.)
Il existe, de toute évidence, des relations très importantes entre le fonc-
tionnement du tube digestif et beaucoup de manifestations psychiques (émo-
tions, réactions émotionnelles). L'auteur a pratiqué, chez cent malades atteints
de maladies mentales les plus variables, l'examen radiologique complet du
tube digestif. Cet examen montre, au cours d'un certain nombre de troubles
mentaux, des modifications de la tonicité et des perturbations dans la rapidité
du transit gastro-intestinal : c'est ainsi que les états d'excitation, les états
maniaques, s'accompagnent d'une hypertonie du tube digestif et d'un transi
accéléré. Au contraire dans les états de dépression, dans la mélancolie, on
constate le plus souvent un estomac et un intestin atones, ptosés, la circulation
intestinale est extrêmement ralentie. Dans la démence précoce, dans les formes
avec catatonie, on observe une position élevée des viscères, avec une bonne
tonicité, mais avec une diminution de leur contractilité et de leur motilité (il
s'agit, en somme, d'un état viscéral analogue à l'état musculaire). En somme
des modifications viscérales bien définies sont associées à un certain nombre
de psychoses et traduisent souvent des perturbations du système nerveux
organo-végétatif.
H. BARUK.

BERTOLINI et RIETI. Un réflexe de flexion plantaire des quatre derniers


doigts étudié dans les maladies mentales. (Rassegna di studi psichiatrici,
novembre-décembre 1923.)
Dans les maladies mentales dans lesquelles il n'existe pas de lésions cons-
tatables du faisceau pyramidal, il existe parfois un réflexe anormal consistant
dans la flexion plantaire des quatre derniers doigts. On le provoque en per-
cutant certaines zones du membre inférieur : l'union du tiers moyen et du
tiers inférieur de la jambe côté externe ou interne, la malléole interne (face
inférieure), la malléole externe, le ligament rotulien comme lorsqu'on
recherche le réflexe patellaire, la crête tibiale sur toute sa longueur, lorsque
l'on comprime la jambe à son tiers inférieur (manœuvre de Gordon). Ce signe
n'est pas le même que celui de Mendel-Bechterew : il est plus fréquent dans
les maladies mentales à lésions organiques que dans les forme purément
fonctionnelles et s'accompagne de l'exagération des réflexes tendineux. Il n'est
pathognomonique d'aucun syndrome spécial.
L. WAHL.
H. CRISTOFFEL (Bâle). Sur la névrose cardiaque. (Schweirerisclze-Medi-
pnische Woclzellschrift, 1924, n° i3.)
La névrose cardiaque relève tout autant de la neuropsychiatrie que de la
pathologie interne, d'autant plus que des symptômes organiques et des sym-
ptômes psychogènes existent bien souvent côte à côte. D'autre part, il ne suf-
fit pas de constater qu'un trouble est d'origine nerveux, il faut encore savoir
le traiter.
Un rapport étroit entre la névrose cardiaque et des troubles sexuels fut
admis, bien avant et indépendammentde la psychoanalyse (Kraus, Oppenheim
et d'autres). La psychoanalyse a confirmé cette façon de voir, en montrant
qu'il s'agissait presque toujours de conflits, déterminés par des désirs sexuels,
d'une part, et des tendances contraires, de l'autre.
Au point de vue thérapeutique il importe de fournir au malade une preuve
irréfutable que son cœur est capable d'un rendement normal. Les sports et
les exercices physiques s'y prêtent tout particulièrement. En même tçmps, on
cherchera à mettre à jour les causes psychologiques de la névrose. Bien sou-
vent une analyse psychologique superficielle est suffisante. Dans d'autres cas
une psychoanalyse en règle devient nécessaire.
Des observations sont citées à titre d'exemples.
E. MINKOWSKI.

F. L. WELLS et HELEN A. A. MARTIN. Une méthode d'examen de la


mémoire, applicable aux cas pàthologiques. (American JOllnzal of Psy-
chiatry, vol. HI, 1923, n° 2, p. 243-258.)
Les auteurs proposent une échelle de i3 tests pour l'étude de la mémoire :
1° 6 questions relatives aux renseignements personnels (nom, âge. lieu de
naissance, etc.); 2° 5 questions d'information courante (nom du président, etc.);
3° 5 questions relatives aux connaissances scolaires (capitale du pays, etc.);
40 nomination des lettres de l'alphabet; 5° comptage à rebours; 6° test de
substitution; 70 répétition immédiate des phrases; 8° répétition immédiate des
chiffres; go connaissances courantes (indiquer l'état auquel appartiennent
10 villes connues d'Amérique); 10° apprentissage de mots associés (un nom
du couple étant inconnu, l'autre étant familier); 11° répétition, en ordre
inverse, de plusieurs séries de chiffres donnés; 120 nomination de 10 objets
usuels; i3° reconnaissance d'images complexes.
On attribue des points pour une réponse correcte en tenant compte de sa
rapidité; on pénalise pour les erreurs. Le maximum est de 185 points, le
résultat courant chez les normaux est de 127. Voici les résultats chez des
malades, les valeurs indiquant le pourcentage par rapport à la normale :
Nombre Moyenne
Diagnostic, de cas. des pourcentages.

Séniles 8 53
Schizophrènes... J5 82
Débiles mentaux 6 52
Paralysie générale 10 68
Psychologie maniaque dépressive ... 6 74
Les tests de noms associés, de substitution et de répétition de phrases se
sont montrés les plus significatifs. Dans la répétition immédiate des phrases,
les schizophrènes ont fourni des résultats qui sont de 20 p. ioo au-dessus de
la moyenne des normaux. Outre le nombre total des points, les résultats de
chaque sujet sont représentés graphiquement au moyen d'un profil.
On pourrait présenter quelques critiques relatives au choix des tests et à la
notation des résultats. On ne saurait néanmoins méconnaitre la valeur des
efforts poursuivis par F. L. Wells, directeur du laboratoire de psychologie à
l'Asile d'aliénés de Boston où l'on applique systématiquement les méthodes
de psychologie objective à la clinique psychiatrique.
D. WEINBERG.

SANCTE de SANCTIS. Dysthymie infantile. (Revista de crimillologia de


Buenos-Aires, 9 novembre-décembre 1923.)
La dysthymie s'explique par un réflexe sympathico-psychique provoqué
par une excitation morbide au niveau des viscères, des ganglions sympa-
thiques ou des centres végétatifs du cerveau. Les formes cliniques en sont
f modifiées par les dispositions cœnesthésiques des sujets d'origine hérédi-
taire ou constitutionnelle. On les rencontre chez les enfants épileptoïdes,
chez ceux ayant de la dépression avec idées de suicide, les dipsomanes, les
kleptomanes, les graphorrhéiques. Le dysglandularisme, surtout chez les
phrénasthéniques, en est un facteur étiologique important. Le dermogra.
phisme, la tachycardie, les alternatives de rougeur et de pâleur, l'atonie
intestinale le prouvent ; jamais, dans ces cas, on n'observe de véritable
lypémanie. Parfois les réactions de ces sujets sont antisociales ou encore
scrupuleuses à l'excès. L'hyperthymie explique aussi bien les excitations
chroniques que la prostitution ou la criminalité des jeunes sujets; la médi-
cation par les extraits d'organes est indiquée; le bromure échoue constam-
ment. L. WAHL.

SERENI. Contribution à l'analyse de l'écriture en miroir. (Rivista di


psicologia, juillet-décembre 1923. Bologne.)
L'auteur propose une nouvelle interprétation de ce phénomène. Les
individus qui écrivent en miroir sont toujours des gauchers : chez eux il y
aurait fusion des deux images visuelles avec prédominance de celle de l'œil
opposé : ce qui tend à le prouver, c'est la possibilité constante qu'ont ces
sujets de lire ce qui est écrit en miroir; donc, si rien ne vient à troubler les
phénomènes, c'est l'écriture en miroir qui est spontanée et l'écriture normale
qui est secondaire, les engrammes sont fixés dans les centres spéciaux sous
la forme spéculaire et c'est sous cette forme qu'ils s'extériorisent.
L. WAHL.

J. M.SACRISTAN. Sur un processus hallucinatoire réflexe. (Archives de


neurobiologia, Madrid, iv, 2, 1g:.q.)
Dans la schizophrénie que l'auteur rapporte, la malade voyait avec c les
yeux de l'imagination » les figures de deux médecins (pseudo-hallucinations);
d'autres fois, à l'occasion de paroles réellement prononcées par certaines
femmes et certains hommes, elle éprouvait des douleurs dans la moitié gauche
du corps,de l'insensibilité de la moitié gauche de la tête; le tout se terminant
par l'orgasme vénérien: c'est ce que Bleuler appelle « des sensations sexuelles
transformées et transférées. » Cette malade appartiendrait donc au type n° 2 de
Rorschach, processus hallucinatoire de l'ouïe avec phénomène de kinesthésie
et de cœnesthésie modifiées. Dans certains cas, le phénomène primaire est
aussi une hallucination d'où le syndrome hallucination d'un sens, pseudo-
hallucination, obsession, synesthésie, image de souvenir, facteurs d'adaptation.
Pour Rorschach ces états sont dus à des déplacements des localisations senso-
rielles habituelles conditionnées par des facteurs somatiques et. psychiques
autrement dit par l'entrée en scène de voies anormalement associées à une
activité sensorielle. Sacristan cherche à interpréter ce fait par la méthode de
Bleuler. L. WAHL.

D. L CIAMPI. La classification et la nomenclature dans le plan de l'as-


sistance des anormaux psychiques. (Clinica psicho-pedagogica, août-
septembre 1023.)
10Médicalement parlant, beaucoup de ces enfants sont des malades
(céphalée des adolescents, chorée, scléroses, syphilis héréditaire); 2° beau-
coup sont des névropathes ou des psychopathes graves (épilepsie, démence
précoce, excitation ou dépression, hystérie neuro-psychasthénie,bégaiement);
3° beaucoup appartiennent au groupe bien homogène des idiots et des
imbéciles; 40 d'autres présentent de remarquables troubles du caractère ou
de la conduite, sont hypersuggestibles, enclins au mal, à la délinquence;
5° d'autres n'ont que de légers troubles névrosiques, un léger déficit intel-
lectuel ou de faibles écarts de caractère; enfin un sixième groupe est formé
des instables nerveux. Bien entendu, les faux anormaux ne sont point com-
pris dans cette classification.
L. WAHL.
HERMILIE VALDEZAN. Paralysie générale sans démence. (Revista de
psiqlliatria y disciplinas conexas ; Lima, janvier 1924.)
Ce malade a été amélioré par l'inoculation du paludisme suivant la
méthode de Wagner von Jauregg et traité par le néo-salvarsan. A ce propos,
l'auteur rapporte que Benvenuto Cellini, atteint de graves accidents syphili-
tiques, contracta le paludisme et guérit rapidement. Il avait été traité exclu-
sivement par le gaïac qui, comme on le sait, est sans action sur la syphilis.
L. WAHL.
I. PATINI. Psychologie expérimentaleou simplement psychologie. (Rivista
di psicologia, juillet-décembre 1923 Bologne.)
L'auteur termine son travail par le vœu suivant : que la psychologie
échappe dans l'enseignementuniversitaire à l'étroit horizon que la direction
expérimentale, tend à lui imprimer et reçoive toute l'extension et l'importance
qu'elle est susceptible de comporter.
L. WAHL.

Le Gérant : G. DELARUE.
MÉMOIRES ORIGINAUX

L'ENCÉPHALITE PÉRIAXIALE DIFFUSE


TYPE SCHILDER
(Avec deux planches hors texte)

PAR

Le Professeur C.-I. URECHIA


S. MIHALESCU et N. ELEKES

Dans le cadre lâche et peu précis des scléroses soi-disant diffuses de


Heubner, Schilder a cherché et réussi à séparer un groupe qu'il a dénommé
encephalitis periaxialis diffusa. L'affection décrite soit sous ce nom, soit
sous le nom de sclérose diffuse, ne constitue pour le moment — étant donné
le nombre très réduit de cas — qu'un groupe provisoire, ayant encore de
nombreux points non éclaircis. Les cas publiés jusqu'ici dans la littérature
sont très peu nombreux et quelques-uns n'ont pas été étudiés avec assez
de détails ni avec une technique histologique moderne.
Dans le cas de Rossolimo il s'agissait d'un enfant de seize ans qui avait,
à l'âge de trois ans, souffert d'un traumatisme assez considérable. La maladie
a commencé par des troubles de la parole et des lésions en foyer paralysies
des nerfs craniens, nystagmus, parésie spastique, troubles de la sensibilité,
céphalées, vertiges, rire explosif, incontinence, apathie, faiblesse intellec-
tuelle. L'auteur considère la maladie comme une transition entre la sclérose
disséminée et le gliome.
Ceni. Enfant de neuf ans. Traumatisme sur la tête dans les antécédents.
La maladie a commencé par une légère diminution intellectuelle, des troubles
de la vue et des phénomènes en foyer tremblements des membres, nystag-
mus, amaurose, troubles du langage, des réflexes et de la sensibilité, mou-
vements fébriles, ataxie, céphalée, contracture et tremblements intention-
nels. Mort par gangrène pulmonaire.
Beneke publie un cas, sans observation clinique, chez un enfant âgé de
vingt mois.
Haberfeld et Spieler. Enfant de sept ans. Trois sœurs du patient sont
mortes d'une maladie identique. La maladie a commencé par des troubles
de la vue et une paralysie des nerfs moteurs oculaires, ainsi que par des
transpirations abondantes et des troubles de la parole et de la motilité. Un
peu plus tard sont apparus des contractures, un mouvement fébrile, les
pupilles sont devenues rigides, il y eut de l'ataxie, des tremblements inten-
tionnels, une paralysie des membres inférieurs et des nerfs craniens, un
signe de Babinski. Ponction lombaire négative. Troubles de la mimique.
Rigidité. Mort par pneumonie.
Schupfer publie un cas chez un enfant de onze ans, qui a évolué aussi
avec de nombreux phénomènes en foyer et un mouvement fébrile. L'histo-
logie est très sommaire et ne permet d'affirmer si la maladie appartient
ou
non à la sclérose diffuse.
Schilder. Cas d'une fillette de quatorze ans ; l'affection a commencé par
des troubles de la vue et du changement de caractère ; céphalée, nausées,
vertiges. La réaction de B.-W. est positive dans le sang de la mère et de la
fille. Dans le liquide céphalo-rachidiende la fille, la réaction de Nonne-Appelt
et la lymphocytose sont légèrement positives, le B.-W. négatif. Diminution
progressive de l'intelligence. Après quelque temps, on a constaté des troubles
en foyer parésie du moteur oculaire externe gauche, parésie du facial,
hémiparésie droite, etc., qui ont évolué progressivement. Plus tard encore,
on constate de la rigidité faciale et des contractures. Le même auteur reprend
en 1919 l'étude détaillée du cas publié par Haberfeld et Spieler.
Redlich publie un cas où l'on observe céphalée, hémiparésie, hémianes-
-
thésie, hémianopsie et amnésie.
Jakob publie un cas chez un adulte de trente-cinq ans, cas qui a évolué
d'une manière relativement aiguë, avec des phénomènes confusionnels, des
troubles du langage, des troubles dela marche, une exagération des .réflexes,
un signe de Romberg, des troubles pupillaires, des accès convulsifs. Durée
d'une année.
Stauffenberg publie un cas chez un adulte de vingt et un ans, qui pré-
sentait des phénomènes en foyer parésie spastique, troubles de la sensibi-
lité, agnosie optique, papillite, mouvements fébriles, hypothermie légère et
variable. Albuminose et lymphocytose rachidienne. Troubles du caractère
et troubles psychiques. Convulsions cloniques, signe de Babinski, rire bul-
baire, rigidité des membres. La maladie dura quatre ans.
Marie et Foix publient un cas chez un jeune homme de dix-huit ans qui
avait présenté des phénomènes en foyer.
Walter publie un cas chez un adulte avec tares héréditaires, qui présentait
au point de vue psychique des phénomènes confusionnels et une démence
qui s'est installée progressivement. Au point de vue neurologique, on constate
de nombreux phénomènes de foyer troubles des réflexes, marche à petits
pas, agraphie, agnosie, alexie, aphasie amnestique. L'auteur avait émis le
diagnostic exact, comme étant probable, encore durant la vie.
Hermel publie un cas chez une fillette de trois ans et demi qui présentait
des troubles en foyer paraplégie, dysarthrie, signe de Babinski, contrac-
ture en flexion, et des troubles psychiques très proches de la démence.
Nobel décrit un cas chez un enfant de quatre ans et demi qui présentait
des convulsions, des tremblements, des troubles de la parole, des mouve-
ments fébriles, de la démence.
Anton et Vohhvill publient deux cas. Dans le premier cas, la maladie
débute avec des troubles de la motilité des membres inférieurs et une
parésie du nerf facial; un peu plus tard, on constate des troubles de la
parole et de la marche, des troubles cérébelleux et pupillaires. La maladie
dure quatre années. Dans l'autre cas, les auteurs ont constaté des troubles
visuels de même que des phénomènes en foyer une somnolence remarquable,
.des troubles respiratoires, des bâillements, de la bradycardie, des phéno-
mènes de confusion mentale. Ils avaient émis le diagnostic de tumeur.
Neuburger nous parle dans son article d'un enfant de treize ans qui meurt
dans un état de mal épileptique et d'un autre enfant de cinq ans, sur lequel
il ne donne pas de détails cliniques. L'auteur nous donne de ce cas une
bonne description histologique.
Krabbe décrit un cas chez un enfant âgé de quatre ans qui présentait des
lésions que l'auteur nomme<( nécrose périvasculaire de la substance blanche ».
Son cas cependant ne semble pas appartenir à la maladie de Schilder.
Kaltenbach publie un cas chez un individu de vingt-cinq ans qui pré-
sentait l'aspect clinique de la paralysie générale et qui a succombé après
quatorze mois.
E. Braun. Cas d'une femme de vingt-neuf ans. La maladie a commencé
par un changement de caractère, manque d'initiative et d'intérêt, obnubila-
tion mentale, vertiges, fièvre. Trois mois après cette phase dépressive sont
apparus des phénomènes en foyer parésie faciale, parésie des membres du
:

coté gauche, hémianopsie, parésie jlu bras droit. La ponction lombaire, de


même que le fond d'œil ont été négatifs. Le diagnostic a hésité entre celui
de tumeur et celui d'encéphalite. La malade a succombé après quatre mois.
Cassirer et Lewy publient le cas d'une femme âgée de trente-sept ans qui
présentait des troubles de la vue, des paresthésies du côté gauche de la face,
des accès épileptiques. Amélioration après le traitement mercuriel. Nouvelle
reprise avec amaurose du côté droit, troubles du facial et du trijumeau.
Soupçonnant une tumeur dans la loge postérieure gauche, on lui fait une
intervention chirurgicale à la suite de laquelle la malade succombe.
Simmerling et Kreutzfeld publient le cas d'un enfant de sept ans présentant
une coloration bronzée de la peau, qui envahit progressivement tout le corps.
Le malade présentait un amaigrissement marqué, une rigidité généralisée,
le signe de Chwostek, une dysarthrie intense, des troubles de la déglutition,
une parésie spastique des membres inférieurs avec Babinski et Oppenheim.
Il a eu une fois un accès d'épilepsie.
Du petit nombre de cas publiés jusqu'à présent, il résulte que la symp-
tomatologie de cette affection est très variée et que le diagnostic est presque
impossible à faire. Ce n'est que dans les cas de Anton et Wohlwill et de Walter
que le diagnostic a été soupçonné pendant la vie. L'affection se rencontre
surtout chez les enfants. Au point de vue clinique, elle peut présenter l'aspect
de la paralysie générale, de la sclérose en plaques, des tumeurs, de l'encé-
phalomyélite, ou de la sclérose diffuse de Heubner. L'affection présente, en
général, des symptômes neurologiques en foyer et des symptômespsychiques.
Les symptômes en foyer sont très variés et dépendent de la localisation
des plaques, qui n'épargnent aucune région du névraxe. Les troubles de la vue,
delà parole, les paralysies des nerfs craniens, les paraplégies sont fréquents.
Quelquefois on constate des convulsions, de l'hypersomnie (Anton et Wohl-
will), des crises de bâillement, du rire spasmodique, du hoquet, des cris
méningitiques (Schilder et Jakob), des tremblements intentionnels (Haber-
feld, Ceni), une parole scandée (Ceni), des troubles des réflexes, de la fièvre
(dans plusieurs cas), des troubles de la sensibilité, de la céphalée, de l'ataxie.
Au point de vue psychique obnubilation, apathie, changement de carac-
tère, phénomènes de confusion mentale, démence, syndrome paralytique
;
le plus souvent, les symptômes neurologiques combinent
se aux symptômes
mentaux. Dans le cas de Kaltenbach, qui présentait du reste quelques parti-
cularités anatomiques, on avait constaté, au point de vue clinique, l'aspect
d'une paralysie générale.
L évolution est, en général, progressive et aboutit à la mort. On n'observe
que rarement des rémissions passagères. La durée de la maladie peut varier
de quatre mois jusqu'à plus de quatre ans.
Au point de vue anatomo-pathologique, on constate macroscopiquement
des plaques d'une couleur grise ou d'une nuance jaunâtre, quelquefois
avec
aspect spongieux, qui sont ordinairement très bien délimitées du reste de la
substance nerveuse et qui se trouvent en majorité dans la substance blanche.
Ce n est que rarement que les plaques peuvent intéresser les parties les
plus profondes de l'écorce, et ce n'est qu'exceptionnellement qu'on trouve
des plaques qui intéressent la totalité de l'écorce.
Les plaques ne dépassent pas en général le niveau des fibres arquées,
qui semblent être plus résistantes au processus inflammatoire. Leurs dimen-
sions sont variables et elles peuvent intéresser les hémisphères, le cervelet,
le bulbe, la protubérance, la moelle épinière, les noyaux basaux, le tuber
cinereum,la substance grise de Soemmering, le noyau dentelé du cervelet, le
corps calleux, le chiasma optique.
Dans le cas de Siemerhng et Kreutzfeld, on constatait une atrophie des
glandes surrénales et des phénomènes acldisonniens.
Microscopiquement les plaques se caractérisent par une disparition
presque totale de la myéline ; les cylindraxes sont relativement beaucoup
mieux conservés, bien qu'ils puissent présenter aussi des altérations. La
névroglie prolifère énormément et nous présente un feutrage énorme et des
aspects semblables à ceux des gliomes et de la sclérose tubéreuse (glioblas-
tose). Dans ces foyers de sclérose on constate aussi une quantité énorme de
cellules aréolaires remplies de graisse, au point que dans les préparations
spéciales pour la graisse les plaques se remarquent d'emblée. Les graisses
qu'on constate dans ces plaques sont différentes et elles se trouvent non
seulement dans les cellules aréolaires, mais aussi, en grande quantité, dans les
vaisseaux et jusqu'à un certain point dans les cellules névrogliques. Le tissu
conjonctif est proliféré, et dans l'adventice des vaisseaux on trouve presque
toujours des infiltrations cellulaires avec lymphocytes, polyblastes et cellu-
les plasmatiques. Les infiltrations varient d'un cas à l'autre, et d'une région
à l'autre. Elles peuvent être en rapport avec l'âge ou la vitalité de la plaque.
Dans quelques cas les infiltrations ont été colossales, dans d'autres cas au
contraire elles ont été discrètes et se sont même réduites, comme dans casle
de Kaltenbach, à des rares lymphocytes. La transition entre les plaques et
la substance avoisinante est assez brusque et nous ne trouvons que rare-
ment des régions dans lesquelles la transition se fait relativement moins
brusquement. Dans le cas de Kaltenbach la graisse était tout à fait réduite
dans les plaques, mais on trouvait en échange une quantité énorme de
déchet basophilo-métacromatique d'Alzheimer. Dans l'intervalle situé entre
les plaques, la substance nerveuse peut nous présenter des lésions minima-
les ou quelquefois un processus de gliose prononcée et atypique au point
que quelques auteurs ont cherché à faire un rapprochement entre ces
formes et le gliome. Ces petites différences anatomo-pathologiquesont
déterminé les auteurs (Lewy, Neuburger, Klaarfeld, Simmerling et Kreutz-
feld) à répartir la maladie en trois groupes anatomiques.
1. Le type inflammatoire.
2. Le type dégénératif.
3. Le type blastomateux.
La concomitance des altérations des glandes surrénales et de la sclérose
diffuse, constatée dans le cas de Simmerling et Kreutzfeld, suscite jusqu'à
un certain point le problème d'un rapprochement anatomo-pathologique
entre les surrénales et le cerveau, étant donné que quelques auteurs, et
surtout Jakob.ont trouvé dans la maladie d'Addison des gliocytes tout à fait
atypiques.
Voici notre observation personnelle
Sule I., trente-sept ans, est entré dans notre clinique le io novembre
1923. Rien d'anormal dans ses antécédents héréditaires et personnels. Le
malade était toujours en bonne santé. La maladie actuelle date de six mois ;
elle a commencé brusquement par des douleurs de tête et des rachialgies,
qui l'ont empêché de travailler. Deux semaines avant son internement, il a
commencé à manifester des troubles psychiques dépressifs ; il partait de la
maison et tentait de s'étrangler, de se noyer ou de se jeter sous les roues du
train. Interrogé sur le mobile de ces faits, il répondait qu'il voulait se
détruire, car il est malade et sans remèdes, et qu'il est comme un mort.
A l'examen physique, on constate des stigmates de dégénérescence, carac-
térisés par des oreilles en anse, par la présence du tubercule de Darwin,
des dents irrégulières et mal implantées. Le pouls est à 100, la température
à 36,2. Rien au niveau des poumons et des organes abdominaux. La langue
est légèrement saburrale. La coloration bronzée de la peau rappelle jusqu'à
un certain point la maladie d'Addison. Anisocorie pupillaire, la pupille
droite est plus grande que la gauche. La circonférence pupillaire est irrégu-
lière. La réaction photomotrice est paresseuse, l'accommodationet la conver-
gcnce sont bonnes. Les réflexes achilléens sont diminués. Les réflexes
abdominaux, à l'exception de celui du côté droit supérieur, font défaut.
Le crémastérien droit fait défaut. La sensibilité est intacte, la force dyna-
mométrique est normale. La marche est légèrement ataxique et talonnante,
le malade a une tendance à tomber d'un côté ou de l'autre. Pendant la
marche, le malade prend une attitude parkinsonienne. En ce qui concerne
la colonne vertébrale, on observe une scoliose. La réaction de B. W. (faite
à deux reprises) du sang a été négative. Dans le liquide céphalo-rachidien
les réactions de Pandy et de Nonne-Apelt sont positive. La lymphocytose
est à la limite. La réaction de Lange est négative. La réaction de Bordct-
Wassermann est négative également (deux fois). A l'examen ophtalmosco-
pique on constate que la pupille droite présente une encoche du côté
nasal, tandis que du côté temporal on observe un croissant noir. L'acuité
visuelle est de i/3. Le champ visuel est réduit, surtout à l'œil gauche.
Examen psychique. La mémoire de fixation et d'évocation est relative-
ment assez bonne ; le malade est bien orienté dans le temps et dans l'espace.
L'affectivité est très altérée, le malade est déprimé, hypocondriaque et
anxieux ; il pleure beaucoup et se lamente continuellement. Aux questions
posées, le malade nous répond lentement et reste préoccupé par ses idées
hypocondriaques; il dévie toujours vers ce complexe d'idées. Il dit qu'il ne
voit et qu'il n'entend rien ; qu'il est venu ici parce qu'il ne peut plus gagner
le pain de ses enfants. Sa vue est changée, son ouïe a presque disparu. Il
ne peut pas manger et n'a pas de selles. Il ne veut pas manger, car il veut
mourir, parce qu'il n'est pas digne et se sent comme un mort. Sa mère lui
aurait donné de l'eau de vie empoisonnée qui l'a rendu malade. Sa mère, sa
sœur et une voisine seraient la cause de sa maladie. Il est convaincu de ne-
jamais guérir, et il nous prie de le laisser mourir, car il n'est pas digne de
vivre, ne pouvant pas nourrir ses enfants. Les médicaments qu'on lui donne
sont des poisons qui ne lui sont pas utiles. Il a essayé de s'étrangler, mais
sa volonté n'a pas été suffisante pour mener l'acte jusqu'à sa fin. Il reste
toujours au lit avec la tête sous la couverture. Au mois de juin, le malade
fait un ictère biliphéique qui cède après six semaines. En août, il fait une
escarre, à la suite de laquelle il succombe le ier août 1923. Le cadavre étant
réclamé par la famille, on n'a pu prendre que le cerveau, qui ne présentait
macroscopiquement qu'un léger épaississement des méninges.
Sur les sections frontales du cerveau, on observe de nombreuses taches
grises, légèrement nuancées en jaune. Quelques-unes de ces taches nous
donnent jusqu'à un certain point l'impression d'une éponge. Les dimen-
sions sont variées : il existe des plaques tout à fait petites, à côté d'autres
qui mesurent 2 à 4 centimètres. Ces plaques sont bien délimitées du reste de
la substance cérébrale. Elles occupent à peu près exclusivement la substance
blanche, et on ne les rencontre qu'exceptionnellement dans la substance
grise en totalité. Au point de vue topographique les plaques sont très fré-
quentes dans les lobes frontaux et elles diminuent vers le pôle occipital.
Elles sont disposées sans ordre dans toute la substance nerveuse (nous
n'avons pu nous procurer la moelle). Nous les avons rencontrées aussi dans
les noyaux basaux, dans l'espace interpédonculaire, dans la substance de
Soemmering, dans le noyau dentelé du cervelet, dans le bulbe, la protubé-
rance, le corps calleux. Le cerveau a été fixé au formol-alcool et dans le
liquide de Weigert. Sur les pièces fixées à alcool on observe une légère
transparence au niveau des plaques.
Les plaques de sclérose qui intéressaient la substance de Soemmering"
et en partie le globe pâle nous expliquent les légers symptômes de parkin-
sonisme que présentaient notre malade. La tendance à la latéro-pulsion
pourrait être mise en rapport avec la plaque du noyau dentelé, quoique la
physiologie de ce noyau, qui fait partie de l'assemblage extra-pyramidal soit
à peu près inconnue. L'hypothermie pourrait être mise en rapport avec la
plaque qui intéressait les noyaux du tuber cinereum (et surtout le paraven-
triculaire). En ce qui concerne la couleur bronzée de la peau et l'asthénie,
nous ne pouvons nous prononcer, n'ayant pu examiner les surrénales.
Les coupes ont été faites à la congélation ou après l'inclusion à la cel-
loïdine et paraffine. A l'examen microscopique des plaques on constate une
disparition très intense de la myéline, une quantité colossale de cellules aréo-
laires remplies de graisse, une dégénérescence graisseuse avancée, une gliose
monstrueuse, et des lésions peu marquées des cylindraxes. La myéline a
disparu et on n'en trouve que de petites boules pâles ou des granulations;
phagocytées par les cellules aréolaires ou névrogliques. La transition vers
le tissu sain se fait d'une manière brusque. A la périphérie des plaques la
myéline présente des altérations variées. Les fibres deviennent pâles, se
désagrègent ou se réduisent en granules, ou bien présentent des dilatations
moniliformes plus ou moins marquées. Par la méthode au Scharlach ou au
bleu de Nil, on rencontre des fibres qui contiennent des granulations, fines
et nombreuses, de graisse. Dans quelques portions du pourtour de la plaque,
la transition vers le tissu normal se fait relativement moins brusquement.
Nous ferons remarquer dès à présent qu'entre l'altération de la myéline et
la quantité des cellules aréolaires il existe un rapport étroit. Les fibres
arquées sont plus résistantes que les autres. Quand les plaques intéressent
l'écorce on observe les mêmes lésions de la myéline que dans la substance
blanche ; les fibres tangentielles sont plus sensibles que les autres. Dans ces
plaques on constate une quantité énorme de substances grasses qui se
distinguent déjà macroscopiquement sur les sections colorées au Scharlach
ou au bleu de Nil ; sur les pièces fixées au Flemming, ces plaques se colo-
rent en noir. La majorité de cette substance se trouve dans les cellules
aréolaires, et en moindre quantité dans la névroglie et dans l'adventice des
vaisseaux. Les cellules aréolaires nous présentent un noyau, rarement deux,
situé soit au centre, soit à la périphérie d'une coloration en général pâle, et
assez souvent ratatiné ; le protoplasme forme un réseau à grandes mailles
dans lesquelles se trouve déposée la graisse sous forme de gouttelettes ou de
granules. Ces cellule^ surchargées de graisse prennent en général un aspect
mûriforme dans lesquelles le noyau devient quelquefois difficile à distin-
guer. Dans les cellules névrogliques, on trouve aussi des granulations de
graisse, mais leur volume est plus petit que celui des granulations qu'on
trouve dans les cellules aréolaires. Dans l'adventice des vaisseaux la graisse
se trouve le plus souvent en quantité colossale. L'infiltration de l'adventice
s'étend sur une grande distance autour du foyer. Par la coloration au bleu
de Nil on observe que la majorité de cette substance prend une coloration
violette, et une petite quantité seulement une coloration bleu foncé. Par la
méthode de Ciaccio on constate des granulations peu nombreuses qui se
colorent en jaune orange. Par la méthode de Fischler on constate une quan-
tité relativement modérée de graisse colorée en noir. Par la méthode
d'Alzheimer, à la fuchsine acide et vert-lumière,on constate que les cellules
névrogliques contiennent un nombre restreint de granulations éosinophiles,
tandis que dans les cellules réticulées ces granulations sont exceptionnelles.
Par les méthodes argentiques, on constate une quantité assez marquée de
granulations argentophiles qui sont probablement en partie de nature
lipoïdale (lipofuscine). Quand les foyers intéressent l'écorce, on remarque
une dégénérescence intense dela névroglie sous-piale et dans l'intérieur de s
cellules le protoplasme apparaît rose pâle, parsemé de granulations rouges
(Scharlach). On doit remarquer que les graisses colorées en rose avec le
bleu de Nil (cholestérinc, graisses neutres) ne se trouvent que dans les
plaques ; dans les régions où la graisse se trouve en abondance, dans les
capillaires, elle n'apparaît qu'exceptionnellement colorée en rose et se
trouve en relation avec une altération marquée de la myéline.
La névroglie (les colorations employées ont été celles de Holzer, à l'hé-
matoxyline de Alzheimer, celles de Mann, de Cajal, la fuchsine vert-
lumière) présente une hypertropie avec prolifération fibrillaire, atypique et
énorme. Les cellules se colorent déjà en partie par les méthodes non spéci-
fiques, comme l'hématoxyline, l'éosine, le triacide d'Erlich, qui nous
montrent d'ailleurs d'assez jolies images. Les cellules nous présentent des
formes en général géantes. Le noyau présente des dimensions très grandes;
il est riche en chromatine et prend souvent des formes ovalaires, multilo-
baires, irrégulières. Non rarement on trouve 2, 3, 4 et même jusqu'à 7-8
noyaux dans une cellule. Les noyaux dans ces cas sont rangés surtout au
centre de la cellule et rarement à la périphérie. Le protoplasme se colore
intensivement par les méthodes habituelles et nous présente un très grand
nombre de prolongements, qui sont quelquefois vorticellés, et assez souvent
ils apparaissent, par les méthodes d'Alzheimer et Holzer, canaliculés ou
fibrillés. Le protoplasme de ces grandes cellules est parfois relativement
pâle, le plus souvent cependant intensément coloré. Dans quelques cellules
on constate des petites vacuoles, dans d'autres des granulations de graisse
ou des kystes osmiophiles. On observe de même des formes de transition
entre les gliocytes et les cellules aréolaires. Les fibres constituent un
véritable feutrage, qu'on peut très bien mettre en évidence parles méthodes
de Holzer et de Mann. Par la méthode de Cajal on observe dans beaucoup de
cellules des granulations noires. Dans quelques plaques on observe ensuite
que la névroglie centrale prend une coloration relativement plus pâle, en
comparaison avec la névroglie qui se trouve à la périphérie du foyer et qui
forme une couche plus dense et plus hyperchromatique. Dans cette couche
périphérique la gliose semble être plus jeune ; elle présente une affinité
tinctoriale beaucoup plus prononcée, les cellules sont plus grandes, mais
sans avoir un grand nombre de noyaux. Le tissu est dense et la fibrillation
est relativement moins dense que dans la partie centrale. Dans les foyers
qui intéressent l'écorce, la névroglie nous présente presque le même aspect
que dans la substance blanche. Les mitoses ne sont pas fréquentes. Les
cellules en bâtonnet se trouvent en quantité modérée. Par la méthode de
Mann on rencontre des cellules avec granulations bleu de méthyle. Sur les
sections faites dans les plaques avec l'aspect spongieux, on constate des
travées fibrillaires plus denses alternant avec d'autres plus ou moins den-
ses. Ces plaques semblent constituer des phases avancées de sclérose, dans
lesquelles la nutrition ne se fait plus et montre une tendance à la nécrose.
La névroglie nous présente en dehors des plaques une hypertrophie assez
marquée rappelant l'aspect qu'on rencontre dans la paralysie générale. De-
ci de-là, on observe dans les plaques quelques cellules à l'aspect épithé-
loïde qu'on pourrait nommer gliocytes épithéloïdes. Nous avons plusieurs
fois observé des cellules satellites entourant les cellules monstrueuses.
Les cylindraxes, en comparaison avec les autres éléments, sont beaucoup
mieux conservés mais ils nous présentent cependant différentes altérations.
On rencontre ainsi des cylindraxes très gros, pâles, colorés seulement en
partie, ou sans fibrillation. Quelquefois les cylindraxes nous présentent des
dilatations moniliformes, ou sont réduits à des granulations qu'on peut
colorer à l'argent ou à la fuchsine acide parfois on trouve enfin sur le
3

trajet des cylindraxes des vacuoles. On rencontre aussi des cylindraxes avec
des terminaisons en boule, en massue, en anse, ou bien des boules avec des
incrustations argentophiles rappelant les formes décrites déjà par Jakob.
Dans quelques cellules grillagées nous avons pu trouver des portions de
cylindraxes phagocytés, et même des terminaisons en bouton.
Les vaisseaux sont prolifères. Dans l'intérieur des plaques on voit des
portions dans lesquelles les capillaires sont très nombreux, pâles et avec le
calibre rétréci. Le tissu conjonctif des vaisseaux est en général augmenté,
ce qui s'observe très bien par les méthodes de Van Gieson, Mann,
Biel-
schovvsky, etc. Assez souvent on observe autour des vaisseaux des dilatations
énormes des espaces lymphatiques. Dans l'adventice des vaisseaux on trouve
assez souvent des infiltrations avec des cellules plasmatiques qui ont les
caractères habituels et qui peuvent présenter aussi des formes dégénérées
avec des vacuoles; des granulations ; on rencontre des cellules avec deux
noyaux, des formes allongées, rappelant les fibroblastes. Dans l'adventice on
trouve une quantité énorme de produits de déchet, enclavés assez souvent
dans les cellules aréolaires. Ces produits sont constitués par des graisses
neutres (coloration rose avec le bleu de Nil) et acides, de même que d'autres
substances colorables au Scharlach, etc. La quantité de ces produits est par-
fois si grande, que le vaisseau ressemble à un canal qui traverse une masse
lipoïde. L'endothélium est tuméfié et hypertrophié. Les méthodes spéciales
pour le tissu mésenchymal nous montrent une augmentation remarquable
du tissu conjonctif, tant dans les vaisseaux que dans le réseau qui est en
dehors des vaisseaux. En ce qui concerne les produits de déchet, nous
avons employé les méthodes au Scharlach, bleu de Nil, Fischler, Dietrich,
Best, amyloïde, Perl pour le fer, l'hématoxyline pour le calcium, etc. Les
réactions de l'amyloïde, du glycogène, du fer, du calcium, des basophiles-
métachromatiquesontété négatives. Les granulations fuchsinophiles sont un
peu plus nombreuses que d'habitude. La recherche des oxydases ne nous a
pas bien réussi. Nous avons -pourtant l'impression que les oxydases sont
augmentées dans les plaques. Dans quelques régions situées sous l'épendyme
on trouve des hémorragies miliaires.
Le tissu élastique n'est pas proliféré.
Les méninges nous présentent de-ci de-là des infiltrations relativement
modérées, avec des lymphocytes et surtout de cellules plasmatiques et
macrophages. Nous avons rencontré surtout ces infiltrations dans les sillons
des circonvolutions. En ce qui concerne la substance nerveuse on constate
des régions dans lesquelles la dégénérescence grasse est très remarquable.
Les produits de déchet sont abondants dans l'adventice des vaisseaux et
l'adventice nous présente de légères infiltrations. Dans ces régions surtout
la névroglie sous piale nous présente une dégénérescence grasse intense.
Les cellules névrogliques sont hypertrophiées et ont une affinité tinctoriale
augmentée. Par les colorations au Scharlach et au bleu de Nil le proto-
plasme de ces cellules prend une coloration rose pâle, comme si elle était
composée de graisse, et dans son intérieur on constate des granulations
rouges. Dans toutes les cellules névrogliques de la couche sous-piale on
constate des granulations mélaniques qui pou-rraient être en rapport avec la
coloration bronzée de la peau du malade et l'asthénie qu'il avait présentée.
La névroglie nous présente un processus diffus de gliose. Mais ce processus
de gliose ne présente pas une intensité partout égale, car on rencontre des
régions où la gliose est intense et des autres où elle est modérée.
En résumé, il s'agit d'un malade de trente-sept ans dont la maladie a
commencé par des troubles psychiques qui ont déterminé son internement.
Les troubles psychiques avaient un caractère dépressif et présentaient
l'aspect clinique d'une paranoia hypocondriaque. Les phénomènes neurolo-
giques étaient peu manifestes et consistaient dans des troubles pupillaires
et du champ visuel, dans l'albuminose rachidienne, dans une ataxie légère
avec tendance à la latéropulsion, des troubles des réflexes, un léger parkinso-
nisme, et une coloration bronzée de la peau. Au point de vue anatomo-
pathologique notre cas correspondait microsco.piquement au type inflamma-
toire de l'encéphalite périaxiale de Schilder. Il se rapprochait plutôt, au
point devue histologique, de la scléroseen-plaquesque de la glioblastose ou
du glidme. En ce qui concerne la pathogénie et la nature de cette affection,
on ne peut rien dire de précis. Il s'agit probablement d'un agent infectieux
qui se transmet par la voie vasculaire et qui présente une affinité assez
marquée pour la substance blanche.

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EXPLICATION DES MICROPHOTOGRAPHIES

1. Une plaque de sclérose (R.). — 2. Coupe du bulbe ; coloration pour la


myéline ; plusieurs plaques. — 3. Section de la protubérance ; même colora-
tion \ plaques. — 4. Une plaque dans la substance blanche (5) et une autre
dans la substance grise (r). — 5. Coloration pour la névroglie avec Alzhei-
mer-Mallory. L, limite entre la substance grise et blanche B,couche margi-
;
nale de gliose plus jeune. — 6. Coloration d'une plaque avec la méthode de
Dandy-Herxheimer. — 7. Coloration de la névroglie par la :méthode de
Holzer. — 8. Coloration de la névroglie Mann-Alzheimer.
— 9. Réseau
conjonctif d'une plaque ; Bielschowsky modifié. — 10. Vaisseau infiltré dans
l'intérieur d'une plaque.
UN DÉLIRE DE COMPENSATION
PAR
Maurice MIGNARD et Marcel MONTASSUT

E... trente ans, valet de chambre, entre dans notre service:en ju-in 1921. Il
est atteint de « délire confus avec des idées polymorphes, agitation, fausses
reconnaissances, sentiment d'inspiration mystique, pseudo-hallucinations.
Réactions violentes ».
Le début de l'affection remonte à un mois, il aurait coïncidé avec de la gly-
cosurie et de l'albuminurie transitoires, et s'est manifesté par de l'exaltation
intellectuelle avec troubles de l'humeur et fausses reconnaissances.
A son arrivée, E... présente un état de manie confuse qui s'atténue rapide-
ment avec l'amélioration de l'état général et la disparition des signes d'insuf-
fisance hépato-rénale. La restitutio ad integrum n'est cependant pas réalisée
et de nombreuses conceptions délirantes, séquelles de l'état confusionnel,
s'organisent autour de quelques n.oyaux, dissimulés au cours de la phase
d'excitation. Les conceptions délirantes polymorphes et insuffisamment
coordonnées sont cependant fixes et difficiles à réduire ; les tentatives psycho-
thérapiques se heurteront, pendant de longs mois, à une conviction sincère
mais aveugle, qui ne se laissera que très lentement entamer.
Les idées délirantes composent un délire de filiation de caractère mégalo-
maniaque, provoqué d'ailleurs par des facteurs sociaux qu'il convient de
signaler dès à présent. E... en effet, ancien pupille de l'Assistance publique, a
épousé une jeune fille placée sous la même tutelle et originaire du même
département que lui; tous deux vivent dans l'ignorance absolue de leurs
parents respectifs. Or notre malade prétend que Mlle de B..., sa patronne,
n'est autre que sa mère, le général D... serait son père et il affirme le carac-
tère incestueux de son ménage en disant que sa femme est sa propre sœur. Ces
opinions sont d'ailleurs confirmées par l'attitude de E... qui nourrit à l'égard
de sa maîtresse des sentiments de déférence familiale et qui manifeste à sa
femme, auteur inconscient de l'inceste, une répulsion assez vive entraînant la
phobie de tout rapprochement sexuel.
Le délire, pour se constituer, a négligé les nombreuses fausses reconnais-
sances de la période confusionnelle qui ont disparu avec elle. Les paramné-
sies plus nombreuses et les souvenirs d'intuitions anciennes ou récentes,
déjà orientées dans le sens du système, fournissent ses matériaux essentiels.
Le malade a le sentiment d'avoir retrouvé, chez ses maîtres, le décor et les
amis de la plus tendre enfance. Il lui semble que Mlle de B... l'a emmené
autrefois dans cet appartement, qu'elle venait fréquemment le visiter en classe
et que déjà elle lui portait un intérêt très manifeste. Les interprétations
fausses sont rares, elles ne sont pas accusées spontanément ; E... n'utilise les
raisonnements déductifs que pour défendre faiblement ses convictions
délirantes.
Le délire est construit ici sur quelques suppositions, mais il utilise sur-
tout les intuitions. E... sans le secours du raisonnement, a une connaissance
immédiate, claire et directe de ce qu'il considère comme la vérité; chaque
fait s'impose à lui avtc une clarté et une certitude qui lui font dédaigner les
tâtonnements anxieux de l'interprétant. Ici le raisonnement de découverte est
inexistant; la croyance est immédiate ; euphorique, elle refuse de se laisser
troubler; aussi n'accepte-t-elle que les idées qui la confirment et rejette celles
qui la tiennent en échec. E... ne cherche pas à convaincre son interlocuteur
et il dédaigne les subtils raisonnements de justification du paranoïaque. Les
intuitions sont nombreuses, nous ne relèverons dans le délire que les plus
caractéristiques. La plupart sont rétrospectives, et mêlent aux paramnésies,
de manière inextricale, des souvenirs de poussées discrètes, antérieures à
l'état confusionnel, du délire maintenant réalisé. Voici un souvenir qui date
de la guerre : « En descendant des tranchées, j'ai vu passer deux femmes le
« long de la route, l'une d'elles s'est mise à
pleurer en nous voyant. J'ai dit à
t mon ami : « Je voudrais avoir une mère comme cela. » Elle m'a regardé alors
« et j'ai eu l'intuition brusque que cette dame
était ma mère. Cela a été
t fulgurant, plus fort que moi ; j'étais broyé et brisé par ce que je sentais,
« mais j'étais sûr de ne pas me tromper. »
C'est à la faveur d'un processus
analogue que,plus tard, notre malade retrouve sa mère en la personne de
Mlle de B... qui l'emploie en qualité de valet de chambre. « Depuis longtemps
je sentais que ceux qui étaient bons avec moi avaient dû connaître ma famille
ou en faisaient partie. J'avais eu le pressentiment que ma patronne était ma
mère, un jour qu'elle m'avait commandé, d'une voix très douce, d'essuyer un
portrait. Or cette photographie ressemblait tout à fait à ma femme et je lui
trouvais aussi de mon expression. Mais j'ai eu la certitude soudaine de l'iden-
tité de ma mère, le jour olt j'ai vu Mlle de B... pleurer devant moi et où elle
m'a appelé « Mon petit î avec une inflexion particulière de la voix. »
La conviction actuelle d'E..., que sa femme est sa propre sœur, relève égale-
ment d'un sentiment aussi brusque, et aussi intuitif, favorisé par des préoc-
cupations anciennes exacerbées par les plaisanteries des camarades du front.
Mais il faut bien remarquer d'autre part qu'en ce qui concerne la plupart de
ces intuitions, si le malade en fut effleuré avant la période actuelle, il sut
assez bien les réduire pour n'en parler à personne et n'en pas modifier sa
conduite. C'est au cours de l'accès confusionnel qu'il les a la première fois
affirmées ; c'est à la suite de l'accès qu'il les a développées et maintenues.
Au bout d'une année environ, E... abandonne son délire et le nie avec
âpreté. Le sentiment euphorique disparaît avec lui et pendant de longs mois
encore, E... reste sombre, irritable et accuse de nombreuses préoccupations
hypochondriaques. Il éprouve un impérieux besoin de réconfort, et ne le
trouvant pas encore auprès de sa femme, malgré la disparition de la répulsion
primitive, il le réclame des médecins. Ce n'est que tout récemment qu'il a pu
être remis en liberté après un internement de près de deux ans. Il sort
apparemment guéri et désireux de reprendre la vie conjugale.
Le diagnostic clinique nous paraît difficile. La mauvaise systématisation
de la psychose, son caractère particulier, son évolution, la rareté des interpré-
tations, les résultats de l'anamnèse font éliminer la paranoïa et penser
plutôt à une bouffée délirante provoquée chez un prédisposé par des facteurs
de diverses natures. Il nous a paru intéressant de rechercher le terrain
psychopathologique spécial qui favorisa l'éclosion du délire et en prépara la
nature et la marche.
Psychasthénique, E... manifeste habituellement en dehors de la phase
délirante un état d'inquiétude avec sentiment d'incomplétude très développé
se traduisant par de nombreuses craintes et appréhensions et par des préoc-
cupations hypochondriaques. Le malaise mental est exacerbé par l'ignorance
d'E..., quant à sa famille qui l'abandonna en bas âge. Depuis l'enfance il est
obsédé par le désir de la retrouver et cette recherche est soutenue par le
besoin impérieux de réconfort qu'il attend d'elle. « J'ai toujours eu besoin
d'affection et d'épanchement. J'aurais donné volontiers mon cœur aux
hommes pour qu'ils deviennent meilleurs. »
« ...
Étant tout petit, je souffrais déjà d'être seul sur terre et j'enviais mes
amis. Je me souviens d'avoir été tout attendri en voyant le père de Charles
qui était si bon et j'en ai conservé le souvenir. Je me suis mis en tête l'idée de
retrouver ma .mère et ma sœur; tout le temps j'ai été obsédé par cette pensée
et je craignais de mourir sans les avoir connues. On ne se figure pas le mal
que le doute m'a fait endurer. » Ainsi le besoin de réconfort familial, que de
mauvaises conditions sociales ont frustré de sa normale satisfaction, par sa
fixité, sa prédominance et son intensité, a réalisé chez notre malade une
véritable psychose passionnelle.
L'état psychopathique constitutionnel est ici complexe et nous trouvons
dans cette forme de déséquilibration mentale l'association de la psychasthénie
à une constitution schizoïde (dans le sens restreint qu'en ont donné le profes-
seur Claude, Borel et Robin (i). Dès l'enfance, E... manifeste un goût très
vif pour la solitude et les longues rêveries. Il se tient habituellement loin de
l'action pour laquelle il se juge socialement et physiologiquement désadapté
et supportera difficilement, au cours de la guerre, les nécessités qui l'obli-
geront à délaisser une vie intérieure riche en demi-teintes. E... est en effet un
être délicat ; de goût raffiné, il se choque des grossières plaisanteries et il est
très exact qu'il n'est pas « terre à terre, ni d'aspirations vulgaires ».
La vie intérieure de notre malade « va se peuple)' de créations Imagina-
tives; bâtie sur un plan d'embellissement logique et rationnel », elle l'isole
déplus en plus du monde extérieur. E... d'ailleurs ne cherche pas à y réaliser
ses conceptions imaginatives et ne manifeste aucune revendication. Riche de
sa vie intérieure, il s'évade de l'ambiance qu'il redoute, à la faveur des
éléments du passé, des paramnésies, et des intuitions actuelles.
Mais ici l'évasion imaginative n'aboutit pas à des états de rêverie poly-
morphes et sans cesse renouvelés, car l'état passionnel appelle une compen-
sation élective. Véritable idiosyncrasie d'intérêt, il polarise le travail imaginatif

1. Prof. CLAUDE, BOREL, ROBIN. La constitution schizoïde (Encéphale,


avril 1924.)
du malade et détermine un complexe idéo-affectif que nous retrouverons dès
l'enfance. E..., dès le plus Jeune âge, a le sentiment que les personnes aux
manières douces et polies lui manifestent un bienveillant intérêt et de la
compassion. La psychoplasticité et l'intensité de l'instinct de sympathie
réalisent de fréquents unissons affectifs et intellectuels à la faveur desquels
les pressentiments et les intuitions apparaissent. E... pense dès sa plus tendre
enfance que les gens cultivés et bienveillants avec qui se nouent de subites et
fermes sympathies, sont de sa famille et que c'est parmi eux qu'il retrouvera
ses parents. Les goûts délicats d'E... se refusent dès cet âge à penser que sa
mère « était de basse classe: elle n'était certainement pas une cuisinière. »
Aussi dirige-t-il spontanément ses investigations sur les personnes fortunées
et charitables qui s'intéressent à son sort et viennent le voir en pension. Il
ne s'agit encore à ce stade que d'impressions et de suppositions, perverties
peut-être par des paramnésies fréquentes ; la deuxième étape sera réalisée au
cours de la guerre.
Mais nous devons signaler auparavant l'apparition d'un facteur organique
susceptible d'exercer une influence aggravante. A dix-neuf ans, à la suite
d'une maladie infectieuse mal déterminée, il se produit de la néphrite avec
albuminurie. Ce symptôme disparaît bientôt, et ne se reproduira que bien
plus tard, quelques jours avant l'internement du malade.
A la faveur des fatigues et des émotions subies aux armées, le complexe
idéo-affectif de l'enfance s'exagère et va donner lieu à des épisodes délirants.
Les impressions ont acquis une intensité inaccoutumée et aboutissent aux
concepts intuitifs que nous avons déjà relatés... A ce stade les suppositions
sont rares ; les impressions induisent dans la conscience, comme par effrac-
tion, des sentiments qui s'y maintiennent, car ils favorisent les secrètes
aspirations du malade, et confisquent à leur profit l'exercice des facultés
intellectuelles. Et c'est ainsi qu'E... retrouve sa mère compatissante et dou-
loureuse, son père D..., « général brave et bon ». Le désir et la réalisation du
désir sont intimement confondus.
A la faveur d'une bouffée confusionnelle, dont les signes d'insuffisance
hépato-rénale signalent l'origine organique, et qui motive l'internement, la
troisième étape du complexe idéo-affectif aboutit à la cristallisation délirante.
Le délire de filiation satisfait enfin les aspirations les plus délicates de notre
sujet et il calme son doute. E..., obsédé par le désir de retrouver sa sœur,
aboutit à un concept pseudosexuel que nous avons relaté plus haut. Il nous
semble qu'il ait été favorisé par le souvenir des appréhensions nées de plai-
santeries grossières de l'entourage. E... est obsédé par cette idée que, pupille
de l'assistance comme lui, sa femme pourrait être sa sœur. Il lutte, cependant,
contre cette idée « stupide et idiote » ; mais de nombreuses intuitions lui
montrent l'amour transformé qui a fait place à une amitié amoureuse et, joyeu-
sement, il entoure sa femme d'une tendresse fraternelle qui safisfait son impé-
rieux besoin d'affection et de commune protection par les parents supposés.
L'abandon de ce système délirant de compensation réalisera une nouvelle
désadaptation psychologique et, avec elle, réapparaîtront les idées obsédantes
et les préoccupations hypochondriaques de la phase prémonitoire. Le malade
restera convalescentpendant près d'une année ; la réadaptation à la vie sociale
sera pénible et lente, elle ne sera, du reste, pas complètement réalisée au
moment de la sortie.
La première notion que nous croyons pouvoir dégager de cette observa-
tion est celle d'un déséquilibre constitutionnel dans lequel n'étaient pas fatale-
ment inscrits les troubles survenus, par la suite, du fait de certaines circon-
stances sociales et biologiques. E... était prédisposé au délire de compensation
par sa nature affectueuse, sensible et peu volontaire, tendant à la satisfaction
imaginaire de ses désirs les plus essentiels, si trop d'obstacles pratiques se
dressaient devant eux. Mais, dans le cas oll ces circonstances ne se seraient
pas produites, il pouvait rester un homme normal. Ici, comme, pensons-nous,
dans bien d'autres cas, la notion de déséquilibre constitutionnel ne réalise pas,
par elle seule, un diagnostic. Elle marque simplement une des données, insuf-
fisante en elle-même, du conditionnement étiologique. Elle désigne seule-
ment le terrain favorable sur lequel s'est développée la végétation morbide.
Une autre condition, de première importance, fut réalisée par la situation
sociale. Ce garçon, chez lequel existait, comme par la suite on l'a pu voir, un
puissant instinct familial, un besoin d'affection, de soutien, de réconfort, de
direction par les parents, ce garçon n'avait pas'de famille. La situation, anor-
male dans l'espèce humaine, d'un enfant abandonné par ses géniteurs, quelle
que soit, par ailleurs, la sollicitude sociale à son égard, le place dans une
fausse situation psychologique et crée un état de besoin, prédisposant aux
troubles futurs. Les notionsd'inadaptation et de désadaptation sociales paraissent
devoir prendre une place de premier rang dans l'étiologie psychiatrique, où,
comme en bien d'autres régions, la tradition populaire, écho, sans doute, d'an-
tiques connaissances, aura montré la voie au progrès scientifique.
Nous voyons, en effet, le germe de ces troubles se développer dès l'enfance,
réactionnellement à cette anormale situation. Le jeune E..., affectueux, timide
et délicat, désire de tout son cœur avoir comme les autres un père et une
mère. Qu'une personne s'intéresse à lui : « Elle connaît ma mère, sans
doute J, suppose l'enfant. Le sens des rêveries favorites et du futur délire est
déjà indiqué. Cela nous permet de dégager la notion d'un systèmepsychologique
ou complexe établi dès l'enfance, et commandant le développement des troubles
mentaux futurs. Mais si nous suivons ici Freud dans une partie de sa théorie,
nous opposons l'exemple de notre malade à l'autre part de sa doctrine. C'est,
en effet, un complexe idéo-affectif non sexuel, se rapportant aux parents dans
leur rôle de protecteurs, qui se forme chez cet enfant. Et, fait digne d'être
noté, l'adulte qu'il sera devenu en tirera plus tard la notion d'une interdiction
sexuelle, celle des rapports avec son épouse, qu'il considère comme sa sœur,
par extension peut-être à la personne aimée des avantages d'un système
d'auto-protection imaginaire. Car, ici, l'interdiction sexuelle ne sera que la
conséquence indirecte d'un complexe non sexuel dans son principe.
Nous considérons, ensuite, que ce système psychologique, ou complexe,
caractérisé chez notre sujet comme un intense désir de se trouver un père et
une mère, s'est développé par poussées successives,cOllstituallt, aussi bien dans
le cours de ces poussées que dans leurs intervalles, un état passionnel propre-
ment dit. Car nous ne saurions admettre que l'état passionnel soit spécifique-
ment qualifié par la violence des réactions. La passion est une inclination
prépondérante, constante et tyranniquè, qui tend à priver le sujet du normal
exercice de sa volonté. C'est par ce caractère surtout qu'elle s'apparente aux
états d'aliénation, auxquels, du reste, elle aboutit facilement. Comme il arrive
dans certaines natures, disposées la méditation plus qu'à l'action, ce sont
-,'t

surtout des rêves, des suppositions, des intuitions que va faire éclore ici l'in-
clination passionnée. Notre sujet est trop délicat pour devenir facilement un
héros de faits divers. Sa passion familiale le poussera plutôt à la constitution
d'un beau roman imaginatif, qui finira par rcvêtir un caractère délirant.
Une fois constitué, ce roman imaginatif, cristallisé et renforcé dans un
délire, apparaîtra comme un système de compensation à un état de besoin
moral créé par une carence dans la situation sociale. Nous entendonspar délire
de compensation un système délirant réactionnel créé par le psychisme pour sup-
pléer à quelque insuffisance (physique, psychique, sociale ou religieuse) trop
vivement ressentie. Les délires de compensation ainsi conçus devraient être
placés à côté des délires par évasion imaginative, tels que Leroy et l'un de
nous 1 en ont donné une observation. Mais, tandis que l'évasion imaginative
tend surtout à dégager le sujet d'une situation qui lui déplait et réalise presque
forcément, de ce fait, une certaine variabilité, un certain polymorphisme, le
délire de compensation, créé pour suppléer à des insuffisances ressenties,
prend une direction plus systématique et plus constante. Un dernier fait à
retenir, c'est la collaboration avec ces facteurs primitifs, constitutionnels,
psychologiques et sociaux, d'autres facteurs accidentels, émotionnels et biolo-
giques, notamment, pour faire abolltir l'éclosion du délire. C'est ici, d'une part,
la guerre qui agit par les fatigues, les émotions et une plus grande désadapta-
tion mentale. Aussi bien semble-t-il, même au travers des paramnésies, que
l'on voie s'esquisser aux armées deux ou trois manifestations déjà franche-
ment morbides du complexe jusque-là normalement réduit ou contenu. Telle
est la fausse reconnaissance intuitive de la mère. L'émotion intense qui accom-
pagne ce phénomène signale sa valeur profonde. Mais le délire ne se serait
peut-être jamais constitué, n'aurait peut-être jamais cristallisé d'une'manière
aussi stable, si un grand désordre mental, de type confusionnel, n'avait sus-
pendu le contrôle, la normale réduction, le normal refoulement, la normale
modération qu'après chacune de ses poussées offensives, E... faisait subir au
complexe. C'est, en effet, nous l'avons vu, dans la période de convalescence
de cette bouffée confusionnelle que notre malade a accepté et maintenu les
affirmations délirantes qui venaient donner au système passionnel développé
dès l'enfance une satisfaction idéale que jamais encore il n'avait obtenue. Or,
le début de cet état confusionnel a nettement coïncidé, les renseignements
antérieurs à l'internement en font foi, avec de l'albuminurie et de la glyco-
surie. Nous savons qu'auparavant dcjà, par suite d'une infection ancienne,
E... avait été touché dans l'intégrité de son système hépato-rénal. Il semble
bien qu'il faille attribuer la confusion agitée à l'influence exercée sur le
psychisme par une période d'auto-intoxication. Ainsi, un facteur d'origine orga-
nique a contribué puissamment à provoquer l'état mental qui réalisa les condi-
tions immédiates de la cristallisation du délire. Et nous sommes conduits à
donner une place à ce facteur d'influence organique, acquis au cours de l'exis-
tence, à côté des divers autres facteurs, les uns congénitaux et les autres pro-
1. LEROY et MONTASSUT. IJn délire d'imagination. (Société clinique de méde-
cine mentale, avril 1923.)
voqués par les conditions de la vie, tempérament physique et mental, disposi-
tion à la rêverie, situation sociale primitive, sentiment d'inadaptation, consé-
cutif, émotions paroxystiques provoquées par les circonstances au cours de
l'état passionnel, pour réaliser le faisceau étiologique qui a permis le dévelop-
pement complet du délire de compensation.
Notre interprétation admet simultanément et conjointement, comme agis-
sant en harmonie, tout en ménageant leur autonomie respective, bien des fac-
teurs étiologiques ou pathogéniques différents. De telles causes sont, dans bien
des travaux, opposées ou confondues, comme si l'une seule d'entre elles devait
interdire l'existence des autres ou suffire à les remplacer. Mais il existe, dans
le vaste monde, plus de choses que n'en rêvent certaines philosophies, comme
à peu près se fit dire Horatio.

De cette observation et de ces considérations nous croyons pouvoir tirer


les conclusions suivantes :
1° Il existe, chez certains psychopathes, des délires de compensation, épa-
nouissements de systèmes psychologiques réactionnels à certaines insuffi-
sances, trop vivement ressenties, de la situation du sujet.
2° Ces délires de compensation peuvent notamment se produire par réac-
tion à certaines situations sociales dans lesquelles le sujet ne trouve pas la
satisfaction de certains besoins et qui réalisent, de la sorte, un état d'inadap-
tation ou de désadaptation mentales.
3° Ces tendances non réalisées et le système psychologique ou complexe
idéo-affectif qu'elles provoquent parfois, dès l'enfance, ne sont pas forcément
de caractère sexuel. De très nombreux complexes sont d'une tout autre
nature.
4° Lorsqu'un tel système idéo-affectif détermine une orientation exclusive
et tyrannique de l'activité mentale, il constitue, de ce fait, un état passionnel
quelle que soit, d'ailleurs, la qualité des réactions qu'il provoque par l'effet de
la constitution du sujet.
51 Des conditions étiologiques très diverses, comme l'influence sujr le
psychisme des émotions et des intoxications, peuvent, par la suspension du
contrôle qu'elles favorisent, permettre le développement et la consolidation
du délire ainsi préparé et collaborer, de la sorte, avec les causes précédentes,
à son plein épanouissement.
L'HÉRÉDITÉ EN PSYCHIATRIE

RAPPORT PRÉSENTÉ AU CONGRÈS DES ALIÉNISTES SUISSES


A LUGANO, LE 14 JUIN 1924

PAR
W. BOVEN
Privat-Jocent à l'Université de Lausanne

Je voudrais exposer succinctement ici l'état présent de nos connaissances


sur l'hérédité en psychiatrie. Je me soucie moins de faire l'historique de la
doctrine ou de citer des travaux et des noms que de mettre le lecteur à même
de juger les opinions et les données relatives à ce sujet. Et je dirai ce que
j'en pense.
Les théories de l'hérédité n'ont jamais fait défaut, puisqu'un auteur du
dix-septième siècle prétendait en avoir relevé 262, ce qui ne l'empêchait pas,
dit Ribot, d'y ajouter la sienne. En vérité, jusqu'il y a quelque vingt ans,
l'hérédité était bien mal connue. La pangénèse de Darwin, la périgénèse des
plastitudes de Haeckel, les stirpes de Galton, la polarigénèse de Spencer, la
continuité du plasma germinatif de Weissmann, toutes ces théories qui
dépassent de beaucoup le cadre de la psychiatrie visaient à de plus larges
synthèses. Elles ne sauraient être examinées ici. Jusqu'il y a vingt ans, la
discussion roulait sur la statistique, sur le pourcentage des tares présentées
par les parents des aliénés, et la doctrine de l'hérédité s'élevait à la hauteur
des notions de dégénérescence, de similarité, de polymorphisme, sans
formuler des lois qu'eussent rendues vaines l'incohérence ou l'imprécision
des résultats. Alors sont apparues les lois de Mendel. Végétales par leur
origine qui remonte aux années 1866-1872, ces lois longtemps méconnues,
puis redécouvertes par trois naturalistes simultanément (Correns, Tschermak,
de Vries), ont étendu leur domaine au règne animal dans d'incroyables pro-
portions, et la psychiatrie elle-même n'a pas résisté longtemps à l'assaut de
leurs impétueuses formules. Quelles sont-elles, ces lois? C'est ce que je vais
m'efforcer de dire en peu de mots. Puis je passerai en revue d'autres données
et d'autres acquisitions.
Il ne saurait être question de reproduire ici les diagrammes et les vignettes
coloriées qui concrétisent parfois si gracieusement le jeu des lois mendé-
liennes. Tout cela figure dans des travaux spéciaux. Suivons philosophi-
quement les grandes lignes de notre sujet, et, s'il est une Muse que préoc-
cupe la question de l'hérédité, qu'elle me garde de la confusion et de la
longueur.
La doctrine mendélienne repose sur des données primitives relativement
simples et sur des données nouvelles, fort nombreuses, et qui sont pro-
prement capitales. Voici comment on pourrait exposer schématiquement les
données primitives, empruntées à la biologie du règne végétal.
Si l'on croise deux plantes de race pure, différant par un seul caractère
extérieur, la couleur, par exemple, qui serait blanche chez l'une et rouge
chez l'autre, tous les rejetons immédiats de cette fécondation, tous les
hybrides, comme on les nomme, présentent une couleur identique, soit celle
de l'un des parents. Un pois à fleurs rouges donne par croisement avec un
pois à fleurs blanches, des pois à fleurs rouges, sans exception.
Et maintenant, le croisement de deux de ces hybrides de la première
génération, fournit des pois à fleurs rouges et des pois à fleurs blanches, en
sorte que les deux couleurs opposées l'une à l'autre dans la génération des
parents, reparaissent côte à côte dans la proportion... (ceci est important!)
de trois fleurs rouges pour une fleur blanche, dans le cas du pois de senteur.
J'ajoute d'emblée que ces trois fleurs rouges ne sont pas identiques, car l'une
seule est de couleur pure, les deux autres, bien qu'identiques en apparence,
étant d'un rouge instable, avec le caractère blanc latent. J'en reparlerai.
Notons bien ce rapport i 3, ou plus exactement i 2 1. On appelle
:

couple allélomorphe, le couple de caractères opposés, les antagonistes


rouge et blanc de la génération parentale (P). Le caractère rouge qui l'em-
porte dans la première génération filiale (Fx) est dit dominant ou manifeste,
le caractère blanc, récessif ou latent. On a nommé loi ou règle de l'unifor-
mité (ou isotypie Lang), le fait de l'homochromie de tous les rejetons
directs et loi de divergence, de ségrégration ou de disjonction (Spaltungs-
regel), le phénomène de la réapparition de la couleur récessive dans la géné-
ration suivante F2. Le rapport 1
3 ou 1 2
: 1 est une « proportion mendé-
lienne » (type Pisum). Dans d'autres cas, on observe un processus de
transmission un peu différent une fleur blanche, Mirabilis Jalappa alba,
J
croisée avec une fleur de même race, variété rouge, Mirabilis alappa rosêa,
donne des hybrides roses, soit intermédiaires aux couleurs génératrices.Tous
les rejetons ont, d'ailleurs, une livrée identique, mais si l'on vient à croiser
deux hybrides de la génération F1; on voit reparaître dans leur descendance
les caractères latents, et la « proportion » connue s'affiche avec une fleur
rouge, une fleur blanche et deux fleurs roses, 1:2: 1. C'est ce'que l'on nomme
l'hérédité du type intermédiaire ou la dominance incomplète du rouge sur
le blanc.
Mendel a interprété ces faits en faisant l'hypothèse suivante. Chaque
plante est formée de deux apports, paternel et maternel. Elle est née de la
fusion de deux « gamètes », mâle et femelle. Les pois blancs par exemple
seraient issus de gamètes dotés tous deux du caractère blanc et les gamètes
nés d'eux présenteraient forcément les mêmes dispositions. Que l'on croise
maintenant un pois à fleurs rouges avec un pois à fleurs blanches, chaque
hybride possédera désormais un caractère blanc et un caractère antagoniste.
Or, et c'est là le fait essentiel de l'hypothèse mendélienne, ces caractères,
tout comme des particules matérielles, subsisteraient inviolables, inatta-
quables dans leur intégrité comme dans leur indépendance, et ne fusion-
neraient pas même dans le cas de l'hérédité dite intermédiaire. La plante
hybride qui possède un couple allélomorphe constitue à son tour, à raison
de 5o p. 100, des gamètes dotés de l'un ou de l'autre caractère. Dans le cas de
croisement avec un hybride de même structure germinale, ce serait le hasard,
c'est-à-dire les lois de la probabilité qui présideraient à l'accouplement des
l'
gamètes et formuleraient le rapport 1:2:1 qui caractérise F En effet, un
croisement du type blanc-rouge + blanc-rouge donne, au jeu du hasard, blanc
+ blanc, blanc+rouge, rouge + blanc et rouge + rouge, soit 1 2 1. :

C'est cette hypothèse ingénieuse et que tant de faits ont confirmée, que
l'on a nommée l'hypothèse de la pureté des gamètes, de Mendel.
On appelle « homozygotes » les gamètes et, par extension, les individus
dont les caractères sont homogènes, purs, sans mélange, par l'identité des
deux parts qui les composent ; « hétérozygotes », ceux qui possèdent des
caractères antagonistes.
Dès le début de ses recherches, Mendel s'est rendu compte que les choses
ne se passaient pas toujours aussi simplement que cela. Deux plantes peuvent
différer par 2, 3, 10, n. caractères divers, ou, comme on a pris l'habitude de
le dire, le monohybridismen'est pas la règle, les cas de di- tri- polyhybridisme
sont de beaucoup les plus fréquents. Il faut admettre alors, et les faits
confirment cette hypothèse, que les plantes en question ne forment non plus
deux sortes, mais 4, 8, 16 sortes de gamètes divers et qu'elles peuvent ainsi
donner lieu à 16, 64, 256 combinaisons dans la deuxième génération filiale.
Mais, quoi qu'il en soit, quelque enchevêtrés que paraissent les caractères
dans les croisements polyhybrides, la loi de Mendel stipule et la réalité
confirme la persistance inviolable des caractères à travers toutes les trans-
missions. Ils se prêtent à des juxtapositions, ils se dissimulent dans la
latence, ils ne se laissent jamais détruire ni annexer.
Hérédité dominante, hérédité récessive ces deux modes s'opposent natu-
rellement l'un à l'autre dans la double caractéristique suivante.
Si le caractère pathologique est dominant: i°Tout individu pathologique
est entièrement pathologique ou non (5o p. 100); 20 Tout individu sain est
entièrement sain (Einmal Irei, immer frei\)\ 3° L'anomalie persiste et
reparaît, malgré le mariage avec conjoint sain; 40 Les mariages consanguins
entre gens sains ne nuisent pas; 5° Les gens sains se marieront avec les gens
sains de leur famille, ou bien en dehors de la famille ; 6° L'hérédité des
caractères pathologiques est toujours directe.
Si le caractère pathologique est récessif 1° Tout individu pathologique
est entièrementpathologique ; 20 Tout individu sain est sain ou non (5o p. 100) ;
3° L'anomalie disparaît avec les mariages sains; 48 Les mariages entre consan-
guins sains (ou réputés tels) sont risqués; 5° Les gens sains ne se marieront
qu'en dehors de la famille; 6° L'hérédité des caractères pathologiques peut
être discontinue.
Telle est, brièvement, schématiquement résumée, la doctrine mendélienne
des débuts, qu'il n'est plus guère décent d'ignorer.
La génétique a progressé promptement depuis ses débuts et ses
conceptions se sont très notablement modifiées.
La nature offre à la biologie une quantité de faits si complexes que les
lois mendéliennes ne sont pas en état de les régir. D'une part, les caractères
mendéliens deviennent excessivement nombreux dès qu'on s'élève quelque
peu dans la série animale, puisque la fameuse mouche Drosophila Ampelo-
phila n'en a pas révélé moins de deux cents à la sagacité de Morgan et de son
école; d'autre part, il n'y a pas de correspondance nécessaire entre les parti-
cularités objectives et les facteurs mendéliens. On ne sait jamais, avant d'en
avoir fait l'expérience, si tel caractère extérieur qui est un élément de descrip-
tion, qui tombe sous le coup des sens, jouit en quelque sorte du privilège
de mendéliser. Les particularités auxquelles répondent des facteurs mendé-
liens, les caractères qui s'opposent en couples allélomorphes, constituent
les « caractères unités », les autres n'ont qu'une valeur descriptive ou diffé-
rentielle à nos yeux. Il est des caractères qui nécessitent la présence de plu-
sieurs unités héréditaires (polymérie, homodynamie Guyénot*) inverse-
ment, plusieurs caractères peuvent résulter de l'action d'une seule unité
(Pléiotropie). Aussi a-t-on pris le parti de créer un néologisme pour
désigner ces caractères unités proprement mendéliens. On les nomme
« gènes y), un gène, en pays allemand (Johannsen) et « facteurs » en pays
français et anglo-saxons. On appelle « génotype » l'ensemble des gènes groupés
en patrimoine héréditaire : on nomme phénotype, d'un mot dont l'étymo-
logie est assez claire, l'ensemble des caractères objectifs, des éléments de
l'apparence individuelle. Ainsi l'on s'est habitué, j'allais dire résigné, à voir
des individus phénotypiquement identiques, différer par leur génotype.
L'habit ne fait pas le moine. Cette multiplicité des facteurs, ce défaut de
parallélisme entre le gène et le phène, si l'on peut s'exprimerainsi, tout cela
n'est rien encore. Force est bien de se rendre à l'évidence les gènes, les
facteurs s'associent les uns aux autres en groupes souvent très denses et très
stables. Cette association factorielle que Morgan a découverte et baptisée
« linkage » est particulièrement significative dans le genre Drosophile.
Lorsque l'analyse a découvert l'existence de deux gènes ou facteurs différents
dans le patrimoine héréditaire d'un animal, par exemple, il arrive très
souvent que les produits de ce croisement allélomorphe ne répondent pas
du tout aux exigences de la répartition théorique, dans l'hypothèse d'une
ségrégation indépendante des caractères. Au lieu de former quatre sortes de
gamètes, ils n'en forment que deux, à raison de 5o p. xoo. Il s'est produit
une agrégation (non pas une fusion!) de deux caractères mendéliens qui,
sans rien perdre de leur pureté biologique, se transmettent désormais en
bloc dans les mêmes gamètes au lieu de suivre isolément leur destinée. Cette
association factorielle s'observe notamment dans l'hérédité du sexe qui lie
souvent partie avec maint caractère mendélien. On ne connaissait, on ne
connaît peut-être à l'heure qu'il est, que quatre groupes de gènes, chez la
Drosophile qui nous a pourtant dévoilé le mystère de près de 200 facteurs.
Ces groupes englobent respectivement 47, 27, 22 et 3 facteurs. Donc, les
gènes, tout en restant purs, inattaquables en substance, se fédèrent et ne
mendélisent alors que solidairement, c'est-à-dire en bloc.
On s'est rendu compte que s'il n'y avait pas de parallélisme entre le
nombre de gènes et celui des caractères extérieurs, il y avait en revanche
coïncidence dans le nombre des groupes factoriels et dans celui des paires
chromosomiques. On est en droit de supposer que les chromosomes repré-
sentent de vrais vecteurs matériels de l'hérédité, que les gènes isolés ou
groupés, qui les constituent, n'en sont que des particules, à substrat orga-
nique réel, à constitution morphologique et non pas chimique seulement
J'ai tiré bon profit de la lecture du substantiel livre de E. Guyénot
1. :
l'Hérédité. Doin, 1924. Paris.
-et que la matière germinale, particulièrement la substance même dont sont
faits les chromosomes, est douée d'une constitution élémentaire, agrégat de
parcelles autonomes, de particules limitées, tels, mais dans l'ordre chimique,
les atomes et les molécules des corps. La matière ne serait point assimilable
à quelque magma homogène, à quelque bain colloïdal essentiellement
plastique, modifiable, évoluant. Cela est si vrai que la découverte des phé-
nomènes appelés « crossing over » ou « recombinaison » s'accommode par-
faitement de l'hypothèse d'une localisation linéaire des gènes au sein des
chromosomes. Déjà l'on entreprend l'étude topographique de ces gènes et
de curieuses expériences qu'il serait trop long de relater ici légitiment
ces descriptions hypothétiques, mais fécondes. Si donc la théorie de la
pureté des gamètes reste valable, la loi de ségrégation indépendante s'applique
aux unités parfois complexes des associations factorielles.
Les notions de dominance et de récessivité ont beaucoup perdu de leur
prestige. La dominance absolue, qui, dans les recherches primitives, parais-
sait presque la règle chez les rejetons de la génération F13 devient une excep-
tion. Plus on s'élève dans le règne animal et plus ces mots dominant et
récessif se dépouillent de sens. Non seulement tous lescompromis s'observent
entre le caractère manifeste et le caractère latent, mais même il s'avère
que la dominance et la récessivité sont l'expression d'une relativité à laquelle
concourent et participent une foule de facteurs à la fois, conditions internes,
circonstances, et le temps lui-même. Un même facteur peut se présenter sous
des états allélomorphes multiples (Cuénot). Non seulement un gène peut
jouir d'une certaine dominance sur un autre gène et subir la récessivité
devant un troisième facteur, mais aussi tel gène dominant perd sa domi-
nance, lors d'une association avec des gènes récessifs ; non pas qu'il soit à
son tour dominé par un antagoniste, mais parce qu'il est comme affaibli par
un associé. La dominance de l'œil rouge chez la Drosophile est affaiblie par
linkage avec des caractères récessifs d'une autre catégorie.
Les belles proportions mendéliennes, types Pisum, Mirabilis, etc., joie
des débutants, espoir de tout le monde, apparaissent un peu comme un rêve
puéril dans le plan de la biologie humaine. L'entrelacement étroit et subtil
des facteurs, leur nombre, la mutuelle dépendance de leurs effets, leur som-
mation par polymérie, leur neutralisation peut-être, expliquent le caractère
souvent indéterminé, méconnaissable, des proportions numériques, dans les
supputations du mendélisme humain et semblent faire encore la part large
au hasard. La circonspection est de rigueur!

L'homme, dans son hérédité, se prête mal aux vérifications de la loi de


Mendel, pour diverses raisons dont voici les principales une famille
humaine compte, même dans le cours de plusieurs générations successives,
un très petit nombre d'individus, de sorte que les lois mendéliennes n'y
découpent souvent que des tranches dérisoires qui n'ont plus, pour ainsi
dire, la saveur de la démonstration. La mort creuse des vides capricieux qui
réduisent encore de façon notable la signification des résultats. Mainte
affection, comme la mélancolie, éclôt si tardivement parfois qu'il est malaisé
d'en considérer comme définitivement affranchis les individus morts même
dans l'âge mûr. Surtout, la complexité de l'âme humaine qui fait l'objet de
notre science, l'indétermination de ses éléments, l'imprécision des limites
de ses anomalies, le vague des conceptions qui nous les figurent, tout cela
s'oppose encore à la recherche si exigeante, dans son schématisme et dans
sa rigueur des théories de Mendel. Ces difficultés et d'autres encore sont
en quelque sorte naturelles. L'irréflexion ou l'inexpérience des premiers
chercheurs en a créé de nouvelles qu'il a fallu reconnaître et surmonter.
C'est ainsi que l'on a voué tout d'abord une attention presque exclusive aux
familles les plus tarées, comme si la fréquence remarquable d'une tare au
sein d'une communauté n'avait pas précisément un caractère biologique et
statistique exceptionnel. Or, si l'on s'en tient à la théorie de Mendel, on ne
perdra pas de vue l'éventualité assurément fréquente de la récessivité des
caractères morbides qui hantent les individus hétérozygotes, sans devenir
manifestes. Imaginons donc une tare récessive au sein d'un grand nombre
de familles ; pour y établir le rapport des individus sains aux individus
malades, il faudrait dénombrer les uns et les autres, au sein de toute famille
affligée de la tare, même latente, ne fût-ce que dans un seul de ses membres?
Il faudrait par conséquent faire entrer dans son compte un certain nombre
de familles apparemment saines. C'est à quoi n'ont jamais pensé les pre-
miers chercheurs, entre autres Rosanoff et Orr. Leur sélection des cas tarés
n'était pas représentative, au sens que la statistique donne à ce mot : elle
préjugeait de la question au profit de la tare... Fort à propos, la biologie a
reçu le renfort d'un mathématicien fort distingué, le docteur Weinberg de
Stuttgart, qui l'a dotée de deux méthodes particulièrement ingénieuses et
profitables. Toutes deux rétablissent le rapport représentatif dans sa réalité.
L'une est dite « Geschwister- », l'autre « Probandenmethode ». Je ne puis les
exposer ici; qu'il me suffise d'affirmer qu'elles définissent très exactement la
part de l'arbitraire et qu'elles réservent très scrupuleusement la part du
hasard. Armé de ces nouvelles méthodes, le médecin pouvait désormais
affronter la statistique massive et retrouver les proportions caractéristiques,
même au sein de la multitude. Notons très brièvement quelques résultats.
Pour Wittermann qui a fait d'ailleurs un emploi défectueux de la méthode
de Weinberg, la démence précoce (= D. P.) est récessive. Lundborg est du
même avis. Lenz a parlé de dominance. Eugène Kahn admet la nécessité
et la réalité de deux caractères-unités (Anlage), l'un déterminant la « schizo-
phrene Mentalitat » ou schizoïdie (ou syntonie, d'après Bleuler, dans le sens
de caractère schizoïde), l'autre le processus destructif spécifique de la
démence précoce. Kahn affirme que le croisement de deux caractères schi-
zoïdiens ne peut pas causer à lui seul l'éclosion d'une vraie schizophrénie.
Il doit s'y ajouter un facteur du processus schizophrénique. Le caractère ou
déterminant (1 schizoïdie » serait dominant, l'autre (Schizophrenieprozess)
récessif. Ces deux gènes différents par leur mode de transmission seraient
aussi d'origine différente. La schizophrénie pourrait éclater chez des indi-
vidus dénués d'antécédents schizodïes, même les deux gènes précités (Schi-
zoïdie et Schizophrenieprozess)pourraient parfois subsister à l'état de latence
définitive chez un individu, lors qu'il existerait des facteurs d'inhibition.
On sait assez combien Kretschmer a insisté sur les corrélations physiques
de la démence précoce. Elle se trahirait,selon lui, dans l'ordre plastique et
anatomique, sous les divers habitus qu'il distingue et baptise : dysplastique,
asthénique, athlétique, en particulier. Un grand nombre d'auteurs se sont
rangés à ses vues, avec plus ou moins de réserves (V. Ewald, Beringer et
Duser, Wuth). Retenons du moins le fait de ces corrélations physiques
vraisemblables. Kretschmer observe en outre qu'il se trouve, dans les familles
marquées d'un cas de schizophrénie, des individus dotés d'un certain carac.
tère normal et qu'il nomme schizothyme, lequel représenterait, dans le plan
normal, les grands traits fondamentaux dont l'exagération constitue la schi-
zophrénie. Entre schizothyme et schizophrène, il faudrait intercaler l'inter-
médiaire, déjà. connu, du schizoïde, caractère anormal trois aspects d'un
caractère allant du normal au pathologique. La schizophrénie naîtrait de la
convergence de deux schizoïdies. Ewald s'est élevé contre ces conceptions
tout en confirmant la réalité partielle des corrélations physiques. Pour lui,
Kretschmer englobe à tort dans sa schizothymie tous les caractères marqués
et dans les schizoïdies tous les caractères anormaux. Il ne saurait se faire à
l'idée que la démence précoce procéderait insensiblement d'un état normal.
« Je ne puis trouver, dit-il, le chemin qui mène de l'âme normale à l'âme
schizophrénique. » La schizophrénie en tant que processus, ne saurait être
confondue avec des psychopathies qui sont entièrement, génotypiquement
différentes d'elle.
Rüdin, à qui nous devons les premières publications relatives au mendé-
lisme en psychiatrie, est certainement, à l'heure qu'il est, le spécialiste le
mieux renseigné sur toutes ces questions. Sa grande enquête sur l'hérédité de
la démence précoce nous a valu de lui des faits importants. 4823 rejetons de
701 couples d'hétérozygotes, répondant à la formule DR + DR, soit de père
et mère sains en apparence, fournissent 4,48 p. 100 de démence précoce, soit
0,16-0,32 p. 100. La démence précoce serait, sur la foi de ces résultats, une
affection récessive d'hybride (Wimmer et Hoffmann le confirment). Son éclo-
sion serait conditionnée par la collision de deux tares, paternelle et mater-
nelle. Rüdin a eu l'ingénieuse idée d'examiner de près les produits du rema-
riage des pères ou mères d'un enfant du premier lit, victime de la Schizo-
phrénie. Sur 498 demi-frères ou sœurs, il ne s'en trouve qu'un et trois cas,
soit 0,56 à 1,70. Preuve significative de la bilatéralité habituelle des tares
héréditaires Rüdin ne trouve aucune affinité remarquable entre la démence
!

précoce et l'un ou l'autre des sexes.


Weinberg, l'autéur des méthodes statistiques connues, plaiderait plutôt
en faveur d'une hérédité récessive à caractère polymère, modifiable par le jeu
des circonstances extérieures. Oserais-je rappeler, enfin, que j'ai été le pre-
mier à publier sur ce sujet, en g t5, des données rigoureuses, et que l'appli-
1
cation que je fis alors au mendélisme de la méthode nouveau-née de
Weinberg, me prouva que l'hypothèse récessive monohybride devait être
exclue sans hésitation. La Schizophrénie serait donc assimilable à un carac-
tère récessif polymère.
En ce qui concerne la manie et la mélancolie, les avis sont encore plus
partagés. J'ai dû conclure moi-même de mes recherches à ce sujet que, pas
plus l'hypothèse de la dominance simple que celle de la récessivité ne satis-
faisait aux exigences des faits. Kahn incline à penser que la folie circulaire
(F. C.) comme la démence précoce, exige la collaboration de deux facteurs
l'un, endokrin-zirculiire Grundstorung, serait le facteur héréditaire patho-
gène par excellence ; l'autre, ne conditionnant qu'une affectivité remarquable
par sa labilité. C'est le lieu de signaler ici les remarquables corrélations
physiques observées par Kretschmer entre le caractère qu'il nomme cycloïde
et l'habitus corporel. Il distingue : 1° le cyclothyme, caractère normal, simple
catégorie parmi les gens normaux ; 2° le cycloïde, cyclothyme renforcé ou
aggravé ; et 3° le circulaire lui-même, malade avéré. Pour lui, les tempé-
raments sont fonction de l'état du cerveau. Il existerait deux grands groupes
d'hormones, dont l'un engendrerait le complexe organo-psychique que nous
nommons schizothymie, l'autre la cyclothymie.
Hoffmann a mis au jour une patiente étude sur ce sujet. Il trouve 31,4
p. 100 de circulaires parmi les descendants de ses maniaques-mélancoliques.
Ce pourcentage parlerait plutôt en faveur de la dominance, encore que l'hy-
pothèse de la récessivité paraisse plus applicable à certaines familles. Pour
tout concilier, il s'arrête à la conception d'une hérédité dominante « sous une
forme quelconque ». La folie circulaire se présenterait, elle aussi, sous trois
aspects, qui sont comme les nuances allant du clair au foncé. Une dominance
à caractère homomère rendrait peut-être compte de cette variété. Le caractère
circulaire ne serait réalisé que par la sommation de 2, 3, n facteurs homody-
names, soit déterminant le même effet. Les termes cyclothyme, cycloïde et
circulaire traduiraient cliniquement la progression des valeurs héréditaires.
Riidin, à son tour, fort de l'examen de 65o patients, soupçonne « irgeJld-
einen dominanten Modus i, dans la folie circulaire. A l'heure qu'il est, dans
l'embarras des possibilités numériques où il se trouve, il pencherait pour une
hérédité (= H) trimère, faite de deux facteurs récessifs et d'un facteur
dominant. Cela lui permettrait d'obtenir une égalité qu'il estime remarquable
entre les probabilités et les données. Encore admet-il que des facteurs exté-
rieurs jouent un rôle mystérieux dans cette genèse. Et puis,Rüdin reconnaît
très loyalement que ses chiffres conviendraient tout aussi bien aux exigences
d'une théorie stipulant l'homomérie dominante à 10 ou 12 facteurs.
L'hérédité sex-linked, soit liée au sexe, n'existerait pas dans la folie
circulaire.
Citerons-nous encore les opinions suivantes, qui sont certainement moins
solidement étayées sur les faits et, partant, plus hypothétiques? Lenz a
pensé que la folie circulaire s'héritait sur le mode dominant lié au sexe ;
Wimmer plaide pour une dominance non-simple ; Sünner s'abstient de porter
un jugement.
Et maintenant, hâtons-nous de redire avec Riidin le peu que nous savons
de l'hérédité des autres affections mentales. Ce sont encore Hoffmann et
Rüdin qui nous fourniront le contingent le plus notable des faits.
En gros, on trouve à peu près 9 p. 100 d'épileptiques essentiels, dans la
de scendance immédiate des comitiaux (Hoffmann II p. 100). L'hérédité
affecterait un type plutôt récessif, bien que, dans certaines familles, la domi-
nance soit très vraisemblable (Oberholzer, E. et F. Minkowski sont d'accord).
Hoffmann distingue divers facteurs éplleptogènes l'un exalterait l'irritabi-
:
lité des centres moteuis cérébraux; d'autres facteurs, endocrines, par leur
sommation avec le gène spécifique, causeraient l'éclosion d'une épilepsie.
Telle est aussi l'opinion de Kahn.
L'épileptoïdie des Minkowski, la psychopathie épileptoïde de certains
auteurs, n'a pas encore donné lieu, qùe je sache, à des constatations mendé-
liennes précises. A remarquer la notable tendance à la régénération qu'ont
signalée Oberholzer et, récemment, E. et F. Minkowski,et jadis Foville lui-
même paraît-il, dans le mal sacré.
Les fameuses paraphrénies de Krsepelin seraient, en tout cas, appa-
rentées étroitement à la démence précoce, d'après quelques résultats de
Hoffmann. Peut-être procèderaient-elles de la juxtaposition d'un gène
circulaire à quelque gène schizophrénique, peut-être ne seraient-elles que
l'expression lénifiée de la schizophrénie,au bas de l'échelle de la polymérie.
La paranoïa sensu stricto de Kràspelin est certainement de la même
famille \ elle éclôt dans une ambiance fortement imprégnée de schizothymie,
comme Hoffmann l'a remarqué dans un cas très significatif.iQuant aux délires
de persécution sénile et présénile, la même remarque s'impose : ils s'affi-
lieraient au gène Schizophrénique, dont ils ne trahiraient que des variétés
ou des nuances.
La paralysie générale ne paraît pas affranchie du joug de l'hérédité. Selon
Meggendorfer, il existerait une disposition familiale héréditaire, qui se tra-
duirait par l'insuffisance ou l'imperfection du mécanisme de protection du
système nerveux contre le poison syphilitique. Pernet a compté 53,3 p. 100
de psychopathies, au sens large du terme, dans les descendants des paraly-
tiques.
L'imbécillité, l'idiotie, ne sont simples qu'en esprit ; elles paraissent fort
compliquées en matière d'hérédité. Il y a des imbécillités récessives, il y en
a de dominantes, comme celle qui sévit depuis si longtemps dans la famille
Kallikak, décrite par l'américain Goddard. L'idiotie amaurotique serait
récessive, la mongoloïde aussi. L'intrication vraiment singulière des cas
d'imbécillité et de démence précoce sous sa forme hébéphrénique,de l'imbé-
cillité et de l'épilepsie, soulèvent des questions de parenté génotypipue aussi
délicates que pressantes.
L'imbécillité morale paraît s'affilier, elle encore, à la Schizophrénie
Meggendorfer s'est appliqué à sonder la préhistoire familiale de quelques
individus répondant au diagnostic d'épilepsie affective, d'autres encore,
véritables imbéciles moraux. Leur ambiance familiale, non moins que leur
propre psychologie, les acoquine nettement à la Schizophrénie. Aussi
Meggendorfer se croit-il autorisé à baptiser « parathymie » cette aliénation
du sens moral qui représenterait, dans l'ordre affectif, les mêmes défauts et
les mêmes dégâts que la Schizophrénie dans l'ordre intellectuel.
Je m'en tiens là. C'en est assez. J'ai hâte d'en venir à la discussion que la
contradiction ou, du moins, le choc des théories et des faits m'impose.

Que faut-il penser de tout cela? Sommes-nous donc tout près de connaître
la vérité sur les lois de l'hérédité en psychiatrie, puisque déjà, le chiffre aux
lèvres, nous l'articulons quantitativement?Je pense qu'il ne faut pas se faire
d'illusions. Les études mendéliennes nous ont appris bien des choses ; toute-
fois, ce qui me paraît le plus clair et le plus profitable de leur enseignement,
ce n'est ni l'appareil des symboles ni la vertu des nombres, mais précisément
le fait de plus en plus vraisemblable de la divisibilité du substratum hérédi-
taire en particules indépendantes, autonomes, qui subsistent côte à côte, à
la fois tout et partie, dans un groupement fédératif. La ségrégation indépen-
dante des caractères chromosomiques en est une preuve irréfutable. La
matière héréditaire n'englobe pas dans une complexité homogène et
continue tous les caractères ou tous les déterminants à l'état virtuel,
amorphe, mais dans sa forme cellulaire d'œuf, elle est organisée1.
Observons, d'ailleurs, que si cette conception prête un merveilleux appui
aux conjectures mendéliennes, elle leur impose aussi des limites strictes.
L'hérédité mendélienne n'est pas l'hérédité tout entière elle n'est que ce
que nous savons de la transmission des qualités du noyau. Le corps cellu-
laire lui-même, le cytoplasme, ne nous a pas encore dévoilé ses mystères. Or,
il est nécessaire d'admettre que le cytoplasme compte pour quelque chose
dans les phénomènes de l'hérédité. Ne serait-ce pas sur lui, peut-être, que
porteraient les altérations éventuelles de la blastophtorie? Ne serait-ce pas en
détériorant sa substance que les poisons et les virus des maladies acquises
agiraient tout de même sur l'hérédité ? A vrai dire, l'expérience nous enseigne
la prudence en matière de blastophtorie. Il n'est pas prouvé que l'alcool soit
l'agent de variations néfastes dans l'idioplasme (idiocinèse ou idiovariation).
Rüdin croit cela vraisemblable. Baur et Lenz sont tout à fait affirmatifs
l'alcool et la syphilis, d'autres toxiques encore, exerceraient sans nul doute
leurs effets pernicieux sur la cellule germinale et dépraveraient l'hérédité.
Ainsi pense Stockard, qui a étudié la postérité des cobayes nourris d'alcool,
Peiper et Pfaundler, qui se sont préoccupés des séquelles héréditaires de la
syphilis. Je ne puis douter moi-même du rôle perturbant des poisons et
toxines sur l'organisme en tant que générateur et je demeure persuadé qu'on
mettra de mieux en mieux en valeur le phénomène de l'instauration des tares
par la viciation acquise et progressive du germe. Si l'examen des chromo-
somes ne nous a rien révélé sur ce point, l'étude du cytoplasme en est encore
à ses débuts. Peut-être y trouverons-nous les éléments d'une claire doctrine
de l'hérédité des facteurs acquis.
A parler franc, je trouve bien vides les discussions sur le caractère
récessif ou dominant des psychoses.Ces mots sont à la mode on dirait que
toute affection prête à les prononcer. Non seulement on se tâte pour décou-
vrir la vertu dominante ou récessive de ses maux, mais encore il n'est plus
une maladie dont on ne se demande, comme en jouant à pile ou face, de quel
côté l'hérédité choit. Mais oui, la constipation chronique reçoit les honneurs
du mendélisme! Il est extrêmement vraisemblable que ces mots, en parlant
de l'homme, et particulièrement de son âme, n'ont plus grand sens ou, du
moins, plus grand intérêt. Nous n'ignorons pas, en effet, que mainte affection
corporelle, dont la nature génotypique est apparemment plus simple que
celle des maladies mentales, se présente tantôt sous l'aspect récessif, tantôt
sous l'aspect dominant, ou sous l'aspect de l'hérédité liée au sexe, ou sous
un aspect différent. Pour ne parler que des yeux, la myopie, le glaucome, la
rétinite pigmentaire, et vingt autres affections diverses affectent le mode
dominant ou récessif, sans règle connue, d'une famille à l'autre. Il est tout à
fait inutile, il est même parfois ridicule, de chercher à fixer son diagnostic
génétique entre ces deux jugements. Comme si le démon de l'hérédité
n'avait que deux tours dans son sac! Les transpositions familiales du mode

1. Je prends ces « localisations » cum grano salis !


d'hérédité sont probablement les manifestations,confuses encore à nos yeux,
des influences du contexte germinal sur le sens des deux ou trois mots que
nous savons y lire. Il me semble que Bleuler a raison quand il écrit que des
influences internes, des dispositions mentales concomitantes, qui en elles-
mêmes n'ont rien de commun avec le gène de la maladie, peuvent éventuel-
Il
lement coopérer à sa constitution. est plus que probable, en effet, et Bleuler
s'est clairement exprimé à ce sujet, que les affections mentales, la schizo-
phrénie en tout premier lieu, sont encore très mal délimitées, qu'elles
englobent et confondent dans un même diagnostic des syndromes génoty-
piquement dissemblables ou, au contraire, qu'elles séparent et distinguent
trop catégoriquement des entités morbides ayant la même origine. Je
rappelle la promiscuité frappante de la démence précoce, de l'imbécillité et
de l'épilepsie. Il doit exister certainement un grand nombre de schizo-
phrénies, différant par le nombre, la combinaison, la figure'de leurs éléments.
L'isomérie, au sens chimique du mot, a peut-être un équivalent en géné-
tique. On sait, à n'en pas douter, que la concomitance ou la synergie de
certains facteurs réputés accessoires peuvent modifier le dynamisme des
'facteurs réputés indispensables à la constitution d'une démence précoce, par
exemple, et de dominants les rendre récessifs. Si l'on considère une formule
génétique, type imaginaire, telle que... ee ii aa XX IR, il se pourrait, je
suppose, que la présence du couple hétérozygote fR, attribut occasionnel,
imprimât un caractère particulier à la psychose hypothétique, et lui conférât
la valeur récessive que son absence annulerait. N'oublions pas que la
maladie que l'on observe au sein d'une famille n'est pas identique à la
maladie synonyme qui sévit ailleurs. La statistique court le risque de perdre
en qualité ce qu'elle gagne en étendue. Sans doute, la catégorisation des
faits, la distinction entre les couples DD-f-DD, DR+DR, DR-j-RR, RR+
RR, DD + DR obvie de manière notable à cet inconvénient, mais dans une
recherche telle que celle-là, l'analyse de quatre cas seulement,pose quatre
fois le problème et réclame quatre solutions. Certes, je ne songe pas à faire
le procès des études mendéliennes, auxquelles j'ai été des premiers à
m'initier, mais j'examine désormais avec circonspection le chemin sur
lequel la statistique et les mathématiques nous entraînent. J'aime le mendé-
lisme quand il suppute ou conjecture; je le désavoue quand il prétend tout
expliquer. Qu'il nous éclaire sur les difficultés et les mystères de la trans-
mission des caractères et des tares, c'est bien, mais qu'il n'impose jamais le
silence aux avis de la clinique. La collaboration parallèle de la génétique et
de la clinique est le meilleur programme de travail. Reconnaissons que la
doctrine mendélienne a fait des progrès si prompts que la clinique a fort
à faire à la suivre, mais la doctrine, à son tour, a buté contre des obstacles
que la clinique seule peut l'aider à surmonter. C'est en marchant ainsi
cahin-caha, en se prêtant un mutuel ou successif concours, que la question
de l'hérédité en psychiatrie fera des progrès nouveaux et décisifs. Voyons où
nous en sommes.
Il paraît vrai que les maladies mentales ne s'héritent point comme un
simple caractère mendélien allélomorphe. Tout porte à croire qu'elles sont
conditionnées par un certain nombre de déterminants, que nous ne sommes
pas présentement en état de distinguer les uns des autres. Ces déterminants,
ces gènes seraient légués au rejeton, avec toutes espèces de gènes normaux
qui constituent, à eux tous, le patrimoine héréditaire individuel. Peut-être
seraient-ils assignés aux seuls chromosomes, au nombre de 47-48 dans le
genre humain, peut-être sont-ils disséminés dans le cytoplasme de la cellule-
oeuf ? En quoi consistent-ils ? En quoi consistent les gênes de la Schizophrénie?
Nous n'en savons rien. Sous quelle forme la Schizophrénie s'élabore-t-elle
dans l'embryon? (Erbschizose de Bleuler). Mystère! Elle est certainement
aussi différente de la Schichtschizose (ou Schizophrénie manifeste) que tel
trait de caractère est différent du substratum organique qui le contient à
l'état virtuel, dans le stade unicellulaire. Il est à peu près certain que l'Erbs-
chizose n'a rien de mental à ses débuts; elle ne saurait se manifester avant
que la fonction qu'elle pervertit ne se soit elle-même différenciée. On admet
que les gènes pathologiques affectent une certaine localisation au sein de la
cellule fort bien, mais ils diffèrent entre eux, non pas seulement par leur
répartition dans l'espace, mais encore par leur distribution dans le temps. IL
y a vraisemblablement une localisation chronogène. Deux gènes identiques
peuvent déployer leurs effets à de longs intervalles l'un de l'autre, c'est-à-dire
dans des phases plus ou moins avancées de l'ontogénie. Des gènes aniso-
chrones sont-ils vraiment identiques ? Il est possible que l'effet précoce tient à
l'intensité plus grande d'un gène, soit qu'il intervienne là d'hypothétiques
facteurs d'intensité, soit une sommation proprement homodyname de facteurs
agissant dans le même sens. Ce que nous appelons une tare grave n'est
peut-être pas quelque chose d'essentiellement différent d'une tare dite légère
ce pourrait être le même facteur, agissant, efficace à court ou à long terme.
L'âme humaine se forme à la manière du corps qui la concrétise de sa
gangue d'instincts organiques, elle déploie, elle épanouit au cours des années
l'éventail ou l'ombelle de plus en plus délicate de ses linéaments, multipliés
par une sorte de dichotomie et par l'anastomose. Placez l'obstacle au déve-
loppement, à la base même du tronc, tout s'atrophie; placez-le dans sa
ramure : c'est un trouble périphérique et local. On pourrait comparer les
gènes, dans leur effet perturbateur, à je ne sais quel thrombus ou caillot,
obstruant plus ou moins haut l'arbre vasculaire d'un organe de la vie. Soit à
la Schizophrénie une cause reconnue, un gène Schizophrénique, par
exemple. Si ce gène déploie ses effets de bonne heure, s'il éclate comme un
engin à courte mèche, la Schizophrénie présenterait un aspect à la fois
corporel et mental ; corporel par l'évidente perturbation du sxstème endo-
crine, par les lésions du corps strié, par les anomalies du squelette, du
système pileux, etc. (Kretschmer); mental, par le trouble précoce de l'asso-
ciation, de l'affectivité. Le même gène, placé sur divers points du temps,
déterminerait dans un cas l'aspect majeur ou pire de la Schizophrénie
dégénérative, avec ses arriérations et ses arrêts de développement ; dans
un autre cas, si le gène n'a qu'une portée lointaine ou tardive, une simple
paraphrénie, une paranoïa, quelques troubles du caractère dans l'âge cri-
tique, je ne sais quel émoi dans la cinquantaine. Il se peut que l'obstacle
apporté prématurément par le gène pathologique à la genèse de l'être, dès
ses premières semaines de vie intra-utérine, en obstruant toutes sortes
de voies qui devaient rester libres, constitue cette épaisse imbécillité
qui a nom hébéphrénie. Il n'y a pas deux démences précoces identiques
au monde. Chacune est composée d'un certain nombre d'éléments (con-
génitaux ou acquis), transmis avec le patrimoine héréditaire. Notre tâche
est de les découvrir, ces gènes maléfiques, de les circonscrire, de les
isoler. Que l'étude approfondie, la saine recherche généalogique, dans la
double direction des ascendants et des rejetons, fouille ce problème et sug-
gère l'hypothèse. Les statistiques massives nous ont ouvert la Terre Pro-
mise jusqu'à l'horizon; scrutons-en maintenant les détails.' Et que cette
recherche analytique, clinique et génétique, porte non pas seulement sur ce
que j'appelle le psychoplasme familial, c'est-à-dire l'ensemble des caractères
héréditaires, normaux et pathologiques qui font la spécificité des familles,
mais aussi sur l'àme individuelle, sur la constitution ontogénique de la per-
sonnalité. La psychologie est bien avare : il semble qu'il nous appartienne,
à nous, médecins, de dévider l'écheveau très emmêlé de l'ontogénie de l'àme
humaine. C'est affaire de clairvoyance, de circonspection, de minutie. Pas
trop de chiffres, au nom du ciel! Si nous raisonnons juste, on doit trouver
qu'il existe un rapport entre l'intensité d'une psychose et l'intensité des tares
ou des facteurs acquis qui la conditionnent ou qui l'environnent, dans
l'ambiance psychologique d'une famille donnée. Habituons-nous à considérer
lea»psychoses, non pas du point de vue rigide de la nosographie kraepeli-
nienne, qui fut un progrès dans son temps, mais du point de vue génétique,
comme une sorte de molécule complexe dont la formule se prête aux jeux
des substitutions, des permutations, des sommations positives ou négatives.
C'est une conception qui se modèle plus souplement sur les formes délicates
et mouvantes de la vie. Avec elle, les questions de la dégénérescence, du
polymorphisme, de la similarité ne prêtent plus à l'équivoque, au quiproquo,
à d'épineuses discussions. Polymorphisme et similarité ne s'opposent plus
l'un à l'autre. E. Minkowski, qui s'est éclairé des lumières de Meyerson,
nous fait voir dans le concept d'hérédité le fameux principe d'identité que
notre esprit postule dans la recherche des causes. L'hérédité implique la
notion de similarité.
Minkowski montre avec raison qu'il n'y a pas lieu de rejeter, sur la foi de
ce principe, comme décevante et comme trompeuse, l'apparence polymorphe
des phénomènes mentaux pathologiques, au cours de leur transmission
héréditaire, pour s'en tenir au dogme intangible de la similarité. Ce qu'il
faut, c'est que, guidés, consciemment ou non, par le principe de l'identité,
nous nous efforcions de découvrir sous l'apparence du disparate et de l'hété-
rogène, les traits du semblable et du constant que seule notre ignorance
nous tenait cachés. Similaires par la ressemblance de leurs éléments, les
affections mentales synonymes sont polymorphes par la diversité de leurs
conditions. Ainsi l'eau est pluie et rivière elle ne change pas de nature,
elle change de conditions. Il n'est pas difficile de réconcilier Héraclite avec
Parménide.
Quant à la notion de dégénérescence, il me semble qu'elle prête beaucoup
à la critique et à la discussion. Elle paraît acceptable et parfaitement conci-
liable avec les données modernes en ce sens qu'elle distingue et désigne
cette catégorie d'individus anormaux dont les tares, à la fois physiques et
mentales, paraissent avoir affecté de très bonne heure, et dans une large
mesure, l'économie tout entière, la constitution même et le substratum de
l'esprit, non pas seulement sa fonction. C'est ce que Régis appelle les infir-
mités d'évolution. Ce seraient, dans la géologie de l'âme, les tares archéennes
ou primitives. Mais cette notion de dégénérescence me paraît moins justifiée,
quand elle prétend opposer au groupe des psychoses proprement dites,
parmi lesquelles, bien entendu, la démence précoce, le vaste groupe des
affections spécifiquement dégénératives, telles que l'originalité,l'excentricité,
la perversité sexuelle, l'impulsivité, les délires de revendication, d'interpré-
tation, la folie morale, etc. Comme si la démence précoce, notamment la
forme hébéphrénique n'était pas l'expression de la plus forte dégénérescence !

Comme si ces affections n'étaient pas commensurables! Comme si elles ne


représentaient rien de plus ni de moins, vraisemblablement, que les degrés
d'une échelle de péjoration. La notion de la psychose, conçue comme un
puzzle, une juxtaposition plus ou moins unifiée, mais toujours fédérative,
d'éléments empruntés au plasma héréditaire, bâti lui-même sur le même
principe, cette notion très souple, très maniable et très compréhensive
englobe dans une synthèse plus large les notions partielles de dégénérescence,
de polymorphisme et de similarité.

Maintenant si j'étais assez présomptueux pour donner des conseils, je les


bornerais du moins à quelques mots. Que nul ne se laisse rester par l'appa-
rence de transcendance et de complexité des lois mendéliennes Il n'est pas
!

de médecin, quelque incompétent qu'il s'estime, qui ne puisse faire œuvre


utile en vouant son intérêt à l'examen d'un seul cas de psychose et des con-
ditions de sa genèse. L'histoire naturelle d'une famille, sans remonter au
déluge, les vicissitudes du mariage et de la maladie, le caractère et la bio-
graphie de ses membres, ces documents ordonnés en une suite logique et
sans la contrainte des préjugés, constitueront désormais et pour longtemps
le plus substantiel aliment des découvertes futures.
Et voici ma conclusion ou le résumé de mes idées personnelles.
Il est bon de croire, avec Hippocrate, que les psychoses ont le cerveau
pour substratum, mais il est préférable encore de penser qu'elles ont le corps
tout entier pour siège. Lafolieestàlafois drame et processus. Nous assistons
au drame sans pouvoir toujours noter le processus, mais toujours, quelque
légère qu'elle soit, la folie a son substrat. Ce qui, d'une part, crée la spéci-
ficité des psychoses, et d'autre part, les différencie les unes des autres, c'est
l'existence d'un certain nombre d'espèces de déterminants. Les psychoses
homologues, c'est-à-dire, aux yeux des cliniciens, synonymes possèdent
vraisemblablement les mêmes déterminants et chaque espèce de psychose
possède ses facteurs essentiels ; mais outre que l'intrication des facteurs
appartenant à deux psychoses différentes est non seulement théoriquement
concevable, mais encore pratiquement réalisé, une espèce de psychose
donnée, XS, par exemple, comporte des nuances ou des degrés dus, selon
toutes vraisemblances, à la date de l'échéance des gènes pathologiques, soit
à l'époque de l'épanouissement de leurs méfaits. C'est ainsi qu'une embolie
donne lieu à des troubles fort inégaux, selon qu'elle a pour siège l'extrémité
d'un ramuscule artériel ou le tronc même de l'arbre vasculaire. Ces gènes
maléfiques, il importe plus de les poursuivre à travers l'histoire du malade
et de sa famille que de les déduire de résultats numériques encore mal déter-
minés.
DOCUMENTS CLINIQUES

CLINIQUE NEUROLOGIQUE DE L'UNIVERSITE DE VARSOVIE


(DIRECTEUR : PROFESSEUR ORZECHOWSKI)

LES ÉQUIVALENTS NySTAO0E S DE L'ÉPILEPSIE

PAR
Sigismond MESSING

Les équivalents d'épilepsie sous forme de nystagmus sont d'une rareté


exceptionnelle. Nous ne trouvons dans la littérature qu'un seul cas sem-
blable, décrit par Féré.
Il s'agit d'un homme âgé de cinquante-cinq ans, sans antécédents
névropathiques personnels ou héréditaires connus, sans excès alcooliques
avoués, qui, à l'âge de quarante-trois ans, a été atteint de son premier
accès d'épilepsie. Il était alors à la Nouvelle-Calédonie et il attribuait
l'origine de son mal à une exposition prolongée au soleil. Il présentait
des attaques, épileptiques avec cri initial, perte de connaissance, mor-
sure de la langue et des vertiges avec perte de connaissance. A la suite
des attaques, on pouvait constater chez lui l'existence d'un nystagmus
latéral qui disparaissait en général dans l'intervalle des accès. Toutefois
de temps en temps, il lui arrivait, soit lorsqu'il travaillait ou se prome-
nait, de sentir ses yeux s'animer d'oscillations rythmiques. Le malade
reconnaissait que la déviation convulsive initiale se faisait du côté droit,
c'est-à-dire dans le même sens que celle que Féré a pu constater après
l'attaque. A mesure que l'oscillation se répétait et s'accélérait, la vue
s'obscurcissait, le malade éprouvait une sensation d'oscillation totale
du corps, mais non rotation. Néanmoins il tomberait s'il ne se retenait
pas aux objets extérieurs et ne fermait pas les yeux. Cette sensation de
balancement avec éblouissement ne s'accompagnait jamais de perte de
connaissance et le malade qui était sujet à des vertiges épileptiques les
distinguait parfaitement de ces vertiges nystagmiques.
Féré ne nous donne pas de description détaillée de nystagmus
observé chez ce malade.
Des cas pareils étant très rares, nous nous permettons d'en relater
un que nous avons observé.
Jeanne S..., agét de seize ans, développement normal, point de maladies
antérieures excepté le typhus exanthématique à l'âge de onze ans, point de
traumatisme. Le père de la malade affirme que c'est depuis l'âge de douze ans
que sa fille est sujette à des accès de nystagmus, des accès qui ne surviennent
tout d'abord que rarement, soit une ou deux fois par an et sont accompagnés
d'absences. A l'âge de quinze ans les crises deviennent plus fréquentes,
survenant tous les deux ou trois jours; du moment où la malade est soumise à
l'observation clinique, celles-ci tendent à se répéter jusqu'à quatorze fois par
vingt-quatre heures. Les accès sont d'une durée très courte. En éprouvant
la sensation de glisser en bas la malade subit une obnubilation de conscience.
L'accès la surprenant au moment où elle reste debout, la malade ne tombe
que quand elle ne trouve pas un point d'appui; couchée, elle éprouve une
sensation d'être tirée vers la droite et s'efforce de s'y opposer en cherchant
automatiquement à se mettre sur le côté opposé. La crise passée la malade
se plaint de la sensation d'avoir la tête arrosée d'eau bouillante, d'éprouver
un malaise général et puis une céphalée.
Jamais auparavant; ainsi dans son enfance, elle n'eut de crises convulsives
avec perte de connaissance, elle se plaint cependant de céphalées fréquentes,
presque constantes, quoique peu intenses.
État actuel du 13 décembre 1924.
— Jeune fille, développement faible.
Stigmates de dégénérescence nombreux quoique peu prononcés : légère asy-
métrie faciale avec prédominance du côté droit, voûte palatine ogivale,
oreilles à lobules attachés, scoliose peu prononcée à convexité gauche. La
malade est gauchère.
Le développement intellectuel est un peu au-dessous de la normale avec
affaiblissement prononcé de la mémoire. On ne trouve pas de symptômes
typiques du psychisme épileptique.
L'examen du système nerveux donne ce qui suit : Pupille gauche plus
étroite que la droite, réaction à la lumière et à l'accommodation conservée.
Point d- nystagmus spontané. L'épreuve calorique et giratoire répétée plu-
sieurs fois démontre l'excitabilité exagérée du labyrinthe gauche. L'épreuve
du vertige voltaïque de Babinski a donné le même résultat. Les examens
répétés des labyrinthes n'ont jamais démontré de la tendance à la déviation
des globes oculaires. L'épreuve de l'indication de Barany et la direction de
la chute pendant la durée da nystagmus réactionnel se présentent nor-
malement.
La réaction subjective était pendant les épreuves labyrinthiques d'ordi-
naire presque absente. Réflexes profonds des membres du côté droit sont
plus vifs que ceux du côté gauche, les réflexes abdominaux égaux des deux
côtés. Après l'insufflation intracranienne d'air on remarqua l'accentuation
plus exagérée des réflexes du côté droit et le réflexe abdominal droit devint
maintenant plus faible que celui du côté gauche.
La réaction de Bordet-Wasserman avec le sang et avec le liquide céphalo-
rachidien est négative. Le liquide céphalo-rachidien est morphologiquement
et chimiquement normal.
La radiographie ordinaire ne démontra rien d'anormal. Toutefois un cli-
ché pris après l'insufflation d'air manifeste une légère hydrocéphalie des
ventricules latéraux, surtout de leurs cornes postérieures et inférieures. Les
clichés pris latéralement démontrent dans la partie inférieure du lobe frontal
des circonvolutions plus fines et plus nombreuses qu'à l'ordinaire (micro-
gyrie?). A l'endroit qui pourrait correspondre à la partie postérieure de la
deuxième circonvolution frontale se détache fort distinctement une gros-
sière tache aérienne.
D'ailleurs l'état neurologique est négatif. Les organes internes ne pré-
sentent rien d'anormal, excepté les ganglions du hile du poumon gauche
augmentés de volume, ce qui expliquerait la température subfébrile constante
de la malade.
Observation clinique. L'insufflation intracranienne d'air a été exécuté deux
fois : le 5 et le 3 i janvier. La première fois était employé l'air chauffé à 370,
la pression du liquide était de 3oo mm. (dans la position assise), on a extrait
55 cm3 de liquide et insufflé la même quantité d'air. A la fin du procédé la
pression s'abaissa à son niveau initial. Le pouls, de 72 au début et de 64 vers
la fin, est tombé à 56 l'opération terminée. Au cours de l'insufflation la malade
éprouva des douleurs dans le ventre, dans le dos et dans la tête entière. L'in-
sufflation terminée il survint une crise inhabituelle avec obnubilation et
spasmes toniques en attitudes du type parkinsonien flexion de la tête et du
:

cou, des deux membres inférieurs et du membre supérieur gauche, la main


gauche formant un petit toit typique ; le membre supérieur droit, à ce qu'on a
pu observer pendant cette crise de très courte durée, n'a pas pris part à la
crise. La crise survint malgré 0,1 gramme de luminal donné par os et calcium
chlorure administré en injections intraveineuses la veille, ainsi que le jour
même de l'insufflation. L'insufflation intracranienne, exécutée plus tard avec
3o cm3 d'air à température ambiante n'était pas suivie de crise quoique la
malade n'ait reçu le luminal qu'une fois le soir la veille du procédé.
Deux sortes de crises, petites et grandes, ont été observées chez la malade
à la clinique. Le nombre des premières, qui, au début de l'observation, se
.répète jusqu'à quatorze fois en vingt-quatre heures, se réduit sensiblement
aussitôt après la première insufflation d'air, tombant jusqu'à deux pendant
vingt-quatre heures; il augmente toutefois bientôt après pour atteindre
-six crises par jour; après la deuxième insufflation il tombe encore jusqu'à
deux et reste invariable à peu près cinq mois durant, soit jusqu'à l'heure
présente. Pendant tout son séjour à la clinique, avant, ainsi qu'après son
traitement par l'insufflation aérienne, la malade reçoit trois grammes deNaBr
par jour, ce qui n'a point paru influencer la fréquence des accès avant les
insufflations.
C'est six fois que nous avons pu observer les crises nystagmoïdes. La
malade couchée soulève soudainement quelque peu la tête, s'immobilise,
sa face se congestionne, grimace et se fixe en demi-sourire; des oscillations
latérales des globes oculaires, qui d'ailleurs ne sont point déviés, d'une
amplitude d'un demi-centimètre dans les deux sens, apparaissent en même
temps ; ils sont peut-être quelque peu moins rapides que le nystagmus ordinaire
d'origine vestibulaire. Ces mouvements nystagmoïdes sont toujours dirigés
vers la droite, ne durent pas plus de dix à quinze secondes et surviennent
sans cause, sans aucun phénomène précurseur ; ils semblent néanmoins être
provoqués par des émotions, car souvent ils éclatèrent pendant les démons-
trations ou les examens. Outre les accès déjà décrits, il a été observé chez
la malade deux grandes crises épileptiques convulsives avec perte de connais-
sance, chute, convulsionstoniques et cloniques, morsure de la langue, amnésie
complète portant sur toute la période de l'accès. Ce seraient, paraît-il, les
premières grandes crises épileptiques de sa vie. La première est arrivée le
28 décembre 1923, avant la première insufflation intracranienne d'air,
la seconde dans la nuit du t5 au 16 janvier 1924.
Nous avons réussi à provoquer des paroxysmes nystagmoïdes par l'injection
sous-cutanée d'un centigramme de pilocarpine.
A l'examen, le réflexe d'Aschner se produisait normalement dans le
sens
vagotonique ; nous avons pu constater son absence immédiate avant et après
la crise.

Il s'agit dans le cas décrit d'une épilepsie à des crises convulsives


typiques rares jusqu'ici et des crises caractérisées uniquement par des
oscillations des globes oculaires pareilles à des accès nystagmiques.
D'après Barany', le nystagmus arrive fréquemment au début du
et
grand mal, à savoir le nystagmus horizontal ou rotatoire le nystagmus
de la tête, souvent avec déviation concomitante des globes oculaires
dans le sens de la composante rapide du nystagmus. Le nystagmus
constituant un équivalent épileptique étant exceptionnellement rare,
comme nous l avons d ailleurs déjà signalé, il est très difficile de se pro-
noncer d'une façon sûre sur la genèse du syndrome observé. La pré-
sence des troubles pyramidaux du côté droit étant établie dans le cas
cité, nous sommes enclins à reconnaître l'origine organique de notre
cas d'épilepsie. Aussi peut-on se demander si les mouvements nystag-
miques ne se produisent par suite de l'irritation du centre moteur
oculogyre latéral qui se trouve dans l'écorce de la partie postérieure de
la onzième circonvolution frontale de l'hémisphère gauche. La cicatrice
postinflammatoire des méninges à l'endroit indiqué, résultant d'une
maladie infectieuse subie probablement pendant l'enfance, serait ainsi
incriminée comme lésion irritative. Barany' explique l'apparition du
nystagmus au début des crises épileptiques par l'irritation de ce centre.
Le cliché encéphalographique obtenu après l'insufflation d'air semble
confirmer cette localisation. Le cliché, pris de profil, nous a fait voir
à l'endroit correspondant probablement à la onzième circonvolution
frontale (gauche?) une grande vésicule aérienne qu'on saurait attribuer
à un enfoncement cicatriciel de l'écorce cérébrale.
L'explication suivante de l'hyperexcitabilité du labyrinthe gauche
nous paraît possible. En supposant une lésion, même minimale, du
centre oculogyre de l'hémisphère gauche, il faut prendre en considération
l'élimination partielle de l'influx nerveux de ce centre sur l'arc du
réflexe vestibulo-oculaire du même côté, lequel, partant du labyrinthe
gauche, donne issue aux secousses nystagmiques dirigées vers le côté
droit (voir la fig. 207 de Barany1).
Il nous faut revenir en quelques mots à la crise tonique atypique
observée chez la malade aussitôt après l'insufflation intracranienne d'air.
On pourrait essayer d'établir un rapport entre cette crise d'aspect
parkinsonien d'un côté et la présence d'air chaud dans les ventricules
latéraux, la déduire de l'influence nocive de l'air chaud sur les ganglions
basaux.
Deux fois, en examinant le réflexe d'Aschner, un accès nystagmique
se reproduisit chez la malade. On a remarqué en même temps que ce
réflexe, qui se présentait toujours dans le sens vagotonique, disparut
immédiatement avant et aussitôt après l'accès. Il serait intéressant de
suivre le changement du réflexe oculo-cardiaque dans des cas plus
nombreux d'épilepsie au cours des attaques. En cas de constatations
identiques aux nôtres, il serait évident que les accès épileptiques sont
précédés, pendant un certain temps, d'une diminution brusque de
l'excitabilité du système parasympathique (voir les observations intéres-
santes de Leriche3 au cours des accès épileptiques pendant les opérations
sur le cerveau). D'après Orzechowski et Meisels4, l'excitabilité de ce
système dans l'intervalle des accès paraît tout au contraire surélevée.
A la fin, il faut souligner l'influence jusqu'ici favorable de l'insuffla-
tion intracranienne d'air sur le cours de la maladie : les accès devenant
plus brefs et moins fréquents, les troubles de conscience moins forts,
les céphalées disparaissent, la mémoire s'améliore sensiblement; il en
est de même pour l'état général. La malade sollicite l'application du
procédé de l'insufflation pour une troisième fois.

BIBLIOGRAPHIE
I. — R. BARANY. Die nervösen Störungen des Cochlear- und Vestibul-
apparates. (Handbuch der Neurologie von Lewandowski, 1910, t. IV, p. 945.)
2. — FÉRÉ. Les épilepsies et les épileptiques. Paris, 1890.
3. — René LERICHE. Quelques faits de physiologie pathologique touchant
l'épilepsie jacksonienne consécutive aux blessures de guerre. (Presse méd.,
1920, n. 8.66, p. 645.)
4. — K. ORZECHOWSKl et MEISELS. Les recherches sur le tonus du système
nerveux végétatif chez les épileptiques. (Epilepsia, 181-193, t. IV, p. 293-306,
1913 et Tygodnik Lwowski 1912) (en polonais).
REVUE CRITIQUE

LA DÉMENCE SÉNILE
ET SES FORMES ANATOMO-CLINIQUES
(Suite et fin)
PAR
J. LHERMITTE et NICOLAS

CHAPITRE II
Les démences séniles complexes
ÉTUDE
CLINIQUE. — Sous ce titre générique viennent se ranger, non
pas les démences séniles compliquées de lésions vasculaires ou autres,
mais les démences à même base anatomique générale que la précédente,
dont le tableau clinique apparaît très particulier, modifié qu'il est, soit
par la prééminence de l'affabulation, soit par la survenance de symp-
tômes sensoriels sensitifs, moteurs, practiques et phasiques, soit enfin
par l'importance des phénomènes paraplégiques.
I° LA DÉMENCE PRESBYOPHRÉNIQUE. — Par opposition à l'hébéphrénie
ou folie de la jeunesse, Kahlbaum créait le mot de presbyophrénie ou
folie de la vieillesse et Wernicke ( 1900-1906), en lui assignant des carac-
tères particuliers, tentait de hausser la presbyophrénie au rang d'une
psychopathie autonome. Depuis les travaux de ces auteurs, la fortune et
la conception de cette soi-disant maladie eurent à subir de multiples
vicissitudes. Considérée par Kræpelin, Nouet et Halberstadt comme
une forme spéciale de démence sénile, la presbyophrénie fut rédui-te par
Régis, Truelle et Bessière à n'être qu'un aspect de la confusion mentale.
En s'appuyant sur des analogies certaines, mais limitées qui apparentent
le syndrome de Kahlbaum-Wernicke à la psycho-polynévrite, E. Dupré
avec Charpentier et Camus, puis Chaslin, Séglas s'efforcèrent de montrer
que la presbyophrénie n'est autre que l'expression d'une polynévrite
plus ou moins ébauchée et latente, compliquée de troubles mentaux;
c'était restreindre, on le voit, l'importance et l'intérêt du syndrome,
lequel devenait ainsi un type assez banal de syndrome de Korsakoff.
Mais d'autres auteurs, Devaux et Logre, en particulier, allèrent encore
plus avant et admirent que le symptôme fondamental, pathognomonique
de la presbyophrénie, la fabulation, devait être considéré comme un
délire d'imagination symptomatique. Selon cette conception, la.pres-
byophréniet qui ne mérite même plus d'être appelée syndrome, se réduit
au titre le plus modeste de symptôme.
Mais par une de ces oscillations alternantes si fréquentes, qui pério-
diquement modifient l'édifice des conceptions psychiatriques, la pres-
byophrénie regagna en importance ce qu'elle avait perdu. Reprenant la
conception primitive de Wernicke, Wallenberg au point de vue clinique,
Fischer puis Rheinhold ' au point de vue anatomique défendirent cette
thèse que le syndrome de Wernicke méritait bien la dénomination de
maladie, puisqu'on y trouvait et un appareil symptomatique original et
des modifications anatomiques de l'encéphale très particulières.
A l'heure actuelle, il ne semble pas que la thèse soutenue par Fischer,
Wernicke,Rheinhold, Wallenberg puisse être intégralement maintenue;
et cela pour la raison que si les altérations cérébrales de la presbyo-
phrénie dépassent de beaucoup le seuil des modifications régressives
banales de la sénilité, du moins elles ne possèdent pas le trait suffi-
samment personnel qui autorise à établir un type morbide. En tout état
de cause, l'hypothèse de Dupré et de son école apparaît aujourd'hui
parfaitement insoutenable au triple point de vue clinique, anatomo-
pathologique et étiologique. La presbyophrénie de Wernicke n'est nul-
lement une psycho-polynévrite,un syndrome de Korsakoff dont l'élément
névritique a été méconnu. Que le syndrome de Wernicke puisse être
simulé de plus ou moins près par une psycho-polynévrite le fait n'est
pas douteux; nous avons eu nous-mêmes l'occasion d'en observer un
bel exemple, mais il n'y a là rien que de très banal en pathologie; et
aussi bien la sémiologie que l'anatomie pathologique doivent tendre
bien plus à mettre en évidence des ditlérences entre les processus mor-
bides que des ressemblances. Les premières nous échappent facilement,
les secondes se laissent toujours facilement saisir.
Quoi qu'il en soit, nous nous croyons autorisés à admettre avec
Kraepelin que la presbyophrénie de Kahlbaum-Wernicke forme une
variété particulière de démence sénile, caractérisée qu'elle est par des
troubles profonds de l'attention, de la mémoire, une désorientation con-
fusionnelle accusée, compliquée de fabulation et de fausses recon-
naissances contrastant avec la conservation relative du jugement et de
l'activité psychique.
La description clinique de la presbyophrénie a été trop souvent faite
pour que nous songions à la reprendre ici. Ce que nous désirons rap-
peler c'est, d'une part, l'importance du facteur confusionnel associé à
l'élément démentiel. De la confusion mentale type, les malades pré-

I. RHEINHOLD : Uber die presbyophrene Sprachstorungen (Zeit. f. die


gesamte Neurol. und Psychiatrie. Vol. LXXVI. Avril 1922).
sentent, en effet, l'amnésie antérograde, la désorientation temporelle et
spatiale, les fausses reconnaissances, parfois l'illusion du « déjà vu »,
l'affaiblissement des perceptions, l'aprosexie, les illusions sensorielles, le
trouble profond du jugement et de la critique pour tout ce qui est actuel :
comme témoins de la déchéance démentielle, nous relevons l'appau-
vrissement du stock des idées, l'indigence du raisonnement, la complète
désagrégation des processus volitionnels, la réduction globale de l'acti-
vité de l'esprit. La fabulation, c'est-à-dire la création de récits fantas-
tiques, extravagants, vraisemblables ou absurdes, controuvés toujours,
changeants souvent, appartient au syndrome confusionnel amnésique
tel qu'on le rencontre au cours des psycho-polynévrites toxi-infec-
tieuses ; mais ce qui donne à la confusion presbyophrénique un cachet
spécifique, c'est la pauvreté, la monotonie, la puérilité ou la niaiserie
des produits de l'activité fabulatrice.
Toutefois, et Kraepelin très justement insiste sur ce point, si le
jugement apparaît particulièrement insuffisant pour les faits récents,
celui-ci conserve une certaine tenue pour ce qui appartient au passé
lointain. Que l'on interroge, comme nous l'avons fait, les presbyophré-
niques sur les détails de la profession qu'ils exerçaient dans leur
jeunesse, et l'on sera frappé de la pertinence de leurs réponses comme
aussi de leur manque de crédibilité pour les faits erronés qu'on tente
de leur suggérer. Malgré la déchéance démentielle qui, nous l'avons dit,
s'intègre avec le chaos confusionnel, les malades n'admettent jamais
de propositions contraires à l'honneur ou à un concept très général.
Autant il est aisé, par exemple, d'égarer un presbyophrénique sur son
àge, sa situation, son parentage, autant il se révolte si l'on se mêle
de suspecter son honneur, sa probité et sa conduite ou si l'on émet des
propositions générales contradictoires ou absurdes comme, par exemple,
« il faut louer les voleurs et les traîtres ». Il y a là un trait assez signifi-
catif, en ce qu'il contraste avec les réactions du paralytique général
avancé, pour mériter d'être retenu. Malgré la profonde désagrégation
du fond mental qu'elle comporte, la presbyophrénie laisse souvent aux
sujets qui en sont atteints une tenue et une conduite suffisantes pour
permettre la continuation de relations sociales restreintes et choisies.
Et cela d'autant plus que l'humeur joyeuse, euphorique, satisfaite,
enjouée, confère au presbyophrénique un caractère facile, aimable,
accommodant.
Mais les choses n'en restent pas là et la démence presbyophrénique
poursuit lentement mais sûrement son action destructrice sur l'édifice
psychique. Après plusieurs années, quelquefois après un plus bref délai,
le sujet s'immobilise dans les mêmes récits stéréotypés, la fabulation
devient simple rabâchage, l'automatisme prend la place de l'imagination.
Souvent même, à la période de déchéance finale, ce n'est qu'avec peine
que l'on retrouve quelques linéaments révélateurs d'un syndrome de
Wernicke presque complètement effacé. A moins d'une complication,
le dément presbyophrénique s'éteint dans la cachexie marastique
compliquée de gâtisme; à cette période, rien ne le différencie du dément
sénile banal dont l'évolution est parachevée.
2° LA MALADIE D'ALZHEIMER. — En 191 1, Alzheimer1 décrivait un
syndrome anatomo-clinique assez particulier qu'il intégrait dans le vaste
groupe de la démence sénile; plus tard, pour désigner cette variété
de psychopathie, Kraepelin proposait le terme, peu compromettant, de
« maladie d'Alzheimer ». Bien que de connaissance récente, la maladie
d'Alzheimer a été la source, à l'étranger surtout, de très nombreux
travaux dont les plus importants sont dus à Perusini et à Simchowicz;
en France Bessière, Truelle, Régis ont contribué à nous faire connaître
cette intéressante affection. Quels en sont les traits cliniques les plus
apparents?
Sous le voile de la démence, c'est-à-dire de la régression progressive
et définitive des plus hautes fonctions du psychisme, transparaît un état
confusionnel assez analogue à celui de la presbyophrénie. Tout semble
embrouillé, chaotique dans l'esprit; certains malades en ont même une
conscience plus ou moins claire. Mais à cela s'ajoutent une série de
symptômes très particuliers, qui impriment à cette variété de démence
sénile ou présénile un caractère tel que le diagnostic en est relativement
*
aisé. Parmi les plus caractéristiques se rangent les troubles du langage.
Celui-ci devient rapidement incohérent et se réduit à un assemblage de
mots sans aucune signification comme dans nombre d'états démentiels
profonds. A cela s'ajoute l'échappement syllabique ou verbal, la répé-
tition rythmique, presque indéfinie, du même mot ou du même fragment
du mot, véritable logoclonie scandée et cadencée, laquelle s'accompagne,
ainsi que nous l'avons observé, de gesticulation de la tête et des membres
rythmée à la même mesure que la logoclonie. L'articulation verbale
devient, avec les progrès de la maladie, de plus en plus difficile et une
véritable dysarthrie s'installe, qui n'est pas sans analogie avec la dysar-
thrie des paralytiques. Contrairement à la presbyophrénie, la maladie
d'Alzheimer s'accompagne de perturbations de l'humeur et du caractère
qui rendent impossible toute vie sociale. La simple turbulence innocente
des déments tourne à l'agressivité souvent violente; sans raison les
malades crient, hurlent, déchirent, lacèrent leurs vêtements, les trans-
forment en menue charpie. Cette activité panto-clastique semble être
pour eux la plus grande volupté. A ces troubles de l'humeur et du
caractère, aux modifications de la parole que nous venons de rappeler,
s'ajoutent des phénomènes des plus intéressants car ils s'entourent des
caractères qui évoquent l'idée de symptômes liés à des lésions cérébrales
en foyers. Dans un travail récent2, nous avons particulièrement insisté
-
1. ALZHEIMER. Loc. cit. 2. LHERMITTE et NICOLAS. Sur la maladie d'Al-
zheimer. Une observation clinique. (Ann. médico-psychol., n° 5, Mai 1923.)
sur ce côte clinique de la maladie d'Alzheimer en raison du contraste
qu'elle présente avec les autres variétés de démences séniles indépen-
dantes des processus vasculaires. Chez le malade dont nous avons
rapporté l'observation, nous constations en effet l'existence de phéno-
mènes d'apraxie motrice bilatérale typique, de paraphasie avec jargono-
phasie, d'astéréognosie, enfin de cécité d'origine centrale. Ajoutons enfin
que, à l'exemple des faits rapportés -par Alzheimer, notre malade
présentait une rigidité musculaire prédominante aux membres inférieurs,
plaçant ceux-ci dans une attitude de flexion identique à celle que nous
connaissons chez les vieillards atteints de syndrome strié. (Lhermitte.)
Il est une double constatation que nous avons faite et qui mérite de
nous arrêter : c'est, d'une part, la coexistence d'hallucinations visuelles
très actives avec la perte complète de la vision et, d'autre part, la mécon-
naissance absolue, par le malade, de sa cécité. Certes, de nombreux faits
ont établi la réalité des hallucinations visuelles survenant dans le champ
hémiopique aveugle, chez des malades atteints de destructions corti-
cales (H. Lamy, Séguier, Henschen, Bidon, Peterson, Higier); mais les
observations de fausses perceptions dans le cas de cécité centrale sem-
blent beaucoup plus rares et nous ne connaissons guère que les faits
rapportés par Vorster et par Touche. Si une discussion pouvait être de
mise sur ce sujet, notre observation serait la ruine de la théorie ancienne,
selon laquelle les centres sensoriels seraient aussi le dépôt des images
mentales. Mais il y a plus, et l'étude comparée des hallucinations et des
représentations visuelles volontaires nous a fait voir que aussi bien les
premières que les secondes étaient dépouillées de leur tonalité colorée.
La lésion corticale profonde et étendue a donc mordu, ici, sur le méca-
nisme physiologique des images mentales en même temps qu'elle anéan-
tissait le centre visuel commun.
Le second caractère de la cécité de notre malade consistait en son
anosognosie. On sait que sous ce terme M. Babinski a décrit une atti-
tude mentale particulière, dont le trait fondamental consiste dans l'igno-
rance absolue qu'un malade atteint d'une affection nerveuse évidente
affecte des troubles qu'elle détermine. Un hémiplégique gauche, par
exemple, ignore la paralysie qui l'a frappé et même refuse d'y croire si
on la met en évidence. Nous avons essayé de montrer que l'anosognosie
amaurotique de notre malade ressortissait à un double mécanisme, d'une
part le fléchissement du contrôle psychique et, d'autre part, le processus
hallucinatoire. Il semble évident, ea effet, que le déroulement quasi
incessant d'images visuelles suppléait, ici, à la faveur de la perte de la
critique, au déficit des perceptions réelles du monde extérieur.
Quoi qu'il en soit de ce dernier point, ce que nous désirons retenir
du point de vue clinique au sujet de la « maladie d'Alzheimer H, c'est
que celle-ci, contrairement à la démence sénile pure, dans laquelle la
déchéance progressive du cerveau psychique n'affecte pas les systèmes de
la motricité, de la sensorialité, de la sensibilité, s'affirme par une sym-
ptomatologie en mosaïque, indication certaine de la prédominance des
lésions sur des régions déterminées de l'encéphale.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
— Les plaques séniles de Redlich (Fischer). La
sphérotrichose cérébrale. Les lésions neurofibrillaires d'A'rheimer. — Bien
que, à l'heure actuelle, on ne puisse admettre comme légitime l'opinion
défendue par Fischer d'une étroite dépendance de la presbyophrénie et des
plaques séniles, non plus que l'hypothèse soutenue par Sigg à savoir que la
démence sénile torpide ne s'accompagne pas de la lésion de Redlich tandis
que les démences avec agitation sont liées à leur développement, il faut
reconnaître que les plaques séniles sont surtout l'apanage des démences déli-
rantes ou presbyophréniques. Qu'il n'y ait point là un signe spécifique, nul ne
saurait le nier; et l'on sait même que Simchowicz1, dans son important tra-
vail sur cette question, a montré que la simple sénescence pouvait s'accom-
pagner de la formation de plaques identiques à celles qui sont si abondantes
sur le cortex des déments confus et fabulants. Cette réserve étant faite nous
pouvons aborder l'étude de la constitution de la « plaque sénile » sur laquelle
on a tant écrit et dont tout le mystère originel n'est pas encore complètement
éclairci2.
A l'état de complet développement, la plaque se présente, imprégnée par
la méthode à l'argent réduit (Bielschowsky ou Cajal), sous forme d'un réti-
culum, ou de filaments disposés en rayons de roue, en étoile, fortement colo-
rés 3. Ce réticulum plus ou moins régulier, toujours argentaffine, est formé
par une lramule dont, selon Simchowicz, il est difficile de préciser la nature
nerveuse ou névroglique.
Il semble aujourd'hui que, en réalité, ces misses corticales qui ressemblent
à une chevelure ébouriffée (d'où le nom de sphérotrichie donné à la plaque et
de sphérotrichose appliqué à l'ensemble du processus), soient constituées par
une double réaction, névroglique et neurofibrillaire, axonale et dendritique,
autour d'une masse centrale précipitée et de nature cristalloïde. C'est à une
conception de cet ordre qu'aboutit R. Ley avec cette particularité que cet
auteur a constaté que, à son début, la plaque apparaît formée par la proliféra-
tion d'une cellule de microglie, laquelle prolifère et se gonfle au contact d'un
précipité cristalloïde. Plus tard, le centre de la plaque est fait de cellules
mortes, de restes de dendrites, de cellules microgliques proliférées, la péri-
phérie d'un épaississement de la trame névroglique et de fibres nerveuses en
régénération terminale ou collatérale.
Au processus de la sphérotrichose s'associent trois autres lésions la dégé-
:
nération graisseuse à petits grains avec « sclérose » cellulaire, la dégénération à

i. Th. SDICHOWICZ. Arbeilen iiber die Grosshirnrinde, de Nissl-Aliheimer,


1'.) II. On trouvera dans ce travail tout l'historique de la question ainsi qu'une
importante contribution personnelle.
2. Voir le très intéressant rapport de R. Ley sur la sénilité cérébrale (Jour-
izal de Neurologie, nos 6, 7 et 8, 1922.)
3. Cette disposition rayonnée a fait dénommer par les auteurs allemands
la plaque sénile par le terme de drilsige Nekrose faussement traduit en France
par « gourmes » ou nécrose glandulaire : driisige caractérise un appareil
rayonné, en forme de roue.
gros corpuscules de Nissl, enfin la transformation neurofibrillaire décrite
par Alzheimer et qui apparaît manifeste dans le type morbide que nous avons
décrit sous le titre de « maladie d'Alzheimer ». Ces deux dernières altérations
présentent cette particularité curieuse de pouvoir coexister au sein du même
élément. La dégénération à gros corpuscules consiste dans l'apparition au
sein de vacuoles intra-cytoplasmiques de sphérules colorées métachromati-
quement par les bleus d'aniline. Quant à la lésion neurofibrillaire dite
d'Alzheimer elle est faite de la transformation de l'appareil neurofibrillaire
intracellulaire délié à l'état normal, en fibrilles énormes et raréfiées. Celles-
ci se déforment, s'enroulent sur elles-mêmes, présentent les aspects et
les déformations les plus étranges tandis que, parallèlement, le protoplasma
se réduit et disparaît et que se défigure le noyau enserré dans l'enroulement
de filaments grossiers, fortement imprégnés par l'argent ou même parfois par
les bleus basiques.
A ces lésions cellulaires qui ne font jamais défaut dans les états presbyo-
phréniques démentiels authentiques et dans la démence d'Alzheimer se
joignent l'infarcissement des gaines périvasculaires par des gouttelettes grais-
seuses (fausse dégénération graisseuse des capillaires des anciens auteurs), la
prolifération des cellules névrogliques satellites des neurones et même des
petits astrocytes fibrillogènes, qui, à l'état normal, sont très rares dans les
zones moyennes de l'écorce cérébrale (Alzheimer).
3° LA SCLÉROSE DIFFUSE ATROPHIQUE DE I.A CORTICALITÉ CÉRÉBRALE DU
VIEILLARD. — H. Claude et J. Lhermitte1 ont rapporté en 1910 plusieurs
observations anatomo-cliniques dans lesquelles, à l'état démentiel traversé
d'épisodes confusionnels, s'associait un tableau histo-pathologique particu-
lier. L'écorce cérébrale nettement réduite de volume à l'œil nu présentait
contre les lésions régressives et dégénératives que nous avons déjà rappelées,
une prolifération hyperplastique considérable de la névroglie fibrillaire. A la
superficie des circonvolutions les fibrilles névrogliques offrent une direction
surtout parallèle à la surface libre tandis que, « dans les deux tiers internes de
la substance grise, la sclérose névroglique est constituée non plus par un
réseau fibrillaire semé seulement, çà et là, de noyaux libres mais, par un réti-
culum délicat de fines fibrilles que l'on poursuit assez loin et qui, toutes, se
rattachent à une cellule de Deiters, à un astrocyte ». — Dans les faits de ce
genre le processus toujours ébauché de l'hyperplasie névroglique présente une
intensité singulière pour des raisons difficiles à préciser. Peut-être doit-on
penser ici à l'influence de facteurs auto-toxiques liés à l'insuffisance hépato-
rénale ainsi qu'aux troubles d'origine circulatoire que l'on trouve mentionnés
dans certaines observations rapportées par H. Claude et Lhermitte.
41 LA DÉMENCE PAR ATROPHIE CORTICALE CIRCONSCRITE (Pick). — ttude
clinique. C'est aux recherches de Pick que nous devons la connaissance
de cette variété de démence sénile ou préséniie qui a fait l'objet de tra-
vaux anatomo-cliniques des plus intéressants de la part de Stranskv2,

i. Henri CLAUDE et J. LHERMITTE. Loco citato, p. 26.


2. STRANSKY. Associat. f. Psychol und Neurologie, 1903, vol. XIII, p. 464 et
Jahrbüch, der Psychiat., 1905, p. 106.
Spielmeyer1, Hugo Richter2, Boumann 3, Gans4, Altmann3, Fischer0.
Cliniquement il faut reconnaître que le type de démence, décrit par
Pick et les auteurs que nous venons de mentionner, se rapproche singu-
lièrement de la maladie d'Alzheimer. Ici comme là, nous retrouvons
l'affaiblissement progressif et définitif des facultés, l'absence d'ictus, de
vertiges, de syncopes ainsi que de tout symptôme en rapport avec une
lésion en foyer d'origine vasculaire; dans la première comme dans la
seconde, on reconnaît également l'existence de troubles de la praxie et
surtout du langage parlé dont l'aboutissant est l'incohérence verbale
puis la perte complète de la parole. Cependant, à la différence de la
maladie d'Alzheimer, les logoclonies rythmées, la dysarthrie font défaut
de même que l'agitation persistante et excessive. Il s'agit au fond, comme
l'ont montré récemment Altmann, Gans, d'un état démentiel progressif,
lequel aboutit en quelques années à une déchéance physique et morale
profonde sans que l'on puisse saisir de phénomènes en rapport avec des
destructions cérébrales conditionnées par la rupture ou l'oblitération
d'un ou de plusieurs vaisseaux.
Ce qui, en outre, doit être retenu, c'est l'importance étiologique de
l'hérédité similaire et l'influence pathogénique de l'intoxication alcoo-
lique parentale à tel degré que certains auteurs, à l'exemple de M. Gans,
pensent q'ue les atrophies circonscrites de l'écorce du cerveau du type
de Pick ressortissent à l'hérédo-dégénération.
Du type morbide précédent nous devons rapprocher lesformes démen-
tielles pernicieuses de la sénilité et surtout de la prédécadence sénile.
Ici l'affaissement de l'activité intellectuelle, des fonctions volitionnelles
et mnésiques, la désintégration de la sensibilité morale survient brusque-

Í
ment, autour de la cinquantaine sans cause apparente. Ainsi que le fait
remarquer M. H. Osaka dans un travail tout récent, l'agitation sévère
et incohérente, les gémissements monotones, stéréotypés, les mouve-
ments rythmiques ou désordonnés, sans but, les idées délirantes mal
systématisées mais toujours de teinte triste, le mutisme, le négativisme
diffus, tout cela rappelle assez bien la catatonie de Kahlbaum-Hecker.

I. SPIELMEYER. Loco citato.


2. Hugo RICHTER. Zeitsch. f. die gesamte Neurologie und Psychiatrie,
VOI. XXXVIII, p. 127, 1918.
3. BOUMANN. Congrès des Neurologistes tenu à Amsterdam en 121.
4. GANS. Zeit. f. die gesamte Neurologie und Psychiatrie, vol. LXXX,
f. 1-2, p. 10, Ig2 1.
5. E. ALTMANN. Zeit. f. die gesamte Neurologie und Psychiatrie,
vol. LXXXIII, mai 1922, p. 610.
tj. O. FISCHER. Zeit. f. die gesamte Neurologie und Psychiatrie, vol. III,
p. 372 et congres de Cologne analyse dans Allgem. Zeit. f. Psychiatrie, 1909,
vol. LXVI, p. 3qi.
7. H. OSAKA. Ein Beitrag zur Kenntniss der praesenilen Psychosen. (Zeit.
f. die gesamte Neurol. und Psych., vol. LXXXI, f. 1-2, 1923.)
Le diagnostic pourrait en être assez malaisé si l'âge des malades n'était
pas là pour nous guider et aussi l'évolution très rapide de ces formes
pernicieuses de démence présénile et sénile vers la cachexie morastique,
le gâtisme et la mort.
M. Osaka croit être en droit de joindre à cette variété, la démence
sénile dont le symptôme le plus saillant est l'anxiété. Ainsi que le montre
le psychiatre japonais, l'évolution de la maladie s'avère dans les deux
cas particulièrement grave et l'intensité des lésions cérébrales nous en
donne en partie la raison. Mais, comme nous l'avons déjà dit, l'anxiété
avec angoisse nous apparaît comme une manifestation trop banale chez
le vieillard pour que l'on puisse fonder sur ce trouble émotionnel un
pronostic assuré.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DES DÉMENCES PAR ATROPHIE CORTICALE CIRCON-
SCRITE (Pick). — La variété de démence sénile établie par Pick apparait carac-
térisée au point de vue anatomique par la réductionvolumétrique très accusée
de certaines régions de l'écorce du cerveau. Cette atrophie, dont le caractère
foncier est d'être limitée, peut frappertout un lobe ou deux lobes symétriques,
tels les lobes frontaux, ou, au contraire, atteindre des régions circonscrites
variables suivant chaque cas. Ainsi que Pick, le premier, l'a bien fait voir,
l'atrophie qui amenuise les circonvolutions et élargit les sillons, donne à la
substance grise un aspect chagriné de couleur foncée très spéciale. Parfois
l'affaissement des circonvolutions est tel que, sur une région donnée, il en
résulte l'apparence de kystes sous-arachnuïdiens(pseudo-méningite séreuse des
vieillards) dont nous avons rencontré maints exemples. Sur les régions atro-
phiées, les méninges ne présentent aucune modification notable.
Deux faits négatifs doivent d'abord être mis en lumière : l'absence d'athé-
rome ou de sclérose vasculaire marquée et, d'autre part, le manque absolu sur
l'écorce des plaques séniles de Redlich-Fischer, dont la banalité est si grande
dans les démences du vieillard. Il est à peine besoin d'ajouter que l'on ne
rencontre aucune lésion en foyer ni aucune de ces modifications que l'on sait
être la conséquence des stérioses et des oblitérations vasculaires.
Des recherches de Stransky, de Spielmeyer, de Richter, il résulte que les
régions atrophiées offrent une raréfaction des fibres tangentielles, supra- et
interradiaires, une gliose corticale superficielle et profonde discrète, enfin des
altérations des cellules nerveuses. Les principales consistent dans la dégéné-
ration lipoïdo-pigmeotaire, parfois le gonflement de la cellule (Richter), sur-
tout l'atrophie avec c sclérose » du cytoplasma, dont l'ultime aboutissant est
la disparition de l'élément nerveux. Aussi constdte-t-on des vastes plages de
l'écorce complètement dévastées, c'est-à-dire privées de leurs neurones, et dont
la structure est réduite à une tramule névroglique traversée de fibres myéli-
niques grêles et moniliformes. Il s'agit, on le voit, d'une atrophie volumétrique
et numérique des éléments nerveux corticaux, dont la traduction macroscopique
est l'effondrement des circonvolutions et le corollaire histologique,l'apparition
de cellules névrogliques chargées de substances-déchets ainsi que l'accumu-
lation de lipoïles désintégrés dans les gaines périvasculaires.
Les recherches de Gans et d 'Altmann, tout en confirmant dans l'ensemble
les faits précédents, ont apporté de très suggestives précisions. Et, d'abord, au
point de vue de la topographie des zones atrophiées. Dans une étude anato-
mique très soignée, Gans s'est efforcé de déterminer rigoureusementles fron-
tières des territoires lésés, et il put montrer que celles-ci ne correspondaient
nullement à celles d'un territoire d'irrigation artérielle ou veineuse, mais affec-
taient plus particulièrement dans son cas la topographie reconnue des zones
frontales de Brodmann, le grand centre d'association antérieur de Flechsig.
L'atrophie intéresse donc FI F2 F3 et respecte FA. Il est intéressant de remar-
quer que, si l'on se reporte aux observations antérieures de Pick, Fischer,
Spielmeyer, Richter, on observe une électivité assez analogue ou même iden-
tique dans la topographie du processus morbide. Celui-ci frappe avec une affi-
nité personnelle saisissante les régions corticales de myélinisation tardive,
dont l'ensemble correspond d'une manière générale au neopallium d'Edinger,
tandis qu'il ménage les zones de projection. Et l'on peut admettre que les
variétés du tableau clinique sont précisément commandées par la diversité
topographique des atrophies corticales. Dans les faits rapportés par Pick,
Liepmann, Stransky, où l'atrophie frappait électivement les circonvolutions
temporales et occipito-pariétales, l'affaiblissement intellectuel se doublait de
profondes lacunes mnésiques ; l'observation de Gans, où le processus portait
sur la zone frontale, se distingue, au contraire, par l'importance du w désin-
térêt ï général de la' malade et de l'agitation incohérente. Bien que le problème
si fondamental des fonctions propres aux lobes frontaux n'ait pas jusqu'ici
reçu une définitive solution1, du moins il semble bien, et c'est à une conclusion
de ce genre qu'aboutit, dans un travail tout récent, M. W. Choroschko2, que
les altérations destructives des lobes préfrontaux trouvent leur expression
clinique, chez l'homme, dans la diminution de l'attention spontanée, le désin-
térêt, la dépression traversée d'agitation plus ou moins confuse, enfin dans des
troubles du mouvement volontaire à caractère apraxique. Il n'est donc pas
interdit de rapporter, au moins certains des phénomènes morbides présentés
par la malade de Gans, à l'atrophie prononcée des lobes frontaux.
Les faits observés par E. Altmann ne sont pas moins intéressants. Le pre-
mier concerne une femme âgée de soixante-cinq ans, chez laquelle le diagnostic
de démence artério-scléreuse fut porté en raison des phénomènes cliniques
paraissant en rapport avec des lésions focales artérielles. Or, l'autopsie montra
qu'il n'en était rien et que l'apraxie et les troubles du langage avaient été
déterminés par une atrophie bilatérale extrêmement intense du gyrus supra-
marginal, du lobe frontal et du lobe temporal. Dans une autre obervation du
même auteur, le phénomène le plus saillant en dehors de l'état démentiel tenait
dans l'aphasie sensorielle. Ici encore, la constatation anatomique vint établir
la dévastation extrême des lobes temporaux. Si nous avons insisté sur ces faits,
c'est qu'ils sont la démonstration de la réalité de phénomènes cliniques focaux,
ressemblant assez à ceux que déterminent les altérations vasculaires, dans la
démence sénile pure, conditionnée par un processus primitif d'atrophie paren-
chymateuse.
Si donc, en dernière analyse, l'atrophie cérébrale circonscrite de la
démence sénile atteint avec une évidente prédilection les zones de myé-

i. Voir le livre de M. BIANCHI. La mécanique du cerveau, 1921.


2. W. CHOROSCHKO. Die Stirnlappen des Gehirns in funktioneller Beziehung.
(Zeits. f. die gesamte Neurolog. und Psychiatrie.Nol. LXXXIII, 7 mai 1923.)
nisation tardive en ménageant les zones de projection sensorielles sensitives
et motrices, comment se comporte le processus relativement aux plans sta-
tigraphiques du cortex ? Tel est le problème que nous voudrions exposer
rapidement. Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, les processus morbides
qui conditionnent les démences séniles pures ne diflusent guère leur action
à tout l'ensemble des couches en lames, dont la superposition régulière forme
la statigraphie corticale : certaines couches offrent une vulnérabilité une sensi-
bilité pathoclinienne (C. et 0. Vogt) particulière et variable pour chaque
groupe de faits. Peut-on reconnaître une pathoclise spéciale dans les zones
atrophiées ? Les documents, ici encore, sont clairsemés ; Altmann seul semble
s'être préoccupé de cette question.
Les observations histologiques de cet auteur nous montrent que la dévas-
tation corticale affecte surtout les me, ite et ve couches tandis que la IVe appa-
raît bien conservée. Dans un cas, il existait une atrophie laminaire de la
111e couche avec, de place en place, une atteinte modérée des He et iv*. Nous

sommes donc en présence ici d'une pathoclise élective et complexe portant


sur les lames moyenne et profonde de la substance grise corticale. Une pareille
constatation présente, croyons-nous, un double intérêt : d'abord en ce qu'elle
indique une vulnérabilité des me et vie couches au processus morbide de la
démence sér.ile analogue à celle que Klippel et Lhermitte ont établie dans la
démence précoce, puis, en ce que ce fait témoigne de la complète indépen-
dance de l'atrophie circonscrite d'avec les modifications du réseau nourricier.

5° LES DÉMENCES SÉNILES AVEC PARAPLÉGIE. —A. Démence des lacunaires. Il


est d'observation courante dans les asiles de la vieillesse de relever l'associa-
tion de l'affaiblissement intellectuel avec la diminution progressive de la
motilité des membres inférieurs dont le terme ultime est la paraplégie.
Ainsi que l'un de nous l'a montré, dans un très grand nombre de cas, la
démence n'offre aucun trait particulier. Quant à la paraplégie, il s'agit
plutôt d'une suppression graduelle de l'automatisme de la marche que d'une
véritable paralysie. Et le tableau anatomique de cette variété de démence
paraplégique donne la raison de cette dénonciation. Ici, en effet, c'est moins
la voie motrice centrale qui est lésée que les ganglions opto-striés, dont nous
savons aujourd'hui toute l'importance dans la régulation des automatismes et
tout spécialement dans la progression. Dans la règle, les lésions portent prin-
cipalement sur les noyaux lenticulaires et caudés et sont d'ordre vasculaire.
La désintégration lacunaire si parfaitement décrite par Pierre Marie et ses
élèves morcelle le globits pallidus et atteint la capsule interne dans le défilé
strio-thélamique déterminant ainsi un syndrome strio-pyramidal très carac-
téristique et de la plus grande banalité. L'affaiblissement démentiel reconnaît,
au contraire, comme origine l'atrophie simple du cortex cérébral.
B. La démence paraplégique par encéphalite corticale chronique. —
Sous ce titre G. Deny et J. Lhermitte1 ont décrit une variété de
démence du vieillard très particulière tant au point de vue clinique

1. G. DENYet J. LHERMITTE. Un nouveau syndrome anatomo-clinique. La


démence paraplégique de l'encéphalite corticale chronique. Semaine médi-
cale n° 5o, 1910. •
qu'anatomique. Ce type apparaît caractérisé par une paraplégie vraie,
c'est-à-dire par la diminution ou la suspension des fonctions motrices
élémentaires des membres inférieurs doublée d'une profonde déchéance
intellectuelle. La maladie évolue sans ictus, et sa course est lentement
progressive.
La base anatomique de cette démence paraplégique se montre marquée de
caractères beaucoup plus personnels encore. Deux faits négatifs sont à enre-
gistrer tout d'abord : l'absence de lacune, de désintégration et le défaut de
toute lésion vasculaire. La lésion qui conditionne tout ensemble la paraplégie
et la démenceconsiste dans une désagrégation des zones profondes de l'écorce
cérébrale, laquelle aboutit à un état spongieux réticulé, visible déjà à l'œil nu.
Au niveau de la lésion, fibres et cellules nerveuses ont disparu ou n'ont
laissé que des restes plus ou moins reconnaissables ; seul le réticulum névro-
glique hyperplasié et le réseau vasculaire assurent la soudure des couches
superficielles de l'écorce avec la substance blanche des circonvolutions. Il en
résulte la suppression anatomique et fonctionnelle absolue des connexions
associatives entre les plans superficiels du cortex et les centres sous-corticaux.
Topographiquement, la lésion s'étend aux circonvolutions frontales et parié-
tales supérieures peut-être en raison de leur irrigation particulière.
La destruction des cellules de Betz et de leurs prolongements au niveau des
lobes paracentraux a pour corollaire la dégénération complète des fibres
pyramidales destinées à l'innervation des membres inférieurs et que Deny et
Lhermitte ont pu suivre grâce à la méthode de Marchi à travers tout l'axe
encéphalo-médullaire.
On le voit, l'altération corticale en cause atteint ici nombre d'unités
corticales fonctionnellement distinctes. Selon la terminologie de C. et
O. Vogt, il s'agit donc d'une pathoclisepolytopique et eunomique.

Parvenus au terme de cet expose, si


nous jetons un regard en arrière,
nous voyons combien s'est compliquée progressivement l'analyse de la
démence sénile vraie, c'est-à-dire de la déchéance psychique déterminée
par la régression et la dégénération primitives des éléments nerveux.
Nous nous sommes efforcés de dégager les types anatomo-cliniques
les mieux établis, tout en ne méconnaissant pas les difficultés auxquelles
se heurte, en clinique, le diagnostic exact des variétés que nous avons
retenues. Si nous n'avons pas fait allusion aux moyens d'exploration
biologique si légitimement en honneur aujourd'hui en neuro-psychiatrie,
la raison en est que les résultats que nous en avons obtenus sont loin de
présenter la précision indispensable à l'établissement d'un diagnostic
clinique et étiologique. Sans doute, les recherches de l'avenir permet-
tront-elles de mieux assurer la discrimination des démences du vieillard
que nous avons esquissée ; mais,dès à présent, on est autorisé à conjectu-
rer, d'après les modifications objectives que nous apporte la clinique,les
altérations structurales du cerveau qui en sont l'obligatoire fondement.
BULLETIN DES SOCIÉTÉS SAVANTES
(NEUROLOGIE-PSYCHIATRIE)

— II. SOCIÉTÉ
1. SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE. CLINIQUE DE
MÉDECINE MENTALE.
— III. SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE.

I. — Société médico-psychologique
SÉANCE DU 23 NOVEMBRE 1924

Présidence de M. Truelle
Obsessions interrogatives. Délire de scrupule, par MM. Rayneau et Godard.
— Les auteurs rapportent l'observation d'une malade qui pousse le scrupule
et la phobie du mal jusqu'au délire. Dès l'enfance, elle se montrait inquiète
et tourmentée. A la suite d'une typhoïde, de surmenage et de préoccupations,
des obsessions apparurent (surtout crainte des microbes, crainte de nuire à
quelqu'un, de piquer, de mouiller les gens). Ses angoisses sont tellement
violentes que quelques-unes ont abouti à la syncope. Les « peurs » de la
malade sont également provoquées par certains mots tels que « souffrir ».
« piqûres », « mal » ou de simples consonances telles -que « typique », « malin JJ.
Pour se tranquilliser, cette malade est obligée de poser des questions écrites
auxquelles la surveillante doit faire des réponses écrites et elle accumule
ainsi les réponses. Pendant la durée de ses obsessions, cette malade présente
un véritable état délirant, et, en serrant de près son observation, on se rend
compte qu'elle frise l'hallucination. Le traitement de cet état est particu-
lièrement décevant. Par les moyens psychothérapiqueshabituels, on a obtenu
des améliorations sur certains points; mais l'ensemble des obsessions a
persisté, et doit faire craindre une évolution vers une forme délirante chro-
nique ou vers la mélancolie anxieuse. Les auteurs ont en outre groupé les
observations de trois autres obsédés phobie des microbes, phobie des con-
:

tacts ; enfin, la fille d'un de ces malades présente des obsessions similaires.
M. Arnaud insiste sur l'état mental de ces obsédés et sur l'utilité d'étudier
leur comportement général.
M. Revault d'Allonnes estime qu'il faut faire une différence entre les
diverses observations rapportées par MM. Rayneau et Godard. Dans la pre-
mière observation, la malade craignait de faire du mal à autrui. Dans les
trois autres, les malades craignent pour eux-mêmes. Cette distinction est
importante au point de vue évolutif; la première malade ayant plus de ten-
dance à évoluer vers la mélancolie, les autres vers un délire de persécution.
M. Mallet rapporte des cas d'obsessions qui en imposaient pour des idées
délirantes de persécution.
En réalité, il s'agissait de craintes de persécution et non d'idée délirante.
M. Leroy soigne dans son service une malade psychasthénique avec
obsessions (crainte de la saleté, se lave constamment.) Cette obsession
s'exerce non seulement d-ins le domaine de la propreté corporelle, mais
encore par une sorte de symbolisme dans l'ordre moral. A noter que la
malade présente des idées religieuses très marquées.
M. Mignard considère ces idées religieuses comme un processus de
défense.
M. Delmas insiste sur l'importance du terrain sur lequel se développent
les obsessions. Celles-ci sont des manifestations d'états plus profonds.
M. Charpentier a publié avec M. Deny au Congrès de Nantes des cas où
l'obsession paraissait liée à des crises de psychose intermittente.
M. Arnaud rappelle que jusque vers 1889, on considérait obsession et
délire comme des manifestations tout à fait opposées (Falrct); cette concep-
tion a été très modifiée depuis lors. Il estime d'autre part qu'il est trop schéma-
tique de diviser les obsédés en deux groupes évolutifs, comme le fait
M. Revault d'Allonnes. Enfin, il insiste sur le caractère fréquemment secon-
daire des troubles émotifs.
A propos des interprétations délirantes de symptômes pathologiques. Le
syndrome de Pierret-Rougier du tabes et le délire d'interprétation de symptômes
pathologiques. — M. Targowla rappelle que le syndrome délirant décrit par
Pierret chez les tabétiques est caractérisé par son évolution (bouffées mégalo-
maniaques, délire de persécution et d'influence, progression démentielle
très lente) et par ses rapports avec le processus tabétique ; nombre d'idées
délirantes se rattachant aux troubles somatiques, parfois par un mécanisme
d'interprétation directe, mais non constamment. L'interprétation délirante
de symptômes pathologiques porte sur des manifestations détachées en
quelque sorte d'une maladie somatique ou mentale qui est elle-même
méconnue. Le malade déclare qu'on le fait tomber, mais se refuse à admettre
qu'il est ataxique ; il interprète suivant un mécanisme psychologique simple
un symptôme isolé d'un ensemble"morbide qu'il ignore. Ce symptôme
clinique peut s'observer chez les tabétiques délirants, mais il n'y est pas
extrêmement fréquent et on ne le trouve qu'à titre épisodique dans deux seu-
lement des cas réunis dans la thèse de Rougier. Lorsque Pierret parle de
a raisonnements erronés et maladifs » greffés sur les troubles somatiques du
tabes, il invoque un mécanisme psychologique. Le délire d'interprétation
de symptômes pathologiques est un syndrome basé sur une donnée clinique
immédiate, sur un symptôme.
La conception de Pierret-Rougier repose sur une hypothèse pathologique,
le délire d'interprétation de symptômes sur un élément séméiologique. Ces
deux faits ne sont nullement identiques, d'autant plus que l'interprétation
de symptômes dépasse le cadre des psychopathes tabétiques.
M. Trénel rapporte un cas observé de délire d'interprétation chez un
tabétique (douleurs fulgurantes rectales rapportées à la pédérastie).
M. Mignard insiste sur l'importance de la notion d'interprétation de
symptômes dans les états délirants.
La réunion de la Société suisse de psychiatrie.
— M. A. Marie fait une
communication sur cette réunion à laquelle il a assisté. Les questions à
l'ordre du jour avaient trait à la paralysie générale. On a entendu un rapport
de Mirzhayer sur la pathogénie de la paralysie générale, de Spielmeyer avec
projection de cerveaux de paralytiques généraux. Enfin, le professeur Mayer
de Zurich a apporté la statistique du nombre des paralytiques généraux en
Suisse (environ 22 p. i 000). Ce chiffre est très voisin de celui de la statistique
de M. A. Marie à Paris. Il ne semble pas que jusqu'à présent la paralysie
générale soit en voie de décroissance. Enfin, les auteurs étrangers et notam-
ment suisses utilisent très fréquemment la thérapeutique par la malaria. Ils
ont obtenu avec cette thérapeutique des rémissions fréquentes et prolongées.
H. BARUK.

II. — Société clinique de médecine mentale


SÉANCE DU LUNDI 23 NOVEMBRE 1924

Présidence de M. Toulouse
Délires de date ancienne ayant nécessité l'internement après plusieurs
années. — MM. Colin et Cênac présentent 1° une maniaque chronique
vivant en liberté depuis plus de dix ans; 2° un délire à deux datant de quinze
ans (mère et fille); 3° un délire à trois remontant à trois ans. Ils insistent
sur le fait que ces six malades, délirant depuis plusieurs années, ont pu
vivre en liberté à Paris, malgré les réactions antisociales de la première, la
vie étrange et connue de tous des trois malades atteintes de délire collectif,
malgré les migrations et la quérulence continue de la mère et de la fille-
Ces dernières avaient réussi à convaincre de la réalité de leurs affirmations,
pourtant nettement délirantes, des personnes au jugement sain (chimistes,
avocats).
Syndrome paralytique avec réaction de Bordet-Wassermann négative dans le
liquide céphalo-rachidien, par MM. Trénel et Vuillaume. — Observation
caractérisée par vertiges depuis quelques mois, dysarthrie récente, délire
hallucinatoire aigu et transitoire dont la malade (âgée de 47 ans) a gardé le
souvenir et qu'elle corrige, humeur l&bile, affaiblissement intellectuel très
léger. Symptômes oculaires positifs. Réactions humorales toutes positives,
sauf Bordet-Wassermann négatif dans le liquide céphalo-rachidien(fait con-
firmé par M. Haguenau, qui a contrôlé ce résultat), réaction de Guillain
incomplètement positive. A noter qu'ici, comme dans d'autres cas connus,
les symptômes somatiques, par leur intensité, sont en discordance avec les
symptômes mentaux. Le diagnostic de paralysie générale qui s'imposait à
l'entrée, est rendu douteux par le réultat des examens humoraux.
Délire à deux. — MM. de Clérambault et Lamache présentent leurs deux
malades, un frère et une sœur. Psychose hallucinatoire chronique chez le
frère, conviction délirante sans psychose chez la sœur. Considérations cli-
niques et doctrinales.
Délire systématisé chronique ayant débuté à l'âge de vingt ans. — M. Abély
présente un malade délirant depuis huit ans. Son délire à base d'idées
d'influence et d'interprétation est rigoureusement systématisé et ne s'accom-
pagne d'aucun affaiblissement intellectuel. Le début précoce (à la vingtième
année) est exceptionnel dans ce genre de psychose.
Brûlure. Accident du travail. Asthénie périodique, par M. Benon. — L'au-
teur croit pouvoir admettre une relation de cause à effet entre une brûlure
à la main gauche par un fer rouge, à l'âge de dix-sept ans et l'apparition
consécutive d'uue psychose périodique.
H. COLIN.

III. — Société de psychiatrie


SÉANCE DU 20 NOVEMBRE 1924

Présidence de M. René Sénzelaigne


Barbiturate-diéthylaminerévélateur du subconscient. — M. Laign,-l-Lavas-
tine, rappelant les résultats obtenus par M. Claude au moyen de l'éthérisa-
tion, a constaté des effets analogues en utilisant le barbiturate-diéthylamine
qui, comme l'éther, possède la propriété de faire révéler par le malade les
notions qu'il réprime normalement. A la phase du sommeil provoquée par
le médicament, succède une période pouvant persister deux à trois jours,
intermédiaire entre le sommeil et la veille, et durant laquelle les patients
extériorisent leurs sentiments et leurs idées intimes. Par cette méthode, on
peut ainsi obtenir d'une jeune femme l'aveu d'événements antérieurs qu'elle
refoulait.
Certes, le fait en lui-même n'est pas nouveau et on sait depuis longtemps
que l'ivresse toxique relâche la contrainte psychique. Mais le procédé pour-
rait être une investigation expérimentale de la pensée des malades.
M. Georges Dumas insiste sur la question de savoir ce que révèlent en
réalité les malades sous l'influence de l'intoxication. S'agit-il vraiment de
souvenirs qu'ils ignorent eux-mêmes, c'est-à-dire inconscients, ou bien sim-
plement d'événements qu'ils n'ignorent pas, mais qu'ils écartent de la
conscience?
D' autre part, quelles garanties a-t-on que les paroles des malades révèlent
des faits exacts ou, au contraire, ne sont que des divagations imaginatives
sans authenticité?
M. Hartenberg s'associe aux réserves de M. Dumas. La narcose éclaire-t-elle
des notions inconscientes ou libère-t-elle seulement des pensées réprimées?
En ce qui concerne l'exactitude des révélations, il rappelle que récemment,
on a proposé en Amérique d'obtenir les aveux des inculpés au moyen d'une
ivresse toxique les autorités judiciaires ont rejeté la méthode comme trop
arbitraire et trop sujette aux causes d'erreur.
M. Arnaud, demande si la malade de M Laignel-Lavastine regrettait d'avoir
connu des sentiments ignorés d'elle o-u simplement de les avoir confessés?
M. Laignel-Lavastine reconnaît qu'il est très difficile en pratique de
savoir si une malade révèle des faits inconnus ou simplement réprimés.
Il croit cependant que sa patiente ignorait les sentiments exprimés à la
faveur de la narcose.
L'éthérisation chez les déments précoces. — MM. Henri Claude et G. Robin
apportent à la Société les résultats de quelques-unes de leurs expériences
d'éthérisation chez les déments précoces. Au moyen du masque d'Ombré-
danne, ils ont fait inhaler à leurs malades de i5 à 20 centimètres cubes
d'éther. Sous l'influence du médicament, se produit d'abord une première
phase d'excitation et d'incohérence sans aucune signification psychologique.
Puis, s'établit une seconde phase de somnolence et de torpeur, assez analogue
à une confusion mentale légère. Durant cette phase, on constate qu-e cer-
tains malades habituellement muets et indifférents, répondent aux questions,
disent leur nom, leur âge, racontent leur histoire et font preuve d'une affecti-
vité quelquefois très intense. Puis, au bout de quelques heures, ils retombent
dans leur état antérieur.
Cette épreuve de l'éthérisation donne des résultats très différents selon
les malades. Chez les déments précoces vrais, type Morel-Christian, avec
affaiblissement marqué de l'intelligence, on n'obtient aucune modification.
Par contre, chez les schizophrènes discordants, type Bleuler, on constate un
réveil net des faits affectifs oubliés des malades, qui paraissent avoir
déclenché les troubles mentaux. Au point de vue thérapeutique, l'expérience
a quelquefois été suivie d'effets heureux.
M. Georges Dumas réitère la même objection que pour la communication
précédente. Peut-on dire vraiment qu'on explore par l'éthérisation l'incon-
scient des malades? Ne leur fait-on pas tout simplement raconter ce qu'ils
gardaient pour eux-mêmes?
Si elle agit dans ce dernier sens, l'éthérisation ne serait qu'un des pro-
cédés permettant de faire parler les malades. Car il y en a d'autres, l'intimi-
dation, la surprise, l'interpellation brusque, etc.
Par contre, la méthode paraît extrêmement utile pour le diagnostic entre
les deux types de déments précoces.
M. A. Delmas estime qu'il est dangereux pour la psychiatrie d'introduire
dans la clinique cette notion philosophique d'inconscient inspirée des doc-
trines fantaisistes de Freud. De même, il ne faut pas attacher une trop
grande valeur aux révélations des malades. Dans l'une des observations de
MM. Claude et Robin, les événements affectifs révélés par l'éthérisation ne
doivent pas être considérés comme la cause et l'origine de la maladie, mais
tout simplement comme des faits psychologiques ayant coïncidé avec son
début, et qui ont frappé la patiente et dont elle se souvient particulièrement,
précisément parce qu'ils marquent la phase initiale de son affection.
Barbiturate-diéthylamine en injection intraveineuse comme sédatif héroïque
de l'agitation. — M. Laignel-Lavastine, en injectant une quantité de centi-
mètres cubes du médicament, inférieure d'une unité au chiffre des dizaines
du poids des malades, c'est-à-dire 4 centimètres cubes pour un poids de
5o kilos, 5 centimètres cubes pour 60 kilos, etc., a obtenu d'excellents résul-
tats chez les agités. On réalise un calme complet et un sommeil paisible de
quatre à huit heures environ.
M. Robin, qui a employé ce médicament chez les paralytiques généraux
et les maniaques, a constaté les mêmes bons effets, quoique peut-être moins
nets que ceux rapportés par M. Laignel-Lavastine. La sédation, même
momentanée de l'agitation, a le grand avantage d'empêcher le malade de
s'épuiser.
M. Laignel-Lavastine est d'autant plus convaincu de la nécessité de com-
battre l'agitation qu'il a constaté à l'autopsie des agités une disparition com-
plète par épuisement des colloïdes de la cortico-surrénale. Une sédation,
même artificielle, permet à la glande de se recharger.
P-sychoses périodiques dysthyroïdiennes chez un hérédo-dystrophique syphi-
litique. — M. Laignel-Lavastine, à propos d'une association de ce genre, se
demande si l'on ne pourrait pas trouver l'origine de certaines psychoses
périodiques dysthyroïdiennes dans une hérédité spécifique, non pas immé-
diate, mais remontant à deux ou trois générations?
M. Georges Dumas fait observer que les dystrophies hérédo-syphilitiques
étant extrêmement répandues, il faudrait établir par des statistiques précises
leur fréquence particulière dans les antécédents des psychoses périodiques
dysthyroïdiennes.
M. A. Delmas a souvent observé dans ces cas une rétraction de l'apo-
névrose palmaire, qui n'est cependant pas considérée comme un signe
d'hérédo-syphilis.
P. HARTENBERG.

REVUE DES LIVRES

L'Année psychologique, publiée par Henri PIÉRON, t. XXIII (1922).


Paris, Alcan, 1924.
Grâce à l'énergique persévérance du professeur Piéron, VAnnée psy-
chologique reprend, avec ce volume, sa périodicité annuelle. Il faut s'en
l',
'réjoui car l'information abondante et précise est, dans ce domaine,
plus nécessaire, peut-on dire, qu'en tout autre; surtout si on songe
que par son objet même, de nature à la fois psychique, physiologique
et sociale, la découverte jaillit souvent de l'interférence de données appar-
tenant à des disciplines parfois bien différentes parleur objet.
Comme les volumes précédents, celui-ci comprend des mémoires
originaux, des notes et revues critiques, enfin les analyses bibliogra-
phiques. M. Piéron, continuant la série de ses belles recherches de psy-
cho-physiologie sensorielle, traite dans un premier mémoire du méca-
nisme des couleurs de Fechner-Benham, qu'il ramène à deux lois relatives
aux phénoménes rétiniens. Avec une patience inlassable (puisque nous lui
avons vu commencer les premières recherches de ce genre à la Faculté des
lettres de Montpellieren 1907), notre ancien maître, M. Foucault, dans un
mémoire sur les inhibitions externes concomitantes au cours de la fixation
des images, étudie l'influence exercée sur la fixation du sens de mots
artificiels d'influences perturbatrices telles que le battement d'un métro-
nome. M. Foucault a trouvé qu'une complication auditive ou auditive-
motrice a d'abord pour effet de gêner le travail de fixation, mais cette
inhibition disparaît au bout d'un temps qui varie avec les sujets, et l'ac-
tion inhibitrice est alors remplacée par une action favorable; la compli-
cation devient un auxiliaire, au moins en apparence.
Dans une très intéressante étude, réalisée au laboratoire de psycholo-
gie physiologique de la Sorbonne, et qui constitue une contribution
expérimentale à l'étude des phénomènes de transfert sensoriel, Mme Pié-
ron aborde le problème de la vision et de la kinesthésie dans la percep-
tion des longueurs. Signalons aussi du même auteur l'étudepsycllOteclz-
nique de quelques tests d'aptitude. Enfin M. Dwelshauvers, directeur du
laboratoire de psychologie expérimentale de Barcelone, nous expose
des recherches sur la mémoire des formes.
Parmi les revues critiques, signalons de la plume autorisée de Piéron
l' orientation auditive latérale, le seul travail de ce genre en langue fran-
çaise (avec bibliographie), utilisant les études faites durant la guerre pour
le repérage du son et, de Meyerson, une étude sur la mentalité primi-
tive (à propos de l'ouvrage de Lévy-Bruhl). Dans cette section M. Pié-
ron a également publié une note, de la différenciation des tests de déve-
loppement et des tests d'aptitude.
Que dire maintenant des analyses bibliographiques qui occupent
390 pages de textes, sinon que la plupart sont d'une objectivité qui en
fait un excellent instrument de travail. La psychologie appliquée prend
de plus en plus de place; notons aussi la présence d'une rubrique sur la
métapsychie et la bibliographie (simple énumération) psychologique et
psychopathologique allemande de 1914 à 1920.
R. MOURGUE.
Henri DELACROIX. — Le langage et la pensée. i vol. de 602 p. Paris,
Alcan, 1924.
Nous ne saurions trop attirer l'attention de tous ceux qui s'occupent du
problème de l'aphasie sur l'extrême importance de cet ouvrage. L'auteur
s'est, en effet, pleinement rendu compte de l'insuffisance notoire du seul
point de vue de l'observation psychologique dans l'étude du langage; pour lui,
la nature de l'homme est triple : physiologique, psychologique, et sociale; et
le langage, phénomène spécifiquement humain, doit être envisagé de ces trois
points de vue. — En tout premier lieu, et ce qu'en France on a trop ignoré,
il n'y a pas de psychologie du langage sans recours à la linguistique. Aussi
l'auteur a-t-il su tirer partie de façon remarquable, et avec une grande érudi-
tion, des données de cette science et tout particulièrement des travaux de
Saussure et de Meillet.
Il ne saurait être question, dans une brève analyse, de relever tout ce que
ce livre contient d'intéressant pour le neurologiste. Aussi nous en tiendronr-
nous aux résultats les plus généraux.
La complexité des mécanismes psychologiques qui constituent le langage
est telle que c'est à peine si nous commençons à les découvrir. Comme le
dit très bien l'auteur, le signe verbal n'est pas simplement un son, un
mouvement ou une figure qui tient lieu d'une chose absente et produit ses
effets; son caractère essentiel, c'est le pouvoir qu'il a de se combiner avec
d'autres signes du même genre et de se modifier, pour effectuer les opérations
sur les rapports des choses signifiées et pour autoriser des assertions à leur
égard. Un système de mots n'est un langage que si l'esprit est capable
d'en percevoir successivement chaque unité: mais chaque unité n'a de sens
qu'au sein d'un système mental et linguistique et une série de mots qui
défile devant l'esprit ne devient un langage que par le rang et le rôle assignés
à chaque unité, c'est-à-dire dans la mesure où l'esprit convertit la succession
en simultanéité et la série disparate eiz système mental. Le geste verbal ne
devient un mot que sous condition de la phrase, donc du jugement. Mais si
la pensée symbolique (en prenant ce mot dans le sens de Head), coïncide
avec la pensée tout court, toute une partie du langage est l'œuvre de la vie
affective et de la vie sociale. Le langage est l'expression de la pensée sur les
choses, soutenue par les mouvements de l'affectivité et les orientations de la
socialité : la conjonction du signe mental et du signe affectivo-social.
Particulièrement intéressante est la partie de l'ouvrage traitant de la
pathologie du langage (hallucinations verbales et aphasie). En ce qui concerne
l'aphasie, on y trouvera un exposé très exact des idées récentes de Henry
Head sur les quatre formes qu'il distingue : aphasie verbale, nominale, syn-
tactique et sémantique. Il considère que l'œuvre de Head constitue le plus
grand progrès de ces dernières années dans le domaine de la pathologie-
Sans contester le moins du monde ce jugement, on aurait cependant désire
voir exposée l'œuvre de Kussmaul (qui a été un précurseur de Head) et celle
encore plus importante de v. Monakow.
Par contre, l'auteur tient compte de l'œuvre de H. Jackson, que nous
avons fait connaître en France, et de celle du regretté Arnold Pick, dont
l'étude sur le processus de la formation de la phrase est très exactement
exposée.
En résumé, ce livre nous met en garde, à chaque page, contre toute ten-
dance à schématiser, en mettant en lumière la complexité des phénomènes
du langage, absolument incompréhensibles avec les notions simplistes de
la psychologie courante. La nature se rit de nos divisions scolastiques et
on pourra faire des coupes en séries durant des siècles (travail dont nous
ne nions nullement l'intérêt), on ne comprendra rien au problème de l'aphasie,
si on oublie que le langage est un phénomène d'une nature triple.
M. Delacroix vient de le démontrer avec une maîtrise dont nous ne con-
naissons pas l'analogue en aucune langue. R. MOURGUE.

KAFKA, SCHUiMM et WASER. Méthodes d'examen du liquide céphalo-


rachidien et de la régulation thermique cérébrale. ( Traité des Méthode-
d'études biologiques, publié sous la direction d'Abderhalden, V, 5 B., vol. i,
livraison io3. Un volume de 92 pages, Urban et Schwarzenberg éditeurs,
Berlin et Vienne, 1923.)
Le « Traité ï d'Abderhalden est en réalité une bibliothèque de mono-
graphies dont l'ensemble doit constituer une encyclopédie des méthodes
d'examen en biologie. C'est une entreprise au programme très étendu, aux
ramifications multiples, embrassant, par exemple, avec la physique, la chimie,
la psychologie, également la géographie, la paléobiologie, etc.
La livraison ci-dessus fait partie de la division n° V : méthodes pour l'exa-
men des fonctions isolées de l'organisme animal — de la sous-division V, 5 :
méthodes de physiologie musculaire et nerveuse — du chapitre n° V, 5, B :
fonctions du système nerveux. Il s'agit d'un fascicule assez mince où Kafka
donne la technique de la ponction lombaire, où Kafka et Schumm traitent des
méthodes pour l'examen du liquide céphalo-rachidien et Waser des piqûres
intra-cérébrales destinées à produire expérimentalement chez les animaux un
trouble de la régulation thermique.
Le défaut de tels ouvrages est que les renseignements utiles se trouvent
éparpillés dans les diverses parties de l'encyclopédie. C'est ainsi que pour
toute une catégorie de recherches, le volume renvoie à d'autres fascicules
(dont quelques-uns non encore publiés) et que les chiffres normaux, destinés
à servir de points de repère pour les examens, ne sont pas indiqués. On se
rend compte, d'autre part, que les auteurs n'ont pas voulu faire œuvre critique
et ont décidé de se borner aux méthodes qui leur avaient donné à eux-mêmes
les meilleurs résultats. Ainsi les méthodes d'examen physique sont réduites
au minimum; parmi les moyens de recherches cytologiques, Kafka ne cite
que la cellule de Fuchs-Rosenthal, sans même mentionner les cellules de
Nageotte et de Ravaut. Dans la partie chimique, l'étude des réactions colloï-
dales comporte seulement celles à l'or colloïdal et à la gomme-mastic, négli-
geant, parmi les autres méthodes colloïdales, même celles, fort nombreuses,
qui sont nées en Allemagne.
Le volume contient des indications intéressantes sur beaucoup de points
et par exemple sur le dosage différentiel des albumines et des globulines, sur
le floculomètre (« Agglutinoscope comparatif ») de Kafka. Il ne saurait rem-
placer les livres classiques de Mestrezat, Esskuchen ou Boyd sur l'analyse du
liquide céphalo-rachidien.
P. SCHIFF.

ANALYSES

A. Neurologie
R. LORENTE de NO (de l'Institut Cajal). Observations sur les réflexes
toniques oculaires. (Travaux du Laboratoire de recherches biologiques de
l'Université de Madrid. Tome XXII, n° 1-2, juin 1924, p. 143.)
L'auteur se propose d'étudier, après Kubo, Magnus et de Kleijn etc..., les
réflexes toniques oculaires, et publie les premiers résultats de ses recherches.
On désigne sous le nom de réflexes toniques oculaires les mouvements
qu'effectuent les globes oculaires en sens inverse de ceux de la tête lorsque,
par un dispositif particulier, on fait subir à celle-ci une rotation. On admet
généralement que ces déplacements des globes oculaires dépendent à la fois
du labyrinthe et des sensations visuelles. Lorente de Nô borne son étude aux
réflexes toniques labyrinthiques. Il utilise comme sujet d'expérience un lapin
fixé à une planchette susceptible de tourner autour de deux axes perpendicu-
laires entre eux. L'animal exécute trois rotations différentes dans les deux
premières la fente buccale est horizontale, il tourne d'abord autour de son axe
bitemporal, ensuite autour de son axe occipito-caudal ; la troisième rotation
se fait autour de l'axe vertical, l'animal étant en décubitus latéral, la fente
buccale verticale. L'expérimentateur prend des photographies successives
(vingt-cinq vues par tour de 36o°). A chaque position de l'animal dans l'espace
correspond une position déterminée des globes oculaires. Pour chaque genre
de rotation les mouvements qu'exécutent les yeux sont différents : circulaires
dans la première, ils sont verticaux dans la seconde, et à la fois circulaires et
verticaux dans la troisième rotation.
Il s'agit de déterminer la part de chaqre muscle dans l'exécution de ces
mouvements. Contrairementà l'opinion admise par Magnus et de Kleijn, l'auteur
n'admet pas l'action des muscles s'exerçant par paires : droits supérieurs et
inférieurs pour les mouvements verticaux obliques, inférieur et supérieur pour
les mouvements circulaires. Il conclut de ses expériences que tout change-
gement de position du globe oculaire effectué sous l'influence du labyrinthe
exige l'action combinée des six muscles de l'œil.
Quant ail mécanisme de ces réflexes toniques oculaires, il est encore très
discuté. On s'accorde à reconnaitre la part que doivent prendre dans leur
détermination les positions des otolithes, des taches acoustiques du saccule
et de l'utricule, mais le mode d'action de ces divers organes sur les nerfs
moteurs de l'œil reste à préciser. On ne connait ni le point de départ du
réflexe, dû peut-être à une pres-sion, peut-être à une traction, peut-être à un
plissement des otolithes sur les taches acoustiques, ni la manière dont se
transmet cette excitation, ni les rapports qui lient utricule et saccule d'une
part, muscles droits et obliques d'autre part.
S. SCHIFF-WERTHEIMER.

J.-B. AYER. Ponction de la cisterna magna. (Lac sous-cérébelleux posté-


rieur.) (Journal Amer. Aled. Assoc., 1923, p. 358.)
Depuis trois ans qu'il a proposé cette méthode, Ayer a pu réunir 45o cas
dont il apporte l'étude d'ensemble.
Tout d'abord, résultat important par un accident mortel et un seul cas
:

d'hémorragie par faute de technique. Des incidents furent observés à la suite


d'injection de sérum thérapeutique, et consistèrent en vertiges, nystagmus,
parfois des nausées et exceptionnellement de la névralgie faciale.
Les ponctions répétées peuvent se faire sans danger : plusieurs malades
eurent jusqu'à dix piqûres pour injection de sérum ; et, chez l'un d'eux, on
n'observa aucun incident malgré les 36 ponctions qu'il eut à subir.
Parmi les contre-indications intervient naturellement l'oblitération ou le
déplacement de la « cisterna magna » consécutif à une hypertension intra-
cranienne trop élevée. Ayer, d'autre part, ne conseille pas sa ponction sous-
cérébelleuse chez l'enfant.
Parmi les indications, il faut retenir le traitement des méningites cérébro-
spinales bloquées; le traitement de la syphilis cérébrale par injection de
sérum salvarsanisé. Le diagnostic retire enfin de précieux renseignements en
permettant dans les compressions médullaires d'obtenir du liquide céphalo-
rachidien de la partie sus-jacente à la compression.
Lucien COR:-\II..

FRANCESCO PEDRAZZINI (Milan) Introduction à l'étude des phénomènes


encéphalo-médullaires d'origine hémo-hydraulique, en particulier des
phénomènes de commotioncérébrale. {Journal fur Psychologie und Neu-
rologie [de Forci et Cécile et Oscar Vogt]. Vol. XXX, mars 1924, n05 3 et
4, p. 129).
En réponse à un article de Knauer et Enderlen, paru en novembre 1923
dans le même journal, Pedrazzini expose ses conceptions personnelles du
problème de la commotion. Partant de ces faits que les commotions par
déflagration de gros obus peuvent provoquer des lésions morbides (hémor-
ragies, ruptures) au niveau des viscères splanchniques, l'auteur conclut à
une pathogénie « hémo-hydraulique » du syndrome commotionnel. La com-
pression des cavités abdominale et thoracique, causée par la déflagration de
l'obus, vide brusquement les gros vaisseaux dans les sinus craniens, ce qui
amène une dilatation extrême des enveloppes dures-mériennes et, la boîte
cranienne étant indéformable, un reflux du liquide céphalo-rachidien dans
les ventricules cérébraux. Des phénomènes aussi brusques, mais de signe
contraire, se produisent immédiatement après l'explosion, quand le déplace-
ment d'air a cessé. D'où ruptures violentes et répétées de l'équilibre hémo-
hydraulique dans le cerveau. Ce déséquilibre se transmet directement au
liquide céphalo-rachidien, et celui-ci étant incompressible, c'est la substance
cérébrale qui fait l'objet de la compression inévitable : cette compression
peut entraîner des hémorragies microscopiques plus ou moins étendues.
P. SCHIFF.
J. L. F. BURROW et M.-J. STEWART. Chordome sphéno-occipital malin.
(Tlie Journal ofNeurol. and Psychopathology,novembre 1923, p. 205-217,)
Étude anatomo-clinique d'un cas de chordome du clivus Blumenbachii,
caractérisé par la structure typique des cellules physaliphores de Virchow.
Le malade, âgé de trente ans, souffrait depuis trois ans de céphalées, vomis-
sements, diminution de l'acuité visuelle, puis de douleurs des membres et
spécialement du bras droit.
L'examen révéla une atrophie optique de l'œil gauche, une atrophie primi-
tive de l'œil droit, une parésie des me, ive et vie nerfs craniens à gauche et un
Babinski bilatéral. t
L'autopsie montra que ces troubles étaient provoqués par un chordome
sphéno-occipital comprimant les deux nerfs optiques et discordant la protubé-
rance.
Bonne bibliographie de dix-sept cas antérieurs, à laquelle on doit ajouter
l'observation de André-Thomas et Jumentié (Soc. de neurologie, 23 mars 19231,
omise par les auteurs.
Lucien CORNIL.
FERRARIS et LEVI. Sur la régénération des nerfs après une section et
sur celle des os après fracture chez les cobayes nourris avec des grains
avitaminés. (Académie royale de médecine de Turin. Journal de l'Aca-
démie, juillet-octobre 1923.)
Les grains avaient été chauffés à 120° pendant une heure et demie. Pas de
régénérescence du sciatique sectionné pendant la période d'alimentation sans
vitamines; pas de cicatrice entre les deux bouts; les fibres néo-formées n'at-
teignent pas le bout périphérique, les cylindraxes néo-formés sont très altérés.
Nous passons sous silence ce qui, dans la communication, est relatif à la for-
mation du cal après fracture expérimentale. Le travail de Ferraris et Levi est
antérieur à ceux d'Isbide (in Archiv de Virchow) et Saccheti (Soc. ital. de
pathol., 1922).
L. WAHL.
LAFORA. Sur le tabes; nouvelles études de pathogénie, d'anatomie patho-
logique et de clinique. (Archivos de neurobiologia de Madrid,IV, 2, 1924.)
Au début, il y a prolifération de l'endothelium des voies lymphatiques et
des cellules fixes de la dure-mère puis dégénérescence radiculaire ; les spiro-
chaetes s'amassent dans les sacs péri-radiculaires ; le processus d'altération
des gaînes des ganglions rachidiens est indépendant de celui des méninges, ce
dernier n'est pas constant; puis la lésion devient ascendante dans la zone
externe du cordon postérieur, dans le faisceau de Goll, et la bandelette externe
de Pierret, puis gagne les cellules des colonnes de Clarke et le faisceau ascen-
dant de Flechsig du même côté. La lésion se produit d'une façon identique
dans le nerf optique. Dans la période préclinique (Ravaut), il n'y a qu'absence
des réflexes rotuliens et altération du liquide céphalo-rachidien, le tabès est
donc monosymptomatique ; le traitement intensif se montre alors très efficace.
La cytopathologie est le dernier mot du problème pathologique (lymphocy-
tose et excès de globuline); les trois symptômes cardinaux du tabes sont : la
rigidité pupillaire à la lumière, la perte du réflexe achilléen et les troubles de
la sensibilité au tronc ; un seul signe indique la probabilité. Le traitement
doit être prolongé, mais sans doses élevées, par Hg et Bi ; les mercuriaux sont
des traitements d'attaque intra-rachidiens,car alors le médicament imprègne
le liquide céphalo-rachidien où baignent les tréponèmes ; la durée du traitement
doit être indéfinie. L. WAHL.
INSOLATO. Quelques observations sur l'étio-pathogénie des dégénéres-
cences hépato-lenticulaires : l'alcoolisme comme cause de dégénére-
scence hépato-névroglique. (Archivio generale di neurologia etc., 1923-24,
fasc. 1, II, I.)
Rapporte une observation de cirrhose de Laënnec, pseudo-paralysie géné-
rale alcoolique et altération de la névroglie dans tout l'encéphale (surtout
prolifération de la glie protoplasmique) formation de noyaux géants et con-
tournés et d'éléments polynucléaires semblables aux cellules géantes d'Alz-
heimer. C'est là un exemple de ce que l'on a décrit sous le nom de
dégénérescence hépato-lenticulaire d'origine alcoolique (Demole et Redalié).
A cette occasion il passe en revue les cas de ce syndrome publiés par divers
auteurs et les formes de passage qui l'unissent à la maladie de Wilson et au
spasme de torsion (cas de Hall, Staker, Œconomo, Schilder-Wecker). Cer-
tains cas de dégénérescence hépato-lenticulaires affectent la forme de cirrhose
à grosses nodosités avec absence d'ascite, mais toutes les transitions existent
avec la forme classique de Laënnec. D'autre part, certains cas de démence
précoce s'accompagnent de lésions du foie, de même quelques formes chro-
niques d'encéphalite léthargique et parkinsonisme. De tout cela il résulte, et
nous partageons l'opinion de l'auteur, qu'une révision de toute la question des
rapports des psychoses et des lésions du foie s'impose. 11 semble quel'hérédo-
alcoolisme prédispose à ces syndromes. L. WAHL.
GRENAUDIER (L.). Contribution au diagnostic de l'encéphalite léthar-
gique et des formes somnolentes des affections encéphaliques. (Thèse
de Paris, 1923.)
Certaines formes somnolentes d'affections encéphaliques peuvent présenter
un tableau clinique rappelant singulièrement celui de l'encéphalite létharg-iqnie.
Deux affections surtout revêtent ce type clinique, ce sont : d'une part, la
syphilis mésocéphalique étudiée par Guillain et ses élèves^ Alajouanine, Jacquet
et Léchelle, et qui s'accompagne de paralysies oculaires transitoires de diplo-
pie et de somnolence. D'autre part, ce sont certaines tumeurs cérébrales., où,
à la torpeur et à la narcolepsie, peuvent se joindre des phénomènes oculaires,
un état mental particulier (Claude, Schaeffer et Alajouanine). C'est surtout le
fait de tumeurs profondes avoisinant le plancher du m» ventriculaire (région
infundibulaire) ou l'étage sous-optique.
Le diagnostic, dans le premier groupe de faits, repose avant tout sur -l'exa-
men du liquide céphalo-rachidien. Dans l'encéphalite léthargique peut exister
parfois, avec de la lymphocytose et de l'hyperalbuminose, une réaction de
Bordet-Wassermannpositive. Mais la réaction du benjoin colloïdal reste néga-
tive. Enfin, il y a lieu d'ajouter que, par contre, dans la syphilis cérébrale les
réactions humorales comparées (Wassermann. et benjoin colloïdal, positifs)
imposent le diagnostié et, de plus, le signe d'Argyll-Robertson semble excep-
tionnel dans l'encéphalite léthargique.
Le diagnostic, dans le deuxième groupe de faits, repose sur la mise en
évidence de signes objectifs de l'hypertension intracranienne, hypertension
du liquide rachidien, dissociation albumino-cytologique, stase papillaire.
C'est l'absence de signes cliniques et de signes humoraux qui fera faire le
diagnostic des formes somnolentes de certaines psychoses et des états de
stupeur ou de narcolepsie qui peuvent s'observer au cours de l'évolution de
certaines maladies mentales.
Lucien CORNIL.
B. Psychiatrie
EDWARD H. STRIECKER et GORDON F. WILLEY. Les facteurs de gué-
rison dans la démence précoce. (American Journal of Psychiatry,
avril 1924, page 4.)
Les auteurs, partant de l'étude de vingt cas de démence précoce terminés
par la guérison, étudient, en ce qui concerne cette affection, les principaux
éléments susceptibles de donner des indications de pronostic. La race ne
paraît pas constituer un facteur important; toutefois, il faut tenir compte, si
l'on veut éviter des erreurs cliniques, des différences psychologiques qui
séparent des individus appartenant à des pays différents. L'hérédité a une
action indirecte et l'existence de psychoses chez les ascendants peut constituer
un élément d'aggravation du pronostic. Mais il y a surtout lieu d'étudier d'une
façon approfondie la personnalité tout entière du malade. Il y a lieu de tenir
grand compte de l'existence de tendances constitutionnelles à l'isolement et
de les distinguer d'habitudes acquises, occasionnées par des difficultés d'adap-
tation sociale. L'existence d'anomalies de la personnalité antérieurement au
développement de la psychose, n'implique pas forcément un mauvais pronostic.
La désintégration de la personnalité et le contraste avec l'état antérieur sont
un effet plus grave que l'évolution de tendances innées. Il faut tenir compte
également, bien qu'il s'agisse là de cas exceptionnels, des causes d'erreur qui
peuvent résulter de la présence de troubles sensoriels congénitaux, surdi-
mutité, par exemple, qui constituent un obstacle à l'expression des sentiments
Enfin il faut insister sur toute une série de causes occasionnelles, quel l'auteur
dénomme « causes précipitantes » et qui peuvent, en se combinant avec les
autres facteurs, déclancher le début de la maladie. Ce sont des conflits
affectifs. Il faut y
moraux, des difficultés d'adaptation sociale, des chocs
ajouter le rôle d'une maladie infectieuse, d'intoxications, de surmenage, de
toutes les causes de débilitation de l'organisme. Tous ces facteurs contribuent
à un amoindrissement du pouvoir d'inhibition et à la prédominance d un
certain automatisme. Quant aux modes de début, il semble que les formes à
début aigu soient d'un pronostic meilleur que celles à début lent. Quant à la
catatonie, elle n'est pas spéciale à la démence précoce ; pas plus que la stu-
peur elle ne parait comporter de pronostic plus défavorable que les autres
manifestations. En un mot l'étude approfondie, non seulement des symptômes
de la maladie constituée, mais encore des antécédents héréditaires et person-
nels, de la constitution psychique du malade, des circonstances extérieures
qui paraissent en rapport avec le début de l'affection, tout cela permettra sou-
vent de serrer de plus près le problème du pronostic.
H. BARUK.

Mme F. MINKOWSKA (de Paris). Le rôle de l'hérédité dans l'épilepsie.


(Congrès suisse de Psychiatrie. Lugano, juin 1924.)
Il s'agit des recherches généalogiques concernant la descendance d'un
épileptique, recherches poursuivies à travers sept générations. Les résultats
peuvent en être résumés comme suit :
Le facteur héréditaire joue le rôle prépondérant dans la genèse de l'épi-
lepsie et sa présence se manifeste de diverses façons :
1° Par la mortalité des enfants en bas-âge et la stérilité des ménages;
20 Par les cas d'épilepsie franche dans toutes ces formes variées (épilepsie
convulsive, épilepsie avec accidents convulsifs et équivalents psychiques, épi-
lepsie caractérisée par des états crépusculaires sans crises convulsives, etc. ;
3° Par la présence des psychoses associées là où un élément psychopathique
étranger à l'épilepsie pénétre dans la famille; 40 Par la présence d'une consti-
tution psychologique particulière se manifestant nettement chez certains indi-
vidus sains d'esprit et conférant à la famille dans son ensemble un aspect
spécifique.
Cette constitution désignée du nom d' « épileptoïdie » est caractérisée
par une affectivité concentrée et visqueuse et par une certaine bradypsychie et
forme probablement la véritable base sur laquelle viennent éclore les manifes-
tations de l'épilepsie essentielle. Une constitution biologique particulière lui
correspond probablement.
Les modalités de transmission héréditaire énumérées plus haut se retrouvent
surtout dans deux branches de la famille étudiée ; dans les trois autres le facteur
épileptique s'efface en présence d'autres éléments psychopathiques apportés
par les mariages. Il est réservé aux recherches ultérieures de déterminer les
conditions indispensables à l'éclosion des cas manifestes d'épilepsie dans une
famille prédisposée ; l'alcoolisme joue un certain rôle, mais il est loin cepen-
dant d'être le facteur unique intervenant dans ce sens. H. STECK.
RUEDIN (de Munich). Hérédité et psychiatrie. (Rapport au Congrès suisse
de Psychiatrie, Lugano, juih 1924.)
Dans la première partie de son rapport, l'auteur indique quelques-unes des
difficultés soulevées par les recherches de l'hérédité dans les maladies mentales.
La découverte d'états psychopathiques similaires dans la parenté d'un malade
peut donner des indications, comme le montrent par exemple les recherches de
Boven pour la démence précoce. Les données anthropologiques, telles que
celles employées par Kretschmer, ont également leur intérêt, à condition d'être
interprétées avec prudence. D'autre part, si les facteurs héréditaires peuvent
éclairer le diagnostic dans certains cas, il en est d'autres où ces facteurs contri-
buent au contraire à obscurcir le tableau clinique : particularités familiales
interférentes, ou maladies exogènes dues au milieu familial et qui ont leur
évolution propre. La convergence d'hérédités différentes peut créer des
psychoses associées, qu'on relate de plus en plus fréquemment. Mais les
résultats des recherches généalogiques faites jusqu'ici sont peu convaincantes
et l'on a pu parler de la c mythologie » de l'hérédité. Seules des études beau-
coup plus approfondies pourront faire le départ, dans la production d'une
psychose, entre les facteurs communs à tous les organismes (puberté, invo-
lution, mécanismes endocriniens,processus artério-sclérotiques)et les facteurs
héréditaires particuliers.
Dans une seconde partie, l'auteur indique les réserves à faire dans l'appli-
cation de lois mendéliennes à l'hérédité des psychoses. Il faut se garder d'une
pseudo-exactitude dans des recherches rendues plus difficiles encore par la
variabilité des types cliniques selon les différents auteurs, les notions d'états
psychopathiques complexes,tels que la schizoïdie. Il n'est pas exact que dans
les recherches généalogiques, on arrive à une précision plus grande en faisant
état de psychoses peu accusées ou mal différenciées. Il faut se borner, au con-
traire, aux groupes à phénotype homogène, se servir des calculs de Weinberg
et des méthodes de corrélation, analogues à celle de Diem-Koller. En termi-
nant, l'auteur insiste sur le rapport entre les recherches de l'hérédité en psy-
chiatrie avec les recherches cliniques et anthropologiques,la notion des muta-
tions et les classifications des psychoses.
H. STECK.

BERETERWIDE et POZZO. Sur un cas de démence très précoce. (Clinica


Psichopedagogica, Buenos-Aires, n° 3, octobre 1923.)
L'apparition de la démence précoce se fait en général à l'époque de la
puberté ; Cette affection est rare chez les enfants. Déjà, en 1905, le professeur
Sante de Sanctis, de Rome, en a fait connaître quelques cas chez des enfants
au-dessous de dix ans. Les auteurs rapportent un fait analogue chez un jeune
garçon de sept ans. On y retrouve les signes habituels de la démence pré-
coce : inaffectivité, indiflérence émotionnelle, rires et larmes immotivées, pro-
pos incohérents, néologismes, écholalie, stupeur catatonique par instants.
LAUZIER.

Le Gérant : G. DELARUE.
TABLES DE L'ANNÉE 1924

I. - TABLE PAR NOMS D'AUTEURS

A Berger, 321. Capgras, 393, 394.


Cardot (Henry), 122.
Abély (P.), 139, 319, 320, Bernadou, 13
135,257.
Bernard (Suzanne), 1. Carrette (P.), 320, 393,
668. 394, 395, 476.
Abundo (d1), 4o5, 406, Bersot (H.), 607.
Cataneo, 324.
548. Bertillon (François), 595.
Bertolini, 6i3. Ceillier (André), 131, 5-2,
Achard (Ch.), 194. 225, 294,370.
1

Agaglia (E.), 323, 548. Bertrand (I.), 314, 400.


Beyermann, 538. Celisse, 533.
Agosta, 324. Cénac, 5i, 55, 56, 254,
Alajouanine (Th.), 10, Blamoutier, 129, 190, 256, 475, 476, 668.
193.
191, 314, 473, 533, Bogaert (L. Van), Cestan, 409.
597. 10,
i3o, 3o2, 537, 539. Chanès (C.), 395.
Alberti (A.), 20S. Chartier, 57,
Alessandro (F. d'), 204. Bollack, 196.
Bonnet-Lemaire, 543. Chavany (J.), 127, 189,
Alexander, 608. 315, 316.
Alexandre, 542. Bonola, 328.
Ameghino (A.), 55o. Borda (T.), 402. Christiansen, 471.
Borel (A.), 145, 209, 255, Ciampi (D.-L.), 55o, 616.
Antona (d'), 545. Claude (Henri), 1, 145,
Armussi (J.), 2o5. 319, 419-
Arnaud, 542. Bouchard, 56. 209, 235, 255, 257, 318,
Bourdillon (Ch.), 253. 319, 320,36o, 406, 408,
Austregesilo, 307.
Ayer (J.-B.), 675. Bourguignon (Georges), 419, 423, 470, 474,481,
247, 6o5. 553, 669.
Aymès (G.), 59. Clérambault(de), 55,133,
Bourguina (Mlle H.), 189.
B Boulanger, 539. 668.
Boven (W.), 635. Cobb (Stanley), 612.
Babinski (J.), 52, 25i, Bremer. 538. Codet, 244, 257, 320, 421,
317. Brevetta (E.), 2o5, 33o, 470.
Babonneix (L.), 313. 336. Coen, 264.
Badonnel (Mlle), 423. Briand, 255. Colin (Henri), 55, 56,
Balduzzi (Ottorine), 83. Briese (Marie), 132, 668.
Balitessa, 33o. 70.
Brüning, 143. Connor (Marie F.-O.),
Barany, 131. Brunner, 608. 327.
Barré (J.-A.), 193, 194, Buckley (Albert C.), 328. Conos (B.), 449.
196. Burrow, 676. Corbier (A.), 395.
Bâtes Block (E.), 404. Buscaino, 20?, 217, 480. Coulemel, 602.
Bauer, i32, 137, 201. Courbon (Paul), i32, 137,
Beaudouin (H.), 54. 201.
Bellavita, 327. 0 Cournay (J.), 192.
Benon (R.), 396, 477, Camus (J.), 192. Craene (de), 541.
668. Canavau (M.), 323. Craffe, 54.
Bereterwide, 680. Cantaloube, 53. Cristoffel (H.), 614.
Crocq (P.), 536. G Jumentié, 197, 534.
Crouzon (O.), 127, 189, Juster, 470.
534. Galant (S.), 480.
Crusem (L.), 194. Gauducheau, 537.
K
Cuel (J.), 55, 237, 395, Gay, 409.
396, 475. Gelma (E.), 61, 63. Kafka, 673.
Giarlo (E.), 33o. Kahn (Pierre), 136, 396,
D Gibbs (Charles-E.), 334. 397.
Girot (L.), 191. Kogerer (H.), 324.
Dabout, 197, 255. Godard, 666. Kohen (V.), 543.
Damaye (Henri), 184. Goldstein, 138. Kousnetzov, 55g.
Danetz (C.), 382. Graziani, 323. Krabbe(Knud H.), 33, 67.
Darquier (Jean), 471, 598. Greco (del), 335. Krebs (E.), 52.
Davis, 479. Greef (de), 536.
Delacroix (Henri), 671. Grenaudier (L.), 677.
Demay (G.), 54, 56. Grenier, 241. L
Deschamps (P. N.), 187. Grimaldi (A.), 335. Lafora (G.), 479, 549,
Desport, 199, 540. Guillain (Georges), 10, 677.
Didier (Robert), 313. 191, 314, 473, 533, 597. Laforgue (R.), 45.
Donaggio (H.), 197, 533. Guiraud (P.), 395, 57iu Lafourcade, 595.
Doptain, 397. Gyotoku, 141. Lagrange (H.), 192.
Dreyfus-Sée (Mlle), 129. Laignel-Lavastine, 57,
Ducroquet, 252. H 136, 200, 252, 258, 261,
Dufourmentel, 392. 396, 397, 540, 602, 669,
Dumas (Georges), 136. Halberstadt (G.), m.
670.
Dupouy (Roger), 40, 256, Halbron, 52. 539. Lamache, 668.
599, 600. Hartenberg,
Hartmann, 5i, 131, 253, Lamsens, 71.
Duverger, 202. Lanfranco, 55o.
548.
Hassin (George), 326. Langley, 262.
E Head (Henry), 64. Laplane, 188, 194, 254.
Elekes (N.), 617. Henry (George W.), 6i3. Largeau, 57.
Hesnard (A.), 45, 541. Laruelle, 536.
Heuyer (G.), 253. Laugier (Henry), 122.
F Lautier, 394.
Hillemand (P.), 3i3, 392,
Faure-Beaulieu,187, 596. 472, 597, 598. Lauzier, 329.
Ferraris, 676. Hollander (d'), 536. Leanza,323.
Ferrio (C.), 144. Horrax (Gilbert), 33o. Leconte (Henri), 192.
Ferrucio (G.), 322. Hoven, 200, 537. Legewie (Bernhard), 263.
Fleury (Maurice de), 135, Hudovernig, 404. Lennox(WilliamG.), 327.
259, 400. Huguenin (R.), 473. Léri (André), 52, 192.
Foix (Ch.), 8, 192, 194, Hunt (J. Ramsay), n, Leroy, 132.
313, 392,472, 597, 598. 546. Levaditi, 535.
Font (E.), 262. Hyslop (G.-H.), 72. Levi, 676.
Forestier, 194. Lévi-Bianchini, 551, 552.
Forgue, 260. I Lévy (Mlle G.), 10, 127,
Fozzari, 545. 3o2, 473, 595.
Fraenkel, 142. Imre (Joseph), 2o3. Ley, 335, 532, 542.
Français (Henri), 391. Insolato, 677. Lhermitte (J.), 5i, 189,
Francioni, 324. Invernizzi, 336. 237, 241, 583, 654.
Freemann (Walter), 91. Litvak (A.), 198, 253.
Frey (Bernard), 61. J Livet, 543, 539>
Froelicher, 252. Jacquet (E.), 596. Longhitano, 204.
Froment (M.-J.), 522,53o, Jarkowski, 251. Long-Landry (Mme), 251.
531. Jeanbrau, 260. Lugaro, 478.
M Obregia, 58o. Roger (H.). 59, 538, 543.
Macdonald (Maxwell E.), Olivier, 534. Rogers, 611.
612. Oppenheimer(R. H.),404. Roncorini, 143.
Maeder (A.), 163. Orzechowski, 543. Roubinowitch, 475.
Maggauda, 322. Roussy (G.), 127, 192,
Main (Daniel C.), 71. p 473, 474, 595.
Marburg, 608. Rouvière (H.), 544.
Pactet, 473.
Marchand(L.), 5, 19, 198, Parhon, Ruedin, 680.
255, 414. 70, 138.
Maréchal (J.), 397. Parker (H. L.)f 263. S
Marie, 135,257,321,421, Patini (1.), 616. Sacristan (J. M.), 615.
535, 543, 667. Patti, 403. Salmon, 321.
Marinesco (G.), 3, 265. Paulian (D.), 50G, 58o. Sanchez y Sanchez (Do-
Marquézy (Robert), 191, Pedrazzini
675.
(Francesco), mingo), 608.
547. Sancte de Sanctis, 615.
Martel (de), 189. Pérès, 409. Sanguinetti, 334.
Martin (Helen A. A.), 614, Périsson, 5gj. Sano (F.), 528.
Martin (René), 127, 189. Péron (N.), 51, 394, 476. Santenoise (D.), 123, 244,
Massary (E. de), 52, 190. Perrens, 540.
Petit-Dutaillis, 597.
246, 257, 318, 320, 426,
Mathieu (P.), 314. Petithony, 56. 474.
Mendicini, 612. Santos (Novoa), 403.
Messing(Sigismond),649. Peyrus (Joseph), 206. Saussure (R. de), 73, 36o,
Mestrezat, 3i3. Pezé (Mlle L ), 5, 414. 509, 553.
Mignard (Maurice), 628. Pfanner, 2o5. Scala, 612.
Mihalescu (S.), 617. Piaget (Jean), 332. Schiff (Paul), 247, 256.
Mingazzini, 137. Piéron (Henri), 671. 431.
Minkowski (E.), 40, 200, Poincloux (P.), 42I. Schifl-Wertheimer (Ma.
319, 475. Pozzo, 680. dame), 598.
Minkowska(Mme F.),679. Prieur, 188. Schilder (Paul), 604.
Momose, 141. Schniette, 472.
Monestier (Ch.), 475. Q Schroeder (George E.),
Monier-Vinard, 53, 472. Quercy, 532. 178.
Momassut (M.), 599,600, Schumm, 673.
628. R Schutzenberger, 13 2.
Montet (Ch. de), 607. Sedallian, 531.
Mouzon (J.), 194. Rachet (J.), 52. Segi (Matoo), 69.
Munzer, 142. Ravault, 53o, 53 1. Serin (Mlle), 198, 254.
Muskens, 545. Rayneau, 666. Sereni, 615.
Myrtelle (M.), 323. Reboul-Lachaux (J.), 54, Sicard, 188, 194, 254,
60, 254, 31 g, 538. 535, 596.
N Redslob, 202. Sierra, 55o.
Naudascher (G.), 257, Regnard (Michel), 313. Simon (Th.;, 518.
395, 476. Réquin (Mme Jeanne), Simonpiétri, 207.
Nayrac (P.), 140. 256. Smith (Jens Chr.), 6o5.
Neri, 53. Revault d'Allonnes, 54, Sollier, 542.
Nicolas, 189, 583, 654. 101. Sonn, 395.
Nicolesco, 8, 546. Reys (L.), 193, 194. Sorrel, 195, 196.
Nida (M.), 479. Rezza, 206. Souques, 5i, 129, 190,
No (Lorente de), 674. Riddel (D. O.), 611. 193, 252, 391, 595.
Nobécourt (P.), 58. Rieti, 613. Spiller (W. G.), 479.
Nyssen (R.), 71, 537, 539. Rizzati, 336. Stewart, 611, 676.
Robin (Gilbert), 145, 209, Striecker (Edward H.),
0 255,419, 481, 669. 678.
Obarrio, 612. Robineau, 596. Strümpell, 604.
T v Warren (Howard C.), 59-
Targowla(R.), 5, 318,423, Valdezan (Hermilie),6i6. Waser, 673.
667. Vega, 2o3. Weinberg (Mlle), 117,
Tarozzi, 326, 335. Veraguth (O.), 457. Weismann- Netter, 52,
Terni, 204. Vermeylen (G.), 66, 71, 192.
Terris (E.), 391, 595. 518, 541. Weiss, 551.
Thomas (André), 187, Vervaeck, 534. Wells (F. L.), 614.
196, 251, 337. Vidacovitch, 244, 246, Wildermuth (Hans), 333.
Tierney (John), 68. 320. Willey (Gordon F.), 678.
Tinel (J.), 123, 426, 600. Vignaud, 542. William, 600.
Tiretta (J.), 329. Villaverde (Jose Maria Wimmer, 540.
Tison, 200. de), 610. Winther (K.), 493.
Toulouse, 5, 117, 198, Vincent (Clovis), 128, 315, Wright (L. H.), 327.
414. 3i6, 471, 598.
Tournay (Auguste), 598. Vinchon, 57, 200, 259. Z
Trénel, 318, 396, 475, Vivaldo, 406.
600, 668. Vuillaume, 668. Zalla, 206.
Truelle (V.), 54, 31g. Zimmer (Mlle), 253.
W Zuccari, 403.
U
Urechia (C. 1.), 382, 617. Walker (J.), 549.
II. - TABLE PAR NOMS DE MATIÈRES

A alcoolisme. Alcoolisme et hallucinations


accidents du travail. Brûlure. Accidents
lilliputiennes. — COLIN et CÉNAC,
55.
du travail. Asthénie périodique. — l'étio-
BENON, 668. — Quelques observations sur
pathogénie des dégénérescences hé-
— Guide pratique de médecine dans pato-lenticulaires : alcoolisme com-
les accidents du travail. — FORGUE
et JEANBRAU, 260. me cause de dégénérescence hépato-
actions nerveuses. Sur le mécanisme
névroglique. — INSOLATO, 677.
des actions nerveuses. LUGARO,478. alexie. Alexie pure, reliquat d'agnosie
visuelle. — FAURE-BEAULiEU et
Addison (maladie d'). Recherches sur
JACQUET, 596.
le métabolisme dans quatre cas de
maladie d'Addison. — GYOTOKU et algies. Cardotomie latérale antérieure,
MOMOSE,
inter-radiculoligamentaire dentelé,
141.
affectifs (complexes). Considérations pour algies incurables. — SICARD et
ROBINEAU, 5g6.
sur le symptôme des « réponses à algies d'origine vertébrale. —
côté » et ses rapports avec les com- — Les
LARUELLE, 536.
plexes affectifs. — CLAUDE et Ro-
481. algohallucinose. Le problème des hal-
BIN, lucinations et l'algohallucinose. —
agénésie. Dystrophie crurovésicofes-
GALANT, 480.
sière par agénésie sacrococcygienne
(syndrome de réduction des vertèbres aliénés. De l'établissement d'un fichier
sacrococcygiennes). — Foix et HIL- central et d'un carnet médical indi-
392. viduel pour les aliénés. — DABOUT,
LEMAND,
agitation. Barbiturate-diéthylamine 197, 255.
Hémiplégie sans lésions cérébrales
en injection intra-veineuse comme —
visibles dans la pneumonie des
sédatif héroïque de l'agitation. —
LAIGNEL-LAVASTINE, 670.
aliénés. — MYRTELLE et CANAVAU,
agnosie. Alexie pure, reliquat d'agno- 323.
sie visuelle. — FAURE-BEAULIEU alimentation artificielle. Alimentation
et JACQUET, 596. artificielle par voie nasale sans
akinésie. Akinésie paradoxale glosso- sonde. — TRÉNEL et CUEL, 475.
labiée existant dans la station et Alzheimer (maladie d'). Quelques con-
disparaissant dans le decubitus, sidérations sur la maladie d'Alîhei-
chez un parkinsonien. — SOUQUES mer. — URECHIA et DANETZ, 382.
et BLAMOUTIER, 190. — Sur l'anatomie pathologique de la
alcool. Influence de la fatigue et de maladie d'Alrheimer. — LHERMITTE
l'alcool dans l'intensité de l'illusion et CUEL, 237.
des poids. — LEY, 335. amaurose. Un équivalent épileptique
— L'influence de la loi de 1919 pro- sous la forme d'accès d'amaurose
hibant en Belgique la vente de monoculaire. — SOUQUES et Mlle
l'alcool au détail dans les cabarets DREYFUS-SÉE, 129.
sur la diminution des psychoses amaurotique (idiotie). Voir : idiotie.
alcooliques. — BOULANGER, 539. aminés. Amines toxiques présentes
alcoolisation. Alcoolisation endocra- dans la circulation chez les confus.
nienne du trijumeau, contrôle — BUSCAINO, 480.
lipiodolé. — SICARD, 188. — Aminés toxiques présentes dans
la circulation chez les déments pré- menclature dans le plan de l'assis-
coces et manquant chez les mania- tance des anormaux psychiques. —
ques et les mélancoliques. — BUSCAI- ClAMPI, 616.
NO, 203. assistance familiale. L'adaptation du
amylacés (corps) Les myoclonies et malade mental à son milieu spécia-
les corps amylacés dans les cellules lement au point de vue de l'assis-
nerveuses. Priorité de leur décou- tance familiale. — SANO, 528.
verte. — LAFORA, 479. astasie-abasie. L'astasie-abasie dans la
anatomie. Anatomie humaine descrip- démence précoce. — GRIMALDI, 335.
tive et topographique. — ROUVIÈRE, asthénie. Brûlure. Accident du travail.
544. Asthénie périodique. — BENON, 668.
anxieux. L'extrait hypophysaire chez asthéniques. La chronaxie chez les
les anxieux. — TINEL, 600. asthéniques. — BOURGUIGNON et
— Traitement des états anxieux par SCHIFF, 247-
le gardénal à doses réfractées. — ataxie. Poussée évolutive, au cours.
Dupouy et MONTASSUT. 600. d'un tabes fruste ancien ayant déter-
aphasie. Aphasie et diabète trauma- miné de façon élective au niveau
tique. — ROGER et REBOUL-LACHAUX, des membres supérieurs un syndro-
538. me poliomyélitique (cornes anté-

Caractères distinctifs et formules rieures et postérieures) de l'ataxie
phonétiques des dysarthries, des et des mouvements involontaires. —
dysphasies et des aphasies motrices. GEORGES GUILLAIN, TH. ALAJOUANINE
— FROMENT et RAVATJLT, 531. et L. GIROT, 191.
— L'aphasie et les données architec- athétose. Un cas d'athétose bilatérale
toniques — RONCORINI, 143. acquise avec crises jacksoniennes
— L'épreuve de Lichteim-Dejerine et à aura visuelle. — Roussy et Mlle
la prétendue intégrité du souvenir LÉvy, 127.
des mots dans l'aphasie motrice athétosiques (mouvements). Un cas
pure, dite anarthrie. — FROMENT et d'hémisyndrome cérébelleux avec
SÉDAILLIAN, 531. tremblement du type de la sclérose
— Sur un cas d'aphasie verbo- en plaques et mouvements athétosi-
motrice par lésion du noyau lenti- ques. Lésion probable de la région
culaire gauche. Contribution ana- supérieure du noyau rouge (rubro-
tomo-clinique. — FRANCIONI, 324. thalamique). — Roussy, Mlle LÉvy
— Un cas d'aphasie de Wernicke, et et BERTILLON, 595.
un cas d'aphasie motrice, tous déux atrophies. Atrophie musculaire du type
suivis d'autopsie. — LEY, 532. myopathique avec troubles psychi-
apraxie. Un cas d'apraxie. — COLIN, ques et crises convulsives. — CROU-
1 32. ZON, CHAVANY et RENÉ MARTIN, 127.
— Un cas d'apraxie. — LAIGNEL-LA- automatisme. Actes complexes et coor-
VASTINE et KAHN, 396. donnés accomplis au cours de crises
aréflexie pupillaire. Sur la nature de épileptiques d'automatisme cérébral.
l'aréflexie pupillaire chez les encé- — TOULOUSE, MARCHAND et LITVAK,
phalitiques. — HUDOYERNIG, 404. 198.
Argyll-Robertson (signe d'). Pathogénie — Mal comitial
caractérisé par des
du signe d'Argyll-Robertson.—Du- accès nocturnes d'épilepsie convul-
VERGER et REDSLOB, 202. sive et par des accès diurnes d'auto-
artères. Contribution à l'étude de matisme ambulatoire. — BRIAND et
l'artère méningée moyenne chez les MARCHAND, 255.
criminels. — RIZZATI, 336. aura. Un cas d'athétose bilatérale
artério-sclérose. — Contribution à acquise avec crises jacksoniennes à
l'étude del'artério-sclérosecérébrale aura visuelle. — Roussy et Mlle
— GRAZIANI, 323. Lfvy, 127.
assistance. La classification et la no- auto-mutilation. Auto-mutilation révé-
latrice d'un état schizoïde. — CLAUDE tiennes chez une femme de soixante-
BOREL et ROBIN, 255. dix-sept ans traitée par les rayons X
azotés (composés). Etudes sur le méta- pour un cancroïde de la région
bolisme des composés azotés dans frontale. — NAUDASCHER, IBJ.
l'épilepsie. — LENNOX, CONNOR et caractère. Influence de la puberté sur
WRIGHT, 327. le caractère et la personnalité, et
rapports entre les modifications
B de ces deux facteurs et le dévelop-
Babinski (signe de). A propos du signe pement de la démence précoce. —
de Babinski dans la paralysie infan- GIBBS, 334.
tile spinale. et DUCRO- — Le
caractère chez les déments
— SOUQUES paranoïdes. — DEL GRECO, 335.
QUET, 252.
— Les
troubles du caractère chez les
— Caractères du signe de Babinski enfants à la suite d'encéphalite épi-
dans un cas de poliomyélite. —
TOURNAY, 598. démique. — VERMEYLEN, 71.
barbiturate-diéthylamine. Barbiturate- catatonie. Catatonie et psychose pério-
diéthylamine en injection intravei- dique. — LAUTIER, 394.
— Conception neurologique
du syn-
neuse comme sédatif héroïque de
l'agitation. — LAIGNEL-LAVASTINE, drome catatonique. — GUIRAUD,571.
670. — Diagnostic
différentiel entre la
Barbiturate-diéthylamine révéla- folie maniaque dépressive et la
— catatonie. — R. de SAUSSURE, 73.
teur du subconscient. — LAIGNEL-
la méno-
LAVASTINE, 669. — Quatre cas de catatonie à
benjoin colloïdal. Sur la valeur dia- pause. — VERMEYLEN, NYSSENS, et
gnostique de la réaction du benjoin LAMSENS, 71.
colloïdal dans le liquide céphalo- — Syndrome non
démentiel de cata-
rachidien.— PFANNER, 205. tonie. — COURBON et BAUER, 132.
bismuth. La leucopyrétothérapie asso- catatoniques. Existe-t-il des antigènes
ciée au bismuth dans le traitement spécifiques dans le sang des cata-
de la paralysie générale et du tabes. toniques. — MÜNZER, 142.
cellules nerveuses. Les myoclonies et
— A. MARIE et KOHEN, 543.
bismuthothérapie. Essai sur la bismutho- les corps amylacés dans les cellules
thérapie dans la neurosyphilis. — nerveuses. Priorité de leur décou-
PEYRUS, 206. verte. — LAFORA, 479.
brûlure. Brûlure. Accident du travail. centres nerveux. Lésions des centres
Asthéniepériodique. — BF.NON, 668. nerveux dans le parkinsonisme
bulbaire (syndrome). Syndrome bul- post-encéphalitique. — DONAGGIO,
baire régressif chez l'enfant. —VAN 533.
BOGAERT et NYSSEN, 539. —
L'hystolyse dans les centres ner-
veux des insectes. — SANCHEZ Y
SANCHEZ, 608.
C céphalo-rachidien (liquide) voir: liquide
calotte. Hémisyndrome incomplet de céphalo-rachidien.
la calotte. — BOLI.ACK, 196. cérébello-thalamique (syndrome) voir :

cancer. Troubles mentaux sympto- thalamique (syndrome).


matiques de métastases cancéreuses cérébropathies infantiles. Méthodes
encéphaliques.— TOULOUSE, MAR- cliniques d'examen et précipitation
et Mlle PEZÉ, 414.
CHAND méthodique des colloïdes du
— Vertèbre d'ivoire et paraplégie liquide céphalo-rachidien dans les
par compression dans un cas de cérébropathies infantiles, l'épilep-
cancer du sein. — SOUQUES,LAFOUR- sie, la paralysie générale et dans
CADE et TERRIS, 595. la période tardive de l'encéphalite
cancroïde. Confusion mentale oni- léthargique. — ZUCCARI, 403.
rique avec hallucinations lillipu- cerveau. Les connexions commissu-
raies des régions' postérieures du l'étude des phénomènes encéphalo-
cerveau du lapin. — VILLAVERDE, médullaires d'origine hémo-hydrau-
61o. lique, en particulier des phéno-
cerveau. Sarcome de la base du cer- mènes de commotion cérébrale. —
veau. OBREGIA et PAULIAN, 580.
— PEDRAZZINI, 675.
cervelet. Recherches et considérations compressions. A propos du diagnostic
sur la physiologie du cervelet. — des compressions de la moelle. —
BREMER, 538. — BABINSKI, 317.
— Sur les
anomalies congénitales — Paraplégie spasmodique avec in-
du cervelet. — BEYERMANN, 538. version du réflexe achilléen, ano-
cholestéatomes. Kystes dermoïdes et malie vertébrale, hérédo-syphilis,
cholestéatomes du système nerveux compression médullo-radiculaire.
central. Recherches anatomo-patho- — LÉRI, WEISSMANN-NETTER et
logiques et considérationscritiques. LECONTE, 192.
LONGHITANO, 204. — Quelques documents relatifs au
chordome. Chordome sphéno-occipital diagnostic des compressions spi-
malin. — BURROW et STEWART, 676. nales. — BABINSKI et JARKOWSKI,251.
chorée. Chorée héréditaire et troubles — Sur le diagnostic des compressions
mentaux. — CHARTIER, 56. de la moelle. Mal de Pott à forme
chronaxie. La chronaxie chez les de tumeur intra-rachidienne sans
asthéniques. — BOURGUIGNON et aspects radiologiques anormaux des
SCHIFF, 247. vertèbres. Sur l'évolution de la
— La chronaxie
chez l'homme. — tuberculose vertébrale après lami-
BOURGUIGNON, 6o5. nectomie. — VINCENT et DARQUIER,
circulation. Amines toxiques présentes 598.
dans la circulation chez les confus. — Sur
le diagnostic des compressions
— BUSCAINO, 480. de la moelle. Pseudo-paraplégie par
— Amines
toxiques présentes dans raideur et douleur avec exagération
la circulation chez les déments des réflexes de défense et arrêt du
précoces et manquant chez les lipiodol. — VINCENT et DARQUIER,
maniaques et les mélancoliques. 4-71 •
— BUSCAINO, 203. — Vertèbre d'ivoire et paraplégie par
— Rôle du système sympathique et compression dans un cas de cancer
des perturbations circulatoires dans du sein. — SOUQUES, LAFOURCADE
la commotion spinale. — ANDRÉ- et TERRIS, 595.
THOMAS, 337. confusion mentale. Aminés toxiques
cocaïnisme. Le cocaïnisme. — BRE- présentes dans la circulation chez
VETTA et INVERNIZZI, 336. les confus. — BUSCAINO, 480.
cœur. Sur la névrose cardiaque. — —
Auto-observationde confusion men-
CRISTOFFEL, 614. tale onirique. — GEORGES DUMAS,
coloration. Une nouvelle méthode de 136.
coloration de la cellule nerveuse. — Confusion mentale onirique avec
— DONAGGIO, 197.
hallucinations lilliputiennes chez
comitial (mal). Mal comitial caractérisé une femme de soixante-dix-sept ans
par des accès nocturnes d'épilepsie traitée par les rayons X pour un
convulsive et par des accès diurnes cancroïde de la région frontale. —
d'automatisme ambulatoire. — NAUDASCHER, 257.
BRIAND et MARCHAND, 255. confusionnelles (crises). Les variations
— Mal comitial, troubles sensitivo. de l'équilibre vago-sympathique
moteurs, alexie, agraphie et affai- dans les crises confusionnelles. —
blissement intellectuel consécutifs TINEL et SANTENOISE, 426.
à une encéphalite épidémique. — contractures. Spasme professionnel à
LITVAK, 253. forme de torticolis spasmodique
commotion cérébrale. Introduction à d'un côté et contracture unilatérale
et permanente des pectoraux de l'alcoolisme comme cause de dégé-
l'autre côté. — HEUYER et Mlle ZIM- nérescence hépato-névroglique. —
MER, 253. INSOLATO, 677.
convulsions. Atrophie musculaire du délire. A propos des interprétations
type myopathique avec troubles délirantes des symptômes patholo-
psychiques et crises convulsives. — giques. Le syndrome de Pierret-
CROUZON, CHAVANY et MARTIN, 127. Rougier du tabes et le délire d'inter-
— Convulsions de la première
enfance. prétation de symptômes patholo-
Étiologie hérédo-syphilitique. Con- giques. — TARGOWLA, 667.
sidérations sur leur relation pos- — Cessation rapide des phénomènes
sible avec l'épilepsie des adoles- délirants aigus graves sous l'in-
cents. — VIVALDO, 406. fluence d'une dose massive d'élec-
— Modifications de la pression
intra- trargol. — DAMAYE, 184.
cranienne pendant les convulsions — Conception de Kraepelin et con-
expérimentales. — MACDONALD et ceptions françaises concernant les
COBB, 6l2. délires systématisés chroniques. —
cordotomie. Cordotomie latérale anté- BERNARD et FREY, 61.
rieure, inter- radiculoligamentaire — Délire de revendication et d'inter-
dentelé, pour algies incurables. — prétation associés. — TRÉNEL et
SICARD et ROBINEAU, 596. WILLIAM, 600.
corps calleux. Le corps calleux. — — Délire à deux. — DE
CLÉRAMBAULT
— MINGAZZINI, 137. et LAMACHS, 668.
crataegus. Action du crataegus sur le — Délire
interprétatif et traumatisme.
tonus vago-sympathique. — SANTE- — CLAUDE, BOREL et ABÉLY,
31g.
NOISE et VJDACOVITCH, 246. — Délires de date ancienne ayant né-
criminels. Contribution à l'étude de cessité l'internement après plusieurs
l'artère méningée moyenne chez les années. — COLIN et CÉNAC, 668.
criminels. — RIZZATI, 336. — Délire
systématisé chronique ayant
cysticercose. Un cas de cysticercose débuté à l'âge de vingt ans. —
cérébrale. Opération; disparition ABÉLY, 668.
immédiate des troubles moteurs. — — Désagrégation de la personnalité
LHERMITTE, DE MARTEL et NICOLAS, au cours d'un délire d'influence chez
89.
I une dégénérée. — MONTASSUT et
cytose. Quelquesconsidérations sur la CÉNAC, 476.
valeur décroissante de la cytose du — Documents iconographiques
d'un
liquide céphalo-rachidien retiré par inventeur délirant. — CLAUDE, Du-
la ponction lombaire. — CESTAN, POUY, SANTENOISE et ROBIN, 474.
GAY et PÉRÈS, 409. — Hallucinations
de la vue et délire
chronique de persécution à base d'in-
D terprétations délirantes. — COUR-
débilité mentale. Les débiles mentaux BON et BAUER, 137.
— VERMEYLEN, 66. — Obsessions interrogatives. Délire
— L'orientation professionnelle chez de scrupule. — RAYNEAU et GODARD,
les débiles mentaux. — ALEXANDRE, 666.
542. — Tabès avec idées délirantes de né-
— Une des formes de l'enfance anor- gation. — CÉNAC et PÉRON, 476.
male; la débilité mentale, limites et —
Trois cas de délire raisonnant d'in-
évolution; formes et complications. vention. — HOVEN, 200.
— SIMON et VERMKYLEN, 518. — Un
délire de compensation. —
décérébration. La décérébration chez MIGNARD et MONTASSUT, 628.
l'homme. — WALTER FREEMAN, 91. — Un délire
d'interprétation. — CÉ-
dégénérescences. Quelques observa- NAC, 475.
tions sur l'étio-pathogénie des dé- delirium tremens. Delirium tremens
générescences hépato-lenticulaires : avec syndrome de Wernicke. Polio-
encéphalite hématique supérieure démence précoce. L'importance de
aiguë et leptoméningite hémorra- l'urée dans la démence précoce. —
gique — REZZA, 206. WALKER, 549.
délits. Actes délictueux et pervers à — Physiothérapie, ses résultats dans
l'occasion d'états intermittents la démence précoce, dans une série
frustes. — TRUELLE et REBOUL- LA- de vingt cas. — DANIEL C. MAIN,
CHAUX, 31g. 71.
démence. Apparence d'auto-critique — Quelques travaux récents sur les
par conservation d'une rhétorique lésions du système nerveux central
automatique après dix ans de dé- dans la démence précoce. — SCHIFF,
mence. — COURBON et BAUER, 201. 431.
— La démence paranoïde. — NAYRAC, — Recherches sur l'histologie patho-
140. logique et la pathogénie de la dé-
— Le caractère chez les déments para- mence précoce, de « l'amentia » et
noïdes. — DEL GRECO, 335. des syndromes extrapyramidaux. —
— Paralysie générale sans démence. BUSCAINO, 2 17.
— VALDEZAN, 616. — Tentatives de traitement par injec-
démence précoce. Amines toxiques pré- tion de malaria tierce dans la para-
sentes dans la circulation chez les lysie générale, les syndromes par-
déments précoces et manquant chez kinsoniens, l'épilepsie et la démence
les maniaques et les mélancoliques. précoce. — AGUGI.IA et D'ABUNDO,
— BUSCAINO, 203. 548.
— Contributionàl'étude médico-légale démence sénile. La démence sénile et
de la démence précoce à forme simple. ses formes anatomo-cliniques. —
— G. HALBERSTADT, III. LHERMITTE et NICOLAS, 583, 654.
— Démence précoce, schizophrénie et dépressifs (états). Les états dépressifs
schizomanie. — CLAUDE, BOREL et et la neurasthénie. — M. DE
GILBERT ROBIN, 145. FLEURY, 400.
— Démence très précoce (De Sanctis). dermatolyiie. Dystrophies osseuses et
Schizophrénie prépubérale. — TA- dermatolysie au cours d'une maladie
ROZZI, 335. de Recklinghausen. — REGNARD et
— Sur un cas de démence très précoce DIDIER, 313.
— BERETERWIDE et Pozzo, 680. dermatolysie. Maladie de Recklin-
— Des accidents épileptiques observés ghausen avec dermatolysie. — LAI-
au cours de la démence précoce. — GNEL-LAVASTINE et FROELICHER,252.
PONT, 262. désintégration nerveuse. Les processus
— Influence de la puberté sur le carac-
tère et la personnalité et rapports
-
de désintégration nerveuse. Y. BER-
TRAND, 400.
entre les modifications de ces deux diabète. Aphasie et diabète trauma-
facteurs et le développement de la
démence précoce. — GIBBS, 334.
-
tique. ROGER et REBOUL-LACHAUX,
538.
— La mémoire dans la démence pré- doigts. Un réflexe de flexion plantaire
coce. — SIERRA, 555. des quatre derniers doigts étudié
— L'astasie-abasie dans la démence dans les maladies mentales. — BER-
précoce. — GRIMALDI, 336. TOLINI et RIETI, 613.
— Le cycle de l'histamine dans la pa- dysarthries. Caractères distinctifs et
thogénie de la démence précoce. — formules phonétiques des dysar-
LANFRANCO, CIAMPI et AMEGHINO, thries, des dysphasies et des apha-
55o. sies motrices. — FROMENT et RA-
— Les facteurs de
guérison dans la VAULT,531.
démence précoce. STRfECKER et WIL- — Le test des mots
d'épreuve auto-
LEY, 678. rise-t-il un diagnostic de dysar-
L'éthérisation chez les déments thrie? — FROMENT et RAVAULT, 53o.

précoces. — CLAUDE et ROBIN, 669. dysphasie. Dysphasie et syndrome
Strié.— E. DE MASSARY et J. RACHET, encéphalite. Les injections intravei-
52. neuses de salicylate de soude dans
dysthymie. Dysthymie infantile. — l'encéphalite chronique à forme par-
SANCTE DE SANCTIS, 615. kinsonienne.— BOUCHARD, 56.
dystrophies. Dystrophie crurovesico- — Lésions anatomohistologiques dans
fessière par agénésie sacrococcy- un cas de syndrome de Parkinson
gienne (syndrome de réduction des post - encéphalitique. — TAROZZI,
vertèbres sacrococcygiennes ). — 326.
Foix et HILLEMAND, 392. — Lésions des centres nerveux dans
— Dystrophies osseuses et dermato- le parkinsonisme post - encéphali-
lysie au cours d'une maladie de tique. — DONAGGIO, 533.
Recklinghausen. — REGNARD et DI- — Les troubles
du caractère chez les
DIER, 313. enfants à la suite d'encéphalite épi-
E démique. — VERMEYLEN, 71.
écriture. Contribution à l'analyse de — Le traitement de l'encéphalite épi-
l'écriture en miroir. — SERENI, 615. démique résiduelle.- G.-H. HYSLOP,
électrargol. Cessation rapide des phé- 72.
— Mal comitial, troubles
nomènes délirants aigus graves sous sensitivo-
l'influence d'une dose massive moteurs, alexie, agraphie et affai-
d' électrargol. — DAMAYE, 184. blissement intellectuel consécutifs à
électrocution. Electrocution ayant laissé une encéphalite épidémique . —
des troubles choréo - athétosiques LITVAK, 253.
persistants. — O. CROUZON, J.-A. — Méthodes cliniques d'examen et
CHAVANY et RENÉ MARTIN, 189. précipitation méthodique des col-
émotions. Le mécanisme de l'émotion loïdes du liquide céphalo-rachidien
retardée chez l'hystérique.—CLAUDE dans les cérébropathies infantiles
et DE SAUSSURE, 553. l'épilepsie, la paralysie générale, et
— L'émotion c anxiété » et l' émotion dans la période tardive de l'encépha-
« chagrin ». — BENON, 477. lite léthargique. — ZUCCARI, 403.

L'émotion « énervement » : ses — Note sur la pression et les réactions
signes et son importance en cli- du liquide céphalo-rachidien dans
nique. — BENON, 396. les cas de syndrome amyostatique
encéphalite. Contributionau diagnostic post-encéphalitique de type parkin-
de l' encéphalite léthargique et des sonien. — NOVOA SANTOS, 403.
formes somnolentes des affections — Note sur l'histopathologie com-
encéphaliques. — GRENAUDIER, 677. parée de la polimyélite antérieure
— De
l'évolution terminale des myo- aiguë et de l'encéphalite épidémique.
clonies de l' encéphalite épidémique. — HASSIN, 320.
— E. KREBS, 52. — Perversions instinctives
consécu-
— Encéphalite ayant simulé une tu- tives à l'encéphalite épidémique. —
meur cérébrale. — KOGERER, 324. LAIGNEL-LAVASTINE et VINCHON, 258.
— Idées de négation dans un cas — Perversions instinctives suites
à'encéphalite épidémique chronique. d'encéphaliteléthargique. — CAPGRAS
— Dupouy, SCHIFF et Mme RÉQUIN, et CARRETTE, 394.
256. — Perversions sexuelles chez une ma-
— La contagion de l'encéphalite épi- lade atteinte d'encéphalite épidé-
démique à sa phase parkinsonienne. mique. — Mlle SERIN et REBOUL-
— GUILLAIN, ALAJOUANINE et CELISSE, LACHAUX, 254.
533.
— Perversions sexuelles chez un ma-
— La stase papillaire dans l'encépha- lade attein(d'encéphaliteépidémique.
lite épidémique.— SPILLER, 479. — CÉNAC, 254.
— L'encéphalite périaxiale diffuse — Sur la nature de l'aréflexie pupil-
type Schilder. — URECHIA, MIHA- laire chez les encéphalitiques. —
LESCU et ELEKES, 617. HUDOVERNIG, 404.
encéphalite. Syndrome parkinsonien thique.— TiNELet SANTENOISE, 123.
post-encéphalitique avec crises de épilepsie. Convulsions de la première
rigidité, tétanisation persistante du enfance. Étiologie hérédo-syphili-
trapèze et des muscles de la face. — tique. Considérations sur leur rela-
VINCENT et CHAVANY, 316. tion possible avec l'épilepsie des
— Syndrome parkinsonien post-encé-
adolescents. — VIVALDO, 406.
phalitique. Contribution anatomo- — Epilepsie. Pathogénie et traitement.
pathologique et clinique. — BELLA- — MUSKENS, 545.
VITA, 327. — Epilepsie psychomotrice et neuro-
— Traitement d'un cas de parkin- syphilis. — MARIE et BERNADOU, 135.
sonisme post-encéphalitique par — Études sur le métabolisme des
injection intra-rachidienne de virus- composés azotés dans l'épilepsie. —
vaccin encéphalitique (méthode LENNOX, CONNOR et WRIGHT, 327.
Levaditi - Poincloux). — MARIE, — Le rôle de l'hérédité dans l'épi-
POINCLOUX et CODET, 42I. lepsie. — Mme MINKOWSKA, 679.
— Tumeurs cérébrales ayant simulé — Les
l'encéphalite léthargique et ayant -
équivalents nystagmoïdes de
l'épilepsie. MESSING, 649.
envahi les IIIE et IVE ventricules — Mal comitial caractérisé par des
ainsi que les noyaux gris centraux. accès nocturnes d'épilepsie convul-
si /e et par des accès diurnes d'auto-
— PARKER,263.
encéphalo médullaires (phénomènes).

matisme ambulatoire. — BRIAND et
Introduction à l'étude des phéno- MARCHAND, 255.
mènes encéphalo-médullaires d'ori- — Méthodes cliniques d'examen et
gine hémo-hydraulique, en particu- précipitation méthodique des col-
lier des phénomènes de commotion loïdes du liquide céphalo-rachidien
cérébrale. — PEDRAZZINI, 675. dans les cérébropathies, infantiles,
endémie pellagreuse. Disparition de l'épilepsie, la paralysie générale et
l'endémie pellagreuse dans les pro- dans la période tardive de l'encé-
vinces de Pesaro et d'Urbino. — phalite léthargique. — ZUCCARI,
ALBERTI, 205. 403.
endocriniens (syndromes). Les syn- — Sur une
action singulière de la
dromes endocriniens dans l'enfance pilocarpine dans les lésions céré-
et la jeunesse. — P. NOBÉcouRT, 58. les
brales et particulièrement phéno-
endocrinologie. Traité d'endocrinologie. mènes unilatéraux de l'épilepsie. —
— PARHON et GOLDSTEIN, 138. FERRUCCIO, 322.
enfants. La pensée symbolique et la —
Tentatives de traitement par injec-
pensée de l'enfant. — PIAGET, 332. tion de malaria tierce dans la para-
schizophréniques lysie générale, les syndromes par-
— Les symptômes
chez l'enfant normal. — WILDER- kinsoniens,l'épilepsie et la démence
MUTH, 333. précoce. — AGUGLIA et D'ABUNDO,
— Syndrome bulbaire régressif chez 548.
l' enfant.— VAN BOGAERT et NYSSEN, — Un cas
de diagnostic délicat d'épi-
539. lepsie. — DESPORT, 199.
enfants anormaux. L'organisationd'une —
Un cas de diagnostic délicat d'épi-
section pour enfants anormaux à la lepsie. — Mlle SERIN, 198.
Colonie de Gheel. — VERMEYLEN, épileptiques. Actes complexes et coor-
541. donnés accomplis au cours de crises
— Une des formes de l'enfance anor- épileptiques d'automatisme cérébral.
male : la débilité mentale. Limites — TOULOUSE, MARCHAND et
LITVAK,
et évolution; formes et complica- 198.
tions. — SIMON et VERMEYLEN, 518. — Des accidents épileptiques observés
épilepsie. Contribution à l'étude du au cours de la démence précoce.—
diagnostic biologique de l'épilepsie FONT, 2G2.
par l'examen du tonus vago-sympa- — État de mal épileptique consécutif
à la suspension de traitement par le face. La sensibilité profonde de la face
-
gardénal. TRÉNEL, 318.
épileptique. État d'excitation continue
— DAVIS, 479.
familiales (maladies). Maladie fami-
chez un épileptique corrélatifdu trai- liale atypique et syphilis hérédi-
tement parle gardénal.— CUEL, 395. taire. — GUILLAIN, ALAJOUANINE et
épileptique sous la HUGUENIN, 473.
— Un équivalent
forme d'accès d'amaurose mono- fatigue. Influence de la fatigue et de
culaire. — SOUQUES et Mlle DREYFus- l'alcool dans l'intensité de l'illusion
SÉE, 129. des poids. — LEY, 335.
U rée sanguine, constante'd'Ambard Mesures bio - physiques de la
— —
et régime hypo-azoté chez les épi- fatigue musculaire. — LIVET, 543.
leptiques. — HARTENBERG, 539. ferments. Le rôle des ferments oxy-
épiphysome. Sur une tumeur rare de la dants dans les phénomènes de la
glande pinéale (épiphysome ?). — vie du neurone. — G. MARINESCO,3.
— PATTI, 403. fétichisme. Fétichisme et réflexes con-
équilibre (troubles de l'). Un cas de ditionnels. — LAIGNEL- LAVASTINE,
tumeur cérébrale avec hémiparésie 540.
droite et troubles de l'équilibre. — fièvre. Sur la fièvre dite unilatérale.—
— NAUDASCHER,
476. BERGER, 321.
érotisme. Préoccupations eronques flexion, Un réflexe de flexion plantaire
chez une persécutée interprétante des quatre derniers doigts étudié
hallucinée. — CÉNAC, 256. dans les maladies mentales. — BER-
érotomanie. Érotomanie secondaire.—
TOLINI et RIETI, 613.
TRUELLE et REBOUL-LACHAUX, 54.
ISethérisation chez les folie. Contribution à l'étude de la folie
éthérisation. morale. — COEN, 264.
déments précoces. — CLAUDE et différentiel entre la
ROBIN, 669. — Diagnostic
Un procédé d'investi- jolie maniaque dépressive et la ca-
— nouveau tatonie. — R. DE SAUSSURE, 73.
gation psychologique : l' éthérisa- Paralysie géné-
tion. — CLAUDE, BOREL et ROBIN, — Syphilis générale.
rale ou folie intermittente. — CAR-
419-
eunuchoïdes. Sur la diversité
. des types RETTE, 476.
psycho - pathologiques des eunu- Foville (syndrome de). Nystagmus du
choïdes. — FRAENKEL, 142. voile associé à un nystagmus
excitations. Contribution à l'étude des oculaire, synchrone à des secousses
phénomènes visuels d'excitation. — myocloniques dela face et des mas-
NIDA, 479. ticateurs, synchrones également.
Etat d'excitation continue chez un Syndrome de Foville avec hémia-
— paresthésie, hémitremblement et
épileptique corrélatif du traitement
le gardénal. CUEL, 395. hémiasynergie modérée. Lésions
par — probables de la calotte protubéran-
Excitation maniaque ou psychose
— tielle. — Foix et HILLEMAND, 313.
hébéphrénique. — LAIGNEL-LAVAS-
et KAHN, 397. Friedreich (maladie de). Cinq cas de
TINE maladie de Friedreich. — CONOS,
Sur la diffusion et la généralisation
— 449.
de l'excitation dans les centres, au
cours de l'effort prolongé.— CARDOT G
et LAUGIER, 122.
ganglions. Tissu conjonctifet vaisseaux
F sanguins dans les ganglions sympa-
face. Conservation de la sensibilité thiques de l'homme ; leurs modifi-
profonde de la face après section cations en rapport avec l'âge. —
rétro-gassérienne de la racine posté- FOZZARI, 545.
rieure du trijumeau. — A. SOUQUES gardénal. État de mal épileptique
et HARTMANN, 51. consécutif à la suspension de trai-
tement par le gardénal. — TRENEL, hallucinations. Les hallucinations audi-
318. tives sont-elles entendues par les
gardénal. État d'excitation continue malades comme des sons perçus
-
chez un épileptiquecorrélatifdu trai-
tement par le gardénal. CUEL, 395.
— Traitement des états anxieux par
par un sujet normal. — E. GELMA,
61.
— Sur la valeur des hallucinations
le gardénal à doses réfractées. — visuelles comme signe de localisa-
Dupouy et MONTASSUT, 600. tion cérébrale. Leur prédominance
gastro-intestinal (tractus). Quelques dans les tumeurs du lobe temporal.
études radiologiques sur l'état du — HORRAX, 33o.
tractus gastro-intestinal dans ses — Sur les variétés du langage automa-
rapports avec les troubles mentaux. tique à propos d'un cas de psychose

G.-W. HENRY,613. d'influence (hallucinations psycho-
glandes. Contribution à l'anatomie motrices verbales, automatisme ver-
pathologique de la glande génitale bal auditivo-moteur, langage méca-
mâle dans la paralysie générale. — nique). — CEILLIER, 131.
F. D'ALESSANDRO, 204. — Sur un processus hallucinatoire
— La glande pinéale, et en particulier réflexe. — SACRISTAN, 615.
sa signification dans le développe- — Un cas de « syndrome des sosies »
ment sexuel. — KRABBE, 67. chez une délirante hallucinée par

Sur quelques cas d'hypertrophie interprétation des troubles psycho-
des glandes salivaires observés dans sensoriels. — Dupouy et MONTASSUT,
les affections mentales. — G. DE- 599.
M\Y, H. BEAUDOUIN et CRAFFE, 54. hallucinatoire (psychose). Voir : psy-
— Sur une tumeur rare de la glande choses.
pinéale (épiphysome?). — PATTI, Hasselbach-Bisgaard (réaction de). Sur
403. technique simplifiée pour la
glycémie. Note sur la glycémie mor-
une
réaction de dérégulation ammo-
phinique. — CLAUDE, TARGOWLA et niacale de Hasselbaclz-Bisgaard.
Mlle BADONNEL, 423. —
G. E. SCHRŒDER, 178.
goitre.Traitement du goitre exoph- hémianopsie. Etude anatomique d'un
talmique par les rayons à basse
fréquence. — BONNET - LEMAIRE, cas d'hémianopsie homonyme dou-
ble. — MATOO-SEGI, 69.
ROGER et LIVET, 543. hémiaparésie. Hémiaparésie alterne et
H syndrome pseudo-butbaire. — COLIN
hallucinations. Alcoolisme et halluci- et CÉNAC, 56.
nations lilliputiennes. — COLIN et — Un cas de tumeur cérébrale avec
CÉNAC, 55.
hémiaparésie droite et trcubles de
Coexistence d'hallucinations senso- l'équilibre. — NAUDASCHER, 476.
— hémiplégie. Hémiplégie sans lésions
rielles et psychiques. — SANTENOISE,
CODET et ABÉLY, 320. cérébrales visibles dans la pneumo-
onirique avec nie des aliénés. — MYRTELLE et
— Confusion mentale CANAVAU, 3z3.
hallucinations lilliputiennes chez
une femme de soixante-dix-sept ans — Hémiplégie cérébelleuse syphili-
traitée par les rayons X pour un tique à forme cérébello-pyramido-
cancroïde de la région frontale. — thalamique, 187.
NAUDASCHER, 257. — Quelques constatations sur la pres-
— Hallucinations de la vue et délire sion sanguine chez les hémiplé-
chronique de persécution à base giques. — AGAGLIA et LEANZA, 323.
d'interprétations délirantes. — — Tonus de posture local, tonus de
COURBON et BAUER, 137. posture général (ou mieux d'attitude)
— Le problème des hallucinations et de nature réflexe, tonus d'action,
l'algohallucinose. — GALANT, 480. de nature syncinétique. Leur disso-
ciation chez un hémiplégique. — physaire dans la dépression mélan-
Ch. Foix et LAGRANGE, 192. colique. — LAIGNEL-LAVASTINE et
hémorragie. Hémorragie rachidienne COULEMEL, 602.
tardive chez les opérés de tumeurs hypophysaires (troubles). Classification
médullaires. — SICARD et LAPLANE, et traitement des troubles hypo-
2% physaires. — John TIERNEY, 68.
hépato-Ienticulaires (dégénérescences).
Voir : dégénérescences.
hérédité. Hérédité et psychiatrie. —
-
hystéro épilepsie. Un cas d'hystero-épi-
lepsie à crises séparées. CARRETTE,
3 Y 5.
RUEDIN, 680. hystériques. Le mécanisme de l'émo-
— Le rôle de
l'hérédité dans l'épilep- tion chez l'hystérique. — CLAUDE et
sie. — Mme MINKOWSKA. 679. de SAUSSURE, 553.
— L'hérédité en
psychiatrie. — BOVEN, hystolyse. L'hystolyse dans les centres
635. nerveux des insectes. — SANCHEZ Y
— Psychoses
atypiques avec hérédité SANCHEZ, 608.
hétérogène. — SMITH, 6o5. 1
hérédo-dystrophie. Psychoses pério-
diques dysthyroïdiennes chez un iconographie. Documents iconogra-
hérédo-dystrophique syphilitique. — phiques d'un inventeur délirant. —
LAIGNEt.-l AVASTINE, 670. CLAUDE, Dupouy, SANTENOISE et
hérédo-syphilis. Convulsions de la pre- ROBIN, 474.
mière enfance. Etiologie hérédo- idiotie. Contribution à l'étude des
syphilitique. Considérations sur leur lésions du myxoedème congénital
relation possible avec l'épilepsie des (idiotie myxoedémateuse de Bour-
adolescents. — VIVALDO, 406. neville). — MARINESCO, 265.
Maladie — Idiotie
amaurotique familiale. —
— Un cas d'hérédo-syphilis. OBARRIO, 612.
de Recklinghausen. — MARIE, 321.
histamine. Le cycle dé l'histamine dans impulsions. Impulsions au tatouage et
la pathogénie de la démence pré- perversions sexuelles. — Roger Du-
coce. — LANFRANCO, CIAMPI et AME- POUY et MINKOWSKI, 40.
GHINO, 550. — La psychanalyse
dans la thérapeu-
humorales (réactions) voir : réactions. tique des obsessions et des impul-
hygiène mentale. L'activité de la ligue sions. — CLAUDE, 406.
d'hygiène mentale en Belgique. — index. Une nouvelle épreuve de l'index.
DE CRAENE, 541. — BARANY,
131.
hypertonie. De l'hypertonie dans les influencés. Les influencés. Syndromes
lésions du système pyramidal et et psychoses d'influence. — André
extrapyramidal. — KOUSNETZOV, 559. CEILLIER, I52, 225, 294, 370.
hypertrophie. Sur quelques cas d'hyper- infundibulo-tubériens (syndromes). As-
trophie des glandes salivaires obser- sociation et dissociation des syn-
vés dans les affections mentales. — dromes infundibulo-tubériens. —
G. DEMAY, BEAUDOUIN et M. CRAFFE, CAMUS, Roussy et GOURNAY, 192.
54. injections. Les injections intraveineuses
hypo-azoté (régime). Urée sanguine de salicylate de soude dans l'encé.
constante d'Ambard et régime hypo- phalite chronique à forme parkin-
aroté chez les épileptiques. — HAR- sonienne. — BOUCHARD, 56.
TENBERG, 539. internement. Délires de date ancienne
hypomaniaques. Hypomaniaque raison- ayant nécessité l' internement après
nant. — LAIGNEL-LAVASTINE et VIN- plusieurs années. — COLIN etCÉNAC,
CHON,200. 668.
hypophysaire (extrait). L'extrait hypo- intoxication. Sept cas d'intoxication
physaire chez les anxieux. — TINEL, oxycarbonée avec signes cliniques
600. d'atteinte du névraxe. — BOURDILLON
— (opothérapie).
Opothérapie hypo- et HARTMANN, 253.
ivresse, L'ivresse hypomaniaque et (idiotie myxoedémateuse de Bour-
ses conséquences médico-légales. — neville). — MARINESCO, 265.
Maurice de FLEURY, 135. lésions. De l'hypertonie dans les lésions
du système pyramidal et extrapyra-
J midal. — KOUSNETZOV, 559.
jacksoniennes(crises). Un cas d'athétose — Hémichoréo-tremblement et syn-
drome de Parinaud : lésion pédon-
bilatérale acquise avec crises jackso- culaire. — HALBRON, A. LÉRI et
niennes à aura visuelle. — Roussy WEISSMANN-NETTER, 52.
et Mlle LÉvy, 127. Hémiplégie sans lésions cérébrales

visibles dans la pneumonie des
K aliénés. — MYRTELLE et CANAVAU,
kystes. Kystes dermoïdes et cholestéa- 323.
tomes du système nerveux central. — Les formes dégénératives et régé-
Recherches anatomo-pathologiques nératives des voies visuelles à la
et considérations critiques. -J....o=,,- suite des lésions du nerf optique. —
CATANEO, 324.
GHITANO, 204.
— Lésion de narcothërapie.— LIVET,
L 539.
lacto-protéine. Traitement de la paraly- — Lésionsanatomohistologiques dans
sie générale par les injections de un cas de syndrome de Parkinson
lacto-protéine et le sulfarsénol. — post-encéphalitique. — TAROZZI, 326.
NAcnASCHER, CHANÈset CORBIER,395. — Lésions des centres nerveux dans
laminectomie. Sur le diagnostic des le parkinsonisme post-encéphali-
compressions de la moelle. Mal de tique. — DONAGGIO, 533.
Pott à forme de tumeur intra-rachi- — Lésions médullaires et cérébrales de
dienne sans aspects radiolologiques la psychose polynévritique. — TRÉ-
anormaux des vertèbres. Sur l'évo- NEL et CUEL, 396.
lution de la tuberculose vertébrale — Les relations entre les lésions du
après laminectomie. — VINCENT et tronc cérébral, l'élimination d'eau
DARQUIER, 598. et la température corporelle. —
langage. Comment étudier les troubles ROGERZ, 611.
du langage ? — FROMENT, 522. — Les troubles généraux et les lésions
— Le langage et la pensée. — DELA- histologiques diffuses dans les tu-
CROIX, 672. meurs intra-craniennes. Contribu-
— Sur les
variétés du langage automa- tion à la pathogénèse etau diagnostic
tique à propos d'un cas de psychose des tumeurs cérébrales. — AGOSTA,
d'influence (hallucinations psycho- 324.
motrices verbales, automatisme ver- — Nystagmus du voile associé à un
bal auditivo-moteur, langage mé- nystagmus oculaire, synchrone à
canique). — CEILLlER, 132. des secousses myocloniques de la
Lange (réaction de). La réaction de face et des masticateurs, synchrones
Lange en psychiatrie. — BREVETTA, également. Syndrome de Foville
205. avec hémiaparesthésie, hémitrem-
langue. Un cas de paralysie amyotro- blement et hémiasynergie modérée.
phique de la langue. — FRANÇAIS, Lésions probables de la calotte
39I. protubérantielle. — Ch. Foix et
leptoméningite. Delirium trem^ns avec HILLEMAND, 313.
syndrome de Wernicke. Polioencé- — Pseudo-correctionautomatique du
phalite hématique supérieure aiguë ptosis et du strabisme externe dans
et leptoméningite hémorragique. — les lésions nucléaires du moteur
REZZA, 206. oculaire commun. — PAUt.iAN, 5o6.
lésions. Contribution à l'étude des — Quelques travaux récents sur les
lésions du myxoedème congénital lésions du système nerveux central
dans la démence précoce.— SCHIfF, liquide céphalo-rachidien. Les varia-
431. tions de pression du liquide céphalo-
lésions. Sur un cas d'aphasie verbo- rachidien. — RIDDEL et STEWART,
motrice par lésion du noyau lenti- 611.
culaire gauche. Contribution ana- — Méthodes cliniques d'examen et
tomo-clinique. — FRANCIONI, 324. précipitation méthodique des col-
— Sur une action spéciale de la pilo- loïdes du liquide céphalo-rachidien
carpine dans le cas de lésion céré- dans les cérébropathies infantiles,
brale. — MAGGAUDA, 322. l'épilepsie, la paralysie générale et
dans la période tardive de l'encépha-
— Sur une action singulière de la
pilocarpine dans les lésions céré- lite léthargique. — ZUCCARI, 403.
brales et particulièrement les phé- — Méthodes d'examen du liquide
nomènes unilatéraux de l'épilepsie. céphalo-rachidien et de la régulation
FERRUCCIO, 322. thermique cérébrale. — KAFKA,
— Troubles sensitifs dissociés à topo-
SCHUMM et WASER, 673.
graphie radiculaire dans un cas de — Note sur lapression et les réactions
lésion protubérantielle probable.— du liquide céphalo-rachidien dans
Foix et HILLEMAND, 597. les cas de syndrome amyostatique
postencéphalitique de type parkin-
— Un cas d'hémisyndrome cérébel- sonien. — NovoA SANTOS, 403.
leux avec tremblement du type dela
sclérose en plaques et mouvements — Quelques considérations sur la
athétosiques. Lésion probable de la valeur décroissante de la cytose du
région supérieure du noyau rouge liquide céphalo-rachidien retiré par
-
(rubro thalamique). — Roussy,
Mlle LÉvy et BERTILLON, 595.
la ponction lombaire.
GAY et PÉRÈS, 409.
— CESTAN,
leucopyrétothérapie. La leucopyrétothé- — Sarcome périthélial de la queue de
rapie associée au bismuth dans le cheval avec xanthochromie du
traitement de la paralysie générale liquide céphalo-rachidien au-dessus
et du tabes. — MARIE et KOHEN,543. de la tumeur. Localisation par le
lilliputiennes (hallucinations). Voir : lipiodol. Ablation chirurgicale.

hallucinations. GUILLAIN, ALAJOUANINE, MATHIEU et
lipiodol. Difficultés d'interprétation BERTRAND, 314.
étiologique au cours d'une para- — Sur l'acide oxalique du liquide
plégie spasmodique avec arrêt du céphalo-rachidien. L'oxalorachie.
LHERMITTE

lipiodol intrarachidien. et GRENIER, 241.
— SOUQUES
et TERRIS, 391. — Sur la valeur diagnostique de la
réaction du benjoin colloïdal dans
— Radioscopie du lipiodol rachidien. le liquide céphalo-rachidien.
— SICARD,FORESTIER et LAPLANE,I94. PFANNER,

205.
— Sur le diagnostic des compressions
de la moelle. Pseudo-paraplégiepar — Sur une méthode colorimétrique
raideur et douleur avec exagération de dosage du sucre dans le liquide
des réflexes de défense et arrêt du céphalo-rachidien. — MESTREZAT,
lipiodol. VINCENT et DARQUIER, 47r- 313.
liquide céphalo-rachidien. Considéra- —tion
Syndrome paralytique avec réac-
tions sur les rapports entre la neuro- de Bordet-Wassermann néga-
syphilis, la réaction de Wassermann tive dans le liquide céphalo-rachi-
dans le sérum et dans le liquide dien. — TRÉNEL et VUILLAUME, 668.
cérébro-spinal. — ARMUSSI, 2O5. localisations. Sur la localisation motrice
spinale de la jambe et du pied chez
— Evaluation de la pression du l'homme. — PARHON et MARIE
liquide céphalo-rachidien dans les
méningites séreuses et dans les BRIESE, 70.
tumeurs de l'encéphale. — OTTORINE M
BALDUZZI, 83. maladies mentales. Contribution à
l'étude du métabolisme basal dans à propos de c Matière et Mémoire e,
les maladies mentales. — LAUZIER, de Bergsori. — QUERCY, 532.
329. mémoire. Une méthode d'examen de la
maladies mentales. Nouvelles études mémoire, applicable aux cas patho-
sur la nature des maladies mentales logiques. — WELLS et MARTIN, 614.
considérées jusqu'ici comme cryp- méninges. La sarcomatose diffuse des
togénétiques, et en particulier dé- méninges (maladie d'Ollivier). —
monstration de l'existence de psy- KRABBE, 33.
choses dues à des toxi-infections par méningite. Evaluation de la pression
le bacille de Koch.
— GIARLO, 33o.
du liquide céphalo-rachidien dans
les méningites séreuses et dans les
— Sur la réaction de Moriz Weisz
dans les maladies mentales et les tumeurs de l'encéphale. — OTTO-
affections tuberculeuses.-TIRETTA, RINE BALDUZZI, 83.
329. ménopause. Quatre cas de catatonie à
malaria. Note sur l'expérience faite en la ménopause. — VERMEYLEN, NYS-
Belgique du traitement de la para. SENS et LAMSENS, 71.
lysie générale par l'inoculation de la mercurielles (neuro-récidives) voir :
malaria tierce. — LEY HUG, 542. neuro-récidives.
métabolisme. Contribution à l'étude du
— Tentatives de traitement par injec- métabolisme basal dans les maladies
tion de malaria tierce dans la para-
lysie générale, les syndromesparkin- mentales. — LAUZIER, 329.
soniens, l'épilepsie et la démence — Métabolisme du nanisme myxœdé-
précoce. — AGUGLIA et d'ABUNDO, mateux. — LAIGNEL-LAVASTINE et
548. DOPTAIN, 397.
maniaques. Amines toxiques présentes — Recherches sur le métabolismedans
dans la circulation chez les déments quatre cas de maladie d'Addison. —
GYOTOKU et MOMOSE, 141.
précoces et manquant chez les ma-
niaques et les mélancoliques, — migraine. Traitement local de la crise
. BUSCAINO, 203. de migraine. — SICARD, 535.
moelle. A propos du diagnostic des
maxillaire. Un cas de névralgie du compressions de la moelle. —
maxillaire supérieur à caractère BABINSKI, 317.
essentiel. — DUFOURMENTEL, 392.
médio-puben (réflexe). Voir : réflexes. — Constante de réplétion vésicale et
automatisme spontané de la vessie
mélancolie. Amines toxiques présentes dans les fortes compressions de la
dans la circulation chez les déments moelle. — SOUQUES et BLAMOUTIER,
précoces et manquant chez les ma- 129.
niaques et les mélancoliques. —
203. — Paraplégie spasmodique perma-
BUSCAINO, nente et destruction complète de la

Etude bio-chimique sur la mélan- moelle dorsale par un fibro-gliome.
colie. — MENDICINI et SCALA, 612. Hypothèse sur l'étiologie de cette
— Les terminaisons de la mélancolie. tumeur coïncidant avec l'agénésie
— ABÉLY, 139. d'un disque cartilagineux interver-
— Opothérapie hypophysaire dans la tébral. — SOUQUES et BLAMOUTIER,
dépression mélancolique. — LAI- 193.
et COULEMEL, 602.
GNEL-LAVASTINE
— Sur la constitution de la substance
— Un cas de mélancolie symptoma- gélatineuse de la moelle des oiseaux.
tique. CLAUDE, 235.
— — TERNI, 204.
mémoire. Etablissement d'un test de — Sur le diagnostic des compressions
mémoire. — TOULOUSEet Mlle WEIN- de la moelle. Mal de Pott à forme
BERG, 117. de tumeur intra-rachidienne sans
— La mémoire dans la démence pré- aspects radiologiques anormaux des
coce. — SIERRA, 550. vertèbres. Sur l'évolution de la
— Questions neurologiques précises tuberculose vertébrale après lami-
nectomie. — VINCENT et DARQUIER, myoclonies. Spasme myoclonique ryth-
598. mique péribuccal. — Foix et HILLE-
moelle. Sur le diagnostic des compres- MAND, 472.
sions de la moelle. Pseudo-para- myxoedème. Contribution à l'étude des
plégie par raideur et douleur avec lésions du myxœdeme congénital
exagération des réflexes de défense
et arrêt du lipiodol. — VINCENT et
DARQUIER, 471.
-
(idiotie myxœdémateuse de Bour-
neville). MARINESCO, 265.
— Métabolisme du nanisme myxœdé-
— Sur le ramollissement de la moelle mateux. — LAIGNEL-LAVASTINE et
épinière par thrombose. — D'AN- DOPTAIN, 397.
TONA, S45. — Myxœdeme et psychose. — Henri
Moriz Weisz (réaction de). — Voir : CLAUDE et Suzanne BERNARD, 1.
réactions.
morphine. Note sur la glycémie mor- N
phinique. — CLAUDE, TARGOWI.A et nanisme. Métabolisme du nanisme
Mlle BADONNEL, 423. myxœdémateux. — LAIGNEL-LAVAS-
moteurs (troubles). Un cas de cysticer- TINE et DOPTAIN, 397.
cose cérébrale. Opération: dispari- narcothérapie. Lésion de narcothé-
tion immédiate des troubles moteurs. rapie. — LIVET, 539.
— LHERMITTE, deMARTELetNlCOLAS, négation (idées de). A propos d'un état
189. démentiel avec idées de négation.
motilité. Nouvelle contribution à la Paralysiegénérale. Réactions humo-
conception des systèmes statique et rales négatives. — J. CUEL, 55.
kinétique de la motilité.— J. RAMSAY — Tabes avec idées délirantes de
HUNT, II. négation. — CÉNAC et PERON, 476.
muscles. Corrélation entre les tnuscles néoplasme. Radiothérapie profonde et
agonistes et antagonistes dans l'état tumeurs cérébrales. A propos d'un
normal et la maladie de Parkinson. cas de néoplasme du ventricule laté-
FERRIO, 144. ral droit. — JUMENTIÉ et OLIVIER,
— Hyperspasmodicité clonique des 534.
muscles adducteurs et abducteurs nerfs. Les fibres de la sensibilité pro-
de la cuisse dans un cas de sclérose fonde de la face passent-ils par le
en plaques. — GUILVAIN, GIROT et nèrf facial. — SouQuEs et HARTMANN,
MARQUEZ Y, 191. 131.
— Sur les troubles des réactions élec- — Les formes dégénératives et régé-
triques des muscles et des nerfs pen- nératives des voies visuelles à la
dant la convalescencedu tétanos.— suite des lésions du nerf optique.
GAUDUCHEAU, 537. — CATANEO, 324.
mystiques. Etudes sur la psychologie — Section de la racine du nerf triju-
des mystiques. — MARÉCHAL, 397. meau. Troubles du vertige voltaïque
myopathie. Myopathieatrophique loca- consécutifs. — VINCENT, 128.
lisée aux trapèzes et consécutive à — Sur la régénération des nerfs après
un traumatisme. — J. LHERMITTE, une section et sur celle des os après
CÉNAC et N. PÉRON, 51. fracture chez les cobayes nourris
myélopathie. Myélopathie cervicale avec des grains avitaminés. — FER-
syphiiitique à forme amyotrophique. RARIS et LEVI, 676.
MONIER-VINARD et SCHNIETTE, 472. — Sur les troubles des réactions élec-
myoclonies. De l'évolution terminale triques des muscles et des nerfs
des myoclonies de l'encéphalite épi- pendant la convalescence du tétanos.
démique. — E. KREBS, 52. — GAUDUCHEAU, 53J.
— Les myoclonies et les corps amyla- nerveuses (maladies). Précis d'examen
cés dans les cellules nerveuses. et de diagnostic des principales
Priorité de leur découverte. — maladies nerveuses. — STRÜMPELL,
LAFORA, 479. 604.
-
neurasthénie. Leb états dépressifs et la
neurasthénie. Maurice deFLEURY,
400.
modérée. Lésions probables de la
calotte protubérantielle. — Foix et
HILLEMAND, 313.
neurone. Le rôle des ferments oxy- — Spasme rythmique vélo-pharyngo-
dants dans les phénomènes de la laryngé (nystagmus du voile). —
vie du neurone. — G. MARINESCO, 3. Foix et HILLEMAND, 597.
neuro-otologie. Traité de neuro-otolo-
gie. — ALEXANDER, MARBURG et 0
BRUNNER, 608.
neuro-récidives. Considération sur les obsédés. Etude des variations de l'état
neuro-récidives mercurielles. — du système neuro-végétatif chez un
AUSTREGESILO, 307. obsédé. — CLAUDE, SANTENOISE et
neuro-syphilis. Considérations sur les VIDACOVITCH, 320.
rapports entre la neuro-syphilis, la —
Présentation de trois obsédés. —
réaction de Wassermann dans le LAIGNEL-LAVASTINE,VINCHON et LAR-
sérum et le liquide cérébro-spinal. GEAU, 57.
— ARMUSSI, 205. obsessions. Contribution à l'étude des
— Epilepsie psychomotrice et neuro- obsessions au cours des psychoses.
syphilis. MARIE et BERNADOU, 135. — BERNHARD LEGEWIE, 203.
— Essai sur la bismuthothérapie — La psychanalyse dans la théra-
dans la neuro-syphilis. — PEYRUS, peutique des obsessions et des im-
206. pulsions. — CLAUDE, 406.
neurotomie. La neurotomie rétro-gas- — Obsessions
interrogatives. Délire
sérienne. Les conséquences phy-
siologiques et pathologiques. —
de scrupule. — RAYNEAU
666.
etGODARD,

HARTMANN, 548. Sur un cas d'obsessions d'origine


-- intellectuelle.
névralgies. L'action antinévralgique MINKOWSKI, 31g.

des médicaments d'ordre végétatif. oculaires (réflexes) voir : réflexes.
— ORZECHOWSKI, 543. Œdipe (complexe d'). Illusion des
— Un cas de névralgie du maxillaire sosies et complexe d'Œdipe. —
supérieur à caractère essentiel. — CAPGRAS et CARRETTE, 393.
DUFOURMENTEL, 392. Ollivier (maladie d'). La sarcomatose
névraxe. Sept cas d'intoxication oxy- diffuse des méninges (maladie d'Ol-
carbonée avec signes cliniques d'at- livier). — KRABBE, 33.
teinte du névraxe. — BOURDILLON, onirisme. Confusion mentale onirique
et HARTMANN, 253. avec hallucinations lilliputiennes
névrites. Névrites ascendantes trau- chez une femme de soixante-dix-
matiques pluritronculaires.— CROU- sept ans traitée par les rayons X
ZON, 534. pour un cancroïde de la région
névroses. Sur la névrose cardiaque. — frontale. — NAUDASCHER, 257.
CRISTOFFEL, 614. optique (nerf) voir : nerfs.
— Trauma sexuel, névrose de
défense optiques (couches). Nouvelles re-
et psycho-analyse. — SANGUINETTI, cherches sur l'anatomie des couches
334. optiques. — u'HoLLANDER et de
nystagmoïdes (équivalents). Les équiva- GREEF, 536.
lents nystagmoïdes de l'épilepsie. orientation professionnelle. L'orienta-
— MESSING,
649. tion professionnelle chez les débiles
nystagmus. Nystagmus du voile asso- mentaux. — ALEXANDRE, 542.
ciée à un nystagmus oculaire, syn- os. Sur la régénération des nerfs
chrone à des secousses myoclo- après une section et sur celle des
niquesde laface et des masticateurs, os après fracture chez les cobayes
nourris avec des grains avitaminés.
synchrones également. Syndrome
de Foville avec hémiaparesthésie, — FERRARIO et LEVI, 676.
hémitremblement et hémiasynergie oxalique (acide). Sur l'acide oxalique
du liquide céphalo-rachidien. L'oxa- au bismuth dans le traitement de la
lorachie. — LHERMITTE et GRENIER, paralysie générale et du tabes. —
241. A. MARIE et KOHEN, 543.
paralysie générale. La psychologie
P comparée des paralytiques géné-
raux et des schizophrènes. — MIN-
papillaire (stase). La stase papillaire KOWSKI et TISON, 200.
dans l'encéphalite épidémique. —
— Méthodes cliniques d'examen et
SPILLER, 479. précipitation, méthodique des col-
paralysie. Paralysie progressive aty- loïdes du liquide céphalo-rachidien
pique et présence de spirochètes.— dans les cérébropathies infantiles,
BRAVETTA et BALITESSA, 33o. l'épilepsie, la paralysie générale, et
— Paralysie radiculaire supérieure dans la période tardive de l'encépha-
du plexus brachial d'origine trau- lite léthargique. — ZUCCARI,403.
matique. Fracture des apophyses Note sur l'expérience faite en Bel-

transverses des VIe et vu" vertèbres gique du traitement de la paralysie
cervicales. Apophyse costiforme de générale par l'inoculation de la
la vu'. Troubles sympathiques. — malaria tierce. — LEY HUG, 542.
ANDRÉ-THOMAS, 187.
Syndrome paralytique réac- — Paralysie générale sans démence.
— avec VALDEZAN, 616.
tion de Bordet-Wassermann néga- —
Paralysies générales stationnaires
tive dans le liquide céphalo-rachi- — prolongées.
dien. — TRÉNEL et VUILLAUME. et Rapports du syn-
Syndrome drome clinique et de la formule
— paralytique sans réac- humorale. — CARRETTE, 320.
tions humorales. — DESPORT, 199. Sur un cas de paralysie générale
— Syndrome paralytique sans réac- —
incipiens. — CLAUDE, TARGOWLA et
tions humorales. — Mlle SERIN, 198. SANTENOISE, 318.
— Syndrome paralytique très accusé Syphilis générale. Paralysie géné-
avec syndrome humoral au mini- — rale
et
mum. — Dupouy, SCHIFF Mme RÉ- ou folie intermittente. — CAR-
RETTE, 476.
QUJN, 256.
Traitement de la paralysie — Tentatives de traitement par in-
— par jection de malaria tierce dans la
les injections, de lacto-protéine et
le sulfarsénol. — NAUDASCHER, CHA- paralysie générale, les syndromes
NÈS et CORBIER, 395. parkinsoniens, l'épilepsie et la

de la langue.-
— Un cas de paralysie amyotrophique
FRANÇAIS, 391.
paralysie générale. A propos d'un état —
démence précoce. — AGUGLIA et
d'ABuNDo, 548.
Traitement de la paralysie géné-
démentiel avec idées de négation. rale par le sulfarsénol et les pyre-
Paralysiegénérale. Réactions humo- togènes. — GUIRAUD et SONN, 395.
rales négatives. — J. CUEL, 55. — Un nouveau cas de paralysie géné-
— Considérations cliniques, biolo-
giques et anatomo-pathologiques,à DOU, 257.
-
rale conjugale. MARIE et BERNA-

propos d'un cas de paralysie géné- — Un paralytique général aiguilleur


rale au début. — TOULOUSE, MAR- dans une compagnie de chemin de
CHAND,TARGOWLA et Mlle L. PEZÉ, 5. fer. — PACTET, 473.
— Contribution à l'étude de la glande paralysie infantile. A propos du signe
génitale mâle dans la paralysie de Babinski dans la paralysie infan-
générale. — F. d'ALESSANDRO, 204. tile spinale. — SOUQUES et DUCRO-
— Investigations expérimentales ré- QUET,252.
centes sur la syphilis neurotrope et paraphrénie. Contribution à l'étude de
le problème de la piralysie géné- la paraphrénie confabulante et fan-
rale. — LAFORA, 549. tastique. — E. GELMA, 63.
— La leucopyrétothérapie associée paraplégie. Considérations surlapara-
plégie en flexion à propos d'un cas. Parkinson (maladie de). Lésions des
— L. MARCHAND, ig. centres nerveux dans le parkinso-
paraplégie. Difficultés d'interprétation nisme postencéphalitique. — Do-
étiologique au cours d'une para- NAGGIO, 533.
plégie spasmodique avec arrêt du — Petits signes révélateurs de la
lipiodol intra-rachidien. — SOUQUES phase prodromique de la maladie
et TERRIS, 391. de Parkinson. — NERI, 53.
— Paraplégie par mal de Pott. — — Syndrome parkinsonien et syphilis
SORREL, 196. nerveuse. — DEMAYCÎ PETITHONY,56.
— Paraplégie spasmodique avec in- — Syndrome parkinsonien post-encé-
version du réflexe achilléen, ano- phalitique avec crises de rigidité,
malie vertébrale, hérédo-syphilis, tétanisation persistante du trapèze
compression médullo-radiculaire. et des muscles de la face. — VIN-
— LÉRI, WEISSMANN-NETTER et LE- CENT et CHAVANY, 316.
CONTE, 192. — Syndrome parkinsonien post-encé-
— Paraplégie spasmodique perma- phalitique. Contribution anatomo-
nente et destruction complète de pathologique et clinique. — BEL-
la moelle dorsale par un fibro- LAVITA, 327.
gliome. Hypothèse sur l'étiologie — Tentatives de traitement par injec-
de cette tumeur coïncidant avec tion de malaria tierce dans la para-
l'agénésie d'un disque cartilagineux lysie générale, les syndromes par-
intervertébral. — SOUQUES et BLA- kinsoniens, l'épilepsie et la démence
MOUTIER, 193. précoce. — AGUGLIA et D'ABUNDO,
— Troubles sympathiques dans la 54S.
paraplégie pottique. — ANDRÉ THO- — Traitement d'un cas de parkinso-
MAS, 196. 1lisme post-encéphalitique par injec-
— Vertèbre d'ivoire et paraplégie par tion intra-rachidienne de virus-
compression dans un cas de cancer vaccin encéphalitique (méthode
du sein. — SOUQUES, LAFOURCADE LEVADITI-POINCLOUX),421.
et TERRIS, 5o5. — Tumeur de la région hypophy-
Parinaud (syndrome de). Hémichoréo- saire avec syndrome parkinsonien.
tremblement et syndrome de Pari- — VAN BOGAERT et NYSSEN, 537.
naud : lésion pédonculaire. — pédonculaire (lésion). Voir : lésions.
HALBRON, A. LÉRI et WEISSMANN- pellagreuse (endémie). Voir : endémie
NETTER, 52. pellagreuse.
Parkinson (maladie de). Actions mus- pensée. La pensée symbolique et la
culaires réciproques chez les par- pensée de l'enfant. — PIAGET, 332.
kinsoniens. — CANTALOUBE, 53. pensée. Le vol de la feiisée. — REVAULT
— Akinésie paradoxale glosso-labiée D'ALLONNES, 101.
existant dans la station et dispa- persécutés. De quelques idées de dé-
raissant dans le décubitus, chez un fense chez les persécutés. — LE-
parkinsonien. — SOUQUES et BLA- ROY et SCHUTZENBERGER, 13 2.
MOUTIER, 190. —
Préoccupations érotiques chez une
— Corrélation entre les muscles ago- persécutée interprétante hallucinée.
nistes et antagonistes dans l'état — CÉNAC, 2 56.
normal et la maladie de Parkinson. personnalité. Désagrégation de la per-
— FERRIO, 144. sonnalité au cours d'un délire d'in-
— Les injections intraveineuses de fluence chez une dégénérée. — MON-
salicylate de soude dans l'encépha- TASSUT et CÉNAC, 476.
lite chronique à forme parkinso- perversions. Actes délictueux et pervers
nienne. — BOUCHARD, 56. à l'occasion d'états intermittents
— Lésions anatomo-histologiques,dans frustes. — TRUELLE et REBOUL-LA-
un cas de syndrome de Parkinson CHAUX, 31g.
post-encéphalitique. — TAROZZI, 326. — Impulsions au tatouage et perver-
sions sexuelles. — ROGER Dupouy ponction. Ponction de la cisterna ma-
et MINSKOWSKI, 40. gna. (Lac sous-cérébelleux posté-
instinctives consécu- rieur.) — AYER, 675.
— Perversions
tives à l'encéphalite épidémique. — ponction lombaire. Quelques considé-
LAIGNEL-LAVASTINE et Vi,-icHoN, 258. rations sur la valeur décroissante
Perversions instinctives et état de la cytose du liquide céphalo-ra-

schizoïde à allure périodique. — chidien retiré par la ponction lom-
CLAUDE, SANTENOISE et CODET, 257. baire. — CESTAN, GAY et PÉRÈS, 409.
Perversions instinctives suites Pott (mal de). Mal de Pott et radio-
— graphie vertébrale. — SICARD, LA-
d'encéphalite léthargique. —CAP-
GRAS et CARRETTE, 394. PLANE et PRIEUR, 188.
Perversions sexuelles chez une ma- — Mal de Pott sous-occipital.— SOR-

lade atteinte d'encéphalite épidé- REL, Ig5'
mique. — Mlle SERIN et REBOUL- — Paraplégie par mal de Pott. — SOR-
LACHAUX, 254. REL,lg6.
Perversions sexuelles chez un ma- — Sur le diagnostic des compressions

lade atteint d'encéphalite épidémi- de la moelle. Mal de Pott à forme
que. — CÉNAC, 254. de tumeur intra-rachidienne sans
phlogetan. Le phlogetan dans le trai- aspects radiologiques anormaux des
tement du tabes. — BARRÉ et REYS, vertèbres. Sur l'évolution de la tu-
194. berculose vertébrale après laminec-
physiothérapie. Physiothérapie, ses ré- tomie. — VINCENT etDARQUIER, 596.
sultats dans la démence précoce, — Sur le diagnostic des tumeurs mé-
dans une série de vingt cas. — DA- dullaires avec rigidité rachidienne
NIEL C. MAIN, 7 1. et crurale douloureuse. Des carac-
pilocarpine. Sur une action singulière tères distinctifs de la rigidité rachi-
de la pilocarpine dans les lésions dienne des tumeurs et de celle du
cérébrales et particulièrement les mal de Pott. — VINCENT et CHAVANY,
phénomènes unilatéraux de l'épilep- 3i5,
sie. — FERRUCCIO, 322. pression sanguine. Étude comparative
— Sur une action spéciale
de la pilo- des pressions intra-rachidienne,
carpine dans le cas de lésion céré- sanguine et de la tension oculaire.
brale. — MAGGAUDA, 322. OPPENHEIMER,
— BATES, BLOCK et
plantaire (flexion). Voir : flexion. 404.
pneumonie. Hémiplégie sans lésions — Quelques constatations sur la pres-
cérébrales visibles dans la pnelmzo- sion sanguine chez les hémiplégi-
nie des aliénés. — MYRTELLE et CA- ques. — AGAGLIA et LEANZA, 323.
navaUJ 323. prisons. L'activité des annexes psychia-
polioencéphalite Délirium tremens avec triques des prisons. — VERVAECK,
syndrome de Wernicke. Polioencé- 534.
phalite hématique supérieure aiguë pseudo-bulbaires. Hémiaparésiealterne
et leptoméningite hémorragique. —
REZZA, 206. et CÉNAC, 56.
-
et syndrome pseudo-bulbaire. Co-
LIN
le rythme
poliomyélite. Caractères du signe de — Quelques remarques sur maladies
Babinski dans un cas de poliomyé- respiratoire dans certaines
lite. — TOURNAY, 598. chroniques du système nerveux, en
— Note sur
l'histopathologie com- particulier chez les pseudo-bulbaires.
parée de la poliomyélite antérieure — Mlle LÉVY et VAN BOGAERT, 10.
aiguë et de l'encéphaliteépidémique. — Recherches sur
le rythme respira-
— HASSIN, 326. toire dans certaines maladies du
polycythémie. Un cas de ramollisse- système nerveux, en particulier chez
ment cérébral à foyers multiples les pseudo-bulbaires. — Mlle LÉvy
dans la maladie de Vaquez (Poly- et VAN BOGAERT, 302.
cythémie mégalosplénique), 493. pseudo-démentiel (état). Guérison tar-
dive d'un état pseudo-démentielaprès sencéphalique. — VAN BOGAERT, i3o.
plus de quinze ans. — ARNAUD, SOL- psycho-sensoriels. Un cas de « syn-
LIER et VIGNAUD, 542. drome des sosies » chez une déli-
pseudo-paraplégie. Sur le diagnostic rante hallucinée par interprétation
des compressions de la moelle. des troubles psychosensoriels. —
Pseudo-paraplégie par raideur et Dupouy et MONTASSUT, 599.
douleur avec exagération des réfle- psychoses. Catatonie et psychose
xes de défense et arrêt du lipiodol. périodique. — LAUTIER, 394.
— Contributions à la psychogénèse
VINCENT et DARQUIER, 471.
psychiatrie. Hérédité et psychiatrie.- des psychoses délirantes chroniques.
RUEDIN, 680.
— HKSNARD, 541.
— La réunion de la Société suisse de — Contribution à l'étude des obses-
psychiatrie. — A. MARIE, 667. sions au cours des psrchoses. —
— Quelles sont les ressources que les LEGEAVIE, 263.
diverses sciences peuvent apporter — Excitation maniaque ou psychose
à la psychiatrie. — BUKCLEY, 328. hébéphrénique. — LAIGNEL-LAVAS-
psycho-analyse. Défense de la psycho- TINE et KAHN, 397.
analyse. — LEVI-BIANCHINI, 551. — Les influencés. Syndromes et psy-
— La psycho-analyse dans la thérapeu- choses d'influence. — ANDRÉ CEIL-
tique des obsessions et des impul- LIER, 152, 225, 294, 370.
sions. — CLAUDE, 406. — Lésions médullaires et cérébrales
— La valeur scientifique de la psycho- de la psychose polynévritique. —
analyse. — DE SAUSSURE, 509. TRÉNEL et CUEL, 396.
— Sur quelques concepts psycholo- — Les psychoses hallucinatoires chro-
giques fondamentaux de psycho- niques. — DE CLÉRAMBAULT, 55.
analyse. — WEISS, 55I. — Les psychoses hallucinatoires chro-
— Trauma sexuel, névrose de défense niques. — Analyse et psychogénie.
et ,psycho-apiairse. — SANGUINETTI, -CLÉRAMBAULT, 13 3.
334. —L'influence de la loi de 1919 pro-
— Valeur et aspect sociaux de la hibant en Belgique la vente de l'al-
psycho-analyse. — LEVI-BlANCHINI, cool au détail dans les cabarets sur
552. la diminution des psychose alcoo-
psychologie. Psychologie et dévelop- liques. — BOULANGER, 53Q.
pement, de l'enfance à la vieillesse. — Myxœdème et psychose. — HENRI
— DE MONTET et BERSOT, 607. CLAUDE et SUZANNE BERNARD.
— Psychologie expérimentale ou sim- — Nouvelles études sur la nature des
plement psychologie. — PATINI. 616. maladies mentales considérées jus-
— Psychologie médicale à l'usage des qu'ici comme cryptogénétiques, et
médecins et des psychologues. — en particulier démonstration de
SCHILDER, 604. l'existence de psychoses dues à des
psycho-moteurs (troubles). Syndrome toxi-infections par le bacille de
des noyaux de la base et des voies Koch. — GIARLO, 33o.
extra-pyramidales. Troublesp srcho- — Psychose hallucinatoire aiguë avec
moteurs atypiques. — CLAUDE et réaction méningée. — LAIGNEL-LA-
CODET, 470. VASTINE et KAHN, 36. 1

psychopathes. Représentation graphi- — Psychose tabétique par interpréta-


que de l'état mental des psychopa" tion de symptômes somatiques dus
thes. — CROCQ, 536. à un tabes. — ROUBINOVITCH, MIN-
psychopathologie. Psychopathologie et KOWSKI et MONESTIER, 475.
pathologie générale. — A. MAEDER, — Psychose verbo-motrice à trois
163. phases cyclothymiques. — REVAULT
psycho-sensoriels (troubles). Syndrome D'ALLONNES, 54.
inférieur du noyau rouge avec trou- — Psychoses atypiques avec hérédité
bles psycho-sensoriels d'origine mé- hétérogènc. — SMITH, 6o5.
psychoses. Psychoses périodiques dys- de Vaquez (Polycythémie mégalo-
thyroïdiennes chez un hérédo-dys- splénique). — WINTHER, 493.
trophique syphilitique. — LAJGNEL- rayons X. Confusion mentale onirique
LAVASTINE, 670, avec hallucinations lilliputiennes
— Sur les
divers types de psychoses chezune femme de soixante-dix-sept
hallucinatoires chroniques. — CLAU- ans traitée par les rayons X pour
408.
DE, un cancroïde de la région frontale.
— Sur les variétés du langage auto- — NAUDASCHER, 257.
matique à propos d'un cas de psy- réactions. A propos d'un état démen-
chose d'influence (hallucinations tiel avec idées de négation. Para-
psychomotrices verbabes, automa- lysie générale. Réactions humorales
tisme verbal auditivo-moteur, lan- négatives. — J. CUEL, 55.
— Considérations sur
gage mécanique).— CEILLIER, 131 - les rapports
ptosis. Pseudo correction automatique entre la neuro-syphilis, la réaction
du ptosis et du strabisme externe de Wassermann dans le sérum et
dans les lésions nucléaires du mo- dans le liquide cérébro-spinal. —
teur oculaire commun. — PAULIAN, ARMUSSI, 205.
5o6. — La réaction de Lange en
psychia-
puberté. Influence de la puberté sur le trie. — BREVETTA, 205.
caractère et la personnalité, et rap- — La réaction de l'urine dans cent
ports entre les modifications de ces vingt cas de désordres mentaux. —
deux facteurs et le développement WALKER, 549.
de la démence précoce. — GIBBS, — Réactions
électriques dans les syn-
dromes hypertoniques d'origine
334.
puérilisme. Puérilisme encéphalitique. -
extra-pyramidale NERlet MONIER-
VINARD, 53.
— LAIGNEL-LAVASTINE, 2 58. Moriz Weisz
pyretogènes. Traitement de la para- — Sur la réaction
de
lysie générale par le sulfarsénol et dans les maladies mentales et les
les pyretogènes. — GUIRAUD et SOM, affections tuberculeuses.—TIRETTA,
395. 329.
— Sur la valeur
diagnostique du ben-
R join colloïdal dans le liquide cé-
racines. Conservation de la sensibi- phalo-rachidien. — PFANNER, 205.
— Sur les troubles des réactions
lité profonde de la face après sec- élec-
tion rétro-gassérienne de la racine triques des muscles et des nerfs pen-
postérieure du trijumeau. — A. Sou- dant la convalescence du tétanos.
QUES et HARTMANN, 51. — GAUDUCHEAU, 537.
— Syndrome paralytique avec
radiothérapie. La radiothérapie péné- réac-
trante des tumeurs cérébrales. — tion de Bordet-VVassermannnégative
Roussy et Mlle LÉVY, 473. dans le liquide céphalo-rachidien.
668.
— Radiothérapie profonde et tumeurs — TRÉNEL et VUILLAUME,
cérébrales. A propos d'un cas de — Syndrome
paralytique sans réac-
néoplasme du ventricule latéral tions humorales. — DESPORT, 199.
-
droit. JUMEI-;TIÉ et OLIVIER, 534. — Syndrome
paralytique sans réac-
tions humorales. — Mlle SERIN,
— Tumeur de la région infundibu-
lo-hypophysaire considérablement 198.
améliorée par le traitement radio- Recklinghausen (maladie de). Dystro-
thérapique. — Foix, HILLEMAND et phies osseuses et dermatolysie au
Mme SCHIFF-WERTHEIMER, 598. cours d'une maladie de Recklin-
ramollissement. Sur le ramollissement ghausen. — REGNARD et DIDIER, 313.
de la moelle épinière par thrombose — Maladie de Recklinghausen avec
— D'ANTONA, 545.
dermatolysie. — LAIGNEL-LAVASTINE
— Un cas de ramollissement cérébral et FROELICHER, 252.
à foyers multiples dans la maladie — Un cas d'hérédo-syphilis. Maladie
de Recklinghausen. les pseudo-bulbaires.
— MARIE, 321. — Mlle LÉvy
réflexes. Fétichisme et réflexes condi- et BOGAERT, 302.
tionnels. — LAIGNEL-LAVASTINE,540-
— Le mécanisme des causes des réfle- S
xes de défense. — SALMON, 321.
— Le réflexe dartoïque pénien. — sadisme. Sur un cas de sadisme.

J. BARRÉ, 193. PERRENS et DESPORT, 540.
— Le réflexe mamillo-pénien. — sang. Existe-t-il des antigènes spéci-
L. CRUSEM, 194. fiques dans sang1descatatoniques?
— Le réflexe médio-pulien. — GUIL- — MÜNZER, 142.
LAIN et ALAJOUANINE, 10 sarcome. Sarcome de la base du cer-
réflexes. Le réflexe solaire. REBOUL- veau. — OBREGIA et PAULIAN, 580.

LACHAUX, 60. — Sarcome périthélial de la queue de
cheval avec xanthochromie du li-
— Les réflexes cutanés palmaires. — quide céphalo-rachidien au-dessus
JUSTER, 470.
Observations sur les réflexes to- de la tumeur. Localisation par le
— lipiodol. Ablation chirurgicale. —
niques oculaires. — LORENTE DE
No, 674. GUILLAIN, ALAJOUANINE, MATHIEU et
BERTRAND, 314.
— Paraplégie spasmodique avec inver- sarcomatose. La sarcomatose diffuse
sion du réflexe achilléen, anomalie
vertébrale, hérédo-syphilis, com- des méninges (maladie d'Ollivier).
pression médullo - radiculaire. — KRABBE, 33.
LÉRI, WEISSMANN-NETTER et LE- — schizoïde (constitution). La constitu-
tion schizoïde (étude clinique et dia-
CONTE, 192. gnostic différentiel). — CLAUDE,
— Sur le diagnostic des compressions
BOREL et ROBIN, 209.
de la moelle. Pseudo-paraplégie par
raideur et douleur avec exagération schizoïde (état). Auto-mutilation révé-
des réflexes de défense et arrêt du latrice d'un état schiîoide. — CLAUDE,
lipiodol. — VINCENT et DARQUIER, BOREL et ROBIN, 255.

471. — Perversions instinctives et état


schizoïde à allure périodique. —
— Sur le réflexe croisé chez le ho- CLAUDE, SANTENOISE et CODET, 257.
mard et l'écrevisse. — BABINSKI, 52. schizophrénie. Contribution à la psy-
— Sur un processus hallucinatoire chologie des états dits schirophré-
réflexe. — SACRISTAN, 615. niques. — A. HESNARD et R. LAFOR-
— Un réflexe de flexion plantaire des GUE, 45.
quatre derniers doigts étudié dans Démence précoce, schizomanie et
les maladies mentales. —
— BERTOLINI schizophrénie. — CLAUDE, BOREL et
et RIETTI, 613. GILBERT ROBIN, 145.
réponses à côté ». Considérations sur
— Démence très précoce (De Sanctis).
<s
le symptôme des « réponses à côté » Schizophrénie prépubérale. — TA-
et ses rapports avec les complexes ROZZI, 335.
affectifs. — CLAUDE et ROBIN, 481. La psychologie comparée des pa-

respiratoire (rythme). Voir : rythme ralytiques généraux et des schiro-
respiratoire. phrènes. — MINKOWSKI et TisON, 200.
rythme respiratoire. Quelques remar- — Les symptômes schi^ophréniques
ques sur le rythme respiratoire dans chez l'enfant normal. — WILDER-
certaines maladies chroniques du MUTH, 333.
système nerveux, en particulier sciatiques. Diagnostic et traitement des
chez les pseudo-bulbaires. — Mlle sciatiques. — H. ROGER et G. AYMÈS,
LÉvy et VAN BOGAERT, 10. 59.
— Recherches sur le rythme respira- sensitifs (troubles). Troubles sensitifs
toire dans certaines maladies du dissociés à topographie radiculaire
système nerveux, en particulier chez dans un cas de lésion protubéran-
tielle probable. — Foix et Hu.LE- Sonéryl. Le Sonéryl. Ètude chimique,
MAND, 597. pharmacologique et clinique. —
sclérose en plaques. Contribution à SIMONPIÉTRI, 207.
l'étude clinique, biologique, étiolo- sosies. Illusion des sosies et complexe
gique et expérimentale de la sclérose d Œdipe — CAPGRAS et CARRETTE,
en plaques. — MARQUÉZY, 547. 393.
— Hyperspasmodicité clonique des — Un cas de syndrome des sosies
« 1,

muscles adducteurs et abducteurs chez une délirante hallucinée par


de la cuisse dans un cas de sclé- interprétation des troubles psycho-
rose en plaques. — GUILLAIN, GIROT sensoriels. — Dupouy et MONTAS-
et MARQUÉZY, 191. SUT, 599.
— Résumé du rapport sur la sclérose souvenirs. De l'organisation incon-
en plaques. — GUILLAIN, 459. sciente des souvenirs. — CLAUDE et
— Résumé du rapport sur la sclérose DE SAUSSURE, 36o.
en plaques. — VERAGUTH, 457. spasmes. Spasme myoclonique rythmi-
— Un cas d'hémisyndrome cérébel- que péribuccal. — Foix et HILLE-
leux avec tremblement du type de MAND, 472.
à forme de
la sclérose en plaques et mouvements — Spasme professionnel
athétosiques. Lésion probable de la torticolis spasmodique et contrac-
région supérieure du noyau rouge ture unilatérale et permanente des
-
(rubro-thalamique). Roussy, Mlle
LÉVY et BERTILLON, 595.
pectoraux de l'autre côté. — HEUYER
et Mlle ZIMMER, 253.
sensibilité. Conservation de la sensi- — Spasme
rythmique vélo-pharyngo-
bilité profonde de la face après sec- laryngé (nystagmus du voile). —
tion rétro-gassérienne de la racine Foix et HII.LEMAND, 597.
postérieure du trijumeau. -A. Sou- spirochètes. Paralysie progressive aty-
QUES et HARTMANN, 51. pique et présence de spirochètes. —
— Contribution à l'étude des syn- BRAVETTA et BALITESSA, 33o.
dromes douloureux par atteinte des strabisme. Pseudo-correction automa-
relais cellulaires de la sensibilité. — tique du ptosis et du strabisme
NICOLËSCO, 546. externe dans les lésions nucléaires
— La sensibilité profonde de la face. du moteur oculaire commun. —
— DAVIS, 479. PAULIAN, 3o6.
— Les fibres de la sensibilité profonde strié (syndrome). Dysphasie et syn-
de la face passent-elles par le nerf drome strié. — E. DE MASSARY et
facial? — SOUQUES et HARTMANN, F. RACHET, 52.
131. subconscient. Barbiturate-diéthylamine
sérum. Considérations sur les rapports révélateur du subconscient. — LAI-
entre la neuro-syphilis, la réaction GNEL-LAVASTINE, 669.
de Wassermann dans le sérum et sucre. Sur une méthode colorimé-
dans le liquide cérébro-spinal. — trique de dosage du sucre dans le
ARMUSSI, 205. liquide céphalo-rachidien. — MEs-
sexualité. Trauma sexuel, névrose de TREZAT, 3 J 3.
défense et psycho-analyse. — SAN- sulfarsénol. Traitement de la paralysie
GUINETTI, 334. par les injections de lacto-protéine
sinus. Tumeur du sinus caverneux et le sulfarsénol. — NAUDASCHER,
d'origine naso-pharyngée. — BARRÉ, CHANÈS et CORBIER, 395.
196. — Traitement de la paralysie géné.
solaire, (réflexe). Voir ; réflexes. rale par le sulfarsénol et les pyré-
somnolence. Contribution au diagnos- togènes. — GUIRAUD et SONN, 395.
tic de l'encéphalite léthargique et sympathique. Pathologie du sympa-
des formes somnolentes des affec- thique. — LAIGNEL-LAVASTINE, 261.
tions encéphalitiques. — GRENAU- — Rôle du système sympathique et
DIER, 677, des perturbations circulatoires dans
la commotion spinale. — ANDRÉ tiques du système nerveux afférent,
THOMAS, 337. leurs fonctions et leur symptomato-
syphilis. Hémiplégie cérébelleuse sy- logie. — RAMSAY HUNT, 546.
philitique à forme cérébello-pyra- — Le système nerveux autonome.
mido-thalamique. — FAURE-BEAU- Sympathique et parasympathique.
LIEU et DESCHAMPS, 187. — LANGLEY, 262.
— Investigations expérimentales ré- — Quelques remarques sur le rythme
centes sur la syphilis neurotrope et respiratoire dans certaines maladies
le problème de la paralysie géné- chroniques du système nerveux, en
rale. — LAFORA, 549. particulier chez les pseudo-bul-
— La syphilis neurotrope. — LEVA- baires. — Mlle LÉvy et VAN Bo-
DITI et MARIE, 535. GAERT, 10.
— La thérapeutique spécifique dans — Quelques travaux récents sur les
les maladies syphilitiques du sys- lésions du système nerveux central
tème nerveux. — BONOLA, 328. dans la démence précoce. — SCHIFF,
— Maladie familiale atypique et sy- 431.
philis héréditaire. — GUILLAIN, ALA- — Recherches sur le rythme respira-
JOUANINE et HUGUENIN, 473. toire dans certaines maladies du
— Myélopathiecervicalesyphilitique à système nerveux, en particulier
forme amyotrophique. — MONIER- chez les pseudo - bulbaires. —
VI,-iARri et SCHNIETTE, 472. Mlle LÉvy et VAN BOGAERT, 302.
— Paraplégie spasmodique avec in- — Sur les altérations du système
version du réflexe achilléen, anoma- nerveux dans quelques maladies
lie vertébrale, hérédo-syphilis, com- dites musculaires. — CH. FOIX et
pression médullo-radiculaire. — J. NICOLESCO, 8.
LÉRI, WEISSMANN-NETTER et LE-
T
CONTE, I92.
— Psychoses périodiques dysthyroï- tabes. A propos de deux cas de tabes
diennes chez un hérédo-dystro- avec troubles mentaux. — PÉRON,
phique syphilitique. — LAIGNEL- 394.
LAVASTINE, 670. — A propos des interprétations déli-
— Syndrome myoclonique d'origine rantes de symptômes pathologiques.
syphilitique. — ANDRÉ-THOMAS et Le syndrome de Pierret-Rougier du
Mme LONG-LANDRY, 25 I. tabes et le délire d'interprétation de
— Syndrome parkinsonien et syphilis symptômes pathologiques. — TAR-
nerveuse. — DEMAY et PETITHONY, GOWLA, 667.
56. — La leucopyrétothérapie associée
— Syphilis et troubles mentaux. — au bismuth dans le traitement de la
HavEN, 537. paralysie générale et du tabes. —
— Syphilis générale. Paralysie géné- A. MARIE et KOHEN, 5^3.
rale ou folie intermittente. — CAR- — Le phlogetan dans le traitement
RETTE, 476. du tabes. — et REYS, 194.
BARRÉ
syringomyélie. Syringomyélie chez le — Poussée
évolutive, au cours d'un
frère et la sœur. — BARRI et REYS, tabes fruste ancien, ayant déterminé
193. de façon élective au niveau des
système nerveux. Kystes dermoïdes et membres supérieurs un syndrome
cholestéatomes du système nerveux polio-myélitique (cornes antérieures
central. Recherches anatomo-patho- et postérieures) de l'ataxie et des
logiques et considérations critiques. mouvements involontaires. — GUIL-
— LONGHITANO, 204. LAIN, ALAJOUANINE et GIROT, I.
19
— La thérapeutique spécifique dans — Psychose tabétique par interpré-
les maladies syphilitiques du sys- tation de symptômes somatiques
tème nerveux. — BONOI.A, 32S. dus à un tabès. — RouBiNovrrcH,
— Les composants statiques et ciné- MINKOWSKI et MONESTIER, 475.
tabel. Sur la pathogénie du tabes dor- dérées jusqu'ici comme crypto-géné-
salis. — VEGA, 2o3. tiques, et en particulier démons-
— Sur le
tabes; nouvelles études de tration de l'existence de psychoses
pathogénie, d'anatomie patholo- dues à des toxi-infections par le
gique et de clinique. — LAFORA, bacille de Koch. — GIARLO, 33o.
677. traumatisme. Délire interprétatif et
— Tabes avec idées délirantes de traumatisme. — CLAUDE, BOREL et
négations. — CÉNAC et PÉRON, 476. ABÉLY, 319.
tatouage. Impulsions au tatouage et — Myopathie atrophique localisée
perversions sexuelles. — ROGER aux trapèzes et consécutive à un
Dupouy et MINKOWSKI, 40. traumatisme. —J. LHERMITE, CÉNAC
température. Les relations entre les et N. PÉRON, 51.
lésions du tronc cérébral, l'élimina- — Trauma sexuel, névrose de défense
tion d'eau et la température corpo- et psycho-analyse. — SANGUINETTI,
relle. — ROGERS, 611. 334.
tension intra-oculaire. L'influence du trijumeau. Conservation de la sensibi-
système endocrinien sur la tension lité profonde de la face après section
intra-oculaire. — IMRE, 203. rétro-gassériennede la racine posté-

Étude comparative des pressions rieure du trijumeau. — A. SOUQUES
intra-rachidienne, sanguine et de la et HARTMANN, 51.
tension. — BATES BLOCK et OPPEN- tronc encéphalique. Coupes transver-
HEIMER, 404. sales sériées du tronc encéphalique.
tétanisation. Syndrome parkinsonien — BORDA, 402.
post-encéphalitique avec crises de tuberculose. Sur la réaction de Moriz
rigidité, tétanisation persistante du Weisz dans les maladies mentales
trapèze et des muscles dela face.— et les affections tuberculeuses. —
VINCENT et CHAVANY, 316. TIRETTA, 329.
tétanos. Sur les troubles des réactions — Tuberculose et maladies mentales.
électriques des muscles et des nerfs — ZALLA,
206.
pendant la convalescence du tétanos. tumeurs. Encéphalite ayant simulé
— GAUDUCHEAU, 537. une tumeur cérébrale. — KOGERER,
thalamique(syndrome).Des syndromes 324.
thalamique et cérébello-thalamique — Évaluation de la pression du
àévolutionrégressive.— LHERMITTE, liquide céphalo-rachidien dans les
Mlle BOURGUINA et NICOLAS, 189. méningites séreuses et dans les
thrombose. Sur le ramollissement de tumeurs de l'encéphale.— OTTORINE
la moelle épinière par thrombose. — BALDUZZI, 83.
D'ANTONA, 545.
— La
radiothérapie pénétrante des
torticolis. Spasme professionnel à tumeurs cérébrales. — Roussy et
forme de torticolis spasmodique Mlle LKVY, 473.
d'un côté et contracture unilatérale — Hémorragie rachidienne tardive
et permanente des pectoraux de chez les opérés de tumeurs médul-
l'autre côté. — HEUYER et MlleZIM- laires. — SICARD et LAPLANE, 254.
MER, 253. "*
— Les troubles
généraux et les lésions
— Torticolis spasmodique. Guérison. histologiques diffuses dans les tu-
— BABINSKI, 317.
meursintra-craniennes.Contribution
toxicomanes. Problème médico-légal à la pathogénèse et au diagnostic
d'un toxicomane. — DE FLEURY, des tumeurs cérébrales. — AGOSTA,
259. 324.
— Unrfest de sincérité dans le sevrage —
Paraplégie spasmodique perma-
des toxicomanes. — SANTENOISE, nente et destruction complète de la
CODET et VIDACOVITCH, 244. moelle dorsale par un fibro-gliome.
toxi-infections. Nouvelles études sur la Hypothèse sur l'étiologie de cette
nature des maladies mentales consi- tumeur coïncidant avec l'agénésie
d'un disque cartilagineux interver- ainsi que les noyaux gris centraux.
tébral. — SOUQUES et BLAMOUTJER,
— PARKER, 263.
193. tumeur. Un cas de tumeur cérébrale
tumeurs. Radiothérapie profonde et avec hémiparésie droite et troubles
tumeurs cérébrales. A propos d'un de l'équilibre. — NAUDASCHER, 476.
cas de néoplasme du ventricule
J
latéral droit. — UMENTIÉ et OLIVIER, U
534.
périthélial de la queue de urée. L'importance de l'urée dans la
— Sarcome démence précoce. — VVALKER, 549.
cheval avec xanthochromie du
liquide céphalo-rachidien au-dessus — Urée sanguine constante d'Ambard
de la tumeur. Localisation par le et régime hypo-azoté chez les épi-
lipiodol. Ablation chirurgicale. — leptiques. — HARTENBERG, 53Q.
GUILLAIN, ALAJOUANINE, MATHIEU et urine. La réaction de l'urine dans cent
BERTRAND, 3 14. vingt cas de désordres mentaux.

WALKER, 549.
— Sur la valeur des hallucinations
visuelles comme signe de localisa-
tion cérébrale. Leur prédominance V
dans les tumeurs du lobe temporal. vago-sympathique (équilibre). — Les
— HORRAX, 33o. variations de l'équilibre vago-sym-
— Sur le diagnostic des compressions pathique dans les crises confusion-
de la moelle. Mal de Pott à forme nelles. — TINEL et SANTENOISE,426.
de tumeur intra-rachidienne sans vaisseaux sanguins. Tissu conjonctif et
aspects radiologiques anormaux des vaisseaux sanguins dans les gan-
vertèbres. Sur l'évolution de la glions sympathiques de l'homme;
tuberculose vertébrale après lami- leurs modifications en rapport avec
nectomie. — VINCENT et DARQUIER, l'âge. — FOZZARI, 545.
598. Vaquez: maladie de). Un cas de ramol-
— Sur le diagnostic des tumeurs mé- lissement cérébral à foyers mul-
dullaires avec rigidité rachidienne tiples dans la maladie de Vaquef
et crurale douloureuse. Des carac. (polycythémie mégalosplénique). —
tères distinctifs de la rigidité rachi- WINTHER, 493.
dienne des tumeurs et de celle du vessie. Constante de replétion vésicale
mal de Pott. — VINCENT et CHA- et automatisme spontané de la
VANY, 315. vessie dans les fortes compressions
— Sur les tumeurs cérébrales. — de la moelle. — SOUQUESet BLAMOU-
CHRISTIANSEN, 471. TIER, 129.
— Sur un cas de tumeur intra-rachi- vertèbres . Dystrophie crurovesico-
dienne de la région dorsale. — fessière par agénésie sacro-coccy-
GUILLAIN, ALAJOUANINE, PETIT-DU- gienne (syndrome de réduction des
TAILLIS et PÉRISSON, 597. vertèbres sacro - coccygiennes). —
— Sur une tumeur rare de la glande FOIX et HILLEMAND, 392.
pinéale(épiphysome ?). — PATTI,4o3. — Syndromes de réduction numé-
— Tumeur de la région hypophysaire rique des vertèbres sacro-coccy-
avec syndrome parkinsonien. — VAN giennes. —AcHARD, FOIX et MOUZON,
BOGAERT etNYSSEN, 537. 194.
— Tumeur de la région infundibulo- — Vertèbre d'ivoire et paraplégie par
hypophysaireconsidérablement amé- compression dans un cas de cancer
liorée par le traitement radiothé- de sein. — SOUQUES, LAFOURCADE et
rapique. — Foix, HILLEMAND et TERRIS, 595.
Mme SCHIFF-WERTHFIMER, 598. virus-vaccin. Traitement d'un cas de
— Tumeurs cérébrales ayant simulé parkinsonisme post-encéphalitique
l'encéphalite léthargique et ayant par injection intra-rachidienne de
envahi les IIIE et IVE ventricules virus - vaccin encéphalitique (mé-
thode Levaditi - Poincloux ). — dans les tumeurs du lobe temporal.
MARIE, POINCLOUX et CODET,421. — HORRAX, 330.
vision. Alexie pure, reliquat d'agnosie
visuelle. — FAURE - BEAULIEU et W
JACQUET, 596. Wassermann (réaction de). Considéra-

Contribution à l'étude des phéno- tions sur les rapports entre la
mènes visuels d'excitation. — NIDA, neuro-syphilis, la réaction de Was-
479. sermann dans le sérum et dans le
— Les formes dégénératives et régé- liquide cérébro-spinal. — ARMUSSI,
nératives des voies visuelles à la 205.
suite des lésions du nerf optique. — Wernicke (syndrome de). Delirium
CATANEO, 324. tremens avec syndrome de Wer-
— Sur la valeur des hallucinations nicke. Polio-encéphalite hématique
visuelles comme signe de localisa- supérieure aiguë et lepto-méningite
tion cérébrale. Leur prédominance hémorragique. — REZZA, 206.
lU. — NOMENCLATURE DES PLANCHES ET FIGURES

Marchand (L.). — Considérations sur la paraplégie en flexion à propos


d'un cas. — i planche hors texte 19
Irabbe (Knud H.). — La sarcomatose diffuse des méninges (maladie d'Ol-
livier). — i planche hors texte 33
Buscaino (V.-M.). — Recherches sûr l'histologie pathologique et la patho-
génie de la démence précoce, de « l'amentia » et des syndromes
extra-pyramidaux. — 2 planches hors texte 217
Santenoise, Codet et Vidacovitch. — Un test de sincérité dans le sevrage
des toxicomanes. — Double planche hors texte 244
Santenoise et Vidacovitch. — Action du crataegus sur le tonus vago-sym-
pathique. — Double planche hors texte 246
Marinesco (G.) — Contribution à l'étude des lésions du myxœdème con-
génital (idiotie myxœdémateuse de Bourneville), — 10 planches
hors texte 265
Lévy (Mlle G.) et van Bogaert. — Recherches sur le rythme respiratoire
dans certaines maladies du système nerveux, en particulier chez les
pseudo-bulbaires. — 6 figures dans le texte 3o2
Thomas (André). — Rôle du système sympathique et des perturbations
circulatoires dans la commotion spinale. — 4 planches hors texte et
4 figures dans le texte 337
Conos (B.). — Cinq cas de maladie de Friedreich. — 4 planches hors
texte 449
Winther (K.). — Un cas de ramollissement cérébral à foyers multiples
dans la maladie de Vaquez (Polycythémie mégalosplénique). —
2 planches hors texte 493
Paulian (D.). — Pseudo-correction automatique du ptosis et du strabisme
externe dans les lésions nucléaires du moteur oculaire commun. —
1 planche hors texte 5o8
Kousnetzov (V.-P.). — De l'hypertonie dans les lésions du système pyra-
midal et extrapyramidal. — 10 figures dans le texte 559
Obregia et Paulian (D.). — Sarcome de la base du cerveau. — 1 planche
hors texte 58o
*

Schilder. — 2 planches hors texte ................


Urechia, Mihalescu et Elekes. — L'encéphalite périaxiale diffuse type
617

Le Gérant: G. DELARUE.

Imprimerie de J. Dumoulin, à Paris.

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