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Recommandations pour la traduction

des textes de sciences humaines


This book has been published with the generous support of the Ford Foundation. Special thanks
are due to Galina Rakhmanova.

Copyright ©2006 by American Council of Learned Societies, New York. The ACLS grants use of this
title free of charge for all non-profit, educational purposes. Proper citation is required; ACLS requests
that citations include: “SSTP Guidelines is available in multiple languages at www.acls.org/sstp.htm.”
For all other uses, contact permissions@acls.org.

ISBN: 978-0-9788780-4-7

10  9  8  7  6  5  4  3  2  1
Recommandations pour la traduction
des textes de sciences humaines
Traduit de l’anglais par
Bruno Poncharal

Dir ecteur s du projet

Michael Henry Heim et Andrzej W. Tymowski

    A merican Council of Learned Societies


Recommandations pour la traduction
des textes de sciences humaines
Traduit de l’anglais par Bruno Poncharal
Objectifs Ces recommandations s’appliquent d’abord aux
textes relevant des disciplines communément
Ces recommandations sont le fruit des travaux
regroupées sous le chef de sciences humaines
menés dans le cadre du Social Science Translation
(anthropologie, sciences de la communication,
Project, un projet lancé à l’initiative de l’American
cultural studies, économie, gender studies, géo­
Council of Learned Societies avec le soutien finan-
graphie, histoire, relations internationales, droit,
cier de la Fondation Ford. (On trouvera la liste
science politique, psychologie, santé publique,
des participants au projet dans l’annexe A). Notre
sociologie, et disciplines connexes) ; mais égale-
objectif est ici d’encourager les échanges dans le
ment aux textes produits par les organisations
domaine des sciences humaines par-delà les bar-
gouvernementales et non gouvernementales, par
rières linguistiques.
la presse ou par d’autres médias. Enfin, sont aussi
Tous ceux qui publient des traductions devrai­ent concernés pour une large part les textes issus des
être conscients du fait qu’elles sont le résultat d’un disciplines littéraires (histoire de l’art, musicologie,
processus complexe et intellectuellement très critique littéraire etc.) ainsi que la philosophie.
­exigeant. Malgré les pièges, les difficultés et les
Ces recommandations s’adressent avant tout à
­éventuelles erreurs inhérents au processus de tra-
ceux qui passent commande de traductions et/ou
duction, nous tenons à souligner dès le départ que
sont chargés de les publier, que nous désignerons
nous croyons possible le passage réussi d’une
par commodité par les termes de « commandi­
langue à l’autre. En outre, la traduction est source
taires » ou plus simplement d’éditeurs. Il s’agit de
de créativité car elle enrichit la langue cible* en y
mieux leur faire connaître le travail de traduction
introduisant des mots nouveaux, ainsi que les
et de les aider à se lancer dans leur projet avec
concepts et les conventions qui leur sont associés.
des objectifs réalistes : choix du bon traducteur
(Les termes suivis d’un astérisque sont définis dans
en fonction du texte à traduire, collaboration
le Glossaire, annexe B).

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 


f­ ructueuse avec ce dernier tout au long du ­processus ­pro­blèmes qu’ils rencontraient et les stratégies
et évaluation finale des traductions. Autrement qu’ils mettaient en œuvre pour les résoudre. Les
dit, notre objectif est d’aider les éditeurs à faire par­ticipants se sont réunis à trois reprises pendant
des choix éclairés au moment de la rédaction du l’élaboration du projet : la première fois, pour
contrat et de la relecture de la traduction. sélectionner les textes à traduire, la deuxième fois
pour discuter des traductions et la troisième pour
Bien qu’elles ne visent pas à constituer un
mettre en forme les recommandations. Au cours
manuel de traduction, ces recommandations inté-
de la première réunion qui s’est déroulée à Moscou
resseront aussi les traducteurs, dans la mesure où
en juillet 2004, les participants ont rencontré les
il y sera nécessairement question de la spécificité
membres d’une équipe ayant produit quelques
des textes de sciences humaines—par contraste
cinq cents traductions en russe d’ouvrages savants
avec les textes littéraires ou scientifiques par
dans diverses disciplines des sciences humaines
exemple—et des procédés de traduction les plus
(voir annexe C) ; lors de la deuxième réunion fut
adaptés à ce type de textes. On y proposera aussi
organisé un forum public rassemblant directeurs
quelques règles à suivre face à certains détails
de publication et éditeurs de textes de sciences
techniques (traitement des citations, translittéra-
humaines ; enfin la troisième rencontre à Monterey
tion, terminologie spécialisée et ainsi de suite).
(Californie) en mars 2005, donna lieu à une table
Enfin, ces recommandations s’adressent aussi ronde avec des membres de la Graduate School of
aux destinataires du produit fini. En effet, les lec- Translation and Interpretation au Mon­terey Institute
teurs en y découvrant tout ce qui est en jeu dans le of International Studies. Le texte issu de ces réu-
travail même de traduction seront peut-être plus nions fut alors envoyé à un groupe de ­ lecteurs
sensibles et plus réceptifs aux textes traduits aux- extérieurs pour qu’ils fassent part de leurs com-
quels ils ont affaire. mentaires. La version des recom­mandations que
vous avez sous les yeux est donc le fruit d’un
long processus. Pour autant, celui-ci ne doit
Comment ces recommandations
pas être considéré comme achevé. Vos commen­
ont-elles vu le jour ?
taires et vos suggestions sont bien­venus. Vous
Ont participé au projet des traducteurs spécialisés pouvez les adresser aux deux principaux
dans les sciences humaines, des chercheurs repré- ­responsables du projet, Michael Henry Heim
sentant diverses disciplines ainsi qu’un groupe (heim@humnet.ucla.edu) et Andrzej W. Tymowski
d’éditeurs et de journalistes. Les traducteurs ont (atymowski@acls.org).
fourni aux participants des traductions de huit
caté­gories de textes dans les quatre langues repré-
Pourquoi ces recommandations ?
sentées au sein du projet : anglais, chinois, français
et russe. Ces huit catégories étaient censées être Le besoin d’améliorer la traduction des textes
représentatives des genres et styles de textes que de sciences humaines est manifeste. La traduc­
des traducteurs en sciences sont susceptibles de tion américaine du Deuxième sexe de Simone de
rencontrer : textes universitaires (théoriques, tech­ Beauvoir, un texte fondamental du féminisme,
niques et jargonneux), textes journalistiques visant constitue un cas d’école. Si l’on en croit une
un public informé, documents gouvernementaux ­critique récente, la version en anglais du livre
ou émanant d’organisation non gouvernementales, comporte de graves contresens (voir l’article de
manifestes, éditoriaux, lettres à l’éditeur, sondages Sarah Glazer, « Lost in Translation » dans la
et enquêtes. Tout en travaillant à leurs traductions, New York Times Book Review du 22 août 2004,
les traducteurs prenaient des notes sur les 13). Le ­ traducteur, qui avait été choisi plus ou

 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


moins ­arbitrairement, a commis de nombreuses de la philosophie occidentales, à la pensée
erreurs élémentaires : ainsi, dans sa version du poli­tique et économique, aux textes clas-
texte les femmes se retrouvent coincées « en siques et aux idées actuellement en cir­
dépit » et non « en raison » d’un manque de gar- culation dans le monde. Mais ce pro­cessus
deries pour les enfants. Mais surtout, n’ayant pas d’appropriation est à sens unique. Ni la
la moindre connaissance de la philosophie existen­ profondeur de la tradition séculaire
tialiste qui avait servi de point de départ à Simone chinoise ni le rôle joué par la Chine dans
de Beauvoir, il traduit le concept de ­ pour-soi par l’histoire contemporaine mondiale n’ont
l’expression « vraie nature » [de la femme] (woman’s été reflétés dans les traductions occi­den­
true nature) ou encore par « essence féminine » tales de la pensée et de la culture chi­
(feminine essence) ; il utilise le mot « subjectif » dans noises. Si les œuvres de fiction et la poésie
son sens ordinaire de « personnel » alors qu’au sens classiques ont trouvé des traducteurs
de l’existentialisme, il signifie « exerçant sa liberté ­fervents et expérimentés, l’histoire et la
de choix ». Du coup, des générations de lecteurs philosophie ont été beaucoup moins bien
anglo­phones de Beauvoir se sont forgées une servies. . . . Pour prendre l’un des exemples
­opinion de sa position en s’appuyant sur des ­don­nées les plus frappants, il n’existe aucune tra-
erronées. Pourtant, cette traduction, parue en 1953, duction anglaise des princi­pales œuvres
reste à ce jour la seule disponible en anglais. de Hu Shi, figure centrale du ­premier li-
béralisme chinois ; il n’en existe pas non
Tout aussi manifeste et urgent est le besoin de
plus des essais de Lu Xun, qui ont exercé
traduire davantage. Suite aux bouleversements
une influence au moins aussi grande que
politiques survenus à la fin du vingtième siècle, les
ses romans ; aucune traduction non plus
anciens pays du bloc socialiste se sont mis à tra-
des travaux historiques de Chen Yinke. . . .
duire en masse les classiques occidentaux des
Alors que depuis les années quatre-vingts,
sciences humaines. Mais ces pays ne sont pas les
la littérature chinoise, toujours plus re-
seuls à devoir combler leur retard. Ainsi, dans son
connue internationalement, a été considé-
introduction à un recueil d’articles sur les récentes
rée digne d’être rapidement et massive-
évolutions de la Chine, l’auteur souligne avec
ment traduite en d’autres langues, tel n’a
vigueur la nécessité pour l’Occident d’améliorer sa
pas été le cas du débat intellectuel contem-
connaissance de ce pays en se référant aux travaux
porain, qui, en règle générale, ne parvient
d’universitaires chinois. Nous citons un large
au monde extérieur que par le biais d’une
extrait de cette introduction parce qu’elle pourrait
couverture médiatique pauvre et inter-
s’appliquer, mutatis mutandis, à l’ensemble de la
mittente. (Chaohua Wang, éd., One China,
communauté internationale.
Many Paths. Verso : Londres/New York,
2003, 9-10.)
Pendant plus d’un siècle, des intellectuels
chinois se sont efforcés de traduire
et d’intro­duire la pensée et la littérature Spécificité des textes de sciences humaines
­occi­­den­tales en Chine. Les événements
Les textes de sciences humaines ont-ils une spé­
poli­tiques, conflits mondiaux, guerres
cificité telle qu’on doive aborder leur traduction de
­civi­les et autres bouleversements, ont
manière différente de celle des textes scientifiques
­grave­ment ralenti ce long travail d’appro-
ou techniques (chimie, physique, mathématiques,
priation sans jamais l’interrompre
manuels d’instructions etc.), d’une part; et des textes
­complè­tement. Aujourd’hui, les lecteurs
littéraires, d’autre part? Nous pensons que oui.
chinois ont accès dans leur langue mater-
nelle à de vastes pans de la littérature et

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Les écrits scientifiques et techniques ressem- leur portée conceptuelle peut varier en fonction
blent aux textes de sciences humaines dans la même du contexte.
mesure où, comme eux, ils exigent du traducteur
Alors que spécificités stylistiques et expressivité
une parfaite connaissance de la discipline abordée.
sont au fondement du texte littéraire, la significa-
Cependant, les sciences exactes s’occupant avant
tion et l’impact des textes de sciences humaines
tout de la mesure de phénomènes physiques, les
ne dépendent pas en général des procédés stylis­
choix lexicaux sont le plus souvent tranchés et les
tiques mis en œuvre ; même si certains auteurs
ambiguïtés rares. C’est pourquoi les textes scienti-
s’enorgueillissent de leur style. Bien sûr, certains
fiques pourraient être de bons candidats à la
textes, comme les récits historiques, se rapprochent
­traduction automatique. Dans la mesure où cer-
de la littérature. Mais en général, celle-ci pri­
taines catégories de textes de sciences humaines se
vilégie la nuance, les sciences humaines, la clarté.
rapprochent par leur technicité des textes scienti-
Dans le domaine de la fiction, les idées et les faits
fiques—les documents publiés par les agences
sont créés dans et par le texte ; dans celui des
gouvernementales par exemple—ces derniers
sciences humaines, ces idées et ces faits sont tirés
pourraient eux aussi se prêter à la traduction auto-
du monde extérieur. Les deux types de textes sont
matique. (Voir annexe G.)
ancrés culturellement, mais plus encore les textes
Les théories issues des sciences exactes atteig­ de sciences humaines car nombre d’entre eux pré-
nent communément un niveau élevé de généralité, supposent et/ou décrivent des interactions entre
proche parfois de l’universalité. Même si les sci­ différentes cultures.
ences humaines aspirent à ce degré de généralité,
Le discours des sciences humaines tire aussi sa
elles sont souvent contraintes par leur environ­
spécificité du fait qu’il se transmet par le truche-
nement socioculturel. Une relation attestée dans
ment de concepts qui sont partagés (ou contestés)
un contexte donné peut ne pas se vérifier dans un
par une communauté de chercheurs ou par des
autre contexte ; ainsi, la corrélation généralement
groupes spécifiques—tels que les organisations
positive existant entre niveau de richesse privée et
­gou­vernementales et non gouvernementales—
santé publique ne décrit pas la situation chinoise
ayant des objectifs communs. Ces concepts
dans les années cinquante et soixante : la Chine
­s’apparentent souvent à des termes techniques,
jouissait en effet d’un meilleur niveau de santé
qui, à leur tour, sont spécifiques à une culture.
que d’autres pays ayant un niveau de revenu
Cette spécificité peut être liée à la période où ils
­équivalent. De manière moins évidente mais plus
sont apparus autant qu’à leurs caractéristiques
cruciale, la terminologie utilisée par une théorie
« ethniques » ou idéologiques. Ils peuvent aussi
peut manquer les réalités empiriques spécifiques
avoir intégré des présupposés historiques, c’est-à-
à une société ; en effet, la traduction des données
dire des notions non remises en question par
empiriques en langage théorique implique une
une société donnée. Les traductions directement
inter­prétation. Ainsi, pour prendre un autre exem-
tirées du dictionnaire peuvent passer à côté de
ple chinois, le terme généralement traduit par
­certaines nuances et ainsi induire le lecteur en
« coutumes » lorsqu’il fait référence à des prati-
erreur. Par exemple, le russe kompromis peut
ques sociales locales ne renvoie pas à la notion
­recéler une connotation négative absente du terme
européenne de « droit coutumier », pourtant les
français « compromis » (cf. « compromission » en
« coutumes » en Chine, c’est-à-dire les normes et
français qui est nettement négatif) ; en revanche
les conventions locales ont parfois un statut proche
le terme chinois xuanchuan n’a en général pas
de celui d’une loi. Le fait d’appliquer des termes,
la connotation négative associée à sa traduction
élaborés dans un contexte donné, à un autre con­
con­ventionnelle en français, « propagande ».
texte est source de traductions trompeuses puisque

 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Cette inter-référentialité exige du traducteur Qu’est-ce qu’un traducteur ?
qu’il soit averti non seulement du sujet dont traite
Règle fondamentale mais souvent négligée : les
le texte mais aussi des champs sémantiques plus
traducteurs devraient toujours traduire vers leur
larges où il s’inscrit. Le contexte disciplinaire dans
langue natale* ou leur langue dominante*, c’est-à-
lequel le texte s’élabore constitue un facteur impli-
dire celle dans laquelle ils peuvent s’exprimer avec
cite mais crucial du processus de traduction. Par
la plus grande précision. Il va sans dire qu’ils doi-
conséquent, le traducteur en sciences humaines
vent maîtriser la langue de départ, mais rares sont
doit connaître « la langue » de la discipline ou de
ceux qui la maîtrisent au point de pouvoir traduire
l’organisation à laquelle il a affaire (son jargon, ses
dans les deux sens. Bien que les bilingues* puis-
présupposés, son histoire) aussi intimement que
sent parfois faire exception à cette règle, les vrais
les langues naturelles, langue source et langue
bilingues, c’est-à-dire des locuteurs qui, à part
cible, avec lesquelles il travaille. (Voir les extraits
égale, ont grandi, reçu une éducation et baigné
de l’essai très clair et très avisé d’Immanuel
dans deux cultures et deux langues sont eux aussi
Wallerstein, « Les concepts en sciences sociales :
très rares.
problèmes de traduction », annexe H.)
Finalement, la connaissance de deux langues,
aussi intime fût-elle, ne fait pas un traducteur.
Financement des traductions
Cette connaissance est bien sûr un préalable indis-
Les problèmes de financement sont la raison la pensable, mais la traduction est un art, et à ce
plus souvent invoquée pour expliquer la rareté des titre, elle nécessite un apprentissage. La qualité
traductions. Ce facteur est d’autant plus impor- du produit fini dépend en grande partie de la for-
tant dans le domaine qui nous intéresse que bon mation reçue par le traducteur. Certes, le talent,
nombre des textes de sciences humaines, sinon la les aptitudes naturelles jouent un rôle, mais l’en-
plupart, ne sont pas écrits dans un but lucratif : les seignement reçu aide au développement de ces
éditeurs habitués à recevoir des manuscrits gra­ qualités naturelles et facilite l’acquisition de tech-
tuitement rechignent à consacrer à la traduction niques spécifiques.
ne serait-ce qu’une petite portion de leurs toujours
Ce genre de formation n’intervient en général
plus maigres ressources; en particulier dans la
que dans des établissements exclusivement consa-
mesure où les textes de sciences humaines génè-
crés à la traduction et à l’interprétariat. Néanmoins,
rent rarement des profits. Le recours aux sub­
certaines universités ont commencé à offrir des
ventions constitue un des moyens de régler ce
cours, voire à délivrer des diplômes de traduction.
prob­lème. Un grand nombre d’organismes cultu-
On pourra consulter une liste des programmes
rels gouvernementaux apportent leur soutien
­existants aux adresses Internet suivantes atanet.
financier aux traductions d’œuvres écrites dans la
org/certification/eligibility_approved.php et www.
langue de leur pays. L’attaché culturel dans le pays
lexicool.com/courses.asp. Un Master de traduction
où se trouve l’éditeur pourra fournir les informa-
typique comprend des cours sur les théories de la
tions nécessaires concernant les programmes
traduction, les techniques et les procédés de traduc-
adaptés, par exemple. Les éditeurs ont aussi la
tion, les outils et la technologie à la disposition du
possibilité de s’adresser aux instituts de recherche
traducteur, le métier de traducteur, etc.
spécialistes du sujet dont traite l’ouvrage qu’ils
comptent publier. Si l’on admet que la traduction de textes très
spécialisés devrait, dans le meilleur des cas, être
confiée à des chercheurs formés dans la discipline

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 


(voir plus loin « La spécificité des textes de sci­ Dans le cas d’ouvrages savants, l’éditeur pourra
ences humaines » et « Recommandations finales ») commencer par consulter les traductions réalisées
on ne peut, néanmoins, s’attendre à ce que ces der- par les précédents traducteurs de l’auteur. Si ce
niers obtiennent tous un diplôme de traducteur. dernier n’a jamais été traduit, l’éditeur pourra se
Cependant, dès lors que l’Université étend son tourner vers les traducteurs ayant travaillé dans la
offre d’enseignement de la traduction, les cher- même langue et dans le même domaine ou un
cheurs en sciences humaines envisageant de domaine connexe. Il pourra aussi demander à
­traduire des textes qu’ils considèrent comme l’auteur s’il connaît des spécialistes de sa discipline
­essentiels devraient être encouragés à suivre un tel dont la langue maternelle ou dominante est la
enseignement avant de se lancer dans leurs projets. langue cible, qui ont déjà traduit ou qui pourraient
être intéressés par un travail de traduction.
Qu’est-ce qu’un traducteur ? C’est quelqu’un
dont la langue maternelle* ou la langue domi- Dans le cas de travaux moins spécialisés (ouvra-
nante* est la langue vers laquelle il traduit, ayant ges de sciences humaines visant le grand public,
acquis un haut niveau de maîtrise de la langue textes émanant d’agences gouvernementales ou non
source* et suivi une formation professionnelle aux gouvernementales, etc.) l’éditeur peut avoir recours
techniques de la traduction. aux annuaires de traducteurs professionnels, sou-
vent répertoriés par spécialités et mis à disposition
par les diverses associations nationales de traduc-
Le choix d’un traducteur
teurs. Pour obtenir une liste de ces associations,
Certaines idées fausses, telles que « quiconque consulter le site web de la Fédération inter­nationale
parle deux langues est un traducteur potentiel » des traducteurs/International Fede­ration of Trans­
ou « un locuteur qui a pour langue maternelle la lators : www.fit-ift.org/en/news-en.php et cliquer
langue source comprendra mieux le texte et donc sur la rubrique Membres.
produira une meilleure traduction », ayant par le
Si toutefois aucun candidat satisfaisant n’a été
passé induit en erreur les éditeurs en quête de tra-
trouvé, le commanditaire peut envisager de
ducteurs, ne devraient désormais plus avoir cours.
faire travailler en équipe deux traducteurs : l’un
Il ne faut pas s’attendre à ce que quelqu’un qui
ayant pour langue maternelle ou dominante la
prétend connaître deux langues ou bien qui tra-
langue source, l’autre la langue cible ; le premier
duit vers une langue autre que la sienne puisse
four­nissant une traduction brute revue par le
produire de bonnes traductions. Le traducteur
second afin d’en tirer un texte acceptable ; en cas
idéal, comme nous l’avons vu, est quelqu’un dont
­d ’ambiguïtés, le traducteur final pourrait toujours
la langue maternelle ou dominante est la langue
consulter son partenaire. Pour aboutir à un résul-
cible, qui a acquis une connaissance approfondie
tat satisfaisant, il est absolument ­ nécessaire que
de la langue source, reçu une formation aux tech-
les deux membres de l’équipe aient une bonne
niques de traduction et—en particulier s’il s’agit
connaissance du sujet traité.
d’un texte savant—qui connaît bien le sujet traité
par le texte. Trouver un tel traducteur peut consti- Une fois choisis les traducteurs potentiels, il est
tuer un véritable défi. recommandé de leur demander de faire un essai,
même s’il s’agit de traducteurs expérimentés ou
avec qui l’éditeur a déjà travaillé. En effet, le tra-
ducteur doit être en mesure d’affronter le texte qui

Des traducteurs répondant à tous ces critères étant parfois
lui est soumis. L’extrait de cinq à dix pages devra
difficiles à trouver, certains chercheurs ont mis au point des
techniques pour aider ceux qui sont appelés à traduire dans alors être évalué, dans le meilleur des cas par un
une langue qui n’est pas la leur. (Voir la section Formation locuteur dont la langue maternelle est la langue
dans l’annexe D, et la bibliographie.) source et qui connaît bien le sujet de l’ouvrage.

 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Cette évaluation, en dépit de son coût, est un bon celui de l’auteur sur la page de titre d’un livre ou en
investissement, car elle évite de devoir payer pour tête d’un article.
une traduction se révélant au bout du compte
En même temps qu’un texte source propre,
défectueuse, voire inutilisable.
l’éditeur devra fournir au traducteur une feuille
de style, évitant ainsi au rédacteur de passer un
Collaboration entre l’éditeur et le traducteur temps précieux à corriger des détails techniques.
Il serait bon, dans la mesure du possible, que
Etant donné la capacité des sciences humaines à
­l ’éditeur et le traducteur puissent se rencontrer
influer sur les politiques publiques, et donc sur la
avant le lancement du travail de traduction pro-
vie de millions d’individus, il revient à l’éditeur et
prement dit, ou, si une rencontre en tête-à-tête est
au traducteur de fournir une traduction la plus
impossible, puissent correspondre par courrier
fiable possible. Une bonne collaboration entre
pour discuter de points importants. Le traducteur
ces deux acteurs est donc cruciale. (L’annexe E est
devrait être informé du contexte dans lequel la
con­sacrée à une brève présentation de plusieurs
traduction sera publiée et de la nature du public
cas de collaborations éditeur/traducteur). Les
visé, car cela influera sur sa manière d’aborder le
­pratiques éditoriales et les sommes allouées au
texte. Il devra pour sa part signaler à l’éditeur
processus d’édition étant variables, nous décrirons
d’éventuels problèmes (texte verbeux, jargonnant,
d’abord un scénario idéal, en suggérant des adap-
syntaxe alambiquée) et lui proposer des stratégies.
tations lorsque les conditions sont plus difficiles.
Par exemple, en lui demandant où il souhaite se
Avant de lancer la traduction du texte, le com- situer entre les deux pôles extrêmes de la traduction
manditaire devra bien sûr en avoir obtenu les droits littérale et de la traduction libre. (Voir dans l’annexe
et avoir rédigé un contrat avec le futur traducteur. F des exemples de traductions « trop » littérales et de
Les contrats et leurs diverses clauses—tarifs, mode leurs contreparties plus acceptables). Par ailleurs, le
de paiement (le traducteur peut être payé au mot, traducteur pourra signaler à l’éditeur que le texte
ce qui est la norme dans les pays anglo-saxons, au traduit n’aura pas nécessairement la même longueur
feuillet, au nombre de carac­tères), droits d’auteur, que l’original. Une traduction russe, par exemple,
droits secondaires, dates butoir—varient énormé- est souvent plus longue que l’original français,
ment selon les pays, les éditeurs et même le type de tandis qu’une traduction française de l’allemand
projet. Les tarifs pratiqués peuvent dépendre de aura tendance à être plus courte.
l’expérience du traducteur et de la nature du texte
Peu d’éditeurs possèdent les compétences lin-
source (ou, parfois de la langue source). Nous nous
guistiques et/ou les connaissances suffisantes pour
abstiendrons donc de donner des recommanda-
leur permettre d’assimiler le texte source; on
tions concernant ces divers points. Les éditeurs
pourrait, dans ce cas, envisager de recourir aux
n’ayant pas d’expérience de travail avec un traduc-
services d’un consultant linguistique maîtrisant
teur consulteront les contrats types et les tarifs
les deux langues et bien au fait du sujet traité pour
indiqués par les associations de leur pays. (Pour le
qu’il compare la traduction avec l’original. Néan­
site web ­donnant la liste de ces associations, voir la
moins, même lorsqu’on n’a pas accès au texte
section « Le choix d’un traducteur »). Dans certains
source, il est possible en lisant attentivement la
pays, des agents se chargent des négociations ;
traduction de repérer le manque de logique, les
dans d’autres, c’est le traducteur qui négocie
incohérences, et autres difficultés terminologiques
­directement avec le directeur de la publication ou
affectant certains passages. Il est donc con­seillé
l’éditeur. Néanmoins, tout contrat devra préciser
aux éditeurs de lire un chapitre ou deux de l’ouv­
où figurera le nom du traducteur, celui-ci devant
rage en cours de traduction, en particulier s’ils
être mentionné de toute façon; l’emplacement le
n’avaient pas au préalable demandé un essai.
plus logique nous paraît être immédiatement après

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 


Le traducteur devrait être tenu régulièrement On peut poser la question autrement : dans quelle
au courant des modifications apportées à son texte mesure une traduction en sciences ­ humaines
au cours du processus éditorial et de la prépara- devrait-elle s’efforcer de reproduire la rhétorique
tion de copie—ces modifications étant idéalement et le style caractéristiques de sa source ? Bien qu’il
le fruit de compromis entre les deux parties. n’y ait pas de réponse absolue, cette question est
Aussi lourde que puisse paraître toute cette pro­ centrale et en soulève une autre qui lui est cor­
cédure, l’éditeur doit garder à l’esprit qu’une rélative: quelle part du sens d’un texte de sciences
fois publiée, la traduction fait référence, qu’elle humaines est-elle véhiculée par sa forme même?
acquiert son autonomie et peut être source d’idées Si la forme est perdue, une part du contenu ne
nouvelles. C’est pourquoi chacun des acteurs inter­ l’est-elle pas également ? Tout dépend, en réalité
venant dans le processus de traduction devrait du genre de texte et de son auteur. Le journalisme
veiller à ce que cette dernière reflète le plus et la vulgarisation tirent une bonne part de
­fidèlement possible l’original. leurs effets de leurs modes d’expression. Mais
il en va de même, certes selon des modalités
­différentes, pour Heidegger et Lévi-Strauss.
Échanges entre auteur et traducteur
En fait, le ­ traducteur cherchera généralement à
Le degré de coopération souhaitable entre un maintenir un compromis entre clarté et spécificité
auteur vivant et son traducteur dépend de nom- stylistique.
breux facteurs, notamment de la personnalité de
La manière dont les idées prennent forme et
l’auteur, de sa disponibilité, de ses compétences
acquièrent une expression verbale varie d’une
et/ou de sa subtilité linguistiques. Le traducteur
­cul­ture à une autre. Derrida est allé jusqu’à
agissant comme son représentant, il est dans
dire que seuls les nombres pouvaient être traduits
­l ’intérêt de l’auteur de collaborer et son impli­
indépendam­ment de tout arrière-plan culturel et
cation dans le processus de traduction peut se
historique. Les traducteurs doivent trouver les
­révéler utile. Elle peut aussi poser quelques pro-
moyens de transmettre les particularités de la
blèmes. (Voir à cet égard des cas d’expériences
culture et de la langue source sans aliéner les lec-
positives et négatives dans l’annexe E).
teurs de la langue et de la culture d’arrivée; ils
doivent éviter l’écueil consistant à reproduire ser-
Traduction cibliste* contre traduction sourciste* vilement un processus argumentatif qui devient
alors incompréhensible et celui consistant à le
Editeurs et traducteurs doivent se mettre d’accord
remodeler pour le rendre familier et facile d’accès.
sur la stratégie de traduction à adopter face
Il n’y a pas de réponse toute faite à la question de
à un texte. Jusqu’où le traducteur doit-il aller
savoir où il faudrait se tenir entre ces deux
pour « naturaliser » ou « acclimater » (domesticate)
­extrêmes: chaque texte est sui generis. C’est
l’original—c’est-à-dire, rendre accessible à la
à ­ l’éditeur et au traducteur d’en discuter. On
culture d’arrivée l’approche méthodologique, les
­pourrait néanmoins énoncer la règle suivante: il
catégories intellectuelles, la taxonomie etc. pro-
s’agit de repousser les limites stylistiques de la
pres au texte de départ—en adaptant ses concepts
langue cible aussi loin que possible afin de refléter
et ses structures? Ou, au contraire, dans quelle
les particularités de la langue source, sans jamais
mesure le traducteur doit-il maintenir la termi­
aller jusqu’à produire un texte qui paraisse étrange.
nologie et les structures propres à la culture de
En d’autres termes, la traduction devrait rester
départ, en faisant le sacrifice de l’élégance, afin
compréhensible sans nécessairement se lire comme
de signaler au lecteur qu’il est bel et bien en train
si elle avait été directement écrite dans la langue
de lire un texte traduit, appartenant à une autre
d’arrivée, l’objectif étant de produire un texte aussi
culture, plutôt qu’un document original?
plausible que possible.

 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Quand une cuisine fait son apparition dans une que la syntaxe est pleinement signifiante. Son
culture où elle est inconnue, elle doit garder son message n’est sans doute pas aussi direct que celui
parfum d’origine sans rebuter ses nouveaux porté par le lexique, mais elle influence notre
consommateurs. De cette métaphore on peut manière de percevoir et de déployer une argu­
déduire le corollaire suivant: plus la culture mentation. Il peut donc s’avérer souhaitable d’aller
­d ’accueil est sophistiquée plus elle est prête à plus loin et de laisser une touche « d’étrangeté »
accepter la cuisine étrangère sous sa forme la plus pénétrer la traduction, sans, encore une fois, mal-
authentique et la plus corsée. traiter la structure de la langue cible. (Se reporter
au paragraphe « Traduction cibliste contre traduc-
tion sourciste. »)
Les écueils de la traduction en
sciences humaines Modification de la stratégie argumentative.
Tout comme le « génie » d’une langue joue sur
Corrections apportées au texte original. Même
la façon dont écrivent ses utilisateurs, leur tradi-
si les traducteurs jouent dans une certaine mesure
tion intellectuelle influe sur la manière dont ces
un rôle d’éditeurs — en clarifiant le texte et en le
derniers conçoivent et formulent leurs arguments.
rendant acceptable pour son nouveau public — ils
Les traducteurs, même s’ils doivent ­ s’efforcer de
n’ont pas à corriger ce qu’ils considèrent comme
conserver la spécificité des concepts et de l’argu-
des erreurs. Si, malgré tout, ils sont tentés de le
mentation de la langue source, ne ­doivent pas aller
faire, il serait bon qu’ils exposent leurs désaccords
jusqu’à faire passer l’auteur pour un imbécile. On
dans une note de bas de page ou dans une intro-
peut citer pour illustrer cette ­ différence au plan
duction, aussi objectivement que possible et en
idéologique (analogue à celle touchant à la com-
s’abstenant de toute argumentation polémique.
plexité des phrases au plan stylistique) 1) l’argu-
En revanche, le traducteur peut prendre la liberté
mentation allant du particulier au général
de corriger des erreurs mineures, touchant à
(méthode inductive), par opposition à celle allant
­l ’orthographe des toponymes par exemple.
du général au particulier (méthode déductive),
Aplanissement des particularités stylistiques. et 2) l’approche empirique (faisant dériver la
L’« esprit » ou le « génie » d’une langue influence la connaissance des données des sens ou de l’expé-
façon d’écrire de ses utilisateurs. Il est couram- rience) par opposition à la démarche ­ spéculative
ment admis, par exemple, que l’anglais, plus (s’appuyant avant tout sur la réflexion, le raison­
que de nombreuses autres langues, privilégie les nement, plutôt que sur l’observation). (Voir
­phrases courtes. Un traducteur travaillant vers encore une fois « Traduction cibliste contre tra-
cette langue pourrait ainsi être tenté de trans­ duction sourciste. »)
former un texte français composé de phrases
Faux-amis. Les traducteurs doivent être parti­
­complexes et plurivoques en un texte composé
culièrement attentifs aux mots qui ont la même
de phrases courtes et limpides. Mais la concision
forme dans les deux langues mais un sens
n’est pas une qualité en soi, même en anglais. Si
­différent : fr. sympathique et ang. sympathetic
certains manuels de style prescrivent une longueur
(qui signifie « compatissant, compréhensif, bien
optimale de dix mots par phrase, bannissant
disposé » etc.), ou ang. gift (« don, cadeau ») et all.
comme « alambiquée » celles qui excèdent les vingt
Gift (qui signifie « poison »). Il s’agit souvent
mots, il n’en reste pas moins que l’anglais tolère
d’emprunts* (aussi appelés calques), tel que le
parfaitement des phrases bien plus longues. En
russe killer (qui signifie « tueur à gages » et pas
portant un soin attentif à la syntaxe (et donc à la
simplement « meurtrier, assassin »), ang. malicious
ponctuation), il est possible de reproduire de lon-
( fr. « malveillant »).
gues phrases sans violer l’esprit de la langue
anglaise. Les traducteurs doivent garder à l’esprit

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 


Faux-amis conceptuels. La traduction tendan- Il arrive aussi que de tels changements
cieuse, consciente ou inconsciente, de termes s­ émantiques se produisent en dehors de tout
techniques*, en particulier quand il s’agit de faux ­bouleversement politique mondial. Une person-
amis conceptuels*, constitue un autre danger nalité influente peut très bien en être à l’origine.
plus insidieux. Bien que la mon­dialisation ait Ainsi Hegel a imposé un sens philosophique
­tendance à unifier la signification de ces termes, ­spécifique au mot Aufhebung, dérivé du verbe
des divergences importantes continuent d’exister. aufheben qui signifie lui-même littéralement
Une ­traduction littérale du mot « État » par exem- « soulever » et au figuré « annuler ». Certains
ple, peut donner lieu à des méprises en raison de traduc­teurs ont proposé de le traduire par le terme
la différence entre les conceptions occidentales de « sup­pression », d’autres par « sursomption » ou
de cette notion, se ­ référant implicitement ou « dépasse­ment » ; d’autres encore ont choisi de
explicitement à la ­ définition qu’en donne Max conserver le mot allemand. Quoi qu’il en soit, un
Weber, et les con­ceptions que s’en font les terme de ce genre appelle une note, ou, si plusieurs
­chercheurs engagés dans une lecture critique termes sont concernés, une introduction. Il est
du modèle occidental des sciences humaines appli- recommandé aux traducteurs de prêter une atten-
qué aux institutions des pays non occidentaux. Ce tion spéciale à ces termes techniques susceptibles
qui passe pour une ­terminologie « internationale » de devenir des mots clés de la discipline.
peut donc se ­révéler trompeur, voire dans certains
Tendance à la prolixité. Les textes de sciences
cas extrêmes, le moyen pour une culture d’imposer
humaines ont tendance à être prolixes. Il existe un
ses sig­nifications. Un mot tel que « démocratie »,
moyen de remédier à ce problème, qui consiste à
qui semblerait pourtant avoir des équivalents
éliminer les mots grammaticaux :
directs, peut donc nécessiter une note en bas de
page, voire — si cela a des conséquences sur la • afin de faciliter l’application > pour faciliter
façon dont le lecteur est susceptible d’appréhender l’application
un concept tout au long d’un article ou d’un livre
• les réformes qui ont été récemment introduites
— une introduction du traducteur.
> les réformes récemment introduites
Les faux amis conceptuels peuvent apparaître
Si un texte est particulièrement répétitif ou
au fil du temps, lorsque le contenu sémantique
flou, le traducteur peut le signaler à l’éditeur avant
d’un même terme se modifie sans que le mot
de se mettre au travail et lui demander s’il préfère
­luimême change. C’est ce qui se passe actuelle-
que la traduction reproduise ces défauts ou les
ment dans les (ex-)pays communistes. Ainsi le
minimise. (Voir à ce sujet « Échanges entre le tra-
terme chinois nongmin, généralement traduit par
ducteur et l’éditeur. »)
« paysan(s) » dans les textes communistes, peut
aujourd’hui se traduire par « agriculteurs » afin de Incohérence de la terminologie. En règle géné-
mieux refléter les nouvelles réalités économiques rale, un terme récurrent devrait être traduit par le
du pays. Le problème est parfois plus compliqué même mot à chaque fois, à condition de s’assurer
encore : que signifie aujourd’hui le concept chinois que son sens reste identique. Dans le cas contraire,
fengjian, ordinairement traduit par « féodalisme » le traducteur, après avoir fait un choix délibéré,
dans les textes communistes ? Conserve-t-il sa con­ pourra opter pour une autre traduction. Par
notation marxiste ? A quel moment un chercheur ailleurs, et à des fins de cohérence, l’éditeur
russe utilise-t-il le mot ob”ektivno, « objective- pourra suggérer aux traducteurs de se constituer
ment », dans son sens marxien ou dans son sens un glossaire de mots clés.
ordinaire ? Le traducteur risque alors d’avoir un
parti pris et de proposer un commentaire plutôt
qu’une définition.

10 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Langage spécifique à une époque. Les traduc- d’abord étranges ; dans le premier cas, parce qu’il
teurs, pour se préserver des anachronismes s’agit de mots étrangers, dans le second, parce
linguistiques et culturels, doivent avoir présent à
­
que la langue cible semble se conformer au
l’esprit les différences dans les modes de pensée et moule de la langue source. Mais les langues ont
les conventions existant entre le moment où ils de tout temps accepté et intégré les emprunts et
traduisent et le moment où le texte fut écrit. Ainsi, les ­calques. L’anglais s’est enrichi d’innombrables
il ne s’agit pas d’utiliser rétroactivement la langue emprunts au français pendant le temps de la con­
du politiquement correct. quête normande et n’a pas cessé jusqu’à aujourd’hui
d’assimiler des mots étrangers. Quant aux calques,
Emploi des termes techniques.* Les chercheurs
combien d’anglophones savent que l’expression
en sciences humaines qui introduisent des concepts
kill the time est une traduction littérale du français
nouveaux ont en général recours à des mots ou des
« tuer le temps » ?
expressions qu’ils forgent pour l’occasion. (Le
« capital culturel » de Bourdieu ou « l’éthique Dans les deux cas de figure, les traducteurs
protestante » de Weber en sont des exemples typi- devraient ajouter une note en bas de page pour
ques). S’ils finissent par être largement acceptés, indiquer qu’ils introduisent un terme de leur
ils deviennent ce que nous avons appelé des termes invention ou bien qu’ils souhaitent remplacer une
techniques. Les concepts et les mots qui les repré- traduction habituelle par un mot ou une expres-
sentent sont souvent fortement ancrés dans une sion de leur cru. Cette démarche ne s’impose pas
culture donnée. Leur spécificité peut être liée quand le mot est répertorié dans un dictionnaire
aussi bien à l’époque où ils furent forgés qu’à des unilingue de la langue cible de taille moyenne
facteurs ethniques ou nationaux. De plus, ils sont (tels Le Petit Robert, ou Le Petit Larousse). Ainsi,
susceptibles de devenir des faux amis conceptuels*, ni goulag ni politburo ne nécessitent de note,
c’est-à-dire qu’au sein de la même tradition ils contrairement à politruk. Celle-ci pourrait être
peuvent très bien avoir des sens différents selon formulée de la manière suivante : « Nous utilisons
les auteurs. Cette labilité sémantique pose un pro- le terme de ‘commandant politique’ pour traduire
blème majeur. politruk, un mot-valise contraction de politicheskii
rukovoditel’, qui désigne précisément un membre
Les termes techniques jouent un rôle central
officiel du Parti chargé de la formation idéologi-
dans le discours des sciences humaines, les tra-
que des forces armées soviétiques ». Une note
ducteurs doivent s’efforcer non seulement de les
concernant une expression comme « Home Rule »
rendre correctement mais aussi d’attirer l’attention
que les traducteurs laisseraient probablement en
des lecteurs sur eux. En l’absence de solution
anglais dans leur traduction plutôt que de la tra-
­universelle face à ce genre de difficultés, on peut
duire par ­ « gouvernement autonome », et qui
proposer deux stratégies ayant fait leurs preuves :
constituerait donc un emprunt, pourrait prendre
1) le recours à l’emprunt* — par exemple en utili-
la forme ­ suivante : « On désigne ainsi le régime
sant directement les mots russes pour traduire
d’auto­nomie par rapport au Royaume-Uni reven-
des termes appartenant au vocabulaire soviétique
diqué par ­l’Irlande de 1870 à 1914 ». Les notes se
(comme le mot français politburo issu du russe
­doi­vent d’être à la fois concises et précises. Les
politbiuro < politicheskoe biuro, « bureau politique »
com­men­taires plus développés ou en forme
ou le mot français « goulag » du mot russe gulag <
­d ’argumentation ont leur place dans un avant-
gosudarstvennoe upravlenie lagerei « administration
propos du traducteur.
des camps d’État ») ; 2) recourir au calque* comme
le français « commandant politique » pour rendre Les notes de bas de page peuvent aussi aider le
le russe politruk. Dans les deux cas, on aboutit lecteur à repérer ou à élucider les jeux de mots, les
à des termes ou des expressions qui paraissent proverbes, les références littéraires ou culturelles,

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 11


etc. Il s’agit de n’expliquer que ce qui est clair pour Constitución (plutôt qu’avenue de la Con­stitu­
les lecteurs de la langue source et qui pourrait ne tion); russe Nevskii prospekt, fr. Perspective
pas l’être pour les lecteurs de la langue cible. Par Nevski, mais russe, Ulitsa Gor’kogo > fr. rue
ailleurs, les notes ne sont pas l’unique recours. Par Gorki.
exemple, le traducteur peut parfaitement ajouter
• Les titres de journaux et de revues sont repris
un ou deux mots transparents en guise d’explica-
en version originale : le New York Times, le
tion. On peut s’attendre à ce que les lecteurs d’un
Renmin ribao, la Pravda. Les titres de livres
texte traduit du français comprennent que les
ou d’articles sont reproduits dans la langue
« grandes écoles » sont des institutions d’enseigne­
originale mais sont suivis d’une traduction
ment supérieur, mais pas forcément qu’elles jouis-
entre parenthèses. Cela s’applique également
sent d’un prestige particulier ; il suffit pour cela
aux titres qui apparaissent dans le texte ou
que le traducteur ajoute un mot d’explication :
dans les notes. L’usage des majuscules suit les
« the prestigious grandes écoles ».
conventions de la langue utilisée pour le titre,
Parfois, on peut faire l’économie partielle ou version originale ou traduction : Le Contrat
totale des notes en mettant entre parenthèses le social (anglais, The Social Contract), russe,
terme de la langue source dans la traduction. Literatura i revoliutsiia (français, Littérature et
Prenons à nouveau le terme ‘commandant politi- révolution, anglais, Literature and Revolution).
que’ comme équivalent du russe politruk. S’il
• Les unités locales de mesure sont converties
apparaît assez clairement dans le contexte que ce
entre parenthèses dans le système métrique :
terme est utilisé en lien avec les forces armées, le
cinquante miles (quatre-vingts kilomètres),
traducteur peut le mettre entre parenthèses en
cent mu (soixante-sept hectares). Les unités
version originale après sa traduction — comman-
monétaires locales doivent être conservées ; la
dant politique (politruk) — signalant ainsi son
conversion n’est pas nécessaire.
statut de terme technique et sa provenance aux lec-
teurs qui connaissent le terme russe. Toutefois, il • Les institutions gardent généralement leur
n’est pas recommandé de faire appel à ce procédé appellation dans la langue d’origine : le British
de manière systématique, car cela pourrait aussi à Council, la Douma ; à moins qu’il existe une
la longue faire douter des capacités du traducteur. traduction conventionnelle (The White House >
la Maison Blanche) ou que la tradition de la
langue cible en décide autrement. On peut aussi
Considérations techniques à l’attention
traduire le nom des institutions, de préférence
des traducteurs et des éditeurs
lors de leur première occurrence, quand leur
• La ponctuation respecte les conventions de la sens littéral est important.
langue cible.
• Les mots étrangers utilisés par l’auteur sont
• La reproduction des toponymes respecte les conservés (et suivis d’une traduction si le
con­ventions de la langue cible : rus. Moskva traducteur le juge nécessaire). Si le mot en
> fr. Moscou. Les noms de rue, en revanche, question est dans la langue cible (par exemple si
apparaissent généralement dans la langue on traduit vers le français et que l’auteur utilise
d’orig­ine, bien que les mots « rue », « avenue » un mot français), le traducteur le signalera en
etc. puissent être traduits, en particulier, quand mettant le mot en italique ou en ajoutant une
la langue source est peu connue dans la cul­ note. N.B. Cette règle ne s’applique pas aux
ture de la langue d’arrivée : français, rue de emprunts bien installés dans la langue cible
Rivoli > anglais, Rue de Rivoli ; espagnol, (c’est le cas du mot anglais marketing dans de
Avenida de la Constitución > fr. Avenida de la nombreuses langues : français, russe etc.)

12 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


• Les mots ou les titres appartenant à des langues • Les outils de référence pour le traducteur
utilisant un système d’écriture différent de celui sont les dictionnaires unilingues de la langue
de la langue cible doivent être translittérés, à source et de la langue cible. Les dictionnaires
l’aide du système de translittération standard bilingues sont utiles dans deux cas : 1) quand
quand il existe. Certains systèmes, comme la le traducteur connaît un mot mais n’arrive pas
romanisation pinyin du chinois ont été adoptés sur le moment à trouver un équivalent dans sa
pratiquement par toutes les langues, d’autres langue, et 2) lorsque le traducteur apprend après
néanmoins sont spécifiques à chaque langue avoir consulté un dictionnaire unilingue que le
cible. Le système utilisé par la Library of Congress mot en question fait référence à une plante, un
(bibliothèque du Congrès) (voir Barry Randall, animal, etc., c’est-à-dire lorsqu’il y a de fortes
ALA-LC Romanization Tables. Washington : chances qu’il existe un équivalent direct dans la
Library of Congress, 1997) est devenu standard langue cible. Les ouvrages de type « thésaurus »
pour la translittération en anglais, mais pas offrent toujours davantage de synonymes que
en français, en allemand, ou en espagnol, les dictionnaires les plus complets.
etc. Lorsque le système de trans­littération
S’il n’aboutit pas dans son travail de recherche,
est particulier à une langue, le traducteur
le traducteur peut se tourner vers un locuteur
doit passer du système utilisé dans la langue
« natif » de la langue source, de préférence con­
source à celui utilisé dans la lan­gue cible, ainsi
naissant bien le sujet abordé par le texte. On peut
Chernobyl dans un texte anglais sera retranscrit
aussi faire appel aux services d’un spécialiste de la
« Tchernobyl » dans une traduction française.
discipline parlant la langue cible pour relire la
Parfois la situation est rendue complexe du fait
­traduction et rédiger des notes à ­l’attention du tra-
que deux systèmes coexistent, l’un ordinaire
ducteur et de l’éditeur. (Voir aussi « Echanges entre
et concernant surtout les noms propres et les
le traducteur et l’éditeur » et « Évaluation.  »)
toponymes (c’est le cas de la translittération
des noms russes en français ; la Bibliothèque
nationale de France préconise le recours à la nor­ Évaluation de la traduction
me dite ISO 9, ISO désignant l’Organisation
Le processus d’évaluation sera différent selon que
internationale de normalisation ; ainsi on écrit
l’éditeur connaît ou pas la langue source. Dans le
généralement « Gorbatchev », alors que selon la
premier cas, l’éditeur, plutôt que de faire des allers
norme officielle on devrait écrire « Gorbac̆ëv »).
et retours entre l’original et la traduction, pourra
Dans le doute, les traducteurs peuvent s’adresser
avantageusement lire le texte traduit directement
aux associations de traducteurs de leur pays.
et ne revenir au texte source que s’il est arrêté dans
• Lorsque l’auteur cite un passage écrit dans la sa lecture par une anomalie quelconque. L’éditeur
langue cible, le traducteur doit reproduire le qui ignore la langue source se trouve en revanche
passage original et ne pas re-traduire à partir dans une situation délicate : comment sera-t-il en
de la traduction. Si l’auteur n’a pas donné la mesure de juger de la qualité de la traduction ? Il
référence du passage en question, le traducteur peut s’y préparer en lisant des textes traduits du
doit aller la chercher ou bien la demander à même auteur, en particulier si ces textes ont été
l’auteur quand c’est possible. Par ailleurs, la bien accueillis. Quant à la nouvelle traduction, ils
présentation des références bibliographiques doivent aussi la lire comme un texte indépendant
dans les notes doit suivre les conventions de la afin de juger de sa pertinence. Une lecture atten-
langue cible. tive permet souvent de détecter d’éventuels pro-
blèmes de traduction ; quoi qu’il en soit, si l’éditeur

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 13


n’a pas accès à l’original il lui faut consulter le tra- Dans le cas des textes savants, il est plus diffi-
ducteur à chaque fois qu’un passage sonne faux. cile de trouver le « bon » traducteur, car rares sont
Une autre possibilité consiste à faire appel à un les chercheurs en sciences humaines—du moins
réviseur extérieur, connaissant les deux langues et dans les pays de langue anglaise—ayant une
le sujet abordé par le texte en question. connaissance suffisante d’une langue étrangère
pour leur permettre de traduire. Ils sont plus rares
encore à avoir bénéficié d’une formation aux tech-
Recommandations finales
niques de la traduction. Les sciences humaines
Il n’y a pas de traducteurs nés. Une solide connais- doivent tenir compte de l’importance et des consé-
sance de la langue source et de la langue cible est quences du processus de traduction. Si les cher-
évidemment nécessaire, mais la formation profes- cheurs sont voués à traduire leurs collègues—afin
sionnelle est elle aussi essentielle. La nature de de répondre aux exigences de la recherche—c’est
celle-ci dépendra de la nature du texte à traduire. aux disciplines des sciences humaines qu’il incombe
de veiller à la promotion et à la valorisation de la
A chaque texte son traducteur. Il est conseillé
formation à la traduction dans leur domaine.
de confier les textes savants à des chercheurs
­spécialisés dans la discipline concernée, car la Une première mesure peut sans attendre être
connaissance de la discipline est alors essentielle à mise en œuvre : les directeurs de recherche dans
la production d’une bonne traduction ; les textes les départements de sciences humaines devraient
destinés à un public plus large et ceux émanant encourager leurs étudiants à s’inscrire dans des
des agences gouvernementales ou non gouverne- cours de langue de niveau avancé ou à participer à
mentales pourront être soumis à des traducteurs des ateliers de traduction. Ils pourraient les y inci-
professionnels ayant de préférence été formés à la ter en leur proposant des bourses de recherche
matière concernée. Nous encourageons vivement pour traduire des textes ou des œuvres apparte-
les éditeurs à choisir leurs traducteurs en fonction nant au corpus de leur discipline. Une autre
de tous ces critères. mesure prendra sans doute plus de temps à
être appliquée ; en effet, le fait de traduire des
Il est relativement facile de trouver des traduc-
œuvres majeures devrait être reconnu comme
teurs qualifiés pour des textes s’adressant à un
­faisant partie intégrante du travail de recherche
public de non spécialistes. Des traducteurs profes-
per­mettant d’accéder à un poste de titulaire
sionnels ayant une formation et/ou une expérience
­(doctorat, habilitation à diriger des recherches).
en sciences humaines suffisantes peuvent être
Le travail de traduction d’un ouvrage essentiel—
contactés via les associations de traducteurs. (Voir
de Foucault ou de Habermas par exemple—qui
la liste des associations reconnues sur le site de la
sera lu par tous les chercheurs concernés, mérite
Fédération internationale des traducteurs, et cli-
une reconnaissance institutionnelle. Ces mesures,
quer sur Membres, www.fit-ift.org). La plupart
en facilitant la réalisation des objectifs fixés
des membres des associations nationales ont pour
par nos recommandations, pourraient augmenter
langue maternelle la langue du pays en question et
le nombre et la qualité des traductions en sci­-
traduisent donc vers cette langue, mais certains
ences humaines, et par conséquent participer à
d’entre eux, dont la langue maternelle est diffé-
l’enrichisse­ment du domaine dans son ensemble.
rente sont qualifiés pour traduire vers d’autres lan-
Elles encourageraient du même coup les
gues. On peut donc faire appel à eux si besoin est.
­chercheurs à écrire dans leur langue maternelle
ou dominante (voir annexe I), contribuant ainsi
au renforcement des échanges linguistiques et
culturels au plan international.

14 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Annexe A
Participants au Social Science Translation Project

Directeurs du projet Luo Xuanmin


Directeur, Centre de traduction et d’études inter-
Michael Henry Heim
disciplinaires ; Professeur au Département de lan-
Professeur, Départements de langues et littératures
gues étrangères, Université de Tsinghua, Pékin.
slaves et de littératures comparées, Université de
Californie, Los Angeles. Ramona Naddaff
Co-Directrice, Zone Books; Professeur assistant de
Andrzej W. Tymowski
rhétorique, Université de Californie, Berkeley.
Directeur des programmes internationaux,
American Council of Learned Societies (ACLS). Bruno Poncharal
Maître de conférences, Institut d’Études
Anglophones, Université de Paris VII.
Natalia Avtonomova
Chercheur à l’Institut de Philosophie, Académie Janet Roitman
des Sciences Russe. Chargée de recherche, Centre National de la
Recherche Scientifique.
Chuanyun Bao
Doyen de la Graduate School of Translation and Irina Savelieva
Interpretation, Monterey Institute of Professeur, École supérieure d’économie,
International Studies. Université d’État, Moscou.
Richard Brecht Lynn Visson
Directeur du Center for Advanced Study of Interprète aux Nations unies (à la retraite);
Language, Université du Maryland. Éditrice, Hippocrene Books.
Olga Bukhina Wang Feng
Coordinatrice des programmes internationaux, Professeur au Départment de sociologie,
American Council of Learned Societies (ACLS). Université de Californie, Irvine.
Leonora Chernyakhovskaya R. Bin Wong
Directrice de l’École internationale d’interprétation Directeur de l’Asia Institute; Professeur au
et de traduction de Moscou. Département d’histoire, Université de Californie,
Los Angeles.
E. Perry Link
Professeur au Département des East Asian
Studies, Université de Princeton.

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 15


Annexe B
Glossaire

Bilingue. Qui possède deux langues natales. (Voir est « propagande », mais en chinois ce terme n’a pas
aussi Langue natale.) la même connotation négative. Par ailleurs, bien que
le mot « démocratie » prenne une forme identique
Calque. Traduction littérale d’un mot ou d’une
dans les langues européennes, son sens diffère
expres­sion ayant le même sens que dans la langue
non seulement d’une culture à l’autre mais aussi
source. Ces traductions calquées paraissent souvent
d’un locuteur à un autre. (Voir aussi Emprunt.)
maladroites dans un premier temps, mais finissent
par être admises par l’usage. En français, « gratte- Locuteur patrimonial. Per­sonne qui parle chez
ciel » et « lune de miel » sont des calques de ­l ’anglais elle une langue différente de celle usitée dans la
skyscraper et honeymoon. L’anglais false friend est société en général, mais qui n’a pas suivi d’ensei-
un calque du français « faux ami » ; tout comme gnement dans cette langue, ou pas au-delà de
­l ’expression kill time est calquée sur l’expression l’école primaire. La compétence linguistique de
française « tuer le temps ». Le calque est un cas ces locuteurs est très variable.
particulier de l’emprunt. (Voir aussi Emprunt.)
Interpréter/Interprétation. Expression orale d’un
Emprunt. Un mot emprunté plus ou moins tel texte originellement prononcé dans une autre
quel à une autre langue. Spoutnik, politburo, glas- langue (à la différence de la traduction qui est
nost et perestroïka sont des emprunts du français l’expression écrite d’un texte originellement rédigé
au russe ; bulldozer, feedback, suspense, sont des dans une langue étrangère). L’interprétation est
emprunts du français à l’anglais ; kung-fu et feng soit consécutive, si l’interprète traduit le texte par
shui des emprunts au chinois. segments à la suite du locuteur, ou simultanée,
s’il/elle le traduit en même temps que le locuteur
Faux ami. Mot qui a la même forme ou presque
s’exprime. Certaines techniques sont communes à
dans deux langues, mais avec un sens différent:
l’interprétation et à la traduction, mais d’autres
l’anglais sympathetic (compatissant) et le français
sont spécifiques à l’une ou à l’autre.
(nice, likeable), l’anglais avert (éviter, détourner) et
le français avertir (warn). Il s’agit souvent d’em- Langue cible (langue d’arrivée). Langue vers
prunts comme le français « parking » (= anglais, laquelle on traduit par opposition à langue source
parking lot, car park). On peut aussi parler de faux (langue de départ), langue à partir de laquelle
amis « conceptuels ». Ainsi, la traduction admise on traduit.
en français et en russe pour le chinois xuanchuan

16 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Langue dominante. Langue que des locuteurs Naturaliser (anglais: domesticate). Rendre une
parlant plusieurs langues maîtrisent le mieux, et traduction si « naturelle » dans la langue d’arrivée
donc vers laquelle ils traduiront. Dans la plupart des que les caractéristiques propres à la langue et à la
cas, il s’agit de leur langue natale, excepté ­lorsque culture du texte source ne transparaissent plus.
ces locuteurs ont grandi et ont été éduqués dans un (Le verbe domesticate en anglais s’oppose au verbe
pays dont la langue n’est pas leur langue natale. foreignize qui implique un mouvement inverse
de la langue cible en direction de la langue
Langue natale. La première langue apprise par un
source afin d’en conserver, voire d’en souligner, les
enfant, qu’il tient ordinairement de ses parents.
­caractéristiques. Voir aussi Traduction cibliste et
Pour la plupart des gens elle constitue aussi leur
Traduction sourciste.)
langue dominante. (Voir aussi Langue dominante,
Bilingue.) Terme technique. Mot ou expression désignant
un concept spécialisé et nécessitant un équivalent
Langue source (langue de départ). Langue à
reconnu dans la langue cible. Lorsqu’il n’existe
partir de laquelle on traduit par opposition à
pas de terme idoine, il faut le créer. Ce qu’on
langue cible (langue d’arrivée), langue vers laquelle
appelle « jargon » est le résultat d’un recours trop
on traduit.
massif à des termes techniques, en particulier
Locuteur natif. Un locuteur qui s’exprime dans sa quand ils ne sont compréhensibles que pour une
langue natale ou qui a été éduqué et socialisé dans com­munauté d’initiés.
une langue donnée. On devient locuteur « natif »
Traduction cibliste. Traduction qui vise à gommer
d’une langue non seulement si on est né dans la
toute trace des caractéristiques de la langue source
pays où elle est la langue principale de communi-
dans le texte qu’elle produit.
cation mais aussi si on est arrivé dans ce pays avant
la puberté. (Voir aussi Langue natale, Langue Traduction sourciste. Traduction qui cherche à
dominante, Locuteur patrimonial.) conserver les caractéristiques de la langue source
dans le texte qu’elle produit.

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 17


Annexe C
Publication d’une série de traductions
en sciences humaines et sociales

Il existe en Russie une longue tradition de publi- Giddens, Goffman, Mannheim, Parsons, Sennett
cation de monographies sous forme de collections et Tönnies. Les membres du comité et les traduc-
traitant d’une discipline, d’un sujet, d’une époque, teurs étaient tous enseignants dans de grandes
d’une région etc., et ce, en fonction de la maison universités. Les traducteurs avaient été choisis sur
d’édition et des compétences du comité éditorial. la base d’un échantillon de leur travail et toutes les
Un groupe de chercheurs conduits par Irina Save­ traductions furent éditées par des spécialistes de
lieva, professeur à l’École supérieure d’économie la langue source et de la discipline en question.
de l’Université d’État de Moscou, a publié une col­
Les livres ont été publiés chez divers éditeurs.
lection entièrement consacrée à la traduction d’ouv­
Un service de distribution mis en place par le
rages universitaires dans le champ des sciences
Megaproject de l’Open Society Institute s’est chargé
humaines et sociales. L’objectif de cette collection
d’analyser la demande, de rassembler les com­
intitulée Universitetskaia biblioteka (Bibliothèque
mandes et d’assurer l’acheminement des ouvrages
universitaire) était de proposer à la communauté
jusqu’aux bibliothèques universitaires. Cependant,
universitaire russe un grand nombre d’ouvrages
la majorité des livres furent vendus sur le marché
classiques et contemporains publiés à l’Ouest et
privé. Le public ciblé par les organisateurs du
qui n’avaient pas été traduits à l’époque sovié­tique,
projet était constitué en grande partie par
venant ainsi combler un vide et mettre à disposi-
des ­ professeurs à l’université et des étudiants. A
tion du public des textes fondateurs sans lesquels
l’époque, les établissements russes d’enseignement
il était impensable de maîtriser une discipline
supérieur employaient plus de six mille profes­seurs,
donnée. Grâce au soutien de l’Open Society Institute
dont 10 % seulement pouvaient utiliser une langue
(Fondation Soros), l’Universitetskaia biblioteka a
étrangère pour leur recherche. En outre, rares
fait paraître en deux ans (1998-2000) cent vingt
étaient ceux pouvant s’offrir des ouvrages im­-
titres unanimement salués par la critique.
primés hors de Russie. L’importance des ventes
Irina Savalieva et les sept membres de son aux enseignants et aux étudiants a montré qu’il
comité directeur ont commencé par dresser une existait une réelle demande.
liste des ouvrages éligibles dans six disciplines
Pour plus d’informations sur la collection, le
(philosophie, sociologie, théorie et histoire de la
projet dont elle est issue et une liste des ouvrages
culture, théorie économique, histoire et science
publiés, voir www.hse.ru/science/igiti/article_
politique). Les auteurs publiés sous la rubrique
literature_eng.shtml.
sociologie comptaient, entre autres, Adorno, Bau­
drillard, Bourdieu, Castells, Dahrendorf, Elias,

18 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Annexe D
Bibliographie sélective

Ouvrages généralistes Mossop, Brian. « Translating Institutions and


‘Idiomatic’ Translation. » META: Translators
Baker, Mona. In Other Words. London:
Journal, 35(2), 1990, 342–355 (nouvelle
Routledge, 1992.
­version disponible sur www.geocities.com/
Newmark, Peter. Textbook of Translation. New brmossop/mypage.html).
York: Prentice-Hall International, 1988.
Wallerstein, Immanuel. « Concepts in the
(Ces deux ouvrages constituent une introduction Social Sciences: Problems of Translation. »
aux détails pratiques du processus de ­traduction ; Translation Spectrum: Essays in Theory and
et même s’ils abordent avant tout les problèmes Practice. Ed. M.G. Rose. Albany: State
de traduction littéraire, les ­techniques évoquées University of New York Press, 1981, 88–98.
s’appliquent également aux textes de sciences (Pour des extraits de ce texte en français
humaines.) voir annexe H.)
—. « Scholarly Concepts: Translation or
Traduction et sciences humaines Interpretation? » Translation Horizons.
Ed. M.G. Rose. Binghamton, NY: Center
Argenton, Elena. The Translation of Culturebound
for Research in Translation, 1996, 107–17.
Terms. Trieste: Universita degli Studi di
Trieste, 1983.
Ouvrages traitant d’une langue en particulier
Barret-Ducrocq, Françoise, « Les sciences
­humaines au carrefour des langues. » Meertens, René. Guide anglais-français de la
Traduire l’Europe. Paris: Payot, 1992. ­traduction. Paris: Chiron, 2004.
Katan, David. Translating Cultures: An Visson, Lynn. From Russian Into English:
Introduction for Translators, Interpreters and An Introduction to Simultaneous Interpretation.
Mediators. Manchester, UK: St. Jerome Ann Arbor, MI: Ardis, 1991. (L’accent est
Publishing, 1999. mis sur l’interprétation de conférence, mais
de nombreux points peuvent s’appliquer à la
traduction.)

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 19


Formation à la traduction Ouvrages théoriques
Gile, Daniel. Basic Concepts and Models for Bell, Roger. Translation and Translating: Theory
Translator and Interpreter Training. and Practice. London: Longman, 1991.
Amsterdam: John Benjamins, 1995.
Bush, Peter and Bassnett, Susan. The Translator as
Campbell, Stuart. Translation Into the Second Writer. London/New York: Continuum, 2006.
Language. London: Longman, 1998.
Chestman, Andrew and Emma Wagner.
Grosman, Meta, ed. Translation Into Non-Mother Can Theory Help Translation? Manchester:
Tongues. Tübingen: Stauffenberg, 2000. St. Jerome, 2002.
Kussmaul, Paul. Training the Translator. Gile, Daniel. La Traduction: la comprendre,
Amsterdam: John Benjamins, 1995. ­l ’apprendre. Paris: PUF, 2005.
« European Association for Language Testing Hacking, Ian. « Was There Ever a Radical Mis­
and Assessment Report, » www.ealta.eu.org/ translation? » Historical Ontology. Cambridge,
resources.htm. (Voir aussi www.ealta.eu.org/ MA: Harvard University Press, 2002.
links.htm.)
American Translators Association. atanet.org/ Traduction automatique
certification/eligibility_approved.php.
Bass, Scott. « Machine vs. Human Translation »
www.advancedlanguagetranslation.com/
Guides professionnels articles/machine_vs_human_translation.pdf.
Sofer, Morry. The Translator’s Handbook. 3rd rev. Bowker, Lynne. Computer-Aided Translation
ed. Rockville, MD: Schreiber, 1999. Technology: A Practical Introduction. Ottawa:
(Informations concernant les éditeurs et les University of Ottawa Press, 2002.
traducteurs professionnels : évaluation, outils
Hutchins, John. « Computer based translation in
de travail, ouvrages de référence, Internet,
Europe and North America, and its future
sources d’emploi, associations de traducteurs,
prospects. » JAPIO 20th anniversary. (Tokyo:
formation à la traduction, etc.)
Japan Patent Information Organization, 2005),
European Commission. ec.europa.eu/ 156–160. http://ourworld.compuserve.com/
translation/index_en.htm. homepages/WJHutchins.
Nirenberg, Sergei et al., eds. Readings in
Machine Translation. Cambridge, MA:
MIT Press, 2003.

20 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


O’Hagan, Minako and David Ashworth. META. Journal des Traducteurs/Translators Journal.
Translation-Mediated Communication in a (Organe d’Information et de Recherche dans
Digital World. Clevedon: Multilingual les Domaines de la Traduction, de la
Matters, 2002. Terminologie et de ­l’Interprétation.
Trimestriel. Disponible en ligne : www.erudit.
Somers, Harold, ed. Computers and Translation:
org/revue/meta/.)
A Translator’s Guide. Amsterdam: John
Benjamins, 2003. TTR – Traduction, Terminologie, Rédaction.
(Association Canadienne de Traductologie/
Canadian Association for Translation Studies.
Ouvrages de référence
Biannuel.)
Jean Delisle et al. Terminologie de la traduction/
Translation Terminology/Terminolgía de la
Dictionnaires utiles pour la traduction dans
­traducción/Terminologie der Übersetzung.
une discipline donnée
Amsterdam: John Benjamins, 1999. (Les deux
cents concepts qui sont ici clairement définis Cassin, Barbara, ed. Vocabulaire européen des
dans quatre langues permettront aux éditeurs ­philosophies – dictionnaire des intraduisibles.
de mieux communiquer avec les traducteurs.) Éditions du Seuil. Paris, 2004.
Marshall, Gordon, ed. A Dictionary of Sociology.
Revues Oxford: Oxford UP, 1998.
ATA Chronicle. (American Translators Pearce, David, ed. Macmillan Dictionary of
Association. Monthly.) Modern Economics. London: Macmillan, 1992.
BABEL. An International Journal on Translation. Ritter, Harry. Dictionary of Concepts in History.
(International Federation of Translators. Westport, CT: Greenwood Press, 1986.
Trimestriel.)

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 21


Annexe E
Le point de vue d’un éditeur

Comment travailler avec un traducteur lecture de livres sur le sujet écrits en anglais, etc.
inexpérimenté ? J’attirai son attention sur l’importance qu’il y avait
à rester en contact avec l’auteur et l’éditeur, à éta-
Après l’échec de nos diverses tentatives pour
blir des listes de questions pour chacun, à se créer
­trouver un traducteur expérimenté et possédant
un glossaire de termes techniques, à savoir retrou-
le bagage technique approprié, notre maison
ver les traductions canoniques de citations, à repé-
d’édition décida d’engager une étudiante de troi-
rer quand ces traductions devaient être
sième cycle formée dans la discipline. Elle avait
retravaillées. Tout cela revenait à diriger un mini
travaillé pendant plusieurs années comme journa-
atelier de formation aux techniques de la traduc-
liste dans les pays dont il était question dans
tion. Mais, grâce à ce long et difficile travail et
l’ouvrage à traduire et rédigeait une thèse sur un
grâce à l’intelligence, à l’engagement et à la persé-
sujet proche, mais elle n’avait jamais traduit. Je lui
vérance de la traductrice, le résultat fut excellent.
expliquai les principes généraux de la traduction
et lui montrai des exemples d’erreurs que j’avais Néanmoins, certains collègues éditeurs à qui
pu rencontrer par le passé : des traductions trop j’ai décrit mon expérience ont réagi en me disant
fidèles, c’est-à-dire trop littérales, des textes conte- que pour eux une telle « formation maison » était
nant des phrases ou des paragraphes complexes et hors de question. Je ne me lancerais certainement
apparemment interminables, acceptables en fran- pas dans une telle entreprise à chaque nouvelle
çais (la langue source*), mais pas en anglais (la traduction non plus. Et je considère qu’il serait
langue cible*). Je soulignai la nécessité de trouver bien préférable que les chercheurs en sciences
une « voix » et un style qui fassent écho au texte humaines et sociales encouragent leurs étudiants
original mais sans le suivre aveuglément. Je lui non seulement à suivre une formation poussée en
indiquai également divers outils de recherche et langue étrangère, mais aussi une formation à la
techniques de travail: le recours à un thésaurus, la traduction en tant que telle.

22 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Comment se débrouiller avec Collaboration avec l’auteur :
une traduction inutilisable ? un récit invitant à la prudence
Un ouvrage universitaire s’appuyant sur des don- L’auteur peut se révéler une aide précieuse au cours
nées historiques, politiques, psychanalytiques, du travail de traduction, en répondant aux ques-
médicales et anthropologiques couvrant les trois tions de l’éditeur et/ou du traducteur, en fournis-
derniers siècles nous incita à engager un traduc- sant les originaux des citations, etc. J’ai néanmoins
teur chevronné qui avait déjà accompli des tra- en tête un exemple où l’auteur est allé jusqu’à
ductions littéraires pour notre maison d’édition choisir lui-même sa traductrice en arguant du fait
par le passé. Mais, après avoir relu un premier qu’elle avait déjà traduit des articles pour lui et
chapitre, il m’est apparu que le traducteur était donné toute satisfaction. En outre, l’auteur pré-
incapable de comprendre, et encore moins de tendait être parfaitement bilingue. Mais au cours
reproduire, la langue (non littéraire) et l’argumen- de la traduction, nous avons dû lui signaler que les
tation du texte. Je lui fis part de ces difficultés et jugements qu’il portait sur le style et la traduction
lui demandai une nouvelle version. Mais après des termes techniques étaient très discutables. Il
avoir vérifié cette nouvelle traduction, original en finit par reconnaître la validité de nos mises en
mains, elle se révéla à nouveau inutilisable. Je finis garde après que deux spécialistes respectés eurent
donc par engager un autre traducteur pour la passé en revue la traduction et indiqué qu’elle avait
retravailler. Ce genre de pratique ne garantit pas tendance à obscurcir les innovations théoriques de
un résultat exceptionnel, mais en l’occurrence le son livre.
co-traducteur a fait du bon travail et a rendu un
texte très convenable qu’il a accepté de co-signer
avec le premier traducteur.

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 23


Annexe F
Exemples de traductions littérales

Les traducteurs novices ont généralement ­ten­dance Les raisons du fouet ne sont pas documentées,
à reproduire trop servilement, voire ­littéralement, mais ses conséquences ne faisaient aucun doute
les formulations propres à la langue source. Les pour le résident français observant le déroulement
passages en caractères romains ­ci-dessous corres- de l’affaire.
pondent à ce genre de traductions littérales; les
On ignore pourquoi le prêtre avait fait donner le
passages en italiques en ­ présentent une version
fouet à ses ouailles, mais les conséquences de cet acte
plus acceptable. (N.B. Nous ne donnons pas le
n’échappèrent pas au résident français.
texte original puisque les éditeurs qui ignorent la
langue de départ devront travailler exclusivement •
sur la langue d’arrivée.)
La présente étude propose que le bouddhisme
*** influença les vues que formèrent les républicains
sur l’application de la législation anticléricale au
Des travaux récents ont cependant commencé
Tonkin.
à étudier le rapprochement entre catholicisme et
républicanisme outremer, dans lequel des ajuste- Nous nous proposons de montrer dans cette étude
ments idéologiques aussi bien que des contingen- comment le bouddhisme influença la manière dont
ces pratiques réunirent missionnaires et coloniaux furent appliquées les lois laïques au Tonkin.
pour composer l’image de l’empire français à

­travers une cohabitation souvent difficile.
Il est très dommage que si peu d’Européens
Des travaux récents sur le rapprochement entre
soient disposés à décrire et à proposer les relations
catholicisme et républicanisme outremer montrent
UE-Turquie comme l’histoire d’un succès géos-
comment les missionnaires et les administrateurs colo-
tratégique pour l’Union et comme la justification
niaux furent conduits, au gré des compromis idéologi-
de son style international.
ques et des circonstances, à façonner ensemble l’image
de l’empire français, par delà leurs relations Il est regrettable que si peu d’Européens soient dis-
conflictuelles. posés à présenter l’intégration de la Turquie comme
une réussite géostratégique venant illustrer la spécifi-

cité de la politique étrangère de l’Union.

24 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


On pourrait penser que cette problématique, en Idéalement donc, le traducteur ne doit pas simple-
dépit de ses mérites, ne constitue qu’un retour à une ment avoir reçu une formation spécifique mais avoir
série de questions légèrement différentes sur les fréquenté la littérature de la spécialité sur une longue
« spéci­ficités » afin de répondre à cette question fon­ période et, de préférence, porter un intérêt particulier
damentale, à savoir, pourquoi seule l’Allemagne, au sujet abordé par le texte.
parmi les économies développées,—l’Italie malgré

ses progrès rapides vers l’industrialisation ne pou-
vant être classée dans cette catégorie—a-t-elle L’émergence, le développement, l’institution-
produit une dictature « fasciste » à part entière ? nalisation d’une structure de pouvoir-savoir, plus
ou moins autonome, spécialisée dans les techno-
On peut se demander si cette thèse, quels que soient
logies de secours et d’assistance permettant aux
ses mérites, ne fait pas que déplacer le problème des
sociétés modernes de faire face aux catastrophes
« singularités », tout en s’efforçant de répondre à
de grande envergure constituent un des signes de
la même question : pourquoi de toutes les économies
la modernité.
hautement développées seule l’Allemagne a-t-elle
­produit une dictature « fasciste » pleinement achevée ? L’émergence, le développement et l’institution­
En effet l’Italie, bien qu’ayant réalisée de grands pro- nalisation d’un dispositif articulant des technologies
grès, ne pouvait être rangée au nombre des grandes de secours et d’assistance, destiné à répondre aux
puissances industrielles. ­catastrophes de grande envergure, constituent un des
traits distinctifs de la modernité.


Dans l’idéal, par conséquent, le traducteur doit
être non seulement capable de maîtriser la traduc-
tion en tant que technique générale, mais aussi
connaître la littérature relative à la discipline
concernée sur une période conséquente, et, de
préférence, partager un intérêt direct pour les
sujets dont il est question dans la texte.

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 25


Le critique des médias *** a décrit le Sommet Chaque auteur ayant ses épouvantails de prédi-
mondial sur la société de l’information (SMSI) lection, une grande variété de faiblesses, auxquelles
en termes de rencontre conflictuelle de deux visions il faudrait résister, sont stigmatisées : il pourra
info-politiques enracinées dans les années soixante- s’agir des « filets de protection » sociaux, destinés
dix—d’un côté, celle d’une société de l’infor­ aux plus pauvres ou de la création de services
mation organisée autour de la question de l’accès ­soci­aux ouverts à tous. D’autres mettrons en garde
et des principes techno-managériaux néolibéraux contre une moindre déviation par rapport à des
soutenue essentiellement par des acteurs gouver- orien­tations rigides préétablies, même quand il
nementaux et les entreprises ; de l’autre, celle d’une s’agit de faire face à des difficultés inatten­dues
société de la communication accomplissant le pro- frappant la population, ou encore contre la ­ten­ta­tion
gramme post-tiers-mondiste de création d’un d’accorder—de « façon beaucoup trop précoce »—
ensemble de droits matériels à la communication, les droits politiques et le « luxe » de la démocratie.
soutenue principalement par les organisations non
Chaque auteur ayant ses épouvantails de prédilec-
gouvernementales et la société civile.
tion, les faiblesses auxquelles il s’agira de résister seront
Pour le critique des médias ***, le Sommet mondial très variées — allant des « filets de protection » sociaux
sur la société de l’information se présente comme la destinés aux plus pauvres à la création de services
confrontation de deux conceptions politiques issues des sociaux ouverts à tous. D’autres s’opposeront à la
années soixante-dix : d’un côté, un groupe majoritai- moindre déviation par rapport à des orientations
rement formé d’acteurs gouvernementaux et d’entre- préétablies, même quand surgissent des difficultés
prises entend promouvoir l’accès à une « société de inattendues frappant la population, ou bien invite-
l’information » organisée selon les principes et les ront à résister à toute tentation d’accorder de « façon
modes de gestion néolibéraux ; de l’autre, des organi- beaucoup trop précoce » les droits politiques et le « luxe »
sations non gouvernementales, ou issues de la société de la démocratie.
civile militent pour une « société de la communica-
tion » qui réaliserait le programme post-tiers-mon-
diste de création d’un ensemble de droits matériels à la
communication.

26 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Annexe G
Traduction automatique

Alors que dans les années cinquante, à l’aube de la traduction humaine traditionnelle sans
l’ère informatique, les tenants de la traduction assistance informatique. En revanche, le
automatique soutenaient qu’il suffirait bientôt traducteur humain est (et restera) sans
d’appuyer sur un bouton pour que les ordinateurs rival dans le cas de textes complexes et
produisent des traductions, dès les années soixante non répétitifs (c’est-à-dire littéraires
et soixante-dix ils commencèrent à avoir des ou juridiques), et même dans le cas de
doutes. Au cours des vingt dernières années deux textes uniques sur des sujets spécifiques,
évolutions majeures se sont produites : d’un côté, hautement spécialisés et très techniques. 
la puissance phénoménale des ordinateurs semble
Ces évolutions sont tombées à point nommé.
avoir mis cet objectif à portée de main, de l’autre,
En effet, les gouvernements, les ONG, les médias
les professionnels de la traduction cernent mieux
et les chercheurs doivent à présent faire face aux
les limites de la traduction automatique.
conséquences linguistiques de la mondialisation,
tandis que la vitesse et la masse des échanges
Quand la traduction doit être d’une
mondiaux croissent de manière exponentielle. Si
qualité telle qu’elle puisse être publiée,
l’imprimerie de Gutenberg a supprimé l’obstacle
la traduction humaine et la traduction
temporel, l’Internet, lui, a effacé les distances. La
automatique ont toutes deux un rôle à
faiblesse des services de traduction est du même
jouer. La traduction automatique offre
coup devenue le dernier obstacle à la libération
un bon rapport qualité/prix quand il
des échanges entre les peuples de la planète.
s’agit de traduire à grande échelle et/ou
rapidement des documents techniques Le volume de textes est tel qu’il est impossible
(fastidieux), des manuels de localisation que tous soient intégralement traduits d’une
de logiciels et dans de nombreux autres
cas de figure où les coûts de la traduction
automatique et des révisions par l’homme 
John Hutchins. « Computer based translation in
ou les coûts de la traduction à l’aide d’outils Europe and North America, and its future prospects. »
informatiques (postes de travail, etc.) JAPIO 20th anniversary. (Tokyo: Japan Patent Informa-
sont significativement moins élevés que tion Organization, 2005), 156–160. http://ourworld.
compuserve.com/homepages/WJHutchins.

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 27


langue à l’autre. La traduction intégrale, qui était On fait grand cas ces derniers temps d’un pro-
jusqu’à une époque récente la norme, se situe à cessus combinant traduction automatique et tra-
l’une des extrémités d’un éventail de possibilités. duction humaine: la traduction assistée par
Elle reste la norme pour les traités et les accords ordinateur. La plupart des traducteurs humains
intergouvernementaux, pour les sondages et les ont déjà recours à des outils de références tels que
enquêtes, pour les demandes de subventions etc., les dictionnaires ou les thésaurus en ligne. La tra-
où chaque version dans une nouvelle langue doit duction assistée par ordinateur va plus loin en fai-
pouvoir être considérée comme « officielle », et sant appel à des logiciels qui, par exemple,
pour les ouvrages savants ou universitaires. Dans enregistrent et stockent automatiquement cer­
tous ces cas de figure, les critères traditionnelle- taines constructions syntaxiques ou certaines
ment retenus dans l’évaluation d’une traduction ­collocations lexicales (ces dernières étant parti­
continuent de s’appliquer : exactitude quant au culière­ment utiles pour conserver la cohérence
sens et fidélité à la forme. A l’autre bout de l’éven- dans l’emploi de termes techniques) à la fois dans
tail, on trouve toute une gamme de traductions la langue source et dans la langue cible et les
partielles qui ont pour objectif de rendre accessi- ­proposent au traducteur à chaque nouvelle occur-
ble dans une langue donnée les thèmes — voire rence dans le texte. Pour plus d’informations à ce
simplement les entités — présentés dans une autre sujet voir Scott Bass, « Machine vs. Human Trans­
langue ; il s’agit alors de mettre en avant les princi­ lation » www.advancedlanguagetranslation.com/
pales coordonnées d’un texte : qui, quoi, quand, articles/machine_vs_human_translation.pdf.
où. . . . Dans ce cas, c’est le contenu qui compte.
Cela dit, le travail que doit effectuer l’opérateur
Lors­que des agences gouvernementales ou des
humain pour transformer les textes bruts issus de
inter­nautes veulent savoir si un texte (ou un site
la traduction automatique ou même de la tra­duction
Web) répondra à leurs besoins, c’est à cette extré-
assistée par ordinateur en traductions publiables
mité de l’éventail qu’ils recourent, et c’est là que la
peut s’avérer aussi onéreux que le processus tradi-
traduction automatique se révèle la plus utile. La
tionnel. Nos « recommandations » s’appliqueront
TA peut aussi servir à rechercher et à traduire
donc un certain temps encore aux textes écrits
des mots clés, ou bien fournir des données brutes
dans une langue recherchée et destinés à un public
permettant de rédiger dans la langue cible des
vaste et averti.
résumés de textes. En règle générale donc, la
TA trouve sa place quand le but recherché est une
première étape ; elle est un moyen plutôt qu’une
fin en soi.

28 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines


Annexe H
Extraits de l’article d’Immanuel Wallerstein

Extraits de l’article d’Immanuel Wallerstein,   Cela n’est pas une mince affaire, et il
« Concepts in the Social Sciences: Problems of n’existe pratiquement aucun ouvrage de
Translation. »[Les concepts en sciences sociales : référence susceptible d’offrir de telles
problèmes de traduction] in Translation Spectrum : infor­mations. Le meilleur dictionnaire
Essays in Theory and Practice, Marilyn Gaddis sera d’un piètre secours, même si les ency­
Rose (ed), Albany, State University of New York clopédies peuvent parfois se révéler plus
Press, 1981, 88–98. utiles. En réalité, le genre de connais­
sances requis ne peut s’acquérir que par
 Un texte de sciences humaines utilise une lecture assidue des ouvrages de la
les concepts comme principal mode de spécialité, et ce dans les deux langues. 
communication. Ceux-ci peuvent être
plus ou moins clairement définis et em-   Idéalement donc, le traducteur ne doit
ployés par leur auteur, mais ils doivent pas simplement avoir reçu une formation
nécessairement renvoyer à des significa- spécifique mais avoir fréquenté la littératu-
tions, des ensembles de données ou des re de la spécialité sur une longue période et,
découpages de la réalité partagés par de préférence, porter un intérêt particulier
quelques autres. Dans le cas contraire, le au sujet abordé par le texte. Cet idéal ne
texte serait tout simplement inintelligible. sera jamais atteint avant que ne se soit
Cependant, ces concepts ne sont pas uni- constituée une communauté de traduc-
versellement partagés et font souvent teurs ­ spécialisés, formés aux techniques
l’objet de conflits ouverts et violents. Le de la traduction et aux disciplines des
traducteur, afin de traduire un concept sciences humaines et sociales. Je ne m’in-
correctement, doit donc savoir (a) dans terrogerai pas ici sur les structures qu’il
quelle mesure celui-ci fait l’objet d’un faudrait mettre en place pour atteindre un
consensus (et de la part de qui), à la fois tel ­objectif, me bornant à constater qu’el-
au moment de l’écriture du texte et au les n’existent pas. En effet, la plu­part des
moment de sa traduction ; et (b) jusqu’à ­traductions en sciences humaines et
quel point ce consensus est partagé dans ­sociales sont réalisées soit par des
une langue et dans l’autre. Le traducteur ­chercheurs qui sont de piètres traducteurs,
devrait aussi être capable de percevoir si soit par des traducteurs qui ont avant tout
l’auteur est conscient ou pas de la dimen- une formation littéraire. Les ­résultats sont
sion polémique du concept en question, globalement désastreux (à quelques rares et
ou s’il est prêt à admettre cette dimension notables exceptions près). 
polémique.

R ecom m a n dat ions p ou r l a t r a duc t ion des t e x t es de s ci ences h u m a i n es 29


Annexe I
Plaidoyer pour que les chercheurs écrivent
dans leur propre langue

Le discours des sciences humaines sur la scène excellente connaissance, auront tendance à expri-
internationale se déroule de plus en plus souvent mer leurs idées avec moins de précision et moins
en anglais, et les textes traduits de l’anglais sont de nuances complexes que ceux qui écrivent dans
bien plus nombreux que ceux traduits vers l’an- leur propre langue. Deuxièmement, lorsque la
glais. En outre, les chercheurs se sont mis à écrire ­littérature en sciences humaines dans une langue
directement en anglais même quand ils n’appar- donnée est peu développée, les ­échanges sur cer-
tiennent pas à une communauté anglophone. Nous taines questions au sein de cette communauté
pensons que cette pratique est préjudiciable au ­linguistique sont rendus plus ­ difficiles. Troisiè­
champ des sciences humaines en tant que tel ; c’est mement, les modes de pensée et d’argumentation
pourquoi nous demandons aux chercheurs de ne propres aux sciences humaines dans la sphère
pas cesser d’écrire dans leur langue natale. anglo-américaine sont devenus un lit de Procuste
aux dimensions duquel tous les types de concep-
Les concepts en sciences humaines ainsi que les
tualisations doivent s’adapter. Il en résulte une
termes qui leur servent de véhicule sont façonnés
homogénéisation et un ­appauvrissement croissants
par la langue dont ils sont issus et, par conséquent,
du discours.
par le bagage culturel et historique des locuteurs
de cette langue. Comme le dit Humboldt dans ses Il découle de ces observations, comme de nos
Fragments d’une monographie sur les Basques : recommandations dans leur ensemble, que la
« La diversité des langues ne peut se réduire à la ­traduction avisée d’études écrites dans des ­langues
diversité des désignations pour un même objet ; et donc des perspectives culturelles différentes
elles constituent différentes perspectives sur cet contribue non seulement à renforcer le dialogue 
objet. . . . La richesse du monde et de ce que nous entre les cultures mais aussi à enrichir le domaine
y percevons s’accroît à proportion de la diversité des sciences humaines. Nous invitons donc les
des langues, et cela à pour conséquence de repous- chercheurs à prêter une plus grande attention au
ser les limites de l’existence humaine en nous rôle joué par la traduction dans la discipline
offrant de nouvelles façons de penser et de sentir » qui les concerne. C’est à eux que revient de ­prendre
(Gesammelte Schriften, VII : 602). La tendance de des mesures concrètes pour encourager leurs col­
l’anglais à jouer le rôle de lingua franca des ­ lègues, jeunes chercheurs ou universitaires che-
sciences humaines (un fait accompli dans les vronnés, à traduire des œuvres jugées importantes
« sciences exactes ») est un frein à l’émergence des et pour que les organismes accordant les bourses
« différentes perspectives » dont parle Humboldt. et les comités décidant de la titu­larisation et
de la promotion des universitaires prennent
L’emprise toujours grandissante d’une langue
conscience de la valeur et de la portée scien­tifiques
unique au niveau international a plusieurs effets
de ces traductions.
délétères. Premièrement, les chercheurs qui écrivent
dans une langue seconde, même s’ils en ont une

30 R ecomman d ations po u r la tra d u ction d es te x tes d e sciences h u maines

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