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ISBN: 978-0-9788780-4-7
10 9 8 7 6 5 4 3 2 1
Recommandations pour la traduction
des textes de sciences humaines
Traduit de l’anglais par
Bruno Poncharal
Bilingue. Qui possède deux langues natales. (Voir est « propagande », mais en chinois ce terme n’a pas
aussi Langue natale.) la même connotation négative. Par ailleurs, bien que
le mot « démocratie » prenne une forme identique
Calque. Traduction littérale d’un mot ou d’une
dans les langues européennes, son sens diffère
expression ayant le même sens que dans la langue
non seulement d’une culture à l’autre mais aussi
source. Ces traductions calquées paraissent souvent
d’un locuteur à un autre. (Voir aussi Emprunt.)
maladroites dans un premier temps, mais finissent
par être admises par l’usage. En français, « gratte- Locuteur patrimonial. Personne qui parle chez
ciel » et « lune de miel » sont des calques de l ’anglais elle une langue différente de celle usitée dans la
skyscraper et honeymoon. L’anglais false friend est société en général, mais qui n’a pas suivi d’ensei-
un calque du français « faux ami » ; tout comme gnement dans cette langue, ou pas au-delà de
l ’expression kill time est calquée sur l’expression l’école primaire. La compétence linguistique de
française « tuer le temps ». Le calque est un cas ces locuteurs est très variable.
particulier de l’emprunt. (Voir aussi Emprunt.)
Interpréter/Interprétation. Expression orale d’un
Emprunt. Un mot emprunté plus ou moins tel texte originellement prononcé dans une autre
quel à une autre langue. Spoutnik, politburo, glas- langue (à la différence de la traduction qui est
nost et perestroïka sont des emprunts du français l’expression écrite d’un texte originellement rédigé
au russe ; bulldozer, feedback, suspense, sont des dans une langue étrangère). L’interprétation est
emprunts du français à l’anglais ; kung-fu et feng soit consécutive, si l’interprète traduit le texte par
shui des emprunts au chinois. segments à la suite du locuteur, ou simultanée,
s’il/elle le traduit en même temps que le locuteur
Faux ami. Mot qui a la même forme ou presque
s’exprime. Certaines techniques sont communes à
dans deux langues, mais avec un sens différent:
l’interprétation et à la traduction, mais d’autres
l’anglais sympathetic (compatissant) et le français
sont spécifiques à l’une ou à l’autre.
(nice, likeable), l’anglais avert (éviter, détourner) et
le français avertir (warn). Il s’agit souvent d’em- Langue cible (langue d’arrivée). Langue vers
prunts comme le français « parking » (= anglais, laquelle on traduit par opposition à langue source
parking lot, car park). On peut aussi parler de faux (langue de départ), langue à partir de laquelle
amis « conceptuels ». Ainsi, la traduction admise on traduit.
en français et en russe pour le chinois xuanchuan
Il existe en Russie une longue tradition de publi- Giddens, Goffman, Mannheim, Parsons, Sennett
cation de monographies sous forme de collections et Tönnies. Les membres du comité et les traduc-
traitant d’une discipline, d’un sujet, d’une époque, teurs étaient tous enseignants dans de grandes
d’une région etc., et ce, en fonction de la maison universités. Les traducteurs avaient été choisis sur
d’édition et des compétences du comité éditorial. la base d’un échantillon de leur travail et toutes les
Un groupe de chercheurs conduits par Irina Save traductions furent éditées par des spécialistes de
lieva, professeur à l’École supérieure d’économie la langue source et de la discipline en question.
de l’Université d’État de Moscou, a publié une col
Les livres ont été publiés chez divers éditeurs.
lection entièrement consacrée à la traduction d’ouv
Un service de distribution mis en place par le
rages universitaires dans le champ des sciences
Megaproject de l’Open Society Institute s’est chargé
humaines et sociales. L’objectif de cette collection
d’analyser la demande, de rassembler les com
intitulée Universitetskaia biblioteka (Bibliothèque
mandes et d’assurer l’acheminement des ouvrages
universitaire) était de proposer à la communauté
jusqu’aux bibliothèques universitaires. Cependant,
universitaire russe un grand nombre d’ouvrages
la majorité des livres furent vendus sur le marché
classiques et contemporains publiés à l’Ouest et
privé. Le public ciblé par les organisateurs du
qui n’avaient pas été traduits à l’époque soviétique,
projet était constitué en grande partie par
venant ainsi combler un vide et mettre à disposi-
des professeurs à l’université et des étudiants. A
tion du public des textes fondateurs sans lesquels
l’époque, les établissements russes d’enseignement
il était impensable de maîtriser une discipline
supérieur employaient plus de six mille professeurs,
donnée. Grâce au soutien de l’Open Society Institute
dont 10 % seulement pouvaient utiliser une langue
(Fondation Soros), l’Universitetskaia biblioteka a
étrangère pour leur recherche. En outre, rares
fait paraître en deux ans (1998-2000) cent vingt
étaient ceux pouvant s’offrir des ouvrages im-
titres unanimement salués par la critique.
primés hors de Russie. L’importance des ventes
Irina Savalieva et les sept membres de son aux enseignants et aux étudiants a montré qu’il
comité directeur ont commencé par dresser une existait une réelle demande.
liste des ouvrages éligibles dans six disciplines
Pour plus d’informations sur la collection, le
(philosophie, sociologie, théorie et histoire de la
projet dont elle est issue et une liste des ouvrages
culture, théorie économique, histoire et science
publiés, voir www.hse.ru/science/igiti/article_
politique). Les auteurs publiés sous la rubrique
literature_eng.shtml.
sociologie comptaient, entre autres, Adorno, Bau
drillard, Bourdieu, Castells, Dahrendorf, Elias,
Comment travailler avec un traducteur lecture de livres sur le sujet écrits en anglais, etc.
inexpérimenté ? J’attirai son attention sur l’importance qu’il y avait
à rester en contact avec l’auteur et l’éditeur, à éta-
Après l’échec de nos diverses tentatives pour
blir des listes de questions pour chacun, à se créer
trouver un traducteur expérimenté et possédant
un glossaire de termes techniques, à savoir retrou-
le bagage technique approprié, notre maison
ver les traductions canoniques de citations, à repé-
d’édition décida d’engager une étudiante de troi-
rer quand ces traductions devaient être
sième cycle formée dans la discipline. Elle avait
retravaillées. Tout cela revenait à diriger un mini
travaillé pendant plusieurs années comme journa-
atelier de formation aux techniques de la traduc-
liste dans les pays dont il était question dans
tion. Mais, grâce à ce long et difficile travail et
l’ouvrage à traduire et rédigeait une thèse sur un
grâce à l’intelligence, à l’engagement et à la persé-
sujet proche, mais elle n’avait jamais traduit. Je lui
vérance de la traductrice, le résultat fut excellent.
expliquai les principes généraux de la traduction
et lui montrai des exemples d’erreurs que j’avais Néanmoins, certains collègues éditeurs à qui
pu rencontrer par le passé : des traductions trop j’ai décrit mon expérience ont réagi en me disant
fidèles, c’est-à-dire trop littérales, des textes conte- que pour eux une telle « formation maison » était
nant des phrases ou des paragraphes complexes et hors de question. Je ne me lancerais certainement
apparemment interminables, acceptables en fran- pas dans une telle entreprise à chaque nouvelle
çais (la langue source*), mais pas en anglais (la traduction non plus. Et je considère qu’il serait
langue cible*). Je soulignai la nécessité de trouver bien préférable que les chercheurs en sciences
une « voix » et un style qui fassent écho au texte humaines et sociales encouragent leurs étudiants
original mais sans le suivre aveuglément. Je lui non seulement à suivre une formation poussée en
indiquai également divers outils de recherche et langue étrangère, mais aussi une formation à la
techniques de travail: le recours à un thésaurus, la traduction en tant que telle.
Les traducteurs novices ont généralement tendance Les raisons du fouet ne sont pas documentées,
à reproduire trop servilement, voire littéralement, mais ses conséquences ne faisaient aucun doute
les formulations propres à la langue source. Les pour le résident français observant le déroulement
passages en caractères romains ci-dessous corres- de l’affaire.
pondent à ce genre de traductions littérales; les
On ignore pourquoi le prêtre avait fait donner le
passages en italiques en présentent une version
fouet à ses ouailles, mais les conséquences de cet acte
plus acceptable. (N.B. Nous ne donnons pas le
n’échappèrent pas au résident français.
texte original puisque les éditeurs qui ignorent la
langue de départ devront travailler exclusivement •
sur la langue d’arrivée.)
La présente étude propose que le bouddhisme
*** influença les vues que formèrent les républicains
sur l’application de la législation anticléricale au
Des travaux récents ont cependant commencé
Tonkin.
à étudier le rapprochement entre catholicisme et
républicanisme outremer, dans lequel des ajuste- Nous nous proposons de montrer dans cette étude
ments idéologiques aussi bien que des contingen- comment le bouddhisme influença la manière dont
ces pratiques réunirent missionnaires et coloniaux furent appliquées les lois laïques au Tonkin.
pour composer l’image de l’empire français à
•
travers une cohabitation souvent difficile.
Il est très dommage que si peu d’Européens
Des travaux récents sur le rapprochement entre
soient disposés à décrire et à proposer les relations
catholicisme et républicanisme outremer montrent
UE-Turquie comme l’histoire d’un succès géos-
comment les missionnaires et les administrateurs colo-
tratégique pour l’Union et comme la justification
niaux furent conduits, au gré des compromis idéologi-
de son style international.
ques et des circonstances, à façonner ensemble l’image
de l’empire français, par delà leurs relations Il est regrettable que si peu d’Européens soient dis-
conflictuelles. posés à présenter l’intégration de la Turquie comme
une réussite géostratégique venant illustrer la spécifi-
•
cité de la politique étrangère de l’Union.
•
Alors que dans les années cinquante, à l’aube de la traduction humaine traditionnelle sans
l’ère informatique, les tenants de la traduction assistance informatique. En revanche, le
automatique soutenaient qu’il suffirait bientôt traducteur humain est (et restera) sans
d’appuyer sur un bouton pour que les ordinateurs rival dans le cas de textes complexes et
produisent des traductions, dès les années soixante non répétitifs (c’est-à-dire littéraires
et soixante-dix ils commencèrent à avoir des ou juridiques), et même dans le cas de
doutes. Au cours des vingt dernières années deux textes uniques sur des sujets spécifiques,
évolutions majeures se sont produites : d’un côté, hautement spécialisés et très techniques.
la puissance phénoménale des ordinateurs semble
Ces évolutions sont tombées à point nommé.
avoir mis cet objectif à portée de main, de l’autre,
En effet, les gouvernements, les ONG, les médias
les professionnels de la traduction cernent mieux
et les chercheurs doivent à présent faire face aux
les limites de la traduction automatique.
conséquences linguistiques de la mondialisation,
tandis que la vitesse et la masse des échanges
Quand la traduction doit être d’une
mondiaux croissent de manière exponentielle. Si
qualité telle qu’elle puisse être publiée,
l’imprimerie de Gutenberg a supprimé l’obstacle
la traduction humaine et la traduction
temporel, l’Internet, lui, a effacé les distances. La
automatique ont toutes deux un rôle à
faiblesse des services de traduction est du même
jouer. La traduction automatique offre
coup devenue le dernier obstacle à la libération
un bon rapport qualité/prix quand il
des échanges entre les peuples de la planète.
s’agit de traduire à grande échelle et/ou
rapidement des documents techniques Le volume de textes est tel qu’il est impossible
(fastidieux), des manuels de localisation que tous soient intégralement traduits d’une
de logiciels et dans de nombreux autres
cas de figure où les coûts de la traduction
automatique et des révisions par l’homme
John Hutchins. « Computer based translation in
ou les coûts de la traduction à l’aide d’outils Europe and North America, and its future prospects. »
informatiques (postes de travail, etc.) JAPIO 20th anniversary. (Tokyo: Japan Patent Informa-
sont significativement moins élevés que tion Organization, 2005), 156–160. http://ourworld.
compuserve.com/homepages/WJHutchins.
Extraits de l’article d’Immanuel Wallerstein, Cela n’est pas une mince affaire, et il
« Concepts in the Social Sciences: Problems of n’existe pratiquement aucun ouvrage de
Translation. »[Les concepts en sciences sociales : référence susceptible d’offrir de telles
problèmes de traduction] in Translation Spectrum : informations. Le meilleur dictionnaire
Essays in Theory and Practice, Marilyn Gaddis sera d’un piètre secours, même si les ency
Rose (ed), Albany, State University of New York clopédies peuvent parfois se révéler plus
Press, 1981, 88–98. utiles. En réalité, le genre de connais
sances requis ne peut s’acquérir que par
Un texte de sciences humaines utilise une lecture assidue des ouvrages de la
les concepts comme principal mode de spécialité, et ce dans les deux langues.
communication. Ceux-ci peuvent être
plus ou moins clairement définis et em- Idéalement donc, le traducteur ne doit
ployés par leur auteur, mais ils doivent pas simplement avoir reçu une formation
nécessairement renvoyer à des significa- spécifique mais avoir fréquenté la littératu-
tions, des ensembles de données ou des re de la spécialité sur une longue période et,
découpages de la réalité partagés par de préférence, porter un intérêt particulier
quelques autres. Dans le cas contraire, le au sujet abordé par le texte. Cet idéal ne
texte serait tout simplement inintelligible. sera jamais atteint avant que ne se soit
Cependant, ces concepts ne sont pas uni- constituée une communauté de traduc-
versellement partagés et font souvent teurs spécialisés, formés aux techniques
l’objet de conflits ouverts et violents. Le de la traduction et aux disciplines des
traducteur, afin de traduire un concept sciences humaines et sociales. Je ne m’in-
correctement, doit donc savoir (a) dans terrogerai pas ici sur les structures qu’il
quelle mesure celui-ci fait l’objet d’un faudrait mettre en place pour atteindre un
consensus (et de la part de qui), à la fois tel objectif, me bornant à constater qu’el-
au moment de l’écriture du texte et au les n’existent pas. En effet, la plupart des
moment de sa traduction ; et (b) jusqu’à traductions en sciences humaines et
quel point ce consensus est partagé dans sociales sont réalisées soit par des
une langue et dans l’autre. Le traducteur chercheurs qui sont de piètres traducteurs,
devrait aussi être capable de percevoir si soit par des traducteurs qui ont avant tout
l’auteur est conscient ou pas de la dimen- une formation littéraire. Les résultats sont
sion polémique du concept en question, globalement désastreux (à quelques rares et
ou s’il est prêt à admettre cette dimension notables exceptions près).
polémique.
Le discours des sciences humaines sur la scène excellente connaissance, auront tendance à expri-
internationale se déroule de plus en plus souvent mer leurs idées avec moins de précision et moins
en anglais, et les textes traduits de l’anglais sont de nuances complexes que ceux qui écrivent dans
bien plus nombreux que ceux traduits vers l’an- leur propre langue. Deuxièmement, lorsque la
glais. En outre, les chercheurs se sont mis à écrire littérature en sciences humaines dans une langue
directement en anglais même quand ils n’appar- donnée est peu développée, les échanges sur cer-
tiennent pas à une communauté anglophone. Nous taines questions au sein de cette communauté
pensons que cette pratique est préjudiciable au linguistique sont rendus plus difficiles. Troisiè
champ des sciences humaines en tant que tel ; c’est mement, les modes de pensée et d’argumentation
pourquoi nous demandons aux chercheurs de ne propres aux sciences humaines dans la sphère
pas cesser d’écrire dans leur langue natale. anglo-américaine sont devenus un lit de Procuste
aux dimensions duquel tous les types de concep-
Les concepts en sciences humaines ainsi que les
tualisations doivent s’adapter. Il en résulte une
termes qui leur servent de véhicule sont façonnés
homogénéisation et un appauvrissement croissants
par la langue dont ils sont issus et, par conséquent,
du discours.
par le bagage culturel et historique des locuteurs
de cette langue. Comme le dit Humboldt dans ses Il découle de ces observations, comme de nos
Fragments d’une monographie sur les Basques : recommandations dans leur ensemble, que la
« La diversité des langues ne peut se réduire à la traduction avisée d’études écrites dans des langues
diversité des désignations pour un même objet ; et donc des perspectives culturelles différentes
elles constituent différentes perspectives sur cet contribue non seulement à renforcer le dialogue
objet. . . . La richesse du monde et de ce que nous entre les cultures mais aussi à enrichir le domaine
y percevons s’accroît à proportion de la diversité des sciences humaines. Nous invitons donc les
des langues, et cela à pour conséquence de repous- chercheurs à prêter une plus grande attention au
ser les limites de l’existence humaine en nous rôle joué par la traduction dans la discipline
offrant de nouvelles façons de penser et de sentir » qui les concerne. C’est à eux que revient de prendre
(Gesammelte Schriften, VII : 602). La tendance de des mesures concrètes pour encourager leurs col
l’anglais à jouer le rôle de lingua franca des lègues, jeunes chercheurs ou universitaires che-
sciences humaines (un fait accompli dans les vronnés, à traduire des œuvres jugées importantes
« sciences exactes ») est un frein à l’émergence des et pour que les organismes accordant les bourses
« différentes perspectives » dont parle Humboldt. et les comités décidant de la titularisation et
de la promotion des universitaires prennent
L’emprise toujours grandissante d’une langue
conscience de la valeur et de la portée scientifiques
unique au niveau international a plusieurs effets
de ces traductions.
délétères. Premièrement, les chercheurs qui écrivent
dans une langue seconde, même s’ils en ont une