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Le management de l’innovation

dans les entreprises


L’innovation est plus que jamais teurs de disques compacts et de DVD croissement de la pression concurren-
plus modernes. Les économistes confir- tielle, la plupart de ces quasi-rentes ont
le moteur de la croissance dans ment que les secteurs les plus innovants progressivement disparu. Les grands pro-
les pays développés. Mais les ont des taux de croissance plus élevés grammes nationaux ne sont plus d’ac-
que les autres. tualité, sauf récemment aux Etats-Unis
problèmes traditionnels de son dans les domaines des technologies bio-
médicales, de la défense et de la sécuri-
management n’ont rien perdu de Le moteur té intérieure.
leur actualité. Ce qui a changé, de la croissance On constate, dans le même temps, une
croissance des coûts de R&D dans des
c’est sa place dans l’entreprise : Les conditions d’émergence des innova- secteurs comme la pharmacie et les
tions ont cependant beaucoup évolué au semi-conducteurs, qui exclut les petits
au-delà des seuls technologues, cours des dernières décennies. Bien acteurs et provoque une consolidation
qu’une concurrence intense pousse les de ces secteurs.
c’est l’ensemble des fonctions de entreprises à améliorer leur offre, Par ailleurs, une part croissante des inno-
l’entreprise qu’elle mobilise. Schumpeter montre que les innovations vations repose plus sur de nouveaux
majeures apparaissent plutôt dans des agencements et combinaisons de tech-
C’est leur capacité à dialoguer grandes organisations qui jouissent nologies existantes que sur le perfection-
d’une rente ou d’une quasi-rente, pou- nement de composants isolés. Ainsi les
et à travailler en réseau, à vant ainsi s’offrir le luxe d’explorer des fabricants d’automobiles ne se conten-
voies nouvelles et de financer des tent pas de perfectionner les fonctions
l’intérieur comme au dehors, recherches audacieuses plutôt que de se traditionnelles du véhicule. Ils intègrent
qui est désormais le gage d’une focaliser sur l’amélioration incrémentale des services d’aide à la conduite (GPS et
des coûts de production. Ainsi, jusque cartographie), d’aide à la maintenance
compétitivité durable. dans les années 70, les grands innova- (autodiagnostic), de financement et d’en-
teurs sont des entreprises comme AT&T, tretien (on vend la disponibilité d’un
jouissant alors du véhicule, en appor-
par Thierry Weil, Les économistes confirment que
monopole des télé- tant une voiture de
École des Mines de Paris, les secteurs les plus innovants
Equipe de recherche communications
ont des taux de croissance plus
remplacement pen-
sur le management de l’innovation américaines et qui
élevés que les autres
dant la maintenan-
et de la technologie (Ermit) met au point le ce de l’automobile
transistor et les achetée). De telles
fibres optiques, ou IBM, dont la domina- offres intégrées reposent sur la maîtrise
Sans innovation les entreprises ne peu- tion est alors écrasante sur le marché des de nombreuses compétences (électro-
vent différencier leur offre par un conte- gros ordinateurs et qui perfectionne les nique, télécommunications, gestion de
nu plus riche, proposer des composants et l’architecture de ceux-ci ; la relation avec la clientèle, etc.).
fonctionnalités nouvelles ou des services ou les laboratoires publics qui jettent les Intégrer toutes ces compétences au sein
à valeur ajoutée ; leurs produits devien- bases du génie génétique, ou encore le de l’entreprise devient difficile et coû-
nent alors des commodités banalisées secteur largement subventionné de la teux, et il est souvent plus efficace de
que le client n’achètera qu’en fonction défense qui développe les circuits inté- pouvoir s’appuyer sur un réseau de spé-
de leur prix, c’est-à-dire auprès de four- grés, les matériaux à haute performance, cialistes.
nisseurs produisant dans des pays à bas les architectures sophistiquées de traite- Enfin, pour intégrer rapidement des
salaires. De plus, dans une société de ment du signal et des données, les connaissances nouvelles, les entreprises
satiété, les consommateurs solvables réseaux de communications, y compris tendent à localiser des services de
renouvellent plus volontiers leurs équi- le protocole Internet. recherche ou de développement à proxi-
pements pour intégrer des innovations, Avec la dérégulation des marchés des mité des sources de savoir et de compé-
abandonnant par exemple leurs lecteurs communications et de l’énergie, l’évolu- tences pertinentes. Il peut s’agir de bien
de disques en vinyle ou de vidéocas- tion des modalités d’achat de la défense, prendre en compte les spécificités
settes pourtant en bon état pour des lec- la globalisation de l’économie et l’ac- locales d’un marché (développements

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d’adaptation) ou d’interagir avec les où au sein de l’entreprise, notamment ailleurs chez Hutchinson, la gestion de
équipes qui développent de nouveaux chez les collaborateurs en contact avec l’innovation participative chez EDF, à la
concepts et de nouvelles technologies le client ou confrontés à un problème RATP ou à la DGA [Durieux 2001], les
(recherches à proximité de grands particulier. séances de créativité mises en place
centres universitaires ou de laboratoires Le management de l’innovation prend dans plusieurs entreprises [de
publics). des formes variées selon le contexte par- Brabandère et Mikolajczak 2002].
ticulier de l’entreprise et met en œuvre Nous nous limitons ici au management
différents dispositifs pour sensibiliser les de la technologie, en restant conscient
Le management collaborateurs à l’importance de l’inno- que celui-ci ne représente qu’une partie
de l’innovation vation, pour les du dispositif. Nous
encourager à expri- Le management de l’innovation utiliserons cepen-
Pour toutes ces raisons, le management mer leurs idées, à dépasse largement le seul cadre dant le mot techno-
de l’innovation dépasse largement le faire part des obser- des équipes de R&D. Nombre logie dans un sens
seul cadre des équipes de R&D. Nombre vations sur le com- d’innovations ne sont pas issues assez large,
d’innovations ne sont pas issues de la portement des de la technologie, même incluant en fait tout
technologie, même si leur mise en clients, des fournis- si leur mise en œuvre peut ensemble organisé
œuvre peut réclamer la solution de pro- seurs ou des réclamer la solution de pro- de compétences et
blèmes techniques complexes. Il peut concurrents et, sur- blèmes techniques complexes une partie de ce
s’agir de l’offre de nouveaux services tout, pour pousser que nous évoque-
autour d’un produit ou d’une prestation la hiérarchie intermédiaire et supérieure rons pourra s’appliquer à un domaine
(comme le service de mise à disposition à valoriser ces contributions, à répondre plus vaste.
d’un véhicule évoqué plus haut), d’une rapidement aux suggestions, soit pour les Nous allons considérer successivement
nouvelle architecture de la prestation mettre à l’étude soit pour expliquer les problèmes traditionnels du manage-
(comme la vente d’ordinateurs assem- pourquoi elles ne sont pas retenues, à ment des équipes de R&D, puis montrer
blés à la demande et livrés rapidement valoriser les innovateurs. Citons, sans la nécessité d’une gestion intégrée de la
après un achat par correspondance ou ordre particulier, les journées passées technologie fondée sur la capacité de
par Internet chez Dell, ou l’offre d’un par des ouvrières de Tefal dans les maga- l’entreprise à détecter et intégrer des
service « chez vous en 48 heures » par sins à observer les attitudes des consom- techniques exogènes, à piloter la gestion
les entreprises de vente par correspon- mateurs face à leurs produits et à ceux de ces compétences en harmonie avec
dance, ou la distribution de livres par de la concurrence [Chapel 1999], les sa stratégie, à augmenter ses capacités
Internet). Les nouvelles idées de produits prix de l’innovation dans des entreprises d’apprentissage, de capitalisation et de
ou de prestations peuvent venir d’un ser- comme Suez [Tossan 2000], le prix de la gestion des connaissances, à valoriser
vice de marketing ou émerger n’importe meilleure imitation d’invention faite ses savoir-faire au-delà de son champ
d’activité.

Le management
des équipes
Longtemps la littérature sur le manage-
ment de la technologie s’est focalisée sur
la gestion de la R&D. Si, comme on va le
voir, le cadre de réflexion s’est beaucoup
élargi depuis, un certain nombre de pro-
blèmes n’ont cependant rien perdu de
leur actualité.
Première difficulté : Comment gérer une
activité dont les résultats sont incertains,
LE MANAGEMENT DE LA TECHNOLOGIE. lointains et ambigus ?
Ce graphique illustre le fait que le management des ressources technologiques de l’en- On dit qu’en pharmacie (hors biotech-
treprise est celui d’un stock de compétences et de connaissances qu’elles maîtrise ainsi nologie) il faut synthétiser dix mille
que d’un réseau lui permettant d’accéder à des compétences externes lorsque c’est
judicieux. Le stock est constitué en fonction des besoins anticipés des projets de déve- molécules pour trouver un médicament.
loppement de l’entreprise. Son évolution résulte de la surveillance et de l’analyse de Comment alors juger les chercheurs sur
l’évolution des technologies, des marchés et de l’environnement concurrentiel et des leurs résultats, si le hasard joue un rôle si
choix stratégiques de l’entreprise (que par ailleurs il conditionne). L’augmentation de
ce stock se fait grâce aux programmes de recherche de l’entreprise, grâce à l’absorp- important ? Dans l’idéal, il faudrait pou-
tion ou à l’intégration de technologies mises au point ailleurs et grâce à la capitalisa- voir évaluer la qualité des procédures
tion des savoirs développés lors des projets. Son exploitation se fait à travers l’offre plus que celle des résultats, mais un biais
de l’entreprise, mais aussi, hors de ces marchés, par la valorisation externe des tech-
nologies qu’elle maîtrise. rétrospectif nous fera apprécier la straté-

D é c e m b r e 2 0 0 3 31
gie qui a conduit à un résultat gagnant travaux. L’admiration des pairs est un Le management intégré
comme plus astucieuse que celle qui moteur puissant et on raconte comment
s’est avérée stérile. Les résultats sont non Steve Jobs en usait pour stimuler les La gestion de la R&D ne se limite pas à
seulement aléatoires, mais ambigus. développeurs d’Apple, qui pouvaient celle des programmes de recherche.
Dans quelle mesure telle amélioration être applaudis ou sifflés selon l’impres- L’entreprise est surtout préoccupée de
quantifiable de la productivité d’un ate- sion que donnaient leurs démonstrations pouvoir disposer des compétences
lier de production résulte-t-elle de l’idée [Sculley 1988]. Lotte Bailyn montre, nécessaires à la réalisation de ses projets
suggérée par la R&D plutôt que des pour sa part, le contresens qui fait que de développement. Ses dirigeants rêve-
nombreux bricolages réalisés locale- les managers donnent souvent peu de raient que la R&D puisse fournir des
ment, à l’occasion de son adaptation directives sur les objectifs d’une réponses aux problèmes soulevés par les
dans le processus de fabrication ? Les recherche, estimant que les chercheurs équipes de développement « à la
résultats sont incertains, éloignés dans le compren- nent mieux qu’eux les enjeux demande », mais le temps de program-
temps (il faut dix ans pour mettre un dans leur domaine, mais imposent des mation et d’ exécution des projets,
médicament sur le marché, mais on juge procédures de travail assez rigides, alors quelques mois à quelques années, est
les chercheurs sur une période de temps que les chercheurs attendent l’inverse, beaucoup plus court que celui nécessai-
plus courte), éloignés dans l’espace et souhaitant disposer d’une grande marge re à la construction d’une compétence
combinés à bien d’autres facteurs d’évo- de manœuvre tactique dans la manière (quelques années, voire beaucoup plus).
lution. de s’organiser, justifiée par leur compé- On ne peut donc avoir de R&D « juste à
Autre écueil, comment gérer des indivi- tence professionnelle, mais manquant temps » asservie aux besoins des projets.
dus plus compétents que ceux qui les d’éléments de mise en perspective pour La R&D construit donc plutôt un stock
encadrent et les évaluent ? déterminer seuls les priorités pertinentes de connaissances et de compétences
Dans la plupart des postes d’une organi- pour leur entreprise ou leur institut de disponibles, dans lequel les projets peu-
sation, les chefs comprennent mieux que recherche [Bailyn 1996]. vent puiser. Pour piloter l’évolution de ce
les gens qu’ils dirigent le travail de ceux- Gérer les horizons temporels contradic- stock, elle s’appuie sur une surveillance
ci, qu’ils ont souvent fait eux-mêmes à toires des opérations et de la recherche et une analyse de l’évolution des tech-
une étape antérieure de leur carrière. est aussi une difficulté supplémentaire. nologies, des marchés et de l’environne-
Dans la recherche, les savoirs et les tech- Ainsi le manager d’une équipe de cher- ment concurrentiel. Ainsi Kodak,
niques évoluent vite et la connaissance cheurs se comporte comme un imprésa- anticipant l’importance de la photogra-
la plus pointue est souvent à la base de rio : il règle les problèmes matériels pour phie numérique, décida dans les années
l’organigramme. permettre au cher- 1990 de moins investir dans ses compé-
Cette situation est Identifier les technologies utiles, cheur de « se con- tences traditionnelles de photochimie,
d’ailleurs assez les récupérer et les intégrer à centrer sur son art », pour choisir de perfectionner les films
fréquente chez les ses systèmes : c’est un nouvel il promeut à l’exté- argentiques photosensibles, et de recru-
travailleurs de la impératif pour l’entreprise rieur les résultats du ter des spécialistes de traitement d’image
connaissance et chercheur et la perti- numériques.
chez les créatifs où, par exemple, un nence de son travail, il conforte le statut Toutefois, même si cette analyse est bien
jeune créateur publicitaire sera plus dif- du chercheur en faisant en sorte que faite, les compétences que l’entreprise
ficile à recruter ou à remplacer que le celui-ci se sente apprécié. Cet impresario construit et les connaissances qu’elle
manager qui vendra ses prestations, ou traducteur infléchit l’attention de ses dif- accumule peuvent ne pas être les plus
dans un hôpital où le directeur aura férents interlocuteurs, en faisant prendre adaptées aux besoins des projets, soit
moins de légitimité et de notoriété que conscience, au chercheur, des priorités que des solutions plus performantes
tel de ses grands cliniciens. Le problème stratégiques de l’organisation - et donc aient été développées ailleurs, soit que
a cependant été étudié depuis longtemps des sujets pertinents - et en permettant, l’apport de technologies que l’entreprise
dans la recherche, ainsi que l’impact et aux dirigeants de l’entreprise, d’apprécier ne maîtrise pas puisse être utile. Elle
les effets pervers de certains dispositifs l’apport du chercheur. Il joue parfois devra alors être capable d’identifier ces
de gestion comme la double échelle aussi un rôle d’écran ou de tampon entre technologies utiles, de les récupérer et
(reconnaître la contribution des experts à les différentes logiques et, notamment, de les intégrer à ses systèmes. Cela
côté de celle des managers) [Allen et entre les horizons temporels en conflit : constitue un rôle nouveau et essentiel
Katz 1988]. celui de l’entreprise qui souhaite une pour la R&D, traditionnellement plutôt
La population des chercheurs est très grande réactivité et celui du chercheur chargée de développer elle-même les
sensible au regard qu’on porte sur elle et qui a besoin de temps pour construire compétences nécessaires. Nous verrons
sa gestion demande un tact particulier. une compétence. Une étude surprenante que cette nouvelle mission repose sou-
Un chercheur dont on s’enquiert trop montre ainsi que les entreprises dont le vent sur la construction de réseaux (avec
souvent des résultats a le sentiment laboratoire central n’est pas situé à proxi- des organismes de recherches, des four-
qu’on ne lui fait pas confiance ou qu’on mité du siège ont une R&D plus perfor- nisseurs ou des concurrents) et demande
le croit paresseux. Un autre qu’on laisse mante [Cardinal et Hatfield 1998], car des qualités différentes de celles que
en paix souffre de ce qu’il ressent elles sont moins soumises aux fluctua- requiert le développement interne de
comme un manque d’intérêt pour ses tions des stratégies de la direction. connaissances nouvelles.

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La maintenance du stock de compé- la stratégie pour une meilleure résilience L’organisation en projets a considérable-
tences utiles passe aussi par le dévelop- de l’entreprise. ment accru l’efficacité des services de
pement d’une capacité d’apprentissage à développement [Midler 1993, Jolivet
partir des projets de développement. En 2003], mais parfois au prix de la capita-
effet, au cours d’un projet, de nom-
Construire une capacité lisation des connaissances car les acteurs
breuses options techniques sont envisa- d’absorption des projets sont surtout soucieux de res-
gées et évaluées, mais celles qui sont pecter leurs impératifs de performance,
abandonnées sont rarement documen- Pour proposer des « solutions com- de délais et de coûts. Il faut donc mettre
tées par des acteurs focalisés sur le res- plètes » intégrant de nombreuses fonc- en place des dispositifs spécifiques pour
pect des échéances et des objectifs du tionnalités et des services divers, les recueillir les connaissances générées au
projet. Il faut donc mettre en place des entreprises doivent combiner des com- cours du projet sans perturber celui-ci.
dispositifs pour permettre un apprentis- pétences qu’elles ne peuvent toutes maî- Cela passe, par exemple, par la présence
sage et une capitalisation des connais- triser. Elles doivent donc développer une d’acteurs spécifiques dans l’équipe pro-
sances qui ne vont pas de soi. capacité à repérer les technologies et les jet, par l’organisation de debriefings
Le stock de compétences disponible à connaissances qui peuvent leur être après les projets ou par des projets parti-
un moment donné conditionne aussi les utile, à intégrer celles-ci à leur offre, soit culiers dédiés à la capitalisation des
stratégies possibles de l’entreprise, au en acquérant la maîtrise directe de ces connaissances [Moisdon et Weil 1998].
moins à court compétences, par De même que l’entreprise a besoin de
terme [Penrose Pour proposer des « solutions développement mobiliser des connaissances externes,
1959] tandis complètes » les entreprises interne ou transfert de même ces compétences peuvent
qu’une évolution doivent combiner des de technologie, soit avoir des applications bien au-delà de
stratégique de l’en- compétences qu’elles ne en s’assurant de la ses marchés traditionnels. Des dévelop-
treprise se traduira peuvent toutes maîtriser collaboration loya- pements complémentaires sont cepen-
par de nouvelles le d’un partenaire dant souvent nécessaires et les
demandes sur l’évolution des technolo- qui maîtrise cette compétence. Elles compétences ne sont pas toujours suffi-
gies disponibles, comme on l’a vu plus devront aussi développer une architectu- samment bien codifiées pour qu’une
haut dans l’exemple de Kodak. re permettant d’intégrer ces briques concession de licence ou un transfert de
Enfin, les connaissances que l’entreprise diverses dans un produit ou un service technologie soit facilement envisa-
a construites peuvent avoir un impact cohérent. De telles capacités d’absorp- geable. Il faut alors explorer des modes
bien au-delà des marchés sur lesquelles tion ne s’improvisent pas et il faut sou- variés de valorisation pouvant passer par
l’entreprise est présente, mais il faut alors vent avoir développé une expertise de des incubateurs et du capital-risque
maîtriser des compétences complémen- bon niveau au sein de l’entreprise pour d’entreprise, par la création de joint-ven-
taires pour pouvoir en tirer profit et accé- avoir la capacité de repérer et d’évaluer tures spécifiques ou bien d’autres moda-
der à un nouveau marché. Il peut s’agir des solutions pertinentes développées lités [Weil 2000a].
de connaissances techniques à intégrer à ailleurs [Cohen et Levinthal 1990]. Il faut
une offre différente ou de capacités com- aussi organiser la R&D pour qu’une
merciales. Le plus souvent d’autres équipe d’intégration exerce une vigilan-
Les nouveaux rôles
acteurs seront donc mieux placés et la ce constante sur les technologies dispo- des experts
valorisation de ces connaissances repo- nibles, sans privilégier les pistes
sera sur la concession de licences ou sur explorées par les services internes de Les nouvelles missions que nous venons
des joint-ventures. recherche, mais en mobilisant la compé- d’évoquer supposent que les experts ne
Nous avons déjà évoqué en parlant des tence des experts locaux [Iansiti et West soient plus seulement jugés sur ce qui
problèmes traditionnels de la gestion de 1997]. constituait autrefois leur tâche principa-
la R&D les questions du caractère aléa- Le problème se complexifie encore lors- le, la construction de nouvelles solutions
toire, ambigu et lointain des résultats de qu’il ne s’agit pas de trouver le partenai- aux problèmes techniques de l’entrepri-
l’activité de recherche, des difficultés de re maîtrisant déjà la technologie qui se, mais sur l’ensemble de leur contribu-
gestion des travailleurs de la connaissan- compléterait l’offre de l’entreprise, mais tion à la découverte et à l’intégration de
ce et de la gestion par l’allocation d’at- celui qui est susceptible de développer solutions pertinentes, à la valorisation
tention. Dans ce qui suit, nous allons efficacement celle-ci. Il faut faire partici- des compétences de l’entreprise, à l’ani-
nous pencher sur quelques questions per un partenaire extérieur, aux objectifs mation de réseaux internes et externes
soulevées par le management intégré de et aux intérêts différents, à un effort de permettant de faire circuler les connais-
la technologie, notamment la construc- R&D amont aux résultats incertains et sances et de les rendre disponibles là où
tion d’une capacité collective d’absorp- définir à l’avance les droits et devoirs de elles sont utiles [Weil 2000b]. Cela sup-
tion de connaissances externes, chacun (financement, propriété des pose parfois des aménagements maté-
l’accumulation de compétences dans résultats, délais de réalisation) à propos riels (outils de CAO et de prototypage
une organisation en projets, l’intégration d’un objet encore inexistant et incom- rapide, de communication et de partage
du management de la technologie dans plètement spécifié [Segrestin 2003, des connaissances, plateaux projets
Aggeri & al. 2002]. reconfigurables, etc.). Cela influe sur les

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volume IX, 2003
critères de recrutement et de promotion défi majeur pour ses stratèges [Hamel et Thomas J. Allen, Managing the Flow of Technology,
ainsi que sur le déroulement des car- Prahalad 1990]. Dans un univers turbu- MIT Press, Cambridge, MAThomas J. Allen, Ralph
Katz, The dual ladder: motivational solution or
rières (recherche de profil « en T », ayant lent, les entreprises visent plutôt la rési- managerial delusion?, R&D Management
une compétence pointue dans leur lience [Hamel et Valikangas 2003], la Lotte Bailyn , Autonomy in the Industrial R&D Lab,
Human Resource Management Summer 85, 24,
domaine mais de bonnes connaissances capacité à s’adapter à un environnement nº2, 129-146 - 5/8/96
générales sur les activités connexes, changeant sans attendre de passer par Luc de Brabandere & Anne Mikolajczak, Le plaisir
des idées, Dunod 2002
rôles de « gatekeepers », d’imprésarios et une crise majeure. Cela passe par le Laura B. Cardinal et Donald E. Hatfield, Corporate
d’architectes de réseaux) [Allen 1977, développement de la réactivité, facilitée research location, dispersion of knowledge and
innovative productivity, Academy of Management,
Weil 2000c] . Cela par la prise d’option San Diego, 8/9/98
repose aussi sur De même que l’entreprise a sur différentes tech- Vincent Chapel, La croissance par l’innovation
intensive : le modèle Tefal, Annales de l’École de
une évaluation besoin de mobiliser des connais- nologies émer- Paris du management, volume V, 1999
prenant en compte sances externes, de même ces gentes, plus que par Cohen W. M., Levinthal D. A. , Absorptive Capacity:
A new Perspective on Learning and Innovation,
la contribution aux compétences peuvent avoir des la planification. La Administrative Science Quaterly, 35, (1990), 128-
projets des autres applications bien au-delà R&D, l’investisse- 52.
Florence Durieux, Management de l’innovation,
au-delà des objec- de ses marchés traditionnels ment dans des start- une approche évolutionniste, Vuibert 2001
Gilles Garel, Les partenariats sont-ils toujours
tifs personnels up, voire la «gagnant-gagnant» ?, Annales de l’École de Paris du
(évaluation à 360°) mais aussi sur de surveillance active d’un domaine tech- management, volume VII, 2001
G Hamel , CK Prahalad, The core competences of
nouvelles relations contractuelles avec nologique et l’utilisation d’architectures the corporation, Harvard Business Review, may-
les fournisseurs et partenaires [Garel ouvertes permettant l’intégration facile june, pp. 79-9, (1990)
Gary Hamel ,Liisa Valikangas, The Quest for
2000]. Cela dépend aussi de facteurs de nouveaux composants sont autant Resilience Harvard Business review, août 2003
culturels, comme la valorisation de la d’options réelles prises en situation d’in- Marco Iansiti et Jonathan West, Technology
Integration: Turning Great Research into Great
coopération et du partage [Saxenian certitude pour permettre à l’entreprise de Products, Harvard Business Review - may-june 97,
1994]. Le management joue un rôle saisir les opportunités qui peuvent se 69-79
Dominique Jacquet, La R&D : un portefeuille d’op-
important en évitant les comportements présenter ou parer des menaces poten- tions financières ? Annales de l’École de Paris du
opportunistes pour construire des rela- tielles [Jacquet 1999]. Le management management, volume V, 1999
François Jolivet, Manager l’entreprise ar projets, les
tions pérennes et équitables, privilégiant de la technologie et plus généralement métarègles du management par projet, Editions
management & société, 2003
la confiance et la bonne réputation de l’innovation est donc devenu trop
Christophe Midler, L’auto qui n’existait pas, mana-
[Powell 1990,Weil 2000c]. stratégique pour rester l’affaire des seuls gement des projets et transformation de l’entreprise,
Interéditions, Paris, 1993.
technologues et requiert une implication Jean-Claude Moisdon et Benoît Weil, Capitaliser les
forte des différentes fonctions de l’entre- savoirs dans une organisation par projets, Annales
Une compétitivité durable prise et l’organisation d’un dialogue
de l’École de Paris du management, volume IV,
1998
constructif entre elles. Edith T. Penrose, The theory of the growth of the
firm, Oxford University Press, 1995 (édition origina-
La mode est bien passée du monopoly La capacité à organiser ce dialogue et, le en 1959)
industriel où de grands groupes étaient plus généralement, à travailler en Walter W. Powell (90), Neither Market nor
Hierarchy: Network Forms of Organization,
gérés comme des réseau tant au sein Research on Organizational Behavior, 12, (1990),
holdings financiers de l’entreprise 295-33612/4/95
Les nouvelles missions suppo- Walter W. Powell, Kenneth W. Koput, Laurel
vendant et acqué- sent que les experts ne soient qu’avec les parte- Smith Doerr, Interorganizational Innovation and the
rant des outils de naires les plus Locus of Innovation: Networks of Learning in
plus seulement jugés sur Biotechnology, Administration Science Quaterly ,
production et des la construction de nouvelles divers devient elle- 41 (1996): 116-145.
compétences de même une compé- Anna Lee Saxenian, Regional Advantage : Culture
solutions aux seuls problèmes and Competition in Silicon Valley and Route 128,
conception en techniques de l’entreprise tence-clé, capable Harvard University Press.
John Sculley, De Pepsi à Apple, Grasset, 1988
fonction de l’at- de procurer un Blanche Segrestin, La gestion des partenariats d’ex-
tractivité plus ou avantage écono- ploration : spécificités, crises et formes de rationali-
sation, thèse de doctorat de l’École des mines de
moins grande des marchés. Les années mique durable à l’entreprise [Powell Paris, spécialité « sciences de gestion », mai 2003.
1990 ont plutôt mis en valeur le recen- 1996]. • Vesselina Tossan, L’action d’un service central
Innovation dans un Groupe de services décentrali-
trage sur les compétences-clés (avec des sé: le cas Suez. Quelle instrumentation sous-jacen-
définitions souvent tautologiques de te? Thèse de doctorat de l’École des Mines.
Thierry Weil (a), La valorisation du patrimoine tech-
celles-ci), en découvrant que celles-ci nologique, ANRT, Paris, mars 2000.
sont longues à construire, difficiles à BIBLIOGRAPHIE Thierry Weil (b), Innovation as Creative
Recombination and Integration of Existing
entretenir et à faire évoluer et constituent Components of Knowledge, Conference on
Franck Aggeri, Blanche Segrestin, Yves Dubreil Knowledge and Innovation, Helsinki, 25 mai 2000.
donc un des principaux facteurs de com-
Comment concilier innovation et réduction des Thierry Weil (c), Le management de l’innovation en
pétitivité durable pour l’entreprise et un délais ? Annales de l’École de Paris du management, réseau, ANRT, Paris, mars 2000.

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