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XVII

L'ÉVOLUTION
DU LANCAGE C INÉMATOGRAPHIQllE 1

En 1928, l'art muet était à son apogée. Le désespoir des


de ceux qui assistèrent au démantèlement de cette
cité de l'image s'explique, s'il ne se justifie. Sur
voie esthétique où il était alors engagé, il leur semblait
le cinéma était devenu un art suprêmement adapté à
« gêne exquise» du silence et que, donc, le réalisme sonore
i!le pouvait que rejeter au chaos.
" En fait, maintenant que l'usage du son a suffisamment
!lémontré qu'il ne venait pas anéantir l'Ancien Testament
hnémaLographique mais l'accomplir, il y aurait lieu de se
l lemander si la révolution technique introduite par la bande
;,onore correspond vraiment à une révolution esthétique,
ln d'autres termes si les années 192R-1930 sont effectivement
!'elles de la naissance d'un nouveau cinéma. Envisagée du
.!loinL de vue du découpage, l'histoire du film ne laisse pas
� Ipparaître en effet de solution de continuité si franche qu'on
le pourrait croire, entre le muet et le parlant. En revanche ,' " l . . �
.
lm pourrait déceler des parentés entre certains réalisateurs
� les années 1925 et tels autres de 1935 et sUrtout de la période
1940-1950. Par exemple entre Eric Von Stroheim et Jean
�\enoir ou Orson \\'elles, Carl Theodor Dreyer et Robert
� Iresson. Or ces affinités plus ou moins nettes prouvent '
Il'abord qu'un pont peut-être jeté par-dessus la faille des

; J. Cette etude résulte de la synthèse de trois nrlicles. le premier écrit


Jour le Ih-re anni\'ersaire Final ans de cinéma à Venise (19,")2), le second,
Èllitulé '1 le découpage et son évolution )1, paru dans le n° 9:� (juillet 1935) de
�I rt'Yue L'A (Je Nouveall, et le troisième dans les Cahiers dll Cillpma (n° 1 t

j�I.;O).
1
132 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA? L'ÉVOLUTION DU LANGAGE 1 :U

années 1930, que certaines valeurs du cinéma muet persis Gance nous donne l'illusion de l'accélération cl'ulle 10('0
tent dans le parlant, mais surtout, qu'il s'agit moins d'op motive sans avoir recours à de véritables images de vitl'5Sl'
poser le « muet » au « parlant» que, dans l'un et l'autre, clt's (car après tout les roues pourraient tourner sur place),
familles de style, des conceptions fondamentalement difIt' rien que par la multiplication de plans de plus en plus
rentes de l'expression cinématographique. courLs. Enfin le montage attraction, créé par S. M. EisensLein
Sans me dissimuler la relativité d'une simplificalion cril i et dont la description est moins aisée, pourrait se définir
que que les dimensions de cette étucle m'imposent et en 1;1 grossièrement comme le renforcement de sens d'une image
tenant moins pour une réalité objective que pour une hypo par le rapprochement avec une autre image qui n'appartient
thèse de trayai!, je distinguerai dans le cinéma de 1920 ;'1 pas nécessairement au même événement : le feu d'artifice,
1940 deux grandes tenda11ces opposées : les mc lt eurs l'II dans La Ligne générale, succédant à l'image du taureau.
scène qui croient à l'image et ceux qui croient à la réalité. Sous cette forme extrême le montage attraction a été rare­
Il Par « image», j'entends très généralement tout ce que peul ment u Lilisé, même pal' son créa Leur, mais on peut tenir
ajouter à la chose représentée sa représentation sur l'écrall. pour très proche dans son prinicipe la pratique beaucoup
Cet apport est complexe, mais on peut le ramener essel! plus générale de l'ellipse, de la comparaison ou de la méta­
ticllement à deux groupes de faits : la plastique de l'imag(' phore : ce sont les bas jetés sur la chaise au pied du lit,
et les ressources du montage (lequel n'est pas autrl' chos(' ou encore le lait qui déborde (Le Quai des ortèures de H. G.
que l'organisation des images dans le temps). Dans 1:1 Clouzot). Naturellement, il existe des combinaisons variables i
.
plastique, il faut comprendre le style du décor et du maqui 1 de ces trois procédés.
lage, dans une certaine mesure même du jeu, auxquels Quelles qu'elles soient, on peut leur reconnaître ce trait
s'ajoutent naturellement l'éclairage et enfin le cadrage qui commun qui est la définition même du montage: la création
achève la composition. Quant au montage, issu principale d'un sens que les images ne contiennent pas objectivement l
ment comme on le sait des chefs-d'oeuvre de Griffith, Andrt" et qui procède de leur seul rapport. L'expérience célèbre de I
Malraux en écrivait dans la Psychologie du cinéma qu'il Koulechoy avec le même plan de !VIosjoukine dont le sourir'e
constituait la naissance du film comme aTt: ce qui le distil\ semblait changer d'expression suivant l'image qui le précé­
, gue ''l'aiment de la simple photographie animée, en fai t , dait, résume parfaitement les propriétés du montage.
\ enfin, un langage. Les montages de Koulechov, celui d'Eisenstein ou de
il L'utilisation du montage peut être « invisible »; c'est Gance ne montraient pas l'événement: ils y faisaient allusion.
de'\'enu dans le film américain classique d'avant-guerre \(' Sans doute empruntaient-ils au moins la plupart de leurs
cas le plus fréquent. Le morcellement des plans n'y a pas éléments à la réalité qu'ils étaient censés décrire, mais la
d'autre but que d'analyser l'événement selon la logique matl' significaLion finale du film résidait beaucoup pIns dans l'or­
rielle ou dramatique de la scène. C'est sa logique qui rend ganisation de ces éléments que dans leur contenu obj ectif.
cette analyse insensible, l'esprit du spectateur épouse natu, La matière du récit, quel que soit le réalisme individuel
'
rellement les points de vue que lui propose le metteur el\ de l'image, naît essentiellement de ces rapports (Mosjoukine
scène parce qu'ils sont justifiés par la géographie de l'actioll souriant + enfant mort = pitié), c'est-à-dire un résultat
ou le déplacement de l'intérêt dramatique. abstrait dont aucun des éléments concrets ne comporte les
Mais la neutralité de ce découpage « invisible » ne rend prémices. De la même façon on peut imaginer: des jeunes
pas compte de toutes les possibilités du montage. Celles-ci filles + des pommiers en fleurs = espérance. Les combi­
se saisissent parfaitement au contraire dans les trois procédl'S naisons sont innombrables. Mais toutes ont ceci de commun
connus généralement sous le nom cie l',rllontage parallèle ", qu'elles suggèrent l'idée par l'intermédiaire de la métaphore
« mO,ntage accéléré )) et « montage aJtraction ». En créan t ou de l'association d'idées. Ainsi entre le scénario proprement
le montage parallèle, Griffith parvenait à rendre compte de la dit, objet ultime. du récit, et l'image brute s'intercale un
simultanéité de deux actions, éloignées dans l'espace, par unc relai supplémentaire, un Il transforma leur » esthétique. Le
succession de plans de l'une et de l'autre. Dans La Roue, Abcl sellS n'est pas dans l'image, il en est l'ombre projetée, pal'
134 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA? L'ÉVOLUTION DU LANGAGE 135

le montage, sur le plan de conscience du spectatcu l'. Moins qu'au temps, Murnau s'intéresse à la réalité de
Résumons-nous. Tant par le contenu plastique de l'imag(' l'espace dramatique; pas plus dans Nosjératu que dans
que par les ressources du montage, le cinéma dispose de tou 1 L'Aurore, le montage ne joue de rôle décisif. On pourrait
un arsenal de procédés pour imposer au spectateur son int('J' penser, pal' contre, que la plastique de l'image la rattache
prétation de l'événement représenté. A la fin du cinél1J:\ à un certain expressionnisme; mais ce serait une vue super­
muet, on peut considérer que cet arsenal était au complel . ficielle. La composition de son image n'est nullement pictu­
Le cinéma soviétique d'un côté a poussé à ses dernières rale, elle n'ajoute rien à la réalité, elle ne la déforme pas, elle
conséquences la théorie et la pratique du montage, tandis s'efforce au contraire d'en dégager des structures profondes,
que l'école allemande a fait subir à la plastique de l'imagl' de faire apparaître des rapports préexistants qui deviennent
(décor et éclairage) toutes les violences possibles. Certes. constitutifs du drame. Ainsi, dans Tabou, l'entrée cI'un vais­
d'autres cinémas comptent alors, que l'allemand et le sovil" seau dans le champ pal' la gauche cie l'écran s'identifie
tique, mais que ce soit en France, en Suède ou en Amérique. absolument au destin sans que IVlurnau triche en rien avec
il ne semble pas que le langage cinématographique manqU\' le réalisme rigoureux clu film, entièrement en décor naturel.
de moyens pour dire ce qu'il a à dire. Si l'essentiel de 1'�111 Mais c'est assurément Stroheim qui est le plus opposé tout
cinématographique tient dans tout ce que la plastique et li' à la fois à l'expressionnisme de l'image et aux artifices
montage peuvent ajouter à une réalité donnée, l'art muet esl clu montage. Chez lui, la réalité avoue son sens comme le
un art complet. Le son ne saurait tout au plus que jouer UII suspect sons l'interrogatoire inlassable du commissaire.
rôle subordonné et complémentaire : en contrepoint Iii' Le principe de sa mise en scène est simple : regarder le monde
l'image visuelle. Mais cet enrichissement possible, et CJl! i d'assez près et avec assez d'insistance pour qu'il finisse par
dans le meilleur des cas ne pourrait être que mineur, risql!(' révéler sa cruauté et sa laideur. On imaginerait assez bien,
de ne pas peser lourd au prix du I�s! de réalit é supplémentaire à la limite, un film cie Stroheim composé d'un seul plan
introduit en même temps par le son. aussi long et aussi gros qu'on voudra.
Le choix de ces trois metteurs en scène n'est pas exhaustif.
*
* * Nous trouverions assurément chez quelques autres, ici et
là, des éléments de cinéma non expressionniste et dans les­
C'est que nous venons de tenir l'expressionnisme du mon quels le montage n'a pas de part. Même d'ailleurs chez
tage et de l'image pour l'essentiel de l'art cinématographique. Griffith. Mais ces exemples suffisent peut-être à indiquer '
Et c'est précisément cette notion généralement admise que l'existence, en plein coeur du muet, d'un art cinémato­
mettent implicitement en cause, dès le cinéma muet, des graphique précisément contraire à celui qu'on identifie
réalisateurs comme Eric von Stroheim, F. M. Murnau ou avec le cinéma par excellence; d'un langage dont l'unité
R. Flaherty. Le montage ne joue dans leurs films pratique­ sémantique et syntaxique n'est en aucune façon le plan;
ment aucun rôle, sinon celui, purement négatif, d'élimina­ clans lequel l'image compte d'abord non pour ce qu'elle
tion inévitable dans une réalité trop abondante. La caméra ajuute à la réalité mais pour ce qu'elle en révèle. Pour cette
ne peut tout voir à la fois, mais ce qu'elle choisit de voir elle tendance le cinéma muet n'était en fait qu'une infirmité :
s'efforce du moins de n'en rien perdre. Ce qui compte pour la réalité, moins l'un cie ses éléments. Les Rapaces comme la
Flaherty devant Nanouk chassant le phoque, c'est le l'ap­ Jeanne d'Arc de Dreyer sont donc déjà virtuellement des
port entre Nanouk et l'animal, l'ampleur réelle de l'attentE', films parlants. Si l'on cesse de tenir le montage et la compo­
Le montage pourrait suggérer le temps, Flaherty se borne sition plastique de l'image pour l'essence même du langage
à nous montrer l'attente, la durée de la chasse est la subs­ cinématographique, l'apparition du son n'est plus la ligne
tance même de l'image, son véritable objet. Dans le film, cel de faille esthétique divisant deux aspects radicalement
épisode ne comporte donc qu'un seul plan. Niera-t-on qu'il différents du septième art. L-n certain cinéma a cru mourir
ne soit de ce fait heaucoup plus émouvant qu'un « montage de la bande sonore, ce n'était peint du tout « le cinéma ,,;
attraction})? le véritable plan de clivage était ailleurs, il continuait,
13G QU'EST-CE QUE LE CINÉMA?

et il continue sans rupture, de traverser trente cinq am


d'histoire du langage cinématographique.

*
* *

L'unité esthétique du cinéma mueL ainsi remise en cause


et répartie entre deux tendances intimement ennemies,
réexaminons l'histoire des vingt dernières années.'-c
0 '_ ,

D e 1930 à 1940, semble bien s'ètre instituée d e par [e


monde, et principalement à partir de l'Amérique, une cel"
t aine communauté d'expression dans le langage cinémalo
graphique. C'est le triomphe à Hollywood de cinq ou six
grands genres qui assurent alors son écrasante supériorité
la comédie américaine (.Ill' Smith au Sénat, 19:-lG), le burlesqul'
(Les Jlarx), le film de danse et de Music-hall (Fred Astaire
et Ginger Rogers, les Ziegteld Follies), le film policier el
de gangsters (Scartace, Je suis lW éuadé, Le Jlollchard),
le drame psychologique et de mœurs (Bac,," Street, Jezebel),
le film fantastique ou d'épouvante (Dl' Jeckyll and Jlr Hyde,
L'Homme inuisible, Frankenstein), le western (Stage Coacli,
1(39). Le second cinéma au monde est sans aucun doute,
pour la mème période, le français; sa supériorité s'affirmc
peu à peu dans une tendance qu'on peut appeler grossière­
ment le réalisme noir ou réalisme poétique, dominé pm
quatre noms : Jacques Feyder, Jean Renoir, Marcel Carné
De 1\130 à 19-W, c'cst le triomphe il Holly\\oocl dc c i n q
et Julien Duvivier. Notre but n'étant pas de dresser un ou six genres qui assurent son écrasante supériorité: 1.
le
palmarès, il ne serait pas très utile de nous attarder SUI' policier :
ScaT/ace: 2. la comédie :
La Femme aL/.r deux
les cinémas soviétique, anglais, allemand et italien dont la visages. Ici, ScaT/uce. [Photo F. ( ; . :\1.1
période considérée est relativement moins significative
que les dix années suivantes. Les productions américaine
et française suffisent en tout cas à définir clairement le
cinéma parlant d'avant-guelTe comme un art visiblement parfait équilibre, sa forme d'expression idéale, et récipro­
parvenu à l'équilibre et à la maturité. quement, on y admire des thèmes dramatiques et moraux
Quant au fond d'abord: de grands genres aux règles bien auxquels le cinéma n'a peut-être pas donné totalemenl
élaborées, capables de plaire au plus large public intematio­ existence mais qu'il a du moins promns à une grandeur,
nal et d'intéresser aussi bien une élite cultivée pourvu à une etncacité artistiques qu'ils n'auraient point conllues
qu'elle ne fût pas hostile a priori au cinéma. sans lui. Bref, tous les caractères de la plénitude d'un art
Quant à la forme ensuite: des styles de la photographie et « classique ».

du découpage parfaitement clairs et conformes à leur sujet; J'entends bien qu'on peut à juste Litre soutenir que l'ori­
une réconciliation totale de l'image et du son. A revoir o-inalité du cinéma d'après-guerre, pal' l'apport à celui de
aujourd'hui des films comme Jezebel de \\'illiam '''yler, 1939, réside dans la promotion de certaines productions
Stage CaC/ch de John Ford ou Le Jour se lèue de Marcel nationales et en particulier le flamboiement éblouissant du
Carné, on éprouve le sentiment d'un art qui a trouvé son cinéma italien et l'apparition d'un cinéma britannique
139
138 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA? L'ÉVOLUTION DU LANGAGE
grue dans
et la généralisation de la
original et dégagé des in Duences hollywoodiennes, qU'OIl des ressources du micro
('II
des stud ios, on peut tenir pour �c uises I� � s
peut conclure que le phénomène vraiment important d(':, l'équipement . -
ssair es et suffi sant es a 1 art eme
anné�s 1940-1950 c'est l'intrusion d'un sang nouveau, d'lIl1t' conditions techniques néce
matographique depuis
matlere encore inexplorée; href, que la vraie révolutioll 1930. "

s techmques etalen prat


. � .Ique-
s'est faite beaucoup plus au niveau des sujets que du stvk , puisque les déterminisme
eher aille urs les SIgn es et les
cher
de ce que le cinéma a à dire au monde, plutôt que de la �11 :1 ment éliminés , il faut donc ,
en ca:-rse
\

langage: dans l a remlse


nière de le lui dire , Le « néo-réalisme n n'est-il point d'abol'II pdncipes de l'évolution du ,
cons éque nce des style s !1e�eSSaI:'e�
un humanisme avant d'être un style de mise en scène '! des sujets et par voie de ;
arr ve
le cinéma parlant en e,t�lt
Et ce style lui-même ne se définit-il pas essentiellenH'liI il leur expression, En 1939
par un efIacement deyant la réalité? il ce que les géog raph es appe llent le profil � ,
, eq
\ lllIbre d, un
.
le
courbe mathematlque Idea
Aussi bien notre intention n'est-elle pas de prôner je 1[(' fleuve, C'est-à-dire à cette
ltat d'un e suffi sant e érosion. Atteint son profil
sais quelle prééminence de la forme sur le fond, « L'art pOlil qui est le résu e a son
e sans efIor t de sa sour�
l'art
n, n'est pas moins hérétique au cinéma. Plus, peut-être � d'équilibre, le fleuv e coul ht. MaIS
, creuser dava ntag e son
MaIS a sUjet nouveau, forme nouvelle! Et c'est encore UIII' embouchure eL cess e de
que mou vem ent géol ogique qui surélève
façon de mieux comprendre ce que le film cherche à nom survienne quel nouveau
tude de la source; l'eau de
dire que de savoir comment il le dit, la pénéplaine, modifie l'alti
, pénètre les terra ins sous-jacents, s'enfonce, mme
En 1938 ou 19:j9 donc, le cinéma parlant connaissai t, travaille dessme
t de couches calcaires, se
surtout e�1 France et en Amérique, une manière de perfce et creuse, Parfois, s'il s'agi sur le
f en creu x quas i Îl1\'is ible
tlOn claSSIque, fondée, d'un côté, sur la maturité cles genl'l'.' alors tout un nouveau relie
e et tour men té pourvu qu'on suive
dramatiques élahorés depuis dix ans ou hérités du cinélll:t plateau, mais com plex
muet, de l'autre, sur la stabilisation des progrès techniques. le chemin de l'eau,
Les années �O ont été à la fois celles du son et de la pellicule
panchromatlque. Sans doute l'équipement des studios
n'a-t-il pas cessé de se perfectionner mais ces améliorations E CINÉMATOGRA PHIQFE DEPUIS LE
f�VOLUTION DU DÉCOUPAG
n'étaient que de détail, aucune d'entre elles n'ouvraient PARLANT
de possibilités radicalement nouvelles à la mise en scène
.
�ette situation n'a d'ailleur� pas changé depuis 1940,
presque partout le même
genre
, A
SI :e n est peut etre tout de meme quant à la photographie, En 19:j8, un retrouve donc onne lle­
� appelons, un . peu cOl1\ 'enti
grace a, l'accrOIssement de la sensibilité de la pellicule. L�\ de découpage. Si nous films
bolIs te n le type de
te» ou « sym
panchromatique a bouleversé l'équilibre des valeurs cil' ment, « expressionnis montage,
tique et les artifices du
muets fondés sur la plas
l'image, les émulsions ultra-sensibles ont permis d'en modi··
s qual ifier la nouv elle forme de récit d'« an�I�­
fier le dessin. Libre de faire des prises de vue en studio avec nous pourrion des ele­
Soit, pour reprendre un
des diaphragmes be �ucoup plus fermés, l'opérateur a pu, tique » et « dramatique », . e et un
Koulechov, une tabl e senn
,
le e�s echeant,
, ,
el1I11lner le flou des arrière-plans qui étai 1 ments de l'expérience de découpage
peut imaginer en 1936 le
,
generalement de ngueur. iVIais on trouverait bien des pauvre hère afIamé. On
exemples antérie�rs d'emploi de la profondeur de champ suivant:
e;
la fois l'acteur et la tabl
(chez Jean RenOIr par exemple); celle-ci a toujours été 10 plan général cadrant à
gros plan du visage
possible en extérieur et même en studio au prix de quelques
')0 travellil1''- avant finissant sur un
prouesses. Il suffisait de le vouloir. En sorte qu'il s'agit moins
b
erve illem ent et de désir;
au fond d'uh problème technique, dont la solution il est
qu iexprime un méla nge d'ém

victuailles;
vrai, a été grandement facilitée, que d'une recher he dl' � 3" série de gros plans de
ce len­
cadré en pied, qui a\"an
style, sur quoi nous reviendrons. En somme, depuis la vulga­ 40 retour au personnage
risation d'emploi de la panchromatique, la connaissance tement vers la caméra;

mI
140 QU'EST-CE QUE LE CINÉlIIA? L'ÉVOLUTION DU LANGAGE 1,1 1

50 léger travelling arrière pour permettre un plan a11](' En fait, cette pratique du montage a ses origines dans le
ricain de l'acteur saisissant une aile de volaille. cinéma muet. C'est à peu près le rôle qu'elle jOlll' l'liez
Griffith, dans Le Lys brisé par exemple, car, ayec Inlolérance,
Quelles que soient les variantes qu'on peul imaginer à ('('
Griffilh introduisait déjà cette conception synthétique du
découpage, il leur resterait des points communs: -
monlage que le cinéma soyiétique poussera à ses dernières
10 la vraisemblance de l'espace, dans lequel la place du
conséquences et qui se retrouye, moins exclusiyement, admise
personnage est toujours déterminée, mème quand un gros un peu partout à la fin du muel. On comprend, du reste,
plan élimine le décor; que l'image sonore, beaucoup moins malléable que l'image
20 l'intention et les effets du découpage sonl cxclusivl' yisuelle, ait ramené le monlage vers le réalisme, éliminant
ment dramatiques ou psychologiq1)es. cie plus en plus, aussi bien l'expressionnisme plastique que
En d'autres termes, jouée sur un théàtre ct vue d'Ull les rapports symboliques entre les images.
fauteuil d'orche-slre, cette scène aurait exactement le mêm(' Ainsi yers 1938, les films étaient, en fait, presque una­
sens, l'événement continuerait d'exister objectivemC'nt. nimement clécoupés selon les mêmes principes. L'histoire
Les changements de points de vue de la caméra n'y ajoutenl était décrile par une succession de plans dont le nombre
rien. Ils présentent seulement la réalité d'une manière yariait rclatiyemcnt peu (autour de GOO). La technique
\, plus efficace., D'abord en permettanl de la mieux 'voir, caractéristique de ce découpage était le champ contre champ;
ensuite en 1l1.etL::\nt l'[lccent sur ce qui le mérite. ',' c'est, dans un dialogue par exemple, la prise de yue alternée
Certes, tout comme -fe-metteur en scène de lhéàtre, Iv selon la logique du texte, de l'un ou l'autre interlocuteur.
metteur en scène de cinéma dispose d'une marge cI'interpré­ C'est ce type de découpage, qui ayait parfaitement conve­
tation clans laquelle infléchir le sens cie l'al' lion. Mais Cl' nu aux meilleurs cles films des années 30 à :-39, qu'est "enu
n'est qu'une marge et qui ne saurait modifier la logique remet Lre en cause le clécoupage en profondeur cie champ
formelle cie l'événement. Prenons par conlre le montaGe d'Orson 'Welles et de ,Yilliam Wyler.
cles lions de pierre dans La Fin de Sainl-Pétersbour : ; La notoriété de Citizen Kane ne saurait ètre surfaite.
habilement 'rapprochées, une série de sculptures donnent Gràce à la profondeur cie champ, des scènes entières sont
l'impression du même animal qui se dresse (comme le peuple). traitées en une seule prise de yue, la caméra restant même
Cette admirable trouvaille de montage est impensable dès immobile. Les effets dramatiques, demanclés antérieuremenl
1932. Dans Pury, Fritz Lang introduit encore en 1935 au montage, naissent tous ici du déplacement des acteurs
après une suite de plans de femmes cancanant, l'image d � dans le cadrage choisi une fois pour toutes. Certes, pas plus
poules caquetant dans une basse-cour. C'est une survivance que Griffith le gros plan, Orson \','elles {( n'inyentait » la
du montage attraction qui choquait déj à à l'époque et qui profondeur de champ; tous les primitifs du cinéma l'uti­
paraît aujourd'hui tout à fait hétérogène au reste du film. lisaient, et pour cause. Le flou dans l'image n'est apparu
Si décisif que soit l'art d'un Carné, par exemple clans la mise qu'ayec le montage. Il n'était pas seulement une seryitude
en valeur des scénarios du Quai des brumes ou du Jou]' se lève, technique consécutiye à l'emploi des plans rapprochés,
son découpage demeure au niveau de la réalité qu'il analyse, mais la conséquence logique du montage, son équivalence
- il n'est qu'une façon de la bien voir. C'est pourquoi on assiste plastique. Si, à tel moment de l'aciion, le metteur en scène
à la disparition presque totale des trucages visibles, Lels fait, par exemple, comme clans le découpage imaginé plus
que la surimpression, et même, surtout en Amérique, du haut, un gros plan cl'une coupe de fruits, il est normal qu'il
gros plan dont l'effet physique trop violent rendrait sensible l'isole aussi dans l'espace par la mise au point de l'objectif.
le montage. Dans la comédie américaine typique, le metteur Le flou des arrière-plans confirme donc l'effet du montage,
en scène revient chaque fois qu'il le peut au cadrage des il n'appartient qu'accessoirement au style de la photo­
personnages au-dessus des genoux, qui s'avère être le plus graphie, mais essentiellement à celui du récit. Déjà Jean
conforme à l'attention spontanée du spectateur, le point F1.enoir l'avait parfaitement compris quand il écrivait en
d'équilibre naturel de son accommodation mentale. 1938, c'est-à-dire après La bête humaine et La Grande illusion
142 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA? L'ÉVOLUTION DU LANGAGE 143

et avant La Règle du jeu: " Plus j'avance dans mon métier, �. balbutiement primitif -, il l'intègre à sa plastique. Le récit
plus je suis amené à faire de la mise en scène en profondelil' - cie Welles ou de \Vyler n'est pas moins explicite que celui
par rapport à l'éeran ; plus ça va, plus je renonce aux COll de John Ford, mais il a sur ce dernier l'avantage de ne point
frontations entre deux acteurs placés sagement devant la renoncer aux effeLs particuliers qu'on peut tirer de l'unité
caméra comme chez le photographe. " Et en effet, si l'Oll de l'image dans le temps et dans l'espace. Il n'est point
recherche un précurseur à Orson \\'elles, ce n'est pas Louis indifférent en effet (du moins dans une oeuvre qui atteint au
Lumière ou Zecca mais Jean Renoir. Chez Renoir, la rc style) qu'un événement soit analysé pal' fragments ou repré­
cherche de la composition en profondeur de l'image corres senté dans son unité physique. Il serait évidemment absurde
pond effectivement à une suppression partielle du montage, de nier les progrès décisifs apportés par l'usage du montage
remplacé par de fréquents
panoramiques et des entrées dans le langage de l'écran, mais ils ont été acquis au prix
dans le champ. Elle suppose le respect de la continuité cil' d'autres valeurs, non moins spécifiquement cinématogra­
l'espace dramatique et naturellement de sa durée. phiques.
Il est évident, à qui sait voir, que les plans-séquences cil' C'est pourquoi la profondeur de champ n'est pas une mode
\Velles dans Jlagnificenl Ambersons ne sont nullement d'opérateur comme l'usage des trames du filtre ou tel style
" l'enregistrement " passif d'une action photographiée d'éclairage, mais une acquisition capitale de la mise en
clans un même cadre mais, au contraire, que le refus dl' scène : un progrès dialectique dans l'histoire du langage
morceler l'événement, d'analyser dans le temps l'aire drama­ cinématographique.
tique est une opération positive dont l'effet est supérieur il Et ce n'est pas là qu'un progrès fonnel ! La profondeur de
celui qu'aurait pu produire le découpage classique. champ bien utilisée n'est pas seulement une façon plus éco­
Il suffit de comparer deux photogrammes en profondeur nomique, plus simple et plus subtile à la fois de mettre
de champ, l'un de 1910, l'autre d'un film de \Velles ou cil' l'événement en valeur; elle affecte, avec les structures du
\Vyler, pour comprendre à la seule vue de l'image, .même langage cinématographique, les rapports intellectuels du
séparée du film, que sa fonction est tout autre. Le cadrage spectateur avec l'image, et par là même elle modi fie le sens
de 1910 s'identifie pratiquement avec le quatrième mur du spectacle.
absent de la scène du théâtre ou, clu moins en extérieur, Il sortirait du propos de cet article d'analyser les modalités
avec le meilleur point de vue sur l'action, tandis que le clécor, psychologiques de ces rapports, sinon leurs conséquences
l'éclairage et l'angle donnent, à la seconde mise en page, esthétiques, mais il pourra suffire de remarquer grosso modo:
une lisibilité différente. Sur la surface de l'écran, le metteur 1 ° que la profondeur de champ place le spectateur dans un
en scène et l'opérateur ont su organiser un échiquier clrama­ l'apport avec l'image plus proche de celui qu'il entretient
tique dont aucun détail n'est exclu. On en trouvera les avec la réalité. Il est donc juste de dire, qu'indépendamment
exemples les plus clairs, sinon les plus originaux, dans du contenu même cie l'image, sa �tructure est plus réaliste;
Li/Ile Faxes où la mise en scène prend une rigueur d'épure 2° qu'elle implique par conséquent une attitude mentale
(chez \Velles la surcharge baroque rend l'analyse plus plus active et même une contribution positive du spectateur
complexe). La mise en place d'un objet par rapport aux à la mise en scène. Alors que dans le montage analytique
personnages est telle que le spectateur ne peul pas échapper il n'a qu'à suivre le guide, couler son attention dans celle
à sa signification. Signification que le montage aurait dé­ du metteur en scène qui choisit pour lui cc qu'il faut voir, il
taillée dans un déroulement de plans successifsl. est requis ici à un minimum de choix personnel. De son
En d'autres termes le plan-séquence en profondeur de attention et de sa volonté dépend en partie le fait que
champ du metteur en scène moderne ne renonce pas au l'image ait un sens;
montage - comment le pourrait-il sans retourner à un 3° des deux propositions précédentes, d'ordre psycholo­
gique, en découle une troisième qu'on peut qualifier de méta­
1. On trOU\'erèl, dans j'étude �lIi\'al1te SUI' vVilliuIll \V;\'leI\ des illllslrations physique.
précises de CE'tte nnalvsr, En analysant la réalité, le montage supposait, par sa
144 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA?

nature mème, l'unité de sens de l'é"Vénement dramatiqul'.


Sans cloute un autre cheminement analytique était possibll',
mais alors c'eut été un autre film. En somme, le monlae:l'
s'oppose essentiellement et par nature à l'expression d('
l'ambiguïté. L'expérience cie Koulechoy le démontre juste
ment par l'absurcle en clonnant chaque fois un sens pr(>('i ...
au visage dont l'ambiguïté autorise l'es trois interprétatiolls
successivement exclusiycs.
Au contraire, la profoncleur cie champ l'l'in 1 rocl uit l'aI \1
biguïté clans la structure de l'image, sinon comme 1I1H'

nécessité (les films de \Yyler ne sont guère ambigus), dll


moins comme une possibilité. C'est Jlourquoi il n'est p:l"
exagéré de dire que Citizen ]{ane ne se conçoit qu'en pro
foncleur de champ. L'incertitude où l'on demeure cie la l'Id
spirituelle ou de l'interprétation est d'abord inscrite dam
le dessin même cie l'image.
,Ce n'est pas que \\'rlles s'interdise le recours aux procédr;"
expressionnistes du montage, mais justement leur utilisatioll
épisoclique, cntre les " plans-séquence ", en profondeur lit'
champ leur confèrE' un sens nouveau. Le montage constituait
jadis la matière mrme du cinéma, le tissu clu scénario. Dai\.'
Cili::en lÙll1f un enchaînement de surimpressions s'OppOSI'
à la continuité d'une scene représentée en une seule prise.
il esl une autre modalité, explicitement abstraile, du récit.
Le plan séquenec du melleur en scène moderne ne renon ce
Le monlage accéléré lrichait avec le lemps et l'espacl',
pas au mont age, il l'inli'grc à sa plastique. La scène du sui­
celui dl' \Yelles ne cherche pas à nous lromper, au contraire, cide man qué dans Citizl'n !(one.
il se propose par contraste comme un condensé lemporel,
l'équivalent par exemple cie l'imparfait français ou clu fré­
-quentatif anglais. Ainsi le « montage rapicle )) et le « mont agI'
attraction ", les surimpressions quc le cinéma parlant n'ayait
plus employées depuis dix ans, retrouyent un usage possible
par rapport au réalisme temporel d'un cinéma sans montage. zéro de Roberto Hossdlini et Le Voleur de bicyclettes de
Si nous nous sommes attardés sur le cas d'Orson \Yelles, Vittorio de Sica, le néo-réalisme italien s'oppose aux formes
("est que la date clc son apparition au firmament cinémalo­ antérieures du réalisme cinématographique par le dépouil­
graphique (1941) marque assez bien le commencement lement de tout expressionnisme et, en particulier, par la
d'une période nou\'elle, aussi parce que son cas est le plus totale absence des cfTcts dus au montage. Comme chez \Vclles
spectaculaire et le plus significatif dans ses excès mèmes. et en dépit cles oppositions cie style, le néo-réalisme tend à
�Iais Citizen KClne s'insère dans un mouyemcll! cl'ensemb1e, rendre au film le sens de l'ambiguïté du réel. Le souci de
dans un vaste déplacement géologigrue des assises du cinéma Rossellini clevant le visage de l'enfant d'Allemagne année
qui con firme un peu partout de quelque manière cette révo­ zéro est justement inverse de celui de Koulechov devant le
lution du langage. gros plan de Mosjoukil\(" Il s'agit de lui conserver son mys­
J'en lrouyerais une confirmation par des voies difIérentcs tère. Que l'évolution I\éo-réaliste ne semble pas d'abord se 1

dans le cinéma italien. Dans l'ui'sa et Allemagne Clnnée traduire, comme en AI\I(\rique, par quelque révolution dans
la technique du déeoupage, ne doit pas donner le ehange.

Qu'est-ce que le Cinéma '! 1 {J.


146 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA?

Les moyens sont divers pour atteindre le même but. Ceux dl'
Hossellini et de de Sica sont moins spectaculaires, mais il�,
visent, eux aussi, à réduire à néant le monlage cl à l'ait'l'
passer dans l'écran la continuité vraie de la réalité. ZavatLillÎ
ne rêve que de filmer 90 minutes cie la vil' d'un homme à qtli
il n'arrive rien! Le plus « esthète)) des néo-réalistes, Luchinll
Yisconti, révélait du reste aussi clairement que \Yelles li'
projet fondamental de son art dans La Terre tremble, Illiii
presque uniquement composé de plan-séquence où le souci
d'embrasser la totalité de l'événement sc traduit par 1:1
profondeur de champ et d'interminables panoramiques.
Mais nous ne saurions passer en revue toules les oeU\TCS

qui participent à eeHe évolulion du langage depuis 19JO.


Il est temps d'essayer Ulll' synthèse de ces ré flexions. Ll'S
dix dernières années nous paraissenl marquer cles progrès
décisifs dans le domaine de l'expression cinématographiqul'.
C'est à dessein que nous avons semblé perdre de vue à partir
de 19:30 la tendance clu cinéma muet illuslrée particulière­
ment par Erich von Stroheim, F. \Y. Murnau, R. Flaherty
et Dreyer. :\on qu'elle nous partît éteinte avec le parlan t .
Car, bien au contraire, nous pensons qu'elle représentait
la yeine la plus féeoncle clu cinéma clit muet, la seule qui,
précisément parce que l'essentiel de son esthétique n'était
pas lié au montage, appelait le réalisme sonore comme un
prolongement naturel. Mais il est \'l'ai que le cinéma parlanl
de 1930 à 1940 ne lui doit presque rien hors l'exception
' , le soul'i d'l'Ill
glorieuse et rétrospectivement prophélique de Jean Henoir, Dans La 'l'erre Irfmille, de l.u chino Yisconli
le seul dont les recherches de mise en scène s'efIorcent, pal' la pl'Orlllllll'lll'
brasser la totalité de l'&yénemcnt se traduit
iques. Il'Iloto 1 \ III \;1 Id. 1
jusqu'à La Règle du jeu, de retrouver, au-delà des facilités du champ et d'interminables panoram

du montage, le secret d'un récit cinématographique capable


de tout exprimer sans morceler le momIe, de révéler le s('ns
caché des êtres et des choses sans en briser l'unité naturelle.
Il n'est pas question cie jeter ]JOUI' aulant sur le cinéma
monlage a presque
de 19:)0 à 1940 un discrédit qui ne résisterait ]Joinl clu reste à sentation objective. L'expressionnisme du
l'évidence de quelques chefs-d' ceu vre, silllplement cl'inLro­ complètement disparu, mais le réalism

e rclat j' du st �'le de
1 \l3 �( , l mpl!qumt
duire l'idée cI'un progrès dialectique dont les années 40 mar­ découpage, qui triomphe généralement vers .
dont nous Ill' [loUYlOnS nous
quent la grande articulation. Il est vrai que le parlant a une limitation congénitale
-l,
. , sonné le glas d'une certaine esthétique du langage cinéma­ rendre compte tant que les sujets tra lés �
lui taie� �ll par ai­ �
tographique, mais seulement de celle qui l'écartait le plus riés. Ainsi de la comecl le amcnc all1e qU! a
tement approp
découpage où il'
> cie sa "ocation réaliste. Du montage, le cinéma parlant avail atteint sa perfection dans le cadre d'un
cependant conservé l'essentiel, la description discontinue et e clu temps ne jouait aucun rôle. Essentlellemenl
réalism
ille et le jeu de mots, parfaItement
l'analyse dramatique de l'événement. Il a renoncé à la méta­ logique, comme le yaudev
ct socl Ologlque, 1:1
phore ct au symbole pour s'efforcer à l'illusion de la repr(>- conventionnelle dans son contenu moral

J
148 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA?

comédie américaine avait tout à gagner à la rigueur descrip­


tive et linéaire, aux ressources rythmiques du découpage
classique.
C'est sans doute surtout avec la tendance Stroheim­
Murnau, presque totalement éclipsée de 1930 à 1940, que le
cinéma renoue plus ou moins consciemment depuis dix ans.
Mais il ne se borne pas à la prolonger, il y puise le secret d'une
régénérescence réaliste du récit; celui-ci redevient capable
XVII I
(l'intégrer le temps réel des choses, la durée de l'événemenl
anquel le découpage classique substituait insidieusement un
\YILLIAM WYLER
temps intellectuel et abstrait. Mais loir. d'éliminer dé fini­
tivement les conquêtes du montage, il leur donne au contraire OU LE J A NSÉNISTE DE LA MISE EN SCÈNh 1
une relativité et un sens. Ce n'est que par rapport à un réa­
lisme accru de l'image, qu'un supplément d'abstraction
! devient possible. Le répertoire stylistique d'un metteur en LE RÉALISME DE \YYLER
, scène comme Hitchcock par exemple, s'étend des pouvoirs
\Yyler
du document brut aux surimpressions et aux très gros plans. A l'étudier dans le détail, la mise en scène de
Mais les gros plans de Hitchcock ne sont pas ceux de C. B. révèle pour chacun de ses films de très visibles différences,
de Mille dans FortCliture. Ils ne son t qu'une figure de style aussi bien dans l'emploi de la caméra que dans la qualité
parmi d'autres. En d'autres termes, au temps du muet, le de la photographie. Rien n'est plus opposé à la plastique
montage évoquait ce que le réalisateur voulait dire, en 1938 le des Plus belles Clnnées de noire vie que celle de La Lel/re.
d��oupage décrivClit, aujourd'hui en fin, on peut dire que le Quand on évoque les scènes culminantes des films de \Vyler,
metteur en scène écrit directement en cinéma. L'image - on s'aperçoit que la matière dramatique en est très variée
sa structure plastique, son organisation dans le temps -­ et que les trouvailles de découpage qui la mettent en valeur
parce qu'elle prend appui sur un plus grand réalisme, dispose n'ont que peu de rapport entre elles. Qu'il s'agisse de la
ainsi de beaucoup plus de moyens pour infléchir, modifier robe rouge du bal de L'Insoumise, du dialogue pendant
du dedans la réalité. Le cinéaste est, non plus seulement le rasage de barbe ou de la mort de Herbert Marshall dans
le concurrent du peintre et du dramaturge, mais enfin l'égal La Vipère, de la mort du shériff dans Le CClvalier du désert,
du romancier. du travelling dans la plantation au début de LCl Lel/re, de
la scène du bombardier désaffecté des Plus belles Clnnées
de notre vie, on n'y trou ve pas ce goût permanent de thèmes
comme, par exemple, les chevauchées de John Ford, les
bagarres de Tay GarnetL, les mariages ou les courses­
poursuites de René Clair. Ni décors, ni paysages préférés.
Tout au plus une prédilection évidente
constate-t-on
pour les psychologiques sur fond social. Mais
scénarios
si \Vyler est passé maîl rc dans le traitement de ce genre
de sujet, qu'ils soient tirés d'un roman comme Jezebel
ou d'une pièce comme The Little Faxes, si son œuvrp laisse
dans l'ensemble à notre mémoire le goût un peu "pre et

1. Revue du Cinéma, 1948.

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