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L'ÉVOLUTION
DU LANCAGE C INÉMATOGRAPHIQllE 1
j�I.;O).
1
132 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA? L'ÉVOLUTION DU LANGAGE 1 :U
années 1930, que certaines valeurs du cinéma muet persis Gance nous donne l'illusion de l'accélération cl'ulle 10('0
tent dans le parlant, mais surtout, qu'il s'agit moins d'op motive sans avoir recours à de véritables images de vitl'5Sl'
poser le « muet » au « parlant» que, dans l'un et l'autre, clt's (car après tout les roues pourraient tourner sur place),
familles de style, des conceptions fondamentalement difIt' rien que par la multiplication de plans de plus en plus
rentes de l'expression cinématographique. courLs. Enfin le montage attraction, créé par S. M. EisensLein
Sans me dissimuler la relativité d'une simplificalion cril i et dont la description est moins aisée, pourrait se définir
que que les dimensions de cette étucle m'imposent et en 1;1 grossièrement comme le renforcement de sens d'une image
tenant moins pour une réalité objective que pour une hypo par le rapprochement avec une autre image qui n'appartient
thèse de trayai!, je distinguerai dans le cinéma de 1920 ;'1 pas nécessairement au même événement : le feu d'artifice,
1940 deux grandes tenda11ces opposées : les mc lt eurs l'II dans La Ligne générale, succédant à l'image du taureau.
scène qui croient à l'image et ceux qui croient à la réalité. Sous cette forme extrême le montage attraction a été rare
Il Par « image», j'entends très généralement tout ce que peul ment u Lilisé, même pal' son créa Leur, mais on peut tenir
ajouter à la chose représentée sa représentation sur l'écrall. pour très proche dans son prinicipe la pratique beaucoup
Cet apport est complexe, mais on peut le ramener essel! plus générale de l'ellipse, de la comparaison ou de la méta
ticllement à deux groupes de faits : la plastique de l'imag(' phore : ce sont les bas jetés sur la chaise au pied du lit,
et les ressources du montage (lequel n'est pas autrl' chos(' ou encore le lait qui déborde (Le Quai des ortèures de H. G.
que l'organisation des images dans le temps). Dans 1:1 Clouzot). Naturellement, il existe des combinaisons variables i
.
plastique, il faut comprendre le style du décor et du maqui 1 de ces trois procédés.
lage, dans une certaine mesure même du jeu, auxquels Quelles qu'elles soient, on peut leur reconnaître ce trait
s'ajoutent naturellement l'éclairage et enfin le cadrage qui commun qui est la définition même du montage: la création
achève la composition. Quant au montage, issu principale d'un sens que les images ne contiennent pas objectivement l
ment comme on le sait des chefs-d'oeuvre de Griffith, Andrt" et qui procède de leur seul rapport. L'expérience célèbre de I
Malraux en écrivait dans la Psychologie du cinéma qu'il Koulechoy avec le même plan de !VIosjoukine dont le sourir'e
constituait la naissance du film comme aTt: ce qui le distil\ semblait changer d'expression suivant l'image qui le précé
, gue ''l'aiment de la simple photographie animée, en fai t , dait, résume parfaitement les propriétés du montage.
\ enfin, un langage. Les montages de Koulechov, celui d'Eisenstein ou de
il L'utilisation du montage peut être « invisible »; c'est Gance ne montraient pas l'événement: ils y faisaient allusion.
de'\'enu dans le film américain classique d'avant-guerre \(' Sans doute empruntaient-ils au moins la plupart de leurs
cas le plus fréquent. Le morcellement des plans n'y a pas éléments à la réalité qu'ils étaient censés décrire, mais la
d'autre but que d'analyser l'événement selon la logique matl' significaLion finale du film résidait beaucoup pIns dans l'or
rielle ou dramatique de la scène. C'est sa logique qui rend ganisation de ces éléments que dans leur contenu obj ectif.
cette analyse insensible, l'esprit du spectateur épouse natu, La matière du récit, quel que soit le réalisme individuel
'
rellement les points de vue que lui propose le metteur el\ de l'image, naît essentiellement de ces rapports (Mosjoukine
scène parce qu'ils sont justifiés par la géographie de l'actioll souriant + enfant mort = pitié), c'est-à-dire un résultat
ou le déplacement de l'intérêt dramatique. abstrait dont aucun des éléments concrets ne comporte les
Mais la neutralité de ce découpage « invisible » ne rend prémices. De la même façon on peut imaginer: des jeunes
pas compte de toutes les possibilités du montage. Celles-ci filles + des pommiers en fleurs = espérance. Les combi
se saisissent parfaitement au contraire dans les trois procédl'S naisons sont innombrables. Mais toutes ont ceci de commun
connus généralement sous le nom cie l',rllontage parallèle ", qu'elles suggèrent l'idée par l'intermédiaire de la métaphore
« mO,ntage accéléré )) et « montage aJtraction ». En créan t ou de l'association d'idées. Ainsi entre le scénario proprement
le montage parallèle, Griffith parvenait à rendre compte de la dit, objet ultime. du récit, et l'image brute s'intercale un
simultanéité de deux actions, éloignées dans l'espace, par unc relai supplémentaire, un Il transforma leur » esthétique. Le
succession de plans de l'une et de l'autre. Dans La Roue, Abcl sellS n'est pas dans l'image, il en est l'ombre projetée, pal'
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le montage, sur le plan de conscience du spectatcu l'. Moins qu'au temps, Murnau s'intéresse à la réalité de
Résumons-nous. Tant par le contenu plastique de l'imag(' l'espace dramatique; pas plus dans Nosjératu que dans
que par les ressources du montage, le cinéma dispose de tou 1 L'Aurore, le montage ne joue de rôle décisif. On pourrait
un arsenal de procédés pour imposer au spectateur son int('J' penser, pal' contre, que la plastique de l'image la rattache
prétation de l'événement représenté. A la fin du cinél1J:\ à un certain expressionnisme; mais ce serait une vue super
muet, on peut considérer que cet arsenal était au complel . ficielle. La composition de son image n'est nullement pictu
Le cinéma soviétique d'un côté a poussé à ses dernières rale, elle n'ajoute rien à la réalité, elle ne la déforme pas, elle
conséquences la théorie et la pratique du montage, tandis s'efforce au contraire d'en dégager des structures profondes,
que l'école allemande a fait subir à la plastique de l'imagl' de faire apparaître des rapports préexistants qui deviennent
(décor et éclairage) toutes les violences possibles. Certes. constitutifs du drame. Ainsi, dans Tabou, l'entrée cI'un vais
d'autres cinémas comptent alors, que l'allemand et le sovil" seau dans le champ pal' la gauche cie l'écran s'identifie
tique, mais que ce soit en France, en Suède ou en Amérique. absolument au destin sans que IVlurnau triche en rien avec
il ne semble pas que le langage cinématographique manqU\' le réalisme rigoureux clu film, entièrement en décor naturel.
de moyens pour dire ce qu'il a à dire. Si l'essentiel de 1'�111 Mais c'est assurément Stroheim qui est le plus opposé tout
cinématographique tient dans tout ce que la plastique et li' à la fois à l'expressionnisme de l'image et aux artifices
montage peuvent ajouter à une réalité donnée, l'art muet esl clu montage. Chez lui, la réalité avoue son sens comme le
un art complet. Le son ne saurait tout au plus que jouer UII suspect sons l'interrogatoire inlassable du commissaire.
rôle subordonné et complémentaire : en contrepoint Iii' Le principe de sa mise en scène est simple : regarder le monde
l'image visuelle. Mais cet enrichissement possible, et CJl! i d'assez près et avec assez d'insistance pour qu'il finisse par
dans le meilleur des cas ne pourrait être que mineur, risql!(' révéler sa cruauté et sa laideur. On imaginerait assez bien,
de ne pas peser lourd au prix du I�s! de réalit é supplémentaire à la limite, un film cie Stroheim composé d'un seul plan
introduit en même temps par le son. aussi long et aussi gros qu'on voudra.
Le choix de ces trois metteurs en scène n'est pas exhaustif.
*
* * Nous trouverions assurément chez quelques autres, ici et
là, des éléments de cinéma non expressionniste et dans les
C'est que nous venons de tenir l'expressionnisme du mon quels le montage n'a pas de part. Même d'ailleurs chez
tage et de l'image pour l'essentiel de l'art cinématographique. Griffith. Mais ces exemples suffisent peut-être à indiquer '
Et c'est précisément cette notion généralement admise que l'existence, en plein coeur du muet, d'un art cinémato
mettent implicitement en cause, dès le cinéma muet, des graphique précisément contraire à celui qu'on identifie
réalisateurs comme Eric von Stroheim, F. M. Murnau ou avec le cinéma par excellence; d'un langage dont l'unité
R. Flaherty. Le montage ne joue dans leurs films pratique sémantique et syntaxique n'est en aucune façon le plan;
ment aucun rôle, sinon celui, purement négatif, d'élimina clans lequel l'image compte d'abord non pour ce qu'elle
tion inévitable dans une réalité trop abondante. La caméra ajuute à la réalité mais pour ce qu'elle en révèle. Pour cette
ne peut tout voir à la fois, mais ce qu'elle choisit de voir elle tendance le cinéma muet n'était en fait qu'une infirmité :
s'efforce du moins de n'en rien perdre. Ce qui compte pour la réalité, moins l'un cie ses éléments. Les Rapaces comme la
Flaherty devant Nanouk chassant le phoque, c'est le l'ap Jeanne d'Arc de Dreyer sont donc déjà virtuellement des
port entre Nanouk et l'animal, l'ampleur réelle de l'attentE', films parlants. Si l'on cesse de tenir le montage et la compo
Le montage pourrait suggérer le temps, Flaherty se borne sition plastique de l'image pour l'essence même du langage
à nous montrer l'attente, la durée de la chasse est la subs cinématographique, l'apparition du son n'est plus la ligne
tance même de l'image, son véritable objet. Dans le film, cel de faille esthétique divisant deux aspects radicalement
épisode ne comporte donc qu'un seul plan. Niera-t-on qu'il différents du septième art. L-n certain cinéma a cru mourir
ne soit de ce fait heaucoup plus émouvant qu'un « montage de la bande sonore, ce n'était peint du tout « le cinéma ,,;
attraction})? le véritable plan de clivage était ailleurs, il continuait,
13G QU'EST-CE QUE LE CINÉMA?
*
* *
du découpage parfaitement clairs et conformes à leur sujet; J'entends bien qu'on peut à juste Litre soutenir que l'ori
une réconciliation totale de l'image et du son. A revoir o-inalité du cinéma d'après-guerre, pal' l'apport à celui de
aujourd'hui des films comme Jezebel de \\'illiam '''yler, 1939, réside dans la promotion de certaines productions
Stage CaC/ch de John Ford ou Le Jour se lèue de Marcel nationales et en particulier le flamboiement éblouissant du
Carné, on éprouve le sentiment d'un art qui a trouvé son cinéma italien et l'apparition d'un cinéma britannique
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138 QU'EST-CE QUE LE CINÉMA? L'ÉVOLUTION DU LANGAGE
grue dans
et la généralisation de la
original et dégagé des in Duences hollywoodiennes, qU'OIl des ressources du micro
('II
des stud ios, on peut tenir pour �c uises I� � s
peut conclure que le phénomène vraiment important d(':, l'équipement . -
ssair es et suffi sant es a 1 art eme
anné�s 1940-1950 c'est l'intrusion d'un sang nouveau, d'lIl1t' conditions techniques néce
matographique depuis
matlere encore inexplorée; href, que la vraie révolutioll 1930. "
victuailles;
vrai, a été grandement facilitée, que d'une recher he dl' � 3" série de gros plans de
ce len
cadré en pied, qui a\"an
style, sur quoi nous reviendrons. En somme, depuis la vulga 40 retour au personnage
risation d'emploi de la panchromatique, la connaissance tement vers la caméra;
mI
140 QU'EST-CE QUE LE CINÉlIIA? L'ÉVOLUTION DU LANGAGE 1,1 1
50 léger travelling arrière pour permettre un plan a11](' En fait, cette pratique du montage a ses origines dans le
ricain de l'acteur saisissant une aile de volaille. cinéma muet. C'est à peu près le rôle qu'elle jOlll' l'liez
Griffith, dans Le Lys brisé par exemple, car, ayec Inlolérance,
Quelles que soient les variantes qu'on peul imaginer à ('('
Griffilh introduisait déjà cette conception synthétique du
découpage, il leur resterait des points communs: -
monlage que le cinéma soyiétique poussera à ses dernières
10 la vraisemblance de l'espace, dans lequel la place du
conséquences et qui se retrouye, moins exclusiyement, admise
personnage est toujours déterminée, mème quand un gros un peu partout à la fin du muel. On comprend, du reste,
plan élimine le décor; que l'image sonore, beaucoup moins malléable que l'image
20 l'intention et les effets du découpage sonl cxclusivl' yisuelle, ait ramené le monlage vers le réalisme, éliminant
ment dramatiques ou psychologiq1)es. cie plus en plus, aussi bien l'expressionnisme plastique que
En d'autres termes, jouée sur un théàtre ct vue d'Ull les rapports symboliques entre les images.
fauteuil d'orche-slre, cette scène aurait exactement le mêm(' Ainsi yers 1938, les films étaient, en fait, presque una
sens, l'événement continuerait d'exister objectivemC'nt. nimement clécoupés selon les mêmes principes. L'histoire
Les changements de points de vue de la caméra n'y ajoutenl était décrile par une succession de plans dont le nombre
rien. Ils présentent seulement la réalité d'une manière yariait rclatiyemcnt peu (autour de GOO). La technique
\, plus efficace., D'abord en permettanl de la mieux 'voir, caractéristique de ce découpage était le champ contre champ;
ensuite en 1l1.etL::\nt l'[lccent sur ce qui le mérite. ',' c'est, dans un dialogue par exemple, la prise de yue alternée
Certes, tout comme -fe-metteur en scène de lhéàtre, Iv selon la logique du texte, de l'un ou l'autre interlocuteur.
metteur en scène de cinéma dispose d'une marge cI'interpré C'est ce type de découpage, qui ayait parfaitement conve
tation clans laquelle infléchir le sens cie l'al' lion. Mais Cl' nu aux meilleurs cles films des années 30 à :-39, qu'est "enu
n'est qu'une marge et qui ne saurait modifier la logique remet Lre en cause le clécoupage en profondeur cie champ
formelle cie l'événement. Prenons par conlre le montaGe d'Orson 'Welles et de ,Yilliam Wyler.
cles lions de pierre dans La Fin de Sainl-Pétersbour : ; La notoriété de Citizen Kane ne saurait ètre surfaite.
habilement 'rapprochées, une série de sculptures donnent Gràce à la profondeur cie champ, des scènes entières sont
l'impression du même animal qui se dresse (comme le peuple). traitées en une seule prise de yue, la caméra restant même
Cette admirable trouvaille de montage est impensable dès immobile. Les effets dramatiques, demanclés antérieuremenl
1932. Dans Pury, Fritz Lang introduit encore en 1935 au montage, naissent tous ici du déplacement des acteurs
après une suite de plans de femmes cancanant, l'image d � dans le cadrage choisi une fois pour toutes. Certes, pas plus
poules caquetant dans une basse-cour. C'est une survivance que Griffith le gros plan, Orson \','elles {( n'inyentait » la
du montage attraction qui choquait déj à à l'époque et qui profondeur de champ; tous les primitifs du cinéma l'uti
paraît aujourd'hui tout à fait hétérogène au reste du film. lisaient, et pour cause. Le flou dans l'image n'est apparu
Si décisif que soit l'art d'un Carné, par exemple clans la mise qu'ayec le montage. Il n'était pas seulement une seryitude
en valeur des scénarios du Quai des brumes ou du Jou]' se lève, technique consécutiye à l'emploi des plans rapprochés,
son découpage demeure au niveau de la réalité qu'il analyse, mais la conséquence logique du montage, son équivalence
- il n'est qu'une façon de la bien voir. C'est pourquoi on assiste plastique. Si, à tel moment de l'aciion, le metteur en scène
à la disparition presque totale des trucages visibles, Lels fait, par exemple, comme clans le découpage imaginé plus
que la surimpression, et même, surtout en Amérique, du haut, un gros plan cl'une coupe de fruits, il est normal qu'il
gros plan dont l'effet physique trop violent rendrait sensible l'isole aussi dans l'espace par la mise au point de l'objectif.
le montage. Dans la comédie américaine typique, le metteur Le flou des arrière-plans confirme donc l'effet du montage,
en scène revient chaque fois qu'il le peut au cadrage des il n'appartient qu'accessoirement au style de la photo
personnages au-dessus des genoux, qui s'avère être le plus graphie, mais essentiellement à celui du récit. Déjà Jean
conforme à l'attention spontanée du spectateur, le point F1.enoir l'avait parfaitement compris quand il écrivait en
d'équilibre naturel de son accommodation mentale. 1938, c'est-à-dire après La bête humaine et La Grande illusion
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et avant La Règle du jeu: " Plus j'avance dans mon métier, �. balbutiement primitif -, il l'intègre à sa plastique. Le récit
plus je suis amené à faire de la mise en scène en profondelil' - cie Welles ou de \Vyler n'est pas moins explicite que celui
par rapport à l'éeran ; plus ça va, plus je renonce aux COll de John Ford, mais il a sur ce dernier l'avantage de ne point
frontations entre deux acteurs placés sagement devant la renoncer aux effeLs particuliers qu'on peut tirer de l'unité
caméra comme chez le photographe. " Et en effet, si l'Oll de l'image dans le temps et dans l'espace. Il n'est point
recherche un précurseur à Orson \\'elles, ce n'est pas Louis indifférent en effet (du moins dans une oeuvre qui atteint au
Lumière ou Zecca mais Jean Renoir. Chez Renoir, la rc style) qu'un événement soit analysé pal' fragments ou repré
cherche de la composition en profondeur de l'image corres senté dans son unité physique. Il serait évidemment absurde
pond effectivement à une suppression partielle du montage, de nier les progrès décisifs apportés par l'usage du montage
remplacé par de fréquents
panoramiques et des entrées dans le langage de l'écran, mais ils ont été acquis au prix
dans le champ. Elle suppose le respect de la continuité cil' d'autres valeurs, non moins spécifiquement cinématogra
l'espace dramatique et naturellement de sa durée. phiques.
Il est évident, à qui sait voir, que les plans-séquences cil' C'est pourquoi la profondeur de champ n'est pas une mode
\Velles dans Jlagnificenl Ambersons ne sont nullement d'opérateur comme l'usage des trames du filtre ou tel style
" l'enregistrement " passif d'une action photographiée d'éclairage, mais une acquisition capitale de la mise en
clans un même cadre mais, au contraire, que le refus dl' scène : un progrès dialectique dans l'histoire du langage
morceler l'événement, d'analyser dans le temps l'aire drama cinématographique.
tique est une opération positive dont l'effet est supérieur il Et ce n'est pas là qu'un progrès fonnel ! La profondeur de
celui qu'aurait pu produire le découpage classique. champ bien utilisée n'est pas seulement une façon plus éco
Il suffit de comparer deux photogrammes en profondeur nomique, plus simple et plus subtile à la fois de mettre
de champ, l'un de 1910, l'autre d'un film de \Velles ou cil' l'événement en valeur; elle affecte, avec les structures du
\Vyler, pour comprendre à la seule vue de l'image, .même langage cinématographique, les rapports intellectuels du
séparée du film, que sa fonction est tout autre. Le cadrage spectateur avec l'image, et par là même elle modi fie le sens
de 1910 s'identifie pratiquement avec le quatrième mur du spectacle.
absent de la scène du théâtre ou, clu moins en extérieur, Il sortirait du propos de cet article d'analyser les modalités
avec le meilleur point de vue sur l'action, tandis que le clécor, psychologiques de ces rapports, sinon leurs conséquences
l'éclairage et l'angle donnent, à la seconde mise en page, esthétiques, mais il pourra suffire de remarquer grosso modo:
une lisibilité différente. Sur la surface de l'écran, le metteur 1 ° que la profondeur de champ place le spectateur dans un
en scène et l'opérateur ont su organiser un échiquier clrama l'apport avec l'image plus proche de celui qu'il entretient
tique dont aucun détail n'est exclu. On en trouvera les avec la réalité. Il est donc juste de dire, qu'indépendamment
exemples les plus clairs, sinon les plus originaux, dans du contenu même cie l'image, sa �tructure est plus réaliste;
Li/Ile Faxes où la mise en scène prend une rigueur d'épure 2° qu'elle implique par conséquent une attitude mentale
(chez \Velles la surcharge baroque rend l'analyse plus plus active et même une contribution positive du spectateur
complexe). La mise en place d'un objet par rapport aux à la mise en scène. Alors que dans le montage analytique
personnages est telle que le spectateur ne peul pas échapper il n'a qu'à suivre le guide, couler son attention dans celle
à sa signification. Signification que le montage aurait dé du metteur en scène qui choisit pour lui cc qu'il faut voir, il
taillée dans un déroulement de plans successifsl. est requis ici à un minimum de choix personnel. De son
En d'autres termes le plan-séquence en profondeur de attention et de sa volonté dépend en partie le fait que
champ du metteur en scène moderne ne renonce pas au l'image ait un sens;
montage - comment le pourrait-il sans retourner à un 3° des deux propositions précédentes, d'ordre psycholo
gique, en découle une troisième qu'on peut qualifier de méta
1. On trOU\'erèl, dans j'étude �lIi\'al1te SUI' vVilliuIll \V;\'leI\ des illllslrations physique.
précises de CE'tte nnalvsr, En analysant la réalité, le montage supposait, par sa
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dans le cinéma italien. Dans l'ui'sa et Allemagne Clnnée traduire, comme en AI\I(\rique, par quelque révolution dans
la technique du déeoupage, ne doit pas donner le ehange.
Les moyens sont divers pour atteindre le même but. Ceux dl'
Hossellini et de de Sica sont moins spectaculaires, mais il�,
visent, eux aussi, à réduire à néant le monlage cl à l'ait'l'
passer dans l'écran la continuité vraie de la réalité. ZavatLillÎ
ne rêve que de filmer 90 minutes cie la vil' d'un homme à qtli
il n'arrive rien! Le plus « esthète)) des néo-réalistes, Luchinll
Yisconti, révélait du reste aussi clairement que \Yelles li'
projet fondamental de son art dans La Terre tremble, Illiii
presque uniquement composé de plan-séquence où le souci
d'embrasser la totalité de l'événement sc traduit par 1:1
profondeur de champ et d'interminables panoramiques.
Mais nous ne saurions passer en revue toules les oeU\TCS
J
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