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Billy

Billy vit dans une ville minière d’Angleterre. Dans sa famille, on est mineur et on
fait de la boxe de père en fils. Billy, sans le dire à son père, a arrêté ses cours de
boxe pour se consacrer à la danse.

Je sautais tellement haut que, par la fenêtre,


j’arrivais à voir la remise où ils rangent le matériel
de sport. Mme Wilkinson n’arrêtait pas de me
répéter :

- Il n’y a pas que la hauteur qui compte, Billy. Il


faut que tu contrôle ton saut. Concentre-toi !

Pourtant, j’étais concentré. Je me concentrais


pour sauter le plus haut possible. J’aimais
tellement ça, m’envoler au-dessus de leur tête, à
toutes ces filles. On aurait dit de petites plumes
qui flottaient au
niveau de mes genoux.

Maintenant je savais faire les pliées, les jetés, les ports de bras et tout ça. La prof
disait que j’étais doué. Elle passait la moitié du cours à s’occuper de moi, comme
si elle n’en avait plus rien à faire des autres. Et du coup, elles n’arrêtaient pas de
râler. […]

J’étais vraiment dans le truc. J’attendais le cours du samedi toute la semaine. Et


une fois que j’avais commencé à danser, j’aurais aimé ne jamais m’arrêter.
Debbie avait raison quand elle disait qu’il fallait de l’endurance. Ça a peut-être
l’air facile, mais ce n’est pas vrai. C’est dur. Je m’entrainais tellement que,
maintenant, j’étais meilleur en foot, en cross et tout. Je pouvais courir pendant
des heures.

Ça devait arriver. Je me racontais des histoires. Pourtant Michael m’avait


prévenu :

- Il va finir par s’en apercevoir. Et qu’est-ce que tu feras à ce moment-là, hein ?

Je savais qu’il avait raison, mais j’espérais que peut-être, si je n’y pensais pas, ça
n’arriverait pas. Je me disais : « Allez, rien que cette semaine. Encore un cours et
je retourne à la boxe. » Mais plus ça allait, plus ça me plaisait et plus je
progressais. Et comme papa ne venait plus me voir au cours de boxe, je pensais
que ça pourrait toujours continuer comme ça.

Et bien sûr, quand c’est arrivé, je n’ai rien vu venir, il ne m’a pas posé de
questions ni rien. Il a juste débarqué au beau milieu du cours.

- Lève bien la jambe, Billy. Et seconde, deux trois. Et rond de jambe, deux trois. Et
en l’air, deux trois. Qu’est-ce que c’est ça ? Un peu de grâce, Billy Elliot.

Je faisais tourner ma jambe lentement, pour décrire un beau cercle bien fluide…
quant j’ai levé les yeux et j’ai vu mon père. […]

- Rond de jambe, deux trois. Et en l’air, deux trois. Comme une princesse, Debbie.
Un beau port de tête ! Un deux trois… Qu’est-ce qui te prend, Billy ?

Elle venait de remarquer que je ne bougeais plus. Puis la musique s’est arrêtée.
Alors elle s’est retournée et elle a vu mon père. Il était tout rouge. Il a hurlé :

- Sors d’ici tout de suite !

Du coin de l’œil, je l’ai vue s’avancer vers lui comme si elle allait le manger tout
cru et je suis sûr qu’elle aurait pu.
Enfin, elle aurait essayé tout du moins parce qu’elle ne supporte pas que quelque
chose lui résiste. Mais la dernière chose que je voulais, c’était un match entre eux
à qui crierait le plus fort.

J’ai vite rejoint mon père. Et en


passant, je lui ai glissé :

- Laissez tomber, madame. Je vous


en supplie.

J’avais tellement honte. Pour


papa, j’étais une femmelette parce
que je faisais de la danse et pour
elle, j’étais une femmelette parce
que je n’osais pas lui tenir tête. C’était trop.

La porte a claqué dernière moi. Il me tenait par le bras et me poussait devant


lui.

- Tu vas devoir t’expliquer, mon petit gars, il m’a dit.

Et on est rentrés à la maison au pas de course. Il n’a pas dit un mot de tout le
trajet. […]

Arrivé à la maison, il m’a désigné une chaise. Il a enlevé son manteau sans me
quitter des yeux, puis il s’est assis en face de moi. Et il n’avait toujours pas
prononcé une syllabe. Il faut voir combien de temps il garde le silence, plus c’est
long, plus c’est mauvais signe.

Cette fois, je me demandais s’il allait m’adresser à nouveau la parole un jour.

Je savais ce qu’il voulait. Il voulait que je m’excuse. Eh bien, non. Pas question. Il
pouvait toujours attendre. C’était complètement idiot. Je n’avais rien fait de mal.
- De la danse ! A-t-il fini par lâcher.

- Et alors ? C’est quoi le problème ?

Ma grand-mère était assise près de la fenêtre en train de grignoter un pâté en


croûte, elle nous regardait comme si on était un feuilleton à la télé. Je me suis
tourné vers elle. C’était plus facile que de soutenir le regard de mon père. Du coin
de l’œil, j’ai vu qu’il redevenait tout rouge.

- Le problème ? Regarde-moi, Billy. Tu me prends pour un imbécile ?

- Non, mais je peux bien faire de la danse. Je ne vois pas le problème, j’ai
répondu en lui faisant face.

- Tu ne vois pas ?

J’avais la trouille. Ses lèvres étaient toutes blanches.

Ma grand-mère a ramené son grain de sel :

- Moi, j’en ai fait de la danse.

- Tu vois ? Y’a rien d’anormal, j’ai dit.

- Pour ta grand-mère, Billy. Pour une fille. Pas pour un garçon. Les gars, ça fait
de la boxe, du catch, des trucs comme ça.

- Y’en a dans le coin, qui font du catch ? J’ai demandé.

Et là, je l’ai coincé, parce qu’il n’y a personne qui fait du catch par ici.

- Tu sais bien ce que je veux dire.

- Non justement, je ne sais pas.

- Ne commence pas, Billy.


- Je ne vois pas où est le problème, c’est tout.

- Tu sais parfaitement ce qui cloche.

- Non, je te dis.

- Mais si.

- Non !

- Mais si, tu le sais très bien. Tu me prends pour qui ? Tu sais très bien ce qui ne va
pas.

- Je fais de la danse. Voilà. C’est tout. Je ne vois pas ce qu’il y a de mal.

Enfin… Bon, d’accord, je savais ce qu’il voulait dire. En fait, je pensais la même
chose avant. La danse, c’est pas pour les garçons. C’est pas comme le foot ou la
boxe où il faut être fort, costaud. […] C’est pas pour un truc de mineur. C’est pas
notre genre, à nous autres.

Eh bien, peut-être que je ne suis pas fait


pour être un mineur. Et puis même,
qu’est-ce que ça changerait ? Pourquoi
on ne pourrait pas être mineur et faire
de la danse, hein ? Pourquoi ça serait
pas notre genre ? Moi, j’en fais de la
danse, alors maintenant, c’est notre
genre, voilà. Je ne suis pas obligé de
faire exactement la même chose que mon père quand même ! Et c’est pas parce
que j’aime danser que j’ai complètement changé et que je ne suis plus des leurs.

Melvin Burgess, Billy Elliot, Éditions Gallimard Jeunesse (Coll. Folio junior), 2001

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