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Billy vit dans une ville minière d’Angleterre. Dans sa famille, on est mineur et on
fait de la boxe de père en fils. Billy, sans le dire à son père, a arrêté ses cours de
boxe pour se consacrer à la danse.
Maintenant je savais faire les pliées, les jetés, les ports de bras et tout ça. La prof
disait que j’étais doué. Elle passait la moitié du cours à s’occuper de moi, comme
si elle n’en avait plus rien à faire des autres. Et du coup, elles n’arrêtaient pas de
râler. […]
Je savais qu’il avait raison, mais j’espérais que peut-être, si je n’y pensais pas, ça
n’arriverait pas. Je me disais : « Allez, rien que cette semaine. Encore un cours et
je retourne à la boxe. » Mais plus ça allait, plus ça me plaisait et plus je
progressais. Et comme papa ne venait plus me voir au cours de boxe, je pensais
que ça pourrait toujours continuer comme ça.
Et bien sûr, quand c’est arrivé, je n’ai rien vu venir, il ne m’a pas posé de
questions ni rien. Il a juste débarqué au beau milieu du cours.
- Lève bien la jambe, Billy. Et seconde, deux trois. Et rond de jambe, deux trois. Et
en l’air, deux trois. Qu’est-ce que c’est ça ? Un peu de grâce, Billy Elliot.
Je faisais tourner ma jambe lentement, pour décrire un beau cercle bien fluide…
quant j’ai levé les yeux et j’ai vu mon père. […]
- Rond de jambe, deux trois. Et en l’air, deux trois. Comme une princesse, Debbie.
Un beau port de tête ! Un deux trois… Qu’est-ce qui te prend, Billy ?
Elle venait de remarquer que je ne bougeais plus. Puis la musique s’est arrêtée.
Alors elle s’est retournée et elle a vu mon père. Il était tout rouge. Il a hurlé :
Du coin de l’œil, je l’ai vue s’avancer vers lui comme si elle allait le manger tout
cru et je suis sûr qu’elle aurait pu.
Enfin, elle aurait essayé tout du moins parce qu’elle ne supporte pas que quelque
chose lui résiste. Mais la dernière chose que je voulais, c’était un match entre eux
à qui crierait le plus fort.
Et on est rentrés à la maison au pas de course. Il n’a pas dit un mot de tout le
trajet. […]
Arrivé à la maison, il m’a désigné une chaise. Il a enlevé son manteau sans me
quitter des yeux, puis il s’est assis en face de moi. Et il n’avait toujours pas
prononcé une syllabe. Il faut voir combien de temps il garde le silence, plus c’est
long, plus c’est mauvais signe.
Je savais ce qu’il voulait. Il voulait que je m’excuse. Eh bien, non. Pas question. Il
pouvait toujours attendre. C’était complètement idiot. Je n’avais rien fait de mal.
- De la danse ! A-t-il fini par lâcher.
- Non, mais je peux bien faire de la danse. Je ne vois pas le problème, j’ai
répondu en lui faisant face.
- Tu ne vois pas ?
- Pour ta grand-mère, Billy. Pour une fille. Pas pour un garçon. Les gars, ça fait
de la boxe, du catch, des trucs comme ça.
Et là, je l’ai coincé, parce qu’il n’y a personne qui fait du catch par ici.
- Non, je te dis.
- Mais si.
- Non !
- Mais si, tu le sais très bien. Tu me prends pour qui ? Tu sais très bien ce qui ne va
pas.
Enfin… Bon, d’accord, je savais ce qu’il voulait dire. En fait, je pensais la même
chose avant. La danse, c’est pas pour les garçons. C’est pas comme le foot ou la
boxe où il faut être fort, costaud. […] C’est pas pour un truc de mineur. C’est pas
notre genre, à nous autres.
Melvin Burgess, Billy Elliot, Éditions Gallimard Jeunesse (Coll. Folio junior), 2001