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Aubeline Vinay
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ISSN 2260-2100
ISBN 978284953244
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-champ-psy-2015-2-page-125.htm
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1. inTRODuCTiOn
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1.1. Les stigmates de la précarité
a précarité renvoie à de nombreuses représentations
négatives. Elle possède plusieurs dimensions relevant et
constitutives de nos représentations. Deux premières dimen-
sions ont à voir avec l’insécurité matérielle et économique
relative à la pauvreté et l’insécurité statutaire amenant la
personne précaire à éprouver l’insécurité sociale (R. Castel,
2003). la troisième dimension est celle sur laquelle nous
allons réfléchir ici, celle qui relève de la déshumanisation
contrainte par la vie en rue, en lien à des comportements
autodestructeurs visant la disparition physique et psychique du
sujet. les expériences d’inhumanité en rue durcissent parfois
les personnes qui, pour ne plus souffrir, coupent le contact avec
leurs ressentis émotionnels, se détachent affectivement et
relationnellement. On est ici dans la dimension du stigmate ou
de l’indignité sociale (M. Boumaza & E. Pierru, 2007). Ainsi,
est précaire ce qui, à tout moment, est révocable. la situation
de précarité fait disparaître le sujet, sa vie même et son expres-
sion identitaire lui échappent (G. le Blanc, 2007).
Par la stigmatisation sociale, le sujet est à la marge de la
norme et ne parvient plus à générer l’expression de sa créati-
vité, du sens à son existence. Seul le corps visible de l’individu
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stigmate fait référence à l’orifice respiratoire de l’insecte lui
permettant de faire entrer de l’air dans la trachée. nommé ainsi
par son caractère visible, le stigmate est aussi ce qui maintient
la vie de l’individu, une pulsion de vie dans la précarité et la
fragilité des existences.
Mais le stigmate n’est pas exclusivement physique ou
psychique, il se situe à l’interface entre l’individu et la Société,
entre l’en-soi et l’en-dehors, entre le visible et l’invisible. le
stigmate relève d’une construction sociale (E. Goffman, 1975),
« il exprime des attributs personnels que la Société désigne
comme indésirables à un moment » (R. Dericquebourg, 1989,
p.66). Aussi, il est complexe de mesurer ou d’évaluer les
stigmates de la précarité dans la mesure où il s’agit d’avantage
d’un écart, d’un marqueur venant délimiter la différence et
l’altérité. nous postulons de ce fait que l’attachement perçu
dans sa forme narrative et expressive est le pendant des
stigmates de la précarité. Effectivement, tout comme les traces
physiques et les comportements stigmatisant fréquemment
observés dans la grande précarité forment l’identité sociale du
sujet, l’attachement narratif et sa fonction réflexive (P. Fonagy
et al., 1991) en tant que traces émotionnelles des liens précoces
constituent l’identité personnelle, souvent « oubliée », chez le
sujet précaire.
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diversité d’espaces occupés au sein desquels l’exposition du
corps au regard d’autrui se décline de façons variées :
- l’espace privé visibilisé (ex : une place publique);
- l’espace privé caché (ex : cabane de jardin);
- l’espace privé dissimulé (ex : dans le hall d’une gare,
dissimulé derrière les billetteries).
Parmi les caractéristiques psychologiques décrites dans les
années 50 par A. Vexliard (1952) concernant les clochards, le
corps est envisagé en référence à la fragilité des enveloppes
psychiques, à laquelle les odeurs corporelles, la crasse et les
maladies de peau offrent un substitut sous forme d’enveloppe
odorante et douloureuse. Ainsi, le corps de la personne précaire
va être la seule ressource pour se référer à l’existence mais la
surexposition, la surexploitation et la surconsommation du
corps génèrent également l’affaiblissement des derniers
remparts d’humanité (G. Dambuyant-Wargny, 2004). la rue
place la personne précaire dans une posture de non-gestion de
son corps, où la défense par l’odeur et la crasse devient la seule
alternative. la rue, le trottoir ne cache pas, elle rend visible au
passant. On notera au passage que bien souvent, le passant
détourne son chemin ou son regard de la surexposition.
De plus, lorsque la personne en situation de précarité arrive
dans une structure d’accueil après un passage à la rue et donc
à la surexposition, on remarque l’application d’un contrôle
social des usages du corps (passage à la douche par exemple).
le corps est surexposé aux violences, aux conditions de climat.
De plus, dans la grande précarité, les simples activités de
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1.3. Habiter son corps
lorsque le logement fait défaut, le corps reste un espace à
investir. G. n. Fischer (1997) souligne qu’habiter un espace
définit un rapport essentiel de l’être humain au territoire
(espace de socialisation); c’est y établir un chez soi, ne pas
avoir de chez soi étant l’image même du dénuement. le fait
d’habiter a une fonction vitale qui est de répondre au besoin
essentiel de vivre dans un espace qui met à l’abri des dangers
extérieurs, qui est protégé à la fois contre les risques naturels et
les violences d’autrui (espace d’intimité et d’ancrage favori-
sant la stabilité). Habiter renvoie également aux conditions
sociales qui déterminent tel ou tel type d’espace pour se loger
(espace de sécurité). l’habitat est un espace personnel, social
et culturel.
Selon A. Eiguer (2009), l’habitat remplit cinq fonctions :
- de contenance qui protège la famille de l’extérieur et
développe une intimité réconfortante ;
- d’identification où chacun se reconnaît seul et collective-
ment ;
- de continuité historique où là mémoire joue un rôle de
liant social ;
- de création avec la distribution des lieux, le choix des
objets, de la décoration et de l’appropriation de l’espace ;
- d’esthétisme qui vise à rechercher la beauté, fonction de
plaisir et de sentiment d’existence.
Chez les personnes en grande précarité, le rapport au
logement absent vient souvent s’inscrire dans une histoire
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stigmates psychiques souvent décrits par les différents auteurs.
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Plusieurs études ont été réalisées entre 2007 et 2011 (A.
Vinay & F. Salvi, 2007; A. n’Djin, A. Vinay & K. Chahraoui,
2011; A. Vinay, F. Salvi & A. n’Djin, 2011) venant entre autre
questionner l’usage du corps chez les personnes sans domicile
fixe. le corps et son usage passant par les stigmates de la peau
sont compris comme des mécanismes de défense permettant
de gérer les conflits intrapsychiques liés au sentiment d’exclu-
sion et de rupture sociale, familiale et personnelle. la façon de
s’approprier l’espace et de mettre en avant son corps consti-
tuent des indicateurs essentiels au sentiment d’identité person-
nelle du sujet.
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(1995), a été utilisé. Ainsi les différents niveaux de maturité
des mécanismes de défense peuvent être mis en corrélation
avec les atteintes du corps chez les personnes précaires.
le principal axe de nos recherches se centre sur la fonction
réflexive, initialement développée par P. Fonagy et al. (1991)
en psychologie. À partir d’un entretien d’attachement narratif
inspiré de l’Adult Attachment interview (AAi) de M. Main et
al. (1985), nous pouvons identifier dans le discours du sujet ce
qui fait trace au niveau émotionnel à propos des relations de
son enfance. Cet entretien semi-directif se focalise « sur l’état
d’esprit actuel de la personne à l’égard de ses expériences
relationnelles durant son enfance » (B. Pierrehumbert et al.,
1996, p. 170). Par l’analyse discursive des modalités d’acces-
sion aux souvenirs relationnels de l’enfance et à l’expression
des émotions, l’outil Edicode (B. Pierrehumbert et al., 1999)
permet de repérer pour chaque sujet, les modèles d’attache-
ment privilégiés dans la vie relationnelle. Ainsi, cinq facteurs
du discours sont analysés : la fluidité, l’adéquation, la réflexi-
vité, la cohérence et l’authenticité.
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des stigmates corporels. Mr R. soulève son t-shirt pour montrer
sa cicatrice tout le long de son ventre, trace d’un accident avec
un guidon de vélo pendant son enfance. « J’ai eu le frein et le
guidon du vélo qui sont rentrés dans les côtes. Et ben, j’ai rien
dit à ma mère, j’ai pas été voir le médecin et quand on a fait
une visite médicale à l’école, et ben, y se sont aperçus que y
avait du pu, des plaies quoi. Et pis, y z’ont fait venir ma mère…
Oh mais moi, j’ai rien dit, j’ai rien dit à personne. J’avais mal
mais je disais rien. Je disais rien. Je gardais tout pour moi.
J’avais… 10 ans, par là. Et je disais rien» (A. Vinay & F.
Salvi, 2007, p. 221). Mr D. ôte son œil de verre dans un grand
éclat de rire. Mr G. montre son dos recouvert de tatouages plus
ou moins disgracieux. Mme B. tire la langue, montre son
nombril et ses seins marqués de nombreux piercings. À chaque
fois, c’est une partie de l’histoire du sujet qui est évoquée, des
expériences relevant de la séparation, de l’accidentel, de la
maladie, du défi, de la sensation douloureuse contre laquelle
on lutte au quotidien et qui maintient en vie.
Ainsi, le discours de 22 sujets de l’étude est caractérisé par
des faits héroïques ou subis, souvent avec des accès d’émotion
exagérés ou inappropriés au contexte de l’entretien. Seulement
huit personnes ont du mal à parler d’elles et de leur corps. le
contact envers autrui peut être catégorisé selon trois attitudes
principales : la méfiance, la fuite et l’accroche. Celles-ci sont à
rapprocher des stratégies d’attachement. la méfiance est
caractéristique du détachement, le modèle des autres est
négatif et le modèle de soi est positif. Cela amène à des
comportements parfois agressifs, de rejet et de non recherche
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afin de ne pas risquer de le perdre. Cela génère des relations
de soumission et de dépendance, l’autre pouvant devenir une
figure sécurisante ou malveillante faisant du sujet préoccupé
son objet de satisfaction perverse.
Ainsi, l’histoire relationnelle des sujets de l’échantillon est
marquée par des événements traumatiques survenus pendant
l’enfance en lien avec la perte d’un parent, des maltraitances
ou des carences affectives au sein de la famille. Certains
discours sont fortement connotés de ressentiments négatifs
envers les figures d’attachement. une seule personne de
l’échantillon privilégie un modèle d’attachement sécurisé.
Dans son récit d’attachement narratif, on constate un fort
soutien familial malgré la précarité dans le présent.
la désorganisation d’attachement est présente chez 5 sujets
de l’étude. Des traumatismes non résolus relevant d’abus et de
maltraitance sont alors mentionnés. l’attachement insécurisé
préoccupé est majoritaire ici. l’ambivalence relevée dans le
discours va de paire avec une ambivalence comportementale
et à l’égard du corps. En effet, les personnes préoccupées au
plan relationnel, sont également celles qui exhibent le plus les
marques de leur corps. la quête identitaire chez ces personnes
semble se traduire par la recherche du sentiment d’existence à
travers le ressenti physique douloureux.
la moitié des personnes de l’échantillon est en demande de
soin, toutefois il est nécessaire de préciser que cette demande,
lorsqu’elle apparaît, n’est réalisée qu’à la condition d’un
espace de confiance relationnel établi, parfois après plusieurs
semaines de contacts réguliers et d’échange. la moitié des
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caractérisées par des passages à l’acte, de l’agressivité.
- Des défenses matures: les sujets ont une bonne connais-
sance d’eux-mêmes, une capacité d’élaboration et de réflexi-
vité sur eux-mêmes et sur les autres.
les sujets de l’échantillon d’étude sont plus nombreux dans
les défenses maladaptatives (neuf personnes), suivis des
défenses de sur-estime de soi (huit personnes). On notera que
dans cet échantillon composé de 30 personnes sans abri, sept
personnes parviennent à élaborer et présentent des défenses
matures. Enfin, six personnes semblent « embourbées » dans
des stratégies de victimisation, ne parvenant plus à trouver une
part de responsabilité dans leur propre histoire de vie.
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communication, reflet de leur conflit intrapsychique. Dans la
majorité des situations, le corps est blessé, amputé, marqué,
représentant la seule trace possible de leur existence et de leur
souffrance.
Par ses blessures exhibées, la personne précaire se sent
revivre, retrouve des traces de son histoire relationnelle,
reconstruit sa trajectoire identitaire. Toutefois, la situation au
quotidien reste inchangée, les stigmates deviennent alors un
refuge existentiel. Ceux-ci peuvent être dissimulés puis
exhibés dès qu’un semblant de lien s’amorce, telle une pulsion
de vie qui ferait entrer dans le monde des vivants et du langage
ou l’orifice respiratoire évoqué chez les insectes. P. Declerck
(2001) parle du « coup de la strip-teaseuse » où « le patient
exhibe une pathologie grave, généralement externe, pour voir
la tête que font les soignants, pour les exciter, les voir s’affoler,
se presser, s’agiter. Puis il se refuse, se rhabille. Et s’en va,
méprisant, laissant les soignants face à leur impuissance » (P.
Declerck, 2001, p. 90). Certaines plaies sont également secrè-
tement entretenues, frottées, réouvertes régulièrement, non
soignées car elles relient à soi-même. leur béance fait sens et
est dynamique par la douleur qu’elles génèrent. En se refer-
mant, les stigmates annonceraient la perte complète de soi-
même.
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Mr O. est rencontré lors d’une maraude du Samu social, il
est le premier à accepter de parler de son enfance et malgré le
froid il souhaite sortir du camion pour s’isoler à quelques
mètres pendant l’entretien qui durera 57 minutes. «Ma mère,
elle était assez dure, quoi. Et après elle devenait encore plus
dure ; elle disait : « ouais, t’es plus mon fils », euh… parce que
je sais pas, parce qu’elle écoutait trop les gens qui euh.. ; elle
tombait dans un engrenage, quoi… Elle était jamais pareille.
Y avait de la haine, de la méchanceté. Oui… (long silence)…
Un jour j’ai été battu parce que je voulais pas prêter mon vélo
à un de mes frères, alors, elle m’a battu». Mr O., âgé de 46 ans,
dira une fois l’entretien terminé : « bouh, c’est dur ton truc, ça
fait réfléchir…». C’est lui qui, à ce point de maraude, fera par
la suite venir ses «copains de la bouteille» comme il les
appelle pour qu’ils passent à leur tour l’entretien d’attachement
narratif.
Ainsi, nous avons observé de nombreuses réactions à la
suite des entretiens qui se sont notamment exprimées par
divers comportements (état confusionnel entraînant une prise
en charge médicale, mise en valeur de soi dans la communauté
SDF, mise en route d’une démarche d’accompagnement théra-
peutique…). Mme M. ayant accepté une semaine auparavant
d’effectuer un entretien d’attachement narratif, n’était pas au
rendez-vous. Elle s’est présentée avec 45 minutes de retard
indiquant qu’après une douche, elle était prête à raconter son
histoire. Mme M. a beaucoup pleuré tout au long de l’entretien
mais n’a pas souhaité interrompre son récit. «J’étais toute
petite et… (pleure) j’avais 6 ans et demi. On dit pas de la
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tique est ici modifié, voire inversé. C’est bien la demande
d’écoute formulée par le chercheur qui semble avoir agi
comme un levier pour certaines personnes précaires. la
rupture de liens ou la pathologie de la relation ont rendu diffi-
cile la rencontre, ont obligé à sortir du cadre de référence
technique du professionnel (rencontres fortuites sans rendez-
vous, périodes préalables de mise en confiance, etc.). Ce mode
de fonctionnement des personnes sans abri nécessite pour les
professionnels d’aller à leur rencontre, dans un espace « non
prémédité » et bien souvent, non conventionnel.
Ainsi, dans les situations d’errance, nous proposons une
forme d’itinérance professionnelle (A. Vinay et al., 2011). les
professionnels sont alors les garants d’une présence physique
permanente et contenante tel un miroir déformant à l’absence
d’état statutaire, économique, relationnel ou social. la
rencontre avec la singularité des personnes précaires est rendue
compliquée également par les défenses mises en place relevant
des effets du rejet social et des troubles des comportements
avec la diminution des capacités de penser, par l’effet de la
fatigue, de l’insomnie, de l’alcoolisation et des maladies non
traitées. il se construit ainsi une barrière rendant la communi-
cation bien difficile. Mr J., âgé de 45 ans, met fin à l’entretien
au bout de 20 minutes dans des accès de colère intenses. «Non
y a pas de « d’accord », c’est que je suis écœuré. Alors les
Arabes, c’est con, et les français, les américains, les blancs,
n’importe quel humain, tous les humains, j’en suis écœuré, j’en
suis amené à être écœuré de tout le monde, y en a aucun qui
est bien. Que ce soit les blancs, les noirs ! (il crie, se lève de sa
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Effectivement, la pratique du récit de vie est compliquée
auprès des personnes en rue. Car, pour elles, confier son
histoire personnelle c’est risquer de la voir colportée et utilisée
pour soutirer quelque chose (P. Jamoulle, 2009). la narration
permet de tracer la trajectoire de nos liens. Tout récit de vie se
construit à partir de ses propres expériences mais aussi avec
les outils de sa culture. Ainsi, l’attachement narratif possède
une double fonction de création de sens et de structuration du
sentiment d’identité personnelle. Mais « la parole n’accède
véritablement à sa dimension propre que lorsqu’elle se trouve
ponctuée de silences, c’est-à-dire de rétentions. il importe que
le sujet reste maître de sa distribution » (P. Declerck, 2001, p.
298). En ce sens, il est des personnes en grande précarité qui ne
pourront narrer expressément leur vie et leurs liens d’attache-
ment, la narration ne sera mesurable que dans le rapport au
corps et aux stigmates physiques. Et c’est bien en comprenant
les stigmates comme partie intégrante dans le récit de vie que
l’existence des personnes précaires peut devenir à la fois origi-
nale et singulière.
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