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Chapitre

( rrrilrilr' lt' lr'r'lt'rtr lt.r nrr.,l;rlt.r;l r.rtlur, r.t.l otrvr.itge n,a pas prétention
,t l't'rlrirrr,,lt\'tl(., lrttt,,rltr(.\;r \ilr itllt}tr ll'(.sl Raphaëlle Moine, Les genres du cinéma, Paris, Armand Colin Cinéma, 2008
l)its cnCyClôpédiqUe, ei l,évOCa_
llilll lrill| 1;1|1rlr' (L, ( {'t l;lllt\ p(,ilt(.\ il'(.\l illll)ltlithlc t;tr'itttx limites matéfiel_ (2002)
lr"' rlrr lrr rr'r'r ir r r'llr,r rlr. .,{ul;urr(.u1, rlt'st.s p.otrts t.l ilc srt culture. Signalons Dans la jungle des genres
lilttlr'lrrl\ tlllt' l;r l;rtlrlr'l)tti',r'trt r rlrr tlot'rurr('nlitit'r.orr tlcs genres duiinéma
rlor rs;111'111,,,rr' ('.1 l'orr torrurlr'rr. tr,lrtt ur (.()nnil(. ttttt lilime opposée à la
l.t( ltnil ), r'r r 11;1s1'.' lrr rr.r'r. rr rr.rrl r l;rrr r lt.r t l,'r rx
;rr,t.r r r it.r.s clutl.litr es, éit un choix
rL'ltlrt'tt' lt". ptrtlrlclttltlttlttr". ('()nun('lr t'ilcrril tlrr tlocrrrltcptairelnous ont
l);llll llttlr'.|t't tltt;ttt's p()ltt ('lr('urlrlir('\r.l lrlt ir.'rrldstlc rrurnièrecohérenteet
Pt'rlrrrr'rrlr'tlittts tilr ()uvlitli(. li("n('titl, r;tri tr.slt.rlottc consitcré aux genres de Dans nos discours sur les pratiques artistiques, nous utilisons collramment
lrr Itr'lton ;rrr t'ilrt.rlit. des distinctions génériques pour caractériser ulle cguvre ; lorsque nous
(.)ttt'ltlttt's tttots cttlitt sttt lr'prttt'ouls (lu(.rtorrs invitons disons q.Je La Jôconrti est un « portrait >> et La Raie de Chardin une
le lecteur à du commissaire
sttivtt' , lt'Pr1'ttlict cltitltittr', l)ilrliurl tlcs rrsirgcs cllrssil'icatoires des genres, << nature morte », lorsque nous qr-ralifions les enquêtes

sotrligrlt' lcs c'ttltltlttlic(iotts rltt velt igc tirxirrorrricluc inhérent à cet uùge du Maigret écrites par Simenon de « romans policiers » et les romans de la
gcn[c. l.cs clcrrx clrirllilrcs suiviurls c;trittcrrl I'e rnpirisrne des étiqiettes collJction HarLLquin de « romans roses », ou lorsque nous appelons
gérrériclrrrs pour crrvislrgcr' \r.rcccssivcrncnt dc,r_rx iypes de définition du l,And.romaque de Racine une «tragédie >> et L'Avare de Molière une
genro ct lcs rrrcttre en perspcctivc avec les théories du cinéma eÿou de la « comédie ,. Nour faisons donc appel à des genres (picturaux, littéraires,
culture clui lcs déternrinent: les définitions structnrelles, qui cherchent théâtraux...) pour nommer, classer et distinguer des ceuvres particulières'
Le cinéma ne^fait pas exception : le spectateur du début du XXt" siècle par-
9T.r Jgr textes fihniques des règles et «les critères distinctifs àu genre ; Ies lera par exemple, àe façon empirique, de << comédie musicale >) pollr qua-
définitions fonctionnelles, qui envisagent l'utilité et les services,"économi-
ques,. idéologiques, culturels ou communicationnels, du genre. Dans lifiei Chanrois ,ous li pLwie (Donen/Kelly, 1952), de « comédig ,, potrr
le
quatrième chapitre, nous revenons plus longuement sur le fônctionnement désigner Les Aventnrri dn Rabbi Jctcob (Oury, 1973)-ou de « film
du genre comme catégorie de I'interprétation, qui permet d'envisager fàntàstique » pour caractériser Nosferatu (Murnau, 1922). De même, dans
I'existence de niveaux de généricité différents et âu mélange des genres, la pressô généraliste ou spécialisée, les critiques se servent très-souvettt de
der-rx faits avérés dont les conceptions statiques et essentialisies échôuent clénomina*tions génériques, en préambule à l'article ou dans le corps dr-r
à
rendre. compte. rapport des genres à l'hiitoire est I'objet des cinquième texte, pour présànteln nouu"a, film et le situer dans le paysage cinéma-
.Le
et sixième chapitres : nous examinons dans un premier temps le cadrè théo- tograpïique. Comme les autres productions culturelles, les films, dans nos
rique dans leque.l peut se penser I'histoire d'un genre, avant de nous inter- «liicours èt duns nos têtes, se distribuent en une géographie organisée par
roger sur I'inscription du genre dans I'histoire, la détermination du genre des genres.
par son contexte et I'historicité des régimes génériques dans lesquels
prennent forme et s'actualisent à la fbis les corpus de génres, les étiquËttes
génériques et les usages du genre.
Le genre cinématographique : une catégorie empirique
On peut, en première approche, partir de nos usages quotidiens de la
rrotiôn de genie : gne catégorie empirique, servant à nommer, distinguer et
classer dei æuvres, et censée rendre compte d'un ensemble de ressem-
blances formelles et thématiques entre elles. Ce qui revient à dire que le
spectateur, mais aussi le critique, l'historien du cinéma ou le théoricien,
clui rapportent r-rn film à une catégorie génélique, connaissent et reconnaissetlt
cctte iatégorie générique Règlements de compîe à O.K.
: considérer
l. On consultera utilemont à ce suiet Guy Cauthier, Le Docunerrtuire. fln uutre tinénru, paris, CorraL comme un westêrn, c'est trouver des traits communs entre ce film
Nathan, 1995: 3" édition, Arnrand corin. Cinérna, 200g et François Niney, L,Epreuve
du réct ù
l'écnrrt. Ersui sur le print'ipe de réulité drtunten.toire, Bruxelles/Paiis, De Boeck Université.
irrnéricain réalisé par John Sturges en 1957 et ce qLl'on sait du genre
2000. « western r. En rapportant un film à un genre, nous donnons donc à ce
L(r xrrrarJ uLt Lltt(lllu u0ns LLL
JUtLEL( LLçr éo

film une identité, plus vaste qr"re celle de ses déterminations singulières. nouvel élérnent'
tence de la catégorie générique en lui ajoutant ou non un
Nous lui attribuons une identité générique. De plus, si l,on admet ôurs" la pertinence à la lumière de ce nouveau
que ra ou au contraire én remet
catégorie générique est une catégorie ieconnre (au moins par ceux "n genres'-est au fbrl-
qui cas. Cette relecture critique conjointe, des films et des
l'emploient) et qu'elle traduit une appréhension du *onaà à, cinéma de l'activité
dement, comme nous le i*..om tout au long de cet ouvrage.'.
culturellement pertinente pour une communauté donnée, il est possible de penser
des historiens et des théoriciens des genres, mais il n'y
a pas lteu
de
référer.un film^à un genre sans nécessairement passer par une comparaison
qu'elle en soit l'aPanage.
avec d'autres fihns de ce genre : le spectateur qui partage un
savoir cultu_ Le cas des films {ui racontent l,histoire des colons avant I'lndépen-
rel diffu_s sur le genre.<( western (pàrexemple, rn" u"üon qui se d'Amérique'
" déroure dance, dans I'Est de cà qui n'est pas encore les États-Unis
dans l'or-rest américain dans la deuième *àitie du xrx" siècle. des lieux comparables est la
emblématiques comme la petite ville de l'ouest, le saloon ou ledésert,
*or,rl qu'une "",tolnl iuantité àe films aux traits d'une catégorie
des condition nécessaire, qu"iqr* non suffisante, à la création
personnages typés comme le shérif ou le joueur, des scènes (America, Griffith, 1924), sur l, piste
de duel, des
intrigues construites autour de la loi, de sa transgression ou de son ;;;;;id" : si pour i,iiaapnnaonce (Cecil
établis_ des Mohawks (Ford, tgigl, Les Conquérants d.'tut nouveau mon1e
n. »"trrtitt", lg4't), tes difrérentes versions dt Dernier les
sement) n'a ainsi sans doute pas besoin de faire appel à ses souvenirs Mohicans
d'autres.westerns pour dire que Règrements ,o*ptà à o.K. corrar, qui - sous le titre du
_de (Tourneur et Brown, tgz}; Seitz, 1936 ; Sherman 1941
raconte le combat rlnq]_ryt et vengeur du shérif wyatt Earp et du joueur Dernier des f lutunr, 1991) ou les Pocahontas I etll produits
professionnel Doc Holliday contre les clanton, dans une petite
ville de "or*-nou["t,
pu. f"t studios Disney f qqS et 1O9S traitent manifestement tous de l'ins-
I'Ouest, est un western. "i
[uitution des pionniérs en Nouvelle-Angleterre, sur fond d'affrontement
Il faut souligner que re genre désigne, toujours dans son acception cou- leur petit
avec les Indiens o, o" Àr"*e entre les Érançais et les Anglais'
rante, aussi bien une catégorie abstçaite, qui sert à regrouper « eastern
nombre n'a pas permis Ia constitution d'une classe générique
>>'
àes films,
qu'un ensemble concret, celui.des filrns regioupés dans'cette catégorie. ne
Sujets à controverse entre les spécialistes du western' puisqu'ils
se
Le
genre cinématographique,à I'instardes genresiittéraires, théâtrau-x, moitié du
pictu- déroulent ni à l'O,esiâu tvtl*6iippi, ni pendant la deuxième
ralrx ou musicaux, apparaît ainsi à la fois comme itne classe cl,cetwres »' l'éti-
XIX" siècle, ils sont *u*n, rangéi àunt È genre western << sous
er
:gmme tn groupe d'æuvres (le contenu de laclasse). Donc, en donnant une quette « western pennsylvani"nl pu,-""ux qui .voient dans leur intrigue
identité générique à un film, nous ne nous contentons pas de le ranger
dans (ine installation et des iuttes le long d'u-ne frontière) et leurs personnages
une catégorie, nous le mettons également en série avéc certains de colons) des similitudes
fiims, qui
présentent des caractéristiques thématiques, narratives ou formelles ides Indiens, des coureurs des bois,les familles dtl western
sem_ avec ceux du western. Ils rejoignent même dans ce sous-genre
blables. L'ensemble des traits corn-unr qri constituent l" g"nr" àé"oule 1937) qui se
de d,autres films, comme fo'puîie de l'or noir (Mamoulian,_
fait du repérage de ces traits dans de nombreux films, dontia quantité l'Indépendance (en 1859)'
seute purr" Pennsylvanie, mais bien après
permet de reconnaître la ressemblance : pour que s'établùse
le genre ' Toute"n opéiation de classement consisti à regrouper'-*1it aussi à
« comédie musicale », il-a d'abord.fallu que les studios
hollywoodienJp.o_ exclure , pou.quoi en affiliant un film à un genre' nous le distinguons
duisent, à l'orée des années I930, de nombreux films où ,. Âel"nioiulogu" "'"it
de I'ensemble des uutr", films. La visée idéale de cette opération
est
parlé' chant et danse porlr raconter des histoires d'amour. un des
nombre d'aboutir a rn" typoiàli" O"t films, elle-même reliée à une typologie
irnportant (mais non quantifiable) de firms présentant de, crractéristiques porr caractéri-
genres cinématograpttüu"t. U,ilisei une logique. générique.
en
analogues est donc le préalable nécessaire à la constitution, à la
sance et à la conscience d'un genre. En revanche, Ia catégorie
reconnais_ I". u, film, c'esidonc i" ramener à une catégorie plus vaste d'æuvres' manières de
générique, àbéirrura à.rne logique àistinctive.Il existe pourtant d'autres
une fois établie et reconnue, passée dans les habitudes ae tJctureîes génériques
films, ,"g.oup". les film"s ài d'uutr", typologies que les typologies
devenue << savoir » collectif, peut par sa prégnance courl-circuiter des ressetnblances
la com_ poî,. oidonner le monàe des films, qui nà repoient pas sLrr
paraison avec d'autres films du même gên.à. Deux démarches
globales de structure, de forme ôu de cbntenu' On peut organiser
des
Jifférentes
permettent ainsi au spectateur de classer un nouveau film dans pays' d'une époque'
un genre : ensembles de films autàur d'un cinéaste, d'un acteur, d'un
soit il se réfère directement aux traits caractéristiques du genre, ,un, pur.". O'K' Corral
d'un producteur, d'unà école... Ainsi Règlements de compte,à
par l'ensemble des films qui Ie constituent; soiiil confionte'"" des films parJohn.Sturges, à
nour"uu
film aux autres films du genre, discute des ressemblances, p".pàir. l,exis- ffi,ii"nt uu.ri à l'ensemble Lancaster réalisés
(ou avec Kirk Douglas' ou avec
t ensemble des films avec Burt
lo /,r'r ,qr'rlr'r rlrt tintittttt Dans Ia jungle des gettres II

I t'r' V,rrr ( '['r,1. (]u itv(,( l{ltorrtLr l;lt.rrrirrg. r:lc.), à l,ensemble


des films amé_ A chaque usage sa tyPologie
il(.illl\ rI'.,;urrrr.t's l(]50, ir I't.rrsr'ilrhk.tlcs l'i lr15 produits parLaparamount
,,ri ;t l'r'tr.,r.rrrlrlt,th.r lrlrrrr r;rrr t.orrslilrrt.nl llr q3g3
Oes Un examen rapide et non exhar-rstif des différentes classifications du
Irt,',, I'rup ll n'(.\t pit\(lu(.\tlonit.i rlt.tliscrrlcriapertinen."i"i"rclassi_
"ire*âiog_p6lque cinéma en genrôs suffit à montrer la diversité des catégories génériques, de
llr itltilrt,,. ru,il\ rlr. trtHrr.l('t (llt(' lr. t.lttsst.tl|crtl généfiqUe
n,est qU,Un des leurs usagei et de leurs contenus. Nous allons donc nous arrêter sur quelqlles
rrrrrrlr'.i rl'rrrrlrrruiirrrr rrrrt.rrl p'r\\rlll('s rltt t'itrtinta."5ignut,ona
nJun_oi6 qu" Llnes de Jes typologies dans f intention non de sourire de la naÏveté ou de
1. , lir',',, nrt'rrt rlr", lrlrrr', 1r;11 r.'r'nrr'., \uppo\(.rrlrrjourJde
oJrir"rr" étiqueite l,impressionnù.e a" tel ou tel découpage, mais de voir de quoi chacun
Fr:f tr:r lrf ilr't ,tltttt,ttt, . irl,r., tIk. lr.r t.ttli.rr.s qui déterrninent
les autres rend compte, comment il fonctionne et s'i1 fonctionne.
r'n',r'iulrlr'\ rlr' lrrrrr'. rrl,,rlrrrr'r \()nr rn!nr(i(riirtsmgnl
dor;;;;.;pérabres,
rtllr r'r.lll'll', Irrtlr'ttl rilt rlr.r rtlr'illt'nl\ (,r,/,.,r?,/,s, intefneS aUX films OU aVeC
lr-'irltlr.l', lr',, ltlrrr,,,.r. r ,n,,trul\(.trt Sr.rrl [. .' t,,(semlnt;";;;l;;nécessite Les guides des spectacles
ltttr' r llt,.ltur ltrtr irlr.,trlrlr. rlr. rt.r tirlrigor.ics,. tiurt6ut
Sl I,On ne limite paS L'existence à Paris de deux guides des spectacles, L'Officiel des specîacles
r r'llr, rlr,ttntrrnrrllou ,lt\ \(.ltl(.\ r.t.olt.s n.lltil.irhleg
par un ,"unii"ri"préalatle et Pariscopel, permet de se livrer à une petite expérience comparative,
ilil ilil rtr,ftillililt(.r.rllrr.lttIrr., r.l r;rr'ort crrvisqgg par eXemOle deS écoleS
r lltr'nt{ttlptirplrrrlrr.r nirlrorrirk.s. l)t. grlrrs, I'itlcnl]fica1ion our'n"ni"s est une d'antant plus instructive que ces deLlx brochures sont semblables par letrr
lrrrlrtturlt. t rrltrrrt.lL.. rrt'tprist. rlt' krngrrc clittc d;1ns fà périodicité (hebdomadairé), par leur format et leur prix, ainsi que par leur
t.uaitiài *cidentale, ionction et leur lectorat : véiitables vade me cum du spectateur parisien'
ilt;ll\ ;ilt\\t tl;rrrs l:r llirtliliorr iirp()nirisc : lcs gcrrrgc perpétuent
au cinéma une elles recensent les « sorties , en Île-de-France, dont les films actuellement
l)rirtl(lu(. tlc llr gr.;rrtiriciltt, t;rri rlistingue les.osnvlss artistiques par leurs
r';uitclrilcs r'onuuuns (ce qtri csl pilr ailler"rrs, dans le à l'affiche des cinémas, qui y occupent une place irnpor-tante. Pariscope
champ dL la littérature comme L'Officiel cles speitacles caractérisent chacun des filrns en le ratta-
1.urr cxr.rrrph', rrrr incprrisirblc sujct de débats et de redéfinition, depuis la
l't tr ;t i tl t' rl' Aris(otc). chant à .,n g"nre : non seulement les films y sont rapidement identifiés,
dans leur si"ngularité, par leur titre, leur pays producteur, leur date, leur
r r

llnlirr, ll)ônlc si, dans cette première approche du genre. nous


volorrllircnrcnl rctenLr que son usage courant. il cs11yig"i à"
n,avons distribution, léur réalisateur et tln court résumé, mais la mention du genre,
corrstrurction, la conscience et la manipulation de
i"pp"fer que la en les ralxenant à une catégorie plus vaste, leur donne une définition plus
catégori", gZi?riqres est, large susceptible d'orientei le choix des spectateurs ,parmi les quelques
arr cinérna cornlre dans toutes les productions culturei-les
tlie l, un fait transversal à la production er à la re""ption
à cîractère indus_ ceitaines aè Rtms à l'affiche des salles parisiennes. C'est pourquoi toLts
a";ï|,]-,.;, puisque les films, sans exception, y ont une identité générique, les gr-rides réalisant
les producteurs, les distributeurs et les diffuseurs
arnateurs, les critiques er les rhéoriciens er historiens'd;
d;une pam. les sDectateurs ainsi une parfaite partitiôn de I'enserrble des films. La détermination
part, utilisent les dénominarions génériques. Ce derniei
;;;;" d,autre générique à i.i ,n" ionction de repère et construit, chez le lecteur et futttr
pàiri fuit ,un. ip".tutàr., un horizon d'attente : en lisant que ktngLty (Chatiliez, 2001)
doute la force de la notion de genre au cinéq3, mais il
.ontribu. aussi à r-,n" « comédie >>, le spectateur s'attend à voir un filrn qui fait rire et
expliquer l'extrême variabilité des typologies. "it
non un film biographiquè, comme son titre pourrait éventuellement le
faire penser ; en voÿant le sigle « Aventure » devant Voyage au cenlre cle
la teire (Levin, lgig), il peui espérer suivre le récit haletant des exploits
d,un héros dans un univers exoti(ue, dangereux ou hostile, et non voir tln
documentaire scientifique sur le magma terrestre. Les déterminations
génériques employées àans ces guides sont attribuées par les rédacteurs,
ilais. àmme f he'bdomadaire doit servir à tous celrx qui vont au cinéma,
l. Jacques AurnoDt et Michel Marie, L'Anulyse des.filnts. paris,
\n11,,,n, l93g; Arrnantl Colin Cinérna,
2008, p. I90.
quasl tola-
l. Nous nous en tiendrons à ces {eux exemples, rnais l'analyse n-renée ici est extensible à la
2. Mênre si la cléfinition d'une périodisation adéquare est ur9 dans lesjournaux, les magazines télé-
9,,"rtion centr.le tlans l,activité des his- lité des classements généfiques qui visent àguitler Ie spectateur,
toliens, lcsfilnrsdesannées l930ou tgg0ouderoureaurrepérioq. j51;fi.i,*;;léil: unensemble visés. les vidéoclubslToutifoir, i'"*u,r"n des catégories proposées dans lesjournaux et
les rrtaguzincs
collcrot.
nécessite de plenclre en compte la sociologie spécifique de leur lectorat'
12 Les gettres tlu cinénta Dans kt jungle des gertres l3

elles reposent sur un consensus implicite avec celles en usage chez le sujets, de thèmes ou de contenus, tantôt des techniques de productiotl
« spectateur ordinaire ». (« Dessin animé »), des différences de format (« Court-métrage »), etc.
Or, en dépit d'un usage identique du genre dans les deux guides et d'un - La difficulté à répartir les films en une carte des genres totalisante et
lectorat comparable, ni les modes de classification, ni le classement qui en pertinente est inscrite dans le texte même des brochr-rres : le « Divers » de
résulte ne sont les mêmes. L'Officiel est le fourre-tout pollr tous les films qui n'ont pas pu « rentrer »
La différence entre les deux systèmes de classification par genre était dans les l5 autres genres et trahit l'irréductible reliquat de toute opération
expf icite, et particulièrement visible, jusqu'en 2004. En effèt, avant cette de classement d'objets, qtte connaissent bien tous ceux qui. au moins ltne
date, les deux guides proposaient une liste des genres et un véritable classe- fois, ont cherché à ranger et organiser leur bibliothèque ou leur vidéothè-
ment des films par genres : dans L'Offic'iel des spectacles,le titre des films que. De ph-rs, I'identité générique des films, sans doute parce qu'elle ne
à écran, répartis en trois rubriques (« Exclusivités >>, << Rééditions » et remplit pas complètement sa fonction de balisage, est parfois complétée,
« Autres films ») et présentés par liste alphabétique, était précédé d'une dans le texte de présentation des æuvres, par une sous-dénomination : elle
lettre qui renvoyait à son genre ; il en allait de même dans Pariscope, qrui est l'équivalent d'un sous-genre, sans toutefois que ce sous-genre soit lexi-
proposait en plus une der-rxième liste des films, présentés par genres. Pour calisé par la revue (c'est-à-dire défini comme une sous-catégorie réutilisa-
L'OJficiel,les films se distribuaient en l6 genres : Aventure/Biographie/ ble de façon systématiqure). Les comédies peuvent ainsi être parfois
Comédie/Drame/Epouvante Horreur/Fantastique, Science-Fiction/Guerre/ « enfantines », << de mæurs >), « romantiques ». Il arrive même qu'Llne
Hi storique/Dessin animé, Vie des animaux/Karaté/Film musical/Comédie autre dénomination générique soit substituée, dans le texte de présentation,
drarnatique/Policier, Espionnage/Érotisme/IVestern/Diver s. Pariscope pro- à la catégorie générique à laquelle un film est assigné. Into the Wild (Penn,
posait pour sa part22 catégories génériques : Film d'animation/Aventure/ ZOOT), rangé dans la catégorie « Drame » par L'Officiel, est redéfini avec
Comédie dramatique/Comédie/Court-métrage/Dessin animé/Documen- plus de précision comme un « road movie » : le guide prend ainsi implici-
taire/Drarne psychologique/Drame/Érotique/Fantastique/Film de danse/ tement acte de I'insuffisance de sa grille, et se voit obligé d'utiliser Lrn norr
Fil m musical/Fil m noir/Fil m politique/Guerre/Horreu rlKaraté/Policier I de genre, bien lexicalisé dans le vocabulaire cinématographique depuis les
Science-Fiction/ThrillerÂVestern. années 1970, mais que son système de classement ignore. La Graine et le
Je laisse au lecteur le soin de mener le détail de la comparaison pour ntulet (Kechiche, 2007) est un exemple plus complexe : rapporté au genre
signaler simplement quatre points : de Ia « Comédie dramatique )>, comme le signale la lettre « O » Qr-ri précède
- La différence entre les catégories génériques employées concerne le titre dans la liste des films, le film est, une ligne plus bas, introduit au
autant leur nombre que leur dénomination. Ceftaines divergences dans le lecteur et futur spectateur comme un « feLrilleton familial >>. Une telle éti-
classement des films proviennent d'ailleurs de l'existence ou non d'une quette, trop inusuelle pour être vraiment générique, ne relève pas d'ttne
catégorie dans Ia « grille des genres >> proposée par chaque guide. Ainsi, en volonté d'affiner la dénomination générique, comme c'est le cas avec les
2002, M ic rocosmos (NuridsanylPerennou, I 996) relevait-il dans L' Officiel labels « Comédie romantique » oll << Drame psychologique ». Elle ne sau-
du genre << Dessin animé-Vie des animaux », signalé par un << J » comme... rait non plus signer une inadéquation du film de Kechiche au genre de la
jeunesse, et dans Pariscope du terme « Documentaire>>, faute de catégorie « Comédie dramatique >> dans Ia mesure où ce genre est si vaste et flou
<<Documentaire » dans le premier, et de catégorie « Vie des animaux ,, qu'il peut presqLle être considéré comme le genre « des films qui n'ont pas
dans le second. de genre » ou auxquels on ne parvient pas à en assigner. Elle procède plu-
- Les genres communs aux deux listes sont ceux qui servent de classe tôt, sans doute dans une logique auteuriste, d'une volonté (même mala-
à de nombreux films (comme « Comédie » ou << Comédie dramatique >>), droite) de singulariser le film, ce qui va précisément à l'encontre de la logi-
mais certains, actuellement peu fournis, traduisent une prolixité passée, que générique qui travaille au contraire à ramener les æuvres à des
comme l'étiquette « Western » quasiment réservée aux reprises ou catégories générales.
« Karaté », reliquat vraisemblable de la vogue, dans les années 1970, des Bien que Pariscope ait aujourd'hui abandonné sa grille de classement
films d'arts martiaux popularisés par Bruce Lee. par genre qlue L'Officiel conserve en revanche sans y avoir introduit de
- Les catégories utilisées sont d'une extrême diversité : leurs contours modification, les deux guides continuent à définir chaque film par une
sont parfois flous (« Comédie dramatique ») ou au contraire très précis dénomination générique. S'il n'est donc plus possible de comparer leurs
(« Karaté >> ou << Western ») ; elles indiquent tantôt une communauté de systèmes de classification, il n'en reste pas moins que, aujourd'hui comme
14 Les genres clu cinéma Dans la.jungle cles gertres l5

par le passé, un nombre non négligeable de films ne se voit pas attribuer la genre, mais l'existence théorique des genres dans la tête et sous la plume
même identité générique dans les deux guides .En 1999, Daicer in the dark àe spécialistes du cinéma. I-es t9 genres distingués, ainsi que la-taille du
(Lars von Trier) était, pour L'officjel un film musicar, et pour pariscope ,oyoïrug" imparli à chacun, reflètent avallt toLlt la vitalité de ces l9 genres
un drame. En 2001 , L'Anglaise et le duc (Rohmer) passait,à'un hebdoma- dans le tiavaii de ceux qui pensent ou écrivent sur le cinéma, journalistes,
daire à I'autre, de la comédie dramatique au drame psychologique. En essayistes ou universitaires. Les genres identifiés ici sont censés avoir une
2008, pour L'officiel, sagan (Kurys, 2007) esr tn biopiô (iattaché àia caté- exisience théorique dans la communaLlté des ,< spécialistes >>_du cinéma.
gorie « Biographie », que reconnaît le guide) et The Dark Night-Le cheva-
lier noir (Nolan, 2008), le dernier Batman en date, est un film de science-
- On constate une certaine continuité avec les guides des spectacles
dans les dénominations utilisées, ce qui semblerait indiquer que certains
fiction, alors que Pariscope les désigne, respectivement, comme un drame genres Sont l'objet d'une reconnaissance consensuelle entre spécialistes et
et comme un film d'aventures. s'accordent sltr
[rand public. Cèla ne veut pas dire que les uns et les autres
i'rppu.t"runce de tel ou tef film au western ou à la comédie, ni sr-rr la déli-
miiâtion de ces genres, mais cela indique que la catégorie génériqLre existe
Le classement par genre des livres de cinéma variations
chez les uns et Jhez les autres. Néanmoins, une fois encore, des
Les genres sont aussi utilisés, en bibliothèque, comme catégorie de classe- existent : le « Comique, burlesque » et le « Peplum >> font leur entrée.
ment d'une partie des livres sur le cinéma. Les classes généiiques, qui cor- * Le classement de la Bffi distingue << Genres » et << Typologies »' ll
respondent alors à des cotes
précises, remplissent même fônction
-la rejette ainsi hors des appellations génériques. le « Documentaire » et
d'orientation pour le lecteur que celles des guides des spectacles pour le l,« Animation ». Les 8 rubriques de « Typologie », où ils trouvent leur
spectateur. Mais elles sont aussi, pour les bibliothécairès, une f'açon de place à côté du « Film amateur >> on du « Film d'entreprise » (qui n'avaient
ranger, dans l'espace, sur les rayonnages, ces objets matériels que sont les èvidemment aucune raison d'exister dans un guide des spectacles publics),
ouvrages. considérons I'exemple de la paftie Médiathèque dJla Bifit où font globalement référence, non aux éléments thématiques ou formels des
l'accès aux collections est libre. La consultation des documents, du fait de films] mais à leur statut pragmatique, c'est-à-dire à I'espace de commttni-
la spécialisation de Ia bibliothèque en cinéma, concerne principalement un cation dans lesquels ils sônt-reçus, défini par des institr"rtions ou des modes
lectorat d'amateurs cinéphiles, d'étudiants et de cherchér.*, plrs restreint de lecturel.
de la litté-
que celui de L'officiel ou de Pariscope. pour s'en tenir auxbuvrages, ils - La division par genres ne rend pas compte de l'ensemble
qu'elle réalisait
sont regroupés en classes (ouvrages de référence/Histoire du cinéma/Étu- rature réunie a la ÈiUllothèque sur le cinéma. Alors dans
des théoriques/Typologie, genres, thèmes/Films : du scénario à la critique/ L'Ojjicielune partition de l'ènsemble des filfirs, elle cohabite àla Bifi avec
Biographies/Technique/Législation, Économie, Administration). Le clas- a'aüires classés. Chacune d'entre elles traduit une approche dr-r cinéma
sement par genres n'est donc qu'une sous-classe de la troisième classe, où différente: les genres ne sont donc qu'une manière, parmi d'autres, de
il suit à la cote << 32. >> la sous-classe par types. Les ouvrages regroupés ici s'intéresser aux films et d'appréhender le cinéma.
sont des ollvrages consacrés aux théories des genres au cinéina, puis à
l? g"l.9l cinématographiques répenoriés par la Bffi et organisés pai ordre Les dictionnaires encyclopédiques
alphabétique : Arts martiaux/Aventure/Biog.aphies filmées/iomédie/
comique, blrlesque/Drame/Film pour enfants/Érotisme. pornographie/ Les dictionnaires encyclopédiques du cinéma ou des genres et mollve-
Espionnage/Fantastique/Film de guerre/Film historiqueÆilm musical/ ments au cinéma, qui ont vocation à répertorier l'ensemble des genres
Peplu m/Pol icier/Pol itique, mi I itant/science-Fiction/serial, série B/lv'estem. cinématographiques, proposent, eux aussi, leurs catégOries. Ils donnent en
Quatre remarques s'imposent : général piui e,riÉe de genre une dénomination, une liste des
"nuqre-
Iaractériitiqres, u, aperçLl historique et une liste des << principaux » f,lms
. - Les catégories génériques reconnues par les bibriothécaires n'orga-
nisent pas des ensembles de films, mais des ensembles de livres écrits iur
les films. Elles s'efforcent de traduire non l'appartenance de films à un
l. Rogel Odin, « Sémio-pragmatique du cinérna et de l'audiovisuel. Modes et in(titutiorls », in
Tt»,urds a Pragmutics of th.e Audittvisual volume 1. sous la direction de Jürgen E. Miiller'
Miinstcr'
I. Bibliothèque du film, Cinénrathèque française, 5I, rue de Bercy, 2 paris
7-501 Nodus Publik:rtioncn. P. .1.1-46.
16 Les genres du cinéma Dars la jungle des genres 11

du genre. Ce faisant, ils tendent à réduire I'ensemble des films d'un même ainsi que par leur déf,nition (même si nous avons jusqu'à présent provlsol-
genre, pour des raisons sans doute pratiques, éditoriales et pédagogiques, r"*"nl lalssé ce dernier point de côté pour saisir de façon privilégiée la
à une poignée de titres, souvent célèbres. Évidemment, comme ie l"ôteur logique des types de découpage). L examen des catalogues et des dénorni-
attentif s'y attend, dans ce type d'ouvrages aussi il n'y a pas accord parfait nutiors utilisees par l'industrie cinématographique conlirme la variabilité
sur le nom, le nombre, les dimensions, la définition du genrel !Cès dic- des catégories employées. Il en va de même avec les noms de genres éla-
tionnaires, comme c'est d'ailleurs l'usage dans tout dictionnaire, prati- borés, employés ou étudiés par les critiques et historiens du cinéma, dont
quent généreusement les renvois d'un genre à I'autre. Ainsi Écoles, genres c'est par âiltèors un des rôles que de constituer, organiser et discuter, de
et mouvements au cinéma de vincent Pinel invite-t-il explicitement son f-açon rigoureuse et informée, des classes et des grollpes de_îlms. Ainsi
lecteur à se reporter à quatre autres entrées génériques dans la définition Stôve Niale, pour proposer un panorama des genres hollywoodiens,
qu'il donne du film historique : retient-il 16 gènres principaux, sélectionnés parce qu'ils répondent aux
Avec le recul du temps, tous les films deviennent « historiques », c'est-à-dire des
deux critères-suivants: ils ont fait l'objet d'un examen détaillé par les
objets d'Histoire. Pour autant, ce ne sont pas des films historiques au sens où on critiques ; leurs déterminations théoriques coïncident avec les appellations
I'entendra ici : des films de fiction dont l'action se déroule dans un passé recom- données par f indr-rstrie cinématographiquel. Toutefois ces genres, qu'il
posé. Le film historique, ainsi défini, ne constitue pas un genre ru sens étroit du qualif,e d incontestés, sont loin d'être incontestables. Il indiqure en ef-fet,
terme mais un vaste domaine qui recouvre, en tout ou partie, la plupart des grands en préambule à leur examen, que les théoriciens s'accordent en général
genres de l'écran, tor.rt particulièrement le > western et le lilm de > guerre. sur une douzaine de genres et lui-même paft d'une première proposition
Par ailleurs, le film historique nc relève pas seulement de la fiction (voir Docu- de l0 genres, indiqués par Richard Maltby : 4 catégories certaines (le wes-
rnentaire et Itilm del Montage'. tern, là comédie, la cômédie musicale, le film de glerre), 4 catégories
« additionnelles » (le thriller, le fllm de gangsters, l'horreur et la science-
Si la référence implicite à /oas les autres genres peut laisser planer un fiction) et2 catégories à part, car elles sont l'objet d'études et de discus-
doute sur Ia pertinence de la catégorie « Film historique », ce système de sions nombreuses et ir-npàrtantes (le film noir ei le mélodrame)2. À cette
renvois a le mérite de souligner un fait important dont ne rendent pas liste de catégories, qui n'ont visiblement pas le rnême statut, Neale ajoute
compte les précédents classements : le mélange des genres cinématogra- 6 genres : le fltm poii"ie. (detective.fiLrz), le filn-r épique à grand spectacle
phiques. (epic),le film social, le film d'adolescenls (reenpic, dont les personnages
Les genres catalogués dans les dictionnaires sont également en beau- piin.ipuu* sont en général des adolescents et qui s'adresse à_un public
coup plus grand nombre. Ils répertorient en effet l'ensemble des genres ciné- àdoleiceng, le film biographique (biopic),le film d'action et d'aventure.
matographiques dont l'existence aété attestée à un moment ou à un autre de De plus, ces 16 genres sont constamment sujets à des réarnénagements par
I'histoire du cinéma et de I'histoire de son étude, et ne se contentent pas de les producteurs et objets de débats et de redéfinitions, comme le montre
faire état de la production tïlmique contemporaine, des dénominations en l'exàmen détaillé qu'il fait par la suite de la littérature critique consacrée à
usage actuellement ou même des seules catégories instituées par la critique. chacun. Même la iestriction du champ au cinéma hollywoodien, c'est-à-
dire à une cinématographie dont on considère souvent qu'elle est cons-
truite et organisée par le genre, ne permet pas d'échapper à la variabilité
Des catégories génériques discordantes
des appellations.
Les classements que nous venons de voir proposent des catégories généri- Lôs catégories génériques ne sont ni partout, ni pour tor-rt le monde, ni
ques différentes par leur nombre, par leur appellation, par leur contenu, à toutes les époques les mêmes, parce qu'elles renvoient à des rapports au
cinéma différents et qu'elles ne peuvent, de ce fait, avoir le même sells et
la même fonction. Comme on I'a vu, les programmes de cinéma, dans tln
l. Voir pour contparaison les entrées proposées par Dictionnuire du tinéma moruliul. Mouventents,
éutles,courunrs,îendail(esetgenres, sousladirectiond'Alainetodettevirmaux, op.cit.,etparyin- souci de communication, n'utilisent que des dénominations génériques
cent Pinel, Étnles, genres et nouÿements ur,t t'inérnu, op. t:it, qui traitent par ailleurs dans une même
liste tles catégories au statut différcnt : mouvements et genres n'organisent pas des groupes de films à
panir des nrêmes critères et ne traduisent pas une appréhension comparable du cinéma. l. Steve Neale, Genre untl Holll'world, LoncJreslNew York, Routledge, 2000, p 5l'
2. Vincent Pinel, Étttles, genres et mouÿemefits dlt t:inénu, op. cit.,p. 120. 2. Richard Maltby, HoLtytvood Citrcmu : An Introducti1a, oxford, Blackwell, 199-5, p. ll6
18 Les genres elu cinéma Dons lo jwryle tles gartras

communes (supposées connues de leur lectorat), en nombre relativement res- Typologie impossible ?
treint, et suffisantes pour caractériser les films actuellement sur les écrans,
alors que les dictionnaires et les ouvrages savants proposent au contraire, Il ne saurait y avoir de typologie universelle des genres, construite sr-tr des
dans un souci encyclopédique et didactique, de longues listes, où les appel- distinctions ieconnues de tous, organisée en catégories stables et décou-
lations et les genres les plus familiers en côtoient un certain nombre d'autres pant de façon définitive le paysage cinématographiqLre en groupes de
disparus ou exotiques. Classer des films par genres, c'est donc bien plus que hlms. NouJallons donc maintenant rentrer à l'intérieur des listes de genres
cartographier le monde des oeuvres cinématographiques ou repérer sur quel cinématographiques, pour voir les principes selon lesquels sont organisées
continent se trouve un film. C'est exprimer, activer ou accepter un système les différentes catégories usuelles.
de références commun et implicite, c'est pratiquer une forme de «jeu
d'étiquetage >>, selon les termes proposés par Jean-Pieme Esquenazi au sujet
Des niveaux de caractérisation différents
des genres d'émissions télévisuelles et inspirés des « jeux de langage»
décrits par Wittgensteinr. Pratiqué par une cômmunauté lde spectateùrs] de Le propre d'une comédie est de faire rire ou sourire (à condition bien sûr
producteurs, de critiques, etc.). ce jeu d'étiquetage résulte avant tout d'habi- qu'ètle solt réussie) ; Lln western a porlr sujet la vie sur une frontière, celle
tudes de production et de réception. Utilisées de façon quasi automatique par de l'Ouest américain, à l'époque de la conquête de I'Ouest (1840-1890).
ceux qui partagent une même appréhension du monde du cinéma, ces éti- Pour (trop) sommaires qu'elles soient, ces déflnitions suffisent à montrer
quettes produisent néanmoins des distinctions génériques effectives. Il existe que les qui permettent de définir ces deux genres ne peuvent être
donc plusieurs jeux d'étiquetage possibles et concuments : chacun découle Àir rrr "iitèr"s
le même plân : la comédie se signale par I'effet qu'elle cherche à
d'une vision et d'un usage, particuliers mais partagés, du cinéma ; tous n'ont produire sur Ses spectateurs, le western par Son contenll thématique. ALt-
de sens et de valeur classificatoire que parce qu'ils reposent sur un accord àelà de ces delrx èxemples, on constate que les propriétés qui servent t)
préalable entre ceux qui les emploient. En filant la métaphore du jeu, on peut caractériser et identifier les genres ne sont pas de même natLlre. Atl
dire que les différentes communautés qui s'accordent sur un système classi- cinéma, les justi{rcations des différentes catégories génériques sont aussi
ficatoire s'accordent sur les cartes (le corpus des films considérés) et sur les variées que celles invoquées pour distingr:er les genres littéraires, dont
règles du jeu (les critères qui servent à déterminer les ressemblances et les Jean-Marie Schaeffer remarque :

différences discriminantes entre les films). Derrière le genre qui classe se dis-
Lorsqu'on parcourt la liste des noms de genres usuels, il apparaît très vile qtre
simule toujours un « classeur », derrière le classement, une attitude ou une
l'hétérogénèité des phénomènes qu'ils identifient tient tout sirnplenrent au fitit
stratégie interprétative : c'est pourquoi le genre est à la fois une catégorie de
qu'ils niinvestissenlpas tous le même niveau discursif, mais se rétèrent tantôt à
classement et, nous y reviendrons au chapitre 4, une catégorie de l'interpré-
liun, tantôt à l'autre et, le plus souvent, à plusieurs d'entre eux à la foisl'
tution, qui nous en apprend autant surceux qui l'utilisent que sur les films
qu'elle désigne et englobe. Ce théoricien de la littérature détermine cinq niveaux distincts de dif--
Il en résulte que la récurrence de cerlaines appellations génériques férenciation, qui peuvent tous servir à élaborer Ies catégories génériques et
dans les différentes typologies que nous avons évoquées précédemment qui ne ,e"ouri"n1 pas les mêmes phénomènes. Trois de ces nivear"rx (le
(comme le western, la comédie, le film de guerre ou la comédie musicale, ,ir"uu de l'énonciàtictn, le niveau de la destination, le niveau de la fon,c-
la science-fiction, etc.) ne provient pas uniquement de la << pureté ,> des for- tion) décotient du fait c1u'une æLlvre n'est pas seulement un texte, mais
mes filmiques qu'elles désignent : ces appellations récurrentes témoignent qu'elle réalise un acte de communication :
aussi un consensus culturel plus global, et donc peut-être plus mou, qui Un message émis par une personne donnée dans des cirConstances et avec Lln
transcende et traverse les communautés particulières de producteurs, pres- but spécifiques, reçu par une autre personne dans des circonstances et avec un
2.
cripteurs, critiques, spectateurs. but non moins sPécifiques

l. Jean-Pierre Esquenazi, « Le Renouvellement d'un jeu de langage. Cenres et canaux >>, Réseaux,
n'81, "Les Cenres télévisuels,,, sous la direction de François Jost, Paris, CNET,janvier-tévrier
1997, p. l0-5. Pour la notion de « jeu de langage l.Jean-Marieschaeflèr, ()Lt'esr-rcrlu'Ltngenrelittéruire?,op.t:it.,p'81
", voir Ludwig Wittgenstein, lnvestigutkns phiktxt-
ltltiques, Paris, Gallinrard, Tel, l96l tl945l. 2. lbkl.,p.80.
20 Les genres ducinéma Dans lajungle des genres 2l

Ainsi, le niveau de l'énonciation corespond à la question « Qui changé : le film à usage privé (une sorte de « film de famille >>, tourné tou-
parle ? », celui de la destination à la question « A qui ? » et celui de la fonc- tefoi§ par un réalisateur professionnel et dans un format inhabituel pour le
tion à la question « Avec quel effet ? ». Les deux autres niveaux (le niveau genre !) serait devenu avec le temps r"rn objet d'intérêt général à usage
sémantique et le niveau syntaxique) concernent le message réalisé, c'est-à- public, un documentaire à valeur historique témoignant d'un aspect de la
dire le texte, ou pour ce qui nous concerne le film. Le niveau sémantique vie politique (une campagne électorale).
correspond à la question << Qu'est-ce qui est dit ? » et le niveau syntaxique - Le niveau de la fonction. Les genres peuvent se définir par la fonc-
à la question << Comment c'est dit ? >>. Ces cinq niveaux de différenciation, tion qu'ils prétendent accomplir, par leur programme en quelque sorte.
établis à propos des genres du discoursl, vont nous être très utiles pour Certains ont une fonction ilLocutoire, c'est-à-dire qu'ils disent le but com-
comprendre où et comment se jouent les distinctions entre genres municationnel que les films et leurs auteurs veulent remplir : ainsi un docu-
cinématographiques : à un seul ou plusieurs de ces cinq niveaux. mentaire s'emploie Souvent à décrire aux spectateurs comment sont les
- Le niveau de l'énonciation. Il intervient par exemple pour distin- choses. D'autrès genres ont une fonction perlocutoirer , c'esfà-dire qu'ils
guer le genre documentaire (dans l'hypothèse où l'on fait effectivement du visent à changer le compofiement des spectateurs, à provoquer chez eux un
documentaire un genre, et non une forme). L'énonciation du documentaire effet : ainsi, une comédie suscite le rire, un film érotique ou pornographi-
se fait sur un mode informatif, « qui cherche è rendre compte d'occurren- que suscite l'excitation sexuelle, un film d'horreur le sentiment de peur ou
ces réelles dans le monde des phénomènes ,', alors que les autres genres d'épouvante.
se présentent en général comme des énoncés fictifs, relevant d'une énon-
- Le niveau sémantique. De nombreux genres se distinguent parwes- des
ciation fictionnelle. éléments sémantiques : leurs thèmes, leurs motifs ou leurs sujets. Le
- Le niveau de la destination. Certains des genres cinématographi- tem est caractérisé par les espaces (sierras, déserts, canyons...), les lieux
ques que nous avons déjà rencontrés comme le film pour enfants, se défi- (saloons, banques,..), les personnages (cow-boy, cheval, Indien, commu-
nissent par des destinataires spécifiques alors qu'a priori les autres appel- nautés de pionniers, chanteuse de saloon, shérif...), les objets (chariots,
lations génériques n'impliquent pas un spectateur particulier. De la même diligences, c oLts et shotguns...), les situations (affrontements entre le héros
manière, un film de famille, réalisé en Super 8 ou en vidéo par un de ses et urn vilLain, traversées de fleuve, attaques de chariots par les Indiens, atta-
membres, s'adresse la plupart du temps à la famille qui I'a tourné et dont ques de la diligence par des hors-la-loi, duels à I'arme à feu.. . ) qui appar-
elle est le sujet. On ne s'étonnera donc pas d'en voir très rarement dans des tiennent à l'Ouest américain de la fin du XIX" siècle'. D'autres'éléments
séances publiques ! Ainsi, c'est un changement de destination qui est sémantiques définissent d'autres genres : les samouraïs, les moines et leurs
avancé, officiellement bien sûr, par Valéry Giscard d'Estaing pour justifier élèves, les combats aériens, les affrontements à mains nus ou les luttes au
l'absence de diffusion pendant 27 ans du film de Raymond Depardon, sabre où se résolvent les conflits entre le Bien et le Mal, une morale du
1974, une partie cle campagne, et pour expliquer son autorisation de sortie détachement et de la maîtrise corporelle et psychique de soi constituent le
début2002. L'ancien président explique que ce film, consacré à sa campa- matériel des films d'arts martiaux ; des êtres inhumains par leur nature
gne électorale - qu'il avait en partie financé et sur lequel il pouvait donc (diable, esprits, morts-vivants, singes géants, créatures hybrides en tollt
exercer un contrôle et une censure - était à ses yeux comme des photos de genre) ou par leur comportement (sorciers, savants fous) peuplent les espa-
-es
vacances, « sans vocation commerciale >), et avait « pour finalité de conser- inquiétants (cryptes, cimetières, châteaux en ruines, demeures hantées,
ver une trace très personnelle et émotionnelle de < sa > campagne ,3. En maisons isolées, constructions anciennes...) du fantastique et de I'horreur ;
2002, à la faveur d'une nouvelle campagne présidentielle, il revient sur sa la route, l'errance et les grands espaces sont les ingrédients quasi indispen-
décision parce que, prétend-il, la destination du film lui paraît avoir sables au roacl movie,. les guerres modernes sont le sujet des films de
gllerre, qui mettent en scène des faits militaires (batailles, guets-apens,
t. Ibid.,p.82-115.
2. William Cuynn, Un cinénu rle Non-Fit:tion. Le tfutc'umentaire classitlue à l'épreuve de lu théorie, l. pour une définition des actes illocutoires et perlocutoires, voir John R. Searle, Sens el expressiotl,
Aix en Provence, Publication de l'Université de Provence,200l [990], p. 16. Minuit, 1982 U9791. p.3l-70.
3.Noteécrite,datéedu lTjanvier2002etdistribuéelorsdelaprojectiondepressedufilm.Danstou- 2. pour un catalogue détaillé des éléments sémantiques du western, voir Jean-Louis Leutrat et
tes les interviews accordées à la sortie de 1971, wre partie de cdmpugne, Giscard d'Estaing développe Suzanne Liandrat-iiuigues, Les Cartes de I'Ouest. IJn g.enre cinénatugraphique : le western, Patls,
le mêrne argunrcntaire. Alrnand Colin. 1990. p. I l-73.
22 Les genres du cinéma Dans la jungLe cles genres 23

lignes de front...), magnifient les gestes héroiQues ou privilégient les doutes tions historiques, comme le marquage sexuel du genre ou la pratiqr-re du
et les interrogations sur I'utilité du combat armé, retracent l'histoire de flash-back qui n'est pas une détermination universelle du mélodrame.
simples soldats ou d'officiers, tour à tour compétents ou dangereux.
- Le niveau syntaxique. Jean-Louis Schaeffer regroupe dans ce Des niveaux de cadrage différents
niveau l'ensemble des éléments formels. De ce fait, comme la forme
« film >> n'est pas la forme « texte » et comme le terme << syntaxique >> peut Le degré de précision des catégories génériques usuelles est extrêmement
avoir des sens différents, ce qu'on regroupe dans ce niveau peut être sujet variable, ce qui se traduit à la fois dans la compréhension du genre (ses
à discussions. La technique de fabrication des films est un des critères qui critères de déflnition) et dans son extension (le nombre de films qu'on
opèrent à ce niveau et qui justifie la catégorie générique « dessin animé >>, peut lui rapporter). Plus la déf,nition est générale, plus les limites du genre
que nous avons déjà rencontrée. On peut aussi considérer que l'altemance sont floues et donc plus les films << rentrent >> facilement dans cette catégo-
de scènes dialoguées (« réalistes ») et de scènes chantées ou dansées est un rie, comme c'est le cas par exemple avec la comédie ou le drame. De plus,
élément formel qui distingue la comédie musicale. On peut à la rigueur ces deux genres sont désignés par leur appartenance à un type
élargir le niveau syntaxique aux traits narratologiques qui caractérisent par- dramatique : le cinéma hérite donc d'une longue tradition théâtrale où ils
tiellement certains genres, comme leflash-back qui est une forme privilégiée se sont définis, développés, métamorphosés. Ainsi le drame, né au
du récit dans le film noir et le mélodrame, ou la focalisation spectatorielle qui xvttf siècle comme genre intermédiaire entre la comédie et la tragédie,
est souvent le moteur des comédies ou des genres du suspense tels le thriller. finit après deux siècles de mutations et de reformulations par caractériser
Force est de constater la pluralité et le caractère composite des réfé- de façon assez lâche au théâtre à la fin du XIX" siècle toute pièce, au ton
rents génériques. Ce n'est pas toujours le même niveau qui intervient dans grave, dont I'action consiste en affrontements violents et pathétiques entre
la dénomination des genres : bien qr-re la pluparl d'entre eux puissent très des personnages inscrits dans un cadre historique ou social déterminé. La
largement être fondés sur une communauté de traits sémantiques et théma- dénomination passe ensuite au cinéma où elle permet dans les premiers
tiques, ce niveau est complètement neutre quand il s'agit de caractériser la temps de classer les films qui ne sont ni des documentaires ni des comé-
comédie - si tant est qu'on accepte de considérer ce gigantesque ensemble dies avant de couvrir ensuite encore un champ très large, si vaste qu'il est
transnational et transhistorique comme un genre. La comédie n'est définie nécessaire de préciser la nature du drame (romantique, historique, psycho-
que par sa fonction, n'implique pas de sujet parliculier et peut faire appel à logique, social...). A l'inverse de ces vastes cadrages, souvent transnatio-
des mécanismes et des procédés extrêmements variés. Seule sa fonction naux, transartistiques et transhistoriques, tellement vastes qu'ils tendent à
(faire rire ou sourire) la caractérise, et ce n'est que lorsque l'on ajoute une perdre leur valeur opératoire, on trouve des catégories d'une grande préci-
détermination secondaire que l'on prend en compte les niveaux syntaxi- sion, colnme le gore, un genre proprement cinématographique né en 1963
ques ou sémantiques : par exemple, les comédies romctntiques, de New avec Blood Feast (Lewis), où l'horreur se combine avec la répulsion, dans
York-Miami (Capra, 1934) àTout peut arriver (Meyers, 2003) en passant un parti pris de montrer, et non de suggérer, la violence : cadavres mr"rtilés
par L'lmpossible Monsieur Bébé (Hawks, 1938) ou Vous avez un message et déchiquetés, corps atrocement blessés et mutilés, sang répandu à flots.
(Ephron, 1998), ont pour héros un couple d'amoureux que le récit mène, De même, certains genres, caractéristiques des cinémas asiatiques et plus
après une série de péripéties et de rebondissements, d'une rencontre initiale, particulièrement du cinéma de Hongkong, peuvent paraître, sutlout à un
souvent teintée d'hostilité, àun happy end amotreux. On peut cefies tou- spectateur occidental, particulièrement spécifiques : on pense par exemple
jours s'efforcer de justifier une appellation générique par une combinaison at wu-xia-pian et ses combats d'épée, où s'illustrèrent dans les années
de ces cinq niveaux : par exemple, on pounait dire que le mélodrame relève 1960 à Hongkong King Hu (Come Drink with me, 1965lA Touch of Zen,
d'une énonciation fictionnelle (énonciation), qu'il s'adresse, particuliè- 1912) et Chang Cheh(Tiger Ûoy,1960) ou aux films de kung-fu et leurs
rement aux États-Unis, à un public féminin (destination), qu'il fait pleurer luttes aériennes, comme Lo Fureur de vaincre (Luo Wei, 1972) où le chi-
(fonction). qu'il met l'accent sur des conflits de générations ou de sexes, sur nois Chen-Chen, joué par Bruce Lee, élève d'une école de kung-fu,
l'opposition du désir et de la loi (sémantique), qu'il se construit souvent affronte dans le Shanghai des années 1940 les dirigeants japonais d'une
gràce atflash-back, par Lln récit au passé conduit par la voix d'un narrateur école de karaté qui ont tué son maître. Même sans entrerdans la distinc-
qui est aussi un des personnages du récit (syntaxique).N4ais ce serait faire tion chinoise entre les deux genres du wu-xia-pian etktng-fu (fondée sur
rentrer, dans un schéma qui ne tient pas compte du contexte, des détermina- le type de lutte pratiqué), le genre plus large qui les réunit souvent pour Ie
24 Les genres du cinémct Dans la jungle cles genres 25

spectateur français - le film d'arts martiaux - semble encore, vu d'Occi- appaftient dans les années 1920 à une époque moins reculée !) et peuvent
dent, une catégorie très étroite. même se passer dans une époque contemporaine de leur tournage. La
Ces difTérences entre catégories d'une grande généralité et catégories constitution et la permanence d'un genre <( western », à côté du film histo-
au contenu très précis sont bien le fait de cadrages différents dans la mesure rique, traduisent donc la volonté de choisir un cadrage plus serré pour défi-
où elles proviennent en partie du système aftistique et culturel plus global nir les fllms sur l'Ouest américain et qui les englobe tous. Si ce choix inter-
dans lequel les genres sont conçus et sont reçus. Les genres cinématogra- prétatif peut se justifier par le nombre considérable de films sur ce sujet, il
phiques portent avec eux et en eux la marque d'autres genres, littéraires ou traduit aussi des motivations idéologiques qui font de la consti-tution de la
spectaculaires, dont ils partagent pariois le degré d'indétermination ou de nation américaine une catégorie à part dans une production cinématogra-
précision. De plus, l'évaluation de ce degré doit aussi beaucoup à la culture phique dominée, à partir des années 1910, par le cinéma hollywoodien.
du spectateur : les spectateurs de Hongkong ne trouvent certainement pas Quant aux films qui relèvent de plusieurs genres, ils sont légion : le Napo-
étroites les limites de la notion de film d'arts martiaux et les aficionados de léon d' AbelGance (1927) est à la fois un film historique et un film biographique,
l'horeur trouveront la distinction horreur/gore trop vague et proposeront l,es Sept Femmes de Barberou.sse (Donen, 1954) relève de la comédie musi-
de découper I'horreur en épouvante, gore. psycho-killer, slasher. splatert, cale et du western, Certains l'aiment chawd (Wilder, 1959) est une comédie
stalkel, etc. Le cadrage retenu explique aussi les hésitations récurrentes mais emprunte aussi au film de gangsters, Le Bal des Vampires (Polanski,
entre genres et sous-genres d'où proviennent certaines différences entre les 1967) est en même temps un film fantastique et une comédie parodique du
typologies usuelles ou savantes : certaines font par exemple du film de genre, [Jn crime farpair (Iglesia, 2005) est à la fois une comédie et un film noir,
gangsters, du film noir, du film policier, du thriller des genres autonomes, dans lequel un vendeur dans un grand magasin, séducteur et ambitieux, se
d'autres les inscrivent dans un grand genre complexe, le film criminel. trouve pris dans un engrenage infernal après un premier metlrtre. etc' Sans
doute cette ignorance du mélange par les typologies est-elle imputable au fait
Le mélange des genres que, dans un effort de rationalisation, elles tendent à opérer leur classification
sur le modèle biologique scientifique : or, comme le dit Jean-Louis Schaeffer,
L un des effets pervers d'une typologie, dont la fonction est de découper et « la classification biologique repose sur une relation d'inclusion globale,
construire des catégories, est de donner l'illusion que les genres sont purs l'individu comme tel, dans sa constitution organique appaftenânt à une classe
et étanches. On sait bien. dans les faits.. que les genres sont souvent hybrides, spécifique »1, ce qui n'est pas le cas des classifications d'objets artefactuels
comme le montrent les « alliances »' du western muet avec le burlesque comme les films. Ces derniers n'appaftiennent pas à un genre, ils peuvent juste
d'abord, puis avec le mélodrame dans les années l920.De plus, cerlaines des être regroupés dans un genre parce qu'ils présentent des caractéristiques
distinctions entre les genres semblent purement conventionnelles : le wes- communes. Ainsi, le film Napoléo,? peut être un film biographique parce qu'il
tern, dans sa forme classique, pourrait être englobé dans le genre du film a en commun avec d'autres films de retracer la vie d'un homme et il peut aussi
historique, puisqu'il raconte des épisodes, inspirés de faits réels ou fictifs, être un film historique parce que son intrigue, s'appuyant sur la recomposition
qui se passent dans un Far West passé recomposé. Ce ne serait pas le cas d'une période historique, le rapproche d'autres films qui recomposent le passé,
en revanche d'un grand nombre des westerns des années 1920 qui plongent sans nécessairement choisir la voie biographique. En revanche, la personne de
peu dans des temps anciens (il faut dire aussi que la Conquête de I'Ouest Napoléon, considérée d'un point de vue biologique, appartient tout entière au
genre humain et à aucun autre : c'est Napoléon, et non ceftaines de ses carac-
l. De l'anglais, to splùrer (éclabousser, gicler). La notion de splatter movie souligne une dimension téristiques, qui appartient au genre humain.
joyeuse qui n'apparaît pas dans le gore. Cl. John McCany, Splutter Movies: Breaking the LustTaboo
ol the Screen, New York, St. Marin Press, 1984.
2. Le verbe anglais to slalk évoque à la fbis l'idée d'une marche régulière, que rien n'arrête, et celle La hiérarchie des genres
d'urre traque. Ces deux actions définissent les meurtriers des stulker rnovles, comme le tueur du ven-
dredi de la série des Vendredi /J ou comme le Freddy des Gri.fiès de la nuit (Craven, 1984) et de ses En mettant en lumière les cadrages différents qui président à la constitu-
suites. C). Philippe Rouyer, Le Cinénu gtre. Une esthétique du sang, Paris, Cerf, « 7" Art », 1997,
p. 87-e0.
tion des différentes catégories génériques, nous avons montré qu'ils se
3. Ternre proposé par Jean-Louis Leutlat dans L'ALliance brisée. Le Westent des unnées 20, Lyon,
Presses Univelsitaires de Lyon-lnstitut Lumière, I985, et repris dans Les Curtes de I'Oues1 op. cit. L Qu'est-ce qu'un genre littéraire '/, op.cit.,p.7l.
26 Les genres du cinénta Dans la jungle des genres 21

fondaient sur des référents culturels variables. Mais les typologies, en jux- consacre à la comédie dans la version de la Poétique qui nous est parvenue
taposant les genres, ignorent également la hiérarchie des genres dans la font du genre un genre bas :
culture. Jean-Loup Bor-rrget souligne que dans le classicisme hollywoo-
La comédie est, comme nous l'avons dit, une imitation d'hommes sans grande
dien, les genres ne sont pas tous égaux en terme de valeur : << adaptations
littéraires, drames, films à grand spectacle, jouissent d'un prestige éclatant
-
vertu non qu'elle traite du vice dans sa totalité, puisque le comique n'est
qu'une partie du laid. Le comique tient en effet à un défaut et à une laideur qui
que n'ont pas les comédies, les films d'horreur ou les films d'aventures à n'entraînent ni douleur, ni dommage : ainsi par exemple un masque comique
petit budget,rl. Des facteurs économiques comme l'appartenance à la peut être laid et difforme sans exprimer la douleurl.
série A ou B expliquent certes cette hiérarchie des productions, mais il
serait naïf d'imaginer que la logique économique n'exprime pas une logi- Dès le xvlt" siècle donc, les auteurs de théâtre sont partagés entre la
que symbolique et culturelle qui hiérarchise les æuvres et les genres. volonté de construire leurs pièces sur un rire d'inspiration farcesque et le
Comme le remarque Bourget, la réalisation d'un film historique donne de désir de se débarrasser du rire violent pour faire de la comédie un grand
nos jours une respectabilité que ne confèrent pas les films de science-fic- genre, qui fait rire mais qui instruit. Pour prendre un exemple fameux, la
tion. En témoignent les sept Oscars reçus pour La Liste de Schindler première tendance se manifeste chez Molière dans Les Fourberies cle Sca-
(1994),les premiers de la carrière de Spielberg et que ne lui avaient valu pin et la deuxième dans Le Misanthrope. C'est pourquoi le xvttl" siècle,
ni Renconîres du troisième type (1977), ni Jurassic Park (1993)'. Quant à qui rnet à I'honneur avec Beaumarchais ou Diderot un comique mêlé et
E.T. (1982), il avait dû se contenter d'Oscars récompensant la technique. moral, puis le xlx" siècle, préfèrent toujours Le Misanthrope atx Fourberies
Le statut hiérarchique des genres cinématographiques renvoie ainsi à de Scapin. Si bien que la lecture des classiques aux xvluc et xtx" siècles
des légitimités ou des illégitimités culturelles plus générales. Le cas de la amène à penser qu'ils ont tous voulu vider la comédie du rire farcesque,
comédie en France, genre traditionnellement peu valorisé quand il s'agit de brut ou populaire, ce qui, si on les relit bien, est loin d'être le cas. Il semble
films français, le montre bien : les critiques ou les notices consacrées aux que les classiques et leurs successeurs aient voulu débarrasser la comédie
films comiques français, même lorsqu'elles reconnaissent que le film est d'un rire brut (le rire du peuple) comme la modernité stigmatisera plus tard
plutôt réussi, modèrent leur enthousiasme. Les clichés, peu laudatifs, du le « rire bourgeois » d'un Feydeau ou d'un Labiche. La comédie en France
type « Ne boudons pas notre plaisir ,r, ,, La mécanique du rire fonctionne >>, n'est un genre acceptable qu'à condition qu'elle ne soit pas seulement une
« Un film divertissant qui permet de passer un bon moment >> s'égrainent à comédie.
l'envi sous les plumes des critiques. Le genre, moins décrié si le film vient Notons enfin que la préférence accordée à une dénomination générique
d'ailleurs, n'arrive à trouver ses lettres de noblesse que lorsqu'il sort du plutôt qu'à une alltre, dans le cas où plusieurs termes sont disponibles dans
strict cadre du comique et qu'il « se dégage du comique un vrai malaise » le répertoire, peut obéir à une logique de distinction : ainsi le « film de
ou que « sous le rire se cachent l'émotion et le désespoir r'. Plus globale- kung-fu » connote un public populaire des années 1970,|e << film d'arts
ment, une comédie française est soit vulgaire, soit mécanique, soit bour- martiaux » est un terme plus géné,ral, mais les Cahiers du cinéma préfèrent
geoise. Cette condescendance ou ce mépris pour le genre, qualité des films employer le terme, savant du fait de sa rareté, de « film de sabre ».
mise à part, s'ancre dans une illégitimité de la comédie en France depuis
trois siècles. Le théâtre comique du XVII" siècle manifeste deux influences
contradictoires, celle de Ia farce et de la commedia dell' Arte qui mettent à La question de I'histoire
l'honneur le rire, et celle héritée d'Aristote. Les quelques lignes qu'il Les typologies enregistrent l'existence de genres, mais, en mettant à plat
leurs catégories, elles n'offrent aucune perspective historique. L'histoire
LJean-Loup Bourget, HolLttvood. La norue et la murge, Paris, Nathan, 1998; Armand Colin des genres reste extérieure à leur classement. Elles juxtaposent des catégories
Cinénra, 2005, p. l2-l 3. transhistoriques (comédie ou drame) et des catégories dont la productivité
2. lbkl., p. 13. est inscrite, en termes de films, dans un moment de I'histoire du cinéma,
3. Le voile d'opplobre ieté en France sur le cinéma purement comique semble épargner comédies tru- comme le burlesque qui survit à l'écran après les années 1930, seulement
culentes et burlesques étrangers: il est probable que si les comédies italiennes ou les films de Jerry
Lewis on reçu un bon accueil en France, c'est en partie parce que leur exotisme et, dans le cas des
conrédies italiennes, leur accord avec un cliché d'italianité les protègent. l. Aristote, Poétique, chapitre 5, traduction de Michel Magnien, Paris, Le Livre de Poche, 1990, p. 9I
28 Les genres du cinéma Dcms la jmgLe des gettres 29

comme esprit et non comme genre : des réalisateurs, souvent également liser des étiquettes génériques -, et l'impossibilité d'organiser, sur un plan
acteurs, comme Blake Edwards, Jerry Lewis ou Woody Allen, des acteurs théorique, de façon définitive et absolue, le cinéma en une typologie des
comme les Marx Brothers, des genres comme la comédie loufoque intègrent genres, définitive et universelle : les dénominations existent, mais elles ne
le comique burlesque, reprennent la figure du gag et restituent un peu de sont pas étanches, elles se recoupent, se contredisent, sont le fruit de
ce corps de pantin bondissant caractéristique de I'acteur du genrer. De niveaux de différenciation ou de cadrage différents. La tentation taxinomiqr-re,
plus, les classifications génériques font se côtoyer des genres appartenant qui conduirait à multiplier les étiquettes et ferait de la recherche dr: classe-
à des époques différentes de l'histoire du cinéma : le western, qui s'étiole ment parfait le but ultime de I'analyse, est évidemment un geste absurde.
dès les années 1970, voisine dans les typologies avec le gore qui se déve- C'est pourquoi il n'est pas étonnant de trouver fréquernment, sous la plume
loppe dans les années 1970 et 1980. Les genres << vivants » sont juxtapo- des chercheurs qui réfléchissent à la notion de genre, une allusion à Borges
sés dans les typologies avec les genres « morts >>. Cela ne veut pas dire que et à son « encyclopédie chinoise intitulée Le Marché céleste des cutnui.s-
ces derniers ne représentent ou ne signifient plus rien. Si leurs appellations san,ces bénévoles >, :

ont cessé d'être vraiment actives dans la création de nouveaux films, elles Dans les pages lointaines de ce livre, il est écrit que les animaux se divisent en
restent productives dans la mémoire cinéphilique et dans l'analyse de a) appartenant à l'Empereur, b) embaumés, c) apprivo\sés, d) cochons de lait,
films. Enfin, de même qu'elles portent en elles l'ensemble de la culture e) sirènes,/ fabuleux, g) chiens en liberté, ft) inclus dans la présentc classifica-
dans lesquelles elles s'inscrivent, les catégories génériques portent en elles tion, l) qui s'agitent comme des fous,i) innombrables, k) dessinés avec un très
son histoire : il suffit de regarder le classement qu'opère Antoine Vallet en fln pinceau de poils de chameau, l) et coetera, m) qui viennent de casser la
1963 dans Les Genres du cinéma (Paris, Ligel) pour s'en convaincre .' cruche, n) qui de loin ressemblent à des mouchesl.

l. La nature et I'homrne : le documentaire De plus, les typologies génériques ne rendent compte ni des inter-
2. La vie du monde : pages d'Histoire actions internes aux genres, ni des interactions externes entre les genres
3. L'Histoire et la légende : l'épopée cinématographiques et les autres productions artistiques et culturelles. Les
4.Laréalité et la fiction : Le film d'aventures cartes des genres ignorent enfin les dimensions géographiques et cultu-
5. Le monde des âmes : le film psychologique relles alors que précisément elles sont toutes conçues dans une époque, un
6. La conrédie humaine : le film comique lieu ou un registre d'activité donnés dont elles expriment le rappom au
7. Le rêve et la réalité : le film poétique cinéma. Cela explique en particulier le caractère ethnocentré de bien des
8. Le film sur l'art typologies européennes usuelles qui écarlent de leurs listes les genres
9. Le filrn d'animation spécifiques de cinématographies « exotiques >>, comme ceux par exemple
du cinéma japonais, un monde pourtant fortement structuré en types et en
Comme le remarque François de la Bretèque, c'est une vision spiritua-
genres. L'illusion du classement générique rigoureux et totalisant se dis-
liste du cinéma, inspirée d'Henri Agel, qui préside à ce classement : elle
sipe pour laisser la place à une véritablejungle des genres où les catégories
monte de la nature aux âmes et au rêve pôuràboutir à la poésie et à I'art2.
et les films, tels les arbres de la forêt tropicale, poussent des branches, des
racines et des lianes qui s'emmêlent et se rejoignent.

Si I'on considère les genres cinématographiques comme des catégories


de classement, on ne peut que constater la vitalité de I'activité générique sur
un plan empirique - puisque les différentes communautés de spectateurs,
de chercheurs, de critiques, de producteurs ne cessent de produire et d'uti-

l. Jacqueline Nacache, Le F'ilm hollywoodien clussique, Paris, Nathan, 1995 ; Armand Colin,
" 128 »,
2005, p. 32.
2. François de la Bretèque, " Un essai de typologie. En relisant Les Genres du cinéma d'Antoine
Vallet CinéntAt:tùn, n'68, " Panorarna des genres au cinéma » sous la direction de Michel
",
Serceau, op. t:it., p. ll-15. l. Jorge Luis Borges, Enquêtes 1937-1952, Paris, Gallimard,1957,p.141.

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